contribution au bilan de santÉ de la pac 5 1.3.3 la présidence française de l’union,chance ou...

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NOTES DE LA FONDATION ROBERT SCHUMAN www.robert-schuman.eu 44 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX : POURQUOI CROIRE À LA PAC ? CONTRIBUTION AU BILAN DE SANTÉ DE LA PAC Nicolas-Jean Brehon Préface de Joseph Daul Président du groupePPE/DE au Parlement européen

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44 N O T E S D E L A F O N D A T I O N R O B E R T S C H U M A NN O T E S D E L A F O N D A T I O N R O B E R T S C H U M A N

www.robert-schuman.eu

44

LL’’AAGGRRIICCUULLTTUURREE EEUURROOPPÉÉEENNNNEE ÀÀ LL’’HHEEUURREE DDEESS CCHHOOIIXX ::PPOOUURRQQUUOOII CCRROOIIRREE ÀÀ LLAA PPAACC ??CCOONNTTRRIIBBUUTTIIOONN AAUU BBIILLAANN DDEE SSAANNTTÉÉ DDEE LLAA PPAACC

Nicolas-Jean Brehon

Préface de Joseph DaulPrésident du groupePPE/DE au Parlement européen

L a Politique agricole commune (PAC) a été profondémentréformée depuis 15 ans.

Alors que les réformes étaient censées faire diminuer lesprix et éliminer tout risque de surproductions, jamais lesprix n’ont autant augmenté et la menace d’une crisealimentaire refait surface.Au cœur du débat, un enjeu financier majeur : en 20 ans,l’Europe a consacré 1000 milliards € à la PAC qui représente41% du budget européen.Or la PAC est de moins en moinspolitique,de moins en moins agricole et de moins en moinscommune.Elle n’a plus guère de sens ni de cap.La réformede 2003 a prévu un “bilan de santé” en 2008 : ou ce “bilande santé” sert à corriger à la marge des dispositions introduitesil y a 4 ans,ou bien il offre une occasion d’entreprendre uneréflexion de fond pour sortir la PAC du malaise qui la mine.Si la PAC demeure justifiée, le maintien d’une politiqueagricole dynamique suppose toutefois un certain nombrede conditions et,en premier lieu, la réorientation de la PACvers son champ d’intervention initial et fondamental : lasécurité alimentaire des Européens.La PAC doit s’attacherau quotidien des Européens en faisant de l’alimentation unaxe fort de ses interventions.Les difficultés actuelles de l’Unioneuropéenne sont souvent expliquées par l’attention supposéeinsuffisante aux préoccupations des citoyens. Lorsque laquestion alimentaire reviendra au premier plan,une nouvellePAC renforcée en PAAC (politique agricole et alimentaireeuropéenne) ne pourra que contribuer à relever ce défi.

Nicolas Jean-Bréhon est enseignant en finances publiques à l’Université

Paris I Sorbonne.Il a été à l’origine de la création du 1er cours universitaire

sur le budget communautaire. Il a été chroniqueur au “Monde de

l’économie” de1999 à 2008.

Site web : www.finances-europe.com

10 €ISBN 978-2-917433-04-1

octobre 2008

LL’’AAGGRRIICCUULLTTUURREE EEUURROOPPÉÉEENNNNEE ÀÀ LL’’HHEEUURREE DDEESSCCHHOOIIXX :: PPOOUURRQQUUOOII CCRROOIIRREE ÀÀ LLAA PPAACC ??CCOONNTTRRIIBBUUTTIIOONN AAUU BBIILLAANN DDEE SSAANNTTÉÉ DDEE LLAA PPAACC

Nicolas–Jean BREHON

Préface de Joseph DAULPrésident du groupe PPE/DE au Parlement européen

sommaire

Préface................................................................... 6

Introduction ........................................................ 10

Résumé................................................................ 12

Summary............................................................. 16

1. Le contexte : la situation en 2008 ................. 201.1 Le contexte institutionnel :

les choix européens sur la PAC...........................................201.1.1 Les trois réformes de la PAC ......................................................20

a) La PAC avant les réformes ...............................................................20b) Les trois réformes décisives .............................................................22

1.1.2 Le changement de périmètre ......................................................26

1.2 Le contexte socio-économique :les nouveaux défis agricoles ..................................................27

1.2.1 La PAC et l’environnement......................................................... 27a) L’émergence des préoccupations environnementales ................27b) Les évolutions attendues ..................................................................29

1.2.2 La nouvelle donne agricole mondiale ..............................................33a) Hausse des prix ou volatilité des prix alimentaires ?.................33b) Perspectives ........................................................................................36

1.3 Le contexte politique du bilan de santé ..............................371.3.1 L’engagement européen sur le bilan de santé..........................381.3.2 Le bilan de santé et les autres négociations européennes........40

a) Bilan de santé et réexamen du cadre financier pluriannuel .......40b) Bilan de santé et organisation mondiale du commerce............41

4 5

1.3.3 La présidence française de l’Union, chance ou contrainte ?.....44a) Un rendez-vous attendu avec la France .......................................45b) Quelles perspectives en cas d’enlisement des négociations ? ......47

2. La PAC dans une impasse ? ........................... 50

2.1 Bilan des réformes : la crise politique de la PAC................502.1.1 Une politique de moins en moins politique .............................502.1.2 Une politique de moins en moins agricole....................................522.1.3 Une politique de moins en moins commune ...............................52

2.2 Limites et travers de la réforme de 2003 ..........................542.2.1 Une dépendance accrue des agriculteurs aux fonds

communautaires. ............................................................................54a) Le cas des anciens États membres ................................................54b) L’application des aides directes

dans les nouveaux États membres ...............................................572.2.2 Le système des droits à paiement unique est-il tenable ? .......58

a) Un système techniquement trop complexe..................................58b) Un système politiquement fragile ..................................................60

2.3 Les propositions actuelles......................................................612.3.1 La position des agriculteurs ........................................................61

a) Quelles sont les demandes des agriculteurs ? .............................61b) Les inquiétudes des agriculteurs ....................................................64

2.3.2 Les principales propositions en débat.............................................66a) La proposition de la Commission : l’aménagement technique .....66b) La position française........................................................................67c) La position des autres États membres ........................................69

3. Quelques pistes pour une réforme ............. 72

3.1 Pourquoi croire en la PAC ?..................................................72

3.1.1 Pour des raisons politiques..........................................................723.1.2 Pour des raisons économiques ........................................................75

a) Les prix.................................................................................................75b) Les productions ..................................................................................77

3.1.3 Parce que la plupart des dénigrements de la PAC sont inopérants ou fallacieux.........................................79a) PAC et recherche ..............................................................................80b) PAC et correction britannique....................................................... 83

3.2 Quelques axes pour une PAC rénovée ............................. 863.2.1 Le cadre politique : retrouver de la cohérence...................... 86

a) La PAC doit être avant tout une politique agricole .................. 86b) Toute politique agricole doit viser la sécurité alimentaire ...... 88

3.2.2 Adapter les outils techniques et budgétaires.............................. 90a) Retrouver une gestion des stocks ................................................ 90b) Établir un système de prix garantis .............................................93c) Redéfinir la PAC pour en alléger le poids budgétaire ...............95

3.2.3 Répondre aux contestations environnementales....................97a) Préserver la biodiversité...............................................................98b) Préférer le contrat à la contrainte..............................................99 c) Systématiser l’analyse environnementale

de “l’empreinte carbone” de la production alimentaire ...........99d) Appliquer à l’agriculture

le marché des émissions de gaz à effet de serre ..................100 3.2.4 Renouer avec l’opinion. De la PAC à la PAAC

(politique agricole et d’alimentation commune)...................103a) Quand l’agriculture s’éloigne de la société ..............................104b) Un plan d’action alimentaire....................................................105

Conclusion ...................................................... 110

Annexes ........................................................... 112

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

7L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX6 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

cités à chaque étape de son parcours, sur lesenjeux budgétaires,mais aussi sur la capacité dumonde agricole à accepter les changements età s'adapter à la conjoncture économique et auxbesoins nouveaux du consommateur euro-péen, illustre parfaitement cette évolution, etpose très justement les défis qui nous sontlancés aujourd'hui.

Je tiens à remercier et à féliciter l'auteur de cetouvrage,ainsi que la Fondation Robert Schuman,qui proposent, à partir de l'analyse historique,des pistes de réflexion concrètes et innovantesau débat actuel et futur à court terme.

L'agriculture européenne est effectivement,une fois de plus dans son histoire,“à l'heure deschoix”.

Ces choix sont conditionnés par un contexteinternational qui a évolué d'une façon plutôt inat-tendue ces derniers mois. La crise alimentairemondiale sur laquelle est venue se greffer unecrise financière grave a fait chanceler un certainnombre de certitudes. De plus, au sein del'Union européenne, des crises sanitaires suc-cessives ont obligé les producteurs et leschaînes de transformation et de distribution àrevoir leurs conditions de production ; la sécu-rité sanitaire est à ce prix.

Ma fonction de Président du Groupe PPE-DEau Parlement européen me permet d'apprécierà sa juste valeur, dans la multitude des dossiersqui me sont soumis, celui qui a été l'un des élé-ments-moteurs de la construction européenneet que j'ai eu l'occasion de suivre pas à pas dansmes fonctions de responsable professionnelagricole français, puis dans celle de Présidentde la Commission de l'Agriculture et du Déve-loppement Rural au Parlement européen, à sa-voir la Politique Agricole Commune.

La PAC,la première des politiques européennes,la seule parfaitement intégrée et mutualisée, atoujours eu comme vocation essentielle denourrir la population et d'assurer ainsi à l'Europeson indépendance alimentaire.

Elle a subi, au fil des décennies de l'histoire del'Europe,de nombreuses réformes pour l'adap-ter aux besoins des marchés, aux demandes dela société et du consommateur,sans oublier lesconditions de vie des agriculteurs.

Cet ouvrage, très documenté sur l'histoire dela PAC,sur ses réformes,sur les problèmes sus-

Préface

9L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX8 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

A mon avis, la PAC future, celle qui devra semettre en place après 2013, survivra à la condi-tion de maintenir sa vocation agricole et decontinuer à remplir son rôle premier, qui estd'assurer la sécurité alimentaire en Europe etdans les régions du monde qui comptent surnous.

A nous, responsables politiques, de trouver lesmoyens pour lui donner ce nouvel élan dans lecontexte alimentaire mondial actuel.

Cet ouvrage pourra, j'en suis sûr, inspirer lar-gement débats et décisions dans les prochainsmois.

Joseph Daul

Président du groupe PPE/DE au Parlementeuropéen

Préface

10 11

u deuxième semestre 2008, l’Union euro-péenne est invitée à dresser un “Bilan de

santé” de la politique agricole commune (PAC).“Bilan de santé” ? L’expression est plutôt curieuse.La PAC serait-elle malade ? Ou vieillie ? Ou lesdeux à la fois ?

La PAC a 50 ans et a été profondément réfor-mée depuis 15 ans sans que jamais les critiquesne s’estompent. Elle serait trop gourmande,bud-gétivore, inadaptée, injustifiée. Les réformateurss’appliquent à la transformer mais la PAC ne cessed’être malmenée.

Au cœur du débat, un enjeu financier majeur etmême considérable : en 20 ans,l’Europe a consa-cré 1000 milliards d’€ (en € actualisés) à la PAC.Devant ce chiffre,deux réactions sont possibles.La première : 50 ans, 1000 milliards, ça suffit. “Lacrise actuelle est une opportunité pour éliminer cefleuve d’interventions néfastes”(1). La seconde :1000 milliards pour en arriver là ? Avoir consa-cré tant d’argent et être tenté par l’autodafé ?Est-ce cela que les Européens désirent ? N’y a-t-il vraiment rien à sauver ?

La PAC a été accusée pendant 20 ans de trop pro-duire et l’inquiétude porte désormais sur lerisque de pénurie. Mais le trouble est aussi plusprofond. L’ancienne PAC était articulée sur unsystème cohérent : les auteurs du traité de Romeavaient fixé des objectifs et l’organisation mise enplace était censée y répondre. Il y avait un enchaî-nement,une logique,en d’autres termes,une poli-tique : d’abord fixer des objectifs, et ensuiteorganiser un système.

Et non pas le contraire.

Accaparée par la réforme et la maîtrise budgé-taire, la PAC s’est transformée en oubliant peut-être le principal. Un nouveau système a été misen place, axé sur la redistribution de revenus maisil n’y a plus d’objectifs.

La PAC n’a plus de cap !

Ce “bilan de santé” est l’occasion de lui en donnerun. La PAC est habituée à ces rendez-vousannoncés comme des “revues de détail” rituelles,voire presque banales, et qui en vérité sont devéritables programmes d’action.Ne nous y trom-pons pas,le “bilan de santé” dessinera la réformede la PAC de l’après 2013.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Introduction

A

(1) Financial Times du 30avril 2008.

12 13L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

La Politique agricole commune (PAC) a été pro-fondément réformée depuis 15 ans sans fairecesser les critiques. La dernière réforme de2003, généralisant le “découplage”, c'est-à-direattribuant des aides aux agriculteurs indépen-dantes - découplées des productions, a prévuun “bilan de santé” en 2008.

Au cœur du débat, un enjeu financier majeur :en 20 ans, l’Europe a consacré 1000 milliards €- en € actualisés - à la PAC.Dans le budget annuelde l’Union européenne, la PAC reste le premierposte budgétaire avec 53 milliards € en 2008,toutes dépenses confondues, soit 41 % dubudget, un poids supposé être un handicappour que l’Union se tourne vers des dépensesjugées plus adaptées aux défis de l’économiemondiale. Mais en dehors de cette critiquerécurrente, la PAC souffre d’un mal plus diffus.La PAC de jadis réglait les marchés agricoles,tandis que la PAC actuelle est avant tout une aideaux revenus des agriculteurs : la PAC est de moinsen moins politique,de moins en moins agricoleet de moins en moins commune.La PAC n’a plusguère de sens ni de cap.

De surcroît, alors que toutes les réformesdepuis 15 ans étaient censées faire diminuer lesprix et éliminer tout risque de surproductions,jamais les prix n’ont autant augmenté et lamenace d’une crise alimentaire refait surface.

Ainsi, la PAC est critiquée par ceux-là même quil’ont réformée et les réformes n’ont guère étédes succès. Alors que faire ? Soit le “bilan desanté” sert à corriger à la marge des disposi-tions introduites il y a 4 ans, soit il est aussi uneoccasion d’une réflexion de fond pour sortirla PAC de cette sorte de malaise qui la mine.

La PAC demeure justifiée d’abord pour desraisons de principe, car c’est la seule politiqueauthentiquement communautarisée :décidée à27 et appliquée aux 27.C’est la seule politiquecommune et, peut-être, la seule qu’il y aurajamais. Une politique réellement communesuppose de tels abandons de souveraineté qu’ily aura toujours un Etat qui hésitera à franchirce pas sur une autre politique.Y compris sur larecherche, si artificiellement comparée à laPAC : le secteur agricole est presque totalementfinancé par l’Union européenne,alors que cettedernière n’intervient qu’en appoint de larecherche européenne. Il est donc parfaitementlogique que les crédits de la PAC dépassent lescrédits européens de recherche !

Le maintien d’une PAC dynamique suppose tou-tefois quelques conditions. Il faut avant toutretrouver une cohérence : la PAC doit être unepolitique agricole. La très grande dépendancedes agriculteurs à l’égard des subsides européensest humiliante et vouée à l’abandon.La PAC s’esttrop transformée en assistanat social pour per-

Résumé

14 15L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

durer. Il faut redonner de la dignité aux agri-culteurs et de la crédibilité à la PAC. Les aidesau monde rural (les aides dites du 2ème pilier)à vocation sociale ou environnementale sontutiles mais éloignent la PAC de son champ d’in-tervention initial et fondamental : l’agriculture.Cette politique agricole doit être orientée versla sécurité alimentaire des Européens. Celle-cimérite que l’Union conserve quelques outilspolitiques et budgétaires parmi lesquels des ins-truments de gestion des stocks,bon moyen delisser les sauts de prix, et des prix rémunéra-teurs garantis sur le modèle américain des“marketing loans”.

Mais la PAC,ainsi recentrée, devra aussi renoueravec l’opinion.Ce lien vital tend à se distendre.Pour parvenir à retisser ce lien social, il faudrad’abord que la PAC dénoue ses liens contra-dictoires avec les questions d’environnement,talon d’Achille de l’agriculture moderne.Il faudraensuite qu’elle s’attache au quotidien desEuropéens en faisant de l’alimentation, notam-ment en fruits et légumes, un axe fort de sesinterventions. L’échec européen est souventexpliqué par l’attention supposée insuffisante auxpréoccupations des citoyens. Lorsque la ques-tion alimentaire revient au premier plan,une nou-velle PAC renforcée en PAAC (politique agricoleet alimentaire européenne) ne peut que gagnerà relever ce défi.

Résumé

17

Moreover whilst all reforms over the last fifteenyears were supposed to bring prices down andto eradicate all risks of over production,priceshave never risen so much and the threat of afood crisis has re-emerged.

Hence the CAP is criticised by those who refor-med it and the reforms have barely been suc-cessful. So what should be done ? The HealthCheck either helps to slightly correct the mea-sures introduced four years ago,or it also pro-vides an opportunity to think at length aboutthe problems which are undermining it.

The CAP is still justified primarily for reasonsof principle since it is the only truly commu-nautarised policy: decided upon by 27 membersand applied by the 27 members. It is the onlycommon policy and may be the only one thereever will be. A truly common policy supposessuch great relinquishment of sovereignty thatthere will always be a State that will be reticentin crossing the line to sign another policy.Thisalso includes anything to do with research, soartificially compared to the CAP : the agricul-tural sector is almost entirely funded by the EUwhilst the latter only intervenes as a back-upto European research. It is therefore perfectlylogical that the CAP funds are way above thosegranted to European research!

The continuation of a dynamic CAP supposeshowever some conditions. Above all coherencehas to be found again : the CAP has to be anagricultural policy. The extreme dependency offarmers on European subsidies is humiliating anddestined for failure. The CAP has been turnedfar too much into a social assistant to continue

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX16

The Common Agricultural Policy has beensubject to in depth reform over the last fifteenyears and has continued to be the focus ofsevere criticism. The most recent reform in2003 which made “decoupling” widespread, ieattributing independent aid to farmers - decou-pled from production - planned for a “HealthCheck” in 2008.

At the heart of the debate is a major financialissue: in 20 years Europe has dedicated 1000billion euros - updated euros - to the CAP. TheCAP is still the main budgetary line in the EU'sannual budget with 53 billion euros in 2008, allexpenditure together ie 41% of the budget - aburden that is supposed to be a handicap pre-venting the Union from turning towards betteradapted expenditure in the face of the challengesof the world economy. But apart from this recur-rent criticism the CAP is the victim of moresubtle problems. The original CAP regulatedthe agricultural markets whilst the present oneis above all an income aid for farmers : the CAPis becoming less and less a policy, less and lessagricultural and less and less common. TheCAP barely has any sense or goal any more.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Summary

19L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX18

long term. Farmers have to win back theirdignity and the CAP its credibility. Socially orenvironmentally oriented subsidies to the ruralworld (subsidies of the second pillar) are usefulbut divert the CAP from its initial and funda-mental target:agriculture.This agricultural policymust be directed towards Europeans' foodsecurity. The Union should maintain somepolicy and budgetary tools including stockmanagement instruments, a good means tolevel out price rises and also guaranteed pricesoffering a good rate of return according to theAmerican model of marketing loans.

But if the CAP is refocused like this it is alsobound to receive public approval again. This vitallink is starting to become strained. In order torebuild this social link the CAP will first haveto rid itself of its contradictory links to envi-ronmental issues, the Achilles Heel of modernagriculture. It will then have to become part ofEuropeans' daily life by making food, notablyfruits and vegetables, the main focus of itsinterventions.European failure can often be attri-buted to a supposed lack of attention paid tothe concerns of European citizens. When thefood issue is made a priority a new enhancedEuropean Agricultural and Food Policy will cer-tainly gain to rise to the challenge.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Summary

21L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

guide aux prix du marché, et de gestion dumarché(2) :en cas de tension sur un marché,notam-ment en cas de surproduction, l’Union euro-péenne pratiquait une politique d’“interventions”,en stockant les marchandises,en les exportant àl’aide de subventions - les restitutions, destinéesà faire baisser les prix européens pour les alignersur le prix mondial -,voire,le cas échéant,en détrui-sant les productions lorsque les denrées ne pou-vaient pas être stockées. Ainsi, les agriculteursétaient à la fois poussés par une politique pro-ductiviste destinée à assurer l’indépendance ali-mentaire des Européens,et protégés par des prixélevés et des garanties d’écoulement.Le systèmea entraîné un emballement économique et finan-cier, puisque plus les agriculteurs, assurés dedébouchés, produisaient, et plus l’Union euro-péenne devait “intervenir” pour réguler lesmarchés, c'est-à-dire, en fait, gérer les surpro-ductions. Ainsi, plus la production augmentait etplus la PAC coûtait cher. La PAC,qui faisait alorsfigure de “colosse budgétaire”,écrasait tout le reste.

Ainsi, alors même que la PAC enregistrait dessuccès incontestables,en parvenant à remplir tousles objectifs qui lui avaient été assignés par letraité(3),le système finissait par échouer par défautde conception et, surtout, par faute politique.

Les garanties de prix et d’écoulement condui-saient à des surproductions qui, 20 ans après,restent dans les mémoires - telles les “montagnesde beurre” en stocks - et quelques travers,certesexceptionnels mais néanmoins indignes, les agri-culteurs produisant pour la décharge.

Comment expliquer qu’un système aussi admi-nistré n’ait pu parvenir à réguler les productions ?

20 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

En 15 ans, la PAC a connu une série de boule-versements sur différents terrains : institution-nel, avec les trois réformes de la PAC ; géo-graphique, avec le changement de périmètre ;sociétal, avec l’émergence des préoccupationsenvironnementales ; économique, avec le cham-boulement de l’agriculture mondiale.

Des éléments politiques perturbent encoredavantage ce contexte déjà passablement troublé.

