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MÉMOIRE En vue de l’obtention du Diplôme Sup de Co Reims REIMS MANAGEMENT SCHOOL FORMATION APPROFONDIE AU MANAGEMENT 2004-2006 PAR : Frank ADEBIAYE JURY : Diana MANGALAGIU - SUPERVISEUR LA FRACTURE NUMÉRIQUE EN FRANCE : AU-DELÀ DE LA DIMENSION TECHNO- LOGIQUE, QUELS ENJEUX ET QUELS DÉFIS SOCIO-ÉCONOMIQUES POUR LA FRANCE D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN ? Septembre 2005

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MÉMOIREEn vue de l’obtention du Diplôme Sup de Co Reims

REIMS MANAGEMENT SCHOOL

FORMATION APPROFONDIE AU MANAGEMENT

2004-2006

PAR : Frank ADEBIAYE

JURY : Diana MANGALAGIU - SUPERVISEUR

LA FRACTURE NUMÉRIQUE EN FRANCE : AU-DELÀ DE LA DIMENSION TECHNO-

LOGIQUE, QUELS ENJEUX ET QUELS DÉFISSOCIO-ÉCONOMIQUES POUR LA FRANCE

D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN ?

Septembre 2005

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Mémoire de fin de master Sup de Co (Reims Management School) | Frank ADEBIAYE

La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | A

Sommaire Avant-propos.................................................................C Introduction..................................................................1 I. Définition ..................................................................3

I.1. Approche thématique ............................................... 4 Technologique vs. socio-économique............................................ 4

Approche technique ................................................................4 Approche socio-économique ......................................................5

Fracture vs. fossé numérique ..................................................... 7 Fracture numérique ................................................................7 Fossé numérique ....................................................................7

I.2. Approche géographique............................................. 9 Au niveau international : la problématique du développement...........10 À l’échelle des pays : les pays développés sont aussi touchés par la fracture numérique.................................................................12

I.3. Le problème de la mesure et le point de vue adopté ........13 Le problème de la mesure.........................................................14 Point de vue adopté ................................................................16

II. Enjeux ................................................................... 18 II.1. Les infrastructures.................................................19

Quelles sont les infrastructures qui se cachent derrière le mot « TIC » ?..........................................................................................19 Radioscopie de l’implantation des normes de connectivité en France ..23

L’ADSL .............................................................................. 23 Le câble ............................................................................ 26 Boucle locale radio et wifi ...................................................... 27

L’ultime alternative ? : la délégation de service public et les réseaux d’initiatives publics .................................................................31

II.2. L’accès ...............................................................35 La lente victoire du haut débit sur le bas débit ..............................36 La réalité de l’accès à Internet des Français selon le lieu de consultation..........................................................................................39

Au domicile ........................................................................ 39 Lieu de travail / école ........................................................... 40 Lieu public ......................................................................... 41

La fracture socio-économique de l’accès à Internet.........................43 La fracture générationnelle..................................................... 43 La fracture d’accessibilité ...................................................... 46 La fracture des catégories socio-professionnelles .......................... 46

II.3. Les usages ...........................................................50 La durée et la fréquence d’usage................................................50 Les services utilisés.................................................................52 L’intérêt pour ces mêmes services ..............................................52

L’achat en ligne................................................................... 53 Le peer-to-peer ................................................................... 53 La téléphonie en ligne ........................................................... 54

III. Défis ..................................................................... 56 III. 1. L’aménagement du territoire ..................................57 III. 2. L’administration en ligne .......................................62

Donner accès à un maximum de « téléservices » ............................62 Développer la satisfaction des usagers .........................................63

III. 3. La compétitivité ..................................................67

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Mémoire de fin de master Sup de Co (Reims Management School) | Frank ADEBIAYE

La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | B

Bref bilan de la compétitivité des équipements en TIC des entreprises françaises .............................................................................69 L’usage organisationnel des TIC dans les entreprises .......................70

Le télétravail ...................................................................... 71 L’entreprise en réseau........................................................... 72

Conclusion.................................................................. 76 Annexes........................................................................I

Schémas complémentaires ...............................................I Tables supplémentaires................................................. IX

Tableaux ...............................................................................IX Figures..................................................................................IX

Notice bibliographique...................................................X Bibliographie du document intermédiaire ...................................... X Bibliographie du mémoire .......................................................... X Pour aller plus loin...................................................................XI

Document intermédiaire............................................... XII Position de la problématique .....................................................XII Synthèse du travail réalisé ........................................................XII Plan ................................................................................... XIV Guide d’entretien .................................................................. XIV Synthèse des références bibliographiques.....................................XV

Notes .....................................................................XXV

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Mémoire de fin de master Sup de Co (Reims Management School) | Frank ADEBIAYE

La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | C

Avant-propos Quelques considérations sur la

technologie

La fracture numérique est – par essence – un sujet éminemment

technologique. Avant de le traiter, il convient de déterminer ce que l’on

appelle, sans plus y prêter attention, « technologie ». Étymologiquement, il

faut parler du λογος de la τεκνη, c’est-à-dire du langage de la technique. La

technologie est donc avant tout un discours. Par conséquent, un discours sur

la technologie est un discours sur le discours, un méta-discours !

L’élucidation du sujet d’un tel discours ne s’en trouve que compliqué. La

fracture numérique en tant que sujet technologique n’échappe pas à cette

règle. Il faudra donc nous garder de tout méta-discours sur la fracture

numérique. Car dans ce cas, le péril est double. D’une part, nous aurons à

faire à un sur-commentaire sur les techniques liées à la fracture numérique.

D’autre part, par le redoublement du discours, ce dernier s’en retrouvera

prépondérant par rapport à son objet, à savoir la technique elle-même.

Dès lors une première conclusion s’impose d’elle-même : il ne saurait y

avoir de technologie sans technique. Si nous voulons, comme c’est le cas

dans cet opus, toucher quelque chose de tangible, de concret,

d’opérationnel, il nous faut faire le tri dans le discours pour toucher,

appréhender au mieux cette technique et d’en évaluer par nous-mêmes les

tenants et les aboutissants.

À ce stade, deux apports nous paraissent utiles à la construction de cet

édifice de sens, deux déchiffreurs infatigables – et contemporains – de la

technique : Jacques Ellul (1912-1994) et Günther Anders (1902-1992).

Jacques Ellul, tout d’abord, nous met en garde – avec sa véhémence et son

sens de la provocation coutumiers – contre l’utilisation abusive du mot

« technologie » : Ce livre s’appelle Le Bluff technologique. Ce titre fera réagir sévèrement la plupart des passants. S’il y a un domaine dans lequel aucun bluff n’est justement

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | D

permis, c’est bien celui de la technique ! Les choses sont claires ici : on peut ou on ne peut pas. Quand l’on dit que l’on va marcher sur la Lune, effectivement on marche peu de temps après sur la Lune. Quand on dit que l’insertion d’un cœur artificiel est possible, on le fait et on constate que cela marche ! Où est le bluff ? Mais il s’agit ici seulement d’une erreur de lecture. […] Le mot technologie, quel qu’en soit l’emploi moderne des médias, veut dire : discours sur la technique. Faire une étude sur une technique, faire de la philosophie de la technique, ou une sociologie de la technique, donner un enseignement [nous mettons en italique] d’ordre technique, voilà la technologie. [...] Mais cela n’a rien à voir avec l’emploi [nous soulignons] d’une technique […]1.

Günther Anders, quant à lui, met au jour une autre distinction entre

technologie et technique ; il y introduit la notion de modernité. Technology est à l’origine un mot qui désigne simplement une technique particulière ; le terme de technologie est un anglicisme qui s’est imposé pour désigner les techniques les plus modernes : on parle volontiers de technologie spatiale pour désigner la fabrication et l’usage des fusées, mais on ne parlerait de technologie à propos de menuiserie, de plomberie ou de maçonnerie que pour des outils ou des matériaux faisant intervenir un élément de ces techniques de pointe (par exemple, une machine à commande numérique, des pièces normalisées ou des matériaux nouveaux). Nous entérinons cet usage en utilisant ce mot selon le sens qui lui restera pour désigner le complexe industriel et technique propre à notre époque et l’idéologie du progrès matériel qui l’accompagne. La technologie est un ensemble de techniques, d’outils et de machines, d’organisations et d’institutions, et également de représentations et de raisonnements, produits à l’aide d’une connaissance scientifique très avancée de certains aspects de la nature et des hommes. Cette connaissance ne peut parvenir à ce degré de maîtrise et de précision spécialisée que grâce aux produits technologiques que ses précédentes avancées ont permis à l’industrie de mettre au point. Par exemple, les manipulations génétiques sont inimaginables sans des connaissances très spécialisées en biologie moléculaire, qui elles-mêmes ne peuvent être acquises qu’à l’aide d’un appareillage complexe mettant en œuvre une maîtrise très fine de la physique, de la chimie, etc. Ainsi, chaque technologie met en œuvre des techniques très diverses avec une grande précision, et donc le développement technologique induit une coordination entre les différents secteurs industriels, la normalisation des techniques et des produits, le réglage précis des échanges, et tout cela à son tour induit le développement des technologies par les capacités nouvelles de production et les éléments de base normalisés et recombinables à volonté dont se dote ainsi la production industrielle. [...] En ce sens la technologie est un stade supérieur de la technique, d’abord parce qu’elle s’est acquise des bases qui lui sont spécifiques à partir des formes précédentes, mais surtout parce qu’elle s’est créée à partir de là, en quelque sorte, un monde qui lui est propre. [...]2

Nous voilà prévenus. C’est désormais le « monde propre » de la fracture

numérique que nous allons explorer.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 1

Introduction

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication [ NTIC – note de l’auteur ] sont parmi les forces qui mènent la globalisation. Elles réunissent les hommes et apportent aux décideurs des outils révolutionnaires pour le développement. Dans le même temps, l’écart entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès à l’information ne cesse de s’élargir et il y a un vrai danger à ce que le monde des pauvres soit exclu de l’économie globale émergeante basée sur le savoir3.

Par ces deux phrases, Kofi Annan pose admirablement le problème de la

fracture numérique. Il ne fait pas que la caractériser ; il explique pourquoi

c’est un problème.

Kofi Annan définit la fracture numérique comme un « écart entre ceux qui

ont et ceux qui n’ont pas accès à l’information ». Il évacue habilement la

question technique pour se pencher sur sa finalité : l’information. Le

« monde propre »4 de la fracture numérique, c’est l’information. En

qualifiant les NTIC de « forces », Kofi Annan se démarque de la pensée très

critique d’Ellul4. Plus encore, il les inscrit dans le phénomène de la

« globalisation » où leurs vertus s’exercent en « réuniss[a]nt les hommes ».

Ce n’est pas tout, la visée économique, que l’on devine déjà, se précise tout

à fait. Les NTIC « apportent aux décideurs des outils [...] pour le

développement » dans le cadre d’une « économie globale [...] basée sur le

savoir ». Enfin, il met tout ce monde en mouvement : les « outils » sont «

révolutionnaires », l’« écart [...] ne cesse de s’élargir », l’« économie

globale [...] basée sur le savoir » est « émergente ».

La démarche de Kofi Annan a donc été de définir la fracture numérique

(« écart entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès à l’information »), de

dégager les enjeux (« réuni[r] les hommes », « outils révolutionnaires pour

le développement ») et de laisser entrevoir des défis (« économie globale

émergente globale du savoir »). Ne perdons pas de vue non plus que Kofi

Annan a évacué rapidement la question de la technique elle-même pour

s’intéresser à sa finalité.

Nous proposons de suivre la même démarche, en posant donc comme nous

invite Kofi Annan, l’hypothèse de la prépondérance de la finalité sur la

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 2

technique elle-même. À la différence – toutefois – que nous nous

pencherons plus particulièrement sur le cas français.

Pourquoi le cas français ? Parce que c’est celui qui nous est le plus familier,

parce que nous pouvons ainsi avoir accès aisément à un nombre conséquent

de données chiffrées et d’études sur la fracture numérique.

Ce faisant, nous pourrons nous consacrer plus nettement à la problématique

centrale de notre mémoire, à savoir :

Montrer qu’au-delà de la dimension technologique, la fracture

numérique en France comporte des enjeux et pose des défis socio-

économiques pour la France d’aujourd’hui et de demain.

Nous nous attacherons donc, dans un premier temps, à définir précisément

la notion de fracture numérique. Nous ferons notre choix entre l’acception

technologique de la fracture numérique et son acception socio-

économique – nous montrerons que la seconde englobe la première. Nous

évaluerons les portées thématiques et géographiques de la fracture

numérique. Puis nous apporterons des justifications au choix de notre point

de vue – nous reviendrons notamment sur les raisons du choix français.

Dans un deuxième temps, nous mettrons en évidence les enjeux à l’œuvre

derrière la fracture numérique en France. Ces enjeux sont de trois ordres :

infrastructures, accès, usages. Nous les examinerons tant au niveau des

individus qu’à celui des entreprises.

Enfin, nous nous intéresserons aux défis posés par la fracture numérique.

Dans le cas français, nous en voyons trois, majeurs : l’aménagement du

territoire, l’e-gouvernance et la compétitivité.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 3

I. Définition

Suivons tout d’abord Jean-François Soupizet qui nous rappelle la définition

de l’OCDE, en la complétant un peu : Le concept de fracture numérique [...] est souvent défini comme le résultat des différences d’accès aux télécommunications et comme le fossé entre les nations qui disposent et celles qui ne disposent pas de la technologie. L’OCDE en a donné la définition suivante : le terme se réfère aux disparités entre individus, foyers, entreprises et aires géographiques, aux différents niveaux socio-économiques, en termes d’accès aux TIC et d’utilisation de l’Internet pour une large variété d’activités (OCDE, 2001). L’accès aux infrastructures de base est fondamental en ce qui précède et qu’il est plus répandu que l’usage de l’Internet. D’autres indicateurs, comme la disponibilité des ordinateurs personnels, les accès Internet ou les possibilités d’accès alternatifs par la télévision ou la téléphonie mobile, peuvent être également utilisés5.

Soupizet parle de « fracture » puis de « fossé ». Les deux termes sont-ils

équivalents ? Nous y reviendrons.

La définition distingue « individus, foyers, entreprises et aires

géographiques »... Autant de points de vue qu’il paraît délicat de traiter de

front.

Alors que Soupizet ne parlait que de « différences d’accès aux

télécommunications » (approche technique), l’OCDE introduit une

dimension « socio-économique ». Nous y reviendrons. La distinction entre

accès et usage apparaît – l’OCDE parle d’« activités ». Nous reviendrons sur

cette distinction dans la deuxième partie.

Enfin Soupizet évoque des « possibilités d’accès alternatifs » comme « la

télévision ou la téléphonie mobile ». Nous en évaluerons la pertinence.

Au su de tous ces éléments, une approche thématique semble se dégager,

dont quelques ramifications prometteuses apparaissent déjà.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 4

I.1. Approche thématique

Technologique vs. socio-économique

Revenons sur cette opposition mise en évidence par la définition de

l’OCDE. Du reste, Patrick Cohendet et Lucy Stojak partagent cette analyse

et exposent même les enjeux de cette dualité. Il y a deux manières de définir la fracture numérique : une définition purement technologique et une définition socio-économique. [...] [L]e choix de la définition importe car l’interprétation de la politique à adopter vis-à-vis de la fracture diffère profondément selon la définition choisie6. APPROCHE TECHNIQUE

L’exposé successif des deux définitions par les auteurs semble ne laisser

aucun doute quant à la définition à adopter. Voyons la première : Selon la définition technologique, la fracture numérique exprime une inégalité entre unités économiques (ménages, régions, pays, etc.) en termes quantitatifs d’accès aux NTIC. Cet accès est mesuré en général par le nombre d’utilisateurs d’une NTIC donnée (on se concentrera ici sur le cas d’Internet).6

À ce stade, nous pouvons faire deux remarques. La première est relative à la

notion de « NTIC donnée ». Elles ne nous sont pas données, justement. Que

recouvre exactement cette expression ? Jacques Henno propose la définition

suivante : NTIC : abréviation de nouvelles technologies de l’information et de la communication, expression qui recouvre Internet, les téléphones portables, la télévision numérique... 7

La définition est concise et intéressante, mais l’énumération, ouverte, la

rend incomplète. Toutefois, le phénomène de « convergence » pourrait bien

rendre la nécessité de clore cette énumération caduque : Depuis que l’étoile d’Internet a pâli, on ne parle plus que de « convergence numérique » : l’accès banalisé au texte, au son, à l’image via un seul appareil, téléphone, téléviseur ou autre [...] [U]n vaste réseau mondial a surgi, qui entremêle lignes téléphoniques, fibres optiques, câbles sous-marins, relais hertziens, chaînes de télévision et communications par satellite. Au carrefour de ces deux évolutions, à la rencontre des technologies de l’information et de la communication, il y a Internet. Mais pour beaucoup, dans le monde des médias, cette invention ne fait qu’annoncer un bouleversement bien plus considérable: l’ère de la convergence numérique [...] Dans un récent article, le Scientific American définit ce phénomène comme « la concentration des communications audio, vidéo et texte sur une seule source, recevable sur un seul appareil grâce à une seule connexion ». Le numérique a

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 5

déjà permis d’intégrer des médias qui circulaient via des canaux différents: on peut maintenant envoyer des courriers électroniques avec son téléviseur ou du texte sur un portable; on peut transmettre des vidéos en temps réel par canal radio, regarder la télévision ou écouter la radio sur son PC. [...] La convergence numérique permettra l’accès à l’information en temps réel n’importe où dans le monde et autorisera la communication partout et avec tous, par texte, image, son et vidéo8.

La deuxième remarque porte sur le « on se concentrera ici sur le cas

d’Internet ». Là encore, la convergence évoquée ci-avant, en conférant un

caractère englobant à Internet – devenu de facto plateforme fédératrice de

l’ensemble des NTIC – permet de considérer Internet comme le point

névralgique de l’accès aux NTIC ou, comme il est désormais courant de les

appeler, les TIC. Accéder à Internet revient à accéder aux TIC. Soupizet

boucle l’équivalence quand il voit dans « la télévision ou la téléphonie

mobile » des « possibilités d’accès alternatifs » à Internet.

Enfin, dans le cas de la comparaison Nord-Sud, comme le souligne

Soupizet, c’est la base d’évaluation la plus restrictive, la plus pessimiste – la

plus prudente. En parlant des méthodes de mesure du « fossé numérique »,

Soupizet dit ceci : [E]n choisissant l’accès au téléphone fixe ou mobile, la distance9 aurait diminué ; en choisissant l’Internet, le fossé se serait accru5. APPROCHE SOCIO-ÉCONOMIQUE

Après avoir abordé le cas de la définition technique, nous pouvons

reprendre le fil des définitions de Cohendet et Stojak et envisager

maintenant l’approche socio-économique. Selon cette définition, la fracture numérique est un phénomène qui exprime des inégalités entre unités économiques résultant de l’effet conjugué : - de l’existence d’infrastructures d’accès aux NTIC ; - de capacités d’acheter les services et produits fournis par les NTIC ; - de compétences pour utiliser ces technologies. Une telle définition intègre ainsi non seulement la dimension technique liée au nombre de connexions, mais aussi la capacité financière et les compétences des utilisateurs potentiels. On peut remarquer ici que la définition socio-économique n’exclut pas la définition technologique mais l’englobe dans une vision plus large. C’est dans une telle perspective que l’on peut mieux comprendre la signification de la fracture et les risques associés à son élargissement, particulièrement le risque de développement d’une société « à plusieurs vitesses », qui nous semble le plus grave pour la cohésion sociale6.

La démarche de Cohendet et Stojak est habile. Abolissant la concurrence,

l’antagonisme entre les approches technologiques et socio-économiques, ils

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 6

proclament la victoire logique de la seconde car, à l’instar d’une plus grande

matriochka, elle renferme l’autre en la dépassant. Par conséquent, la

première vision, purement technologique – devenue trop restrictive – est

disqualifiée, car elle n’explique pas tout. Mais l’habileté de Cohendet et

Stojak ne saurait se résumer à ce que l’on pourrait assimiler, si l’on était

malveillant, à un tour de passe-passe notionnel. Leurs assertions se fondent

également sur le contenu même de ce que l’on peut appeler une définition

« officielle » de la fracture numérique – officielle car émanant de

l’International Telecommunication Union (ITU, 2001) : La fracture existe entre des pays de niveau de développement différents, ainsi qu’à l’intérieur d’un même pays, soit par exemple entre régions urbaines et rurales, entre hommes et femmes, entre les gens éduqués et non éduqués, ou entre les jeunes et les personnes âgées. Elle résulte de disparités socio-économiques et donc ne diffère pas des fractures basées sur le niveau de revenus, l’état de santé ou le niveau d’éducation. La cause principale de ces disparités demeure la pauvreté. Moins les citoyens d’un pays ont d’argent, moins il est probable qu’ils utiliseront les NTIC. L’Internet a peu d’intérêt pour ceux qui sont incapables d’exploiter un accès électronique à l’information afin d’améliorer leurs conditions de vie. À vrai dire, la définition de l’ITU va même plus loin que celle de Cohendet

et Stojak. Là où ces derniers reconnaissent encore une certaine importance à

l’aspect technologique, la définition de l’ITU subordonne complètement ce

dernier à la préexistence de conditions socio-économiques favorables. La

technologie devient secondaire. Les critères socio-économiques deviennent

principalement explicatifs du phénomène de fracture numérique.

Nous venons de dire « fracture numérique » ; en réalité, la construction

socio-économique que nous venons d’établir du concept de « fracture

numérique » repose avant tout sur des définitions émanant de l’OCDE et de

l’ITU – tous deux organismes de culture anglo-saxonne. Pour être exact, ils

répondent en réalité au concept anglo-saxon de digital divide. Même si la

traduction la plus courante reste « fracture numérique », on trouve aussi

celle de « fossé numérique ».

Dans les faits, il faut bien avouer que dans la majorité de la littérature, les

deux expressions sont interchangeables. Toutefois, il s’est au moins trouvé

une personne pour marquer une forte distinction entre les deux tournures :

Philippe Cazeneuve, sociologue, spécialiste de l’ingénierie pédagogique

appliquée aux TIC.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 7

Fracture vs. fossé numérique

Précisons d’ores et déjà que la distinction de Cazeneuve10 s’applique à

l’échelle d’une entité (un pays idéal), et non – ou alors difficilement – à des

comparaisons internationales.

FRACTURE NUMÉRIQUE

Pour Philippe Cazeneuve, l’expression de « fracture numérique » caractérise

« un concept dérivé d’un thème de campagne »11. Le propos de Cazeneuve

pourrait bien sonner comme un avertissement. Le terme de « fracture

sociale » ayant été réutilisé à des fins politiques, il pourrait bien en être de

même pour celui de « fracture numérique ». Ainsi, nous sommes passés de

l’approche technique de la fracture numérique à son approche socio-

économique ; nous serions maintenant à l’orée de sa dimension politique.

Par ailleurs, selon Cazeneuve, l’expression de « fracture numérique »

« présuppose » de considérer la société comme « un seul corps social »

d’une part ; de vouloir « réparer l’uni(ci)té originelle de la Nation », d’autre

part. Mais cela signifie également « ignore[r] l’existence de forces

antagonistes (muscles) [du corps social] et de corps intermédiaires

(articulations) ».

Cette fois, Cazeneuve ne laisse plus de place au doute quant à

l’interprétation politique du concept de «fracture numérique». Les termes

sont fortement évocateurs : « corps social », « Nation »...

Enfin, conclut Cazeneuve, « pour réduire la fracture, il faut [une]

localisation précise et [une] “frappe chirurgicale”, [une] action de

replâtrage et [une] immobilisation ».

FOSSÉ NUMÉRIQUE

Pour Cazeneuve, le fossé numérique « évoque un phénomène ancien et

évolutif » ; le fossé est « creusé comme le lit d’une rivière par l’érosion

séculaire », « large ou étroit selon les endroits » et « se déplace et se creuse

avec les intempéries ». Dans cette optique, les inégalités ne seraient pas

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 8

soudaines, mais progressives, à la fois dans le temps, mais aussi dans

l’espace. De plus, l’existence d’« intempéries » peut entraîner une

aggravation brutale de ces inégalités.

Les solutions ? « Le combler, le franchir, construire une passerelle, le

contourner, vivre tranquillement sur sa rive comme sur une île ». Au terme

de cette métaphore filée, Cazeneuve résume bien les attitudes usuellement

rencontrées face au problème.

Du propre aveu de l’auteur, résumant son propos, l’approche fossé

numérique est plus féconde que l’approche fracture numérique. Le « fossé », quant à lui, offre davantage de possibilités. Il évoque un phénomène ancien et évolutif en face duquel les solutions ne manquent pas : le combler, le contourner, le franchir, vivre à ses côtés, etc12.

Pour notre part, nous retiendrons que l’expression fracture numérique, telle

qu’expliquée par Cazeneuve, est utile pour bien appréhender la dimension

profondément politique du problème. Toutefois, en ce qui concerne les

solutions à y apporter, la représentation du « fossé numérique » nous semble

plus adaptée. Mais, comme nous l’évoquions plus haut, les deux expressions

sont souvent employées indifféremment dans la littérature française. Il

semblerait que ce ne soit que conjointement que ces deux expressions

parviennent à rendre compte dans la langue française du concept de digital

divide. Comme le note Le Monde Initiatives d’octobre 2001, l’appellation fracture numérique est le résultat d’un télescopage linguistique entre le terme anglais digital divide, utilisé pour décrire les décalages socio-économiques et géopolitiques dans la diffusion et l’usage des technologies numériques, et la fameuse « fracture sociale » qui traverse le débat politique français depuis sept ans13.

Dans les faits, le débat sémantique entre fracture et fossé numérique est vite

dépassé par les autres inégalités perceptibles en arrière-plan. Ces inégalités,

Jean-Jacques Marchandise, les présente au nombre de cinq.

1. La fracture générationnelle due principalement à l’accélération temporelle

provoquée les NTIC : PAO...

2. La fracture culturelle due à l’avènement fulgurant d’une approche

textuelle, technique et abstraite de l’information et de la communication

3. La fracture géographique entre Nord et Sud, villes et campagnes

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 9

4. La fracture d’accessibilité (handicap, état de santé) en voie de réduction

même si les coûts pour y parvenir sont considérables

5. La fracture au sein des corps sociaux due à l’émergence d’une logique

horizontale du travail

Nous reviendrons sur ces fractures dans la deuxième partie, à l’exception

d’une, la fracture géographique, à laquelle nous allons consacrer notre

propos dès maintenant.

I.2. Approche géographique

Plus de deux ans et demi après le lancement de l’initiative du G8 sur la fracture numérique, de l’adoption d’une charte sur « la société mondiale de l’information » et la création d’une Dot Force [Digital Opportunity Task Force, conçue pour trouver des moyens concrets visant à combler le fossé numérique entre les pays développés et les pays en voie de développement] ad hoc, la problématique de la fracture numérique n’a rien perdu de son acuité. Si l’accès aux technologies s’est développé à des degrés et à une vitesse variables dans l’ensemble des régions du monde, y compris les plus pauvres, les écarts ne se sont pas résorbés. On retiendra qu’aujourd’hui encore : 2 Américains sur 3 se connectent à Internet contre 1 sur 160 en Afrique ou 1 sur 20 en Amérique Latine. De même, si le taux de pénétration des ordinateurs est supérieur à 60 % aux États-Unis, cet indicateur est à peine supérieur à 2 % pour les pays arabes ou 0,7 % en Afrique14.

On le voit, au cœur de la dimension socio-économique de la fracture

numérique mis en évidence ci-avant, l’aspect géographique est une donnée

fondamentale. On associe souvent la fracture numérique à la fracture Nord-

Sud, entre les pays développés et les pays en voie de développement (PVD).

Mais nous verrons que la fracture numérique est également en jeu à

l’échelle des pays. Parallèlement, nous éluciderons la problématique du

développement qui occupe le débat de la fracture numérique Nord-Sud et

nous dissiperons l’illusion d’une fracture numérique maîtrisée au sein des

pays développés.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 10

Au niveau international : la problématique du développement

Au plus haut niveau, il y a aujourd’hui une prise de conscience de la

nécessaire inscription des TIC et donc du problème de la fracture numérique

dans une optique de développement global. 1. Nous, représentants des peuples du monde, réunis à Genève du 10 au 12 décembre 2003 pour la première phase du Sommet mondial sur la société de l’information, proclamons notre volonté et notre détermination communes d’édifier une société de l’information à dimension humaine, inclusive et privilégiant le développement, une société de l’information, dans laquelle chacun ait la possibilité de créer, d’obtenir, d’utiliser et de partager l’information et le savoir et dans laquelle les individus, les communautés et les peuples puissent ainsi mettre en oeuvre toutes leurs potentialités en favorisant leur développement durable et en améliorant leur qualité de vie, conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies ainsi qu’en respectant pleinement et en mettant en œuvre la Déclaration universelle des droits de l’Homme. 2. L’enjeu consiste pour nous à tirer parti des possibilités qu’offrent les technologies de l’information et de la communication (TIC) en faveur des objectifs de développement énoncés dans la Déclaration du Millénaire, à savoir éliminer l’extrême pauvreté et la faim, dispenser à tous un enseignement primaire, favoriser l’égalité entre hommes et femmes et rendre les femmes autonomes, lutter contre la mortalité infantile, améliorer la santé des mères, lutter contre le VIH / sida, le paludisme et d’autres maladies, assurer un environnement durable et élaborer des partenariats mondiaux pour parvenir à un développement propice à l’instauration d’un monde plus pacifique, plus juste et plus prospère. Nous renouvelons également notre engagement à parvenir à un développement durable et à atteindre les objectifs de développement définis dans la Déclaration de Johannesburg et son plan d’application et dans le consensus de Monterrey, ainsi que dans d’autres textes issus de sommets appropriés des Nations Unies15.

