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RAPPORT SUR LE BURKINA FASO DÉVELOPPEMENT HUMAIN BURKINA FASO 2003 2003 CORRUPTION ET DÉVELOPPEMENT HUMAIN RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

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RAPPORT SUR LEBURKINA FASO

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"Corruption et développement humain"Préface III

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PRÉFACE

epuis 1997, le Groupe National de Réflexion sue le Développement HumainDurable (GNR-DHD) publie un rapport national en tant que contribution audialogue sur les politiques nationales, grâce à l'appui du Programme des Nations

Unies pour le Développement au Burkina Faso. Cette année, le GNR-DHD a retenu la luttecontre la corruption pour thème de son rapport.

En effet, la corruption constitue un phénomène mondial et aucun pays ne semble plus yéchapper. Sans aucun doute, elle constitue une entrave importante au développementhumain, notamment dans les pays en développement. Parce qu'elle conduit à des projets malgérés et finalement inefficaces et à une perte d'efficacité des dépenses sociales, elle favorisefinalement l'accroissement des inégalités et de la pauvreté humaine. La corruption se nourritaussi du manque de transparence dans la conduite des affaires publiques et s'accompagnesouvent de moindres libertés publiques, affectant notamment les contre pouvoirs tels que lapresse et la justice.

Au Burkina Faso, la prolifération dans le langage populaire de termes pour désigner lacorruption atteste déjà de l'importance que le phénomène a pu prendre. D'ailleurs, ces termessemblent désigner autant la petite corruption ("l'argent de la bière", "pourboire", "il fautpimenter ma sauce") que la grande ("couler de l'encre", "10%", "20%"). L'enquête menée par leGNR-DHD confirme cet état de fait. La corruption est perçue aujourd'hui comme unphénomène répandu au pays des hommes intègres, et ceci dans les principaux secteursd'activité!: police et gendarmerie, douane, marchés publics, mairies, justice, éducation, santé,secteur privé etc.

Les causes de la corruption sont certes multiples, mais deux facteurs sont parmi les pluscités!: les mauvaises conditions de vie en amont et l'impunité en aval. Seule une minorité desindividus interrogés par le GNR-DHD considère l'ignorance et l'analphabétisme comme unfacteur explicatif important de la corruption. C'est plutôt la perte de valeurs collectives de

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IV Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

référence, qu'il s'agisse du civisme, du patriotisme, ou encore des valeurs morales et religieuseset aussi l'émergence de valeurs individuelles négatives telles que la recherche du gain facile,qui expliquent le développement du phénomène de la corruption.

La définition d'une politique nationale de lutte contre la corruption apparaît donc nécessaireaujourd'hui. Malgré quelques vides juridiques, notamment sur le financement privé despartis politiques, le cadre normatif et institutionnel burkinabè apparaît relativement completpour que puisse s'engager une politique systématique de lutte contre la corruption. D'ailleurs,les institutions étatiques, de création ancienne ou récente, sont en place pour prendre encharge cette politique. Reste à dégager les priorités pour mener à bien ces actions, parmilesquelles on peut citer!: une meilleure diffusion de l'information administrative, la mise enplace d'un code des bonnes conduites, le développement de la culture démocratique et del'éducation civique, l'ouverture de la saisine du juge aux structures et organisations de luttecontre la corruption.

Christian LemaireReprésentant Résident du PNUD etCoordonnateur du Système des Nations Unies

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186 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

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ANNEXES

Annexe 1 Bibliographie 188

Annexe 2 Caractéristiques du développement humain 192durable au Burkina Faso

Annexe 3 Méthodologie de calcul du revenu par habitant 198

Annexe 4 Méthodologie de calcul des différents 200indices de développement

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"Corruption et développement humain"Annexes 187

Annexe 1. Bibliographie

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André Jules Boncoungou 1975 L’autorité chez les Mossi de Haute Volta, InstitutSupérieur de pastorale catéchétique, Paris

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188 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

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Bulletin officiel de l’UEMOA N° 18 du deuxième trimestre 2000 ( directives portantadoption du code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein del’UEMOA

Cadre stratégique sur la lutte contre la pauvreté 2000-2002, Ministère de l’Économieet des Finances, Ouagadougou, 2000

David Dollar, Raymond Fisman, Roberta Gatti 1999, Are Women Really the “FairerSex? Corruption and Women in Government, The World Bank, Policy ResearchReport on Gender and development, Working Paper Series, No. 4.

Développement et Coopération (D+C) N°2/2000, Mars/Avril

L’Évènement, n° 15 du mois d’août 2002

Lambert Denis Clair, Le devoir d’intégrité est – il aussi impératif dans la vieéconomique que dans la vie politique, document non publié, Mai 2000

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Hors Irène 2000, Lutter contre la corruption dans les pays en voie de développement,OCDE l’Observateur, Centre de développement

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Mahbub ul Haq: Reflexion on human development, Oxford 1995

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"Corruption et développement humain"Annexes 189

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PNUD!2000 : Rapport national sur le développement humain!: Le rôle de lagouvernance

PNUD, New York, Notes de lecture sur la corruption.Réunion des experts OUA 2001!: Projet de l’OUA/UA sur la lutte contre la corruption

PNUD, Rapport sur le développement Humain 2001

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REN-LAC, 2002!: Lois contre la corruption!: Inventaire des dispositions réglementaireset juridiques relatives à la lutte contre la corruption au Burkina Faso

REN-LAC, 2001!: Rapport sur "Etat de la corruption au Burkina Faso".

REN-LAC juin 2001!: Morale et Corruption dans les sociétés anciennes du Burkina(Bobo, Manga, San et Winye)

REN-LAC!(2001) : Le Burkina Faso à l’épreuve de la corruption, Ouagadougou, REN-LAC, 2001, 265p

REN-LAC!2000 : Rapport sur "Etat de la corruption au Burkina Faso"

REN-LAC Actes du séminaire international sur "La lutte anti-corruption deOuagadougou"

RNDHD (1997) : PNUD, Burkina Faso

RNDHD (1998) : PNUD, Burkina Faso

RNDHD (1999) : PNUD, Burkina Faso

RNDHD (2000) : “Le rôle de la gouvernance” PNUD, Burkina Faso

RNDHD (2001) : “La lutte contre le VIH-SIDA” PNUD, Burkina Faso

Shang-Jin Wei ()!: “!Corruption in economic Development : Beneficial Grease, Minor

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190 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Annoyance or Major Obstacle” IMF Working paper

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Stiglitz J.E!(2002) : "La grande désillusion" Fayard

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Transparency international : “Global corruption report. 2003” Profile books.

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UNDP: Challenges and prospects for sustainable human development, New York1995

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"Corruption et développement humain"Annexes 191

Annexe 2. Caractéristiques du développement humaindurable au Burkina Faso

Après le lancement, du dernier rapport mondial du PNUD sur le DéveloppementHumain: "Les Objectifs du Millénaire pour le Développement: un pacte entre les payspour vaincre la pauvreté humaine", un débat national s’est instauré au Burkina Fasosur le classement du pays à partir l’Indicateur du Développement Humain (IDH). Cettenote procède de la volonté d’éclairer et de fournir une meilleure compréhension del’IDH afin qu’il puisse servir d’instrument de dialogue de politique de développement etde formulation des stratégies de développement. En ce sens, il convient tout d’abordde présenter simplement le concept de développement humain que l’IDH, unindicateur aussi imparfait que les autres indicateurs de développement, s’efforce demesurer.

1. LE CONCEPT DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

Le développement humain durable (DHD) ou processus d’élargissement quantitatif etqualitatif des choix individuels et collectifs obéit à deux principes complémentaires.L’être humain est le tenant de son mieux-être. Pour prendre en main sa destinée, ildoit se doter de capacités. C’est le premier principe du DHD. Que fait-il de sescapacités!? Il les utilise pour satisfaire durablement ses besoins. C’est le secondprincipe. Le premier principe conduit au second qui le renforce, car ce dernier raffermitdavantage les capacités de l’homme. Ce processus d’élargissement des choix desindividus se fonde sur quatre piliers.

L'équité est l'accessibilité de tout individu, sans discrimination aucune, à touteopportunité économique, sociale, culturelle et politique. C’est un principe élémentaire desdroits humains. Pouvoir la revendiquer et en jouir de façon efficace suppose qu’il soit sainde corps et d'esprit. Tout doit être mis en œuvre dans la dynamique du développementafin qu’aucun être humain ne soit marginalisé dans le processus productif, dans ladéfinition des choix de la société. L’homme et la femme sont couverts par les mêmesdroits: droit à l’éducation, à la terre, au crédit, droit de vote, etc. Il en est de même duriche et du pauvre. La bonne gouvernance se doit de fonder son assise sur la base del’équité pour un renforcement de la sécurité individuelle, collective et politique de lanation. La participation dans l’équité à la définition des choix de société permet d’orienterles ressources rares pour la réalisation de priorités véritablement nationales. Lesdépenses pour le pain et l’eau des populations se substitueront par exemple auxdépenses d’armement.

La dynamique d’élargissement des choix des individus se veut durable. Il s’agit d’undéveloppement qui assure l’équité pour une génération et entre les générations. Lesdécisions de la génération présente ne doivent aucunement porter préjudice auxgénérations à venir. La durabilité du développement implique une reproductibilitécontinue et qualitative des ressources humaines et physiques et ne signifieaucunement un renouvellement à l’identique des ressources humaines et physiques.Autrement dit, toute génération est appelée à saisir toutes les opportunités quis’offrent à elle pour améliorer son bien-être sans compromettre les chances desgénérations à venir.

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192 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

L’utilisation intelligente des capacités des individus conduit à la création continue derichesses. Ce processus ne peut se faire dans un milieu caractérisé par desdistorsions de prix. Les signaux du marché devront refléter les coûts d’opportunitésréels des ressources utilisées. C’est là le gage d’une utilisation rationnelle desfacteurs de production. Le développement humain durable se veut donc productif.

Le Développement Humain Durable se veut habilitant. Il se démarque donc dupaternalisme et de la charité. C’est un développement de l’individu par lui-même.Celui-ci participe à tous les échelons de la définition des objectifs et de la prise dedécision quels que soient sa race, son sexe et sa richesse. Aucun individu n’estomniscient et peut décider de l’affectation des ressources à la place des autres. LeDéveloppement Humain Durable se démarque donc de la charité, car il respecte ladignité de l’homme. Dans bien des communautés traditionnelles, l’arbre à palabreétait l’instrument par lequel les individus participaient aux décisions devant influencerleur vie. Malheureusement, ces instances villageoises et locales ont été remplacéespar des administrations gérant des programmes élaborés et dirigés par un Étatcentral. L’habilitation des populations, parce qu’elle les implique dans la vie de laNation, crée les fondements durables, équitables et productifs dans l’utilisation desressources.

Comme tout processus nécessite d’être suivi, il est nécessaire d’établir desindicateurs mesurables et de lecture simple qui dans la mesure du possible,embrassent l’essence de la dynamique. C’est là toute la problématique d’identificationdes instruments de suivi et d’évaluation.

2. LES MESURES DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN DURABLE

Trois indicateurs seront présentés. Il s’agit de l’IDH qui constitue l’outil de référence,des indicateurs Sexo-spécifique du Développement (ISDH) et de Pauvreté Humainecomplémentaires à l’IDH pour la prise en compte de l’équité homme-femme dans ledéveloppement et la participation.

2.1. L’indicateur de développement et ses composantes

L'Indicateur de Développement Humain (IDH) introduit dans le premier RapportMondial (1990) sur le Développement Humain (RMDH) veut mesurer le niveau dedéveloppement global d'un pays. Il se construit autour de trois besoins fondamentaux:

• Vivre longtemps et pleinement conduit à considérer de très faibles taux demortalité à tous les âges. Lesquels se synthétisent dans un indicateur d’espérancede vie à la naissance élevé.

• Vivre pleinement et en possession de toutes ses facultés psychiques et physiquestraduit des besoins d’éducation et de santé satisfaits. Lesquels permettent, sicertaines conditions sont réunies, une participation active à la vie de l’entité.

• Acheter des biens et services: une aspiration qui a été prise en compte et non desmoindres est le besoin. L'individu a besoin d'un revenu qui lui permet d'exercer seschoix.

L’indicateur de Développement humain (IDH) proposé par le PNUD dans sesdifférents rapports mondiaux a deux dimensions. La première est relative à ladynamique interne du développement de l’individu. Elle se confond à l’humainementpossible, compte tenu de l’état présent de la science qui permet à l’homme d’atteindreune espérance de vie maximale à la naissance de 85 ans, et des taux d’instruction -

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scolarisation et alphabétisation - pour tous les individus (100%). Il en est de même durevenu par habitant situé au plafond de 40 000 dollars PPA et qui tient compte ducaractère décroissant de son utilité marginale1. Il est à noter que les maxima établispour le revenu et l’espérance de vie à la naissance sont appelés à évoluer avec lesdifférentes mutations technologiques qui s’opèrent de nos jours.

Tout IDH indique la distance ou l’effort supplémentaire à fournir dans la dotationhumaine en capacité de tous ordres. En outre, il fournit à toute Nation une mesureévolutive de son niveau de Développement atteint et ceci, comparativement augroupe auquel il appartient ou à l’entité qu’elle veut rattraper. Malheureusement, c’esttrès souvent sur ce thème que les débats les plus vifs s’établissement au sein de descommunautés. Des questions récurrentes apparaissent. En voici quelques unes:Pourquoi tel pays d’apparence plus pauvre est-il mieux positionné dans le classementmondial que le notre!? En quoi sont-ils plus développés que nous!? Comment se fait-ilque notre pays qui arrive à payer ses fonctionnaires régulièrement n’est-il pas mieuxclasser que ceux qui n’y arrivent pas!? Pourquoi sommes nous une terre d’asile demilliers de personnes venant de pays humainement plus développés!?

Il s’agit d’interrogations légitimes qui souvent occultent des aspects de développementplus importantes. En effet, l’IDH fondamentalement peut servir de point focal pour ladéfinition d’objectif de développement humain étant donné les ressources disponibles.Dès lors, Il permet d’ancrer les stratégies et les politiques de développement vers desactivités de dotation et d’accroissement des capacités des individus afin qu’ilspuissent élargir quantitativement, qualitativement et durablement leurs choixindividuels et collectifs.

L’IDH peut se calculer en fonction des groupes sociaux culturels de la Nation, enfonction de la division territoriale du pays. Ainsi calculé, il est un outil de réorientationde la politique de développement pour une meilleure redistribution des richesses et undéveloppement spatial harmonieux.

2.2. La lecture de l’IDH en relation avec sa composante revenu per capita!

Avant la publication de l’IDH à partir de 1990, le niveau de développement d’un paysétait le plus souvent lu à l’aune de revenu par tête du pays. Celui-ci est incorporé dansl’IDH en tant que sous composante de même poids que l’espérance de vie à lanaissance et le niveau d’instruction. Ceci pour dire que Produit National Brut (PNB)par habitant n’est pas synonyme de Bonheur Nation Brut (BNB) par habitant. En effet,des nuisances fortes peuvent accroître le revenu d’une Nation industrialisée. Laproduction et le revenu augmentent lorsqu’un accident conduit à accroître laprestation des infirmiers et médecins ou lorsque des bouchons sur les autoroutes seforment et conduisent à l’accroissement de la consommation d’essence.

L’ajout d’indicateurs de développement (espérance de vie à la naissance, niveau descolarisation) au revenu signifie que la capacité humaine est très importante dans leprocessus de développement et que le développement constitue un processus delong terme conduit par l’individu éduqué et qui vit longtemps.

Un indicateur de développement humain faible associé à un revenu par tête élevépose le problème d’une redistribution inégalitaire du fruit de la croissance économiqueet d’une fixation des priorités nationales au détriment d’une grande partie de lapopulation. C’est aussi un indicateur d’une faible habilitation de la population.

1 Le rapport mondial sur le Développement humain a introduit une modification logarithmique du

calcul du sous indicateur de revenu pour refléter la décroissance de son utilité marginale.

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194 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Un indicateur de développement humain faible associé à un faible revenu par têteprouve l’existence d’une faible dotation en capital humain et donc une faible capacitéd’élargissement durable des choix individuels et collectifs. Ce cas de figure estcaractéristique de beaucoup de pays d’Afrique au Sud du Sahara. L’initialisation duDéveloppement Humain Durable (DHD) dans cette partie pauvre du monde passe parune dotation en infrastructure humaine - Santé de base, éducation de base, eau etassainissement.

2.3. Quelques limites de l’IDH et le besoin d’indicateurs complémentaires telsque l’ISDH, l’IPF et l’IPH

L’indicateur de développement humain durable, bien que comblant quelques-unes deslacunes dans l’utilisation du revenu comme un unique indicateur du niveau de bien-être d’une population, n’est pas la panacée. En effet, il ne met pas en relief lesfondamentaux du développement humain que sont l’équité, la durabilité et laparticipation. Un taux de scolarisation, dans beaucoup de pays est seulementreprésentatif du niveau d’instruction des hommes. Il ne traduit pas le biais introduitdans le système éducatif au détriment des filles. Dès lors et ne serait - ce qu’à ceniveau, la lecture du principe d’équité et de participation est faussée.

La discrimination entre les Hommes et les Femmes est corrigée par l’indicateur sexo-spécifique (ISDH) qui, utilisant les mêmes composant que l’IDH, le décomposecependant entre Homme et Femme. Plus l’inégalité genre est prononcée plus l’ISDHse différentie de l’IDH.

L’IDH ne permet pas de mesurer la participation de la population aux choix desstratégies de développement et de leur mise en œuvre. Dans bien de communautés,une frange importante de la population est en marge de la vie socio-économique etpolitique. Il s’agit des pauvres et des femmes. Tenant compte de ce besoin departicipation, il est également associé à la lecture de l’IDH, des Indicateurs commecelui de la Pauvreté Humaine (IPH) et de la Participation de la Femme (IPF).

Quant à l’IPF, il utilise des données relatives à la participation du genre féminin dansles débats menés au niveau des instances décisionnelles. Il s’agit:

• Du pourcentage de femmes parlementaires,• Du pourcentage de femmes occupant des fonctions de représentation, de direction

et d’encadrement supérieur,• De la part des femmes occupant des postes de cadres et de fonctions techniques• De la part estimée du revenu du travail des femmes sur celle des hommes.

L’IPF et aussi bien l’ISDH sont des outils qui doivent être associés à l’interprétation del’IDH. Ils permettent de mettre en relief l’existence d’une discrimination de genre dansle processus de développement humain.

L’Indicateur de pauvreté humaine se compose de quatre sous indicateurs:

• La probabilité à la naissance de décéder avant 40 ans,• Le taux d’analphabétisme,• Le pourcentage de la population privée d’accès régulier à un point d’eau potable

aménagé,• L’insuffisance pondérale des enfants (de moins de 5 ans).

Il permet de déterminer la frange de la population n’ayant pas les capacités pourparticiper efficacement au processus d’élargissement des choix des individus car

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"Corruption et développement humain"Annexes 195

incapables de satisfaire leurs besoins élémentaires.

3. LE NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN DU BURKINA FASO ET DE SES 45PROVINCES!

3.1. Le contexte de développement

Le niveau de développement Humain du Burkina Faso est faible. Il est estimé à 0,330en 2001 contre 0,325 en 1999. C’est l’un des plus bas niveau de développement aumonde. Le Burkina Faso se classe ainsi 173ième sur 175 pays. Il se caractérise par:

• Une espérance de vie à la naissance de 45,8 ans. Les Burkinabé sont doncsoumis à une forte probabilité de mort précoce contrairement aux Japonais quipeuvent espérer à la naissance vivre plus de 81 ans;

• Un faible accès à la connaissance. Les burkinabé accèdent très peu au savoir: àpeine 22% de leurs enfants burkinabé fréquentent le système scolaire et 24,8%des adultes savent lire et écrire;

• Un revenu par tête relativement faible 1120 dollars US(PPA).

Tableau 1. Indicateurs de développement: Burkina Faso, Congo (RDC), Mali et Rwanda

IDH Espérancede vie

(années)

Taux descolarisation

(%)

Tauxd'alphabéti-

sation(%)

Revenu partête

($ US, PPA)

Burkina Faso 0,330 45,8 22,0 24,8 1!120Rwanda 0,422 38,2 52,0 68,0 1!250Mali 0,337 48,4 29,0 26,4 810Congo (RDC) 0,363 40,6 27,0 62,7 680

Source: Rapport Mondial sur le DHD, 2003

Même si le revenu par tête au Burkina Faso est supérieur à celui du Rwanda, du Maliet de la République Démocratique du Congo (RDC), le potentiel de développement deces derniers en termes de capacité humaine est plus important. Sur 100 enfants, leBurkina Faso n’en scolarise que 22 tandis que le Rwanda en scolarise 52, le Mali 29et la RDC 27. La capacité de lire et d’écrire chez les adultes est encore plus élevée auRwanda (68%), au Mali (26,4%) et en RDC (62.7%).

La dynamique de développement humain du Burkina Faso se fait en laissant à lapériphérie une part importante de la population. L’indicateur de Pauvreté Humaineindique que 58,6% des Burkinabè sont soumis à la pauvreté humaine mesurée sur labase de l’analphabétisme, de la précocité de la vie et de l’incapacité à accéder auxservices sociaux de base. Autrement dit plus de la moitié des Burkinabè ne peuventefficacement participer au processus de développement humain. Par ailleurs, le tauxd’analphabétisme des femmes (86,1%) est très important et de plus de deux foissupérieur à celui des hommes (34,9%). Ce niveau de discrimination genre est si fortque l’Indicateur Sexo-spécifique du Développement Humain (ISDH), se situe à 0,317indiquant que les inégalités genre (Homme / Femme) diminuent la valeur de l’IDH(0,330) de 13 points.

3.2. Le niveau de développement humain des 45 provinces du Burkina Faso

La faiblesse du niveau de développement humain peut cacher des disparités

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196 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

régionales. C’est pourquoi, il convient de décomposer l’IDH entre les provinces duBurkina Faso. La province moyenne atteint un niveau de développement estimé à0,332. La province du Bale a un IDH identique à la moyenne province. Autrement dit,elle serait un concentré des caractéristiques de l’ensemble des provinces du BurkinaFaso.La dispersion des niveaux de développement est faible car l’écart type estestimé à 0,4%. Il existerait donc une homogénéité de DHD entre les 45 provinces. Lavaleur maximale est affectée à la province du Kadiogo (0,492).

Au bas de l’échelle, figure la province du Namentenga (0,269).

Le Namentenga a un niveau de revenu par tête (PPA) estimé à 464 dollars supérieurpar exemple à celui de la Sissili (435), il s’en différentie pourtant par la faiblesse deson taux de scolarisation (25!% contre 47%) et de son taux d’alphabétisation (18,8contre 25,5%). Le niveau de Développement Humain des provinces mesuré à l’aunede l’IDH se différentie donc du niveau de revenu des provinces. Le Namentenga a unniveau de développement humain quasi identique à celui du Burkina Faso du débutdes années quatre-vingt.

Figure 1: Les cinq meilleurs indices DHD régionaux (2001)

Figure 2. Les cinq plus faibles indices régionaux (2001)

0,4920,442

0,387 0,382 0,381

0,0000,1000,2000,3000,4000,5000,600

Kadiogo Houet Nahouri Comoé Yatenga

0,275

0,269

0,2740,276

0,278

0,2640,2660,2680,2700,2720,2740,2760,2780,280

Gnagna Ziro Soum Yagha Namentenga

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"Corruption et développement humain"Annexes 197

Tableau 2. Les indicateurs de développement humain des 45 provinces du Burkina Faso

Rev

enu

par t

ête

PPA

Taux

de

scol

arisa

-- 1

5 an

s

Alp

habé

-tis

atio

n+

15 a

ns

Espé

ranc

ede

vie

2001

I rev

I edu

c

I evi

e

IDH

2001

Kadiogo 755 90 55,81 53,1 0,337 0,671 0,468 0,492Houet 826 70 40,76 53,1 0,352 0,504 0,468 0,442Nahouri 1053 52 23,88 51 0,392 0,334 0,433 0,387Comoé 1000 61 28,59 47 0,384 0,394 0,366 0,382Yatenga 1031 56 25,4 49 0,389 0,354 0,4 0,381Boulkiemdé 1025 57 26,97 47 0,388 0,370 0,366 0,375Mouhoun 984 50 28,19 47 0,381 0,355 0,366 0,368Poni 1045 41 20,28 51 0,391 0,272 0,433 0,366Boulgou 941 44 22,51 48 0,374 0,298 0,383 0,352Gourma 1022 36 20,67 49 0,387 0,259 0,4 0,349Sanmatenga 1089 35 31,03 44 0,398 0,321 0,316 0,346Seno 724 24 26,78 49 0,330 0,257 0,4 0,329Nayala 446 81 26,78 51 0,249 0,447 0,433 0,377Tuy 546 45 40,76 47 0,283 0,420 0,366 0,357Sourou 489 47 26,78 51 0,265 0,336 0,433 0,345Zandoma 537 55 25,4 49 0,280 0,352 0,4 0,344Kouritenga 532 46 24,09 51 0,279 0,312 0,433 0,342Zoundweogo 559 46 21,29 51 0,287 0,296 0,433 0,339 Bale 498 52 28,19 47 0,268 0,362 0,366 0,332Sanguié 517 57 24,54 47 0,274 0,352 0,366 0,331Leraba 550 44 28,7 47 0,284 0,339 0,366 0,330Passoré 537 47 22,27 49 0,280 0,306 0,4 0,329Loroum 523 41 25,4 49 0,276 0,307 0,4 0,328Kénédougou 512 46 28,7 47 0,272 0,343 0,366 0,328Kourweogo 568 49 22,73 47 0,289 0,314 0,366 0,324Oubritenga 555 49 22,73 47 0,286 0,314 0,366 0,322Kossi 477 39 29,68 47 0,260 0,326 0,366 0,318Noumbiel 557 28 20,28 51 0,286 0,228 0,433 0,316Banwa 489 35 29,68 47 0,265 0,313 0,366 0,315Bam 547 43 26,55 44 0,283 0,320 0,316 0,307Ioba 552 49 23,44 44 0,285 0,319 0,316 0,307Ganzourgou 545 35 19,49 48 0,283 0,246 0,383 0,304Bazéga 559 48 22,22 44 0,287 0,309 0,316 0,304Kompienga 464 35 18,81 49 0,255 0,241 0,4 0,299Koulpelogo 546 28 22,51 47 0,283 0,243 0,366 0,298Sissili 435 47 25,52 44 0,245 0,325 0,316 0,296Bougouriba 467 46 23,44 44 0,257 0,309 0,316 0,295Oudalan 410 27 20,8 49 0,235 0,229 0,4 0,288Tapoa 527 26 18,81 47 0,277 0,213 0,366 0,286Komandjari 539 15 20,67 47 0,281 0,186 0,366 0,278Gnagna 554 22 16,35 47 0,285 0,181 0,366 0,278Ziro 404 33 25,52 44 0,232 0,279 0,316 0,276Soum 397 25 21,66 47 0,230 0,228 0,366 0,275Yagha 402 18 19,21 49 0,232 0,189 0,4 0,274Namentenga 464 35 18,08 44 0,255 0,2356 0,3167 0,269Moyenne 0,332Ecart type 0,044

I rev Sous indicateur de revenu I evie Sous indicateur d'espérance de vieI éduc Sous indicateur d'éducation IDH Indicateur de développement humain

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198 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Annexe 3. Méthodologie de calcul du revenupar habitant

1. LE MODÈLE

Soit Y le revenu, Yp le revenu tiré du secteur primaire et Yst celui issu des secteurssecondaire et tertiaire. Le revenu se décompose alors comme suit!:

(1) Y = Yp +Yst avec Yp = aY (a!: part du secteur primaire dans le revenu national)

Le revenu par tête est le rapport du revenu sur la population (P). On a donc!:

(2) Y/P= 1/P (Yp +Yst)

Une hypothèse forte est retenue : la productivité du travail est identique d’un secteur àl’autre.

Autrement dit, le PIB du secteur primaire (Yp) est le produit de la force de travail (Lp) etde la productivité du travail!(wp) dans le dit secteur :

Yp= wp Lp

De même, le PIB des secteurs secondaire et tertiaire Yst est le produit de la force detravail (Lst) et de la productivité du travail (wst)!de ces secteurs :

Yst = (wst) Lst

2. RÉPARTITION DU PIB PAR PROVINCES

La nation est composée de n provinces. La productivité du travail est supposéeidentique d’une région à l’autre!: wi = wj= w

Le PIB se répartit entre les régions au prorata de leurs poids dans la force de travailde la nation. Autrement dit, dan le secteur primaire, l’entité i, qui a li comme force detravail, engrange Ypi comme PIB!:

Ypi= wp (lpi/Slpi) Lpavec (lpi/Slpi) poids de l’entité dans la force de travail (Lp) du secteur primaire et Lp = Slpi

De même pour les secteur secondaire et tertiaire, on a!:

Ysti = (wst) (lsti/Slsti) lstavec (lsti/Slsti) poids de l’entité dans la force de travail (Lst) du secteur primaireLst= Slsti

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"Corruption et développement humain"Annexes 199

Tous secteurs confondus, le PIB d’une entité s’écrit alors!:Yi = wp (lpi/Slpi) lp + (wst) (lsti/Slsti) lst

Au niveau du secteur primaire, la productivité est!:wp= wpi = aY/ (Slpi)

De même, pour les secteurs secondaires et tertiaires!:wst= wsti= (1-a)Y / (Slsti)

Le revenu par tête (Yi/Pi) d’une entité est alors le rapport de son revenu (Yi) sur sapopulation totale (P)!:

(2’) Yi/Pi = ( 1/ Pi ) [(wp) (lpi/Slpi) Lp] + (1/Pi) [(wst) (lsti/Slsti) (Lst)]

Pour chaque province, les variables à renseigner sont donc (lpi/Slpi) et (lsti/Slsti).

3. RÉPARTITION SECTORIELLE DE LA FORCE DE TRAVAIL DU BURKINA FASO

Au Burkina Faso, il n’existe pas d’information régulière sur la répartition spatiale de lapopulation active. Toutefois, les dernières données de recensement (1998) permettentd’obtenir une information sur la répartition des actifs occupés comme suit!:

Tableau 3. Répartition des actifs occupés

Secteurs d'activités Milieu urbain Milieu rural GénéralPrimaire 38,4 97,0 90,2Secondaire 9,6 1,0 2,0Tertiaire 52,0 2,0 7,8Total 100,0 100,0 100,0

Source: INSD (2000) - RGPH, 1998

90,2% de la force de travail burkinabè est occupée dans le secteur primaire(agriculture, élevage, chasse et pêche) et 9,8% dans les secteurs secondaire ettertiaire. En outre, il existe au Burkina Faso douze provinces urbaines!: dix abritentdes villes moyennes et deux provinces qui logent Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.De ce fait, on distingue donc trente trois provinces rurales.

Les coefficients urbains ou ruraux du tableau ci-dessus sont alors appliqués auxprovinces identifiées pour la répartition de leurs forces de travail entre les secteursprimaires secondaire et tertiaire.

Les principales sources de données utilisées sont les suivantes:• INSD (2000)!: Recensement Général de la Population et de l’Habitat, 1998• PNUD (2003)!: "Les OMD!: un pacte entre les pays pour vaincre la pauvreté

Mondiale", Rapport Mondial sur le Développement Humain, eds Economica, Paris2003

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200 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Annexe 4. Méthodologie de calcul des différentsindices de développement

1. L'INDICATEUR DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN

L'indicateur de développement humain durable (IDH) est un indicateur compositecomportant trois éléments : la durée de vie, mesurée par l'espérance de vie à lanaissance, le niveau d'éducation, mesuré par un indicateur combinant pour deux tiersle taux d'alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux brut de scolarisation (tousniveaux confondus), et le niveau de vie, mesuré d'après le PIB réel par habitant(mesuré en parités des pouvoirs d’achat).

Avant de calculer l’IDH lui-même, il faut établir un indice pour chacune des troiscomposantes. Puis, avant d’être agrégé dans l’IDH, chaque indice doit être normaliséde façon à prendre une valeur comprise entre zéro et un. Aussi, les valeurs minimaleet maximale que l’indice élémentaire peut prendre doivent être définies au préalable.

Tous les indicateurs qui entrent dans la composition de l'IDH se calculent selon laformule générale suivante :

Indice dimensionnel = valeur constatée - valeurminimalevaleur maximale - valeurminimale

L’IDH correspond à la moyenne arithmétique de ces indices dimensionnels.

Le tableau ci-dessous illustre son calcul pour un pays témoin.

Tableau 4. Valeurs minimales et maximales pour le calcul de l’IDH

Critères Valeur maximale Valeur minimaleEspérance de vie à la naissance (années) 85 25Taux d’alphabétisation (%) 100 0Taux brut de scolarisation (%) 100 0PIB par habitant (en PPA) 40 000 100

1.1. Calcul de l’indice d'espérance de vie

L’indice d’espérance de vie mesure le niveau atteint par le pays considéré en termesd’espérance de vie à la naissance. Par exemple, pour l’Arménie, l’espérance de vie àla naissance était de 72,7 ans en 1999, soit un indice de 0,795:

Indice d'espérance de vie = 72,5 - 2585 - 25

= 0,795

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"Corruption et développement humain"Annexes 201

1.2. Calcul de l’indice de niveau d’instruction

L’indice de niveau d’instruction mesure l’avancement du pays considéré en termesd’alphabétisation des adultes et d’enseignement (taux brut combiné de scolarisationdans le primaire, le secondaire et le supérieur). La procédure consiste, tout d’abord, àcalculer un indice pour l’alphabétisation des adultes et un autre pour la scolarisation.Ces deux indices sont ensuite agrégés pour donner l’indice de niveau d’instruction,dans lequel l’alphabétisation des adultes reçoit une pondération des deux tiers et letaux brut de scolarisation une pondération d’un tiers. En Arménie, où le tauxd’alphabétisation des adultes atteignait 98,3% et le taux brut de scolarisation combiné79,9% en 1999, l’indice de niveau d’instruction est de 0,922:

Indicateur d'alphabétisation des adultes = 98,3 - 0100 - 0

= 0,983

Indicateur de scolarisation = 79,9 - 0100 - 0

= 0,799

Indice de niveau d'instruction = 2/3 (indice d'alphabétisation des adultes) + 1/3 (indice de scolarisation) = 2/3 (0,983) + 1/3 (0,799) = 0,922

1.3. Indicateur de PIB réel par habitant (PPA)

L’indice de PIB est calculé sur la base du PIB par habitant corrigé de la parité despouvoirs d’achat (PPA). Le revenu intervient dans l’IDH afin de rendre compte de tousles aspects du développement humain qui ne sont pas représentés par la longévité, lasanté et l’instruction. Son montant est corrigé parce qu’un revenu illimité n’est pasnécessaire pour atteindre un niveau de développement humain durable acceptable.Le calcul s’effectue donc à partir du logarithme du PIB. Pour l’Arménie, dont le PIB parhabitant était de 2215 dollars (PPA) en 1999, l’indice de PIB s’établit à 0,517.

Indice de PIB = log(2215) - log(100)log(40000) - log(100)

= 0,517

1.4. Calcul de l’IDH

L'IDH est la moyenne arithmétique de la somme des trois indicateurs de durée de vie,de niveau d'éducation et de PIB réel corrigé par habitant (PPA), ce qui donne pour laGrèce et le Gabon les résultats suivants :

IDH = 1/3 (indice d'espérance de vie) + 1/3 (indice de niveau d'instruction)+ 1/3 (indice de PIB) = 1/3 (0,795) + 1/3 (0,922) + 1/3 (0,517)

2. CALCUL DE L'INDICATEUR SEXOSPÉCIFIQUE DU DÉVELOPPEMENTHUMAIN ET DE L'INDICATEUR DE LA PARTICIPATION DES FEMMES

Dans le cadre des comparaisons internationales, l'indicateur sexospécifique dudéveloppement humain (ISDH) et l'indicateur de la participation des femmes (IPF)sont limités aux données généralement accessibles et communes à tous les pays.Nous nous sommes efforcés, dans ce rapport, d'utiliser les données les plus récentes,les plus fiables et présentant la plus grande cohérence interne possible. Le recueil dedonnées sexospécifiques nombreuses et fiables est une tâche complexe à laquelle lacommunauté internationale doit s'attaquer résolument.

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202 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

2.1. L'indicateur sexospécifique du développement humain

L'ISDH a pour objectif de refléter les disparités sociologiques entre hommes etfemmes, ceci pour les mêmes variables que l'IDH (pour une explication détaillée de laméthodologie utilisée pour le calcul de l'ISDH, voir la note technique 1 du Rapportmondial sur le développement humain 1995).

Dans le calcul de l'ISDH, les valeurs maximale et minimale de l'espérance de vie sontcorrigées pour tenir compte de l'avantage biologique des femmes dans ce domaine.Pour les femmes, la valeur maximale de l'espérance de vie est ainsi de 87,5 ans et lavaleur minimale de 27,5 ans. Pour les hommes, ces valeurs sont respectivement de82,5 ans et de 22,5 ans.

Le calcul de la composante du revenu est plus complexe. Pour calculer les parts durevenu du travail des hommes et des femmes, deux données ont été utilisées : lerapport entre la moyenne des salaires féminins et celle des salaires masculins et lapart de la population active âgée de 15 ans et plus. Pour les pays pour lesquels il n'ya pas de données disponibles pour le rapport des salaires, une valeur de 75 %,moyenne pondérée du rapport des salaires pour tous les pays pour lesquels lesdonnées sont disponibles est retenue. Ensuite le PIB corrigé par habitant moyen estpondéré sur la base de la disparité entre les sexes en matière de parts de revenus etde la proportion de femmes et d'hommes dans la population.

La dernière opération du calcul de l'ISDH consiste à additionner les indicateurs del'espérance de vie, du niveau d'éducation et du revenu et à diviser la somme par 3.

Exemple de calcul de l'ISDH

Nous avons choisi la Norvège pour illustrer la méthode de calcul de l'indicateursexospécifique du développement humain.

Norvège

Femmes HommesPourcentage de la population totale 51 % 49 %Espérance de vie à la naissance 80,4 ans 74,6 ansAlphabétisation des adultes 99 % 99 %Scolarisation tous niveaux confondus 93 % 92 %

Première étape : calcul de l’indicateur d’espérance de vie également réparti

Espérance de vie

Femmes (80,4 - 27,5)/60 = 0,882Hommes (74,6 - 22,5)/60 = 0,868

Indice d'espérance de vie également réparti

{[(% de la population féminine x (indicateur d’espérance de vie des femmes)-1] +[(% de la population masculine x (indicateur d'espérance de vie des hommes)-1]}-1 =

[0,51(0,882)-1 + 0,49(0,868)-1]-1 = 0,875

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"Corruption et développement humain"Annexes 203

Deuxième étape!: calcul de l’indicateur de niveau d’éducation également réparti

Alphabétisation des adultes

Femmes (99 - 0)/100 = 0,990Hommes (99 - 0)/100 = 0,990

Taux brut de scolarisation tous niveaux confondus

Femmes (93 - 0)/100 = 0,930Hommes (92 - 0)/100 = 0,920

Indice de niveau d'éducation

Femmes 2/3 (taux d'alphabétisation des adultes) + 1/3 (taux brut de scolarisationtous niveau confondus) = 2/3(0,990) + 1/3(0,930) = 0,970

Hommes 2/3 (taux d'alphabétisation des adultes) + 1/3 (taux brut de scolarisationtous niveau confondus) = 2/3(0,990) + 1/3(0,920) = 0,967

Indice du niveau d’éducation également réparti :

{[(% de la population féminine x (indicateur de niveau d'éducation)-1] + [(% de lapopulation masculine x (indicateur de niveau d'éducation)-1]}-1

= [0,51(0,970)-1 + 0,49(0,967)-1]-1 = 0,968

Troisième étape!: calcul de l’indice de revenu également réparti

Pourcentage de la population activeFemmes 45,5Hommes 54,5

Rapport des salaires non agricoles féminins aux salaires masculins : 0,870

PIB réel corrigé par habitant (en parité des pouvoirs d’achat) : 6 073 PPA (voir plushaut dans cette section)2

A. Calcul des parts proportionnelles féminine et masculine des revenus

Salaire moyen (w) = (% de femmes dans la population active x salaires féminins)+ (% d'hommes dans la population active x 1)

= (0,455 x 0,870) + (0,545 x 1) = 0,941

Rapport du salaire féminin au salaire moyen (w)0,870/0,941 = 0,925

Rapport du salaire masculin au salaire moyen (w)1/0,941 = 1,063

Part des revenus du travail

Note : [(salaires féminin/salaires moyens) x % de femmes dans la population active] +[(salaires masculins/salaires moyens) x % d'hommes dans la population active] = 1.

2 Rapport mondial sur le developpement humain 1997

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204 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Femmes Salaires féminins/population active féminine = 0,9247 x 0,4553 = 0,4210Hommes Salaires masculins/population active masculine = 1,063 x 0,545 = 0,579

Parts proportionnelles féminine et masculine des revenus

Femmes Part féminine des revenus du travail/% de la population féminine= 0,421/0,505 = 0,834

Hommes Part masculine des revenus du travail/ % de la population masculine= 0,579/0,495 = 1,169

B. Indice du revenu également réparti (pondération Œ = 2)

{[(% de la population féminine x (part féminine du revenu)-1] +[(% de la populationmasculine x (part masculine du revenu)-1]}-1= [0,505(0,834)-1 + 0,495(1,169)-1]-1 = 0,972

= 0,972 x 6 073 = 5 903= (5 903 - 100)/(6 154 - 100) = 0,934

Quatrième étape!: Calcul de l'indicateur sexospécifique du développementhumaine

ISDH = 1/3 (indice d’espérance de vie également réparti) + 1/3 (indice de niveaud’instruction également réparti)+1/3 (indice de revenu également réparti)

= 1/3(0,875 + 0,968 + 0,959) = 0,934

2.2. L'indicateur de la participation des femmes

L'indicateur de la participation des femmes (IPF) a pour composantes des variablesdéfinies explicitement pour mesurer le contrôle que les hommes et les femmespeuvent exercer sur leur destinée dans les domaines politique et économique.

Le premier ensemble de variables a été choisi pour rendre compte de la participationet du pouvoir décisionnaire dans la sphère économique. Il comprend les pourcentagesd'hommes et de femmes exerçant, d'une part, des fonctions de direction etd'encadrement supérieur et, d'autre part, des professions techniques et libérales. Cesont là des catégories d'emploi très vastes et aux définitions assez floues. Lesgroupes de population concernés par ces deux grandes catégories étant différents,des indicateurs distincts pour chacune d'elles ont été calculés, qui ont ensuite étéadditionnés. La troisième variable est constituée par le pourcentage de femmes etd'hommes occupant des fonctions parlementaires. Elle a été choisie pour refléter laparticipation à la vie politique et le pouvoir de décision des femmes.

A chacune des trois variables est appliquée la méthode de la moyenne pondérée enfonction de la population pour calculer un pourcentage équivalent également réparti(PEER) pour les deux sexes considérés conjointement. Chaque variable est ensuiteindexée en divisant le PEER par 50 %.

La variable du revenu est choisie pour exprimer le contrôle des ressourceséconomiques. Elle est calculée de la même manière que pour l'ISDH, à la différenceprès que c'est le PIB réel par habitant non corrigé qui est ici utilisé (au lieu du PIBcorrigé). La valeur maximale du revenu est, là encore, de 40 000 dollars (PPA) et lavaleur minimale de 100 dollars (PPA).

En dernière étape, les indicateurs des trois variables - participation et pouvoir

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"Corruption et développement humain"Annexes 205

décisionnaire économiques, participation et pouvoir décisionnaire politiques, contrôledes ressources économiques - sont additionnés avant de diviser le résultat par troispour obtenir l'IPF global.

Exemple de calcul de l'IPF

Nous avons choisi le Cameroun pour illustrer les différentes étapes du calcul del'indicateur de la participation des femmes. Le paramètre d'aversion pour l'inégalité estégal à 2. (les résultats des calculs présentent parfois de légères variations dues àl'arrondissement des chiffres.)

Première étape : Calcul des indicateurs de représentation parlementaire, defonctions de direction et d'encadrement supérieur, et de professions techniqueset libérales.

Cameroun

Femmes%

Hommes%

Représentation parlementaire 12,1 87,8Fonctions de direction et decadres supérieurs

10,1 89,9

Fonctions cadres et detechniciens

24,4 75,6

Population totale 50,38 49,62

Calcul du PEER de représentation parlementaire[0,4962 (87,8)-1 + 0,5038 (12,1)-1]-1 = 21,3

Calcul du PEER pour les fonctions de direction et les cadres supérieurs[0,4962 (89,9)-1 + 0,5038 (10,1)-1]-1 = 18,05

Calcul du PEER pour les cadres et les techniciens0,4962 (75,6)-1 + 0,5038 (24,4)-1]-1 = 36,75

Indexation de la représentation parlementaire21,30/50 = 0,426

Indexation des fonctions de direction et d'encadrement supérieur18,05/50 = 0,361

Indexation des postes de cadres et de techniciens36,75/50 = 0,7350

Calcul de l'indicateur combiné de fonctions de direction et d'encadrement supérieur etdes emplois de techniciens et professions libérales

(0,3610 + 0,7350)/2 = 0,5480

Deuxième étape : Calcul de l'indicateur des parts de revenu du travail

Pourcentage de la population activeFemmes 37,4Hommes 62,6

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206 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Rapport des salaires non agricoles féminins aux salaires non agricoles masculins :75%

PIB réel non corrigé par habitant : 2 120 dollars (PPA)

Rapports du salaire féminin et du salaire masculin au salaire moyen (w)W = 0,374 (0,75) + 0,626 (1) = 0,9065

Rapport du salaire féminin au salaire moyen : 0,75/0,9065 = 0,8274Rapport du salaire masculin au salaire moyen : 1/0,9065 = 1,1031

Part des revenus du travailNote : [(salaire féminins/salaires moyens) x % féminin de la population active] +[(salaires masculins/salaires moyens) x % masculin de la population active] = 1.

Femmes 0,8274 x 0,374 = 0,3094Hommes 1,1031 x 0,626 = 0,6095

Parts proportionnelles féminine et masculine des revenusFemmes 0,3094/0,5038 = 0,6141Hommes 0,6905/0,4962 = 1,3916

Calcul de l'indicateur du revenu également réparti[0,4962 (1,3916)-1 + 0,5038 (0,6141)-1]-1 = 0,8496

0,8496 x 2 120 = 1 801= (1 801 - 100)/(40 000 - 100) = 0,0426

Troisième étape : Calcul de l'indice de la participation des femmes

[1/3(0,0426 + 0,0548 + 0,426)] = 0,3389 3

3. L'INDICE DE PÉNURIE DE CAPACITÉ

Les trois variables composant l'indice de pénurie de capacité (IPC) couvrent unchamp considérable de l'expérience humaine : elles vont de la nutrition et la santé del'ensemble de la population (insuffisance pondérale des enfants), aux possibilitésd'accès aux soins de gynécologie d'obstétrique et à l'accès effectif aux services desanté en général (naissances non suivies par du personnel soignant), en passant parle niveau d'éducation de base, avec également des informations sur l'inégalitésociologique entre les sexes (analphabétisme des femmes adultes). Cette dernièrevariable permet par exemple d'évaluer les pays d'après la façon dont il traitent legroupe le plus défavorisé de leur société. Plutôt que de viser l'exhaustivité et de tenterde rendre compte de la misère dans la totalité des domaines prioritaires de l'existencehumaine, cet indicateur souligne les points essentiels dans lesquels les progrès sontles plus nécessaires.

Le taux d'alphabétisation des femmes correspond au pourcentage de femmes âgéesde 15 ans et plus qui peuvent, en le comprenant, lire et écrire un texte simple et courtse rapportant à leur vie quotidienne. Le taux d'analphabétisme chez les femmes estune variable informative permettant d'évaluer l'état de la pauvreté générale desfemmes qui a un effet multiplicateur fort sur le bien-être de la famille et sur le niveaugénéral de développement humain de la société. 3 Exemple de calcul issu du rapport mondial sur le développement humain durable 1997.

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"Corruption et développement humain"Annexes 207

À mesure que le taux d'alphabétisation des femmes augmente, le taux de féconditébaisse, la santé des nourrissons et des enfants s'améliore, le niveau d'éducation desenfants s'élève et les conditions d'alimentation et d'hygiène des ménagess'améliorent.

On considère qu'un enfant souffre d'insuffisance pondérale lorsque son poids corporelest inférieur de deux écarts-types au poids médian par âge d'une populationinternationale de référence. C'est une variable significative qui reflète le manque depotentialités dans divers domaines, en particulier les services de santé, l'eau potable,l'assainissement et l'alimentation.

En tant qu’indicateur de résultat, elle exprime les effets de nombreuses variablesd'entrée. Le pourcentage de naissances non suivies par un personnel de santéspécialisé est une variable d'entrée, mais qui constitue un indicateur prévisionnelfiable de substitution à la capacité de procréer dans de bonnes conditions de sécuritéet de santé. La définition du personnel de santé utilisée ici est large : médecins,infirmières, sages-femmes, aides-soignants qualifiés et accoucheuses ayant reçu uneformation traditionnelle. Malgré l'ampleur de cette définition, le taux de naissancesnon suivies reste très élevé dans un grand nombre de pays.

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144 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

EF

CHAPITRE 8

POLITIQUES ET STRATÉGIES DELUTTE CONTRE LA CORRUPTION

INTRODUCTION

a lutte contre la corruption sedéfinit comme l’ensemble desmesures et actions visant à ré-

duire, voire à éradiquer les pratiques decorruption dans toutes les structureséconomiques, politiques, juridiques etsociales. Pour analyser l’état de la luttecontre la corruption, il apparaît néces-saire de présenter d'abord, le cadrenormatif, les lois et les règlements, quipermet de définir concrètement la cor-ruption au Burkina Faso sur une basejuridique (partie 1); puis, les institutionsétatiques en charge de la lutte contre lacorruption, de près ou de loin, (partie2); enfin la place et le rôle du parlementet de la société civile dans la luttecontre la corruption.

Cet état des lieux permet de soulignerles forces et aussi les limites du dispo-sitif actuel de lutte contre la corruptionau Burkina Faso!: les principalesformes de la corruption sont-elles bienappréhendées par le cadre normatifactuel ? L’institutionnalisation de la lutteconme une

contre la corruption est-elle suffisam-ment avancée ? Quelles sont les princi-pales limites à l’efficacité du dispositifactuel ?

L’analyse des institutions chargées dela lutte contre la corruption doit êtreenrichie d’un rappel des règles et prati-ques qui en permettent un bon fonc-tionnement, comme l’autonomie de lacour des comptes, l’indépendance desmédias et le pouvoir réel de contrôle dulégislatif sur l’exécutif (cf. tableau 8.1).

La connaissance du dispositif de luttecontre la corruption ne serait pas com-plète sans l’étude des mécanismesauxiliaires, qui permettent notammentde prévenir les actes de corruption etd’améliorer les systèmes de gestion.

Ces mécanismes sont étudiés dansdeux cas!: celui des banques et institu-tions financières et celui du budget del’État (cf. partie 3). À partir de ce bilancritique du dispositif de lutte contre lacorruption, des éléments de stratégiesont proposés (prévention, dénoncia-tion et répression).

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 145

Tableau 8.1. Les piliers institutionnels et leurs règles de conduite

Piliers institutionnels Règles et pratiques de base correspondantesExécutif Préservation du bien commun, mise en œuvre d’une stratégie

cohérente

Législatif Élections justes et équitables, pouvoir de contrôle réel del’exécutif

Judiciaire Indépendance et équité, protection des témoins

Cour des comptes Pouvoir de questionner les élus et les agents publics

Inspection Générale d’ÉtatInspection Générale des Finances

Obligation de publier les rapports de contrôle, capacité desaisir la justice

Administration publique Fonctionnement selon les règles éthiques du service public

Médias Indépendance et droit à l’information, fin de l’ère del’autocensure

Société civile Liberté d’expression et d’association

Médiateur et autorité derégulation

Objectivité, autorité morale et suivi des dossiers deréclamation et de plaintes

Agence de surveillance, deprévention et de lutte contre lacorruption

Autonomie - lois applicables et appliquées

Secteur privé Code de conduite, politique de concurrence y compris dans ledomaine des marchés publics

Acteurs internationaux Incitation contractuelle à la transparence, coopération légaleet judiciaire mutuelle efficace

Source!: Transparency International, Combattre la corruption – enjeux et perspectives, Paris, Ed. Karthala, 2002,p.68

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146 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

8.1. LE CADRE NORMATIF

e Burkina Faso dispose d’un ca-dre normatif important en matièrede lutte contre la corruption, qu’il

s’agisse de prévention ou de répres-sion. Preuve de cette importance dudispositif normatif, la constitution rendobligatoire la déclaration des biens duchef de l’État à l’occasion de son inves-titure. Le Code pénal burkinabè définitexplicitement la corruption. Si cettedéfinition peut apparaître restrictive,d’autres délits, assimilables à des actesde corruption sont également sanction-nés par le Code pénal. Il s’agit parexemple de l’enrichissement illicite.

Enfin, les principales lois organisant labonne gouvernance économique (codedes impôts, code des douanes, règlesd’organisation de la concurrence, codede la publicité) et démocratique (codeélectoral) sont présentées27.

8.1.1. LA CONSTITUTION

a loi fondamentale de la Républiquen’est pas indifférente aux problèmes

de corruption et s’intéresse toutparticulièrement à celle qui peuttoucher les gouvernants. C’est à ce titrequ’à son article 44 alinéa 2, elle faitobligation au Président du Faso deremettre, à l’occasion de la cérémoniede son investiture, une déclarationécrite de ses biens au président duConseil Constitutionnel.

Dans le même ordre d’idée, l’article 77alinéa 2 relayé par la loi n°014-2002/AN portant détermination de la listedes personnalités soumises à la décla-ration de leurs biens, astreint les mem-bres du gouvernement, les présidentsd’institutions et certaines personnalitésau dépôt de la liste de leurs biensaupres

auprès du Conseil Constitutionnel.

Afin d’assurer l’effectivité de ce principeà valeur constitutionnelle, un mécanis-me de vérification de la véracité desdéclarations de biens a été institué parla loi n° 22/95/ADP du 18 mai 1995 quicrée une commission à cet effet. Selonl’article 9 de ladite loi, "en cas de faus-se déclaration, de déclaration inexacteou incomplète ou de dissimulation dû-ment établies par la commission devérification, il appartient au chef dugouvernement d’en tenir rapport auPrésident du Faso qui statue en dernierressort sur l’aptitude d’un membre dugouvernement à poursuivre l’exercicede ses fonctions sous préjudices despoursuites judiciaires". Seule ombre autableau, cette loi ne s’applique pas auPrésident du Faso qui jouit, en l’espè-ce, d’une véritable immunité en cas defausse déclaration.

8.1.2. LE CODE PÉNAL

e Code pénal, en matière decorruption, opère une distinction

entre deux types de corruption!: la cor-ruption passive et la corruption active,le corrompu et le corrupteur. Selonl’article 156 du code pénal, se rendcoupable de corruption passive toutfonctionnaire de l’ordre administratif oujudiciaire, tout militaire ou assimilé, toutagent ou préposé de l’administration,toute personne investie d’un mandatélectif qui agrée des offres ou promes-ses, qui reçoit des dons ou présents,pour faire ou s’abstenir de faire un actede ses fonctions ou de son emploi. Parcontre, et aux termes de l’article 158, ledélit de corruption active est constituéquand une personne contraint ou tentede contraindre par voies de faits oumenace, corrompt ou tente de corrom-pre les personnes de la qualité expri-mée [à l’article 156], que cette tentativeait eu ou pas de l’effet. Dans l’uncomme

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LL

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27 Le Burkina Faso a également ratifié de nombreuses conventions, accords et chartes au planinternational (cf. chapitre 8).

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 147

comme dans l’autre cas, les sanctionsrépressives sont les mêmes28.

Si le Code pénal s’en tient donc à unedéfinition restrictive de la corruption, iln’en comporte pas moins des disposi-tions qui punissent certains faits quis’apparentent à la corruption. Il en estainsi de la prise illégale d’intérêt29, de laconcussion30, du trafic d’influence31, dela soustraction ou du détournement debiens32 et surtout de l’enrichissementillicite33.

Le code pénal punit également les pra-tiques frauduleuses qui s’apparentent àla corruption, à savoir les pratiquesfrauduleuses aux examens et concourset celles qui sont susceptibles d’enta-cher les jugements rendus par les ma-gistrats. Concernant les fraudes auxexamens et concours, la fraude estdéfinie avec précision par le code pé-nal34. En conséquence, la loi a prévudes sanctions qui vont d’un emprison-nement de six mois à un an et d’uneamende de 150!000 à 1!000!000 de FCFA. Ces sanctions sont applicablesaux cas de tentatives de fraude, denon-observation des règlements etd’imprudence favorisant une fraude, àla fraude commise à l’occasion d’unexamen ou concours d’accès à un em-ploi public ou l’obtention d’un diplômeet

et à la fraude commise à l’occasiond’examen ou concours autre quepublic.

Quant aux pratiques frauduleuses sus-ceptibles d’entacher les jugementsrendus par les magistrats, le Code pé-nal retient le faux témoignage ainsi quela subornation de témoin et d’inter-prète35. En la matière, la sanction en-courue porte sur une peine d’emprison-nement et/ou une sanction pécuniaire.La lourdeur de cette sanction dépendd’abord de la nature du faux témoi-gnage (matière criminelle, délictuelle,de simple police ou en matière civile,commerciale, sociale ou administrati-ve). De plus, la peine maximale estprononcée si le témoin a reçu de l’ar-gent, une récompense ou une promes-se (généralement six mois à vingt anset 75!000 à 1!500!000 F CFA). Cessanctions s’appliquent aussi bien àl’interprète qui dénature volontairementlors d’un procès la substance desdéclarations orales ou documentstraduits, qu’à l’expert désigné par uneautorité judiciaire, qui donne un avismensonger ou une affirmation de faitscontraire à la vérité. Le délit de subor-nation de témoin est également sanc-tionné par l’article 293 du Code quidispose que "Commet le délit desubornation de témoin et est puni d’unempriso

____________________________________________

28 Articles 154 à 172 du Code pénal.29 définie par le fait d’avoir un intérêt, direct ou indirect, qui met en conflit son intérêt personnel et les

devoirs de la fonction (article 161 et 162).30 définie comme le délit consistant à recevoir ou à exiger des sommes dans l’exercice d’une fonction

publique (article 155).31 qui consiste pour une personne à abuser de l’influence que lui donne son mandat ou sa qualité ou de

l’influence supposée en vue de faire obtenir ou tenter d’obtenir des récompenses, distinctions desfonctions, marchées ou une décision favorable d’une autorité publique, des entreprises ou avec uneadministration placée sous son contrôle d’influence (articles 156, 157, 302, 303, 306 et 307).

32 qui concerne toute personne dissipant à des fins personnelles des deniers publics, des valeursmobilières des titres de paiement (articles 154 et 161).

33 illicite qui est une forme de détournement, lorsqu’une personne s’enrichit en se servant des biens del’État ou tout autre moyen de l’État ou de ses collectivités.

34 cf. l’article 311 du Code pénal; la fraude aux examens est définie comme le fait de transmettre,communiquer, diffuser ou vendre des épreuves, leurs corrigés ou leurs solutions; de substituer desdites épreuves, les résultats ou les listes de candidats; de modifier par rajout ou retrait des notes oudes noms de candidats des listes relatives auxdits examens et concours.

35 Selon l’article 288 le faux témoignage est "l’altération volontaire de la vérité faite sous la forme duserment par un témoin dans une disposition devenue irrévocable dans le but de tromper la justice enfaveur de l’une des parties".

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148 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

emprisonnement de un à trois ans etd’une amende de 300!000 à 900!000francs ou l’une de ces deux peinesseulement, quiconque, en toute matiè-re, en tout état de procédure ou en vued’une demande ou d’une défense enjustice, use de promesses, offres ouprésents, de pressions, menaces, voiesde fait, manœuvres ou artifices pourdéterminer autrui à faire ou à délivrerune déposition, une déclaration ou uneattestation mensongère, que la subor-nation ait ou non produit effet". Il en estde même pour la subornation d’inter-prète (article 296).

8.1.3. LE RÉGIME JURIDIQUE APPLI-CABLE AUX EMPLOIS ET AUXAGENTS DE LA FONCTION PUBLI-QUE

u titre des comportements éthiquesattendus des agents des admi-

nistrations publiques figurent les exi-gences de loyauté, de probité, d’impar-tialité, de discipline, d’une saine gestiondes biens publics, d’égards et dediligence à l’endroit du public. Mais detoutes ces exigences celles de loyauté,de probité et d’impartialité sont les plusporteuses d’éthique, ce qui expliqueque leur efficience est renforcée parune série d’interdictions assorties derégimes disciplinaires pour en assurerl’effectivité (cf. titre V de la loi). À cetitre, on peut citer l’interdiction!:

• De solliciter ou d’accepter des dons,gratifications ou autres avantagesquelconques pour les services qu’ilssont tenus de rendre dans le cadrede leurs fonctions ou en relationavec celles-ci, c’est-à-dire l’interdic-tion de la corruption (article 19);

• D’avoir un intérêt, direct ou indirect,qui met en conflit son intérêt per-sonnel et les devoirs de la fonction,c’est-à-dire l’interdiction de la priseillégale d’intérêt (article 16 al.2);

• De soustraction et de détournementdes biens et deniers publics (article18 al.2).

Ainsi et aux termes de l’article 19 de laloi n°13/98/AN du 26 avril 1998 "lesagents de la fonction publique ne doi-vent, en aucun cas, solliciter ou ac-cepter des tiers, directement ou parpersonne interposée, des dons, gratifi-cations ou autres avantages quel-conques pour les services qu'ils sonttenus de rendre dans le cadre de leursfonctions ou en relation avec celles-ci".

Le dispositif législatif contre la corrup-tion comporte un spectre de domainestrès diversifiés. À ce titre, on peut citer!:

• La loi n° 3/92/ADP du 3 décembre1992 portant révision du Code desdouanes (article 37);

• La loi organique n°036-2001/AN du31 décembre 2001 portant statut ducorps de la magistrature (art.11 à14);

• La loi N°47/96/ADP du 21 novembre1996 portant statut général desagents des collectivités territoriales(articles 27 à 34);

• La Résolution N°99-001/AN/BAN/PRES du 12 mai 1999 portant statutde la Fonction publique parle-mentaire (articles 79 à 81).

Tous ces textes de lois, dans les arti-cles cités, condamnent et sanctionnentla prise illégale d’intérêt par toute per-sonne investie d’une mission de servicepublic.

Les dispositions du statut du corps dela magistrature et de la fonction publi-que parlementaire imposent en plusdes obligations qui rendent incompati-bles ces fonctions avec toute autrefonction publique ou toute autre activitéprofessionnelle, salariée ou commer-ciale. Les conjoints des agents viséssont astreints à la déclaration de leuractivité lucrative privée à l’adminis-tration dont ils relèvent. Une mentionspécifique sur le statut des magistratssouligne à l’article 14 qu’aucun "magis-trat ne peut, à peine de nullité de lamesure

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 149

décision, intervenir, connaître d’unecause dans laquelle son conjoint ou lui-même, ses alliés, parents jusqu’audegré d’oncle et de neveu inclusexercent ou ont exercé des fonctionsde magistrat, d’avocat, d’expert desyndicat ou de liquidateur judiciaire".

8.1.4. LE CODE DES IMPÔTS ET LECODE DE L’ENREGISTREMENT, DUTIMBRE ET LES TAXES SUR LESVALEURS MOBILIÈRES36

ans un souci de garantir une bonneentrée des ressources financières

au trésor public, le Code des impôts etcelui de l’enregistrement, du timbre etdes taxes sur les valeurs mobilières,prévoient des sanctions visant à répri-mer toutes les infractions empêchant lerecouvrement.

Sur le plan de la vérification et ducontrôle, le Code des impôts, en sonarticle 454, dispose!: "quiconque s’estfrauduleusement soustrait, ou a tentéde se soustraire frauduleusement aupaiement total, ou partiel des impôtsdirects et taxes assimilées, soit qu’il aitvolontairement omis de faire sa décla-ration dans les délais prescrits, soit qu’ilait organisé son insolvabilité, ou misobstacle par d’autres manœuvres aurecouvrement de l’impôt, est passibledes sanctions fiscales applicablesd’une amende de soixante mille à troiscent mille francs ou/et d’un emprison-nement de deux mois à deux ans". Ilest à noter que les dispositions du codedes impôts réprimant les infractions aurecouvrement de l’impôt ont été renfor-cées à l’occasion de l’adoption de la loide finance pour l’exécution du budgetde l’État 2002 (articles 455 bis et ternouveaux).

Le Code de l’enregistrement, du timbreen mesure

et des taxes sur les valeurs mobilièresprévoit, en la matière, des mesurespréventives et répressives. Les mesu-res préventives visent à combattre ladissimulation de fonds et à renforcerl’obligation d’honnêteté du contribuablepar la signature de documents de dé-claration assortis de la mention!: " jesoussigné affirme, sous les formesédictées par l’article 137 du code del’enregistrement, que le présent acteexprime l’intégrité du prix ou de lasoulte".

Pour les mesures répressives, l’article130 dispose que "toute dissimulationdans le prix d’une vente d’immeuble,d’une cession de fonds de commerceou de clientèle ou d’une cession dedroit à bail ou promesse de bail immo-bilière et dans la soulte d’un échangeou d’un partage est punie d’uneamende égale à la moitié de la sommedissimulée et payée solidairement parles parties à répartir entre elles parégale part".

8.1.5. LE CODE DES DOUANES37

e Code des douanes distingue deuxtypes d’infractions à la réglementa-

tion douanière!: les contraventions etles délits de douanes. Les contraven-tions douanières sont classées enquatre grandes catégories dans le codedes douanes!: le refus d’obtempéreraux injonctions des agents, du déchar-gement et du jet de marchandises encours de route (contravention de pre-mière classe, article 257); les irrégula-rités qui ont pour résultat d’empêcher lerecouvrement d’un droit ou une taxenotamment les excédents sur le poids,le nombre en la mesure déclarée(contravention de deuxième classe,article 258); les faits de contrebanded’importation ou d’exportation sansmesure.

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L

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36 Les lois n° 6-65-AN du 26 mai 1965 et ensemble avec ses modifications et n° 26-63-AN du 24 juillet1963 portant respectivement Code des impôts directs et indirects et Code de l’enregistrement, dutimbre et les taxes sur les valeurs mobilières.

37 La loi n°3/92/ADP du 3 décembre 1992 portant code des douanes (révision en 1992).

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150 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

déclaration, des fausses déclarationsde toute nature (contravention de troi-sième classe, article 259) et lesinfractions relatives à des marchan-dises soumises à autorisation spécialel’entrée ou à la sortie (contravention dequatrième classe, article 260).

Quant au délits douaniers, le Code enprévoit trois principaux!!:

• Le délit de première classe, prévupar l’article 261, et qui est restreintpar "tout fait d'importation oud’exportation sans déclaration lors-que ces infractions se rapportent àdes marchandises de catégories decelles qui sont soumises à autori-sation spéciale";

• Le délit de deuxième classe quedéfinit l’article 262 comme une"contrebande commise par uneréunion de trois individus et plusjusqu’à six inclusivement que tousportent ou non des marchandises defraude";

• Le délit de troisième classe qui,selon l’article 263 a et b, "est unecontrebande commise soit par plusde six individus, soit par trois indivi-dus ou plus à dos d’animal, à véloci-pède, par aéronef et par véhiculeautopropulsé".

Dans tous ces cas, la peine encourue,selon l’article 263, est, en plus de laconfiscation de l’objet de fraude, desmoyens de transport, des objets ser-vant à masquer la fraude, d’une amen-de égale au quadruple de la valeur desobjets confisqués et d’un emprisonne-ment d’un an à cinq ans.

8.1.6. LES RÈGLES D’ORGANISA-TION DE LA CONCURRENCE38

n la matière, la loi définit unensemble de pratiques commer-

ciales anti-concurrentielles répréhensi-bles

bles et édicte, sous peine de sanction,des obligations aux acteurs de la vieéconomique.

Les principales pratiques prohibéesconcernent les ententes et les abus deposition dominante, les prix imposés etde reventes à pertes, les pratiquesdiscriminatoires entre professionnels etla publicité mensongère ou trompeuse.

Les exigences de la loi en matière deconsommation sont principalement!:

• L’information des consommateurspar tout procédé approprié (mar-quage, étiquetages, affichage, voiede presse) sur les prix, la limitationde la responsabilité contractuelle,les conditions particulières de vente,etc);

• L’obligation d’établir ou d’exiger unefacture pour laquelle l’article 12 infine de la loi dispose que "les origi-naux et les copies des factures doi-vent être conservés par l’acheteur etle vendeur pendant un délai de cinqans à compter de la date de la tran-saction et en tout état de causejusqu’à épuisement du stock";

• La communication des barèmes deprix et des conditions de vente (datede paiement, ou rabais par exemple)exigée à tout revendeur à tout in-dustriel, grossiste ou importateur.Cette mesure participe à une meil-leure visibilité des prix entre profes-sionnels et sa non-observation cons-titue une infraction aux règles detransparence du marché et unerestriction de la concurrence.

Le non-respect de ces exigences cons-titue une infraction aux règles deconcurrence loyale et expose le contre-venant à une peine d’emprisonnementpouvant aller de six jours à six moiset/ou d’amende de cinq mille à cinqmillions de francs.

E____________________________________________

38 La loi n°15/94/ADP/ du 5 mai 1994 porte organisation de la concurrence.

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 151

8.1.7. LE CODE DE LA PUBLICITÉ39

ette loi a permis de donner unedéfinition claire des professions

publicitaires et les différentes formesd’exercice de la profession. Ainsil’article 21 de la loi dispose que "toutmessage publicitaire doit être conformeaux exigences de véracité, de décence,et de respect de la personne humaine".Cette disposition indexe les deuxinfractions majeures que sont la publi-cité mensongère ou trompeuse et laconcurrence déloyale. Constitue unepublicité mensongère ou trompeuse"toute publicité comportant desallégations ou des présentationsfausses, ayant pour effet d’induire leconsommateur en erreur", que les allé-gations, indications ou présentationsfausses portent sur la composition, lesqualités substantielles, l’espèce, l'origi-gine, mode et date de fabrication, lespropriétés, etc. (cf. articles 115 et 116).Outre la cessation éventuelle de lapublicité, ce délit, conformément àl’article 150 du Code de la publicité, estpuni d’une peine d’amende de 5!000 à5!000!000 francs CFA et/ou d’empri-sonnement de deux à trois ans.

Quant à la concurrence déloyale, elledésigne selon l’article 129 "toute publi-cité tendant soit au dénigrement, soit àla confusion en vue de détourner uneclientèle"; le dénigrement étant "toutacte tendant à déprécier ou à discrédi-ter même implicitement l’industrie, lecommerce, les services ou les produitsd’un concurrent" (article 130) alors quela confusion, elle, consiste pour uncommerçant à "s’inspirer des moyensen mesure.

de publicité d’un autre commerçant"(article 131). La loi prévoit, en pareilcas, une réparation des dommagescausés à la victime par le coupable,nonobstant la cessation des actes ré-préhensibles (article 134).

8.1.8. LE CODE ÉLECTORAL

e code électoral a subi plusieursmodifications dans le souci de

dégager un consensus minimal entrel’ensemble des acteurs politiques. Toutce processus d’amendement des dispo-sitions du code électoral est intervenu àla suite d’organisations d’électionsrégulières (présidentielles, législativeset municipales) afin d’adapter la légis-lation aux exigences du jeu démo-cratique.

C’est ainsi que la quatrième Républiqueest celle qui a connu la plus grandeproduction législative en matière électo-rale. En effet, sur une période de onze(11) ans (1991-2002) le pays aurachangé sept (7) fois de Code électoralce qui veut dire que la compétitionpolitique aura été régie dans ce laps detemps par huit (8) codes électoraux40.

Cette succession rapide de textes légis-latifs sur l’organisation des compétitionsélectorales est la traduction d’un man-que de consensus sur les règles du jeuélectoral. Les changements intervenusont plus affecté la gestion des électionsque le mode de scrutin41. Le code élec-toral réprime lourdement la fraude avecune panoplie de sanctions adaptées àchaque cas42. Ces sanctions vont d’unemprison

C

L

____________________________________________

39 La loi n°025-2001 du 25 octobre 2001 portant Code de la publicité.40 Il s’agit de la Zatu An VIII 0020/FP/PRES du 20 février 1991, de l’ordonnance n° 92-018/PRES du

25 mars 1992 , de la loi n° 003/97/ADP du 12 février 1997, de la loi n° 021/98/AN du 7 mai 1998, dela loi n° 033/99/AN du 23 décembre 1999, de la loi n°004/2000/AN du 18 avril 2000, de la loi n°014/2001/AN du 13 juillet 2001 et de la loi n° 002/2002/AN du 23 janvier 2002.

41 Ainsi le mode de scrutin pour les élections autres que présidentielles, n’a connu qu’une modificationpassant de la proportionnelle à la plus forte moyenne à la proportionnelle au plus fort reste.

42 Il s’agit de l’inscription sous un faux nom ou une fausse qualité; la délivrance d’un faux certificatd’inscription ou de radiation; vote d’une personne déchue du droit de vote; la soustraction, l’ajout debulletin ou la lecture d’un nom autre que celui inscrit; la soustraction d’une urne contenant dessuffrages émis et non encore dépouillés.

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152 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

emprisonnement d’un mois à cinq anset d’une amende de dix mille à centmille francs CFA.

Afin de parvenir à des élections justeset équitables, le législateur burkinabè a,en 2000, adopté la loi n° 12/2000/ANdu 2 mai 2000 portant financement desactivités des partis politiques et descampagnes électorales, loi modifiée enses articles 14 et 19 par la loin°12/2001/AN du 28 juin 2001. Ainsiaux termes de l’article 14, "la contribu-tion de l’État prévue à l’article 10 ci-dessus est accordée à tous les partispolitiques ayant obtenu au moins 5%des suffrages exprimés aux dernièresélections législatives. La répartitions’effectue au prorata du nombre desuffrage obtenus".

L’article 19 précise que "nonobstant lesdispositions de l’article 14 ci-dessus etpour une période allant jusqu’à la fin dela prochaine législature, la contributionde l’État est répartie de la manière sui-vante!: 50% à répartir entre tous lespartis politiques ayant obtenu au moins5% des suffrages exprimés aux derniè-res élections législatives au prorata dunombre de suffrages; 50% à répartir defaçon égalitaire entre tous les partispolitiques reconnus à ce jour eu égardà leurs statuts et ayant pris part aumoins à un scrutin".

L'objectif poursuivi par ce projet de loiest non seulement de préserver l’équitédans la compétition et de permettre auxpartis politiques de jouer pleinement lerôle que leur assigne la constitution àson article 13 mais surtout d’éviter lacorruption par le biais des détourne-ments des biens publics et le finance-ment privé des partis.

Force est de constater que la loi portantfinancement des activités des partispolitiques et des campagnes électo-rales comporte de graves lacunes àmême d’hypothéquer sa capacité àenrayer la corruption dans le domainede la compétition politique.

En effet, si le souci d’éviter les détour-nements est pris en compte par l’article

3 de la loi n° 12-2000/AN qui disposeque "l’utilisation par les partis politiquesdes biens et services de l’État autresque les prises en charge et les sub-ventions prévues par la loi est interdite".

L'autre aspect de la question, à savoirle financement privé des partispolitiques, est complètement occulté.Une lacune qui ouvre des brèches dansle dispositif tendant à prévenir la cor-ruption et à assurer l’égalité des candi-dats, surtout que ladite loi ne comporteaucune disposition relative au plafon-nement des dépenses de campagne.

Toutes choses qui remettent en causel’idée de l'organisation d'une compé-tition loyale entre candidats bénéficiantrelativement des mêmes potentialitésde victoire en résorbant les inégalitésmatérielles de départ. En effet, lesprincipales causes de ces inégalités,contre lesquelles il faut se prémunir oulutter sont l'argent et les faveurs dupouvoir.

Sans réglementation du financementprivé des partis politiques par une limi-tation des dons privés et surtout sansun plafonnement des dépenses decampagne, le risque est grand quecette loi soit un coup d'épée dans l'eau.

Sur ce point, on pourra utilements'inspirer des lois allemandes des 24juillet 1967 et 22 juillet 1969, de laFédéral election compaign act du 7 avril1972 ou de la loi française du 11 mars1988. Le principe qui doit sous-tendrecette loi est le principe d'égalité dechance et de transparence financière.

Autre lacune à relever, la loi sur lefinancement des activités des partispolitiques et des campagnes élec-torales n'aménage pas des sanctionsvéritablement dissuasives. Il faut que lenon-respect du plafond de dépensesautorisées par un candidat soit puni parla perte de son mandat s'il est élu, et leremboursement des fonds publics dansle cas contraire. De même et horscampagne électorale, le parti qui n'aurapas utilisé à bon escient (détourne-ment) les fonds publics devrait être

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 153

exclu, pour une durée à déterminer, dubénéfice des fonds publics.

8.2. LE CADRE RÈGLEMEN-TAIRE

es textes réglementaires enmatière de lutte contre lacorruption et la fraude portent

essentiellement sur l’organisation desmarchés publics d’une part et celle desexamens et concours professionnelsscolaires et universitaires d’autre part.

8.2.1. LES MARCHÉS PUBLICS

e texte le plus significatif et le plusrécent en matière d’organisation des

marchés publics, le décret n°2003-269/PRES/PM/MBF du 27 mai 2003 portantréglementation générale des achatspublics, pose un principe fondamentalde base qui est la mise à concurrencedes soumissionnaires des marchés del’État43. Toutefois, cette mise à concur-rence est modérée dans deux casd’extrême urgence, la défaillance d’unfournisseur ou d’un entrepreneur etaussi le cas de force majeure motivéepar des circonstances imprévisibles.Certaines dispositions autorisent alors,dans des conditions bien définies, laconsultation restreinte et le gré à gré.Quelle que soit la nature de l’offre,(ouverte, restreinte ou de gré à gré), lesarticles 21 à 48 du décret imposent, àla puissance publique comme ausoumissionnaire, des formalités afin degarantir la transparence des opérations.La violation des dispositions régle-mentant la procédure de passation desmarchés publics entraîne des sanctionsselon que l’infraction est imputable àl’administration et à ses agents ou auxmesures.

soumissionnaires et attributaires demarchés.

Pour l’administration, le fractionnementde marché, la passation de marchéavec des soumissionnaires non agréésou la rédaction de faux rapports d’exé-cution de marché fournis par les agentsde contrôle et de vérification constituentles principaux cas d’infraction. Lessanctions applicables sont générale-ment la réparation du dommage causépar les auteurs sans préjudice dessanctions disciplinaires (cf. articles 123à 126). Pour les soumissionnaires etles attributaires, la réglementationgénérale des marchés publics retientdeux types d’infractions!: la constitutionde dossier avec des fausses attesta-tions ou publications ainsi que la cor-ruption des agents chargés des procé-dures de passation, d’exécution, decontrôle ou de réglementation desmarchés. La sanction encourue est leretrait partiel ou total, temporaire oudéfinitif de leur agrément ou la suspen-sion de la commande publique (cf.articles 127 à 129).

Nonobstant les sanctions ci-dessusprévues, des poursuites judiciaires peu-vent être engagées contre les coupa-bles d’infraction à la réglementation.

8.2.2. LES EXAMENS PROFESSION-NELS ET LES CONCOURS

Les examens professionnels

Les modalités d’organisation desexamens professionnels et concoursprévoient des sanctions disciplinaireslourdes contre tout agent public oucandidat ayant commis ou tenté decommettre des fraudes pendant lesexamens44 Les sanctions contre l’agentpublic vont de l’exclusion temporaire àla radiation sans suppression des droitsen mesure.

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L

____________________________________________

43 Cf. le décret n°2003-269/PRES/PM/MEF du 27 mai portant réglementation générale des achatspublics. Ce décret a remplacé le décret n°2002-110/PRES/PM/MEF du 20 mars 2002.

44 Cf. le décret n°99-103/PRES/PM/MFPDI/MEF du 29 avril 1999

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154 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

à pension. Quant au candidat fautif, ilest passible d’une suspension de toutconcours ou examen organisé par lesservices publics de l’État. Les sanctionspénales et /ou pécuniaires sont prévuespar le code pénal.

Les examens et concours organiséspar les Ministères en charge del’Éducation Nationale

Les dispositions relatives aux cas defraude décelés dans les examens etconcours organisés par les ministèresen charge de l’Éducation Nationaleretiennent quant à elles trois cas de casde fraude45. Les malversations relativesà la préparation des concours (l'élabo-ration, la confection, l’impression, laconservation et le transport des sujets)et aussi au déroulement des examenset concours (correction des copies,interrogation des candidats, le relevédes notes et le calcul des notes), lescommunications pendant les épreuveset toute introduction ou usage de do-cuments non autorisés et enfin l’usur-pation ou la falsification d’identité(usage de fausses pièces tels que di-plômes ou extraits d’acte de nais-sance).

Selon les articles 3 et 4 de l’arrêté, lessanctions prévues sont l’exclusionimmédiate de la salle d’examen du oudes candidats ayant commis desfraudes et la traduction, devant leConseil de discipline, de tout membrede commission ou agent del’administration pris en flagrant délitd’irrégularité grave. Il est à noter quel’action disciplinaire ne fait pas obstacleà l’action publique. Ce texte qui date deprès de vingt ans mériterait un toilet-tage pour mieux l’adapter à la lutteefficace contre la fraude aux examensqui est de plus en plus grandissante.

Les sanctions disciplinaires

Ces modalités concernent les pratiquesen mesure

de fraude, la tentative de fraude ou dé-claration frauduleuse commise lors del'inscription ou au cours d'un examenentraînent l'annulation de l'inscriptionou de l'examen du candidat et le caséchéant de ses complices et leurexpulsion s'il y a flagrant délit46. Lessanctions sont prononcées par le prési-dent du jury avant que les contreve-nants soient traduits devant la Com-mission de discipline qui peut déciderde l’application deux sanctions princi-pales. D’abord, l'interdiction d'inscrip-tion et de subir des examens dansl'établissement d'enseignement supé-rieur dans lequel il a commis la fraude.Enfin, l'exclusion perpétuelle de toutétablissement universitaire et l’interdic-tion de se présenter à l'épreuve dubaccalauréat, et à tout autre examenorganisé par l'université, les instituts etles écoles d'enseignement supérieurpublics et libres.

Ce texte porte en fait davantage surl’application de la discipline attenduedes étudiants que sur une lutte géné-rale contre la fraude. Ce texte n’abordeen effet que de manière laconique lescas de fraudes dans l'enseignementsupérieur, alors que la situation actuellepourrait compromettre sérieusement labonne formation des futurs cadres etresponsables.