1.1Le contexte institution-nel : les choix européens sur laPAC1.1.1 Les trois réformes de la PAC

En 15 ans, la PAC s’est radicalement transfor-mée. Les réformes visaient à mettre fin à l’em-ballement d’origine.

a. La PAC avant les réformes

La PAC d’origine était construite sur un systèmede prix garantis quasi administrés qui servaient de

1Le contexte :la situation en 2008

(2) Les mécanismespropres à chaque secteurétaient organisésformellement au seind’organisationscommunes de marché(OCM) fixant les prix etmécanismesd’intervention

(3) Les objectifs fixés parle traité de Rome sont :accroître la compétitivité,assurer un niveau de vieéquitable à la populationagricole, stabiliser lesmarchés, garantir lesapprovisionnements, etassurer des prixraisonnables auxconsommateurs (cf. article 33 TCE)

23L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX22 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

réforme atteint ses objectifs : elle réussit àréduire les surproductions tout en garantissantdes revenus aux agriculteurs visés par la réforme.

1999 : le passage de l’aide à l’agriculture à l’aideau monde rural. Malgré le changement de 1992,la critique de la PAC n’est pas désamorcée.D’abord, sur le plan budgétaire, la réforme n’aentraîné aucune économie budgétaire.Ce qui estd’ailleurs parfaitement logique : le revenu des agri-culteurs,jusqu’alors principalement assuré par desprix élevés payés par le consommateur,est désor-mais complété par des aides directes issues dubudget communautaire. Ensuite, la période voitl’émergence de nouvelles préoccupations.Aprèsla crise de la vache folle (1996),la PAC doit désor-mais répondre aux attentes des consommateursen matière de sécurité alimentaire.Les dégâts envi-ronnementaux de l’agriculture productiviste com-mencent à apparaître et à inquiéter. La PAC cessed’être une politique purement agricole.L’agriculture doit être multifonctionnelle :elle doitêtre capable d’entretenir le paysage,d’assurer lavitalité du monde rural, etc.

Cette évolution se traduit par un rééquilibragede la PAC. Jusqu’alors, celle-ci fonctionnait àtravers des aides au marché et aux revenus.Ce“1er pilier” se double d’un nouveau volet, un“2ème pilier”, l’aide au développement rural.

Ce changement est important sur le plan poli-tique.D’abord la PAC cesse d’être une politiquede marché pour devenir aussi une politiquesocioculturelle qui finance un certain mode devie. Ensuite, le 2ème pilier ne fonctionne pascomme le 1er qui ouvre des droits et finance pra-tiquement à l’identique tous les agriculteurs

Une baisse des prix et des quotas rigoureuxauraient permis d’encadrer la PAC. Il aurait fallupour cela un minimum de courage politique queles États,en particulier les plus agricoles,n’ont paseu.La PAC souligne surtout l’incroyable défaillancepolitique des États. Aucun État ne voulait prendrela responsabilité de proposer et d’adopter unevraie régulation. Pire même : les deux secteursorganisés par des quotas (le sucre et le lait) sontjustement ceux où les surproductions ont duréle plus longtemps ! Aucun État ne voulait descendreles quotas de ses agriculteurs.

L’ancienne PAC a échoué par absence de couragepolitique. La PAC a été sabordée par ceux làmêmes qui l’avaient organisée, sans même s’enapercevoir.

b. Les trois réformes décisives

Trois réformes sont intervenues pour lui donnerune nouvelle physionomie.

1992 : l’introduction des aides aux revenus.La réforme dite Mac Sharry met fin à l’embal-lement : les prix institutionnels garantis sur lesprincipales productions - grandes cultures etviande - , sont fortement diminués ; la baisse derevenus qui en résulte pour les producteurs estcorrigée par des paiements compensatoires, enfait des aides aux revenus dites “aides directes”.

La production est limitée mécaniquement parun taux de jachère obligatoire. La réformeconstitue un changement radical dans la concep-tion même de l’intervention communautairepuisque l’Union européenne va attribuer doré-navant des subventions aux revenus, mais la

1Le contexte :la situation en 2008

25L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX24 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Découplage, conditionnalité, modulation, lanouvelle PAC est en place. En 15 ans, la PACs’est radicalement transformée. D’une organi-sation de gestion des marchés,elle est devenueun système d’aide aux revenus.

La PAC est la première politique budgétairecommunautaire.En 2008, les dépenses agricolesreprésentent 57 milliards €, soit 46% du budgetcommunautaire, répartis en deux piliers : 80%pour le 1er pilier, lui même constitué à 80%d’aides directes,et 20% pour le développementrural.Comme toutes les dépenses, les dépensesagricoles sont encadrées par un cadre financierpluriannuel qui fixe des plafonds annuels, pargrande catégorie de dépenses.

européens, il fonctionne principalement sur lesystème du cofinancement : le financement euro-péen est presque toujours complété par unfinancement national.Les aides de développementrural sont également planifiées, programméesdans des plans nationaux pluriannuels comme lesont les aides structurelles. La PAC se banalise.

2003 : le découplage. La réforme de 1992 aréussi : les surproductions ont été maîtrisées,la baisse des prix européens a fait fondre lesrestitutions : la plus grande part des exportationseuropéennes se fait désormais sans subventionsce qui limite les critiques internationales.

Elle peut donc être démultipliée. C’est l’objetdu découplage : les aides européennes cessentd’être liées au marché et deviennent indépen-dantes - découplées - des productions.Les pro-ductions, déconnectées de toute interventioncommunautaire,peuvent désormais suivre unelogique de marché, s’ajuster aux règles del’offre et de la demande : hausse des produc-tions en cas de tension sur le marché, baissedes productions en cas de surproduction.

Les prix ayant baissé,les interventions ayant pra-tiquement disparu, les agriculteurs bénéficientdésormais d’une aide directe au revenu(4). Laréforme a vocation à s’appliquer à tous les sec-teurs.Elle est accompagnée par deux dispositions.Le versement des aides est subordonné aurespect de certaines règles en matière d’envi-ronnement, d’emploi, d’élevage, etc. C’est cequ’on appelle la conditionnalité.Le développementrural est également renforcé par un système debasculement automatique du 1er pilier vers le 2ème

pilier, c’est ce qu’on appelle la modulation(5).

(4) En français, le droit depaiement unique (DPU),en anglais, le Single FarmPayment (SFP).

(5) La modulation consisteà prélever une partie desaides du premier pilier -les aides directescouplées ou découplées -pour renforcer les aidesdu deuxième pilier - lesaides au développementrural. Le basculementporte sur 5 % del’enveloppe du premierpilier. La disposition nes’applique ni aux 5 000premiers € d’aidesdirectes, ni aux nouveauxÉtats membres. À terme,en 2012-2013, lamodulation dégagera 1,2milliard € au niveaueuropéen dont 270millions pour la France.

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Paiements découplés Développement rural 0% de l'UE PIB

Source :Commission européenne, L’agriculture de l’Union européenne. Répondre auxbesoins et attentes de la société, Luxembourg :Office des publications officielles desCommunautés européennes, 2008, p. 11.

Le processus de réforme de la PAC et l’évolution des dépenses agricoles

victoire française :la PAC est sauvée et l’enveloppeest garantie pour 11 ans ! Jamais une politiquen’avait été déterminée sur une durée aussi longue.

Dans le monde actuel, est-il bien raisonnablede prévoir une politique pour une telle durée ? L’accord laisse un goût amer à de nom-breux États membres. Il s’est conclu sur un com-promis, mais il y a clairement deux camps. Lecamp des vainqueurs composé des nouveauxEtats membres qui obtiennent l’application -même partielle - du système des aides directes,et de la France, qui voit l’enveloppe agricolegarantie pendant 11 ans. Et le camp des déçus,ceux qui désespèrent de voir la PAC quasi immo-bilisée pendant 11 ans.En attendant, peut-être,une occasion de revenir sur cet engagement.

1.2 Le contexte socio-économique : les nouveauxdéfis agricoles

Ainsi, en 2 ou 3 ans, une nouvelle PAC est enplace : la réforme de 2003 a déterminé lerégime des aides et l’accord de 2002 a fixé lecadre budgétaire jusqu’en 2013.Deux questionsvont bouleverser l’approche de la PAC : l’émer-gence de la question environnementale et lanouvelle donne agricole mondiale.

1.2.1 La PAC et l’environnement

a. L’émergence des préoccupationsenvironnementales

La crise de la PAC est,par essence,une crise poli-tique : la PAC a été conçue, organisée pour les

26 27L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

C’est dans ce contexte de grandes réformes etde contestations mêlées qu’intervient le 5ème

élargissement de 2004-2007.

1.1.2 Le changement de périmètre

L’élargissement de 2004 est présenté commeune chance pour la PAC car elle lui donne l’oc-casion de démontrer l’utilité de ses interven-tions. L’élargissement ne sera pas sans consé-quence pour l’avenir de la PAC.

2002 : les négociations d’adhésion se durcissent.Le point d’achoppement concerne l’applicationde la PAC(6).Deux positions s’opposent.D’un côté,les tenants de l’orthodoxie budgétaire qui rap-pellent que les aides directes ont été introduitespour compenser une baisse des prix et qu’il n’ya aucune raison d’appliquer le même système auxagriculteurs des nouveaux États membres puisquele prix communautaire est plus élevé que les prixlocaux. De l’autre, les nouveaux États membresqui considèrent que le système des aides auxrevenus est de moins en moins un système decompensation de baisse de prix, qu’il est sur lepoint de devenir le régime de base de l’aide euro-péenne et que,par conséquent,l’adhésion impliquel’application des règles communautaires à tous.

L’accord au Conseil européen(7) qui reprend lestermes d’un accord franco-allemand se fait sur undispositif allégé et progressif :les paiements directssont accordés aux nouveaux États membres dèsla première année et sont augmentés régulière-ment sur une période de 10 ans(8). En échangede cet engagement, le paiement se fera à enve-loppe budgétaire quasi constante jusqu’en 2013(9).C’est un soulagement et incontestablement une

(6) La révolution agricolequi a eu lieu en Europe del’Ouest et qui a entraînéune restructuration totaledu secteur, n’a pas eu lieu àl’Est. Les nouveaux Étatsmembres représentent60% des exploitants del’UE (8,6 sur 14,2 millionsde personnes dont 4,2millions en Roumanie),60% des exploitations (8,7millions sur 14,7 millionsdont 80% dans lesnouveaux États membresont moins de 5 hectares)mais seulement 15% de laproduction agricole del’UE.

(7) Conclusions du CE deBruxelles des 24 et 25octobre 2002.

(8) Ce dispositif dit“phasing in” fonctionnede la façon suivante : 25%des paiements théoriquesla première année, puis5% de plus pendant 3 ans,puis 10% de plus pendant4 ans pour parvenir à100% en 2013

(9) La dotation fixée pourla PAC est fixée pour 11ans, c’est-à-dire sur unepériode couvrant la findes précédentesperspectives financièresde l’époque (2002-2006)et sur la durée dessuivantes (2007-2013). Leplafond des dépenses estégal au plafond prévupour l’UE à 15 majoré dumontant des aidesdirectes accordées auxnouveaux États membresen 2006.Ainsi, le montantprévu pour l’UE àcorrespond au montantprévu pour l’UE à 15majoré de 5%. L’accordest repris dans la cadrefinancier pluriannuel2007/2013. Les deuxnouvelles adhésions en2007 se font à plafondconstant, ce qui revient àréduire la part accordéeaux anciens Étatsmembres.

1Le contexte :la situation en 2008

deux acteurs de tout marché : le producteur etle consommateur.Cet équilibre est parfaitementnet à la lecture du traité de Rome (article 33).Mais les deux parties n’ont jamais pesé le mêmepoids. Jusqu’aux années 90,le consommateur esthors des circuits de décision. À partir de la crisede la vache folle et de l’émergence des préoc-cupations environnementales, un nouveau par-tenaire vient s’immiscer dans ce jeu inégal. La PACsera désormais une question politique et débat-tue à trois : le producteur, le consommateur etle citoyen. Les années 90 voient l’irruption d’unnouveau partenaire : la société civile, qui va semontrer autrement plus impliquée. La PAC seradésormais sous surveillance.

Il existe naturellement une tension entre l’agri-culture et la protection de l’environnement.Agriculture et environnement sont dans unecomplémentarité difficile. L’agriculture n’a pasatteint les objectifs qui lui étaient assignés, engagnant les défis de la production et de la com-pétitivité sans nouveaux modes d’exploitation :sans intensification de l’élevage, sans engrais nipesticides. Mais les uns et les autres ont aussiun coût environnemental de plus en plus lourd,ou plutôt de plus en plus connu et de moins enmoins accepté. Érosion et pollution des sols,eutrophisation des eaux de surface,pollution desnappes phréatiques, contribution à l’effet deserre,reprotoxicité des pesticides à faible dose,effets des pratiques agricoles sur la biodiversité,etc., l’agriculture n’est pas épargnée par lesmises en accusation et le sentiment d’urgencevoire de panique environnementale.

Les agriculteurs ont vu monter les préoccupationsenvironnementales sans les prendre ni en charge

28 29L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

ni même au sérieux. La mentalité agricole resteimprégnée par une culture de production danslaquelle les préoccupations environnementales nesont pas prioritaires.Selon l’opinion courante dansle milieu agricole, l’environnement est une pré-occupation d’urbains, qui attisent les peurs etmettent l’agriculteur en position d’accusé(10).Autant d’arguments pour gagner la bataille média-tique que les agriculteurs n’ont, en réalité, jamaislivrée.Les agriculteurs ont souvent des réponsesembarrassées et d’ailleurs beaucoup conservent,en le changeant à peine, un modèle qui a réussipendant 50 ans.

Les agriculteurs souffrent de ces accusationsalors qu’ils ont gardé un rythme de vie et descontraintes parmi les plus dures du monde.La PACest incontestablement en crise. Une crise deconfiance, un grand malentendu s’est installé(11).Le “paysan nourricier” est devenu “l’agriculteur pol-lueur” mis à l’index de la société.

b. Les évolutions attendues

Pourtant, le lien entre agriculture et environ-nement a fini par se faire.Ne serait-ce que parle biais budgétaire. Le volet environnemental ad’abord pris la voie des mesures agri-environ-nementales,qui sont des subventions incitativesà des actions labellisées “environnementales”comme les primes à l’herbe ou la réfection dehaies entre les champs,supposées favorables auxnichées et à la biodiversité. Mais ces mesuresrestent considérées comme des gadgets par lesintéressés. Puis, le lien avec l’environnement aété établi par l’éco-conditionnalité. Le conceptnovateur,et presque révolutionnaire en termesde technique budgétaire, a été introduit en

1Le contexte :la situation en 2008

(10) L’affaire de l’ours desPyrénées est emblématiquede cette crispation,puisqueles critiques écologiquesvont jusqu’à nier l’essencemême du travail deséleveurs.À l’inverse,comment l’Europe peut-ellese positionner en avantgarde du combat écologiquemondial si elle ne parvientpas à faire respecter chezelle un minimum debiodiversité ?

(11) Didier Rayon,“Enquêtesur un complexerelationnel” APCA revuedes chambres d’agriculturen° spécial vers uneagriculture durable dans lecœur des Français.

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rants, stockage du carbone par certainesplantes…). l’agriculture ne peut s’exonérer nid’une responsabilité ni d’une action pour tenterde maîtriser cet enjeu mondial.

Agriculture et effet de serre

Tous les secteurs d’activité émettent desgaz à effets de serre. En France, l’agricul-ture est à l’origine de 15% des émissionstotales de gaz à effet de serre - GES - (soit20 millions de tonnes d’équivalent carbonesur un total de 141 millions de tonnes).L’agriculture intervient dans ce processuspar trois voies différentes.

En tant que consommateur ordinaired’énergie, par les machines agricoles,le chauffage des bâtiments d’élevage…L’émission concernée, issue de lacombustion d’énergie fossile, est ledioxyde de carbone (CO2) L’agriculturereprésente 14 % des émissions françaisestotales de CO2.

Par la production animale : les déjectionsanimales,comme tout processus de décom-position de matières organiques (décharges)produit du méthane (CH4) L’impact duméthane sur l’effet de serre est 21 fois plusimportant que celui du CO2 : une tonnede méthane contribue à autant d’effet deserre que 21 tonnes de dioxyde de carbone.L’élevage est également consommateurd’énergie par la fabrication de produitsd’aliments d’élevage, très gourmande enénergie. La production d’un kilo de viande

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX30

1999 : il ne s’agit plus de verser une prime pourune action déterminée de type mesure agri-envi-ronnementale, mais de subordonner le verse-ment des aides directes aux revenus au respectde pratiques environnementales. En 1999, lamesure était optionnelle, laissée à la libre ini-tiative des États. En 2003, la mesure fut élargieet rendue obligatoire.L’enjeu n’était plus de rece-voir quelques millions € de mesures agri-envi-ronnementales ; cette fois, plusieurs milliardsd’aides directes étaient en jeu.Bon gré,mal gré,la mesure a fonctionné. L’environnement s’estimposé dans l’agriculture comme dans tous lesautres domaines.L’émergence du “bio”,largementmédiatisé, est le symbole de cette évolution(12).

L’époque est mûre pour une évolution plusimportante. L’agriculture est triplement impli-quée dans les phénomènes climatiques.

D’abord en tant qu’acteur des émissions.L’agriculture, comme tous les secteurs éco-nomiques, participe à l’émission de gaz à effetde serre, principaux responsables du dérègle-ment climatique mondial. Ensuite, en tant quevictime des dérèglements climatiques,puisquesi la responsabilité est collective, l’agriculturesera la première touchée par ces dérègle-ments climatiques (fréquence et gravité accruedes épisodes exceptionnels - canicule, aridité,inondations, feux,etc.),même si les agriculteursne seront pas touchés de la même façon enpénalisant avant tout les agriculteurs des rivesde la mer Méditerranée.Partout dans le monde,les dérèglements climatiques vont entraîner desconflits d’usage sur les prélèvements d’eau(13).Enfin, en tant que fournisseur éventuel desolutions alternatives (biomasse, biocarbu-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

1Le contexte :la situation en 2008

(13) L’agriculture est lepremier consommateurd’eau, issue notamment descaptages d’eaux sousterraines. Les conflitsd’usage en matière d’eausont bien connus,notamment dans lesrégions touristiques (golfs).La surexploitation desnappes peut avoir des effetsirréversibles, notammentpar le phénomène dit dubiseau salé, c’est à direl’intrusion d’eaux marinesdans les nappes d’eaudouce. Que penserégalement des stratégiesagricoles de certains paysdu Maghreb, relativementpauvres en eau, qui ontpourtant choisi de sespécialiser dans lesproductions alimentairesdestinées aux marchéseuropéens, trèsgourmandes en eau ? Lesconflits d’usage n’en sontqu’à leur commencement.

(12) L’importance du bio nedoit pas être surestimée. Lebio, c’est-à-dire avant toutsans apport d’engraischimique, est avant tout unmarché de niche de produitsalimentaires accessibles auxconsommateurs et non unmode de production adaptéaux grandes culturescéréalières ou betteravières.“On ne traitera pas descentaines de milliersd'hectares de culturescéréalières à la main et auxtisanes naturelles”.GérardMiquel, La qualité de l’eau enFrance, Sénat n ° 215(2002/2003)

1.2.2 La nouvelle donne agricole mondiale

Toutes les réformes agricoles ont été inspiréespar le même facteur : faire cesser les surpro-ductions.Or,en quelques années, la conjonctureagricole s’est radicalement transformée. Lesrécentes flambées de plusieurs prix agricoles etl’image tragique des “émeutes de la faim” ont euun retentissement considérable et ont faitrenaître la crainte de pénurie alimentaire mon-diale.Certaines évolutions semblent durables etdoivent être prises en compte avant d’envisagerdes réformes internes à l’Union européenne.

a. Hausse des prix ou volatilité des prix alimentaires ?

Les deux dernières années ont été marquéespar une très vive hausse des prix agricoles.L’écart entre la moyenne des prix 2000/2005atteint 25% en moyenne pour l’ensemble desproduits agricoles, mais l’écart a souvent dépassé100%(15). Ce mouvement constitue incontes-tablement un retournement de tendance quivient compenser un mouvement de baisse,assez nette depuis plusieurs années(16). Cettehausse illustre une mutation structurelle dumarché,tant du côté de la demande que du côtéde l’offre de produits alimentaires.

Il y a bien une augmentation mondiale et durablede la demande de produits alimentaires, tant parl’effet volume, puisque la population mondialeva augmenter de près de 3 milliards de personnesd’ici 2050, que par l’effet revenu, puisque l’aug-mentation du niveau de vie dans les pays émer-gents modifie la demande alimentaire(17). Selonle mot terrible d’un haut responsable d’une orga-

33L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX32

génère autant de GES qu’un parcours de 50km en voiture. Au niveau mondial, leméthane représente 15% du total des GES,l’agriculture représente 50% du total desémissions de méthane (soit environ 30%issus des rizières et 20% issue de l’élevage).En France, l’agriculture représenterait 70%des émissions françaises totales de méthane.

Par la fabrication et l’épandage d’engraisazotés. Le gaz en jeu est le protoxyded’azote (N20). L’impact de protoxyded’azote sur l’effet de serre est plus de 300fois supérieur à celui du CO2. Le N20 repré-sente 8% du total des GES. Au niveaumondial, l’agriculture est à l’origine de 84%des émissions de N2O. En France,L’agriculture représente 76% des émissionsfrançaises totales de protoxyde d’azote.

A l’inverse, à la différence des autres sec-teurs, l’agriculture peut aussi avoir un rôleactif dans la lutte contre les GES en stoc-kant le carbone dans les plantes et dansles sols. Ce stockage est cependant tem-poraire.L’augmentation de la températuretend toutefois à déstocker le carbone.

(Sources :Réseau action climat,Agriculture,effet de serre et chan-gement climatique en France, 2005 : http://www.rac-f.org/DocuFixes/fiches_thema/fiche_agriculture.pdf ;Pierre Merlin,Énergie et environnement,La Documentation française,Paris,2008)

On rappellera que ce lien entre agriculture et effetde serre, bien connu, n’est qu’un aspect de l’im-pact de l’agriculture sur l’environnement. Cetteincidence passe davantage par les effets de l’agri-culture sur la qualité de l’eau et des sols(14).

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

(14) L’apport de nitratesest indispensable à lacroissance des plantes.Pour l’agriculteur, unesurfertilisation par apportd’engrais azotés estpréférable à un manquemais l’azote en excès estrenvoyé vers les nappes.De telle sorte qu’unepetite marge d’excès peutentraîner d’importantescontaminations des eaux.

(15) 100% pour le maïs et lecolza, 124% pour l’ensembledes céréales, 132% pour leblé tendre.