Même s’il ne s’agit là que d’une déclaration d’intention, le ton a été donné

lors de ce premier sommet mondial consacré aux TIC. Le développement

économique est bien la priorité derrière l’appropriation des TIC. De là, cette

dernière est souvent envisagée dans l’optique d’une confrontation d’un bloc

Nord développé et d’un bloc Sud sous-développé. À cet égard, les

appropriations tiers-mondistes de la thématique de la fracture numérique ne

manquent pas. D’aucuns n’hésitent pas à parler de « néo-colonialisme

numérique »16. Ignacio Ramonet, rédacteur en chef du Monde Diplomatique

– réputé pour ses prises de position altermondialistes et tiers-mondistes –

s’empare du thème de la fracture numérique pour déclarer : Mais ce formidable chambardement profite surtout aux pays les plus avancés, déjà bénéficiaires des précédentes révolutions industrielles, et aggrave ce qu’on appelle la « fracture numérique », cet abîme qui se creuse entre les nantis en technologies de l’information et tous ceux, les plus nombreux, qui en sont dépourvus. Deux chiffres résument l’injustice : 19 % des habitants de la Terre

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représentent 91 % des utilisateurs d’Internet. Le fossé numérique redouble et accentue le traditionnel fossé Nord-Sud ainsi que l’inégalité entre riches et pauvres (rappelons que 20 % de la population des pays riches disposent de 85 % du revenu mondial). Si rien n’est fait, l’explosion des nouvelles technologies cybernétiques décrochera définitivement les habitants des pays les moins avancés, et en particulier ceux d’Afrique noire (à peine 1 % des utilisateurs d’Internet, dont très peu de femmes). [...] En attendant, ne faudrait-il pas lancer, tout de suite, un formidable plan Marshall technologique ?17

Par ailleurs, Aurélie Laborde a identifié un « déterminisme technologique »

à l’œuvre, à l’unisson, dans toutes les grandes instances internationales : Depuis une dizaine d’années, les organismes de coopération internationale, Organisation des Nations Unies et Banque Mondiale en tête, mettent systématiquement en avant le déploiement des Technologies de l’Informatique et de la Communication (TIC) au service du développement humain et de la réduction de la pauvreté. Les TIC deviennent alors « un instrument indispensable dans la lutte contre la pauvreté dans le monde ». Pour le PNUD, « les pays qui réussissent à tirer le meilleur parti des TIC peuvent espérer enregistrer une croissance économique fortement accrue, une protection sociale considérablement améliorée et des formes de gouvernements plus démocratiques ». Les discours des organismes internationaux véhiculent alors une approche des TIC empreinte de déterminisme technologique, confondant progrès technique et progrès social, réduction de la fracture numérique et réduction de la fracture du développement. [...] Prescripteurs de l’imaginaire des TIC dans les pays « du Sud » et largement inspirés de la vision technique des pays « du Nord », ces discours constituent à notre sens une source d’analyse importante18.

En fait, comme le souligne Jacques Henno, il faudra peut-être bel et bien

nous défaire d’une idée reçue concernant Internet et selon laquelle « Internet

va permettre aux pays défavorisés de combler leur retard »7. Certains rêvent ainsi de voir se développer un commerce « équitable » à travers toute la planète. Mais cette utopie se heurte à plusieurs obstacles, un des plus importants étant la logistique : à quoi bon habiter au fin fond du Mali et de disposer, grâce au Net, d’une vitrine mondiale, si l’on ne dispose pas à proximité, d’une Poste ou d’un aéroport pour expédier ses commandes ? Avec cet exemple, nous touchons du doigt les problèmes concrets qui pourraient faire capoter l’utilisation d’Internet dans les pays en voie de développement. Et qui font dire aux experts les plus pessimistes qu’il ne sert à rien, pour l’instant, de diffuser des outils de communication modernes dans ces pays. Selon eux, il faut, au contraire, bâtir de solides infrastructures sociales et économiques avant de passer à cette étape. Ils rappellent deux choses. Un, que les ordinateurs sont trop chers pour la plupart des habitants du Sud. Et deux, que ces derniers sont souvent analphabètes : 30 à 50 %19 des Indiens, par exemple, ne savent ni lire ni écrire7.

Nous sommes donc conviés à appliquer un principe de réalisme en matière

de développement. Il n’y a sans doute pas plus de « nouveau développement

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 12

économique » qu’il y a eu, au final, de « nouvelle économie » et ce, encore

moins de façon globale, indifférenciée. L’appréhension du phénomène et la définition de politiques et programmes ad hoc sont, bien évidemment différentes selon qu’on raisonne en termes de retard de la pénétration des TIC (dont les infrastructures de base des télécommunications) ou de disparités au sein d’un pays ayant atteint une certaine maturité. La multiplicité des facteurs et leur acuité, selon le pays ou la région du monde considérés, induit la mise en place d’actions spécifiques qui ne sauraient se borner à des mesures pratiques liées à l’accès physique aux technologies et à l’information. Un « modèle » général n’est de fait pas transposable et l’approche des différents pays sur le thème apparaît souvent comme différenciée [...]14. À l’échelle des pays : les pays développés sont aussi touchés par la fracture numérique

Fait remarquable, Olivier Andretic introduit en plus de la dimension multi-

géographique, une distinction entre les pays souffrant d’un « retard de la

pénétration des TIC » et ceux « ayant atteint une certaine maturité » et

« présentant des disparités ».

Excluant la notion même de « “modèle” général », Andretic va plus loin en

faisant un état des lieux des TIC en neuf zones du monde : Europe, Afrique

du Nord / Proche-Orient, Afrique sub-saharienne, Moyen-Orient, Asie du

Sud, Asie, Amérique latine, Amérique du Nord et CEI-Russie-Kazakhstan.

1. En Europe, des partenariats public-privé sont mis en place pour lutter

contre un double fossé : Nord-Sud (cette fois au sein de l’Europe) et socio-

professionnel.

2. En Afrique du Nord et au Proche-Orient, les politiques volontaristes

(développement des infrastructures, mesures tarifaires, multiplications des

centres d’accès publics ou privés) font toujours attendre leurs résultats, si on

en croit les carences en équipement mais aussi l’analphabétisme et la

barrière de la langue20.

3. En Afrique sub-saharienne, les initiatives multiples sont encore trop

faibles pour sortir le continent de l’impasse.

4. Au Moyen-Orient, la fracture numérique n’est pas liée à un manque de

moyens mais bien au manque d’ouverture des dirigeants et aux obstacles

religieux.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 13

5. En Asie du Sud, le drame de la fracture numérique se joue sur fond de

multiples fractures sociales. Par exemple, l’Inde, pourtant spécialisée dans

les services informatiques, reste loin de la « révolution digitale » annoncée,

avec seulement 7 millions de PC pour 1 milliard d’habitants !

6. En Asie, on note un comblement différentiel de la fracture numérique

selon que l’on parle de téléphone mobile – où on note une nette réduction de

l’écart – ou d’accès à Internet – secteur encore à la traîne en raison de la

cherté des équipements informatiques.

7. En Amérique latine, la réalité de la fracture numérique se calque sur la

réalité socio-économique de la région, c’est-à-dire extrêmement inégalitaire.

8. En Amérique du Nord, on s’achemine vers une remise en cause des

initiatives publiques, pour des raisons politiques (retrait de l’État fédéral aux

États-Unis) ou budgétaires (Canada).

9. En CEI, Russie et Kazakhstan sont encore incontestablement pénalisés

par un maillage téléphonique insuffisant et des niveaux tarifaires

exorbitants.

On le voit, l’échelle mondiale, avec sa ligne de scission Nord-Sud n’est pas

satisfaisante pour étudier le problème de la « fracture numérique ». C’est

bien au niveau des États qu’un arbitrage plus pertinent semble se jouer.

I.3. Le problème de la mesure et le point de vue adopté

Même après avoir mis en évidence la nature socio-économique voire

politique (importance de l’échelle étatique) de la fracture numérique, nous

n’avons pas pour autant encore répondu à deux questions cruciales :

comment mesurer la fracture numérique et comment la réduire ? Nous

devons donc désormais affronter directement le problème de la mesure et

adopter un point de vue – car en quelques 70 pages, nous ne saurions être

exhaustifs – à partir duquel envisager les moyens de lutter contre la fracture

numérique.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 14

Le problème de la mesure

Jean-François Soupizet propose une solution concrète au problème de la

mesure de la fracture numérique. Cette solution peut se décomposer entre

trois éléments.

Premièrement, Soupizet procède à un choix de 4 indicateurs :

1. le nombre de lignes principales pour 100 habitants (indicateur

historique) ;

2. la téléphonie mobile pour 100 habitants (nombre d’abonnés) ;

3. le nombre d’accès disponibles en matière d’ordinateurs personnels

(nombre de PC pour 100 habitants) ;

4. le nombre d’utilisateurs Internet (exprimé en pourcentage de la

population).

Deuxièmement, il les passe au spectre de l’analyse en composantes

principales, c’est-à-dire le traitement par combinaisons linéaires des 4

indicateurs retenus, puis leur représentation en un axe ou un plan. Les

variables auront été centrées réduites, afin de ne pas dépendre de valeurs

absolues, mais d’une matrice de corrélations.

Enfin, Soupizet va plus loin, en surpassant l’analyse en composantes

principales, pour proposer la notion de « distance numérique », « une

distance euclidienne dans le plan (F1, F2) qui est calculée en utilisant les

abscisses d’un point selon F1 et F2 et en mesurant les distances avec le

point de référence » (Soupizet, Ibid). Ainsi il conserve l’avantage de

l’analyse en composantes principales avec variables centrées réduites –

construire un système de pondérable applicable aux variables centrées

réduites – et y ajoutant celui de pouvoir introduire des variables

supplémentaires.

Par ailleurs, une étude du MIT21 propose une approche intéressante – sous

la forme d’une matrice à six dimensions – pour évaluer le niveau de

développement des TIC. Les six dimensions sont les suivantes :

1. Pervasiveness – omniprésence : nombre d’internautes par habitant

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 15

2. Geographic dispersion – dispersion géographique : mesure de la

concentration d’Internet en points de présence, c’est-à-dire le nombre

d’endroits à partir desquels on peut accéder à Internet

3. Organizational Infrastructure – infrastructure organisationnelle : état de

l’industrie et du marché des FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet) ; contrats

d’exploitation, interconnexion réticulaire (mesurés en Mbps)

4. Connectivity Infrastructure – infrastructure dédiée à la connectivité :

nombre de dorsales nationales et internationales, points d’échange et

méthodes pour résoudre le problème du dernier kilomètre

5. Sectoral Absorption – absorption sectorielle : mesure du degré

d’utilisation d’Internet dans le monde des affaires, dans le domaine de la

santé et dans les secteurs publics (nombre d’ordinateurs connectés, nombre

de sites)

6. Sophistication of Use – sophistication d’utilisation : degré de substitution

d’Internet aux autres moyens de communication comme le téléphone ou le

fax, c’est-à-dire utilisation massive et exclusive d’e-mail, de chat, de jeux en

réseau, de téléphone par IP. Mais aussi complexité des sites Web (sites

dynamiques), utilisation d’applications hébergées en ligne, commerce

électronique...

Toutefois, ces instruments, pour féconds et différents qu’ils soient,

convergent par leur nature d’instruments de mesure quantitatifs de la

fracture numérique.

Éric Guichard22 remet en perspective cette approche en y apportant une

dimension critique ; il parle de « dictature des nombres » dont il rend « la

CIA » et d’autres organismes responsables. Il voit dans cette approche

statistique de la fracture numérique le signe d’un « déterminisme

technologique » qui assimilerait abusivement équipement, usage et

appropriation. Il est rejoint dans cette analyse par Jean-Pierre Pinet et Bruno

Oudet23 qui récusent à leur tour l’analyse de la fracture numérique comme

seul « objet d’études statistiques pour l[a] mesurer ». Ils fondent leur

analyse sur les travaux reconnus de Mark Warschauer24, lequel condamne la

« vision binaire » (ordinateur + connectivité) pour s’intéresser au processus

d’inclusion sociale à l’œuvre implicitement dans la résolution de la fracture

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 16

numérique. Redonnons la parole à Éric Guichard qui prolonge cette analyse

en énonçant à partir des travaux de Jack Goody la nature de « technologie

de l’intellect » des NTIC. Et c’est ainsi qu’il va jusqu’à proposer – et les

auteurs cités précédemment dans ce paragraphe partagent ce point de vue –

une autre approche, qualitative et synthétique, là où l’approche de Soupizet,

de l’étude du MIT, de la CIA et d’autres organismes (on peut légitimement

penser à l’ONU ou l’UNESCO qui ne sont pas avares de statistiques en tous

genres sur la fracture numérique, surtout si l’on repense au propos d’Aurélie

Laborde18) était quantitative et analytique. Cette approche alternative est

incarnée par la notion de literacy (en français « lectronisme »), c’est-à-dire

l’alphabétisation des NTIC, indispensable pour résorber la fracture

numérique, qui devient la « fracture cognitive » de l’illectronisme.

Toutefois, cette alternative – pour brillante et prometteuse qu’elle puisse

être – nous paraît difficilement opératoire dans la mesure où ses défenseurs

ne nous fournissent ni bilan de l’illectronisme ni méthodologie permettant

de définir et de mettre en place concrètement cet outil de mesure et de le

mettre précisement en corrélation avec le problème de la fracture

numérique.

Mais pour aller plus loin, il nous faut savoir quelques mesures engager, au

sens de décisions à prendre pour réduire la fracture numérique. Mais,

compte tenu du très vaste champ d’acception de cette notion – comme nous

avons pu le voir précédemment, il nous faut désormais adopter un point de

vue, afin de poursuivre plus en profondeur le problème et d’en examiner les

solutions.

Point de vue adopté

À ce stade, il n’est pas inutile de resituer le contexte exact d’émergence du

concept de fracture numérique. Ce sera un indice précieux sur le point de

vue adopté à l’époque. La notion de « fracture » ou de « fossé numérique » émerge, à la fin des années 1990 aux États-Unis, sous la plume des rapporteurs de la National Telecommunications and Information Administration (NTIA) de l’US Department of Commerce, Economics and Statistics. L’expression « digital divide », rend alors

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 17

compte de l’accroissement des écarts dans les taux d’équipement et d’utilisation des technologies de l’Internet entre les populations les mieux dotées économiquement et scolairement et les publics les moins favorisés au regard de ces mêmes critères25.

Ainsi, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce ne sont donc pas

l’UNESCO, l’ONU ou le PNUD qui ont parlé, les premières, de « fracture

numérique », bien qu’elles aient par la suite largement réutilisé cette

thématique par la suite, comme nous l’avons vu plus haut. Au départ, le

point de vue adopté est celui d’un État, l’État fédéral des États-Unis qui

analyse sa situation intérieure. Nous sommes, au début du moins, loin des

considérations tiers-mondistes, qui instrumentaliseront le thème de la

fracture numérique pour en faire l’ultime rédempteur du sous-

développement.

Nous nous proposons donc d’appliquer ce point de vue à notre étude,

analysant ainsi le problème au niveau d’un État, en nous plaçant dans la

peau d’un rapporteur au gouvernement. Afin de simplifier la clarté et

l’intérêt de notre démarche, nous avons choisi de traiter le cas français.

Nous validerons nos hypothèses et assertions à l’aide de données récentes,

précises et chiffrées ainsi que de textes de spécialistes reconnus.

Nous allons donc étudier les enjeux – et donc les leviers – de la réduction de

la fracture numérique en France et ce, à trois niveaux.

1. Les infrastructures

2. L’accès à ces infrastructures

3. Les usages de ces accès

Puis nous verrons qu’au-delà de ces enjeux, la France est appelée, à travers

le problème de la fracture numérique, à répondre à un triple défi.

1. L’aménagement de son territoire

2. L’e-gouvernance

3. Sa compétitivité

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 18

II. Enjeux

Quels sont les enjeux et donc les leviers de la réduction de la fracture

numérique en France ?

Comme pour la réduction de la fracture numérique en général, ces enjeux

sont au nombre de trois. Le monde numérique repose sur les TIC et ces TIC

reposent sur des infrastructures qui permettent la communication. Le

premier enjeu est donc celui des infrastructures. Dans un deuxième temps,

même si les infrastructures sont en place, il faut encore pouvoir y accéder.

Le deuxième enjeu est celui de l’accès. Enfin, même si on a accès à la

technologie, encore faut-il être en mesure de s’en servir. C’est le troisième

enjeu, celui de l’usage.

Ce que nous allons montrer – tant pour les particuliers que pour les

entreprises – comme étant plus particulier à la France – en tant que pays

développé, tout du moins – c’est le fait que le problème ne vient pas tant des

infrastructures, qui sont pour la majorité d’entre elles présentes, de moins en

moins de l’accès qui est en voie de plus en plus rapide de démocratisation,

mais bien celui de l’usage de ces technologies, qui sont loin d’être

uniformément maîtrisées. Selon Médiamétrie, 40 % des ménages français étaient équipés d’un micro-ordinateur en septembre 2003 et 27 % possédaient une connexion à l’Internet à domicile. Autre fait significatif : les abonnements haut débit (câble et ADSL) auraient progressé, pendant la seule année 2002, de 250 % et auraient dépassé le seuil des deux millions, en septembre 2003. Ces chiffres montrent combien l’Internet est désormais entré dans les habitudes d’une grande partie de la population française. Ces mêmes chiffres ne doivent pas nous faire oublier l’existence d’une fracture numérique liée à l’accès à l’Internet, mais aussi aux usages de l’Internet26.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 19

II.1. Les infrastructures

Les infrastructures sont la base nécessaire à l’existence d’un monde

numérique. Il nous faut tout d’abord les définir, puis analyser leur

répartition sur le territoire français.

Quelles sont les infrastructures qui se cachent derrière le mot

« TIC » ?

Nous avons vu ci-avant que le problème de l’existence des TIC pouvait se

résumer à l’existence d’Internet lui-même, d’une part par sa prépondérance

et d’autre part compte tenu de l’effet de convergence des TIC, qui toutes

reposent, sur la capacité à se connecter au Réseau.

Or, pour se connecter à Internet, il faut au moins 4 éléments.

1. Il faut être relié aux autres maillages internationaux. Cela passe par des

points et artères de transmission internationaux (terrestres ou par satellite),

des câbles sous-marins (notamment pour être relié à la Grande-Bretagne ou

aux États-Unis) ou encore un raccordement au backbone (dorsale) européen.

2. Il faut des serveurs de relais et d’hébergement – on les regroupe plus

globalement sous l’appellation de serveurs Web27. En 2000, Joël de Rosnay

dressait un récapitulatif du nombre de serveurs Web28 (ici serveurs de relais)

permettant de situer la France parmi les 10 pays européens les mieux

connectés : 1. Allemagne 1 300 000 2. Royaume-Uni 1 260 000 3. Pays-Bas 490 000 4. Finlande 460 000 5. France 450 000 6. Suède 380 000 7. Italie 330 000 8. Norvège 300 000 9. Espagne 250 000 10. Suisse 220 00029

3. Il faut un réseau national. Ce réseau peut être animé avec des liaisons

fibres optiques, des liaisons hertziennes ou des câbles sous-marins

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 20

nationaux. Il faut y ajouter des points et artères de transmission nationaux,

des centres d’hébergement et des sites de régénération locaux.

4. Il faut des terminaux : ordinateurs, téléphones portables...

Pour animer ces équipements, il faut encore l’implantation de normes de

connectivité. Nous pouvons les classer en trois catégories.

1. La connexion par ADSL

Cette connexion utilise les fréquences hautes de la paire de cuivre

raccordant l’abonné au réseau téléphonique commuté, les fréquences basses

étant utilisées par la téléphonie. Ainsi on peut se connecter à Internet tout en

gardant la possibilité de téléphoner en même temps. Les données de la

connexion Internet sont acheminées sur la paire tout comme celles de la

téléphonie, de l’ordinateur jusqu’à un « répartiteur ». De là les données

Internet transitent sur un réseau IP distinct.

2. La connexion par câble

La connexion par câble utilise les réseaux câblés installés à l’origine pour la

diffusion audiovisuelle. Notons que la connexion par câble a été le premier

type de connexion haut débit disponible.

3. La connexion par Boucle Locale Radio (BLR) et par le Wifi Dans le jargon des télécommunications, la « boucle locale », c’est la paire de fils qui établit le circuit téléphonique entre chaque abonné et son central téléphonique. La boucle locale radio (ou BLR) reprend ce concept pour une transmission hertzienne, c’est-à-dire sans fil. Elle peut être, à terme, amenée à remplacer les boucles locales filaires actuelles dans les régions où la pose de câble s’avère compliquée. C’est en effet une solution beaucoup plus souple que la pose de câbles téléphoniques. La bande de fréquences allouée à ce service est celle des 26 GHz. Le premier service BLR commercial a été proposé par Cegetel Caraïbes en Guadeloupe et en Martinique30.

La BLR est une technologie sans-fil raccordant des abonnées fixes, équipés

d’une antenne, via un réseau hertzien à un point d’accès Internet. Les offres

actuelles proposent des débits allant de 64 kbits/s à 34 Mbits/s. Précisons

que les abonnés sont en majorité des entreprises31. Le WiMax est une BLR

particulière.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 21

Le Wifi permet un accès point-à-point ou point-à-multipoints et une

communication sans-fil entre utilisateurs. Il peut proposer également des

accès à haut débit dans des lieux publics à forte affluence (hot spots) comme

les gares, les aéroports, les hôtels... Il peut également servir à la connexion

de régions isolées. Le débit peut atteindre jusqu’à plusieurs dizaines de

Mbits/s. À noter que le Wifi s’inscrit plus généralement dans les

technologies de réseaux locaux sans-fil (RLAN).

Précisons qu’il est également possible de se connecter à Internet en bas

débit par un modem classique via la ligne téléphonique – on parle aussi de

connexion RTC, Réseau Téléphonique Commuté. Mais le combat pour la

réduction de la fracture numérique ne saurait porter sur le bas débit. Ce

dernier, même s’il a eu un rôle historique, est trop lent, trop cher, trop faible.

Du reste, son taux de couverture est de 100 % puisqu’il correspond au taux

de couverture de la téléphonie fixe – soit 34 millions de lignes

téléphoniques. Ce n’est donc pas là que le bât blesse. Le problème est celui

de l’exclusion du haut débit et de ses possibilités autrement plus

alléchantes : vitesse et temps de connexion illimitée, notamment – on sort

alors vraiment de l’ère du Minitel, celle d’une consultation facturée au

temps passé. L’heure est désormais au « Haut Débit : pour tous, partout »

comme énoncé par le gouvernement en novembre 2002 sous la forme du

plan de mobilisation RE/SO2007 visant à donner accès à Internet à haut

débit dans toutes les communes de France à un coût abordable à l’horizon

2007. François d’Aubert, Ministre délégué à la Recherche – lors de la

présentation du guide « Haut Débit : pour tous, partout » le vendredi 5

novembre 2004 – a d’ailleurs déclaré : « L’accès à l’Internet à haut débit

pour tous constitue aujourd’hui un enjeu essentiel pour le développement

compétitif de notre territoire et pour la cohésion sociale de notre pays.

Porteur de services nouveaux, il permet désormais à tous les Français un

accès facilité aux soins, à l’éducation ou encore aux services publics. »

Si l’on en croît le rapport de l’ORTEL – Observatoire Régional des

Télécommunication32, aussi bien les équipements que les normes de

connectivité sont implantées au niveau national.

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Pour les équipements, nous pouvons même ajouter, pour constituer le réseau

national, le recours possible au réseau EDF équipé en fibres optiques, le

réseau autoroutier ou encore les réseaux d’initiative publique. En ce qui

concerne l’équipement en terminaux, il convient d’évoquer le cas des

ordinateurs d’une part et celui des téléphones mobiles d’autre part.

Au niveau de l’équipement informatique, un récent rapport du CRÉDOC33

évoque une « accélération de la diffusion du micro-ordinateur ». Le taux d'équipement des particuliers en micro-ordinateur n'en finit pas de croître, année après année. Parmi les adultes, le seuil symbolique des 50% a été atteint en juin 200434.

Les raisons avancées sont au nombre de cinq :

1. La poursuite de la baisse des prix

2. La convergence croissante entre les TIC, qui fait de l’ordinateur, plus que

jamais la pierre angulaire de l’appropriation domestique de ces nouvelles

technologies

3. L’accès à Internet en lui-même

4. L’amélioration incessante de l’offre par les distributeurs de matériel

informatique, toujours à l’affût du design le plus alléchant et le plus vendeur

5. L’immersion des nouvelles générations dans les NTIC

Au niveau de l’équipement micro-informatique des entreprises, le bilan est

également plutôt bon. Une enquête émanant de BNP Paribas Lease Group35

reprise dans l’édition 2004 du tableau de bord du commerce électronique

français36 nous permet d’avoir des indicateurs concernant les PME de 6 à

200 salariés pour l’année 2003. Il en ressort principalement les éléments

suivants :

- le nombre moyen d’ordinateurs par entreprise est de 10, chiffre

stable depuis 2001 ;

- l’équipement informatique est très variable selon les secteurs (14

ordinateurs en moyenne par entreprise dans les services, mais

seulement 4 dans le BTP – cet écart pouvant toutefois s’expliquer

par la nature même de l’activité.

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Quant au téléphone portable, son exceptionnel taux d’équipement semble ne

faire aucun doute. Après plusieurs années de diffusion exceptionnelle (jamais, en effet, dans l’histoire des biens d’équipement, un produit ne s’était répandu aussi rapidement que le téléphone mobile), il semble aujourd’hui évident que le téléphone portable approche de son taux de pénétration maximal. En juin 2003, 62 % de la population sont équipés, soit près de deux personnes sur trois. Dans l’absolu, ce chiffre est considérable eu égard au fait qu’il y a six ans, le taux de pénétration du produit ne dépassait pas 10 % : c’est dire le succès de cette innovation qui a radicalement changé les comportements des consommateurs vis-à-vis de la téléphonie33. L’événement marquant de ce baromètre 2004, c’est la nouvelle accélération dans le taux d’équipement des Français en téléphone mobile. Cette configuration est atypique. Jusqu’ici, la diffusion du téléphone portable suivait une trajectoire relativement prévisible, selon une traditionnelle courbe en « S ». On pouvait prévoir, en extrapolant la tendance passée, un taux d’équipement de 64% pour cette année. Or, celui-ci est passé à 68% au mois de juin 2004. La hausse est donc de 6 points en une année, c’est une relative surprise34.

Pour ce qui a trait à l’implantation des normes de connectivité, il convient

d’en dresser une radioscopie.

Radioscopie de l’implantation des normes de connectivité en

France

L’ADSL

L’implantation de l’ADSL (Figure 7 - Implantation de l'ADSL en France (fin

2003)) suit logiquement celui des grandes villes : Rennes, Nantes, Caen,

Rouen, Poitiers, Paris, Amiens, Lille, Châlons-en-Champagne, Strasbourg,

Orléans, Dijon, Besançon, Limoges, Clermont-Ferrand, Lyon, Bordeaux,

Toulouse, Montpellier et Marseille.

Le schéma proposé ci-avant par l’ortel nous permet tout d’abord de

distinguer 3 types d’infrastructures ADSL :

1. La couverture DSL France Télécom totale

2. La couverture DSL France Télécom partielle

3. L’accès à une offre DSL dégroupée

Cette typologie est à rapprocher de celle des « offres de collecte » ADSL :

- l’offre de collecte IP ADSL de France Télécom, dite « option 5 » ;

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- une offre de collecte d’un opérateur tiers, elle-même construite sur l’offre

ADSL Connect de France Télécom, dite « option 3 » ;

- une offre de collecte d’un opérateur tiers, construite sur du dégroupage

partiel, dite « option 1 ».

La distinction des couvertures France Télécom s’explique par le rôle

d’opérateur « historique » de France Télécom, qui avec sa marque Wanadoo

continue de tenir le haut du pavé sur le marché (49 % fin 2004, source

ART).

Couverture totale signifie 99 % de la commune prise en compte. Couverture

partielle signifie 50 % de la commune prise en compte, sauf pour les

départements 75, 92, 93 et 94 où le taux est porté à 80 %. Cette dernière

distinction laisse entrevoir une différence entre ces 4 départements

« phares » et le reste de la France.

Globalement, fin 2003, près de 76 % de la population peut accéder à l’offre

de France Télécom, laquelle couvre 75 % des territoires bâtis.

Mais dans le courant de l’année 2004, la situation s’est encore nettement

améliorée. Fin 2004, la couverture de la population passe ainsi à 89 % (Figure 10 - Taux de couverture, par département, de la population en ADSL

France Télécom (fin 2004)).