Conclusion

La lutte contre la corruption et la fraude,comme le montrent les développe-ments ci-avant, jouit d’une garantienormative et réglementaire certaine auBurkina Faso. Toutes choses quitraduisent une prise de conscience del’importance du fléau. Cependant, lesdéficiences dans les conditionsd’application des textes peuvent lesrendre formels et virtuels. En outre, ledispositif normatif comporte deslacunes; il en est ainsi du vide juridiqueconstaté en ce qui concerne lefinancement privé des partis politiquesen mesure.

____________________________________________

45 Cf. l’arrêté n°13/EN/DEC du 20 mai 198546 Kiti n°AN V-0137/FP/ESRS

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 155

tout comme l’inexistence d’une législa-tion régissant le régime des cadeauxalors que la pratique est répandue dansles administrations et constitue souventune brèche par laquelle la corruptionpeut s’introduire.

8.3. LE DISPOSITIF DE LUTTECONTRE LA CORRUPTION

8.3.1. LES INSTITUTIONS ÉTATI-QUES

es structures institutionnelles misesen place par l’État sont d’origine

législative (Inspection Générale d’État,Inspections techniques des services,Cour des Comptes, Commission Natio-nale de la Concurrence) ou réglemen-taire (Coordination Nationale de luttecontre la pauvreté, Comité Nationald’Éthique, Haute Autorité de Coordi-nation de la Lutte contre la Corruption).

L’Inspection Générale d’État, instan-ce supérieure de contrôle

Depuis 1993, l’Inspection Générale del’État (IGE), rattachée au premierministère, est chargée de quatremissions essentielles47,48.

• Contrôler l’observation des texteslégislatifs et réglementaires quirégissent le fonctionnement adminis-tratif, financier et comptable danstous les services publics, les collecti-vités publiques locales, les établis-sements publics et tous les organis-mes investis d’une mission de ser-vece

vice public;

• Évaluer la qualité du fonctionnementet la gestion des services;

• Vérifier l’utilisation des crédits et larégularité des opérations;

• Proposer des mesures susceptiblesde renforcer la qualité del’administration publique.

L’IGE a une mission de contrôle géné-ral; ce contrôle s’exerce sur la gestionfinancière et administrative des admi-nistrations centrales, des administra-tions décentralisées, des institutions del’État, des missions diplomatiques àl’étranger, des sociétés d’État à partici-pation publique, des circonscriptionsadministratives majoritaires, des collec-tivités territoriales et de leurs établis-sements publics ainsi que des person-nes morales de droit public bénéficiantdu concours financier de la puissancepublique.

Conformément à l’article 8 de la loi n°13/93/ADP du 18 mai 1993, l’IGE, pource qui concerne l’accomplissement deses missions, intervient à la demandedu chef de l’État, du Chef du gouver-nement et du Président de l’AssembléeNationale. Elle peut également s’auto-saisir de tout dossier ou de toute affairede corruption ou de mauvaise gestion.La structure est dirigée par un Inspec-teur Général qui coordonne les activitésdes Inspecteurs d’État, tous nommésen Conseil des Ministres sur proposi-tion du Premier Ministre "parmi lesagents de l’État appartenant à la caté-gorie A1 ou à des catégories assimiléeset comptant au moins dix (10) ans deservices effectifs dans ladite catégorie"en mesure

L

____________________________________________

47 Cf. la loi n°13/93/ADP du 18 mai 1993.48 Depuis l’accession du Burkina Faso à l’indépendance en 1960, on note, de la part des pouvoirs

successifs une certaine volonté de mettre en place des organes de contrôle général commel’Inspection Générale des Finances et l’Inspection Générale des Affaires Administratives. Cesorganes ont connu des évolutions selon les régimes politiques. Ainsi, sous le Comité Militaire deRedressement pour le Progrès National (CMRPN) de 1980-1982, ces organes ont été fusionnés pourconstituer une Inspection Générale d’État. Cette structure disparaîtra sous le Conseil de Salut duPeuple (CSP1 et CSP2) de 1982-1983, et le Conseil National de la Révolution (CNR) de 1983-1987,pour réapparaître avec l’avènement du Font Populaire en 1987.

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156 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

(article 2 du décret n°95-185/PRES/PMportant statut des inspecteurs d’État).

Ils doivent en outre "jouir d’une bonnemoralité et être physiquement, intellec-tuellement et moralement aptes à exer-cer des fonctions d’inspection" (article 4du statut). La loi confère à l’IGE despouvoirs d’investigation dont, enparticulier, l’accès à toutes les sourcesde documentation, à tous les dossierset à tout document que les inspecteursjugent nécessaires à l’accomplissementde leurs missions déjà citées plus haut.Le droit à tout renseignement dont ilsont besoin ne peut souffrir d’aucuneopposition, même en ce qui concerneles organes privés dans le cadre deleurs rapports avec les agents ou orga-nismes contrôlés (cf. article 15 de la loin°13/93/ADP du 18 mai 1993). Cespouvoirs sont renforcés par des garan-ties statutaires aménagées par le légi-slateur en vue d’assurer l’indépendanceet l’esprit d’initiative des inspecteursdans l’exercice de leur fonction.

L’inspecteur général adresse desrapports périodiques et un rapportgénéral annuel au Premier Ministre quil’informe, en retour, des suites quipeuvent être réservées à ces rapports.À ce titre, l’institution a produit, depuisle démarrage effectif de ses activités,cent trente cinq (135) rapports soit unequinzaine par an.

Comme on peut le constater, cettestructure instituée comme instancesupérieure de contrôle de l’État apréséance sur tous les autres corps decontrôle au Burkina Faso et la loid’application qui la régit fait obligation àtoutes les inspections généralestechniques des départementsministériels et des institutions de luiadresser copie de tous leurs rapports.Mais en réalité, il apparaît que cettestructure théoriquement bien outilléepour mener la lutte contre la corruption;se révèle, dans la réalité, peuopérationnelle du fait d’un certainnombre de facteurs, notamment!:

• La lourdeur de ses procédures liée à

un type d’organigramme inadéquat,de nature à entraver l’indépendanceet l’esprit d’initiative des inspecteurs,indépendance pourtant consacréedans les textes; en effet, aux termesdu décret n° 98-456/PRES/PM du25 novembre 1998 portant organi-sation des services de l’IGE, lesinspecteurs sont placés dans desliens de subordination hiérarchiqueau sein des directions techniquesplacées sous la coordination duSecrétaire Général qui, lui-même,est placé sous l’autorité de l’Inspec-teur Général d’État; (des inspecteursdits indépendants sont sous ladirection de directeurs généraux);

• Le pouvoir d’investigation limité desinspecteurs qui n’ont pas la possi-bilité d’aller au bout de leur action enmatière de prévention, de dénoncia-tion et de répression. L’institution n’apas la capacité de publier lesrapports qu’elle établit, ni de faireinstruire des dossiers de corruptionpar les tribunaux suite à sesrapports;

• Le pouvoir discrétionnaire dontdisposent les destinataires de cesrapports quant aux suites à donnersur le plan administratif ou judiciaireconstitue un réel frein et une limiteréelle à la visibilité de l’action del’IGE. La confidentialité des rapportsde contrôle ne permet pas au publicd’avoir accès à l’information sur lecontenu de ces rapports, ni sur leuraboutissement. Ce faisant, ces rap-ports restent, la plupart du temps,sans suite malgré la création, en2000, d’un comité chargé de leursuivi. La création de ce comité desuivi et de mise en œuvre des rap-ports, présidé par le SecrétaireGénéral du Premier Ministère, n’avisiblement pas contribué à amélio-rer l’image que l’opinion publique sefait de l’IGE, tant les résultatsescomptés se font toujours attendre;

• L’insuffisance des moyens finan-ciers, humains et matériels n’est pasnon plus négligeable dans les

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 157

obstacles à l’atteinte des objectifs decette institution. L’IGE, qui apparaîtplus comme "une salle d’attentepour les personnalités en instanced’affectation", mérite un renforce-ment de ses pouvoirs. Dans le cadredu programme de bonne gouvernan-ce, l’IGE a formulé des propositionsqui visent à lui donner la capaciténon seulement de rendre publicsses rapports mais surtout de saisirdirectement la juridiction compétenteen cas de découverte de faits ou depratiques de corruption. Ces réfor-mes, si elles aboutissaient, donne-raient plus de pouvoirs et de crédit àl’institution.

Les inspections techniques desservices du département ministériel

Chaque département ministériel com-prend une inspection technique desservices chargée du contrôle et del’appui-conseils dans l’application de lapolitique du département49. Les mis-sions qui lui sont confiées portentessentiellement sur!:

• Le contrôle de l'application destextes législatifs, réglementaires, etdes instructions administrativesrégissant le fonctionnement adminis-tratif, financier et comptable de tousles services et projets;

• L'étude des réclamations des admi-nistrés et usagers des services;

• Les investigations relatives à lagestion administrative et financière,l'étude de la qualité du fonction-nement et de la gestion en vue deproposer toutes mesures de renfor-cement ou d'amélioration de laqualité des services;

• L'appui-conseil pour l'organisationdes services et des projets.

Le contrôle hiérarchique exercé dans lemenu.

cadre de ces inspections techniquesdevrait également permettre de luttercontre la petite corruption.

Il faut noter le cas particulier de l’Ins-pection Générale des Finances (IGF),qui est chargée du contrôle de tous lesservices financiers et fiscaux de l’État,des sociétés d’État et d’une manièregénérale de tous les établissements quireçoivent, détiennent ou manipulentdes fonds publics.

La Cour des comptes, juridictionsupérieure de contrôle des financespubliques

La Cour des comptes est régie par la loiorganique n°014-2000AN du 16 avril2000. Elle est une institution juridic-tionnelle qui succède à la Chambre descomptes de la Cour Suprême. En saqualité de juridiction suprême de con-trôle des finances publiques, elle a pourtâches!:

• La sauvegarde du patrimoine publicet la sincérité des finances publi-ques;

• L’amélioration des méthodes degestion en veillant au respect de latransparence;

• La rationalisation des activités del’administration et la bonne affec-tation des ressources;

• Le jugement des comptes descomptables publiques et la répres-sion des fautes de gestion;

• L’assistance à l’Assemblée Natio-nale dans sa fonction de contrôle del’exécution des lois de finances.

Pour remplir ces missions, la Cour descomptes dispose de pouvoirs d’inves-tigation qui lui permettent d’entendretout responsable ou de se faire commu-niquer tout rapport d’inspection, demesure.

________________________________________

49 Cf. le décret N° 2002-254/PRES/PM/SGG/CM du 20 décembre 1999;

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158 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

vérification ou de contrôle. On note parailleurs que le Procureur général prèsla Cour des comptes peut déférerdirectement aux juridictions compé-tentes les agissements constitutifs decrimes ou de délits. La Cour établit troistypes de rapport!:

• Un rapport général annuel qu’elledépose sur le bureau del’Assemblée Nationale en mêmetemps que le projet de loi derèglement du gouvernement;

• Un rapport adressé au Chef de l’Étatet publié dans le Journal Officiel,dans lequel elle peut suggérer touteréforme nécessaire à l’attention dudestinataire;

• Un rapport d’ensemble sur l’activité,la gestion et les bilans desentreprises qu’elle a contrôlées.

Comme on le constate, la Cour descomptes apparaît, au regard de sesattributions, comme une des structurespouvant lutter efficacement contre lespratiques de la corruption; encore faut-ilqu’après sa récente installation, ellesoit dotée des moyens logistiques,humains indispensables lui permettantd’aller au-delà du bilan d’activités de laChambre des comptes de la CourSuprême. En effet, la structure n’apublié qu’un rapport depuis sa créationen 1984, rapport qui date de la périoderévolutionnaire. Par ailleurs, il importede relever que la Cour des comptes, auregard des attributions qui lui sontreconnues (cf. article 18 de la loiorganique n°014-2000AN du 16 avril2000) ne peut être performante du faitde l’immensité de la tâche. Il s’avèredonc nécessaire de procéder à sadéconcentration aux niveaux régional etprovincial.

La Coordination Nationale de Luttecontre la Fraude

Créée en 1994, la Coordination estplacée

placée sous l’autorité du Ministrechargé des Finances50. Elle est chargéede l’exécution de la politique nationalecontre la fraude. À ce titre, elle a pourmission de!:

• Organiser et animer la réflexion surla lutte contre la fraude;

• Coordonner l’action des différentesadministrations qui interviennentdans la lutte contre la fraude;

• Proposer la stratégie nationale delutte contre la fraude et en assurer lamise en œuvre;

• Constater et poursuivre devant lestribunaux ou régler par voietransactionnelle les cas de fraudedécouverts à l’occasion de cescontrôles;

• Créer et exploiter un fichier nationalsur la fraude.

La Coordination peut, sur instruction duMinistre chargé des finances ou sur lademande du service compétent, sesaisir de tout dossier de fraude. Elle estorganisée autour de trois sections, quitraitent respectivement de la fiscalité deporte, de la fiscalité intérieure et desinfractions à la législation sur l’industrie,le commerce (concurrence déloyale,contrefaçons, importation de produitsprohibés) l’artisanat, les mines, laculture, le tourisme, l’environnement etle transport (concurrence déloyale,contrefaçons, importation de produitsprohibés).

Les actions engagées ces dernièresannées portent autant sur la prévention(appui au groupement professionneldes industriels) que sur la répression(opérations "coup de poing" de luttecontre les produi ts interdi tsd’importations au Burkina Faso,contrôle de la TVA sur certains produitsspécifiques notamment sur les bauxd’immeubles à usage professionnel, demesure

____________________________________________

50 par le décret n°94-047/PRJS/PFPL du 05 février 1994

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 159

bureau ou commercial, la vérificationdes doubles bilans fiscal et bancairedes contribuables).

La situation du recouvrement desamendes et des pénalités au titre del’année 2002, faisait ressortir, à la datedu 4 décembre 2002, un total de centdix neuf millions cent seize mille sixcent soixante francs (119!116!660 FCFA) y compris la TVA. Pour mieuxlutter contre ce fléau, la Coordinationenvisage!:

• La création d’un numéro d’appel vert"Alerte à la Fraude" par téléphoneou par fax qui fonctionnera 24heures sur 24 et 7 jours sur 7;

• La mise en place d’outils decommunication en vue de sensibi-liser les populations sur les méfaitsde la fraude et les inciter à dénoncerles cas suspects;

• Le développement et l’entretien d’unréseau officiel d’informations avec leconcours des forces de sécurité etde défense;

• Le développement d’un réseau departenaires dans toutes les structu-res où existent des unités de luttecontre la fraude en vue de renforcerl’action sur le terrain.

Mais pour cela, la Coordination abesoin d’être renforcée en moyensmatériels, humains et financiers. Malgrédes résultats sur le terrain, la Coordina-tion nationale de lutte contre la fraudereste inconnue du grand public du faitdu caractère secret de ses activités, àtelle enseigne que l’on s’interroge surson caractère opératoire.

La Commission Nationale de laConcurrence et de la Consommation

C’est en application de la loi du 5 mai1994 portant organisation de la concur-rence que la Commission Nationale dela Concurrence et de la Consommation(CNCC) a été instituée. Cettecommission n’avait, au départ, que des

compétences

Encadré 8.1. Les limites de la CNCC et l’organisationde la société civile

Les limites à l’efficacité de la Commission Nationalede la Concurrence et de la Consommation tiennent àdivers facteurs, notamment!:• La méconnaissance de la structure par le public;• L’insuffisante diffusion des rapports d’activité de

l’institution. Dans son rapport 2000, laCommission épingle la BRAKINA en ce quiconcerne la création de la SODIBO qui constitueun abus de position dominante (cf. avis du 9octobre 2000 de la Commission Nationale de laConcurrence et de la Consommation, CNCC);

• L’absence d’une application rigoureuse de lalégislation sur la concurrence;

• Le non-respect de l’article 3 de la loi sur laconcurrence qui fait obligation à l’Administrationde soumettre à l’avis de la Commission tous lesprojets de textes touchant le domaine de laconcurrence;

• L’insuffisance de la volonté politique. Les mandatsdes commissaires expirés en 2001 n’ont étérenouvelés qu’en 2003 ce qui a entraîné uneparalysie de l’institution puisque durant cettepériode elle ne pouvait pas être saisie. En outre, lecaractère non permanent de l’activité decommissaire influe négativement sur la rigueur dela commission dans son travail;

• Enfin, l’insuffisance des moyens financiers,humains, logistiques et matériels. Ainsi, le rapport2001 n’est pas encore publié faute de moyensfinanciers.

En réaction à cette situation, on assiste à unemultiplication des associations de consommateurs quisont aujourd’hui au nombre de trois (3)!: la ligue desconsommateurs du Burkina, l’association desconsommateurs au Burkina et l’organisation desconsommateurs du Burkina. Ces organisationsrencontrent également des difficultés dans leursactions. Il s’agit, entre autres!:• De l’analphabétisme qui limite l’accès des

consommateurs à l’information sur la qualité etl’utilisation des produits;

• Du faible pouvoir d’achat de la plupart desconsommateurs;

• De l’ignorance par les consommateurs de leursdroits.

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160 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

compétences consultatives. En effet, safonction se limitait à donner des avissur les textes d’application de la loi ci-dessus, les pratiques anticoncurrentiel-les et sur tous les faits qui paraissentsusceptibles d’infraction au sens deladite loi. Elle était exclusivement saisiepar l’administration.

Suite à une révision de la loi, laCommission a acquis des pouvoirs dedécisions51. À ce titre elle peut!:

• Entendre les parties à un litige etordonner qu’il soit mis fin auxpratiques anti-concurrentielles;

• Infliger des sanctions pécuniaires oud’emprisonnement.

Le droit de saisir la structure a étéégalement élargi à d’autres acteurs,notamment les opérateurs économi-ques et les associations de consom-mateurs.

La mise en œuvre d’une politique delibéralisation de l’économie nationale etla réduction progressive du rôle del’état dans l’activité économique ontfavorisé l’instauration d’un environne-ment concurrentiel. Notamment, lesformalités du commerce intérieur etextérieur ont été simplifiées!: lesAutorisations Préalables d’Importation(API) ont été supprimées de même queles agréments accordés aux commer-çants grossistes et demi-grossistes; laliste des produits soumis à AutorisationSpéciale d’Importation (ASI) a étéconsidérablement réduite pour selimiter surtout aux armes, munitions,aux effets militaires et aux substancesappauvrissant la couche d’ozone.

De même, de grandes entreprisesétatiques comme la Caisse Généralede Péréquation pour l’importation duMESURE

riz, la SONABEL pour la distributiond’électricité et l’ONATEL pour la télé-phonie mobile, ont perdu l’exclusivitéou le monopole qu’elles détenaient.S’agissant de la concurrence, la loi quila régit dispose, que les prix desproduits, des biens et des services sontlibres sur toute l’étendue du territoire etdéterminés par le seul jeu de laconcurrence.

Malgré ces avancées, le jeu de la libreconcurrence que la CNCC est chargéede favoriser et d’appuyer rencontre enpratique des limites encore importantesdans le cas de l’économie burkinabè,comme en témoignent par exemplecertaines importations frauduleuses.Dans son dernier rapport sur l’État de laconcurrence et de la consommation auBurkina Faso en 2000, la Commission,tout en soulignant l’effectivité de laconcurrence, observe l’existence delimites au principe de la libre concur-rence et des problèmes de consom-mation. La mise en application du librejeu de la concurrence se heurte encoreà des difficultés qui s’expliquent parl’étroitesse du marché national et dessituations de monopole de fait, tantdans le commerce que l’industrie52. Infine, la capacité à appliquer la législa-tion relative à la concurrence, au droitdu travail et à la fiscalité se trouveaujourd’hui encore limitée par le retardpris dans la publication des rapportsd’activité, la non-soumission systéma-tique à la CNCC des projets relatifs à laconcurrence et enfin par le manque demoyens financiers (cf. encadré 8.1).

Le Comité National d’Éthique

Le Comité National d’Éthique constitueun observatoire chargé de veiller à lasauvegarde des valeurs laïques etrépublicaines en application des enga-gements pris par le chef de l’État lorsde la journée nationale de Pardon demars 200153.____________________________________________

51 cf. loi n° 033-2001/AN du 04 novembre 2001, articles 3 et 3bis52 On se souvient qu’il n’y a pas si longtemps, l’Inspection générale des Affaires Économiques a saisi

du Nescafé sur le marché de Ouagadougou qui aurait été frauduleusement importé par descommerçants non bénéficiaires du monopole. Même si ces produits ont été restitués, l’événement estsymptomatique de l’existence de positions monopolistiques.

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 161

gements pris par le Chef de l’État lorsde la Journée Nationale du Pardon demars 200153.

Ce comité, composé de trois représen-tants des autorités coutumières et reli-gieuses désignés par le Præsidium dela Journée nationale de pardon, de troisreprésentants des grands corps decontrôle de l’État (Cour des comptes,Inspection Générale d’État, Médiateurdu Faso) et de trois personnalitésdésignées par le Président du Faso estappelé à faire des propositions relativesà la moralisation de la vie publique et àla préservation du civisme.

Le Comité établit un rapport annuel surl’état de l’éthique au Burkina Faso. Sesavis et recommandations sont destinésau Président du Faso qui en assure lapublication par toute voie autorisée(article 8). Le premier rapport duComité National d’Éthique a été publiéà l’automne 2003.

Eu égard à la création récente de cetteinstitution, il serait hasardeux d’en fairele bilan. Au titre de ses toutes premiè-res activités publiques, on peut noterl’organisation d’une série de conféren-ces sur l’éthique dans les différentssecteurs de la vie nationale, conféren-ces au cours desquelles il est ressorti lanécessité d’une décentralisation desactivités du Comité.

Au regard des textes qui le régissent, leComité National d’Éthique apparaît pluscomme un tableau de bord de bonneconduite, qu’un véritable instrument delutte contre la corruption. Afin depouvoir définir le contenu des valeurséthiques au Burkina Faso et œuvrer àleur ancrage au sein de la société, ilmérite d’être structuré de manière àdéconcentrer ses activités et doté demoyens.

La Haute Autorité de Coordinationde Lutte contre la Corruption

La Haute Autorité de Coordination deLutte contre la Corruption, instituée à lafin 2001, constitue l’élément central delutte contre la corruption. Ses missionssont de deux ordres54!:

• Coordonner la lutte contre la corrup-tion. À ce titre, elle doit proposer augouvernement une politique généra-le et des programmes sectoriels delutte contre la corruption;

• Assister le gouvernement dans laprévention, la dénonciation et la luttecontre les pratiques de délinquancefinancière et de corruption au seinde l’administration.

Pour assurer ses missions, elle esthabilitée à!:

• Étudier et exploiter les rapports decontrôle et d’inspection émanant del’IGE et des inspections techniquesdes départements ministériels;

• Faire des recommandations sur lefonctionnement et l’organisation desstructures de contrôle des servicespublics;

• Recevoir et étudier les dénoncia-tions et faire diligenter toute enquêtepar les organes de contrôle compé-tents ou sur toute autre affaire dontelle s’auto saisit;

• Déceler les dysfonctionnements del’administration et les foyers de cor-ruption au sein des ministères;

• Faire toute proposition en vued’aider le Premier Ministre à donnerles orientations visant à assurer labonne gestion des ressources publi-ques et le fonctionnement régulierdes services publics.

À la lecture des attributions de la HauteAutorité, on ne peut s’empêcher desouligner les risques de contradictionsà venir avec les compétences dévoluesà

____________________________________________

53 créé par le décret n°2001-278/PES du 05 juin 2001.54 cf.décret n° 2001-773/PM/MEF du 31 décembre 2001.

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162 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

à l’IGE. De plus, certaines des missionsde l’institution risquent de rester fic-tives, notamment l’éventuelle saisine del’IGE, en l’absence d’une révision de laloi n°13-93-ADP du 18 mai 1993 qui, àson article 2, réserve cette compétencede saisine au Président du Faso, auPrésident de l’Assemblée Nationale etau Chef du gouvernement. Une telleprocédure, si elle devait être mise enœuvre, constituerait une violation duprincipe de la hiérarchie des normespuisque l’IGE est une structure crééepar la loi.

En conséquence, la Haute Autorité quiest d’origine réglementaire ne devraitpas pouvoir faire diligenter une enquêtepar l’IGE. Il est souhaitable que l’arrêtédevant préciser les modalités de fonc-tionnement de la nouvelle structurecorrige cette contradiction en vued’éviter les conflits d’autorité et depréséance. En outre, et en l’absence deplan ou de programme d’action énoncédans le décret de création, les tâchesde coordination de la lutte contre lacorruption risquent d’être problémati-ques dans la mesure où il n’existe pasune politique gouvernementale claire-ment définie à laquelle participerait, àdivers niveaux, d’autres acteurs de lalutte contre la corruption.

Il ressort, de ce qui précède, que ledispositif institutionnel construit parl’État comprend six structures qui, peuou prou, s’occupent de la lutte contre lacorruption. La multiplication de cesstructures ces derniers temps avec lacréation du Comité National d’Éthiqueet la Haute Autorité de Lutte contre laCorruption laisse supposer une prise deconscience des méfaits de la corruptionsur la stabilité même de l’État.

Cette première impression positive estvite dissipée par le constat de l’absenced’une véritable stratégie de lutte contrela corruption. Ce qui conduit à unedéperdition des efforts du fait du man-que de synergie dans l’action entre lesmesures

différentes structures qui se juxtaposentavec parfois des contradictions et desdoubles emplois dans les compé-tences. Il est donc plus qu’impérieux decoordonner l’action de ces différentesstructures et de définir des politiquescohérentes afin d’impliquer la sociétécivile dans la lutte contre la corruption.

8.3.2. LE PARLEMENT

a Constitution, en son article 84,consacre le pouvoir de contrôle de

l'action gouvernementale par leparlement. C'est le règlement intérieurde l'Assemblée Nationale qui fixe lesprocédures de contrôle. À cet effet, leparlement peut créer une commissiond'enquête conformément aux conditionsdéfinies dans le règlement intérieur afinde diligenter une enquête sur toutesituation ou dossier qu'elle juge néces-saire pour situer les responsabilitésdans la gestion des affaires publiques.

Dans le cadre du contrôle de la poli-tique gouvernementale, le parlementpeut à tout moment exiger tous docu-ments et renseignements permettantl'exercice du contrôle du budget des dé-partements ministériels ou la vérifica-tion des comptes des entreprises natio-nales et des sociétés d'économie mixte.Mais il faut reconnaître que ce contrôlea des limites qui peuvent le rendre inef-ficace.

En effet, le gouvernement dispose d'unmoyen pour éteindre l'action parlemen-taire puisque, selon les dispositions durèglement intérieur 200255, dès lors quele Ministre chargé de la justice faitouvrir une information judiciaire surquelque dossier ou affaire pour les-quels des commissions d'enquêtesdevaient être créées ou étaient déjà enactivité, la procédure de création prendfin si elle est en cours et la commissionest immédiatement dissoute si elle avaitdéjà été créée. À cela, il faut ajouter lemesure

L

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55 Article 136 du règlement intérieur 2002.

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 163

fait majoritaire qui constitue un autreélément limitant la portée de ce type decontrôle dont les résultats ne sontd’ailleurs pas obligatoirement publiés.Une commission d’enquête avait étémise en place lors de privatisations,mais le rapport n’a pas abouti.

8.3.3. LA SOCIÉTÉ CIVILE

es structures de la société civilesont soit des organismes spécia-

lisés dans la lutte contre la corruption(REN-LAC), soit des structures d’in-tervention occasionnelle (mouvementsd’association des droits de l’homme,syndicats, médias).

Le Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC)

Créé le 20 décembre 1997, le REN-LAC est une ONG regroupant unetrentaine d’organisations de la sociétécivile qui s’est assignée comme objectifprincipal d’œuvrer à l’enracinement dela bonne morale et de la transparencedans la gestion des affaires de la cité.

Dans sa lutte contre la corruption, ils’engage notamment à mener descampagnes de sensibilisation, à veillerà l’application des textes existants, àfaire des propositions de codificationdans le domaine de la lutte contre lacorruption et à recevoir et instruire lesplaintes et à engager toutes actionsvisant la lutte contre la corruption. Ilveille également à ce que l’État prennedes mesures pour combattre les actesde corruption dans les transactionscommerciales nationales et internatio-nales.

Le REN-LAC est dirigé par un Secréta-riat Permanent élu par l’AssembléeGénérale et appuyé dans ses fonctionspar un secrétaire permanent adjoint ettrois secrétaires à la tête des troiscommissions!: la commission "Informa-tion, communication et sensibilisation",la commission "Études et contentieux"et la commission "Enquête". Les trentedélégués des organisations membres

du REN-LAC se répartissent dans cesdifférentes commissions.

Plus récemment, le réseau a ajouté àson programme de travail la recherchede partenariat pour assurer son finan-cement et le développement desrelations publiques avec le gouverne-ment, les médias et certaines structuresadministratives comme l’IGE.

Le REN-LAC a été saisi d’environ unecentaine de dossiers qui portent surdes plaintes de pratiques de corruption.30% de ces plaintes concernent la justi-ce. Le REN-LAC n’ayant pas la capaci-té d’ester en justice, sauf s'il est directe-ment concerné, n’a pas souvent pufaire aboutir ces dossiers. En vued’obtenir de meilleurs résultats, leRéseau met actuellement en place unConseil juridique qui pourra instruire lesdossiers de plaintes en justice.

On peut se réjouir du dynamisme de ceRéseau qui mène diverses activités desensibilisation (publication d’articles depresse dont "corruption dans la Cité"dans l’Observateur Paalga) et qui a, àson actif, deux publications en 2000 eten 2001 sur l’état de la corruption auBurkina Faso. Il faut reconnaître que letravail et les études réalisés par leREN-LAC ont l’avantage de!:

• Mettre à nu l’ampleur du phéno-mène dans tous les secteurs d’acti-vité du pays;

• Informer et sensibiliser le public surles enjeux et les défis de la luttecontre le fléau;

• Proposer des mesures pour amélio-rer le dispositif existant de luttecontre la corruption.

Cependant, la structure souffre de cer-taines limites dans son action parmilesquelles on peut citer!:

• L’insuffisance de la participation desdélégués des organisations mem-bres du Réseau aux différentes ré-unions pour la seule raison del’absence de prise en charge (per-

L

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164 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

diems);

• L’inaccessibilité des informations surla grande corruption (marchés pu-blics, justice, douane…) comptetenu de la méfiance de l’adminis-tration vis-à-vis de la structure;

• L’insuffisance de la prise en comptedes propositions du Réseau dansles stratégies gouvernementales delutte contre la corruption.

Nonobstant ces insuffisances, le REN-LAC mérite d’être appuyé en matièrede moyens pour qu’il poursuive sa no-ble mission.

Les mouvements et associations dedéfense des droits de l’homme

Le développement des associations etmouvements de défense des droits del’homme a été remarquable depuisl’avènement du Mouvement Burkinabèdes Droits de l’Homme et des Peuples(MBDHP) en 1987. Ces organisations,par leurs actions contre l’injustice etpour la promotion des droits humains,participent de manière indirecte à lalutte contre la corruption surtout parl’éveil à la citoyenneté. Au BurkinaFaso, elles ont, ces dernières années,suite au drame de Sapouy en décem-bre 1998, mis sur pied, en alliance avecdes syndicats et des organisations poli-tiques, le Collectif des OrganisationsDémocratiques de masse et de partispolitiques dont les préoccupations affi-chées sont la lutte contre l’impunité etle traitement diligent des affaires pen-dantes en justice. Ces préoccupationsaffichées par cette alliance ont faitl’objet de critiques de la part de certainsacteurs proches du pouvoir. Ces der-niers estiment que ladite alliance cachedes ambitions politiques et une volontéde récupération politique de l’indi-gnation consécutive au drame deSapouy par les partis d’opposition auxfins de déstabilisation du régime enmesure

place. Quelle que soit l’appréciationque l’on porte sur ce mouvement, à tortou à raison, force est de reconnaîtrequ’il a énormément contribué àl’évolution politique et organisationnelledu Burkina Faso vers un système plusdémocratique et plus respectueux desdroits humains.

Les syndicats

Au Burkina Faso, les organisationssyndicales ont constitué les premièresstructures de veille en matière decontrôle de la gestion des affaires de lacité et ce, par la dénonciation des diffé-rentes pratiques de corruption que sontles fraudes aux examens et concours,le trafic d’influence, le népotisme et lesautres actes de corruption perpétrésdans le cadre des marchés publics.Lors des assemblées générales et parla voie des représentants du personnel,ils indexent souvent la mauvaise ges-tion des entreprises publiques et para-publiques, dénoncent les privatisationset leur cohorte de corruption, ensomme, toutes les pratiques et com-portements tendant à compromettre lesintérêts des travailleurs. Ces luttes quemènent les syndicats pour améliorerleurs conditions de travail contribuenten partie à sensibiliser les pouvoirspublics sur la nécessité de prendre desmesures tendant à réduire l’emprise dela corruption56. Par exemple, les syndi-cats en exprimant l’intérêt de leursmembres peuvent permettre d’assurerune plus grande transparence dans lesprivatisations. Ils constituent à ce titreune structure de régulation.

Les médias

La diversité du paysage médiatique auBurkina Faso peut être considéré com-me un élément positif dans la luttecontre la corruption. En la matière, leconstat est celui d’un engagement plusélevé des médias privés qui se révèlentplus actifs que les médias publics oumesure

____________________________________________

56 cf. décret n° 99-103/PRES/PM/MFPDI/MEF du 29 avril 1999 portant organisation des examens etconcours

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 165

d’État qui semblent appliquer l’autocen-sure. Cet état de fait s’explique par laculture de la peur instillée pendant lapériode des régimes d’exception, l’in-suffisance de formation et la banalisa-tion de la profession de journaliste assi-milée à celle de propagandiste ou degriot.

La conséquence est que d’une manièregénérale et à quelques exceptionsprès, il n’existe pas un véritable journa-lisme d’investigation permettant deporter à la connaissance du public desfaits vérifiés de corruption. Les médiasse contentent d’informations d’ordregénéral, parcellaires ou relevant mêmeparfois de la simple rumeur. Touteschoses qui ne sont pas à mêmed’asseoir une lutte efficace contre lacorruption, d’autant plus qu’il ne fautpas occulter, en la matière, l’inter-vention de puissants groupes pourmuseler la presse et étouffer les prati-ques de corruption. Dans ce cas, ilconvient de signaler la création, depuis1996 du Conseil Supérieur del’Information recréé par la loi organiquen° 20-2000/AN du 28 juin 2000 portantcréation, composition, attributions etfonctionnement du Conseil Supérieurde l’Information. Certaines des attribu-tions de la nouvelle institution pour-raient servir dans la lutte contre la cor-ruption. Il s’agit, entre autres, de!:

• L’article 19!: "le CSI veille, par sesrecommandations, au respect dupluralisme et de l’équilibre del’information dans les programmesdes sociétés et entreprises publi-ques ou privées, des organes depresse écrite de la radiodiffusion so-nore et télévisuelle";

• L’article 21!: "le CSI garantit l’égalitéd’accès des partis politiques, desassociations professionnelles, dessyndicats et des composantes de lasociété civile à la presse écrite etaux médias audiovisuels publics".

Cependant, les premières interventionsde l’institution pour censurer certainesémissions d’antenne directe de dénon-

ciation ("Ça ne va pas" ou "Trop c’esttrop") en application de l’article 17 al.5qui lui assigne de veiller à la protectionde la personne humaine contre lesviolences résultant du secteur de l’infor-mation, si elles étaient en partie justi-fiées eu égard aux excès relevés, ontconduit à la disparition de tribunes quipeu ou prou participaient, par la dénon-ciation, à la lutte contre la corruption.

Il ressort de l’analyse du cadre institu-tionnel que les différentes structurescréées par l’État sont, pour des raisonsdiverses, mal connues du grand publicavec, en sus, un manque de visibilitéde leurs activités qui n’ont pas l’impactattendu dans la lutte contre la corrup-tion. En outre, la multiplicité de cesstructures est cause de confusion ou decontradiction dans les missions et attri-butions; c’est le cas de la Haute Auto-rité de Coordination de la Lutte contrela Corruption et du Comité Nationald’Éthique, toutes les deux chargées deproposer des mesures pour la normali-sation de la vie publique. Cette multipli-cité conduit également à des difficultésen matière de moyens humains, logisti-ques, matériels et financiers pour lefonctionnement efficient de chacune deces structures.

De même, l’insuffisance du pouvoir réeldans l’accomplissement des missionsest un frein à lutte contre la corruption(exemple!: voir le cas de l’IGE oùl’inspecteur n’a pas le pouvoir depoursuivre des cas de corruption ou demauvaise gestion). Dans l’ensemble,on retiendra qu’une multitude destructures n’est pas un gage de réus-site dans la lutte contre la corruption.Quant à l’action de la société civiledans ce domaine, il est à déplorer,malgré l’existence d’un tissu associatifassez dense, que la plupart des asso-ciations ne s’intéressent pas véritable-ment à la lutte contre la corruption.

De l’efficacité du dispositif

Il ressort de l’analyse du cadre institu-tionnel que les différentes structurescréées par l’État sont mal connues.

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166 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 8.2. Liberté de la presse, éthique, déontologie

La vérité d’un ancien journaliste

C’est le Conseil supérieur de l’information (CSI) qui est à l’origine des retrouvailles entre lesconfrères burkinabè et leur aîné en saisissant l’occasion de la présence dans notre capitale dece dernier pour le séminaire de l’UNESCO sur le NEPAD, tenu la semaine dernière. Ledoyen, il a 40 ans de pratique du métier de journaliste et est retraité de l’UNESCO depuis1999, ne s’est pas fait prier pour échanger à bâtons rompus avec l’auditoire composé pourl’essentiel de jeunes journalistes. D’entrée de jeu, le doyen a trouvé le thème très actuel avecles questions soulevées qui se sont de tout temps posées à la profession. Une profession qui,selon Monsieur Da Costa, repose sur un trépied!: le savoir, le savoir-faire et la savoir-être.Concernant la liberté de presse, l’ancien directeur d’Afrique nouvelle dira qu’elle n’estjamais acquise étant donné que tout pouvoir notamment le politique, a tendance à avoir sousson contrôle les médias qui sont eux-mêmes des instruments de pouvoir. Le conférencier aensuite jeté une lumière crue sur le journalisme burkinabé et a affirmé être témoin, durant lelaps de temps de sa présence à Ouagadougou de pratiques dans la profession qui lui font peur,d’autant plus qu’elles se généralisent et se banalisent. Toutes choses qui sont à l’opposé dujournalisme voltaïque, synonyme de grandeur, de qualité, d’intégrité de ses acteurs dont il acôtoyé certains en participant par exemple à la confection du N°00 de Sidwaya. Un exemplede pratique abhorrée par le doyen est le perdiem, le fameux "gombo" servi et exigé à toutbout de champ par les journalistes au grand dam de la déontologie de leur profession.Monsieur Da Costa dit ne pas être contre le perdiem qui doit être seulement compris commedes frais donnés à un journaliste, en déplacement, pour couvrir ses différents besoins!:logement, restauration, transport, etc. Mais il est farouchement contre soninstitutionnalisation systématique qui s’apparente à de la corruption.

Sur la liberté prise avec la déontologie évoquée ci-dessus, Al Cino Da Costa a énuméréquelques raisons, non spécifiques au Burkina, qui l’expliquent. Il s’agit de la méconnaissancede la profession prise d’assaut par toute sorte de personne à la faveur de la libéralisation del’espace médiatique, le manque de formation de la plupart des journalistes, les lacunes dansla formation elle-même à cause du bas niveau de culture générale. Autres raisons de non-respect de la déontologie!: la généralisation de la corruption qui n’épargne donc pas lesjournalistes dont la majorité est dans la précarité ici comme ailleurs, le manque de statut dejournaliste dans la plupart des pays, le manque de cadre législatif pour la profession, etc. Laconséquence qui en résulte est le non-respect du métier et de ceux qui l’exercent par lesautres corps. D’où cette invite du doyen aux journalistes en général, à travers ceux duBurkina, à faire la police dans leur métier pour le préserver et pour garantir la liberté depresse dont ils sont les premiers gestionnaires. Il a aussi invité les journalistes à s’organiser, àse battre à l’image de ceux de sa génération qui ont par exemple doté la profession d’uneconvention collective au Sénégal après d’âpres luttes.

Après les propos introductifs d’environ une heure d’horloge, la parole a été donnée àl’auditoire par le modérateur du jour, Roger Nikiéma, un autre doyen. Les uns et les autresont posé des questions de compréhension ou apporté leur contribution au débat.

LE PAYS N°2835 du 14 mars 2003

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 167

Les activités des institutions en chargede la lutte contre la corruption, qui n’ontpas l’impact attendu, restent peuvisibles. De plus, la multiplication desstructures peut être source de contra-diction entre leurs missions et attribu-tions respectives; c’est le cas de laHaute Autorité de Coordination de laLutte contre la Corruption et du ComitéNational d’Éthique, tous deux chargésde proposer des mesures pour lanormalisation de la vie publique.

Le fonctionnement de ces nombreusesstructures souffre souvent d’insuf-fisance en matière de moyens humains,logistiques, matériels et financiers. Demême, l’insuffisance du pouvoir réeldans l’accomplissement des missionsconstitue également un frein à la luttecontre la corruption.

L’exemple le plus probant est le cas del’IGE, qui apparaît comme "une salled’attente pour les personnalités eninstance d’affectation". Pourtant, ellemérite un renforcement de sespouvoirs. Dans le cadre du programmenational de bonne gouvernance, l’IGE aformulé des propositions qui visent à luidonner la capacité non seulement derendre public ses rapports mais surtoutde saisir directement la juridictioncompétente en cas de découverte defaits ou de pratiques de corruption. Cesréformes, si elles aboutissaient,donneraient plus de pouvoirs et decrédit à l’institution.

Dans un contexte de moyens financierslimités, la multiplication des structuresne constitue en rien un gage de réus-site pour la lutte contre la corruption.

Du côté de la société civile, malgrél’existence d’un tissu associatif assezdense, les associations ne semblentpas s’intéresser véritablement à la luttecontre la corruption à l’exception no-toire du REN-LAC. Si ce réseau pos-sède peu de moyens pour ester enjustice et surtout n’a pas accès auxinformations sur la grande corruption, ilbénéficie tout de même d’une forteaudience et popularité grâce à ces pu-

blications.

En matière de lutte contre la corruptionl’expérience tend à montrer que l’éthi-que est la base sur laquelle les dimen-sions légales et institutionnelles dudéveloppement durable doivent êtrebâties parce que si le développementdurable est affaire de volonté collective,de raison collective, il est aussi et sur-tout affaire de morale collective. C’estdire que l’éthique et les principes dudéveloppement durable doivent être aucœur de la réponse à donner à l’insi-dieuse expansion de la corruption. Ilimporte donc de promouvoir la transpa-rence, d’aménager des mécanismes decontrepoids et de contrepouvoir, dedévelopper l’habilitation et la redditionde comptes. C’est donc dire quel’élaboration d’une stratégie cohérentede lutte contre la corruption implique!!:

• La définition d’objectifs mesurables;• L’établissement d’un programme

assorti d’un échéancier;• La mobilisation de ressources suffi-

santes;• La mise en place de mécanismes ou

d’instruments d’évaluation;• La publication des rapports.

8.4. LES MÉCANISMES SUBSI-DIAIRES

es mécanismes subsidiaires cons-tituent des garde-fous aménagésafin de prévenir la survenance

d’acte de corruption. Ces mécanismesd’appoint apparaissent en effet néces-saires pour prévenir les actes de cor-ruption et améliorer les systèmes degestion. Ils constituent donc des méca-nismes intégrés de procédures de con-trôle ou d’exécution au sein des servi-ces de l'État et des institutions privées,en complément de l’ensemble du dispo-sitif normatif et institutionnel de luttecontre la corruption. Ainsi, les servicespublics (État, établissements publics) etprivés (Banques, Établissements Finan-

L

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168 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

ciers Sociétés industrielles, etc.) sontgénéralement soumis à un double con-trôle!: interne, par les structures de con-trôle et de suivi créées au sein des cesentités et externe, par des organes decontrôle compétents de l’administrationou des sociétés-mères. Pour un bonaccomplissement de ces contrôles, ilest mis en place des procédures et destechniques de leur exécution, l’objectifpoursuivi étant!:

• D’assurer une exécution efficace dela mission de contrôle et de surveil-lance exercée par les structuresspécifiques;

• De prévenir ou de stigmatiser leséventuelles utilisations abusives desrègles établies, et dont la corruptionest souvent à la base.

D'une manière générale, les mécanis-mes subsidiaires existent dans tous lesservices publics et privés pour, nonseulement permettre le bon fonction-nement de ces services mais aussicontribuer à limiter la corruption. Cesmécanismes concernent toutes lesstructures disposant de documentsstatutaires devant être contrôlés. Ladiversité de ces mécanismes exclutdonc tout examen exhaustif. Seulsdeux cas importants sont analysés ici!:les banques et les institutions financiè-res d’une part, le budget de l’Étatd’autre part.

8.4.1. LES BANQUES ET INSTITU-TIONS FINANCIÈRES

Les mécanismes d’exécution

Les banques et des institutions finan-cières sont de plus en plus confrontéesau phénomène de la corruption quisemble prendre des proportions inquié-tantes. En effet, il s’y développe, et plusparticulièrement ces dernières années,plusieurs formes de corruption et no-tamment le blanchiment d'argent saledont les fonds proviennent de la crimi-nalité organisée (drogue, proxénétisme,vente d'armes, trafic et vente d'enfants)

de la fraude comptable, de la fraudeinformatique et de l'évasion fiscale.Cette situation a conduit à la construc-tion d’un véritable cadre normatif delutte contre le blanchiment de capitauxavec la révision et/ou l'adoption d'ins-truments juridiques portant règlementde gestion et de contrôle tant auxniveaux international, régional quenational.

Au plan international, les textes juridi-ques ci-après constituent aujourd’hui lecadre de référence sur lequel s’ap-puient les institutions financières inter-nationales, notamment celles deBretton Woods pour apprécier les ef-forts des États en matière de luttecontre le blanchiment de capitaux. Ils’agit de!:

• La convention des Nations-Uniescontre le trafic illicite de stupéfiantset des substances psychotropesadoptée à Vienne le 19 décembre1988;

• La convention du Conseil del’Europe du 8 novembre 1990 rela-tive au blanchiment, au dépistage, àla saisie et à la confiscation desproduits du crime;

• La convention des Nations-Uniessur le crime organisé adopté le 15décembre 2000 à Palerme en Italie;

• La directive du Conseil de l’UnionEuropéenne du 04 décembre 2001modifiant la directive du 10 juin 1991invitant les États membres del’Union Européenne à modifier leurdroit national afin de prévenir l’utili-sation du système financier aux finsde blanchiment;

• La déclaration de Bâle de 1988 défi-nissant les règles et pratiques decontrôle des opérations bancairesde la Banque de Règlements Inter-nationaux (BRI);

• Les quarante (40) recommandationsdu Groupe d’Action Financière sur leblanchiment de capitaux (GAFI)créées en 1989 au sommet du

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 169

Groupe du G7 à Paris par les paysmembres de l’OCDE;

• L’US Patriot Act, texte de loi améri-cain adopté le 11 septembre 2001par le Congrès des États-Unisd’Amérique et instituant une nou-velle régulation de l’information etles possibilités d’échange d’informa-tions entre banques et qui précise laréglementation relative à l’identifica-tion des clients.

Au plan régional, les textes adoptéssont les suivants!:

• Le règlement n°09/98/CM/UEMOAdu 20 décembre 1998 relatif auxrelations financières extérieures desÉtats membres de l'UEMOA;

• Le règlement n°15/2002/CM/UE-MOA du 19 septembre 2002 relatifaux systèmes de paiement dans lesÉtats membres de l'UEMOA;

• La directive n°08/2002/CM/UEMOAdu 19 septembre 2002 portant surles mesures de promotion de labancarisation et l’utilisation desmoyens de paiement scripturaux;

• Le règlement n°14/2002/CM/UE-MOA du 19 septembre 2002 relatifau gel des fonds et autres ressour-ces financières dans le cadre de lalutte contre le financement du terror-isme dans les États membres del'UEMOA;

• La directive n°07/2002/CM/UEMOAdu 19 septembre 2002 relative à lalutte contre le blanchiment de capi-taux dans les États membres del'UEMOA;

Au plan national, on peut citer!:

• La loi uniforme contre le blanchi-ment de capitaux (en cours d’adop-tion);

• La loi n°017/99/AN du 29 avril 1999portant Code des drogues promul-guée par le décret n°99-213/PRESdu 23 juin 1999;

• L’arrêté n°97/60/MEF/SG/MDCFDE/DGTCP/DAMOF définissant lesattributions de l’administration desPostes et Télécommunications en

matière d’exécution des relationsfinancières avec l’étranger;

• L’arrêté n°97/61/MEF/SG/MDCFDE/DGTCP/DAMOF relatif aux rela-tions financières avec le Cap Vert, laGambie, la Guinée, le Libéria, laMauritanie, le Nigeria et la SierraLeone.

À l’ensemble de ce dispositif normatifexterne aux institutions bancaires, ilfaut ajouter les dispositions internesadoptées par les établissements decrédit. En matière de dispositif anti-blanchiment, force est de constater queles établissements bancaires reliés àdes groupes internationaux ont unelongueur d’avance sur ceux qui n’ontqu’une activité locale. Il importe ausside souligner que le faible taux debancarisation constitue un écueil dansla lutte contre le blanchiment dans lamesure où une grande partie des tran-sactions financières se fait en marge dusystème financier.

En dehors des questions de blan-chiment, il convient de relever que lesprocédures d'exécution et de contrôlebancaire reposent sur les principesdéfinis par la loi-cadre portant règle-ment de gestion financière dans lesbanques et institutions financières(version 1996). Elle est complétée parla convention adoptée toujours dans lecadre sous régional créant une com-mission bancaire chargée de détermi-ner les règles de gestion et de contrôle.

Il revient donc à chaque établissementbancaire d'adopter et d'appliquer unrèglement intérieur ou un code déonto-logique conformément à l'esprit de laloi-cadre et de la convention. Les règlesde procédures dans les banques s'ap-pliquent selon la nature des opérations.Dans tous les cas, pour chaque opé-ration, les intervenants sont définis etleurs pouvoirs bien balisés ce qui exclutle conflit de compétence et permet desituer les responsabilités en casd'infraction. La procédure de dossier decrédit au profit des clients illustre biencette situation. Ainsi, dans une banquede la place, le principe est la collégialité

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170 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

dans la prise des décisions d’octroi decrédit. Par exemple une demande decrédit d’un montant supérieur à1!000!000 de dollars devra franchir sixétapes avant que le compte du clientsoit, le cas échéant, approvisionné. Cesétapes sont les suivantes!:• Étude de la demande par le chargé

de compte;• Décision du Comité de Crédit (le

dossier doit obtenir un avis favorabled'au moins trois membres du Comitédont un doit avoir une expérienced’appréciation des risques enrapport avec le montant du crédit);

• Avis motivé du Siège (maisonmère);

• Avis du Conseil d’Administration;• Vérification des conditions de déblo-

cage;• Autorisation de décaissement;• Approvisionnement du compte.

Comme on le voit, le chargé de compten’intervient que pour introduire le dos-sier dans le circuit. En outre, pour éviterque ce dernier prêche "le faux pouravoir le vrai" ou tente de saboter ledossier d’un client parce que ce dernierrefuse de céder à la corruption, il a étécréé un mécanisme de contrôle consis-tant en un examen hebdomadaire desdossiers de crédit par le directeurgénéral et son adjoint.

Outre la hiérarchisation dans les procé-dures d'exécution, il existe d'autresdispositions comme le contrôle externeeffectué par le siège (contrôle des opé-rations, contrôle du crédit, contrôle dela qualité du service), le plafonnementdes crédits accordés aux administra-teurs et au personnel de banque quisont éligibles au taux d’endettementlégal afin d’éviter un surendettementqui les fragiliserait surtout s’ils sont encontact avec la clientèle. Toutes cesmesures à caractère préventif visent àminimiser le détournement de fonds etles actes de corruption.

Les banques ont également mis en pla-ce des structures spécifiques de luttecontre les pratiques de la corruption; ils'agit de la création du comité anti-

blanchiment d'argent qui peut se saisirde toute affaire relative à toute opéra-tion douteuse de transaction financièreet de la cellule de lutte contre la fraudecréée au sein de l’Association Profes-sionnelle des Banques et InstitutionsFinancières (APBF) et qui réunit lesdirecteurs de contrôle interne de cha-que banque.

Le contrôle au niveau des banqueset des institutions financières

Le contrôle dans les banques se dé-roule au plan interne et externe. Auniveau interne, il existe plusieurs phasede contrôle. Au cours des procéduresd'exécution, chaque acteur intervenantdans la procédure, soit de dossier decrédit soit d'opération de transfert fi-nancier, effectue un autre contrôle dansle cadre de sa mission étant donné qu'ilprocède à une vérification de la confor-mité des règles applicables à chaqueopération. Il y a également le contrôlequ'exercent les commissaires auxcomptes qui à l'occasion de l'arrêt descomptes à la fin de l'année comptablevérifient si les règles de gestion ont étérespectées. Ils rendent compte auxactionnaires de la banque qui à leurniveau vont s'assurer qu'il y a eu unegestion saine et que les chiffres d'af-faires sont exacts.

Enfin, le contrôleur général de la ban-que contrôle systématiquement tous lesservices centraux, décentralisés de labanque dans le but de s'assurer del'application dans la légalité des règlesbancaires dans les procédures d'exécu-tion des opérations financières; il adres-se un rapport à la direction générale età l'attention du conseil d'administrationet dans lequel il consigne les éventuelsdysfonctionnements des services.

Au niveau externe, la Commission ban-caire, au sein de la zone BCEAO, a unpouvoir de contrôle sur les banques etinstitutions financières des pays mem-bres de l'organisation. Elle contrôlel'effectivité de la mise en œuvre desrègles établies par la convention qui leslie. Jusqu'en 1989, les contrôles étaient

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 171

conduits par les représentations natio-nales de la Banque Centrale (BCEAO).Depuis cette date, le contrôle esteffectué par les contrôleurs de la Com-mission bancaire et de la BanqueCentrale. L'objectif visé par cetterestructuration du système de contrôleest de supprimer les contrôles decomplaisance sous l'effet du traficd'influence sur les plus hautes autoritésdes banques et d’assurer une plusgrande transparence dans la gestiondes banques. Les sanctions encouruesen cas d’infractions lors d’un contrôleexterne vont du paiement d’une péna-lité au retrait de l'agrément.

8.4.2. LE BUDGET DE L’ÉTAT

Les procédures d’exécution

En attendant l’adoption de la réformeen cours portant régime financier etcomptable au Burkina Faso, c’est ledécret N° 69-197/PRES/MFP du 19septembre 1969 portant régime finan-cier et comptable en République deHaute Volta qui reste d’application enmatière de gestion des deniers publics.Des dispositions de ce texte définissentles principes de préparation, d'élabo-ration ainsi que les attributions, obliga-tions et responsabilités de tous lesintervenants dans le processus d’élabo-ration du budget de l'État. Les différentsacteurs (les administrateurs de crédits,les ordonnateurs et les comptables pu-blics) qui participent aux différentesétapes de la procédure des dépensespubliques à savoir l'engagement, l'or-donnancement, la liquidation et le paie-ment sont responsables de la légalité,la régularité et l'exactitude des certifie-cats qu'ils délivrent. Cette responsabi-lité s'exerce selon les règles appliqua-bles en matière disciplinaire, adminis-trative, civile et pénale. La complexitédes procédures et la multiplicité desintervenants sont à la fois des moyenspour s'assurer de la véracité des opéra-tions financières et réduire les risquesde corruption.

Les procédures de contrôle

Le budget de l’État est soumis à untriple contrôle!: administratif, juridiction-nel et parlementaire. Il s’agit essentiel-lement de contrôles de régularité desopérations financières exercés aux dif-férents stades de la dépense publique.

Le contrôle administratif

Le contrôle administratif est triple!:hiérarchique, fonctionnel et organique.

Le contrôle hiérarchique est exercéd’une manière permanente par lessupérieurs hiérarchiques des serviceset des départements ministériels sur lesagents placés sous leur responsabilité.

Le contrôle fonctionnel résulte du devoirde contrôle lié aux fonctions d’adminis-trateur, d’ordonnateur ou de comptable(contrôle de régularité budgétaire etcomptable des engagements, des liqui-dations, des ordonnancements et despaiements de dépenses).

Le contrôle organique est effectué àdeux niveaux. D’une part, par les orga-nes de contrôle a priori tel que lecontrôle financier qui assure de maniè-re permanente un contrôle de régularitéet de moralité des dépenses publiques.À cet effet, tous les actes de nature àexercer des répercutions sur les finan-ces de l’État doivent obligatoirementêtre visés par ce service sous peine denullité de leurs effets sur le plan budgé-taire. D’autre part, les organes decontrôle a posteriori, notamment l’Ins-pection Générale des Finances et l’Ins-pection Générale d’État qui, à toutmoment et à n’importe quelle étape del’exécution de la dépense, peuventvérifier l’utilisation des crédits et larégularité des opérations budgétaires,tant au niveau des administrateurs decrédits, des ordonnateurs que descomptables publics. Ces vérificationspeuvent se faire!:

• Soit à la demande du Chef de l’État,du Premier Ministre ou du Présidentde l’Assemblée Nationale (saisine

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172 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

de l’Inspection d’État); du Ministredes Finances ou de tout autre mem-bre du gouvernement (saisine del’Inspection Générale des Finances);

• Soit sur initiatives des premiers res-ponsables de ces structures, suite àdes constats de mauvaise gestion,ou sur la base de présomptions oude dénonciations faites auprès deces organes.

D’une manière générale, les procé-dures du contrôle administratif connais-sent les mêmes étapes que les procé-dures d’exécution des dépenses bud-gétaires.

Le contrôle juridictionnel

Le contrôle juridictionnel est exercé parla Cour des Comptes (autrefois Cham-bre des Comptes). C’est un contrôle dela régularité et de l’exactitude des opé-rations budgétaires de l’État et descomptes des comptables publics exer-cé a posteriori par cet organe situé endehors des hiérarchies administrativesde l’exécutif et jouissant d’une indé-pendance administrative et fonction-nelle.

À cet effet, les comptes de gestion descomptables principaux du Trésordoivent être transmis, en état d’exa-men, à la Cour des Comptes au plustard à la fin du premier semestre dechaque année, pour le compte de l’an-née financière écoulée. Le Président dela Cour désigne un conseiller-rappor-teur pour chaque compte de gestion,chargé d’examiner attentivement!:

• Le fascicule "compte de gestion"(vérification de la sincérité du comp-te de gestion et de sa conformitéavec le plan comptable de l’État, del’exactitude des chiffres etc);

• Les pièces justificatives produites àl’appui du compte de gestion (pré-sence effective et régularité de cespièces);

• La légalité et la régularité des paie-ments.

La Cour statue après examen du rap-port du conseiller et des réponseséventuelles du comptable ou les obser-vations du ministère public. Elle statuepar des arrêts qui déterminent si lecomptable est quitte, en avance ou endébet. Outre le contrôle juridictionnel, laCour des Comptes exerce un contrôleadministratif de l’exécution des recetteset des dépenses publiques et rendcompte de ses constats et observationspar un rapport adressé au chef del’État.

Le contrôle parlementaire

Le contrôle parlementaire de l’actiongouvernementale est assuré par l’As-semblée Nationale. Il est concrétisé parl’adoption de la Loi de Règlement aprèsque les comptes de résultats aient étéau préalable adoptés par le gouverne-ment et transmis à l’Assemblée Natio-nale, accompagnés d’un rapport et d’unprocès verbal de concordance établipar la Cour des Comptes. L’AssembléeNationale peut également contrôlerl’exécution du budget de l’État par lamise en place des commissions parle-mentaires. Comme on peut le consta-ter, cet arsenal de contrôles (adminis-tratif, juridictionnel et parlementaire)effectués à divers stades du processusde la dépense publique (a priori et aposteriori) a pour objectif principal deprotéger les finances publiques contreles erreurs de gestion, les dilapidationsde fonds, les détournements et autresmalversations financières qui puisentsouvent leurs origines dans la cor-ruption.

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 173

Tableau 8.2. Le contrôle!: étapes, acteurs et actionsContrôle

Étapes Acteurs et nature ActionsAdministrateurs des crédits • Contrôle de régularité des engagements faits par lui-même ou

par ses collaborateursContrôle hiérarchique a

priori• Vérification de la présence effective de toutes les pièces

justificatives• Certification du bon d’engagement• Transmission de l’ensemble au Contrôleur financier pour visa

Contrôleur FinancierContrôle organique a

• Contrôle de légalité, de régularité, de moralité de la dépense etdes pièces jointes au bon d’engagement

priori • Certification du bon d’engagement et des pièces jointesLes e

ngag

emen

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• Transmission en retour des documents à l’administrateur decrédits, après certification

Administrateurs des • Contrôle de l’établissement du bon de liquidationcrédits • Certification de la facture

Contrôle hiérarchique apriori

• Transmission de l’ensemble des pièces au contrôleur financier

Contrôleur Financier • Vérification de l’exactitude de la liquidationContrôle organique a • Vérification de la certification de la facture définitive

priori • Visa du bon de liquidation• Transmission du dossier au service Ordonnancement ou rejet

Ordonnateur • Contrôle du bon de liquidation(Direction Générale • Contrôle des pièces jointes

du budget)Contrôle fonctionnel a

• Édition du mandat de paiement si aucune irrégularité n’estrelevée

Les l

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priori • Transmission du dossier au Trésor pour paiement, ou rejetService de la Dépense

du Trésor.Contrôle fonctionnel a priori

• Contrôle du mandat de paiement• Contrôle des pièces justificatives• Édition du bon de caisse ou du bordereau de virement ou rejet

s’il y a des irrégularitésLe comptable

Contrôle fonctionnel a• Vérification de la présence effective et de la régularité des

pièces justificatives exigées!:priori • Vérification de la disponibilité des fonds

• Vérification de l’application des règles de prescription et dedéchéance.L’

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• Paiement de la dépense.Inspection Générale des

Financesou

• Contrôle budgétaire• Contrôle de la qualité des intervenants

(administrateurs et ordonnateurs)Inspection Générale d’État

Contrôle organique a• Contrôle de la régularité de toutes les opérations (engagement,

liquidation, ordonnancement)• Contrôle comptable

posteriori • Contrôle de la qualité du payeur (comptable public)• Contrôle de la régularité de toutes les pièces justificatives ayant

servi au paiement

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• Transmission d’un rapport circonstancié aux Autorités de tutelleindiquées, avec des propositions de redressements desirrégularités, situant les responsabilités administratives etpécuniaires et les sanctions applicables en cas de mauvaisegestion

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174 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

8.5. LES STRATÉGIES DELUTTE CONTRE LA CORRUP-TION

a prévention consiste en une sy-nergie d’actions des différentsacteurs de lutte contre la corrup-

tion sur le plan national et internationalafin de faire mieux connaître le phéno-mène et ses conséquences désastreu-ses pour les citoyens. La connaissancedu phénomène participe à un éveil et àune prise de conscience individuelle etcollective sur les conséquences de lacorruption. Elle est surtout déterminan-te dans l’engagement des uns et desautres à la combattre. À cet effet, l’exi-gence de transparence et de l’imputabi-lité constitue un passage nécessaire àune prévention efficiente et efficace duphénomène.

La dénonciation consiste en la divulga-tion des cas de corruption avérés; ellepasse inéluctablement par l’informationdu grand public sur les actes et prati-ques de corruption sous toutes ses for-mes. Cette tâche incombe principale-ment aux médias et aux structures spé-cialisées de lutte contre la corruptionmises en place par l’État, le secteurprivé comme la société civile, qui parune large diffusion des résultats deleurs enquêtes, études ou audits, con-tribuent à mettre à nu les actes et prati-ques de corruption qui pervertissent letissu social et l’annihilent les efforts dedéveloppement. À terme, elle devraitêtre assumée par l’ensemble descitoyens et toutes les structures de lagouvernance.

Quant à la répression, elle consiste nonseulement en l’adoption de textes légi-slatifs et réglementaires visant à répri-mer les actes et pratiques de corrup-tion, mais aussi en la mise en place destructures institutionnelles fonctionnel-les en vue de l’application effective etéquitable des dits textes. Dans ce do-maine, l’indépendance du pouvoir judi-ciaire est une condition préalable etnécessaire à l’obtention de résultats

dans la lutte contre la corruption.

"Un État qui n’a pas les moyensd’évoluer n’a pas non plus les moyensd’assurer sa survie". Cette affirmationd’Edmund BURKE est plus qu’ap-propriée quand on envisage la questiondes stratégies de lutte contre la cor-ruption. Une lutte dont la nécessité nese discute plus, surtout pour les paysen développement qui risqueraientalors de pérenniser leur marginalitééconomique et politique au niveau in-ternational. Or, d’après les résultats del’enquête, la corruption semble répan-due ou très répandue au Burkina Faso.Un constat qui impose une mobilisationsociale contre un phénomène quiconstitue à la fois une cause et unsymptôme du dysfonctionnement del’État.

Ces caractérisations soulignent, s’il enétait encore besoin, le danger queconstitue la corruption pour les pays endéveloppement et les risques de pau-périsation croissante qu’ils encourent siune lutte énergique n’est pas engagéecontre la corruption. Mais pour ce faire,il importe d’avoir une claire connais-sance des enjeux et défis en présencesi l’on veut obtenir des résultats signifi-catifs dans la lutte contre la corruption.Ces enjeux et défis se situent aux planspolitique et administratif, éthique etsocial.

Sur le plan politique et administratif, onrelève quatre enjeux!:

• Sauvegarder la démocratie et assu-rer le bon fonctionnement de l’étatde droit car le développement dufléau que constitue la corruption me-nace dangereusement les fonde-ments de l’État démocratique;

• Instaurer une plus grande transpa-rence et l’obligation de rendre comp-te, l’amélioration de la gestion desressources humaines fondée sur lemérite, la simplification et la rationa-lisation de l’intervention de l’Étatdans l’activité économique;

• Intensifier la coopération internatio-nale afin d’endiguer le développe-ment des nouvelles formes de crimi-

L

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 175

nalité transfrontière consécutivesaux NTIC et à l’action des mafias;

• Assurer l’indépendance de la justice;

Quant au plan éthique et social, ils’agit!:

• D’entreprendre la revalorisation del’éthique dans la société touteentière;

• D’assurer une meilleure redistri-bution des richesses et de mener lalutte conte la pauvreté;

• De lever les obstacles queconstituent d’une part les intérêts dela pyramide politico-administrativequ’elle remet en cause et d’autrepart le fatalisme et l’ignorance desvictimes souvent maintenues dansla peur.

Ces enjeux et défis soulignent que nepas combattre la corruption, c’estexposer la société à des risquesd’implosion et de violence, consécutifsà la prédation systématique qui annihileles efforts de développement et débou-che sur une injustice sociale caracté-risée par l’accentuation de la précaritéet une crise de confiance dans lesinstitutions républicaines.

Dans cette optique, le Burkina Faso sedoit d’adopter des politiques et straté-gies qui lui sont propres étant entenduque l’on ne saurait transposer mécani-quement les textes de lois et les procé-dures de contrôle des pays développésaux pays en voie de développement.

Quelle stratégie peut-on élaborer pourle renforcement de la lutte contre la cor-ruption au Burkina Faso ? La réponse àpareille interrogation n’est pas aisée.

Une stratégie de lutte contre la corrup-tion doit viser la restauration desvaleurs éthiques dans la gestion politi-que, économique et administrative de laCité, une valorisation des vertus de pro-bité et d’impartialité, un sens aigu dubien commun, en d’autres termes, unsursaut moral dans le sens d’une meil-leure prise en compte de l’intérêt géné-ral.

Un cadre éthique intégré à l’actionpublique est essentiel pour orienter lesactions vers la recherche du bien com-mun au sens le plus large et amorcerun cercle vertueux favorisant le déve-loppement et l’amélioration de la gou-vernance.

Identifier les directions d’action à suivren’est qu’une petite partie du chemin àparcourir. La difficulté principale reste lamise en œuvre de ces principes d’ac-tion, car elle passe par la définitiond’une stratégie réellement opération-nelle qui exige une réelle volontépolitique. Si l’on peut considérer, avecles dernières évolutions institution-nelles, qu’il existe une prise de cons-cience des méfaits du phénomène, ilest difficile de parler de véritablevolonté politique au regard non seule-ment de la perception du citoyen quiconsidère, d’ailleurs, que les gouver-nants alimentent la corruption au lieude la combattre, mais aussi et surtoutde l’impunité ambiante et des réactionspar à-coup aux manifestations de lacorruption. Une stratégie de lutte contrela corruption devra s’articler autour detrois axes majeurs à savoir!: la pré-vention, la dénonciation et la répres-sion.

8.5.1. LA PRÉVENTION

u regard de l’importance del’ancrage de la corruption dans la

société, le choix des stratégiessusceptibles de la combattre avec suc-cès reste une équation difficile àrésoudre. Mais une chose est sûre, enla matière, mieux vaut prévenir queguérir. Ce faisant, c’est en amont quedoivent se concentrer les différentesactions à entreprendre dans la luttecontre la corruption et qui doivent viserà!:

Préserver et renforcer l’État de droit

Si l’État burkinabè présente formel-lement les caractéristiques d’un État dedroit, l’amer constat est celui que les

A

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fragiles gains démocratiques sontmenacés par certains phénomènescontre lesquels l’État de droit étaitcensé protéger le citoyen!: lacorruption, l’abus de pouvoir, lenépotisme, le clientélisme, etc.

Or il est connu que la corruption, parcequ’elle ébranle les valeurs et institutionsdémocratiques fondamentales etcompromet le développement social,économique et politique ainsi quel'exercice des droits de l'homme,menace dangereusement l'État de droitet, partant, la stabilité et la sécurité dela société du fait de l’iniquité dans larépartition des ressources.

Une vigoureuse action s’impose donccar la confiance, la crédibilité etl'autorité de la puissance publique dansune société moderne et démocratiquepassent nécessairement par l'intégrité,la responsabilité et la transparence dusystème politique et de la fonctionpublique. La préservation de l’État dedroit et son renforcement nécessitentque des initiatives soient prises dansles directions qui suivantes!:

Rendre effective la séparation despouvoirs et leur autonomie

Le déséquilibre des pouvoirs dans laConstitution du 02 juin 1991, notam-ment au profit de la fonction présiden-tielle, rend formelle la séparation despouvoirs surtout dans le contextepolitique actuel caractérisé par un partidominant. Cet état de fait contient lesgermes d’une présidentialisation durégime qui, par la confusion despouvoirs qui en résultera, constitueraun terrain favorable à la corruption. Eneffet, en l’absence de véritables contre-poids ou contrepouvoirs, la corruptionet l’impunité irriguent le corps social parle haut.

C’est dire qu’il importe de mettre enplace un système efficient de contre-pouvoirs et de garde-fous à même degarantir le respect des principes fonda-mentaux contenus dans la Constitutionet les lois de la République et d’as-surer, au sein des organismes et

institutions publics la reddition decomptes. En somme, il s’agit de cons-truire un système de responsabilitévertical mais aussi horizontal. Celapasse par une pratique révisée de laConstitution afin d’assurer un rééquili-brage des pouvoirs en faveur du parle-ment.

Mettre en place les mécanismesd’une compétition politique honnête,libre et transparente

Enjeu politique, la démocratie estassise sur la contradiction et la compé-tition. Mais cette contestation et cettecompétition exigent un minimum deconsensus sur les règles du jeu politi-que (loi électorale, conception desinstitutions, institutionnalisation dupouvoir, continuité de l’État), en un mot,l’existence d’un civisme politique, c’est-à-dire un accord sur la nature durégime et les valeurs de référence. Cesvaleurs trouvent leur fondement dansl’éthique car l’éthique et la politique separtagent un domaine commun!: l’agirdes hommes; l’éthique est la sciencedu "bien agir" tandis que la politique estla gardienne du "vivre ensemble".

Les pratiques de corruption étantétroitement liées au mode de gouver-nement, il s’agit, en tout premier lieu,d’ouvrir et d’investir le chantier del’institutionnalisation du pouvoir car ilfaut bien que les dirigeants, les gouver-nants s’imprègnent de l’idée qu’ils nesont pas propriétaires du pouvoir d’Étatmais de simples mandatés, chargés dela réalisation du bien commun. L’institu-tionnalisation du pouvoir constitue lefondement de la puissance de l’État.

Ce faisant, l’instauration dans lesinstitutions d’une contrainte éthique àl’exercice du pouvoir, bien quenécessaire, est insuffisante carl’éthique passe par la conscience deshommes politiques. Ces derniersdoivent être sélectionnés en vue de"l’utilité publique et du bien commun"parce que la droiture des gouvernantsrenforce l’intériorisation des valeurséthiques. De façon immédiate, le retourà la pratique des maisons de fonction et

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 177

à une saine et stricte gestion dupatrimoine de l’État (notamment desvéhicules de fonction) permettraientd’enclencher le processus d’institution-nalisation du pouvoir.

Cette institutionnalisation du pouvoirexige aussi de repenser les modalitésde sélection, de promotion et de sanc-tion des hommes politiques bannissantla cooptation, peu susceptible d’offrirdes garanties de vertu, et fondées surdes critères éthiques dirimants. Dansce sens, la mise en place d’un systèmeinspiré du contenu de l’article 6 de laDéclaration des Droits du Citoyen de178957 devrait conduire à plusd’intégrité dans le personnel politique.Dans cet ordre d’idées, et eu égard aumode de scrutin en vigueur,l’organisation de primaires dans toutesles formations polit iques pourl’établissement des listes de candidatsdevrait être promue afin d’éviter la cor-ruption, l’intrigue, le copinage, le népo-tisme.

La réalisation de cet objectifd’institutionnalisation du pouvoir passed’abord par la transformation de l’État,débarrassé de ses dérives néo-patri-moniales qui conduisent à l’insidieuseconfusion des domaines public et privédans le fonctionnement de l’État. Eneffet dans l’État néo-patrimonial, lepouvoir et la richesse tendent à seconfondre car la possession du pouvoirouvre la voie à l’accumulation écono-mique,58 surtout dans un contextestructurel de rareté des ressourcescomme c’est le cas au Burkina Faso.

Ce faisant, les enjeux de la compétitionpolitique, dans un tel contexte où lecontrôle du pouvoir politique constituela clé de l’accès aux ressources éco-nomiques, ne se réduisent pas seule-ment au simple contrôle de positions demesure

pouvoir pour le pouvoir mais sont inti-mement liés à des enjeux économiquesimmédiats.

Ensuite, il convient d’améliorer le sys-tème électoral à toutes les étapes(confection des listes, administrationdes élections, campagnes électorales,etc.) afin d’avoir des élections concur-rentielles, libres, transparentes et hon-nêtes car si les hommes politiques nesont pas sanctionnés par le pouvoirjudiciaire, ils peuvent l’être par lesélecteurs.

À cet effet, différentes mesures méri-tent d’être prises pour mettre un freinau développement de la corruptionpolitique qui ne prend pas seulement laforme de la corruption électorale parl’achat des voix, mais s’étend à l’achatet à la cooptation des opposants pourfausser la compétition politique. Il s’agiten particulier de!:

• L’établissement d’une liste électo-rale informatisée;

• L’utilisation d’un seul documentd’identification pour l’inscription surles listes électorales;

• L’adoption d’une législation sur lefinancement des partis et les cam-pagnes électorales qui renforce latransparence dans le processusélectoral avec la définition d’un ca-dre de financement public de la viepolitique avec un plafonnement desdépenses et l’interdiction du recoursau financement par les entrepriseset les opérateurs économiques,;pareille législation devrait, entreautres dispositions, faire obligationaux partis et organisations politiquesde déclarer leurs moyens definancement et prévoir de lourdespeines pour les transgresseurs.

Enfin, il importe non seulement de don-ner

____________________________________________

57 "Tous les citoyens sont admissibles aux dignités et emplois publics selon leur capacité et sans autredistinction que celle de leurs vertus et de leurs talents"

58 Pour plus de détails sur la notion d’État néo-patrimonial, voir J.F. MEDARD, "L’État néo-patrimonialen Afrique noire" in J.F. MEDARD (éd), États d’Afrique Noire, Paris Karthala,1991. Voir aussi dumême auteur, "la crise de l’État néo-patrimonial et l’évolution de la corruption en Afriquesubsaharienne", in Monde en développement, 1998, tome 26, n°102, pp.55-67.

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178 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

ner à l’opposition les moyens d’inter-venir de manière efficace pour amenerle gouvernement à rendre compte deson action et favoriser ainsi la probité,la transparence, la responsabilité et labonne gouvernance, mais aussi etsurtout que cette opposition cesse dejouer les faire-valoir pour véritablementendosser le costume de contrôleur del’action gouvernementale et joue sonrôle de contrepouvoir. Cela passe,aussi, par la reconnaissance, en dehorsdes périodes électorales, à toutes lesformations politiques et organisationsde la société civile, d’un droit d’expres-sion sur les médias d’État. Touteschoses qui ne peuvent que renforcer lepluralisme politique et l’enracinementde la culture démocratique.

En la matière, le Conseil Supérieur del’Information serait bien inspiré d’orga-niser en dehors des périodes électo-rales, comme dans bon nombre depays occidentaux, notamment enFrance, des tranches de passage desformations politiques et organisationsde la société civile sur les antennes desmédias publics en vue de rendrecompte de la vie des partis et des acti-vités de la société civile.

La corruption dilapide les ressourcespubliques, entrave le développement etfausse la concurrence. Pour tenter d’yremédier, un certain nombre de mesu-res ou d’actions méritent d’être entre-prises pour assainir l’activité économi-que et assurer la démocratie.

Construire une administration répu-blicaine

L’allocation des postes politiques etadministratifs est de nos jours influen-cée non seulement par les ressourcespotentielles qu’ils représentent maissurtout par l’appartenance politique. Lapolitisation de l’administration quis’ensuit conduit à une administrationfondée sur le clientélisme et non lacompétence. Une situation qui aboutità!:

• La négation du mérite et partant la

partialité dans le traitement de lacarrière des agents - avancement etrécompenses à la tête du client, af-fectation dans des postes "juteux"ou "secs" en fonction de l’appar-tenance politique;

• Des hiérarchies formelles inopéran-tes, surqualification ou sous-qualifi-cation par rapport aux tâches à ef-fectuer;

• L’indiscipline et à l’impunité tantdisciplinaire que des crimes écono-miques.

Toutes choses qui ont pour consé-quence la démotivation des agents etl’installation d’une conception préda-trice du bien public. Le rôle des fonc-tionnaires est de servir le public et nonles intérêts politiciens du parti au pou-voir. Il en résulte que le personnel del’État a une double obligation!: fairepreuve de loyauté vis-à-vis de l’autoritétout en défendant l’intérêt général etviser l’efficacité dans sa part d’exercicedu pouvoir. Pour construire une admi-nistration républicaine c’est-à-dire évitersa politisation, il importe de!:

• Veiller à l'adoption de la législationde contrôle qui s'impose pourassurer la transparence et laresponsabilité dans la gestionpublique par le recours à descanaux de communications clairs etsans équivoque et notamment lecaractère écrit de toutes lesdirectives;

• Établir un régime déontologiquecohérent, détaillé et facile à com-prendre en vue de consolider la pra-tique d’une conduite conforme àl’éthique, l’accès privilégié à l’infor-mation et l’attribution de fondspublics conséquents. Cela passepar la rédaction d’un code de déon-tologie spécifique reposant sur dixvaleurs essentielles à savoir!: le dé-sintéressement, l’impartialité ou ob-jectivité, la probité, l’intégrité, latransparence, la légalité, l’efficience,la responsabilité l’équité et le lea-dership car au titre des comporte-ments éthiques attendus des agents

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 179

des administrations publiques figu-rent les exigences de loyauté, deprobité, d’impartialité, de discipline,de saine gestion des biens publics,d’égards et de diligence à l’endroitdu public;

• Créer un environnement de travailqui garantisse la transparence etrenforce l’intégrité dans la gestionquotidienne par l’adoption d'une lé-gislation visant à prévenir la corrup-tion là où elle est particulièrementtentante, et ce par les mesures sui-vantes!:

- Réduire à l’extrême la situationde pouvoir discrétionnaire car laconcentration du pouvoir entreles mains d’une seule personnepeut constituer une tentationforte d’en tirer profit à l’occasionpar exemple de la délivranced’autorisations administratives;pour éviter un usage arbitraire dece pouvoir, il importe d’inverserla tendance et de faire de la si-tuation de compétence liée leprincipe et celle de pouvoir dis-crétionnaire l’exception;

- Garantir à chaque citoyen un ni-veau satisfaisant de protectionsociale;

- Introduire dans la fonction publi-que des structures de rémunéra-tion qui n'incitent pas à la corrup-tion;

- Instituer des mécanismes trans-parents et rigoureux pour le choixdes titulaires de hautes chargespubliques afin de s'assurer queseuls les plus compétents et lesplus honnêtes sont nommés auxpostes visés;

- Prévoir des procédures adminis-tratives rapides et transparentespar l’édiction de manuels de pro-cédures à la disposition du publicpermettant à tous de participerdans des conditions d'égalité auxprocessus de prise de décisions.

En somme, une plus grande transpa-rence, l’obligation de rendre descomptes, l’amélioration de la gestiondes ressources humaines dans l’admi-nistration publique fondée sur le méritesont autant de principes d’action qui,mis en œuvre, permettront d’endiguerla corruption.

Mettre en place un système de diffu-sion de l’information administrative

Le monopole de la détention del’information est un des facteurs expli-catifs du développement de la corrup-tion. Assurer l’égal droit des opérateurséconomiques à l’information constitueun levier essentiel dans la lutte contrela corruption. En la matière, il faudraitexploiter de manière optimale les nou-velles technologies de l’information etde la communication faciliter l'accèsdes usagers à l'information touchant!:

• Les informations administratives,économiques et financières qui sontl’objet de monnayage et donc decorruption à tous les niveaux (État,bailleurs de fonds, ONG, etc.);

• Les informations relatives aux trai-tements des factures et autres sup-ports de règlements et principale-ment ceux réalisés par le Trésor pu-blic;

• Les informations relatives aux coûtsdes projets à soumettre à la concur-rence afin d’éviter le dumping et lesrevalorisations de prix et assurer latransparence dans les procéduresd’aliénation des biens de l’État.

Il s’agit, par une claire définition desconditions des libertés économiques etle renforcement des lois et réglemen-tations d’enrayer les tendances mono-polistiques et de garantir l'équité enmatière de procédures des marchéspublics, de régime d'imposition deprivatisations et d'administration de lajustice.

Les règles ne peuvent éliminer lanécessité de se fixer des normes de

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180 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

conduite personnelle élevées, d’assurerun leadership, d’éduquer et d’établirdes énoncés clairs sur les valeursorganisationnelles et déontologiquescommunes telles l’intégrité, la dignité,l’équité entre les sexes, le respect,l’impartialité et la reddition de comptes.En effet, outre les règles officielles, lesprincipaux moyens pour réussir unepolitique de lutte contre la corruptionsont l’éducation et le leadership.