(16) Les producteurs de lait,par exemple, rappellent queles hausses massives du prixdu lait en 2007 sont venuescorriger une longue baisse.

(17) Cette hausse de niveaude vie se répercute sur lademande de produitsagricoles par trois effets :dans les pays émergents, lahausse des revenus se dirigede façon prioritaire versl’alimentation. Ensuite, leshabitudes alimentaireschangent. L’essor d’uneclasse moyenne urbaine aun effet direct surl’alimentation.L’alimentation, est un signeextérieur de richesse et unsigne d’appropriationculturelle (cf les pommesconsommées aux Antillesimportées de métropole !).Les consommations tendentà se rapprocher desstandards des paysdéveloppés avec,notamment une demandenouvelle de viande. Or lescultures animales requièrentbeaucoup plus de terres queles cultures végétales : prèsdes 2/3 des terrescultivables dans le mondesont destinées àl’alimentation du bétail.Ainsi, troisième effet, uneproportion croissante decéréales est utilisée pourl’alimentation animale : (45%du blé dans l’UE est utilisépour l’alimentation animale),ce qui crée une pression surla demande de céréales.

1Le contexte :la situation en 2008

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Le deuxième phénomène est l’apparition d’unnouveau conflit d’usage, liée à l’impact des bio-carburants. La demande en biocarburants peutentraîner une compétition pour l’allocation desterres qui peuvent être cultivées soit pour la pro-duction alimentaire,soit dorénavant,pour la pro-duction d’agro-carburants(18). Malgré la partmineure que représentent les biocarburants dansl’affectation des terres au niveau mondial,on nepeut exclure un effet en chaîne, mal maîtrisé.Deux pays se sont positionnés pour assurer leleadership mondial des biocarburants : le Brésil,qui va augmenter ses surfaces cultivées (enprocédant à des déforestations ?), et les États-Unis qui par leur Energy Bill,ont décidé d’affecter40 à 50 millions d’hectares aux productionsd’agro-carburants, soit l’équivalent de 20% dela surface agricole utile européenne.Le quart dela consommation de maïs est affecté annuelle-ment à la production industrielle d’éthanol.Ainsi, malgré une augmentation de la produc-tion mondiale de maïs, les prix ont augmenté ;la hausse de la production a été totalementabsorbée par la filière éthanol(19).

Le troisième phénomène est la suppressiondes instruments de gestion, et notamment laquasi suppression des stocks. En se rappro-chant des règles industrielles, l’agriculture ena pris aussi les travers : flux tendus, limitationdes stocks etc. Le stock mondial des céréalesest passé de 118 jours de consommation en1999 à 50 jours en 2007, soit un niveau infé-rieur au seuil dit critique de 65 jours.Ce phé-nomène a touché particulièrement l’Unioneuropéenne.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX34

nisation internationale,“il faudra s’habituer à voirles populations prendre deux repas par jour”.La demande mondiale en produits alimentairesdevrait augmenter de 60% d’ici 2050.

Mais l’augmentation de la demande n’expliquepas, à elle seule, cette évolution si rapide desprix en quelques mois.L’impact du changementclimatique, accélérant la fréquence des phéno-mènes extrêmes (sécheresse/inondations),doitêtre aussi nuancé puisque l’impact local est diluéau niveau mondial : une sécheresse dans unerégion peut être compensée par des récoltesplus abondantes ailleurs.

Ce qui frappe le plus est moins cette hausse quel’extrême volatilité des prix. Des écarts de50% en un trimestre ne sont pas rares.Plus vrai-semblablement, trois phénomènes ont jouépour donner à cette hausse des prix alimentairesune réelle ampleur.

Le premier est la financiarisation des marchésagricoles. Il existe un marché des grands pro-duits agricoles - notamment les céréales -comme il existe un marché des matières pre-mières, avec des caractéristiques comparables- fixation de prix à terme, couvertures dechange - et, de plus en plus, intervention desgrands investisseurs (fonds de pension,etc.).Lemarché agricole devient un marché d’oppor-tunités financières,de “coups” soumis aux accé-lérations des mouvements d’opinion : la média-tisation d’une sécheresse dans une zone deproduction va enclencher un mouvement spé-culatif qui va amplifier les mouvements naturels.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

1Le contexte :la situation en 2008

(18) Les biocarburantssont de deux famillesdistinctes : les carburantsissus d’unetransformation desproduits végétaux enhuiles (huiles de palme etde colza) – le biodieselutilisé pour les moteursdiesel- ; et les carburantsissus de la fermentationet l’extraction d’alcools(sucre, blé... – le bioéthanol, destiné auxmoteurs à essence)

(19) En un an, le cours dumaïs a augmenté de 35%.En 2008/2009 laproduction de maïsdevrait atteindre 756millions de tonnes alorsque la consommation estde 782 millions de tonnesMais sur cetteconsommation, 200millions de tonnes sontaffectées à des finsindustrielles,essentiellement auxÉtats-Unis. Source :AGRESTE, note deconjoncture, juillet 2008.

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des raisons démographiques, puisque la popu-lation atteint un palier.

Concernant les prix,après avoir atteint un pointculminant, la plupart des produits alimentairesse replient. Les économistes agricoles considè-rent que l’impact de la hausse des céréales surl’alimentation du bétail n’a pas encore été tota-lement appliquée et que les prix agricoles semaintiendront à un prix assurément plus élevéque la moyenne des années 2000/2005 mais sansnécessairement atteindre leurs niveaux récents,considérés comme des sommets. Déjà, à l’au-tomne 2008, certains producteurs de lait enFrance considèrent que les prix sont insuffisants.

A moins que l’impact de la hausse du pétrolene vienne à son tour entraîner une nouvellespirale de hausse.La conjonction d’une crise ali-mentaire, d’une crise de l’eau et d’une crisepétrolière serait un défi humanitaire sans pré-cédent.

Pour l’heure, la donnée principale à prendre encompte est la poussée des prix de l’alimenta-tion animale et le maintien d’une grande vola-tilité des prix, aggravée par le renoncement auxinstruments d’intervention.

1.3 Le contexte politique dubilan de santé

La réforme de la PAC de 2003 a elle-même poséle principe d’un bilan de santé au secondsemestre de 2008. Il y a autour de ce rendez-vous médical beaucoup d’incertitudes, voired’hypocrisies.Non seulement l’intention euro-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX36

b. Perspectives

Comment envisager l’avenir ?

Concernant les quantités, la plupart des éco-nomistes considèrent qu’il n’y a pas de risquede pénurie mondiale, dans la mesure où lesréserves de productivité sont très impor-tantes(20). En 40 ans, dans l’Union européenne,la hausse de la productivité a diminué par deuxla quantité de terres nécessaire à une produc-tion donnée. A condition,bien sûr,d’investir dansce domaine. On ne peut que regretter que laplupart des programmes d’aides au dévelop-pement comme les récentes avancées euro-méditerranéennes fassent pratiquement l’im-passe sur ce volet. Il y a encore moins de risquede pénurie européenne.Ne serait-ce que pour

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Cours du blé Prix du lait Prix du beurre

Sources :Agreste Conjoncture, Céréales – Juillet 2008, Synthèses n°2008/35, p. 11 :http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/syntheseculture0807.pdf et Agreste Conjoncture,Panorama du 11 juillet 2008, n°5, juillet 2008, p. 14 :http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/conj0807note.pdf

(20) Entre les deux modesde production les plusextrêmes – le travailmanuel dans une régiondéshéritée et laproduction mécaniséedans une région fertile,qu’il s’agisse deproduction végétale ou deproduction animale, lerapport de productivitéest de 1 à 1000.

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“révision à mi-parcours” en 2002 qui avait conduitfinalement à la plus grande réforme de la PACjamais accomplie puisqu’elle modifie le principemême de l’intervention communautaire.

Pour ne pas annoncer une nouvelle réforme,aussitôt la précédente adoptée, l’Union euro-péenne a choisi cette expression la plus neutrepossible. Mais il n’est pas neutre non plus quele Parlement européen ait choisi d’utiliser - àdessein - dans ses documents de travail, la pré-cédente expression de 1999, de “clause derendez-vous”, et même, de “clause de rendez-vous de la réforme de la PAC”(21). On ne peutêtre plus clair.

D’autres observateurs, politiques ou acadé-miques, voient déjà la PAC mourante ou déjàmorte, laissant - enfin ? - la place pour d’autresprojets. Nombreux sont ceux qui, à l’image desBritanniques, considèrent au minimum que “laPAC a besoin d’une restructuration fondamen-tale”(22).La fin de la PAC actuelle est souvent pro-grammée pour 2013(23).Mais certains l’anticipent,tel l’institut de la Méditerranée commentant ainsile projet d’Union pour la Méditerranée : “unefenêtre d’opportunité s’ouvre liée au fait que laPAC va être amendée”(24)….Car pour beaucoupd’observateurs,et pour certains États membres,le bilan de santé est une occasion,et même l’oc-casion non pas d’aménagements mais de révisioncomplète.

Alors, aménagement ou réforme ? Même laFrance n’est pas claire. On appréciera, parexemple, la formule utilisée par le président dela République devant le Parlement européen oùil parle de “la refondation de la PAC ”(25) ou bien

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péenne n’est pas claire mais l’examen du dossieragricole est brouillé par d’autres rendez vousaux conséquences déterminantes pour la PAC.

1.3.1 L’engagement européen sur le bilande santé

La formule choisie par la Commission et les Étatsmembres,qui se veut neutre et rassurante,maisqui est pour le moins inhabituelle et déroutante,visait plusieurs objectifs. Un premier bilan dela réforme est justifié par la large part d’ap-préciation laissée aux États membres dans l’ap-plication du découplage.L’objectif de cet exer-cice n’est pas de remettre en cause les principesde la PAC ni même d’engager une nouvelleréforme, mais de procéder à d’éventuellesadaptations en fonction de l’évolution desmarchés. D’ailleurs, non seulement, la réformede 2003 est trop récente pour être déjàchangée,mais l’enveloppe budgétaire est prévuedans le cadre financier pluriannuel, adopté parun accord interinstitutionnel… Le bilan desanté ne peut donc jouer ici qu’à la marge, surdes points de détail.

La Commission reste dans cette posture tech-nique et il est vraisemblable que plusieurs États,dont la France et l’Allemagne, sont aussi danscette perspective, au moins sur la périodeavant 2013.

Pourtant, l’Union européenne a l’expérience deces clauses de rendez-vous, présentées commetechniques et qui, a posteriori, se sont avéréesêtre l’occasion de refondre une politique.La pré-cédente réforme de 1999 avait elle aussi imposédes “rendez-vous techniques” rassemblés dans une

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

1Le contexte :la situation en 2008

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

(21) “Plusieurs élémentsinflueront sur leréexamen du cadrefinancier, notamment laclause de rendez-vous dela réforme de la PAC”Commission des budgetsPE document de travailsur le réexamen du cadrefinancier pluriannuel2007-2013 § 11 doc PE392. 301 du 31.08.2007.

(22) “The CAP is in needof fundamentalrestructuring” House ofLords,The future of theCAP, 7th report ofsession 2007/2008.

(23) Philippe Godinrapport du conseild’évaluation de laCommission des Affaireséconomiques du Sénat,Jean Paul Emorine“agriculture horizon2050”, Sénat 2006/2007p. 20

(24) Institut de laMéditerranée, rapport dugroupe d’experts sur leprojet d’Unionméditerranéenne,octobre 2007, § 80.

(25) Allocution de NicolasSarkozy devant leParlement européen,13 novembre 2007.

41

par le Conseil européen de décembre 2005,lors de l’adoption du cadre financier plurian-nuel 2007-2013), ni la même portée (le réexa-men se veut un exercice de réflexion sur lefinancement et “toutes les dépenses” euro-péennes, alors que le bilan de santé neconcerne que les seules dépenses agricoles),ni les mêmes procédures (le réexamen est unexercice exploratoire, largement ouvert auxcontributions extérieures(27), tandis que lebilan de santé est surtout entre les mains desÉtats et doit conduire à des changementstechniques ou à des réformes).

Mais il est clair que la PAC est au cœur de toutesles réflexions sur le budget communautaire.Bilan de santé et réexamen du cadre financierpluriannuel sont évidemment liés. Le réexamendes dépenses portera principalement sur lesdépenses de la PAC.Le bilan de santé doit doncse lire avec cet arrière plan. Ce lien a d’ailleursété formellement énoncé par la Commissaireeuropéenne à l’agriculture en décrivant ces deuxinitiatives comme constituant “one vision, twosteps”. Au risque d’orienter le premier vers unevision étroitement voire exclusivement budgé-taire : comment réduire les crédits de la PAC ?

b. Bilan de santé et organisation mondialedu commerce

L’autre négociation qui interfère avec le bilande santé est la négociation au sein de l’organi-sation mondiale du commerce (OMC).La négo-ciation concerne les produits industriels, les ser-vices et les produits agricoles.Une concessionsur un point par une partie étant compenséepar une autre concession d’une autre partie sur

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX40

encore la présentation du ministère de l’agricul-ture sur “une nouvelle PAC - le titre est à lui seulun aveu - présentant ainsi le bilan de santé : “l’ob-jectif de cet exercice n’est pas de remettre encause les principes de la PAC actuelle, normale-ment stable jusqu’en 2013, mais de procéder àdes adaptations”.

Un certain doute entoure la portée de l’exer-cice. En revanche, s’il y avait un projet deréforme, il est peu probable que celle-ci puisseêtre mise en place avant 2013. Ni la France, nil’Allemagne,qui sont les deux principaux contri-buteurs au budget communautaire, ne souhai-tent rouvrir le débat budgétaire sur la période2009-2013.

À moins,bien sûr,que d’autres négociations vien-nent anticiper l’application et ne viennent para-siter le diagnostic du bilan de santé.

1.3.2 Le bilan de santé et les autresnégociations européennes

a. Bilan de santé et réexamen du cadrefinancier pluriannuel

Le premier élément d’interférence, interne àl’Union européenne, est le réexamen du cadrefinancier pluriannuel (CFP)(26) fixé pour 7 ans,pour la période 2007-2013.Le réexamen se pré-sente comme une réflexion exploratoire sur lebudget communautaire de l’après–2013.

Les deux négociations sont formellement dis-tinctes. Elles n’ont ni le même fondementjuridique (le bilan de santé est prévu par laréforme de 2003, le réexamen a été demandé

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

1Le contexte :la situation en 2008

(27) La réflexion duréexamen était ouverteau public selon laprocédure désormaishabituelle de laCommission. Lescontributions ont étécloses le 15 juin 2008.

(26) Le CFP fixe desplafonds de dépenses, pargrandes catégories dedépenses, pour les septannées couvertes par laprogrammation. Il s’agit deplafonds, qui ne peuventêtre dépassés mais lessommes allouées chaqueannée dans le budgetannuel peuvent êtreinférieures.Tandis que lebudget annuel est uninstrument de gestion, leCFP, donne une lecturepolitique du budget, enaffichant les prioritésbudgétaires de l’UE.

43

ans, les 40 milliards de la PAC dépensés chaqueannée sont “l’abcès” des négociations com-merciales internationales de l’OMC(30). Danscette enceinte, l’agriculture européenne faittoujours figure d’accusée.

La négociation agricole à l’OMC concernel’accès aux marchés et surtout les aides agri-coles. Celles-ci sont classées en “boîtes” selonleur compatibilité avec l’OMC(31). Les aideseuropéennes ont été transformées afin d’en res-pecter les règles. Les aides interdites (les pré-lèvements agricoles) ont été supprimées ; lesaides contestées de la boîte orange (les resti-tutions, les interventions) ont été réduites ; nesubsistent que les aides autorisées de la boîtebleue et de la boîte verte. Les aides directesdécouplées sont classées en boîte verte car ellessont supposées ne pas avoir d’impact sur la pro-duction et les échanges,mais il est probable quela contestation reprendra sur ce point.L’Unioneuropéenne ne convaincra jamais totalement endisant que ces aides directes,qui constituent desgaranties de revenus,sont parfaitement neutresdans la compétition.C’est comme si elle garan-tissait un revenu minimum aux ouvriers etemployés d’Airbus, considérant qu’une aidedirecte aux revenus est sans incidence sur lesprix des produits. La question n’est pas close.

Les mêmes critiques pourraient - devraient - s’ap-pliquer à d’autres systèmes d’aides.Aux États-Unis, la juxtaposition d’un Farm Bill,d’un EnergyBill et d’un régime présenté comme un régimed’aide alimentaire mondiale mais en fait,surtoutfavorable aux producteurs américains,constitueclairement un système d’aide aux revenus toutaussi conséquent que le système européen.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX42

un autre sujet. Mais même si l’OMC concerneaussi les questions industrielles et les services,l’agriculture est le sujet prioritaire pour lamajorité des délégations des 151 membres del’OMC.

La négociation de l’OMC vient perturber le bilande santé, de trois façons.

En premier lieu, l’Union européenne paye l’hé-ritage de sa politique des années 80.Le systèmemis en place pour protéger l’agriculture euro-péenne a été dévastateur. Même si l’Unioneuropéenne se montrait, en fait, relativementouverte aux importations agricoles, notam-ment par un réseau d’accords privilégiés avecles pays du voisinage et les pays alors dits “endéveloppement”, l’organisation en matière agri-cole restait extrêmement protectrice(28).Mêmes’il ne correspond plus à la réalité des échangeseuropéens, ce système protectionniste resteencore dans les esprits. Depuis 1992, l’Unioneuropéenne a normalisé son dispositif.Elle a sup-primé les prélèvements agricoles, elle a réduitde façon drastique ses soutiens aux exporta-tions et s’est même engagée à renoncer aux res-titutions. Elle a tenu ses engagements. Les prixeuropéens se sont alignés sur les prix mondiaux,le montant des restitutions a fondu et devraitreprésenter moins de 1% du budget agricole en2009, alors même que l’évolution des paritésmonétaires €/$ est un grave handicap auxexportations européennes(29).

En deuxième lieu, la position européenne restefragile.Même la suppression des restitutions nedésarmera pas les critiques. Le principe mêmedes aides européennes reste suspect.Depuis 20

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

(28) L’UE était protégée parun système d’écluses : lesimportations à prixinférieurs au prixcommunautaire étaientfrappées de prélèvementsagricoles, qui ajustaient leprix d’importation au prixeuropéen, et inversement,les prix des produitseuropéens étaientsubventionnés par desrestitutions de façon à lesrendre compétitifs sur lemarché mondial.

(29) Le montant desrestitutions était encore de3 milliards € en 2005 et de1,5 milliard en 2007. 405millions sont programmésdans le budget 2009. Lesseuls secteurs quicontinuent à percevoir desrestitutions sont le sucre, enraison de l’applicationprogressive de la baisse desprix européens et dumaintien d’un différentielavec le prix mondial, et lavolaille. Les restitutions surce secteur ne sont pas uninstrument de gestion dessurplus mais un outil depénétration sur le marchéprincipalement du Moyen-Orient. Les pouletsexportés sont formatéspour l’exportation et nesont pas vendus sur lemarché européen. Lasuppression des restitutionseuropéennes sur la volailleentraînera nécessairementdes pertes de marché oudes délocalisationsd’activités.

(30) L’agriculture était excluedu GATT de l’après SecondeGuerre mondiale.L’agriculture – hors pêche etsylviculture – ne représentequ’une fraction de plus enplus petite de l’ensemble ducommerce mondial demarchandises : 6% ducommerce mondial en 2005.

(31) La répartition des aideseuropéennes entre boîtess’établit comme suit :

- Les aides de la boîteorange sont les aidesfaussant le jeu du marché etdonc à réduire ou à éliminer.Figurent parmi la boîteorange : les soutiens liés à larégulation des marchés,telles que les restitutions, lesaides à l’écoulement desstocks ou toutes autresformes d’interventionclassique de l’ancienne PAC ;

- Les aides de la boîte bleuesont les soutiens qui sont denature à fausser le marchémais qui restent autorisésparce qu’ils sontsubordonnés à de mesuresde maîtrise des productions,soit, pour l’UE, les aidesdirectes liées aux produitstelles que les aides couplées,les primes animales ;

– Les aides de la boîte verterecouvrent les soutiensautorisés, soit, pour l’UE, lesaides découplées, lesmesures de développementrural, les mesurescommerciales de promotion.

45

le pays qui l’assure à faire les concessions néces-saires pour dégager des compromis, fût-ce enrognant sur ses ambitions(34).

Or, pour de nombreux pays, ce bilan de santéest aussi un rendez-vous avec la France.

a.Un rendez-vous attendu avec la France

Sur les questions agricoles, la France a étésouvent en position d’accusée. Accusée dejouer sa propre carte et de défendre sespropres intérêts.D’ailleurs, comment nier quela France défende aussi ses intérêts ?

Pour deux raisons élémentaires. La France estencore un pays agricole(35), et elle bénéficie de20% des dépenses agricoles européennes etreçoit entre 9,5 et 10 milliards de concours agri-coles européens par an(36). Plus de 80% desdépenses budgétaires accordées à l’agriculturefrançaise viennent de l’Union.La France a beau-coup à perdre de l’abandon ou du cofinance-ment de la PAC. Le passage au cofinancementimposerait une dépense supplémentaire de 4ou 5 milliards €, c’est donc pour elle un enjeubudgétaire majeur. En défendant la PAC laFrance défend aussi ses intérêts. Comme toutautre État.

Les États ne manquent pas de motifs dereproches.La France s’est souvent opposée auxréformes avant d’en profiter plus que lesautres(37). La France a souvent été la cible despays contributeurs nets considérant qu’ellereste encore dans une position relativement pri-vilégiée, grâce aux concours de la PAC. LaFrance a toujours privilégié une analyse bud-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX44

Enfin,en troisième lieu, il y a une forte pression,à la fois internationale et au sein de l’Union,pourque l’accord de l’OMC soit conclu avant la finde l’année.L’échec des négociations fin juillet 2007n’est pas définitif. Plusieurs États membres del’Union considèrent qu’il vaut mieux un accordimparfait que pas d’accord du tout. L’Unioneuropéenne pourrait-elle proposer au monde unesorte de modèle d’exemplarité écologique alorsmême qu’elle n’accepte pas un accord sur les pro-duits essentiels ? Il y a donc une forte pressionpour la conclusion d’un accord.

Avec quelles conséquences pour la PAC ?Comme l’analyse parfaitement le sénateur fran-çais Jean Bizet,“le risque est grand, en cas d’ac-cord, qu’il n’y ait plus guère de marge demanœuvre pour choisir ce que devra être la PACaprès 2013.Alors que chacun reconnaît la néces-sité de débattre en profondeur de l’avenir de laPAC,car c’est un choix politique important,nouspourrions nous retrouver dans une situation oùce choix serait largement prédéterminé endehors de tout débat démocratique”(32).