L’accès à une offre DSL dégroupée repose, comme son nom l’indique, sur

une ligne dégroupée. Qu’est-ce que cela signifie exactement ? On dit qu’une ligne téléphonique est « dégroupée » lorsqu’elle est raccordée par un opérateur différent de France Télécom. Dans ce cas, celui-ci loue la ligne à France Télécom et la connecte à son réseau propre, au niveau du central téléphonique local (le « répartiteur »). Le dégroupage se décline en deux options : – le dégroupage partiel permet à l’opérateur alternatif de proposer un service haut débit xDSL sur la bande de fréquences haute de votre ligne, tandis que France Télécom continue de fournir le service de téléphonie sur la bande basse : vous conservez donc l’abonnement téléphonique de France Télécom en cas de dégroupage partiel ; – le dégroupage total permet à l’opérateur alternatif de raccorder l’intégralité de votre ligne à ses propres équipements, et donc de vous fournir à la fois la téléphonie et le haut débit : vous n’êtes donc plus abonné à France Télécom en cas de dégroupage total37.

Toutefois, l’existence de l’offre DSL dégroupée ne permet pas d’étendre la

surface de l’implantation de l’ADSL, sauf dans le cas de la Réunion où ce

dégroupage concerne les seules entreprises. En réalité, aucun opérateur ne se

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risque à lancer une offre là où France Télécom n’en a pas proposé ou plutôt,

par nature, là où le dégroupage est possible, l’offre France Télécom l’est

aussi et elle est donc déjà proposée. Le dégroupage agit en fait

indirectement sur la réduction de la fracture numérique, par la réduction des

prix (Figure 11 - Impact des diversités géographique et concurrentielle sur les

tarifs de l'accès Internet au grand public). Fin 2003, 24 % des lignes sont

dégroupables. Même si fin 2004, ce chiffre passe à 45 % (Figure 12 - Taux de

couverture, par département, de la population ayant accès à une offre DSL

dégroupée (option 1) fin 2004), certains n’hésitent pas à parler de l’émergence

d’une nouvelle fracture numérique, celle de l’éligibilité des lignes ADSL au

dégroupage38. [...] une tendance de plus en plus prégnante sur le marché de l’ADSL dans l’Hexagone : le fossé se creuse entre les forfaits réservés aux clients qui résident dans des zones de dégroupage (grosso modo les zones urbaines denses) et les autres. Il s’agit ici d’une autre forme de fracture numérique, moindre que celle qui divise bénéficiaires de l’ADSL et les « non éligibles », mais qui risque de susciter la grogne de nombreux internautes39.

Une « grogne » compréhensible car l’impact tarifaire est réel : Ainsi, Télé2 affiche de nouveaux tarifs très attrayants, mais uniquement pour les zones dégroupées. Là, les clients paient désormais 14,90 euros par mois pour un accès à 1024 kbits/s (256 kbits/s en émission) alors que les autres doivent se contenter de 128/64 kbits/s seulement, pour le même prix. Idem pour le forfait à 19,85 euros par mois : le débit de 2 048/256 kbits/s pour les internautes « dégroupés » tombe à 512/128 kbits/s pour les autres (les prix impliquent la présélection téléphonique, à défaut, le client devra rajouter 5 euros). Même politique chez Club Internet. […]

Et l’auteur de conclure, justifiant ainsi l’opposition qu’il fait entre « l’ADSL

des villes et l’ADSL des champs ». Malgré ces discours, force est de constater que le dégroupage est encore et surtout une affaire de grandes villes (Paris, Marseille, Lyon...)39. Ce débat s’inscrit dans celui, plus large, de la concurrence par les

infrastructures40.

Toutefois, il n’en reste pas moins que sur l’ensemble des offres ADSL, c’est

quelques 10 % de la population française qui reste exclue (Figure 13 -

Diversité des opérateurs de connexions permanentes sur la boucle locale (fin

2004)) constituant une vaste « zone blanche », une sorte de « e-no man’s

land ».

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LE CÂBLE

Trois types d’infrastructure câble sont répertoriés (Figure 8 - Implantation du

câble en France (fin 2003)) :

1. Le câble TV, qui ne nous intéresse pas ici

2. Le câble TV et Internet

3. Le câble TV et Internet téléphonique

Le câble TV et Internet est implanté de façon très sporadique : on le trouve

surtout à Paris, Lille, Strasbourg, Besançon, Orléans, Limoges, Bordeaux,

Toulouse, Montpellier et Marseille. Mais il faut bien noter que c’est une

infrastructure de centre-ville et collective, car c’est là que se concentrent les

réseaux câblés, localisés dans les immeubles. Toutefois précisons que pour

des raisons à la fois historiques et réglementaires, les réseaux câblés ne

couvrent pas de manière homogène tout le territoire français mais sont

éclatés en zones, chacune de ces zones étant exploitée par un ou plusieurs

opérateurs. Soulignons également le point technique suivant : l’accès à

Internet sur le câble nécessite une phase de numérisation et mise à niveau

des réseaux.

Cela vaut également pour le câble TV et Internet téléphonique, à la

différence que celui-ci se concentre exclusivement sur Paris et Lyon – lieu

de ses premières expérimentations. Il faut ajouter que l’avantage de la

téléphonie par Internet n’est pas réel pour le câble, même dans l’optique

d’une grande convergence télévision - Internet - téléphonie, car rapidement,

les offres ADSL ont proposé la même chose – Free, tout d’abord, avec la

FreeBox puis France Télécom avec la LiveBox avant la généralisation à

toutes les opérateurs.

Globalement, l’accès à Internet par le câble est disponible sur 6 millions de

lignes réparties dans 650 communes et totalisant environ 15 millions

d’habitants.

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BOUCLE LOCALE RADIO ET WIFI

La cartographie de l’implantation des technologies de la BLR et de la Wifi (Figure 9 - Implantation de la Boucle Locale Radio et du Wifi en France (fin

2003)) est plus originale. On retrouve l’implantation – BLR et Wifi – dans

les grandes agglomérations comme pour l’ADSL et pour le câble. Mais on

peut remarquer, en plus, une myriade d’implantations inédites – dues à de

multiples expérimentations Wifi, en particulier dans les zones difficiles

d’accès comme les zones de montagne, pas ou peu desservies jusqu’à

présent. Il y a là manifestement une démarche de désenclavement des zones

exclues des TIC et donc un puissant levier de réduction de la fracture

numérique.

Autre élément inédit, la forte présence d’opérateurs alternatifs comme

Altitude (le nom n’est pas fortuit), Neuf Telecom (devenu Neuf Cegetel

depuis le 11 mai 2005) ou encore l’opérateur réunionnais SRR.

Dans le cas de la BLR, c’est surtout la technologie WiMax qui est en vogue.

Après une vague d’expérimentations prometteuses – notamment en Alsace,

les institutions officielles poussent à son implantation étendue.

Le 8 juillet 2005, l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications

Électroniques et des Postes) expliquait la procédure d’attribution des

licences en France. Un mois plus tard, elle précisait la marche à suivre pour

la présentation des candidatures qui ont jusqu’au 14 octobre 2005 pour se

manifester.

Pour le Wifi, la législation précise ceci : – Les implantations ne sont possibles que dans les 58 départements autorisés (des extensions sont prévues pour juillet 2003 et la totalité du territoire en janvier 2004) ; cela est dû à des fréquences qui ne sont pas encore libérées par le ministère de la Défense ; – Toute installation extérieure est soumise à une autorisation préalable fournie par l’ART. Les opérateurs de télécommunications sont dispensés d’une telle autorisation ; – Les autorisations sont données à titre d’expérimentation pour une période maximale de 18 mois, elles sont délivrées gratuitement41.

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Toutefois le 15 juillet 2005, la Commission Européenne incitait à plus de

souplesse en élargissant le spectre des fréquences utilisables par les réseaux

sans-fil. Notons aussi néanmoins que dans le cas des implantations inédites – et

contrairement aux hotspots – le Wifi se retrouve souvent couplé au satellite,

ce qui résout le problème de l’absence d’infrastructures filaires. De fait, tout

transite par le satellite qui fournit la liaison puis la répartition se fait par

Wifi dont les bornes servent de relais. Se pose toutefois le problème de la

reproductibilité technique à grande échelle de ce genre d’initiative. Le

premier obstacle est le coût : 15 000 à 20 000 € pour monter une antenne.

Deuxièmement, un obstacle géographique : un mur, des arbres suffisent à

barrer le passage au signal. Enfin, technologique : du fait de la mutualisation

du débit, il y a un risque de monopolisation de la bande passante42.

Les technologies sans-fil, si elles tiennent leurs promesses – dans le cas du

WiMax – ou si elles arrivent à lever les derniers obstacles de leur

implantation massive pourraient bien, dans un proche avenir, sinon

concurrencer l’ADSL – nous avons vu que ce rôle est plutôt dévolu au

câble, qui ne le joue pas en France, compte tenu de sa faiblesse40 – du moins

constituer des alternatives viables afin de pallier les insuffisances du roi

ADSL. Roi, l’ADSL l’est incontestablement en totalisant à lui seul 93 % des

abonnements haut débit. Insuffisant, l’ADSL l’est aussi pour couvrir les

derniers 10 %, trop dispersés pour la technologie filaire que reste l’ADSL.

Son insuffisance vient aussi de celle de ses débits, qui s’effondrent dès que

l’on s’éloigne du central téléphonique ou encore limités, ce qui concerne les

débits montants (en upload), et ce, compte tenu de la nature profondément

asymétrique de l’ADSL - le a est pour asymetric. Nous avons examiné le

Wifi et le WiMax. Que reste-t-il ? Le CPL – Courant Porteur en Ligne – qui

permet de remplacer les lignes téléphoniques par les lignes électriques.

Avantage, son implantation est équivalente à celle de l’électricité. Autant

dire tout le monde, partout. Autre avantage, la symétrie des débits.

Expérimental, le CPL ne l’est plus depuis avril 2005, date à laquelle Patrick

Devedjian, ministre délégué à l’industrie a levé le caractère expérimental de

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 29

cette technologie. Seulement, un obstacle demeure et vient ternir ce tableau

idyllique : compte tenu des attributions d’EDF – un autre opérateur

historique, mais dans l’énergie cette fois – le CPL ne peut donner lieu à la

commercialisation d’un accès Internet ; il se retrouve donc cantonné à une

utilisation en réseau local. Qu’avons-nous encore ? La fibre optique et les

réseaux 3G. La première est une technologie de choix dans le cas de

l’ultime recours : les réseaux d’initiatives publics dans le cadre de la

délégation de service public par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Nous y reviendrons (cf. plus loin « L’ultime alternative ? : la délégation de

service public et les réseaux d’initiatives publiques »). La deuxième entraîne

des prix prohibitifs et un débit insuffisant utilisée conjointement avec un

ordinateur ou un changement de terminal – mais dans ce dernier cas,

l’obstacle est de taille car l’ordinateur reste, et de loin, le terminal privilégié

d’accès à Internet33 et non le téléphone portable.

Enfin le cas du satellite est celui de l’ultima ratio car en plus du coup

prohibitif (3 000 à 5 000 € HT pour l’installation et un abonnement d’un

an), le temps de réponse (ping) est très élevé, ce qui réduit le champ

d’applications d’Internet (vidéo-conférence ou téléphonie par IP).

Accordons toutefois à cette technologie le double avantage de la facilité

d’installation et son imbattable taux de couverture : 100 % du territoire. Ainsi entre les promesses du WiMax et les limites – actuelles – du Wifi, la

faible implantation du câble, la frustration règlementaire du CPL et le pis-

aller du satellite, nous retrouvons l’« e-no man’s land » que nous avions

quitté avec l’ADSL. Allant plus loin que la distinction entre les zones

desservies par le haut débit et celles qui ne le sont pas, dépassant le débat

entre « l’ADSL des villes et l’ADSL des champs », Stéphane Lelux va

jusqu’à évoquer la réalité d’une France numérique à 3 vitesses.

1. les pôles privilégiés (ou zones blanches, dans la représentation de

l’auteur) regroupant 65 % de la population mais seulement 10 % du

territoire ; Les territoires (communes, zones d’activités…) qui offrent un potentiel économique important et sont situés à proximité immédiate des grands réseaux d’infrastructures nationaux et internationaux :

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– Ces territoires bénéficient des investissements spontanés des opérateurs ; – Les utilisateurs profiteront des effets directs de la concurrence ; – Les services innovants s’y développeront plus rapidement et inciteront des prestataires de services nouveaux à venir s’y développer (activités liées au secteur des TIC). Bien que ces territoires soient « privilégiés », une intervention des collectivités pour rendre réellement opérationnel le dégroupage ou la diffusion des BLR est utile43.

2. les pôles d’opportunités (ou zones grises) regroupant 10 % de la

population et 10 % du territoire ; Les territoires qui disposent d’un potentiel économique mais qui sont isolés des grandes infrastructures, ou à proximité de celles-ci mais offrant un potentiel trop insuffisant dans l’immédiat pour attirer les investisseurs : – Ces territoires seront couverts par l’offre de France Télécom (exemple ADSL…), mais ses concurrents investiront très rarement dans la boucle locale (quelques BLR et quelques réseaux câblés) ; – Les utilisateurs disposeront d’une offre de service mais d’une faible dynamique concurrentielle qui ne s’exercera qu’au niveau des services (exemple : choix du fournisseur d’accès Internet) et rarement des réseaux ; – Dans ces territoires les collectivités peuvent contribuer à la dynamique du marché en agissant notamment par le biais de la « commande publique » (achat de service de type « haut débit ») qui représente dans certains cas près de 50 % du potentiel de marché local. Les collectivités pourraient être ainsi un moteur à l’arrivée du haut débit sur la boucle locale sans nécessairement investir dans des infrastructures mais essentiellement par une politique d’achat dynamique et contribuant à la diversité des offres (plusieurs opérateurs)43.

3. les pôles d’exclusion numérique (ou zones noires) regroupant 25 % de la

population et 80 % du territoire. Ces territoires sont les « laissés pour compte » de la vague de développement des réseaux numériques « haut débit » (« vide numérique »). Il s’agit de la plupart des territoires ruraux, mais aussi de zones peu denses situées en périphérie d’agglomérations. – France Télécom considère que près de 25% de la population ne sera pas couverte par son offre ADSL et encore moins par ses évolutions futures (DSL…), – Ces zones sont caractérisées par l’absence de solution technologique « haut débit » de masse à l’exception de l’offre par satellite. Cette dernière n’est absolument pas comparable en termes de qualité de services et de coûts. – Les utilisateurs seront contraints d’utiliser des technologies « bas débit » (RTC, RNIS). Les plus gros consommateurs (grandes entreprises) devront disposer de solutions dédiées (liaisons louées, accès satellites, faisceau hertzien point à point). Pour les autres utilisateurs, le seul recours sera de se regrouper pour disposer d’un accès partagé. Sur ces territoires, l’intervention publique est indispensable pour permettre une réelle diffusion des services « haut débit »43.

Le schéma de la Figure 14 - France du haut débit d'ici 2005, vers un territoire à

trois vitesses (TACTIS, 2002) résume cette typologie de la France à 3 vitesses.

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Outre cette catégorisation, il ressort du propos de Lelux l’émergence des

collectivités locales comme le dernier recours. Alors les collectivités

locales, l’ultime alternative ? C’est ce que nous allons examiner. L’ultime alternative ? : la délégation de service public et les réseaux d’initiatives publics

En décembre 2004, devant le double défi de la réduction de la fracture

numérique et de l’accroissement de la compétitivité des offres – et

pourrions-nous ajouter de leur équité, l’ART encourageait les collectivités

locales – à l’occasion d’un colloque consacré aux « Enjeux des collectivités

territoriales dans les télécommunications » – à s’impliquer directement dans

la réduction de la fracture numérique en mettant en place leur propre réseau

haut débit44 – un tel réseau est appelé « réseau d’initiative publique ». Il faut

préciser depuis 2004 et l’entrée en vigueur de la loi sur la confiance dans

l’économie numérique (LCEN), les collectivités locales sont habilitées à

devenir elles-mêmes opérateurs télécoms. L’ART a souligné également le

décalage entre les nouveaux services et débits proposés en zones denses et

ceux proposés en zones moins peuplées. Le président de l’ART, Paul

Champsaur, a ainsi déclaré : « Le dynamisme impulsé dans les grandes

villes a révélé une besoin de financement public pour compléter ou prendre

le relais hors de ces zones » (discours de conclusion du colloque).

Toutefois, il met également en garde contre le risque de « distorsions de

concurrence » susceptibles d’advenir dans le cas d’une « intervention

publique dans un secteur marchand ».

De fait, les conditions de mise en place de réseaux par les collectivités

locales sont réglementées par l’article l.1425-1 du code général des

collectivités territoriales (CGCT). Cet article précise qu’une collectivité

locale peut devenir opérateur télécoms dans le cas où l’initiative privée est

insuffisante ou – à plus forte raison – inexistante ou encore en cas de

monopole. Toutefois, l’intervention publique doit s’accompagner de

l’ouverture effective des réseaux créés et donc de la revente des services de

bande passante (pour les entreprises) et des lignes d’abonnés haut débit à

tous les FAI intéressés.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 32

Cela explique sans doute pourquoi l’ART privilégie les délégations de

services publiques (DSP)45 à un prestataire privé, mode d’intervention

désormais autorisé par le CGCT. Les DSP ont en effet pour avantage de

mutualiser et de réduire les coûts d’infrastructures et d’équipement – les

charges et le risque étant répartis entre le prestataire et la collectivité locale.

Un argument de poids en faveur des DSP dans la mesure où le coût d’une

telle opération – pour un département par exemple – peut atteindre plusieurs

dizaines de millions d’euros, une somme prise en charge à hauteur de 50 à

80 % par la collectivité, suivant le taux de subvention.

Enfin, deux dernières précisions d’ordre général :

1. selon le principe de non-distorsion de concurrence, les tarifs

pratiqués dans le cadre de la DSP ne peuvent être inférieurs à ceux

pratiqués par les acteurs en présence – quand il y en a. Donnons à cet

égard quelques exemples de tarifs pratiqués par les DSP :

2. Tableau 1 - Exemples de tarifs pratiques pour les prestations commercialisées dans le cadre de DSP

annuelle 0,3 à 2,5 € par mètre Location de fibres

contrat longue durée 0,3 à 1 euro par mètre

512 Kbits/s 11 à 12 € par mois Ligne d’abonné pour une collecte départementale

2 Mbits/s 15 à 16 € par mois

512 Kbits/s 12 à 14 € par mois Ligne d’abonné pour une collecte nationale

2 Mbits/s 18 à 21 € par mois

10 Mbits/s 500 à 1 000 € par mois

100 Mbits/s 1 000 à 2 500 € par mois Bande passante

1 Gbits/s 2 500 à 5 000 € par mois

Source : ART, « Points de repère sur l’intervention des collectivités locales dans les télécommunications », décembre 2004

2. la collectivité locale se voit déléguée les prérogatives de l’ART sur son

territoire, à savoir qu’elle est chargée localement de la régulation tarifaire

des prestations des opérateurs.

Par ailleurs, il faut noter que l’alternative des réseaux d’initiatives publiques

n’est pas que législative ; elle est aussi technologique. Car dans le cas de ces

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 33

réseaux, c’est la fibre optique qui est de plus en plus souvent utilisée. La

fibre optique est certes utilisée dans d’autres cas (notamment dans la

connexion de la France au reste du monde), mais pas de bout en bout de la

chaîne46, sauf dans le cas d’accès collectifs à très haut débit, pour des

universités par exemple (citons la connexion T1 de Jussieu).

Le 29 juin 2005, deux sénateurs – Jean-François Poncet et Claude Belot,

respectivement élus de Lot-et-Garonne et de Charente-Maritime – ont invité

les collectivités locales à davantage recourir à la fibre optique, dans un

rapport intitulé « Rapport d’information fait au nom de la délégation du

Sénat à l’aménagement et au développement durable du territoire sur

“Internet haut débit et collectivités territoriales” »47.

Quels sont les avantages de la fibre optique ? Selon Stéphane Lelux, c’est la

technologie « la plus pérenne [20 ans de durée, précise Claude Belot –

NdA], la plus structurante et la plus compatible avec la volonté d’ouverture

à la concurrence ». Ajoutons une largeur de bande passante très élevée (100

Gbits/s par fibre), un poids et un volume très faible et une bonne résistance

aux conditions climatiques et une insensibilité aux interférences

électromagnétiques. Lelux voit dans la fibre optique la solution aux besoins

de déploiement des réseaux d’initiatives publics au point de déclarer ceci : «

La fibre est le moyen de transport universel des trente années à venir, et va

progressivement remplacer le cuivre ». Par cuivre, il faut comprendre toute

l’infrastructure soutenant les réseaux téléphoniques et dérivés, y compris

l’ADSL, source selon Lelux de « monoculture technologique ».

Cela dit, la fibre optique présente aussi quelques inconvénients. Tout

d’abord, le prix très élevé, « principalement à cause des coûts de génie civil

nécessaires à son installation », comme le rappelle Claude Belot dans le

« Rapport d’information fait au nom de la délégation du Sénat à

l’aménagement et au développement durable du territoire sur “Internet haut

débit et collectivités territoriales” ». Précisons que France Télécom dispose

de pans entiers de fibre non activée. Il lui est néanmoins impossible de louer

cette fibre aux collectivités qui se retrouvent donc dans l’obligation de

l’acheter, alors qu’il eût été bien moins coûteux de la louer. Ce problème de

coût en entraîne un autre : celui de la rentabilité dans les cas des zones où la

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 34

population est trop dispersée – à cet égard, la fibre optique n’échappe pas à

la règle des technologies filaires. C’est pourquoi, Claude Belot ne préconise

la fibre optique que dans le cas de « zones présentant une densité de

population et une rentabilité suffisantes ». Mais alors quid des autres

zones ? On revient aux promesses du WiMax et à la frustration statutaire du

CPL, même s’il est précisé que ce dernier pourrait être intéressant dans le

cas de l’« accès au dernier kilomètre » en zone rurale (Claude Belot).

Si l’on dresse le bilan des réseaux d’initiatives publiques, on peut recenser,

selon Belot, 55 projets d’infrastructures « effectivement lancés ou sur le

point de l’être »47. La ventilation par type de collectivité est aussi

intéressante : 25 projets pour les structures intercommunales, 21 pour les

départements et le reste, soit 9 projets, aux régions. Fin juin 2005, le

principe de DSP par concession est majoritaire, même s’il est talonné de très

près par le montage juridique et financier ad hoc classique (Figure 15 -

Réseaux d'initiatives publiques (juin 2005)).

Le niveau des investissements semble tout à fait satisfaisant et même

prometteur pour l’avenir. Selon Stéphane Lelux, « [i]n fine, ce sont les

investissements publics qui constituent le relais de croissance face au

ralentissement des investissement privés depuis trois-quatre ans. Entre 1996

et 2001, 45.000 à 50.000 kilomètres de réseau filaire ont été déployés par

des opérateurs privés. Depuis, moins de 2.000 kilomètres ont été déployés.

Quant à France Télécom, il affirme avoir déployé autant que ses

concurrents entre 1996 et 2003. Pour les trois à cinq prochaines années,

l’investissement public pourrait égaler l’investissement privé réalisé entre

1996 et 2001. »48. Ce surcroît d’investissement public compense un déclin

de l’investissement privé – les opérateurs privés, soucieux d’une rentabilité

à 5 ans – se contentent d’exploiter leurs acquis ou de miser sur le

dégroupage48. Du reste, on commence à voir nettement les effets de ces

investissements sur les réseaux à fibre optique (Figure 16 - Réseaux optiques

des opérateurs alternatifs et réseaux d'initiatives publiques (fin 2004)).

On le voit, il y a prise de relais des opérateurs privés aux collectivités

locales, mais le problème de zones blanches (localisables sur la figure 7),

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 35

exclues du haut débit, reste entier. Comme le résume fort bien Claude Belot,

«[i]l convient [désormais] de distinguer, parmi les zones blanches, entre

celles qui devraient, à plus ou moins brève échéance être équipées en ADSL

et celles qui pourraient rester durablement non durablement non couvertes

en raison de l’absence de répartiteur et de perspectives insuffisantes de

rentabilité économique. Pour ces zones blanches résiduelles, l’utilisation

des technologies alternatives sera, dès lors, incontournable. Il reste que, de

l’avis de l’ensemble des interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur, la

question de la couverture en haut débit peut être considérée comme

potentiellement réglée. »47

Synthèse : Nous aurons mis en évidence ici – tant pour les particuliers que

les entreprises – la couverture grandissante, écransante mais encore

incomplètes de l’ADSL, les promesses du WiMax et les limites – actuelles –

du Wifi, la faible implantation du câble, la frustration règlementaire du CPL

et le pis-aller du satellite. Toutefois, même s’il en ressort une France « à

trois vitesses », en recoupant toutes ces technologies, « la question de la

couverture en haut débit peut être considérée comme potentiellement réglée

» et avec la question des infrastructures, dont on a pu voir que la diversité et

le développement ne manquaient pas, qu’en est-il du haut débit « réel », non

pas l’accès potentiel qu’offrent les infrastructures, mais l’accès concret,

effectif des utilisateurs au quotidien ?

II.2. L’accès Il est utile ici – pour la clarté du propos – de bien distinguer l’accès

théorique des infrastructures et l’accès réel des utilisateurs et des

abonnements. Après avoir étudié les premiers, nous nous intéressons dans

cette partie aux seconds.

Aussi puissantes, sophistiquées ou prometteuses que puissent être les

infrastructures d’accès à Internet en France, la réalité de cet accès est

quelque peu différente. Car même si les Français ont de plus en plus

massivement – mais potentiellement tant qu’ils n’ont pas souscrit un

abonnement avec un opérateur – au haut débit, nous verrons que la victoire

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 36

de ce dernier sur le bas débit est récente. Puis nous comparerons la réalité de

l’accès à Internet des Français selon le lieu de consultation (domicile, lieu

de travail, école). Enfin nous évoquerons le profil des utilisateurs.

La lente victoire du haut débit sur le bas débit

Pour la première fois en France, le nombre des abonnés à l’ADSL dépasse celui des abonnés à l’Internet bas débit. C’est ce qui se dégage de l’observatoire de l’Internet publié par l’Autorité de régulation des télécoms (ART), portant sur le quatrième trimestre 2004. Selon les données qu’elle a recueillies auprès des fournisseurs d’accès Internet, les connexions ADSL ont augmenté de 18,8% en trois mois, pour atteindre 6,5 millions d’abonnés. Tandis que la décroissance des accès bas débit s’est poursuivi à un rythme de 7% sur le trimestre. Résultat, 5,4 millions de personnes disposent toujours d’un tel accès. Au 31 décembre dernier, le nombre total d’abonnements atteignait 12 millions. Par ailleurs, le chiffre d’affaires global généré par les accès à Internet sur le quatrième trimestre est de 614 millions d’euros, en hausse de 2% par rapport au trimestre précédent49. Comment expliquer cela ? Certes, on peut évoquer le problème des

infrastructures. Mais nous avons noté plus haut que fin 2004, 89 % de la

population française disposait de l’opportunité d’accéder au haut débit par

l’ADSL. Le vrai problème est le décalage entre ces 89 % et la proportion de

54 % d’abonnements ADSL parmi les 12 millions d’abonnements fin

200450. Toutefois, ce décalage n’est pas exclusivement français, comme le

montre le tableau ci-dessous.

Part des internautes actifs à domicile connectés en haut et bas débit en Europe et aux États-Unis

Janvier 2004 Janvier 2005 Pays

Bas débit (<128 kbits)

Haut débit (>128 kbits)

Bas débit (<128 kbits)

Haut débit (>128 kbits)

Allemagne 65 % 35 % 50 % 50 %

Espagne 69 % 31 % 46 % 54 %

États-Unis 55 % (fév. 04) 44 % (fév. 04) 43 % 57 %

Italie 71 % 29 % 50 % 50 %

Royaume-Uni 71 % 29 % 43 % 57 %

Suède 69 % 31 % 61 % 39 %

Suisse 55 % 45 % 33 % 66 %

Source : Nielsen NetRatings, 2005

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 37

En réalité, nous devons à la vérité de mesurer cette victoire du haut débit à

l’aune des récents progrès accomplis en matière d’équipement haut débit en

France. À cet égard, les propos de Xavier Hussherr, directeur du

département Internet et nouveaux médias de Médiamétrie, sont sans

ambiguïté lorsqu’il déclare : « Internet a franchi une nouvelle étape de son

histoire. La France a basculé dans l’ère du haut débit »(Figure 1 - 3ème

trimestre 2004 : la barre symbolique des 50 % de foyers internautes connectés en

haut débit est franchie (source : Médiamétrie - Observatoire des Équipements

Multimédia, 2005)). 2004 semble bel et bien avoir été l’année de la

« consolidation » ; fin 2004, les internautes représentaient ainsi 46,3 % de la

population française, soit 23,7 millions de personnes de 11 ans et plus51. Du

reste, la comparaison du taux de pénétration du haut débit en France par

rapport à ses partenaires européens est éloquente (Tableau 2 - Taux de

pénétration du haut débit en Europe au 1er janvier 2004) : la France est dans la

moyenne des 15 ; elle avait un retard et elle est en train de le combler – et

encore, les chiffres ne datent que de janvier 2004.