Encadré 8.3. Les Comités Anti-Corruption (CAC) dansla police Burkinabè

Le 8 novembre 2001, le REN-LAC a organisé unséminaire atelier sur le thème "La police Burkinabèface à la corruption" regroupant les responsablesrégionaux de la police Burkinabè. Les discussionspermirent de souligner et de faire comprendrel’importance du management participatif dans la luttecontre la corruption. En effet, une stratégie efficace delutte repose sur l’implication de tous les agents d’uneadministration et à tous niveaux de responsabilité.Aussi, lors de ce séminaire, les principales techniqueset outils utiles au management participatif furentprésentés à l’ensemble des participants. Une desconclusions importantes de cette rencontre a étél’acceptation par la direction générale de la policed’une proposition du REN-LAC consistant àconstituer de comités de lutte contre la corruption.

Depuis ce séminaire, ces comités de lutte anti-corruption (CAC) ont commencé à être mis en placedans la police. Ils constituent en fait une petitestructure interne à l’administration, avec pourprincipale fonction, le suivi et la résolution desdysfonctionnements et des pratiques illégales dansl’exécution du travail quotidien. Afin de redonner unebonne image de l’administration dans sa mission deservice public, ces comités doivent à la fois détecterles causes favorisant la corruption et proposer en avaldes solutions et des mesures pour la réduire.

Le CAC constitue un groupe permanent qui se réuniten principe au moins une fois tous les quinze jours. Ildoit exister un CAC dans tout service dont l’effectifdépasse cinq personnes. La direction doit reconnaîtreet appuyer l’existence des CAC. Pour cela, un groupeconstitué du Directeur Général et des différentsdirecteurs est chargé du suivi des activités des CAC.Un coordonnateur est nommé à cet effet.

Promouvoir la démocratie commevaleur de référence

La lutte contre la corruption esttributaire des avancées démocratiques,c’est-à-dire des progrès dans ladéfense des droits humains et laconsolidation de la liberté d’expression.Sans la garantie aux citoyens de lapleine jouissance des droits et libertés,le combat pour une société débar-rassée du fléau de corruption est vouéà l’échec et la rhétorique sur la questionun vœu pieu. En outre, il est bien connuque la démocratie ne peut s’épanouirsans développement d’une citoyennetéactive. Cette dernière suppose, dans lecontexte du Burkina Faso, uninvestissement exceptionnel dans l’édu-cation et l’installation d’une logique dedroits et devoirs dans la perception desgouvernants. Il y a lieu, pour ce faire!:

• D’engager un combat déterminécontre l’analphabétisme;

• De renforcer l'instruction civiquedans les programmes scolaires etinscrire la lutte contre la corruptiondans les curricula d’éducationcivique;

• D’encourager le public à dénonceret condamner la corruption et, à ceteffet, veiller, par des mesures léga-les et autres, à assurer à toutes lespersonnes qui jouent un rôle actifdans la lutte contre la corruption unappui et une protection efficacescontre l'intimidation;

• Contribuer à promouvoir un sensélevé de la probité et de l'intégritémorale par des campagnes desensibilisation et des actions d’éveilà la citoyenneté (connaissance parle citoyen de ses droits et devoirs);

Certes, la formation et la sensibilisationn’aideront pas ceux qui, se nourrissantde la corruption, ne s’intéressent pas àl’éthique; mais pour ceux qui s’ensoucient (la plus grande majorité), ellecontribuera à accroître leur compré-hension et leur sensibilité à la questionéthique. Les communautés sontinterpellées pour œuvrer en faveur del’éducation éthique de base des

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 181

enfants; des pratiques comme laparenté à plaisanteries, encouragéespar les institutions de l’État et desacteurs sociaux, peuvent constituer desvecteurs d’éthique car elles participentimmanquablement à la valorisation denos bonnes traditions, à la cohésion etla préservation de la paix sociale.

Asseoir un leadership dans ledomaine éthique

Le leadership dans le domaine de lalutte contre la corruption constitue leprincipal facteur déterminant d’uneconduite conforme à l’éthique dans lesorganisations du secteur public et dusecteur privé. Même les meilleurscodes déontologiques ne sauraientprotéger les Burkinabè contre lesagissements d’un gouvernement qui neserait pas fondamentalement honnête.Les hauts responsables doivent être lespremiers à donner le bon exemple carles comportements indélicats peuventfaire école et se répandre facilementjusqu’aux niveaux inférieurs de l'admi-nistration

Les leaders d’opinion (hommespolitiques, personnalités marquantes dusecteur privé et de la société civile)doivent être des modèles exemplairesd’une conduite personnelle conforme àl’éthique. D’où la nécessité de procé-dures de surveillance de la fortune etdu train de vie des dirigeants par,notamment, une mise à disposition dupublic des déclarations de biens et latenue d’un registre des cadeaux et descivilités d’hospitalité. Toutes ces actionsdoivent viser à prévenir l’enrichis-sement personnel, le népotisme, et lessinécures à vie (nombre de mandatsillimités).

8.5.2. LES STRATÉGIES ENMATIÈRE DE DÉNONCIATION

es acteurs de la société civile(associations, organisations syndi-

cales, communautés religieuses, etc.)ont une place de choix dans la

moralisation de la vie publique. En cesens la société civile et les médiaspeuvent contribuer à l’émergence d’unevolonté politique en dénonçant la cor-ruption, en faisant pression sur legouvernement et en contrôlant sesactions. Car le constat du dévelop-pement de la corruption impose unemobilisation sociale en phase dedevenir un symptôme du dysfonc-tionnement de l’État. Une stratégie enmatière de dénonciation devrait tendreà!:

Renforcer l’implication de la sociétécivile dans la lutte contre lacorruption

Il s’agit de mobiliser toutes les couchesde la société en faveur de la luttecontre la corruption et de la promotionde l’intégrité. Les citoyens doivent êtreles acteurs, les partisans actifs et lesgardiens du processus et non dessujets passifs si l’on veut réaliser deschangements réels et durables et nonune vitrine, une façade de mesurescosmétiques. Pour ce faire, il faudrait!:

• Mettre en place une large coalitionsur la base d’une approche partici-pative rassemblant tous ceux qui, ausein de la société, ont intérêt auchangement;

• Renforcer les capacités institution-nelles des organisations de lasociété civile;

• Imaginer une mise en réseaux danslaquelle les différents niveaux degouvernance œuvrent conjointementà l’élaboration, à la proposition, à lamise en œuvre et au suivi des politi-ques.

Il s’agit, en application du principe desubsidiarité, de construire un régimecadre destiné à créer les conditionsd’une fructueuse collaboration État /Société civile et ce par!:

• L’amélioration de la coordinationadministrative;

• L’amélioration des capacités d’infor-mation et d’analyse;

• L’établissement de procédures

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182 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

concertées de suivi.

Garantir l’indépendance de la presse

Le rôle des médias est d’attirerl’attention et d’informer le public sur lesfaits et cas de corruption. Pour leurpermettre d’assurer cette fonction so-ciale, il faudrait!:

• Renforcer les capacités des entre-prises de presse car des médias in-dépendants et en bonne santéconstituent des vecteurs de transpa-rence;

• Former les professionnels de lapresse au journalisme d’investi-gation;

• Œuvrer au renforcement de ladéontologie et de l’éthique par lacréation d’une structure de veille,afin de protéger le droit du public àune information pertinente et crédi-ble, c’est-à-dire libre, exacte et hon-nête (équilibre).

• Intégrer les principes de la chartedans le code de l’information;

• Réviser les textes organiques duConseil Supérieur de l’Information(CSI) afin d’en faire une structureindépendante des gouvernants dumoment.

L’information est un des éléments quipermet l’action. Elle doit être nourriepar des études et des travaux de re-cherche à même de préciser l’indice dela corruption, son organisation et sesdéterminations afin de guider et desusciter la collaboration de tous lesacteurs.

8.5.3. LES STRATÉGIES EN MA-TIÈRE DE RÉPRESSION

orsque le fonctionnement du servicepublic manque de transparence et

qu’il devient opaque pour les adminis-trés, il génère corruption et clientélisme.C’est alors la faute de la puissancepublique qui se traduit par un méprisdes principes du droit public et uneabsence de contrôle. En effet, malgré

l’existence d’un dispositif normatif etinstitutionnel, la lutte contre la corrup-tion laisse apparaître un manque devolonté politique pour appliquer la loidans son intégralité. La lutte contre lacorruption souffre donc d’un déficitd’effectivité. Pour y remédier, on peutenvisager des actions concrètes!:

Rationaliser le dispositif institution-nel et normatif

Il s’agit de revisiter l’ensemble du dis-positif afin de combler les vides juridi-ques mais surtout d’éliminer les che-vauchements, double-emploi, et autrescontradictions, pouvant être sourced’inerties. Ces interférences peuventdonner lieu à des conflits positifs decompétences, à savoir la concurrenceentre institutions sur une même matièreou à des conflits négatifs de compé-tence où toutes les structures se décla-rent incompétente pour connaître de laquestion. Cette préoccupation n’est pasune simple vue de l’esprit. Ainsi destextes créant l’Inspection Généraled’État, (institué comme instance supé-rieure de contrôle de l’État ayant pré-séance sur tous les autres corps decontrôle) et ceux de la Haute Autoritéde Coordination de la Lutte contre laCorruption laissent entrevoir desconflits de compétence possibles. Unemise en cohérence de l’ensemble dudispositif institutionnel et normatifs’impose. Cette mise en cohérencedevrait s’accompagner de l’élaborationd’une stratégie nationale ou d’un plannational de lutte contre la corruption.

Garantir l’indépendance et l’impar-tialité de la justice

La liberté du système judiciaire ainsique celle de la presse constituent descontre-pouvoirs dans la gestion de lachose publique et des remparts contrele développement de la corruption. Deleur degré d’indépendance dépend leurcapacité à jouer leurs rôles de super-vision et de vigilance vis-à-vis de laconduite des gouvernants.

Au Burkina Faso, s’il existe un cadre

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 183

normatif (constitutionnel et légal) pro-pice à l’indépendance de la magistra-ture (cf. titre VIII de la Constitution et loiorganique n° 036-2001/AN du 31 dé-cembre 2001 portant statut du corps dela magistrature), l’institution judiciairereste souvent indexée comme une desinstitutions les plus corrompues. Or laconsolidation de l’État de droit et de ladémocratie passe par une réhabilitationvéritable et complète de l’impartialité dela magistrature c’est-à-dire son éman-cipation des autres pouvoirs comme leveulent l’esprit et la lettre de la Consti-tution. Pour asseoir une justice à mêmed’assumer pleinement son rôle dans lalutte contre la corruption, il importe, enplus du raffermissement des garantiesstatutaires d’indépendance!:

• Sinon de couper le cordon ombilicalqui lie la chancellerie au parquet, desupprimer le pouvoir de la chancel-lerie d’interférer dans le cadre deprocédure précises en vue d’arrêterle déclenchement d’une poursuite;

• De recruter et de former des jugesspécialisés dans la lutte contre lacorruption et de les doter desmoyens modernes d’investigation etde travail;

• De poursuivre et de renforcer lapolitique actuelle d’appui à l’adminis-tration de la justice.

Lutter résolument contre l’impunitéet l’irresponsabilité

Une lutte contre l’ impunité etl’irresponsabilité est consubstantielle àla lutte contre la corruption car il a étéobservé une corrélation entre niveau decorruption et le degré d’impunité. Lais-ser se développer l’impunité, c’est fairele lit de la corruption. Ce faisant, et pourenrayer le phénomène, il importe de!:

• Voter des lois anti-corruption incri-minant la corruption qui prévoientdes peines suffisamment sévères etdissuasives à l’endroit des délin-quants potentiels;

• Ratifier les instruments internatio-naux et assurer leur transpositiondans le droit positif

• Sanctionner disciplinairement lescomportements contraires à l’éthi-que mais aussi poursuivre pé-nalement toute forme de corruptionactive ou passive, directe ou indi-recte et les infractions aux valeursfondamentales du service publictelle que l’utilisation d’une chargepublique en vue de bénéfices per-sonnels;

• Publier les rapports de l’inspectiond’État, des audits et autres enquêtesparlementaires;

• Ouvrir la possibilité de saisine dujuge aux structures, associations etorganisations de lutte contre la cor-ruption en instituant en la matière"l’actio popularis" ou "action popu-laire";

En définitive, une stratégie cohérentede lutte contre la corruption suppose laconstruction d’un système nationald’intégrité c’est-à-dire un système detransparence et de responsabilité avecun double objectif!: prévenir la fraudeen faisant de la corruption "uneentreprise à hauts risques et à petitsprofits" et la sanctionner systémati-quement lorsqu’elle se manifeste. Danscette tâche, il importe de ne passombrer dans l’excès, qui consisterait àdévelopper des règles toujours plusdétaillées et de normes dans l’espoirqu’à l’avenir toutes les situations soientdéjà couvertes par une règle actuelle.

CONCLUSION

a stratégie de lutte contre la cor-ruption pour être opératoire exigela mise en place d’une infrastruc-

ture de l’éthique c’est-à-dire unegamme d’instruments et de processusqui réglemente les comportementsindésirables et incite à la bonne con-duite. Cela exige la réunion d’un certainnombre de conditions fondamentalesdont principalement!:

• L’engagement politique (les hom-mes politiques doivent soulignerl’importance de l’éthique, donner

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l’exemple et soutenir la bonneconduite avec des ressources adé-quates);

• La construction d’un cadre juridiqueefficient et efficace (lois et régle-mentations). Si ce cadre juridiqueest relativement complet aujourd’huiau Burkina Faso, certains vides doi-vent être comblés, notamment afind’encadrer le financement privé despartis politiques;

• La mise en place d’institutions char-gées de lutter contre la corruption.Parce que ces institutions sont au-jourd’hui assez nombreuses au Bur-kina Faso et que la création de cer-taines d’entre elles est récente, ilapparaît nécessaire de clarifier leursmissions et attributions respectivesafin d’éviter toute source de contra-diction et de conflit de compétences.

• La mise en place d’un organi-gramme clair de l’ensemble desstructures concernées par la luttecontre la corruption, en précisantleurs compétences respectives et enétablissant une hiérarchie fonction-nelle;

• La mise en place de mécanismes deresponsabilisation efficaces (procé-dures administratives, audits, éva-luations de la performance, méca-nismes de consultation et de super-vision);

• L’élaboration de codes de conduite(énoncé de valeurs, des obligationset des restrictions);

• La garantie de bonne conditiond’emploi (traitement juste et équita-ble, rémunération et sécurité appro-priées);

• Le renforcement des capacités desorganismes intervenant dans la luttecontre la corruption;

• L’existence d’une société civile ac-tive et de médias libres qui surveil-lent les activités gouvernementales.

La stratégie à mettre en œuvre part dela moralisation de la vie publique pourasseoir une éthique appliquée c’est-à-dire!:

• Une pratique éducative car l’éthiqueappliquée, se fondant sur le principeselon lequel "le jugement moral nes’apprend pas mais se cultive", viseà accélérer la prise de conscience;

• Une pratique politique en ce quel’éthique appliquée, avec le biencommun comme valeur de réfé-rence, cherche à mettre en place lesconditions optimales pour l’exercicedu jugement moral;

• Une pratique philosophique dans lamesure où l’éthique appliquée tendau développement de la consciencecritique et créatrice, articulée autourde l’excellence humaine.

Dans cette œuvre de longue haleine, ilconvient d’avoir présent à l’esprit quesans l’engagement des dirigeants pu-blics ou politiques, la construction d’unevéritable infrastructure de l’éthique estillusoire.

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"Corruption et développement humain"Politiques et stratégies de lutte contre la corruption 185

Encadré 8. Les corrupteurs protégés

Le 02/12/02 dans la matinée, mon chauffeur a été arrêté par un policier municipal à Ouagadougou. Il abrûlé un feu rouge. Son permis a été retiré. Il devait revenir à 15 heures avec une somme de 4 800francs CFA pour récupérer son permis. Je continuais à Kaya. La nuit, mon chauffeur me rejoint. Je luidemande son reçu des 4 800 francs. Il dit!: j’ai discuté avec un autre policier et il a demandé 2 000francs sans reçu. Je suis allé voir le directeur de la police municipale, Monsieur Konsimbo PierreClaver. Il faisait semblant d’être furieux. Mon chauffeur assurait qu’il reconnaîtrait le policier qui lui arendu le permis s’il le voyait. La réaction de Monsieur Konsimbo non il ne pouvait pas accepter quemon chauffeur aille chercher un policier corrupteur dans la caserne, et monsieur le directeur ne pouvaitpas non plus savoir qui a remis le permis (pour 2 000 francs) à mon chauffeur. J’ai mis ma plainte parécrit et envoyé l’ampliation à monsieur le maire de Ouagadougou et au ministre de l’administrationterritoriale et de la décentralisation. Le 05/12/02, monsieur le maire Simon Compaoré m’a appelé et neprésence de son premier adjoint Monsieur Martin Ouédraogo et de son chef de cabinet. Ils faisaient toussemblant d’être furieux. J’exprimais aussi mon indignation sur le fait qu’au bureau de la police toutepersonne pouvait prendre des documents aussi importants qu’un permis de conduire, sans qu’on puisseretrouver qui a pris le document et encore moins ce qu'il avait fait du document. J’ai dit que le directeurd’un tel service est incompétent pour ce travail et devrait être destitué immédiatement. À ce moment, leton changeait et les batteries pour la protection du policier étaient mises en position. Mon chauffeur étaitau fond le responsable car il avait accepté de payer 2 000 francs sans demander un reçu. Quant à moi, cen’était pas à moi de juger la compétence du directeur de la police. J’ai répondu qu’un simple chauffeurne pouvait pas faire face à un policier. Et moi, j’ai la liberté d’exprimer mes pensées sur la compétencedu directeur.

Le 19/12/02, j’ai téléphoné à monsieur Martin Ouédraogo pour demander des nouvelles du policiercorrupteur mais il m’a dit de m’adresser à Monsieur le directeur de la police. Le même jour, je visitaisMonsieur Konsimbo Pierre Claver qui me dit que son adjoint poursuivait le dossier. Le 28/12/02, les 4,8 et 9 janvier, j’ai téléphoné de nouveau à Monsieur Konsimbo, il était toujours sorti. Le 20 janvier j’aieu de la veine. J’ai entendu que la réceptionniste disait au directeur que le Père Balemans voulait luiparler et il a répondu qu’elle n’a qu’à dire qu’il était sorti, je lui ai répondu que j’ai compris les sortiesdu directeur. La police municipale a eu à ses débuts le renommée d’être intègre mais avec des patronsqui protègent la fraude, cette intégrité s’est assez vite affaiblie.

Bonne nouvelle!: un cadre de la police qui voyait qu’un policier empochait 2 000 francs pour rendre lamobylette d’une dame qui avait brûlé un feu rouge, est intervenu et a obligé le policier corrupteur àrendre les 2 000 francs à la dame.

F. Balemans

Le Pays N° 2837 du 18 mars 2003

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 121

EF

CHAPITRE 7

COOPÉRATION RÉGIONALE ETINTERNATIONALE ET LUTTE CONTRELA CORRUPTION

INTRODUCTION

e Burkina Faso, qui connaît lesconséquences de ressourcesbudgétaires propres insuffisantes

et de la mondialisation de l'économie,trouve, dans la coopération régionale etinternationale un soutien précieux, par-fois contraignant mais certainementindispensable au maintien des équili-bres macroéconomiques et de l’inves-tissement, notamment dans les do-maines sociaux. En effet, le budget del’État est structurellement déficitaire.Pour preuve, le budget de l’État année2003 s’établit en recettes ordinaires(fiscales, non fiscales et en capital) à354,08 milliards de FCFA contre untotal de dépenses estimé à 616,21milliards de FCFA, soit un déficit de262,13 milliards de FCFA.

Grâce aux recettes spéciales (aides,dons, subventions et emprunts) quis’élèvent à 204,05 milliards de FCFA,ce déficit budgétaire est ramené à58,08 FCFA milliards de FCFA.

Par ailleurs, depuis le début desannées 1980, on assiste à uneintégration des économies dans lemonde entier, au moyen surtout descourants d’échanges et des flux finan-ciers. Il s’agit de l’apparition et du déve-loppement de la mondialisation qui per-

met à tous les pays du monde d’avoiraccès à davantage de capitaux, deressources technologiques, à des im-portations moins coûteuses et aussi dedévelopper leurs débouchés à l’expor-tation.

Cependant, les marchés ne garan-tissent pas nécessairement que l’effi-cience accrue de la concurrence et dela division du travail profite à tous. Il ya, en effet, des domaines que l’État nepeut laisser aux forces du marché, enraison de la pauvreté encore étendueau sein de la population. Ces domainessont, en général, ceux des secteurs del’éducation et de la santé.

C’est pourquoi un pays comme leBurkina Faso, enclavé au cœur del’Afrique de l’Ouest, peuplé de 11,6millions d'habitants dont 46,4% viventen dessous du seuil de pauvreté en2003 (seuil estimé à 82 672 CFA paradulte et par an), a l’obligation perma-nente de poursuivre les réformes enga-gées depuis le début du processus derestructuration économique et politiqueen 1991 pour tirer parti de la mondiali-sation. Ces réformes politiques et éco-nomiques sont effectivement engagéeset bénéficient de l’appui de la com-munauté internationale.

Les flux financiers du partenariat entrele Burkina Faso et l’extérieur sont

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122 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

considérables. À titre d’exemple, letableau 7.1 présente un aperçu desinterventions multilatérales au BurkinaFaso.

Tableau 7.1. Apports des principaux bail-leurs de fonds multilatéraux en millions dedollars US

Institutions MontantBAD 48,3Banque Mondiale 93,0BID 7,9Union Européenne 55,5FMI 23,0SNU 19,0

Source Rapport sur la coopération au déve-loppement (2001)

L’importance et la nature de cette aidecommandent qu’un dispositif consé-quent de transparence et de bonnegestion soit mis en place afin d’éviterque les fonds destinés aux populationsne soient détournés de leurs objectifs.

La grande préoccupation est des’assurer que les hommes chargés dela gestion des fonds publics ainsi queles procédures en place permettentd’éviter que les deniers publics ne ser-vent à alimenter les appétences despersonnes corrompues. Une bonnegestion des ressources budgétairesapparaît alors nécessaire pour assurerune répartition judicieuse des fonds.

La réglementation sur les projets dedéveloppement, principaux vecteurs definancements extérieurs, a été renfor-cée en 1998 avec l’adoption de septdécrets (N° 98- 240 à 246 du 19 juin1998). L’objectif, au-delà de la formali-sation des procédés généraux sur lagestion des projets, visait à prévenirtoute influence ou mainmise de la su-perstructure administrative sur ces en-tités sous tutelle et réputées financiè-rement nanties. Ces décrets ont doncété conçus et formalisés dans le but dedonner une certaine indépendance auxstructures et personnes chargées de lagestion des projets, cela pour éviter

toute influence néfaste de la tutelle surl’exécution des projets. Ainsi est-ilprévu que les chefs de projets et lepersonnel soient recrutés à partir d’untest organisé sur la base d’un appel à laconcurrence.

Quel est donc le dispositif mis en placepour protéger les deniers publics del’aide des assauts de la corruption!?Comment assure-t-on que le circuit despartenariats donne aux destinatairesfinaux la substance des fonds mobilisésà cet effet!? Quel rôle le bailleur defonds peut-il tenir pour impulser unordre de transparence dans la gestiondes fonds provenant de la coopérationinternationale!? Ce sont les interroga-tions auxquelles tente de répondre cechapitre. Pour répondre à ces ques-tions, la lutte contre la corruption seraanalysée à trois niveaux essentiels!: lecadre institutionnel de la coopérationrégionale et internationale et la luttecontre la corruption, le rôle des parte-naires au développement dans la luttecontre la corruption et les programmesde coopération et la lutte contre la cor-ruption.

7.1. LE CADRE INSTITU-TIONNEL ET NORMATIF

7.1.1. LE CADRE SOUS RÉGIONAL

’Union Économique et MonétaireOuest Africaine (UEMOA), dans le

Traité portant sa création en janvier1994, avait énoncé une volonté demieux gérer l’aide au développement àtravers l’article 88 qui stipule!: "Un anaprès l’entrée en vigueur du présentTraité sont interdits de plein droit (…)Les aides publiques susceptibles defausser la concurrence en favorisantcertaines entreprises ou certaines pro-ductions". C’est, cependant, la directiveN°02/2000/CM/UEMOA portant adop-tion du Code de transparence dans lagestion des finances publiques au seinde l’UEMOA qui va véritablement éta-

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 123

blir des dispositions réglementaires enla matière et effectuer un pas qualitatifimportant dans la législation en la ma-tière.

Un des principes fondamentaux decette directive est l’obligation faite auxÉtats membres de l’UEMOA de conce-voir et d’affirmer, quel que soit le niveaude leur développement, des principesclairs au regard de l’orthodoxie finan-cière et de la gestion saine et transpa-rente des finances publiques.

Ce code de transparence qui dérive dela déclaration des Chefs d’États et degouvernement de l’UEMOA en date du8 décembre 1999 intitulée "Releverensemble, dans la solidarité, les défisdu troisième millénaire", vise à préciserles principes et les bonnes pratiquesdevant conduire à l’amélioration de latransparence dans la gestion des finan-ces publiques.

La transparence des finances publiquesest définie par le texte communautairecomme "l’information claire du publicsur la structure et les fonctions desadministrations publiques, les visées dela politique des finances publiques, lescomptes du secteur public et les pro-jections budgétaires."

Le texte de l’UEMOA laisse cependantla primeur aux lois intérieures. Ainsi, lecadre juridique de la transparence estdéfini comme le "dispositif constitution-nel, législatif et réglementaire qui régitla gestion des finances publiques danschacun des États membres de l’UnionÉconomique et Monétaire Ouest Afri-caine".

Le code de l’UEMOA prescrit uneconduite à chaque État dans le sens del’adaptation du cadre juridique de sesfinances publiques. Il met l’accent surles procédures de passation des mar-chés publics que les différents Étatsdoivent mettre en œuvre en s'appuyantsur des principes d’économie, d’effica-ce

cité et de clarté.

Les concepteurs de ce code ont biencompris que le domaine de la corrup-tion est aussi celui de la sensibilité etde la faiblesse humaines. Aussi, l’articleA-2-1-5 du Code de transparence del’UEMOA apparaît-il beaucoup pluscomme une requête profonde adresséeaux dirigeants des pays. Il aurait puconstituer la base de cette directivepuisqu’il énonce que l’efficacité de l’ad-ministration des finances est largementtributaire de la qualité des ressourceshumaines aux différents échelons deresponsabilités et d’exécution. Pourl’application adéquate des textes finan-ciers, les États doivent assurer uneformation initiale suffisante et un recy-clage permanent des personnels desservices financiers et fiscaux.!

Cette importante directive concerneégalement deux institutions autonomesde l’Union. Il s’agit de la Banque Cen-trale des États de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO) et de la Banque Ouest Afri-caine de Développement (BOAD).Cette dernière institution de coopéra-tion régionale concourt en toute indé-pendance à la réalisation des objectifsde l’UEMOA, notamment le soutien àmener pour une moralisation des finan-ces publiques. La BCEAO, quant à elle,a pour politique d’exercer une fermesurveillance sur les politiques monétai-res et financières des pays, tout enassurant la disponibilité et l’intégrité del’information financière. La BCEAOassure le contrôle interne au niveaudes banques commerciales del'UEMOA et a pour ambition de préser-ver la zone de pratiques commercialesillégales comme le blanchiment d’ar-gent sale. C’est dans cette perspectivequ’a été initiée une directive de luttecontre le blanchiment. Ce texte trans-mis pour adoption à la Commission del’UEMOA devrait permettre de protégerla zone monétaire d'opérations detransfert ou de trafics irréguliersd’avoirs monétaires.

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124 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

7.1.2. LE CADRE RÉGIONAL

a Charte africaine des droits del’homme et des peuples adoptée à

Nairobi en 1981 et entrée en vigueur le21 octobre 1986 n’a pas pris en comptevéritablement le phénomène de la cor-ruption. Néanmoins quelques articles,sans toutefois être très précis, relèventla nécessité de préserver une bonnemorale. L’article 17 de la charte énonceque "la promotion et la protection de lamorale et des valeurs traditionnellesreconnues par la communauté cons-tituent un devoir de l’État dans le cadrede la sauvegarde des droits de l’hom-me". Quant à l’article 29, il renchérit enrelevant que "l’individu a le devoir (…)de contribuer à la promotion de la santémorale de la société".

C’est la Charte africaine de la Fonctionpublique en Afrique, adoptée le 05 fé-vrier 2001 par la troisième conférencebiennale panafricaine des ministres dela fonction publique à Windhoek (Nami-bie), qui sera plus explicite, notammenten son article 25 "l’agent public doits’abstenir de toute activité contraire àl’éthique et à la morale, tels que lesdétournements de deniers publics, lefavoritisme, le népotisme, la discrimina-tion, le trafic d’influence ou l’indiscrétionadministrative".

Au niveau africain toujours, il faut rap-peler que la Déclaration du millénairedes Nations Unies, adoptée en sep-tembre 2000 a réaffirmé son soutien àla création de conditions de stabilité etde démocratie sur le continent. La dé-claration attire également l’attention surl’engagement de la communauté mon-diale à accroître le flux de ressourcesvers l’Afrique en augmentant notam-ment le flux de capitaux privés despays développés. Ce qui suppose, aupréalable, les conditions d’une gestionsaine de ces flux de ressources.

De même, le NEPAD (NouveauPartenariat pour le Développement del’Afrique), une initiative africaine, estune résolution propre à générer

d’importantes ressources. Il commandeque des règles de bonne gestion et delutte contre la corruption soient définies,et le document de référence évoque undispositif sans véritablement indiquerles moyens et les modalités de la lutte!:"afin de renforcer la gouvernance politi-que et de consolider la capacité à res-pecter ces engagements, les dirigeantsdu NEPAD engageront un processusd’initiatives ciblées de renforcementdes capacités. Ces réformes institu-tionnelles se concentreront sur!:

• Une réforme de la Fonction publiqueet de l’Administration,

• Le renforcement du contrôleparlementaire,

• Une lutte efficace contre lacorruption et les détournements defonds,

• La réforme du régime judiciaire".

L’initiative pour la bonne gouvernanceéconomique engage les dirigeants afri-cains à assumer un certain nombre deresponsabilités parmi lesquelles lapromotion et la protection des investis-sements en établissant des normesclaires de responsabilités et de transpa-rence.

Aussi, revient-il aux États d’adopter uncode de bonne conduite pour mettre enconfiance les investisseurs et pour as-surer l’atteinte des objectifs du pro-gramme. L’adhésion des investisseurssera fonction des gages qui leur serontdonnés sur la volonté des États afri-cains à renforcer leur gouvernance pardes mesures de stabilité durable né-cessaires aux investissements effi-cients et sécurisés.

À cet effet, les investisseurs ont décidé,lors du sommet du 17 avril 2002 àDakar, d’instituer une structure decoordination internationale afin demieux collaborer avec le Comité deMise en Œuvre du NEPAD.

Un projet de l’Union Africaine, Méca-nisme d’Évaluation entre les Pairs, aété adopté pour la mise en œuvred’une convention de l’Union Africaine

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 125

sur la prévention et la lutte contre lacorruption. Cette convention devrapermettre de promouvoir et renforcer lamise en place en Afrique des méca-nismes nécessaires pour détecter, ré-primer et éradiquer la corruption et lesinfractions assimilées dans les secteurspublic et privé.

Cette convention se donne pour ambi-tion de promouvoir, faciliter et régle-menter la coopération entre les étatsparties par une coordination et uneharmonisation des politiques et législa-tions entre les États parties aux fins deprévention, de détection, de répressionet d’éradication de la corruption sur lecontinent.

7.1.3. LE CADRE MONDIAL

L’Organisation des Nations Unies(Onu)

Cette organisation, qui a pour ambitionde contribuer à l’instauration d’un ordremondial fondé sur la justice, la paix etle développement, place désormais lacorruption au centre des débats afin deparvenir à une meilleure appréhensionde la problématique du développement.En effet, les efforts déployés par lesorganisations internationales et lesgouvernements pour lutter contre lapauvreté sont parfois mis à mal par lespratiques de fraude, de détournementsdes fonds vers les paradis fiscaux par-fois en complicité avec les grandessociétés internationales. La grandecorruption se joue ainsi des investisse-ments destinés au pays en développe-ment. À cela s’ajoute la faiblesse dusystème judiciaire dans bon nombre depays en développement. Aussi, pourcontrer cette grande corruption au ni-veau international, il convenait qu’unorganisme crédible par son envergureet ses moyens s’investisse pour placerdes balises pouvant contribuer à ré-duire le phénomène de la corruption.

Face à la montée de la corruption, per-ceptible notamment au niveau des ad-

ministrations publiques, l’AssembléeGénérale des Nations Unies a adoptéau cours de sa 51e session tenue le 12décembre 1996 la résolution N° 51/59instituant un code de conduite desagents de la fonction publique.

Encadré 7.1. Le NEPAD

Il faut rappeler que le NEPAD est la fusion de troisplans de développement de l’Afrique proposés pardes Chefs d’État!:• La "renaissance africaine" du président sud

africain Thabo Mbeki,• Le "millenium African Plan" du président

nigérian Olusegun Obasanjo,• Le "Plan OMEGA" du président sénégalais

Abdoulaye Wade.

Le document de référence du Secrétariat duNEPAD, adopté au sommet des Chefs d’États deLusaka les 06 et 07 juillet 2001 et publié à Abujaen octobre de la même année, a consacré leNEPAD comme un programme de l’UnionAfricaine.

Source!: Document des références du NEPAD(ABUJA, octobre 2001)

Cette résolution s’est justifiée par lespréoccupations soulevées au niveau del’Assemblée Générale sur l’ampleur dela corruption devenue "un phéno-mène!transnational" pouvant affectertoutes les sociétés et tous les pays "etsur les liens qui existent entre la cor-ruption et d’autres formes de crimina-lité, en particulier la criminalité organi-sée et la délinquance économique, ycompris le blanchiment de l’argent".

Ce code qui traite des principes géné-raux, de la fonction publique, desconflits d’intérêts, de la déclaration desbiens, de l’acceptation des dons, desactivités politiques et confidentielles, aété recommandé aux États de l’Orga-nisation comme guide dans la luttecontre la corruption.

L’ONU s’est ensuite engagée dans lalutte contre la corruption avec l’adoptionle 4 décembre 2000 de la résolution55/61 par son l’Assemblée Générale

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126 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

intitulée "instrument juridique interna-tional efficace contre la corruption". Le20 décembre de la même année, uneautre résolution a été adoptée, la55/188 intitulée "prévention et luttecontre la corruption et le transfert illégalde fonds et rapatriement desdits fondsdans les pays d’origine".

Ces deux résolutions sont destinées àpréparer une Convention des NationsUnies contre la corruption. À cet effetun comité spécial a été créé et chargéde négocier la future convention. Lapremière réunion de ce comité a eu lieudu 21 janvier au 1er février 2002 àVienne. Il a adopté le projet révisé deconvention.

L’organisation de Coopération et deDéveloppement Économique (OCDE)

La convention de l’OCDE sur la luttecontre la corruption d’agents publicsétrangers dans les transactions com-merciales internationales signées àParis le 17 décembre 1997 est entréeen vigueur le 15 février 1999.

Ce document précise tout d’abord enson article 1-4a le champ d’applicationde la convention qui fait obligation auxparties signataires de sanctionner toutepersonne détenant un mandat législatif,administratif ou judiciaire dans un paysétranger, toute personne exerçant unefonction publique pour une entrepriseou un organisme public et tout fonc-tionnaire ou agent d’une organisationinternationale publique.

Cette convention, comme on le voit,permet à un État de sanctionner desagents publics étrangers. Elle apparaîtcomme un bouclier, une réponse auphénomène du blanchiment d’argentsale qui s’est répandu depuis un certaintemps dans les sphères commercialesau niveau international.

Les pays signataires se sont renducompte que la collaboration inter-étatsdans le but de lutter contre certainespratiques de corruption au niveau inter-national était la seule voie à suivre pour

parvenir à un assainissement de prati-ques commerciales frauduleuses. Ainsi,l’article 9 de la convention retracel’engagement des parties à s’accordermutuellement une entraide judiciaireaux fins des enquêtes et procédurespénales relatives aux infractions rele-vant de la convention; mais la conven-tion va également dans le sens d’untraitement égalitaire de l’infractioncommise en stipulant en son article 7que les parties considéreront la corrup-tion d’un agent public comme infractionprincipale aux fins de l’application deleur législation relative au blanchimentde capitaux, au même titre que s’ils’agissait de la corruption de leursagents publics.

Les autres organismes

On peut citer l’Organisation Mondialedes Douanes (OMD) dont le but est lacoopération entre les différentes doua-nes des pays membres en vued’assurer la transparence et l’intégritédans toutes les transactions commer-ciales internationales. Il y a la Chambrede Commerce Internationale (CCI) quia pour ambition la facilitation des inves-tissements privés, et qui pourrait incluredans son plan d’actions l’acceptationpar les grandes firmes d’un code debonne conduite au niveau des affaires.L’Association Internationale des Procu-reurs et l’Association Internationale desBarreaux sont bien placées pour ap-puyer la réflexion menée sur les dispo-sitifs anti-corruption à mettre en placeau niveau international.

Actes de la société civile

Au niveau de la société civile, on peutnoter l’existence de plusieurs ONG etl'organisation de conférences internatio-nales.

Transparency International

L’ONG Transparency International quidispose de 80 sections nationales àtravers le monde joue, à travers sonSecrétariat International, un grand rôledans la définition et la mise en œuvre

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 127

de politiques et instruments destinés àlutter contre la corruption dans lemonde.

Cette ONG publie annuellement leclassement des pays en fonction d’unIndex de Perception de la Corruption(IPC) et de l’IPCE. L’IPC estprincipalement la vision qu’ont leshommes d’affaires sur l’évolution de lacorruption dans le pays. Quant à l'Indi-ce de Corruption des Pays Exporta-teurs (IPCE), il classe les principauxpays exportateurs en fonction du degréselon lequel ils sont perçus commeabritant des entreprises versant despots-de-vin de corruption.

Le classement IPC 2002 fait référenceà la perception du degré de corruptiontel que le ressentent les hommesd’affaires, les universitaires et les ana-lystes de risques et s’étend de 10 (hautniveau de probité) à 0 (haut niveau decorruption). En 2002, cent deux paysont été classés (cf. tableau 7.2). CetIPC n’a pas pris en compte le BurkinaFaso. Les pays d’Europe du Nord sontgénéralement classés parmi les moinscorrompus (par exemple la Finlande etle Danemark). Bien que le Botswana aitété classé avant la France, les paysd’Afrique subsaharienne sont généra-lement classés parmi les pays les pluscorrompus. Le Nigéria est ainsi avantdernier.

En 2001, le Burkina Faso avait étéclassé 65e avec un index de 3/10. Cequi montre un niveau de corruptionassez élevé pour ladite année. On peutaisément conclure à une stagnationvoire une évolution négative de cetindice déjà bas, eu égard à la faiblerépercussion des actions du dispositifinterne de lutte contre la corruption.

Il faut souligner que TransparencyInternational organise des rencontresinternationales qui se positionnentcomme des tremplins indispensablesdans la lutte contre la corruption.

Tableau 7.2. Classement de quelques pays pardegré de transparence décroissant

Classement Pays IPC1 Finlande 9,92 Danemark 9,524 Botswana 6,325 France 6,466 Sénégal 2,9

101 Nigéria 1,6102 Bangladesh 1,2

Source!: Transparency International 2002

La Conférence internationale deLima

Tenue en septembre 1997 elle aengendré la Déclaration de Lima contrela corruption. Cette conférence qui aréuni plus de mille représentants d’or-ganisations internationales, de repré-sentations professionnelles, de jour-nalistes a mis en exergue le rôle parti-culier et important de la société civile,capable de mobiliser efficacement lesgens autour de réformes significativesdans le but de combattre la corruption.Cette déclaration appelle les institutionsinternationales à appuyer les organisa-tions de la société civile dans la promo-tion de la bonne gouvernance. Elle enappelle aussi à une réglementation desopérations effectuées par toutes lesplaces bancaires internationales pourgarantir que les avoirs contrôlés parelles soient gérés selon des normesinternationales agréées et que les biensacquis de manière illicite puissent êtrerepérés, gelés et saisis.

La Conférence internationale anti-corruption de Durban

Elle s’est tenue du 10 au 15 octobre1999 et a généré l’Engagement deDurban. Cet engagement énonce lavolonté des 135 pays participants àconsidérer la lutte contre la corruptioncomme un devoir et à combattre toutecorrup

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128 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

forme de corruption en considérant que"la main qui donne!est au moins aussicoupable que la main qui reçoit".

À cette occasion, il a été décidé derenforcer les dispositions d’entraidejudiciaire et d’encourager la pénalisa-tion effective de toutes les formes decorruption. Depuis, les conférencesanti-corruption de Prague (2001) puisde Séoul (2003) ont également eu lieu.

La convention inter américaine delutte contre la corruption

C'est une convention de l’Organisationdes États américains souvent citée enexemple pour l’effectivité d’applicationde certaines décisions au niveau ducontinent américain dans le domaine dela lutte contre la corruption.

Les bailleurs de fonds et la luttecontre la corruption

Au plan international, la coopérationque le Burkina entretient avec lespartenaires multilatéraux et bilatérauxconstitue un cadre de mobilisation deressources financières indispensablesà la mise en œuvre de la stratégiegouvernementale de lutte contre lapauvreté. Aussi, les dispositifs mis enplace par quelques partenaires duBurkina Faso sont passés en revue.

La Banque Mondiale

La Banque Mondiale, premier parte-naire du Burkina Faso en termes devolume d’investissements (1!170 mil-lions de dollars US depuis 1973) est,depuis près d’une décennie, préoccu-pée par la corruption en général dansles pays en développement. À tel pointqu’en 1996, lors de l’assemblée duComité des gouverneurs, le Présidentde la Banque Mondiale, Monsieur Ja-mes Wolfenson déclarait!: "N o u sdevons aborder les questions detransparence, de bonne gestion commedes capacités institutionnelles (…),nous devons nous occuper du cancerde la corruption. Laissez-moi insisterque la Banque Mondiale ne tolèrera

plus la corruption dans tous lesprogrammes qu’elle finance". À l'issuede cette interpellation, des mesures ontété effectivement prises pour luttercontre la corruption et protéger lesressources de la Banque Mondiale.

Dans les "Directives pour la passationdes marchés financés par la BanqueMondiale", mises à jour en janvier 1999et avril 2002, document de référencepour les procédures à utiliser par lesemprunteurs de cette institution, desdispositions nouvelles ont été introdui-tes (article 1.15) qui font obligation auxemprunteurs auprès de la BanqueMondiale, aux soumissionnaires, entre-preneurs et fournisseurs des marchésfinancés par cette institution d’observer,lors de la passation et de l’exécution deces marchés, les règles d’éthique pro-fessionnelle les plus strictes. Dans cedocument, la Banque Mondiale consi-dère comme coupable de corruptionquiconque offre, sollicite ou accepte unquelconque avantage en vue d’influen-cer l’action d’un agent public au coursde l’attribution ou de l’exécution d’unmarché ou alors quiconque se livre àdes manœuvres frauduleuses (ententeou manœuvre collusoire des soumis-sionnaires) visant à maintenir artifi-ciellement les prix des offres à desniveaux ne correspondant pas à ceuxqui résulteraient de la concurrence libreet ouverte.

Une unité d’investigation a été créée ausein de la Banque Mondiale chargéed’analyser les plaintes et dénonciationsd’allégations de fraude et de corruptionet surtout d’y donner suite. La particula-rité de cette unité est qu’elle peut agircontre le personnel même de la Ban-que, convaincu de fraude; la sanctionpouvant aller jusqu’à la rupture decontrat. Cette disposition fait suite à unamendement à l’article 8.01 du règle-ment intérieur de l’institution concernantla tolérance zéro à la fraude intervenueen 1997 et qui prévoit la radiation detout agent de l’institution impliqué dansla mauvaise gestion des fonds de labanque ou usant d’abus dans sa posi-tion à la banque pour obtenir des gains

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 129

financiers.

Cette unité dispose d’un téléphonerouge par lequel le personnel de laBanque Mondiale et le grand publicpeuvent rapporter sous le couvert del’anonymat toute allégation de fraudeou de corruption. Il faut noter qu’auBurkina Faso ce téléphone rouge n’estpas connu du grand public. En PCV,c’est le numéro 704 556 7076.

Ces dispositions, qui s’attaquent à lacorruption interne à une institution,stigmatisent cette idée que l’on a sou-vent de croire que le phénomène de lacorruption est exclusif au réceptacledes ressources, donc aux pays quireçoivent l’aide en provenance despays riches.

Le souhait est que de telles dispositionspuissent figurer dans les procédures detous les partenaires au développement.

L’Union Européenne

Les conclusions de l’Accord de parte-nariat "Afrique, Caraïbes, Pacifique,Union Européenne", signé au sommetde Cotonou le 23 juin 2000, engagentnon seulement l’Union Européenneconsidérée comme entité unique, maiségalement les pays signataires prisindividuellement et parmi lesquelles onretrouve d’importants partenaires duBurkina Faso!: le Danemark, la France,les Pays-Bas et l’Allemagne.

L’accord de Cotonou apparaît commeun nouveau défi des différentes partiespour mener une stratégie de coopéra-tion qui associe aide au développementet conception d’un cadre propice audéveloppement commercial et aux in-vestissements. Pour ce faire, le Com-missaire européen au développementet à l’aide humanitaire, Monsieur PoulNielson, a affirmé au cours de cesommet le code de conduite à tenirpour réaliser le défi de Cotonou 2000.Ainsi a-t-il insisté sur la nécessairevolonté d’œuvrer dans un environ-nement qui se caractérise par sastabilité politique et par son respect des

droits de l’homme, des principes de ladémocratie, de l’État de droit et de labonne gestion des affaires publiques.

L’accord de Cotonou, dans son préam-bule, reconnaît qu’un environnementgarantissant la bonne gestion des affai-res publiques fait partie intégrante dudéveloppement à long terme. Lesconcepteurs de l’Accord de Cotonouont voulu, à partir de cette assertion,donner une place de choix à la luttecontre la corruption. Ainsi l’alinéa 3 del’article 9 du Titre II de l’Accord situeplus clairement les objectifs poursuivispar l’Union Européenne et le Burkinanotamment sur le cadre institutionnelenvisagé pour lutter contre la cor-ruption. Cet alinéa dit en substance quela gestion transparente et responsableimplique la mise en œuvre de mesuresvisant en particulier la prévention et lalutte contre la corruption. Le deuxièmeparagraphe de cet alinéa stipule en-suite que!: "la bonne gestion desaffaires publiques, sur laquelle se fondele partenariat ACP-UE, inspire lespolitiques internes et internationalesdes parties et constitue un élémentfondamental du présent accord. Lesparties conviennent que seuls les casgraves de corruption, active et passive,tels que définies à l’article 97 consti-tuent une violation de cet élément".

L’article 97 intitulé "Procédure deconsultation et mesures appropriéesconcernant la corruption" a été conçudans un esprit plus conciliateur querépressif. En effet, il met en place unprocessus "d’arrangement" pour résou-dre les cas graves de corruption. Ainsil’alinéa 1 de cet article énonce que "lesparties considèrent que, dans les casoù la Communauté est un partenaireimportant en termes d’appui financieraux politiques et programmes écono-miques et sectoriels, les cas graves decorruption font l’objet de consultationsentre les parties".

À la suite, l’article énonce les modalitésde réaction face aux cas avérés decorruption. Il faut cependant noter qu’àce niveau, le texte ne spécifie pas les

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130 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

mesures à prendre, laissant sans douteà chaque pays le soin d’appliquer salégislation en la matière. Il est en effetdit que "si les consultations ne condui-sent pas à une solution acceptable parles parties ou en cas de refus deconsultation, les parties prennent lesmesures appropriées. Dans tous lescas, il appartient en premier lieu, à lapartie auprès de laquelle ont été cons-tatés les cas graves de corruption deprendre immédiatement les mesuresnécessaires pour remédier à la situa-tion. Les mesures prises par l’une oul’autre partie doivent être proportion-nelles à la gravité de la situation".

La Suisse

Il est intéressant de s’arrêter sur le casde ce pays qui intervient dans le finan-cement du développement au BurkinaFaso à travers un bureau de coopéra-tion. En effet, ce pays, de par sa posi-tion de neutralité, a longtemps accueillides fonds publics détournés notam-ment par des chefs d’État de pays pau-vres (par exemple Mobutu SésséSEKO, Jean Claude Duvalier, etc.).

Aujourd’hui, il existe en Suisse unelégislation de lutte contre le blanchi-ment codifiée dans la loi fédérale du 10octobre 1997. Cette loi fait obligationaux intermédiaires financiers de dénon-cer les transactions financières douteu-ses. Ces intermédiaires financiers sontles banques, les inst i tut ionsd’assurance ou toute personne quigarde en dépôt ou aide à placer outransférer des valeurs patrimonialesappartenant à des tiers.

Il faut aussi dire que la Suisse disposed’une loi d’entraide judiciaire qui permetde récupérer les deniers publics dépo-sés dans ce pays. Cette loi aura permispar exemple la restitution aux Philippi-nes des fonds détournés par Marcos.

Le Programme des Nations Uniespour le Développement (PNUD)

Le cadre de coopération pays (2001-2005) s’inscrit dans la dynamique de

réduction de la pauvreté. Ce deuxièmecadre de coopération concentrera sesinterventions sur des thèmes réunisautour de trois axes!: la gouvernancedémocratique, la gouvernance écono-mique et enfin l’environnement et ledéveloppement local.

L’appui du PNUD vise donc l’amélio-ration de la gouvernance en généralafin de créer un environnement propiceà la lutte contre la pauvreté. Le choixdu thème de ce Rapport sur le déve-loppement humain durable constitue unappui à la lutte contre la corruption. Leniveau d’intervention de ce bailleurétant institutionnel, les questions degouvernance sont donc essentielles.Elles sous-tendent une volonté certainede mener une action contre les systè-mes propres à installer et entretenir lacorruption.

Le PNUD a apporté un appui pour laréalisation d’une étude d’état des lieuxsur la corruption parue en décembre2001 et a indiqué sa disponibilité dansla poursuite du processus de mise enplace de la Haute Autorité de Coordi-nation de Lutte contre la Corruption etson opérationnalisation. Il a notammentapporté son appui à l’Organisation duComité interministériel chargé de l’éla-boration des termes de références de lamission de Coordination de la HauteAutorité de Coordination de la Luttecontre la Corruption.

La Banque Africaine de Développe-ment (BAD)

La BAD contribue à la lutte contre lacorruption à travers deux programmes.Le premier programme financé depuis1991 et achevé en 1998 était intitulé"appui institutionnel à quatre ministè-res". Un deuxième programme intitulé"Programme d’appui à la bonne gouver-nance" a été signé le 15 février 2002 etvise à contribuer à l’amélioration del’efficacité des prestations de servicespublics et à renforcer l’utilisation ration-nelle et équitable des ressources publi-ques en vue de la réduction de la pau-vreté.

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La Banque Ouest Africaine deDéveloppement (BOAD)

C’est l’institution commune de finan-cement des États de l’UEMOA. Elleintervient surtout dans l’économie engénéral (industrie, développement rural,infrastructures de base, télécommu-nications, etc.) sans disposition parti-culière de lutte contre la corruption.

Cependant, on peut considérer que lecode de transparence de l’UEMOAs’applique à tous ses programmes.

Le Royaume des Pays-Bas

Le Royaume des Pays-Bas intervientau Burkina essentiellement dans ledomaine du développement rural, del’éducation de base et de la santé. Lalisibilité de son concours à la luttecontre la corruption apparaît dans lesconventions signées avec le Burkina.

C’est ainsi que dans la convention N°BF 01 4401 pour le financement duProgramme Décennal de l’Ensei-gnement de Base (PDDEB), l’article 15

Encadré 7.2. Le Mécanisme Africain d’Évaluation entre Pairs (MAEP)

Le Mécanisme Africain d’Évaluation entre Pairs (MAEP) constitue un processus par lequel les Étatsmembres de l’Union Africaine (UA) y ayant volontairement adhéré s’engagent à renforcer la bonnegouvernance à travers l’adoption de politiques, normes et pratiques. Les objectifs visés sont unecroissance économique élevée, un développement durable et une intégration sous-régionale etcontinentale accélérée (cf. article 3). Les États membres s’engagent à se soumettre à des évaluationpériodiques, dans le domaine de la bonne gouvernance politique, économique et des entreprises.

Le MAEP s’appuie sur quatre composantes organisationnelles!:• Le Comité des Chefs d’État et de Gouvernement Participants qui constitue la plus haute instance de

prise de décision du MAEP;• Le Panel des Éminentes personnalités qui doit superviser le processus d’évaluation, examiner les

rapports d’évaluation et faire des recommandations;• Le Secrétariat du MAEP, pour l’appui technique et administratif au MAEP;• L’Équipe d’Évaluation des pays, pour la visite des pays et la préparation des rapports d’évaluation.

Le MAEP constitue un processus qui comporte cinq étapes principales!:• Après son adhésion au MAEP, un pays doit prendre les mesures nécessaires pour se préparer au

processus, notamment pour établir son programme d’action. De son côté, le Secrétariat du MAEPcollecte et analyse l’information disponible sur le pays en vue de préparer un document de base ainsique des fiches techniques;

• La deuxième étape constitue la visite du pays par l’équipe d’Évaluation du MAEP. Les responsablesdu pays ne jouent que le rôle de facilitateur afin que l’équipe d’évaluation puisse entamer de largesconsultations avec les représentants des partis politiques, les opérateurs économiques et lesreprésentants de la société civile;

• La troisième étape consiste en la préparation du rapport par l’équipe. Les recommandations del’équipe doivent essentiellement porter sur l’amélioration possible du programme d’action du pays,en vue d’accélérer la réalisation des meilleures pratiques. Le projet de rapport de l’Équipe estdiscuté avec les autorités du pays, en vue de contrôler l’exactitude de l’information;

• Le Secrétariat soumet le rapport de l’Équipe au Panel des Personnalités Éminentes. Cette quatrièmeétape prend fin lorsque les décisions sont transmises au chef de l’État ou du Gouvernement du paysqui fait l’objet d’une évaluation;

• Dans la cinquième et dernière étape, les rapports du MAEP sont publiés. Ils sont égalementprésentés officiellement et publiquement dans les structures régionales et sous-régionales.

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précise!: "les parties s’abstiendront deproposer à des tiers, de solliciter oud’accepter de tiers, soit pour elles-mêmes, soit pour toute autre partie,tout don, toute rémunération, toutdédommagement ou tout autre avantage de quelque nature que ce soit quipuisse être interprété comme une prati-que illicite ou de corruption ou d’enaccepter la promesse de la part detiers. Une telle pratique peut entraînerla résiliation de tout ou partie du pré-sent contrat"

Le Royaume du Danemark

C’est sans aucun doute la coopérationla plus impliquée à l’heure actuelledans la lutte contre la corruption. Eneffet, le Danemark et le Burkina Fasoont signé le 7 novembre 2002 uneconvention pour le financement duprojet N° 104 BKF 43.32, "appui à lamise en place et au démarrage desactivités de la Haute Autorité de Coor-dination de la Lutte Contre la Corrup-tion". Ce projet porte sur un budget detrente quatre millions de francs CFApour appuyer l’institution chargée de lalutte contre la corruption, notammentsur le plan matériel.

De plus le Royaume du Danemark, lorsde consultations avec le partenaireburkinabé, ne se prive guère de mani-fester sa ferme volonté d’apporter lesconcours nécessaires à la stratégie delutte contre la corruption tout en dénon-çant au passage certains crimes restésimpunis.

7.2. LE RÔLE DES PARTE-NAIRES AU DÉVELOPPEMENT

l importe que les pays bénéficiairesde l’aide extérieure prennent desdispositions adéquates pour que ces

ressources soient utilisées avec lemaximum d’efficacité et d’efficience.Toutefois, les partenaires au dévelop-pement qui apportent leur assistance à

la bonne gouvernance du pays pour-raient s’impliquer par des actions op-portunes ayant pour ambition de rédui-re les risques de mauvaise gestionnotamment les pratiques de corruption.

Le rôle de ces partenaires peut êtreétudié du point de vue du comporte-ment des gouvernants, des actes descontrepouvoirs de contrôle, de la miseen œuvre des politiques de lutte contrela corruption, des modes et des niveauxd’intervention, de la grande et petitecorruption.

7.2.1. LE COMPORTEMENT DESGOUVERNANTS

’exécutif, du fait de sa positionprivilégiée dans la gestion quoti-

dienne de la vie économique, sociale etculturelle de la nation dispose d’im-portants moyens matériels et financierspouvant entraîner des utilisationsabusives.

L’homme politique a, en effet, besoind’argent pour faire de la politique, soitpour assurer une réélection, soit pourassurer l’après-défaite. L’ampleur desbesoins l’amène le plus souvent à utili-ser les deniers publics à des fins per-sonnelles. Pour cela, l’homme politiqueaux commandes des affaires de l’Étatdispose de pouvoirs pratiquement im-parables!: le pouvoir de nomination etde révocation qui contraint les collabo-rateurs à répondre à ses exigencespécuniaires. Il y a aussi la fameusevalise diplomatique qui peut constituerun puissant moyen de transfert de ri-chesses (liquidités et valeurs) et deblanchiment d’argent, notamment ef-fectué avec les firmes nationales etinternationales.

Le décideur politique subit aussi desinfluences externes, notamment dans ledomaine des marchés publics. Lesgrandes firmes dans leur stratégie demarketing réservent une place de choixà l’approche directe des décideurs. Pardes pratiques corruptrices, elles con-

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 133

tournent les procédures usuellesd’attribution des marchés en répercu-tant les charges supplémentaires liéesà la corruption sur le coût des mar-chés. Le décideur politique ainsi cor-rompu utilisera à son tour son arsenalfavori cité plus haut, le pouvoir de no-mination et de révocation, pour influen-cer le président de la commissiond’attribution ou tout autre personneindiquée.

Ces comportements liés à la grandecorruption interpellent!:

• Les organisations de la société civileà mener la sensibilisation et l’incita-tion à la création de mécanismesinternationaux de contrôle de la cor-ruption;

• La presse dans un rôle de suiviméthodique, régulier et impartial desactions gouvernementales à rendrecompte des actions illégales et descomportements immoraux des gou-vernants;

• Les bailleurs de fonds à soutenir lesactions de cette presse indépen-dante, engagée dans les actions demoralisation de la vie publique maisaussi dans la réflexion à mener pourla revue des procédures de passa-tion de marchés publics.

Sur ce comportement des gouvernants,il faut remarquer qu’un rapport desNations Unies sur la prévention de lacriminalité estime que le prix de la cor-ruption pour le continent s’élève à 30milliards de dollars soit l’équivalent de15!000 milliards de F CFA. Ce qui nousamène à constater et conclure quecertains pays africains sont littérale-ment mis à sac par leurs dirigeantsavec la complicité du réseau internatio-nal de blanchiment d’argent. Quant onsait que ce sont les populations quisouffrent de ces détournements defonds à grande échelle, il revient auxpartenaires au développement engagésdans la lutte pour le développement demettre la pression nécessaire pour lamise en œuvre des mesures prises au

niveau international pour lutter contrecette grande corruption. Cette pressiondoit cerner les pays de transit et le dé-pôt d’argent ou de valeurs communé-ment considérés comme des paradisfiscaux ("Andorre, Monaco, le Liech-tenstein, le Luxembourg, la Suisse, lesîles Caïmans", etc.).

Malheureusement, cette lutte s’avèredifficile en raison de la mainmise desgouvernants sur la quasi-totalité desinstruments du pouvoir, de l’exécutif aulégislatif en passant par le judiciaire.Pour preuve, ce n’est que lorsqu’un"président-pilleur" de deniers publicsest destitué que des actions sont enga-gées pour connaître le forfait et en ré-clamer la restitution. C’est à ce momentseulement que des chiffres sont avan-cés et cet état de fait montre la limitebien particulière pour la dénonciationde certains abus.

7.2.2. LES CONTREPOUVOIRS DECONTRÔLE

a crédibil ité des institutionsappelées à contrôler l’exécutif

(Parlement, Cour des comptes) estsouvent mise à mal eu égard à la main-mise de l’exécutif sur ces institutions.Les investigations qu’elles effectuent,aboutissent à des résultats qui ne sontcommuniqués qu’au décideur politiqueet quelquefois, la machine d’investi-gation reste bloquée pour raison d’État.Toujours est-il que selon l’opinion publi-que, l’action de ces organes esttoujours considérée comme influencéepar l’exécutif.

Les partenaires au développement,notamment les organisations de la so-ciété civile (OSC) qui participent à lalutte contre la corruption peuvent ap-porter un appui au renforcement descapacités de ces institutions permettantde garantir leur indépendance fonction-nelle vis-à-vis de l’exécutif. Cependantleur objectif principal devrait être la pro-motion de la mise en concordance desactions de ces organes avec la straté-

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134 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

gie de bonne gouvernance prônée dansle CSLP.

7.2.3. LA MISE EN ŒUVRE DES PO-LITIQUES DE LUTTE CONTRE LACORRUPTION

a volonté de mener des politiquesrigoureuses de lutte contre la cor-

ruption est réellement établie au plushaut niveau. Cette volonté s’est encoremanifestée dès la mise en place dugouvernement en juin 2002. En effet, lePremier Ministre a, lors de la confé-rence de presse du 11 juin 2002,consacrée à la formation du gouverne-ment précisé!: "nous allons travailler àmettre en place un dispositif de lutteanti-corruption très lisible, pour réprimerceux qui commencent à faire de la cor-ruption une activité professionnelle.Nous en avons besoin afin d’éviter quele phénomène ne devienne un poidstrès lourd à supporter dans la conduitede notre politique économique et so-ciale".

Cependant, la mise en application decet engagement dépasse le simplecadre de la phraséologie. Il y a lesmoyens à mettre en œuvre pour confir-mer la réelle disponibilité gouverne-mentale de porter un coup de frein auphénomène de la corruption.

Les bailleurs de fonds, en tant quepartenaires privilégiés et influents dugouvernement, peuvent contribuer effi-cacement à la réalisation de cette vo-lonté du gouvernement en orientantcertains financements vers la formula-tion et l’exécution de stratégie de luttecontre la corruption.

7.2.4. LES MODES ET NIVEAUD’INTERVENTION

Intervention actuelle

Au cours de la décennie passée, leBurkina a enregistré des performances

macro-économiques importantes. De-puis 1991, le pays a mis en œuvre plu-sieurs réformes économiques dans lecadre d’une série de programmesd’ajustements structurels et de stabili-sation avec le soutien des partenairesau développement, notamment les ins-titutions de Bretton Woods. En con-séquence, le PIB réel qui était enbaisse dans la première moitié desannées 1990 a augmenté à partir de1994. Le taux de croissance du PIB aainsi atteint 5,1 % en moyenne annuel-le entre 1997 et 2001.

Les aspirations du Burkina et des par-tenaires au développement qui l’accom-pagnent consistent à réaliser de bon-nes performances et relever les défisde la bonne gouvernance pour attein-dre des taux de croissance durables,réduire la pauvreté et les écartsfinanciers.

Le processus de formulation du premierCSLP en février 2000 a été conduitselon une méthodologie participativequi a impliqué tous les partenaires audéveloppement du Burkina àl’élaboration même du document deréférence. Ensuite, au moment de lalecture du bilan de la première annéed’exécution du CSLP, les partenairesont été également sollicités pour don-ner leurs points de vue sur les forces etfaiblesses de la mise en œuvre de lastratégie.

Cette tradition d’associer les partenai-res à la conception de la stratégie na-tionale permet à ces bailleurs de fondsde jouer le double rôle d’appui à laconception de la politique et de suivi-contrôle des résultats de mise en œu-vre.

Appui à la conception des stratégies

Ce rôle consultatif porte sur les moda-lités de gestion administrative à mettreen place pour prévenir la mal gouver-nance et la corruption. Il faut dire quecette fonction tacite, en raison du poidsimportant de la communauté des bail-leurs de fonds, prend une tournure plus

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 135

suggestive

Encadré 7.3. Le CFAA et le PRGB

L’évaluation de la Responsabilité Financière du Pays!: CFAA

Le gouvernement, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, l’Union européenne, leProgramme des Nations Unies pour le Développement, l’Ambassade du Danemark, l’Ambassade desPays-Bas, la Coopération canadienne pour le développement, l’Agence Française pour leDéveloppement et la Coopération suisse au développement ont participé à l’élaboration du CFAA,finalisé en janvier 2001. La particularité de ce document est qu’il est celui des bailleurs de fonds.L’objectif général de l’étude était d’évaluer la qualité des mécanismes qui assurent la transparence de lagestion financière au Burkina. L’étude de la responsabilité financière du pays s’est surtout focalisée surle secteur public et para public. Elle a identifié les atouts et faiblesses, ainsi que les risques du cadre deresponsabilité financière et proposé des recommandations en vue d’améliorer le système en place.

L’étude s'appuie sur la révision de la gestion budgétaire faite par le gouvernement à travers le Plan derenforcement de la gestion budgétaire (PRGB). Ainsi le CFAA a abordé de façon plus globale laquestion de la transparence budgétaire et réalisé une analyse de risque fiduciaire détaillée en tenantcompte des choix stratégiques pour l’appui du pays.

L’étude a reconnu une avancée réalisée par les autorités burkinabè ces dernières années en matière degestion de dépenses publiques et de risques fiduciaires. Par ailleurs, un progrès notable a été enregistrédans l’informatisation de la gestion des finances publiques, notamment les dépenses, à traversl’adoption de différents systèmes tels que!: le circuit intégré de la dépense (CID), le système intégré degestion administrative et salariale du personnel de l’État (SIGASPE), le système de gestion et d’analysede la dette publique (SYGADE) et le réseau inter-administratif (RESINA).

Malgré ces avancées, l’étude a noté que des progrès restent à faire dans un certain nombre de domaines.Le système de contrôle des postes a posteriori pour s’assurer que les services ont été effectivementrendus aux bénéficiaires reste faible. Le mandat de l’Inspection Générale d’État (IGE) et celui del’Inspection Générale des Finances (IGF) doit être renforcé et un accent doit être mis sur la conceptionde mécanismes pour la réalisation d’un audit régulier des finances publiques. Il faut également noter quele contrôle parlementaire n’est pas efficace en raison de la livraison tardive (après la clôture de l’annéefiscale) des rapports d’exécution budgétaire à l’Assemblée Nationale.

L’étude a relevé une certaine dérive dans l’application des procédures. Ainsi, les dérogations auxprocédures budgétaires sont légion puisque 13 % seulement des dépenses publiques sont traitéesconformément aux procédures normales.

Le Plan de Renforcement de la Gestion Budgétaire (PRGB)

C’est en septembre 2001 qu’il a été finalisé puis adopté par le Conseil des ministres comme documentde base pour le renforcement du processus budgétaire au Burkina. Le PRGB permet d’avoir une visionsaine et globale du cadre institutionnel pour la gestion budgétaire. Il décrit le système de gestionfinancière en place, identifie les difficultés et énonce les actions prioritaires.

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136 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

suggestive que consultative. À tel pointqu’au sein de la population une grandepartie, même des intellectuels, resteconvaincue que les stratégies écono-miques mises en place au Burkina sontdictées par les bailleurs de fonds, prin-cipalement les institutions de BrettonWoods (Banque Mondiale et FondsMonétaire International). N’entend-t-onpas dire ça et là, notamment dans lapresse et l’opinion publique, que leBurkina est un bon élève de ces institu-tions!?

Ce rôle consultatif est donc trèsimportant dans la politique de bonnegouvernance parce qu’il intervient àune phase initiale dans laquelle lespartenaires peuvent suggérer la miseen place de systèmes propres à décou-rager la corruption, les détournementsde biens, etc.

Suivi et contrôle des résultats

C’est un rôle de suivi des résultats at-tendus de la mise en œuvre du CadreStratégique de Lutte contre la Pauvreté.Pour exemple, la première phase duCSLP a établi un système de réductionde la pauvreté à moyen terme qui a misen place un programme de réformestriennal visant à permettre la mesure derepères de progrès spécifiques et indi-cateurs de résultats définis et acceptéspar le gouvernement et l’ensemble desbailleurs de fonds.

Dans ce rôle de "conseiller" des actionsgouvernementales, les bailleurs defonds se doivent d’appuyer le gouver-nement par le biais de financementd’études, de séminaires ou même desoutien par l’assistance technique ap-propriée.

Pour exemple, quelques études, liéesau souci de la gouvernance convena-ble, ont été financées avec l’appui despartenaires!: six études d’Examen desDépenses Publiques ont été réaliséesdepuis 1999. En 2000, un Rapport na-tional d’évaluation des marchés publicsa été finalisé. Ce rapport a permisl’élaboration et la signature par l’auto-

rité d’un nouveau décret sur laréglementation des marchés publics(décret N° 2002-110 PRES/PM/MEFdu20 mars 2002). Le Rapport sur l’ap-plication des normes et des Codes, lePlan de Renforcement de la GestionBudgétaire (PRGB) et l’Évaluation de laResponsabilité Financière du pays(Country Financial Accountability As-sesment- CFAA) ont été finalisés en2001. À cette même période, l’Étudesur la compétitivité et la croissance afait l’objet de discussions à Ouagadou-gou avec la société civile et les bail-leurs de fonds etc.

Rôle de la société civile

Une affaire a défrayé la chronique du-rant l’année 2002. c’est l’affaire Cath-well, ONG caritative présente dans 43provinces du Burkina. Cette ONG amé-ricaine intervient dans un domaine as-sez sensible pour notre pays, structu-rellement déficitaire en céréales. Elleassure pour les cantines scolaires leservice de 320!929 élèves par jourdans 1741 écoles. Des commerçantsde la place ont en effet profité d’unecertaine faiblesse des textes pour seprocurer à crédit du riz de cette ONG.Ils ont contracté ces dettes au nom deleur société et ne veulent pas payer. Leplus gros débiteur doit 419 millions de FCFA.

Cette situation appelle sans doute lanécessité d’une moralisation de la viedes affaires, mais aussi une revue de lastratégie d’intervention des donateursd’aide directe.

Les donateurs doivent avant de procé-der à ce genre de dons s’assurer detoutes les dispositions prises dans lepays surtout en matière de législationcontre les différentes formes de corrup-tion et de détournement. Un certainrenforcement du suivi physique del’aide directe pourrait s’opérer notam-ment par un appui aux structures admi-nistratives chargées de ce suivi.

Le rôle des ONG peut être déterminantdans la lutte contre la corruption parce

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 137

que

Encadré 7.4. Engrais chimiques en provenance du Japon

Le journal l’Évènement du 10 août 2002 titrait!: "Engrais chimiques du Japon!: PLUS DE 2MILLIARDS DÉTOURNÉS" (environ 3 000 000 de dollars US).

En effet, l’article nous apprend que dans le cadre des négociations de Kennedy Round cibléessur la coopération en vue de soulager la pauvreté dans le monde, le Japon ayant opté pour unecoopération dans le domaine de la fourniture d’engrais et de pesticides pour l’amélioration dela production a signé avec le Burkina un protocole d’accord pour la fourniture de 3000 tonnesd’engrais par an. Cet engrais, exonéré de diverses taxes, est rendu plus compétitif par rapportà ses concurrents sur le marché. L’article continue ainsi!: "c’est la Direction des Intrants et dela Mécanisation Agricole (DIMA, aujourd’hui Direction Générale de la Production Agricole)qui se charge de la vente. Cet engrais est stocké dans deux entrepôts à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Dans le souci d’atteindre les objectifs assignés à l’opération, la DIMA a décidé deprivilégier les groupements villageois qui travaillent à la production de riz et en dehors deszones cotonnières…. Des facilités étaient accordées à ces groupements!: 50% cash à lacommande, les 50% restants en fin de campagne. Mais la meilleure stratégie, c’est celle quis’accompagne d’un dispositif de suivi. Or ici il n' y en avait pas, dès que le producteurfranchissait la porte du magasin, le commerçant était là pour embarquer l’engrais qu’ildéchargeait dans ses propres magasins. On comprend dès lors pourquoi à ce jour, certainsdébiteurs sont incapables de rembourser le moindre kopeck".

L’article, signé de Germain Bitiou Nama, poursuit en disant que les responsabilités sont plusétendues parce que d’autres catégories de clients se sont approvisionnées directement à laDIMA (commerçants, sociétés commerciales, institutions étatiques).

Il poursuit en disant!: "l’engrais japonais était devenu source d’affairisme. Nous avonsévoqué dans l’indépendant n°14 le cas de K. D. de Sindou propulsé du jour au lendemaincommerçant d’engrais. Depuis 1997 qu’il exploite le filon, il n’a pas remboursé un seulcentime malgré une ardoise salée de 41 650 000 F CFA. Interpellé par la police courant juillet2002, il fut rapidement relâché après l’intervention d’amis puissants qui n’auraient pourtantversé que 150 000 F CFA".

L’ensemble des dettes cumulées sur l’engrais a atteint 2 milliards 500 millions sans compter25 millions de créances de débiteurs décédés. Bien entendu le Japon a réagi en mettant lesautorités en demeure de respecter le protocole d’accord notamment concernant le fonds decontrepartie.

L’article conclut en disant!: "si parmi les débiteurs de l’ex-DIMA, bon nombre peuventpayer, c’est le cas notamment des quelques hommes politiques (députés, maires, épouses dedignitaires) mais aussi de certaines sociétés cossues ou de commerçants nantis, il s’en trouve,par contre, qui, malgré leur bonne volonté sont incapables de le faire. C’est en quelque sortela triste conclusion de ce feuilleton où, une fois de plus, des biens publics sont détournés pardes individus peu scrupuleux, avec malheureusement pourrait-on dire, la complicité d’agentsde l’État".

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138 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

qu’elles sont plus proches des besoinsdes populations mais aussi parcequ’elles sont à même de faire la sensi-bilisation au niveau de leurs sphèresd’intervention. En effet, il y a plus de260 ONG (internationales et nationales)et à la base on compte près de 15!000organisations, coopératives ou grou-pements ruraux.

Contrairement aux bailleurs de fondsclassiques (organisations internationa-les, pays) qui ont une certaine réservediplomatique, les ONG peuvent jouerun rôle important dans la lutte contre lacorruption, car elles ont une relativeliberté et une certaine indépendancequi leur permettent de dénoncer la col-lusion des pouvoirs administratifs oupolitiques.

Dans le domaine de la grande corrup-tion, les organisations de la sociétécivile, seules, ne disposent pas d’assezde marge de manœuvre pour arriver àbout de tels forfaits. Seule l’alliance"Justice, presse indépendante et so-ciété civile" peut apporter une réponseà un tel niveau de corruption qui, géné-ralement, se pratique au sommet del’État.

7.3. LES PROGRAMMES DECOOPÉRATION

e Burkina, comme on le sait, estengagé avec l’appui des parte-naires au développement dans

une stratégie de lutte contre lapauvreté. À cet effet, les partenairesbilatéraux et multilatéraux s’investissentdans la définition de programmes dedéveloppement en fonction de consi-dérations particulières à chacun d’eux.Cependant, l’objectif commun vise àsortir le pays de la pauvreté.

Aussi est-il souhaitable que des méca-nismes de mobilisation et de gestiondes ressources permettant de prévenirdes risques de corruption, soient mis enplace.

7.3.1. LA COORDINATION DE L’AIDE

ne bonne coordination des aidespeut constituer un moyen assez

efficace de lutte contre la corruptiondans la mesure où, si elle est effective,elle permet à l’État d’avoir une vued’ensemble des interventions de tousles bailleurs de fonds.

La coordination de l’aide est un aspectqui revient toujours quand on évoquel’aide publique au développement. Ladifficulté de parvenir à une coordinationefficace relève de l’insuffisance de miseen concordance des appuis au niveaude l’administration et de la positionambiguë de certains bailleurs de fonds.

L’insuffisance de cette mise en concor-dance est liée à la faiblesse de la capa-cité de l’administration à effectuer lesuivi régulier et global des aides ap-portées au Burkina. Il s’agit générale-ment de manque de logistique techni-que et de personnel qualifié nécessaireà la mobilisation et à la coordinationdes ressources.

Quant aux bailleurs de fonds, ils militentgénéralement en faveur d’une coordi-nation de l’aide devant se faire néces-sairement au niveau gouvernemental.En effet, la plupart d’entre eux adhèrentaujourd’hui à l’aide programme ou ap-pui budgétaire. Cependant, les parte-naires adoptent une position équivoquedans la mesure où ils tiennent à brandirleur bannière pour revendiquer leursappuis (par des inaugurations officiellesà grand renfort de publicité).

Outre la coordination de l’aide, ilconvient de s’appesantir également surla coordination des actions en vue demener un combat collectif et soutenucontre la corruption au niveau interna-tional. Cette coordination concerneaussi bien les bailleurs de fonds que lesorganisations de la société civile. Ils’agit là de mener une action d’enver-gure pour que les gouvernements et lesfirmes nationales et internationalestrouvent en face d’eux une forcecoalisée et déterminée dans le combat

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 139

contre la corruption. Cette forme decoordination interpelle notamment lesONG.

Au Burkina, la coordination de l’Aide estassurée par la Direction Générale de laCoopération. Par l’organisation de ta-bles rondes, cette direction aide à lamise en place des financements surtoutau niveau des programmes et projetsnécessitant l’intervention de plusieursbailleurs de fonds. La Direction Géné-rale de l’Économie et de la Planificationassure elle aussi un suivi de l’évalua-tion des investissements extérieurs etpartant contribue aussi à la coordina-tion de l’aide.

7.3.2. LA MISE EN PLACE DE MÉCA-NISMES DE CONTRÔLE

es mécanismes de contrôle jouentun rôle important dans la lutte

contre la corruption.

Au niveau gouvernemental, ce constata été bien perçu et, de ce fait, le gou-vernement a décidé de placer au seinde la Direction chargée de vérifier lescontrats sur financements extérieurs (laDGCOOP) un service de contrôle fi-nancier.

Par ailleurs, des organes de contrôleadministratifs sont chargés de lavérification de l’utilisation des denierspublics. C’est le cas de l’InspectionGénérale des Finances (IGF) qui as-sure l’audit des comptes pour les pro-jets financés par le PNUD. Quant àl’Inspection Générale d’État (IGE), elleest en mesure, comme l’IGF, de menertoute mission de contrôle au niveau desprogrammes et projets de développe-ment.

On peut noter que pratiquement tousles bailleurs de fonds exigent que leursinterventions (les projets et program-mes) soient soumises à un audit ex-terne dont les résultats conditionnentsouvent

souvent la poursuite desdits program-mes et projets.

Par ailleurs, les mécanismes de mise àdisposition des fonds des partenairesau développement devraient égalementêtre suivis. En effet, dans le cadre desfinancements extérieurs, il y a des casde contrats dits arrangés par le bailleurde fonds avec un prestataire privé.C’est en fait une forte recommandationà l’endroit des gestionnaires nationauxde programme qui se trouvent ainsisous influence. Cette pratique est no-toire dans le domaine de l’assistancetechnique qui est parfois un véritablemarché de placements contrôlé par lespersonnes qui, au sein des organismesde financement, disposent de la latitudede proposer des procédés de gestiondes fonds publics. Cette latitude alliéeau pouvoir financier de leur institutionamène ces personnes à devenir devéritables recruteurs d’assistants tech-niques notamment étrangers. Ellesproposent les postes à pourvoir et lescurricula vitae en insistant sur celuiqu’ils préfèrent et très souvent les ges-tionnaires locaux n’ont d’autre choixque de suivre ces recommandations.

Aussi est-il souhaitable qu’au sein desinstitutions de financement il puisse yavoir des organes de contrôle, surtoutexterne, qui s’appuient sur les procédu-res internes pour évaluer les résultatsatteints au niveau des interventionsspécifiques de ces organismes et deleurs personnels.

Enfin, l’audit devrait également concer-ner les responsables administratifs etfinanciers des grands projets de déve-loppement. Il s’agit surtout d’un appuique les différents partenaires peuventapporter à la Cour des comptes, auxinspections administratives, aux institu-tions et associations luttant contre lacorruption pour un renforcement deleurs capacités internes et pour lesappuyer dans l’œuvre de vérification dela mise en application de la stratégienationale de bonne gouvernance.

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140 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

7.3.3. LES POLITIQUES DECONDITIONNALITÉ

lles sont mises en place par lesbailleurs de fonds pour!:

• S’assurer que les financementsqu’ils consentent seront utilisés àbon escient;

• Garantir le remboursement de leursinvestissements;

• Guider la politique économique d’unpays dans une voie particulière.

Les politiques de conditionnalités sontétablies essentiellement par les institu-tions de Bretton Woods (le FMI et laBanque Mondiale). Elles constituent unmoyen sur lequel les bailleurs de fondspeuvent se fonder pour amener le gou-vernement à la prise de mesures visantà réduire la corruption. Son utilisationpeut cependant être circonscrite à descrédits bien définis (par exemple celuide la stratégie de réduction de la pau-vreté) pour éviter que la conditionnaliténon remplie ne soit une entrave audémarrage de projets à caractère so-cial.

7.3.4. LES CONDITIONS DE NÉGO-CIATIONS

es programmes de coopération sontgénéralement inscrits dans des

conventions conclues entre le Burkinaet le bailleur de fonds. Très souvent,c’est le bailleur de fonds qui proposeune convention type sur lequel leBurkina a très peu de marges demanœuvre. Les besoins étant pres-sants, les signatures de conventionsont faites avec des conditions pastoujours avantageuses pour le pays.

Les financements ainsi obtenus lient lesactions à mener aux intérêts du bailleurde fonds. C’est l’aide liée. On deman-dera par exemple qu’un véhicule d’unprogramme soit acheté dans le pays dubailleur de fonds. Bien que cette formede conditionnalité ne soit pas d’ac-

tualité, certaines exigences desbailleurs de fonds perpétuent l’esprit del’aide liée.

Pour minimiser ce risque, il conviendraitde modifier les conditions de négocia-tion. Le bénéficiaire, en l’occurrencel’État, doit être mieux impliqué àl’évaluation des programmes à mettreen œuvre et avoir une force de propo-sition dans le schéma de négociationdes financements.

7.4. PERSPECTIVES DANS LEPARTENARIAT

’étude menée en 2001 sur lerenforcement de la gestion bud-gétaire (PRGB) complétée par le

diagnostic extérieur réalisé de manièrecoordonnée par les partenaires audéveloppement (CFAA) a convaincu legouvernement de mener une réflexionsur la gestion budgétaire dans la pers-pective de l’établissement et du renfor-cement d’un nouveau cadre de parte-nariat avec les bailleurs de fonds. Ainsi,le gouvernement a décidé de s’orienterde plus en plus vers la stratégie debudget programme. L’appui des parte-naires au développement est désor-mais voulu plus direct, plus ciblé surdes priorités budgétaires. C’est la no-tion d’appui budgétaire.