Ainsi, l’OMC interfère directement avec lebilan de santé au risque de faire passer tout leprocessus de consultation qui a accompagné laréflexion des États,comme un simple rituel sansimportance, un simulacre démocratique(33).

1.3.3 La présidence française del’Union, chance ou contrainte ?

Ce bilan de santé doit se tenir au deuxièmesemestre de 2008, sous présidence française.Cette date n’est pas choisie au hasard. La prési-dence du Conseil de l’Union européenne oblige

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

(34) On pourra rappeler parexemple que la négociationdes perspectives financières2000- 2006 s’est conclue auConseil européen de Berlinsur des bases assezéloignées des demandesinitiales de l’Allemagne. Demême, le principe de larenégociation du chèquebritannique a été obtenupendant la présidencebritannique, à condition dedébattre en même temps dufinancement et des dépensesde la PAC.

(35) La France est le premierproducteur agricole de l’UE.En 2005, l’UE a produit 304milliards de produitsagricoles bruts nontransformés, dont 62milliards soit 20% du total,pour la France. La France estle 1er producteur européende blé, maïs, oléagineux,viande bovine, volaille et vin.Voir synthèse dans“l’agriculture française”-repères économiques APCA2006.

(36) Voir annexe répartitiondes dépenses agricoles parÉtat membre.

(37) Ce fut notamment lecas avec la mise en placedes quotas laitiers et avecla réforme de 1992introduisant les aidesdirectes, attribuéesabondamment auxagriculteurs français. Laréforme de 1992 a mêmerenforcé la capacitéd’exportation de céréaleset préservé les intérêtsdes grands négociants etports céréaliers.

1Le contexte :la situation en 2008

(32) Jean Bizet,communication sur lebilan de santé de la PAC,30 avril 2008, actualitésde la délégation du Sénatpour l’UE, n° 143, p 48.

(33) Pour la France parexemple, le ministre del’agriculture a pris soind’organiser en janvier etfévrier 2008, un vastemouvement de consultationsous forme d’assises duConseil supérieurd’orientation et decoordination de l’économieagricole et agro alimentaire -CSO - préparées par desréunions tenues au sein deschambres d’agriculture detous les départements. Laconsultation intitulée “versune nouvelle PAC, ouvronsle débat”, a eu un succèsd’estime. Les participantsconsidérant peut-être quel’exercice n’aurait pasd’importance.

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la France ira chercher des appuis européens.Elle obtiendra peut-être gain de cause moyen-nant, là encore, quelques concessions ailleurs.Certaines ont été déjà faites,d’autres se feront.Pourquoi pas sur la PAC, possible variabled’ajustement de la grande négociation euro-péenne ?

Alors, la présidence est-elle une chance ou unecontrainte pour le bilan de santé ? Probablementles deux. Si la France en profite pour innoveret proposer, la présidence sera une chance. Sila France se contente d’une politique a minima,elle sera balayée par d’autres États qui aurontune vision stratégique.

Il n’en reste pas moins que pour toute réformede la PAC, la position de la France est écoutée,et même attendue et qu’il ne peut y avoir deréforme de la PAC sans l’accord de la France.La présidence française est donc une oppor-tunité pour réfléchir et même engager la PACde l’après 2013.

b.Quelles perspectives en cas d’enlisementdes négociations ?

Que se passera-t-il si le bilan n’aboutit qu’à des“aménagements” secondaires ? La réforme serarepoussée.Ce ne serait pas une bonne nouvelle.Deux éléments doivent être considérés : laquestion juridique et la question financière.

- La question juridique.La procédure d’adoption de la PAC est fixée parl’article 37 du traité instituant la Communautéeuropéenne :“sur proposition de la Commissionet après consultation du Parlement européen,

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX46

gétaire qui pourrait maintenant lui occasionnerquelques déboires. Sauver les concours euro-péens fut sa ligne directrice et souvent soncredo. Sans doute beaucoup trop. Lors de l’élargissement de 2004, la France avait obtenuune garantie du financement de la PAC pendant11 ans.L’enveloppe budgétaire est prédétermi-née, certes, à un niveau pratiquement constantmais garanti.On peut même dire que la Franceavait gagné.

Il n’est pas dit qu’elle gagnera cette fois ci. Lecontexte est beaucoup moins favorable. Tantpour des raisons internes que pour des raisonsexternes, tenant aux mécanismes du jeu com-munautaire.

La France a toujours gagné parce que la PAC,ou au moins ses retours, était sa priorité. Il y aquelques raisons de penser que la PAC seramoins prioritaire qu’elle ne le fut. Il s’agit moinsd’un quelconque désamour,encore moins d’unlâchage,que d’une analyse lucide des enjeux dela présidence et du fonctionnement de l’Unioneuropéenne.

Le jeu communautaire est un jeu d’équilibres,de compromis, de contreparties dont la PACpourrait faire les frais.Plusieurs éléments inter-viennent en ce sens. La France a obtenu unsuccès diplomatique remarquable en organisantà Paris le lancement de l’Union pour laMéditerranée. Cela imposera, sans doute,quelques concessions à l’avenir.De même,la pré-sidence française n’a pas caché que sa prioritésera de faire aboutir sa demande de réductiondu taux de TVA appliqué notamment à la res-tauration. Dans sa bataille du pouvoir d’achat,

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

1Le contexte :la situation en 2008

49

D’ailleurs à partir de 2013,du fait de la montéeen puissance des paiements aux nouveaux Étatsmembres, la France cessera d’être bénéficiairenette de la PAC pour devenir à son tour contri-buteur net.La même logique budgétaire qui avaitsi souvent fondé la position française s’impo-sera contre la PAC.Sous prétexte qu’elle com-mence à “perdre”, la France sera-t-elle prête auxréformes qu’elle avait refusées auparavant ? Ilne faut pas l’exclure. Ce serait une bien tristefin pour la PAC et une attitude bien médiocrede la France.

La France ne doit pas rater ce rendez vous de2008.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX48

le Conseil, statuant à la majorité qualifiée,arrête les règlements et directives”. Le Traitéde Lisbonne avait prévu de modifier ce régime,aujourd’hui entièrement sous la maîtrise desÉtats par un équilibre du pouvoir entre leConseil et le Parlement européen : “LeParlement européen et le Conseil, en statuantselon la procédure législative ordinaire (encodécision) et après consultation du Conseiléconomique et social, établit l’organisationcommune des marchés agricoles ainsi que lesautres dispositions nécessaires à la poursuitedes objectifs de la PAC”.Certes, il y a une grandeincertitude sur l’avenir du traité de Lisbonnemais cette évolution vers un partage des pou-voirs entre le Conseil et le Parlement européensemble irréversible. En d’autres termes, ou laréforme est décidée par le Conseil cette annéeou elle sera décidée par le Conseil et leParlement européen demain. Avec quelquesrisques pour le contenu et la pérennité de laPAC.

- La question budgétaire.Faute d’accord en 2008, quand la réformepourrait-elle se décider ? 2009, l’année des élec-tions européennes et du renouvellement de laCommission se prête mal aux grandesréformes.En 2010 alors ? Au moment de la pré-paration de la grande négociation budgétairedu cadre financier pluriannuel 2014-2020. Ledébat sur la PAC sera alors cannibalisé par lanégociation budgétaire.Avec des conclusionsque l’on peut aisément deviner,c’est-à-dire avecune baisse drastique des crédits,mais sans visionni stratégie.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

1Le contexte :la situation en 2008

51L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX50 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Pourquoi,encore et toujours,parler de crise dela PAC ?

Parce que la question politique - une PAC,pour quoi faire ? - n’a pas été réglée. Piremême, les évolutions récentes ont contribuéà rendre la PAC plus fragile encore.

2.1 Bilan des réformes : lacrise politique de la PAC

La crise de la PAC est avant tout de nature poli-tique mais elle touche chacun des trois termesqui la définissent : la PAC est de moins en moinspolitique ; elle est de moins en moins agricole ;elle est de moins en moins commune.

2.1.1 Une politique de moins en moins politique

Une politique se définit par un objectif,une stra-tégie et des moyens juridiques et financiers poury parvenir.

Cet enchaînement logique a été parfaitementrespecté dans le passé. Les objectifs de la PACont été fixés par le traité de Rome ; les prin-cipes ont été définis à la conférence de Stresal’année suivante, les règlements créant lesOrganisations communes de marchés ont étéadoptés en 1962,et le budget a été mis en placeà cette période. Ainsi, des moyens ont étédéfinis au service d’un objectif.

La PAC actuelle a renversé l’enchaînement.L’enveloppe budgétaire a été fixée, le systèmede distribution a été organisé mais ni les prin-cipes ni les objectifs n’ont été définis.Tout s’estpassé comme si la priorité était de conserverles aides de la PAC, peu importe le reste.

Il est proprement stupéfiant qu’en 50 ans,pendant lesquels l’Union européenne a changéradicalement et de nouvelles attentes sont appa-rues, les objectifs de la PAC n’aient jamais étémodifiés ! Aucun traité n’a touché aux objectifsde la PAC.Ni le projet de Constitution,ni le traitéde Lisbonne n’ont modifié une virgule du traitéinitial. Ainsi,stricto sensu, les objectifs de la PACrestent les mêmes qu’il y a 50 ans :“accroître laproductivité, assurer un niveau de vie équitableà la population agricole, stabiliser les marchés,garantir la sécurité des approvisionnements,assurer des prix raisonnables aux consomma-teurs”. Il n’y a jamais eu ni d’adjonction ni deretrait.Les nouvelles attentes sociales sont tota-lement absentes des objectifs,qui ne sont conser-vés que pour mémoire tant la nouvelle PAC s’estéloignée de sa mission. D’ailleurs, aucun objec-tif fixé par le traité n’est vraiment respecté.

L’organisation l’a emporté sur l’objectif.

2La PAC dans une impasse ?

52 53L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

2.1.2 Une politique de moins en moinsagricole

Un glissement s’est opéré de l’agriculture à l’agri-culteur,puis de l’agriculteur au rural.L’anciennePAC était une politique entièrement consacréeau marché et aux productions.Un premier tour-nant s’est opéré en 1999 avec la création du2ème pilier consacré au développement rural.Cetournant a été confirmé avec la réforme de 2003et la mise en place du dispositif de modulationqui opère un basculement progressif des aidesde marché vers les aides de développementrural, mieux acceptées que les premières. Lagestion des paysages et l’appui au monde ruralse sont substitués aux aides agricoles.

2.1.3 Une politique de moins en moinscommune

La PAC a toujours été complexe.Mais elle étaitou se voulait une politique commune, avec lesmêmes règles appliquées par tous et pourtous. C’était son mérite. La nouvelle PACs’éloigne de cet objectif par un dispositif encoreplus complexe et surtout,variable selon les États.

Les États membres disposent,au titre de la sub-sidiarité,de plusieurs marges d’appréciation dansl’application du découplage de l’aide au revenu,dite “droit à paiement unique” sans doute pourmasquer qu’elle l’est de moins en moins.

Ces marges concernent la date de mise enœuvre,l’intensité du découplage (découplage total- Allemagne et Royaume-Uni - ou partiel,notam-ment pour les animaux, comme c’est le cas enEspagne et en France qui a utilisé au maximum

les possibilités en matière de couplage(38)) et,surtout, les modalités de calcul du paiement.

Il y a deux familles de calcul : le modèle du paie-ment unique par hectare (calculé soit au niveaunational, soit au niveau régional) et le modèlehistorique, déterminé sur la base des paie-ments antérieurs perçus au cours de la périodede référence 2000/2002. Les deux modèlespeuvent se combiner avec la juxtaposition d’unpaiement unique et d’une partie variable calculéesur un modèle historique fixe (modèle hybridestatique) ou décroissante (modèle hybridedynamique). La France a adopté le découplagepartiel en conservant donc un lien entre la primeet l’aide versée mais cette dernière varie enfonction du type de production(39) : C’est ainsique se présente le “droit à paiement unique”.

Dans le même esprit, les États membres peuvent,au choix, administrer l’ensemble au niveaunational ou mettre en œuvre une régionalisa-tion du système,solution choisie par l’Allemagneet le Royaume-Uni. Enfin, ils ont la possibilitéde prélever une partie des droits à paiementunique pour les redistribuer à des actions decommercialisation ou de protection de l’envi-ronnement. Cette marge concerne 10% del’enveloppe totale (cette faculté est connue sousle nom d’“aides de l’article 69”(40)).

Ainsi, malgré son appellation trompeuse, lepaiement est de moins en moins unique.ChaqueÉtat gère individuellement ses crédits européensselon ses priorités.

Un glissement comparable s’est opéré avec lesaides du 2ème pilier.Tandis que l’UE s’est largement

2La PAC dans une impasse ?

(38) En France, le taux decouplage est de 100%pour la prime aux vachesallaitantes, et la prime àl’abattage des veaux, 50%pour la prime à la brebis,40% pour la prime àl’abattage des grosbovins, 25% pour lespaiements aux grandscultures.

(39) Le paiement de laprime à la vacheallaitante est couplé à100%, la prime à la brebisest couplée à 50%, laprime à l’abattage desgros bovins est couplée à40%, les paiements auxgrandes cultures sontcouplés à 25%.

(40) Par référence àl’article du règlement dessoutiens directs àl’agriculture n° 1782/2003.

54 55L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

exploitation est de 29 500 €.Cette sommereprésente 22% du revenu total et 90% durevenu net moyen agricole.Dans 10 régionssur 22, les aides directes représententl’intégralité du revenu net, ce qui veutdire que dans ces régions, l’exploitant nepourrait tout simplement pas vivre sanssubvention européenne(41) !

substituée aux États pour les aides tradition-nelles et les aides au revenu du 1er pilier,ces aidesdu 2ème pilier sont plutôt fondées sur le principedu cofinancement.L’Union européenne cofinanceles aides laissant à chaque État ou chaque régionle soin de financer l’autre partie avec toutes lesinégalités qui peuvent apparaître entre les régions.

Dans les faits, la PAC n’existe plus en tantque politique commune.

2.2 Limites et travers de laréforme de 2003

Le cœur de la réforme de 2003 est la mise enplace de l’aide directe au revenu par le droit àpaiement unique.Force est de constater l’échecde ce nouveau système qui paraît,à la fois,désta-bilisant pour les agriculteurs, critiquable dansses modalités et intenable à terme.

2.2.1 Une dépendance accrue des agriculteurs aux fondscommunautaires

a. Le cas des anciens États membres

L’importance prise par les aides directes dansle revenu agricole est considérable.

Importance des aides directes dansle revenu agricole en France

En France, le montant moyen des aideseuropéennes directes aux revenus par

2La PAC dans une impasse ?

(41) Le revenu total -ourevenu brut - est égal à lavaleur des ventes + lesaides directes. Le revenutotal est équivalent auchiffre d’affaires pour uneentreprise. Le revenu netest la différence entre lerevenu brut et les charges.Exemple : - produit desventes : 104 500 ; - aidesdirectes : 29 500 ; totalrevenu : 134 000 ; revenunet : 33 000 ; aidesdirectes sur revenu total :29 500/ 134 000 = 22% ;aides directes sur revenunet :29 500/ 33 000 = 90%.On notera que dans cemode de calcul, la part desaides directes dans lerevenu net peut parconséquent êtresupérieure au revenu net.

Montant et part des aides directes (AD) selon l’activité en €

Moyenne Franceexploitation

Maxi parexploitation*

Moyenne France par ha

Maxi par ha *

Part des AD dans revenu total

Maxi dans revenu total

Part des AD dans revenu net

Maxi dans revenu net

Grandeculture

36 000

56 300Ile-de-France

371

412Languedoc-Roussillon

30%

46%Lorraine

111%

317%Languedoc-Roussillon

33 600

70 400Lorraine

385

460Nord-Pas de

Calais

24%

51%Languedoc-Roussillon

100%

287%Languedoc-Roussillon

39 800

53 800Centre

430

499Bretagne

45%

100%Languedoc-Roussillon

138%

201%Languedoc-Roussillon

Bovins/lait

4 500

7 400Languedoc-Roussillon

207

336Franche Comté

3%

11%

771%Languedoc-Roussillon

ViticulturesBovins/viande

27 800

40 000

PACA

344

433Aquitaine

38%

149%

267%Auvergne

Ovins

29 500

56 300Ile-de-France

386

447Aquitaine

22%

49%Limousin

90%

175%Languedoc-Roussillon

Total

* : Moyenne régionale. Source INRA 2006 SAE2 Nantes

b. L’application des aides directes dans lesnouveaux États membres

Les aides directes aux agriculteurs visent à garan-tir un revenu cohérent avec les standards de vieeuropéens.Cet objectif a eu des conséquencesimprévues dans les nouveaux États membres.

L’élargissement de 2004 fut présenté commeune occasion, pour la PAC, de démontrer sonefficacité. L’accord sur les aides directes s’ap-plique aux 10 nouveaux États membres defaçon progressive(42) et avec des modalités allé-gées. Le régime de paiement unique (RPU) estdonc “simplifié” en régime de paiement uniqueà la surface (RPUS), une aide liée à la surfacequelle que soit l’activité tandis que la règle dela conditionnalité ne s’applique pas.

Mais les effets pervers ne vont pas manquer.L’adhésion à l’Union européenne a donné uncoup de fouet aux économies des nouveauxentrants et la progression des niveaux de vieest partout perceptible. Mais l’adhésion s’avèreparticulièrement bénéfique pour la populationagricole qui a connu en 5 ans une augmenta-tion de ses revenus très supérieure au reste dela population. Alors que les aides européennesde l’ancienne PAC avaient transformé l’agri-culture européenne en quelques années, lesaides directes du RPUS dans les nouveauxÉtats membres tendent à figer l’agriculture etopèrent comme une rente agricole qui n’inciteguère au changement.

56 57L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

2La PAC dans une impasse ?

Alsace

Aquitaine

Auvergne

Basse-Normandie

Bourgogne

Bretagne

Centre

Champagne-Ardennes

Corse

Franche-Comté

Haute- Normandie

Ile-de-France

Languedoc-Roussillon

Limousin

Lorraine

Midi Pyrénées

Nord-Pas- de-Calais

Pays de Loire

Picardie

Poitou-Charentes

Provence-Alpes-Côte d’Azur

Rhône-Alpes

France

59%

96%

159%

95%

119%

60%

109%

41%

93%

95%

99%

110%

175%

134%

119%

141%

80%

81%

115%

78%

51%

77%

90%

Part des aides directes dans le revenu net avantimpôt, par région

Source : INRA SAE2 Nantes

(42) Conformément àl’accord de 2002, lesaides agricoles auxnouveaux États membresont augmenté trèssensiblement : de 1,45milliard € en 2005 à 4milliards en 2009 soit11% du montant totaldes aides directes totalesde l’UE.

59L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX58 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

réforme, s’avère extrêmement complexe. Larègle de la conditionnalité des aides consiste àsubordonner le paiement des aides directes aurespect de certaines conditions. Les condi-tions environnementales - l’éco-conditionnalité-décidées en 1999 ont été étendues au respectde la réglementation en général. Les exigencessont de deux ordres. D’une part, chaque paysdoit respecter une sorte de socle commun com-munautaire. Le versement du paiement uniqueest subordonné au respect de 19 directives etrèglements européens(45) sur l’environnement(5 textes), l’identification des animaux (4 textes),la santé publique et la sécurité alimentaire (4textes) la santé animale (3 textes) et du bienêtre animal (3 textes).D’autre part,chaque Étatdoit s’assurer du respect de “bonnes conditionsagricoles et environnementales”. Il s’agit de 9mesures qui portent sur le “couvert environ-nemental”, telles que les bandes enherbéesprès des cours d’eau, les assolements, l’irriga-tion, les pâturages,etc.En France,pas moins de4 services sont chargés de veiller au respect decette conditionnalité, la direction départe-mentale de l’agriculture et de la forêt, la direc-tion régionale de l’agriculture et de la forêt, ladirection départementale des services vétéri-naires, et l’office agricole impliqué.

On pourra relever que c’est précisément la com-plexité des aides qui avait été à l’origine de lacréation d’un régime simplifié pour les nouveauxÉtats membres. Parfois même, la Commissionavait dû renoncer tant le régime était inacces-sible.“Ironiquement, la complexité de certainsrégimes d’aides est telle que l’exercice de sim-plification était devenu insurmontable... ”(46)

2.2.2 Le système des droits à paiementunique est-il tenable ?

a. Un système techniquement tropcomplexe

En premier lieu, les modalités d’application dudroit à paiement unique sont très variables. Lemodèle historique - choisi par la France - estparticulièrement contestable. Il a pour avantaged’être assez neutre, en ne changeant pratique-ment pas la répartition entre régions et entreagriculteurs des différents secteurs de produc-tion, mais il est très fragile. “Le modèle histo-rique va cristalliser les aides qui seront octroyéesen fonction de critères chronologiques de plusen plus éloignés de la réalité(43)”.“Le modèle his-torique deviendra de plus en plus difficile à jus-tifier au fur et à mesure que l’on s’éloignera desa date de mise en œuvre(44)”.Ainsi, la PAC aréintroduit un mécanisme de rétributionarchaïque ou réservé à quelques productions dematières premières : la rente.

En second lieu, la mise en pratique de la condi-tionnalité des aides, autre élément clé de la

(43) Danièle Bianchi, LaPAC, Bruylant 2006, p.336.

(44) Parlement européen,Direction générale despolitiques internes del’Union, Le financement etl’efficacité des dépenses àl’agriculture, 28/03/2008.

(45) Dans la versiond’origine, préparée par laCommission, 38 textesétaient visés.

(46) D. Bianchi, op. cit,p 365. On peut lire parexemple dans l’exposédes motifs du règlementDPUS “les conditionsd’éligibilité de certainesaides sont tropcomplexes pour que cesprimes puissent figurerdans le régime simplifié”

Évolution comparée des niveaux de vie et du revenu agricole dans lesnouveaux États membres entre 2003 et 2007

République Estonie Lettonie Lituanie Hongrie Pologne Slovénie Slovaquietchèque

PIB/ Habitant

Revenu agricole

+ 33% + 58% + 60% + 48% + 20% + 32% + 29% + 48%

+ 113% + 90% + 120% + 159% + 61% + 122% + 65% + 61%

Nota : l’évolution du PIB par habitant donne une estimation de l’évolution du revenu par habitant.Sources : Eurostat PIB par habitant et statistiques en bref n° 24/2008, traitement auteur

60 61L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

b. Un système politiquement fragile

Même si le système était uniformisé, assoupliet simplifié, la question de fond reste entière :le système des aides directes aux revenus est-il tenable ?