En ce qui concerne les entreprises – et même si globalement le pourcentage

de salariés connectés, tous débits confondus, est bon (93 %) – le bilan,

concernant plus spécifiquement le haut débit est plus nuancé. Par rapport à

l’enquête émanant de BNP Paribas Lease Group, les chiffres concernant le

haut débit apparaissent sur un spectre plus large d’entreprises (de 6 à 500

salariés)52 et font apparaître très nettement une réalité à deux voire trois

vitesses, avec des entreprises de moins de 20 salariés faiblement équipées en

haut débit (de 16 % à 23 %), des entreprises de plus de 50 salariés

majoritairement connectées en haut débit (51 %) et des entreprises de 20 à

49 salariés en position intermédiaire (35 %). Le moyen débit (de 64 kbits/s à

128 kbits/s) représenté par le RNIS (Réseau Numérique à Intégration de

Services) semble définitivement écarté au profit de l’ADSL53.

Mais deux autres dimensions ajoutent à l’ampleur des inégalités : la

dimension géographique et la qualité des accès. En tenant compte de la

dimension géographique, on s’aperçoit du contraste entre le taux de

connexion à Internet dans les zones urbaines à forte densité (85 % en mars

2004) et celui constaté dans les zones à moindre densité (65-70 % à la

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 38

même date). Quant à la qualité des accès, elle est mesurée par la bande

passante par salarié – pour un indice 1 en mars 2001, il est supérieur à 6 fin

2003 dans les zones à forte densité, mais à peine de 3 dans les zones à faible

densité53.

Pour le reste, le cas de l’entreprise sera évoqué plus loin dans le cas de la

réalité de l’accès à Internet sur le lieu de travail et sera également concerné

– en tant qu’entité d’individus – par la fracture socio-économique de l’accès

à Internet et ses trois déclinaisons – fracture générationnelle, fracture

d’accessibilité et tout particulièrement la fracture des catégories socio-

professionnelles.

53,50%47,50%

41,10%

32,20%

50,10%

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

4500

4etrimestre

2003

1ertrimestre

2004

2etrimestre

2004

3etrimestre

2004

4etrimestre

2004

0,00%

10,00%

20,00%

30,00%

40,00%

50,00%

60,00%

Nombre de foyers ayantaccès au haut débit

Pourcentage de lapopulation des internautes

Figure 1 - 3ème trimestre 2004 : la barre symbolique des 50 % de foyers internautes connectés en haut débit est franchie (source : Médiamétrie - Observatoire des Équipements Multimédia, 2005) Tableau 2 - Taux de pénétration du haut débit en Europe au 1er janvier 2004

Rang Pays Nombre de lignes pour 100 habitants

1 Danemark 12,7

2 Belgique 12,1

3 Pays-Bas 11,5

4 Suède 10,4

5 Finlande 8,4

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 39

5 Autriche 8,4

7 Allemagne 5,6

8 Espagne 5,5

9 Royaume-Uni 5,3

10 Portugal 4,9

11 Italie 4,7

12 Luxembourg 2,8

13 Irlande 0,9

14 Grèce 0,1

Moyenne sur les 15 États membres de l’UE 6,0

Source : Commission Européenne, mars 2004

Pour aller plus loin, il nous faut maintenant étudier la réalité de l’accès à

Internet des Français selon deux critères : le premier sera le lieu de

consultation, le deuxième sera la catégorie socio-professionnelle.

La réalité de l’accès à Internet des Français selon le lieu de

consultation

Dans les lignes qui vont suivre, nous nous appuierons essentiellement sur

l’étude du CRÉDOC sur la diffusion des technologies de l’information dans

la société française33. Nous allons suivre cette étude dans la démarche qui

consiste à distinguer la réalité de l’accès à Internet en fonction du lieu :

domicile, lieu de travail, école, lieu public.

AU DOMICILE

Au domicile, la première ligne de fracture est celle qui sépare les quelques

31 % de Français qui ont accès à Internet à leur domicile des autres. Avoir

accès à Internet à domicile reste, aujourd’hui encore en France, un fait

minoritaire. Toutefois, la situation change rapidement. Aujourd'hui, plus d'une personne sur trois dispose d'une connexion à Internet à domicile. Parmi la population adulte, le taux d'équipement est passé de 30% à 35% en un an. Rappelons qu'il y a cinq ans seulement, seuls 6% des plus de 18 ans étaient équipés34.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 40

La deuxième ligne de fracture est celle qui sépare les 54 % de Français qui

bénéficient du haut débit et les 46 % qui – volontairement ou

involontairement – restent au bas débit. Mais là encore, les choses bougent. La diffusion d'Internet dans les foyers se fait à grande vitesse… et haut débit, car plus d'une ligne sur deux bénéficie aujourd'hui d'une connexion ADSL ou câble34.

La troisième ligne de fracture est le profil socio-économique des internautes

à domicile. Nous y reviendrons plus loin.

LIEU DE TRAVAIL / ÉCOLE

Parmi les actifs, 33 % ont accès à Internet sur leur lieu de travail. Il faut

noter par ailleurs que 43 % des actifs travaillent sur un ordinateur. Il s’en

suit que les trois quarts des actifs qui utilisent un ordinateur ont également

accès à Internet.

Près de trois quarts des adolescents ont accès à Internet sur leur lieu

d’études.

En cumulant les deux volets, on parvient au chiffre de 39 % de personnes

ayant accès à Internet sur son lieu de travail ou son lieu d’études. Et ce

chiffre s’améliore encore. Près d'un actif ou un étudiant sur deux dispose d'une connexion à Internet sur son lieu de travail : 46% exactement. Ce chiffre est en nette progression depuis un an : + 7 points. En fait, la croissance est même plus rapide que celle enregistrée pour les connexions à domicile (celle-là étant passée dans le même temps de 31 à 36%)34.

Mais un autre fait marquant mérite notre attention : celui des sphères privées

et professionnelles. En effet, « 41 % des individus qui disposent d’une

connexion à Internet sur leur lieu de travail ou d’études utilisent Internet à

des fins personnelles. La proportion est de 37 % chez les adolescents et de

43 % chez les adultes. »33

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 41

LIEU PUBLIC

Par lieu public, il faut comprendre cybercafé, bibliothèque, bureau de

poste... En 2003, on estimait que 16 % de la population s’était déjà

connectée à Internet dans un lieu public. De plus, cette pratique a tendance à

se répandre puisque le chiffre n’était que de 11 % en juin 2001.

Toutefois la plupart de ces utilisateurs ne le sont que de façon occasionnelle.

Le mode de connexion privilégié reste bel et bien la connexion à domicile.

Cependant, il faut noter que sur les 16 % de la population (17 % en 200434)

que représentent ces utilisateurs, 5 % de la population ne sont ni équipés ni

chez eux ni à leur travail. Ces 5 % représentent tout de même 3 millions de

personnes. Le recours aux cybercafés, bibliothèques et autres bureaux de

poste permet donc de réduire la fracture numérique54.

Ainsi, entre l’accès à domicile, celui sur le lieu de travail ou le lieu d’études

et celui dans les lieux publics, Régis Bigot arrive – après recoupement des 3

ensembles présentés dans le tableau ci-dessous – au chiffre de 49 %

d’internautes.

Tableau 3 - Les internautes : pourcentage de personnes disposant d’une connexion chez elles, au travail ou sur leur lieu d’études, ou qui se sont déjà connectées dans un lieu de public (extrait)

Juin 2003 Lieu de connexion

Population globale (12 ans et plus)

Connexion à domicile 31 %

Connexion sur le lieu de travail ou d’études 27 %

Connexion dans un lieu public 16 %

Internautes 49 %

Source : Crédoc, enquêtes sur les « Conditions de vie et les Aspirations des Français »

Ce chiffre étonnant de 49 % d’internautes est malheureusement terni par un

problème méthodologique grave. À aucun moment, Bigot ne nous explique

comment il fait pour additionner ces pourcentages pour finalement atteindre

49 % ; le détail de ses recoupements ne nous est pas donné55. Par

conséquent, nous ne pouvons que regarder ce pourcentage de 49 %

d’internautes en France en juin 2003 qu’avec circonspection surtout

lorsqu’il rentre en contradiction avec les chiffres d’une source autrement

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 42

plus fiable, Médiamétrie. Pour fin 2003, Médiamétrie donne le chiffre de

42,6 % d’internautes. Médiamétrie ne partage l’optimisme de Bigot que sur

un point : la fulgurante augmentation du nombre d’internautes depuis 2001,

comme le montre le graphique ci-dessous. En trois ans, le pourcentage

d’internautes passe ainsi de 31 % à 46 %, soit 8 millions de nouveaux

internautes !

2372321765

18057

15653

30,90%

35,50%

42,60%

46,30%

0

5000

10000

15000

20000

25000

fin 2001 fin 2002 fin 2003 fin 20040,00%

5,00%

10,00%

15,00%

20,00%

25,00%

30,00%

35,00%

40,00%

45,00%

50,00%

Nombre d'internautes

Pourcentage de lapopulation de 11 ans etplus

Figure 2 - Au 4ème trimestre 2004, la France compte près de 24 millions d'internautes (source : Médiamétrie, 2005). Le nombre d'internautes est exprimé en milliers. Un communiqué de presse du 22 août 2005 émanant de Médiamétrie56 nous

permet de poursuivre d’analyse et de corriger davantage les chiffres donnés

par Bigot, sinon par la méthodologie, par leur nouveauté.

Ainsi, en juillet 2005, le pourcentage d’internautes parmi la population des

plus de 11 ans s’élève à 46,9 % pour atteindre l’effectif de 24 300 000

Français – soit une évolution de + 8 % par rapport à juillet 2004. Au

deuxième trimestre 2005, le nombre de foyers ayant accès à Internet est de 8

705 000 soit 34,4 % des foyers – contre 31,7 % des foyers avec 8 022 000

foyers en juillet 2004, soit le chiffre de Bigot, mais un an plus tard !

Enfin le pourcentage des abonnés haut débit (ADSL ou câble) parmi les

abonnés Internet à domicile est, en juillet 2005, de 78,8 % (13 215 000

personnes) – contre 64,2 % avec 9 632 000 abonnés en juillet 2004, soit une

évolution de 37 % !

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 43

Mais au-delà de ces résultats finalement réjouissants, plus ou tard, selon la

méthodologie, une réalité plus inquiétante se cache : la fracture numérique

socio-économique de l’accès à Internet.

La fracture socio-économique de l’accès à Internet

Lorsque nous abordions plus haut l’approche thématique de la fracture

numérique, nous avions vu la mise en garde de Jacques-François

Marchandise contre 5 inégalités – rappelons-les : 1. La fracture générationnelle due principalement à l’accélération temporelle provoquée les NTIC : PAO... 2. La fracture culturelle due à l’avènement fulgurant d’une approche textuelle, technique et abstraite de l’information et de la communication 3. La fracture géographique entre Nord et Sud, villes et campagnes 4. La fracture d’accessibilité (handicap, état de santé) en voie de réduction même si les coûts pour y parvenir sont considérables 5. La fracture au sein des corps sociaux due à l’émergence d’une logique horizontale du travail

Nous avons d’ores et déjà abordé la fracture géographique dans la partie

consacrée aux infrastructures57. La fracture culturelle et celle survenant au

sein des corps sociaux concernent davantage le problème des usages

d’Internet. Nous y reviendrons donc plus loin.

Il nous reste donc à aborder ici 2 fractures : la fracture générationnelle et la

fracture d’accessibilité, auxquelles nous ajouterons celle des catégories

socio-professionnelles.

LA FRACTURE GÉNÉRATIONNELLE

Tableau 4 - France : profil des internautes par âge (en décembre 2004)

Internautes de 11 ans et plus qui se sont connectés au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion (travail, domicile, école, etc.)

Âge Pourcentage dans la population d’internautes (décembre 2004)

Pourcentage dans la population française (âgée de plus de 11 ans)

11-15 ans 12,7 % 7,2 %

16-24 ans 23,3 % 13,3 %

25-34 ans 19,3 % 15,1 %

35-49 ans 25,7 % 24,7 %

50-64 ans 15,3 % 20,6 %

65 ans et + 3,8 % 19,1 %

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 44

Internautes de 11 ans et plus qui se sont connectés au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion (travail, domicile, école, etc.)

Source : Médiamétrie, avril 2005

La fracture générationnelle apparaît lorsque l’on met en relation les deux

faits suivants :

1. Les moins de 35 ans représentent la majorité des internautes (55,3 %)

alors qu’ils sont largement minoritaires dans la population (35,6 %) – les

écarts les plus spectaculaires apparaissant pour les 11-15 ans et les 16-24

ans.

2. À l’inverse les 50 ans et plus représentent près de 40 % de la population

mais n’apparaissent qu’à hauteur de 20 % dans la population des

internautes.

Comment expliquer ces écarts ? On peut évoquer bien sûr le fait que les

jeunes générations sont nées avec l’informatique dans les mains et avec

Internet à portée de main. Il est donc logique qu’elles soient davantage

technophiles, et ce, d’autant que leur environnement immédiat (amis, école)

l’est de plus en plus. Toutefois, Jacques-François Marchandise lui-même

limite la portée de cette interprétation première : Derrière une réalité statistique simple à comprendre (les jeunes générations sont nées « avec » les nouvelles technologies et les appréhendent facilement), plusieurs éléments de complexité sont à intégrer. Tout d’abord, on constate que la fracture numérique peut commencer tôt, dès l’âge scolaire, entre les enfants qui ont accès au Net à l’école ou en famille et les autres, entre les écoles qui réussissent l’intégration des TIC et les autres. Ensuite, on observe l’appropriation progressive des TIC par les jeunes seniors, qui disposent de temps libre et de revenus élevés. Enfin, une lecture moins individuelle des mutations générationnelles est peut-être nécessaire : ce ne sont pas seulement les personnes qui ont du mal à « s’adapter », mais souvent les métiers et les pratiques qui changent ou disparaissent. […] [L]es rédactions de presse, les maisons d’édition, les imprimeries changent de visage depuis la PAO ; le métier de dirigeant de PME ou les pratiques associatives sont profondément modifiées58. Quand Jacques-François Marchandise parle d’« appropriation progressive

des TIC par les jeunes seniors », on peut légitimement penser à une

réduction de la fracture générationnelle. Cela n’a, de fait, pas manqué de se

produire. Au moment où Marchandise parle, fin 2001, les chiffres étaient

autrement plus préoccupants.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 45

Tableau 5 - France : profil des internautes par âge (en décembre 2001)

internautes de 11 ans et plus qui se sont connectés au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion (travail, domicile, école, etc.)

Âge Pourcentage dans la population d’internautes (décembre 2001)

Pourcentage dans la population française (âgée de plus de 11 ans)

11-15 ans 11,4 % 7,2 %

16-24 ans 28,8 % 13,3 %

25-34 ans 18,3 % 15,1 %

35-49 ans 25,3 % 24,7 %

50-64 ans 13,7 % 20,6 %

65 ans et + 2,5 % 19,1 %

Source : Médiamétrie, avril 2005

1. Les moins de 35 ans représentaient déjà la majorité des internautes – une

majorité plus forte (58,3 %) – alors qu’ils sont largement minoritaires dans

la population (35,6 %) – les écarts les plus spectaculaires apparaissant pour

les 11-15 ans et les 16-24 ans.

2. À l’inverse les 50 ans et plus représentent près de 40 % de la population

mais n’apparaissaient qu’à hauteur de 16 % dans la population des

internautes. Marc Coutty développe cette analyse dans un article intitulé « Internet : La

fracture numérique entre les générations se réduit ». Les dernières études montrent que les seniors sont loin d’être imperméables aux nouvelles techniques de l’information. L’idée reçue selon laquelle les générations les plus anciennes seraient imperméables aux nouvelles techniques d’information et de communication (NTIC), et particulièrement à l’utilisation d’Internet, est battue en brèche par diverses études récentes. Ainsi, celle de Sim Scanner Interdéco Expert, réalisée en 2003 pour le magazine Notre temps, affirme que les 50- 64 ans sont de plus en plus intéressés par la navigation sur la Toile et le courrier électronique. Elle confirme les résultats d’une enquête du CRÉDOC pour l’Autorité de régulation des télécommunications, qui montre que les baby-boomers (de 40 ans à 59 ans) ressemblent beaucoup à leurs cadets de la tranche d’âge entre 25 à 39 ans, du point de vue des comportements de consommation des NTIC. Le développement d’Internet concerne également les personnes âgées, celles qui ont passé 60 ans, ainsi que le révèle une troisième étude, menée notamment à Parthenay, dans les Deux-Sèvres, où a été développée une politique locale d’expérimentation baptisée « Ville numérisée », dont rend compte un article d’Emmanuel Eveno et Philippe Vidal, « Les personnes âgées face à la société de l’information », publié dans Les Techniques de la vie quotidienne, âges et usages (CNAV, collection “MiRe”, 2002)59.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 46

Cependant, Coutty met deux bémols à ce bel optimisme. Le premier est lié à

« la crainte d’une fracture numérique [...] réelle pour le moment pour les

cohortes les plus âgées » évoquée par le sociologue Jean-Philippe Viriot-

Durandal. Le second bémol concerne plus directement les seniors français. En règle générale, les seniors français utilisent moins Internet que leurs voisins européens, du fait d’un sous-équipement informatique. M. Viriot-Durandal remarque que, « si 36 % des Européens de plus de 50 ans possèdent un ordinateur personnel à la maison, les Français ne sont que 31,5 % dans ce cas, contre 41,4 % des Allemands et 58,1 % des Néerlandais ». Ainsi, dans l’Europe des Quinze, la France est ainsi à la traîne, en onzième position59. LA FRACTURE D’ACCESSIBILITÉ

Cette fracture concerne les personnes atteints d’un handicap ou affaiblis par

leur état. Pourtant, Jacques-François Marchandise n’en fait pas la fracture la

plus préoccupante. Elle recouvre une grande diversité de cas particuliers, dont le moins mal traité est à ce jour celui des mal-voyants ou non-voyants : les responsables de sites Internet ou intranet et les développeurs d’applications peuvent se référer aux recommandations du W3C et, en France, aux synthèses de la MTIC et d’autres organismes, à l’expertise et à l’activité de Braillenet et au modèle de quelques réalisations exemplaires. D’autres initiatives comme Yanous, soutenu par Microsoft, ou comme les projets soutenus par la fondation Groupama, contribuent à réduire un important clivage. À travers des développements particuliers, destinés par exemple à l’accès des enfants hospitalisés à l’éducation, ou adaptant la micro-informatique aux handicapés moteurs, les TIC sont souvent les vecteurs d’une réduction de ce type d’exclusion. Mais les coûts des équipements et des technologies, les possibilités de prise en charge et la formation des accompagnants deviennent dès lors déterminants58. LA FRACTURE DES CATÉGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES

En 2003, Régis Bigot déclarait : Le niveau de diplôme, le niveau de revenus et la profession sociale révèlent des différences encore plus importantes : 9 % des non diplômés ont un accès Internet à domicile, contre 60 % des diplômés du supérieur ; le taux est de 66 % chez les cadres supérieurs, contre 19 % chez les femmes au foyer, 21 % chez les ouvriers et 32 % chez les employés ; il est enfin de 67 % chez les titulaires de revenus supérieurs à 3 100 €, contre 14 % chez les individus disposant de moins de 900 €33. De fait, sur un spectre fin 2001-fin 2004, les catégories socio-

professionnelles (CSP) semblent bel et bien être une ligne de fracture

persistante. Une ligne de fracture entre les CSP + et les étudiants –

nettement surreprésentés parmi les internautes – d’une part et les CSP –, les

retraités et autres inactifs d’autre part, nettement en retrait (

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Tableau 6 - France : part des internautes par CSP).

Tableau 6 - France : part des internautes par CSP

internautes de 11 ans et plus qui se sont connectés au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion (travail, domicile, école, etc.)

CSP fin 2001 fin 2002 fin 2003 fin 2004 Part dans la population

française âgée de 11 ans et plus

CSP + 33,1 % 32,5 % 31,8 % 34,4 % 20,8 %

CSP - 20,9 % 24,8 % 23,9 % 24,7 % 30,5 %

Retraités 4,3 % 4,3 % 5,1 % 5,7 % 21,0 %

Étudiants 26,9 % 20,7 % 20,4 % 19,8 % 10,5 %

Autres inactifs 14,8 % 17,7 % 15,8 % 15,4 % 17,2 %

Source : Médiamétrie, avril 2005

Mais ce n’est pas tout, une dernière discrimination, à la lisière des CSP,

apparaît : celle du sexe. Les hommes, minoritaires dans la population

française, sont majoritaires parmi les internautes et il s’agit, là encore, d’un

phénomène durable – même si l’écart a tendance à s’estomper.

Tableau 7 - France : part des internautes par sexe

internautes de 11 ans et plus qui se sont connectés au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion (travail, domicile, école, etc.)

Sexe fin 2001 fin 2002 fin 2003 fin 2004 Part dans la population

française âgée de 11 ans et plus

Homme 59,9 % 56,0 % 53,9 % 53,0 % 48,2 %

Femme 40,1 % 44,0 % 46,1 % 47,0 % 51,8 %

Source : Médiamétrie, avril 2005

Comment expliquer un tel écart ? Un rapport récent de l’UNESCO60 avance

plusieurs raisons.

La première serait tout d’abord le rapport ambigu des femmes à la

technologie. Les femmes ont souvent une attitude ambiguë envers la technologie et les machines, pour avoir de tout temps été socialisées dans la croyance que les machines et la technologie sont le domaine des hommes et non des femmes et des filles, ce qui crée un préjugé sexiste dans les attitudes devant l’étude ou l’utilisation de la technologie de l’information. Sitôt arrivées à l’école, les filles sont détournées de l’étude de la science et de la technologie, consciemment ou non, par les préjugés des parents et des enseignants. Le « décrochage » constant des filles et des femmes tout au long du système formel de science et de

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 48

technologie, depuis l’école élémentaire jusqu’aux postes de décision a été qualifié de « tuyau percé »60.

Le manque de temps est une deuxième raison. Les femmes doivent

davantage aller à l’essentiel quand elles surfent sur Internet. Le manque de

contenus approprié est aussi évoqué. Enfin le manque de représentativité des

femmes dans les organes de décision (privés ou publics) est une autre raison

avancée.

Afin de mettre en perspective notre propos sur l’accès réel à Internet, citons

Fabrice Le Guel et Thierry Pénard qui nous rappellent le profil des premiers

internautes : Il faut se rappeler que les premiers internautes se sont démarqués très nettement du reste de la population : selon l’enquête initiée en 1994 par l’institut technologique de Géorgie GVU, les primo-adoptants de l’Internet étaient relativement jeunes – 34 ans en moyenne –, de sexe masculin, d’un niveau d’étude élevé, disposaient d’un revenu supérieur à la moyenne et étaient fortement attirés par les nouvelles technologies26.

A contrario, Philippe Cazeneuve recense, à partir des résultats du projet

Insertion Emploi.net à l’initiative du Conseil Général du Lot (programme

EQUAL), les publics les plus éloignés d’Internet : - les jeunes de moins de 25 ans, demandeurs d’emploi, sans formation professionnelle ; - les chômeurs de longue durée ; - les travailleurs handicapés (la fracture d’accessibilité ne serait donc pas si minime) ; - les femmes n’ayant jamais travaillé ; - les femmes ayant interrompu leur vie professionnelle pour des raisons familiales ; - les bénéficiaires des minima sociaux ; - les salariés faiblement qualifiés, fragilisés dans leur emploi par la généralisation des TIC10.

Régis Bigot regroupe les critères les plus discriminants dans l’accès aux

nouvelles technologies en les classant par le coefficient de Gini61.

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Coefficients de Gini en %

25 2421

19

6

0

5

10

15

20

25

30

CS

P

Dip

lôm

e

Rev

enu

Âg

e

Tai

lled

'ag

glom

érat

ion

Coefficients de Gini en %

Figure 3 - Les critères les plus discriminants dans l'accès aux nouvelles technologies (micro-ordinateur, accès à Internet à domicile, téléphone portable) – utilisation du coefficient de Gini Source : CRÉDOC, enquête sur les « Conditions de vie et les Aspirations des Français », juin 2003

En parlant de « primo-adoptants » (ou premiers adeptes), Fabrice Le Guel et

Thierry Pénard font référence à la courbe de Rogers datant de 1962 et

représentant le rythme de diffusion des innovations.

Figure 4 - Courbe de Rogers (1962) : diffusion des innovations Innovators : innovateurs Early Adopters : premiers adeptes (ou primo-adeptes) Early Majority : majorité précoce Late Majority : majorité tardive Laggards : retardataires

Il faut mettre en relation cette courbe avec une courbe de Rogers – la courbe en S (Figure 5 - Courbe en S de Rogers), qui met en évidence l’adoption différentielle dans le temps pour une même personne des innovations.

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L’exemple historique fourni par Rogers était celui du fermier qui pouvait être un innovateur ou un primo-adepte sur le maïs hybride mais un retardataire sur l’adoption du magnétoscope.

Figure 5 - Courbe en S de Rogers Ainsi si les rythmes d’adoption d’Internet sont différents, comment ne pas

imaginer que les usages ne le soient pas également ?

II.3. Les usages Nous suivrons Jean-François Rouet62 en distinguant 3 aspects dans l’usage

d’Internet :

1. La durée et la fréquence d’usage

2. Les services utilisés

3. L’intérêt pour ces mêmes services

La durée et la fréquence d’usage

De façon générale, comme le montre ce graphique établi à partir des

données de Médiamétrie, les internautes français passent de plus en plus de

temps en ligne.

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16h09min

6h59min

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

Internautes bas débit Internautes haut débit

Internautes bas débit

Internautes haut débit

Figure 6 - En un an, le temps total passé en ligne par mois a augmenté de près de 2 heures. Cette croissance s'explique en partie par le comportement des internautes en haut débit qui passent 9h10 de plus sur Internet que les internautes bas débit Source : Médiamétrie/NetRatings, Panel France – Domicile et/ou lieu de travail, décembre 2004 – Applications Internet Exclues La fracture est nette entre ceux qui doivent payer au temps passé sur Internet

– les internautes bas débit – et ceux qui disposent d’un accès permanent et

illimité – les internautes haut débit. Comment croire que les usages des deux

catégories d’internautes sont les mêmes ?

Avant de répondre à cette question, un passage par l’analyse des fréquences

d’usage nous permet de collecter quelques informations supplémentaires et

d’affiner ainsi cette première approche de l’usage. On apprend ainsi que les

« trois quarts des individus qui jouissent d’un abonnement à Internet se

connectent au minimum une à deux fois par semaine » et même que « près

d’un sur deux se connecte […] tous les jours »34. Plus encore, l’enquête

révèle que ces chiffres ne dépendent pas de l’âge, du sexe, du niveau

d’études ou encore de la catégorie socio-professionnelle. Ce qui signifie

comme l’énonce Régis Bigot que « lorsqu’un ménage est équipé d’une

connexion à Internet, toute la famille s’en sert »34. La fracture ne serait donc

pas à chercher ici ? Pas sûr, car demeure un chiffre dont Bigot minimise

l’importance mais dont nous soulignons l’impact car il nous choque : il y a

11 % de Français qui disposent d’un accès Internet à leur domicile et

qui pourtant ne se connectent jamais !34

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Les services utilisés Le verdict de Médiamétrie semble sans appel (Figure 17 - Bas débit ou haut

débit : les services demandés ne changent pas) : le passage du bas au haut

débit n’aurait eu pour effet que d’allonger la connexion à des services qui

dans leur nature et dans leur répartition n’aurait pas fondamentalement

changé.

Ce sont bel et bel les services de communication qui restent en tête :

télécoms, recherche & communautés et informations.

Dans le cas des entreprises, cette tendance se confirme. Le type d’utilisation

majoritaire reste le courrier électronique – utilisé par ailleurs par 90 % des

entreprises selon un bulletin d’information du Ministère de l’Économie, des

Finances et de l’Industrie63 – quel que soit le secteur. En 2e position vient la

relation client / fournisseur, sauf dans le secteur des transports où il s’agit de

la banque.

En fait cette analyse tient tant que l’on parle de types de services. Car au

niveau des services eux-mêmes, trois services bien distincts semblent

toutefois se détacher du lot pour les particuliers : l’achat en ligne (Figure 18 -

L'explosion de l’achat en ligne), le peer-to-peer (Figure 19 - L'essor du peer-to-

peer) et la téléphonie en ligne (Figure 20 - Skype ou le boom de la téléphonie en

ligne).

Pourtant, il est bien difficile de considérer que tout le monde utilise Internet

de la même manière. Pour en savoir plus, penchons-nous sur l’intérêt porté

par les différents groupes d’usagers à ces mêmes services.

L’intérêt pour ces mêmes services

Afin de rendre notre propos le plus clair possible, nous nous proposons de

reprendre les trois services qui ont le vent en poupe – l’achat en ligne, le

peer-to-peer et la téléphonie en ligne – et décryptons le profil de ses usages.

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L’ACHAT EN LIGNE

Fabrice Le Guel, Thierry Pénard et Raphaël Suire26 ont très bien analysé les

motivations de l’acheteur en ligne. Leurs résultats sont étonnants. Ils

rejettent la thèse du déterminisme socio-économique, parfois même en

l’inversant – ainsi de la profession. Plus généralement, les auteurs ont mis

en évidence l’absence de corrélation entre les revenus et la tendance à

acheter sur Internet26.