L’appui budgétaire peut être conçucomme un outil permettant une stabilitémacro-économique mais visant égale-ment la couverture des besoins induitspar la mise en œuvre de la stratégie delutte contre la pauvreté.

L’appui budgétaire permet une inter-vention des partenaires au développe-ment dans un cadre unique qui assureune analyse plus globale et plus cohé-rente de la politique gouvernementale.Il permet de soutenir le dialogue globalavec le gouvernement en matière depolitiques économiques et de lutte con-tre la pauvreté. Par ailleurs, l'appui bud-

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 141

gétaire à travers le budget, permet demaintenir un dialogue sur les modes degestion des finances publiques dans lespays bénéficiaires, notamment sur leuramélioration.

De façon globale, le diagnostic généralfait ressortir que la situation en termesde transparence, de crédibilité etd’efficacité concernant la gestion desdépenses publiques, semble suffisantepour effectuer un appui budgétaire. Lecadre budgétaire est préférable pourles bailleurs de fonds parce qu’il favo-rise une plus grande appropriation despolitiques par l’administration et unedurabilité des mesures de réformesengagées. Il faut également ajouter quel’appui budgétaire facilite la coordina-tion des interventions des bailleurs, dufait de l’unicité du cadre de financementet améliore la capacité d’absorption àcause de l’utilisation d’une procédureunique à travers le budget de l’État.

D'ores et déjà, un certain nombre departenaires au développement s'est en-gagé à soutenir le Gouvernement dansla mise en œuvre du CSLP, à traversdes appuis budgétaires coordonnés enprivilégiant!:

• Une plus grande appropriation de ladéfinition et de la mise en œuvre dela stratégie de réduction de la pau-vreté par le gouvernement;

• Une amélioration de l’efficacité de lapolitique du gouvernement et del’aide extérieure grâce au suivi d’in-dicateurs de performances dans lessecteurs concernés par la luttecontre la pauvreté;

• Une amélioration de la prévisibilitéet de la régularité des appuis bud-gétaires;

• Un renforcement de la coordinationentre les partenaires grâce à desévaluations conjointes.

Au nombre des bailleurs de fonds quise sont engagés dans l’appui budgé-taire, on compte des institutions multi-latérales (la Banque Mondiale et l’UnionEuropéenne notamment) et aussi desbilatéraux comme la Belgique, le Da-

nemark, les Pays-Bas, la Suède, laSuisse et la France.

Cette forme d’appui va nécessairementimpliquer de la part des bailleurs defonds un suivi plus rigoureux et un ren-forcement des mécanismes de contrôlea posteriori sur les progrès accomplis.Ils doivent mettre l’accent sur les ré-sultats susceptibles d’être suivis sur leterrain pour s’assurer de la bonnel’utilisation des fonds dépensés au ni-veau de l’État. En effet, cette formed’appui, si elle n’est pas accompagnéed’un suivi adapté, peut constituer laporte ouverte à toute forme de détour-nement de fonds et de corruption dansles services chargés de l’administrationde ces fonds.

Le rôle des bailleurs de fonds devraitd’abord consister à apporter un appuiaux organes de contrôle a posteriori,notamment l’Inspection Générale d’Étatet l’Inspection Générale des Finances.Ces administrations sont en effet char-gées de repérer les cas de détourne-ments de fonds ou les cas d’irrégu-larités dans le processus de mise àdisposition des fonds des bailleurs. Lerenforcement en amont des capacitésde contrôle du circuit de la dépense, telqu'il est défini notamment dans lePRGB, mérite également l’appui despartenaires au développement.

Il faut enfin que les exigences des bail-leurs de fonds sur les irrégularités dé-celées connaissent une sanction effec-tive appropriée. C’est en effet le panfaible de la procédure de lutte anti-cor-ruption au Burkina. Les dossiers desdifférentes inspections administrativeset des auditeurs sont le plus souventrangés sans suite dans les tiroirs desdécideurs. Les bailleurs de fonds doi-vent s’assurer que les éléments demesure de la régularité des opérationssont crédibles et mis en œuvre par desprocédés d’évaluation indiscutables.

Aussi, pour permettre le suivi de larégularité du système, l’exercice "testde conditionnalité", initié par l’UnionEuropéenne et adopté par la plupart

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des bailleurs, propose un ensembled’indicateurs destinés à faciliter le suivi-évaluation des activités gouvernemen-tales.

Dans cet exercice d’aide budgétaire, ilfaut noter le rôle essentiel du FondsMonétaire International (FMI) qui ap-porte une aide technique dans la pro-grammation financière et budgétaire enpoursuivant les objectifs ci-après!:

• Améliorer la gestion des dépensespubliques en s’assurant que lesfonds d’aide visent réellement àproposer de meilleurs services;

• Rendre plus efficaces les ministèresclés et les structures chargées desdépenses au niveau local en créantprogressivement un réseau des mé-canismes et qualifications nécessai-res pour une meilleure gestion bud-gétaire.

Malgré cette batterie de mesures et lesefforts pour améliorer les systèmes degestion et des marchés publics, quel-ques risques fiduciaires demeurent.Voilà pourquoi, sur la base du diagnos-tic partagé, les réformes envisagéesdoivent s’articuler autour des axes sui-vants!:

• L’amélioration de l’équilibre despouvoirs par un renforcement dupouvoir judiciaire, en particulier juri-dictionnel des comptes,

• La moralisation et la transparencedes affaires publiques,

• Le renforcement de l’organisation etdes responsabilités au sein del’exécutif,

• La transposition en droit nationaldes directives de l’UEMOA relativesaux finances publiques,

Les limites de l’aide directe

Certains bailleurs de fonds et ONGprocèdent par des dons en nature.C’est parfois dans la nature de l’aidequ’il y a le plus de risque de détourne-ments des moyens de transfert en rai-son de la faiblesse, voire de l’absencede bornes de contrôles durant le pro-

cessus de transfert de l’aide.

Les détournements concernent le plussouvent des biens en nature et nepeuvent se réaliser sans la complicitédes personnes clés de la chaîne detransfert.

CONCLUSION

n raison de la place importantedes bailleurs de fonds dans lecontexte du Burkina Faso et

compte tenu du processus participatifmis en place au niveau de laconception des mécanismes de luttecontre la pauvreté et dans le processusd’ancrage de la bonne gouvernancedans tout le système administratif, ilapparaît que les bailleurs de fondspeuvent avoir un rôle important dans laformulation d’une stratégie de luttecontre la corruption. Le souhait estqu’ils puissent insuffler une dynamiqueutile et surtout visible pour la popula-tion, lasse de la passivité ambianteautour de ce phénomène qui, pourtant,prend de l’ampleur.

Le défi majeur sera de rendre opéra-tionnelle la Haute Autorité de Coordina-tion de Lutte contre la Corruption. Ils’agira de mener jusqu’au bout et demanière efficace la stratégie de luttepréconisée par cette institution. Et pourcela, le personnel de cette structuredoit s’exercer à la pro activité dans tousles domaines susceptibles de générerdes actes de corruption.

Aussi, conviendrait-il de doter la struc-ture d’une stratégie propice. Pour cefaire, les mesures d’accompagnementdoivent être à la hauteur des résultatsrecherchés.

Ces mesures pourraient être!:

• L’apport assez conséquent en res-sources humaines qualifiées, au titredes membres de la structure;

• L’instauration de la prestation deserment pour lesdits membres;

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"Corruption et développement humain"Coopération régionale et internationale et lutte contre la corruption 143

• La désignation des membrescomme "point focal" au niveau desadministrations sensibles (impôts etdouane);

• Leur participation (ponctuelle etciblée pour le moment) commeobservateurs aux séances desCommissions d’Attribution desMarchés de l’État;

• Le pouvoir de l’institution à donnerl’information au public, dans lerespect des principes du code del’information;

• La production de rapports périodi-ques avec des plans d'actions dé-taillés;

• La mise en place d’un contact(téléphone rouge, messagerie) à lapauvre

disposition du public pour recueillirtoute information sur la corruption.

L ’évo lu t ion préoccupante duphénomène de la corruption au BurkinaFaso doit également engager lespartenaires au développement àapporter le soutien nécessaire auxorganisations qui œuvrent dans la luttecontre la corruption.

C’est une bataille de longue haleine,face à un adversaire insaisissable,abstrait dans l’évidence et qui ne fai-blira réellement qu’avec la réductiondurable et générale de la pauvreté auBurkina Faso et une lutte assiduecontre ce fléau.

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 101

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CHAPITRE 6

CORRUPTION ET VALEURSSOCIOCULTURELLES

INTRODUCTION

a corruption est un phénomènequi se nourrit des ressources dela communauté. Cela n’est pas

seulement vrai sur le plan économique,même si c’est là que son caractère"prédateur" est le plus perceptible.C’est aussi vrai sur le plan sociocultureloù les effets de la corruption peuventêtre plus destructifs encore. Les prati-ques corruptrices se développent, eneffet, dans un environnement sociocul-turel tolérant ou même incitatif. Ellesont comme conséquence l’altération dutissu social, et le déracinement culturelde la communauté, rongeant ainsi sacharpente spirituelle ou morale. De cefait, l’analyse de la corruption doitnécessairement tenter d’éclairer lesimplications socioculturelles de ce phé-nomène.

6.1. RACINES TRADITIONNEL-LES ET CORRUPTION

n s’avise assez rapidement dufait que la corruption, en tantque pratique sociale, ne peut se

développer et avoir une ampleurconséquente que si elle est compatible

avec le mode de vie de la société,notamment avec les habitudes que letemps a durcies et qui, de ce fait, sontdevenues pratique courante. La cultureest l’ensemble des usages, desmanières d’agir et de penser, desattitudes, des croyances et des senti-ments, des manières d’appartenir à unecommunauté. Et plus on s’éloigne del’espace de la culture occidentale, pluson se pose la question de savoir quelsrapports existent entre les coutumeslocales, les traditions d’une part, et lacorruption de l’autre. Plus précisément,on cherche à déterminer la mesuredans laquelle les cultures non occi-dentales sont susceptibles d’engendrerou d’amplifier le phénomène de la cor-ruption.

En réalité, le sens de la question n’estpas tout à fait clair. Elle peut être portéepar le présupposé de l’existence decertaines pratiques consacrées par destraditions ancestrales qui, parcequ’elles sont mal assorties aux princi-pes du libéralisme économique, parexemple celui de la libre concurrence,constituent un terrain propice au déve-loppement de la corruption; ou alors,ces pratiques apparaissent commeétant en mesure de susciter des actionsqui, interprétées à l’intérieur des cane-vas modernes, sont ambiguës ou sus-pectes. C’est ce jeu de significationséquivoques et d’enjeux divers qu’il faut

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102 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

avoir à l’esprit lorsque l’on aborde laquestion du fondement culturel de lacorruption.

Selon Prosper Farama, "les sociétéstraditionnelles (…) ont (…) une part deresponsabilité dans le phénomène decorruption que connaît l’Afrique mo-derne"20. Or le Burkina, comme la plu-part des États africains, est une mosaï-que ethno-culturelle. On y compte unesoixantaine d’ethnies. Cela ne signifiepas, bien entendu, que nous avonsautant d’unités culturelles distinctes.Les contacts qui eurent lieu dansl’histoire ont noué des liens, parfoisdans le conflit, et créé les conditions dedynamiques de recompositions identi-taires qui supposent échanges, brassa-ges et "métissages" culturels.

Les communautés, dont l’organisationimplique une autonomie villageoisepoussée, semblent être particulière-ment perméables aux influences cultu-relles. Par exemple, autour de laComoé, la civilisation dioula a puconstituer ce que l’on pourrait appelerune "culture véhiculaire" pour lescommunautés Turka, Gouin, Karaboro,Sénoufo, Komono, etc. C’est ainsi qu’ilsétablissent des correspondances entreleurs noms de famille à partir de leurstraductions en dioula, accroissant ainsila qualité de la compréhension mutuelleet dégageant ce qu’on pourrait appelerun espace culturel inter-ethnique21.

On ne peut penser que chaque ethnieconstitue une entité culturelle homo-gène. Les faits historiques introduisentdes nuances entre composantes d’unemême communauté ethnique. Jean-Bernard Ouédraogo (1997 p. 48) parle,par exemple, d’un éclatement des Ka-raboro en Syem, matrilinéaires commeles Gouins, et en Kai, patrilinéaires.

Parmi les Mossi, les écarts dans lesfaçons de faire peuvent être notables.On sait qu’entre ceux du Yatenga et

On sait qu'entre ceux du Yatenga etceux de Ouagadougou, il y a des dif-férences substantielles du point de vuedes mœurs, des attitudes et descroyances. On voit, à partir de cesconsidérations que l’analyse desrapports entre corruption et culture estune tâche immense et complexe.

6.1.1. LA PRATIQUE DES DONS

. Klitgaard écrit (1995, pp 150-151): "les Coréens avaient une

coutume bien établie: celle de remettredes cadeaux", coutume liée, expliqueMartin, "au problème traditionnel de lacorruption au sein de l’État coréen." Unautre expert affirme: "Les Coréens sontl’un des peuples les plus affables et lesplus généreux qu’on puisse rencontrer.Ils sont prévenants et attentionnés, ets’efforcent par tous les moyens d’ins-taurer une relation de type personnelavant d’entamer la moindre affaire. Lefait de donner et de recevoir descadeaux fait partie de la transaction etest considéré comme une commissionnormale pour services rendus".

En Afrique en général et au BurkinaFaso en particulier, la pratique desdons est, dans la tradition, égalementinscrite dans le code du savoir-vivre.Penser à donner "quelque chose de samain" est un impératif moral. Ici, en-core, on a analysé cet usage commefaisant partie de ces habitudes socialesqui sont susceptibles de créer chez lesindividus une disposition mentale favo-rable à des pratiques corruptrices. LeREN-LAC écrit: "Villa clés en main,cadeau de véhicule, de terrain, de têtede bétail même, etc. Tels sont les for-mes et types de cadeaux qui ont courset qui participent de la mise en placed’une culture de pots-de-vin"22.

Et comme on pouvait s’y attendre, cesont

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20 REN-LAC, 2001 b p. 76.21 Jean-Bernard Ouédraogo, 1997.22 REN-LAC 2001, p. 121.

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 103

sont les traditions qui sont désignéescomme des phénomènes qui incitent àla corruption. Il est vrai que ceux qui selivrent à la pratique des cadeaux sus-pects ont coutume d’invoquer la tradi-tion quand ils sont dénoncés. Aux ob-servations du REN-LAC, on a pu ré-pondre que ce mouvement de lutte con-tre la corruption "a des positionscontraires à la culture africaine (…), estcontre la tradition (…), ignore les réali-tés du terrain" (Ibidem). Qu’en est-il enréalité!?

Pour la clarté de la présentation, onpeut distinguer les dons échangés en-tre particuliers et ceux qui sont faits pardes particuliers aux autorités coutu-mières.

Selon une présentation courante, l’habi-tude de faire des cadeaux passe pourêtre une des causes les plus impor-tantes de la corruption systémique. Enapparence, elle semble en effet contri-buer à la personnalisation des rapports,ce qui rend les gens disponibles pourdes pratiques comme le favoritismequand elle ne les y oblige pas.Recevoir, c’est toujours se sentir obligéà la gratitude; c’est être l’objet d’uneattention et d’une sollicitude qui vousobligent à "rendre service" le momentvenu, sous peine d’être mal perçu parla société.

Cultiver les "relations" est un moyenbien connu pour réussir dans la vie auxyeux de la société. Les occasionsabondent d’ailleurs où l’on peut mani-fester une solidarité qui est un place-ment pour l’avenir: naissances, décès,funérailles, baptêmes, mariages, fêtescoutumières, etc.

Il y a aussi des lieux privilégiés et descodes: celui qui est "dans les affaires"sait, à Ouagadougou, quels débits deboissons il doit fréquenter pour aug-menter ses chances de faire une ren-contre intéressante. On s’offre à boire,on discute à bâtons rompus; et le com-mensal

mensal de l’occasion est transformé en"connaissance", en "relation", voire enami. Offrir une bière, cela "peut toujoursservir".

Ce point de vue doit être nuancé. Eneffet, dans la tradition, la pratique dudon fait partie de l’effort de convivialité.Le présent n’est pas un placement,mais un témoignage du fait que l’onpense les uns aux autres. De là deuxconséquences: d’une part, sa valeurmatérielle n’est pas la chose la plusimportante, c’est sa valeur symboliquequi importe; d’autre part, recevoir, c’estêtre honoré, de la même manière quel’on est honoré de voir son présentagréé. Un proverbe moaga dit qu’il vautmieux recevoir en cadeau une figue quivous honore qu’une noix de kola quivous déshonore.

Si donc le cadeau est porté par uneintention corruptrice, il est lui-mêmecorrompu en raison de sa sourcedéshonorante. Il doit, en toute rigueur,être rejeté. Les Bobo considèrent ledon comme "l ’expression d’unereconnaissance". Si le don est suspect,c’est-à-dire qu’il représente un privilègenon mérité, ou est fait par un inconnu(…), il est rejeté"23.

Si les dons entre particuliers ne peu-vent pas conduire à une accumulationmatérielle, ceux que l’on fait aux auto-rités semblent être substantiels. Sou-vent, on dénonce les cadeaux que lespopulations font aux chefs comme despratiques corruptrices dans les sociétéstraditionnelles. En effet, apparemment,on tient là l’évidence d’une corruptionadministrative. On s’imagine que lorsdes procès par exemple, les attentionsaux chefs sont, au moins quelques fois,destinées à influer indûment sur le ver-dict. D’un autre côté, le cadeau n’est-ilpas attendu!? N’est-ce pas là une cou-tume illégitime d’extorsions de biens!?N’est-ce pas la même chose que fontles agents publics qui exigent "quelquechose" avant d’accomplir un acte pourlequel

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23 REN-LAC, 2001 b, p. 28

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lequel ils perçoivent déjà un salaire!?

Si l’on veut coûte que coûte contenir lapratique des dons à l’intérieur de laproblématique de la corruption, on nepourra pas comprendre ce qui donnaitson sens à cette coutume, dans unesociété réglée officiellement surl’idéologie de l’intégrité. Par suite, onpourra difficilement en tirer des ensei-gnements intéressants pour forger desarmes dans la perspective de la luttecontre la corruption. On s’avise,d’entrée de jeu, que le fonctionnairecorrompu perçoit, pour son travail, unsalaire régulier, alors que le chef, lui, nebénéficie pas d’un traitement formelle-ment institué. Le responsable tradition-nel est au service de la communauté auprofit de laquelle il remplit son office.C’est pourquoi la société considère qu’ildoit être honoré à chaque fois qu’on arecours à lui. Comme dit le proverbe,"on ne peut pas aller voir le chef lesmains vides comme si l’on allait prierDieu." Le propos est clair. Les présentsque l’on fait au chef ne lui sont pas dusen raison de son importance, puisqu’onle compare, évidemment à son désa-vantage, à Dieu, mais plutôt en raisondu fait que, s’étant engagé à s’occuperdes affaires publiques, il est désormaisà la charge de la communauté. Alorsque Dieu possède tout, le chef n’a rien;il est d’autant plus démuni qu’il gère lesproblèmes de tous, c’est-à-dire desautres, au détriment de ses propresaffaires. À vrai dire, il n’a pas d’intérêtsprivés. L’État, c’est lui; et lui, c’estl’État. Normalement, il y a congruencequasi parfaite entre sa personne et lafonction insigne qu’il remplit. Les hon-neurs lui sont dûs à ce titre. Et commeles présents sont une manièred’honorer le chef, ils doivent lui êtreofferts de façon officielle et publique.On n’honore pas, en effet, quelqu’un encachette, en secret. Chez les moosé, ily a toujours un intermédiaire qui, té-moin privilégié devant les autres té-moins (en fait, tous ceux qui, pour uneraison ou pour une autre, se trouventêtre là), prend le présent des mains dudonateur et le présente au chef. En fait,il est chargé de s’assurer de la pureté

des intentions qui motivent le don, et deveiller à ce que la valeur soit contenuedans des limites raisonnables.

Il est vrai cependant que cette gestionpatrimoniale semble être l’arrière fondculturel de l’État néo-patrimonial, terrainde développement d’une corruptionparticulièrement sévère. De même quela tradition des dons entre particuliersdonne l’impression de s’être muée enpratique sociale qui crée les conditionsd’une corruption systémique sous laforme de la corruption-échange social,de même les dons aux autorités tradi-tionnelles semblent avoir un lien parti-culièrement fort avec le patrimonialismeet, par voie de conséquence, avec lenéo-patrimonialisme.

6.1.2. LA DOMINATION PATRIMO-NIALE

e concept de domination patrimo-niale a été forgé par Max Weber qui

s’en sert dans État et société pourdésigner précisément le fait que dansl’organisation traditionnelle du pouvoir,le public et le privé pouvaient ne pasêtre distingués l’un de l’autre. Chez lesMoosé, le "naam" n’est pas uneinstitution formellement établie dans unespace public distinct du domaineprivé. Le pouvoir, au contraire, est unbien familial. C’est toujours un héritage,le patrimoine d’une famille dont unancêtre passe pour l’avoir conquis. Iln’y a pratiquement pas de bien public.Dès que, pour une raison ou pour uneautre, quelqu’un perd définitivement oupour un temps seulement le bénéficed’un bien quelconque qui lui appar-tenait, celui-ci était confié à une autoritéqui, en général, l’exploitait à son propreprofit. C’était souvent lorsque deux par-ties prétendaient chacune avoir un droitexclusif sur un objet, que celui-ci étaitconfié à une autorité déterminée. Provi-soirement en attendant le règlement dulitige, ou définitivement quand la situa-tion se révélait inextricable.

Jean-Pierre Jacob écrit que chez les

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 105

Winye, le chef de terre est «le destina-taire unique des biens qui n’ont plus depropriétaires ou des choses qui sont"puissantes ou dangereuses" pour pou-voir être possédés par n’importe qui:épis de mil tombés des paniers lors deleur transport à la récolte, charges descommerçants touchant le sol au pas-sage des villages (…), gibier "amer"(…), et, d’une manière générale, toutechose, personne, fétiche, ou animaldomestique "sans propriétaire", trouvésen brousse» (REN-LAC, 2001 b, 14-15).

Le chef moaga a aussi la possibilité dedistribuer des prébendes, de créer desfonctions et de les confier à qui il veut.Et toute fonction de ce genre estrecherchée en ce qu’elle ouvre lesportes des honneurs à celui qui y estnommé. Les Mossi disent bien que "si,méprisant, tu refuses la fonction de"chef des termites", un autrel’acceptera; et, pendant qu’il marcherales bras ballants, portant seulement letitre, toi, tu marcheras ployé sous lacharge de ton panier de termites".

Comme l’écrivent Giorgio Blundo etJean-François Médard, "l’État néopa-trimonial est une sorte d’État avorté etla corruption lui est consubstantielle."(Transparency International, 2002, p.11). Alors que le domaine public estformellement institué avec des structu-res propres, le dirigeant politique afri-cain gère le bien commun de la mêmemanière que le chef traditionnel gou-vernait son royaume, c’est-à-direcomme un bien privé. Les moyens del’État sont mobilisés à son propre profit:ressources matérielles et financières,fonctions et distinctions, tout est à ladisposition du chef moderne qui en usepour servir ses intérêts personnels audétriment, bien entendu, de l’intérêtgénéral. On s’avise aussitôt du carac-tère profondément prédateur d’un telÉtat susceptible non seulement de dila-pider les richesses nationales, maisencore de pratiquer le favoritisme clien-téliste à outrance.

À la faveur des Tribunaux Populaires

de la Révolution, on a pu se rendrecompte que bien des responsablespolitiques ne faisaient pas une grandedifférence entre les biens de l’État etles leurs propres. Du reste, cette confu-sion des biens publics et privés qu’onpeut considérer comme étant à la basede certains détournements est devenueune culture que l’on retrouve même à laracine de la petite corruption banalisée.L’utilisation des véhicules de l’État àdes fins privées participe de la menta-lité patrimoniale. N’a-t-on pas vu desfonctionnaires s’approvisionner en eaudans leurs services!?

Ainsi, il semble que le mode traditionnelde gouvernement patrimonial est leterrain dans lequel se développe unecertaine corruption de l’État en Afriqueen général, et au Burkina en particulier.Toutefois, comme le remarquent Gior-gio Blundo et Jean-François Médard, lacorruption qui s’enracine dans le cadreidéologique de la domination patrimo-niale "ne correspond pas à des finalitésuniquement économiques d’enrichis-sement individuel, (…) elle a aussi desfonctions politiques et sociales qu’on nepeut ignorer" (Ibidem).

En effet, la corruption néo-patrimonialerelève, dans une large mesure, depratiques clientélistes et du patronage,et vise à renforcer la longévité d’undirigeant au pouvoir. Une telle problé-matique était largement inconnue dansles sociétés traditionnelles où le chefn’avait pas à fonder sa légitimité surl’achat de l’adhésion à son pouvoir. Dela même manière, il ne semble pas nonplus que l’accumulation matérielle soitla finalité de la domination patrimoniale.

Selon Jean-Pierre Jacob, chez les Wi-nye, "les populations et leurs chefs eux-mêmes font couramment la distinctionentre les réseaux [de noblesse] enparlant de l’appartenance de certainsvillages à des noblesses qui "mangentgrand" ou, au contraire, à des nobles-ses qui "mangent petit". Les premièresexploitent au maximum toutes [leurs]prérogatives (…). Les secondes n’opè-rent que des prélèvements symboliques

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(par exemple une pincée de mil au lieude la totalité du mil tombé à terre) et leschefs de terre travaillent pour senourrir." (REN-LAC, 2001, p. 18-19).L’État néo-patrimonial opère donc undétournement d’objectif par rapport à latradition patrimoniale.

6.1.3. LE CULTE DE LA PUISSANCE

e pouvoir traditionnel passe, engénéral, pour être absolu, surtout

dans les sociétés monarchiques ouaristocratiques fortement hiérarchisées.L’analyse, sur ce point, se focalise surla structure politique d’ensembles eth-niques dont l’importance démographi-que est, il est vrai, considérable. Chezles Moosé, centralisation et concentra-tion des pouvoirs semblent être desfaits caractéristiques. Cela a pourconséquences deux attitudes devant lepouvoir qui sont considérées commeétant susceptibles de rendre compte decertains comportements préjudiciablesà la culture démocratique et à la bonnegouvernance. Ce sont, d’une part, lasurvalorisation du pouvoir, et, d’autrepart, la soumission apparemment in-conditionnelle à l’autorité.

Sur le premier point, les Mossé disentqu’il faut préférer une poignée denaam, de pouvoir, à une pleine cor-beille de roture. Il apparaît que lasociété traditionnelle moaga est,comme l’écrit P. Bouda, "une société dela puissance ou du pouvoir" danslaquelle "il s’agit de rayonner, il importede dépasser la nudité, la quasinaturalitéde celui qui n’a rien, qui n’en impose àpersonne" (REN-LAC, 2001 b, p. 49).Cela explique que les gens cherchent àse distinguer, à se hisser au-dessus ducommun, à sortir de l’anonymat, et celaà tout prix.

Il est vrai qu’aujourd’hui, les Moosésont réputés être ceux sur lesquels lespostes de responsabilité exercent leplus grand attrait. Cependant, dans lesfaits, on constate que la course auxhonneurs est pratiquée avec un enga-

gement égal par les hommes politiquesou par les simples citoyens, quelles quesoient leurs ethnies.

Cela est d’autant plus vrai que lespostes que l’on s’arrache ne sont pasrecherchés forcément pour leur intérêtpolitique, mais bien plus souvent pourla possibilité qu’ils offrent d’un accèsprobable aux ressources. On peut doncaffirmer que la compétition politiqueactuelle, sous les formes diverses dunépotisme, du clientélisme, du régiona-lisme ou encore de la fraude électorale,constitue un canal sûr pour s’enrichir.C’est ce contexte, et non le cadreculturel traditionnel, qui constitue unedes causes importantes du dévelop-pement de la corruption.

D’autre part, on peut dire qu’un profondrespect pour l’autorité favorise des at-titudes qui font violence à l’esprit del’état de droit. L’individu obéit au chefplutôt qu’à la loi qu’à sa décharge, il neconnaît pas le plus souvent.

Et le contexte électoraliste aidant, cesautorités deviennent des sortes de"grands électeurs" ou comme on ditsouvent, dans une volonté d’euphé-misation, des "personnes ressources".La chasse aux voix consiste alors, dansune mesure importante, à s’assurer deleur soutien intéressé. Rien d’étonnantalors dans le fait qu’ils deviennentintouchables, des citoyens de premièreclasse. Et le cercle vicieux se referme:plus ils reçoivent des faveurs du per-sonnel politique, plus leur prestigeaugmente et plus leur ascendant surune partie de la population devientirrésistible; or, plus ces gens privilégiésacquièrent de l’ascendant, plus ilsdeviennent en un sens, "incontour-nables" pour une certaine race d’hom-mes politiques qui ne reculent pasdevant les diverses formes de corrup-tion électorale pour parvenir à leursfins.

Toutefois, il convient de remarquer quele respect était dû, dans la tradition, àl’autorité légitime. Et il ne suffisait pasd’être arrivé au pouvoir par des voies

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régulières pour exercer une autoritélégitime. Encore fallait-il régner, au jourle jour, avec intégrité, dans le respectde l’éthique, c’est-à-dire de l’ensembledes normes consacrées qui définissentla vie de l’homme digne du nomd’Homme.

Chez les Moosé, le chef quicontrevenait gravement aux normeséthiques était, au sens propre, cor-rompu, et assumait jusqu’au bout lesconséquences morales, politiques etpénales de son inconduite, en se don-nant lui-même la mort. Autant dire quele chef régnait sous le contrôle sourcil-leux d’un collège de sages qualifiés. Ilest donc conforme à la vérité de direque quelque chose de nouveau,d’étranger à la tradition, joue derrièreles comportements corrupteurs qui seprésentent sous les apparences deprolongements naturels de la coutume.

On ne peut pas réfléchir sur cettequestion sans être amené à se penchersur un point connexe, celui de ce qu’onpourrait appeler le "griottage" ou"l’esprit de griot". Le griot semble pou-voir tout obtenir de n’importe qui, etd’abord du Prince, en usant de la pa-role, c’est-à-dire d’un récit flatteur. Gé-néralement, il fait l’épopée de la famillede celui à qui il veut arracher quelquechose. Son poème, improvisé ouinterprété, est, en principe, irrésistible24.De là peut naître l’impression que l’onpeut toujours arracher un privilègeauprès d’une autorité à force decourbettes et de flagorneries. L’idée estque l’on peut toujours contourner la loipar la flatterie, étant entendu que ceque désire le prince, c’est d’être loué àtort ou à raison par quelqu’un qui sait yfaire. "Naaba" est en effet le mot parlequel le transporteur indélicat, fléchis-sant le genou avec componction, s’a-dresse au policier. Ou, alors, il utilise unmot français, "patron" ou "chef", dont iluse comme un équivalent de "Naaba".

Dans un rapport du REN-LAC, unchauffeur dit "les patrons" en parlant dedeux gendarmes 25. Et tous les escrocsconnaissent le bon usage des mots"grand frère", "koro" en langue dioula,etc.

Cette "corruption rhétorique" n’est inno-cente qu’en apparence seulement. Elleest en effet un pari sur la vénalité desagents de l’État, elle tire son originedans une volonté de passer outre la loi,elle suscite et répond à une demande.

Si l’offre de corruption correspond àune demande, ce genre de geste, quivient d’ailleurs, comme un effort d’ap-point en appui à des arguments corrup-teurs d’un autre type, concerne la petitecorruption généralisée. Ce sont souventles agents subalternes qui accordent del’importance à ces signes extérieurs derespect et de crainte auxquels ils n’ontpas souvent droit dans l’exercicenormal de leur métier. Ce sont principa-lement eux qui tiennent à se sentir euxaussi "chefs".

À cela s’ajoute le sentiment que l’onpeut toujours s’arranger, et échapper àla sanction. On peut être tenté de reliercette assurance au fait que dans cer-taines traditions ethniques, de nom-breuses voies de recours existent pourobtenir, à coup sûr, le pardon de celuiqu’on a offensé.

Chez les Moosé, les neveux, les pa-rents à plaisanterie, sont des interces-seurs que, théoriquement, on ne peutpas éconduire. Dans d’autres ethnies,comme les Samo et les Bobo26, ce sontles forgerons et ou les griots qui ont cestatut. Cela entre dans le cadre dudésir d’harmonie, d’entente et de convi-vialité. Les Moosé disent que "si tu refu-ses d’agréer la demande de pardon(Dieu te donne un cœur de pardon), tuagréeras le souhait de bon rétablis-sement (Dieu te donne la santé) ".

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24 cf, le récit de Paul Tinoaga Ouédraogo, REN-LAC, 2001b, p. 85-8625 REN-LAC, 2001a, p. 35.26 REN-LAC, 2001b

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L’idée est que le conflit est nécessai-rement catastrophique, que l’on peut ensortir vainqueur, mais jamais indemne.Ils disent encore que "si chacun tire àsoi la calebasse, il n’y en aura plusbientôt que des morceaux". Autrementdit, il faut que des deux protagonistes,l’un au moins cède. Nous avons là unevariante du mot selon lequel "unmauvais arrangement vaut mieux qu’unbon procès". C’est un trait, en général,des sociétés non capitalistes.

Dans le capitalisme, c’est le culte de lacompétition et de la concurrence; c’estla logique de l’affrontement permanent.Dans les autres types de société, il y aau contraire, souvent un effort pourneutraliser les tendances agressives,dont on n’a aucune raison de penserqu’elles ne sont pas centrifuges.

Dans certaines régions de France, siaprès avoir discuté du prix d’un porcpar exemple avec un paysan, vousvoulez le payer aussitôt l’accord ob-tenu, il vous dira de remettre votreargent dans votre poche, de prendre leporc, et de venir boire d’abord un verreavec lui. Après seulement, vouspaierez. La médiation (ou la diversion)du verre convivial lui permet d’éviter labrutalité du donnant-donnant.

La corruption semble aussi se nourrirde la force des cadres traditionnels quirèglent l’existence de l’individu. La fa-mille, le clan, le village, la région,l’ethnie même sont des structures plusimpressionnantes, plus anciennes, plusvisibles et plus prégnantes que l’État etses structures administratives. La soli-darité à leur égard est instinctive etparfois absolue, n’étant en tout cas paslimitée par le devoir envers un Étatimpersonnel, formel, lointain et impré-cis: "Le bien de l’État, ce n’est pas lechamp du père de quelqu’un" peut-onentendre parfois.

Dans ces conditions, servir l’État audétriment de sa famille ou de sa régionest passible d’une appréciationprofondément négative de la part de lasociété. Celui qui, occupant un poste

d’où il a accès aux ressources,négligerait d’en profiter personnel-lement et d’en faire profiter les cerclessociaux au sein desquels s’exerceprioritairement le réflexe de solidarité,sera l’objet d’un désaveu social.

De manière caractéristique, on peutvoir dans une ville comme Ouaga-dougou, certaines ethnies essayer derecréer des cadres traditionnels pourpousser, justement, au réflexe de soli-darité. Les Dagari organisent par exem-ple des "marchés dagari" où les tradi-tions anciennes sont revisitées dansl’objectif de contrer les effets indésira-bles de l’individualisme moderne (P.Bouda et Pierre Nakoulima, 2000).

C’est dans la même intention que sontpériodiquement organisées lesjournées culturelles "gourounsi" quiessaient de faire revivre les traditions,notamment, la parenté à plaisanterieprésentée comme un dispositiftraditionnel qui agit efficacement dansle sens de la concorde et de lasolidarité.

Mais il y a plus grave encore: l’Étatmoderne est parfois perçu comme unhéritier de la colonisation et, par consé-quent, il est, dans certaines ethnies,l’objet d’un rejet. C’est ce qui se passedans la région de la Comoé où lesGouins, les Turka, les Karaboro et lesDogosié, ethnies qui ont cultivé pen-dant longtemps une tradition de la li-berté, s’opposent à l’État par le boycottou la défiance de certaines structurescomme les écoles ou les structures desanté. Par exemple, certains conflitsethniques (comme celui, qui en février1995, opposa les Karaboro aux Peuls àMangodara) ou entre groupes sociauxcomme les agriculteurs et les éleveursfont partie de ces manifestations derejet de l’État moderne considérécomme l’héritier de l’État colonial.

Dans un tel contexte, la dissipation desbiens de l’État apparaîtra toujourscomme un acte de résistance contre lacolonisation et son héritier, l’Étatmoderne.

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 109

6.2. CORRUPTION ET VA-LEURS SOCIOCULTURELLES

outes les considérations qui pré-cèdent montrent jusqu’à quelpoint ces propos du président

nigérian Obassandjo sont justes: "Jefrémis à l’idée que l’on puisse prendreun élément inhérent à notre culturecomme base d’explication raisonnéed’un comportement par ailleurs mépri-sable. Dans la conception africaine dela reconnaissance et de l’hospitalité, lecadeau est généralement un symbole.(Transparency International, 2002, p.54).

Cela signifie que les sociétés ancien-nes n’avaient pas une culture de lacorruption. Toutefois, il serait évidem-ment inexact de considérer qu’il n’yavait pas des faits de corruption dansl’Afrique traditionnelle. Une institutionpeut ne pas être corrompue en elle-même, et cependant engendrer desactions assimilables à la corruption àdes degrés divers en croisant les pro-jets des individus. Par exemple, unsystème quelconque de taxes peutdévelopper la corruption à partir dumoment où les individus s’avisent de lecontourner. C’est d’abord dans le cœurde l’homme que germent les graines dela corruption.

Aussi bien, dans les sociétéstraditionnelles, on développe uneconception entièrement morale de lacorruption qui est considérée commel’expression de la qualité humaine mé-diocre du corrompu.

6.2.1. LA QUESTION DU MOT

n général, les sociétés tradition-nelles n’ont pas de mots pour

nommer le phénomène de la corrup-tion. Dans une étude du REN-LAC(2001b), les chercheurs pensent queles Moosé et les Bobo n’ont pas determes pour traduire "corruption". Seule

l’étude sur la société traditionnelleSamo a pu désigner un terme de cegenre.

Cette absence du mot pose évidem-ment un problème délicat: ne signifie-t-elle pas, quant au fond, que dans cessociétés anciennes, on n’avait aucunenotion de la corruption!? Et si tel est lecas, ne doit-on pas en conclure qu’ellesne connaissaient pas la corruption, nonseulement au sens où elles n’en au-raient pas eu conscience, mais encoreau sens où le phénomène n’y auraitpas eu cours!?

La première réaction serait de considé-rer que l’absence du mot ne signifie pasl’absence de la chose, ni, encoremoins, l’absence d’une prise de cons-cience du phénomène.

En réalité, le problème est plus délicat.Comme le dit Pierre Bouda, dans lamesure où la corruption est unphénomène social, c’est-à-dire non pasun objet physique mais une actionaccomplie par les hommes, dans lamesure où elle est déterminée à partirdes intentions des individus. On voitmal comment elle peut avoir lieu dansl’espace social, produire des effetsdans la conscience des individus quidésirent, calculent, montent desstratégies avant de passer à l’acte,sans que la société ne la désigne parun mot (Transparency International,2002, p. 54)

S’il est vrai que "le mot est inventé dansle but d’établir une distinction", il estpermis de penser que les sociétés tra-ditionnelles qui n’ont pas de mot pourdésigner la corruption la conçoiventdans un sens moral absolu, la compre-nant dans la notion générale de vice.

Toutes les études réunies par le REN-LAC insistent sur le caractère fonda-mentalement moral de la corruptionpour les sociétés traditionnelles. Com-me l’écrit Lazare Ki-Zerbo, dans l’espritdes Anciens, "le corrompu est celui quitrahit un serment, une fidélité à la Loi"(REN-LAC, 2001b, p.56).

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110 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

6.2.2. LA CONCEPTION "ÉTHIQUE"DE LA CORRUPTION

i l’on essaie de comprendre la cor-ruption depuis la lettre même du

mot, on s’aperçoit qu’elle a une forteconnotation morale. La corruption est,en effet, altération, c’est-à-dire, chan-gement qui affecte la substance d’uneentité dans le sens de la dégradation,de la perte d’une qualité essentielle. Cequi est corrompu, c’est d’abord ce quiest usé, en un double sens: au sens oùil a été utilisé, et au sens où il est usé.

La corruption est ainsi comprise dansun sens physique. Mais ce sens physi-que est ensuite infléchi dans un sensprofondément moral par le fait que leprocessus corrupteur est perçu commeaboutissant à un état "d’inauthenticité".L’être corrompu est celui qui subit uneévolution contraire à l’ordre naturel, ets’achevant par une transformation plusou moins complète qui fait qu’il devientvéritablement différent de ce qu’il de-vrait être.

C’est ce point de vue qui est celui dessociétés traditionnelles sur la corrup-tion. Les Moosé semblent ainsi consi-dérer le corrompu comme, chronologi-quement, la première victime de la cor-ruption. Il est en effet, celui qui a subiune érosion de sa valeur humaine quiest donc comme vidé de sa substance.

Illustratif à cet égard est le fait qu’alorsque dans les émissions radiophoniquesdu REN-LAC on utilise le mot "wegbo"pour traduire "corruption", des locuteursexclusifs du mooré pensent aux ex-pressions "ni yoogo" et "ni yaalga" pourtraduire "corrompu", et à l’expression"ni wenga" pour traduire "corrupteur"(cf. les émissions sur la radio "SavaneFM" les samedis matins et l’étude sur lemoaga traditionnel dans REN-LAC,2001b). Le mot "wegbo" qu’emploientles journalistes désigne le fait de pro-céder à un échange ou à un partageinique, qui lèse autrui. L’exemple leplus accompli du "wegbo", ou partagenon équitable, est donné dans l’histoire

d’une répartition que fit un jour l’hyène.Ayant tué trois chèvres, elle les em-porte jusqu’à sa demeure où elle dit àsa compagne: "Prenez, ton fils et toi,une chèvre; vous serez donc trois. Moi,de mon côté, je prendrai les deux chè-vres restantes; nous aussi nous seronsdonc trois". Par contre, les expressions"ni yoogo" ou "ni yaalga" signifient, àpeu près, "homme de peu de valeur".

En un sens, celui qui est l’objet d’unecorruption passive est le premier cou-pable, puisqu’il n’a pas la consistancehumaine qui dissuade préventivementle corrupteur, et l’empêche de passer àl’acte. Les choses se passent comme sisa personne était en elle-même uneincitation constante à la corruption.D’ailleurs, c’est lui qui accepte de trahir,de renoncer à son intégrité, de seconstituer en objet, dégradant ainsi laqualité humaine présente en lui.

Cela permet de comprendre pourquoi,souvent, les sociétés traditionnelles nevoient de la corruption, de la "vente desoi", que dans les transactions oùquelqu’un accepte de se conduire indi-gnement en échange d’un avantagematériel. Par exemple, comme dans leproverbe moaga, celui qui consent àmentir en échange d’un dîner. Ou en-core, celui qui s’improvise croque-mortpour avoir un gros mouton. La sociétédéclare ne plus pouvoir compter sur cethomme qui, ainsi et à ses yeux, necompte plus.

À contrario, celui qui enfreint la loi parsouci pour un parent, par fidélité à unami, par gratitude à un bienfaiteur oupar solidarité avec un associé, n’estpas l’objet d’une condamnationdéfinitive et sans nuances. Mieux, c’estplutôt celui qui par respect pour la règlenéglige de couvrir un parent ou un amien danger, sera parfois couvert demépris. Cela vient du fait que lasolidarité est une valeur placéeparticulièrement haut dans l’échelle desnormes sociales. La solidarité per-sonnalisée qui est solidarité de corps,celle que l’on manifeste à l’égardd’individus précis qui font partie de la

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base sociale de votre existence est unimpératif éthique.

Et puis, les Anciens semblent dire qu’àl’impossible nul n’est tenu. On ne peutpas demander à quelqu’un de respecterdes normes abstraites quand ses inté-rêts concrets sont en jeu. Or les intérêtsles plus inestimables sont ceux qui sontliés à la famille et à l’amitié pour les-quelles le devoir de fidélité est sacré.C’est un sentiment de ce genre quijustifie qu’un magistrat puisse se dé-sister quand il a des parents parmi lesparties en cause dans le dossier dont ilest chargé: "On ne met pas des caillouxdans l’aliment qui va passer sous sadent".

Le point de vue moral sur la corruptiona ainsi tendance à la situer au niveaudes rapports sociaux qui structurentofficiellement ou souterrainement lacommunauté. L’effort de l’individu doittendre vers le maintien de ces rapports.Et la société ne considère pas, de cefait, que c’est un signe de faiblesse dele faire éventuellement au prix d’uneentorse aux principes. C’est pourquoi L.Ki-Zerbo a raison, dans l’analyse de lanotion de la corruption chez les Samo,d’insister sur les notions de fidélité etde serment. L’homme véritable est celuiqui est fidèle à ses engagements. Orles engagements par lesquels l’individudoit se sentir le plus impérativement liésont ceux qui portent concrètementl’existence de la communauté et aussila sienne propre. On n’est vraimenthomme que dans l’exacte mesure où lasociété, la famille, les amis, etc. peu-vent compter sur vous en toutes cir-constances. Par conséquent, on perdde sa qualité d’homme quand on trahit;on se corrompt quand on n’honore passes engagements quand on ne res-pecte pas la parole donnée qui vous lieà autrui, de telle sorte que les fils quivous rattachent à la communauté serelâchent et que vous devenez, de cefait, comme quelqu’un qui a perdu soninscription dans l’espace social.

Il faut reconnaître que la conceptionmorale de la corruption est, encore

aujourd’hui, largement acceptée. Lesenquêtes du REN-LAC montrent queles Burkinabè croient, massivement,que la corruption se développe parceque la conscience morale se relâche deplus en plus: "perte de la valeur morale"(REN-LAC, 2001a, p.66), "absenced’intégrité", de dignité et d’honneur,"perte du sens de l’intérêt général" etdu service public (Ibidem), telles sontdes causes couramment alléguées dela corruption. En conséquence, on nevoit de solution à ce phénomène quedans la "moralisation", dans "l’éduca-tion civique" et dans l’adoption decodes d’éthique (Ibidem), seules capa-bles de guérir les individus du goût du"gain facile" et de l’avidité.

6.2.3. QUELQUES MANIFESTATIONSDE LA CORRUPTION DANS LESSOCIÉTÉS TRADITIONNELLES

ompte tenu de ce qui a été dit surquelques traits caractéristiques des

sociétés traditionnelles et sur leur no-tion de corruption, on ne s’étonnera pasde constater que ce que nous dési-gnons sous ce mot n’apparaîtra sou-vent que sous la forme de l’abus depouvoir ou du détournement d’unefonction de service public pour servirdes intérêts particuliers.

Comme tout détenteur de pouvoir,l’autorité traditionnelle peut commettredes abus assimilables à la corruption.Jean Pierre Jacob (op. cit. p.19) parlede certaines noblesses winye particuliè-rement "gourmandes" auxquelles lespopulations résistent par des migra-tions, des renversements de chefs, sielles ne se contentent pas de "laisser lechef avec Dieu". Les chefs peuvent envenir aussi à abuser du principe quiveut que l’objet d’un litige leur soitconfié jusqu’au règlement de lacontestation. On peut parler ici de cor-ruption, c’est-à-dire au moins de dé-chéance déontologique, dans la me-sure ou le chef se prévaut d’une posi-tion de pouvoir conférée par une fonc-tion de service public, pour servir des

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112 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

intérêts privés, personnels. Et cela arri-vait peut être assez fréquemment.

Un musicien traditionnel (Yiungo) ditceci de très illustratif dans une de seschansons: «Le règne de Naaba Koomest juste et bon. Un point cependant faitdésordre: "Attraper l’enfant pour payerle Blanc"». On sait que pendant lestravaux forcés, il y eut des chefs qui,pour épargner certains de leurs sujetsde ce calvaire, faisaient aux Blancs des"dons" en tous genres. Il en était demême pour le recrutement des enfantsqui devaient être envoyés à l’école, etdu recrutement en faveur des armées.Et même si tous ces faits concernent lapériode coloniale, on ne peut pas nierqu’ils traduisent un état d’esprit peuorthodoxe.

Il y a de bonnes raisons de penser queles procès donnaient lieu souvent à desactes de corruption dans la mesure oùles parties en conflit pouvaient faireassaut de cadeaux pour convaincre lechef de donner un verdict en leur fa-veur. L’histoire des deux protagonistesqui voulurent corrompre le chef en luiapportant, l’un un canari de miel (ou dedolo), l’autre un bœuf (ou des boucs)revient souvent. Elle est racontée dansMorale et corruption dans des sociétésanciennes du Burkina (REN-LAC,2001b) par trois auteurs avec des va-riantes mineures. Comme l’écrit Jean-Pierre Jacob, cette "anecdote (…)paraît suffisamment "saillante" (c’est-à-dire stéréotypique et répandue) pourpouvoir appartenir à un registre narratifnon contemporain, et donc témoignerd’un modèle théorique historique."(Idem, p.9).

Le griot est souvent apparu commequelqu’un qui est facilement sujet à lacorruption. On raconte qu’il lui arrived’user soit de la force de sa parole pourcorrompre par la flatterie, soit de saposition d’historiographe du roi pourfaire pression sur ce dernier afind’obtenir pour lui-même des avantagesdivers. Albert Ouédraogo dans un arti-cle que cite Prosper Farama affirmeque le couple chef/griot entretient des

relations qui sont des rapports de cor-ruption mutuelle: le chef posant pourl’histoire, a besoin de la complaisancedu griot pour lui dessiner, par sa paroleagrémentée, un portrait flatteur. De soncôté, le griot a besoin des largesses duchef (ou du roi) dont il dépend pour,simplement, vivre (REN-LAC, 2001b,p.74-75).

Ce point de vue appelle quelques re-marques. En réalité, le rôle du griot esttellement éminent dans l’élaboration etdans la transmission du récit central dela communauté, dans l’encodage del’image que la société se fait d’elle-même qu’il est fort probable que safonction était très précisément réglée,et soustraite dans une mesure consé-quente à la possibilité de sa manipula-tion indue.

Chez les Moosé, l’historiographe autam - tam du chef est l’un de sesministres les plus importants. On auraitdonc tort de considérer la fonction degriot comme une espèce de professionlibérale dont l’exercice se ferait selondes modalités négociables entre lechef/roi et le griot sans que la sociétén’interfère. Évidemment, comme tou-jours, il est possible, dans un cas par-ticulier, qu’il y ait un écart entre les prin-cipes et la réalité. Un chef particuliè-rement fort et autoritaire peut en venir àvassaliser complètement le griot. Ungriot à forte personnalité peut profiterde la jeunesse ou du manque decaractère d’un chef pour s’imposer à luiet négocier, à son propre avantage, lesconditions de sa mission.

Toute fonction peut être mise au servi-ce d’intérêts privés, et servir ainsi lacorruption. Cela arrive quand celui quil’exerce nourrit des intentions corrup-trices; il détourne alors la fonction de samission première de service public, etceci est relativement aisé quand, avecle temps cette mission tombe en désué-tude. Quand une fonction perd sa subs-tance, tout peut arriver.

En fait, ce n’est jamais sans anachro-nisme qu’on peut chercher à établir

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 113

l’évidence d’une corruption massivedans les sociétés anciennes. En effet,une telle opération implique que l’onperd de vue l’épaisseur du temps histo-rique, et que l’on transplante des prati-ques culturelles dans un environnementidéologique moderne. Quand P. Fa-rama fait du "griot (…) l’exemple d’unecorruption systémique", on ne peuts’empêcher de penser qu’il a pris leparti déterminé d’imposer les normescontemporaines sur la vie des Anciens.Adopter un tel procédé, c’est s’autoriserà voir partout dans les sociétés ancien-nes de la corruption ce qui est loind’être une réalité.

6.3. CORRUPTION ET MUTA-TIONS SOCIOCULTURELLES

6.3.1. LE CAS DE LA RÉVOLUTIONET DU CNR

a place de la corruption dans lessociétés anciennes est difficile à

analyser parce que notre informationsur ces sociétés est imparfaite et su-jette à caution. Cette difficultés’explique aussi par la démarche quiconsiste à chercher des preuves d’unecorruption suffisamment aggravée dansdes sociétés supposées être à l’apogéede leur épanouissement culturel.

En effet, si l’on peut raisonnablementpenser que toutes les sociétés connais-sent la corruption, on considère généra-lement néanmoins que celle-ci se déve-loppe gravement dans un contexte derelâchement de l’encadrement institu-tionnel. J. P. Jacob écrit que les attitu-des corruptionnistes "sont des attitudespartagées par toutes les époques, àpartir du moment où celles-ci ont encommun un environnement institution-nel défaillant". Le REN-LAC indique "ledysfonctionnement de l’Administration"comme l’une des causes les plus im-portantes de la corruption (REN-LAC,2000, p. xiii).

En effet, la corruption a quelque choseà voir avec le déclin et la décadence.Quand une culture commence à perdrede sa vitalité, elle cesse d’être uneculture pour ne plus être qu’une civili-sation selon la distinction de Spengler.Ses structures deviennent des coquillesvides. Il suffit alors d’un peu d’audaceou d’une pression un peu forte desbesoins (c’est le thème des "bas salai-res") pour que l’hyène se glisse danscette peau de brebis afin de tromperson monde. Cela explique que lescultures traditionnelles, qui sont enperte de vitesse devant l’avancée irré-sistible des valeurs culturelles moder-nes, voient leurs cadres perdre leursignification originelle et apparaîtrecomme des sources de comportementssusceptibles d’engendrer la corruption.

C’est parce que les valeurs tradition-nelles qui assuraient la socialisation del’individu sont désormais en voie depéremption qu’elles peuvent être ex-ploitées massivement maintenant à desfins particulières. En effet, la corruptionest liée à l’égoïsme, à tout ce qui tournel’attention de l’individu exclusivementvers ses intérêts les plus personnels,en le détournant de l’espace public.

C’est dans cet esprit que certains ontcru pouvoir situer le moment historiquedu développement considérable de lacorruption au Burkina dans les annéesdu pouvoir du Conseil National de laRévolution. Le REN-LAC rapportel’opinion suivante au sujet de la causede la corruption: "C’est l’éducation debase qui est fondamentale: c’est elleseule qui permettrait à l’agent de placerson devoir professionnel avantl’enrichissement. C’est ainsi que lacorruption s’est aggravée avec la géné-ration actuelle qui est issue d’une pé-riode où les dirigeants ont voulu fairetable rase du passé sans discerne-ment" (REN-LAC, 2001a, p. 51).

Selon ce point de vue, le C.N.R. qui avoulu insuffler aux Burkinabè l’audacede l’initiative, "l’esprit d’oser lutter", a,ce faisant, appris aux gens à transgres-ser les tabous, et donné aux ambitieux

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114 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

l’audace de tous les coups tordus. Alorsque les Voltaïques avaient l’habitude dela simplicité, et avaient tendance à secontenter de peu, le CNR. a appris auxBurkinabè à relever la tête et à voirgrand. Avec la dénonciation des "vesti-ges des forces féodales", et les effortspour briser les bases sociales des an-ciens hommes politiques, le régimerévolutionnaire a achevé de déstructu-rer, en profondeur, la société.

En schématisant un peu, on peut direque les structures révolutionnairesn’étaient pas encore suffisammentprofondes pour pouvoir réussir un en-cadrement mental efficace. Malgré cehandicap, elles libéraient les esprits despuissants cadres traditionnels. Ducoup, on a su qu’on pouvait marquer leplus grand irrespect pour des chosesqui faisaient l’objet d’un respect sécu-laire: le culte du travail, le sens du de-voir, etc. Conséquences possibles àlong terme: l’esprit du "gain facile", lerecours à des raccourcis, l’audace quirend l’individu disponible pour toutesles entreprises aventureuses, toutesces attitudes qui constituent un terrainfertile pour la corruption gagnent duterrain. Celui qui pratique la corruptionactive n’est pas dans le même espritque le!"traditionaliste" qui fait un donquelconque au chef. Alors, en effet, quece dernier se tient soumis à la coutume,à l’autorité, le corrupteur a, en réalité,l’audace de défier l’autorité qu’il veutcorrompre, de passer outre la loi.

Les enquêtes du REN-LAC font voirque dans l’opinion, on a une cons-cience aiguë du fait que c’est une "nou-velle mentalité" (REN-LAC, 2001a, p.51) qui cultive la corruption. Dans lacupidité qui pousse les agents publicsde tous ordres à pratiquer la corruption,on perçoit la prégnance de nouveauxstandards de vie qui coûtent particuliè-rement cher. Ainsi, s’est instauré unclimat mental "qui rend plus pénible lefait de ne pas posséder ou de possédermoins, que de posséder des biens mal-honnêtement acquis" (Ibidem).

Cette analyse semble contredire les

vertus prêtées au régime du CNR,celui-ci a pu être présenté comme unmoment où la corruption a été combat-tue vigoureusement. Dans cette opti-que, il aurait initié des changementssocioculturels favorables à la luttecontre la corruption: mise en placed’instruments effectifs de lutte contre lacorruption, institution des TPR à la foiscomme instrument de répression etd’éducation, promotion d’une idéologiede l’intégrité, … On a pu même direque les années CNR ont été celles oùla corruption a le plus considérablementdiminué au Burkina.

6.3.2. L’HÉRITAGE COLONIAL

outefois, on peut estimer qu’il y a euun dérapage dans les attitudes en-

vers la corruption à partir du grandchambardement colonial et post-colonial. Ainsi, l’intérêt a été porté deplus en plus aux questions matérielles.Alors qu’auparavant, on courrait aprèsles honneurs, et on cherchait à protégersa dignité, la colonisation va enclencherun processus de mutation socioculturelle dont l’effet sera la mise au premierplan des biens matériels qui s’imposentdésormais comme valeurs centrales.

On a souvent désigné l’institution del’impôt comme une cause importantedu développement de la corruptiondans l’Afrique coloniale. La nécessitéd’avoir la somme due au titre de cetimpôt, la peur de l’humiliation et dessévices qui sanctionnaient l’incapacitéde s’acquitter du "prix de la vie", celadonnait aux populations africaines unsens largement nouveau de la valeurde l’argent qui apparaissait désormaiscomme pouvant faire sinon le bonheur,du moins la sécurité et la paix. C’est,d’ailleurs, à cette occasion que certai-nes populations se sont mises à prati-quer les cultures de rente.

L’introduction de ces cultures est sour-ce d’un changement important dans lesmentalités puisqu’elle se place dans lalogique de la recherche de l'argent pour

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 115

Encadré 6.1. Dignité et morale dans les sociétés traditionnelles

On considère généralement que les sociétés anciennes valorisaient au plus haut point la dignité,l’honneur, la probité, la famille, la solidarité et le respect absolu pour les traditions vénérables. Parexemple, l’Abbé André Jules Boncoungou donne comme "valeurs fondamentales" de l’éducation chezles Moosé: la piété filiale entendue comme "soumission aux parents, aux aînés et à tous les anciens duvillage" auxquels on doit le plus grand respect (1971, p162) Lazare Ki - Zerbo insiste sur l’honneurcomme valeur centrale dans le système moral traditionnel des Samo (REN-LAC, 2001b,p. 62). Enprincipe, ces valeurs sont censées éloigner, des individus et des groupes sociaux, la volonté de se servird’abord, envers et contre tout, qui est tout l’esprit de la corruption. Les Moosé désignent l’hommevéritable par le mot "Burkina". Et ils pensent, sous ce mot, à un homme qui possède toutes les vertusdésirables: un homme qui dit la vérité, quoi qu’il lui en coûte, un homme qui tient la parole et à qui, parconséquent, on peut se fier, un homme qui ne trempe jamais dans des transactions dont la clarté n’estpas des plus nettes. On voit bien qu’une société qui parviendrait à former ses membres, de telle sorteque chacun d’eux conforme ses actions aux exigences d’un idéal aussi élevé, se débarrasserait de lacorruption à coup sûr et totalement. Nous sommes ici encore devant l’évidence de l’idée que la sourcede la corruption est d’abord dans le cœur de l’homme, que c’est à l’individu et non aux institutionsqu’incombe la responsabilité pénale, politique et morale de son acte. Dans l’optique de la plupart dessociétés anciennes, c’est l’indignité de l’individu qui affecte la communauté et non l’inverse. Et si lafamille ou le village pâtit de l’inconduite d’un de leurs membres, c’est généralement parce qu’une fauteextrêmement grave rompt l’harmonie qui doit régner, dans le monde, entre le visible et l’invisible, l’ici-bas et l’au-delà, l’humain, le zoologique, le végétal, l’inorganique, etc. Du coup l’individu devient unevictime expiatoire trop dérisoire. Et la règle de solidarité intervient et s’impose en invoquant uneresponsabilité collective sous la forme un peu forcée d’une défaillance de l’encadrement pédagogique.

En somme, les sociétés traditionnelles, loin de noyer la responsabilité individuelle dans uneresponsabilité collective, donnaient à leurs membres une conscience aiguë de leurs devoirs personnelsqui culminent dans les notions de dignité, de probité et de fidélité. Ces normes sont destinées àéradiquer la corruption depuis le cœur de l’individu. La dignité et l’honneur impliquant la probité, lanécessité de s’éloigner des entreprises qui compromettent l’individu en ce sens qu’elles l’entraînent àposer des actions dont il ne peut pas être fier: faire argent de toute main, "se vendre", tricher, ignorer ledroit d’autrui, etc.

En réalité, il faut tenir compte, ici, de la hiérarchie des valeurs. On peut dire que, d’une certainemanière, la fidélité passe avant toute autre considération: fidélité à la famille, au village, aux amis, à soiaussi. De telle sorte qu’une action contraire au principe d’honneur et de dignité peut être excusablequand on cède ainsi devant les intérêts supérieurs de la communauté, de sa famille, de l’amitié, etc. Leconflit des valeurs peut bousculer les principes qui commandaient une conduite au-dessus de toutsoupçon. La fidélité, entendue au sens de solidarité impérative, a un pouvoir étendu de transformationplus ou moins complète dont l’effet est d’enjoliver les actes ordinairement réprouvés, et de les faireapparaître sous un jour honorable. Toutefois, on conviendra que cette situation limite considérablementla corruption dans la mesure où l’individu n’est pas encouragé à rechercher par tous les moyens ladéfense de ses intérêts personnels stricts. D’autre part, dans les faits, les situations dans lesquellesl’individu est amené à trancher inconditionnellement en faveur de la famille, de la communauté àlaquelle il appartient, ou de ses amis, n’ont pas, la plupart du temps, une dimension économique. Ils’agit, en général, de situations dans lesquelles ce qui est en jeu, c’est plutôt l’honneur que des biensmatériels. De telle sorte qu’on peut dire qu’il n’y a pas, en toute rigueur, domination d’une valeur(fidélité ou solidarité) sur les autres (honneur, dignité et probité), mais renforcement d’un principe parun autre . En effet, l’individu n’a pas à choisir entre l’honneur et la fidélité à sa famille, il doit choisirentre son honneur personnel et l’honneur de sa famille. Ainsi, il est raisonnable de considérer que lesprincipes de dignité, d’honneur et de probité constituent une espèce d’idéologie destinée à agir, enprincipe contre la possibilité d’un développement important de la corruption. Il est clair toutefois qu’ilfaut éviter toute vision romancée de la situation parce que des normes comme la dignité ou l’honneursont susceptibles, dans les cas concrets, d’être interprétées diversement, et de justifier des actes trèséloignés les uns les autres.

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116 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

lui-même, et par la suite, d’une accep-tation des pratiques d’accumulation.Dans les sociétés traditionnelles, no-tamment dans les sociétés égalitaires,une telle accumulation était souventmal vue et proscrite. En effet, onconsidérait qu’elle était susceptibled’entraîner des différences entre lesfortunes qui, si elles atteignent uncertain niveau, menacent le principed’égalité parce que celui qui est beau-coup plus riche que les autres risquetoujours d’avoir un ascendant redouta-ble sur l’ensemble de la communauté.C’est pourquoi, chez les Samos parexemple, les surplus étaient "redistri-bués de façon ostentatoire dans lescérémonies religieuses, ou bien dans lecadre d’une sociabilité communautaire,au cabaret" (REN-LAC, 2001b, P.61).Cet état de choses va changer profon-dément et rapidement.

Un autre fait majeur qui avait lieu pen-dant la période coloniale est l’institutiondes intermédiaires qui se sont signaléspar leur vénalité et leur brutalité. Lesinterprètes, les secrétaires, les garde-cercles constituaient une nouvelleclasse sociale qui donnait des exem-ples de la manière dont la force et lepouvoir pouvaient être utilisés dans lesens des intérêts individuels. HampâtéBa note que "la perception de l’impôt decapitation [fut] une source d’abus de lapart des divers intermédiaires". Et La-zare Ki-Zerbo qui cite ce mot considèreque "la mise en place d’intermédiaireset d’auxiliaires administratifs [donna]naissance à une catégorie d’acteurstrès corruptibles" (REN-LAC, 2001b,p.62). Ils vont exploiter leur proximitéavec le Blanc et leur connaissance destraditions culturelles africaines pourélaborer des stratégies d’enrichis-sement personnel sur le dos despopulations.

L’Abbé Boncougou dit par exemplequ’ils se sont posés en ‘‘nouvelle chef-ferie’’ qui enseignait la corruption. Parexemple, les chefs traditionnels crai-gnaient les secrétaires, "ces fonction-naires armés, rudes, intransigeants,prêts à brutaliser ceux qui résistaient à

leurs ordres" et dont ils apprirent à"acheter" le silence au prix qu’il fallait(Boncougou, 1971, P.77-81). On peutexpliquer le comportement desauxiliaires par leur "formation som-maire". Il y avait certainement aussi leréflexe du parvenu, et l’avidité aiguiséepar les possibilités offertes par les fluximportants de biens matériels quis’accumulaient dans des proportionsqu’ils n’avaient jamais vues: arachides,noix de karité, coton, argent, tous cesbiens étaient rassemblées dans lesvillages sur un ordre du commandantpour être acheminés à Ouagadougou. Ily avait probablement aussi le désird’imiter le Blanc dont ils étaient descollaborateurs proches, et le fait queces intermédiaires, tout en connaissantles us et coutumes africains, en étaientaffranchis.

Ce sont à peu près les mêmes causesqui vont expliquer le détournementpost-colonial de certaines traditionsvers des objectifs qui engendrent lacorruption. La tradition du don s’estdégradée en pratique de corruptiondans la mesure où elle sert maintenantdes stratégies personnelles d’accumu-lation. Comme l’indique OusmaneDianor, la redistribution va désormais"dans les réseaux d’adhésion", parexemple dans des circuits de mili-tantisme politique partisan.

De la même manière, ce sont les aspi-rations individuelles à un certain niveaude vie et à un style de vie, dont lesmodèles sont occidentaux, qui expli-quent parfois les détournements defonds. Et là encore, il faut admettre quel’incitation peut venir directement desOccidentaux. Ainsi, Marilo Mathieu écritque les pratiques de corruption dansles projets de développement "ont étéprovoquées souvent délibérément parles expatriés eux-mêmes, arrivés avecles opérations de distribution massivede vivres à partir de 1979, puis avec lesprogrammes d’aide alimentaire. Il fallaitaller vite, passer outre les procéduresadministratives, les autorisations". Delà, la mise en place de "caisses noires",ou des "enveloppes diplomatiques",

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 117

(Giorgio Blundo, 2000, PP.127-128).

Les corrompus en viennent même àêtre arrogants et agressifs à l’égard dela critique. Comme l’écrit J. Bouve-resse, quand la corruption règne sur lasociété, "l’honnêteté ne fait pas le poidsdevant le culot", et "l’imagination mo-rale devient si pauvre et si stéréotypéequ’on ne trouve plus, pour expliquer lecomportement des contestataires (…)que des motivations personnelles peuhonorables et même franchement sus-pectes" ( Idem, p.164).

En parcourant le rapport 2001 du REN-LAC, on se rend compte du niveau quel’arrogance des corrompus a atteint auBurkina: "Le REN-LAC même est unréseau de voleurs" (p.7-8), "vous duREN-LAC, vous nous fatiguez pourrien. Foutez le camp!! Vous gâtezmême les affaires des gens. Vous-mê-mes, vous êtes corrompus" (p.8), telssont les propos que les enquêteurs ontdû subir.

La corruption est "normalisée":"(…) onne peut pas éradiquer la corruption.C’est normal d’ailleurs. Je suis pour sasurvivance" (p.37). Pourquoi ne peut-onpas lutter contre la corruption!? Parceque "tout le monde est corrompu".

Et pourquoi ne faut-il pas lutter contreelle!? Parce que ceux qui s’y livrent nesont pas mauvais; ils veulent seulementvivre: "On cherche notre pain". Conclu-sion: "la corruption est un mal néces-saire" (p.7). Les mots perdent leurssens: "Je ne considère pas cela commede la corruption, c’est une façon demaintenir de bonnes relations entre lesagents et nous". Pour un peu, on trou-verait même étrange le désir de luttercontre la corruption.

La corruption change l’échelle des va-leurs. Par exemple le travail perd deson intérêt au profit des expédients quirapprochent plus ou moins indûmentdes sources d’enrichissement. En gé-néral, c’est la politique qui suscite desvocations. La vertu est découragée,l’honnêteté rend les armes: "Les ensei-gnants, à force de voir les autres arna-

quer les populations sans être inquiétésont décidé de leur emboîter le pas".C’est la course aux "postes juteux" audétriment des métiers où l’on peuts’épanouir d’un point de vue moral etintellectuel. Comme le sens du bienpublic s’est corrompu, la citoyenneté nes’exerce plus de manière pleine et en-tière.

Encadré 6.2. Transformations socioculturelles dufait de la corruption

Dès que la corruption trouve un terrain favorablepour s’établir, elle renforce les conditions qui luipermettent de se développer toujours plus. Elle apar exemple, le pouvoir d’annihiler la consciencemorale et de rendre ainsi les individus insensibles àla critique, compliquant ainsi à l’extrême, la tâchede ceux qui luttent contre elle. Karl Kraus qui aconsacré sa vie à combattre la corruption,notamment celle qui sévit dans la presse, écrit:"Dans les époques d’élévation morale, le blâmeaiguise les consciences, dans les époques de déclinmoral, il les émousse. Car il y a deux façons derépondre aux attaques: que les organes de défensesoient renforcées ou que l’organisme devienneinsensible. Nous vivons une époque de décadencemorale, et par conséquent d’endurcissement moral.Il est plus difficile que jamais aujourd’hui des’attaquer aux profiteurs de la corruption, parcequ’ils se sont rendus insensibles à toute attaque"(Bourveresse, 2000, p.171). C’est ainsi que PierreYaméogo met en scène un signalé corrompu queses concitoyens appelaient, significativement,"10%". Comme sa fille s’enquérait auprès de luisur ce qu’il en était réellement, il répondit,goguenard, que ses détracteurs étaient bien enretard, qu’il y avait longtemps qu’il n’acceptaitplus seulement 10% de commission sur chaquemarché qu’il aidait un particulier à obtenir; il étaitpassé à 15%. On peut dire qu’il arrive bien souventque la réalité quotidienne dépasse l’imagination del’artiste.

D’ailleurs, de la même façon que l’indi-vidu ne vit plus son statut de citoyenavec toutes ses exigences, de mêmel’Administration corrompue ne luiassure plus tous les droits qui s’atta-chent à sa qualité de citoyen.

Enfin, en accentuant la pauvreté, la

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118 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

corruption réduit les possibilités dedéveloppement et même de survie decertains secteurs de la culture. En effet,"elle fausse (…) les décisions àl’avantage des entreprises à forte inten-sité capitalistique (plus lucratives entermes de corruption) et au détrimentdes activités [qui bénéficient] auxpauvres" (PNUD/Burkina, 1998).

6.4. MESURE DES DIMEN-SIONS SOCIOCULTURELLESDE LA CORRUPTION

es sociétés traditionnelles ré-glaient leur existence sur le prin-cipe de la solidarité qui implique la

conscience de la valeur absolue, del’intérêt général. De telle sorte que lesactes posés par les individus, maisencore plus par ceux qui détiennent lepouvoir, sont guidés par le souci depromouvoir l’intérêt de la communautéen maintenant l’équilibre entre leshommes et leur environnement, entreles individus, et entre les groupes so-ciaux. Il y a la recherche constante dela mesure, fondée sur l’idée qu’un cer-tain excès serait inévitablement fatal àla communauté et donc, bien entendu,aux individus. De là, la pratique du donqui vise à la fois l’instauration de rela-tions conviviales, la réciprocité dans lesouci de l’autre, et la redistribution enfaveur des couches les plus défavori-sées de la population dont la pauvretéa atteint un certain seuil considérécomme la limite au-delà de laquelle lemanque devient inacceptable au seind’une communauté digne de ce nom.

Or le nouveau code des valeurs privilé-gie l’intérêt individuel, l’accumulationpersonnelle de richesses à laquelle onse livre, sans s’imposer une limite quel-conque. Pris au point de collusion deces représentations de la vie, de cessystèmes de normes, l’individu dé-tourne l’ancien code de sa destinationprimitive, pour servir ses intérêts pro-pres. Il faut d’ailleurs reconnaître que

ce code a perdu une bonne partie de sasubstance par suite du fait colonial.C’est ainsi que, comme l’explique Ous-mane Dianor (Giorgio Blundo, 2000,p.157), l’accaparement redistributif con-duit maintenant à une corruption préda-trice dont l’objectif principal est lerenforcement de la légitimité de l’éliteau pouvoir par le biais du clientélismeet du patronage.

On peut considérer les questionssuivantes comme pouvant constituer unoutil de mesure des dimensionssocioculturelles de la corruption:

• L’intégrité est-elle considérée com-me un principe important de ré-gulation de la vie de la communauté,des groupes et des individus!? Oubien, est-elle, au contraire, considé-rée comme une valeur désuète!?

• L’idéal qui inspire l’action des grou-pes et des individus relève t-il de lavolonté de "réussir dans la vie" àtout prix ? Le travail perd-il enconsidération au profit d’expédientsdivers qui assurent le "gain facile"!?

• Le sens du service et du bien publicsubit-il une érosion importante!? Lesgens sacrifient-ils plus volontiersl’intérêt général à leurs intérêts par-ticuliers!?

• La pratique des dons et del’hospitalité prend-elle la forme inté-ressée des pots-de-vin ou du clien-télisme!?

• Les organes politiques traditionnelssont-ils détournés du service publicvers la promotion d’intérêts particu-liers (enrichissement personnel, né-potisme, régionalisme, tribalisme)!?

On a en souvenance ces images despériodes coloniales où l’on voit quel-ques parents d’élèves offrir un coq àl’instituteur du village. La perception dugeste diffère selon les cultures. Ici on aun geste normal, "africain", qui valorisele donateur à ses yeux. Donner unprésent au chef de village, au préfet, àl’instituteur, à l’infirmier, … était-ce le

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"Corruption et développement humain"Corruption et valeurs socioculturelles 119

point de départ de la corruption de l’ad-ministration ou la manifestation de rap-ports de convenances somme toutenormale ou jugée comme telle!?

Aujourd’hui, le phénomène a subi unedéviance dans l’esprit, une extrapo-lation dans la pratique tout en conser-vant cette substance de valorisation desoi-même et du respect de l’autre. Saufbien entendu pour ce qui est des casde trafic d’influence.

CONCLUSION

ien entendu, les traditions quiorganisaient la vie des sociétésanciennes ne peuvent plus être

toutes réhabilitées. Même quand unepratique ancienne nous paraît bonne, iln’est pas certain que l’on puisse luiredonner la vie, ni qu’elle puisse aujour-d’hui produire les fruits qui en faisaientla valeur autrefois. Cependant, on peutessayer, sur certains points, sinon deréinstituer des codes anciens, du moinsde suivre l’exemple des hommes dupassé, de nous inspirer de leur stylepour essayer de faire barrage aux prati-ques que nous rangeons ordinairementdans le registre de la corruption.

Par exemple, on pourrait mener uneréflexion autour du mode de gouver-nement de la cité. Il y avait, dans lessociétés anciennes des principes quiassuraient une relative transparence deges

la gestion des affaires publiques sansque cela n’implique un engagementfinancier propre à susciter des convoiti-ses de toute nature.

La manière dont le chef était vérita-blement entouré, surveillé, contrôlé etguidé, peut éventuellement inspirer desréflexions sur le moyen de mettre enplace un mode de gouvernement res-ponsable où les principes s’impose-raient réellement à tous (bonne gouver-nance).

De la même manière, l’éducation tradi-tionnelle, loin d’être seulement une en-treprise vouée à l’instruction simple, àl’acquisition de connaissances et d’ap-titudes techniques, méritait vraiment lenom d’éducation en ce sens qu’elleétait attachée à promouvoir des valeursessentielles qui donnent à l’individu lesens de la communauté et, donc, dubien collectif, de l’intérêt général. Celaest essentiel, par exemple, pour la miseen place de systèmes d’intégrité solideset fiables comme le recommandeTransparency International (2002).Enfin, l’esprit de responsabilité qui acaractérisé les sociétés traditionnelles(l’individu est responsable de ses actes,et il est responsable du bien-être detous; la communauté dans son ensem-ble est responsable de l’intégration - etde l’intégrité!?- de l’individu, ce quidonne son sens et sa nécessité à lapratique de l’éducation collective) est,selon toute évidence, une clef de lalutte contre la corruption.

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120 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadre 6.3. Corruption et proverbes

Contre!?• Entre dîner au prix du mensonge, et jeûner pour prix de la vérité, le choix d’un homme

digne est clair.• L’homme digne préfère la pauvreté au discrédit.• On ne s’improvise pas croque-mort à la vue du gros mouton destiné à ceux qui enterrent

le mort.• Un morceau de figue qui honore est préférable à une noix de cola qui déshonore.

Pour!?• Ce n’est pas quand ta mère est préposée au partage des beignets, que tu peux craindre

d’en manquer.• L’enfant intelligent achète les beignets de sa mère: les beignets sont pour sa mère,

l’argent est pour sa mère• On ne peut pas partager le miel sans se lécher les mains.• La chèvre broute là où elle est attachée.• Là où la rivière se fait tortueuse, là aussi le caïman doit faire des contorsions.• D’une bouche aigre ne sortent que des paroles aigres.• Nul ne met du sable dans ce qu’il doit manger.• La bouche qu’emplit la farine est réduite à l’impuissance.

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"Corruption et développement humain"Corruption et secteurs sociaux de base 89

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CHAPITRE 5

CORRUPTION ET SECTEURSSOCIAUX DE BASE

INTRODUCTION

’accès des populations les pluspauvres aux services sociaux debase constitue une préoccupation

majeure de l’État Burkinabè, qui l’asitué de ce fait au cœur de ses politi-ques de développement. Elle figure eneffet en bonne place dans le CadreStratégique de Lutte contre la Pauvreté(CSLP) dont elle constitue un des axesprioritaires. Toutefois, la mise en œuvrede cette politique n’a pas produit à cejour les résultats escomptés.

La corruption est perçue aujourd’huicomme un phénomène répandu aussises effets sur les secteurs sociaux debase doivent être étudiés. Dans un telcontexte socioéconomique de pauvretéet de pénurie en services sociaux debase, la corruption apparaît pour lecorrompu, comme une voie rapide poursatisfaire ses besoins et lui procurer lebien-être et le confort social.

Pour cerner l’ampleur de la corruptiondans le domaine des secteurs sociaux,des travaux de recherche et d’inves-tigation ont été menés dans lessecteurs de la santé, de l’éducation, del’environnement, des infrastructures debase (eau, électricité, propriété fon-cière). Le constat est amer et appelleune action vigoureuse pour lutter contre

ce fléau.

5.1. LE SECTEUR DE LASANTÉ

LES ORIGINES DE LA CORRUPTION

e secteur de la santé est paressence celui dans lequel la corrup-

tion devrait être absente. Activité tour-née vers l'allègement des souffrances,la guérison des maux et la restaurationde la dignité humaine, la santé est l’unedes activités les plus nobles que l'êtrehumain puisse exercer auprès de sessemblables.

Dans la société traditionnelle, la méde-cine n'était pas rémunérée. Le poulet,les cauris ou autres biens demandésn'étaient pas conçus comme une rému-nération de l'acte médical mais commeune composante des produits médi-caux. La contrepartie de l’acte médicalconsistait à remercier le guérisseuraprès guérison.

S'il est difficile de définir avec précisionl'époque où le phénomène de la cor-ruption a pris de l'ampleur dans le sec-teur de la santé, tant en médecine tra-ditionnelle que moderne, on peut affir-

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90 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

mer qu’il découle de la conjugaison deplusieurs facteurs comme la croissancedémographique, la stagnation puis larégression de l'offre en service de santécréant un déséquilibre entre l'offre et lademande, la prise de conscience despossibilités d'enrichissement personnel,la perte progressive des valeurs mora-les et sociales attachées à la fonctionde praticien médical, la banalisationprogressive de la souffrance et de lamort, le coût élevé de la santé par rap-port aux revenus des populations.

Ces facteurs ont transformé certainspraticiens en "vendeurs peu scrupuleuxdes soins de santé".

LES MANIFESTATIONS

ans les services de santé, les prati-ques de la corruption les plus

courantes se manifestent à certainesoccasions comme:

La prise des rendez-vous

La fixation des rendez-vous est parfoisfonction de la capacité financière dupatient. Ainsi le patient peut se voir fixerle rendez-vous dans une clinique privéeou dans un cabinet de soins dans lesmeilleurs délais. Bien que travaillantdans une formation sanitaire publiqueet étant rémunéré par l'État, certainsmédecins et infirmiers se constituentune clientèle privée solvable. En écu-mant l'hôpital, ils ne laissent dans lesformations sanitaires publiques que lesindigents ou économiquement faibles,privant ainsi ces structures de ressour-ces importantes qu'elles auraient puencaisser. Cette pratique, que certainsprofessionnels de la santé ne prennentmême plus la peine de dissimuler, créeun manque à gagner important pour lesecteur public.

Les consultations

La démarche normale veut que laconsultation soit payée à la caisse. Autitre des pratiques anormales, on peutconsu

citer les cas suivants:

• Certains praticiens reçoivent lespatients en consultation et se fontrégler directement le prix de laconsultation;

• Certains membres du personnel(infirmiers, brancardiers, gardiens…)démarchent auprès des patientspour leur faciliter la consultation au-près de médecins, moyennant en-caissement d'une certaine somme.Ces patients sont ensuite présentésau médecin comme étant membresde leur famille.

Les opérations chirurgicales

Les pratiques les plus courantes dansces prestations sont surtout les déloca-lisations des patients dans les cliniquesprivées, la réalisation des actes chirur-gicaux dans les hôpitaux publics, suividu transfert dans les cliniques privéeset les petites interventions chirurgicalespratiquées et encaissées directementpar certains infirmiers spécialistes.