En 15 ans, la PAC est passée d’un système degestion des marchés à un système d’aide auxrevenus. Comment justifier que l’Union financeles revenus d’une catégorie de la population quine représente que 6,3% de l’emploi total sur sonterritoire(47). Pourquoi les agriculteurs, et euxseuls ? Pourquoi pas les chômeurs,les chercheurs,les éditeurs, les personnes chargées de la luttecontre l’immigration illégale,etc.? Pourquoi,éga-lement, maintenir des aides aux revenus alorsque les prix agricoles augmentent ? Même s’ils’agit du principe même des aides découplées,indépendantes des productions,cette inertie dusystème a de quoi surprendre.

L’ancienne PAC avait des lacunes et des effetspervers qui l’ont anéantie,mais elle avait du sens.La nouvelle PAC n’en a plus. La politique agri-cole s’est transformée en un simple outil deredistribution, une politique de solidarité auprofit d’une catégorie socioprofessionnelle maisqui a l’inconvénient de coûter plus de 40 mil-liards par an.

Incontestablement, la PAC prête le flanc aux cri-tiques. Une simple politique d’aide aux revenusne paraît pas tenable. La question des soutiensagricoles se pose dorénavant en termes de légi-timité.Le paradoxe de cette affaire est que la PACest sous le feu des critiques de ceux qui ont toutfait pour la réformer dans cette direction.

2La PAC dans une impasse ?

(47) 3,6% en France, 5,9%en Irlande, et seulement0,9% au Royaume-Uni.Des proportions quipeuvent expliquer pourpartie les positionsrespectives des uns et desautres.

L’ancienne PAC a sombré par manque decourage politique des États pour maîtriser lesproductions. La nouvelle PAC se trouvesabordée par d’autres États qui, sous prétexted’adapter la PAC, l’ont, en fait, dynamitée.

2.3 Les propositionsactuelles

2.3.1 La position des agriculteurs

Sur ce dossier, le monde agricole est encore enattente.On y trouve, à la fois, des demandes etdes craintes, tout particulièrement en France.

a. Quelles sont les demandes desagriculteurs ?

Que veulent les agriculteurs, ou, au moins, lesagriculteurs français ? Des revenus sans doute,mais bien plus que cela : pouvoir rester sur etvivre de leur terre.C’est-à-dire, puisque la dis-tinction est désormais nécessaire, vivre desrevenus liés à leur travail. Et pour un agricul-teur, son travail est de produire des produitsagricoles (et non d’entretenir des paysages).Au-delà de cette demande de reconnaissance, lesdemandes des agriculteurs portent sur lespoints suivants :

- une demande de simplification

La première critique à l’encontre de la PAC atoujours été et reste sa complexité. La procé-dure d’accès aux financements est lourde, lescontrôles multiples et ressentis comme inces-

62 63L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

2La PAC dans une impasse ?

(48) “Le tonnageimpressionnant de sucre decanne que l’UE importe àdes prix intérieurs résulted’une exigence de Royaume-Uni lors de son adhésion à laCEE (...). Ce courantd’échanges artificiel sansrapport avec les besoins dumarché européen ni avec leniveau des prix mondiauxpermettait au Royaume-Unide conserver un débouchéaux fournisseurstraditionnels du marchébritannique (Jamaïque... ) etaux raffineries de conserverun approvisionnement enmatière premières, quitte àobliger l’UE à exporter cesucre excédentaire au prixmondial avec de coûteusesrestitutions, en imputant aubudget de l’agriculture unedépense qui relève plutôt del’aide au développement. Cefut une belle opérationbritannique”. M. Février, vice-président de l’académieagricole, Compte-rendu del’académie agricole, N° 8,séance du 25 novembre1998, suite à unecommunication de BrunoBourges sur le marché dusucre dans l’UE.

(49) Serge Vinçon,MarcLaffineur, Les perspectivesfinancières européennes2007-2013, LaDocumentation française,collection Rapportsofficiels, Paris, 2004,p.155

sants.En effet,certains excès médiatisés et l’im-pact politique,désastreux,pour la Commission,des fraudes au budget communautaire ontimposé de multiplier les contrôles, y comprispar satellites.La règle de conditionnalité est unélément de complexité supplémentaire,dont laCommission avait parfaitement consciencelorsqu’elle a décidé de la mettre en œuvre aupoint d’en faire un motif d’allègement du dis-positif dans les nouveaux États membres.

La première demande reste donc avant tout unedemande de simplification. La question estrituelle. L’UE n’est pas seule en cause. Il fautreconnaître que la multiplication des labelsdans l’agriculture française (type “agriculture rai-sonnée”) n’est guère plus lisible pour nosconcitoyens et que plus particulièrement l’ac-tivité vitivinicole n’est pas un modèle de clarté.

- une demande de cohérence

La cohérence entre la PAC et les échanges exté-rieurs reste posée. Quelques initiatives euro-péennes en direction de ses partenaires inter-nationaux peuvent sembler,en effet,déroutantes.C’est ainsi, par exemple que l’Union euro-péenne a choisi d’importer du sucre des paysd’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)sur un marché européen déjà largement excé-dentaire.Les importations de sucre ACP étaientpar la suite réexportées avec restitutions,c’est-à-dire avec des subventions européennes ! Cerégime plutôt extravagant résulte avant toutd’une demande britannique(48). Il est arrivé éga-lement que l’Union européenne accorde uneaide aux vignobles sud-africains alors qu’elledevait gérer ses propres surproductions de vin.

Cela ne fut guère apprécié.

D’une façon générale, les différentes politiquesbudgétaires européennes n’ont pas les mêmescontraintes, loin s’en faut ! La conditionnalité,élément crucial de la réforme de 2003, ne s’ap-plique avec rigueur que pour la PAC. L’Union,prompte à “moraliser” ses aides directes aux agri-culteurs, n’a pas eu la même démarche s’agis-sant des fonds structurels, attribués à certainesrégions qui conservent parfois, en toute impu-nité, des pratiques environnementales désas-treuses.Le décalage est encore plus net avec lesquestions d’environnement dans les pays endéveloppement. L’observation avait été faite enson temps pas le sénateur Serge Vinçon,alors pré-sident de la Commission des Affaires étran-gères du Sénat : “N’y a-t-il pas quelque paradoxeà vérifier en Europe le respect du bien être desanimaux et être aveugle aux déforestations mas-sives,aux massacres d’espèces protégées et auxatteintes criantes à l’environnement dans certainspays pourtant aidés par l’Union européenne”(49).La PAC se voit imposer des contraintes quel’Union n’applique à aucune autre politique.

Enfin, l’Union peut-elle interdire des pratiquesou des biens agricoles et en autoriser, volon-tairement ou involontairement, l’importation ?La question se pose pour les importations deviande des États-Unis, les importations debananes, ou la réglementation des OGM.Comment interdire une pratique en Europe alorsqu’il est pratiquement impossible de la contrô-ler dans les importations ? Le cas typique estcelui des bananes des Antilles :dans les mois quiont suivi l’interdiction de l’utilisation du chlo-redécone dans les bananeraies, les stocks ont

65

même de la Commission(50), et sur la logiquemême du système, puisque les agriculteurssont la seule profession dont les revenus sontsubventionnés par l’UE.

Le système choisi par la France est lui aussi sujetà caution.29% des aides directes distribuées enFrance restent couplées à la production,soit unpeu moins de 2 milliards d’€. La question d’ac-tualité qui sera évoquée dans le bilan de santéest celle du mode de calcul de l’aide et de l’ap-plication éventuelle du découplage total.Toutchangement dans les mécanismes de calcul desaides, qui s’éloignerait de la répartition histo-rique (système actuel) est potentiellement trèsdéstabilisant, entraînant des transferts impor-tants, entre types d’activité, entre régions, oudans les deux à la fois.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX64

été exportés en Afrique et dans les Caraïbes,où l’insecticide pouvait être utilisé sans limite !

- une demande de clarification et de visibilité

Par définition, les revenus agricoles sont aléa-toires et dépendants des conditions clima-tiques. Mais l’importance prise par les aidesdirectes européennes crée une dépendancenouvelle d’ordre politique et culturel : lesrevenus des agriculteurs sont liés au montantdes crédits de la PAC fixés par une décision poli-tique.Quand la PAC est accusée, les crédits sontchahutés. Les agriculteurs vivent aujourd’huisous l’entière dépendance de 27 chefs d’État etde gouvernement qui décident tous les 7 ansdu montant des plafonds de la PAC.Demain, leplafond sera également fixé par le Parlementeuropéen dans lequel les intérêts des agricul-teurs ne sont pas forcément prioritaires.

La demande de nombreux agriculteurs est derompre avec cette dépendance, ressentiecomme humiliante, d’autant plus qu’elle est àla fois totale et condamnée.Dans ces conditions,l’avenir n’est pas clair pour les agriculteurs.

b. Les inquiétudes des agriculteurs

Les agriculteurs sont inquiets, bien sûr, pour lapérennité des aides. Il y a tout lieu de penserque le montant n’est nullement garanti et quele système mis en place en 2003 ne survivra pasà la réflexion collective au plus tard après2013.Le problème porte à la fois sur le montantdes crédits,dénoncé par certains États et au sein

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

2La PAC dans une impasse ?

(50) Le Commissaireeuropéen chargé ducommerce, PeterMandelson, s’interrogeait :“Consacrer une part aussiimportante du budget del’UE aux dépensesagricoles semble moinslégitime que par le passé”,16/03/2007.

Impact du découplage total (en % du revenu brut),par secteur d’activité

+ 2%

- 3%

+ 45%

- 9%

- 19%

- 6%

0

0

0

+ 3%

+ 37%

- 10%

- 10%

- 3%

+ 3%

0

MutualisationnationaleRégionalisation

Bovin lait

Bovin viande

Ovin

Blé

Maïs

Oléo-protéagineux

Viticulture

Ensemble

67

- simplifier le régime de conditionnalité ;- introduire un système de plafonnementdes aides ;- majorer la possibilité de l’article 69 quipermet d’orienter une partie des aides du1er pilier - les aides directes au revenu -vers des activités productives fragiles ;- supprimer les quotas laitiers ;- supprimer la jachère obligatoire ;- augmenter la modulation pour accroîtrele 2ème pilier - les aides du développementrural.

Les principaux points en débat portent sur lasuppression du couplage et l’abandon des quotaslaitiers. Ces deux initiatives suscitent quelquesréserves. Le couplage est encore, au moins enFrance, assez répandu pour l’élevage. Parmi lesactivités agricoles, l’élevage est, de loin, le pluscontraignant. Supprimer tout couplage avec laproduction,sans visibilité sur les prix est une inci-tation implicite au changement d’activité.L’activitélaitière ne bénéficie pas d’aides couplées maiselle est encadrée par l’existence de quotas deproduction. La suppression des quotas favoriseles grandes exploitations laitières intensives,hors sol(51), qui ont des réserves de producti-vité et peuvent à court terme, faire évoluer leurproduction, tandis que les petites exploitationssont menacées par cette concurrence(52).

b. La position française

La position française est assez ambiguë. Il fautclairement distinguer les discours volontaristesdu président de la République et les proposi-tions techniques plutôt prudentes du ministrede l’Agriculture.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX66

Nota : On voit dans ce tableau que le système a priori le plussimple et le plus égalitaire, qui consiste à appliquer la mêmeaide à l’exploitation à toutes les régions de France et à toutesles activités (système dit de “mutualisation nationale ”),entraînerait des variations considérables du montant desaides par rapport à la situation actuelle : - 10% pour lesproducteurs de blé, mais +37 % pour les éleveurs ovins ; -38% en Picardie et + 87% en Languedoc-Roussillon...

2.3.2 Les principales propositions en débat

a. La proposition de la Commission :l’aménagement technique

La communication de la Commission sur le bilande santé est articulée autour des points sui-vants :

- renforcer le découplage pour limiter aumaximum les liens couplés avec laproduction, y compris sur les produitsanimaux ;

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

2La PAC dans une impasse ?

Impact de la mutualisation nationale pour quelques régions

Languedoc-Roussillon : + 87%

Corse : + 76%

Franche-Comté : + 40%

Rhône-Alpes : + 27%

Haute-Normandie : - 25%

Nord-Pas-de-Calais : - 29%

Picardie : - 38%

Source : INRA 2007 SAE2 Nantes.La sensibilité des exploitations françaises à une modification des soutiens de la PAC. 2007

(51) L’élevage hors sol estun type d’élevage intensif :les animaux sont dans desbâtiments et toutes lesfonctions dédiées àl’élevage sontautomatisées.

(52) Cette proposition estsoutenue par exemplepar le Danemark, leRoyaume-Uni et les Pays-Bas, qui ont le plus grandcheptel de vacheslaitières par exploitationde l’UE– respectivement86, 78, et 61 vaches parexploitation, soit ledouble du cheptel moyenfrançais (37 vaches parcheptel).

69

- maintien des possibilités de couplage ;- limitation des transferts entre 1er et2ème pilier ;- renouveler les instrumentscommunautaires par la mise au pointd’un système d’assurance destiné àgérer les risques climatiques etsanitaires, financé par prélèvement surles aides directes du 1er pilier ;- préserver dans la durée le soutien àl’agriculture.

Il n’existe, à notre connaissance, pas d’autredocument officiel public sur le bilan de santé,ce qui témoigne d’une très grande prudence.Sur le site internet du ministère de l’Agriculture,par exemple, le terme “bilan de santé” ne figureni parmi les rubriques du ministère ni mêmeparmi les sous-rubriques consacrées à l’Europe.Il faut se reporter aux interventions du ministredevant les assemblées parlementaires(57) pourconnaître les axes privilégiés par la France :main-tien d’outils de gestion des marchés, instaura-tion d’un mécanisme de gestion des risques,aides aux bassins les plus fragiles, réticences àla modulation des aides, aménagement desaides pour les rendre plus lisibles,etc.La Francequi hésite entre aménagement et réforme esten position d’attente.Ou,pour reprendre l’ex-pression du ministre, “les orientations poli-tiques sont posées mais la boîte à outils n’estpas encore disponible”.

c. La position des autres États membres

Si quelques États membres sont dans une posi-tion clairement offensive,qu’ils soient partisansd’un abandon pur et simple des aides directes

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX68

Le président de la République a annoncé clai-rement que la PAC serait l’une des quatrepriorités de la présidence française.La positionfrançaise a été précisée à plusieurs occasions(53)

sur différents thèmes :

- la sécurité alimentaire : “Il y a une nouvelle ambi-tion à construire pour l’agriculture en Europeautour de quatre objectifs. Le premier, pourmoi, il est fondamental : la sécurité alimentairede plus de 400 millions de consommateurs euro-péens parce que sur ce thème de la sécurité ali-mentaire, nous pourrons entraîner derrièrenous des pays qui n'ont pas de tradition agricoleparce qu'ils ont des consommateurs qui ont lamême exigence de sécurité que les nôtres(54)”

- des prix rémunérateurs : “Les agriculteursne veulent pas être fonctionnarisés. Les agri-culteurs ne veulent pas être subventionnés. Lesagriculteurs veulent vivre de leur travail. La pre-mière question essentielle c’est celle des prix(55)”

- la cohérence dans nos échanges agricoles- “Est-il raisonnable d’imposer,à juste titre,à noséleveurs et à nos agriculteurs des règles de tra-çabilité et de sécurité et de continuer à impor-ter en Europe des viandes qui viennent d’ailleurset qui ne respectent aucune des règles que nousimposons à nos agriculteurs ?(56)”

- ainsi que 3 autres objectifs connexes : lagestion des risques, l’équilibre des territoireset l’équilibre alimentaire mondial.

Sur le bilan de santé proprement dit, la Francea défini une position, le 21 novembre 2007,arti-culée autour des points suivants :

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

2La PAC dans une impasse ?

(53) Interventions duprésident de laRépublique lors du Salonde l'Agriculture le 23février 2008, du 62eme

congrès de la FNSEA le 2avril 2008, de la mise enœuvre du Grenelle del'environnement, le 20mai 2008, et discoursprononcés devant leParlement Européen ennovembre 2007 et le 10juillet 2008.

(54) Discours devant laFNSEA, 2 avril 2008.

(55) Discours au Salon del’Agriculture 23 février2008.

(56) Allocution devant leParlement européen, 10juillet 2008.

(57) Audition de M. MichelBarnier devant ladélégation de l’Assembléenationale pour l’UE le 25mars 2008 et devant ladélégation du Sénat pourl’UE le 20 février 2008.

71L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX70

(Pays-Bas) ou de la PAC dans son ensemble(Royaume-Uni qui considère que les paiementsde la PAC doivent être financés au niveau natio-nal), la plupart des États membres ont des posi-tions variables selon les différents sujets tech-niques abordés. La grande variété des sujets etdes positions laisse présager un jeu diplomatiqueoù chaque État va chercher des alliances,jeu danslequel les Britanniques sont passés maîtres.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Présentation simplifiée des positions des États membres avant le bilan de santé

Sécurité alimentaire

Interventions/gestion du marché

Découplage

Aides directes

Quotas laitiers

Modulation (1er /2° pilier et art. 69)

Plafonnement des aides

Système de gestion de crises

Rémunération de prestationsnon agricoles (équilibre desterritoires/ environnement)

objectif explicite : France,Espagne, Irlande, Grèce,Belgique, Portugal

maintien :France, Irlande, Hongrie,Pologne

possibilités de couplage :France, Roumanie, Finlande,Bulgarie, Espagne, Grèce

maintien

maintien : France

maintien du dispositif actuel :France, Belgique,Allemagne,Irlande, Estonie, Lituanie,Hongrie

pas de plafonnement :Allemagne, Royaume-Uni

système assurancielFrance, République tchèque,Portugal,Allemagne, Hongrie,Bulgarie, Roumanie

vocation PAC non agricoleFrance, Portugal, Espagne,Irlande, Grèce

suppression : Royaume-Uni,Pays-Bas...

découplage total : Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède,Estonie, Slovaquie

suppression : Pays-Bas

élimination : Royaume-Uni,Danemark,Allemagne,Pays-Bas, Lettonie

renforcement : Royaume-Uni, Danemark

plafonnement : France

pas de système d’assurancepublique : Royaume-Uni

Sources : “Bilan de santé de la PAC : les alliances se dessinent ”, Revue APCA, février 2008, et sélection de contribution desÉtats au réexamen du CFP.

73

La PAC est la seule politique totalementmutualisée.

Décidée collectivement, cette politique euro-péenne s’est substituée aux politiques nationales.La PAC est une politique intégrée,qui fonctionnesur le principe de la solidarité financière.Dans ledomaine agricole, il n’y a plus de politique natio-nale, pratiquement tout est communautarisé,décidé en commun, à la majorité qualifiée. Lesrègles, décidées collectivement par les États à lamajorité qualifiée,s’appliquent ensuite à tous.Il n’ya,avec la PAC,ni zonage,ni programmation,ni appelà projet, ni sélection, ni découpage, ni arbitrage,ni saupoudrage…Comme l’a résumé la Cour desComptes française, “alors que les fonds structu-rels communautaires ouvrent des possibilités definancements,la PAC ouvre des droits”(59). La PACcrée des droits identiques pour tous les agricul-teurs de l’Union qui remplissent les conditionspour en bénéficier. Aucune autre politique n’a étéaussi loin dans la communautarisation.

Il n’y en a pas d’autre.

Définir une politique commune suppose 5conditions : 1. une ligne politique ; 2. un cadreinstitutionnel (une autorité communautaire etun transfert de souveraineté) ;3.une action régle-mentaire ; 4. des moyens financiers ; 5. l’accep-tabilité par l’opinion.Même si le dernier critèreest moins assuré qu’autrefois, la PAC est la seulepolitique à réunir toutes ces conditions. Ilmanque toujours aux autres politiques euro-péennes au moins un volet.L’autre grande poli-tique commune européenne, la politique com-merciale, n’a pas de moyens financiers. Lapolitique environnementale passe presque exclu-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX72

En se tournant résolument vers l’avenir, il noussemble nécessaire de montrer pour quellesraisons on peut encore croire en la PAC et d’in-diquer les quelques axes qui pourraient orienterune PAC rénovée.

3.1 Pourquoi croire en la PAC ?

3.1.1 Pour des raisons politiques

Il est inutile de rappeler le rôle historique etstructurant de la PAC dans la constructioneuropéenne(58). De tels arguments sont aussivains que ceux qui consistent à justifier l’Unioncomme moyen de garantir la paix en Europe.Qui peut croire actuellement à ce type d’argu-ment éculé et dépassé dans l’Union ? Il faut restersur le présent. La PAC a des atouts uniques etmême irremplaçables.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistespour une réforme

(59) Cour des Comptes,rapport au président dela République 1999, p. 99.

(58) L’idée était d’unir despays agricoles (France etPays-Bas) à des pays detradition industrielle(Allemagne).

75

transfert. Une politique réellement communesuppose de tels abandons de souveraineté qu’ily aura toujours un État qui hésitera à franchirce pas sur une autre politique.

3.1.2 Pour des raisons économiques

Il est surprenant de relever que les réformeslibérales de la PAC des dix dernières annéesétaient censées diminuer les prix tout en garan-tissant un bon niveau de production.En réalité,la hausse des prix n’a jamais été aussi élevée etles producteurs ont été beaucoup moins réac-tifs aux signaux du marché que ne le prévoyaitla théorie.

Et s’il y avait une exception agricole à la théoriede la libéralisation ?

a. Les prix

Selon les règles élémentaires de l’économie, lejeu du libre échange assure l’équilibre desmarchés, à travers la “variable prix”. En agricul-ture, ce mécanisme régulateur fonctionne defaçon imparfaite.

Les caractéristiques du marché agricole favo-risent l’instabilité.La demande de produits agri-coles, inélastique, réagit faiblement aux varia-tions de prix.L’offre est également rigide à courtterme puisque le principal facteur de produc-tion, la terre, n’est ni extensible (du moins enEurope), ni même ajustable. Il y a toujours unegrande incertitude sur les productions et surles prix (ne serait-ce qu’en raison de l’aléa cli-matique) et les agriculteurs traduisent leuraversion au risque en choisissant, quand ils le

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX74

sivement par la réglementation. Même la poli-tique européenne de l’énergie qui suscite unevéritable mobilisation ne dispose pratiquementpas de crédits. Les autres politiques euro-péennes sont presque toutes des politiquesd’accompagnement. La PAC reste, à ce jour,incomparable.