De même la barrière de l’âge (sauf pour les 15-20 ans, en raison de la non-

détention de carte de crédit) est balayée. Il en est de même pour le niveau

d’études, le sexe ou encore le lieu d’habitation (ville – campagne) 26.

La technophile ne joue pas davantage. Ni l’accès à haut débit26.

Parmi les facteurs ayant un effet d’entraînement sont en fait seuls reconnus

« l’influence de l’entourage » et « l’usage quotidien de l’Internet ».

LE PEER-TO-PEER

En nous appuyant sur les travaux de Régis Bigot34, on peut constater que le

profil de l’utilisateur de peer-to-peer – à part le quasi-impératif technique du

haut débit – est à peine plus « typé »33, un peu orienté toutefois vers les

étudiants. Rappelons enfin que le peer-to-peer touche toutes les classes sociales […] : 32% des cadres supérieurs qui disposent d'une connexion à Internet s'y adonnent, de même que 35% des personnes percevant plus 3 100 € mensuels et 32% des diplômés du supérieur [mais aussi 35 % des ouvriers]. Au demeurant, cette pratique concerne principalement les 18-24 ans (49%) et les étudiants (42%)34.

Par ailleurs, Régis Bigot enregistre une stagnation du nombre d’utilisateurs

de peer-to-peer. L'information importante de cette année est la stabilisation de ce comportement : 31% des internautes en juin 2004, de même que 30% en juin 2003. Ces chiffres sont à mettre en relation avec les estimations de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI), selon lesquelles le nombre de fichiers musicaux disponibles dans le monde sur les réseaux peer-to-peer serait passé de 1 milliard en avril 2003 à 800 millions en janvier 2004. En France, la pratique du « piratage » reste importante, mais semble se tasser. Peut-être les récentes menaces de poursuites judiciaires des contrevenants sont-elles en train de porter leurs fruits ?34

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LA TÉLÉPHONIE EN LIGNE

Le phénomène de la téléphonie est trop récent pour que nous puissions

disposer d’une étude approfondie sur le profil des utilisateurs de téléphonie

en ligne, appelée aussi téléphonie par IP. Toutefois, nous savons d’ores et

déjà que la France est la première sur ce nouveau service Internet avec 1,2

millions d’utilisateurs dont plus de 500 000 sur Skype.

Si nous nous fiions au profil des utilisateurs de messagerie instantanée (de

type MSN, Yahoo, AIM), voici ce qui ressortirait : une pratique « dans

toutes les couches de la population », « les jeunes sont plus mordus que les

adultes (57 % des adolescents connectés à Internet, contre 36 % des 18 ans

et plus) », mais une « pratique […] aussi répandue chez les hommes que

chez les femmes, parmi les diplômés et les non diplômés, et davantage

parmi les bas revenus (52 %) que parmi les hauts revenus (28 %) »34.

Mais rien ne nous dit qu’il en soit ainsi, et ce, d’autant plus que,

contrairement au chat (le mot anglais pour messagerie instantanée), la

téléphonie IP est accessible sans ordinateur avec la FreeBox de Free ou la

LiveBox de France Télécom.

Au-delà de ce bref panorama exemplifié des usages, une nouvelle frontière

se dessine, celle de la fracture culturelle due à l’avènement fulgurant d’une

approche textuelle, technique et abstraite de l’information et de la

communication, telle qu’évoquée par Jacques-François Marchandise58.

Le premier obstacle est la relation au texte, qui correspond à un ensemble de difficultés allant de l’illettrisme à la mauvaise maîtrise du clavier - qui transforme la saisie d’un CV en parcours du combattant - ou à la méconnaissance de la langue (l’anglais pour les Français, le français écrit pour les Français d’intégration récente, les langues et typographies européennes pour les populations originaires du reste de la planète,...). Le second obstacle […] est la relation à l’abstraction, qui n’est pas une pure question de niveau de vie ou d’éducation ou de génération : une partie significative de la population, y compris parmi les CSP aisées, éprouve une réticence peut-être irréductible face à la dématérialisation des échanges. […] En matière de e-learning comme d’utilisation du multimédia, les principaux facteurs d’échec sont rarement matériels ou techniques. Cette fracture culturelle associée à la courbe de Rogers (Figure 4 - Courbe de

Rogers (1962) : diffusion des innovations) nous permet d’aboutir, en suivant,

Cazeneuve10 à une véritable typologie des usagers :

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Tableau 8 - Typologie des usages d'Internet

D’après méthode CAUTIC – Conception Assistée par l’Usage pour les TIC + + + – – –

Temps Nouveauté Rupture

Changement dans la continuité

Continuité avec un peu de changement

Inertie

Soi Sujet S’impose

Sujet Négocie

Sujet Suit

Objet Subit

Les autres / sociabilité

Ouverture complète

Ouverture sélective

Repli sélectif Fermeture

Espace / territoire

Illimité Large Restreint Refuge Citadelle

Mais à l’échelle gouvernementale, nous ne saurions aller plus loin dans la

tête de l’internaute. Des défis autrement plus globaux nous font face :

l’aménagement du territoire, l’e-gouvernance et la compétitivité – lesquels

nous permettront d’aborder la dernière fracture de Marchandise : la fracture

au sein des corps sociaux.

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III. Défis

Nous avons pu précédemment évaluer de façon chiffrée les tenants de la

fracture numérique. Nous avons pu la caractériser, la mesurer. Mais il faut

maintenant la résoudre. Or la résolution de la fracture numérique, celle du

triple enjeu des infrastructures, des accès et des usages ne saurait se faire in

abstracto. Elle se rattache à des préoccupations plus globales, et c’est ce qui

en fait un sujet si important et si brûlant.

De fait, nous allons voir que chacun de ses enjeux se rattache à un grand

défi français.

L’enjeu des infrastructures, comme nous le suggérions déjà un peu ci-avant

(notamment avec les réseaux d’initiatives publiques), est lié à

l’aménagement du territoire.

L’enjeu des accès peut se raccrocher à un accès décisif, celui de

l’administration en ligne, simplifiée pour tous. C’est, plus largement, le défi

de l’e-gouvernance.

Enfin l’enjeu des usages ne peut se concevoir sans l’impérieuse nécessité de

la compétitivité, celle des entreprises, à laquelle le recours aux NTIC doit

servir.

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III. 1. L’aménagement du territoire

L’association officielle de l’aménagement du territoire et du problème de la

fracture numérique est récente. Elle n’est faite qu’en juin 2004 avec

l’adoption de la loi « pour la confiance dans l’économie numérique » (loi

n°2004-575 du 21 juin 2004) qui donne un cadre juridique aux collectivités

locales souhaitant intervenir pour pallier une insuffisance du secteur privé

dans le domaine des télécommunications.

Dans sa mise en œuvre, cette loi est associée à la loi Sapin sur la délégation

de service public – DSP45.

Les exemples de mise en pratique – même avant 200464 - ne manquent pas.

Analysons l’exemple du programme « Du haut débit partout, pour tous et

pour toute la vie » tel qu’expliqué par Patrick Weiten, Vice-Président du

Conseil général de la Moselle et Maire de Yutz65.

Plusieurs raisons ont motivé l’engagement du Conseil Général dans une politique volontariste d’aménagement numérique du territoire et de construction de son « Réseau Haut Débit Moselle » (RHD 57). La première, c’est un constat de carence : certaines parties du territoire mosellan n’étaient desservies par aucune infrastructure leur permettant d’obtenir ne serait-ce que l’ADSL.

L’insuffisance du secteur privé dans le domaine des télécommunications est

constatée. L’action de la collectivité locale – ici le Conseil Général de la

Moselle – peut commencer.

Le deuxième point tient à une particularité de la Moselle qui est, sur son axe Nord-Sud et une partie de l’axe transversal Est-Ouest, un département en partie très urbanisé, et en grande partie rural. Or, la représentativité politique du Conseil Général de Moselle est fortement ancrée sur le rural.

La connaissance des spécificités locales est un atout décisif, nous y

reviendrons. Le souci d’inclure les zones rurales – qui s’inscrit pleinement

dans une démarchage d’aménagement du territoire – va de paire avec un

souci plus électoraliste (« la représentativité politique du Conseil Général de

Moselle est fortement ancrée sur le rural » - comprendre : nous avons

beaucoup de nos électeurs en zone rurale) ; la réduction de la fracture

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numérique, même dans une optique d’aménagement du territoire, n’a rien de

fortuit ni de gratuit… La troisième raison, c’est que la Moselle, département le plus important de Lorraine, s’inscrit dans une démarche vis-à-vis de ses voisins lorrains que sont les Vosges, la Meurthe-et-Moselle et la Meuse, mais également dans une relation de voisinage avec l’Alsace et dans une forte relation transfrontalière avec le Luxembourg et l’Allemagne : près de 60 000 Mosellans franchissent tous les jours la frontière pour aller travailler, les uns vers la Sarre, et les autres vers le Luxembourg.

L’aménagement du territoire, c’est aussi l’inscription dans un contexte

géographique plus global non seulement en France (Alsace, Lorraine) mais

aussi en Europe (Sarre en Allemagne, Luxembourg). Lorsqu’on sait les

efforts déployés en matière de haut débit par l’Alsace66 notamment, on peut

comprendre que la Moselle veuille ne pas être en reste. De plus, nous avons conçu un projet « Moselle 2015 » avec deux objectifs : continuer à rendre notre territoire attractif et, selon le mot de notre Président Philippe Leroy, rester millionnaires en nombre d’habitants. Dans ce contexte, il est clair que l’infrastructure haut débit, qui portera les communications électroniques, fait partie des grandes stratégies que nous devons développer en accompagnement de notre politique d’infrastructures routière, ferroviaire, fluviale, aérienne… tout comme nos prédécesseurs ont eu, à l’orée du vingtième siècle, des stratégies en matière d’eau potable, d’assainissement ou de réseau EDF.

« Rester millionnaires en nombre d’habitants », autrement rester attractifs.

La question pour la Moselle, un département en grande crise depuis la

fermeture des mines et des hauts fourneaux. D’autre part, la comparaison du

haut débit avec l’eau potable ou l’électricité est tout à fait emblématique de

l’importance accordée à la réduction de la fracture numérique et, plus

largement, à la nécessité vitale que représente aujourd’hui le haut débit. L’infrastructure numérique relève de l’aménagement du territoire et fait donc partie intégrante de la compétence et de la responsabilité des élus. Aussi, pour garantir une innervation complète du territoire mosellan, nous avons décidé que le département de la Moselle serait propriétaire de son infrastructure. Nous avons procédé par étapes. La première étape relevait d’une volonté politique : ne laisser aucun Mosellan à plus de 15 km de l’infrastructure. Pour y parvenir, nous devions nous rapprocher des intercommunalités qui se mettaient en place sur le territoire (la Moselle est presque entièrement en intercommunalité) et qui prendraient en charge la capillarité du réseau. Cette option nous obligeait à développer environ 600 km de boucle. Nous avons choisi la fibre optique qui, aujourd’hui, n’est plus remise en cause par personne, d’autant qu’elle peut être relayée ensuite par du Wi-Fi ou par d’autres technologies de proximité.

Le souci d’être « propriétaire de son infrastructure » permet de mesurer à

quel point l’enjeu est important pour le Conseil Général de Moselle. Claude

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 59

Belot47 soulignait d’ailleurs que « la possibilité pour la collectivité de

devenir propriétaire de son réseau est déterminante, car une infrastructure

à haut débit peut jouer un rôle structurant pour l’aménagement du

territoire. »

Autre élément, le rapprochement avec les infra-collectivités locales que sont

les intercommunalités, qui jouent un rôle primordial dans le déploiement du

haut débit car, comme le souligne Claude Belot « [l]es collectivités les plus

impliquées sont les intercommunalités (environ 25 projets) et les

départements (21 projets), les régions apparaissant plus en retrait. »47

Enfin, l’intérêt de ce passage est, que pour la première fois, nous

disposons d’objectifs chiffrés : aucun Mosellan à plus de 15 km de

l’infrastructure et 600 km de boucle à développer. Par ailleurs, la fibre

optique est confirmée dans son rôle de technologie idoine, comme nous

le suggérions plus haut. Puis, à mesure que nous évoluions dans notre démarche d’intercommunalité, s’est posée la question du coût de la capillarité qui, naturellement, est moins attractif dans les territoires les plus ruraux. Or, ce sont justement ceux-là que nous voulions toucher en priorité. Il fallait sortir de ce paradoxe. Forts de notre compétence dans la gestion des collèges, nous avons alors décidé de raccorder les 96 établissements du département de façon que, même dans les secteurs ruraux, tous soient concernés par le haut débit. Si on considère que nous avons pratiquement 2 collèges par canton, nous innervons ainsi chaque canton de Moselle.

L’accès dans les lieux publics – ici les 96 collèges sous la responsabilité du

département – n’est pas non plus oublié, ce qui est une bonne chose, compte

tenu de l’aspect parfois salutaire de ce genre d’accès54. Autre avantage, celui

de pouvoir déployer le maillage haut débit jusqu’au niveau du canton, ce qui

sur le plan de l’aménagement du territoire n’est pas négligeable. Mais ce

n’est pas tout. Enfin, nous savions bien que les acteurs économiques étaient le premier public concerné par le haut débit. C’est pourquoi nous avons également décidé de raccorder les 58 zones d’activité recensées « Moselle Développement ».

Les entreprises ne sont pas non plus oubliées. Le déploiement du haut débit

est vraiment envisagé dans toutes ses ramifications. Ces choix ont eu deux conséquences principales : notre boucle initiale de 600 km est passée à 924 km, et aucun Mosellan n’est désormais à plus de 4 km de la fibre ! Cette stratégie est inscrite dans une délibération de décembre 2002.

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Nous voyons le projet évoluer sous nos yeux. Au gré des aménagements précédents, il devient de facto plus ambitieux : de 600 à 924 km de boucle et une distance maximale de 4 km de l’infrastructure pour chaque Mosellan contre 15 km prévus initialement. Notre département, l’un des moins endettés de France, a la capacité de réagir et d’investir. L’autorisation de programme portait sur 83 M€. Le marché de conception-réalisation a été conclu pour un montant de 55,5 M€, avec pour priorités d’essayer d’utiliser nos routes départementales et d’exploiter les infrastructures de gaines existantes là où c’était possible : 80% du futur réseau empruntera nos routes départementales. Nous serons ainsi doublement propriétaires du réseau pour un coût relativement modeste, rapporté aux enjeux. Aujourd’hui, le budget de la Moselle représente plus de 800 M€. Chaque année, les moyens mis en oeuvre pour la politique routière représentent 100 M€. Le déploiement de notre infrastructure numérique équivaut donc à une demi-année d’investissement routier et il va durer plusieurs décennies. Amortie sur 25 ans, par exemple, notre infrastructure numérique haut débit ne représente plus qu’environ 2 M€/an. En même temps que la fibre, nous posons un réseau de gaines, ce qui nous permettra de tirer de nouvelles fibres si c’est nécessaire, tout en réalisant une économie considérable sur les coûts de génie civil.

Nous disposons, avec ce paragraphe, des éléments financiers. Le coût prévu

était de 83 M€ ; il sera, dans les faits, de 55,5 M€. De plus, cet

investissement se fait dans un souci de « rationalisation de la dépense

publique » suivant ainsi l’une des recommandations de Claude Belot47.

Ainsi le réseau haut débit à venir utilisera à 80 % les routes

départementales. D’autre part, Patrick Weiten nous donne des ordres de

grandeur, afin que nous puissions nous rendre compte de l’ampleur réelle de

l’investissement : 1/16 du budget annuel de la Moselle et la moitié du

budget routier annuel. Or, cet investissement « va durer plusieurs

décennies » et sera amorti sur 25 ans, soit un coût de 2 M€ par an. De plus,

un réseau de gaines est posé en même temps, ce qui pourra toujours servir

aux besoins du génie civil, tout en réalisant des économies d’échelle,

puisqu’on fait ainsi d’une pierre, deux coups (mais un seul coût). Une autre particularité de la Moselle, ce sont ses 30 réseaux câblés, soit en régie soit en concession. Plus de 60% des Mosellans ont, dans leur propriété, 2 prises : une pour la télévision et une pour le téléphone. Ainsi, une fois organisée la relation avec les opérateurs, la capillarité n’est plus un problème. Chaque foyer mosellan est raccordable au réseau haut débit. Nous avons d’ailleurs rencontré des responsables de réseaux câblés qui sont tout à fait disposés à envisager de faire entrer l’Internet et le téléphone sur le réseau câblé. Il faudra certes adapter un peu les réseaux, les mettre à niveau, mais aujourd’hui, dans le cadre du dégroupage, on va jusque dans chacun des foyers mosellans et on leur apporte du vrai haut débit.

On retrouve ici l’aspect décisif de la connaissance des particularismes

locaux – en l’occurrence le nombre important de réseaux câblés, ce qui

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permet au département, pour mieux coller aux besoins des habitants,

d’anticiper des mises à niveau d’infrastructures. Notre infrastructure sera terminée en septembre 200665. Même si on ne connaît encore pas les résultats de ce programme, on peut

d’ores et déjà en souligner la démarche, à bien des égards. On peut la

résumer en 10 points.

1. Avoir un territoire en mal d’aménagement.

2. Mettre en évidence l’insuffisance de l’initiative privée

3. La connaissance des spécificités locales

4. La prise en compte du contexte géographique

5. Bien prendre la mesure de l’enjeu, c’est-à-dire bien savoir pourquoi

on veut réduire la fracture numérique

6. Statuer sur la propriété du réseau

7. Se donner des objectifs précis, chiffrés, mesurables (y compris la

date de clôture du projet)

8. Ne négliger aucun aspect (lieux publics, entreprises)

9. Rationaliser la dépense publique

10. Penser à la suite. Exemple : Il nous faut maintenant passer à un autre stade de notre réflexion, celui des services. Notre objectif n’est pas d’installer de la concurrence pour la concurrence, mais de rationaliser un peu les prix et également de diversifier l’offre de services qui sera proposée. Nous sommes à l’orée d’une nouvelle ère et il est difficile d’imaginer aujourd’hui quels nouveaux services vont être générés par notre infrastructure. Ils vont se démultiplier : les communes réfléchissent à des réseaux de vidéo-surveillance, par exemple. Nous allons être concernés tôt ou tard par la location de fibres, par la mise à disposition de moyens, nous pourrons installer une communication à l’échelle du département, mettre en réseau les chaînes locales installées sur chacun des territoires départementaux… nous envisageons d’exploiter peut-être quelques fibres pour nos besoins propres (mise en relation de tous les services du département, information départementale, etc.). Des contacts en ce sens ont été pris avec l’ART qui est favorable au projet65.

Le défi de l’aménagement du territoire via les infrastructures au niveau des

collectivités locales n’est pas sans conséquence dans sa réussite ou son

échec. Car un autre défi, au niveau national, vient s’y agglomérer, dans le

domaine de l’accès et au niveau de l’État cette fois : celui de

l’administration en ligne, et plus globalement celui de l’e-gouvernance.

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III. 2. L’administration en ligne

Une étude de 2002 émanant d’Accenture67 rappelle le contexte d’émergence

du vaste chantier de l’administration en ligne : Lancé en 1998, le programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) a jeté les bases d’une administration électronique en France. La planification et la coordination des efforts du secteur public entrent – entre autres – dans les compétences d’un service interministériel ad hoc, le CIRE (Comité interministériel pour la réforme de l’État). La mise en œuvre du projet était placée sous l’autorité du ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’État, Michel Sapin68. Fin 2001, le gouvernement français a donné une impulsion nouvelle à son projet d’administration électronique afin de dématérialiser l’ensemble des démarches administratives d’ici à 2005. Comme l’a préciser Michel Sapin lors du colloque de la Commission européenne sur le e-gouvernement tenu à Bruxelles en novembre 2001, le gouvernement français vise à généraliser les téléservices publics à l’horizon 2005, tout en personnalisant l’interaction des citoyens avec les services publics. Michel Sapin a également souligné l’importance d’assurer une continuité au sein même des fonctions administratives, pour offrir des services de qualité réellement centrés sur les besoins de l’usager. Enfin, il a appelé à l’adoption d’une approche transverse, parlant de « solidarité entre internautes et non-internautes », entre citoyens et gouvernement, entre entreprises et gouvernement67. On remarque que le projet d’administration en ligne a démarré en 1998, date

des premiers accès haut débit en France ou 3 à 4 ans après l’arrivée

d’Internet pour le grand public. La prise de conscience du défi n’a donc pas

été longue.

D’autre part, l’objectif était clairement fixé pour 2005. Nous y sommes.

L’heure est donc au bilan.

De fait, comme annoncé par Michel Sapin, le déploiement de

l’administration en ligne s’est fait en 2 temps.

1. Donner accès à un maximum de « téléservices »

2. Développer la satisfaction de l’usager (« importance d’assurer une

continuité au sein même des fonctions administratives, pour offrir

des services de qualité réellement centrés sur le besoins de

l’usager »)

Donner accès à un maximum de « téléservices »

En 2002, Accenture67 dénombrait 161 services publics entrant dans le cadre

de l’administration en ligne.

Parmi ces services on peut citer :

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- le site Web du ministère des Finances (www.finances.gouv.fr) et son

sous-domaine consacré aux impôts (www.impot.gouv.fr), lequel

permettait dès 2001 la collecte des impôts des entreprises et à partir

de 2002, celle des particuliers ;

- le site de l’ANPE (www.anpe.fr) qui permettait dès 2001 aux

entreprises de déposer leurs offres en ligne ;

- le site de l’INSEE (www.recensement.insee.fr) sur lequel les

dernières études peuvent être téléchargées ;

- le site du Registre du Commerce (www.infogreffe.fr) qui propose

des informations payantes sur les entreprises ;

- le portail de l’administration française (www.service-public.fr),

véritable mine d’informations pour les thèmes de la vie courante

(famille, santé, etc.)…

Le fait de recenser les téléservices permet d’établir des indicateurs

permettant de situer la France sur le plan international, parmi lesquels :

- le niveau de couverture des services en ligne : nombre de services

réellement disponibles / nombre de services évalués – 96,3 % en

2002 (155/161) ;

- le niveau de profondeur des services en ligne, c’est-à-dire la position

de ces derniers sur une courbe de maturité (informatif, interactif ou

transactionnel) – 45,2 % en 2002, soit légèrement en-deçà de la

moyenne internationale

Accenture concluait son rapport de 2002 sur le fait que la France devait

améliorer le niveau de profondeur de ses services, mais aussi davantage

veiller à la satisfaction des usagers, ce qui nous amène au second point.

Développer la satisfaction des usagers

Le baromètre ADELE (Administration ELectronique)69 est un outil mis en

place par l’institut BVA pour mesurer le degré de satisfaction des usagers de

l’administration en ligne.

L’édition de mars 2005 met en évidence de façon très claire un bon niveau

de satisfaction parmi ces usagers. 61 % d’entre eux estiment que les services

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administratifs en ligne se sont un peu voire beaucoup développés. Une

majorité d’entre eux (51 %) considère Internet comme le moyen privilégié

pour accomplir les tâches administratives futures.

Mais ce baromètre permet d’aller au-delà, en nous fournissant deux

éléments supplémentaires : les services administratifs favoris à l’avenir ainsi

que les facteurs favorisant l’accès à l’administration en ligne.

Les 5 premiers services administratifs favoris à l’avenir sont :

1. Le renouvellement des pièces d’identité

2. La déclaration des impôts

3. Le suivi de vos remboursements de la sécurité sociale

4. Le suivi du dossier médical

5. L’inscription dans les services communaux

À noter qu’en sixième position vient le paiement des impôts – l’exigence de

transactionnel s’est donc encore accrue.

Les 5 premiers facteurs favorisant l’accès à l’administration en ligne – et

pas seulement de l’administration en ligne, du reste, cela concerne tout

service en ligne de façon générale – sont :

1. La baisse du prix des ordinateurs

2. Le renforcement de la sécurité des sites administratifs

3. La baisse du prix des abonnements Internet

4. La simplification des sites administratifs sur Internet

5. Concevoir les sites administratifs de façon à avoir accès à plusieurs

accès en même temps

En dehors des facteurs exogènes que sont la baisse du prix des ordinateurs et

le prix des abonnements (même si l’État peut encore agir indirectement sur

ces derniers via l’ART), les exigences portent sur la sécurité et l’ergonomie.

Une étude de Capgemini réalisée en novembre 200470 approfondit l’analyse.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 65

Tout d’abord, elle met en avance le fait que les internautes français sont en

avance sur le recours à l’administration en ligne ; ils sont 69 % à s’en servir

contre 47 % pour leurs voisins d’outre-Rhin et 37 % pour ceux d’outre-

Rhin, et cette utilisation est en hausse contrairement à ce qui se passe en

Grande-Bretagne ou en Allemagne.

Par la suite, l’enquête nous donne les motivations de ces 69 % d’internautes

pour recourir aux services administratifs en ligne. Les 5 premières raisons

sont, dans l’ordre, les suivantes :

1. Éviter les queues et les déplacements

2. Gagner le temps des délais postaux

3. Éviter l’attente téléphonique

4. Diminuer la paperasserie

5. Remédier à l’obstacle des horaires d’ouverture71

L’étude permet également de dresser le profil des adeptes de

l’administration en ligne : 83 % des CSP +, 81 % des personnes travaillant à

leur compte et 74 % des salariés y sont favorables.

De façon plus générale, la majorité des internautes (81 %) voit d’un bon œil

le développement de l’administration en ligne, mais, c’est aussi le cas – ce

qui est plus étonnant – de la majorité des non-internautes (56 %).

Enfin, l’étude permet de recenser les attentes des Français en matière

d’administration en ligne. Les 5 premières sont :

1. La recherche d’emploi (40 % des connexions)

2. La santé (27 % des connexions)

3. Les services sociaux

4. La fiscalité

5. L’éducation

Dernier élément remarquable, les Français sont majoritairement persuadés (56 %) que l’administration en ligne est un moyen pour l’État de faire des économies. Un rapport récent de la Commission Européenne72 semble leur donner raison.

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Les avantages les plus souvent cités sont le gain de temps et la plus grande flexibilité : 90 % des utilisateurs apprécient la qualité des services offerts électroniquement ; plus de 60 % sont très satisfaits ; 77 % vont même jusqu’à recommander à d’autres les services en ligne qu’ils utilisent. En moyenne, les citoyens et les entreprises économisent plus d’une heure de temps. Les déclarations d’impôt en ligne font déjà gagner 7 millions d’heures : si ces services étaient généralisés et utilisés largement dans tous les États membres, les économies pour les citoyens pourraient atteindre plus de 100 millions d’heures par an. Du côté des entreprises, les déclarations de TVA en ligne permettent d’économiser environ 10 euros par déclaration : la généralisation de cette pratique pourrait se traduire par des économies annuelles de quelque 0,5 milliard d’euros pour les entreprises de l’UE73.

« Gain de temps », « plus grande flexibilité », « économies annuelles », la

formulation ne laisse pas douter planer quant à l’objectif de compétitivité

accrue derrière le grand chantier de l’administration. Du reste, cet objectif a

été clairement affiché par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin lors du

lancement du programme ADELE : « faire mieux en maîtrisant les dépenses

de l’État »69. Une étude publiée par Accenture en 200574 souligne toutefois

la présence de gisements de productivité liés à l’interactivité et aux

capacités de transactions qui pourraient être encore améliorées.

Un récent rapport de chercheurs québécois75 met en évidence tout le chemin

qui reste à parcourir pour le gouvernement français pour passer d’un service

d’administration en ligne à une véritable offre intégrée d’e-gouvernement,

de cybergouvernement (autres appellations de l’e-gouvernance).

Les auteurs dégagent 5 points-clés de la « stratégie de transformation » en e-

gouvernement : 1. Mettre tout en ligne et faire tout en ligne 2. Assurer un accès facile et universel à l’information et aux services 3. Former les employés des organisations gouvernementales sur les

nouvelles technologies 4. Travailler en partenariat (avec le secteur privé) 5. Enlever les barrières (règlementaires)

Ils resituent la démarche de l’e-gouvernement dans un contexte plus global,

les zones grisés concernent directement le gouvernement :

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Catégories d’applications de eGovernment ; adapté de icorp.ca (2003) Gouvernement Business Citoyens

Gouvernement G2G - International - Fédéral / Provincial76 - Municipal

G2B - Services - Information - Régulations

G2C - Services - Information

Business B2G - Approvisionnement - Déclaration des impôts - Sondage électronique

B2B - Commerce électronique - Partenariats - R&D

B2C - Vente au détail - Service / Support - Sondage électronique

Citoyens C2G - Déclaration des impôts - Passeports - Demande des services

C2B - Vente au détail

C2C - Vente aux enchères - Place de marché électronique

Mais ils vont plus loin en évoquant le décrivant le processus

d’implémentation de cybergouvernement77, tel qu’énoncé par

Deloitte & Touche en 2000, un processus en 6 étapes : 1. Diffusion de l’information 2. Transactions dans les deux sens 3. Portails Universels 4. Personnalisation de portail 5. Regroupement des services communs 6. Intégration et transformation globale de l’entreprise

Or, les entreprises, ultime cible de ce processus d’implémentation, partagent

ce souci de compétitivité et de performance, qui, comme nous allons le voir,

ne se situent pas (ou plus) du côté des infrastructures ou des accès – jugés

trop théoriques, trop contemplatifs ou trop passifs – mais bien du côté des

usages des TIC, qu’elles entendent bien mettre au service de la productivité

et de la rentabilité.