Les radiologies

La pratique la plus courante consiste àfaire croire au patient que le service nepossède plus de consommables ou quela machine est en panne. On lui sug-gère alors "la solution": payer une cer-taine somme afin d'obtenir un film. Lesradios sont souvent réalisées en dehorsdes heures de services, les frais sontpayés directement à l'infirmier spécia-liste qui fait lui-même les interpréta-tions. Lorsqu'il juge celle-ci trop compli-quée, il présente le cliché au radiologuecomme ayant été régulièrement réalisé.

Lorsqu'un patient ne passe pas par cecircuit, ses examens sont retardés.Ainsi les consommables, achetés pourle centre hospitalier sont revendus auprofit des agents corrompus. Ces prati-ques sont de plus en plus courantes.Elles conduisent parfois à desinterprétations d'examen de mauvaisequalité qui peuvent conduire à desereurs

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"Corruption et développement humain"Corruption et secteurs sociaux de base 91

erreurs de diagnostic.

Les examens de laboratoire

La pratique de la corruption dans cedomaine emprunte la même démarcheque la radiologie. Malgré le manque detemps et l’absence de réactifs, il existeun circuit parallèle où certains laboran-tins, moyennant finance, font les analy-ses en dehors des heures de services,avec les matériels et les consommablesdu centre hospitalier.

Cette technique bien mise au point estsouvent imparable. Elle s'appuie sur laméconnaissance du fonctionnementdes formations sanitaires et le désarroides patients et de leurs accompagna-teurs face à la maladie et l'urgence dutraitement qui dépend lui-même desrésultats des examens de laboratoire.

LES CAUSES

a société burkinabè semble avoirperdu une partie de ses repères et

valeurs morales. "Perdez l'argent etvous perdez jusqu'à votre père et votremère" dit le nouveau dicton populaire.Le très grand déficit de l’offre sanitaireaccroît les occasions de corruption.Ainsi, le secteur de la santé est devenuun secteur où se développent des idéesmercantiles à l’instar des activitéscommerciales. La situation d'impunitéqui semble être tolérée au BurkinaFaso renforce et consolide la pratiquede la corruption dans les formationssanitaires.

L'IMPACT

ans ce secteur la corruption:

• Établit et entretient une inégalitéd'accès aux soins;

• Déshumanise la pratique de la mé-decine;

• Dérégule le fonctionnement desservices de santé en utilisant lesservices publics à des fins privées;

• Détériore progressivement la qualitédes services rendus, la notion deservice public ayant tendance à dis-

paraître;• Dégrade la capacité opérationnelle

des services et des plateaux techni-ques, les formations sanitairesn’ayant pas suffisamment de res-sources financières;

• Annihile l’efficacité du contrôle desservices et de l'autorité par un jeupervers où chacun tient l'autre.

Il n'est pas rare de voir dans les forma-tions sanitaires des personnes aban-données gémissant ou baignant dansleur sang sans que personne ne sesoucie de leur sort, en raison du man-que de ressources financières oud’accompagnateurs influents.

5.2. LE SECTEUR DE L'ÉDU-CATION

LES MANIFESTATIONS

a corruption se manifeste sous plu-sieurs formes:

Lors des recrutements scolaires enmilieu urbain et périurbain

En principe les effectifs par classe sontarrêtés par les ministères en charge del'enseignement. Au primaire, ces effec-tifs varient entre 65 et 67 élèves pourles classes à simple flux et jusqu'à 90pour les classes à double flux.

Pour éviter les coûts trop élevés del’enseignement privé, les parentsd’élèves ont recours à l’enseignementpublic. Les classes les plus recher-chées sont, bien sûr, celles qui sont àsimple flux; viennent ensuite les clas-ses à double flux. Les directeurs etmaîtres sont donc l'objet de beaucoupde sollicitude. Chaque parent étant prêtà payer pour trouver une place dansune école publique, le phénomène adéveloppé des pratiques de corruption.

Pour les inscriptions, les parents doi-vent accompagner les enfants munisdes documents administratifs nécessai-

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92 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

res. Les inscriptions se font par ordred'arrivée et selon les conditions d'âgefixées par le MEBA. La pratique cepen-dant montre que les enseignants reçoi-vent à domicile les dossiers de certainsélèves à recruter. De ce fait, lors dessessions officielles de recrutement,l'essentiel des effectifs est déjà inscrit.

Dans le secondaire, en complément dubudget insuffisant et pour permettre auxétablissements de fonctionner, l'Étatautorise des recrutements complé-mentaires, appelés "complémentsd'effectifs" qui devraient compléter lesquotas de boursiers et constituerl’effectif global autorisé.

Ces "compléments d'effectifs" ont untarif légal fixé par l’État, mais il arriveque le montant payé soit supérieur etce, au seul profit de l’agent corrompu.Chaque élève recruté par ce biais "rap-porte" 45!000 FCFA à 50!000 francsCFA et jusqu'à 100!000 francs CFAdans l'enseignement technique selon laréputation de l'établissement.

Encadré 5.1. L’importance de l’éducation

"On te dit de la reconnaissance pour ce citoyen quetu as donné au peuple et à la patrie; d’accord maisà condition que tu en fasse un être précieux à sapatrie, utile aux champs, utile en temps de guerrecomme en temps de paix. Ce qui compte avanttout, c’est l’éducation morale que tu lui donnes, lesprincipes comme les méthodes. La cigogne nourritses petits avec les serpents et les lézards qu’elle atrouvés dans les chemins écartés. Quand les ailesleur ont poussé, ils recherchent les mêmesanimaux. Le vautour s’arrache aux chevaux, auxchiens et aux hommes mis en croix pour rapporterbien vite à ses petits des lambeaux de cadavres.Telle est encore sa nourriture une fois qu’il estdevenu grand et qu’il chasse lui-même et niche surson arbre. L’aigle, lui, le noble oiseau de Jupiter,ce qu’il chasse dans les bois, c’est le lièvre ou lechevreuil. Il rapporte ces proies dans son aire. Puisquand ses petits ont l’âge de voler de leurs propresailes, la faim les pousse sur le butin auquel ilsavaient goûté dès leur sortie de l’œuf".

JUVENAL, la décadence, Paris, Aléa, 1999, pp 114-5

Les recrutements parallèles

Les recrutements parallèles existentsurtout dans le secondaire. Le person-nel enseignant et administratif se cons-titue un "stock" d'enfants ou un "fondsde commerce".

Ce sont des "inscriptions pirates", quise font après les compléments d'effec-tifs officiels, où les enfants ne figurentsur aucune liste de l'établissement eten cas de contrôle, les enseignants fontsortir ces enfants. Ces inscriptions va-rient de 30!000 FCFA à 50!000 FCFApar élève. Certains enseignants ont des"listes" de 10 à 20 élèves.

Ces pratiques se font à l'insu du Direc-teur de l'établissement; les enfants"clandestins" n'ont pas de bulletin en find'année. Ils ignorent pour la plupart, lesystème dont ils sont victimes et laprécarité de leur situation.

Même si des sanctions ont été infligéesà certains contrevenants, la pratiquepersiste et s'étend aux personnes ayantdes relations dans le milieu enseignantqui deviennent des démarcheurs et quiencaissent et négocient la place. Leparent de l'élève ne saura pas avecquel enseignant le "deal" a été conclu.

Les exclusions sous conditions

En fin d'année, des enfants devantredoubler sont exclus afin de susciterun "geste" de la part des parents. Le"prix" à payer pour que l'enfant restedans l'établissement varie de 30!000 à50!000 francs CFA suivant la côte del'établissement. Si ces exigences nesont pas satisfaites, l'enfant esteffectivement exclu et la placerevendue à quelqu'un d'autre.

LES CAUSES

'enseignement est un service debase essentiel. L'éducation de

l'enfant étant une obligation morale etsociale, certains parents lui consacrentd'énormes moyens ou font dessacrifices considérables afin que leurs

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"Corruption et développement humain"Corruption et secteurs sociaux de base 93

enfants aient toutes les chances deleurs côtés. Aucune voie y compriscelle de la corruption n’est alorsoccultée.

La faiblesse de l'offre publique, conju-guée à la cherté relative de l'enseigne-ment privé amène les parents à recher-cher des solutions alternatives pourl'accès de leurs enfants au systèmescolaire. La pratique administrative durecrutement pour "complément d'effec-tifs" qui n'a pas pour vocation de facili-ter l'accès des enfants à l'école, ouvreune voie royale à la corruption.

Il faut également retenir la perte desvertus liées à la fonction d'enseignant.Celui-ci, membre à part entière ducorps social, ne peut rester insensibleau courant qui traverse toute la société.Il se voit entraîné, soit par sa proprevolonté soit par la pression socialedans le mouvement collectif de la cor-ruption. La tendance générale étantl'exploitation optimale de toute situationà des fins d'enrichissement personnel,le statut d'enseignant et les servicesqu'il engendre sont monnayés.

L'IMPACT

e secteur de l'enseignement,sensible par essence, est le

véhicule du savoir, donc un facteuressentiel du développement humain.

Les différences observées aujourd'huientre les générations, en termes dequalités morales et techniques sont unerésultante de l'influence de l'enseigne-ment sur l'homme.

L'impact de la corruption sur le secteurde l'enseignement est des plus dévas-tateurs, il se manifeste à plusieurs ni-veaux:

• Baisse progressive et tendanciellede la qualité de l'enseignement dufait d’effectifs pléthoriques dans lesclasses, de la qualité de la formationet des modalités de recrutement desenseignants;

• Baisse de la qualité de la formation

suite à la corruption dans les exa-mens et concours;

• Formation d'enfants sans repèresciviques et moraux;

• Iniquité sociale dans l’accès àl’enseignement.

5.3. LES SECTEURS DE L'EAUET DE L'ÉLECTRICITÉ

'ONÉA et la SONABEL ont lemonopole de la distribution del'eau et de l'électricité dans les

centres urbains et semi-urbains;entreprises tentaculaires elles subis-sent aussi les méfaits de la corruption.

LES MANIFESTATIONS

a corruption se manifeste à tous lesniveaux de la chaîne des presta-

tions des services de l'ONÉA et de laSONABEL.

Établissement des devis

Des agents de ces sociétés subtilisentdes imprimés de devis. Lorsqu'ils sontsollicités par des clients ou des démar-cheurs pour un branchement d'eau. Ilsétablissent alors un faux devis à destarifs prohibitifs. À la remise du devis,ils proposent une intervention pourobtenir une réduction, le client donne lacontrepartie et lorsqu'il revient, le véri-table devis au tarif officiel lui est remis.Le client a donc payé l'abonnement àson juste prix plus un "batchich" qui, enfait, ne lui a rien apporté, sinon qu’il l’aappauvri à son insu.

Branchements

La technique consiste à faire traîner lestravaux de branchement. Les raisonsinvoquées sont nombreuses:

• Manque de personnel pour effectuerles travaux;

• Travaux urgents à réaliser;

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94 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Las d'attendre, le client passe "un mar-ché" avec un agent et les travaux seréalisent normalement. Certains clients,sachant qu'il faut passer par ce cheminpour avoir le branchement, négocientdès la réception du devis et sont servissans attendre.

Lorsque les agents découvrent unbranchement illégal, ils passent un"deal" avec le client indélicat. Le man-que à gagner constitue une rente men-suelle pour l'agent qui accepte de gar-der le silence. Comme dans tout pro-cessus de chantage, les sommes de-mandées augmentent au rythme desbesoins de l'agent malhonnête.

Paiement des factures

Lors des opérations de coupure pournon-paiement de factures, les agentss'arrangent pour couper le vendredimatin. Deux cas peuvent alors se pré-senter:

• Le client ne peut pas payer la fac-ture. Il donne alors quelque chose àl'agent qui ne procède pas à la cou-pure. Le client bénéficie alors d'undélai supplémentaire;

• L'agent procède à la coupure. Leclient est alors invité à aller régler lafacture et à présenter l'ordre derétablissement au service technique,qui va lui proposer un "servicerapide" en dehors des heures deservices. Le client ne voulant pasrester tout le week-end sans eau ouélectricité est obligé de s'exécuter.

Afin de prévenir ces pratiques, la SO-NABEL et l’ONÉA ont mis en place unsystème de contrôle interne.

LES CAUSES

• Le déficit d'information de la clien-tèle. Les délais de branchementsont passés de deux mois à vingtjours pour l'ONÉA et à 15 jours pourla SONABEL. Cependant, cetteamélioration des délais n'est pasconnue de la clientèle et les agents

continuent de monnayer desinterventions pour écourter desdélais qui le sont déjà;

• Le manque de transparence desprocédures. Pour le client, l'abon-nement à l'ONÉA et à la SONABELse résume à la pose de son comp-teur. Il ne connaît pas les étapes quiexistent entre sa demande et la dis-ponibilité de l'eau et de l'électricité;

• L’insuffisance de contrôle desagents;

• L'impunité: les clients, victimes, serefusent à dénoncer les agents in-délicats de peur d'être indexéscomme étant la cause du malheurde l'autre;

L'IMPACT

'impact de la corruption dans cesecteur se traduit par:

• Le renchérissement artificiel du coûtd'accès à l'eau et à l’électricité;

• Les délais artificiellement longs del'accès à l'eau et à l’électricité;

• Le dysfonctionnement des services;

• Les manques à gagner pour lessociétés et les clients.

Les statistiques recueillies auprès dessociétés donnent les chiffres suivantssur l'accès de la population à l'eau et àl'électricité. Pour l'ONÉA, la populationtotale raccordée au réseau sur tout leterritoire est de 2!328!882 en 2000 etde 2!398!748 en 2001, soit une aug-mentation de 3%. Le nombre d'abonnésparticuliers est passé de 55!417 en2000 à 59!815 en 2001, soit une aug-mentation de 8%. Pour la SONABEL,on dénombre 202!175 abonnés surl'ensemble du territoire. Ces chiffresdonnés par les concessionnairesindiquent la faiblesse de la partie de lapopulation qui a accès à leurs services.La forte demande peut expliquer lapression des usagers sur les agents

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"Corruption et développement humain"Corruption et secteurs sociaux de base 95

des sociétés et le développement de lacorruption.

5.4. LES INFRASTRUCTURESDE BASE

ans le domaine des infrastructu-res de base, il est courant deconstater des pratiques de cor-

ruption dans leur réalisation suscitantune vive indignation des populations etdes bailleurs de fonds (cas des routes,écoles, barrages, dispensaires,…).

LES MANIFESTATIONS

u stade de la passation desmarchés, ce secteur est caractérisé

par le manque de transparence. Lecaractère stratégique de cesinfrastructures favorise l'implication dupolitique dans le choix des entreprisesadjudicataires:

• Le marché est donné à l'entreprisequi a "rendu des services",

• Le marché est donné à une entre-prise qui va faire un "retour decommission",

• Le marché est donné à une entre-prise dont le responsable est leprête-nom d'une personnalité,

• Le marché est donné au moins di-sant, même si techniquement on saitqu'il est impossible de réaliser lestravaux dans les règles de l'art à ceprix. Un avenant sera fait en coursde chantier et le coût dépasseraalors le plus disant.

Les appels d'offres sont passés nor-malement, mais le résultat est connud'avance. Malgré les règles de passa-tion des marchés publics et les mon-tants fixés, il n'est pas rare de voir desmarchés d'une valeur considérable(quelques centaines de millions etmême plus d'un milliard) passés de gréà gré. Certains marchés sont "décou-

pés en tranches" inférieures au montantréglementaire de la passation de gré àgré, et donnés à la même entreprise.

Des pratiques scandaleuses se retrou-vent dans les constructions d’infras-tructures publiques, les travaux n'étantpas réalisés suivant les règles de l'art,malgré le contrôle des travaux effectué:

• écroulement des bâtiments avant laréception,

• écroulement du bâtiment à la pre-mière saison des pluies,

• débordement des barrages.

Les entreprises ne sont pas poursui-vies, personne ne s'occupant de lagarantie décennale normalement exi-gée dans les constructions, le seul cri-tère étant d'attribuer le marché aumoins disant.

Pour ce qui concerne le milieu desONG, la corruption y est souvent plussubtile:

• Certains responsables d'ONGmontent leurs propres entreprisespar prête-nom interposé. Le marchéest passé de gré à gré ou parconsultation restreinte, mais "l'en-trepreneur" dispose de toutes lesdonnées pour faire ce qu’il estconvenu d’appeler une "bonne pro-position".

• Depuis un certain temps, on remar-que une implication de plus en plusgrande des responsables d'ONG enpolitique. L'ONG devient alors untremplin pour accéder à des postespolitiques de premier plan.

En effet, pour la population, leresponsable de l'ONG est assimilé àl'ONG et les biens de l'ONG sont lesbiens du responsable. Ainsi on nedit pas du responsable d'une ONGqu'il est président ou secrétairegénéral, mais "qu'il a une ONG", demême on dira, il a X voitures alorsque ce sont les véhicules achetéspar l'ONG.

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• De même, les réalisations de cesONG sont considérées comme lesréalisations personnelles des res-ponsables. Au moment des élec-tions, le responsable devenu candi-dat fera campagne avec les moyensde l'ONG et n'aura pas de mal àdrainer les voix de la population enreconnaissance des réalisations ef-fectuées.

C'est ce qui explique que les partispolitiques courtisent les dirigeantsd'ONG et la tendance de certainshommes politiques à créer des ONGpour soutenir leur action.

LES CAUSES

a première cause est fondamentale-ment le manque de contrôle ou de

rigueur dans les adjudications des mar-chés. La faiblesse organisationnelle dela société civile, le faible niveau d'indé-pendance de la justice, la fragilité fi-nancière de la presse et son interdé-pendance avec le politique sont desfacteurs aggravant la pratique de lacorruption.

Le laisser aller généralisé découlant dela lassitude dans le combat contre lacorruption ouvre un boulevard à sapratique.

L'IMPACT

’impact est observable à plusieursniveaux:

• La réduction de la capacité d'équi-pements des services publics;

• Le déséquilibre dans la répartitiongéographique et spatiale des équi-pements. Celui-ci se traduit par uneconcentration des biens pour les unset une pénurie pour les autres;

• L’insécurité et l’inefficacité des in-frastructures publiques;

• L'affaiblissement du rôle de contre-pouvoir des organisations de la so-ciété civile.

5.5. LA PROPRIÉTÉ FON-CIÈRE

'habitat constitue l’une despremières préoccupations del'homme qui a toujours comme

souci de se protéger des intempéries etdes dangers extérieurs. La possessiond'un logement est aussi un élément dereconnaissance sociale et une"assurance-vie".

LES MANIFESTATIONS

es manifestations de la corruptiondans ce secteur sont nombreuses et

multiformes. Elles existent dans l'attri-bution des parcelles et les dispositionsactuelles de la Réforme Agraire et Fon-cière (RAF) ouvrent grandement lesportes à toutes sortes de manipulationsparce qu’elles sont trop restrictives.

Ainsi, selon la RAF nul ne peut avoirplus d'une parcelle dans un même cen-tre urbain, ni prétendre à la vente ou àla cession d'une parcelle non mise envaleur. Elle stipule également que lavente porte sur le bâtiment et non sur laterre.

En milieu urbain

Les pratiques anormales se retrouventà toutes les phases d'un lotissement:

Phase de préparationLa procédure la plus classique est deprendre possession d'un terrain nonloti, d'y investir et d'attendre la prépara-tion du lotissement. Le propriétaire del'investissement s'arrange alors avecl'ingénieur urbaniste ou le géomètreafin de ne pas morceler la parcelle etde préserver les investissements réali-sés.

Lors de l'attribution des parcellesLes demandes de parcelles sonttellement nombreuses que la corruptionsévit à tous les niveaux.

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"Corruption et développement humain"Corruption et secteurs sociaux de base 97

Dans la réglementation, le processusd'attribution suit les priorités suivantes:

• Les résidents déguerpis par le lotis-sement (voirie, réserve administra-tive);

• Les demandeurs résidents, avecenfants;

• Les demandeurs résidents, sansenfants;

• Les demandeurs célibataires rési-dents;

• Les demandeurs non-résidents.

Malgré cette hiérarchisation des priori-taires, il n'est pas rare de voir les non-résidents bénéficier des parcelles audétriment des résidents.

Certains membres des commissionsd'attribution font des listes fictives dedemandeurs et revendent ensuite lesparcelles, les noms des véritables pro-priétaires sont alors inscrits sur lesdocuments officiels.

Les inscriptions multiplesCette technique consiste pour unemême personne à acheter plusieursparcelles non encore attribuées auprèsde membres des commissions. Le nomdu conjoint ou des enfants est porté surles documents provisoires. Après latransaction, le nom du véritable pro-priétaire est porté sur les documents.

Les mutations• Quelques fois, la mutation n'a pas

pu être réalisée à temps et le prête-nom est resté propriétaire de la par-celle, mais ne le sait pas.

• Afin de contourner l'interdiction desmutations des parcelles non misesen valeur:* le futur acquéreur réalise les in-

vestissements nécessaires,* la mise en valeur est constatée,* le prix convenu est payé au ven-

deur* la cession est sous estimée

sinon gratuite afin de soustrairela

la transaction aux frais de mutation,

En milieu péri-urbain

Dans les zones péri-urbaines, il s'estcréé des "entreprises" d'intermédiationfoncière. Des ressortissants des villa-ges et même des chefs de village s'ac-cordent avec des démarcheurs. Lesterrains ruraux sont morcelés et ven-dus. Un même terrain peut être vendu àplusieurs personnes.

Certains s'organisent pour avoir plu-sieurs terrains, qui sont ensuite reven-dus ou mis en valeur pour en garder lajouissance, ou même véritablementbâtis pour être loués.

Lors des opérations de lotissement, les"propriétaires" sont prévenus par lesagents des services de l'État afin d'as-sister au recensement et de s'assurerdes noms à inscrire sur les listes. Cesont les mêmes pratiques que dans lescentres urbains.

En zone rurale

Dans les relations entre les usagers decertains services de l’Administrationimpôts, commerce, douane et mairiespar exemple et les agents publics, lapratique de la corruption publique estcourante. Au niveau des mairies, lesspéculations foncières, par le biais deslotissements, constituent 82%19 des casde corruption.

En milieu rural, la spéculation foncièreest aussi l’une des principales causesde corruption qui existent entre certainsexploitants agricoles et les chefscoutumiers propriétaires terriens. Pourpouvoir bénéficier régulièrement deterrains favorables à la culture, lesexploitants agricoles sont souventobligés d’offrir des "cadeaux" auxpropriétaires terriens coutumiers. Cecimalgré la promulgation et l’applicationde la réorganisation agraire foncière(RAF).

_______________________________________

19 REN-LAC: Rapport de 2001 page 53

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98 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

La pratique se rapproche des modestraditionnels. La terre appartenant auchef de terre, il faut trouver unepersonne du village "connue etreconnue" des membres du village quiva servir d'intercesseur. En zone rurale,les terrains ne sont en principe pasvendus, mais "prêtés" soit pour cons-truire une maison d'habitation soit pourcultiver. Les pratiques anormales vonts'organiser autour de l'intercesseur quiva demander des sommes d'argent oudes dons en nature.

LES CAUSES

onsidérée comme un domainesensible, la terre a fait l'objet d'un

encadrement strict de la part de l'État àtravers la RAF. À ce titre, on peutretenir les dispositions suivantes:

• L'article 3 stipule que le domainefoncier national est constitué detoutes les terres et des biensimmeubles ou assimilés situés dansla limite du territoire national et deceux acquis par l'État et lescollectivités publiques à l'étranger.

• L'article 4 précise que le domainefoncier national est de plein droitpropriété de l'État.

• L'article 5 indique que certainesterres du domaine foncier nationalpeuvent être cédées à titre depropriété privée aux personnesphysiques ou morales dans lesconditions fixées par la présente loi.Les terres ainsi cédées cessentd'être propriété de l'État.

• L'article 34 traite de la prise encompte dans le domaine fonciernational de certains biens immeu-bles en raison de leur nature et de lanécessité de leur gestion par l'auto-rité publique.

• L'article 38 indique que les terres dudomaine foncier national sont clas-sées en deux catégories suivant leursituation et leur destination: lesterres rurales et les terres urbaines.

L'analyse de ces articles montre uncontrôle total du foncier par l'État. Ainsiil est propriétaire des terres ruralescomme urbaines. Il définit lesconditions de cession de la terre auxtiers. Il conduit ou supervise toutesopérations relatives au foncier. Cemonopole que s'adjuge l'État au nomde la puissance publique et de l'intérêtgénéral est souvent détourné dans lapratique par les agents de l'État à leurprofit. Par la concentration de tous lesdroits afférents à la terre entre lesmains de l'État, la RAF porte lesgermes de la corruption.

L'IMPACT

• La corruption est un élémentdéstructurant de l'accès à la pro-priété foncière.

• Les populations à faibles revenussont refoulées à la lisière des cen-tres urbains dans les zones nonloties; et, lors du lotissement, ellesne sont pas sûres d'obtenir une par-celle malgré les dispositions régle-mentaires. Il y a donc une grandeinjustice dans l'accès à la propriété.

• Les services de l'État connaissentun disfonctionnement rendant im-possible toute gestion rigoureuse dupatrimoine foncier loti. La gestioninformatisée des parcelles deOuagadougou et de Bobo-Dioulasson'a pu être mise en œuvre; saréalisation devant mettre fin à despratiques jusque-là cachées etservant de "rentes" aux agents.

• Le manque à gagner sur lesmutations et les taxes foncières esttrès important pour l’État.

• "La course aux lotissements". Laconcentration des parcelles, entreles mains d'une minorité, amène lescandidats à l'accès à la propriétéfoncière à s'installer dans les zonespéri-urbaines. Vivier électoral, ilsfont pression sur les élus afin d'obte-nir un lotissement, dont une bonnepartie n’en aura pas l’accès.

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"Corruption et développement humain"Corruption et secteurs sociaux de base 99

Et le cercle vicieux continue.

• Dans les zones péri-urbaines, lespopulations sont privées de terrescultivables et donc de revenus, sanspour autant que le montant de lavente leur ait assuré une conversionleur garantissant des revenus àcourt et moyen terme.

• Création de frustration chez les an-ciens propriétaires terriens.

• Une autre cause réside dans la spé-culation immobilière. L’immobilierapparaît comme un bon investisse-ment puisqu’il permet d’encaisser unloyer et évite d’en payer. Cette si-tuation exacerbe la spéculation fon-cière.

• La pratique de l'impunité, invite les"gens biens placés" à faire un véri-table pillage des parcelles au détri-ment de la population à qui ellessont destinées.

• Le manque de politique sociale delogement.

5.6. LE SECTEUR DE L'ENVI-RONNEMENT

'environnement est l’une descomposantes de la politique dudéveloppement humain durable. Il

est pris en compte dans tous lessecteurs du développement écono-mique en tant que préoccupation trans-versale. Les aspects intéressant lethème à traiter sont:

• le bois d'énergie,• la pêche,• la faune.

LES MANIFESTATIONS

Le bois d'énergieDans ce sous-secteur, la corruptions'observe dans les activités ou missions

de contrôle. En effet, la chaîne deproduction, de transport et de com-mercialisation est soumise à une régle-mentation et les acteurs de chaqueétape doivent s'acquitter d'un agrémentprofessionnel ou occasionnel. Le con-trôle de cet agrément donne lieu à unepratique de corruption qui ouvre la voieau non-paiement des amendes.

La pêcheCette activité est régie par deuxdépartements ministériels:

• L'agriculture, l'hydraulique et lesressources halieutiques pour lesaspects production et exploitation,

• L'environnement et le cadre de viepour les aspects réglementation etcontrôle.

Les acteurs de cette filière sont soumisà des contraintes d'agrément. Lespratiques illégales (exercice sans auto-risation des activités de pêche) peuventdonner lieu à l’usage de corruption lorsde contrôle.

La fauneLa pratique de la chasse est soumise àl'acquisition d'un permis de chasse. Siles chasseurs étrangers respectent cesdispositions, il n'en est pas de mêmedes nationaux. La pratique de lacorruption s'observe lors des opérationsde contrôle.

LES CAUSES

l'exception du volet assainis-sement où les causes de corruption

rejoignent celles des infrastructures debase, celles des autres volets sont:

L'insuffisance d'agents et le manquede moyens pour l'exécution de leurmission

• La Direction Générale des Eaux etForêts est dotée par l'État de 22motocyclettes pour 1 000 agents deterrain et 350 départements.Relevant d’un corps paramilitaire,les agents sont contraints d'exécuter

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100 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

leur mission avec leurs propresmoyens.

Les pressions administratives etpolitiques

• Les amendes infligées sont laplupart du temps supprimées parl'intervention de personnalités politi-ques ou administratives. Les agentspréfèrent donc prendre un "batchich"plutôt que de se voir ridiculiser par lecontrordre des supérieurs.

L'IMPACT

'impact principal de la corruption estla perte tendancielle de recettes

pour l'État au titre de ce secteur. Lesagents des Eaux et Forêts bénéficientcependant d'une bonne réputation derigueur dans l'application de laréglementation et sont classés parmiles moins corrompus du secteur.

CONCLUSION

es secteurs de la santé et del'éducation sont les plus sensiblespuisque les déséquilibres engen-

drés par la corruption ont desconsuences

conséquences parfois vitales, toujoursdéterminantes dans le devenir de l'indi-vidu.

Dans un contexte où la pauvreté est deplus en plus grande, la corruption dansles prestations des services de baseaggrave la vulnérabilité des couchesles plus défavorisées.

Elle crée une fracture sociale de plusen plus grande qu'il sera difficile decombler.

La corruption sera le tombeau du déve-loppement économique et social. Elleattaque tout le corps social et le détruitprogressivement.

La prise de conscience sur les dangersque crée le phénomène suffira-t-il àendiguer le mal ?

Sera-t-il possible, sans une mobilisationeffective de l’ensemble des acteurs dudéveloppement, d'engager avec succèsune campagne de lutte contre lacorruption?

La volonté politique, si elle existe, aura-t-elle raison de la politique de lavolonté?

Les questions restent posées.

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 63

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CHAPITRE 4

CORRUPTION ET GOUVERNANCEDÉMOCRATIQUE

INTRODUCTION

out État est porté à se parer dulabel de bonne gouvernance queles bailleurs de fonds internatio-

naux imposent, au titre des condition-nalités de leur coopération, aux Étatsafricains en ce qu’il est présentécomme l’une des valeurs de la légiti-mité étatique. Le renforcement institu-tionnel de l’État qu’implique la bonnegouvernance est conçu comme unecondition pour garantir un développe-ment réel, durable et participer à laconsolidation de la démocratie.L’accent est ainsi mis non pas sur lesfondements de l’État africain qui sont àl’origine de sa crise actuelle, mais surson rôle, son fonctionnement en vued’une double finalité!: le développementet la démocratie.

Dans son rapport sur le développementhumain de l’année 2000 sur le "rôle dela gouvernance", le Groupe national surle développement Humain Durabledéfinit la bonne gouvernance comme"l’ensemble des mesures mises enœuvre pour assurer et optimiser la ges-tion des affaires publiques (sur le planéconomique, politique et social et ad-ministratif)". Dans cette perspective, labonne gouvernance se caractérise es-sentiellement par!:

- La primauté du droit;- La participation;- La transparence;- L’imputabilité;- La productivité;- La durabilité.

La gouvernance démocratique com-prend la gouvernance politique et lagouvernance administrative et locale.La gouvernance politique désigne letype de régime politique, sa nature, sonmode opératoire et ses relations avecla société civile. Elle inclut le processusde prise de décisions politiques,l’élaboration et la mise en œuvre despolitiques d’un État légitime qui faitautorité. Dans les États démocratiques,elle implique la séparation des pouvoirsexécutif, législatif et judiciaire, la repré-sentation des différents intérêtsexistants dans la communauté politiqueet permet aux citoyens d’élire en touteliberté leurs représentants. Elleimplique donc la promotion de ladémocratie.

Toujours selon le rapport sur le déve-loppement humain sur le "rôle de lagouvernance", la gouvernance admi-nistrative englobe le système d’actionpublique par lequel les politiques publi-ques sont conçues, mises en œuvre etévaluées par l’appareil administratif.L’administration publique est donc aucœur

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64 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

cœur de la gouvernance administrative.Elle repose sur l’organisation adminis-trative et la fonction publique.

Si le rattachement de la gouvernancepolitique à la gouvernance démocrati-que ne pose pas, a priori, de problème,parce que le Burkina Faso est un paysde démocratie politique, il n’en va pasde même du rattachement de la gou-vernance administrative et locale. Com-me de nombreux pays le Burkina Fason’est pas une démocratie administrativeet la démocratie locale y est à un stadeembryonnaire comme en témoignentles considérations qui suivent.

Le code électoral édicté par la loin°021/98/AN du 7 mai 1998 modifiéepar la loi n°33/99/AN du 23 décembre1999 et par la loi n°004-2000/AN du 18avril 2000 en ses articles 180 alinéa 1et 2 d’une part, et 206 d’autre part, demême que la loi n°042/98/AN du 6 août1998 relative à l’organisation et aufonctionnement des collectivités loca-les, prévoient deux types d’assembléeslocales dans le cadre de la décentrali-sation administrative. Il s’agit des con-seils provinciaux et des conseilsmunicipaux.

Les premiers ne sont pas encorefonctionnels en tant qu’assemblée élue.Ils restent actuellement dirigés par lesHauts-Commissaires qui sont desorganes déconcentrés de l’Adminis-tration centrale. Néanmoins, les textesprévoient l’élection de leurs membresau suffrage universel direct pour unmandat de cinq ans à la représentationproportionnelle selon la technique de laplus forte moyenne. Les seconds, enrevanche, fonctionnent de manièredémocratique depuis 1995, puisqu'ilsont à leur tête des maires élus par desconseillers municipaux issus du suffra-ge universel direct. Les délégationsspéciales qui ont été pendant long-temps la dominante du droit des collec-tivités locales au Burkina Faso ontdisparu, sauf cas exceptionnel.

Le 24 septembre 2000, des électionsmunicipales ont été organisées au ni-

veau des communes de plein exercice,après celles de 1995. Cette expériencede gestion communale connaît cepen-dant des insuffisances!: les transfertsde ressources et de compétences pré-vus par les Textes d’Orientation de laDécentralisation (TOD) au profit descollectivités locales, ne sont pas encoreeffectifs alors que la mise en œuvred’une politique de décentralisation terri-toriale est fondamentale pour promou-voir la participation, la distribution équi-table des bénéfices du développement,l’accès aux services, la responsabilitégouvernementale et l’efficacité, l’impli-cation des femmes et des organisationsde la société civile.

Une décentralisation effective requiertune forte capacité des organisateurs,des collectivités territoriales, notam-ment au niveau de leurs ressourceshumaines, des procédures appropriéeset l’existence d’une volonté politiqueferme se traduisant par l’instaurationd’un cadre institutionnel et politiquefavorable, définissant les pouvoirs,l’autorité déléguée et permettant auniveau local la formulation et la mise enœuvre de projets et de programmes dedéveloppement ainsi qu’une mobilisa-tion des ressources et une gestion fi-nancière responsable.

La réflexion sur "la corruption et labonne gouvernance" est conduite au-tour de trois axes!:

- Les pratiques et manifestations de lacorruption;

- Ses causes;- Ses conséquences.

4.1. PRATIQUES ET MANIFES-TATIONS DE LA CORRUPTION

lles sont toutes aussi diversesque variées. Les principales sontla corruption électorale, la

cooptation et l’achat d’opposants, laviolation des droits humains, l’achat de

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 65

conscience, la criminalisation du politi-que et l’instauration d’un système departi État.

4.1.1. LA GOUVERNANCE POLITI-QUE

La corruption électorale

Les élections participent à l’instaurationet au renforcement de la démocratie.Cette démocratie est compromise sides fraudes entachent le processusélectoral car les élections doivent êtrelibres, transparentes, crédibles et hon-nêtes. Ces fraudes sont le fait à la foisdes partis d’opposition et des partis aupouvoir. Mais elles profitent aux partisau pouvoir quand les élections sontorganisées uniquement par l’adminis-tration. Cela dit, les partis d’oppositionpeuvent également profiter des faillesdu système électoral pour frauder. D’oùqu’elles viennent, les fraudes faussentle jeu démocratique.

Une démocratie sans possibilitéd’alternance a un goût d’inachevé. Lesfraudes sont donc contraires aux exi-gences de la gouvernance politique. AuBurkina Faso, pour limiter leur ampleur,à défaut de neutraliser leurs effets, uneCommission Électorale Nationale Indé-pendante (CENI) a vu le jour à l’issu deconcertations entre les partis politiques,la société civile et l’État. La CENI est unorgane de gestion des élections neutre,permanent et indépendant du gouver-nement, ce qui constitue une garantiede confiance pour les citoyens et pourla société civile. En soi, c’est un dispo-sitif de dissuasion pour les éventuelsfraudeurs tout comme l’observation desélections par des observateurs natio-naux et internationaux.

Comment le juge constitutionnel doit-ilréagir face aux cas de fraudes dont ilest saisi!? Il prendra en compte cesirrégularités si elles sont établies. Maispour qu’elles exercent une influencedécisive sur les résultats ou affectent lerésultat d’ensemble d’un scrutin, il faut

que par leur ampleur et leur gravité lejuge les retienne.

En effet, il y a une incompréhension dela population qui croit que toute irré-gularité doit entraîner l’annulation del’ensemble de l’élection. Ainsi, au len-demain des élections législatives du 24mai 1992, plus d’un avait jugé dé-concertante l’attitude de la Cour Su-prême. En effet, après avoir reconnules irrégularités qui ont entaché cesélections dans le procès-verbal du 8juin 1992, irrégularités qui tiennent ende multiples erreurs, anomalies et inci-dents, la chambre constitutionnelle arefusé d’invalider ces élections parceque ces irrégularités ne remettaient pasen cause les résultats du scrutin. Lespartis politiques victimes s’attendaient àce que la chambre annulât ces résul-tats. Elle ne l’a pas fait non par pusilla-nimité afin d’être dans les bonnes grâ-ces du pouvoir, mais par respect dudroit car les requêtes contenant desgriefs qui ne peuvent manifestementavoir une influence sur le résultat desélections sont rejetées (article 176 ali-néa 2 du code électoral). Cela n’a pasempêché l’opinion de douter de l’indé-pendance de la chambre chargée derendre la justice constitutionnelle.

La cooptation et l’achat desopposants politiques

Il s’agit pour le régime en place d’infil-trer les partis qui ne sont pas de lamouvance présidentielle et d’y provo-quer la scission, des démissions ou des"débauchages" de militants. Le pouvoirpolitique peut aussi très bien exploiterles situations de crise que vivent lespartis d’oppositions dans l’espoir des’attacher les services des principauxdirigeants de ces partis soudoyés aupa-ravant; c’est une manifestation de lacorruption. Ces situations de crise ontdes causes multiples!: non-respect destextes régissant les partis (statuts etrèglement intérieurs) et des principesorganisationnels, mauvaise gestion desressources humaines et financières,culte de la personnalité, refus de lacritique et de l’autocritique, luttes intes-

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66 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

tines.

Encadré 4.1. Arrêté du 14 juillet 1994 de la ChambreConstitutionnelle

″ Considérant que le Député jouit d’unecompétence totale dans la limite de ses attributionsà l’Assemblée des Députés du Peuple!: la libertédans l’exercice de ses compétences,l’irrévocabilité ou l’impossibilité pour uneformation politique ou pour le corps électoral de ledémettre, l’impossibilité pour le corps électoral derectifier les actes de son élu; ….

Considérant que la liberté des alliances politiques,leur non-concordance avec l’éventail idéologique,demeure la condition indispensable à l’existencede la démocratie et du fonctionnement desinstitutions publiques dans un régimemultipartitaire; que dans une sociétédémocratique, le pluralisme politique estinévitable car il conduit à asseoir implicitement laliberté sous les conditions de garanties effectivesdes libertés fondamentales, notamment celle del’opposition, du droit à la différence et del’existence d’un esprit de tolérance générale setraduisant par le respect réciproque de toutesopinions;

Considérant que l’adhésion à un parti ou à uneformation politique ne saurait conduire les élus oules citoyens à l’aliénation à leur libertétransformant alors les élus en commis, serviteursou préposés soumis aux ordres, instructionsimpératives, directives des électeurs ou desgroupes parlementaires″.

Ces formes de corruption compromet-tent la bonne gouvernance par cequ’elles participent de la logique de lapensée unique et s’accommodent par-faitement de l’unanimisme, ce qui estregrettable dans un pays qui est à unstade d’approfondissement ou d’affer-missement de la démocratie. Ellesconstituent, en dernière instance, unobstacle à l’alternance.

La corruption peut également expliquerle nomadisme politique. Pratiqué pardes députés, il est constitutif d’un man-quement à l’éthique politique ou d'unetrahison de la volonté du peuple. Est-ilnormal qu’un député siège à l’Assem-

blée Nationale au nom d’un parti qui n’apas pris part aux élections législatives!?

Avant d’y répondre, rappelons que cephénomène de migration politique n’estpas une hypothèse d’école. Il a déjà étévécu par la classe politique burkinabèet a même été l’objet d’un arrêt rendupar la chambre constitutionnelle le 14juillet 1994. Cet arrêt concerne laConvention Nationale des PatriotesProgressistes/Parti social-démocrate(CNPP/PSD), principale formation poli-tique de l’opposition au moment desfaits. Neuf députés élus sur la liste dece parti ont démissionné pour créer unnouveau parti, le Parti pour laDémocratie et le Progrès (PDP) quin’existait pas lors des électionslégislatives du 24 mai 1992. La Cham-bre constitutionnelle dans son arrêt à"la Ponce Pilate", a rappelé le principede la liberté des alliances politiques etle mandat représentatif et non impératifqu’exerce le député, réhabilitant ainsil’élu du peuple; mais elle n’a pas tran-ché véritablement le problème qui lui aété soumis. Du reste, la loi n°032-2001/AN du 29 novembre 2001 portantcharte des partis et formations politi-ques au Burkina Faso conforte le no-madisme politique à travers son article8 qui dispose!: "Tout citoyen jouissantde ses droits civils et politiques est libred’adhérer au Parti ou formation politi-que de son choix et d’en démissionneren cas de besoin".

La criminalisation des actespolitiques

Des actes politiques sont qualifiés decriminels lorsque les pouvoirs publicsaccomplissent des actes politiques etéconomiques en dehors de toute léga-lité. Ces actes tendent à la privatisationde l’État et peuvent relever de réseauxmafieux. Rappelons en effet que lacorruption renvoie à la différenciationdu public et du privé c’est-à-dire del’intérêt général et de l’intérêt particu-lier. La criminalisation du politique nepeut se concevoir. Alors que dans lecadre du privé, c’est-à-dire dans le ca-dre du patrimonialisme ou du néo-pa-

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 67

trimonialisme, on n’est donc pas loin dela célèbre formule de Louis XIV!: "l’État,c’est moi". Mais on est loin desexigences de la bonne gouvernancesur le plan politique. Cette forme decorruption se rapproche beaucoup dutrafic d’influence.

L’achat de conscience

Dans cette forme de corruption, le pou-voir de l’argent joue un rôle détermi-nant. Il consiste généralement pour leshommes politiques à remettre à desélecteurs, qui promettent de leur accor-der leur suffrage, des billets de banquedans le cadre d’une campagne électo-rale. Cette pratique qui favorise lespartis riches s’intensifie à la faveur del’extrême pauvreté dans laquelle viventles populations alors que, selon l’article13 de la Constitution, ils sont égaux endroits et en devoirs.

Dans ces conditions, le suffrage desélecteurs n’est pas sollicité sur la based’un programme politique que les partispolitiques ont l’obligation de confection-ner dans la perspective de la conquêtedu pouvoir par des voies légales, maisen fonction de considérations basse-ment matérielles.

Cela signifie que les partis politiquesn’assument pas suffisamment leurfonction d’éducation, c’est-à-dire deformation et d’information de leurs mi-litants ou sympathisants pour les mettreà l’abri de telles pratiques avilissantesparce que portant atteinte à la dignitéde l’individu.

L'instauration de système de partiÉtat

C’est un système dans lequel le partiau pouvoir se confond avec l’État àcause de sa mainmise sur l’État ou desa situation hégémonique. En effet,c’est lui qui fournit le personnel gouver-nemental, contrôle les mécanismesétatiques, dispose d’un monopole dansl’orientation de la vie politique. En unmot, il déteint sur toutes les institutionsrépublicaines. Il est le centre nerveux

de l’État à l’instar d’un parti unique. Parailleurs, ce parti n’a d’existence que parla volonté du chef de l’État. Un tel sys-tème de parti État qui voit un seul partimonopoliser toute la vie politique etéconomique dans un cadre multiparti-san, altère la gouvernance politique.

Cependant, cette mainmise n’est pastotale au Burkina Faso car si le Parti aupouvoir choisit principalement les diri-geants du Pays parmi ses militants, desmembres de partis d’opposition modé-rée ont fait leur entrée dans le gouver-nement à certaines occasions. De plus,au lendemain des élections législativesdu 5 mai 2002 auxquelles une trentainede partis a pris part, une oppositionrevigorée (54 députés contre 57 pour leparti majoritaire) siège à l’AssembléeNationale. Certes, elle ne peut pasrenverser le gouvernement, mais elleconstitue désormais une force politiqueavec laquelle il faut compter.

En attendant que cette opposition re-trouve ses marques ou soit mieux lotie,elle doit compter avec la presse, no-tamment la presse privée dans lecontrôle de l’action gouvernementale,encore faut-il que les hommes quil’animent accomplissent correctementleurs missions.

La violation des droits humains

La garantie et la promotion des droitshumains sont une exigence de la gou-vernance politique. La corruption, en-nemie de la gouvernance politiqueparce qu’elle contredit, entre autres, lesdroits de l’Homme, intensifie la pau-vreté surtout lorsque les pouvoirs pu-blics en sont les auteurs. En effet, ellesape les efforts déployés dans la luttecontre ce fléau, puis elle favorise lenon-respect des lois et mine la stabilitésociale et politique, conditions idoinespour la défense des droits humains. Onpeut donc inférer que dans son es-sence, la corruption constitue un obsta-cle pour le développement économiquedu pays et une menace pour le droitnaturel sur lequel reposent les droitshumains. Ceux-ci ne sont sauvegardés

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que s’il existe une séparation netteentre intérêt public et intérêt privé et sila démocratie est renforcée.

Dans un pays comme le Burkina Fasooù la corruption est considérée commerépandue ou très répandue par une trèslarge majorité de la population (cf. cha-pitre 2.), il n’est pas surprenant que l’onenregistre une violation des droits hu-mains. Cette violation qui se traduit parle travail et le trafic des enfants, lesatteintes à la vie ou encore le chômageendémique appelle une intervention del’État. Celui-ci pourrait dissuader lescorrupteurs et les corrompus par undurcissement des lois pénales, parl’instauration d’une culture démocrati-que. Sur le plan institutionnel, de nom-breuses structures ont été créées dansle cadre de la stratégie de lutte contrela corruption!: la coordination nationalede la lutte contre la fraude, la coordina-tion nationale de la bonne gouver-nance, le Comité National d’Éthique etla Haute Autorité de Coordination de laLutte contre la Corruption. Mais le pro-blème de leur efficacité se pose.

4.1.2. DANS LE DOMAINE DE LAGOUVERNANCE ADMINISTRATIVE

Les facteurs généraux

Le trafic d’influence ou abus depouvoirIl touche tous les secteurs de la vieéconomique et sociale!: police, gendar-merie, douane, éducation, marchéspublics… Ce trafic se manifeste par desfraudes, détournements, pots-de-vin,rackets (rackets systématiques sur lesroutes par la police et la gendarmerie,dans les postes de gendarmerie), etc.Mais nous retiendrons deux secteursqui d’après l’enquête menée par leGNR-DHD sont particulièrement frap-pés par la corruption (cf. chapitre 2.,tableau 2.1.)!: la douane et les marchéspublics.

Dans le secteur des douanes, ce traficd’influence est un ensemble d’actes

constitutifs d’infractions douanières. Il apour but ou pour effet d’éviter le paie-ment des droits et taxes de douanes oud’obtenir une exonération, un droit ré-duit ou un avantage quelconque atta-ché à l’importation ou à l’exportation.En raison de ce trafic, une générationspontanée d’opérateurs économiquesappelés "les intouchables", a vu le jour.Dans le cadre de la répartition desamendes et confiscations prévues pourrécompenser les douaniers perspicacesdans leur tâche, des hauts responsa-bles se font octroyer des ristournes quine leur reviennent pas de droit.

Dans les marchés publics, le traficd’influence se traduit par des pressionsdiverses exercées pour obtenir unavantage. Ces pressions ont précisé-ment pour finalité l’attribution de mar-chés à des amis, parents de décideurspolitiques, opérateurs économiquesmilitants du parti au pouvoir, ou res-ponsables administratifs qui, sous lecouvert de la technique du prête-nom,créent des sociétés après avoir obtenudes agréments de complaisance.

Ainsi, se sont développées des entre-prises de prête-noms. Au niveau destransitaires ou de certaines entreprisescommerciales par exemple, les gérantsvisibles agissent sans vergogne parcequ’ils jouissent d’une protection réelleau sommet où leurs vrais patrons sontdes personnalités issu du sérail politico-administratif.

Inutile de préciser que tout ceci se faitau mépris de la réglementation sur lesmarchés publics et favorise ainsi ledéveloppement du clientélisme politi-que et de l’incivisme. Il arrive parfoisque les pressions exercées parl’administration ou le pouvoir politiquesoient destinées à couvrir des commer-çants pris en flagrant délit de fraude. Sile trafic d’influence vise généralementun avantage économique, l’achat deconscience est toujours un enjeu et unmoyen d’influence politique.

La criminalisation des structuresadministratives

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 69

Parallèlement au repérage des méca-nismes de la petite corruption, d’autresinfractions et délits contre la chose pu-blique ont été relevés. Ils alimentent lacorruption et en sont en même temps leproduit, témoignant d’un processus encours de criminalisation des structuresadministratives. L’analyse de la docu-mentation journalistique et les recher-ches de terrain ont révélé l’importancede fraudes fiscales et de falsificationsde toutes sortes!: trafic de devises, fal-sification d’actes d’état civil, trafic defaux passeports, vente de certificatsmédicaux complaisants, falsificationd’épreuves d’examen.

Le "faux et usage de faux" est doncmonnaie courante. Il est cause de cor-ruption des fonctionnaires publics etpermet à son tour de dissimuler plusaisément les détournements et autresirrégularités. L’on a souvent dit qu’enAfrique, l’administration fonctionne àl’oralité. Ceci ne signifie pas pour au-tant qu’elle ne produit pas des docu-ments écrits, mais plutôt que lescontrats réels, les accords les plus soli-des, les règlements les plus respectésrestent au niveau de l’oralité, de la pa-role donnée, de l’éthique non-écrite dela corruption. Le rapport écrit, lecompte-rendu financier, le procès-ver-bal de délibération, servent à garderl’apparence formelle du respect desprocédures administratives, vidéesainsi de leur contenu initial. L’écrit estsouvent, à des degrés divers, falsifié.

Si le manque de personnel qualifié gé-nère une surcharge des services etengendre des longues "files d’attente"pour l’obtention du moindre service,des goulots d’étranglement peuventaussi être créés sciemment par lesagents. Outre le prétexte classique dudossier gisant au fond de la pile, lesadministrations, disposent de plusieursatouts pour "prendre en otage" le tempsdes usagers et offrir ensuite une accé-lération personnalisée et payante duservice.

Pour les administrations de contrôle, ils’agit de brandir la menace d’appliquer

certaines dispositions de leur arsenalréglementaire. Les administrationspeuvent aussi jouer sur la complexitéou la lenteur "naturelle" des procédu-res. Enfin, l’administration peut êtrebloquée dans son fonctionnement pardes formes variées de pénurie (structu-relle, organisée ou simulée).

Système participatif limité dans leprocessus de prise de décisionsadministrativesEn édictant les actes administratifsunilatéraux ou décisions exécutoires,l’administration poursuit une missiond’intérêt général. Dans cette perspec-tive, les administrés sont parfois asso-ciés à l’élaboration de ces décisions pardes procédures participatives qui sont!:les consultations et les enquêtes. Laparticipation des citoyens à l’actionadministrative est l’un des principes debonne gouvernance. À cet égard, lePlan National de Bonne Gouvernancesouligne "la participation des femmes etdes hommes à la prise de décisions,soit directement, soit par le biaisd’instituions légitimes et reconnuesarticulant leurs intérêts".

La consultation intervient avant le pro-noncé de la décision qui affecte la si-tuation personnelle des administrés.

Ainsi, au niveau de la fonction publique,la loi n°013/98/AN du 28 avril 1998,portant régime juridique applicable auxemplois et aux agents de la fonctionpublique institue auprès du Ministrechargé de la fonction publique un cadrede concertation dénommé ConseilConsultatif de la fonction publique. Il estégalement institué au sein des dépar-tements ministériels et institutions pu-bliques de l’État, les organes consulta-tifs de concertation et de gestion parti-cipative appelés Conseil d’admi-nistration du secteur ministériel, comitétechnique paritaire, conseil de disci-pline. Le but de la consultation est defaire participer les citoyens à la prise dedécisions qui les concernent.

Quant à l’enquête publique, c’est unmode d’information et de consultation

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préalable à l’intervention d’une décisionadministrative17. Il s’agit d’informer lescitoyens et d’avoir leur avis avantd’entreprendre certaines actions lestouchant directement. En France, ceprocédé a longtemps été utilisé en ma-tière d’expropriation pour cause d’utilitépublique. Au Burkina Faso, cette pro-cédure n’est pas organisée par lelégislateur alors qu’elle intéresse lesopérations d’urbanisme comme lelotissement. Sur ce dernier point,signalons cependant la loi n°14/96 du26 mai 1996 sur la réforme agraire etfoncière et son décret d’application. Cevide juridique crée des conditionspropices à la corruption.

Inefficacité du contrôle de l’actionadministrativeLe contrô le de l ’act ion del’administration est difficile. Il s’agit ducontrôle administratif exercé parl’Inspection Générale d’État sur lesadministrations centrales, les adminis-trations décentralisées, les institutionsde l’État, les sociétés d’État, les collec-tivités territoriales, en un mot, sur tou-tes les personnes morales de droit pu-blic et les personnes morales de droitprivé qui bénéficient du concours finan-cier de la puissance publique.

Ce contrôle administratif, n’est pastoujours suivi d’effet parce que le véri-table chef de l’Administration publiquequ’est le Président du Faso, esttoujours en position de force parrapport aux contrôleurs, puisqu’il estmaître de l’opportunité des poursuites.

À cet égard, le sort réservé auxrapports produits par deux Commis-sions d’enquêtes parlementaires surdes contrôles effectués en 1995, estassez éloquent. Ces contrôles, rappe-lons-le, ont porté sur la gestion dessubventions de l’État aux Établis-sements publics à caractère adminis-tratif, aux organismes et aux opérationsconjoncturelles d’une part, et sur l’ac-cen

tion gouvernementale en matière deprivatisation des entreprises publiques,d’autre part. Or, l’absence de sanctionfait le lit de l’impunité, toute chose quiencourage la corruption.

Les facteurs spécifiques

Ce sont des facteurs qui intéressent lesagents publics pris individuellement.Mais il existe également des facteursfavorisant la corruption dont l’insuf-fisance du personnel administratif,l’affluence des usagers dans lesservices, la rétention volontaire del’information et le désengagement del’État.

Lorsqu’un nombre insuffisant d’agentspublics est commis à une tâche (traite-ment de dossiers), il s’ensuit une len-teur dans l’accomplissement de leursmissions. Les administrés qui désirentun traitement rapide de leurs dossiersn’hésitent pas à soudoyer les fonc-tionnaires. Pour d’autres, c’est par desinterventions politiques que leursdossiers seront examinés en priorité.

Mais lorsque la demande dépasse lacharge de travail des agents, des me-sures spécifiques sont prises. Ainsi, endouane, au-delà des heures légales detravail, il est autorisé d’effectuer desheures supplémentaires que le deman-deur doit payer. Et c’est précisément àcette occasion que les douaniers"bosseurs" réalisent un supplément surleur salaire. Comme on pouvait s’yattendre, certains douaniers ontexagéré en rallongeant les heures detravail supplémentaires avec lacomplicité de transitaires amis.

Ces risques existent également quandl’agent public fait face à l’affluence desadministrés, le service public étantgratuit. Ceux qui ne peuvent attendreseront tentés de lui graisser la "patte"pour être rapidement servis. Ainsi, à lasanté, des pots-de-vin sont offerts pourune

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17 (René Romeuf, la justice administrative!: droits et recours des administrés, Paris, Masson, 1989)

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 71

obtenir un certificat médical à l’hôpitalen sus des frais de consultations; dansl’enseignement primaire, au secon-daire, il faut verser une caution pourune demande de place, caution quin’est pas remboursée; à la justice, ilfaut payer pour l’établissement d’uncasier judiciaire, d’un certificat de natio-nalité et pour l’inscription sur le registrede commerce est monnaie courante.

C’est le désir de corrompre qui sous-tend enfin la rétention volontaire del’information par un agent public. Ils’agit, en effet, de contraindre morale-ment l’administré dont le droit à l’infor-mation est déjà bafoué, à négocier,voire à payer l’information dont il abesoin. Quand cette information n’estpas retenue, l’agent en donne une lec-ture intéressée pour le même but.

Cette vénalité des charges se retrouveà l’occasion du désengagement del’État notamment au moyen de la priva-tisation. Conscient qu’il ne peut pas toutfaire, qu’il ne peut continuer à jouer lerôle de l’État Providence, l’État se dé-sengage de plus en plus des secteurs-clefs de la vie économique et sociale.Alors, certains agents publics profitantde cette situation où il faudrait désor-mais payer pour accéder par exempleaux soins de santé vont spolier les po-pulations dont la grande majorité estpauvre.

Tous ces cas examinés montrent bienque les agents publics utilisent l’ap-pareil administratif pour s’enrichir etc’est l’administré qui en pâtit, puisquel’obtention du moindre acte administratifrelève parfois pour lui d’un véritableparcours de combattant. Vous n’êtesservi qu’après avoir arpenté les couloirsde plusieurs services et payé. Une telleadministration est bureaucratique parcequ’elle n’est pas au service des popula-tions. Elle est propice au développe-ment de l’affairisme. De même, la cor-ruption se développe quand les condi-tions de travail sont mauvaises (pas dematériel de bureau, locaux exigus,etc.).

Naturellement, la corruption a des ef-fets néfastes sur la gouvernance admi-nistrative. Quand l’administration vamal parce qu’elle est minée par la cor-ruption, cela a nécessairement desconséquences sur la productivité. Eneffet, la productivité administrativeconnaît une baisse sensible justifiéepar des insuffisances tenant à la défi-cience de la gestion des ressourceshumaines. Le système de la fonctionpublique de carrière exclusivementutilisé jusqu’alors comme mode degestion, favorise la corruption. C’estpourquoi, depuis 1998, l’Administrationgénérale a entrepris de faire peauneuve en introduisant dans la gestionde ses personnels des principes dumanagement et des mécanismes dusystème de la fonction publique del’emploi, sans pour autant rompre avecla conception statutaire.

Des insuffisances existent égalementdans les systèmes de rémunération (lessalaires ne sont pas négociables pourdes agents contractuels de l’État) etdans les systèmes d’évaluation (le nou-veau système d’évaluation fondé surl’exécution d’un contrat de mission n’estpas encore entré en vigueur).

La mauvaise gouvernance a, de plus,affecté la qualité des prestations deservice administratif. La défaillance etle manque de visibilité des structuresde contrôle (Inspection Générale d’État,Inspection Générale des Finances) ensont une preuve. On peut égalementsouligner que dans l’exécution desmarchés publics, on s’efforce souventde corrompre les contrôleurs pour qu’ilsne soient pas très regardants sur lesrègles d’exécution notamment les dé-lais contractuels.

À toutes ces tares s’ajoutent des fraissupplémentaires illégaux que les pa-tients doivent payer dans les servicessanitaires spécialisés, notamment enchirurgie et en radiologie, l’octroi depots-de-vin pour des services pourtantgratuits, les surfacturations multiples, lafabrication de bulletins de notes ou laconcus-

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délivrance de certificats de scolaritécontre paiement dans l’enseignement,les passe-droits, la concussion, lesdétournements de deniers et bienspublics. Tous ces actes condamnablesont pour effet d’augmenter les coûtsdans les services administratifs.

Dans un tel environnement, l’admi-nistration ne peut réaliser ses pro-grammes d’activités et atteindre sesobjectifs qui sont la satisfaction del’intérêt général, l’utilité publique et lebien commun. Les actions qu’elle doitentreprendre dans la perspective de laréalisation de ces objectifs seront aussibien relatives aux capacités d’orga-nisation, de gestion et de coordination.On remarque en effet une faible coor-dination entre les structures admi-nistratives. L’exemple le plus éloquentest celui de la santé!: la désorga-nisation de l’administration s’expliquepar le non-respect des heures d’ouver-ture par de nombreux médecins quipassent plus de temps dans des clini-ques privées qu’à l’Hôpital, alors qu’ilsémargent au budget de l’État en tantque fonctionnaires ou agents publics.Cette situation est favorisée par l’ab-sence de statut d’hospitalo-universi-taires pour les médecins qui enseignentà l’Unité de Formation et de Rechercheen Sciences de la Santé (UFR-SDS).

Cela dit, les pouvoirs publics ont prisdes dispositions en vue de l’élaborationde tableaux prévisionnels des emploiset des effectifs d’une part, et du para-chèvement des textes d’organisationdes emplois, d’autre part.

L’administration publique connaît denombreux dysfonctionnements qui li-mitent son efficacité interne. Certainsont déjà été mis en évidence. Il s’agitdu caractère inopérant des structuresde lutte contre la corruption, de la per-sistance de la culture de l’impunité(agents publics indélicats récompen-sés), du système d’évaluation dans lafonction publique qui n’est toujours pasopérationnelle, du caractère lacunairede la coordination administrative, d’unegestion financière qui n’est pas sans

reproche parce que ne tenant pascompte des capacités financières duPays.

De plus, l’exécution des politiques pu-bliques connaît de nombreux goulotsd’étranglement. En effet, qu’il s’agissede la lutte contre la pauvreté, de la luttecontre le sida ou des politiques de mo-dernisation et de réforme de l’admi-nistration publique d’une part, et dedémocratisation et de développementparticipatif d’autre part, toutes cespolitiques subissent les effets de lamondialisation et dépendent pour leurréalisation de l’aide extérieure.

4.1.3. DANS LE DOMAINE DE LAGOUVERNANCE LOCALE

lles sont d’ordre politique, admi-nistratif, économique et social.

Dans le domaine politique

Au niveau local, l’espace politique estjonché de sites de pratiquescorruptrices.

La composition de l’espace politiqueLe processus tendant à l’implantationdes formations politiques, à leur enraci-nement, au recrutement de militants età leur fidélisation, mais aussi à l’expres-sion du suffrage, entretient des rela-tions avec la corruption. Comment sefait l’intégration (ou la mobilisation) descitoyens autour des idéaux du parti!?En bonne démocratie, ce sont les partispolitiques qui structurent l’électorat,suscitant chez l’électeur un sentimentd’identification qui souvent se transmetde génération en génération. Cetteidentification se fait par le biais des pro-grammes proposés aux électeurs.

Dans un régime corrompu, la structura-tion de l’électorat obéit à tout autreconsidération, puisqu’on passe du voted’identification au clientélisme, le voteétant une sorte de bon d’achat que l’onnégocie en échange de faveurs. Dansces conditions, on ne peut s’étonner

E

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que le nomadisme politique s’installe.

La corruption peut aussi modifier lesystème politique et administratif. Ainsi,on peut examiner comment sont modi-fiées certaines fonctions essentiellesdes partis politiques, selon qu’on est enbonne démocratie ou dans un systèmecorrompu.

Comment s’opère la sélection du per-sonnel politique!?

En bonne démocratie, les élus doiventêtre capables de convaincre les ci-toyens de l’utilité de leurs programmes,puis de mettre éventuellement ces pro-grammes en application. Les satisfac-tions qu’ils en tirent sont plus morales(notoriété, autorité, prestige) que maté-rielles.

Dans un régime corrompu, la situationest différente. Le choix des partis seportera de préférence sur les individusles mieux à même de négocier les mar-chés douteux, qui leur permettront derecueillir les fonds pour alimenter leurscaisses. La carrière politique est doncenvisagée comme un moyen particuliè-rement rapide de promotion sociale,d’autant qu’on assiste à une interactioncroissante des milieux politiques et desmilieux d’affaires.

Corruption électoraleQu’on le veuille ou non, l’administrationpublique est en grande partie respon-sable de la gestion des opérationsélectorales au Burkina, du fait de saresponsabilité dans l’établissement desactes administratifs (bulletins de nais-sance, CIB), toutes choses indispensa-bles pour faire valoir son droit électif.

De même, certains responsables admi-nistratifs utilisent les biens de l’État(véhicules, carburant, matériels de bu-reau) et même de l’argent public pen-dant les campagnes électorales. Lapresque totalité des préfets et hauts-commissaires utilisent leur autorité pourdéfendre des causes partisanes duparti au pouvoir. Ils sont considéréscomme étant là pour les membres d’un

parti et non pour tous les citoyens dudépartement ou de la province. Le plusrévoltant, ce sont les postes officielsréputés comme "juteux" et attribués,non pour récompenser des compéten-ces, mais pour acheter des voix. Ce quiconstitue alors un hymne au clientélis-me et à la corruption.

La collusion entre le politique etl’économiqueLa collusion entre le Politique etl’Économique constitue un autre aspectde la corruption. Il n’est un secret pourpersonne que de nos jours bon nombred’opérateurs économiques burkinabèfinancent à coup de millions les cam-pagnes électorales.

Des opérateurs économiques finançantles campagnes politiques, estiment (ouespèrent) devoir être rétribués en retourune fois la victoire politique acquise.C’est une action de récupération pourtout procédé des provisions financièresélectoralistes. Le risque de collusionentre les décideurs politiques et cesopérateurs économiques est confortépar des pratiques corruptrices. Le modede financement des partis politiques quine s’inscrit nullement dans une optiquede moralisation de la vie politique negarantit pas le financement privé despartis politiques.

L’importance prise ces dernières an-nées, avec la démocratisation, par lesclientélismes politiques, est spectacu-laire. Les "remerciements" pour servi-ces rendus au parti s’insinuent danstous les actes administratifs et politi-ques. Certes, le clientélisme politiquene fait pas disparaître les autres formesde clientélisme, mais il s’y conjugue, illes recouvre, les englobe ou les dominesouvent.

Dans le domaine administratif

Si les pratiques corruptrices empruntentcertaines formes et certains mécanis-mes, elles traduisent une criminalisa-tion des structures administratives. Le"fonctionnement réel" de l’État, au-delàdes organigrammes, des textes juridi-

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74 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

ques ou réglementaires et des déclara-tions politiques, est en effet très éloignéde son fonctionnement "officiel".

Sans porter de jugement de valeur, ense référant simplement aux normesproclamées, aux discours publics etaux attentes des usagers, on peutparler d’un ensemble "systémique" de"dysfonctionnement", qui sert deterreau aux pratiques corruptrices, sanspour autant se confondre avec cesdernières. On ne peut par exempletracer une frontière claire entre le"favoritisme", le "clientélisme" et le"piston" généralisés, d’un côté, et les"arrangements" faisant intervenir descontreparties monétaires, de l’autre; ouencore entre les commissions etgratifications légitimes, d’un côté et lespots-de-vin illégitimes, de l’autre.

Pour tenir compte de cette imbricationentre les pratiques corruptrices et lefonctionnement "réel" quotidien desservices de l’État, nous avons adopté,loin des définitions strictement juridi-ques, une acception aussi large quepossible du "complexe de la corrup-tion", c’est-à-dire l’ensemble des prati-ques d’usage abusif (illégal et/ou illégi-time) d’une charge publique procurantdes avantages privés indus.

Oscillant entre la dimension del’échange et celle de l’extorsion, cespratiques occasionnent des processusde redistribution des ressources publi-ques détournées, mais engendrentégalement des mécanismes d’inégalitéet d’exclusion dans l’accès à ces res-sources.

Dans le domaine économique

En matière économique, les marchésde travaux et fournitures constituent leterrain de prédilection de la corruptionaussi bien au niveau national que local.

Les différents rapports du REN-LACsont édifiants à ce propos. Dans sonrapport 2001 sur l’état de la corruptionau Burkina Faso après une étude mi-nutieuse sur les mécanismes de cor-

ruption dans ce secteur, le REN-LACtire les conclusions suivantes!: «Il estdifficile de mesurer l’ampleur réelle desenrichissements illicites connus dansles passations des marchés publics.Dans le silence, nombre de responsa-bles s’y sont fait des fortunes colossa-les, donnant même l’impression quel’importance d’une responsabilité deministre, de directeur ou autre décideurde l’administration est à la dimensiondes marchés publics dont il a la charge.Plus il en a, plus il est courtisé par lesentreprises "des affaires". Les marchéspublics constituent un domaine où lacorruption a étendu le plus de tentacu-les au Burkina. Elle y a permisl’ascension de nouveaux riches qui fontquasi subitement impression parl’étalage de leur capacité financière. Laréalité, c’est que pratiquement tousceux qui commettent de telles bavuresau détriment de l’État bénéficient d’uneimpunité. C’est en fait un travail de ré-seau dont l’efficacité, dit-on, dépendaussi du soutien politique apporté. Mi-nistres, Directeurs généraux, DEP,DAF, responsables ou membres decommission, fournisseurs, secrétaires,etc. chacun a son rôle à jouer dans lachaîne, selon l’importance du "deal".Les subsides à engranger varient aussiselon l’importance du marché et c’estce qui explique souvent que des offresclassées deuxième ou même troisièmemoins disantes se voient octroyer desmarchés au détriment des plus quali-fiées. Du clientélisme politique, l’avis decet opérateur économique est sansdétour!: "vous savez, c’est l’époque oùles marchés se donnent aux opérateurséconomiques du parti". Cet autre a uneopinion différente!: "Le marché sedonne à qui le mérite, celui qui saitqu’autour du marché public il faut savoirstimuler le décideur. L’argent n’a pasd’odeur. C’est au plus offrant". Dans lecercle ainsi créé, les uns donnent desmarchés, s’enrichissent, les autress’enrichissent et financent les campa-gnes politiques. Les fautes et incom-pétences ne comptent pas ou sont tolé-rées si elles ne sont pas simplementrangées dans les tiroirs "bons pourimpunis" ».

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 75

La corruption dans les marchés publicsest un phénomène si structurel que leterme "marchés publics" paraît syno-nyme de "corruption" et de "magouil-les". La corruption dans le système desmarchés publics fonctionne comme unesorte de pressoir dont l’étau se resserreau fur et à mesure qu’on avance dansle circuit. Il existe de nombreux sites decorruption qui jonchent le circuit desmarchés publics depuis l’appel d’offrejusqu’au remboursement de la retenuede garantie.

À travers le court-circuitage des normesde transparence, de concurrence etd’impartialité censées réglementer lesmarchés publics et par le paiement d’unprix supérieur à celui qui pourrait êtreaccepté par le privé, les décideurscréent une rente illicite, qu’ils partagentavec l’entrepreneur ou le fournisseurpar le biais du versement par ce dernierd’une commission. C’est à ce niveauqu’on observe donc les formes les plusaccomplies de corruptions transaction-nelles.

Les marchés de fourniture sont seulsconsidérés comme des marchés decorruption facile, du fait des possibilitésde surfacturation et du régime de gré àgré, avec possibilité permanente defractionnement.

Les collusions entre commanditaires etfournisseurs y sont difficiles à décelerdifféremment. La facilité de corruptionici est liée (aussi) à la faiblesse relativedes montants en jeu. Le fournisseur estrarement victime, car la surfacturationne se fait pas à son détriment. Il sertjuste d’intermédiaire pour faciliter ledétournement de fonds publics par lecommanditaire.

Dans le domaine social

Les pratiques de corruption reposentessentiellement sur les opérations delotissement. En la matière, il existe dessites de corruption qui jonchent lescorrup

circuits des opérateurs de lotissementdepuis le recensement des deman-deurs jusqu’à l’attribution définitive desparcelles. À chaque étape correspondun mécanisme particulier de corruptionet des techniques particulières quedéveloppent les membres de commis-sion en charge des opérations de lotis-sement.

Les opérations de lotissement se dé-roulent en plusieurs phases et concer-nent généralement les zones d’habita-tion non loties. La première étapeconcerne le recensement des résidentsqui sont prioritaires par rapport auxautres demandeurs. Ce recensementest subordonné à une condition!: lerésident pour être inscrit doit posséderune maison d’habitation dont la toitureest formée d’au moins vingt (20) tôles.C’est un critère discriminatoire, puisquetous les résidents ne remplissent pasforcement cette condition. À ce stade,les pratiques corruptrices se manifes-tent. Ainsi un résident ne remplissantpas les conditions peut néanmoins êtrerecensé moyennant rétribution desagents recenseurs. Mais la corruptionne se limite pas à ce niveau seulement,puisque plusieurs demandeurs non-résidents sont recensés et se voientaccorder un statut de privilégiés.

La deuxième phase concernel’attribution prononcée par la commis-sion par un acte de notification accom-pagné d’une lettre d’attribution.

Après les travaux de la commissiond’attribution, la liste des attributaires estarrêtée et portée à la connaissance dupublic. La liste publiée peut comportercependant des noms fictifs établis parles membres de la commission. Pources bénéficiaires fictifs des membresde la commission conservent par-de-vers eux des notifications vierges et cesont ces notifications qui vont fairel’objet de transactions. Ces parcellesconstituent un moyen de maintenir leclientélisme politique.

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76 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 4.2. Le financement des partis politiquesanalysé par la Cour des comptes

Le Premier président de la Cour des Comptes al’honneur de rappeler aux partis politiquesbénéficiaires des fonds de l’État dans le cadre dufinancement de leurs campagnes électorales et deleurs activités hors campagne, que les dispositions desarticles 7, 12 et 13 de la loi N°012-2000/AN du 02 mai2000 portant financement des activités des partispolitiques et de campagnes électorales, leur fontobligation de rendre compte dans un rapport financier(accompagné des pièces justificatives) de l’utilisationdes fonds reçus. Au terme de ces dispositions:

• Le rapport financier concernant les opérations descampagnes électorales qui doit être certifié etaffirmé sincère par la structure compétente duparti est transmis à la Cour des Comptes dans lestrois mois qui suivent le jour du scrutin;

• Le rapport financier relatif au financement desactivités hors campagne électorale est transmis,chaque année à la Cour des Comptes, dans lepremier trimestre de l’année suivant celle del’exercice concerné par les activités. Il y estannexé un bilan comptable certifié par la structurecompétente du parti.

Il invite par conséquent les partis retardataires qui nel’ont pas fait à régulariser leur situation dans les plusbrefs délais.

Ouagadougou, le 24 février 2003Boureima Pierre NEBIE

4.2. LES CAUSES DE LACORRUPTION

n dist ingue les causesgénérales et les causesspécifiques.

4.2.1. LES CAUSES GÉNÉRALES

Les désillusions de la transition

La transition démocratique c’est-à-direle passage d’un régime d’exception àun régime démocratique a provoqué

partout des désillusions. À la question"pensez-vous que la corruption existeplus qu’auparavant", près de 91 % despersonnes interrogées par le GNR-DHD répondent par la positive. AuBurkina Faso, cette phase est terminéeet l’enjeu principal porte maintenant surla consolidation de la démocratie. Àcette fin, les pouvoirs publics ont prisd’importantes initiatives!: élaborationd’un statut de l’opposition revendiquéepar l’opposition elle-même, phénomèneplutôt rare en Afrique et dans les dé-mocraties occidentales à la différencede la Grande-Bretagne, réformes duCode électoral par la création d’uneCommission Électorale Nationale Indé-pendante (CENI), organe démocratiquede gestion des élections, par l’intro-duction du scrutin proportionnel selon latechnique des plus forts restes quifavorise la représentation des petitspartis, par l’instauration du bulletin uni-que pour limiter les fraudes électorales,par l’adoption d’une charte qui moralisela vie des partis et formations politi-ques, par la création d’une juridictionconstitutionnelle, etc.

Incontestablement, ces réformes cons-tituent des progrès de l’État de droit.Mais il existe des facteurs de désillu-sion de l’opinion publique sur les bien-faits de la transition!: détournements dedeniers publics, enrichissements illici-tes, assassinat de journaliste, culturede l’impunité entretenue et qui expliquel’arrogance des auteurs de détourne-ments, le fait de brader les entreprisespubliques au moyen des privatisationset l’absence d’imputabilité publique.

L’absence d’imputabilité publique

Depuis la publication en 2001 durapport sur l'évaluation de la gestiondes finances publiques et des pratiquesde la comptabilité du secteur privé(Country Financial AccountabilityAssessment), l 'État doit faired'avantages d'efforts pour informer lespartenaires du Burkina Faso sur!:

• Le budget de l’Administrationpublique;

O

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• La comptabilité publique et larésolution de la gestion financière;

• Le système de contrôle interne dansl’administration publique, la gestiondes documents / fichiers ou dossiers/ archives y compris;

• Les technologies de l’information;• L’audit de l’Administration publique;• Le contrôle par le parlement de la

gestion des finances;• La gouvernance des entreprises et

l’obligation de rendre compte de lagestion financière;

• L'accès du public aux informationssur la gestion des finances publi-ques;

• Les ONG / les organisations com-munautaires de base.

Mais depuis l’adoption de ce rapport, y-a-t-il eu progrès dans la gestion desdépenses budgétaires!? Il est encoreprématuré de répondre.

Par ailleurs, les partis politiques quibénéficient du financement public doi-vent rendre compte de l’utilisation deces fonds. Certains l’ont fait, mais d’au-tres n’ont pas encore rendu compte dela gestion des moyens mis à leur dispo-sition par le Trésor public. D’où cetappel de la Cour des Comptes!:

Le parlement également contrôle l’exé-cution du budget national par l’adoptionde lois de règlement. En 2000, seulesdeux lois de règlement ont été adop-tées, pour les gestions 1993 et 1994.On est donc loin d’une imputabilitépublique parfaite.

L’État de droit constitue également unétat d’esprit, une certaine culture politi-que elle-même étroitement reliée à uncertain équilibre du système social ainsiqu’à un certain contexte international. Ilfaut, par conséquent, veiller à ce queles survivances des pratiques autoritai-res ne conduisent pas le peuple à re-gretter les situations de non-droit ou depouvoir non institutionnalisé. Le pouvoirest institutionnalisé quand il n’est lapropriété d’aucun individu, ni d’aucunefraction du peuple. Du reste, l’article168 de la constitution rejette le pouvoir

personnel.

La faible institutionnalisation dupouvoir

La faible institutionnalisation du pouvoirtraduit la difficulté des autorités politi-ques en principe titulaires de fonctions,à se départir de la conception patrimo-niale du pouvoir. Mais en dépit de cehandicap, elles affichent une volontéd’objectivation de celui-ci!: moralisationdes partis et formations politiques,transparence et réglementation de leurmode de financement ou encore obli-gation de déclaration des biens avant laprise de fonction, etc.

Naturellement, la faible institutionnali-sation du pouvoir favorise l’opacité dela gestion de la chose publique, lemanque d’imputabilité publique et lefinancement occulte des partis politi-ques source d’inégalité entre eux. Surce point, il est à noter qu’en dehors dufinancement public effectué par le Tré-sor public, le financement privé n’estpas réglementé. Le déséquilibre entreles pouvoirs constitutionnels est égale-ment une des causes de la corruption.

Opacité de l’administration!: non-publication des circulaires et ins-truction de service

Les circulaires ou instructions de ser-vice sont des prescriptions que leschefs de service donnent aux agentspublics placés sous leur autorité en vuede l’interprétation et de l’application deslois et règlements. Ne faisant pas l’objetde publication au Burkina Faso, "cesmesures d’ordre intérieur" ne sont pasen principe connues des administrésqui ne peuvent se prévaloir de leur vio-lation ni en demander l’annulation. Latransparence administrative voudraitcependant qu’elles soient publiées. Lapublication contribue à l’information descitoyens car une démocratie adminis-trative ne peut s’accommoder du se-cret. Le Burkina Faso n’en est pas en-core à ce point. En France, la loi du 17juillet 1978 autorise une publicationrégulière des directives, instructions,

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circulaires, notes et réponses ministé-rielles qui comportent une interprétationdu droit positif ou une description desprocédures administratives. Dès lors,tout intéressé peut s’en prévaloir àl’encontre de l’administration selon ledécret du 28 novembre 1983. Ainsi setrouve résolu du même coup le pro-blème de l’accès aux documents admi-nistratifs.

Politisation de l’administration

Dans un État de droit, l’administrationdoit faire preuve de neutralité politique,matrice des obligations des agentspublics de l’État. Mais dans les faits, onconstate de plus en plus une politisa-tion de l’administration que l’on soit enprésence d’un système de la fonctionpublique de carrière ou d’un systèmede la fonction publique de l’emploi. Cet-te politisation est favorisée par le pou-voir discrétionnaire de l’Administrationque l’on retrouve dans les nominationsoù il faut tenir compte des compétencestechniques en faisant prévaloir le critèredu mérite sur celui de l’allégeance poli-tique au régime.

Au Burkina Faso, ce souci n’a pas tou-jours prévalu car les nominations et lenépotisme ont permis de constituer desréseaux de clientèle politique. Il en ré-sulte une mauvaise utilisation des res-sources humaines de l’administration,"l’homme qu’il faut" n’étant pas toujoursà "la place qu’il faut". L’administrationest inféodée au pouvoir politique et lacorruption y va grandissante.

Centralisation excessive de l’admi-nistration

L’organisation administrative du Bur-kina Faso est marquée par une centra-lisation excessive des services malgrél’existence des textes d’orientation de ladécentralisation. Cette centralisationrésulte de la concentration des structu-res de l’administration dans la capitaleet dans quelques centres urbains. Elleentraîne une concentration de person-nel pouvant atteindre des niveaux éle-vés selon les ministères. Cependant,

certains ministères connaissent unedéconcentration, mais le taux reste fai-ble. Qui plus est, ces structures dé-concentrées fonctionnent difficilementfaute de ressources humaines et maté-rielles suffisantes.

Le déséquilibre entre les pouvoirsconstitutionnels

Tout en proclamant l’État de droit, laConstitution du Burkina Faso a consa-cré la prééminence du Chef de l’État. Ilest la clef de voûte des institutions. Sesimportantes prérogatives ci-après leconfirment. Il est le chef des armées, ilpromulgue les lois, préside le Conseildes Ministres; il nomme aux emplois dela haute administration civile et militaire,il peut dissoudre l’Assemblée Natio-nale, mettre fin aux fonctions du Pre-mier Ministre s’il présente sa démissionou dans l’intérêt supérieur de la Nation.Il peut recourir au référendum législatif.De plus, la position du chef de l’État estaujourd'hui confortée par une majoritéqui lui est favorable au Parlement.Dans ces conditions, le parlement nepeut exercer aucun contrôle sur le gou-vernement parce qu’il n’aura qu’unefonction de ratification et jouera un rôlede parade ou de mise en forme de lavolonté du Président. La prédominancedes projets de loi sur les propositionsde lois et les habilitations législativesaccordées au gouvernement sont untémoignage.