Il est peu vraisemblable qu’il y ait de nouvellepolitique commune aussi aboutie.

La PAC a été lancée dans des circonstances his-toriques où - presque - tout était possible(60),dans un élan politique à peine imaginable de nosjours.C’est peu dire que l’élan est cassé.L’Unionn’est pas mûre pour une nouvelle politiquecommune aussi aboutie.Ne serait-ce que pourune seule raison.Une nouvelle politique impo-sant de tels abandons de souveraineté,puisqueles décisions sont prises à la majorité qualifiéeet que les États abandonnent à l’Union tout unchamp d’intervention, a pu être lancée à 6, ellene peut l’être à 27. Certes, l’Union a fait l’euroqui implique des transferts de souveraineté plusimportants encore(61), mais la souverainetémonétaire était en vérité symbolique et l’ins-trument monétaire était sans contenu. Enrevanche, tous les États conservent une margebudgétaire.Quelle politique budgétaire se prêteà de tels transferts de souveraineté ?L’environnement, l’énergie, qui sont les deuxgrands sujets du moment ? La France est-elleprête à confier sa politique nucléaire à l’Union ?L’Allemagne, le Royaume-Uni sont-ils prêts àconfier leurs choix énergétiques à l’Union ?Toutes proportions gardées, c’est pourtant cequi s’est passé en 1957 avec la PAC. Aucuneautre politique ne paraît assez mûre pour ce

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(60) La création de la CEEfait suite au rejet duprojet de communautéeuropéenne de défense,projet rejeté par laFrance qui l’avaitpourtant conçu.

(61) Mais l’indépendancemonétaire des Étatsn’était plus qu’un leurredepuis longtemps.

Enfin, la libéralisation totale des marchés reposesur une analyse des prix totalement conven-tionnelle. Les prix actuels du marché ne tien-nent pas compte des coûts environnemen-taux. Il suffirait de faire payer le prix du carbonelié à la production et au transport à son coûtpour transformer l’appréciation des avantagescomparés des différentes zones agricoles et lescircuits des échanges agricoles mondiaux.

b. Les productions

Pourquoi maintenir une agriculture en Europe ?En appliquant la théorie économique classique,l’Union n’a aucune raison de conserver une agri-culture. Elle n’a ni avantage absolu ni avantagecomparatif dans ce domaine(62).

Il convient tout d’abord de lever toute ambi-guïté : les échanges agricoles sont nécessairesne serait-ce que parce que certaines zones depopulation n’auront jamais de production agri-cole suffisante pour nourrir leur population etparce qu’il sera toujours moins coûteux d’im-porter des produits agricoles que de faire venirde l’eau pour irriguer les parcelles. Pourtant, ilest illusoire de croire que l’agriculture peut êtreun marché librement et totalement ouvert aujeu de la concurrence. Ce système peut êtredévastateur dans les pays les plus pauvres.Maismême pour l’Union, l’intégralité des échangesmondiaux ne suffirait pas à couvrir les besoinseuropéens.Dans le cas du lait par exemple.Leséchanges mondiaux de lait et produits laitiersportent sur 40 millions de tonnes alors que laseule consommation européenne dépasse 150 000 tonnes.

77L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX76

peuvent, un niveau de production inférieur àcelui qu’ils auraient choisi en situation certaine.

La notion de “prix mondial” est bien souventune duperie.Le prix mondial a une valeur tran-sactionnelle pour le négoce international maispeu de réalité sur le prix intérieur, souventdécalé. Les échanges ne portent que sur unefraction mineure des productions, l’essentiel desproductions est toujours consommé sur place,intra zone. D’ailleurs, s’agissant de la notionmême de prix agricole, il ne faut pas oublier quele prix agricole qui est aussi un revenu pourl’agriculteur rémunère non un seul, mais troisfacteurs de production : le travail, le capitalfoncier et le capital technique.

L’idée fondatrice des réformes de la PAC estque les prix européens sont trop élevés.Un ali-gnement sur le prix mondial permet de réduireles prix,dégage de l’argent pour d’autres achatset maximise le surplus du consommateur.L’agriculture européenne doit être compétitiveou ne pas être. Le problème est qu’il y a demoins en moins de lien entre le prix du produitbrut et le prix du produit alimentaire.Le produitsuit un circuit (agriculture, industrie agroali-mentaire, distributeurs, consommateur) quiincorpore les autres coûts industriels, lesconsommations intermédiaires, les prestationsde services, les comportements de marge. Audébut des années 2000, les prix agricoles ontbaissé pendant 5 ans sans que la baisse serépercute sur les prix alimentaires.En revanche,les hausses récentes des produits agricoles serépercutent presque toujours sur les prix ali-mentaires.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(62) Pour Adam Smith, unpays a intérêt aucommerce dès lorsqu’il sespécialise dans lesproductions dans lesquelsil a un avantage comparatifabsolu. Pour Ricardo, il esttoujours avantageux decommercer dès lors queles pays se spécialisentdans les biens pourlesquels leur avantagecomparatif est le plus fort.

79

l’argument “travailler plus pour gagner plus”, neporte pas.La nouvelle PAC avait cassé le moral.Il faudra du temps pour recréer la confiance.

Enfin, cette analyse économique des marchésest également perturbée par la prise en comptedes aspects multidimensionnels de l’agricul-ture.Le produit agricole n’est pas seulement unproduit auquel la théorie de l’échange pourraits’appliquer car l’agriculture est aussi un bienpublic(64) : l’agriculture remplit des fonctionssociales,territoriales,environnementales,qui jus-tifient une intervention publique. La PAC apermis dans la plupart des pays agricoles le main-tien de petites exploitations qui donnent vie àl’espace. Pour le ministre français del’Agriculture, M. Michel Barnier,“la disparitiondu soutien européen signifierait celle des petiteset moyennes exploitations et c’est toute lasociété qui en paierait le prix”(65). Autant d’ar-guments qui justifient,s’il le faut,une sorte d’ex-ception agricole.

3.1.3 Parce que la plupart des dénigre-ments de la PAC sont inopérants ou fal-lacieux

Les justifications pour réformer (supprimer ? ) laPAC sont politiquement habiles et médiatiquementconvaincantes : “la PAC absorbe la plus grandepart des crédits du budget communautaire.Cetteprépondérance ne se justifie plus. L’Union euro-péenne fait face à d’autres défis et a mieux à fairequ’à financer des agriculteurs”. Les deux justifi-cations habituelles touchent la recherche d’unepart et ce qu’on a appelé la “correction britan-nique” d’autre part.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX78

Mais ces échanges n’excluent pas une protec-tion agricole. Partout dans le monde, la sécu-rité alimentaire est considérée comme priori-taire,ne serait-ce qu’en termes quantitatifs.Ceconcept doit rester au cœur de la PAC, il estune condition de développement pour tous.Cette idée a été théorisée par Maurice Allais :“pour toute économie régionale,un objectif rai-sonnable serait que pour chaque groupe de pro-duits un pourcentage minimal de la consom-mation communautaire soit assuré par laproduction communautaire.La valeur moyennede ce pourcentage peut être de l’ordre de 80%(...) Ce système serait avantageux pour tous”(63).

Ensuite,la réaction des producteurs face aux ten-sions du marché a été jugée décevante, les pro-ductions n’ont augmenté qu’avec retard,commesi quelque chose n’avait pas fonctionné.L’explication est pourtant assez simple.En effet,toutes les réformes de la PAC ont eu pour objec-tif de réduire les productions. Soit par uneaction directe - jachère obligatoire, arrachage -soit par une action indirecte en baissant les prixet en supprimant, de fait, les interventions,notamment les stocks. Après 15 années de poli-tiques de restrictions, l’Union était plutôt malplacée pour demander une augmentation desproductions et s’est longtemps étonnée que lesproducteurs répondent si lentement aux signauxdu marché.Le système de découplage n’incitaitpas davantage à une augmentation des pro-ductions, puisque une part du revenu est indé-pendante des productions. Pourquoi faire plus? Pour être sous le feu des critiques et accuséde productivisme ? Quel intérêt vraiment ? Sansavoir de visibilité sur les prix ? Dans ce secteur,

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(63) Maurice Allais,allocution à l’Unesco 10avril 1999, cité dans lerapport du Conseild’évaluation et deprospective, annexé aurapport de Jean-PaulEmorine,“Agriculturehorizon 2050”, doc Sénat,2006-2007, n° 200, p.47.

(64) Un bien public est unbien qui peut êtreconsommé par unindividu sans nuire à laconsommation d’un autreindividu et dont l’accès nepeut être interdit : ladéfense nationale, lasécurité, par exemple.

(65) AFP 2 septembre2008.

81

La PAC en valeur relative

- Le budget communautaire représente1,04% du PNB de l’Union européenne.

- Le cadre financier pluriannuel 2007-2013programme une réduction importante dela part de la PAC dans le budget total. Lapart des seules dépenses de marché pas-serait de 35,7% à 32%. Encore ne s’agit-ilque de plafonds ; les dépenses réellementbudgétées étant notablement inférieuresaux plafonds programmés.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX80

a. PAC et recherche

“Consacrer tant d’argent pour la PAC et si peupour la recherche, quel dommage, quel échecmême” ! L’idée circule et progresse. Hélas.

Quelques rappels de chiffres sont nécessairesavant de procéder à des comparaisons :

La PAC en valeur absolue : la PAC reste lepremier poste budgétaire de l’Union euro-péenne.

En 2008, la PAC, toutes dépenses confondues,représente 53,3 milliards € (41 milliards au titredu 1er pilier : dépenses relatives au marché etaides directes, et 12,3 milliards au titre du 2ème

pilier :développement rural).Elle est la premièrepolitique budgétaire européenne,devant la poli-tique de cohésion (47,25 milliards en 2008). Enrevanche,depuis 2007, les aides du 1er pilier,quiconstituent toujours le cœur de la PAC et quifurent longtemps le premier poste de dépensedu budget européen ont été dépassées par lesdépenses de cohésion.

Les crédits de la PAC réellement budgétés sonttoujours très inférieurs aux plafonds fixés dansle cadre financier pluri-annuel.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

Rubriques

croissance durable

dont compétitivité

dont cohésion

conservation et gestion des ressources naturelles

dont PAC 1er pilier (marché et aides directes)

dont développement rural

Sous total PAC

autres

Total

2007

54 854

9 367

45 487

55 850

42 311

12 371

54 682

15 679

126 383

2008

58 338

11 082

47 256

55 560

41 006

12 303

53 309

16 411

130 309

2009 (avant-projet)

60 104

11 690

48 414

57 526

42 860

13 402

56 262

16 765

134 395

Répartition des dépenses du budget UE (budgets annuels et avant-projet de budget 2009, crédits d’engagements en millions €)

Source : notes de synthèse des budgets 2007/ 2008 et avant-projet de budget 2009 Commission, traitement auteur

83

31% ou 41% du budget qui représentent 0,33%ou 0,44% du PIB européen ne doivent pas êtrecomparés aux 5% des crédits de compétitivitédu budget mais à l’effort de recherche total(Union européenne et ses États membres) àhauteur de 2% du PIB européen(67).

La comparaison est d’autant plus cynique queceux qui y ont recours n’ont évidemmentaucune intention de communautariser larecherche et d’abandonner la moindre parcellede pouvoir sur ce sujet.

La comparaison reste pertinente en ce sens qu’ildevrait être possible,avec un minimum d’efforts,de financer à la fois les dépenses agricoles etdavantage de dépenses de recherche.Depuis 12ans, le budget communautaire reste fixé à 1%du PNB européen. Sans nier les contrainteslourdes qui pèsent sur les principaux financeursdu budget(68),une augmentation même modestedu budget assurerait une souplesse qui per-mettrait de garder la PAC et de financer desdépenses de recherche supplémentaires.

b. PAC et correction britannique

Sur la base des données de la Commission(69),la contribution nette de la France au budgetcommunautaire est désormais supérieure, enmoyenne annuelle,à celle du Royaume Uni.Celan’était pas le cas avant 2002 mais la réforme dufinancement intervenue en 2000(70) et appliquéeà partir de 2002 a alourdi sensiblement lacontribution française au budget communau-taire.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX82

- La PAC représente 41% du budget del’Union ; les seules dépenses de marchéreprésentent 31% du budget.

- L’UE consacre 0,44% de son PNB à l’agri-culture.

- Les dépenses relatives au marché et auxaides directes représentent moins de 0,33%du PNB communautaire.

L’argument, politiquement habile, consiste àcomparer les dépenses agricoles, “écrasanteset néfastes”,aux dépenses de recherche qui figu-rent parmi les dépenses de compétitivité(66),considérées comme plus nécessaires et“modernes”. Le rapport est accablant : 41% dubudget communautaire sont affectés à la PACtoutes dépenses confondues,ou 31% si l’on neconsidère que les seules dépenses de marché(en excluant les dépenses de développementrural), contre à peine 5,1% du budget pour lesdépenses de recherche !

L’argument est séduisant mais tout simplementfallacieux. La comparaison est parfaitementcynique. La PAC est totalement communauta-risée alors que les dépenses de recherche n’in-terviennent qu’en appui des dépenses nationales.En d’autres termes, les crédits de la PAC recou-vrent la très grande partie (autour de 75%) desdépenses publiques agricoles en Europe, tandisque les crédits européens de recherche n’in-terviennent qu’en appoint d’une politiqueencore largement aux mains des États. Les

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(66) Les dépenses affectées aurenforcement de larecherche et audéveloppementtechnologique représentent60% de l’enveloppe de“compétitivité” qui inclutégalement les dépensesaffectées au renforcementdes réseaux de distributiond’énergie, les dépenses dedémantèlement desinstallations nucléaires, etc.Les dépenses de recherchereprésentent donc environ5,1% du budgetcommunautaire.

(67) Spontanément, les deuxcomparaisons les plus simplesconsistent à rapprocher lepoids de la PAC de celui desdépenses de recherche dansle budget de l’UE (soitrespectivement 41% et 5,1%,ce qui conduit à croire quel’Europe consacre huit foismoins d’argent à la recherchequ’à son agriculture) et àrapprocher le poids de laPAC dans le PIB de l’effortglobal de recherche (soitrespectivement 0,44 % et 2%,ce qui conduit à affirmercette fois que “si l’on

mutualisait les budgetsnationaux de recherche, celadonnerait un montant quatreà cinq fois plus élevé que laPAC”). En vérité, aucune deces deux comparaisons n’estvalide, conduisant à desconclusions erronées.Unecomparaison entre dépensesagricoles et dépenses derecherche impose untraitement budgétaire pourbien mesurer des donnéesréellement comparables.Deuxcaractéristiques doivent êtreprises en compte. La premièreest que les dépensescommunautaires représententl’essentiel des dépensesagricoles en Europe,mais nesont qu’un complémentaccessoire des dépensestotales de recherche enEurope. Les dépenses agricolesde l’UE (53 milliards d’€ soit0,44 % du PIB) représententles 2/3 des dépenses agricolestotales en Europe puisqu’onpeut estimer que 1/3 desdépenses agricoles sont desdépenses nationales. L’effortpublic total en agriculture peutdonc être estimé à 0,58% duPIB de l’UE. La secondecaractéristique est que la plusgrande partie - autour de 60%- des dépenses de rechercheen Europe est issue desentreprises, part qu’il fautexclure des comparaisons. Lapart des dépenses publiquesne représente environ qu’1/3des dépenses de recherchetotales soit 0,66% du PIB del’UE.Après requalification, lacomparaison pertinente estdonc entre dépensespubliques agricoles totales(soit 0,58% du PIB) etdépenses publiques derecherche (soit 0,66 % duPIB).

85

au lieu de chercher à détruire la PAC,ils ont plutôtcherché à en profiter du mieux qu’ils pouvaient.C’est ainsi que l’Allemagne par exemple, paysindustriel, est devenu très vite le deuxième paysagricole de l’Union(72).

En d’autres termes, le Royaume-Uni avait toutepossibilité d’adopter une attitude plus positive(73).

D’une façon générale, le lien établi de façon sys-tématique entre la PAC et le financement de laPAC peut surprendre. Le financement collectifpartagé est au fondement même des politiquescommunes.Pose-t-on,dans les mêmes termes,la question du financement de la pêche, de lapolitique structurelle ? D’ailleurs est-ce lemontant de la PAC qui est en cause (alors mêmeque le montant est pratiquement identique àVingt-Sept qu’à Quinze), ou la nature de sesinterventions (alors que le mode d’interventiona été réformé en 2003), ou la répartition desdépenses entre secteurs, entre États ? Les cri-tiques de la PAC ne seraient-elles pas, au fond,des critiques du principe même du budgetcommunautaire, voire du principe même de laconstruction européenne ?

Chacun bien sûr s’en défendra. Mais comptetenu des arguments utilisés, la question mérited’être posée.

Il n’en demeure pas moins qu’au vu du contextedécrit (notamment les demandes environne-mentales et la hausse des prix agricoles) et desimpasses actuelles, l’érosion de la légitimité dela PAC est une nouvelle donnée à laquelle sespartisans doivent se préparer.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX84

Il est plutôt curieux de comparer systémati-quement PAC et correction britannique.Le prin-cipe de la correction britannique, sous formed’un rabais à sa part dans le financement dubudget communautaire, fut justifié en 1984 parun “déséquilibre excessif” de la contribution dupays compte tenu de sa prospérité relative.Cedéséquilibre résultait en effet des faibles retourseuropéens au titre de la PAC. Désormais, le“déséquilibre agricole” est un argument éculéqui ne correspond plus à la réalité. Non seule-ment parce que la part de l’agriculture dans lebudget européen n’a cessé de diminuer maisaussi parce que l’agriculture n’est plus le posteprincipal à l’origine du solde négatif britannique.Le déséquilibre britannique est davantage lié auxdépenses de cohésion qu’aux dépenses agri-coles.Même sans PAC, le Royaume-Uni ne tar-derait pas à demander sa “money back”(71).

D’autres États, aussi réticents à l’égard de l’im-portance de la PAC,ont eu une autre réaction :

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Soldes nets comparés France / Royaume-Uni

2003

- 1.976

- 0,12%

- 2.365

- 0,14%

2004

- 3.051

- 0,18%

- 2.865

- 0,16%

France (M€)

France (% du RNB)

Royaume-Uni (M€)

Royaume-Uni (% du RNB)

2005

-2.883

- 0,17%

- 1.529

- 0,08%

2006

-3.012

- 0,17%

- 2.140

- 0,11%

2007

-3.001

- 0,16%

- 4.168

- 0,21%

moyenne sur 5 ans

- 2.785

- 0,16%

- 2.613

- 0,14%

Source : Commission rapport financier 2007, soldes budgétaires opérationnels, annexe 5, traitement auteur

(68) En particulierl’Allemagne et la France :une augmentation de 0,1%de la part du budgetcommunautaire dans lePNB représente unedépense supplémentairepour chacun des deux payscomprise entre 2 et 3milliards €.

(69) En excluant les droitsde douane de lacontribution britanniquepuisqu’il s’agit d’un impôteuropéen simplementprélevé par les douanes desÉtats membres mais qui nedoit donc pas êtrecomptabilisé comme unecontribution nationale.

(70) Si le rabais britanniqueest la formule la plusconnue d’aménagementfinancier au profit d’un Étatmembre, il existe d’autresformes plus allégées,notamment la formule ditedu “rabais sur le rabais” quiconsiste à réduire la part

de certains États dans lefinancement de lacorrection britannique.Cette réduction estcompensée par les autresÉtats membres. Unedisposition de ce typeexiste depuis 2000 ; la partde l’Allemagne, de la Suèdeet des Pays Bas dans lacorrection britannique aété réduite La charge a étéimputée aux autres Étatsmembres principalement àla France et à l’Italie.

(71) Par exemple, en 2003, laCommission des scienceset technologie de laChambre des Communesau Royaume-Uni avaitintitulé son rapport sur leprogramme cadre derecherche européen :“UKscience and Europe : valuefor money”, signifiant ainside façon tout aussi claireque pour la PACl’importance du facteurfinancier pour cet Étatmembre.

(72) L’Autriche, dès lapremière année de sonadhésion, a su se rendreéligible aux crédits de lapolitique de la pêche.

(73) On peut regretterl’accumulation de critiquesbritanniques et demanipulation de chiffres(voir sur ce point le Mondeéconomique du 22.11.05)comme l’argument selonlequel la PAC coûteraitdeux € par vache et par an.

87

Ce recentrage sur les questions agricoles estnécessaire. Il ne faut pas confondre l’aide à l’agri-culture et l’aide aux agriculteurs.La mission dela PAC est d’organiser une agriculture et nonde subventionner les agriculteurs. Là encore, ilne faut pas confondre la fin et les moyens.Cetteambiguïté est pourtant assez fréquente dans lesmilieux du syndicalisme agricole,comme lorsquele président de la FNSEA déclare :“le premiermétier de l’agriculture doit rester celui de la pro-duction de denrées alimentaires mais le syndi-cat majoritaire veut aussi convertir le mondeagricole aux productions non alimentaires : lespaysans explorent les marchés du futur(75)”.

Ce grand écart éloigne la PAC de son cœur demétier. Cela ne veut évidemment pas dire queles utilisations de produits agricoles à des finsnon alimentaires ou que le soutien au monderural à des fins culturelles ou sociales soient sansintérêt.Mais ces actions ne sont pas du ressortde la PAC stricto sensu.Ou,pour le dire autre-ment, la PAC ne peut être utilisée pour soute-nir de quelque façon que ce soit, directementou indirectement, la production de biocarbu-rants. L’intérêt de la filière et la nécessité depoursuivre des recherches sur les biocarburantsde seconde génération ne sont pas en cause,mais le soutien des utilisations industrielles eténergétiques par la PAC, fut-ce par des aidesdirectes, est problématique. En se diversifiantainsi, la PAC perd toute cohérence et toute légi-timité.

La PAC doit être avant tout une politiqueagricole.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX86

3.2 Quelques axes pourune PAC rénovée

3.2.1 Le cadre politique : retrouver dela cohérence

a. La PAC doit être avant tout unepolitique agricole

Même si les questions sociales ont pris de l’im-portance, la PAC reste avant tout une politiqueagricole. Il ne faut pas confondre l’essentiel etl’accessoire.La politique de défense a,elle aussi,un aspect territorial et contribue à l’aménage-ment du territoire, mais ce n’est pas son butpremier. Il en va de même pour la PAC.