III. 3. La compétitivité

Un rapport récent émanant conjointement du Conseil Général des Mines et

du Conseil Général des Technologies de l’Information publié sous l’égide

du Ministère délégué à l’Industrie78 situe d’emblée la portée réelle du défi

des NTIC : 2003 a montré une nette reprise pour les « champions » rescapés de la tempête et la nouvelle économie poursuit son développement mais loin des feux de la rampe : c'est au coeur des entreprises qu'elle apporte ses profondes mutations. Il apparaît aujourd'hui clairement qu'Internet ce n'est ni du contenu, ni du contenant (ce n'est ni un « média » ni des télécoms et encore moins une synergie entre ces deux métiers profondément différents), ni pour l'essentiel de la

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 68

Technologie, ni de la Communication, ni de l'Information (dans NTIC, seul N devrait être conservé !), que les sites web et le commerce électronique ne sont qu'une infime partie des potentialités qu'il offre, qu'Internet, outil extrêmement puissant et qui fera la différence dans la compétition n'est pas pour autant un « gri-gri » qui dispenserait d'avoir un vrai métier avec des vrais produits ou services, avec des vrais clients et un vrai compte d'exploitation. Internet est un outil de réseau, l'outil des transactions qui transmet des instructions opérationnelles autant que des informations. Il change en profondeur l'organisation des entreprises et permet des gains considérables de compétitivité en écrasant les coûts : coûts administratifs permettant un redéploiement du personnel vers les clients, coûts d'achat, coûts de formation, coût du SAV et augmentation de son efficacité, en limitant les stocks et en-cours et donc les besoins de capitaux pour opérer une entreprise, en réduisant temps et coût de conception d'un nouveau produit, en donnant les moyens d'un suivi logistique performant et en assurant aux « nomades » une connexion à ce réseau aussi efficace qu'aux sédentaires. C'est un outil de compétitivité de flexibilité et de réactivité: c'est en fait le nouveau système nerveux de nos entreprises : son appropriation n'est ni un problème technique, ni financier, mais culturel (organisation autour de la satisfaction du client) et organisationnel (accent sur un fonctionnement en réseau autour de projets avec un déplacement fort des mécanismes de pouvoir).

Un point pour le moins iconoclaste que nous nous proposons d’examiner

plus attentivement.

Tout d’abord, l’impact de la nouvelle économie est marginalisé ; celui des

NTIC est au contraire renforcé puisque toutes les entreprises (avec un « vrai

métier », des « vrais produits ou services », des « vrais clients » et un « vrai

compte d’exploitation ») sont désormais concernées « au cœur ».

En affirmant qu’Internet n’est pas un « média », les auteurs reprennent les

analyses de Dominique Wolton79. Mais ils vont plus loin en considérant

qu’Internet n’appartient ni à la technologie, ni l’information, ni à la

communication, qui n’en sont que d’infimes applications.

Les auteurs dénoncent toute attitude contemplative des entreprises par

rapport en refusant à celui-ci le statut de « gri-gri ».

En réalité, Internet serait, plus prosaïquement un « outil de réseau » destiné

à transmettre des « instructions opérationnelles autant des informations ». À

cet égard, les auteurs rappelleront plus loin qu’Internet est « le fruit étrange

de la liaison entre la rigueur des militaires et la créativité libertaire des

chercheurs sur fond de guerre froide ».

Et cet outil doit permettre de relever le défi de la compétitivité et partant, de

la flexibilité et de la réactivité, ce qui est, selon les auteurs, non pas un

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 69

problème technique ou financier, mais un problème culturel et

organisationnel.

Mettons maintenant ces considérations à l’épreuve des faits.

Tout d’abord, dressons un bref bilan des équipements en NTIC des

entreprises, car même si l’usage qu’elles en font est bien la finalité de notre

propos, il ne saurait y avoir d’usage sans équipement.

Bref bilan de la compétitivité des équipements en TIC des

entreprises françaises

L’enquête de BNP Paribas Lease Group35 nous permet d’avoir quelques

éléments concernant la compétitivité des entreprises françaises de 6 à 200

salariés pour l’année 2003 par rapport à leurs homologues européennes.

- par rapport à leurs partenaires européens, les PME françaises sont

mieux placées que les PME italiennes, mais elles sont moins bien

équipées par les PME allemandes et elles se sont faites dépasser,

pour la première fois, par les PME espagnoles en 2003 ;

- le pourcentage de salariés connectés est plutôt compétitif (93 %) ; les

PME françaises ne sont dépassées sur ce point que par le Danemark

(97 %), la Suède et l’Allemagne (95 % dans les deux cas). La France

se place donc en 4e position, avec un écart plus grand avec le 5e (les

Pays-Bas avec 85 %) ;

- en terme de haut débit, sur le plan européen, les PME françaises s’en

sortent mieux que leurs voisines italiennes et allemandes,

respectivement encore fortement équipées en bas débit et moyen

débit (RNIS).

Un dernier élément – à cheval sur la compétitivité de l’équipement et

l’usage organisationnel des TIC qu’il préfigure – mis en exergue par le

tableau de bord du commerce électronique français36 mérite notre attention :

le niveau de fonctionnalités des sites sur la Toile80. Globalement, fin 2002,

seulement 39 % des entreprises de plus de 10 salariés disposaient d’un site

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 70

Internet – avec des écarts très grands entre les entreprises de commerce (28

%) et les grandes entreprises de plus de 250 salariés (65 %)80.

Au niveau des fonctionnalités mêmes de ces sites, on constate que les

servent avant tout de cartes de visite (présentation de l’entreprise, 89 %)

plus ou moins élaborée (catalogue, 65 % ; site multilingue, 38 %).

L’interactivité avec les clients (recueil d’information sur les clients, 27 %)

ou avec les candidats (diffusion et/ou recueil des offres d’emplois, 22 %)

passent après. Pire les éléments qui pourraient contribuer à la satisfaction

clients sont les dernières fonctionnalités que l’on puisse trouver (prise de

commande en ligne, 16 % ; accès à un service après-vente, 9 % ; suivi de la

commande, 7 % ; paiement sécurisé en ligne, 6 %).

Un bulletin d’information du Ministère de l’Économie, des Finances et de

l’Industrie81 permet de redorer un peu le blason de ce bilan mitigé […] Outre [l’]équipement de base, les entreprises ont adopté d’autres outils pour faciliter la communication interne et mieux coordonner leurs processus opérationnels. Ainsi, un tiers des entreprises ont mis en place un réseau intranet et, parmi elles, plus de 90 % des entreprises de plus de 500 salariés. Près de 52 % des entreprises utilisent un progiciel de gestion intégrée (ERP) en 2002. Elles étaient 37 % trois ans plus tôt. Pour optimiser les échanges avec leurs fournisseurs et sous-traitants, près de 84 % des grandes entreprises utilisent l’échange de données informatisées (EDI) et 44 % ont mis en place un réseau Extranet, contre respectivement 41 % et 8 % des PMI de moins de 500 salariés. La portée de ces informations est limitée – elles ne concernent que les

entreprises industrielles de plus de 20 salariés – elles valent par le fait que

des éléments positifs liées aux TIC mais non directement liées à Internet ont

pu être réintégrés comme la mise en place de réseaux intra- et extranet

(respectivement 33 % et 44 % des entreprises industrielles), le recours

massif aux ERP (52 %) et plus encore à l’EDI (84 %).

L’usage organisationnel des TIC dans les entreprises

Après ce bref bilan de la compétitivité des équipements sinon bon du moins

prometteur, voyons de plus près l’usage organisationnel qui en est fait et ce,

au travers de deux aspects évoqués par le rapport même de la mission

conduite par Jean-Michel Yolin78 à savoir le télétravail (pratiqués par

certains « nomades ») et « le fonctionnement en réseau » de l’entreprise.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 71

LE TÉLÉTRAVAIL

Le télétravail, vieux rêve de bon nombre de salariés, semble avoir été remis

au goût du jour avec la généralisation des TIC. Le « rapport Yolin »78 cite

de nombreux avantages : - gain de temps et de fatigue pour les salariés ; - économies pour l’employeur (surfaces de bureaux et coûts annexes) ; - limitation des besoins d’infrastructure ; - baisse des émissions polluantes ; - possibilité de répartir les emplois sur le territoire et notamment de maintenir des emplois dans des zones rurales ou en reconversion ; - possibilité de travail pour les handicapés moteurs Malgré ces arguments, y compris ceux en faveur de la compétitivité (« gain

de temps et de fatigue pour les salariés », « économies pour l’employeur »,

« limitation des besoins d’infrastructure »), le rapport ne tarde à mettre en

évidence le fait que « [l]e gain est par contre moins évident pour

l’entreprise et pour les syndicats de salariés ». En effet, le télétravail

bouleverse pas mal de mécanismes à commencer pour les mécanismes de

contrôle. Comment contrôler les salariés, jusqu’alors contrôlé simplement

par son nombre d’heures de travail ? Il faudrait pouvoir évaluer sur

objectifs, mais encore faut-il définir ces derniers. En fait, le problème est

celui du statut du salarié « qui se mesure en heure » et qui, remis en cause

par le télétravail, remettrait en cause le statut du chef, qui « habitué à

commander, n’a[yant] plus ses troupes à disposition, perd[rait] son statut

[…] [sans] […] forcément [avoir] la capacité à se transformer en animateur

d’équipes ».

Le rapport Yolin pensait à un problème culturel en évoquant la satisfaction

du client, mais la culture managériale française est également en jeu. Du

reste, les conséquences sont patentes ; elles apparaissent dans un « écart

[…] frappant entre notre pays, avec 2,9 % de la population active

[concernée par le télétravail] et le reste de l’Europe (notamment avec les

pays du Nord) [réputés pour avoir une culture managériale différente], avec

6 % ». Le rapport conclut son analyse par une formule brillante autant que

pertinente. Outre que cela n'est pas possible pour tous les emplois, le passage d'une logique de soumission à une logique de mission ou de commission n'est pas simple.

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Mais Mikaël Gléonnec dans la Revue Hermès82 va plus loin et pose

ouvertement la « question de [la] confiance »83. Il intègre le fait de

« travailler ensemble à distance » - le télétravail rentre dans ce champ –

dans une logique de groupware c’est-à-dire celle du travail coopératif en

réseau.

Nous rejoignons, à ce stade, le défi de l’entreprise en réseau.

L’ENTREPRISE EN RÉSEAU

Dans le paragraphe qui suit, nous nous appuierons sur la synthèse des

interventions et de la table ronde sur l’entreprise en réseau ayant eu lieu

dans le cadre des 5e rencontres IUP/Entreprises du 15 mars 200184.

En gardant à l’esprit que l’entreprise en réseau présente, à l’instar de la

confiance83, une double nature (interne et externe), nous nous efforcerons ici

de mettre en évidence les raisons (internes et externes) pour lesquelles

l’entreprise veut se mettre en réseau, la typologie des réseaux d’entreprise et

enfin les implications de leur mise en place.

Quelles sont donc les raisons qui conduisent à la mise en place des

entreprises en réseau ?

Parmi les raisons internes, on retrouve les avantages mis en avant par le

préambule du « rapport Yolin »78 à savoir : - optimiser la chaîne globale d’approvisionnement (supply chain) des

fournisseurs aux consommateurs ; - raccourcir les délais d’approvisionnements ; - diminuer les taux de rupture (créer de la croissance en diminuant les

taux de rupture) ; - diminuer les coûts d’opération et d’exploitation (stocker plusieurs fois un

même produit) ; - diminuer les stocks (frais d’immobilisation).

Cependant, ces raisons ne seraient pas tant mises en avant par les uns78 et les

autres84 si d’autres raisons, plus impérieuses car externes, ne venaient pas

s’y greffer :

- la concurrence, et tout particulièrement l’émergence d’une

compétition « devenue multicritère » : innovation, réactivité accrue,

qualité, réduction des coûts ;

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- la remise en cause du modèle de la grande firme taylorienne et le

bouleversement de l’économie des coûts de transaction qui

aboutissent à la fragmentation de l’entreprise en business units ;

- les conséquences de cette fragmentation à savoir la réduction des

risques et une réactivité accrue, mais la nécessité concomitante de

maîtrise de la chaîne de valeur.

À ces exigences ou impératifs internes et externes répondent des dispositifs

réticulaires internes et externes.

- Le réseau interne concerne l’entreprise qui fonctionne elle-même comme

un réseau. « Ses différents services sont [alors] considérés comme des

entités semi-autonomes situées sur un même plan »84.

- Le réseau externe « représente les liens qu'une entreprise va tisser avec

d'autres entreprises pour produire » ; il « permet aussi un partage, une

mutualisation des fonctions support : market place (sur Internet notamment)

et appel à la sous-traitance »84.

Quelles sont les implications de la mise en place de ces réseaux ?

Tout d’abord, il faut bien noter, comme le souligne Foughali84 à la suite de

Gléonnec82 et du « rapport Yolin »78 que ces réseaux ne sauraient

fonctionner de façon performante sans que 3 conditions – au moins – soient

satisfaites :

1. La loyauté, la durabilité, implications opérationnelles de la

« confiance »83 dont parle Gléonnec82 et ce, tant au sein de

l’entreprise (réseau interne) qu’avec ses partenaires (réseau

externe) ;

2. Le management, qui doit disposer de procédures (ex. norme ISO

9001), d’un animateur pour piloter le réseau et aussi, et peut-être

surtout affirmer une volonté véritable de coopération ;

3. Des outils de pilotage performants, c’est-à-dire capables de faire

circuler de façon pertinente l’information entre les business units –

ce qui implique le recours massif aux systèmes d’information de

l’entreprise et de ses partenariats (via EDI, intranet et extranet) mais

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qui pose la question de l’évaluation même de la performance de ces

outils…

Dans les faits, cependant, toutes les entreprises n’en sont pas au même point

dans ce vaste défi de l’entreprise en réseau, encore appelé « entreprise

numérique », comme le souligne Henri Isaac, de l’Université Paris

Dauphine85. L’entreprise numérique, largement minoritaire, serait plutôt une

grande entreprise industrielle. L’entreprise numérique représente 21% des entreprises étudiées86. Ce qui la caractérise, c’est la présence de l’ensemble des outils électroniques, avec une présence affirmée des outils nécessaires à la gestion des connaissances, d’une chaîne logistique intégrée électroniquement. L’entreprise numérique est relativement une plus grande entreprise que les autres. 75% des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 500 millions d’euros appartiennent à la classe de l’entreprise numérique. Les entreprises numériques appartiennent souvent à l’industrie (49%), mais on note que ce sont majoritairement des entreprises de service : une partie d’entre elles sont issues du commerce (11%), des télécommunications, services informatiques (10%) et services financiers (9%), services aux entreprises (8,5%). À l’inverse, on trouve l’entreprise traditionnelle, typiquement une PME de

moins de 500 salariés – qui, sans être majoritaire, est la catégorie la plus

représentée. À l’opposé de l’entreprise numérique, l’entreprise traditionnelle est une très souvent une PME de moins de 500 salariés (85%), réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 76 M€. dans 70% des cas. Elle exerce une activité industrielle pour 44% d’entre elles. Cette catégorie d’entreprises est la plus importante dans l’échantillon (31% des entreprises). Par conséquent, même si l’on peut affirmer que l’entreprise numérique est une réalité en France, il convient de souligner l’inertie d’une part importante des entreprises françaises quant à la numérisation de leur activité. Le système d’information de l’entreprise traditionnelle s’avère très peu développé puisque aucun des outils communément adoptés par les autres entreprises n’est présent. Comblant le fossé (ou la nouvelle fracture ?) séparant ces deux extrêmes, on

trouve 3 nuances d’entreprises : 1. L’entreprise « orientée pilotage » (22 % des entreprises) 2. L’entreprise « orientée client » (13 % des entreprises) 3. L’entreprise « orientée connaissance » (13 % des entreprises)

Ainsi à travers ce troisième et dernier volet de notre développement, nous

avons pu montrer qu’à l’instar de ce qui se passe pour les enjeux, le défi de

l’aménagement du territoire – liée aux infrastructures – est en passe d’être

relevé ; celui de l’e-gouvernance – liée aux accès – mérite encore davantage

d’efforts dans le domaine de la satisfaction client, de la maîtrise des coûts et

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 75

de l’évaluation qui sont autant d’éléments de la culture du « privé » que

l’État et les services publics doivent plus largement intégrer ; enfin le défi

de la compétitivité – lié aux usages - semble devoir rester durablement à

relever tant les disparités entre entreprises semblent à la fois grandes et

profondes.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 76

Conclusion

Nous arrivons ainsi au terme de notre exposé sur la fracture numérique en

France. Nous avons voulu démontrer, chiffres et textes à l’appui, que la

fracture numérique est finalement un problème bien plus grave qu’il n’y

paraît. Derrière les aspects technologiques, se cachent bel et bien des

enjeux et des défis socio-économiques pour la France d’aujourd’hui et,

aussi et surtout, de demain. L’inégalité des accès des personnes aux NTIC

n’est que la partie émergée de l’iceberg. Comme nous l’avons vu, le

problème est bien plus profond ; il comporte bien plus de dimensions. Car

l’accès suppose au préalable des infrastructures et implique in fine des

usages. Et ces infrastructures et usages entraînent, eux aussi, des inégalités.

Le retard des pays pauvres ne doit pas être l’approche exclusive du

problème ; les pays développés souffrent aussi de fracture numérique, y

compris la France que nous avons prise plus particulièrement comme sujet

de notre étude. Mais avant, nous ne pouvions nous exonérer d’une étude

notionnelle de la fracture numérique, sans quoi notre démarche eut été par

trop arbitraire. Il nous a fallu notamment mettre en évidence les dangers des

discours tiers-mondistes ainsi que montrer la pertinence toute particulière de

l’étude de la fracture numérique à l’échelle d’un pays et plus précisément à

celle d’un État. Bien sûr la question des enjeux était centrale, c’est le nœud,

le plus chiffré, le plus documenté du problème. Cela explique pourquoi nous

lui accordons une telle importance dans notre développement, sans pourtant

l’y consacrer tout entier. Car, dans la culture française, la prise de

conscience, l’analyse et la résolution d’un problème – surtout lorsqu’il a

l’ampleur de la fracture numérique – ne sauraient se concevoir, au niveau

suprême du pays, sans par ailleurs détecter la prééminence en même temps

que l’urgence d’un ou plusieurs défis.

De ces défis, l’État a des leçons à donner (ou plutôt une dynamique à

impulser ou à accompagner) mais aussi des leçons à prendre. Ainsi des

collectivités locales qui, en prenant à bras le corps le défi de l’aménagement

numérique du territoire, l’ont relevé pour une large part. L’État a, pour sa

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | 77

part, la responsabilité du défi de l’e-gouvernance, partiellement relevé mais

qui a pourtant aussi pour mission, par son ampleur et son succès, de stimuler

sinon de guider le défi de loin le plus délicat : celui de la compétitivité des

entreprises.

Mais « gouverner, c’est prévoir »87. Au-delà des enjeux et des défis actuels,

que nous réservent les nouvelles technologies pour l’avenir ?

Une étude de l’IDATE (Institut de l’Audiovisuel et des Télécommunications

en Europe)88 nous donne quelques éléments de prospective pour la France

de 2010. 5 éléments se dégagent89 :

1. L’élévation des services mobiles au rang de principal moteur de la

croissance ;

2. Le déclin de la téléphonie fixe ;

3. L’avènement du foyer numérique (avec accès direct aux contenus,

c’est-à-dire sans passer par un ordinateur) ;

4. La morosité de la télévision payante avec la stagnation des offres

payantes au profit des offres gratuites (ADSL, TNT) ;

5. L’entrée d’Internet dans le marché de masse, avec des disparités non

plus d’infrastructures ou d’accès, mais désormais exclusivement

d’usages – la fracture numérique, si elle subsiste, se situera au

niveau des services associés, et non plus au niveau de la fourniture

de l’accès lui-même.

Ainsi, la fracture numérique pourrait bien souligner, à travers l’abolition de

tout déterminisme technologique (tant les bouleversements sont multiples,

soudains et profonds) ni plus ni moins que la réinvention de la cybernétique

au sens plein du terme – c’est-à-dire au sens de la refondation de l’art du

gouvernement – et ce, au plus haut niveau.

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | I

Annexes Schémas complémentaires

Figure 7 - Implantation de l'ADSL en France (fin 2003)

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | II

Figure 8 - Implantation du câble en France (fin 2003)

Figure 9 - Implantation de la Boucle Locale Radio et du Wifi en France (fin 2003)

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | III

Figure 10 - Taux de couverture, par département, de la population en ADSL France Télécom (fin 2004)

Figure 11 - Impact des diversités géographique et concurrentielle sur les tarifs de l'accès Internet au grand public

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | IV

Figure 12 - Taux de couverture, par département, de la population ayant accès à une offre DSL dégroupée (option 1) fin 2004

Figure 13 - Diversité des opérateurs de connexions permanentes sur la boucle locale (fin 2004)

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | V

Figure 14 - France du haut débit d'ici 2005, vers un territoire à trois vitesses (TACTIS, 2002)

Figure 15 - Réseaux d'initiatives publiques (juin 2005)

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | VI

Figure 16 - Réseaux optiques des opérateurs alternatifs et réseaux d'initiatives publiques (fin 2004)

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | VII

Figure 17 - Bas débit ou haut débit : les services demandés ne changent pas

Figure 18 - L'explosion de l’achat en ligne

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | VIII

Figure 19 - L'essor du peer-to-peer

Figure 20 - Skype ou le boom de la téléphonie en ligne

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Tables supplémentaires Tableaux Tableau 1 - Exemples de tarifs pratiques pour les prestations commercialisées dans le cadre de DSP ....................................................................... 32 Tableau 2 - Taux de pénétration du haut débit en Europe au 1er janvier 2004 .. 38 Tableau 3 - Les internautes : pourcentage de personnes disposant d’une connexion chez elles, au travail ou sur leur lieu d’études, ou qui se sont déjà connectées dans un lieu de public (extrait) ............................................ 41 Tableau 4 - France : profil des internautes par âge (en décembre 2004) ......... 43 Tableau 5 - France : profil des internautes par âge (en décembre 2001) ......... 45 Tableau 6 - France : part des internautes par CSP .................................... 47 Tableau 7 - France : part des internautes par sexe ................................... 47 Tableau 8 - Typologie des usages d'Internet............................................ 55 Figures Figure 1 - 3ème trimestre 2004 : la barre symbolique des 50 % de foyers internautes connectés en haut débit est franchie (source : Médiamétrie - Observatoire des Équipements Multimédia, 2005) .................................... 38 Figure 2 - Au 4ème trimestre 2004, la France compte près de 24 millions d'internautes (source : Médiamétrie, 2005). Le nombre d'internautes est exprimé en milliers.................................................................................... 42 Figure 3 - Les critères les plus discriminants dans l'accès aux nouvelles technologies (micro-ordinateur, accès à Internet à domicile, téléphone portable) – utilisation du coefficient de Gini ....................................................... 49 Figure 4 - Courbe de Rogers (1962) : diffusion des innovations ..................... 49 Figure 5 - Courbe en S de Rogers......................................................... 50 Figure 6 - En un an, le temps total passé en ligne par mois a augmenté de près de 2 heures. Cette croissance s'explique en partie par le comportement des internautes en haut débit qui passent 9h10 de plus sur Internet que les internautes bas débit ...................................................................... 51 Figure 7 - Implantation de l'ADSL en France (fin 2003) ................................. I Figure 8 - Implantation du câble en France (fin 2003)..................................II Figure 9 - Implantation de la Boucle Locale Radio et du Wifi en France (fin 2003)II Figure 10 - Taux de couverture, par département, de la population en ADSL France Télécom (fin 2004) .................................................................III Figure 11 - Impact des diversités géographique et concurrentielle sur les tarifs de l'accès Internet au grand public ...........................................................III Figure 12 - Taux de couverture, par département, de la population ayant accès à une offre DSL dégroupée (option 1) fin 2004............................................IV Figure 13 - Diversité des opérateurs de connexions permanentes sur la boucle locale (fin 2004)..............................................................................IV Figure 14 - France du haut débit d'ici 2005, vers un territoire à trois vitesses (TACTIS, 2002)............................................................................... V Figure 15 - Réseaux d'initiatives publiques (juin 2005) ................................ V Figure 16 - Réseaux optiques des opérateurs alternatifs et réseaux d'initiatives publiques (fin 2004) .........................................................................VI Figure 17 - Bas débit ou haut débit : les services demandés ne changent pas ...VII Figure 18 - L'explosion de l’achat en ligne .............................................VII Figure 19 - L'essor du peer-to-peer ..................................................... VIII Figure 20 - Skype ou le boom de la téléphonie en ligne............................. VIII

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | X

Notice bibliographique Bibliographie du document intermédiaire

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reçues », septembre 2001 > Mesures de l’internet, sous la direction d’Éric Guichard, Les Canadiens

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | XI

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d’action – Contribution à l’analyse de l’économie de l’Internet, rapport de la mission conduite par Jean-Michel Yolin, Conseil Général des Mines, Conseil Général des Technologies de l’Information, Ministère délégué à l’Industrie, Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, janvier 2004

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Pour aller plus loin

> Baudrillard Jean, Écran total, 1997 > Baudrillard Jean, Simulacres et simulation, 1997 > Latrive Florent, Du bon usage de la piraterie. Culture libre, sciences

ouvertes, Exils, essais, 2004 > Cairncross F., The Death of Distance. How the communications

revolution will change our lives, Orion Business Books, 1998 > Mounier Pierre, Les Maîtres du Réseau. Les enjeux politiques

d’Internet, La Découverte, 2002 > Ellul Jacques, Le Système technicien, le cherche midi, 2004 > Essential McLuhan, edited by Eric McLuhan and Frank Zingrone,

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La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | XII

Document intermédiaire Position de la problématique La fracture numérique est une thématique souvent abordée sous l’angle technologique et économique. Notre propos est d’explorer – le format du mémoire ne nous permet d’ailleurs pas de prétendre à l’exhaustivité dans ce domaine – cette thématique afin de déterminer si les biais technologiques et économiques sont les plus pertinents ou si derrière ces approches, une autre approche – davantage politique et sociale – peut s’avérer plus féconde. De cette hypothèse principale dépendent des hypothèses qui vont animer notre démarche. La première est l’acception retenue de la notion de fracture numérique et qui va nous permettre d’axer notre développement autour des aspects techniques puis autour des aspects économiques et enfin autour des aspects sociaux et politiques. En ce qui concerne les aspects techniques, l’hypothèse structurante est celle qui consiste à prendre le cas de l’Afrique comme un cas exemplaire. En ce qui concerne les aspects économiques, l’hypothèse structurante est celle de l’existence de mutations économiques à travers l’exemple de l’industrie musicale. Enfin, pour ce qui touche aux aspects sociaux et politiques, 2 hypothèses vont structurer notre démarche : 1. Il y a un essor de la société de l’information 2. Les logiciels libres ont une portée économique et sociale Enfin en ce qui concerne le dispositif envisagé pour tester nos hypothèses, nous ne pensons procéder à l’analyse de données statistiques ; en revanche, nous n’excluons pas de recourir à d’autres interviews (autres que l’interview ayant pour support le guide d’entretien inclus dans le présent document) voire d’utiliser un questionnaire. Synthèse du travail réalisé Le travail réalisé jusqu’ici a principalement consisté en la construction et l’articulation de notre démarche telle que nous allons vous l’exposer ci-dessous. Afin de valider ou d’infirmer notre hypothèse, nous nous sommes attachés dans ce travail à définir précisément le concept de fracture numérique. Étant entendu que le concept même de fracture numérique ne fait pas consensus, nous avons retenu une définition et nous avons expliqué ce choix. Afin de guider le lecteur de façon didactique dans notre exploration, nous avons construit notre démarche en partant des aspects les plus admis de la fracture numérique jusqu’aux aspects les plus critiques et critiquables du sujet afin de voir si – in fine – des grilles d’analyse autres que technologiques ou économiques sont possibles et pertinentes.

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Ainsi dans un premier temps, nous nous proposons d’évoquer la fracture numérique sous l’angle technique. Nous exposerons la réalité de la fracture numérique dans l’accès à Internet. Nous mettrons en évidence le fait que des inégalités existent dans l’architecture même du réseau Internet. Enfin, nous prendrons le cas de l’Afrique pour voir jusqu’à quel point il peut s’agir là d’un cas d’école. Nous pensons ensuite montrer que le cadre de référence dépasse l’aspect technologique pour déboucher assez largement sur le champ économique. Tout d’abord, nous tâcherons d’expliquer en quoi la maîtrise des NTIC est un facteur de compétitivité incontournable. Puis, à travers l’exemple de l’industrie musicale, nous exposerons dans quelle mesure on peut parler de mutations à l’oeuvre dans l’économie. Enfin, en rebondissant sur les conséquences sociales de ces mutations, nous montrerons que les conséquences politiques et sociales sont patentes. Peut-on parler d’une société de l’information ? Nous essayerons de répondre à cette question. Dans la même logique, nous nous attellerons à l’élucidation de la portée sociale et politique des logiciels libres. Nous nous proposons de conclure ce mémoire en nous posant la question suivante : le problème de la fracture numérique correspond-il à un problème technique ou nous renvoie-t-il à des choix politiques ? Our work has been a building work. We have conceived the structure of our work. Thus this summary will consist in explaining this structure. We have to validate or to invalidate our hypothesis. So we first have to define precisely the concept of “digital divide”. The very notion of “digital divide” is not universal so we had to choose one and we justified that choice. We want to ease the reader’s comprehension of our exploration so we have started with the most admitted aspects of the subjects and we have ended with the less obvious ones. At the end, we will see whether others interpretations of “digital divide” exist or not. Thus, we first propose to explain “digital divide” from a technical point of view. We will expose the reality of the access to the Internet. We will make appear that there are inequities in the very structure of the Internet. Then, we will take the African case into account in order to study to what extent this case is a good example. Secondly, with the results of the first part, we will try to demonstrate that the digital divide has deep economic implications. We will explain why the IT mastery is a key factor of competitivity. Then with 2 examples, we will wonder if we can talk about economic mutations. Lastly, by using the social implications of those mutations, we will show that the social and political consequences of the digital divide are real. Can we talk about a information society? We will try to answer to that question. In the same way, we will make an attempt to demystify the social and political consequences of free software. As a conclusion, we propose to raise the following question: is digital divide a technical problem or are our own political choices at stake?