Cette situation d’omnipotence del’exécutif met en péril les libertés carcomme l’a écrit Montesquieu, il n’y apoint de liberté sans séparation despouvoirs (chapitre VI du livre XI del’Esprit des lois (1748)).

La justice est une institution centraledans le fonctionnement de l’État dedroit car ce sont les juges qui doivent lerendre effectif. Pour ce faire, ils jouis-sent de l’indépendance de la magistra-ture qu’ils tiennent de leur statut et sontainsi à l’abri des interventions des pou-voirs publics. Ce troisième pouvoir peutainsi assurer la protection des libertés.Mais la réalité montre que ce principe

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d’indépendance de la magistrature esthypothéqué car les juges font parfoisl’objet de pressions exercées aussi bienpar les particuliers que par les pouvoirspublics. Dans ces conditions, l’opinionpublique n’hésite pas à conclure que lajustice obéit à des ordres, ternissantainsi son image. Le déséquilibre netouche pas que les pouvoirs constitu-tionnels, il affecte également le sys-tème partisan marqué par le multipar-tisme.

Un système partisan marqué par unmultipartisme de façade

Le Burkina Faso a une tradition multi-partite qui, après une éclipse, est réap-parue à la faveur de la transition démo-cratique.

Ainsi, après le reflux de l’idéologiecommuniste et le discrédit qui a frappéles partis uniques en Afrique suite àleur faillite totale dans le domaine de lacohésion nationale et de l’améliorationde la situation économique des paysdepuis la décolonisation, le constituantBurkinabè a renoué avec le multipar-tisme. Ce faisant, il a rejeté, la thèsealarmiste selon laquelle le multipar-tisme réveille les vieux démons de ladivision et en a fait un principe intangi-ble puisqu’il ne peut faire l’objet de ré-vision.

L’article 13 de la constitution consacreun multipartisme intégral. Le multipar-tisme est une condition nécessaire dela démocratie. Il permet de jauger ladémocratie qui se mesure à son aune.N’a-t-on pas écrit que la démocratiemoderne ne se conçoit pas sansl’existence de partis. Si le multipartismeprésente toutes ces qualités, est-il pourautant un gage de la démocratie auBurkina Faso!?

Jusqu’aux dernières élections législati-ves, une seule formation politiquedomine l’échiquier politique national, leCongrès pour la Démocratie et leProgrès. La propension à parler d’unmultipartisme de façade était grandeparce qu’il cachait un parti dominant.

Cependant, les élections législatives demai 2002 ont marqué l’ouverture d’unjeu politique plus ouvert au niveau dupouvoir législatif.

Le multipartisme intégral au BurkinaFaso reste marqué par un foisonne-ment de partis politiques (plus desoixante dix) qui traduit l’euphorie poli-tique qui a caractérisé les premièresheures de l’État de droit. Mais l’émiette-ment de ces partis n’est pas toujours debon augure pour la démocratie, surtoutque la plupart d’entre eux connaît desremous, des turbulences ou dessoubresauts dus à une crise dont lescauses sont endogènes et exogènes.Pour les causes endogènes, notons lesluttes intestines résultant du non-respect de la démocratie à l’intérieurdes partis. Quant aux causes exogè-nes, elles sont souvent liées à lapolitique de division menée par le partiau pouvoir qui tente d’attirer les mili-tants des autres partis dans son orbite.

La déstructuration de l’ordre moral

La morale agonise au Burkina Faso, a-t-on écrit. Cela est si vrai que lesfonctionnaires ne se soucient plus del’intérêt public ni du respect des bienspublics. En un mot, la conscienceprofessionnelle n’est pas la vertu lamieux partagée. Les valeurs moralesdisparaissent. Les différents cas defraudes déjà examinés avec leursacteurs (agents publics de l’État et descollectivités locales, détenteurs du pou-voir politico-administratif et particuliers)le confirment amplement.

De plus, la perception culturelle de lacorruption n’est pas la même selon quel’on se trouve dans une société tradi-tionnelle ou dans une société moderne.Ainsi, si le fait de donner un poulet àquelqu’un pour service rendu n’est pascondamnable en milieu traditionnel, enmilieu étatique, ce même cadeau estperçu comme un acte de corruptionparce que le bénéficiaire de cette offreest payé pour rendre un tel service auxusagers de l’administration. De lamême manière, il n’est pas normal que

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les agents des médias posent commecondition préalable le paiement d’unesomme d’argent avant la couvertured’événement car il s’agit d’un servicepublic.

Cependant, un tel paiement estraisonnable pour des médias privés quiconstituent une entreprise commercialeet qui doivent par conséquent faire faceà des frais récurrents.

Le non-respect d’une charte d’éthi-que pour les professionnels desmédias

La liberté d’expression existe au Bur-kina depuis l’amorce du processus dé-mocratique, ce qui explique la floraisonde la presse et des médias privés dontle rôle primordial en matière de promo-tion de la démocratie et de la bonnegouvernance n’est plus à démontrer. Iln’y a pas de place pour le monoli-thisme.

Une charte des journalistes du BurkinaFaso a été adoptée en 1990, mais ellen’est pas reconnue par l’ensemble desprofessionnels. Les médias constituentdes instruments de lutte contre la cor-ruption.

En effet, par les critiques, lesdénonciations, la prise de parole desauditeurs et des lecteurs, ils obligentles pouvoirs publics à améliorer leurgestion de la cité. Les hommes qui lesaniment ne respectent-ils pas toujoursl’éthique ou la déontologie profession-nelle!? Dans le contexte de pauvreté duBurkina Faso, il est difficile d’avoir unepresse libre et responsable.

En effet, les maux qui minent la presseet les médias, tant publics que privés,sont nombreux et ont pour noms!: lemanque de professionnalisme, l’auto-censure, le manque d’objectivité, lesattitudes partisanes et l’intolérance,l’absence de messagerie pour la distri-bution des journaux, la création decertaines presses par des fonctionnai-res sans ressources ni compétences, lefait que les médias publics sont souvent

considérés comme les appendices dupouvoir chargés de faire la propagandede ses actions, etc. Tous ces facteursmontrent bien que l’éthique profession-nelle n’est pas toujours de mise et qu’ilest difficile par conséquent d’éviter lespressions qu’elles viennent du pouvoirpolitique ou du pouvoir économique.

Une charte d’éthique et de déontologieprofessionnelle reconnue et respectéeaurait sans doute permis d’éviter cer-tains dérapages. Mais hélas!! À l’heureactuelle, seul le Conseil Supérieur del’Information œuvre au respect de ladéontologie professionnelle par lessociétés et entreprises de radiodiffusionsonore et télévisuelle privées et publi-ques, par les journaux et publicationspériodiques publics comme privés(article 17 de la loi organique n° 020-2000/AN du 28 juin 2000 portant créa-tion, composition, attributions et fonc-tionnement du Conseil Supérieur del’Information).

L’analphabétisme des administrés

C’est un terreau qui peut favoriser ledéveloppement de la corruption. Dansun pays comme le Burkina Faso où lagrande majorité de la population estanalphabète, seuls ceux qui possèdentune culture juridique suffisante vontdevant le juge administratif parce qu’ilssaisissent le sens et l’intérêt du contrôlejuridictionnel.

Le procès administratif est égalementsoumis à des conditions de forme et dedélai que les administrés ne connais-sent pas toujours. Par exemple, le re-cours contentieux doit être formé dansles deux mois de la décision attaquée.Le délai court à compter de la publica-tion si l’acte attaqué est un acte régle-mentaire. S’il s’agit d’une décision indi-viduelle, le délai court à compter de lanotification à l’intéressé. Un peuple peuinstruit peut-il se retrouver dans lesarcanes de cette procédure complexe ?

Le problème se complique en cas desilence de l’administration sur la de-mande d’un administré restée sans

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance démocratique 81

réponse. Le commun des mortelsignore que le silence gardé parl’administration pendant quatre mois àcompter de la demande, emporte déci-sion implicite de rejet et que le recourscontentieux est possible sur la base decette décision. Des mesures de simpli-fication administrative sont donc sou-haitables.

4.2.2. CAUSES SPÉCIFIQUES

L’impunité

La corruption est un phénomène glo-balement nocif qui a des conséquencestrès graves sur l’économie nationale etles individus. Si malgré tout, la corrup-tion prend de l’ampleur, c’est en partiedû à l’impunité et à l’envie d’imiter lescorrompus et les corrupteurs qui nesont pas punis. La corruption se géné-ralise dans tous les secteurs de la so-ciété.

C’est là une conséquence directe duclientélisme, qui brise toute tentative deréforme, en particulier au niveau de lalutte contre la corruption.

Toute sanction pose en effet problème,parce que le sanctionné est à peu prèstoujours inséré dans des réseauxclientélistes qui le protègent. Celui quiveut sanctionner se voit ainsiimmédiatement l’objet de multiples"interventions", voire de menaces,venant de pairs ou de personnagesplus haut placés. La plupart du temps, ilse voit désavoué par sa proprehiérarchie, qui ordonne la relaxe del’auteur de l’infraction ou la suspensionde la peine. C’est un facteur importantde dissuasion quant à l’applicationnormale des règlements.

D’ailleurs, un sanctionné n’a en généralrien fait d’autre que ce que font les au-tres personnes de son réseau, et ensanctionnant un individu, c’est tout unsystème que l’on menace.

C’est pourquoi l’impunité est, de fait, la

règle, et la sanction l’exception, on peutalors se demander si l’application ex-ceptionnelle des textes et des règle-ments, allègements bafoués au quoti-dien par chacun, ne relève pas le plussouvent de motivations qui n’ont rien àvoir avec la justice ou avec la bonnemarche des services!: règlements decomptes, élimination de gêneurs, refusde passer à la caisse, de redistribuerou de prêter allégeance, etc. C’est ungrave problème pour la lutte contre lacorruption.

Les conditions économiques

Les bas salaires, le faible pouvoird’achat des fonctionnaires, les moyensde travail limités, sont à la racine despratiques corruptives. Sur ce registre,des argumentaires sont mis en avantpour justifier les comportements dé-viants des agents publics.

Les conditions économiques précai-resBas salaires, pauvreté, incertitudes dulendemain (précarisation de l’emploi,…), telles sont les conditions dans les-quelles se trouvent la majorité de lapopulation. Même si ces conditionséconomiques difficiles ne sont pas àl’origine de la corruption, on peut ad-mettre qu’elles contribuent à son ag-gravation dans nos pays.

Le niveau de revenu et la corruptionDans une administration donnée, lesagents les moins payés sont parfoisplus exposés à la corruption et/ ou ren-contrent plus de situations où les occa-sions de corruption sont plus nombreu-ses. En effet, le petit agent de la circu-lation, mal payé face à des usagers dela route, très nombreux et ignorant sou-vent les règles élémentaires de la cir-culation, peut facilement être tentéd’abuser de sa position plutôt qued’appliquer la loi. De même, l’agentpublic chargé de la délivrance de piè-ces administratives courantes, devantl’importance de la demande etl’inorganisation des services, peut selaisser tenter par l’application de règlesillégales lui permettant d’arrondir ses

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fins de mois. Bien sûr dans ces cas, lesmontants payés sont en général trèsmodiques en comparaison, par exem-ple, des enveloppes qui pourraient êtreperçues dans le cadre de marchés pu-blics, dont les montants seront nette-ment plus consistants.

Argumentaire justificatifLa perception de la corruptions’exprime à travers un certain nombrede représentations!:

[ La corruption comme moyen decompensation

La corruption serait, pour l’agentpublic ou pour l’usager, un moyende "récupérer un dû", et donc unecompensation pour une injusticedont il s’estime victime. S’il s’agitd’un agent public, c’est la faiblessede son salaire (ou, plus encore, lefait que celui-ci ne lui ait pas étéversé), comparée aux rémunéra-tions versées par le secteur privé,les "projets", les coopérations étran-gères ou les organisations interna-tionales, qui légitiment les rétribu-tions illégales et autres "supplé-ments de salaire" informels. S’ils’agit d’un usager, la corruption ap-paraît comme un moyen de com-penser des taux jugés excessifs detaxation ou de ponction.

[ La corruption comme "bonne ma-nière"

La corruption relèverait aussi de lagentillesse ou de la bienséance. Iciaussi, l’argument est décliné dansplusieurs registres!: la compassion,le savoir-vivre, la courtoisied’affaires. D’un côté, celui de lacompassion, lorsqu’un agent publicsait "avoir pitié" de l’usager et cèdeaux implorations et supplicationsdes uns et des autres. De l’autrecôté, celui de l’obligation d’accepterla gratification venant de l’usagersatisfait du service obtenu. C’estune question de politesse, de savoir-vivre. La contrepartie monétaire dela transaction est, dans les trois cas,

systématiquement assimilée à un"cadeau", forme sociale par excel-lence du savoir-vivre, dont onconteste souvent qu’elle ait quoi quece soit à voir avec la corruption.

[ La corruption comme privilège

La corruption est parfois assimilée àune sorte "d’avantage de fonction",qui, en tant que tel, est un prolon-gement naturel du statut de fonc-tionnaire. Le "privilégisme" est eneffet une forme d’extension démesu-rée des "avantages de fonction",que l’on retrouve dans toutes lesadministrations africaines. Recevoirde l’argent de l’usager ou détournerdes matériels ou des fonds publicsn’est alors qu’un privilège légitimeparmi bien d’autres, qui exprimentl’appropriation par les fonctionnairesde l’espace, des facilités et desmatériels de leur service.Cette pression sociale peut êtreexercée aussi bien par la famille, parl’entourage ou par les collègues.Dans tous les cas, la pression desproches ou des pairs obligel’intéressé à abandonner ses éven-tuels scrupules éthiques personnels«anti-corruption" pour céder à uneéthique de groupe qui privilégie lesservices rendus ou la redistributionostentatoire. On n’est pas loin d’unejustification "culturelle".

Par ses largesses, le corrompu ob-tient le silence des collègues ou labienveillance de la population. Ils’agit encore une fois de se confor-mer à l’étiquette qui informe l’universde la corruption. Le fait d’avoir"bouffé" ne suffit pas à déclencher lastigmatisation, encore faut-il l’avoirfait de façon égoïste, avoir pêchépar gourmandise et arrogance, avoirexclu les autres des bénéfices dudétournement.

[ La corruption comme mimétisme

Il s’agit ici de "faire comme tout lemonde", pour ne pas être le dindonde la farce. L’exemple de la

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corruption vient d’en haut. Les hautsresponsables montrent le chemin.Bien stupide serait donc celui qui neferait pas comme eux. Une varianteplus professionnelle, consiste àrenvoyer la responsabilité despratiques corruptives à la hiérarchie,qui s’y livre la première. Lagénéralisation de la corruption estalors le produit d’une agrégation destratégies individuelles fondées surun effet de tâche d’huile. Le risqueest grand, en effet, d’être désavouépar les supérieurs hiérarchiques -qui annuleront les sanctionsinfligées - et d’être exclu desbénéfices de l’accord illicite, qui seradésormais scellé à un niveausupérieur de la hiérarchie admi-nistrative.

[ La recherche de l’enrichissementrapide

Le fait de bénéficier d’un poste "ju-teux" dans un service public quel-conque est conçu le plus souventcomme une occasion dont il fautprofiter au plus vite et au maximum,car elle n’est pas éternelle. À cetégard, il s’agit de stratégies à courtterme, où tous les moyens sontbons pour accroître sa richesse.

[ La manipulation des registres nor-matifs et réglementaires

Les transactions et pratiques illicites,contrairement à ce qu’on pourraitpenser, ne sont pas liées à uneignorance des normes par les fonc-tionnaires, mais au contraire à unemanipulation de celles-ci, fondée surleur maîtrise et leur connaissance.C’est seulement du côté des usa-gers que, souvent, la méconnais-sance des normes favorise l’accep-tation des pratiques corruptrices, encréant un rapport de force défavo-rable. Du côté des professionnels,en revanche, le jeu sur ou autourdes normes est central pour imposerou susciter des transactions corrup-trices.

L’inadaptation du modèle adminis-tratif

Dans les pays en développement, lechoc brutal de la modernité n’a pas suffià effacer les solidarités traditionnellesqui continuent dans une certainemesure à influencer les comporte-ments. Les relations collectives qui sedéveloppent dans les communautésafricaines traditionnelles, l’interférencedans les sociétés en pleine mutation etsoumises à un processus de moder-nisation accélérée, des solidarités etdes mentalités qui en résultent, affec-tent directement le cadre dans lequelse développent ces relations, c’est-à-dire la structure et surtout le fonction-nement étatique. Celles-ci ne sont pas,par définition, reçues, comprises etvécues de façon différente par despopulations. Celles-ci ont subi en moinsd’un siècle "le traumatisme d’unedomination exogène et le bouleverse-ment d’une indépendance brutale".

L’adoption du constitutionnalisme en-tendu comme la volonté de soumettrel’exercice du pouvoir à des règles pré-établies et déterminées en fonction d’unbut choisi rationnellement a été laconséquence directe de la colonisation.L’élaboration des constitutions adop-tées au moment de l’accession àl’indépendance des nouveaux Étatsafricains au Sud du Sahara, fut large-ment dominée par des considérationsétrangères au milieu social dans lequelces textes devaient être appliqués. Lemouvement constitutionnel initial peutêtre considéré comme étranger par soninspiration et ses buts et marginal parson inspiration dans la mesure où iln’affecte pas en profondeur la sociétéafricaine.

Il a cependant été rapidement remis encause, en raison de la résurgence desparticularismes locaux et la restaurationd’une culture traditionnelle. Le décalagede plus en plus accentué entrel’infrastructure socioculturelle de l’État,qui rejette progressivement le modèleinitial de référence, et sa superstructurejuridique

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juridique, qui continue à le reproduire,confère à celle-ci un caractère de plusen plus formel qui en limite par là-même sa portée. Le modèle adminis-tratif occidental était nécessaire àl’apparition de l’État moderne en Afri-que dans la mesure où la société con-temporaine fonde les rapports desgroupes humains sur des institutionsjuridiquement et hiérarchiquement or-ganisées en fonction de la notion del’État.

Les administrations africaines portentl’empreinte des anciennes puissancescolonisatrices. Dans le cas du BurkinaFaso, elles sont soumises à unsystème juridique emprunté à la sociétéfrançaise et marquées par la double in-fluence de son régime politique et éco-nomique capitaliste.

L’imposition d’un appareil administratifinitialement conçu et progressivementrévisé dans des sociétés non africainesparticipe du mimétisme administratif,"péché origine des États nouveaux", quifait qu’on a toujours affaire à "une copieapproximative, ne tenant pas compted’aspirations profondes, des particula-rités et des tendances de la population;ce modèle, reste non autochtone,même s’il paraît superficiellement as-similé".

Comme le souligne G. Timsit, l’admi-nistration africaine ressemble étrange-ment à celle de l’ex-colonisateur!: elleen est le calque. Ce qui n’étonne point!:elle en est un héritage direct. Lapersistance des mimétismes adminis-tratifs, au-delà même des accessions àl’indépendance, est plus surprenante!:c’est qu’en vérité cette administrationse construit sans référence, à soncontexte socioculturel, mais unique-ment dans la perspective d’un dévelop-pement économique considéré commeobjectif premier et fin ultime de l’État.

Si, comme l’indique M. Grozier, le mo-dèle administratif est aussi un "modèleculturel", on mesurera mieux l’inadap-tation des instruments choisis. L’admi-nistration africaine a été conçue selon

le type wébérien comme l’explique J.C.Gautron!: «on a induit de la sociologiewébérienne la perspective stratégiquequ’une administration de type "légal-rationnel" devait être substituée à desmodes de domination et à des légitimi-tés traditionnelles, et pourrait, en au-gmentant ses capacités techniques,relever à la fois de la logique de l’Étatet de celle du développement».

Les principes sur lesquels ont étéconstruites les administrations publi-ques africaines reposent sur uneconception wébérienne de la bureau-cratie. Modèle d’organisation ration-nelle, fondé sur la division du travail, lacompétence et le caractère imperson-nel de ses règles et procédures, la bu-reaucratie est indissociable du proces-sus d’industrialisation occidental, lui-même dérivé d’une transformation desreprésentations liée au basculement del’Occident dans la modernité. La pen-sée scientifique et rationnelle se subs-titue aux catégories traditionnelles envigueur dans les représentations etimprègne l’ensemble des processussociaux, y compris les modes d’organi-sations collectifs, comme l’entreprise etl’administration. Or, la transposition desstructures administratives s’est réaliséedans un univers culturellement trèsdifférent où le rapport à la modernitéétait largement méconnu. Dès lors, tousles mécanismes bureaucratiques fon-damentaux se sont trouvés biaisés.

4.3. LES IMPACTS DE LACORRUPTION

es conséquences de la générali-sation de ces pratiques sont di-verses. D’une part, l’attribution

des marchés selon des logiques cor-ruptives contribue à l’augmentation dela dépense publique (due à la pratiquecourante de la surfacturation) et en-gendre une baisse de la qualité. Ceuxqui gagnent les marchés ont souventles compétences requises mais ils sont

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obligés pour obtenir le marché tout engardant une marge bénéficiaire de di-minuer la quantité ou de réduire la qua-lité des matériaux utilisés. Des routesplus étroites que la norme, du goudronde mauvaise qualité, des puits pluspetits ou inachevés!: les exemples nemanquent pas. D’autre part, la situationde monopole dont bénéficient les quel-ques entreprises soutenues politique-ment génère la faillite des concurrentsdépourvus d’appuis et favorisent lamultiplication de la sous-traitance.L’État et le contribuable sont en défini-tive les victimes réelles.

En ce qui concerne les politiques appli-quées par le pouvoir, en bonne démo-cratie, ce sont les partis politiques quidoivent contribuer à l’élaboration despolitiques du pouvoir. Dans un régimecorrompu, le personnel corrompu nepeut que s’intéresser en priorité auxdécisions les plus "rentables" en termesde pots-de-vin. Il aura tendance à in-vestir davantage de fonds publics dansles secteurs les moins contrôlés del’économie, créant une sorte de cerclevicieux qui affaiblit l’autorité et donc sacapacité de contrôle. En outre, de parsa nature même, la corruption privilégiele secret par rapport à la transparence,le groupe restreint d’initiés par rapport àla masse des citoyens. Alors que lesmécanismes de contrôle reposent surla transparence, le caractère occultedes décisions prises réduit d’autant lapossibilité de mettre au jour les activitésillégales.

4.3.1. LE PATRIMOINE DES DÉCI-DEURS POLITIQUES

e paradigme de la corruption et dupatrimonialisme, quel que soit en-

suite le type de conceptualisationadopté, conduit à souligner les caracté-ristiques propres, les invariants de l’Étatafricain dans son fonctionnement prati-que.

que. La confusion qui s’opère entre ledomaine public et le domaine privépermet de souligner la perméabilité desfrontières entre le politique et l’écono-mique, comme l’illustre le phénomènede Straddling. De même, l’âpreté desluttes pour l’enrichissement et la domi-nation pousse à l’émergence d’unmode de gouvernement dont la figuredu "pouvoir personnel" symbolise l’arbi-traire.

L’État africain repose dans son principesur l'absence de dissociation entre lesrôles politiques et économiques. Cetteinterpénétration découle en grandepartie de la logique même du pouvoirqui conduit son détenteur à asseoir sadomination en développant ses réseauxpar les pratiques patrimoniales déjàmentionnées. Pour fructifier, le capitaléconomique grâce auquel il sera possi-ble de s’attacher encore plus solide-ment des clientèles et des dépendants.Le mécanisme, en quelque sorte,s’auto entretient dans la mesure où lesressources économiques confortent laposition politique et, réciproquement,les ressources politiques ainsi obtenuespermettent d’acquérir de nouvellesrichesses. Un tel mécanisme d’accumu-lation résulte de la spécificité historiquede l’Afrique post-coloniale. L’absencede capitaux locaux disponibles et d’unebourgeoisie capitaliste a poussé à l’offi-cialisation du rôle de l’État commeentrepreneur. L’interventionnisme éco-nomique de la puissance publique étaitconsidéré comme une nécessité envertu du principe de la substitution del’État aux carences du secteur privé.Aussi l’État s’est-il trouvé légitiméofficiellement dans les doctrines et lesidéologies post-coloniales comme unacteur obligé du développement éco-nomique. Les acteurs étatiques, politi-ques et bureaucratiques, se sont ainsitrouvés dans une position de chevau-chement entre des secteurs norma-lement cloisonnés18. Systématisé, lechevauchement permet de comprendrecomment

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18 Le terme anglo-saxon correspondant est le straddling, qui signifie "être à cheval", "enfourcher"

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comment se sont constituées des for-tunes considérables au sud du Sahara.

Le politique devient ainsi la voied’accès privilégiée à l’enrichissementtandis que, symétriquement, l’économi-que conforte le pouvoir. Le monde desentrepreneurs économiques en Afriquen’est que marginalement indépendantdans sa composition du complexepolitico-étatique. La trajectoire normalede l’entrepreneur passe d’abord par laconquête d’un poste politique lui per-mettant ensuite d’étendre sa fortune.Cette pratique a d’ailleurs été officiel-lement organisée et réglementée dansun certain nombre d’États où, au nomde l’impératif du développement, lesfonctionnaires se sont vus autorisés,voire incités, à investir dans l’activitéprivée. Quelques exceptions viennentrelativiser le constat du chevauchementà travers notamment l’excroissance dusecteur informel et les fortunes qui, iciou là, se sont constituées sur cettebase. Mais, même le secteur informeln’est pas à l’abri des convoitises deshommes politiques qui voient danscelui-ci une base potentielle d’accumu-lation à ne pas négliger.

Cette interpénétration réciproque etnécessaire entre les positions politiqueset économiques culmine, selon J.F.Médard dans la figure du big man.S’inspirant des travaux anthropologi-ques de M. Sahlins sur le cas mélané-sien, J.F. Médard voit dans les diri-geants de l’Afrique contemporaine desillustrations du big man. De même quele big man de M. Sahlins résulte d’unestratégie d’accumulation qui lui permet,grâce à ses capacités d’entrepreneur,de s’attacher des dépendants et dedevenir un homme important, l’hommepolitique africain se doit de recourirpour survivre à des stratégies identi-ques d’accumulation. Toutefois, à ladifférence du big man mélanésien quiréussit à partir de son capital initial quiest économique et social, le big manafricain est d’abord investi dans l’actionpolitique condition de son accès auxrichesses économiques.

Le pouvoir personnel s’inscrit dans lalogique de l’accumulation "vertueuse"mise en évidence par la stratégie duchevauchement et plus largementcomme manifestation du néo-patrimo-nialisme. Le pouvoir personnel renvoieà un savoir-faire particulier dans uncontexte de faible institutionnalisationpolitique. Dans les États occidentaux, lepouvoir ne peut être qualifié de person-nel en raison des limites institutionnel-les qui balisent tant la compétition qui leprécède que son exercice. Ceci nesignifie pas que l’homme politique nedoive pas faire preuve de capacitéspersonnelles déterminantes pours’affirmer dans un univers de concur-rence exacerbée, mais il ne détient pasà lui seul les clés de son accès et deson maintien au pouvoir. En Afriquesubsaharienne, le facteur personneldans la réussite est beaucoup plusgrand. Le caractère aléatoire des insti-tutions politiques ne permet pas eneffet de borner l’action du chef ou duresponsable politique, à la différencedes systèmes politiques à forte institu-tionnalisation où les dirigeants peuventse succéder sans que le fonctionne-ment du système global ne s’en trouvemodifié, au point de faire apparaître lesdirigeants comme permutables. Aucontraire, dans les contextes néo-pa-trimoniaux, les choix et les comporte-ments du chef vont directement affecterle fonctionnement global du système,déterminant simultanément le degré decorruption et de coercition.

4.3.2. LE MODE D’ADMINISTRATION

a bonne gouvernance ne peuttrouver sa pleine expression dans

un système partisan de gestion desaffaires locales, puisqu’il ne garantit niefficacité, ni transparence de la gestionpublique. L’instauration d’une "gestionpartisane" est source d’inefficacité.

Un mode d’administration efficace peutaider à définir de bonnes orientationsde fournir, au moindre coût, les biens etserve

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les services publics essentiels. D’unemanière générale, l’efficacité de la ges-tion est l’aptitude à utiliser adroitementet judicieusement les ressources publi-ques pour traiter et améliorer les pro-blèmes publics. Sans une gestion effi-cace, les collectivités locales ne peu-vent s’acquitter de manière satisfai-sante de leurs missions et courent lerisque, de perdre leur légitimité en rai-son de la déception engendrée parleurs contre-performances. Il faut établirles fondements d’une gestion "efficace"conduite par des hommes ayant unesprit de corps sur des valeurs parta-gées de l’intérêt local (général). C’est àla fois une exigence de la démocratie etde bonne gestion.

D’abord, la population a le droit de sa-voir comment les décisions la concer-nant sont prises par qui et pour quoifaire. Ensuite, la transparence est ga-rante de la bonne gestion car la mau-vaise gestion s’accommode de l’opacitéet redoute la lumière. Elle participe, àcet égard et dans certains cas, à la luttecontre la corruption qui figure parmi lesgrandes priorités internationales, euégard à l’entrave au développementque constitue ce fléau. En effet, la cor-ruption peut affecter les ressources dela collectivité en privilégiant des projetspeu utiles au détriment de ceux qui sontcensés en être les bénéficiaires maisqui seront extrêmement rentables pourles décideurs corrompus.

4.3.3. LE DÉVELOPPEMENT LOCAL

es pratiques corruptives peuventavoir un impact néfaste sur les

coûts des investissements!: augmen-tation des charges financières par l’effetdes surfacturations des biens et ser-vices achetés par la collectivité sansappel d’offres concurrentiel.

De manière générale, la corruption peutêtre cause de mauvaise allocation desressources locales.

Dans une économie dominée par la

chasse aux pots-de-vin, les décisionsd’investir ne sont plus motivées parl’opportunité de l’investissement maispar l’importance des pots-de-vin qu’onpourrait toucher. Dans ces conditions,le risque est grand d’une mauvaiseutilisation des ressources à travers laréalisation d’investissement inutile qu’ilfaut cependant réaliser.

La corruption peut amener certainsresponsables à allouer des ressourcesdu budget, moins sur la base del’intérêt de la collectivité que sur la pos-sibilité qu’il y a de solliciter des pots-de-vin. L’un des préjudices majeurs, causépar la corruption, est la distorsion duprocessus de décision. Les décisionsd’achat de bien et services sont négati-vement affectées par la corruption.L’opportunité de l’achat de qualité, lecoût, les conditions d’achat, cessentd’être les critères déterminant l’achat.

Les conséquences de toutes ces prati-ques dévoyées sont!:

- L’inopportunité de la dépense;- Le choix du mauvais fournisseur;- L'acceptation de produits ou servi-

ces mauvais, inutiles.

CONCLUSION

a banalisation des pratiquesobservées, leur enracinementdans le service public, l'encrage

dans des logiques sociales quiconcourent à les légitimer, amènentsans doute à une sorte de cerclevicieux. Du point de vue de l’usager del’administration, la corruption est sou-vent un mode de gestion et de dépas-sement de l’incertitude, mais, en mêmetemps, elle concourt à augmenter cetteincertitude.

L’incertitude découle de l’opacité desrègles adoptées par les services admi-nistratifs et de la possibilité de les ma-nipuler sans cesse; de l’ambivalencedans les relations avec le public, tantôtmaltraité, tantôt choyé (selon son statut

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social ou politique, son potentiel cor-ruptif, sa proximité avec le fonction-naire); de l’interventionnisme des ré-seaux politiques qui peuvent attribuerdes marchés en dehors de tout critèrede concurrence. Face à ce sentimentde précarité, la défense consiste pourl’usager à rechercher des protecteurs,des guides dans les méandres de labureaucratie, des intermédiaires qui sechargeront d’intercéder pour lui. Par-fois, on profitera de parents, amis,connaissances, liens de clientèle et dedépendance. Parfois encore, il faudraacheter la protection, payer le "prix dela kola", "graisser la bouche". Le faitque chacun pense qu’il faut se protégerdes dysfonctionnements des servicespublics par la corruption, amène tout unchacun à la pratiquer au quotidien. Lespratiques corruptives se généralisentdonc et se banalisent, augmentant dela sorte les dysfonctionnements, lesincertitudes quant à l’issue des démar-ches administratives, et l’offre de cor-ruption.

Notons cependant qu’avec la libéralisa-tion, les pouvoirs publics ont affichéune volonté d’œuvrer à une rationalisa-tion de la gestion et à l’appro-fondissement de la démocratie!: régle-mentation du mode de financement despartis politiques et des campagnessuppres

électorales, suppression de la Chambredes Représentants, création de troisjuridictions suprêmes et d’une juridic-tion constitutionnelle, création de laCENI qui se perfectionne de plus enplus dans la gestion des élections.

Par ailleurs, le pouvoir politique aaffiché sa volonté d’apaiser les cœursdes Burkinabè et de parvenir à uneréconciliation nationale par l’organisa-tion de la journée du Pardon, parl’indemnisation des victimes de violen-ces en politique et par la réhabilitationadministrative des fonctionnaires etagents publics injustement sanctionnéspendant la période de la RévolutionDémocratique et Populaire.

Cependant, il existe de nombreux fac-teurs qui jettent le doute dans l’espritdes citoyens sur la volonté réelle despouvoirs publics d’approfondir et depromouvoir la démocratie.

Ils ont pour noms la corruptiongénéralisée qui a justifié la créationd’institutions chargées de son éradica-tion, et les révisions constitutionnelles àrépétition qui donnent l’impression d’un"tripatouillage" de la loi fondamentalepour renforcer le pouvoir présidentielauquel la Constitution fait déjà la partbelle.

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38 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

EF

CHAPITRE 3

CORRUPTION ET GOUVERNANCEÉCONOMIQUE

INTRODUCTION

a gouvernance économique re-groupe les processus de prise dedécisions qui ont une incidence

sur les activités économiques d’un payset sur ses relations économiques avecles autres nations. Elle a incontesta-blement des répercussions importantessur la croissance, l’équité, la pauvretéet la qualité de la vie des populations.

Le concept de "bonne gouvernance"implique la promotion des valeurs derigueur, d’équité, de probité, de trans-parence et d’efficacité dans les affairespubliques. Ceci doit se traduire par unemeilleure gestion des finances publi-ques, la lutte contre la corruption, lenépotisme et le clientélisme. En cedomaine, des efforts importants ont étéréalisés au cours de ces dernières an-nées au Burkina Faso: recherche d'unemeilleure transparence et d'une plusgrande efficacité dans la gestionbudgétaire et des affaires publiques àtravers des instruments comme lesbudgets-programmes, l’adoption de loiset de règlements, la création d’uneCour des Comptes. S'agissant de lalutte

lutte contre la corruption11, des mesuresont été engagées comme la publicationrégulière des résultats des dépouille-ments des marchés publics.

Malgré les évolutions institutionnellesfavorables (cf. chapitre 8), le phénomè-ne de la corruption continue à êtreperçu comme un important problèmeperturbant l’efficacité de l’action publi-que en général et de la dépense publi-que en particulier, ainsi que l’ensemblede l’activité économique (cf. chapitre 2).

L’objectif de ce chapitre est doncd’étudier le rôle des politiques économi-ques, et notamment la place et le rôlede l’État dans l’économie, commeagent aggravant ou au contraire réduc-teur de la corruption. Dans un premiertemps, la place des politiques delibéralisation de l'économie est analy-sée, en particulier en opposant deuxpériodes!: avant et après.les politiquesd'ajustement structurel. Les conséquen-ces de la corruption sont alors étu-diées. Ensuite, les pratiques etmanifestations sont passées en revue.Enfin, parce que le budget de l’État estun élément essentiel de la bonnegouvernance, les principales étapes deson

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11 Cette loi a consacré l’éclatement de la Cour Suprême en un Conseil Constitutionnel et troisjuridictions suprêmes que sont la Cour des Comptes, le Conseil d’État et la Cour de Cassation.

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 39

son élaboration sont rappelées puis lesefforts de transparence du gouver-nement sont présentés (tests de nou-velles conditionnalités, Circuit Informati-sé de la Dépense, Programme deRenforcement de la Gestion Budgé-taire).

3.1. CORRUPTION ET POLITI-QUE ÉCONOMIQUE

uite aux difficultés économiques,financières et structurelles appa-rues dès le milieu des années

soixante-dix, le Gouvernement burkina-bè issu de la période post-révolution-naire s’est résolu, à l'issue des assisesnationales tenues en mai 1990, à met-tre en œuvre à partir de 1991 un pro-gramme d’ajustement structurel avec leconcours de la communauté financièreinternationale. Jusqu'à cette date, leGouvernement avait déjà mis en œuvredes mesures d'auto ajustement, no-tamment pendant la période dite de la"Garangose"12 (1966-1974) ou encorependant la période révolutionnaire puisdu front populaire (1983-1990).

Les résultats du premier programmed'ajustement structurel couvrant la pé-riode 1991-1993 ont montré l'utilité et lanécessité de poursuivre, voire d'appro-fondir les réformes entreprises. C'estpourquoi le Gouvernement a engagé denouveaux programmes pour les pério-des 1994-1996 et 1997-1999, avecl'accord et le soutien financier du FMI etde la Banque Mondiale. De façon géné-rale, ces programmes visaient à réta-blir les équilibres économiques et fi-nanciers internes et externes, à accroî-tre la productivité et la compétitivité del'économie nationale et à constituer lesbases d'un

les bases d'un développement écono-mique et social durable.

3.1.1. LA CORRUPTION AVANT LAMISE EN ŒUVRE DU PROGRAMMED’AJUSTEMENT STRUCTUREL

ans un premier temps, il s’agitd’analyser l’état de la gouvernance

économique à partir de la deuxièmemoitié des années soixante dix. La cor-ruption a-t-elle contribué à détruire leséquilibres macroéconomiques dans lesannées 80!? En effet, la situation éco-nomique du Burkina pendant la période1975-1982 a été caractérisée par dif-férents dérapages13. La dégradation dela situation économique prit alors diffé-rentes formes: un relâchement de ladiscipline financière, une proliférationde sociétés d’État et une politique deprotection industrielle désastreuse.

Un relâchement de la discipline fi-nancièreAprès la période de politique d’autoajustement qui caractérisa la période1966-1974, le gouvernement commen-ça à desserrer l’étau financier. Le planquinquennal 1977-1981 ne put êtreadopté. Le gouvernement décida unprogramme d’investissement spécial.Cette situation déboucha sur des désé-quilibres financiers qui seront financéspar des emprunts extérieurs. Cetteinsuffisance dans la gestion des res-sources publiques traduisant le train devie de l’État et des élites dirigeantes quine reflétait pas les possibilités réellesdu pays, fut caractérisée par la gabe-gie, les détournements et les vols.

Une prolifération de sociétés d’Étatdont la création n’obéissait à aucunerationalité économique et où sévis-saient la fraude et la corruption

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12 Cette politique porte le nom du Ministre des Finances de l’époque, Marc Tiémoko Garango qui secaractérisait par une gestion rigoureuse des dépenses publiques.

13 Voir "Étude rétrospective macroéconomique du Burkina Faso" Décembre 2001, Ministère del’Économie et des Finances, Direction Générale de l’Économie et de la Planification.

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40 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Ces sociétés d’État dont la gestion étaitchaotique, ont amené l'État à interveniren 1983 sous forme de subvention pourun montant de 6,4 milliards de FCFA,soit 12% des recettes budgétaires14

(gratification ou auto-gratification ex-cessive d’avantages divers, détourne-ments flagrants de fonds, octroi d’avan-tages en nature supporté par la société,etc.).

Une politique de protection et depromotion industrielle désastreusePour permettre à l’industrie nationaled’évoluer dans un environnement pro-pice à son essor, l'État a dressé dansles années 1980 tout un mur de barriè-res protectrices. Si ces barrières tarifai-res et non tarifaires, ont pu initialementaider l’industrie à soutenir la concur-rence extérieure, elles ont finalementconstitué un frein à son développe-ment. Ce système de protection a eneffet, contribué à créer le phénomènede la fraude par contrebande et à géné-rer la corruption, à telle enseigne que leConseil National de la Révolution(CNR) a dû créer l’Inspection Généraledes Douanes. Sous la révolution, lesTPR furent installés pour juger sévère-ment et publiquement les crimes etdélits politiques et économiques et pro-céder entre autres, au dégagement desdouaniers corrompus. Cet organe decontrôle mena alors des actionsd’éclats sous formes d’opérations "coupde poing" pour intimider et découragerles fraudeurs.

La fraude et la corruption ont contribué,en particulier, à bouleverser les équili-bres macroéconomiques et financiersprécaires, à alimenter la spirale infer-nale de l’endettement et à rendre né-cessaire un ajustement des structureséconomiques. Les activités du secteurpublic, où le risque de corruption est leplus élevé, sont, en particulier:

• Le recouvrement des recettespubliques et la gestion des dépen-ses publiques, y compris la passa-tion des marchés et la fourniture desservices publics;

• Les mécanismes de réglementationdes affaires (privatisation des entre-prises et des sociétés de servicespublics).

Dans ces conditions, il y a réductiondes moyens de l'État, alourdissementde ses charges et de la dette publiqueet une stagnation ou même une régres-sion des investissements. Par ailleurs,les textes réprimant la corruption et lesdétournements de deniers publics nesont pas appliqués. De même, le dispo-sitif institutionnel mis en place n’a pascorrectement fonctionné. Il s’agit del’Inspection Générale d'État créée en1980, puis supprimée en novembre1982, qui renaîtra plus tard sous l’ap-pellation de Commissariat Général àl’Inspection d'État après la constitutiondu 2 juin 1991. De sorte que le sens duservice public est devenu de moins enmoins aigu au niveau des agents pu-blics et des usagers du service public.L’impunité dont bénéficient les agentspublics coupables de détournementsest de nature à démotiver les agentsintègres et dévoués.

Au cours de la période 1983-1990, dited’auto-ajustement, un Programme Po-pulaire de Développement (PPD, 1984-1985) puis un Plan Quinquennal de dé-veloppement Populaire (PQDP, 1986-1990) définirent des orientations depolitique économique, avec pour optionfondamentale la mise en place d’uneétatisation de l’économie. Malgré lesrésultats obtenus au cours de cette pé-riode, l’économie Burkinabè souffraittoujours au début des années 1990 denombreuses limites au plan écono-mique, financier et structurel et notam-men

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14 Pascal ZAGRE, Les politiques économiques du Burkina Faso!: Une tradition d’ajustement structurel,Edit. Karthala, 1994, page 116.

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 41

ment d’un déséquilibre des financespubliques.

3.1.2. CORRUPTION ET PROGRAM-ME D’AJUSTEMENT STRUCTUREL

n premier programme d'ajustementstructurel (PAS) a été mis en place

à partir de 1991. Avec le recul de dixannées, certaines questions valent lapeine d'être posées. Quels liens exis-tent-ils entre corruption et PAS!? Auregard des résultats atteints au coursdes dix ans de mise en œuvre du PASet des mesures de réformes adoptéesen matière de gouvernance, peut-onaffirmer que ceux-ci ont contribué àréduire ou à accélérer le phénomènede la corruption!? Pour répondre à cesquestions, trois domaines de la politi-que économique sont abordés: la politi-que budgétaire, la déréglementation del’économie et les privatisations desentreprises.

Politique budgétaire: d’abord l’assai-nissement des finances publiques

Les politiques d’ajustement structureldécidées au début des années 90 ontd’abord permis d’améliorer la situationdes finances publiques, principalementpour ce qui concerne la mobilisationdes recettes fiscales et la maîtrise desdépenses de fonctionnement. Toute-fois, le déficit budgétaire s'est accrurégulièrement au cours de la période,passant de 64,7 milliards de FCFA en1991 à 198,9 milliards de FCFA en1999, essentiellement du fait des effortssoutenus du Gouvernement en matièred’investissement.

Toutefois, l’ajustement structurel a éga-lement eu des conséquences socialesmalheureuses, notamment la haussedu chômage et du sous-emploi, aug-mentant ainsi la proportion de lapopulation vivant au-dessous du seuilde pauvreté. On peut citer:

• La réduction des dépensessalariales, mesure qui s’est traduite

par des licenciements dans lafonction publique;

• La réduction des subventions accor-dées aux entreprises publiques en-traînant une gestion plus rigoureusede leur part;

• Le désengagement de l’État dansles entreprises publiques traduit pardes liquidations, des restructurationset des privatisations.

L’ensemble de ces mesures a entraînéun accroissement du taux de chômagecréant ainsi une nouvelle classe depauvres. On assiste alors à l’émer-gence d’une catégorie de chômeursdits "travailleurs déflatés". En quête desurvie, une partie de cette classe dechômeurs s’est retrouvée dans le sec-teur informel dynamique, caractérisépar un affairisme exacerbé (la recher-che de marchés à tout prix) et ceci pro-bablement sur fond de corruption.

Si les suppressions d'emploi sont lapremière conséquence négative duPAS, le chômage n’est qu’un aspect dela dégradation des conditions de viedes populations. La politique de maî-trise de la masse salariale et l’augmen-tation des prix, notamment des produitsalimentaires, ont conduit à une baissedu pouvoir d’achat des travailleurs. Enparticulier, les salariés du bas del’échelle ont été les plus touchés.

En raison de la politique de la maîtrisede la masse salariale, les agents pu-blics, notamment aux niveaux inférieursde la pyramide administrative, recou-rent à des stratégies de survie commela réduction de la présence sur les lieuxde travail (pour se livrer à des activitésinformelles et se procurer ainsi desrevenus complémentaires) et une at-tention peu soutenue à la chose publi-que (utilisation abusive des biens pu-blics comme le téléphone et les véhi-cules, le détournement des denierspublics, etc.). Pour les hauts fonction-naires, on assiste à une quête effrénéede primes complémentaires verséespar les projets ou les donateurs.

Parce que la pauvreté et les mauvaises

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conditions de vie constituent une desprincipales causes de la corruption pourles enquêtés (cf. chapitre 2) et que lamise en œuvre des PAS a pu aggraverla pauvreté, on peut admettre quecertains effets négatifs de ces réformeséconomiques entreprises par le gouver-nement ont créé indirectement desconditions propices au développementde la corruption. En effet, les réformesmenées ont eu des impacts négatifs surles conditions de travail des agents dessecteurs public et privé et par consé-quent sur les conditions de vie despopulations à travers la baisse de leursrevenus créant ainsi une situation d’ex-trême pauvreté propice à la corruption.

Certes, les nouvelles mesures intro-duites dans le cadre du PAS au niveaudes administrations financières, enmatière de libéralisation de l’économie,de restructuration du cadre juridique, deréforme du système bancaire et finan-cier, de restructuration des entreprises,ont permis d’améliorer la gestion etl’efficacité des dépenses publiques. Eneffet, les réformes opérées à traversl’augmentation numérique du personneldes administrations fiscales et douaniè-res ainsi que sa modernisation, la ré-forme du système fiscal par l'introduc-tion de la TVA en 1992, l'abandon dusystème de taxation spécifique ou en-core la réforme des tarifs de la douaneont permis d’améliorer le niveau desrecettes à partir de 1992. Cependant,ces réformes n’ont pas empêché ledéveloppement de la fraude fiscale etdouanière, fraude perçue comme pen-dant de la corruption. Compte tenu del’évolution du phénomène de la fraude,le gouvernement a mis en place à partirde 1992 un système de vérificationpréalable des importations, confié àune société privée la Société Généralede Surveillance (SGS). La vérificationporte sur le poids (nombre ou volume),le prix, la provenance et la nature de lamarchandise importée.

Déréglementation de l’économie

Le diagnostic de l’économie burkinabèétabli dans les années 1990 faisait état

d’une économie très fortement admi-nistrée, tant au niveau des prix que desrégimes fiscal et douanier

Le PAS a eu pour objectif de réduire lesmécanismes de protection établis de-puis des décennies. Ces formalitésconstituaient des entraves découra-geant l’activité économique et incitant àla violation des textes réglementairespar la corruption, la fraude ou la contre-bande. Elles ont grevé le prix de revientdes produits importés et le pouvoird’achat des populations.

Les mesures de réformes mises enœuvre ont permis de simplifier lesprocédures administratives en matièrede création d’entreprises (création duguichet unique), de libéraliser le com-merce extérieur et intérieur (suppres-sion de l’Autorisation Spéciale d’Impor-tation ou de l’Autorisation Préalable àl’Importation) et d’assurer une progres-sive liberté des prix (homologation desprix).

Les monopoles détenus par certainesstructures, comme l’Office National dela Promotion de l’Emploi (ONPE) sur lemarché de l’emploi ou la Caisse Géné-rale de Péréquation pour le marché duriz, ont également été supprimés. Lesystème de vérification préalable desimportations avec la SGS, outre l’objetpour lequel il a été conclu, a permiségalement de réduire les pratiques defausses déclarations en douanes.

Encadré 3.1. Propos d’un inspecteur des douanes

Sur le plan technique, un inspecteur explique que"la prise de mesures instituant les bons à enleverprovisoires, les identifications pour prise encharge et les prises en charges directes ont été à labase, ces dernières années, de l’enrichissementillicite en douane". Sont dénoncées, la délivranceabusive de dispense SGS ("une sourced’enrichissement colossale et illicite" selon uninspecteur), et les multiples pressions exercéespour couvrir des commerçants pris en flagrant délitde fraude.

Source Rapport 2001, REN-LAC, page 77

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 43

Privatisations des entreprises

Afin de promouvoir le développementéconomique du Burkina Faso dans lecadre de l’économie de marché, leGouvernement a entrepris un proces-sus de désengagement de l’État dessecteurs d’activités de la vie économi-que. À cet effet, une commission deprivatisation a été créée en 1992 envue de mettre en œuvre ce processus.Ce transfert de la gestion publique à lagestion privée, mû par le souci de ren-tabilité économique, devait contribuerthéoriquement à ralentir la pratique dela fraude et de la corruption.

Interrogés par le GNR-DHD, lesenquêtés citent fréquemment la fortepression fiscale et douanière et leslenteurs administratives comme facteurexplicatif de la corruption. Ainsi, lessondés sont favorables à unesimplification et à un allègement desrègles qui encadrent la vie économiqueet sociale. Toutefois, l’apport de lalibéralisation économique à la luttecontre la corruption n’apparaît passystématique: 56,3% d’entre euxpensent en effet que la privatisationencourage la corruption. Ils ne sontqu’environ 27% à penser le contraire.

3.2. CORRUPTION ET LUTTECONTRE LA PAUVRETÉ

e Cadre Stratégique de Luttecontre la Pauvreté (CSLP)constitue le cadre central et de

référence de la politique du gouver-nement en matière de développementéconomique. Parce que cette stratégiede lutte contre la pauvreté repose enson premier axe sur une croissancedurable et équitable, les conséquencesde la corruption sont d’abord analyséessous cette double dimension, après unebrève présentation de la politique delutte contre la pauvreté.

3.2.1. PRÉSENTATION DU CADRESTRATÉGIQUE DE LUTTE CONTRELA PAUVRETÉ

a stratégie de réduction de lapauvreté telle que contenue dans le

Cadre Stratégique de Lutte contre laPauvreté (CSLP) repose sur septprincipes directeurs qui sont:

• Le recentrage du rôle de l’État parrapport à celui de la société civile etdu secteur privé;

• La gestion durable des ressourcesnaturelles soumises à une exploi-tation abusive qui compromet ladurabi l i té des act ions dedéveloppement;

• La promotion d’un nouveaupartenariat avec les bailleurs defonds qui doivent insérer leur appuidans le cadre des stratégies et politi-ques définies par le Gouvernementet non développer des programmesparallèles;

• La promotion de la bonne Gouver-nance pour consolider la démocratiepar l’amélioration des conditions devie des pauvres;

• La prise en compte de la dimensiongenre car la participation de lafemme au processus de dévelop-pement constitue un élément essen-tiel dans la stratégie de dévelop-pement;

• La réduction des disparitésrégionales;

• La prise en compte de la dimensionrégionale en renforçant les mesuresd’accompagnement et de solidaritérégionale afin d’assurer une cohé-rence et des synergies entre lespolitiques nationales et régionalesen matière de lutte contre lapauvreté.

Le cadre stratégique de lutte contre lapauvreté a pour ambition de concilierles nécessités de réformes structurelleset de redressement de l’économie auxobjectifs d'accroissement des revenusdes pauvres. Conscient cependant duca

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44 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 3.2. Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)

l Éliminer l’extrême pauvreté et la faim: réduire de moitié, entre 1990 et 2015, laproportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour et laproportion de la population qui souffre de la faim;

l Assurer une éducation primaire pour tous: d’ici à 2015, donner à tous les enfants,garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’étudesprimaires;

l Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes: Éliminer les disparitésentre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2005 si possible, et àtous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard;

l Réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans: réduire de deux tiers, entre 1990 et2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans;

l Améliorer la santé maternelle: réduire de trois quarts!entre 1990 et 2015, le taux demortalité maternelle;

l Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies: d’ici à 2015, avoir stoppéla propagation du VIH/SIDA et commencé à inverser la tendance actuelle. D’ici à 2015,avoir maîtrisé le paludisme et d’autres grandes maladies, et avoir commencé à inverser latendance actuelle.

l Assurer un environnement durable: intégrer les principes du développement durabledans les politiques nationales et inverser la tendance actuelle à la déperdition desressources environnementales; réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de lapopulation qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potablesalubre; réussir, d’ici à 2020, à améliorer sensiblement la vie d’au moins 100 millionsd’habitants de taudis.

l Mettre en place un partenariat mondial pour le développement: poursuivre la mise enplace d’un système commercial et financier multilatéral ouvert, fondé sur des règles,prévisible et non discriminatoire; (cela suppose un engagement en faveur d’une bonnegouvernance, du développement et de la lutte contre la pauvreté, aux niveaux tant nationalqu’international); s’attaquer aux besoins particuliers des pays les moins avancés; (laréalisation de cet objectif suppose l’admission en franchise et hors contingents desproduits exportés par les pays les moins avancés; l’application du programme renforcéd’allègement de la dette des PPTE et l’annulation des dettes publiques bilatérales; etl’octroi d’une APD plus généreuse aux pays qui démontrent leur volonté de lutter contrela pauvreté.

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 45

caractère limité des ressources dont ilpourrait disposer et soucieux du ré-alisme dans son approche des problè-mes, le Gouvernement a énoncé sespriorités de développement en matièrede lutte contre la pauvreté. Il s’agirad’abord de s’attaquer au déficit social, àla sécurité alimentaire et à l’accès despauvres aux services sociaux de baseet à l’eau potable. La réalisation desobjectifs du cadre stratégique s’articuleautour de quelques programmes orga-nisés en quatre axes stratégiques:

• Axe 1: Accélérer la croissance et lafonder sur l’équité;

• Axe 2: Garantir l’accès des pauvresaux services sociaux de base;

• Axe 3: Élargir les opportunités enmatière d’emploi et d’activitésgénératrices de revenues pour lespauvres;

• Axe 4: Promouvoir la bonne Gou-vernance;

De manière générale, on constatequ’aucun pays n’est complètementexempt de corruption. La corruption nuitnon seulement au fonctionnementnormal et efficace de l’État mais aussi àla cohésion sociale. Elle ralentit lacroissance économique, entrave lesefforts nationaux en matière dedéveloppement durable et peut, avec letemps, engendrer la pauvreté.

La corruption constitue un facteur im-portant de manque de croissance éco-nomique durable. En effet, elle dis-suade les investisseurs étrangers etaffecte la crédibilité du gouvernementet le sérieux des réformes entreprises.Elle nuit aussi à l’efficacité de l’aide audéveloppement et s’avère préjudiciableà la mise en œuvre d’une telle politiquecar elle met en cause le bien fondé del’aide internationale.

L’enquête réalisée par le GNR-DHD surla corruption dans le cadre de ce rap-port a permis d’établir que la corruptionétait jugée répandue au Burkina Faso

(cf. chapitre 2). Ainsi, ces dernièresannées, et malgré les mesures prisespar le Gouvernement, l’image positivedont jouissait le Burkina Faso en ma-tière de bonne gestion des ressourcespubliques commence à s’effriter auregard de l’importance de la fraude, dela pratique de la corruption et des dé-tournements des deniers publics.

3.2.2. CORRUPTION ET CROIS-SANCE ÉCONOMIQUE DURABLE

es effets négatifs de la corruptiongénéralisée constituent des condi-

tions peu propices au développementdurable et à la réduction de la pauvreté.

En effet, mise en œuvre par des indivi-dus soucieux de préserver leur situationde rente, la corruption crée les condi-tions favorables à la présence des fac-teurs contribuant à réduire la crois-sance économique. En d’autres termes,elle sape les efforts de développement,entraînant ainsi des dérapages dans lagestion des affaires publiques.

Le dysfonctionnement dans la gestiondes affaires publiques, suite àl’affaiblissement des institutions, aumanque d’efficacité des administra-tions, aux défaillances du marché, à lafuite des capitaux, à la faiblesse del’épargne et de l’investissement, est denature à retarder le développementsocio-économique du pays. Ces élé-ments constituent des entraves à laréalisation des objectifs de croissanceéconomique durable et ont pour consé-quence!: la baisse des recettes publi-ques, l’accroissement des dépensespubliques, la mauvaise allocation desressources budgétaires et des investis-sements publics, la faiblesse de l’aideau développement, et l’accroissementde l’endettement du pays.

Les carences dans la gestion des affai-res publiques, engendrées par la cor-ruption, ont entraîné dans certains casdes conflits parfois violents (parexemple les grèves dans le secteur de

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46 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

la santé et de l’éducation concernantles indemnités). Or, la cohésion socialeet la stabilité sociale sont la base d’undéveloppement durable.

Dans les systèmes économiques cor-rompus, l’entrepreneur n’est pas valo-risé par sa compétence et sa capacitétechnique. Il est jugé en fonction del’importance des pots-de-vin qu’il peutverser ou de son appartenance à lasphère politique. Dans ses conditions,l’esprit d’entreprise ne peut se dévelop-per. Par ailleurs, la corruption conduitaussi à l'abandon des investissementsproductifs au profit d’une course àl’enrichissement personnel.

Au niveau du transport routier, le "rac-ket" est devenu une pratique courante.Les transporteurs sont régulièrementsoumis à des contrôles des différentesautorités (armée, police, gendarmerie,eaux et forêts, etc.) tout au long desparcours. Ils sont tenus de payer sou-vent des "pénalités" non justifiées. Cescontrôles intempestifs n’ont aucune jus-tification car il existe une lettre de voitu-re intra-communautaire qui garantit lestransports transfrontaliers. Il convien-drait simplement de faire appliquer cesprocédures pour remédier au racket.

La plupart des chefs d’entreprisesinterrogés par le GNR-DHD amentionné des problèmes de corruptionà tous les niveaux de l’administrationjuridique et judiciaire. Ceci a non seu-lement eu un impact sur la marche desaffaires, mais également sur la disponi-bilité et le coût des financements.

En matière de surveillance desmarchés, la Commission Nationale dela Concurrence et de la Consommation(CNCC) a été créée en 1994. Cepen-dant, de nombreux secteurs souffrentencore de concurrence illégale. Pourpreuve, prenons l’exemple des motocy-clettes Peugeot dont la fabrication illici-te a été dénoncée par les fabricants,ma

mais aucune action n’a pu êtreentreprise au niveau de la direction dela répression des fraudes, ni auprès duministère des Finances et du Budget15.

3.2.3. CORRUPTION ET CROISSAN-CE ÉCONOMIQUE ÉQUITABLE

a croissance économique est certai-nement indispensable pour relever

le niveau de revenu général et le bien-être des populations burkinabè, maiselle ne suffit pas à elle seule pour luttercontre la pauvreté et les inégalités.Dans le cadre d’une politique écono-mique qui se veut judicieuse et efficacepour les couches les plus pauvres de lapopulation, l’équité doit constituer unobjectif essentiel. L’équité est l’acces-sibilité de tout individu, sans discrimina-tion aucune, à toute opportunité offertepar la nation. Les opportunités sont deplusieurs ordres notamment écono-miques.

Cependant, la corruption, de par seseffets, introduit l’inégalité de traitementdu corrompu et du corrupteur vis à visde l’honnête citoyen, devant l’admi-nistration fiscale, dans l’exécution despolitiques et programmes (par exemplede mauvaise allocation ou exécutiondes dépenses d’investissements publi-ques dans l’espace et dans le temps),le traitement des dossiers adminis-tratifs, etc.

De plus, les trafics d’influence politiquedans les domaines économiques etpolitiques, renforcés par l’impunité,l’injustice, la discrimination, la corrup-tion, ne sont pas de nature à garantirune croissance économique équitable.

Le rythme et la qualité, c’est-à-dire lacomposition, la répartition et la durabi-lité de cette croissance sont des fac-teurs particulièrement importants pourassurer une croissance économiqueassurer

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15 Ce n’est que depuis novembre 2001 que la CNCC peut prendre des décisions (cf. chapitre 9).

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 47

fondée sur une redistribution équitabledes fruits de celle-ci. En d’autres ter-mes, il s’agit de veiller à ce que lesbénéfices qui en résultent soient judi-cieusement répartis entre les catégo-ries sociales et entre les régions. Surce plan, l’application des principes de labonne gouvernance reste un moyend’assurer une meilleure redistributionsociale et une diminution des inégalités.Cependant, force est de constater queles mesures de redistribution en faveurdes pauvres se heurtent souvent àl’opposition des élites qui détiennent lepouvoir économique et politique. Lacorruption devient, dans ce cas, unfacteur de paupérisation. Cette paupé-risation des individus est générée par lapetite corruption et aggravée par lagrande corruption, celle des dirigeantset gouvernants qui détournent, nonseulement les fonds publics provenantdes recettes fiscales ou douanièresmais aussi de l’aide publique.

La corruption renchérit le coût desprestations des services publics audétriment des populations pauvres etmarginalisées, quand bien même cel-les-ci sont gratuites ou subventionnées.Par le biais de l’influence politique etéconomique, la corruption peut engen-drer des distorsions dans le système degestion des marchés, entraînant ainsiune mauvaise allocation spatiale desprojets d’investissements, d’où desinégalités de développement régionalau niveau du pays. De même,l’attribution des marchés se faisantsouvent au profit du plus offrant entermes de pots-de-vin constitue unevoie de marginalisation et d’exclusiondes petits opérateurs économiques del’activité économique du pays.

Il y a aussi la marginalisation desentreprises efficaces. Souvent, lespots-de-vin sont incorporés dans lescoûts de production et ceci se traduitpar un accroissement du niveau desprix et donc une baisse de lacompétitivité économique. La corruptionentraîne aussi une mauvaise qualitédes investissements, se traduisant parune détérioration rapide des infras-

tructures et de la qualité des services.

Encadré 3.3. Discours du secrétaire général desNations-Unies sur la corruption

La corruption est un fléau qui sape les fondementsde toute société civile. Elle porte atteinte à lamorale, à la démocratie, à la bonne conduite desaffaires publiques et à l’État de droit, et absorbedes ressources nécessaires au développement. Enoutre, elle est un affront pour ceux qui observentfidèlement l’éthique dans leur travail et leursrapports avec autrui et attendent des autres lemême comportement suivant le précepteimmémorial "Ne fais pas à ton prochain ce que tune voudrais pas qu’il te fasse". La corruption estun mal insidieux qu’il ne faut cesser de combattre.

Une étude menée récemment par le Programmedes Nations Unies pour le Développement amontré que les pauvres étaient les principalesvictimes de la corruption puisque, du fait qu’ilsconstituent le groupe le plus faible et le plusdémuni, ils ne peuvent pas verser de dessous-de-table pour bénéficier des services publics et despossibilités offertes par le marché. Nous devonsextirper ce mal, supprimer cette véritable plaie quiest le signe d’un très grave dysfonctionnementdans la gestion de l’État.

Aucun pays n’est à l’abri de la corruption, et ungrand nombre d’entre eux sont particulièrementvulnérables en raison de la faiblesse de leurs lois etinstitutions. La corruption revêt elle aussi unedimension internationale. Les frontières ouvertes,les progrès technologiques, les communicationssont autant de facteurs qui permettent à lacorruption de s’enraciner et de s’étendre. Aussi lacoopéra t ion in ternat ionale ent re lesgouvernements, le secteur privé et la société civileest-elle indispensable si l’on veut venir à bout decette menace….

Extrait du message adressé par M. Koffi Annan à lahuitième Conférence internationale contre la corruption- Lima, 07- 11 septembre 2002.

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48 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

3.3. FACTEURS EXPLICATIFSET CONSÉQUENCES DE LACORRUPTION

es causes de la corruptiondentifiées par le GNR-DHD sontprincipalement la pauvreté et

l'impunité. Différents facteurs institution-nels ont pu favoriser l'émergence de lacorruption.

3.3.1. LES FACTEURS EXPLICATIFS

Un cadre socio-politico- administratifpeu performant

C’est le cadre dans lequel évoluentl’agent public et l’agent privé qui vapermettre et favoriser l’émergence de lacorruption. L’organisation et la gestionde l’administration publique souffrentsouvent de lourdeurs et de dysfonc-tionnements qui rendent le pays parti-culièrement vulnérable à la corruption.Les défaillances observées sont sou-vent entretenues par l’ignorance desusagers de l’administration sur les pro-cédures administratives et judiciairesréglementant la vie économique.

La multiplication des réglementationsparfois contraignantes et complexes nefavorisent pas les poursuites judiciaires.En effet, les capacités des usagers duservice public à analyser les situationset à infléchir les comportements desagents publics sont encore réduites.

Dans le cadre politico-administratif,l’exercice du pouvoir laisse croire quela pratique de la corruption est un actede bonne gouvernance, car le mériten’existe presque plus. Les fraudes detoutes sortes sont quotidiennes!: lesmensonges et les détournements n’em-barrassent plus personne.

Les populations peuvent être égale-ment corrompues lors des échéancesélectorales (exemple: une voix contreun Tshirt). Les postes de responsa-

bilités sont promis à des électeurs intel-lectuels ou aux opposants des partisconcurrents qui acceptent de trahir leurparti.

Les interventions excessives de l’Étatsont souvent sources de corruption. Lacorruption fleurit là où il est fait obstacleà la concurrence, lorsque les lois etrèglements sont excessifs et discré-tionnaires, ou lorsque les objectifs del’organisation qu’ils servent sont impré-cis ou contradictoires.

Le Burkinabè vit dans un cadre où lacapacité de corrompre accorde des pri-vilèges de tout bord, où c’est un senti-ment de "laisser aller général" car, toutsemble s’acheter. Ainsi, est-on tenté depenser qu’au Burkina, la bonne gouver-nance n’a pas droit de cité car:

• Comment admettre des lenteursadministratives dans le traitementdes dossiers, sans que l’usager nereçoive d'explication!?

• Comment expliquer tant de favoritis-me, de laxisme, de clanisme, de tri-balisme dans les promotions desuns et des autres à des postes deresponsabilité dans l’administration,sans qu’aucun critère justificatif n’aitété préalablement défini!?

• Pourquoi bloquer la "libération" desénergies humaines en renonçant àla prise en compte du mérite, del’éthique, des capacités de créativitéqui sont, sans nul doute, des élé-ments déterminants pour bâtir undéveloppement durable!?

• Que peut-on attendre d’un agent del’État ou d’un citoyen mécontent deson vécu quotidien!?

Un cadre socio-politico- économiquepeu transparent et empreint de favo-ritisme

Il faut noter que certains acteurs dupouvoir politique et/ou économique fontde la corruption la règle "idéale" desaffaires, cette contrainte pèse sur toutle monde, même les bailleurs de fondssemblent de plus en plus préoccupéspar cette situation.

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 49

Les pratiques de la corruption sontétroitement liées au mode de gouver-nance où l’accès au pouvoir politiquemène souvent à des privilèges écono-miques. On vit une situation de faitavec les marchés fictifs, le protection-nisme de toutes sortes, les finance-ments occultes (dont les sources res-tent inconnues du grand public) et lemanque d’autonomie dans les groupessocio-économiques nationaux.

La force de la corruption a fait perdreles bonnes habitudes. Cette immoralitésemble toucher également la sociététraditionnelle où certains rois et chefstraditionnels se font corrompre sous lapoussée de la misère et de la pauvreté.Le processus de démocratisation etl’organisation des élections diversesnous éclairent mieux, tant en milieuurbain que rural.

Un cadre socio-politico-judiciairepeu efficace

Les conditions favorables à l’éclosiondu secteur privé national et étranger sedétériorent. En effet, les voies de re-cours et de règlement des conflits sontparfois entachées d'irrégularité. Cettesituation fort embarrassante ne favorisepas le développement, mais accroîtplutôt la misère générale, psychologi-que et économique. Elle fruste les po-pulations et les agents économiques.Le droit est bafoué et la qualité du ver-dict correspond au poids ou à la dimen-sion de l’enveloppe financière versée.

Seuls les corrupteurs semblent avoirdroit à la "justice", leur "justice" au détri-ment de la "vérité" qui est étouffée parles dessous-de-table, les pots-de-vin,les avantages politico-professionnels.Les pauvres démunis n’ont pas droit àl’égalité de "droit pour tous" tel queprôné par la charte des Nations Unies.

À cause de la corruption, la justice dans"les affaires économiques se fait aubénéfice du plus offrant et malgré cer-tains cas très flagrants devant susciterdes remous, les décisions de justicetardent toujours à être exécutées et

parfois même ne le sont pas".

Ainsi, les magistrats, les policiers, lesgendarmes, les douaniers sont perçuspar les populations comme complicesdes auteurs dans différents délits etcrimes. Généralement, le plaignantdevient subitement le coupable.

Tous les secteurs sont gangrenésd’une manière flagrante. Cette situationglobale n’encourage pas le développe-ment en particulier, les investissementsde qualité source d’une croissance éco-nomique soutenue et de qualité, favo-rable à un développement économiquedurable, mais engendre plutôt sondéclin et tue tout effort de développe-ment.

3.3.2. IMPACT DE LA CORRUPTION

La corruption influence négativement laprise de décision et favorise la médio-crité et le favoritisme qui conduisent ausous-développement et à la pauvretéqui avilit l’homme et le contraint à lamendicité. Elle affaiblit les institutionsfinancières, réduit le niveau des res-sources publiques et détériore l’effi-cacité, l’efficience et l’équité de ladépense publique.

La corruption a des conséquences né-gatives sur le fonctionnement des ad-ministrations financières et le budget del’État (réduction des ressources publi-ques, augmentation des dépensespubliques et un accroissement de ladette); conséquences qui sont de na-ture à compromettre l’effort de déve-loppement national orienté sur la luttecontre la pauvreté.

Affaiblissement des administrationsfinancières

La corruption affaiblit les moyens dontdispose le gouvernement pour remplirefficacement son rôle. Les pots-de-vin,le népotisme et la vénalité paralysentl’administration et monopolisent auprofit d’un groupe de privilégiés la four-

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50 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

niture des services publics. L’impor-tance de l’impact de la corruption(notamment la fraude et le détour-nement) au sein de l’administrationpublique a donc nécessité la créationdes corps de contrôle au niveau desadministrations financières (impôt,douanes et trésor) et des inspectionsde services au niveau des différentsdépartements ministériels.

Réduction des ressources budgétai-res

Le Burkina tire l’essentiel de ses res-sources propres des recettes fiscales etdouanières. À ce titre, on peut noterque la fraude constitue un réel dangerpour la survie de l’État. En effet, lespertes de recettes occasionnées par lafraude et la corruption sont de nature àcompromettre l’effort de développementnational orienté sur la lutte contre lapauvreté. Quelques pratiques et mani-festations au niveau des administra-tions publiques sont préjudiciables autrésor public dans la mesure où ellesréduisent le niveau des ressourcespubliques. En effet, la fraude fiscale,due à des pratiques comme la falsifica-tion des données relatives à une so-ciété pour modifier la base imposable,la réduction des taxes par les agentslors des contrôles, les rackets pourdiminuer les pénalités ou le volume deredressement fiscal, financières, etc.entraîne des pertes de recettes fiscalespour l’État. De même, les détourne-ments de fonds publics constituentégalement des ressources en moinspour l’État.

Hausse des dépenses publiques

Cette hausse est occasionnée par lasurfacturation des commandes debiens et services. Il faut alors à l’Étatplus d’argent pour obtenir une mêmequantité de biens et de services, lesurplus étant le prix de la corruption. Deplus, les investissements mal adaptés,parce que réalisés du fait de lacorruption des décideurs et donc vouésà être repris, sont source degaspillages. Enfin, le mauvais contrôle

de l’exécution de travaux par descontrôleurs corrompus entraîne desreprises de travaux et engendre de cefait des coûts supplémentaires pourl’État.

Les augmentations imprévues de dé-penses, conjuguées à des amputationsdes ressources, ont des conséquencesgraves sur le budget de l’État et cons-tituent donc une menace pour la stabi-lité macro-économique. En effet, lebudget de l’État, notons le, est l’instru-ment de politique économique dont lagestion permet d’assurer une redistribu-tion équitable des ressources et la pro-motion des services sociaux de base etpartant de participer à la lutte contre lapauvreté.

Mauvaise allocation et exécution desdépenses d’investissements publics

La croissance coûte en efficacité àcause du gaspillage et de la mauvaiseallocation des ressources qui souventl’accompagnent. D’une manière géné-rale, on constate que du fait de la cor-ruption, la décision de réaliser une dé-pense n’est plus motivée par l’oppor-tunité de la dépense mais parl’importance des pots-de-vin. Dans cesconditions, le risque est grand d’unemauvaise utilisation des ressources àtravers la réalisation d’investissementsinutiles et l’absence de compétitionpour le choix des opérateurs écono-miques.

La corruption va à l’encontre du critèred’efficacité exigé dans le choix ou lasélection des marchés. Les entreprisessélectionnées ne sont pas forcementles plus performantes ce qui laisse àdésirer de la qualité des investisse-ments qui seront réalisés.

De plus, l’absence de contrôle ou lecontrôle de complaisance en violationdes textes dans le cadre de l’exécutiondes investissements physiques commeles constructions des infrastructuresscolaires, sanitaires, routières, etc.,conduit souvent à des investissementsnécessitant soit des travaux supplé-

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 51

mentaires sur l’ouvrage, soit une re-prise complète des travaux. Ce quiengendre des dépenses supplémentai-res, souvent non prévues, entraînantdes surcoûts pour l’investissementconsidéré. Il en résulte un rapportqualité/coût de l’investissement.peusatisfaisant.

3.4. CORRUPTION ET GES-TION DES RESSOURCES

ppréciée sous l’angle de lagouvernance économique, lacorruption au Burkina Faso

apparaît d'abord comme la consé-quence d’un mauvais système demotivations et aussi de l’insuffisance decontrôles et d’application des sanctions.

3.4 .1 MANIFESTATIONS ETPRATIQUES DE LA CORRUPTION

ans le cadre de la gestion desfinances publiques, les pratiques et

manifestations de la corruption dansquelques administrations méritentd’être relevées, compte tenu de leurimpact sur le niveau de mobilisationdes recettes publiques et d’exécutiondes dépenses publiques d’une part et levolume et l’efficacité des dépensesd’investissements d’autre part.

Les entretiens menés lors de l’enquêtedu GNR-DHD permet de noterl’existence de deux types de corruption:une petite corruption routinière, visibledans tous les services et qui côtoie unegrande corruption perceptible dans lahiérarchie administrative.

La petite corruption

Elle se manifeste dans tous lessecteurs d’activités et est le fait depetits agents du secteur public ou duprivé (cf.chapitre 1). Ces pratiques semanifestent par des:

• Pots-de-vin souvent exigés pouraccélérer des procédures judiciaires,le traitement des dossiers ou ladélivrance des pièces adminis-tratives (passeport, casier judiciaire,légalisation, carte d’identité, extraitde naissance, etc.), pour briser desluttes syndicales, etc.;

• Rackets des accompagnateurs demalades dans les formationssanitaires, des agents de police, dedouane ou de gendarmerie sur lesvoies publiques, de citoyens par desintermédiaires qui gravitent autourdu palais de justice, etc.;

• Ventes de vivres détournésinitialement destinés à des maladesou indigents au niveau des restau-rants des formations sanitaires, àdes élèves dans le cadre des can-tines scolaires, etc.;

• Ventes d’échantillons gratuits ou demédicaments subt i l isés auxmalades;

• Spéculations sur les lits d’hospi-talisation et les exonérations de fraisdans les formations sanitaires;

• Détournements de malades desformations sanitaires publiques versdes formations sanitaires privéesmoyennant commissions;

• Surfacturations sur les achats defournitures diverses;

• Trafic des faux permis de conduire;• Passations de marchés truqués et

lenteurs inexpliquées dans l’exécu-tion de certains travaux;

• Trucage des appels d’offres pour lesmarchés publics à travers l’utilisationdes prête-noms, l’organisation desappels d’offres accélérés, le non-respect de l’anonymat lors de laréception des offres, le non-respectdes procédures à l’ouverture desplis, lots uniques pour réduire laconcurrence, morcellement des lotspour multiplier le nombre de com-missions à percevoir, organisationd’appel d’of f res infructueuxpermettant de passer des marchésde gré à gré même quand lasituation ne le justifie pas, etc.;

• Escroqueries, trafics d’influence,gabegie, chantages politiques, etc.lors des opérations de lotissements;

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52 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

• Interventions d’employeurs autribunal de travail pour arranger desprocès contre leurs employés;

• Promesses de versement d’unepartie des condamnations pécu-niaires en échange d’un arran-gement du procès par le juge;

• Escroqueries de certains auxiliairesde justice sous prétexte d’arrangerles procès;

• Disparition de certains dossierscompromettant au sein del’administration!judiciaire;

• Influence de certaines personnalitéspour protéger leurs parents oumaîtresses;

• Vente des épreuves pour lesexamens scolaires.

Encadré!3.4. Citation du REN-LAC sur le "deal"

"Le deal" le vrai "deal" en douane est favorisé,protégé même par la haute hiérarchie administrative.Cela, de nombreux agents de la douane le répètentlorsqu’on les approche. Des "vétérans" trèsregardants sur la déontologie vous en confirmerontavec exemples à l’appui. La hiérarchie, c’est à ceniveau de responsabilité que de nombreux réseauxentre hommes politiques, commerçants et douaniers sesont durablement dressés pour réussir dansl’enrichissement illicite.

Lorsqu’on les interroge, les douaniers sont unanimessur un fait, ces dernières années ont consacré undélitement de l’orthodoxie douanière, au point ques’est développée dans cette institution une pratique delettres ouvertes, de dénonciation de divers abus conçusau sommet de la hiérarchie. L’Assemblée Nationale, lePremier Ministre en ont même été ampliataires. Ceslettres ouvertes sont sans équivoques. Certaines d'entreelles parlent de!:"l’ère de toutes les dérives dans unegestion autocratique avec prime d’inobservationgénéralisée des lois et règlements".

Source: Rapport 2001, REN-LAC, page 76

La grande corruption

Elle est favorisée par l’existence deréseaux politico-administratifs et semanifeste principalement dans lessecteurs suivants:

La douaneLes résultats de ce phénomène endouane engendre le développementsans précédent de la grande fraude:une fraude qui quitte progressivementla contrebande pour devenir intellec-tuelle. Une des formes courantesconsiste à soudoyer les fonctionnairesdes douanes pour qu’ils laissent entrerdes importations illégales, appliquentun droit de douane inférieur au tauxlégal ou accélèrent le dédouanementdes marchandises.

Les marchés publicsLa corruption n’est pas moins visible.Elle y tisse ses tentacules à travers descommissions ou bien de pratiquesmafieuses qui ont fini par enrichirnombreux hauts responsables.

Hormis ces secteurs de hautecorruption, d’autres pratiques aussicondamnables existent à savoir cellesqui consistent à:

• Se faire payer pour traiter undossier, fournir un relevé ou uneattestation courante;

• Accepter des pots-de-vin pourréduire le montant imposable oucesser d’importuner des contribua-bles qui n’avaient pas d’impôts àacquitter;

• Détourner des fonds publics;• Imprimer illégalement des étiquettes

et des timbres fiscaux;• Faire dépendre les décisions tels

que les transferts et nomination depersonnel, des sommes d’argentreçues, de liens de parenté etd’influences diverses;

• Saper enfin les systèmes decontrôle interne.

Toutes ces pratiques sont favoriséespar un certain nombre de causes quisont issues du cadre socio-politico-

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 53

administratif, socio-politico-économiqueet socio-politico-judiciaire.

3.4.2. CORRUPTION ET GESTION DEL’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOP-PEMENT

ompte tenu de la faiblesse desressources internes du Burkina,

l'APD constitue l’une des principalessources privilégiées du financement dudéveloppement. Elle comprend lesressources extérieures sous forme dedons et prêts octroyés par les partenai-res extérieurs, l’assistance techniqueautonome ou liée aux projets d’inves-tissements ainsi que l’aide extérieure.Pour ce qui concerne l’assistancetechnique autonome ou liée aux projetsd’investissements, il faut noter que lesdépenses liées à celle-ci sont difficilesà estimer. De ce fait, elles n’ont pas puêtre prises en compte dans le calcul duvolume de l’APD. L’analyse des dépen-ses d’investissement révèle l’impor-tance du financement extérieur soit82,5% sur la période 1985-2002. Entermes de pourcentage du PIB expriméen francs CFA de 1985, l’APDreprésente 4,8% du PIB en 1985 etplus de 10% à partir de 1992.

Les financements extérieurs (dons etprêts) représentent 74,6% de l’APD surla période 1985-2002. L’analyse de lastructure de l’APD par type d’assis-tance montre une évolution trèssignificative de l’aide budgétaire à partirde 1991 (25,3% contre 1,6% en 1986).Cela s’explique par l’importance desappuis reçus de la part de la commu-nauté des bailleurs de fonds en raisonde l’engagement du pays, dès 1991,dans la mise en œuvre du programmede réformes économiques et structu-relles. Pour ce qui concerne l’aide ali-mentaire, elle a connu une évolutionmoyenne de 3 à 4 milliards de FCFApar an à l’exception de quelques an-nées.

C’est dans la gestion de ces projetsd’investissements que sévit la corrup-

tion. Elle peut être la cause des détour-nements de l’aide par rapport à sa des-tination finale ou le vol des fondsconcernés. Elle remet en cause laconfiance de la communauté des bail-leurs de fonds et par conséquent peutentraîner la réduction de l’aide qui estune source vitale pour l’État burkinabè.

Encadré 3.5. Quelques évaluations sur la fraude

L’étude sur l’analyse de l’environnement del’entreprise réalisée par le programme Diagnos del’Union Européenne a montré que la fraude (non-paiement des droits de douane, produits nonconformes, contrefaçons) entraîne un manque àgagner important pour État et crée une concurrencedéloyale pour les entreprises formelles, entravantainsi le développement du secteur privé. Parailleurs, cette étude souligne qu’entre 40% et 50%des produits sont importés frauduleusement. Cesproduits n’étant pas taxés conduisent à desdistorsions dans les mécanismes de marchés. Sur lapériode 1993-2001, les amendes et confiscationsrécupérées par État ne représentent pourtantqu’entre 0,3% et 0,6% des recettes fiscales totales.

Source Etudes Diagnos Analyse de l’environnementde l’entreprise au Burkina Faso, Union Européenne-ACP, janvier 2000.