La PAC n’a pas cessé de se charger de voletsliés à l’agriculture mais qui n’étaient pas danssa vocation directe : l’aide alimentaire, l’aide audéveloppement, l’appui au monde rural(74). Ledéveloppement rural du 2ème pilier a permis deconforter la PAC à une époque où les contes-tations commençaient à se développer. Lamodulation, c’est-à-dire le glissement progres-sif des aides directes et des dépenses de marchévers le 2ème pilier, conforte cette évolution.Cemouvement ne doit pas aller trop loin. PAC etpolitique rurale ne doivent pas être confondues.Les agriculteurs ne sont pas des “jardiniers del’espace” chargés de l’entretien du paysage etd’occuper le territoire. L’agriculteur n’a pas un“rôle à jouer” dans une société en mal derepères, mais une fonction à exercer.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(74) Il est tout à faitsignificatif que l’aide aumonde rural étaitautrefois imputée sur lescrédits des politiquesstructurelles avant debasculer vers les créditsagricoles. L’aide au monderural était un objectifexplicite des deuxpremièresprogrammations des fondsstructurels 1988/1993 et1993/1999 (avec l’objectifdit 5b) puis un objectifimplicite de laprogrammation2000/2006 avec unobjectif 2 destiné ausoutien aux régions endifficultés structurelles quienglobait les zonesrurales. Les zones ruralesont pratiquement disparude la dernièreprogrammation des fondsstructurels 2007/2013. Lesaides comparables figurentau sein du deuxième pilierde la PAC : les aidesstructurelles ont ainsibasculé progressivementvers les aides agricoles.

(75) Il conviendrait enréalité de distinguer lesproductions à des finsindustrielles, telles que lelin ou tous autres typesde textiles d’originevégétale qui sont desproductions agricoles, etles productionsénergétiques nouvellesqui sortent du champagricole et dont lefinancement par la PACest plutôt contestable. Lacitation est issue destravaux de PhilippeGodin, Conseild’évaluation et deprospective de laCommission des affaireséconomique du Sénat, inJean-Paul Emorine,L’avenir de la filièreagricole à l’horizon 2050,Rapport d’information duSénat n° 200 (2006-2007),p. 63.

89

est permis d’être choqué quand certains pro-ducteurs, qui n’ont pas eu à se plaindre de laPAC,peuvent être tentés d’exporter plutôt quede vendre sur le marché européen, pourtanttendu, pour gagner quelques euro de plus partonne(78).C’est la règle du jeu libéral.Mais dansles périodes de tension des marchés et lorsquela pénurie menace, l’Union pourrait aussi trouverlégitime de se garantir contre les risques en pré-servant ses sources d’approvisionnement.

Cela passe moins par des stocks de sécurité quepar une sorte de contrat de confiance, uncontrat politique entre l’agriculture et la société.La PAC est en crise par manque de sens.“Lesagriculteurs ne savent plus quelle agriculture ilssouhaitent et le reste de la société non plus(79)”.Compte tenu des perspectives de l’agriculturemondiale, ce choix de la sécurité n’est pas illé-gitime.

Il serait même plutôt paradoxal qu’au momentmême où l’Union se dote d’une législationstricte toute orientée vers la sécurité sanitaire,elle s’abandonne aux importations de paysdont il est impossible de contrôler la qualité dece point de vue.

Une réflexion est nécessaire sur l’abandon decertaines cultures aux importations,comme cefut le cas sur le soja après un accord conclu entrel’Union et les États-Unis(80). Rien ne justifie lemaintien de ces restrictions à la productioneuropéenne. Les agriculteurs doivent êtregarants de cette sécurité mais ils ne peuventnaturellement pas s’engager dans cette voie sansun minimum de garanties et de visibilité.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX88

b.Toute politique agricole doit viser la sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire(76) doit être l’objectifprioritaire de la PAC. Pourquoi produire enEurope ce que l’on peut trouver moins cherailleurs ? Pour une sécurité alimentaire juste-ment.Les citoyens européens ne pardonneraientpas à l’Europe de se retrouver dans une situa-tion de tension, de risque, encore moins depénurie, à la merci d’un fournisseur qui peut, àtout moment, réduire ses livraisons. Les Étatset la Communauté européenne ne se sont pasbattus pour Airbus,Ariane et Galileo pour quel’Union abandonne ses productions agricolesstratégiques à des fournisseurs extérieurs aléa-toires.

La politique d’aides directes aux revenus s’esttrop éloignée de cet objectif. L’Union doitrevenir à des fondamentaux et identifier les sec-teurs stratégiques sur lesquels elle doit être enmesure d’intervenir pour assurer cette sécu-rité alimentaire.

Cette sécurité doit être contractualisée.D’autres modes d’intervention sont imagi-nables pour parvenir à cette fin et certains Étatsont même choisi d’interdire l’exportation dedenrées agricoles afin de conserver les pro-ductions dans le pays(77).Un tel système de taxa-tion des exportations agricoles est inconcevablede nos jours,en Europe,où toute la logique estau contraire au démantèlement des obstaclesaux échanges et où l’Union ne cesse de deman-der aux agriculteurs d’être compétitifs pouraffronter la concurrence mondiale.Toutefois, il

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(76) La sécurité alimentairedéfinie par la FAO est lasituation qui existe quandtoutes les personnes, toutle temps, ont accès,physiquement, socialementet économiquement, à unenourriture saine, suffisanteet nutritive qui répond àleurs besoins alimentairesgarantissant la santé etune vie active.

(77) Le système desrestitutions, lessubventions quipermettaient d’exporterles produits agricoles, étaitréversible puisqu’en 1995,l’UE a taxé quelques-unesde ses exportations.

(78) Dans une période degrande tension des prix, unreportage télévisé en juilletsur un agriculteur suivantles cours du blé ou du laitaux États-Unis pour savoirs’il fallait vendre à terme sarécolte n’est pas de natureà pacifier le lien entre lemonde agricole et lecitoyen.

(79) P.Godin , ibid.

(80) En 1992, l’accord deBlair House met fin à unecontroverse sur lesimportations de soja enEurope en provenance desÉtats-Unis.Moyennantl’acceptation des niveauxtarifaires européens,l’Europe s’engageait àlimiter ses surfaces deproduction de colza, sojaet tournesol. Aujourd’hui,la production de protéinesvégétales (pois, lupins) etplus particulièrement laproduction de soja necouvrent respectivementque 22% et 1% des besoinsde l’élevage européen.Unecarence qui s’est manifestéaprès l’interdictiond’utilisation des farinesanimales. La productioneuropéenne semble mêmeêtre inférieure aux quotasautorisés car après la crisede la vache folle, la solutionla plus facile a étéd’importer du soja nord -et sud-américain. Laproduction de soja enAmérique du Sud assortieà des déforestationsmassives, se fait dans desconditionsenvironnementales trèscontestables.Cettecarence européenne peutsurprendre aujourd’hui.

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L’une des difficultés de la gestion globaledes marchés agricoles est l’interactionentre les filières : le prix des céréalesrejaillit sur l’alimentation animale, la filièrelaitière entraîne la filière bovine, etc. Larécente tension sur le marché du lait (avecune production inférieure aux quotasautorisés,accroissant d’autant le déséqui-libre entre l’offre et la demande de pro-duits laitiers) s’est finalement réglée parun report des vaches de réforme : lesvaches laitières traditionnellement classéesen “vache de réforme” (une appellation quisignifie que l’animal passe du “statut” de“vache laitière” à celui de “vache à viande”,c'est-à-dire,pour être clair,passe de l’étableà l’abattoir) après 3 ans, ont été conser-vées plus longtemps pour augmenter laproduction de lait. Dans un contexte demarché favorable, avec des prix élevés, leséleveurs ont reculé l’abattage des vachesde réforme. Ainsi, après deux années deretard par rapport aux quotas autorisés,la collecte de lait a augmenté en Franceet en Europe en 2008, ce qui a permisd’avoir une production suffisante.

L’UE a ainsi passé la crise laitière.Déjà, en2008, le prix du lait s’est sensiblementreplié.Mais une autre crise pourrait suivre.

En effet, la reprise des réformes viendrainévitablement. Les bêtes conservées unan de plus pour leur lait ne vont pas resterindéfiniment et vont être mises à l’abat-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX90

3.2.2 Adapter les outils techniques et bud-gétaires

a. Retrouver une gestion des stocks

L’Union européenne devrait conserver desmodalités d’intervention.Le stock est le premiermoyen de régulation d’un marché et de lissagede l’évolution de prix.

Ce mode d’intervention s’est souvent avéré utile.Par exemple,la crise de la vache folle a été dévas-tatrice en 1996 sur le plan politique en rompantun lien de confiance qui s’était établi avec l’agri-culture,mais sur le plan strictement économique,la crise qui a affecté le marché de la viande bovinea été parfaitement gérée par les mécanismes d’in-tervention de la PAC : l’effondrement de lademande privée en quelques mois a été com-pensé par des achats massifs de viande (stoc-kage public et privé) remis sur le marché, unefois la crise passée. Une telle régulation seraitactuellement impossible à conduire,faute de dis-poser d’instruments d’intervention.

Or la nécessité d’outils de ce type pourrait réap-paraître.Le stock est,dans certains cas,un outilparfaitement adapté à la spécificité du marchéagricole comme on peut l’entrevoir avec cetexemple de l’élevage bovin.

Une gestion par les stocks permettraitde lisser les à-coups de marché :l’exemple de l’interaction entre lesecteur du lait et le secteur de laviande

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

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lissés par le stockage. L’Union ayant pratique-ment abandonné ses instruments élémentairesde régulation, il n’en est plus de même doré-navant. Quelques crises successives ne man-queront pas de montrer l’intérêt d’en conser-ver quelques-uns.

b. Établir un système de prix garantis

Les agriculteurs cherchent moins des primes quedes prix.Des prix rémunérateurs seraient plusappréciés que des soutiens directs, humiliantset fragiles. Jusqu’à récemment, les prix n’étaientpas rémunérateurs : l’agriculture censée nourrirla population n’arrivait même pas à nourrir l’agri-culteur qui n’avait d’autre choix que les aidesdirectes pour assurer ses revenus(81).La haussedes prix récente est un élément de contextenouveau et peut être une occasion d’imaginerun autre système(82).

Un système, inspiré du système américain des“marketing loans”, consiste à garantir des prixminimum aux producteurs par un système deprimes et découpler le prix du marché du prixde production : le consommateur bénéficiedes baisses lorsque le prix du marché diminue,tandis que les prix payés aux producteurs sontgarantis par une sorte de subvention qui com-pense la différence entre le prix du marché etle prix garanti.

Le “marketing loan”

Tout producteur de céréales peut obtenirdu département américain à l’agriculture(USDA) un prêt - un loan - accordé sur la

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toir.Ainsi,on pourrait assister,au cours del’année 2009, à deux tensions simulta-nées.Tout d’abord, le marché du lait seraità nouveau tendu puisqu’il y aurait à la foisla reprise des réformes,et donc une dimi-nution du cheptel laitier, avant même queles nouvelles génisses, dont le nombre abeaucoup diminué, soient à leur maturité.Le niveau de production pourrait donc ànouveau baisser entraînant une nouvelletension sur le lait.

Mais cette crise du lait pourrait êtredoublée d’une crise du marché de laviande.Car l’arrivée massive de viande devaches de réforme va déstabiliser le marchébovin et entraîner la baisse des cours dela viande. Une baisse qui va intervenir aumoment même où la hausse du prix desaliments du bétail serait répercutée...Ainsi,le marché de la viande serait alorsconfronté à un phénomène en ciseau :unehausse des prix de production doubléed’une baisse des prix de vente....

En agriculture, l’interaction entre filièresest permanente, générant des tensionsdécalées entre marchés. Faute de dispo-ser de stocks de régulation, les marchéset le consommateur subissent de pleinfouet toutes les évolutions de prix. Lesstocks sont l’instrument le plus adapté pourgérer ces à-coups passagers.

Toutes ces évolutions rapides, souvent mêmebrutales, sont très déstabilisantes pour les pro-fessionnels.Autrefois,ces à-coups pouvaient être

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(81) Les fondscommunautairesassurent, en France parexemple, 90% du revenunet des agriculteurs ! Uncofinancement toujourspossible représenteraitune charge budgétaireconsidérable pour lesÉtats (4 milliards pour laFrance) et signerait, enfait, la fin de la PAC.

(82) Il n’aurait pas étéconcevable de proposer,il y a quelques années, unsystème impliquant unehausse des prix agricoles.Mais ce qui étaitpolitiquementinconcevable, le marchél’a fait en douceur et aimposé une hausse desprix parfois considérable.La situation en 2008/2009est donc totalementnouvelle. La situation desprix aujourd’hui peut êtreconsidérée comme uneplateforme à partir delaquelle une nouvelle PACpeut être imaginée.

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rait considérablement le coût de gestion de laPAC(83).

Là encore, le système ne fonctionne que s’il estcontractualisé et s’il est indépendant de garan-ties d’écoulement pour ne pas retomber dansles travers de l’ancienne PAC !

Prix agricoles rémunérateurs - comme ils le sontde nos jours - et stocks, à l’exclusion de toutautre type d’intervention, semblent pouvoirgarantir cet objectif crucial de sécurité ali-mentaire.

c. Redéfinir la PAC pour en alléger lepoids budgétaire

Sur les bases ainsi définies, le coût de la PACpeut être allégé de façon sensible. Il n’est pasabsurde de réserver la PAC aux dépenses agri-coles,en éliminant les dépenses sociales,rurales,industrielles et énergétiques qui sont toutes par-faitement fondées mais qui n’ont pas de liendirect avec l’agriculture stricto sensu. C’est lecas notamment des dépenses liées aux agro-car-burants qui ne doivent pas figurer parmi lesdépenses de la PAC.

Dans ce schéma, la modulation est compromise.Les deux politiques sont même plutôt étanches :il y a une politique agricole qui reste communau-tarisée et une politique rurale cofinancée commec’est le cas actuellement.

Il va de soi que cette position n’est en aucuncas une contestation du principe même des aidesrurales.Au contraire, la PAC a permis de sau-vegarder un type d’agriculture et de faire vivre

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX94

base d’un prix de soutien (loan rate). Pourcertaines productions, les prêts sont dits“marketing loans”.L’agriculteur ne peut pascommercialiser sa production s’il n’a pas rem-boursé son prêt.Trois cas se présentent :

1/ le prix du marché est plus élevé que leloan rate. L’agriculteur rembourse sonprêt et vend sur le marché sur la base duprix du marché. Le bénéfice est pour lui.

2/ le prix du marché est inférieur au loanrate. Le consommateur bénéficie du prixdu marché mais l’agriculteur bénéficiealors d’une subvention indirecte égale à ladifférence entre le prix du marché et le loanrate. Il peut aussi décider de garder sa pro-duction et de céder sa récolte à l’USDA.

3/ Si l’agriculteur décide de na pas recevoirde loan rate, il reçoit quand même un paie-ment dit “loan deficiency payement” égal,comme dans le cas précédent,à la différenceentre le prix du marché et le loan rate.

Ainsi, les marketing loans assurent aux agri-culteurs américains la même garantie ques’ils cédaient leur récoltes à l’USDA. Si lemarché est porteur, l’agriculteur touche leprix du marché,et si les prix sont bas, l’agri-culteur bénéficie du prix garantis parl’USDA. Le système est neutre pour leconsommateur qui,dans tous les cas, payele prix du marché.

Une garantie de prix par primes différentiellesse substituerait aux aides directes. Elle allége-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(83) Budgété à hauteur de160 millions d’euros dansle budget de l’UE mais cechiffre paraît bien faibleau regard du coût réelsupporté aussi par lesÉtats membres.

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risques, sont d’autres sujets de discorde. Lespositions des États membres sont en réalité trèsdivergentes sur ce thème et constituent autantde sujets de débats.La France risque de consa-crer beaucoup de temps à un sujet qui,sans êtremineur,pourrait occulter le fond de la réforme.

3.2.3 Répondre aux contestations envi-ronnementales

La PAC est fragile parce que contestée.Elle doitprendre en compte les nouvelles dimensions del’agriculture et les nouveaux défis.

L’importance prise par les questions d’envi-ronnement est indiscutable. L’Union euro-péenne s’est engagée dans une sorte de poli-tique de l’exemplarité dans ce domaine.Lorsqu’ilest apparu que les engagements initiaux deKyoto ne seraient pas tenus,elle a redoublé d’ini-tiatives :paquet énergie-climat,normes d’émis-sions du CO2 des voitures, fixation de quotasd’émissions pour les avions, etc. Le régimed’échanges des émissions de gaz à effet de serreest une avancée conceptuelle considérable.Peu à peu, l’Union invente une nouvelle éco-nomie.

L’agriculture ne peut pas être à l’écart de cemouvement.Les demandes sont certes diverseset diffuses.Mais,pour simplifier,on peut en dis-tinguer deux types. D’une part, il s’agit d’appli-quer la même rigueur à l’agriculture qu’à l’in-dustrie où les impacts environnementaux sontencadrés et surveillés de près. D’autre part, ils’agit de donner aux agriculteurs un rôle de ges-tionnaires d’écosystèmes pratiquant une “agri-culture écologiquement intensive” de la même

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des territoires. Sans le savoir, le Français estattaché à la PAC :quand il roule sur l’autorouteet qu’il voit des champs avec des troupeaux debovins, c’est à la PAC actuelle qu‘il le doit. Il nes’agit pas d’un paysage, il s’agit d’un pays toutsimplement. Il faut bien entendu sauvegarder cemode de vie. Mais s’agit-il de crédits agricoles,stricto sensu ? La question est ouverte.La poli-tique agricole aurait plus de force si la sépara-tion entre les deux volets se faisait plus dis-tinctement.Fût-ce en distinguant clairement unepolitique agricole communautarisée et unepolitique rurale cofinancée.C’est en réalité déjàle cas aujourd’hui mais on joue sur les mots etles concepts. L’ambiguïté pourrait être levée.

La position officielle française est égalementinnovante avec une proposition de mécanismed’assurance et de gestion des crises environ-nementales et sanitaires qui s’annoncent toutesdeux beaucoup plus fréquentes et sans doute,beaucoup plus graves(84) que dans le passé, etqui demanderont des moyens importants.Qu‘ilsoit permis d’exprimer quelques doutes sur cesujet.L’expérience des crises sanitaires animalesa montré de grandes différences entre Étatsmembres dans l’approche des solutions decrise.Tous les États ne s’estiment pas concer-nés de la même façon et adoptent des solutionsdifférentes, par élimination ou par vaccination,en procédant soit de façon concave par une cein-ture concentrique autour des lieux contaminés,soit de façon convexe en partant de l’élimina-tion radicale des animaux du site et en s’en éloi-gnant progressivement.La question du partagedu financement des dépenses entre l’Unioneuropéenne et les États, ou celle du plafonne-ment des dépenses en fonction de la gravité des

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(84) Concernant lafréquence, la question estcelle de l’importation demaladies dites exotiquesen Europe. Concernant lagravité, la question clé estcelle de la mutation desvirus et notamment de latransmission des maladiesanimales à l’homme.

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pensatoire s’applique déjà aux régions à han-dicaps particuliers, telles que les zones de mon-tagne,mais pourrait être étendue aux “espècesà handicap”.

b. Préférer le contrat à la contrainte

La contractualisation avec le monde agricole estune formule bien adaptée qui doit être privilé-giée. L’Union européenne a choisi d’intervenirpar la réglementation, la contrainte,et la menace.Le régime de l’éco conditionnalité est le pro-totype de l’action par les trois volets.Aucuneautre politique ne procède ainsi. Certes, lesenjeux financiers peuvent justifier ce type decontrôle mais n’y a-t-il pas d’autres formules,plus responsables,moins vétilleuses.Le régimede la contractualisation, avec l’État, les régions,les villes, comme avec l’Union, pour préserverles nappes phréatiques et faire reculer telle outelle production vers des sites moins sensibles,devrait donner de meilleurs résultats qu’une bat-terie de mesures administratives d’écocondi-tionnalité.

c.Systématiser l’analyse environnementalede “l’empreinte carbone” de la productionalimentaire

L’agriculture a des efforts à mener dans ledomaine environnemental,mais la maîtrise desrejets de gaz à effets de serre impose aussi uneanalyse complète des circuits d’échanges. Onne peut accuser l’agriculture européenne depolluer l’air, l’eau et les sols et, dans le mêmetemps, faire abstraction des dégâts environne-mentaux induits par les productions supposéesmoins chères des pays concurrents et des

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX98

façon que les processus industriels peuvent êtreà haute qualité environnementale.Et cette agri-culture écologiquement intensive n’est pas for-cément une “agriculture bio”,dont les coûts etles rendements insuffisants vont être un han-dicap à l’avenir ; par ailleurs, “le besoin supé-rieur en terre pourrait représenter un obstacleimportant à l’extension de l’agriculture biolo-gique”(85).

Dans ce cadre général plusieurs dispositionsmériteraient d’être étudiées.

a. Préserver la biodiversité

L’actuel “article 69”,qui permet de soutenir desproductions difficiles devrait être un outil utileau maintien de la biodiversité pour devenir unaxe fort de l’agriculture de demain. La mon-dialisation entraîne une uniformisation. Or,l’agriculture et l’élevage européens possèdentune richesse exceptionnelle liée à un patrimoinenaturel et à la biodiversité qu’il recouvre. Asuivre la seule règle de la compétitivité, le vinpourrait se limiter à six cépages, le lait pour-rait ne venir que des vaches Prim’Holstein, quiassurent des rendements incomparables.Quelavenir dans cette compétition pour la centainede cépages français et pour les quelques 38autres races bovines ? La PAC du XXIème siècledoit au contraire préserver cette exceptionnellediversité autrement que par des congélationsgénétiques et doit faire vivre ce patrimoine enmaintenant des espèces menacées parce quetrop fragiles ou pas assez productives fut-ce enpalliant par des primes compensatrices, les fai-blesses de rendement par rapport aux modèlesles plus compétitifs. Cette idée de prime com-

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3Quelques pistes pour une réforme

(85) Sylvie Bonny,“L’agriculture biologiqueen Europe”, in NotreEurope, Quel cadre pourl’agriculture après 2013 ?,Études et recherches N° 62, 2008.