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Plan Introduction : la fracture numérique : définition(s) 1. Acception élargie 2. Acception retenue et justification I. La fracture numérique revêt des aspects techniques... I.1. La réalité de la fracture numérique dans l’accès à Internet} I.2. Des inégalités dans l’architecture même du réseau Internet} I.3. L’Afrique, un cas d’école ?} II. ...aussi bien qu’économiques... II.1. La maîtrise des NTIC comme facteur de compétitivité II.2. Des mutations économiques ? : l’exemple de l’industrie musicale III. ...mais les conséquences sociales et politiques sont patentes III.1. L’essor d’une société de l’information ? III.2. La portée sociale et politique des logiciels libres Conclusion 1. De la technique... 2. ...aux choix politiques ? Guide d’entretien Questions à Alain COTE1, Chargé de Mission TIC au Conseil Régional

d’Alsace Entretien du jeudi 2 décembre 2004

1. Vous êtes chargé de mission TIC au Conseil Régional d’Alsace. En quoi

consiste exactement cette mission ? 2. Quel a été l’élément ou l’événement déclencheur de la prise de

conscience de l’importance des NTIC ? 3. Quelle est l’ambition politique du projet « Haut débit en Alsace » ? 4. Considérez-vous que le sujet de la « fracture numérique » devrait, à tous

les niveaux et partout en France, faire partie intégrante de la mission de service public ?

5. Question d’actualité. Bill GATES a fait récemment une visite en France. À cette occasion, il a été beaucoup question de lutte contre la fracture numérique. Pensez-vous que Microsoft et plus largement les firmes promouvant les logiciels propriétaires peuvent lutter efficacement contre la « fracture numérique » ?

6. Sur le site e-alsace.net, on peut voir, a contrario, également évoqués et promus les logiciels libres (cf. les articles « La biodiversité informatique » et « Logiciels libres »). Que pensez-vous de ce modèle économique ?

7. On a vu l’importance du montage juridique dans le projet « Haut débit en Alsace ». Il semble bien que les TIC aient ouvert une fracture juridique,

1 [email protected]

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notamment en ce qui concerne la brevetabilité des logiciels et la notion de droit d’auteur. Quelle est votre position sur ces sujets ?

8. Peut-on dire que les TIC participent, selon vous, à une réinvention du politique ?

Synthèse des références bibliographiques Press L., Foster W., Wolcott P., McHenry W., « The Internet in India and China », Information Technologies and International Development, The Massachusetts Institute of Technology, Volume 1, Number 1, Fall 2003, pp. 41–60 Hypothèse en jeu : Le cas africain est un cas d’école. (cf. 2.c) Résumé : Cette étude met en parallèle le développement des télécommunications et de l’accès aux NTIC en Chine et en Inde et indique que la Chine a pris la tête dans ce domaine. Tandis qu’en Inde, les universités ont été moteurs de ce développement, en Chine, c’est l’État qui a pris la tête des opérations. Toutefois les similarités sont réelles entre les deux nations et à terme, l’écart se réduira. L’autre apport de cet article est de proposer une matrice à 6 dimensions pour évaluer ce développement.

1. Omniprésence : nombre d’internautes par habitant 2. Dispersion géographique : mesure de la concentration d’Internet en points de

présence 3. Infrastructure organisationnelle : état de l’industrie et du marché des FAI

(Fournisseurs d’Accès à Internet) 4. Infrastructure dédiée à la connectivité : nombre de dorsales nationales et

internationales, points d’échange et méthodes pour résoudre le problème du dernier kilomètre

5. Absorption sectorielle : mesure de degré d’utilisation d’Internet dans l’éducation, dans le monde des affaires, dans le domaine de la santé et dans les secteurs publics

6. Sophistication d’utilisation : degré de substitution d’Internet aux autres moyens de communication comme le téléphone ou le fax

Résultats : Ce texte illustre 2 choses : premièrement, le cas africain n’est pas le seul cas éclairant ; deuxièmement, la problématique de la fracture numérique n’est pas qu’une stratégie défensive de lutte contre le sous-développement, c’est aussi un moyen offensif de développement. Marchandise Jacques-François, « Fractures d’aujourd’hui, Internet de demain », Fing, 11 octobre 2004. Hypothèse en jeu : La notion de fracture numérique n’est pas essentiellement technologique et économique mais comporte des aspects sociaux et politiques plus féconds.(hypothèse de départ pour le mémoire) Résumé : Jacques-François Marchandise commence par poser le problème de la définition de la ou des fractures numériques. Il y voit davantage un clivage social que technologique. Cela a deux conséquences immédiates. Tout d’abord, la fracture numérique est la prolongation des exclusions économique et sociale. D’autre part, la multiplication des matériels et la démultiplication des accès sont insuffisants pour pouvoir parler de la société de l’information ou de société en réseau. Par la suite, l’auteur passe le fossé entre les nantis du numérique et les « sans clavier » au crible de 5 fractures :

1. La fracture générationnelle due principalement à l’accélération temporelle provoquée par les NTIC : call-centers, PAO...

2. La fracture "culturelle" due à l’avènement fulgurant d’une approche textuelle, technique et abstraite de l’information et de la communication

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3. La fracture géographique entre Nord et Sud, villes et campagnes, même si des parades technologiques existent

4. La fracture d’accessibilité (handicap, état de santé) en voie de réduction même si les coûts pour y parvenir sont considérables

5. La fracture au sein des corps sociaux due à l’émergence du logique horizontale du travail

Ces multiples grilles de lecture permettent à l’auteur de mettre en évidence la prégnance des besoins sociaux : lutte contre l’exclusion, intervention des pouvoirs publics dans les aspects non rentables ce qui débouche sur la notion fondamentale d’échange, qui permet de dire que les NTIC ne sont pas un luxe. Mais cela signifie également l’émergence d’un société en réseau à rebours de la tradition verticale de la culture, de l’éducation, de l’État, de l’insertion sociale ou des relations professionnelles. L’auteur conclut sur les moyens d’action possibles, au premier rang desquels il cite l’accès mais qu’il associe immédiatement avec une offre de contenus et de services adéquats. Mais plus encore, il faut une culture (i.e. un univers représentatif) et une praxis pour donner corps au véritable enjeu sous-jacent : la réinvention de la participation de l’individu au corps social, individuellement et collectivement. Résultats : La fracture numérique ne revêt pas dans sa notion que des aspects technologiques et économiques mais aussi et peut-être surtout des aspects sociaux. Van Seters P., De Gaay Fortman B., De Ruijter A., « Does the “Digital Divide” Exist ? », Globalization and its new divides: malcontents, recipes, and reform, Dutch University Press, Amsterdam, 2003. Hypothèses en jeu : La validité de la notion même de fracture numérique, précision de la notion (mise en place d’une définition précise et opératoire pour notre démonstration) Résumé : Cet article met en évidence que la notion de fracture numérique est floue et que dans le même temps, elle est volontiers associée à un certain déterminisme technologique ce qui rend cette notion plus idéologique ou politique que scientifique. Puis les auteurs s’attaquent directement aux usages de l’information à l’oeuvre dans les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication pour mettre en doute sa pertinence absolue et donc pour contester la pertinence absolue d’un accès à une telle information. À cette contestation des usages de l’information, les auteurs ajoutent une dénonciation de la dictature des nombres qui prévaut dans l’approche de la fracture numérique à des fins purement statistiques, sans compter avec les interprétations de ces chiffres ... Enfin les auteurs replacent l’informatique et Internet dans le cadre des technologies de l’intellect qui ne participent au fond qu’à une recomposition de nos systèmes d’écriture. La fracture ne serait pas donc pas tant numérique que cognitive. Résultats : Les auteurs reconnaissent l’existence de la notion de fracture numérique mais balayent les opinions communément admises -- notamment déterministes et statistiques -- pour s’intéresser aux effets qui sont, selon eux, plus cognitifs que numériques. Cela semble aller dans le sens de notre démarche qui consiste à poser l’hypothèse de quelque chose au-delà des aspects technologiques et économiques. Dumas Philippe, « La fracture numérique est-elle une fatalité ? », Cric, 2003. Hypothèses en jeu : La remise en cause de la nature essentiellement technique et économique de la fracture numérique. Résumé : Cet article rappelle tout d’abord l’origine politique de la notion de la fracture numérique à l’instar de la notion de fracture sociale. Correlée à la notion de développement durable, elle est - en ce sens - une incitation éthique à mettre les NTIC au service des préoccupations de la planète. Le problème de l’accès à Internet est donc avant tout un problème politique et, nous rappelle l’auteur, conçu aux États-Unis et régi comme tel. Citant Quéau « L’Internet n’est pas qu’une technologie, c’est une idéologie de la

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connectivité », l’auteur rappelle un certain nombre de points éthiques. Mais rapidement, il en soulève les travers et les paradoxes et ce, autour de 3 points :

1. L’appauvrissement de la capacité d’innovation alors que, dans la théorie de Shannon la valeur de l’information, est liée à son caractère innatendu ; l’auteur souligne par ailleurs que le piratage et le détournement d’informations n’ont pas, à cet égard, que des effets négatifs.

2. Le conservatisme social à force de strict respect des lois ou des principes éthiques

3. L’obsession du risque ; or paradoxe de l’information, l’information sur le risque augmente le risque

À ces 3 points font écho 3 réflexions :

1. Le statut de l’auteur et de la création qui pose en fait le problème même de l’auteur, à reconsidérer dans un espace où chacun peut désormais apporter sa pierre à l’édifice. À plus forte raison, il en est de même pour la création qui en résulte.

2. Le réseautage qui est dans la nature même du réseau des réseaux et qui est une opportunité nouvelle et réelle pour les scientifiques

3. L’Internet au service du développement durable est une réalité à portée de main avec le réseau hertzien, les cybercafés, l’allègement des droits d’auteur à des fins pédagogiques et la multiplication des points d’accès publics. De là à dire que « la technologie numérique est l’outil potentiel et surpuissant d’une politique du dépassement de la fracture socio-économique »...

Résultats : L’auteur souligne certes l’implication de la fracture numérique dans la thématique du développement durable, au premier abord économique. Mais de par ses effets, il s’agit là bien davantage d’une problématique sociale et politique. Là encore, ce texte semble valider notre hypothèse de départ selon laquelle il y aurait des aspects autres qu’économiques et technologiques et que ces autres aspects seraient même primordiaux. Andretic Olivier, « La fracture numérique », Stratégies, Minefi, Revue sectorielle, n°14, avril 2003. Hypothèses en jeu : L’exemplarité du cas africain Résumé : Cette étude se veut être un tableau de bord sur l’état de l’art en matière de fracture numérique. Il met en évidence une fracture numérique toujours aussi vivace au niveau mondial mais souligne dans le même temps que le problème est désormais inscrit au plus intime des programmes de développement et qu’un modèle universel en la matière n’existe pas. Mais de fait, l’intérêt majeur de cette étude est de faire un état des lieux plus détaillé de la fracture numérique pour 9 régions du monde :

1. En Europe : des partenariats public-privé sont mis en place pour lutter contre un double fossé : nord-sud et socioprofessionnel

2. En Afrique du Nord et au Proche-Orient, les politiques volontaristes (développement des infrastructures, mesures tarifaires, multiplications des centres d’accès publics ou privés) font toujours attendre leurs résultats, si on en croit les carences en équipement mais aussi l’analphabétisme et la barrière de la langue.

3. En Afrique subsaharienne, les initiatives multiples sont encore trop faibles pour sortir le continent de l’impasse

4. Au Moyen-Orient, la fracture numérique n’est pas liée à un manque de moyens mais bien au manque d’ouverture des dirigeants et aux obstacles religieux.

5. En Asie du Sud, le drame de la fracture numérique se joue sur fond de multiples fractures sociales. Par exemple, l’Inde, pourtant spécialisée dans les services informatiques, reste loin de la « révolution digitale » annoncée avec seulement 7 millions de PC pour 1 milliard d’habitants !

6. En Asie, on note un comblement différentiel de la fracture numérique selon que l’on parle de téléphone mobile -- où on note une nette réduction de l’écart -

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- ou d’accès à Internet -- secteur encore à la traîne en raison de la chèreté des équipements informatiques.

7. En Amérique latine, la réalité de la fracture numérique se calque sur la réalité socio-économique de la région.

8. En Amérique du Nord, on s’achemine vers une remise en cause des initiatives publiques, pour des raisons politiques (retrait de l’état fédéral aux États-Unis) ou budgétaires (Canada).

9. En CEI, Russie et Kazakhstan sont encore incontestablement pénalisés par un maillage téléphonique insuffisant et des niveaux tarifaires exorbitants.

Résultats : Le cas africain n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Zin Jean, « La fracture numérique », http://perso.wanadoo.fr/marxiens/, 29 mai 2004. Hypothèses en jeu : L’enjeu des problématiques sociales et politiques à l’oeuvre dans la notion de fracture numérique est primordial. Résumé : Dans cet article, l’écologue Jean Zin passe en revue 10 grilles interprétatives applicables à la notion de fracture numérique et surtout progressives et imbriquées les unes aux autres :

1. D’un point de vue géographique, l’accès au réseau s’impose au même titre que celui au réseau routier, ferroviaire ou électrique.

2. Mais l’angle social pose le problème tout à fait différemment. Il pose le constat d’une fracture numérique aggravant les fractures sociale et économique existantes puisque les analphabètes sont davantage exclus mais ils sont désormais rejoints par ceux qui ne savent pas se servir d’un ordinateur, par ceux qui n’avaient que leur force de travail, par les personnes âgées ...

3. La logique de différentiation prédomine concomitamment à celle de l’intensification des flux. Le lien avec le lointain se fait au détriment du lien avec le proche.

4. C’est donc désormais bien le pouvoir et la logique de la communication qui prévalent et qui renvoient toute réalité, y compris démocratique, à sa pure représentation

5. D’où l’urgence de se pencher sur la question des contenus à communiquer... 6. ...tel pourrait bien être désormais notre véritable travail, dans un monde où

l’information se substitue à l’énergie. Un tel travail voit augmenter de façon irrépressible sa dimension affective et cognitive. L’économie de la rareté, de la concurrence, de l’individualisme et de la productivité immédiate doit faire place à l’économie cognitive fondée sur la surabondance d’informations, sur la coopération et l’investissement dans le long terme.

7. Ces caractéristiques sont celles de l’information - discontinuité, non-linéarité, reproduction, incertitude, coopération, gratuité - et non celles de ces nouvelles techniques.

8. Notre société hypertechnicienne n’a donc pas besoin de davantage de techniciens mais de davantage de médiateurs, d’assistance.

9. L’idée sous-jacente est bien celle d’un développement humain à savoir la valorisation et la différentiation de l’individuation et de l’autonomie, à l’opposé du salariat de masse et d’une croissance énergétique insoutenable.

10. C’est finalement la question de notre responsabilité qui est en jeu face aux opportunités créées par une autre fracture : celle de l’ère énergétique et industrielle d’avec celle de l’information et de l’immatériel.

Résultats : Les problématiques technologiques et économiques sont réelles notamment dans la perspective du basculement d’une économie de l’énergie vers une économie de l’information. Cependant, les répercussions sociales et politiques sont au moins tout aussi considérables car le développement humain (et non plus seulement économique) et l’émergence d’une nouvelle responsabilité politique sont en jeu.

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Zin Jean, « Idéologie des réseaux et théorie des systèmes », http://perso.wanadoo.fr/marxiens/, 16 septembre 2003. Hypothèses en jeu : L’essor d’une société de l’information Résumé : Dans cet article iconoclaste, Jean Zin nous met en garde contre les réseaux. En prenant résolument le parti du déterminisme technique, il explique que si les réseaux ont toujours existé, de par la technique, il n’a jamais été facile d’en constituer et par la technologie, jamais aussi facile d’en promouvoir l’idéologie. En rappelant que les réseaux, ce sont aussi les réseaux occultes, maffieux, terroristes, Jean Zin brandit l’épouvantail d’un nouveau féodalisme. Par la suite, il oppose la promotion des réseaux à la théorie des systèmes en soulignant que les systèmes, pour odieusement centralisés qu’ils soient, s’en tiennent au moins à un processus tangible tandis que les réseaux restent toujours dans l’abstraction. Sur un plan plus économique, il rapproche l’idéologie des réseaux du néo-libéralisme de Hayek, au laisser-faire, à la « main invisible » d’Adam Smith. D’un point de vue organisationnel, il met en exergue l’importance des relais, des traducteurs, des intermédiaires et donc d’une centralisation. Il oppose par suite autonomie innée et autonomie construite, démocratie et démocratisation. Il conclut en prônant l’édification d’une intelligence collective et l’introduction de la temporalité dans les réseaux pour donner du sens. Résultats : Ce texte met le doigt sur un point sensible : la nature réticulaire de l’information dans le cadre des NTIC. Or sans relais, sans intelligence collective, sans temporalité, cette réticularité ne saurait donner corps à une société. Baudrillard Jean, L’échange impossible, Galilée, 1999. Hypothèses en jeu : La prédominance de l’aspect social et politique, l’essor d’une société de l’information Résumé : Dans ce livre, Jean Baudrillard fait l’hypothèse de l’impossibilité de l’échange du monde, c’est-à-dire l’irruption partout de l’incertitude. Pour faire pièce à cette omniprésente incertitude, la Réalité Virtuelle - le numérique, l’information, la computation universelle - serait l’ultime palliatif. Ce Virtuel est l’équivalent technique du royaume de Dieu – depuis la mort de celui-ci –, un monde entièrement positif, privé de dialectique manichéenne et d’altérité et produisant l’indécidabilité du monde. Dans ce monde virtuel s’est opérée une dissociation de l’intelligence et de la pensée. Des facultés essentielles mettent en cause l’équivalence de ce monde numérique : la sensation, la perception, la jouissance, la souffrance... et la pensée elle-même qui est un acte de séduction. Résultats : L’information est bien présente, l’absence de facultés essentielles met en doute la possibilité de société de l’information dans un cadre essentiellement numérique ; on ne saurait donc parler d’une prédominance de l’aspect social et politique. Castells Manuel, La société en réseaux, Fayard, 1998. Hypothèses en jeu : La prédominance de l’aspect social et politique, l’essor d’une société de l’information Résumé : Dans cet ouvrage-somme devenu une référence, Manuel Castells décrit la révolution des NTIC depuis les années 70. Sur le plan de l’individu, ce dernier fait face au réseau et non plus au système ce qui induit plus de souplesse mais aussi une possible fusion dans un grand moi collectif au risque de subvertir le concept occidental de sujet autonome et indépendant. Ressurgit parallèlement le problème de l’identité : le sujet redevient défini pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait.

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Sur le plan économique, l’information est devenu un produit économique à part entière – la déclinaison financière de cette réalité est, à cet égard, particulièrement saisissante, mettant en oeuvre un retour spectaculaire du capital. Enfin sur un plan plus culturel, on assiste à l’émergence d’une culture de la « virtualité réelle » qui marque l’immersion dans l’électronique, la diversification du public de masse et l’essor des communautés virtuelles. Résultats : La notion de société paraît problématique dans la mesure où il y a une mise en abyme de la notion d’individu, ce qui remet en question la notion occidentale et moderne de société. Pour ce qui est l’information, celle-ci est bien présente sur un plan économique aussi bien que culturel et social. Mais rien ne dit que ces deux aspects sont prédominants. Breton Philippe, Proulx Serge, L’Explosion de la communication à l’aube du XXIème siècle, La Découverte, 2002. Hypothèses en jeu : L’essor d’une société de l’information et la teneur d’une telle société Résumé : Cet ouvrage-somme retrace l’histoire de la communication et de sa pensée depuis la préhistoire jusqu’à nos jours. En l’espèce et pour le sujet qui nous intéresse, nous focaliserons notre attention sur 3 chapitres de ce livre : « Usages des technologies de l’information et de la communication », « Informatisation, virtualisation, mondialisation » et « La communication entre idéologie, utopie et nouvelles religiosités ». 1. Le chapitre « Usages des technologies de l’information et de la communication » fait état de l’articulation entre technologies et société en évitant le double écueil du déterminisme :

- Déterminisme technologique qui pousserait à considérer les évolutions technologiques comme un fait acquis et, de là, à en envisager les conséquences sur la société ; - Déterminisme sociologique qui consisterait à faire des évolutions intrinsèques de la société l’origine des évolutions technologiques.

En effet, les auteurs prennent résolument le parti d’une posture épistémologique fondée sur l’étude de l’usage de ces technologies et proposent, en l’empruntant à Madeleine Akrich une typologie en 4 points de cet usage :

1. le déplacement comme élargissement du champ d’usage ; 2. l’adaptation comme ajustement à un environnement ; 3. l’extension comme enrichissement des fonctions par ajout ; 4. le détournement comme réappropriation à un autre dessein.

Précisément, de l’usage, les auteurs nous entraînent vers la notion d’appropriation en distinguant -- là encore – 4 niveaux :

1. premier niveau : l’interaction entre l’utilisateur et le dispositif technique : on est dans le domaine de l’utilisation ;

2. deuxième niveau : la coordination entre l’usager et le concepteur : on quitte l’utilisation pour rentrer dans l’usage ;

3. troisième niveau : la situation de l’usage dans un contexte d’action sociale i.e. de pratiques et de rapports sociaux ;

4. quatrième niveau : l’inscription de dimensions politique et morale dans l’usage. 2. Le chapitre « Informatisation, virtualisation, mondialisation » s’attache davantage à l’étude du concept paradigmatique d’ « information ». Il l’inscrit dans la tradition multi-séculaire du calcul. Cette nouvelle notion d’information, envisagée comme calcul, a pu devenir opératoire par le triple apport de la mécanographie, de l’algorithmique moderne avec Alan Turing et de l’invention de l’ordinateur. Ce dernier s’est vite érigé comme un prodigieux calculateur d’informations. Mais ce n’est pas tout car rapidement la mise en réseau des ordinateurs a été imaginée et son ultime concrétisation – Internet – est née de l’improbable rencontre de la culture d’establishment scientifico-militaire et de la culture libertaire des hackers. Cette innovation a débouché sur une nouvelle configuration médiatique fondée sur la convergence des moyens de télécommunication et des moyens de diffusion. Il en résulte une réalité virtuelle, des communications virtuelles ambivalentes

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(représentation, résolution ou hybridation du réel ?) dont on ne sait qui va l’emporter d’un contrôle ou d’une solidarité planétaires et inédits... 3. Le chapitre « La communication entre idéologie, utopie et nouvelles religiosités » s’attaque, quant à lui, à une critique de l’idéologie à l’oeuvre dans le nouveau paradigme informationnel. Au coeur de cette idéologique place la théorie cybernétique de Norbert Wiener qui dépasse la stricte notion mathématique d’information définie par Shannon pour désigner comme information « le contenu de ce qui est échangé avec le monde extérieur à mesure que nous nous y adaptons et que nous lui appliquons les résultats de notre adaptation »2. De là, Wiener définit l’information comme le seul rempart face au désordre de l’entropie – l’entropie étant assimilée au Diable. Le réel n’est envisagé que comme un vaste échange d’informations, l’intériorité de l’individu étant tout simplement niée. Il en découlera pour l’auteur de cette théorie un homme et une société nouveaux. L’un et l’autre sont vus comme des entités informationnelles : pour l’homme, la découverte du code génétique semblera valider cette théorie ; pour la société, la thématique de la « nouvelle société » connaît un écho très large et très favorable de la notion d’ « autoroute de l’information », à l’école de Palo Alto, en passant par Jacques Lacan, Teilhard de Chardin et la notion de « noossphère »3. Les auteurs ne manquent de faire remarquer, à cet égard, l’incroyable hybridation de cette théorie : anarchiste et rationnelle, pragmatique et utopique, communiste au sens marxien et proudhonien et pourtant ancrée de plain pied dans un système capitalisme. Cette théorie – de surcroît fondamentalement tolérante et non-violente – probablement en phase avec un certain nombre de nos préoccupations liées à la problématique de la complexité, a pu ainsi s’ériger en véritable système de croyances à l’égard duquel des pratiques comme les communautés virtuelles mais aussi le piratage pourraient bien constituer une sorte de culte. Résultats : Les auteurs semblent accorder du crédit à la notion de société de l’information mais pour en souligner presque immédiatement les effets pervers : réalité virtuelle, négation de l’intériorité de l’individu, religiosité et culte techniques... Breton Philippe, Le Culte de l’Internet, La Découverte, collection « Sur le Vif », 2000. Hypothèse en jeu : L’essor d’une société de l’information Résumé : Dans cet ouvrage, Philippe Breton approfondit cette notion de culte évoquée précédemment qui – selon lui et assez paradoxalement – pourrait bien constituer une menace pour le lien social. Il balaye tout d’abord la fausse alternative d’être pour ou contre Internet. Il en vient plutôt à montrer assez rapidement que derrière l’aspect technique, se joue toute une orchestration idéologique voire religieuse autour de cette innovation. Les titres de chapitre sont tout à fait symptomatiques de l’exposé d’une véritable liturgie technologique : « la promesse d’un monde meilleur », « l’incarnation d’une vision »... Les deux chapitres « Un univers de croyances » et « Les appuis de la nouvelle religiosité » en particulier nous permettent de appréhender plus précisément les tenants et les aboutissants de cette « utopie technicienne »:

1. L’idéal de transparence ; 2. L’idéal d’ouverture ; 3. La libre circulation et le refus de la Loi ; 4. La communication directe et le refus de la médiation ; 5. L’apologie de l’esprit et le refus de la parole incarnée ; 6. La proximité avec le bouddhisme et le New Age ; 7. Le jeunisme.

Et pourtant, l’auteur fait état d’un tribut social très lourd : 1. Le tabou de la rencontre directe : la peur de l’autre, des épidémies, la nécessité de la

séparation physique, une inaptitude à la communication directe ;

2 Wiener, 1954 3 On pourra d’ailleurs noter à ce sujet qu’un fournisseur d’accès s’appelle justement « Noos »

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2. Une menace pour le corps social : le culte de la clandestinité, le prosélytisme, le recul des libertés dans une société sécuritaire, la désynchronisation des activités sociales, le fantasme morbide de l’Homme dans un système de pensée alter-humaniste.

Résultat : Il y a bien information et prolifération et culte technologique autour d’elles mais le lourd tribut social fait qu’il est plus que problématique de parler de société de l’information. Wolton Dominique, Penser la communication, Flammarion, collection « Champs », 1997. Hypothèse en jeu : L’essor d’une société de l’information Résumé : Nous attacherons exclusivement à la synthèse de la cinquième partie de cet ouvrage intitulée « Les nouvelles technologies » et qui concerne plus spécifiquement notre sujet. Dans cette partie, Dominique Wolton commence par dénoncer 3 effets pervers de l’idéologie technologique qui fait corps autour des NTIC :

1. Amalgamer les 3 ordres mondial, global et universel. Ainsi la mondialisation de la technique serait nécessaire à la globalisation de l’économie et partant, à la diffusion des valeurs universelles occidentales.

2. Faire rimer NTIC et liberté ; or la technique ne signifie pas à fixer l’usage. 3. Superposer offre et demande en matière de NTIC comme la demande allait

aller de soi... Ce que dénonce l’auteur dans cette idéologie, c’est la confusion à l’oeuvre entre performances techniques et performances humaines et sociales. Aux 3 effets pervers précités, Wolton fait correspondre par la suite 5 « clés du succès » des NTIC :

1. La rupture avec les médias de masse : attrait irrésistible de l’interactivité ; 2. L’aventure culturelle d’une génération, la génération Internet4 porteuse d’une

« utopie immatérielle » ; 3. Le symbole de la modernité, une modernité animée par le lien entre écologie et

communication ; 4. Une réponse à l’angoisse anthropologique moderne : la solitude et le besoin de

solidarité tout à la fois ; 5. Le « court-circuit » du développement mondial : les NTIC comme moyens de

sortir du sous-développement et de « neutraliser les effets néfastes du capitalisme »5.

À ces 5 clés du succès font écho 3 piliers d’un discours de mieux en mieux huilé :

1. Le mondialisme : le village planétaire et l’alliance du global et du local ; 2. La suppression du temps et de l’espace6; 3. Tout va changer.