Secteur public

Bon nombre de projets de développe-ment gérés aussi bien par les pouvoirsétatiques échouent par manque detransparence dans la gestion maisaussi d’une utilisation peu efficace desressources dans le cadre des projetsde développement.

En effet, ce manque de transparencese situe à deux niveaux dans le cadrede la gestion des projets de dévelop-pement financés sur les fonds de l’aideextérieure traduisant ainsi un mauvaisusage de l’aide extérieure.

Concernant la gestion administrative etfinancière des projets, la corruption sefait sentir dans le recrutement du per-sonnel des projets, l’exécution de cer-taines dépenses (salaires souvent éle-

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54 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

vés, distribution d’indemnités et deperdiems, avantages de fonction irré-guliers) et les détournements des fondsà des fins personnelles.

Au niveau de l’exécution des marchés,les pratiques de pots-de-vin ont coursdans les entreprises ou maisons decommerce, fournisseurs de biens etservices aux projets. Il y a aussil’importance démesurée des marchésde gré à gré quand bien même cela nese justifie pas. L'analyse de la situationpartielle des marchés passés pour lesannées 2000 et 2001 permet demontrer que sur 397 marchés recensésen 2000, 84 ont fait l’objet de gré à grépour un montant total représentant prèsde 7,3 milliards de FCFA (soit 27,4% dumontant total des marchés concernés).En 2001, ces chiffres sont de 71marchés pour un montant total d’en-viron 7,1 milliards de FCFA (soit 21,6%du montant total des marchés con-cernés)16.

Par ailleurs, pour bénéficier decertaines rentes, la préférence estsouvent accordée à l’élaboration desprojets produisant des commissionspour les dirigeants mais sans intérêtpour les populations.

En outre, compte tenu du fait que lesappuis des projets sont en généralorientés vers des entités associatives,cela a entraîné la prolifération des as-sociations et organisations paysannes.La multiplication de celles-ci, pour bé-néficier de l’aide, a quelque peu rendudifficile la coordination des efforts lo-caux de développement sur le terrain.

Avec le processus de décentralisationen cours, il est à craindre que dans lecadre des pouvoirs locaux qui serontétablis, le phénomène de la corruptionne soit transféré et ne se développedavantage, à travers népotisme, clien-télisme et trafic d’influence, toutes cho-ses qui pourraient remettre en cause encause

l’efficacité dans la gestion des ressour-ces et la cohésion sociale (conflits defamilles, de clans et inter villages).

Secteur privé

Dans le cadre de la gestion des projetsde développement, le secteur privéintervient en tant que fournisseur desbiens et services et agent d’exécutiondes travaux d’investissements (parexemple les constructions des infras-tructures routières et les infrastructuresscolaires et sanitaires). À ce titre, pourobtenir ou conserver un marché, lesentreprises sont souvent obligéesd’offrir des paiements illicites oud’autres avantages indus. Ainsi, ellesdeviennent à la fois victimes et acteursde la corruption. Les pratiquescourantes de la corruption dans lesecteur privé sont:

• La fraude fiscale;• Les modes de passation des mar-

chés publics;• La corruption des fonctionnaires

dans les structures juridico-adminis-tratives;

• Le blanchissement d’argent;• Le travail mal réalisé et parfois ina-

chevé.

Organisations de la société civile

Au Burkina Faso, les organisations dela société civile comprennent lesOrganisations non gouvernementales(ONG), les organisations de défensedes droits humains, les syndicats, lesassociations professionnelles, les grou-pes de femmes, les communautés reli-gieuses et les autorités coutumières,les organes de presse et les médiasprivés, etc. Dans la mise en œuvre desprojets de développement, la plupartdes organisations de la société civilesont soumises aux mêmes actes decorruption et aux mêmes pratiques etce, dans tous les secteurs de la vieéconomique.

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16 Données produites par la Direction Centrale des Marchés Publics

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 55

3.5. LE BUDGET DE L’ÉTAT

a lutte contre la corruption passepar une bonne maîtrise des dé-penses publiques et des recettes

fiscales. Les différentes étapes dansl’élaboration du budget sont donc rap-pelées. Pour accroître la transparencede ce processus, le gouvernementburkinabè a mis en place différentes ré-formes visant à accroître la transpa-rence du processus budgétaire, parfoisavec l’appui des partenaires techniqueset financiers, notamment ceux qui ontchoisi l’aide budgétaire comme moded’intervention principale. Le CircuitInformatisé de la Dépense (CID), lestests sur les nouvelles conditionnalitéset le Plan de Renforcement de laGestion Budgétaire (PRGB) sont doncprésentés.

3.5.1. LES ÉTAPES DE L’ÉLABO-RATION DU BUDGET DE L’ÉTAT

’élaboration du budget de l’Étatconstitue sans conteste l’un des

actes fondamentaux de la vie de l’État,car le budget est devenu le principalinstrument de réalisation de la politiqueéconomique du gouvernement. Eneffet, c’est par le biais du budget que leGouvernement traduit, sur un plan stric-tement financier, sa politique enmatière économique et sociale. Elle estdéterminante pour l’exécutif. Et c’estpourquoi les plus hautes personnalitésde l’État, le Président en premier lieu yparticipent. L’élaboration du budget del’État est actuellement soumise à laprocédure ci-après organisée par ledécret n°69-197/ PRES/ MFC du 19septembre 1969 portant régime finan-cier de la République de Haute-Volta.Cette procédure comporte les septétapes suivantes:

! La parution de la circulaire budgétaireau plus tard le 1er Mai de l’annéeprécédant celle donnant son nom aubudget et dans laquelle sont

contenues les instructions duPrésident du Faso sur les modalitésde l’élaboration du budget pourl’année à venir. C’est à partir decette circulaire que l’élaboration dubudget s’enclenche. Ce documentprécise en effet les orientations dugouvernement et les modalités deprésentation des propositions derecettes et de dépenses.

" L’élaboration des avant-projets de bud-get des ministères et institutions. Cha-que Département ministériel et Ins-titution élabore son avant-projet debudget conformément aux instruc-tions contenues dans la circulaire.Pour ce faire, chaque Ministre etchaque Président d’institution com-munique à ses services la circulaireaccompagnée au besoin de sespropres instructions. Les servicesévaluent sur la base de leur pro-gramme d’activité, leurs besoins quiseront par la suite centralisés et vé-rifiés par la Direction des AffairesAdministratives et Financières(DAAF).

# Les discussions devant la Commissionbudgétaire. Les avant-projets debudget des ministères et institutionssont transmis dans les délaisprescrits par la circulaire au Cabinetdu Ministre chargé du Budget pourcentralisation et vérification à laDirection Générale du Budget(DGB). Les vérifications sonteffectuées par des équipes d’agentsvérificateurs et sont sanctionnéespar un rapport soumis à l’appré-ciation de la Commission Budgé-taire. Cette commission est com-posée des représentants desdirections centrales du Ministèrechargé du budget ainsi que desreprésentants du Premier Ministèreet de l’Inspection Générale d’État.Elle est chargée de l’examen desrecettes et des dépenses et de laformulation à l’attention du Gou-vernement, de toute mesure tendantà réaliser une meilleure adéquationentre les ressources et les chargesde l’État. Il est à noter que l’arbitrage

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des dépenses d’investissementséquipements est confié à une com-mission technique composée de re-présentants de la Direction Généralede l’Économie et de la Planification(DGEP), la Direction Générale de laCoopération (DGCOOP), de la Di-rection Générale du Budget (DGB)et de la Direction du Contrôle Finan-cier (DCF). Cette étape s’achève parl’élaboration d’un avant-projet debudget de l’État.

$ L’examen de l’avant-projet de budgetde l’État en Conseil des Ministres.Instance délibérative suprême duGouvernement, le Conseil des Mi-nistres arrête:- Les grandes orientations budgé-

taires,- Les plafonds de crédits suscepti-

bles d'être retenus pour chaquedépartement ministériel,

- Le projet de loi de finances quisera soumis à l'Assemblée Na-tionale.

Devant le Conseil, peuvent toujoursêtre examinées des questions im-portantes qui font l'objet de désac-cords persistants entre le Ministrechargé du budget et les Ministressectoriels. Par ailleurs, le Ministrechargé du budget a toujours la pos-sibilité d’infléchir le montant globaldes crédits arrêtés dans l'avant-projet de budget. Le Chef de l’État etle Premier Ministre deviennent à cetinstant les arbitres et concourent àl’obtention d’un compromis.

L'avant-projet de budget, repris surla base des amendements apportéspar le Conseil des Ministres, estadopté et devient ainsi le projet deloi de finances de l’État qui est dé-posé sur le bureau de l’AssembléeNationale. Celle-ci dispose alors desoixante (60) jours pour l’adopter.

% Les discussions du projet de loi de fi-nances de l’État devant la Commissiondes Finances et du Budget (COMFIB)de l’Assemblée Nationale. À sa récep-tion le projet de loi de finances parl’Assemblée Nationale, est imputé à

la Commission des Finances et duBudget pour examen au fond.

Toutes les autres commissions sontsaisies pour avis. Le Ministre chargédu budget présente, à la Com-mission des Finances et du Budgetélargie à tous les députés intéres-sés, le contexte économique danslequel s’insère le projet de budget,expose les grandes tendances duprojet de budget et les grandeslignes de la politique budgétaire.

Suivant un calendrier et un canevasélaborés par la Commission des Fi-nances et du Budget, commenced’abord l’examen des recettes etensuite celui des dépenses.

Les ministères pourvoyeurs derecettes passent d’abord devant laCommission pour présenter etjustifier leurs prévisions de recettes,faire le point des recouvrements destrois (03) années antérieures,expliquer les contraintes liées aurecouvrement et les perspectivesenvisagées pour une réalisationoptimale des prévisions. Il s’ensuitun débat entre les membres de laCommission et les ministères et quiaboutit généralement à despropositions de relèvement desprévisions.

Pour les dépenses, c’est le mêmeprincipe. Chaque Ministre vient pré-senter, justifier et défendre ses pro-positions de dépenses, devant laCommission. Cela fait l’objet d’undébat ne portant pas uniquementsur les demandes de crédits à al-louer pour l’année à venir, mais plusgénéralement sur la politique qu’il asuivie et sur celle qu’il entend suivre.Ce débat est l’occasion d’un tourd’horizon sur l’action menée dans lesecteur en cause. Cet aspect du dé-bat est fondamental, car l’examendu budget est en fait la principaleopportunité accordée aux parle-mentaires d’évoquer et de discuterde façon détaillée les différentes po-litiques menées par le gouverne-ment. Et c’est l’un des intérêts de la

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 57

discussion budgétaire à l’Assem-blée. Ensuite, la Commission seprononce, Titre par Titre et Chapitrepar Chapitre, sur le maintien, ladiminution ou même la hausse despropositions de dépenses duministère.

Après le passage des différentsministres, le Ministre chargé dubudget vient soutenir le projet detexte de loi de finances. Il s’agit del’examen des articles décrivant lesdispositions relatives aux charges etaux ressources ainsi que les autresdispositions à partir desquelles vas'exécuter le budget à venir.

À la fin des travaux de la Commis-sion des Finances et du Budget, unRapport Général est préparé et pré-senté en séance plénière par leRapporteur Général. À l’issue desdébats en plénière, le projet de loide finances est soumis au vote desdéputés.

ª L’adoption du projet de budget enplénière de l’Assemblée Nationale. Ils’agit pour les députés réunis enplénière de se prononcer sur leprojet de loi de finances qui leur estsoumis. Il faut noter cependant quel’exercice du pouvoir budgétaire del’Assemblée est soumis à des règlesstrictes. Ainsi, le vote du budget parles députés n’intervient qu’aprèsdiscussion marquée par un certainnombre de restrictions, notamment:

• L’interdiction des "cavaliersbudgétaires": Aux termes del’article 3 de l’Ordonnance de1969, "les lois de finances nepeuvent contenir que desdispositions entrant dans leurobjet", c’est-à-dire des mesuresd’ordre financier. Par consé-quent, les débats budgétaires nesauraient donner l’occasion pourexaminer des dispositions ne serapportant pas au budget.

• Le pouvoir d’amendement desdéputés est limité par des dispo-sitions constitutionnelles. Ainsi,

aux termes de l’article 120 de laConstitution, "les propositions etamendements déposés par lesdéputés sont irrecevables lors-que leur adoption aurait pourconséquence, soit une diminutiondes ressources publiques, soit lacréation ou l’aggravation d’unecharge publique, à moins qu’ilsne soient accompagnés d’uneproposition d’augmentation derecettes ou d’économie équiva-lentes".

• Les débats budgétaires sontlimités dans le temps. Ainsi,l’article 103 de la Constitutionenferme les débats budgétaires àl’Assemblée dans une durée desoixante (60) jours.

º La promulgation de la loi de financespar le Président du Faso. Une fois laloi de finances adoptée, elle estpromulguée dans les vingt et unjours qui suivent par le Président duFaso.

3.5.2. LE CIRCUIT INFORMATISÉ DELA DÉPENSE (CID)

près une décennie d’ajustementstructurel visant, entre autre, à

améliorer la gestion des financespubliques et sa transparence, les réfor-mes engagées avec l’appui des parte-naires au développement ont connudes succès remarquables. Des progrèsont été enregistrés dans la moderni-sation des outils et techniques degestion. On peut citer le CircuitInformatisé de la Dépense (CID). Il aété développé pour traiter:

• L’élaboration budgétaire pour l’en-semble des recettes et dépenses dubudget de l’État;

• L’élaboration budgétaire en recetteset dépenses des budgets particuliers(comptes spéciaux, fonds d’équi-pement, fonds communs, fonds degarantie);

• Le suivi et le contrôle des dépensesdu titre 1, 3, 4, 5 et 6 du budget de

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58 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

l’État et sur les comptes spéciaux,depuis la phase d’engagement jus-qu' à la mise en paiement;

• Le suivi et le contrôle des dépensessur les budgets particuliers (hormisles comptes spéciaux) en phase depaiement;

• Le suivi de la mise en place desfinancements extérieurs;

• Le suivi et le contrôle des dépenseseffectuées sur les financements ex-térieurs jusqu’à la prise en comptedes paiements effectifs.

Dans la phase d’exécution du budget,le système mis en place se caractérisepar:

• Une saisie unique et contrôlée desdonnées concernant la dépensepour l’engagement puis la liquidationau niveau de l’initiateur de ladépense (DAF, DBC et DM pour lesdépenses communes, DDP,DGCOOP);

• Un parcours imposé des dossiers dedépenses dans lequel chaqueacteur doit intervenir à son tour,contrôler, valider puis transmettre àl’acteur suivant;

• Un accès à l’information en tempsréel au niveau d’un dossier ou desdonnées synthétisées selon descritères variables;

• Une confidentialité paramétrablepermettant de donner à chaqueintervenant du circuit de la dépensel’autorisation de consulter et/ou demettre à jour les seules données quilui sont nécessaires.

Les acteurs intervenant dans le circuitde la dépense sont multiples:

• Les Directeurs de l’Administration etdes Finances (DAF) de tous lesministères et institutions;

• La Direction Générale du Budget(DGB);- La Direction du Budget et des

Comptes (DBC);- La Direction du Matériel (DM);- La Direction de la Solde et de

l’Ordonnancement (DSO);• La Direction Centrale du Contrôle

Financier (DCCF);• La Direction Générale du Trésor et

de la Comptabilité Publique(DGTCP);- L'Agence Comptable Centrale du

Trésor (ACCT);- La Paierie Générale;- La Direction de la Dette Publique

(DDP);• La Direction Générale de la

Coopération (DGCOOP);- La Direction de la Coopération

Bilatérale DCB;- La Direction de la Coopération

Multilatérale;- La Direction Générale des Impôts

(DGI).

Au stade actuel de la mise en œuvre duCID, si des efforts sont entrepris pourréaliser le reversement des donnéesdes financements sur ressourcesextérieures dans le CID, le traitementdes recettes n’est pas encore effectif.

3.5.3. LES TESTS SUR LESNOUVELLES CONDITIONNALITÉS

es résultats de l’enquête menée parle GNR-DHD ont permis de montrer

que parmi les secteurs d’activités lesplus corrompus se trouvent la police, lagendarmerie, les douanes ainsi que lesmarchés publics (cf. chapitre 2.).Pourtant, des mesures importantes ontété mises en place pour lutter contre lacorruption dans le secteur des marchéspublics. La réglementation des marchéspublics a été réformée pour permettreune plus grande transparence (cf.chapitre 8.). On note ainsi (cf. tableau3.1.) une tendance à la baisse desbons de commandes au profit deslettres de commandes et des marchés.Cette pratique participe de la transpa-rence et de la saine concurrencesouhaitée dans l’exécution de ladépense publique.

De plus, dans le cadre des nouveauxtests de conditionnalité et de lareformulation de l’aide budgétaire, l’ÉtatBurkinabè a mis en place une enquête

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pour assurer l’évaluation ex post sur ladépense publique et sa transparence. Ils’agit de disposer d’indicateur permet-tant d’apprécier les écarts constatésentre un certain nombre de produitsobtenus par les marchés publics etceux obtenus par le secteur privé.L'analyse de l’évolution des écarts rela-tifs moyens des prix unitaires moyensdes variétés d’articles du panier, tant auniveau central (Ouagadougou) qu'auniveau régional (Koudougou, Bobo-dioulasso) montre une tendance géné-rale à la hausse des lignes dedépenses budgétaires relatives auxdépenses de biens et services (titre III)sauf pour la l igne "Entretien-Réparation" qui connaît une légèrebaisse au niveau central.

Cette situation d’ensemble pourrait êtreimputable à la prédominance du bon decommande comme procédure d’exé-cution des marchés publics. Parailleurs, le dépouillement des dossiersa permis de relever des lacunesrelatives à la gestion du fichier desfournisseurs de l’État.

3.5.4. LE PLAN DE RENFORCEMENTDE LA GESTION BUDGÉTAIRE(PRGB)

onvaincu que la réussite de la luttecontre la pauvreté repose entre

autres sur une amélioration de lagestion budgétaire et un accroissementde l’efficacité des dépenses publiquesdans un cadre de gestion transparent,le Gouvernement du Burkina Faso aclassé la bonne gouvernanceéconomique au titre des axes prio-ritaires du CSLP. Dans ce sens, il adéjà engagé d’importantes réformesinstitutionnelles (CID, Cadre desdépenses à Moyen terme).

Reconnaissant toutefois la persistancede certaines faiblesses imputables pourl’essentiel au non-achèvement decertaines réformes, le Gouvernementburkinabè a entrepris en début 2001 untravail de réflexion interne sur lesystème de gestion des dépenses

budgétaires dans la perspective de sonrenforcement. Ce diagnostic interne àl’Administration a été conforté par desdiagnostics externes, en particulier"l’obligation de rendre compte de lagestion des finances publiques et despratiques de comptabilité du secteurprivé", CFAA, conduit de manièredécentralisée par les partenaires audéveloppement sous l’égide de laBanque Mondiale et le rapport surl’observation des normes et des codes(RONC) réalisé par le FMI.

Tableau 3.1. Types de procédures utilisés par l'État

En % 2000 2001

Bon de commande 84 64Lettre de commande 12 23Marché 4 13Marché de gré à gré 0 0

Total 100 100

Sur la base de ces analyses internes etexternes, le Gouvernement burkinabè aadopté en juillet 2002 un Plan pour leRenforcement de la Gestion Budgétairesur la période 2002-2004. Ce planconstitue un cadre de référence pour laconduite des réformes prioritaires dansle domaine de la gestion budgétaire etune valeur ajoutée dans la poursuite del’objectif général du département desFinances et du Budget: "améliorerdurablement la transparence, la fiabilitéet l’efficacité de la gestion des dépen-ses budgétaires".

Il est articulé autour de huit grandesorientations qualifiées d’objectifs inter-médiaires et qui sont:

• Le renforcement des capacités degestion des structures en charge dela gestion budgétaire;

• L’amélioration du cadre juridique de

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60 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Tableau 3.2. Rubriques de dépenses selon les écarts relatifs des prix moyens 2000

Rubriques Moy Min Max Q1 Q2 Q3 Q3-Q1

630 -Matières - Services - Fournitures

41 0,2 236 18 21 53 35

631 -Entretien - Réparation

51 1,1 256 18 23 67 49

639 -Autres biens et servicesconsommés

38 2,1 165 18 18 42 24

Tableau 3.3. Rubriques de dépenses selon les écarts relatifs des prix moyens 2001 (en %)

Rubriques Moy Min Max Q1 Q2 Q3 Q3-Q1

630 -Matières - Services - Fournitures

48,8 0,5 456,3 18 21,2 51,7 30,5

631 -Entretien - Réparation

48,8 2,5 351,7 18 18 63,5 45,5

639 -Autres biens et servicesconsommés

56,8 1,04 206,6 18 57,3 71,7 14,4

Encadré 3.6. Exemple d’interprétation des quartiles relatifs à la rubrique de dépenses"Matières - Services – Fournitures"

Q1 = premier quartileQ2 = deuxième quartileQ3 = troisième quartileQ1 = 18% signifie que 25% des variétés d’articles ont des écarts relatifs de prix unitairesmoyens inférieurs à 18%Q2 = 21% signifie que 50% des variétés d’articles ont des écarts relatifs de prix unitairesmoyens inférieurs à 21%Q3 = 53% signifie que 75% des variétés d’articles ont des écarts relatifs de prix unitairesmoyens inférieurs à 53%Q3 – Q1 = intervalle interquartile: 50% des variétés d’articles ont des écarts relatifs deprix unitaires moyens supérieurs ou égaux à 18% et inférieurs à 53%.Moyenne = Moyenne des écarts relatifs de prix unitaires moyensMin = Minimum des écarts relatifs de prix unitaires moyenMax = Maximin des écarts relatifs de prix unitaires moyens

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"Corruption et développement humain"Corruption et gouvernance économique 61

la gestion budgétaire et son appli-cation;

• L’amélioration de la qualité et de latransparence de la loi de finances;

• L’amélioration de la déconcentrationbudgétaire;

• L’amélioration de la qualité de lagestion des dépenses spécifiques;

• L’amélioration de la qualité et de lapérennité du processus d’informa-tisation;

• Le renforcement du contrôle de lagestion budgétaire.

Une année après l’adoption du Pland’action, une revue de sa mise enœuvre avec le concours de certainspartenaires au développement prati-quant les appuis budgétaires devraitaboutir fin septembre 2003. Les conclu-sions de cette revue permettront d’ap-préhender les progrès réalisés par legouvernement mais aussi les insuf-fisances et les blocages dont larésolution devra constituer ses priorités.

CONCLUSION

’analyse institutionnelle de lacorruption fournit des indicationssur les remèdes à apporter afin de

réduire la corruption: une plus grandetransparence, l’obligation de rendrecompte, l’amélioration de la gestion desressources humaines dans l'admi-nistration fondée sur un système méri-tocratique, la simplification et la rationa-lisation de l’intervention de l’État dansl’activité économique.

Le secteur privé peut constituer un alliéimportant de la société civile pour luttercontre la corruption. Il est en effet dansl’intérêt du secteur privé d’opérer dansun environnement structuré où l’État,en s’appuyant sur des institutionsfortes, réglemente et arbitre le jeu de laconcurrence. À ce titre, le secteur privé

doit lutter pour l’émergence d’un cadrejuridique et institutionnel sain, capablede promouvoir la transparence, delutter contre la corruption et la fraude etpour une sécurité juridique pourl’investissement.

Les organisations de la société civilepeuvent également influencer les déci-sions gouvernementales, en particuliercelles qui affectent leurs intérêts, lespriorités de développement, la manièredont les services publics sont fournis etla manière dont les ressources publi-ques sont utilisées. Elles sont appeléesà jouer des fonctions importantes no-tamment en matière de protection descitoyens contre l’arbitraire, de contrôlede l’action publique et d’organisation dela participation des populations auprocessus de développement. Ellespeuvent aussi contribuer à l’émergenced’une volonté politique en dénonçant lacorruption, en faisant pression sur legouvernement et en contrôlant sesactions.

À ce titre, le secteur privé et la sociétécivile peuvent contribuer à:

• Renforcer les mécanismes degestion et de contrôle des financespubliques;

• Surveiller la coordination de l’aide etde son impact;

• Lutter contre la corruption ensoutenant les mesures efficacesdans ce sens;

• Lutter contre les pratiques contrairesà l’intérêt général, en particulier lenépotisme et le clientélisme;

• Jouer un rôle actif dans le réseaunational de lutte anti-corruption enproposant des solutions et desmesures efficaces;

• Dénoncer les actes à travers lesmédias;

• Faire des plaidoyers et deslobbyings.

L

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62 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Les organisations internationales etrégionales ont aussi un rôle important àjouer dans la mesure où elles peuventservir de relais aux demandes expri-mées par la société civile en permettantaux hommes politiques d’insérer desprogrammes de réformes difficiles dansun cadre de contraintes extérieures.

Les agences d’aide bilatérale peuventégalement participer à la lutte contre lacorruption à travers des programmesde renforcement des capacitésinstitutionnelles mais aussi en appli-quant systématiquement les principesrecommandés de transparence etd’efficacité dans la gestion des affaires.

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22 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

EF

CHAPITRE 2

PERCEPTION DE LA CORRUPTIONAU BURKINA FASO

INTRODUCTION

e Groupe National de Réflexionsur le Développement HumainDurable a réalisé une enquête

qualitative auprès de la population pourcerner et analyser le problème de lacorruption au Burkina Faso sur unebase objective. Cette enquête a doncété réalisée pour appuyer le diagnosticet les analyses développées dans cerapport. Ainsi, cette enquête permetd’abord de définir la corruption,d’analyser les principaux secteurs de lavie sociale et économique qui sont at-teints (cf. partie 2.1.), puis de décrireles formes et pratiques sous lesquellesla corruption intervient (cf. partie 2.2.).Elle a également permis d’interroger lesBurkinabè sur les principales causes dela corruption (cf. partie 2.3.) et sesconséquences (cf. partie 2.4.). Enfin, laconnaissance des institutions chargéesde lutter contre la corruption etl’appréciation de leur efficacité ont puêtre également étudiées à travers cetteenquête (cf. partie 2.5.). Ce chapitre, enprésentant les principaux résultats del’enquête menée par le GNR-DHD,dresse donc un état des lieux sur lacorruption au Burkina Faso et permetainsi d’en assurer une meilleurecompréhension.

2.1. L’IMPORTANCE DE LACORRUPTION

2.1.1. LA CORRUPTION AU BUR-KINA FASO!: UNE RÉALITÉ IN-CONTOURNABLE

adis réputé pour son intégrité, ladroiture morale et la modestie de

ses hommes, le Burkina Faso connaîtaujourd’hui un développement de lacorruption qui prend la forme d’unecourse à l'enrichissement illicite, avecpour conséquence la perte des valeursmorales. Ainsi, la remise d’un billet enéchange du service rendu dans uncadre strictement professionnel tend àdevenir un comportement habituel, peuconnu des générations précédentes.L’ampleur du phénomène serait telleque certains observateurs de la sociétéBurkinabè ont pu dire que si certainspays sont assis sur des poudrièresidentitaires, le Burkina Faso est assissur une poudrière sociale dont la mè-che est la corruption.

Les enquêtés ont d'abord été interrogéssur la signification du terme decorruption. Trois définitions leur étaientproposées a priori, pour préciser la

LJ

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 23

signification du terme corruption, àsavoir!: une utilisation des ressourcespubliques à des fins personnelles, unarrangement et l’altération des valeursau niveau de l’individu. Les enquêtésétaient également invités à donner leurpropre définition de la corruption.

La corruption est définie par le termegénérique d’arrangement par 29,3%des enquêtés. Si cette terminologiepeut paraître vague, elle souligne quela corruption constitue un "jeu" illégalentre deux acteurs, en marge des ré-glementations et normes en vigueur.Seulement 13,7% des personnes inter-rogées définissent la corruption parl’utilisation des ressources à des finspersonnelles et 9,3% par une altérationdes mœurs.

La corruption se définit donc principa-lement comme un arrangement, ensuitecomme une utilisation des ressourcespubliques à des fins personnelles etenfin comme une altération des valeursau niveau individuel, ceci quel que soitl’âge, le milieu de résidence et le sexedes enquêtés. Toutefois, la complexitédu phénomène est réelle parce queprès de 47,7% des enquêtés pensentque la corruption se définit plutôtcomme une combinaison de ces troisdéfinitions.

Dans le langage populaire, on assiste àune prolifération de termes pour dési-gner la corruption. Parmi les principalesexpressions figurent "les feuilles", le"gombo (frais ou sec)", le "tais-toi", quidésigne un billet de 10 000 francs CFA

Encadré 2.1. Méthodologie de l'enquête

L’enquête sur les perceptions de la corruption au Burkina Faso porte sur le milieu urbain. Elle devaitinitialement porter sur l’ensemble du territoire national. Compte tenu des contraintes de financement, lemilieu urbain a été couvert à travers trois strates!: les grandes villes (Bobo-Dioulasso et Ouagadougou),les villes moyennes (Banfora, Dori, Fada, Pouytenga et Tenkodogo) et les villes frontalières (Bittou,Gaoua, Faramana, Kantchari, Ouahigouya et Pô). Les villes frontalières ont été retenues comme unestrate à part entière du fait de l’importante activité des douanes qui les caractérise!: elles offrent ainsil’opportunité d’enquêter avec pertinence sur le bon fonctionnement de cette administration.

L’échantillon enquêté est composé de sept catégories d’enquêtés!: le grand public (230), les opérateurséconomiques (160), les experts d’administration publique (35), les experts d’administration privée (20),les organismes (5), les leaders d’opinions (30) et les autres experts (20). Dans cet échantillon, lesresponsables et cadres sont donc représentés à travers six catégories spécifiques et sont ainsi fortementreprésentés parce que leur situation professionnelle leur permet de mieux cerner et analyser l’ampleurde la corruption au Burkina Faso.

La répartition de l’échantillon "grand public" a été faite sur la base des zones de dénombrement (ZD)issues du recensement de 1996. Les unités primaires sont donc les localités et les zones dedénombrement des localités sont tirées au prorata de leur nombre de ménages. Au second degré, laméthode des itinéraires a été retenue, c’est-à-dire que dans une direction donnée, l’enquêteur soumet lequestionnaire à un ménage sur dix dans les grandes villes et un ménage sur cinq dans les villesmoyennes. Pour les autres catégories, les enquêtés ont été ciblés par choix raisonnés.

Cette enquête a également été complétée par des entretiens avec des personnes reconnues pour leurconnaissance de la vie économique, sociale et politique et donc des problèmes de corruption. Il s’agitdes chefs coutumiers, de responsables religieux, des mouvements de droits de l’homme, des hommespolitiques et des responsables d’ONG et d’associations.

La population enquêtée comporte deux caractéristiques importantes qu’il convient de garder à l’esprit.D’abord, la population est urbaine. Ensuite, parce qu’une part importante des personnes enquêtées a étéciblée par choix raisonné pour différentes catégories de cadres et responsables définies a priori, lapopulation enquêtée est majoritairement masculine!: seulement 19,8% des enquêtés sont des femmes.

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24 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

que l'on donne à une personne pour lafaire taire, "parler bon français" etc.Interrogés par le GNR-DHD sur leurconnaissance des termes et expres-sions qui désignent la corruption, lesBurkinabè citent encore!: "le gâteau","graisser la patte", "mettre du beurredans les haricots", "il faut pimenter masauce", "l’argent de la bière", "monverre de vin", "six-quatre", "mouiller labarbe", "les affaires", "mettre la maindans la poche", "pourboire", "cadeau","déposer un caillou", "il faut pisser" etc.Si ces expressions semblent désignerla petite corruption, d’autres ex-pressions connues des Burkinabè défi-nissent davantage la grandecorruption!: "dessous de table", "coulerde l’encre" (pour faire un chèque),"10%", "20%", etc.

Dans certains secteurs d'activités, ilexiste même des expressions et destermes spécifiques pour désigner lephénomène de la corruption. Ainsi,dans le secteur de la douane, le terme"Johannesburg" désigne un poste ju-teux où l'on s'enrichit très rapidement. Ilen est de même dans certains ministè-res où le terme "filon" désigne la ges-tion d'un projet juteux à la manièred'une mine. Lorsque le projet est ter-miné, ils retournent à leurs servicesd'origine en laissant derrière eux dumatériel inutilisable telle une mineabandonnée. Au niveau du ministère dela justice, le terme "margouillats" dési-gne les intermédiaires qui monnayentl'obtention de pièces administratives. Laseule multiplication des termes pourdésigner la corruption sous ses diffé-rentes formes témoigne que le phéno-mène est aujourd’hui bien ancré dansla société.

L’enquête révèle d’abord l’importancedu phénomène. Ainsi, la corruption auBurkina Faso est perçue comme un faitavéré. En effet, une majoritéd’enquêtés (55,6 %) pense que lacorruption est très répandue. Ils sontegarer

également 39,8% à penser que lacorruption est répandue. In fine,seulement 3,4% des enquêtés estimentque la corruption n’existe pas auBurkina Faso. La corruption est doncperçue comme une réalité importantede la société burkinabè contemporaine.À la question "pensez-vous que lacorruption existe plus qu’auparavant",près de 91 % des sondés répondentpar la positive, quel que soit le milieude résidence, le niveau d’instruction, lasituation socioprofessionnelle et lesexe. Cette appréciation est plus sé-vère chez les personnes enquêtées deplus de trente cinq ans, sans douteparce ce que ces derniers ont puconnaître la période révolutionnaire quiconstitue leur point de référence. Aussi,70% des enquêtés pensent que la cor-ruption est devenue une règle deconduite.

À la question de savoir si le BurkinaFaso est davantage frappé par la cor-ruption que les pays voisins (le Bénin,la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et leTogo), les enquêtés sont près de 60%à répondre par la négative. Ce résultattémoigne de la conscience que le ci-toyen burkinabè peut avoir de la di-mension régionale du problème de lacorruption.

2.1.2. L’INTENSITÉ DE LA COR-RUPTION PAR SECTEUR

our comprendre et apprécier lesconséquences de la corruption sur

la vie économique et sociale, ce pre-mier diagnostic sur l’ampleur de la cor-ruption et ses manifestations doit êtrecomplété d’une analyse par secteurd’activité. Dans l’enquête menée, onzesecteurs principaux ont été retenus!: lasanté, l’éducation, les douanes, la po-lice et la gendarmerie, les marchéspublics, les médias, la justice, les mai-ries, les impôts et l’activité politique7.

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________________________________________

7 Un secteur "autres administrations" a été également retenu pour permettre de couvrir l'ensemble del'administration.

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 25

Pour plus de 80% des enquêtés, lacorruption est importante et constitueune pratique courante dans l’ensembledes secteurs retenus à l’exclusion desmédias (cf. tableau 2.1.). Le clas-sement des secteurs d'activités selon ledegré de corruption (toutes modalitésconfondues) donne les résultats sui-vants!: 1er la police et la gendarmerie,2e la douane, 3e les activités politiques,4e les marchés publics, 5e la justice, 6e

les mairies, 7e la santé, 8e l’éducation,9e l’administration, 10e les impôts et 11e

les médias (cf. tableau 2.1.).

Aux yeux des enquêtés, si les princi-paux secteurs de la vie économique etsociale apparaissent corrompus,l’intensité du phénomène peut cepen-dant varier d’un secteur à l’autre.L’enquête a permis d’établir un classe-ment de l’intensité de la corruption parsecteur à travers la modalité "très cor-rompu" (cf. graphique 2.2.).

Les douanes, les activités politiques etles marchés publics sont les trois sec-teurs pour lesquels la corruption appa-raît comme très importante!: le secteurdouane est perçu comme "très cor-rompu" par plus de 78% des enquêtés,les activités politiques par plus de75,6% et les marchés publics par plusde 67,8%.

La corruption au niveau des servicessociaux (santé, éducation) et des mé-dias serait d’une intensité moyenned’après les enquêtés (cf. tableau 2.1. etgraphique 2.1.).

Si des secteurs comme l’éducation et lasanté qui touchent à la vie quotidiennedes Burkinabè et jouent un rôle centraldans la politique de lutte contre la pau-vreté sont également appréciés commecorrompus, l’intensité y apparaît moinsforte. Seulement 20 % des enquêtésjugent ces secteurs très corrompus.Toutefois, les formes qu’y prend lacorruption touchent directement à la viequotidienne des Burkinabè. Dans lesecteur de la santé, la revente demédicaments a priori destinés auxmalades limite sérieusement l’efficacitédes services rendus alors que dans lesecteur de l’éducation, ce sont lesprocédures de recrutement des élèvesqui sont remises en question.

Du côté des contre pouvoirs, qui de-vraient jouer un rôle important dans lalutte contre la corruption, la justiceapparaît elle-même comme trèscorrompue pour plus de 51,8% despersonnes interrogées. Au contraire,seuls 13% des enquêtés considèrentque les médias constituent un secteurtrès corrompu.

Tableau 2.1. Perception des enquêtés selon l'étendue de la corruption et desdifférentes pratiques

Type de pratique Degré de corruption en % RangTrès Moyen Modéré Total

Police Gendarmerie 55,8 30,7 6,1 92,6 1Douanes 78,1 10,9 3,2 92,2 2Activités politiques 75,6 10,9 3,8 90,3 3Marchés publics 67,8 14,7 4,0 86,5 4Justice 51,8 25,3 9,2 86,1 5Mairies 45,9 30,9 8,8 85,6 6Santé 21,0 37,3 27,2 85,5 7Éducation 21,0 37,3 27,2 85,5 7Autres administrations 45,3 28,2 10,1 83,6 9Impôts 45,5 26,7 9,7 81,9 10Médias 13,0 27,2 24,2 64,4 11

Source!: Enquête du GNR-DHD

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26 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

2.2. LES PRATIQUES ENMATIÈRE DE CORRUPTION

2.2.1. LES PRINCIPALES FORMESDE LA CORRUPTION

’analyse des pratiques de la corrup-tion dans la société Burkinabè per-

met de cerner l’importance des diffé-rentes formes de la corruption. Interro-gés sur sept formes de la corruptionjugées a priori principales (les pots-de-vin, le trafic d’influence, le don del’argent, la tricherie dans le recrute-ment, l’escroquerie, les détournementsde fonds et le dévoiement des enquê-tés), les enquêtés sont une majorité àestimer que toutes ses manifestationsde la corruption sont ou répandues outrès répandues (cf. tableau 2.2.).

La manifestation la plus répandueserait le don d’argent (pour 95,4% desenquêtés), suivie des pots-de-vin. Pourles détournements de fonds, pratiquequi caractérise sans doute le mieux lagrande corruption, près de 80% desenquêtés considèrent qu’il s’agit d’unepratique répandue ou très répandue.

2.2.2. Les pratiques de la corruptionpar secteur

a police et la gendarmerie(principales pratiques!: rackets des

transporteurs, trafic d’influence, pots-de-vin, int imidations, enquêtesréalisées à la tête du client).De par leur rôle, ces deux corps sonten contact direct avec la population; cequi explique en partie, leur place dansle classement.

Graphique 2.2. Classification des secteurs selon le degré de corruption (modalité "très corrompu")

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L

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Source!: enquête GNR-DHD

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 27

92,6% des personnes interrogéespensent que la corruption sévit dans cesecteur. Celle-ci se manifeste surtoutpar le racket sur les routes, aux contrô-les, à la frontière, dans les brigades degendarmerie et les commissariats depolice et lors de l'établissement despièces administratives, en témoigne lerécit ci-après (cf. encadré 2.2.).

La douaneL’ampleur de la corruption (92,2% desenquêtés) dans le secteur de la douaneest voisine de celle de la police et de lagendarmerie. La corruption se manifes-te aux postes frontières, à l'aéroport,sur les routes, au niveau de Ouaga-Inter et des brigades mobiles.

Les activités politiques (principalespratiques!: trafic d’influence, pots-de-vin, népotisme, détournement, dévoie-ment des enquêtes, recrutement etnomination aux postes).Il est loin le temps où l’homme politiqueétait censé incarner des idées, où saconduite était le reflet de ses engage-ments. De l’avis des enquêtés, 86,5%des personnes interrogées pensent quel'activité politique n’est pas dénuée decorruption. C'est une activité dont la fi-nalité n'est plus la défense des idéesmais bel et bien, un moyen par lequelon peut s'enrichir rapidement. Les ré-sultats de l’enquête reflètent cette mau-vaise perception de la vie politique.

Ainsi, le maire est corrompu pour59,0% des personnes enquêtées, le dé-puté pour 56,4% et le ministre pour54,1%.

Encadré 2.2. Récit sur la corruption au niveau de lapolice et de la gendarmerie

M. X est un chauffeur qui ne respecte pas les pan-neaux de signalisation. C'est ainsi qu'un jour, alorsqu’il s'engageait dans un sens interdit, il rencontre unagent de police en service. Ce dernier, avec courtoisieet politesse lui demande les pièces du véhicule demême que son permis de conduire. Après vérificationdes pièces, le policier retire la carte grise du véhiculeet l'invite à le suivre au bureau pour le retrait d'unefiche sur laquelle figure le montant de lacontravention à payer. Machinalement, le chauffeurglissa un billet de mille (1000) francs entre les pièceset les présenta au policier. Ce dernier se mit en colèreet nota sur la fiche de retrait la tentative decorruption, ce qui aggravait son cas. La voiture futretenue à la police, mais le lendemain il revintprendre son véhicule comme si rien ne s’était passé.Interrogé, le chauffeur dit que son patron avait appelédans la nuit pour tout arranger.

Source!: Enquête du GNR-DHD

Les marchés publics (principales pra-tiques!: processus de passation demarché, appel d’offre accéléré et listerestreinte, octroi de pourcentage et dedessous de tables, recours au marchégré à gré, trafic d’influence).Ce secteur est classé après la douane

Tableau 2.2. Perception des enquêtés sur les différentes pratiques

Type de pratique Degré de corruption RangRépandue Très

répandueTotal

Don d'argent 11,8 83,6 95,4 1Pots-de-vin 25,9 63,6 89,5 2Tricherie dans le recrute-ment

24,2 61,3 85,5 3

Détournement de fonds 35,4 44,6 80,0 4Trafic d'influence 44,2 35,2 79,4 5Escroquerie 36,2 36,1 72,3 6Dévoiements des enquêtes 29,1 27,0 56,1 7

Source Enquête du GNR-DHD

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28 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

et la gendarmerie, probablement parceque ce service est mal connu. De l'avisde ceux qui œuvrent dans le domainedes marchés publics, (86,5%), la cor-ruption porte sur des montants trèsimportants. Elle intervient au niveaudes appels d'offres, du dépouillementdes offres et des commissions char-gées de l'attribution des marchés. Don-ner 10 % pour avoir un marché estdevenu une pratique courante au ni-veau de l'attribution des marchés.

Encadré 2.3. Le comportement de l’administrationdans un conflit

Un conflit grave a opposé des agriculteurs et deséleveurs ayant entraîné des morts d'hommes et desdégâts matériels importants (bétail abattu,habitations endommagées etc.) Après avoircommis ces actes, les auteurs (des dozos) ontempêché l'accès des lieux aux autorités. Celles-ci(Préfet, Gendarmes, Policiers) ont obtempéré àcette injonction. Cela avait pour but d'empêcher lesconstats d'usage en de telles occasions. Malgré cesobstructions, les faits ont été reconstitués etl'enquête préliminaire conduite. Les forces del'ordre se sont alors retrouvées dans l'impossibilitéde procéder aux interpellations. Cela ne le seraqu'avec l'accord du leader politique de la zone, etsuite à la menace de marche des parents desvictimes. Les auteurs des actes seront interpellés etdétenus sans inculpation. Mieux à six (06) joursdes élections législatives, sur injonction desmêmes leaders politiques, ils seront relaxés pouréviter le boycott de ces élections par la populationdans la zone. Suite à des publications dans lapresse, les intéressés seront inculpés sans êtreinterpellés et détenus, avec la promesse dujugement du dossier en cours d'assise. Les leaderspolitiques locaux, les ministres et députés, le haut-commissaire et le préfet, le procureur et lesofficiers de police judiciaire!ont-ils été impliquésdans ces événements ?

Source!: Enquête du GNR-DHD

La justice (principales pratiques!: pas-sation de marché, appel d’offre accé-léré et liste restreinte, octroi de pour-centage et de dessous de tables, re-cours au marché gré à gré, traficd’influence, renvoi de dossier, lenteurdes procédures, rédaction de décisionsde justice, interférences du politique,

analphabétisme de justiciables)Dans toutes les sociétés, la justiceconstitue un des piliers de l'organisationsociale. Au Burkina Faso, la majoritédes citoyens n'a plus confiance en lajustice. Aux yeux des personnes inter-rogées, elle ne constitue plus un rem-part contre les injustices et sembleavoir choisi de défendre le plus fort.Elle est perçue comme non indépen-dante du pouvoir politique. Ainsi 86%des personnes interrogées pensent quela justice est corrompue. Les secteursoù la corruption se manifeste le plussont les suivants!: les tribunaux, lescabinets d'avocats, les cours d'appelset les bureaux chargés de l'établisse-ment des pièces administratives. Lanomination des magistrats ainsi que lesverdicts sont souvent sous la coupedes influences politiques et de prati-ques illicites.

Les mairies (principales pratiques!:établissement de pièces administrati-ves, lotissements, trafics d’influence,arrangements).Considérées comme un service deproximité, les mairies sont gagnées parl'affairisme et la corruption. Environ89,8% des enquêtés estiment que lesecteur est corrompu. Trois servicessont concernés dans les mairies!: laperception des taxes, les lotissementset la délivrance des pièces administra-tives. Selon un usager, le prix des diffé-rentes pièces administratives suit l'aug-mentation des prix du marché.

La santé (principales pratiques!: pots-de-vin exigés pour passer rapidementles consultations; vente d’échantillonsgratuits ou de médicaments destinésaux malades; trafic d’influence; affec-tation)Depuis quelques années, les conditionssanitaires du pays se sont détérioréesaccentuant ainsi le phénomène de lacorruption. En effet, 85,5% des sondésestiment que le secteur est corrompu.Les services concernés le plus souventsont les urgences, les services payantscomme la radiologie et les services delaboratoire. À tout cela s'ajoutent letrafic des médicaments et les transferts

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 29

vers les cliniques.

L'éducation (principales pratiques!:recrutement parallèle d’élèves; pots-de-vin; affectations; trafic d’influence; ins-criptions frauduleuses)85,5% des personnes interrogées af-firment que ce secteur est corrompu.Cette corruption se manifeste principa-lement lors du recrutement des élèveset de la gestion des établissements.

Autres administrations publiques(principales pratiques!: lourdeurs admi-nistratives, trafics d’influence, établis-sement de pièces des dossiers, recru-tement personnel, détournements,avancement du personnel, dévoiementdes enquêtes)La rigueur administrative semble ap-partenir au passé. À ce niveau, ce nesont plus tellement les usagers qui ten-tent de corrompre. Les agents de l’Étatsont à la recherche des clients et leurproposent des tarifs pour faire avancerdes dossiers. Il est bien connu que cer-taines signatures se payent très cher.La tactique est la suivante!: lorsque ledossier arrive au niveau de l’agent,celui-ci le bloque, appelle l’intéressépour lui fixer la somme à payer. Lesdomaines les plus exposés à la corrup-tion sont!: le service de la solde, le ser-vice des avancements, le service char-gé de la gestion des carrières. Certai-nes fonctions sont convoitées par leurposition au sein de l'appareil adminis-tratif. Il s'agit des fonctions de DirecteurAdministratif et Financier (DAF) et deDirecteur des Études et de la Planifica-tion (DEP).

Les impôts (principales pratiques!:pots-de-vin, intimidations, sous factura-tions ou surfacturations des impôts,détournements, arrangements)C'est un service exposé à la corruptionpar la nature même du travail qui s’yfait, 81,9% des enquêtés estiment quela corruption est présente dans le sec-teur. La corruption se rencontre surtoutau niveau du recouvrement. Des résul-tats des entretiens sur la perception dela corruption dans l'administration fisca-le, on peut retenir que la corruption est

une pratique très répandue. Elle seraitpratiquée à tous les niveaux. Parmi lesindicateurs possibles, il y aurait!:• Le train de vie des agents qui serait

au-dessus de leurs revenus. Celaest reconnu par des membres decette administration, même s'ils in-sistent pour souligner l'apport desristournes légales annuellement ser-vies;

• L'amenuisement des recettes fisca-les;

• Les difficultés de l'État pour faireface aux charges salariales et so-ciales en rapport avec les besoinsdes ménages;

• Des exemples vécus et rapportéspar de petits opérateurs!: surimposi-tion pour intimider, lettres d'intimida-tion, transferts de commission, faus-ses déclarations de valeurs compta-bles;

• Le discours et le comportement decorrupteur qui se banalisent commeles dons injustifiés (mais intéressés)aux agents, la règle établie du pour-centage, etc.

Encadré 2.4. Récit sur le comportement d’un agentdes impôts

Un agent des impôts a proposé un arrangement(moyennant une certaine somme) à un commerçantsachant à peine parler le français pour diminuer lemontant de ses impôts. Suite au refus ducommerçant, l’agent déclare que le bilancomptable du commerçant est très en deçà duchiffre d’affaires réel et de ce fait il le classe dansune catégorie supérieure. Dès réception de safacture d’impôts, le commerçant a remarqué unehausse très sensible de ses impôts. Après cela,l’agent lui a remis son numéro de téléphone pourlui indiquer qu’à tout moment il pouvait l’appelers’il changeait d’avis. Ce commerçant, ne pouvantpas payer ce qui lui est demandé, craint qu’un jouron ne vienne fermer sa maison de commerce. Lecommerçant déclare lui-même, que s’il avaitd’autres issues, il mènerait d’autres activités. Enattendant, il n’a pas d’autres solutions. Malgrétout, il persiste dans sa position parce qu’il estcontre la corruption même s’il sait par ailleurs qued’autres commerçants et opérateurs économiquescorrompent les agents pour fructifier davantageleurs activités.

Source!: Enquête GNR-DHD

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30 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

La petite corruption qui a cours danscette administration et qui est la plusperceptible serait pratiquée à l'opportu-nité, de façon non organisée en réseau,sans procédures et méthodes formel-les. Elle se généraliserait comme uneffet de mode, en prenant l'allure detraditions. Les formes de petite corrup-tion sont assez nombreuses selon lesévocations et récits des entretiens!:

• Les rééchelonnements de créancepour entretenir (couvrir) l'évasionfiscale. Les sommes ainsi défiscali-sées faisant l'objet des transactionsillégales entre l'agent du fisc et lecontribuable;

• Les fausses déclarations (sur lesquantités et les prix) en douane pa-ralysent l'action fiscale en réduisantl'assiette. Les réclamations dans detelles situations sont aussi l'objet detransactions. Ces transactions setraduisent souvent de façon conflic-tuelle par le chantage, l'intimidation,le harcèlement ouvert ou insidieux.

En dehors du fisc, on rencontrerait descomportements similaires avec desagents de la Caisse Nationale de Sécu-rité Sociale (CNSS) et les servicestechniques chargés de la vérification del’application de la réglementation, no-tamment dans le secteur BTP (despassations de marché, comme occa-sions de ristournes d'hébergement desmissions de l'administration, de cons-truction dans le BTP).

Les médias (principales pratiques!:financement occulte de certains desjournaux; diffusion d’informations ten-dancieuses)L’ouverture démocratique a entraîné ledéveloppement de la presse publiqueet privée. La corruption dans les mé-dias est peu connue du grand public.

Pourtant elle y est présente et sepratique sous une forme plus ou moinsfine. Elle est essentiellement d'ordrepolitique et se manifeste par letraitement partial de l'information.

La plupart des journalistes sélectionnel'information en fonction des intérêts dujournal. Le choix des reportages estsouvent l'objet d'un marchandage etparfois des articles sont commandés àdes fins inavouables. Le citoyen consi-dère que les principaux responsablesdes organes de presse sont corrompus.

Les Organisations Non Gouverne-mentales (ONG)8

Le Burkina Faso connaît une proliféra-tion des organisations non gouverne-mentales. Dans la majorité de ces or-ganisations, les bailleurs exigent latransparence dans la gestion des res-sources financières. Cette situationtraduit un écart entre la philosophie del'ONG et les pratiques sur le terrain.Certaines organisations sont crééesparce qu'il y a un financement et sou-vent ces financements restent la pro-priété de quelques individus.

Le secteur privé8

Les opérateurs économiques et lesprofessions libérales se plaignent del'ampleur de la corruption, essentielle-ment dans les attributions de marchéset au niveau de l'exonération des taxes.Les services avec lesquels ils travail-lent, la douane, le ministère du com-merce sont jugés par eux corrompus.Malgré ce constat amer fait par lesopérateurs économiques, ils reconnais-sent que pour la survie de leurs entre-prises, ils sont souvent obligés de jouerle jeu de ces agents corrompus et quisont malheureusement aux postesstratégiques de l’administration (casdes appels d’offres). Le délit d’initié estmonnaie courante dans ce domaine.

________________________________________

8 Les ONG et le secteur privé n’ont pas été retenus comme secteur d’activité dans le questionnaire del’enquête. Les résultats présentés ici sont donc le seul résultat d’entretiens avec des professionnels deces secteurs sur leur propre activité.

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 31

2.3. LES CAUSES DE LA COR-RUPTION

2.3.1. LES FACTEURS GÉNÉRAUXFAVORISANT LA CORRUPTION

Au niveau de l’individu

Au niveau de l’individu, les facteursexplicatifs possibles de la corruptionpeuvent être appréhendés sous plu-sieurs aspects!: éducatif et culturel,économique, psychologique, social etselon la nature du groupe. Sur le planéducatif, le manque ou l’insuffisanced’instruction civique ainsi que la mé-connaissance de la culture et des tradi-tions sont des facteurs qui favorisent lacorruption au niveau de l’individu. Eneffet, le respect de la culture et la tradi-tion sont des valeurs inestimables pourune bonne conduite de l’individu. Mal-heureusement, ces valeurs sont au-jourd’hui bafouées dans nos sociétésde plus en plus monétarisées, notam-ment dans les grandes villes.

Sur le plan économique et social, lesbas salaires peuvent égalementconstituer un facteur explicatif de lacorruption. L’insuffisance de revenusliée à une utilisation non rationnelle(consommation excessive d’alcool,activités extraconjugales intenses, etc.)expose l’individu à la corruption. Ceci apour corollaire la recherche du gainfacile, sans référence à aucune valeurmorale.

Interrogés directement sur les facteursqui favorisent la corruption au niveaudes individus, les enquêtés ont desréponses variées que l’on peut toutefoisessayer classer et de comprendrecomme suit. D’abord, les valeurs quisous tendent le comportementéconomique et social de l’individu sontremises en question. Il s’agitnotamment de l’individualisme, de lacupidité, de la mégalomanie, de la foliedes grandeurs et de la recherche dugain facile. Ces valeurs individuelles

sont expliquées par les effets négatifsde la modernisation, notamment àtravers la mise en place d’une sociétéde consommation et d’un contexte deconcurrence professionnelle et com-merciale renforcée. En contrepartie, lesenquêtés constatent l’absence de va-leurs de références collectives qu’ils’agisse du civisme, du patriotisme ouencore de valeurs morales et religieu-ses.

Le mauvais exemple des leaders et dela hiérarchie en général, le mauvaischoix des responsables, le manque detransparence dans le travail et lemanque de rigueur dans la gestionpublique constituent également pour lesenquêtés des signes évidents dans laperte de valeurs de référence collecti-ves. Pour un individu déchiré entre lamontée en puissance de valeurs indivi-duelles et le déclin de valeurs plus col-lectives qui assurent sa socialisation, lafaiblesse de caractère, la peur del’échec, le mimétisme ou tout simple-ment la paresse peuvent permettred’expliquer des actes de corruption àun niveau individuel.

Enfin, la corruption est également ex-pliquée au niveau de l’individu par lapauvreté humaine, c’est-à-dire les bassalaires, la faiblesse du pouvoird’achat, le chômage mais aussil’ignorance. Face à ces mauvaisesconditions de vie, les charges familialesrestent élevées.

Au niveau de la société

Au niveau de la société, on peut es-sayer de regrouper les facteurs expli-catifs de la corruption en deux grandsgroupes!: les causes endogènes et lescauses exogènes. Parmi les causesendogènes, on trouve les causes éco-nomiques, sociologiques, culturelles etpolitiques. Le manque de formation àl’instruction civique, ainsi que l’absencede modèle de référence sont égalementsources de corruption. Sur le plan so-cial, les frustrations dans le travail,l’anarchie dans l’administration, lesrancœurs au sein des services consti-

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32 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

tuent également des facteurs favora-bles au développement de la corrup-tion.

Les causes exogènes de la corruptionqui viennent le plus souvent de l’exté-rieur du pays sont plus difficilementidentifiables. En effet, les pratiques decorruption trouvent dans les relationsinternationales un terrain de prédilec-tion. En sortant des frontières, l’argentéchappe aux règles des pays d’originesans être souvent soumis aux règlesdes pays d’arrivée parce que celles-cisont inexistantes ou laxistes ou toutsimplement faciles à contourner. Cetargent est investi sans autres formesde procès. De même, d’importantessommes peuvent traverser des frontiè-res et être utilisées pour des investisse-ments des activités licites et produiredes gains légalement déclarés9. Étantdonné la proximité du Burkina Fasoavec cinq pays de l’UEMOA, le paysn’échappe pas au trafic de drogues et àla pratique du faux monnayage.

Comme pour étudier les facteurs favo-risant la corruption au niveau individuel,une question sur les facteurs qui favori-sent la corruption au niveau de lasociété a été introduite dans le ques-tionnaire. Les réponses peuvent appa-raître à première lecture parfois confu-ses parce que les niveaux contextuelsindividuels et collectifs sont en faitétroitement liés. Cependant les résul-tats obtenus par l’enquête du GroupeNational de Réflexion sur le Développe-ment Humain Durable permettent demettre en avant quelques conclusions.

Au plan socio-économique, les sondéscitent la forte pression fiscale etdouanière et les lenteurs administrati-ves comme facteur explicatif de la cor-ruption. Ainsi, les sondés sont favora-bles à une simplification et à un allège-ment des règles qui encadrent la vieéconomique et sociale.

Toutefois, l’apport de la libéralisationéconomique à la lutte contre la corrup-tion n’apparaît pas systématiquementaux yeux des sondés!: la libéralisationsauvage et les privatisations sont citéescomme constituant des facteurs favori-sant la corruption. La pauvreté, l’igno-rance, le chômage, la faiblesse desrevenus, les inégalités constituent éga-lement un socle favorable à l’émergen-ce de la corruption selon les enquêtés.

Dans le domaine politique, la mauvaisegouvernance explique bien sûr lacorruption pour les sondés. Celle-cipeut prendre différentes formes!: lenépotisme et aussi le régionalisme, lanon-application des lois. Au niveau dela lutte contre la corruption, les struc-tures en place sont jugées inefficaces.L’impunité, le laxisme des autoritésvoire le manque de volonté politiqueconstituent un facteur encourageant lacorruption aux yeux des Burkinabè.

2.3.2. LES CONDITIONS DE VIEMATÉRIELLES ET L’IMPUNITÉEXPLIQUENT LA CORRUPTION

es réponses aux questions ouvertessur les contextes favorables à la

corruption au niveau individuel et de lasociété permettent de dresser unpanorama assez large de ses détermi-nants. Toutefois, pour préciser l’impor-tance relative des différents facteursavancés, des questions plus précises etsystématiques ont dû être posées apriori. Dans l’enquête réalisée sur lacorruption au Burkina Faso par le GNR-DHD, cinq causes possibles avaient étéretenues a priori!: les bas salaires, lapauvreté, l’impunité, l'ignorance etl'analphabétisme.

Les Burkinabè interrogés par le GNR-DHD expliquent la corruption par lesconditions de vie matérielles et aussi

L

________________________________________

9 Bien que le blanchissement d’argent, soit difficile à mesurer, le FMI considère que cette activitéreprésente 2 à 5% du PIB mondial, soit un montant de 590 millions à 1,5 trillons de USD.

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 33

par l’impunité. Ils sont une minorité àpenser que l’ignorance et l’analpha-bétisme constituent une cause impor-tante de la corruption10. Ainsi, la pau-vreté, les bas salaires et l’impunitéconstituent les trois principales causesde la pauvreté aux yeux des Burkinabè,respectivement pour 75,4%, 69,0% et60,4%. Ils sont une minorité à considé-rer l’ignorance (39,4%) et l’analphabé-tisme (34,9%) comme une causeimportante de la corruption.

Dans l’enquête menée par le GNR-DHD, il a également été demandé auxBurkinabè d’exprimer leur point de vuesur la place de la libéralisation écono-mique dans le développement de lacorruption. Seulement 47,4% des en-quêtés pensent que les politiquesd’ajustement structurel ont encouragéla corruption.

Cependant, ils sont une majorité(56,2%) à considérer que les privati-sations permettent la corruption. Seuls16,9% des enquêtés pensent lecontraire. Cette appréciation négativedes enquêtés sur les privatisations va àl’encontre des principes énoncés de labonne gouvernance économique; elle ale mérite de souligner les attentes desBurkinabè à davantage de transparen-ce en la matière.

2.4. LES CONSÉQUENCES DELA CORRUPTION

elon les enquêtés, la corruption ades conséquences négativespour 91,4%. Seulement 2,7%

pensent qu'elle peut avoir desconséquences positives pour la sociétéet 5,9% restent sans opinion sur laquestion. Parmi les conséquencesmalheureuses de la corruption, c’estl’effritement de la société, la perte decrédibilité v

Encadré 2.5. Lourdeur administrative et corruption

Peut-on justifier l'ampleur de la pratique par unecharge fiscale très lourde, ou par des faiblesses insti-tutionnelles!? Les problèmes semblent provenir dequelques caractéristiques de notre système fiscal telsque la complexité des règles, le taux et la nature decertains impôts!et la politique de privatisation

Le système fiscal du Burkina Faso est inspiré de celuide la république française. Il est suffisamment com-plexe pour faire du contribuable un otage de l'agent dufisc, qui peut déceler, à tout moment, des infractions àla loi. Il est aussi, par moments, source de contradic-tions qui renforcent cette dépendance du contribuable.Aussi le BIC dont le taux actuel est de 35 % (il était de50% auparavant) selon l'expertise de l'agent du fisc, deconstatations d'assiette, et de vérifications, peut attein-dre 70 % du bénéfice d'un opérateur économique.Cette marge flottante de 35 % par exemple peut êtrel'objet de la négociation et de l'appropriation fraudu-leuse entre les deux parties. Cela peut être d'autantplus alléchant pour un exemple de bénéfice commer-cial de trois millions (3 000 000) de francs, une margede 70 % peut ramener le commerçant à un revenuannuel de neuf cent mille (900 000) francs.

Pour ce qui est de la TVA, il semble y avoir un man-que de discernement dans les objectifs. Cet impôt crééet appliqué pour la construction et la reconstructiondes États-Unis et l'Europe, présente l'avantage d'unrecouvrement rapide de leur mise pour les entrepriseset d’un d'allégement de leur trésorerie. Dans notrecontexte, le capital étranger, plus puissant, a pris pos-session des investissements les plus lourds dans lesprivatisations. Les avoirs du capital étranger étantrapatriés, l'effet de la TVA ne présente plus de perti-nence. Car les acteurs nationaux préfèrent alors agir endehors de la légalité parce que les bons contribuablesne sont pas encouragés, les mauvais contribuables nesont pas sanctionnés, les longs délais d'attente engen-drent des pertes et les bons contribuables sont mêmedémotivés par la surimposition (taux maximum).

À ce bilan, des corps comme les impôts et la justicecensés être les remparts aux dérives, semblents’essouffler depuis plusieurs années.

Source: Enquête GNR-DHD

S

________________________________________

10 La pauvreté constitue une cause de la corruption pour 75,4% des enquêtés, les bas salaires pour75,4%, l’impunité pour 60,4%, l’ignorance pour 39,4% et l’analphabétisme pour 34,9%.

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34 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

la crédibilité vis-à-vis des bailleurs et lapauvreté qui sont le plus fréquemmentavancés par les enquêtés (respecti-vement 74,1%, 62,5% et 58,5%).Seulement 38,7% des enquêtés consi-dèrent que la corruption peut conduireà une situation d’instabilité politique.

Tableau 2.3. Connaissance des structures mises enplaces par l'État pour lutter contre la corruption

Structures Oui%

Non%

Inspection Générale desFinances

23,8 73,7

Coordination de la luttecontre la pauvreté

26,3 73,7

Inspection Générale d'État 14,1 85,9

Cour des Comptes 26,1 73,9

C o m i t é N a t i o n a ld'Éthique

28,0 72,0

Haute Autor i té deCoordination de luttecontre la corruption

37,9 62,1

Source!: Enquête du GNR-DHD

Tableau 2.4. Connaissance des structures mises enplace par l'État pour lutter contre la corruption

Niveau d'instruction Oui Non NSPSans niveau 4,0 65,3 30,6Alphabétisés 0,0 75,0 25,0Primaire 14,0 54,0 32,0Secondaire 35,8 45,0 19,2Supérieur 78,7 17,8 3,5

NSP !: Ne sait pasSource!: Enquête du GNR-DHD

Au cours des entretiens, les interlocu-teurs ont suggéré la notion de seuil cri-tique de corruption et une comparaisonentre notre situation et celle des payseuropéens. En effet, au-delà d'un seuildonné (atteint ou dépassé) les réper-cussions sont très dommageables surl'ensemble du système économique etsocial. Le dépassement du seuil s'ex-pliquerait d'abord par l'ignorance de

l'évaluation de l'acte de corruption auplan technique, économique, financieret social.

Au plan technique, l’impossibilité deréaliser les travaux et produits selon lesnormes, les règles de l'art et la légalitééconomique. Les sommes défiscaliséesne peuvent pas intégrer le circuit nor-mal de la circulation monétaire (gel desfonds expatriés). Cela contribue à ter-me à l'étouffement des entreprises.

Au plan financier, le phénomène setraduit par l’amincissement des res-sources à affecter aux revenus desménages, (salaires) aux secteurs so-ciaux (éducation, santé, etc.) et auxéquipements. Cela conduit aux conflitsentre individus, entre agents économi-ques.

2.5. LA LUTTE CONTRE LACORRUPTION

2.5.1. DES INSTITUTIONS PEUCONNUES

es principales institutions mises enplace par l’État pour lutter contre la

corruption (Inspection Générale desFinances, Coordination de Lutte contrela Fraude, Inspection Générale d’État,Cour des Comptes, Comité Nationald’Éthique) ne sont pratiquement pasconnues. Le Comité National d’Éthiqueet la Haute Autorité de Coordination deLutte contre la Corruption sont les deuxinstitutions les plus connues, avecrespectivement 28,0% et 37,9% (cf.tableau 2.3.).

Cette connaissance des structuresdépend en fait du niveau d’instruction(cf. tableau 2.4.). Les cadres supérieursqui connaissent ces institutions lesjugent inefficaces à 81%, les enquêtésde niveau secondaire émettent lemême jugement à 65,3% et ceux deniveau primaire à 66,7%.

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 35

2.5.2. LA CLASSE POLITIQUE DÉSA-VOUÉE

e degré de confiance du citoyen en-vers l’exécutif, le législatif, le judi-

ciaire s’est largement effrité. On noteque 59,6% des enquêtés estiment quele gouvernement ne lutte pas contre lacorruption, 34,3% pensent le contraire.Lorsqu’on procède à une approchesocioprofessionnelle de l’échantillon, onremarque que le jugement des cadressupérieurs et moyens est plus sévère.

La perception par les Burkinabè desefforts de l'Assemblée Nationale pourlutter contre la corruption n'est guèreplus favorables. Ainsi, 59,2% des per-sonnes interrogées pensent que l’As-semblée Nationale ne lutte pas contrela corruption. En fait, c’est l’ensemblede la classe politique qui est mal per-çue par les Burkinabè. À la question"pensez-vous que pour faire de lapolitique, il faut être corrompu", 54,3%des enquêtés répondent hélas parl’affirmative. Ce désaveu touche l’en-semble de la classe politique!: minis-tres, députés et aussi maires. À laquestion "Pensez-vous que le ministreest un homme corrompu", les réponsesaffirmatives représentent 54,1% del’ensemble. Pour le député ou le maire,les réponses positives atteignent desniveaux voisins, respectivement 56,4%et 59%.

Tableau 2.5. Le Gouvernement lutte-t-il con-tre la corruption

Niveau d'instruction Oui NonCadres supérieurs 29,0 66,1Cadres moyens 28,6 66,7Employés 34,8 57,9Commerçants 37,0 55,5

Source!: Enquête du GNR-DHD

2.5.3. DES INSTITUTIONS INEFFI-CACES

es institutions mises en place parl’État pour lutter contre la corruption

ne sont pas connues et sont souventjugées inefficaces. Dans l’ensemble,seulement 43% des individus enquêtésconnaissent ces structures.

2.5.4. LES PROPOSITIONS DESENQUÊTÉS

e GNR-DHD a également souhaitéinterroger les Burkinabè sur les

solutions qu’ils envisageaient pour lut-ter contre la corruption, ceci tant à unniveau individuel qu’au niveau de lasociété. L’ensemble des réponses àces deux questions a pu être synthétisé(encadré 2.7). Il ressort de ces répon-ses que les principaux éléments d’unelutte contre la corruption devraient êtreles suivants!:

• L'information, la conscientisation etla sensibilisation sur la corruption etses conséquences;

• Le renforcement de l'éducation gé-nérale, mais aussi morale, civique!etreligieuse;

• Le bon fonctionnement de l'État, as-surant!: un bon choix des responsa-bles, un contrôle hiérarchique, latransparence (la déclaration desbiens des responsables), le réamé-nagement de certaines structures;

• La simplification des règles et desmesures d'exonération fiscale;

• L'amélioration des conditions desagents (salaires, ristournes) et l'en-couragement des bons agents (parexemple une plus grande rigueurdans l’attribution des décorations);

• La fin de l’impunité qui passe par ladénonciation et les sanctions desauteurs (par exemple à travers lamise en place d’un téléphonerouge).

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36 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 2.6. Des solutions contre la corrup-tion proposées au niveau des individus

• Créer des brigades de surveillance et decontrôle;

• Appliquer la réglementation;• La transparence et la rigueur dans les

services étatiques;• Moraliser la vie publique et politique;• Dénoncer et sanctionner les auteurs;• Choisir les responsables intègres;• Instaurer un téléphone rouge;• Mettre fin à l’impunité;• Mener des enquêtes de moralité;• Mieux gérer les compétences

professionnelles;• L’alphabétisation;• L’éducation civique, morale et

religieuse;• La sensibilisation, la conscientisation,

l’information;• L’encouragement des bons agents

(primes, décoration, etc);• La valorisation des fonctions et

professions;• Lutte contre la pauvreté- augmentation

des salaires - amélioration desconditions de vie;

• Création d’emplois;• Développement de l’agriculture;• Maintien de l’aide au développement;• Renforcer la confiance en soi;• Respecter les autres;• Assurer l’équité;

Source!: Enquête du GNR-DHD

Encadré 2.7. Des solutions contre la corrup-tion proposées au niveau de la société

• Effectuer des contrôles réguliers;• Créer des structures de contrôle

(exemple des brigades);• Alléger les impôts et les taxes;• Moderniser l’administration;• Réinstaller les TPR;• Faire fonctionner les structures de lutte

contre la corruption;• Décentraliser les structures de lutte sur

le plan sectoriel et géographique dans lepublic comme dans le privé;

• Dénoncer et sanctionner les auteurs ycompris les corrupteurs;

• Choisir des responsables compétents etintègres;

• Amnistier les crimes antérieurs;• La bonne gouvernance;• Promouvoir la culture démocratique;• Assurer l’alternance politique;• Éduquer (y compris le civisme et la

morale);• Sensibiliser et informer les usagers (

populations) et les leaders sur les droitset devoirs, les méfaits de la corruption;

• Encourager les travailleurs noncorrompus;

• Conscientiser la population;• Développement de l’agriculture- créer

des projets;• Lutter contre le chômage – création

d’emplois;• Alléger (ou subventionner) les prix de

produits de premières nécessités;• Lutter contre l’analphabétisme;• Assurer un partage équitable des

ressources du pays;• Appliquer effectivement les lois et les

textes en vigueur;• Dépolitiser l’administration;• Lutter contre l’impunité;• Le retour de la révolution;• Le bon exemple du gouvernement;• L’indépendance de la justice;• Augmenter les activités génératrices de

revenus.

Source!: Enquête du GNR-DHD

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"Corruption et développement humain"Perception de la corruption au Burkina Faso 37

CONCLUSION

a corruption tend à devenir unenorme de conduite au BurkinaFaso. En effet, selon les résultats

de l’enquête plus de 90% des enquêtésestiment que la corruption est plusimportante de nos jours, quel que soitle niveau d’instruction, le sexe ou lasituation professionnelle.

Les pratiques les plus répandues sontle don d'argent, et les pots-de-vin, et lessecteurs les plus corrompus sont lapolice, la gendarmerie et la douane.Ces secteurs travaillant directementavec les opérateurs économiques, lescommerçants, les transporteurs, sontles plus exposés à la corruption.

Les entretiens menés par le GNR-DHDmontrent que l’accélération du phéno-

mène date des années quatre vingt-dix.Cette période correspond, dansl’histoire politique du Burkina Faso, àcelle de l’ouverture démocratique et dela libération économique. La notion dedémocratie est souvent interprétéecomme une ouverture au laxisme, à lacorruption et à l’enrichissement illicite.Faire de la politique, "c’est se créer uneplace au solei l " et se servirprioritairement en gérant de manièrepatrimoniale.

Les solutions à apporter pour freiner lephénomène de la corruption doiventd'abord venir des autorités. Comme ona souvent coutume de le dire, l’exemplevient d’en haut par la gestion saine dela chose publique. Dans ce cadre, unevaste sensibilisation des publics sur lesrègles et les bonnes pratiques ainsi quela sanction des agents corrompusapparaissent aujourd'hui nécessairesau Burkina Faso.

L

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 1

EF

CHAPITRE 1

PROBLÉMATIQUE DE LA CORRUPTIONET DÉVELOPPEMENT HUMAIN

INTRODUCTION

a corruption est un fléau mondialqui frappe particulièrement lespays en développement. En l'ab-

sence de mesures efficaces, elle peutcompromettre notablement les effortsd’un pays pour l’instauration d’unebonne gouvernance et réduire considé-rablement, les ressources disponiblespour la lutte contre la pauvreté. Sesmultiples méfaits (gaspillage de res-sources financières limitées, baisse dela croissance, augmentation des coûtsde transactions, baisse de la qualité,augmentation de l’incertitude, créationd’un environnement d’insécurité, etc.)peuvent mettre en cause la stabilitésociale et politique d’un pays.

La corruption dénote en général unefaiblesse structurelle des institutionsnationales et une incapacité des pou-voirs publics à exercer un contrôle ri-goureux sur les actes des fonctionnai-res et des opérateurs économiques.Elle peut entraîner le désintéressementdes bailleurs de fonds du payslorsqu'elle conduit à dissiper l’aide audéveloppement et provoquer ainsi unebaisse de l’assistance financière de lacommunauté internationale.

Au Burkina Faso, plusieurs études ontmontré la progression de la corruption,

depuis le début des années 1990. Cesétudes ont, en général, révélé l’ancragedu phénomène dans la société burki-nabè. Il est réel et puise ses forcesdans une multitude de causes. Presquetoutes les personnes enquêtées par leGroupe National de Réflexion sur leDéveloppement Humain Durable (GNR-DHD) (plus de 95%, voir chapitre 2.)estiment que la corruption est plutôt"répandue" ou "très répandue". Eneffet, on constate une présence despratiques de la corruption dans denombreux secteurs d’activités commel’Éducation, la Santé, la Justice, laDouane et la Police.

Corrélativement à ces observations,plusieurs initiatives ont émergé en vuede lutter contre ce fléau. L’émergencedu REN-LAC, du Comité Nationald’Éthique et de la Haute Autorité deLutte contre la Corruption peut êtreperçue comme autant de premierséléments d'une politique de lutte contrela corruption.

Les discussions sur la corruption auBurkina Faso en particulier, se sontgénéralement focalisées autour del’appréhension de son ampleur et deson enracinement dans la société plutôtqu’autour de la définition de son cadreconceptuel, de ses causes profondes etsurtout de ses conséquences néfastespour le développement humain et la

L

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2 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

lutte contre la pauvreté.

Dans ce chapitre, deux aspects serontdéveloppés!:

• Le cadre conceptuel de la corruptionafin de s’accorder sur son contenuet ses implications;

• Le développement humain durableet le phénomène de la corruption.

1.1. LE CADRE CONCEPTUELDE LA CORRUPTION

i la corruption, à l’image de laprostitution, est un phénomène,dit-on, aussi vieux que le monde,

ce n’est qu’au XIIeme siècle que le termede "corruption" apparaît. Pour appré-hender la corruption sous tous ses as-pects, on peut distinguer les définitionset approches de la corruption, analyserses causes généralement admises,faire un repérage historique du phé-nomène au plan international et na-tional, et enfin proposer des typologiesdes actes de corruption.

1.1.1. DÉFINITIONS ET APPROCHESDE LA CORRUPTION

es origines de la corruption sem-blent assez difficiles à établir. Elle

proviendrait de l’inobservation des rè-gles d’éthique ou de la morale. Nousanalyserons dans la présente partie lesdéfinitions et approches de la corrup-tion qui sont essentiellement d’ordrejuridique.

Les définitions de la corruption

Dans sa première acception, le conceptde corruption, qui provient du latin cor-ruptio, se définit comme une altérationdu jugement, du goût, du langage. Dece fait, la corruption peut être perçuecomme une dépravation, un avilisse-ment, une déformation.

Dans un sens juridique, la corruptionpeut être analysée suivant les conven-tions bilatérales et multilatérales sur lacorruption ou la juridiction pénale. Lesconventions bilatérales sont constituéespar les accords signés entre deux paysdans le but de lutter contre le fléau. AuBurkina, les différentes conventionsbilatérales en matière de corruptionconcernent la fraude douanière. Lesconventions multilatérales (NationsUnies, Union Africaine ou encore Orga-nisation du Commerce et du Dévelop-pement Économique) se justifient par ladimension de plus en plus mondiale dela corruption et la volonté politiqueaffichée au plan international de luttercontre ce fléau. Elles se matérialisentpar la définition d’un cadre réglemen-taire permettant à chaque État partied’appliquer la règle en cas de manque-ment. Ce cadre doit, au préalable,définir de manière claire et précisel’objet sur lequel il porte, c’est-à-dire lacorruption. Ainsi la convention desNations Unies définit la corruptioncomme "le fait de commettre oud’inciter à commettre des actes quiconstituent un exercice abusif d’unefonction (ou un abus d’autorité), y com-pris par omission, dans l’attente d’unavantage ou pour l’obtention d’un avan-tage, directement ou indirectementpromis, offert ou sollicité, ou à la suitede l’acceptation d’un avantage directe-ment accordé, à titre personnel ou pourun tiers".

La convention de l'OCDE portant sur lacorruption d’agents publics étrangersdans les transactions commercialesinternationales définit la corruptioncomme "le fait intentionnel, pour toutepersonne, d’offrir, de promettre oud’octroyer un avantage pécuniaire indu,directement ou par des intermédiaires,à un agent public étranger, à son profitou au profit d’un tiers, pour que cetagent agisse ou s’abstienne d’agir dansl’exécution de fonctions officielles, envue d'obtenir un marché ou un autreavantage indu dans le commerce inter-national". "Le fait de se rendre compliced’un acte de corruption d’un agent pu-blic étranger, y compris par instigation,

S

L

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 3

assistance ou autorisation; la tentativeet le complot en vue de corrompre unagent public étranger" est assimilé à dela corruption. Ces tentatives de défini-tions ne sont pas suffisamment largeset peuvent omettre certains aspects oumanifestations de la corruption; c’estpourquoi certains pays avaient proposéde recenser les actes de corruption.Plusieurs actes ont ainsi été énuméréset définis dans la convention des Na-tions Unies (cf. encadré 1.1). Généra-lement, on confère le caractère d’infrac-tion à ces actes conformément à lajuridiction pénale de chaque État partie.

Au Burkina, le code pénal1 présente lacorruption comme une infraction com-mise par une autorité publique quiagrée des offres ou promesses, reçoitdes dons ou présents afin d’accomplirun acte de son emploi, de s’en abstenir,soit encore de fournir des informationsmensongères. Aux côtés de lacorruption, deux autres infractions es-timables se distinguent!: le trafic d’in-fluence et la concussion. Le trafic d’in-fluence consiste, pour un individu, àcontraindre ou à tenter de contraindreun individu par voie de fait ou de me-nace, à accomplir un acte de son em-ploi. La concussion consiste pour unagent public à exiger ou recevoir cequ’il savait n’être pas dû en tant quedroit et taxe, salaire et traitement, de-niers, contributions, revenus (code pé-nal 1996, article 155, cf. chapitre 8.1.1).En fait, l’attribution du caractèred’infraction pénale à la corruption per-met de renforcer les fonctions régalien-nes de l’État!: il faudrait punir ou répri-mer sévèrement ceux qui se seraientlaissés corrompre ou tenteraient decorrompre pour dissuader d’éventuelscontrevenants car on n’ose pas, parexemple, imaginer un État où la justice,la police ou la défense nationale sontcorrompues. D’autres termes et prati-ques également peuvent se rattacherau concept de corruption qui recouvreun vaste champ sémantique (cf.encadré 1.1).

Les approches de la corruption

L’ampleur prise par le phénomène etsurtout la vitesse à laquelle il s’est pro-pagé ont suscité une mobilisation deschercheurs de plusieurs disciplines ensciences sociales (économistes, socio-logues, géographes et politologues)pour essayer de l’expliquer. Cependant,dans cette analyse, nous retiendronsquatre approches principales!: l’appro-che économique, l’approche par lesstructures de la gouvernance, l’appro-che par le système et enfin l’approchepar les caractéristiques.

Dans l’approche économique, le pointde vue de deux écoles émerge, l’écoledu libéralisme économique et celle del’institutionnalisme. Pour la première, lacorruption dans le secteur public est lerésultat de la faiblesse de l’offre debiens et services publics par rapport àune demande forte et pressante. C’estune situation qui engendre de longuesfiles d’attente pour le demandeur. Lors-que celui-ci dispose d’un pouvoird’achat substantiel par exemple, il peutêtre amené à proposer un pot-de-vin àl’agent dépositaire de l’autorité publiqueen charge de l’offre des biens et servi-ces publics en vue de contourner la filed’attente. Pour certains analystes cetteapproche en termes d'offre et de de-mande expliquerait assez bien la cor-ruption dans les pays en développe-ment, compte tenu de l'insuffisanced'offres de services publics.

Pour la seconde école de l’approcheéconomique, le pouvoir discrétionnairetrès souvent mis à la disposition desagents publics est l’une des causes dela corruption. Le "pot-de-vin" peut alorsdevenir l’élément déterminant pour lechoix des bénéficiaires des services etdes biens publics. Ce pouvoir discré-tionnaire peut être couplé à des situa-tions de monopole. Ces cas sont trèsfréquemment rencontrés dans le sec-teur des entreprises d’État gérant desrentes de situation.