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L’un des outils pour parvenir à cet objec-tif est le régime des permis de droitsd’émission assorti d’un régime d’échangesdes quotas d’émissions. L’Union fixe pourchaque État membre des plans d’allocationnationaux d’émission. Ce plan est déclinéentre les grandes entreprises industriellesdes principaux secteurs émetteurs deGES. En Europe, 11 000 entreprises sontconcernées. Un niveau d’émission estaffecté à chaque entreprise,correspondanten quelque sorte à un “droit à polluer”.Lesystème actuel est un système à deuxétages : un premier niveau autorisant desdroits d’émission gratuits et un deuxièmeniveau assorti de pénalités en cas dedépassement.

Le mouvement de réduction générale fixépar l’Union européenne est répercuté surtoutes les entreprises.L’entreprise a deuxpossibilités : soit réduire ses propres émis-sions, soit acheter des autorisations addi-tionnelles auprès d’autres industries, quiont dépassé leurs propres objectifs deréduction des GES et disposent alorsd’une sorte de marge qu’elles peuventvendre à d’autres entreprises. Si deuxindustriels A (cimentier) et B (raffinerie)ayant des niveaux d’émission comparables,doivent réduire leurs émissions de 10%,soit ils font chacun cet effort individuel,soitl’entreprise A baisse ses émissions de20%, utilise 10% pour son propre objectifet vend sa marge à l’entreprise B. Certes,l’industriel B n’aura pas agi sur sa propre

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX100

coûts environnementaux induits par des trans-ports de très longue distance. Un bilan desexternalités environnementales devrait induired’autres courants d’échanges et privilégier lesproductions de proximité. L’habitude récentede consommer des produits de contre-saisonqui viennent de l’hémisphère sud (des fraiseset des cerises en hiver par exemple ou des kiwisen été en pleine saison de fruits en Europe) seveut être un signe extérieur de richesse, maisest surtout une hérésie écologique quand onpense au parcours des barquettes ! L’agriculteurest accusé mais le consommateur n’est pas tou-jours très raisonnable(86)!

d. Appliquer à l’agriculture le marché desémissions de gaz à effet de serre

Enfin, intégrer l’agriculture dans cette prise deconscience environnementale suppose aussicertainement d’appliquer à ce secteur la révo-lution économique et mentale en cours : lemarché des émissions des gaz à effet de serre.L’agriculture européenne a des atouts.L’agriculture possède un fort potentiel deréduction de gaz à effet de serre qu’il devraitêtre possible de valoriser par un systèmed’échange de quotas.

Le système d’échange des quotasd’émissions de gaz à effet de serreappliqué à l’agriculture.

À la suite du protocole de Kyoto (1997),l’Union européenne s’est fixé un objectifde réduction de 8% du niveau d’émissionsde gaz à effet de serre (GES) d’ici 2012.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(86) Que penser, égalementdes livraisons d’aild’Argentine, des kiwis oudu beurre de NouvelleZélande, et même du seld’Himalaya (sic).Autant deproduits qui fontabstraction du coûtenvironnemental dutransport sur plusieursmilliers de km alors queces produits existent tousen abondance en Europe !

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échanges de quotas d’émission entreexploitants, entre secteurs agricoles - leniveau d’évaluation des émissions est à pré-ciser -,mais aussi et surtout entre secteursindustriels et secteurs agricoles :un indus-triel, qui ne parvient pas à réduire sespropres émissions pourrait acheter desdroits aux agriculteurs qui eux ont réussià réduire leurs émissions. On peut aussiimaginer un système bonus incitatif : pourune même réduction de GES, la réductionde GES en agriculture compterait davan-tage que la réduction équivalente dans l’in-dustrie. Ainsi,dans l’exemple précité, la raf-finerie B aurait par exemple le choix entreacheter un quota de 10 auprès de lacimenterie A ou un quota de 5 auprès desagriculteurs...

Pas à pas, l’Union européenne invente unenouvelle économie.L’agriculture ne doit pasêtre tenue à l’écart de ce grand mouve-ment. Bien sûr, ce type de système n’a desens que s’il est généralisé au plus vite surun plan international.

3.2.4 Renouer avec l’opinion. De la PACà la PAAC (politique agricole et d’ali-mentation commune)

La PAC doit renouer avec l’opinion par unemeilleure prise en compte des questions d’en-vironnement mais aussi en se rapprochant ducitoyen en menant une politique de l’alimenta-tion : comment passer de la politique agricolecommune à la politique agricole et alimentairecommune de la PAC à la PAAC ?

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX102

pollution mais les émissions globales aurontbien diminué de 10%.

Ce système, totalement nouveau, a rendupossible la définition d’objectifs de réduc-tion des gaz à effet de serre mais estappelé à évoluer dans trois directions :

- Le système actuel a montré ses limites : iln’est pas assez rigoureux et pas assez efficace(les quotas d’émissions ont été fixés,en fait,à des niveaux assez peu contraignants).Il estvraisemblable que le système évolue à termeen passant d’un système à deux niveaux à unsystème de taxation généralisée des GES.

- Le système va être généralisé. Le systèmes’applique aux principaux secteurs industrielsémetteurs mais l’objectif de réduction desGES ne sera pas atteint s’il ne concerne pasles autres secteurs.Dans un premier temps,le système des quotas s’applique avec desmodalités différentes à de nouveaux secteursindustriels (voitures,avions,etc.),mais on peutimaginer que l’agriculture entre à termedans le champ de cette réglementation.L’application de ce type de mécanisme à l’agri-culture est possible et même souhaitable.Lesémissions de GES d’origine agricole peuventêtre réduites. L’industrie a fait cet effort eta fait sa révolution environnementale.L’agriculture doit pouvoir le faire à son tour.

- Le système d’échange des quotas pour-rait associer le monde agricole de façonprivilégiée. Il pourrait donc y avoir des

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3Quelques pistes pour une réforme

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dans ce domaine a été d’ordre réglementaire(traçabilité, normalisation) et très peu budgé-taire,à quelques exceptions près,telles des opé-rations de distribution de lait dans les écolessouvent associées à la gestion des surplus.Nicolas Hulot,dans son “Pacte écologique”,avaitété l’un des premiers à concevoir un systèmed’aide à l’alimentation scolaire en basculant unepartie des aides européennes aux écoles afinde leur permettre d’acheter des productionsde meilleure qualité,mais le système ainsi conçupêchait cependant sur une question d’organi-sation car Nicolas Hulot proposait de confierla gestion du système aux maires qui ne seseraient pas précipités pour assumer cettenouvelle mission.

Toutefois, une action paraît possible et mêmesouhaitable dans ce domaine.

b. Un plan d’action alimentaire

En premier lieu, le secteur des fruits et légumesdoit devenir un axe majeur de l’interventioncommunautaire.

Le secteur des fruits et légumes a toujours étéle parent pauvre des interventions commu-nautaires loin derrière les grandes cultures etl’élevage(88).800 000 personnes travaillent dansce secteur en Europe (production et com-mercialisation).Les importations européennesde fruits et légumes ont augmenté de 20% encinq ans.

Le secteur pourrait utilement devenir un secteurphare de la politique européenne de l’alimen-tation.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX104

a. Quand l’agriculture s’éloigne de lasociété

L’agriculture vit un paradoxe.Les nouveaux agri-culteurs sont de plus en plus nombreux à venird’un milieu non agricole ou,au moins,d’un milieuextérieur à la région. Un tiers des jeunes agri-culteurs qui s’installent ne sont pas issus dumilieu local(87).L’agriculture est donc socialementun monde ouvert.Beaucoup plus ouvert qu’au-trefois où “les familles paysannes” régnaient surune grande majorité des communes de France.

Et pourtant, ce qui faisait la force de l’agricul-ture, son enracinement culturel disparaît. Lapopulation européenne a de moins en moinsde liens avec l’agriculture. La distance entre leproduit agricole et l’aliment consommé s’estaccrue. La plupart des consommateurs n’ontaucune idée de l’origine de ce qu’ils mangent,ni de la façon dont les produits sont fabriqués,portés à maturité, élevés. Le rituel de l’hyper-marché, proposant des produits venus dumonde entier disposés par tonnes entièressur des palettes,et la culture du choix mondialiséproposée par internet, ont remplacé le ritueldu marché. Les marchés locaux estivaux sontdes produits touristiques,certes sympathiquesmais un peu décalés,qui font oublier un momentaux nostalgiques le changement d’époque.L’agriculteur a, peu à peu, perdu le lien avec leconsommateur.

L’agriculture ne peut,sans danger,perdre ce liensocial.Au contraire, l’Union doit l’encourager.

Curieusement, la PAC s’est assez peu préoc-cupée de l’alimentation.L’implication de l’Union

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(87) Le Monde, 2septembre 2008.

(88) En 2006, sur les 42,1milliards du 1er pilier, lesecteur des fruits etlégumes a reçu 1,6milliard de subventionscommunautaires soit 30%de moins que le seulsecteur de l’huile d’olivepar exemple ou à peine ledouble de ce que l’Europeconsacre au tabac.

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de type vente directe sur les routes, de nou-veaux contacts peuvent être envisagés à traversdeux modes d’intervention.

Tout d’abord, le modèle coopératif auxquels lesagriculteurs sont si attachés peut évoluer. Lacoopérative est conçue comme un regroupe-ment de producteurs.Un regroupement auto-centré et qui parfois, fonctionne par exclusion.De nouvelles formes de coopératives peuventêtre imaginées,plus ouvertes à la société civile.La coopérative ne serait pas seulement unregroupement de professionnels mais un lieude coopération entre producteurs, transfor-mateurs,distributeurs,et consommateurs,maispourquoi pas également,assureurs et médecinstant l’alimentation est importante dans la santé.

Ensuite, il ne faut pas négliger le rôle fédérateurdes élus locaux. La région paraît le meilleuréchelon d’intervention, relais entre l’impulsioncommunautaire et le consommateur.La régionpourrait ainsi aider toute les villes petites oumoyennes à se doter d’une sorte de “ceinturealimentaire”,un réseau de fermes de proximité,accessible,assurant un lien privilégié entre le pro-ducteur et le consommateur, respectant larègle des trois F : la ferme,la forme,la fourchette.Ce réseau serait organisé en contractant avecquelques exploitants limitrophes qui seraientchargés de proposer des produits frais en fruitset légumes dans une sorte de fermes alimen-taires de proximité.

Le lien si particulier des Français avec le mondeagricole s’estompe. L’agriculteur et la sociététoute entière ont beaucoup à perdre à cet éloi-

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX106

Il y a un écart considérable entre le prix desproduits agricoles et le prix des produits ali-mentaires. Comme pour d’autres secteurs, leshausses des premiers sont toujours amplifiéespar les seconds,mais les baisses sont rarementrépercutées.L’alimentation en produits frais estcoûteuse. La consommation chute avec lerevenu(89).C’est un défi alimentaire et social quidoit être relevé.

C’est un défi agricole et un impératif de santépublique. Il existe des marges importantes dedéveloppement. La production de fruits etlégumes n’occupe que 2 millions d’hectares enEurope contre 57 millions d’hectares pour lescéréales.L’alimentation en fruits et légumes fraisest un facteur crucial dans les déterminants dela santé(90). L’Union consacre au secteur desfruits et légumes à peine le double de ce qu’elleconsacre en aides directes aux producteurs detabac ! Un basculement de 10% des aidesdirectes aux agriculteurs permettrait de doublerle montant des aides au secteur des fruits etlégumes. La France ne pourrait être accuséed’être privilégiée : la France n’est que le 3ème

producteur de fruits et légumes loin derrièrel’Italie et l’Espagne.

En deuxième lieu, l’UE se doit de favoriser denouveaux relais entre les producteurs et lesconsommateurs.

Cette action doit se concentrer avant tout surles plus démunis. Les distributions gratuites degrande ampleur prises en charge doivent êtreencouragées. En dehors des initiatives indivi-duelles ou locales, sympathiques mais limitées,

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

(89) En 1997, une étude surla consommationalimentaires des Françaismontrait que laconsommation de fruits etlégumes frais était de 40kg par an pour un revenumensuel de 2000 francs -300 € -, et de 123 kg paran pour un revenu de 10 000 francs - 1500 € -,J.-P. Emmorine, Sénat,op cit., p. 84.

(90) La comparaison entrele taux de personnes ensurpoids et laconsommation de fruits etlégumes par habitantdevrait être édifiante. Pours’en tenir aux seulesstatistiques deconsommation (Eurostat,Statistics in Focus,n°60/2008), la moyenneeuropéenne deconsommation d’unesélection de fruits frais etlégumes verts est de 80kilos par personne et paran. Le Français consommedeux fois plus (au 2ème

rang européen derrière laGrèce). Le Belge etl’Anglais, deux fois moins.

109L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX108

gnement. L’époque des papy-boomers encorehabités par une certaine image de la paysannerieest une occasion de renouer ce lien social.L’unedes critiques souvent émises à l’encontre del’Union est de ne pas se préoccuper suffisam-ment du quotidien des Européens : la PAC nepeut que gagner à relever ce défi.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

3Quelques pistes pour une réforme

110 111L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

La France ne peut pas être absente de ce grandrendez-vous.L’idée maîtresse est simple et a étéparfaitement exprimée par le Commissaireeuropéen Jacques Barrot : la réforme de la PACse fera.Ou la France l’initiera ou la réforme luisera imposée.

Cette “contribution au bilan de santé” est unecontribution politique.Mais c’est à ce niveau eten ces termes que le problème devrait seposer.

La PAC actuelle a été nouée en 2002 et 2003.L’accord franco-allemand à l’origine de l’accordcollectif qui fixait l’enveloppe budgétaire pourles années 2007/2013 avait valeur de symboleet un effet d’entraînement. Mais l’Union à 27ne fonctionne pas comme l’Europe à 6, à 12 oumême à 15. Ou, pour le dire autrement, dansl’Europe à 27, l’accord franco-allemand ne suffitplus.

Convenons que, jusqu’à présent, le débat agri-cole a été plutôt décevant. La France avaitd’autres priorités, l’Europe avait d’autres soucis.Plusieurs délégations restent convaincues que,dans ces conditions, le bilan de santé sera unediscussion technique. Laissant à plus tard et àd’autres le soin de régler des problèmes de fond.

Or, il est pourtant clair que le nouveau contextealimentaire mondial est une occasion d’unerefondation et d’un nouvel élan de la PAC.

Conclusion

112 113L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Annexes

Secteurs

Dpu

Dpus

Cultures arables

Sucre

Huile d’olive

Fruits et légumes

Vin

Tabac

Lait et produits laitiers

Bœuf et veau

Autres viandes

Autres secteurs

Sous total

Développement rural

Total général

Aides directe

14 542

1 721

8 174

0

2 312

285

0

811

1 454

3 298

950

504

34 051

Interventions

0

0

563

1 520

30

1 380

1 487

17

1 009

253

101

722

8 124

Total

14 542

1 721

8 737

1 520

2 342

1 656

1 487

828

2 463

3 551

1 051

1 226

42 175

7 719

49 865

Répartition des dépenses agricoles entre secteurs, en 2006 (millions d’€)

Source : Commission, L’agriculture dans l’UE, rapport 2007, tableau 3.4.4

Belgique

République tchèque

Danemark

Allemagne

Estonie

Irlande

Grèce

Espagne

France

Italie

Chypre

Lettonie

Lituanie

Luxembourg

Hongrie

Malte

Pays-bas

Autriche

Pologne

Portugal

Slovénie

Slovaquie

Finlande

Suède

Royaume Uni

Total UE 15

Total UE 27

944

517

1 162

6 543

88

1 723

3 070

6 654

10 044

5 461

51

161

346

45

826

11

1 210

1 271

2 033

946

143

294

817

924

4 287

45 103

49 574

1,9%

1,1%

2,3%

13,2%

0,2%

3,5%

6,2%

13,4%

20,3%

11%

0,1%

0,3%

0,7%

0,1%

1,7%

0%

2,4%

2,6%

4,1%

1,9%

0,3%

0,6%

1,6%

1,8%

8,6%

91%

100%

Répartition des dépenses agricoles par État membre, en 2006 (millions d’€ et %)

Source : Commission. L’agriculture dans l’UE, rapport 2007, tableau 3.4.2

115L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX114 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Renouveler la production d’énergieen Europe : un défi environnemental,industriel et politique.Antoine PellionJanvier 2008

Union européenne / Afrique : lepartenariat stratégiqueNathalie Delapalme, Elise ColetteDécembre 2007

La stratégie de Lisbonne :une voie européenne dans lamondialisationYves Bertoncini,Vanessa Wisnia-Weill,Septembre 2007

Réflexions d’un ancienconventionnel sur la relanceeuropéenneHubert Haenel, Février 2007

Europe : comment sortir del’impasse - un Traité institutionnelpour l’EuropePierre Lequiller, Janvier 2007

Le partenariat privilégié,alternative à l’adhésionCarlo Altomonte, Pierre Defraigne, LucasDelattre, Sylvie Goulard, Karl-TheodorFreiherr zu Guttenberg, Rudolf Scharping,Décembre 2006

L’Union européenne un demi-siècleplus tard : état des lieux et scénariosde relance Michel Foucher, Novembre 2006

Europe / Etats-Unis : valeurscommunes ou divorce culturel ?Bruno Tertrais, Octobre 2006

Chypre : une déchirure pour unpeuple, un enjeu pour l’Unioneeuurrooppééeennnnee,, Kipros Kibriz et VesnaMarinkovic, Septembre 2006

Les parlements nationaux,un appui pour l’EuropeHubert Haenel, Juin 2006

Vers l’autonomie des capacitésmilitaires de l’Union européenne ?Edouard Pflimlin, Mai 2006

Les systèmes de retraite en EuropeAlain Roulleau, Avril 2006

L’Europe et la pauvreté : quellesréalités ?Sarah BouquerelPierre-Alain de Malleray, Mars 2006

Quelles stratégies énergétiques pour l'Europe ?Christophe-Alexandre Paillard,Janvier 2006

La politique européenne decoopération au développementCorinne Balleix, Août 2005

Quels moyens pour l’Europe ? Débatsur le budget de l’Union européenneAlexandre Muller,Avril 2005

Constitution européenne :deux fois “oui”Yves Bertoncini,Thierry Chopin, Janvier2005

L’Union européenne face àl’immigrationSophie Garcia-Jourdan,Novembre 2004

L’avenir de l’Europe spatialeNicolas Werner, Octobre 2004

Laïcité : le modèle français sousinfluence européenneOlivier Dord, Septembre 2004

Dérive ou rapprochement ? La prééminence de l’économietransatlantiqueJoseph P. Quinlan, Juin 2004

L’Europe, une chance pour la femmePascale Joannin, Mai 2004

Déjà parus...

116 L’AGRICULTURE EUROPÉENNE À L’HEURE DES CHOIX

Créée en 1991, reconnue d’utilité publique, la Fondation RobertSchuman développe des études sur l’Union européenne et ses poli-tiques et en promeut le contenu dans les nouvelles démocraties. Elleest devenue une référence en matière d'information européenne, enFrance, en Europe et à l’étranger.

Centre de recherches français de référence sur l’Europe et ses poli-tiques, la Fondation provoque et stimule le débat européen par la richesse, la qualité et le nombre de ses publications. Son indépendan-ce lui permet de traiter les sujets d’actualité européenne de manièreapprofondie et objective. Ses études et analyses apportent aux déci-deurs des arguments et des éléments de réflexion.

Vecteur d’informations permanent,elle met à la disposition des cher-cheurs et du public toutes les informations utiles à une bonneconnaissance des questions communautaires. Son site internet pro-pose des documents électroniques uniques, notamment une lettrehebdomadaire diffusée à plus de 200 000 abonnés, en 5 langues, lesQuestions d'Europe (policy paper) et un Observatoire des élections.Des brochures d’information pédagogique sont diffusées en grandnombre à l’occasion de chaque grand événement européen.

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Directeur de la publication : Pascale [email protected]

Achevé d’imprimer en octobre 2008

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44 N O T E S D E L A F O N D A T I O N R O B E R T S C H U M A NN O T E S D E L A F O N D A T I O N R O B E R T S C H U M A N

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44

LL’’AAGGRRIICCUULLTTUURREE EEUURROOPPÉÉEENNNNEE ÀÀ LL’’HHEEUURREE DDEESS CCHHOOIIXX ::PPOOUURRQQUUOOII CCRROOIIRREE ÀÀ LLAA PPAACC ??CCOONNTTRRIIBBUUTTIIOONN AAUU BBIILLAANN DDEE SSAANNTTÉÉ DDEE LLAA PPAACC

Nicolas-Jean Brehon

Préface de Joseph DaulPrésident du groupePPE/DE au Parlement européen

L a Politique agricole commune (PAC) a été profondémentréformée depuis 15 ans.

Alors que les réformes étaient censées faire diminuer lesprix et éliminer tout risque de surproductions, jamais lesprix n’ont autant augmenté et la menace d’une crisealimentaire refait surface.Au cœur du débat, un enjeu financier majeur : en 20 ans,l’Europe a consacré 1000 milliards € à la PAC qui représente41% du budget européen.Or la PAC est de moins en moinspolitique,de moins en moins agricole et de moins en moinscommune.Elle n’a plus guère de sens ni de cap.La réformede 2003 a prévu un “bilan de santé” en 2008 : ou ce “bilande santé” sert à corriger à la marge des dispositions introduitesil y a 4 ans,ou bien il offre une occasion d’entreprendre uneréflexion de fond pour sortir la PAC du malaise qui la mine.Si la PAC demeure justifiée, le maintien d’une politiqueagricole dynamique suppose toutefois un certain nombrede conditions et,en premier lieu, la réorientation de la PACvers son champ d’intervention initial et fondamental : lasécurité alimentaire des Européens.La PAC doit s’attacherau quotidien des Européens en faisant de l’alimentation unaxe fort de ses interventions.Les difficultés actuelles de l’Unioneuropéenne sont souvent expliquées par l’attention supposéeinsuffisante aux préoccupations des citoyens. Lorsque laquestion alimentaire reviendra au premier plan,une nouvellePAC renforcée en PAAC (politique agricole et alimentaireeuropéenne) ne pourra que contribuer à relever ce défi.

Nicolas Jean-Bréhon est enseignant en finances publiques à l’Université

Paris I Sorbonne.Il a été à l’origine de la création du 1er cours universitaire

sur le budget communautaire. Il a été chroniqueur au “Monde de

l’économie” de1999 à 2008.

Site web : www.finances-europe.com

10 €ISBN 978-2-917433-04-1

octobre 2008