Résultat : On peut bel et bien parler d’une prolifération d’information sous sa forme la plus technologique mais de là à parler de société... Gorz André, L’immatériel : connaissance, valeur et capital, Galilée, 2003. Hypothèse en jeu : Les logiciels libres ont un impact social et politique.

4 la positive generation tant vantée par le FAI Wanadoo 5 La croyance en la fracture numérique et sa possible résorption s’inscrit d’ailleurs pleinement dans cette logique ;) 6 Sur ce sujet : Frances Cairncross, The Death of Distance, Orion Business Paperbacks, 1997-1998

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Résumé : Nous attacherons ici exclusivement à la synthèse des parties III.2 « Les dissidents du capitalisme numérique » et III.3 « Un autre monde est possible » qui concernent plus spécifiquement notre sujet. Dans la partie « Les dissidents du capitalisme numérique », l’auteur évoque le cas des artisans du libre (logiciels et réseaux) – qui n’auraient pu exister sans Internet et vice-versa – pour désigner dans cette dissidence élitaire une double dissidence économique et sociale. Il évoque ainsi l’émergence d’une knowledge class ou travailleurs de l’immatériel. On y distingue la knowledge elite avec en son sein les symbolic analysts ou manipulateurs de symbole où l’on retrouve l’élite high-tech. Première dissidence, d’avec le reste de la population. Mais une deuxième dissidence plus stupéfiante, le ralliement d’une partie de l’élite high-tech vers l’autre pôle de l’économie numérique, ce que l’auteur nomme « prolétariat post-industriel ». L’auteur y voit une « mutation culturelle antiproductiviste et anti-étatiste », une sorte d’application du principe marxien de « richesse dépouillée de sa forme bourgeoise ». Dans la partie « Un autre monde est possible », la liaison est faite avec les mouvements altermondialistes. Un parallèle se fait entre le « communisme des chercheurs » et l’ « anarcho-communisme » des réseaux libres. Les notions d’économie et de vie sociale sont complètement réinventées dans cette nouvelle matrice commune : revenu garanti contre revenu minimum, valeur d’usage contre valeur marchande. Résultat : Ce texte montre que les logiciels libres ont un impact social et politique, au moins dans le discours et dans l’agitation d’idées. George Éric, « Les dessous des discours sur la fracture numérique », Conférence Internationale « TIC & Inégalités : les fractures numériques », Paris, Carré des Sciences, 18-19 novembre 2004. Hypothèses en jeu : La prégnance des biais sociaux et politiques sur les aspects techniques et économiques. L’essor d’une société de l’information et la teneur d’une telle société. Résumé : Dans ce texte, l’auteur remet en cause les discours dominants empreints de déterminisme technique et économique. Il estime qu’ainsi la question de la fracture numérique se réduit à une logique d’accès lors même qu’il préconiserait, quant à lui, de s’interroger sur les finalités de ces TIC dont ni les instances économiques ni la « société civile » ne semble plus désormais contester la suprématie. En effet, l’auteur montre que dans le même temps se met en place tout un discours idéologique et mythique masquant la réalité de la concentration croissante des leviers de communication. Émergerait alors une société de l’information, une nouvelle société fondée sur l’abondance de l’information et le libre partage de cette richesse. L’auteur fait pourtant remarquer qu’une telle société fondée sur les TIC, ne ferait que retenir les TI pour oublier le C de communication et souligne qu’une telle prise de conscience commence à apparaître. Résultat : Ce texte nous met en garde contre le déterminisme technique et économique qui reste encore très présent dans les esprits. Il nous avertit également contre les dérives d’une société de l’information qui oublierait la communication. Ranaivoson Heritiana, « Les majors du disque face au développement des technologies numériques : un frein à la diffusion de la musique ? », http://irene.asso.free.fr/digitaldivides/fr/papers.htm, Université Paris I, France, 2004. Hypothèses en jeu : L’économie connaît des mutations liées à la problématique de la fracture numérique. L’industrie musicale est un bon exemple. Résumé : Ce texte étudie les rapports entre les stratégies des majors et des technologies numériques d’une part et l’inégalité d’accès à la musique d’autre part. L’auteur explique dans un premier temps que ce rapport est positif, compte tenu de la réduction des coûts de mise à disposition et de la collectivisation de la musique. Toutefois la prise en compte des coûts d’équipement du côté du consommateur modère ces effets positifs. D’autre part, les réactions des majors face au problème du piratage et leur souci constant de protéger les

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ayant-droits a plutôt tendance à freiner la diffusion de la musique. L’auteur conclut sur la nécessité d’un arbitrage entre protection des ayant-droits et défi de la diffusion la plus égalitaire possible à la musique. Résultats : Ce texte semble valider la deuxième partie de notre hypothèse, à savoir que l’industrie musicale est un bon exemple de mutation économique liée à la problématique de la fracture numérique. Toutefois sur la corrélation dans un contexte plus général entre mutation économique et problématique de la fracture numérique, celle-ci ne semble possible que dans la mesure où l’on prend le parti pris fort de mettre sur le même plan des problématiques juridiques et des choix politiques et idéologiques caractérisés – l’auteur n’a pas manqué de le faire en l’espèce, en considérant que la diffusion de la musique est une bonne chose en soi – ce qui ne va pas de soi...

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Notes 1 Jacques Ellul, Le Bluff technologique, « Avertissement », Hachette, 1988 2 Günther Anders, L’obsolescence de l’homme, 1956 3 Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, cité par CNET Networks, 5 novembre 2002. 4 Cf. « Avant-propos » 5Jean-François Soupizet, La fracture numérique Nord-Sud, Economica, collection « Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication », 2005 6 Patrick Cohendet et Lucy Stojak, « La fracture numérique en Europe : les enjeux économiques et sociaux au regard d’une “Europe de la connaissance” », futuribles n°305, février 2005 7 Jacques Henno, Internet, Le Cavalier Bleu éditions, collection « Idées reçues », septembre 2001 8John Vince, professeur spécialiste des médias numériques à l’Université de Bournemouth (Royaume-Uni), « Texte, son, vidéo: vive le “tout-en-un”! », Courrier de l’Unesco 9 « “numérique” entre les pays, la distance naturelle entre les variables d’origines centrées réduites, mesurée dans le plan qui mesure aux mieux les observations » – Soupizet, Ibid, p. 72 10 Philippe Cazeneuve, « Fracture numérique... ou fossé numérique », intervention lors du stage Créatif/Injep, juin 2003 11 Le thème de « fracture sociale », inventé par Marcel Gauchet et utilisé par Jacques Chirac au cours de la campagne présidentielle de 1995 12Philippe Cazeneuve, « Fracture numérique... ou fossé numérique », intervention lors du stage Créatif/Injep, juin 2003 13 Patricia Vendramin et Gérard Valenduc, Internet et inégalités, rapport pour RES-e-NET, Fondation Travail - Université, Centre de recherche Travail & Technologies, Namur, mars 2002 14 Olivier Andretic, « La fracture numérique », Minefi, Revue sectorielle, Stratégies n°14, avril 2003 15 Rapport de la phase de Genève du Sommet Mondial sur la Société de l’Information, Chapitre I, Résolutions adoptées par le Sommet, A – Déclaration de principes « Construire la société de l’information: un défi mondial pour le nouveau millénaire », Genève - Palexpo, 10-12 décembre 2003 16 Christophe Guillemin, « Les pays face à un néo-colonialisme numérique ? », Zdnet France, 19 novembre 2002 17Ignacio Ramonet, « Le nouvel ordre Internet », Le Monde Diplomatique, janvier 2003 18 Aurélie Laborde, « “Mettre les nouvelles technologies au service du développement” – Une analyse critique du discours du PNUD », in Netsuds n°2, L’Harmattan, août 2004 19 30 % des hommes, 50 % des femmes, en moyenne 39 % – source : Unesco, 2004 20 Dans le sens du passage de l’arabe vers l’anglais, ce qui implique également un changement de système d’écriture – le système de transcription latine étant majoritaire sur Internet 21 Larry Press, William Foster, Peter Wolcott, William McHenry, The Internet in India and China, The Massachusetts Institute of Technology, Information Technologies and International Development, Volume 1, Number 1, Fall 2003, pp. 41–60 22 Éric Guichard, « La “fracture numérique” existe-t-elle ? », INRIA – ENS, Atelier Internet n°2, 4 septembre 2003 23 Jean-Pierre Pinet (ATD), Bruno Oudet (Laboratoire Leibniz-Imag, Grenoble), « L’internet de rue : [Re]création du lien social à partir des TIC en allant au-devant des familles les plus pauvres », 5 juillet 2004 24 Mark Warschauer, Technology and Social Inclusion: Rethinking the Digital Divide, MIT Press, Fall 2002 25 « La Fracture numérique en France », Les Cahiers Français, La société française et ses fractures, n° 314, La Documentation française, mai-juin 2003, pp. 87-91 26 Fabrice Le Guel, Thierry Pénard, Raphaël Suire, « Une double fracture numérique » in Mesures de l’Internet, Les Canadiens en Europe – Chapitre France, Volume VI, avril 2004 27 Ordinateurs directement raccordés à Internet – appelés aussi hosts. Un ordinateur directement raccordé dispose d’une adresse électronique (IP) qui permet de l’identifier et de l’appeler. 28 Le nombre de hosts est calculé en remontant de la base de données des noms de domaines, vers les adresses numériques des ordinateurs connectés. Afin de mesurer le nombre de hosts par pays, doivent être pris en compte les ordinateurs accessibles au travers d’un nom de domaine « national » (suffixes pays de deux lettres : .fr, .uk...). Pour rechercher l’implantation d’un nom de domaine générique (suffixes en .com, .net ou .org) dans un pays européen, l’organisme doit rechercher l’adresse IP du serveur primaire et à partir d’elle, recourir aux bases de données des registres continentaux d’adresses IP (American Registry for Internet Numbers (ARIN), Réseaux IP Européens (RIPE), Asia Pacific Net Information Center (APNIC)) pour savoir à quel pays elle correspond à priori. Le nom de domaine peut alors être ventilé en fonction du pays d’implantation. La valeur de cet indicateur provient du fait qu’il résulte d’une mesure technique et non de déclarations, et qu’il permet une comparaison relativement fiable entre les pays et dans le temps. Source : OCDE, Perspectives des technologies de l’information de l’OCDE : Les tic et l’économie de l’information, édition 2002, à partir de Netsizer (www.netsizer.com), avril 2002 29Joël de Rosnay, « La société de l’information au XXIe siècle : Enjeux, promesses et défis » in Ramsès, édition 2000, Institut Français des Relations Internationales (Ifri), Dunod 30 Lionel Lumbroso, <www.01net.com>, septembre 2002 31 C’est un point de divergence notable entre les infrastructures de connectivité des entreprises et des particuliers et avec le RNIS – norme de moyen débit commercialisée par France Télécom sous le nom de Numéris mais de moins en moins usitée – la seule. Pour le reste, l’ADSL est tout comme pour les particuliers, la norme reine. « La technologie DSL est dominante sur l’ensemble des marches », soulignait l’ORTEL fin 2004. 32 Alain Veyret, Stéphane Lelux, Extrait du volet – Atlas des réseaux de télécommunications, ORTEL, édition 2003 33 Régis Bigot, La diffusion des technologies de l’information dans la société française in Enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français », CRÉDOC, novembre 2003 34 Régis Bigot, La diffusion des technologies de l’information dans la société française in Enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français », CRÉDOC, décembre 2004 35 BNP Paribas Lease Group, édition février 2004 36 Raymond Heitzmann et Martine Dayan, Tableau de bord du commerce électronique, services des études et des statistiques industrielles (Sessi), ministère délégué à l’industrie, DiGITIP, Mission pour l’économie numérique, 6e édition, décembre 2004 37 Autorité de Régulation des Télécommunications, décembre 2002 38 Stéphane Lelux, TACTIS, « Point sur la progression du haut débit dans les territoires », 2e journée « Haut débit et Territoires », 20 juin, ESCP, <www.tactis.fr>

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39 Guillaume Deleurence, « Le fossé se creuse entre l’ADSL des villes et l’ADSL des champs », <www.01net.com>, 24 août 2004 40 La concurrence par les infrastructures (source ART, 2004) La fourniture d’un service haut débit aux clients finaux suppose : – l’activation d’une infrastructure haut débit, comprenant le dernier tronçon jusqu’à l’abonné, se fait en général sur des réseaux câble ou cuivre (ADSL) ; – la fourniture d’un certain nombre de services liés, généralement gérés par un fournisseur d’accès Internet, et qui comprennent notamment la relation client, un portail Internet, l’hébergement de pages personnelles et un service de messagerie. Les coûts d’infrastructure représentent près de deux tiers du tarif de détail, et le coût de production des services associés un tiers. La concurrence par les infrastructures est d’autant plus importante pour le dynamisme du marché qu’elle favorise l’innovation technologique et rend possible la fourniture de services complémentaires, comme la voix sur ADSL ou la diffusion audiovisuelle. Dans la plupart des pays européens, la concurrence aux réseaux ADSL de l’opérateur historique passe en grande partie par les réseaux câblés. En France, la part de marché des câblo-opérateurs a toujours été relativement faible. Depuis début 2003, le dégroupage de la boucle locale, c’est-à-dire sa location par les opérateurs alternatifs pour fournir leurs propres services ADSL, a permis le développement d’une concurrence particulièrement dynamique par les opérateurs alternatifs. Cette concurrence par les infrastructures reste cependant relativement faible comparée à la situation des pays européens où le câble est plus développé. 41 Décision 02-1031 du 7 novembre 2002 42 Raphaëlle Karayan, « Accès alternatifs : les expérimentations Wi-Fi et satellite se multiplient », Journal du Net, 31 août 2004 43 Stéphane Lelux, « Dans un contexte concurrentiel, la diffusion du “haut débit” sur les territoires se traduit par une France à 3 vitesses », Tactis, <www.tactis.fr>, août 2002 44 Dans les paragraphes qui suivent, nous nous appuierons sur la référence suivante : Émilie Levêque, « L’art incite les collectivités locales à opérer leur propre réseau haut débit » in Journal du Net, <www.journaldunet.com>, 3 décembre 2004 45 Il existe plusieurs types de contrats de DSP : concessions, affermages, régies intéressées. Dans tous ces contrats, les biens apportés par la collectivité délégante restent sa propriété, à moins qu’ils ne soient contractuellement cédés au délégataire de service public. En ce qui concerne les biens apportés par le délégataire, il faut faire une double distinction, selon le type de DSP envisagé d’une part, et selon le type de bien d’autre part. En matière de concession, on distingue les biens dits « de retour », des biens de « de reprise » et des biens « propres ». – Les biens de retour entrent dès leur acquisition (ab initio) dans le patrimoine du concédant. Le concessionnaire dispose sur ces biens d’un droit exclusif de jouissance pour la durée de la concession ; – Les biens de reprise appartiennent au concessionnaire mais peuvent être rachetés par le concédant en fin de contrat ; – Les biens propres restent la propriété du concessionnaire. Dans les contrats d’affermage et de régie intéressée, les infrastructures sont mises à la disposition du délégataire sans aucun transfert de propriété. Néanmoins, il est loisible aux parties d’aménager contractuellement le régime décrit ci-dessus afin de le rapprocher de celui de la concession. Source : Étude relative à l’intervention des collectivités territoriales en matière d’infrastructures de réseaux de télécommunications à haut débit : contribution du cabinet Bird & Bird (décembre 2003) 46 La fibre optique jusqu’à l’abonné (Fiber to the Home ou FTTH), qui permet d’atteindre des débits symétriques supérieurs à 10 Mbits/s, est très peu utilisée en France sur le marché résidentiel en raison de son coût élevé. (source : Claude Belot, « Rapport d’information fait au nom de la délégation du Sénat à l’aménagement et au développement durable du territoire sur “Internet haut débit et collectivités territoriales” », annexe au procès verbal de la séance du 29 juin 2005) 47 Claude Belot, « Rapport d’information fait au nom de la délégation du Sénat à l’aménagement et au développement durable du territoire sur “Internet haut débit et collectivités territoriales” », annexe au procès-verbal de la séance du 29 juin 2005 du Sénat 48 cité par Raphaëlle Karayan, « Accès alternatifs : les initiatives territoriales, second souffle des infrastructures télécoms », Journal du Net, <www.journaldunet.com>, 7 septembre 2004 49 « Les Français préfèrent l’ADSL à l’Internet bas débit », ZDNet France, 29 avril 2005 50Certains n’hésitent pas à s’engouffrer dans cette brèche pour proposer le Turbo RTC, ultime évolution du modem analogique. Cette technologie repose sur l’installation d’un logiciel et permet de faire transiter les données par des serveurs très haut débit du FAI où ces données sont compressées avant d’être renvoyées à l’internaute. Le gain de vitesse théorique est de 500 % mais en réalité il est moindre car cette technologie n’apporte rien dans le cas de données déjà compressées (Zip, mp3 ou encore DivX... En France, seul France Télécom propose cette option sous l’appellation de « Booster », facturée 3 euros par mois. (source : http://www.clubic.com, 27 mars 2004) 51 Anne-Laure Béranger, « L’Internet en 2004 : la France comble son retard », Journal du Net, 30 mars 2005 52 IDATE, enquête PME/TPE Internet Haut Débit, mi-2003 53 Frantz Grenier, « La fracture numérique s’accroît entre les PME », Journal du Net, 25 août 2004 54 « Bien sûr, lorsqu’on développe une politique d’accès publics, on évite le fossé numérique. On constate d’ailleurs qu’aux États-Unis, la politique d’accès publics dans les universités et les bibliothèques a été extrêmement importante au début de l’Internet. Les pays d’Europe du Nord et le Canada ont aussi eu très tôt des politiques d’accès public qui ont permis d’éviter que le fossé numérique se développe. Une récente étude européenne [http://europa.eu.int/rapid/start/cgi/guestfr.ksh?¬ paction.gettxt=gt&doc=IP/01/362/0/RAPID&lg=FR] montre d’ailleurs une assez bonne conformité entre le nombre d’accès publics, la politique en faveur des accès publics et le taux de connexion à Internet. » (Source : Alain Giffard [ responsable de la Mission interministérielle pour l’accès public à la micro-informatique, à l’Internet et au multimédia ], « L’accès public est une des solutions pour combler le fossé numérique ». Propos recueillis par Cécile Piet, www.fing,org.inter, 28 mars 2001) Alors, les accès publics sont-ils les dignes successeurs des cabines téléphoniques ? Il semble y avoir deux écoles :

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Il existe deux écoles sur cette question et je n’ai pas d’avis tranché. La première école, en gros, voit dans l’accès public une politique de rattrapage et dit : « Quand les connexions à l’Internet à domicile, ou au travail, se seront suffisamment développées il n’y aura pas besoin d’avoir d’accès public ». Une autre école dit que, de toute façon, le mécanisme d’appropriation par le large public est un mécanisme de long terme et que, quand bien même le plus large public aurait accès à Internet, saurait naviguer et utiliser le courrier électronique, on se rendra compte que l’on peut faire autre chose avec le numérique et continuer à former, à initier et à proposer des accès publics autour de ça. Je crois que c’est un peu difficile de prévoir les choses. Normalement, année après année, dans tous les services publics en rapport avec l’usager, on devrait trouver un service de connexion. Deuxièmement, dans un très grand nombre d’endroits nous devrions trouver un accès comme on trouve un téléphone. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe dans le métro avec les points d’accès installés par la RATP. Tendanciellement, c’est ce vers quoi nous allons et il faut y aller plus vite. (Source : Alain Giffard, Ibid) 55 Même l’année suivante, où l’auteur cherche pourtant à faire amende – méthodologique –honorable. « Récapitulons : 36 % des personnes de 12 ans et plus disposent d'une connexion à Internet à leur domicile, 32 % y ont accès sur leur lieu de travail ou d'étude et 17 % se sont déjà connectés dans un lieu public. Certains disposent de plusieurs modes d'accès à la Toile, c'est pourquoi l'on ne peut additionner tout simplement ces trois chiffres. Un calcul précis établit que 56% de la population ont, ou ont déjà eu, accès à Internet, par l'un de es trois anaux. Si l'on ne retient que les personnes qui se sont effectivement – et personnellement – servies d'Internet, la proportion reste de 50% (on enlève celles qui disent ne pas utiliser Internet au travail ou à leur domicile, même si elles ont une connexion) » Source : Régis Bigot, décembre 2004 56 « L’audience de l’Internet en France », Médiamétrie, juillet 2005 57 « La taille de l’agglomération de résidence n’est pas un critère aussi discriminant pour l’accès à Internet. En revanche, seulement 4 % des personnes résidant dans des communes de moins de 2 000 habitants déclarent disposer d’une connexion à “haut débit”, contre 27 % des habitants de l’agglomération parisienne. Lorsqu’on utilise comme critère le zonage en aire urbaine [mis au point par la DATAR et l’INSEE – NdA], on constate que 4 % des habitants du “rural isolé” disposent d’un accès à Internet à haut débit, contre 18 % des habitants des “pôles urbains”. »33 58 Jacques-François Marchandise, « Fractures d’aujourd’hui, Internet de demain », 11 octobre 2001 59 Marc Coutty, « Internet : La fracture numérique entre les générations se réduit », Le Monde, 5 janvier 2004 60 Natasha Primo, L’égalité des sexes dans la société de l’information, UNESCO, 2003 61 Le coefficient de Gini tend vers 0 lorsque la répartition est égalitaire entre chaque groupe ; il tend vers 100 lorsque la répartition est complètement inégalitaire (un seul groupe détient l’ensemble d’un bien) 62 Cent fenêtres sur Internet, rapport de fin de contrat coordonné par Jean-François Rouet, avril 2003 63 Pierrette Briant et Raymond Heitzmann, « Les technologies de l’information et de la communication. En marche vers l’entreprise numérique. » in Le 4 Pages des statistiques industrielles, n°184, services des études et des statistiques industrielles (Sessi), ministère délégué à l’industrie, DiGITIP, décembre 2003 64 Les collectivités locales ne pouvaient intervenir dans le domaine des télécommunications avant 1999 car la loi précisait très clairement qui pouvait le faire et elles ne faisaient pas partie des acteurs autorisés. Il a donc fallu légiférer pour tenter de régler le problème et donner de nouvelles compétences aux collectivités. Il a tout d’abord été nécessaire de cerner la nature de ce problème et se convaincre de ce qu'une action publique était impérative, ce qui n'était pas du goût de ceux qui considéraient que les collectivités se lançaient dans un métier qui n’était pas le leur, ou que le problème serait résolu à terme par l'action privée. À la fin des années 90, les débats liés aux préparations d'une potentielle loi ont ainsi été particulièrement houleux, ce qui montre les enjeux importants de la question. Il fallait déterminer quel pouvoir on allait donner aux collectivités et jusqu'où on pouvait aller, si d'aventure on leur en donnait. Un premier article de loi a finalement été créé dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) par la loi du 25 juin 1999 (loi « Voynet 1 » sur l’Aménagement du Territoire et le Développement Durable) et modifié par la loi parue le 17 juillet 2001. C'est l'article L1511-6 du CGCT relatif à l'intervention des collectivités locales en matières d'infrastructures de télécommunications. Il stipule : « Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de compétences à cet effet peuvent, dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu'ils demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'ils attendent, créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications au sens de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, pour les mettre à disposition d'exploitants de réseaux de télécommunications titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications qui en feraient la demande » Source : Mourad HADDAD, Arnaud TOMASI, Les collectivités locales et les télécommunications : Le haut débit pour la France d’en bas ?, mémoire de 3e année, Mines Paris, juin 2005 65 Interview de Patrick Weiten in Le livre blanc du vrai haut débit, SYCABEL, avril 2005 66 Un exemple parmi tant d’autres : Christophe Lagagne, « Le WiMax débarque en Alsace », vnunet.fr, 25 juillet 2005 67 L’administration en ligne : une vision qui se concrétise, « Challengers Visionnaires : France », Accenture, 2002 68 À l’origine de la loi éponyme sur la délégation de service public45. 69 Ce baromètre fait référence au programme ADELE mis en place par le Premier ministre le 9 février 2004 : Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a lancé, le 9 février 2004 à Lyon, ADELE, le programme gouvernemental « Administration ELEctronique 2004/2007 ». « Ce programme traduit la nécessité de donner un cadre pluriannuel, cohérent et coordonné au développement de l’administration électronique en France. C’est le gage d’une réelle mobilisation, dans la durée pour simplifier la vie des usagers, des agents, des entreprises et des collectivités locales. Les 140 mesures qui sont réunies dans le plan d’actions de l’administration électronique pour les quatre années à venir, qui concerneront près de 300 nouveaux services, reposent sur quatre exigences :

- Être à l’écoute constante des usagers - Rendre les services accessibles à tous - Créer un pacte de confiance avec les Français - Faire mieux en maîtrisant les dépenses de l’État »70

70 Usages et attentes en matière de services publics en ligne, Capgemini, 3e édition, novembre 2004

Page 110: Copie de La fracture numérique en France - fadebiaye.come9moire_avec_couv_version_2.pdf · Günther Anders, quant à lui, met au jour une autre distinction entre technologie et technique

Mémoire de fin de master Sup de Co (Reims Management School) | Frank ADEBIAYE

La fracture numérique en France : définitions, enjeux, défis | XXVIII

71 Ce facteur connaît la plus forte augmentation entre 2002 et 2004 – serait-ce un effet des 35 heures ? 72 Top of the web : User Satisfaction and Usage Survey of eGovernment services, prepared for the eGovernment Unit, DG Information Society European Commission, December 2004 73 « L’administration en ligne en Europe, une source d’économies pour tous les usagers », ADAE, 2005 74 “Leadership in Customer Service: New Expectations, New Experiences” in The Government Executive Series, Accenture, April 2005 75 Taoufik El Jamali, Michel Plaisent, Hadj Benyahia, Prosper Bernard, Lassana Maguiraga, La France à l’heure du e-gouvernement, Université du Québec, mai 2005 76 Adapté au contexte canadien ; en France, on dirait plutôt : National / Régional 77 Cyber vient du grec κυϐερνάω qui signifie gouvernement, diriger ; donc « cybergouvernement » – au même titre que « discours technologique » – c’est un pléonasme ! 78 Internet et Entreprise : mirages et opportunités ? Pour un plan d’action – Contribution à l’analyse de l’économie de l’Internet, rapport de la mission conduite par Jean-Michel Yolin (ingénieur général des Mines), Conseil Général des Mines, Conseil Général des Technologies de l’Information, Ministère délégué à l’Industrie, Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, janvier 2004 79 Dominique Wolton, Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Flammarion, 1999, « Champs », 2001 80 Sessi, Scees et Insee, enquête TIC de fin 2002, publication 2004 81 Pierrette Briant et Raymond Heitzmann, « Les technologies de l’information et de la communication. En marche vers l’entreprise numérique. » in Le 4 Pages des statistiques industrielles, n°184, services des études et des statistiques industrielles (Sessi), ministère délégué à l’industrie, DiGITIP, décembre 2003 82 Mikaël Gléonnec, « Travailler ensemble à distance : une question de confiance », Hermès n°39, 2004 83 « La confiance, selon Anthony Giddens [Giddens, A., La Constitution de la société, Paris, PUF, 1987], résulte des efforts que font les gommes pour surmonter leur peur de manière à ce que celle-ci ne les paralyse pas lorsqu’il leur faut agir pour assurer leur survie ou pour préserver le système social. Elle prend deux formes qui se structurent mutuellement, l’une intérieure à l’individu, en tant qu’état psychologique de confiance, et l’autre extérieure à lui, lorsque ses actions cristallisent la confiance qu’il ressent dans les structures matérielles et symboliques de son environnement social »82. 84 Foughali M., « L’entreprise en réseau », synthèse des interventions et de la table ronde, 5e rencontres IUP/entreprises, Grenoble, 15 mars 2001. Voici la notice accompagnant ce document : Le présent document synthétise les questions et débats principaux abordés lors des 5èmes rencontres IUP/entreprises du 15 mars 2001, organisées par l’IUP ingénierie économique de Grenoble. - Les participants aux conférences furent : Fabien MARIOTTI, chercheur CRISTO Jean Paul LAURENCIN, chercheur IREPD Bernard PECH, société Lu-DANONE Michel NAVE, société NOVEXCEL (Lyon) Pierre VELTZ, ENPC (Paris) - La table ronde, animée par Jean MOCHON (Bref Rhône alpes), réunissait : Michel HERBRETEAU (OROS Meylan) Loïc BIAREZ (DIGIGRAM Meylan) Jacques GREGOIRE (BLANCOMME, Pont de Claix Daniel TOUBOULIE (SCHNEIDER Electric Grenoble) Jean Paul LAURENCIN (IREPD) 85 « L’entreprise numérique, quelle réalité en France ? », in Beyou C., Isaac H., Josserand E., Kalika M., Ledru M., e-management : quelles transformations pour l'entreprise ?, Éditions Liaisons sociales, 2003, Paris, 191 pages. 86 Soit un échantillon représentatif de 386 entreprises de toutes tailles 87 Le mot est d’Émile de Girardin (1806-1881), inventeur de la petite annonce et à l’initiative de l’introduction massive de publicité dans les journaux afin de diminuer de moitié leur prix de vente. 88 Étude « Use-IT », IDATE, mai 2005 89 « Services TIC : Qui consommera quoi en 2010 en France », ADAE, 2005