____________________________________________

1 Cf. Code pénal du Burkina Faso, article 156

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4 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 1.1. Les formes élémentaires de la corruption

Abus de fonction!: actes intentionnels consistant pour un agent public à agir ainsi qu’il suit:• prendre une décision d’émettre une résolution ou un avis manifestement contraire à la loi et de

s’abstenir ou refuser d’accomplir un acte relevant de ses fonctions, ou de l’ajourner;• abuser de son mandat ou de sa fonction en assumant des fonctions publiques autres que celles qui lui

incombent en vertu de la loi.

Avantages indus!: le fait pour un agent public ou une personne qui exerce des fonctions publiques, desolliciter, directement ou indirectement, tout objet ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantageindu ou une somme supérieure à celle prévue par la loi, à titre d’impôt ou de contribution, de surtaxe, dedroit, de traitement ou d’émoluments (voir aussi rétribution indue ou concussion).

Chantage!: action d’exiger de quelqu’un de l’argent ou quelque avantage en abusant d’un pouvoir quel-conque, sous la menace d’une imputation diffamatoire, de la révélation d’un scandale.

Commission!: pourcentage qu’un intermédiaire perçoit pour un service rendu. La commission devientune pratique de corruption lorsqu’un fonctionnaire est payé par un bénéficiaire d’un service public, pourle service rendu. Ces pratiques se retrouvent de nos jours au cœur du fonctionnement administratif deplusieurs pays en développement: paiement pour accélérer les formalités administratives, la règle des 10% ou 15 % (selon les pays) au niveau des marchés publics que le fonctionnaire reçoit, s’il réussit à faireobtenir le contrat à un particulier soumissionnaire.

Concussion (droit pénal)!: perception illicite par un agent public de sommes qu’il sait ne pas être dues.

Détournement de biens (CNU)!: acte par lequel un agent public détourne de leur destination, à sonprofit ou à celui de tiers, des biens meubles ou immeubles, de l’argent ou des valeurs appartenant àl’État ou à un particulier, qui ont été mis en sa possession en raison de ses fonctions à des fins de ges-tion, de garde ou autres.

Enrichissement illicite!: augmentation significative du patrimoine d’un agent public que celui-ci nepeut raisonnablement justifier par rapport aux revenus perçus légitimement dans l’exercice de ses fonc-tions.

Gratification non statutaire!: somme d’argent, donnée à un agent public, supérieure à ce qui lui est dû.Lorsqu’une faveur est faite par un agent public à un particulier et qu’il sait que cela donnera lieu à descadeaux ("pourboires de l’agent public"), nous nous approchons plus vers une pratique de corruption.Malheureusement, il est difficile aujourd’hui de distinguer dans les administrations les cadeauxvéritables (cadeaux après coup, laissés à l’initiative de l’usager), des cadeaux anticipés, sollicités oumême attendus. Dans tous les cas, cette pratique du cadeau contribue à brouiller les pistes. Par exemple:"lors des restitutions de l’enquête réalisée au Bénin, Sénégal et Niger, un cadre des douanes, quirevendiquait un rôle actif dans la lutte contre la corruption, a raconté comment ayant bien travaillé pouropérer un dédouanement avec célérité et selon les règles, il a été remercié par le commerçant par unesomme de 500!000 F CFA. Il opposait ce cadeau légitime aux pratiques de corruption" (Blundo, G!&Olivier de Sardan: "La Corruption au quotidien en Afrique de l’Ouest. Approche socio-anthropologiquecomparative: Bénin, Niger et Sénégal", p.19).

Harcèlement!: action de soumettre quelqu’un, physiquement ou moralement, à de petites attaques réité-rées, à de rapides assauts incessants, sans répit.

Malversation!: faute grave, généralement inspirée par la cupidité, commise dans l’exercice d’unecharge, d’un mandat.

…/…Sources: le Petit Robert, Code pénal, Convention des Nations-Unies

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 5

Les entreprises publiques des secteursdes télécommunications ou de l’électri-cité en sont des illustrations. L’établis-sement d’une ligne téléphonique oud’un branchement électrique est sou-vent l'occasion d'actes de corruptiondans la mesure où il n’existe pasd’autres entreprises concurrentes sus-ceptibles de satisfaire la demande.

D’une manière générale, l’analyse éco-nomique considère donc la corruptioncomme étant issue d’un processus demaximisation illégale des profits entredeux entités, au détriment d’une tiercepersonne qu’est l’institution publique.Dans les deux cas, force est de cons-tater que les incitations à la corruptionsont d’autant plus grandes que les inté-rêts en jeu sont importants.

L’analyse de la corruption, à traversl’approche économique, apparaît res-trictive parce qu’elle se résume à unacte par lequel une charge publique estutilisée par une personne particulièreen contrepartie d’un avantage illégitime.De même, les Nations Unies et laBanque Mondiale ont adopté la défini-tion simple, proposée par TransparencyInternational qui considère la corruptioncomme "tout abus d’un pouvoir public àdes fins privées". Pour enlever toutel’ambiguïté du mot "public", le terme decorruption peut se résumer à "tout abusd’un pouvoir (quel qu’il soit) à des finsprivées". Il peut, en effet, s’agir d’unpouvoir politique, économique, socialou encore religieux. L’approche par lesstructures de la gouvernance permetd’éclairer davantage cette analyse.

Selon cette approche, la corruption seretrouve au cœur du dispositif institu-tionnel du cadre de la gouvernance etde l’interaction de ses acteurs. En effet,toute société humaine possède un dis-positif institutionnel articulé autour detrois pôles de pouvoir!: la société civile,le secteur public et le secteur privé.Leur fonctionnement est régi par desrègles et procédures de gestion desaffaires publiques visant à la morali-sation de la vie sociale, économique etpublique. À la tête des pôles de

pouvoirs - dits constitutionnels pour lessociétés disposant d’une loi fondamen-tale, des femmes et des hommes sontcommis à la gestion des règles et desprocédures qui régissent son bon fonc-tionnement. Ce sont les cadres moyenset supérieurs et les élites des pouvoirs,lesquels sont appuyés dans leur fonc-tion par des exécutants. Le dispositifinstitutionnel sommairement décrit de lagouvernance est en relation avec lesecteur privé et les organisations de lasociété civile.

Les organisations du secteur privé sontchargées de toute la chaîne de produc-tion des biens et services marchands;la recherche du profit est leur raisond’être. Par contre, les organisations dela société civile sont à but non lucratif;elles sont faites de femmes et d’hom-mes regroupés autour d’objectifs parti-culiers qui s’articulent autour de larecherche de biens et services nonmarchands. Indépendantes de l’État,les organisations de la société civile ontpourtant besoin d’être reconnues parles structures de l’administration.Indépendantes du secteur privé, ellespeuvent aussi bénéficier de ses appuismultiformes pour atteindre leurs objec-tifs. L’interaction des trois piliers du sys-tème de gouvernance, à savoir l’État, lesecteur privé et les organisations de lasociété civile, se fait selon des règles etdes procédures établies pour le fonc-tionnement harmonieux et équitable dela société. C’est à la pratique de cesrelations que peut naître la corruption,une des perversions du système degestion des affaires publiques.

Schéma 1.1. Interface entre les acteurs de la Gouvernance

Sociétécivile

Secteurpublic

Secteurprivé

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6 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 1.1. Les formes élémentaires de la corruption (suite)

Malversation!: faute grave, généralement inspirée par la cupidité, commise dans l’exercice d’unecharge, d’un mandat.

Népotisme!: abus qu’un homme en place fait de son crédit, de son influence pour procurer des avanta-ges, des emplois à sa famille, à ses amis (terme proche du favoritisme).

Patronage!: appui donné par un personnage puissant ou un organisme. Par extension, avantage accordépar une autorité reconnue en échange d’une faveur quelconque.

Perruque!: usage du matériel étatique pour des comptes personnels. Cette pratique est également trèscourante dans les administrations des pays en développement. Du mobilier au matériel bureautique(ordinateurs, chaises, photocopieuses) en passant par le matériel de transport, leur usage privé sembleaujourd’hui la règle en vigueur dans les administrations publiques.

Piston!: échanges de faveur, usage de ses relations pour obtenir des services publics ou pour accéderplus facilement à un emploi. Par exemple, pour se faire établir une pièce d’identité civile avant le délaid’une semaine, il faudrait verser un pot-de-vin ou connaître quelqu’un au sein de l’administrationpolicière. Ce comportement tend de plus en plus à devenir une règle.

Pot-de-vin!: somme d’argent ou autre faveur, offerte à une personne occupant une position de pouvoir,afin d’influencer ses vues ou sa conduite.

Recel!: Acte intentionnel consistant à dissimuler, à détenir ou à transmettre des biens meubles ou desfonds , ou à faire office d’intermédiaire afin de les transmettre (ou à les retenir), en sachant que cesbiens meubles ou ces fonds proviennent de l’une des infractions établies conformément à la conventiondes Nations Unies.

Rétribution!: on parle de "rétribution indue d’un service public" dans le cas d’une vente pure et simplede ce service public. Par exemple, une des pratiques la plus courante dans l’administration policière estcelle qui consiste à payer les frais d’essence pour le déplacement de la police en cas de besoin.

Surfacturation!: action de surélever la nature et les prix des marchandises vendues, des services exé-cutés.

Trafic d’influence (Convention des Nations Unies)!: acte intentionnel par lequel un individu promet,offre ou accorde, (sollicite ou accepte), directement ou indirectement, tout avantage indu, de quelquenature que ce soit, pour (abuser) obtenir d’un agent public ou de toute autre personne, qu’il ou elleabuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une administration ou d’une autoritépublique de l’État, tout avantage indu ou toute décision favorable, pour lui-même ou elle-même ou pourtoute autre personne.

Trafic d’influence par une personne privée (Convention des Nations Unies)!: Acte ou omission detoute personne qui, elle-même, par personne interposée ou comme intermédiaire, cherche à obtenir despouvoirs publics une décision dont serait illicitement tiré, pour elle-même ou pour un tiers, un avantageou un bénéfice quelconque.

Tribut ou péage!: contribution forcée par une autorité supérieure. Les commerçants importateurs ra-content souvent que pour éviter les "tracasseries" (les contrôles consistant à fouiller le véhicule) de laDouane, le chauffeur devrait disposer d’une somme cotisée par l’ensemble des voyageurs, pour acheterle "regard" des douaniers.

Sources!: le Petit Robert, Code pénal, Convention des Nations-Unies

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 7

Cependant, si la corruption s’établit leplus souvent dans les interfaces entreles trois catégories d’acteurs identifiés,elle peut également découler de lienssociaux internes à chaque groupe. Eneffet, au sein du secteur privé, endehors de toute administration publi-que, il peut s’avérer qu’un entrepreneurveuille corrompre ses subordonnéspour un profit strictement personnel. Iln’y a, alors, ni détournement de bienspublics, ni utilisation frauduleuse d’unpouvoir public, ni implication de lasociété civile. De même, certainesorganisations de la société civile sesont retrouvées mêlées à des contro-verses dans lesquelles le bien public ouprivé n’était pas extorqué. Les exem-ples d’abus sur des enfants par desorganisations non gouvernementalesou par des autorités religieuses sontnombreux. Dans ces cas, il y a égale-ment "délit de corruption" comme définiprécédemment!: la pression sur un tierscomme le harcèlement physique et oumoral servent alors de moyens pour"abuser d’un pouvoir donné pour desfins privées". La corruption s’exercealors en dehors de tout cadreinstitutionnel, au sein même de lasociété, toutes sphères confondues.

Aujourd’hui, les corruptions nationale etinternationale s’imbriquent pour formerun système complexe. La corruptionpeut alors être perçue comme l’icebergdont la face cachée est souvent mise ànu par les organisations de la sociétécivile, notamment les médias qui ontpour rôle de relater, avec discernementet exactitude, les événements de lascène politique, sociale, économique etculturelle. Elles soumettent l’exercicedu pouvoir (public et privé) à une sur-veillance constante et étroite. Lesmédias, étant de ce fait un quatrièmepouvoir, peuvent aussi subir ou fairedes actes de corruption lorsqu’ils altè-rent intentionnellement, d’une manièreou d’une autre, l’information diffusée aupublic. Les moyens de communicationsont en effet fréquemment dominés pardes groupes économiques avec leursmultiples connexions aussi bien loca-les, nationales que mondiales, souvent,

sans rapport aucun avec le secteur. Ilssont alors susceptibles d’exercer despressions sur les journalistes, les ré-dacteurs et les diffuseurs, courroiemajeure de la chaîne de l’informationjuste et accessible au grand public.Malheureusement, la corruption de l’ap-pareil étatique (administration publique,législative et judiciaire) dans les paysen développement est le plus souventmise en relief; elle occulte celle de lasociété civile commise au contrôle desactes clés du système de la bonnegouvernance en faveur du développe-ment humain. Ceci est imputable enpartie aux rôles généralement admis del’État comme moteur du développementsocio-économique, garant de la paixsociale, de l’éthique, de la justice, deslibertés individuelles et collectives.

Étant donné l’ancrage possible de lacorruption au sein de chaque acteur dusystème de la gouvernance, une défini-tion plus large s’avère nécessaire enremplacement de celle restrictiveadoptée par Transparency Internatio-nal. Pour ce faire, toute implication despersonnes investies de pouvoir (public,privé, société civile) dans toute relationfaisant consciemment des entorses auxrègles et procédures établies ou utili-sant leurs limites inhérentes pour obte-nir pour elles ou pour une tierce per-sonne des avantages quelconquesautres que ceux officiellement prévusest illégale. On dit qu’il y a un délit decorruption.

Le délit de corruption peut égalementêtre mis en évidence à traversl’approche par le système. L’analyseconceptuelle de la corruption englobedifférents éléments consécutifs (cf.schéma 1.2.). En amont, existent lescauses aussi bien internes qu’externeset en aval, ses conséquences à court,moyen et long termes, notamment surle développement social, économiqueet politique. Au cœur du système, il y ale "délit de corruption", à proprementparler qui, en soi, implique un objet decorruption, des acteurs et des moyens.

L’objet de la corruption est convoité

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pour des ambitions (accéder plus faci-lement à un poste par exemple). Il peutêtre de nature variée (une pièced’identité, levée d’une contravention parexemple). C’est sur cet objet que vaporter le délit de corruption perpétrépar des acteurs. D’un côté, il y a lecorrupteur qui souhaite que le déposi-taire d’une autorité contourne les règleset procédures établies qu’il est chargéd’appliquer ou contrôler pour lui procu-rer un avantage indu. Lorsque le dépo-sitaire du pouvoir accepte la transac-tion, il est dit corrompu.

Pour atteindre ces objectifs, le corrup-teur dispose de moyens matériels oumoraux. Le corrupteur peut avoir unpoids social considérable ou détenir unsecret que le corrompu cherche à ca-cher - le corrupteur peut alors le fairechanter pour obtenir ce qu’il désire -.L’ensemble constitué de l’objet, desacteurs et des moyens de corruptiongénère le délit de corruption.

Enfin le délit de corruption tient sa spé-cificité de quatre caractéristiques es-sentielles. Le délit de corruption est à lafois frauduleux, abusif, secret et (mal-

heureusement) toléré.

Sa première caractéristique est sonaspect frauduleux et illégal. La corrup-tion se pratique toujours en dehors desrègles et procédures connues ou utiliseleurs limites inhérentes. La deuxièmecaractéristique de la corruption est sonaspect abusif. On parle "d’abus de pou-voir". En effet, le pouvoir est abusélorsqu’une personne accepte, solliciteou exige un avantage particulier enéchange de l’exercice ou du non-accomplissement de sa fonction, deson mandat, ou de sa mission. Demême, le pouvoir est abusé lorsqu’unepersonne offre un avantage particulierpour contourner les règles et procédu-res ou pour les faire appliquer. Le plussouvent, cet avantage se manifestesous la forme d’un pot-de-vin. Cepen-dant, la corruption peut se faire sans leversement de pot-de-vin. Il s’agit descas de népotisme, de patronage ou desurfacturation. Le troisième trait fonda-mental est son caractère secret. Ledélit de corruption s’accomplit dansl’ombre, à l’abri des regards, de façonocculte. Seules les personnes impli-quées dans la corruption en sont ins-

Schéma 1.2. Le système de la corruption

Délit de corruptionCauses Conséquences

Objet deCorruption

Corrupteur Corrompu

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 9

truites et la chose n’est pas divulguée.C’est pourquoi les pots-de-vin sontsouvent appelés des "dessous-de-ta-ble" ou des "enveloppes". Enfin si lacorruption perdure, elle s’élargit et de-vient systémique, autrement dit impli-citement tolérée.

Par ses différentes caractéristiques, lacorruption se présente comme un fléaudifficile à cerner et à quantifier. Elle estperverse et difficile à combattre!: le défide mettre en place des moyens effica-ces de lutter contre la corruption en estd’autant plus important.

1.1.2. Causes de la corruption

es causes généralement admisesde la corruption, d’origines aussi

bien internes qu’externes, se renfor-cent. Les principales causes internessont au nombre de trois, fréquemmentévoquées par les observateurs duphénomène. Elles ne constitueraient,pour certains, qu’une extension, voireune perversion des pratiques sociales.Pour d’autres, c’est l’absence de l’Étatde droit. Enfin, et pour ce qui est del’Administration publique en particulieret du secteur public en général, lacorruption serait la révélation d’ungrave dysfonctionnement du systèmeadministratif.

L’extension et la perversion despratiques socialesDans les valeurs traditionnelles africai-nes caractérisées par un fort sentimentde domination du groupe sur l’individu,recourir au pouvoir (politique, économi-que) dont on dispose pour favoriser unmembre du groupe, est tout à fait ap-prouvé. Au contraire, ne pas y recourirpeut se traduire par une exclusion so-ciale ou une marginalisation de l’indivi-du. Certains responsables publics seréfugient derrière ces réalités sociologi-ques pour utiliser les pouvoirs qui leursont conférés à des fins particulières.Les recrutements consistant à favoriserl’emploi des membres de son groupedans l’administration ou l’entreprise

publique mise sous son autorité, appelénépotisme, constituent un exempleillustratif.

Absence ou faiblesse de l’État dedroitDans les pays en développement, onconstate en général une succession derégimes politiques illégitimes, dans les-quels l’horizon temporel des responsa-bles politiques, détenteurs du pouvoir,est incertain. La probabilité de perdreson poste par un coup d’État parexemple est assez élevée; ce qui ac-croît la propension à l’enrichissementillicite. On a aussi des régimes ditsdémocratiques qui ont vu la corruptions’ériger en système. Ainsi, le Camerounserait un régime démocratique maisselon Transparency International, il se-rait également dans le groupe des paysles plus corrompus au monde.

Bien entendu, et à quelques exceptionsprès, des régimes autoritaires ontsouvent pu endiguer des actes de cor-ruption. Certains observateurs estimentque les vastes opérations de procèsdes tribunaux populaires de la révo-lution (TPR) réalisées au Burkina Fasosous le régime révolutionnaire (CNR)entre 1983 et 1986 ont conduit plusd’un responsable à se conformer auxrègles de morale et d’éthique dans lagestion des affaires publiques.

Le sentiment d’insécurité personnelLa faiblesse des salaires des agents del’administration publique et/ou l’absen-ce de politique de protections socialessont aussi des incitations potentielles àla corruption, dans la mesure où ellescréent une précarité des conditions devie des fonctionnaires de l’administra-tion publique. Autrement dit, les motiva-tions à se laisser corrompre ou à cor-rompre sont grandes dans les adminis-trations des pays en développement.

La faiblesse de l’administrationLa corruption apparaît dans une admi-nistration lorsque celle-ci est faible etincapable d’assurer un contrôle efficacedes actes de ses agents. Ainsi, la ré-glementation administrative peut offrir

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10 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

diverses opportunités aux agents de sefaire corrompre.

Les occasions de se faire corrompresont également assez abondantes dansles économies où les rentes de mono-pole sont considérables. Le pouvoirdiscrétionnaire très important de quel-ques fonctionnaires, ainsi que le faibleniveau de développement de l’adminis-tration judiciaire constituent autant delimites favorisant la corruption desagents publics.

La corruption trouve également sesorigines dans des causes externes,notamment dans les transactions desÉtats avec les firmes multinationales,l’acquisition des biens et services ne sefaisant pas sur la base de la compétiti-vité du prix mais sur celle de la com-pétitivité du pot-de-vin. Elle met en rela-tion les décideurs des pays en dévelop-pement et les firmes multinationales oules entreprises des pays développés.Des observateurs du phénomène telsque Transparency International affir-ment que c’est la compétitivité interna-tionale et la mise en œuvre des projetsde développement qui nourrissent lacorruption dans les pays en dévelop-pement et qui conduisent à l’inefficacitéde l’Aide Publique au Développement(APD) à lutter contre la pauvreté. Oncomprend aisément pourquoi lescritiques formulées sur l'APD affirmentque c’est un système de taxation despauvres des pays riches pour le finan-cement des besoins des riches despays pauvres. Et comme la corruptionau sommet suscite une imitation à labase, il se produit un effet de boule deneige. La corruption interne se nourritdonc de la corruption internationale.

1.1.3. La prise en compte de lacorruption au plan international etnational

Au plan international

Les observateurs avertis estiment quela corruption est aussi vieille que le

monde car elle découlerait de la naturehumaine. La recherche effrénée desintérêts égoïstes peut conduire les indi-vidus à proposer des pots-de-vin dansles situations de faiblesse de l’offre debiens et services. Il apparaît ainsi quela corruption existe dans toutes lessociétés mais peut-être sous des for-mes différentes. Cependant, elle n’acommencé à devenir une préoccupa-tion qu’à partir des années 1960. Ama-tya Sen (Prix Nobel d’économie 1998),estime que ce sont les chercheurs desnations pauvres qui ont été les pre-miers à mettre en évidence lacorruption et le développement. À cepropos, Amatya Sen souligne que "lacondition préalable à tout développe-ment est la lutte contre la corruption".

Mais il faut surtout signaler la contribu-tion, combien importante, des organis-mes d’aide au développement dans laprise en compte de la corruption dansles préoccupations de développement.Ces organismes ont, en effet, investides ressources énormes pour aider cespays dans leurs tâches de développe-ment. Les résultats obtenus sont dansl’ensemble mitigés (croissance faible,aggravation de la pauvreté) ets’expliquent par l’existence d’une gan-grène dans le mécanisme d’aide audéveloppement!: la corruption.

Ces faits ont suscité au plan interna-tional des recherches et des rencontresafin de proposer des solutions pourremédier au problème. Ainsi, c’est sur-tout à partir des années 1990 que lacommunauté internationale va se mobi-liser contre ce fléau!: la création deTransparency International, les loisaméricaines et les conventions despays de l’OCDE sur la lutte contre lacorruption d’agents publics étrangersdans les transactions commercialesinternationales. Des forums interna-tionaux sont organisés à cet effet,notamment la quatrième conférenceeuropéenne spécialisée dans la luttecontre la corruption. La lutte contre lacorruption devient l’une des condition-nalités de la Banque Mondiale pour sacollaboration avec les pays en

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 11

développement. Le PNUD, dans sestravaux visant la promotion dudéveloppement humain, éclaire lesdécideurs publics et privés sur lanécessité de lutter contre la corruption.En effet, il montre que la bonnegouvernance ou la saine gestion trans-parente couplée avec l’obligation derendre compte des affaires publiquesest un fondement indispensable à lalutte contre la pauvreté. Le constat del’aggravation de la corruption qui acaractérisé le fonctionnement des éco-nomies dirigées mais aussi l’échec,attribué à la corruption, des privatisa-tions de la fin des années 1980, ontmotivé cette mobilisation.

Au plan national

Au Burkina Faso, quatre grandespériodes peuvent être identifiées!:

La période avant l’indépendanceCette période est caractérisée par unesociété burkinabè à économie modernepurement embryonnaire. Selon les ré-sultats de la recherche effectuée à l’ini-tiative du REN-LAC, intitulée "morale etcorruption dans les sociétés anciennesdu Burkina", il ressort d’abord qu’ilexistait rarement un mot pour traduirele phénomène; ce qui ne signifie pas sanon-existence. Apparaît ensuite unepratique, apanage de toutes lessociétés anciennes burkinabè, celle dudon!: "Le don constituait un gestehautement symbolique d’allégeance, dedéférence, de reconnaissance". Cettepratique, répandue en Afrique engénéral et au Burkina en particulier, estsusceptible de porter des soupçons oudes germes d’une corruption. Toutefois,la conclusion à laquelle cette recherchea abouti, conduit à considérer que lephénomène était presque méconnudans les sociétés traditionnelles.

La période de 1960 à 1982!: l'étati-sation de l’économieCette période peut être considéréecomme celle des premières expérien-ces des années de l’indépendance. Ellese caractérise par la continuité et lerenforcement du régime économiquefondé sur l’interventionnisme étatique,mis en place pendant la colonisationmais également par des tentativesd’institution de régimes de gouverne-ments démocratiques.

L’interventionnisme étatique supposeune intervention accrue de l’État dansl’économie par la création d’entrepriseset de sociétés d’État. Dans ce contexte,de nombreuses unités industrielles oucommerciales ont été créées à partirdes années soixante-dix et leur gestiona été confiée à des fonctionnaires dotésd’un pouvoir discrétionnaire et d’uneresponsabilité non-remise en cause encas de mauvais fonctionnement de cesunités. Une partie de ces responsablesva utiliser de façon abusive ce pouvoirdiscrétionnaire!: création d’emplois fic-tifs, favoritisme, détournements, traficsd’influences, adjudication frauduleusede marchés défiant les règles deconcurrence2. La corruption s’est doncdéveloppée avec l’intervention de l’Étatdans l’économie. Le fort ancrage de latradition communautaire (famille élar-gie, culture du don etc.) dans la sociétéconstitue alors un contexte favorable audéveloppement de la corruption, à tra-vers notamment les différentes sollicita-tions dont un responsable est l’objet.

La période révolutionnaire!(1983 à1990)!: l’intégrité comme politiqueCette période se caractérise par unrégime d’exception qui se veut promo-teur de l’intégrité dans la sphèreéconomique et politique. Dans cecontexte, de nombreux procès (avecles Tribu____________________________________________

2 Pascal ZAGRE, (dans les politiques économiques du Burkina Faso!!: Une tradition d’ajustementstructurel, Edit. Karthala, 1994) souligne que les raisons de la débâcle des sociétés d’État dans lesannées 1970 est due entre autres!: aux recrutements népotistes, aux gratifications ou auto-gratifications excessives d’avantages, aux nominations de complaisance à la tête de ces sociétés decadres incompétents sur des bases politiques, trafics d’influence, adjudications frauduleuses desmarchés, détournements de fonds, ingérences malsaines des politiciens qui utilisent abusivement lepatrimoine de la société etc.

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12 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

les TPR) ont eu lieu entre 1983 et1986. Ces opérations ont convaincuplus d’un à se conformer aux règlesmorales et éthiques. Chaque respon-sable de service public cherchait ainsi àmontrer une certaine transparencedans la conduite des affaires de l’État,de peur d’être dénoncé comme "unaffameur du peuple". Cette peur futintégrée dans les habitudes de gestionde la chose publique si bien que durantcette période, le Burkina Faso estretenu comme l’un des pays les moinscorrompus d’Afrique.

Cependant, il faut souligner que certai-nes actions menées pendant cette pé-riode étaient loin d’avoir des basesjuridiques. La plupart des TPR étaitsans fondement juridique fiable et desrèglements de compte entre adversai-res politiques ont pu se passer au coursde cette période. Cet état de fait estconsidéré comme l’une des raisonsayant conduit à la réhabilitation desdroits des personnes jugées pendantcette période.

À partir de 1991!: la recrudescencedu phénomène de corruptionEn 1991, le Burkina Faso est rentrédans une phase de multipartisme avecl’organisation des premières électionsprésidentielles. D’un point de vueéconomique, c’est à partir de cette dateque le Burkina Faso a signé sonpremier programme d’ajustementstructurel avec les Institutions deBrettons Wood. Ceci a eu commeconséquence la mise en place de diffé-rentes formes de libéralisation de l’éco-nomie, la consolidation du système desprojets financés par la coopérationmultilatérale ou bilatérale, les ONG quidrainent d’importantes ressources.

Ce contexte a créé et entretenu despratiques ou des tentations à la prati-que de corruption. Des élections multi-partites ont entraîné le recours à desformes complexes de "clientélismepartidaire"!: les partis sont financés defaçon occulte par des commerçantsamis, des entreprises privées ou publi-ques. Au cours des élections, les élec-

teurs se voient distribuer des sommesd’argent importantes, des mobylettesou encore des tee-shirts. Il y a alorsune recrudescence du phénomène.

1.1.4. TYPOLOGIES DE LA CORRUP-TION

a corruption peut habituellementêtre classée suivant trois typologies.

La première est celle qui différencie lacorruption active de la corruption pas-sive (cette distinction est faite par rap-port au rôle des acteurs de la corrup-tion). La deuxième distingue la grandecorruption de la petite corruption. Enfinla dernière distingue la corruption légis-lative de la corruption administrative.

Corruption passive et corruptionactive

La corruption passive est le fait de solli-citer, d’agréer ou d’exiger, directementou indirectement, des offres, des dons,des présents ou des avantages quel-conques pour accomplir ou s’abstenird’accomplir un acte relevant directe-ment de sa fonction, de sa mission oude son mandat ou un acte illicite par safonction, sa mission ou son mandat(schéma 1.1).

La corruption active est le fait de propo-ser, à tout moment, directement ouindirectement, des offres, des promes-ses, des dons, des présents ou desavantages quelconques pour obtenird’une personne en charge d’une fonc-tion, d’un mandat ou d’une mission,qu’elle accomplisse ou s’abstienned’accomplir un acte de sa fonction, de

L

Schéma 1.3. La corruption passive

Solliciter, agréer,exiger

(Le corrompu)

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 13

sa mission ou de son mandat ou facilitépar sa fonction, sa mission ou sonmandat.

Petite et grande corruption

La deuxième typologie est celle quidistingue la grande corruption de lapetite corruption. La corruption est sou-vent caractérisée de grande, parcequ’elle est manœuvrée par les déci-deurs – cadres moyens, cadres supé-rieurs, élites au pouvoir – chargés degérer ou de créer les règles et procédu-res du système de gouvernance. Lagrande corruption a très souvent uncollier de diamants!: de gros intérêtssont en jeu. Synonyme de la corruptiondu sommet ou des dirigeants, elle sesitue à des échelons nationaux ouinternationaux, aussi bien dans lessphères du secteur public que danscelles des organisations de la sociétécivile ou du secteur privé.

À contrario, la corruption est dite petitelorsqu’elle est le fait d'exécutants sou-vent appelés petits fonctionnaires quin’ont aucun pouvoir de décision. Elle asouvent pour support de petits pots-de-vin.

Cependant, il n’y a pas de démarca-tions claires entre la grande et la petitecorruption. Il existe de multiples combi-naisons possibles. Ainsi, certains actesde corruption sont à cheval entre la"grande" et la "petite" corruption. Il peutarriver que la petite corruption soit à labase de la grande. Des réseaux pyra-midaux se constituent au sein d’unmême organisme; l’accumulation d’ac-tes de corruption à la base donnenaissance à une corruption à un niveau

élevé. La corruption au sommet suscitecertainement une imitation à la base.Dans un tel contexte où les deux typesde corruption s’auto entretiennent, ondit que la corruption devient systémi-que.

Encadré 1.2. Un exemple de corruption passive

Docteur X est médecin. Elle travaille dans undispensaire public. Monsieur Y accompagne unmalade. Docteur X exige, explicitement ouimplicitement de Monsieur Y de l’argent avant desoigner son malade. Elle prétexte qu’elle abeaucoup de malades à surveiller. Il s’agit d’undélit de corruption passive et Docteur X estcorrompue.

Docteur X a un pouvoir!!: celui de soigner. Ellereçoit à la fin du mois un salaire pour sesprestations et est sous le serment d’Hippocrate.Elle a abusé de son pouvoir en exigeant d’êtresoudoyée en échange des soins médicaux. Sil’échange est fait, Docteur X a un sursalaire. EtMonsieur Y, qui est un honnête citoyen subit unedouble taxation. D’abord, du fait de sacitoyenneté, il paie ses impôts et taxes à l’État quil’utilise pour payer les salaires des fonctionnairesde l’administration publique dont Docteur X.Ensuite, Monsieur Y subit une taxation privée!!:celle du Docteur X.

Encadré 1.3. Exemples de petite corruption

Monsieur Alpha est responsable de l’octroid’autorisation d’investissement à l’entrepriseDupont et Sœur. Monsieur Alpha exige 10 % de lavaleur de l’autorisation.

Le policier de la mairie exige ou sollicite del’étudiant en sciences politiques qui a brûlé le feude signalisation, la somme de 1!000 francs CFApour ne pas appliquer la contravention portant surl’infraction au code de la route.

Nous sommes le 15 du mois. Le coursier del’entreprise! "Z et frères" glisse un billet"craquant" de 5!000F CFA à l’Agent public pourle traitement diligent de son dossier d’appeld’offres.

Schéma 1.4. La corruption active

Proposer,offrir

(Le corrupteur)

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14 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Encadré 1.4. Un exemple de corruption active

Monsieur Alpha est portier au cinéma Y dont le pro-priétaire est Monsieur Béta, un riche commerçant demangues. La mission de Monsieur Alpha est de véri-fier que tout cinéphile, avant d'accéder à la salle deprojection cinématographique, a au préalable, achetéson titre d'accès au prix de 1 000 F CFA.

Monsieur Gama, qui jamais ne rate les films hindous,s’approche de Monsieur Alpha et lui propose 500 FCFA. C’est un délit de corruption active. MonsieurGama est le corrupteur et Monsieur Alpha, qui a ac-cepté la proposition est corrompu.

Monsieur Gama a tenté d'abuser du pouvoir que Mon-sieur Alpha a reçu mandat de Monsieur Béta de gérer.Il propose, à Monsieur Alpha une transaction au dé-triment de Monsieur Béta et à son profit personnel!:payer la séance à 500 FCFA au lieu de débourser1000 FCFA. Monsieur Alpha a accepté la transaction.Il a utilisé frauduleusement le mandat qui lui a étéconfié pour s’enrichir de 500 FCFA. Monsieur Bétapar ticket vendu possède une marge bénéficiaire de10% soit 100 FCFA. La transaction lui fait perdre uncapital de 900 FCFA et un bénéfice de 100 FCFA. Sices délits de corruption se poursuivent, Monsieur Bétaperdra la totalité de son capital et liquidera le cinémaY. Ceci s’accompagnera d’une série de licenciementsdont celui de Monsieur Alpha. L’État perdra une baseimposable car le cinéma Y pour avoir l’autorisationde faire son métier est assujetti aux impôts et taxes del’État et de la municipalité.

Encadré 1.6. Un exemple de corruptionadministrative

Après un contrôle fiscal effectué parl’Inspecteur Alpha, le DG de l’entrepriseBéta constate qu’il est dans le "pétrin". Eneffet, les livres comptables qu’il présentaithabituellement au fisc étaient faux. Dansles vrais livres comptables qui ont étédécouverts, il s’avère que l’entrepriseAlpha réalise annuellement un chiffred’affaires de plus d’un milliard de F CFAcontre une déclaration de 250 millions de FCFA par an. Le DG ayant demandé àdiscuter en privé avec l’inspecteur quil’accepte, lui tend une mallette ouverte etcontenant des billets "craquants" dont lavaleur est estimée à 150 millions de FCFA. Il veut en échange que l’Inspecteurferme les yeux sur ce qu’il a découvert.N’ayant jamais eu une telle somme à saportée, l’Inspecteur se précipite et conclutle marché. Il vient par cet acte de permettreau DG et son entreprise de frauder le fisc.

Encadré 1.5. Un exemple de corruption législative

Un projet de loi est introduit auprès de l’Assemblée Nationale pour examen. Il concerne la créationd’une taxe relative à la pollution de l’air par les véhicules de transport automobiles. Le Syndicat destransports routiers entreprend de faire des "affaires" afin que cette loi ne soit pas adoptée parl’Assemblée.

Il contacte à cet effet différents députés et leur propose un pot-de-vin de 50 millions de F CFA à chacunsi le projet de loi n’est pas adopté. Pour montrer sa bonne volonté à coopérer, 25 millions de francsCFA seront virés au compte de chacun à la veille des plénières et le reste après que le projet ait étéajourné. Le jour des plénières, le groupe parlementaire "environnement-sain" a ainsi donné l’ordre àtous ses députés de voter contre. Le projet de loi fût ainsi ajourné parce qu’il représentait le groupemajoritaire à l’Assemblée.

Ce groupe parlementaire était censé lutter contre la pollution de par son nom. Les électeurs lui ont faitconfiance en lui accordant leurs voix qu’il a trahies en acceptant de recevoir le pot-de-vin de 50 mil-lions de F CFA contre le vote majoritaire de l’ajournement du projet de loi portant institution de taxesur la pollution de l’air des véhicules de transport.

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 15

Corruption législative et adminis-trative

Cette typologie considère qu’une cor-ruption est législative si les politicienstrahissent leurs électeurs en vendantleurs voix à des groupes de pression.

Elle est par contre dite administrative,lorsque les fonctionnaires permettenten échange de pots-de-vin, à un parti-culier d’obtenir un marché ou d’assurerson immunité après avoir fraudé le fisc.

Quelle que soit la manifestation de lacorruption, il s’agit d’une atteinte à lamoralisation de la vie publique, écono-mique et sociale. C’est un dysfonction-nement des règles de base de l’éthiquequi peut relever du secteur public, dusecteur privé ou de la société civile, etceci tant à un niveau national qu’inter-national.

1.2. DÉVELOPPEMENT HU-MAIN DURABLE ET CORRUP-TION

e Développement Humain Dura-ble (DHD) que prône le PNUDdepuis le lancement en 1990 de

son premier rapport mondial sur le sujeta trois composantes. Il s’agit d’abordd’un développement de l’individu. Ilconsiste à accroître les capacités de lafemme et de l’homme afin qu’ils puis-sent mener une vie saine et longue.Ensuite, il s’agit d’un développementpour l’individu. Toute personne doitpouvoir bénéficier des opportunitéscréées. Enfin, c’est un développementpar la femme et par l’homme à quil’occasion doit être donnée de participerà son propre développement. Le pro-cessus devant permettre à l’Homme demener une vie saine et longue par lui etpour lui ne doit pas compromettre leschances des générations futures.

En somme, il s’agit d’un processusd’élargissement des choix des individusqui se veut équitable, productif, durableet habilitant. Ce sont là les principes debase d’une bonne gouvernance quiveut que les responsables rendentcompte de la gestion des ressourcesqui leur sont confiées3.

1.2.1. ÉQUITÉ ET CORRUPTION

’équité que prône le DHD est lacapacité de la dynamique de déve-

loppement à offrir à tout individu, sansdiscrimination aucune, la possibilité debénéficier des opportunités de tousordres, notamment, économiques, poli-tiques, sociales et culturelles crééespar la nation. C’est un principe élémen-taire des droits humains. Tout doit êtremis en œuvre afin qu’aucun êtrehumain ne soit marginalisé dans le pro-cessus productif, dans la définition deschoix de la société. L’homme et la fem-me sont couverts par les mêmesdroits!: droit à l’éducation, à la terre, aucrédit ou droit de vote. La bonnegouvernance doit fonder son assise surla base de l’équité pour un renforce-ment de la sécurité individuelle, collec-tive et politique de la nation. La partici-pation dans l’équité à la définition deschoix de société permet d’orienter lesressources rares pour la réalisation despriorités véritablement nationales.

La corruption, qu’elle soit active oupassive, est une utilisation abusive desrègles et procédures qui réglemententet encadrent les comportements éco-nomique, politique, culturel et social dechaque individu. Elle donne des avan-tages indus à ses acteurs au détrimentde la majorité. Elle est donc un facteurqui aggrave les inégalités sociales.Ceux qui ne contournent pas les règleset procédures établies, fondement actifde la corruption, sont désavantagés etdonc exclus des opportunités de parti-ciper aux processus de création desbiens et services.

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3 Rapport national DHD, 2000, page 21

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16 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

La corruption, notamment celle del’administration publique conduit à l’utili-sation des ressources de l’État pourdes intérêts privés. Elle amoindrit lescapacités de l’appareil étatique àrépondre avec efficacité et surtout avecefficience aux exigences des politiqueset programmes de lutte contre la pau-vreté. Au demeurant, ces services es-sentiels sont devenus payants. Commela pauvreté humaine qui est l’incapacitéd’une frange de la population à partici-per au développement du fait d'un man-que de capacités, la corruption devientun frein pour la réalisation d’un déve-loppement équitable.

De façon spécifique, lorsqu’une entre-prise efficace est abusivement écartéed’un processus de passation de mar-chés publics, elle n’a pas l’opportunitéde faire le métier pour lequel elle paiedes impôts et taxes divers. Les corrom-pus lui retirent la chance de distribuerdes revenus à ses employés. À la lon-gue, et ne pouvant pas exercer sonmétier, le licenciement des travailleursdevient l’unique alternative qui lui reste.La liste des demandeurs d’emplois s’al-longe et la pauvreté des individus etdes familles s’approfondit tout en ex-cluant du processus de création desrichesses des hommes et des femmes.

La corruption, qu’elle soit active oupassive, petite ou grande, administra-tive ou législative ou toute combinaisonde l’une ou de l’autre, détruit le principed’équité du DHD.

1.2.2. PRODUCTIVITÉ ET CORRUP-TION

a productivité associée au conceptde développement humain durable

se définit comme la capacité d’utiliserefficacement des ressources producti-ves pour créer des biens et servicespour l’Homme et par l’Homme. L’effi-cacité est la capacité de produire dansle temps un bien ou un service en utili-sant une combinaison de facteurs deproduction comme le travail et le capi-

tal. L’efficience mesure la capacitéd’amélioration quantitative et qualitativede la production d’un bien ou d’un ser-vice tout en utilisant la même quantitéde facteurs de production. Le choix desindividus que le concept de DHD veutélargir se fonde sur ces deux notionsessentielles du développement écono-mique.

L’un des acteurs clés de la créationcontinue des richesses est un secteurprivé dynamique, évoluant dans unenvironnement économique sain où,par exemple, les prix reflètent les coûtsd’opportunités réels des ressources etoù les règles et procédures régentant lacompétition économique sont connueset appliquées équitablement. Lorsqued’une manière ou d’une autre, des en-torses sont faites aux règles et procé-dures établies, la compétition économi-que s’en trouve perturbée. En particu-lier, lorsqu’une entreprise, pour avoir unagrément ou un marché, est dans l’obli-gation de verser un pot-de-vin à uneautorité, elle alourdit ses coûts deproduction. Ceux-ci sont répercutésdans le prix des biens et servicesfournis aux consommateurs qui, audemeurant, ont des revenus fixes.L’accroissement des coûts de produc-tion occasionné par la corruption etcelle concomitante des prix à la con-sommation réduit le pouvoir d’achat duconsommateur. La demande quis’adresse aux autres entreprises duprivé baisse. La corruption nuit à lacréation de richesses nouvelles..

Le développement humain durableprône également un rôle repensé del’État. Il a ainsi orienté ses actions versla réalisation d’infrastructures de base àbut social à savoir, l’amélioration del’accès des pauvres aux services so-ciaux de base. Dès lors, le budget del’État, instrument privilégié de l’actiongouvernementale, a, dans ses compo-santes, un intérêt plus prononcé pour lafacilitation des services de santé debase, d’éducation, d’eau potable etd’assainissement. Ceci, pour mieux sa-tisfaire les besoins des plus pauvres.La corruption des fonctionnaires de

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 17

l’État et plus particulièrement ceux quisont en charge du recouvrement desrecettes fiscales (douanières, impôts) etnon fiscales réduit les ressources del’État qui devraient permettre d’assurerl’élargissement quantitatif et qualitatifdes services sociaux de bases, favora-bles à l’accroissement des capacitésdes plus pauvres.

La corruption affecte négativementl’efficacité économique. En effet, ellediminue le taux d’investissement dusecteur privé4 dans la mesure où lespots-de-vin versés (ou commissions)constituent une ponction sur l’épargneprivée. Elle favorise également les fui-tes des capitaux car les pots-de-vin nesont généralement pas réinvestis dansl’économie, mais placés à l’étranger. Ilséchappent donc aux taxes directes ouindirectes sur les revenus. La plupartdes commissions reçues servent à desconsommations ostentatoires ou deprestiges qui grèvent les importationset, de ce fait, détériorent la balancecommerciale.

La corruption altère les choix des in-vestissements désormais influencéspar des intérêts particuliers qui n’ontaucun lien avec leurs effets bénéfiquesattendus pour la nation entière. Dansles pays corrompus, les investisse-ments choisis présentent presque tou-jours un ratio coût/bénéfice élevé parrapport aux autres. Dans les pays ca-ractérisés par une faiblesse de l’épar-gne intérieure et qui font appel à l’AidePublique au Développement pour finan-cer les investissements publics, la gran-de corruption a souvent orienté ces res-sources rares vers des projets et pro-grammes dont la mise en œuvre leur aprocuré des pots-de-vin au détrimentdes priorités nationales comme laréduction de l’analphabétisme et de lamortalité infantile. Les éléphants blancsqui ont poussé en Afrique sont desexemples éloquents de projets nonaboutis, financés sur l’Aide Publique auDveloppement.

Développement. Ils ont contribué àl’alourdissement du poids de la dette etont compromis les chances de déve-loppement des générations futures.

La corruption détériore les biens et lesservices publics de base et demeureune source d’insécurité. Dans le finan-cement public d’écoles ou de centresde santé (par exemple dispensaires etmaternités), la corruption apparaîtsouvent au moment de la passation demarché. Les entreprises compensentgénéralement la perte de revenus occa-sionnée par le versement des pots-de-vin avec le non-respect des normes deconstruction ou avec des constructionsau rabais. Entre autres, on citera labaisse de la quantité de ciment par bri-que fabriquée ou l’insuffisance de ferdans le béton. Les locaux publics cons-truits sont une insécurité pour les usa-gers (par exemple élèves et maîtres,femmes enceintes et bébés) et risquentde s’effondrer à tout moment.

Lorsque la corruption sévit dans lesecteur de la santé et de l’éducation,les pauvres qui n’ont pas de ressourcesen sont exclus. Les médicaments sub-ventionnés par l’État sont vendus pardes agents de santé à leur profit. Etcomme les recettes ne sont pas rever-sées, les stocks ne sont évidemmentpas renouvelés. La corruption de l’insti-tuteur accroît le coût déjà prohibitif del’éducation pour les parents d’enfantsen âge d’aller à l’école. Les famillespauvres, qui supportent à peine l’ab-sence de la main d’œuvre infantile dansleur champ au profit de l’école, voient lacorruption exclure leurs enfants, surtoutles filles des services d’éducation. Etpourtant, l’éducation demeure la sourceprivilégiée d’accroissement de capacitéet de productivité du travail.

La corruption alourdit donc les coûts deproduction du secteur privé et de cefait, réduit le pouvoir d’achat desconsommateurs.

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4 J.CBresson (2000) estime que 7% des recettes des entreprises en Albanie et en Lettonie sont absorbéspar les pots-de-vin contre 15% en Georgie.

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18 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Elle décourage les investissements carelle contourne les règles et procéduresétablies. Celle des fonctionnaires del’État affaiblit les ressources budgé-taires. Lorsqu’elle s’installe dans lesservices sociaux de base, elle en dimi-nue l’accessibilité et exclut les pauvresdes bienfaits de l’éducation et de lasanté, facteurs essentiellement de for-mation du capital humain et fondementde la productivité globale. Cependant,la recherche de la croissance conduit àla mise en œuvre de politiques de libé-ralisation qui peuvent, en l’absence decontrôle vigilant, être le levain de lacorruption.

Ce constat a déjà été fait dans certainspays de l’Union Européenne5 où, enquelques décennies, des libéralisationsont nourri la prolifération de fléaux so-ciaux tels que la toxicomanie, la crimi-nalité, les fraudes fiscales, la corruptiondes hommes politiques. C’est pourquoides politiques visant le DHD doiventégalement mesurer l’ampleur des ris-ques et l’irréversibilité de ces fléauxavant toute mise en œuvre.

1.2.3. HABILITATION ET CORRUP-TION

e Développement Humain Durablese veut habilitant6. Il se démarque

du paternalisme et de la charité. C’estun développement par l’homme et pourl’homme. Celui-ci participe à tous leséchelons de la définition des objectifs etde la prise de décisions quels quesoient sa race, son sexe et sa richesse.Aucun individu est omniscient et nepeut décider de l’affectation des res-sources et des objectifs à poursuivre àla place des autres. Il se démarque dela charité, car il respecte la dignité del’homme. Dans bien des communautéstraditionnelles, l’arbre à palabre étaitl’instrument par lequel les individuspartici-paient aux

participaient aux décisions devantinfluencer leur vie. Malheureusement,ces instances villageoises et locales ontété remplacées par des administrationsgérant des programmes élaborés etdirigées par un État central dont lefonctionnement est caractérisé par desrègles et procédures opaques.

De ce point de vue, le DHD prône laformation des regroupements d’indivi-dus pour l’enracinement des orga-nisations de la société civile. Celles-ciparticipent à la gestion des affairesnationales devant affecter leur vie. Elleséclairent l’action publique et dénoncentles abus de pouvoir. Elles protègent lafemme et la jeune fille des pesanteurssociales et culturelles qui les tiennentéloignées de la définition des objectifset des stratégies et de leur mise enœuvre. Elles surveillent les règles etprocédures établies et dans la mesuredu possible influencent leur modifica-tion pour une meilleure protection del’individu. L’habilitation de la femme etde l’homme leur donne le pouvoir departiciper pleinement à la vie économi-que, sociale et culturelle.

Lorsque survient la corruption, les pro-cédures et règles établies sont utiliséespour des intérêts particuliers. Généra-lement, ce sont les pauvres, les fem-mes et les minorités ethniques ou reli-gieuses et les populations rurales quisont brimées. La corruption peut contri-buer à une concentration du pouvoiréconomique, social et politique entreles mains de quelques individus. Elle sedémarque de la décentralisation dupouvoir que prône le DHD par le biaisde la mise en œuvre de la dynamiquede l’habilitation.

La corruption érode le pouvoir de l’Étaten affectant sa crédibilité et donc salégitimité. Elle a très souvent été citéecomme la principale cause des coupsd’États dans de nombreux pays de parle monde et surtout en Afrique.

L

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5 On peut citer le cas de l’Angleterre ou de l’Espagne où la toxicomanie s’est accrue après différentesvagues de libéralisations.

6 Traduction maladroite de l’expression anglo-saxonne "Empowerment".

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 19

le monde et surtout en Afrique. De cefait, elle est le canal par lequel desrégimes d’exception ont confisqué lepouvoir au peuple et ont dénié à l’indivi-du toute possibilité de participer à lagestion de la cité. Elle sape les fon-dements de la bonne gouvernance quiest la gestion transparente et saine desaffaires publiques par le Gouvernementen partenariat avec le secteur privé etla société civile. Elle détruit le principede transparence que prône la bonnegouvernance.

Plus fondamentalement, la corruptioninhibe l’ensemble des droits humains.Les droits communs tels les droits civi-ques, les droits économiques et so-ciaux, les droits politiques sont bafoués.Quand un individu se voit obligé depayer un pot-de-vin pour obtenir unpapier officiel comme une pièce d’iden-tité ou un permis de conduire, il perdune partie de ses droits civiques. Ledétournement de ressources financiè-res va à l’encontre des droits écono-miques (surtout de la frange la pluspauvre de la population). De même,quand les ressources financières ser-vant à la construction d’une école sontrécupérées à des fins privées, l’éduca-tion ne peut plus être assurée dans lesmeilleures conditions; les droits del’enfant ne sont plus garantis.

La corruption, par sa nature illicite, dé-truit les droits humains et le dévelop-pement par l’homme et pour l’homme.Pourtant, l’habilitation des populations,parce qu’elle les implique dans la vie dela Nation, crée les fondements dura-bles, équitables et productifs de l’utilisa-tion des ressources.

1.2.4. DURABILITÉ ET CORRUPTION

a dynamique d'élargissement deschoix des individus se veut durable.

Il s'agit d'un développement qui assurel'équité entre les générations. Les déci-sions de la génération présente ne doi-vent pas porter préjudice aux généra-tions futures. La durabilité du dévelop-

pement implique une reproductibilitécontinue et qualitative des ressourceshumaines et physiques et ne signifieaucunement un renouvellement àl’identique de ces ressources. Autre-ment dit, toute génération est appelée àsaisir toutes les opportunités quis’offrent à elle pour améliorer son bien-être sans compromettre les chancesdes générations à venir. Le dévelop-pement humain se démarque donc detoute attitude puritaine.

La corruption brime le développementdes générations futures. En effet, pourune nation faisant recours aux em-prunts publics pour financer son déve-loppement par le biais des projetsd’investissements, les bénéfices atten-dus sont minorés par les actes de cor-ruption sans qu’aucune base de déve-loppement économique ne soit offerteaux générations à venir. La corruptionconduit à de mauvais choix d’inves-tissements. Et lorsque ceux-ci sont réa-lisés sur emprunt extérieur, même àdes taux préférentiels comme ceux del’APD, le poids de la dette publiques’alourdit. Les constructions de bâti-ments publics sur fond de corruptionont très souvent une durée de vie pluscourte car les commissions versées parles entrepreneurs sont compensées parle non respect des normes internationa-les. À ceci s’ajoute l’évasion fiscalesubie par l’État qui l’empêche d’honorerle service de la dette contractée par lesgénérations antérieures et dont le poidssera reporté sur les générations futu-res. Elles sont nombreuses les indus-tries polluantes qui ont pu s'implanteren Afrique à cause d’actes de corrup-tion des secteurs aussi bien publics queprivés, nationaux qu’internationaux.

La corruption contribue à détériorer lepatrimoine de l’humanité, légué de gé-nération en génération. Les biens cultu-rels (monuments, musées mais égale-ment objets d’arts etc.), supposés ap-partenir à l’ensemble de l’humanité,sont parfois récupérés à des fins pri-vées; l’argent, initialement prévu pourpréserver ou rénover certains sites oumonuments, est détourné.

L

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20 Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

De même, la sauvegarde de la planète,de la faune et de la flore demeure fonc-tion du degré d’intégrité des individus.Une usine construite de façon illégalesur une zone à risque peut être àl’origine de grands problèmes environ-nementaux. De même, la protection dela couche d’ozone comme le respect dela ponction des ressources naturelles(eau, pétrole, gaz notamment) dépendde la volonté des autorités concernées,entrepreneurs comme décideurs, desuivre les règles en vigueur. Si unefirme pétrolière décide de contrefairedes analyses scientifiques et déclareune quantité de pétrole inférieure àcelle réellement prélevée, le risqued’épuisement des nappes n’est pasperçu à sa juste mesure et les politi-ques proposées se révèleront inadé-quates. Les impacts seront alors sup-portés par les générations futures. Parailleurs, la corruption en creusant lesinégalités économiques, a égalementun impact négatif sur l’environnementcar les pauvres vivent généralementdans les milieux où les services sociauxde bases sont inaccessibles, notam-ment les services d’assainissement.Les ressources naturelles sont leurssources de survie. La déforestation, ladégradation de l’environnement et l’éro-sion des sols sont d’autant plus mar-quées dans les zones de pauvreté. Lacorruption est une source d’accrois-sement de la pauvreté. Les ressourcessupposées être investies dans le do-maine public pour les générations futu-res, sont accaparées par quelques indi-vidus. La corruption compromet ainsi ladurabilité des projets de développe-ment. Enfin, la corruption peut conduireles pouvoirs publics à ne pas réprimerles activités illégales (par exemple letrafic de drogues, la prostitution ouencore la criminalité) ou à favoriserindûment une partie au détriment d’uneautre dans le cadre des actions en jus-tice ou de la mise en œuvre des projetset programmes de développement.

De tels actes sont des menaces pour lasécurité nationale, gage de tout déve-loppement durable.

CONCLUSION

une époque où l’on considèreque tout peut être sujet àcorruption, le concept de corrup-

tion ne peut que regorger d’un éventailde termes ou de qualificatifs. Il est doncimportant d’avoir une définition largequi puisse permettre d’intégrer cetaspect comme celle présentée dansl’approche en termes de gouvernance.

De nos jours, ce n’est plus un secretpour personne que la bonne gouver-nance est la base de l’approfon-dissement du Développement HumainDurable. La corruption qui est l’utili-sation des règles et procédures pourdes intérêts particuliers en est une desentraves fondamentales. Étant uneopération frauduleuse et secrète, ellealtère les principes de base de la bonnegouvernance que sont la transparenceet l’imputabilité.

La corruption détruit le principe d’équitéen niant aux individus l’accès auxopportunités offertes par la société. Elleréduit les possibilités de croissanceéconomique par la distribution desopportunités d’investissements auxentreprises les moins performantes.Les pots-de-vin distribués sont uneépargne qui aurait pu être investie defaçon plus productive.

La corruption encourage l’évasionfiscale et la fuite des capitaux. Ellesape les bases d’un développementharmonieux des générations futures enalourdissant le fardeau de la dette, endégradant l’environnement et enaccroissant de la pauvreté dont ellen’encourage pas l’éradication.

A

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"Corruption et développement humain"Problématique de la corruption et développement humain 21

Tableau 1.1. Les principaux effets négatifs de la corruption sur le DHD

Au plan micro Au plan macro

Sect

eur p

rivé

• Exécution inefficace et inefficiente desprojets,

• Nuisances à l’investissement privé parsuite du biais introduit au niveau de laconcurrence,

• Informalisation des entreprises,• Mauvaise répartition des talents et leur

propension à rechercher des activités derentes plutôt que des activités pro-ductives,

• Délocalisation des entreprises,

• Baisse des investissements étrangers etintérieurs à long terme,

• Baisse de la compétitivité de l’économiepar suite de l’internalisation des coûtsde transaction et de l’incertitude qui ontaugmenté,

• Baisse de la croissance économique,• Baisse de l’épargne privée,• Fuite des capitaux,• Chômage,

Sect

eur p

ublic

• Inefficacité de l’administration,• Fausse les priorités sectorielles (les

secteurs de l’éducation et de la santésont relégués au second plan par rapportà des secteurs comme la défense),

• Emplois fictifs,• Baisse des impôts et redevances

prélevées,

• Accroissement des inégalités,• Accroissement de l’inflation,• Accroissement de la pauvreté humaine,• Baisse des recettes publiques,• Accroissement de la dette publique,• Accroissement des déficits budgétaires,• Apparition d’arriérés de paiement,• Augmentation de la pauvreté humaine

des populations,• Détérioration de la balance des paie-

ments,

Gou

vern

ance

dém

ocra

tique

• Négation des droits humains,• Assassinats de journalistes,• Fermeture de médias,• Absence de transparence et d’impu-

tabilité,

• Criminalité,• Insécurité nationale et perte de

légitimité de l’État,• Instabilité politique,• Coups d’État,• Justice à deux vitesses,

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"Corruption et développement humain"Préambule V

EF

PRÉAMBULE

CORRUPTION ET DÉVELOPPEMENTHUMAIN AU BURKINA FASO

e Burkina Faso s’est engagé en faveur du développement humain depuis déjàpresque dix ans. Esquissé dans le discours du 2 juin 1994 du Chef de l’État,Monsieur Blaise Compaoré, cet engagement national a été mis en œuvre par le

gouvernement à travers notamment la Lettre d’Intention de Politique deDéveloppement Humain Durable (LIPDHD) 1995-2005. À travers ce cadre deréférence global, le gouvernement a impulsé une nouvelle démarche de réflexionnationale pour guider ses actions de développement à long terme. À cet égard etconformément aux orientations générales du gouvernement, le Programme desNations-Unies pour le Développement (PNUD) a lancé au milieu des années quatre-vingt dix, l’initiative stratégique de Développement Humain Durable (DHD) sous lesauspices du ministère alors en charge de l’économie et des finances. Cette initiative apermis la mise en place d’un Groupe National de Réflexion DHD (GNR-DHD)associant responsables publics et représentants de la société civile et du secteurprivé.

Quatre rapports nationaux sur le DHD ont ainsi pu être publiés. Dès 1997, le premierrapport a permis de dresser un état des lieux des principales dimensions du DHD auBurkina Faso. Le deuxième rapport, publié en 1998, fut consacré à la thématique dela lutte contre la pauvreté. Par son impact sur le dialogue des politiques et desstratégies de développement, il a contribué à la définition du premier CadreStratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). De plus, la pertinence de soncontenu lui valut deux prix internationaux!: celui de la qualité de l’analyse et celui del’impact des politiques. La qualité de la gouvernance et ses implications pour unemeilleure gestion des affaires publiques burkinabè ont été scrupuleusement étudiéesdans le troisième rapport DHD. Publié en 2000, ce rapport a encouragé la mise enœuvre de projets et de programmes de renforcement des capacités des institutionsnationales chargées d’approfondir le processus d’élargissement qualitatif et quantitatifdes choix des burkinabè. Après ces premiers défis importants pour la promotion dudialogue des politiques de développement, le Groupe National de Réflexion DHD aporté la problématique du VIH/SIDA au-devant de la scène nationale et internationaleavec son dernier rapport publié en 2001. Traduit dans les principales langues du pays,celui-ci a permis la tenue de plusieurs ateliers régionaux et national qui ont permisd’élaborer des stratégies pour endiguer la propagation du VIH/SIDA et lutter contreses effets dévastateurs sur la dynamique du développement humain. Ce rapport DHDsur le VIH/SIDA a également nourri la réflexion des experts et des praticiens dudéveloppement pendant la XIIeme Conférence Internationale sur le VIH/SIDA et les

L

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VI Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Maladies Sexuellement Transmissibles (CISMA) tenue à Ouagadougou en décembre2001.

Le présent rapport national revêt un caractère assez novateur puisqu’il est le premierau niveau mondial à porter sur le thème de la corruption et particulièrement sur sesconséquences néfastes pour le DHD. Le choix de ce thème a été guidé par le soucid’abord de mieux appréhender l’ampleur actuelle de la corruption au Burkina Faso,qu’il s’agisse de la petite ou de la grande corruption, et aussi de comprendre sesconséquences néfastes sur le développement du pays. À travers l’analyse des liensexistant entre corruption, pauvreté et DHD (chapitre 1), ce rapport souhaite appuyerla conception et la mise en œuvre d’une politique nationale efficace de lutte contre lacorruption.

Cependant, analyser l’état de la corruption ne constitue pas un exercice aisé en raisonde son caractère secret. Il pourrait même apparaître provocateur et être utilisé dans ledébat public à des fins partisanes. Aussi, pour qu’une analyse de la corruption unefois publiée puisse contribuer à l’instauration d’un débat constructif dans lequel toutesles parties intéressées se sentent concernées, l’objectivité de la démarche et del’étude doit être reconnue de tous.

Une enquête qualitative pour comprendre la perception de la corruption

Pour diagnostiquer l’état de la corruption au Burkina Faso, le Groupe National deRéflexion DHD a mené sa propre enquête. Elle a permis ainsi de décrire la perceptionque les Burkinabè ont de la corruption et aussi d’entendre leurs attentes.

Les champs investis lors de l’enquête permettent d’abord d’apprécier la perceptionque les burkinabè ont de la corruption, d’en expliquer les causes et conséquences etenfin de diagnostiquer également les secteurs d’activité les plus concernés (chapitre2). Différents modules ont également été introduits afin d’enrichir les analyses du liende la corruption avec la gouvernance économique (chapitre 3), la gouvernancedémocratique (chapitre 4) et aussi les secteur sociaux de base (chapitre 5). Ledernier module de l'enquête permet de présenter les attentes et les mesuresproposées par les burkinabè en matière de lutte contre la corruption. Aussi, lehuitième chapitre analyse les politiques de lutte contre la corruption développées cesdernières années et les confronte aux attentes des burkinabè. Des propositions pourrépondre à ces attentes et renforcer les stratégies actuelles sont alors esquissées.

Il importe aussi de préciser le contexte de cette étude. Le contexte historique d’abordparce que la Burkina Faso s’est engagé après une période révolutionnaire agitée dansl’édification progressive d’un état de droit. Le contexte macro-économique ensuiteparce que de nombreuses réformes de libéralisation et d’ouverture sur l’extérieur ontété menées au cours des dix dernières années et que l’État a pu y perdre en partie sacapacité à contrôler directement la gestion de l’économie. Le contexte socio-économique et culturel enfin parce que l’ampleur de la pauvreté chronique au BurkinaFaso rend plus insupportable qu’ailleurs le gaspillage des ressources financières queles pouvoirs publics ont pu mobiliser, parfois avec l’appui des Partenaires Techniqueset Financiers (PTF).

Le contexte historique!: l’évolution du cadre institutionnel

La lutte contre la corruption reste sans doute encore étroitement associée dans l’espritburkinabè à la période révolutionnaire 1983-1987. Cette période vit le pays de Haute-Volta changer d’appellation pour devenir Burkina Faso, ce qui signifie en languesnationales "pays des hommes intègres". La volonté politique de lutter contre la

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"Corruption et développement humain"Préambule VII

corruption s’exprima alors avec vigueur, notamment à travers la création d’uneCommission du Peuple chargée de la prévention de la corruption et en particulier dela déclaration des biens des hommes politiques dont le chef de l’État. La lutte contrela corruption s’organisa également à cette époque autour des Tribunaux Populairesde la Révolution (TPR). Chacun de ces tribunaux était composé de trois militaires, dedouze militants issus des Comités de Défense de la Révolution (CDR) et enfin de troismagistrats professionnels. Plus que sur l’application du droit, l’efficacité de cestribunaux révolutionnaires reposa parfois sur la crainte inspirée et sur la délation.

Depuis les évènements d’octobre 1987, le retour à un état de droit et le passageprogressif à une démocratie politique constituent les principaux objectifs en matièred’organisation de la vie publique. Dans la phase actuelle de construction et derenforcement de l’état de droit, la lutte contre la corruption s’organise autour desprincipes de bonne gouvernance. Les institutions chargées de lutter contre lacorruption sont certes anciennes au Burkina Faso (par exemple Inspection Généraled’État, Inspections techniques des différents départements ministériels), mais denouvelles structures ont été créées récemment, notamment en 2001 avec le ComitéNational d’Éthique et la Haute Autorité de Coordination de Lutte contre la Corruption.De plus, sous l’actuel chef de l’État, la volonté politique de lutter contre la corruptions’est exprimée à travers le Plan National de Bonne Gouvernance (PNBG) puis leCadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) en son quatrième axe qui viseà promouvoir la bonne gouvernance.

Dans ce rapport qui souhaite contribuer au renforcement de la bonne gouvernancepour un meilleur Développement Humain Durable, l’analyse portera sur les institutionsde lutte contre la corruption et leur bon fonctionnement. Un panorama des structuresde régulation et de contrôle mises en place ces dernières années sera dressé afind’en permettre une meilleure connaissance, de s'interroger sur leur efficacité réelle etde comprendre le rôle que les acteurs de la société civile peuvent jouer dans unestratégie de lutte contre la corruption.

Parce que la bonne gouvernance est généralement perçue comme une condition sinequa non de l’efficacité des programmes de développement et de réduction de lapauvreté, l’impact négatif de la corruption sur l’état de la gouvernance démocratiqueau Burkina Faso est analysé (chapitre 4).

Le contexte macro-économique!: des réformes structurelles importantes

Au cours des années quatre-vingt dix, la politique économique et sociale du BurkinaFaso a été fortement influencée par le consensus dit de Washington, qui vit lesinstitutions de Bretton Woods, FMI et Banque mondiale coordonner leurs interventionsrespectives autour de trois objectifs clé!: politique macroéconomique restrictive à courtterme, privatisation d’entreprises publiques et libéralisation commerciale à long terme.C’est dans ce contexte général que s’inscrit la politique économique menée auBurkina Faso au cours des années quatre-vingt dix, notamment avec la mise en placedu premier programme d’ajustement structurel en 1991.

L’une des premières conséquences attendues de ce changement d’orientationéconomique portait bien sûr sur une meilleure gouvernance économique. Grâce à unepolitique d’orientation libérale, la corruption qui sévissait dans le secteur public estdirectement réduite. De même, la suppression des barrières douanières permet deréduire la fraude aux frontières et la corruption qui lui est associée. Généralement, lalibéralisation des politiques commerciales, sur un plan intérieur ou extérieur,s’accompagne de l’émergence d’une nouvelle classe d’entrepreneurs. L’expérience acependant montré que les conséquences bénéfiques attendues du passage d’une

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VIII Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

économie où l’État intervient directement à une économie libéralisée n’ont rien desystématique. Ainsi, certains économistes soutiennent que le passage trop rapide àune économie de marché, sans renforcement concomitant de la concurrence et de laréglementation, peut renforcer la corruption, à travers par exemple la privatisationd’entreprises publiques sous-évaluées ou la libéralisation d’organismes para-publicsde commercialisation au profit de quelques opérateurs économiques. La libéralisationne porte en effet pleinement ses fruits que dans le cadre d’un environnentconcurrentiel réglementé et d’institutions de contrôle efficaces. Or, dans le cas d’unpays en développement comme le Burkina Faso, ces conditions ne sont pas toujoursremplies. Les liens existant entre corruption et bonne gouvernance économique sontdonc étudiés (chapitre 3).

Les contextes socio-économiques et culturel de la corruption

Malgré une croissance économique supérieure à la croissance démographique deplus de deux points de pourcentage, les conditions de vie des ménages sont restéesprécaires au Burkina Faso. La pauvreté monétaire a même augmenté de 1994 à2003!: l’incidence de la pauvreté atteignait 45,3% en 1998 contre 44,5 % en 1994. Deplus, la précarité de la situation sanitaire et le faible niveau de scolarisation etd’alphabétisation sont mis en évidence par le mauvais classement récurrent duBurkina Faso sur l’échelle de l’indicateur DHD. Dans cette situation de pauvretéhumaine chronique et aussi de ressources financières réduites, la lutte contre lacorruption peut constituer un instrument de politique économique et sociale. Pourcette raison, l’impact de la corruption sur le fonctionnement des secteurs sociaux estétudié (chapitre 5).

Le bon fonctionnement des structures de lutte contre la corruption et l’efficacité desstratégies mises en place supposent une bonne connaissance du contexte socio-culturel dans lequel elles s’inscrivent. Parce que certains analystes ont pu voir dans laconfrontation des valeurs fondamentales des civilisations africaines et de leurimmersion avec l’économie marchande un facteur explicatif ou aggravant de lacorruption, la dimension socio-culturelle est également intégrée à l’analyse (chapitre6). D’autres analystes voient également dans la pauvreté un facteur favorisant ouaggravant la corruption.

Le rôle des partenaires dans la lutte contre la corruption est abordé (chapitre 7).Surtout, un inventaire exhaustif du cadre normatif permettant de lutter contre la fraudeau Burkina Faso et les institutions qui appuient ou peuvent appuyer la lutte contre lacorruption permet de présenter les premiers éléments d’une stratégie renforcée en lamatière (chapitre 9).

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"Corruption et développement humain"Préambule IX

GROUPE NATIONAL DE RÉFLEXION

SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN DURABLE

Dieudonné O. Badini Docteur Pascal NiambaMinistère de l’Économie et du Budget Épidémiologiste CIC DOC

Daniel Bambara Bamory OuattaraDG de l'Économie et de la Planification Directeur Général de l'INSD

Docteur Charles Batungwanayo Awa OuédraogoMédecin S/c PNUD La marche des femmes

Christian Béré Cheick OuédraogoSociologue Président de la Cour de Cassation

Eric Bonkoungou Clémentine OuédraogoAssociation Vive le Paysan Directrice de Programmes PROMO-FEMMES

Boureima Bougma Harouna OuédraogoExpert socio-économiste Assistant au Représentant Résident - PNUD

Bonoudaba Dabiré Jean-Pierre OuédraogoSecrétaire Exécutif STC/PDES Ligue des Consommateurs du Burkina Faso

Cyprien Faho Madeleine Hamsétou OuédraogoDirecteur Général PROMEXPORT Conseiller au CES

Louise Gouba Séraphine Solange OuédraogoChargée de Mission CES Maire de Boulmiougou

Marcelline Ilboudo Nicolas PontyJournaliste Editions Sidwaya Économiste Principal - PNUD

Tibo Hervé Kaboré Lazare PouyaSecrétaire Permanent du PDDEB Journaliste Télévision Nationale

Adama Jean Apollinaire Kafando Rikke DammONLS Chargée de Programme - PNUD

Michel Adrien Kan Hamado SawadogoConsultant indépendant Statisticien STC - PDES

Théophane Kinda Amy TapsobaChargé de communication PNUD Assistante de programme/PNUD

Hervé Kouraogo Adèle TraoréÉconomiste - PNUD Inspectrice du Travail/Ministère du Travail

Bonaventure Kyelem Morin YamongbeChargé de programme - PNUD Journaliste Editions Le Pays

Augustin Marie Gervais Loada Simone ZoundiDirecteur Exécutif du Centre de Gouvernance PDG SODEPAL

Démocratique

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X Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

ÉQUIPE DE PRÉPARATION DU RAPPORT

SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN DURABLE

Coordonnateur PrincipalChristian Lemaire

Conseillers techniques Consultants nationaux

Adama Coulibaly Ahmed Tidiani BaLuc-Joël Grégoire Yacouba Belem

Harouna Ouédraogo Pierre Benoît BoudaNicolas Ponty Dembo Gadiaga

Luc Marius IbrigaGroupe de relecture Benoît Kambou

Nicolas Etienne KibaDieudonné O. Badini Marie Eugénie Malgoubri -Kiendrébéogo

Eric Bonkoungou Edmond OuédraogoCyprien Faho Alain SanouLouise Gouba Hamado Sawadogo

Bamory Ouattara Mariama TaniCheick Ouédraogo Adèle N’Péré Traoré

Awa OuédraogoStefania PerriniNicolas Ponty Maquette et mise en pageAmy TapsobaAdèle Traoré Danielle Deloche

Appui documentaire et secrétariat Dessin

Amy Tapsoba Tim Pouce

Imprimerie

Presse du Faso

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"Corruption et développement humain"Préambule XI

SOMMAIRE

Chapitre 1. Problématique de la corruption et développement 1humain

Introduction 11.1. Le cadre conceptuel de la corruption 21.2. Le développement humain et la corruption 15Conclusion 20

Chapitre 2. Perception de la corruption au Burkina Faso 22Introduction 222.1. L’importance de la corruption 222.2. Les pratiques en matière de corruption 262.3. Les causes de la corruption 312.4. Les conséquences de la corruption 332.5. La lutte contre la corruption 34Conclusion 37

Chapitre 3. Corruption et gouvernance économique 38Introduction 383.1. Corruption et politique économique 393.2. Corruption et lutte contre la pauvreté 433.3. Facteurs explicatifs et conséquences de la corruption 483.4. Corruption et gestion des ressources 513.5. Le budget de l’État 55Conclusion 61

Chapitre 4. Corruption et gouvernance démocratique 63Introduction 634.1. Les pratiques et manifestations de la corruption 644.2. Les causes de la corruption 764.3. Les impacts de la corruption 84Conclusion 87

Chapitre 5. Corruption et secteurs sociaux de base 89Introduction 895.1. Le secteur de la santé 895.2. Le secteur de l’éducation 915.3. Les secteurs de l'eau et de l'électricité 935.4. Les infrastructures de base 955.5. La propriété foncière 965.6. Le secteur de l’environnement 99Conclusion 100

Chapitre 6. Corruption et valeurs socioculturelles 101Introduction 1016.1. Racines traditionnelles et corruption 1016.2. Corruption et valeurs socioculturelles 1096.3. Corruption et mutations socioculturelles 1136.4. Mesures des dimensions socioculturelles de la corruption 118Conclusion 119

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XII Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Chapitre 7. Coopération régionale et internationale et lutte contre 121la corruption

Introduction 1217.1. Le cadre institutionnel et normatif 1227.2. Le rôle des partenaires au développement 1327.3. Les programmes de coopération 1387.4. Perspectives dans le partenariat 140Conclusion 142

Chapitre 8. Les politiques et les stratégies en matière de lutte 144contre la corruption

Introduction 1448.1. Le cadre normatif 1478.2. Le cadre réglementaire 1548.3. Le dispositif de lutte contre la corruption 1558.4. Les mécanismes subsidiaires 1678.5. Les stratégies de lutte contre la corruption 174

Annexes Caractéristique du DHD au Burkina Faso 187

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"Corruption et développement humain"Préambule XIII

Liste des encadrés

Encadré 1.1. Les formes élémentaires de la corruption 4Encadré 1.1. Les formes élémentaires de la corruption (suite) 6Encadré 1.2. Un exemple de corruption passive 13Encadré 1.3. Exemples de petite corruption 13Encadré 1.4. Un exemple de corruption active 14Encadré 1.5. Un exemple de corruption législative 14Encadré 1.6. Un exemple de corruption administrative 14

Encadré 2.1. Méthodologie de l’enquête 23Encadré 2.2. Récit sur la corruption au niveau de la police et gendarmerie 27Encadré 2.3. Le comportement de l’administration dans un conflit 28Encadré 2.4. Récit sur le comportement d’un agent des impôts 29Encadré 2.5. Lourdeur administrative et corruption 33Encadré 2.6. Des solutions contre la corruption au niveau des individus 36Encadré 2.7. Des solutions contre la corruption au niveau de la société 36

Encadré 3.1. Propos d’un inspecteur des douanes 42Encadré 3.2. Objectifs du Millénaire pour le développement 44Encadré 3.3. Discours du secrétaire général des Nations-Unies 47

sur la corruptionEncadré!3.4. Citation du REN-LAC sur le "deal" 52Encadré 3.5. Quelques évaluations sur la fraude 53Encadré 3.6. Exemple d’interprétation des quartiles relatifs à la 60

rubrique de dépenses "Matières - Services - Fournitures

Encadré 4.1. Arrêté du 14 juillet 1994 de la Chambre Constitutionnelle 66Encadré 4.2. Le financement des partis politiques analysé par la Cour 76

des Comptes

Encadré 5.1. L'importance de l'éducation 94

Encadré 6.1. Dignité et morale dans les sociétés traditionnelles 115Encadré 6.2. Transformations socioculturelles du fait de la corruption 117Encadre 6.3. Corruption et proverbes 120

Encadré 7.1. Le NEPAD 126Encadré 7.2. Le Mécanisme Africain d'Évaluation entre Pairs (MAEP) 132Encadré 7.3. Le CFAA et le PRGB 135Encadré 7.4. Engrais chimiques en provenance du japon 137

Encadré 8.1. Les limites de la CNCC et l’organisation de la société civile 159Encadré 8.2. Liberté de presse, éthique, déontologie 166Encadré 8.3; Les comités anti-corruption dans la police burkinabè 180Encadré 8.4. Les corrupteurs protégés 185

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XIV Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Liste des schémas

Schéma 1.1. Interface entre les acteurs de la Gouvernance 5Schéma 1.2. Le système de la corruption 8Schéma 1.3. La corruption passive 12Schéma 1.4. La corruption active 13

Schéma 2.1. Classification des secteurs selon le degré de corruption 26

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"Corruption et développement humain"Préambule XV

Liste des tableaux

Tableau 1.1. Un exemple de corruption passive 21

Tableau 2.1. Perception des enquêtés selon l'étendue de la corruption 25et des différentes pratiques

Tableau 2.2. Perception des enquêtés sur les différentes pratiques 27Tableau 2.3. Connaissance des structures de lutte contre la corruption 34Tableau 2.4. Connaissance des structures de lutte contre la corruption 34

suivant le niveau d'instructionTableau 2.5. Perception de la lutte contre la corruption 35

Tableau 3.1. Types de procédures utilisées par l'État 59Tableau 3.2. Rubriques de dépenses selon les écarts relatifs 60

des prix moyens 2000Tableau 3.3. Rubriques de dépenses selon les écarts relatifs 60

des prix moyens 2001

Tableau 7.1. Apports des principaux bailleurs de fonds 122

Tableau 8.1. Les piliers institutionnels et leurs règles de conduite 146Tableau 8.2. Le contrôle, les étapes, les acteurs, les actions 173

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XVI Rapport sur le développement humain - Burkina Faso - 2003

Liste des abréviations et sigles

ACCT Agence Comptable Centrale du TrésorAPBF Association Professionnelle des Banques et des Institutions FinancièresBAD Banque Africaine de DéveloppementBISD Banque Islamique de DéveloppementBRI Banque des règlements InternationauxBTP Bâtiments et Travaux PublicsCENI Commission Electorale Nationale IndépendanteCFAA Country Financial Accountability AssessmentCID Circuit Intégré de la DépenseCGP Caisse Générale de PéréquationCNLS Comité National de Lutte contre le SidaCOMFIB Commission des Finances et du BudgetCMRPN Comité Militaire de Redressement pour le Progrès NationalCNCC Commission Nationale de la Concurrence et de la ConsommationCNE Comité National d’EthiqueCNSS Caisse Nationale de Sécurité SocialeCNR Comité National RévolutionnaireCSI Conseil Supérieur de l’InformationCSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la PauvretéDAAF Direction des affaires Administratives et FinancièresDCF Direction du Contrôle FinancierDGB Direction Générale du BudgetDGEP Direction générale de l’Économie et de la PlanificationDGCOOP Direction générale de la CoopérationDEP Direction des Études et de la PlanificationGAFI Groupe d’Action Financière sur le blanchiment des capitauxGNR-DHD Groupe National de Réflexion sur le Développement HumainGRIP Groupe de Recherches et d’Information pour la PaixIGE Inspection Générale d’ÉtatIGF Inspection Générale des FinancesIPC Indice de Perception de la CorruptionFMI Fonds Monétaire InternationalLPDHD Lettre Politique de Développement Humain DurableMAEP Mécanismes d’Évaluation Entre PairsMEBA Ministère de l'Enseignement de Base et de l'AlphabétisationNEPAD Nouveau Partenariat Pour le Développement Économique de l’AfriquePRGB Plan de Renforcement de la Gestion BudgétaireOCDE Organisation de Coopération et de développement ÉconomiqueOMD Organisation Mondiale des DouanesOMD Objectifs du Millénaire pour le DéveloppementONPE Office National de la Promotion de l’EmploiPAS Politique d’Ajustement StructurelPASEC.T Projet d’Ajustement Sectoriel des Transports (PASEC.T)RAF Réorganisation Agraire et FoncièreRESINA Réseau Inter-AdministratifRONC Rapport sur l’Observation des Normes et des CodesSIGASPE Système Intégré de Gestion Administrative et Salariale du Personnel de

l’État

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"Corruption et développement humain"Préambule XVII

Liste des abréviations et sigles (suite)

SGS Société Générale de SurveillanceSNU Système des Nations-UniesSYGADE Système de Gestion et d’Analyse de la Dette PubliqueUEMOA Union Economique et Monétaire Ouest-AfricaineTOD Textes d’Orientation de la DécentralisationTPR Tribunaux Populaires de la RévolutionUFR Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Santé