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CONSTRUIRE LE FUTUR

FUTUR / ARCHITECTURE

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36 T MAGAZINE SAMEDI 17 MARS 2018

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Sur l’échelle du bâti, 2038, c’est déjà demain. Les défis à relever pour imaginer l’habitation du futur prendront bien plus qu’une génération avant de se concrétiser. Construction d’une hypothèse architecturale par l’écologie

Respecter l’environnement, surveiller la consommation d’énergie. Gérer

la lumière, privilégier les transports en commun, utiliser les bornes publiques pour le wi-fi ou la recharge de sa voiture électrique. De quelle énergie parle-t-on? Comment vivra-t-on dans vingt ans? Les assistants personnels intelligents aujourd’hui proposés par Google ou Amazon ressemblent plus à un délire relevant de l’utopie qu’à une véritable avancée technologique. Cette grand-mère italo-américaine qui découvrait Google Home en lui répétant «Hey Coo-Coo! Glad to meet you!» le prouve, tout en nourris-sant l’imaginaire collectif de la question de la cohabitation intergénérationnelle entre la technologie et les hommes.

Marilyne Andersen, professeure à la tête du Laboratoire de performance inté-grée en design (LIPID) à l’EPFL, aborde les questions d’énergie, de santé et de confort dans l’habitation. Leurs interactions dans la conception de l’environnement bâti qui doit se densifier pour répondre aux besoins concrets de l’humanité sont fondamentales: «La relation entre l’occupant et son environnement bâti touche aux questions de bien-être. Les développements technologiques, dont la domotique ou les assistants, ont une influence jusque sur le comportement.» La cheffe du LIPID préconise d’utiliser la domotique à des fins pédagogiques. «On s’énerve souvent contre ces systèmes car on n’en voit pas l’utilité. Mais si les stores descendent à un certain moment, il faut comprendre pourquoi et aussi sentir que nos préférences et notre perception du bien-être sont prises en compte.» Un axe central: «L’éclairage naturel influence à la fois l’appréciation émotionnelle d’un espace et la santé. S’il est mauvais, il nuit au sommeil, à la vigilance et même au système immunitaire. Notre travail, du point de vue humain et par extension sur l’urbanisme, se fonde sur des travaux de modélisation.»

DÉVELOPPEMENT DUR(ABLE)Ainsi, c’est aux concepteurs de logements d’adopter une approche holistique en architecture. Le professeur Emmanuel

Rey, directeur du Laboratoire d’archi-tecture et technologies durables (LAST) de l’EPFL et associé du bureau Bauart, souligne quelques tendances concrètes: «Le développement territorial s’attache à renforcer la présence d’habitations et d’activités à proximité des arrêts de transports publics, afin de limiter l’étale-ment de la ville, sortir de la dépendance à l’automobile, réduire la consommation de sol et les impacts environnementaux liés à la mobilité. Les projets architecturaux doivent concilier densité et qualité de vie dans les territoires urbains, sachant que le soin des espaces publics et le dévelop-pement d’espaces mutualisés favorisent l’émergence de liens socioculturels.»

A l’intérieur, les dispositifs connectés vont augmenter. «Les usagers connaîtront les performances de leur immeuble, la consommation et la production éner-gétiques, continue le professeur. En chiffres, la sortie du nucléaire implique une croissance des énergies renouve-lables. La part d’électricité d’origine photovoltaïque représentera environ 20% en 2050 contre seulement 2,5% au-jourd’hui.» Exit aussi l’image du cocon familial de quatre personnes. Les loge-ments doivent devenir plus modulables, pour une meilleure compatibilité avec les standards énergétiques du futur, comme le projet pilote Swisswoodhouse, réalisé par Bauart, le démontre. «Seuls 24% des ménages suisses comprendront plus de deux personnes en 2030, selon les prévisions de l’OFS, observe Emmanuel Rey. La majorité des ménages sera alors composée soit d’une personne seule (41%), soit de deux personnes (35%).»

UN LABORATOIRE DE TESTSLes représentants de Lutz Architectes travaillent, comme Maryline Andersen, sur une réflexion constructive qui per-met d’associer les moyens technolo-giques à des questions urbanistiques. Luc Trottier et Fabrice Macherel sont deux des huit associés du bureau Lutz, à la pointe de l’architecture écologique et des rénovations autonomes en énergie. «Nous avons développé plusieurs solu-tions sur les villas passives individuelles

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PAR MONICA D’ANDREA

Le projet expéri-mental du NEST à Dübendorf (ZH), soutenu par la Confédération, et où l’EPFL teste des matériaux et des situations conciliant confort et santé, écono-mie d’énergie et perception de l’occupant.

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«QUAND ON AURA ACCOMPLI LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE,

ON POURRA DE NOUVEAU «GASPILLER» L’ÉNERGIE, CAR ELLE SERA VERTE

ET RENOUVELABLE»PHILIPPE RAHM, ARCHITECTE MÉTÉOROLOGIQUE

La Convective House de

Philippe Rahm part du principe

que l’air chaud monte tandis que l’air froid

descend.

Chambres évaporées,

un projet de 2011 à Lyon dans

lequel l’architecte lausannois

Philippe Rahm a appliqué son

plan de bâti atmosphérique.

La Swisswoodhouse du bureau Bauart, un concept d’immeu- ble rési dentiel en bois, flexible et com-patible avec les exi-gences de la société à 2000 watts.

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en optimisant le confort, l’acoustique, la ventilation. Maintenant nous intégrons ces données aux bâtiments locatifs.»

La densification dans vingt ans? Elle dépendra de la compréhension des en-jeux écologiques et économiques sur le long terme de chaque individu soucieux de préserver sa planète. «La domotique permet d’anticiper sur la météo, de pro-duire l’énergie au bon moment avec des éléments actifs (toiture et façades), pour la stocker, résume Fabrice Macherel. Mais vingt ans… c’est demain!» Les deux architectes exposent une liste non ex-haustive des critères limitant l’impact sur l’environnement: «Economiser les mètres carrés des surfaces habitables, collectivi-ser des moyens de transport sacrifiant la voiture, pratiquer la permaculture pour s’intégrer socialement et matériellement à l’endroit dans lequel on vit, réduire les distances aux voisins…»

Luc Trottier et Fabrice Macherel par-ticipent ainsi au projet expérimental du NEST à Dübendorf, soutenu par la Confé-dération. L’EPFL y teste des matériaux et des situations conciliant confort et santé, économie d’énergie et perception de l’occupant. Mais l’humain et la ville ont besoin de temps. Si le taux du renou-vellement du parc urbain est de 1% par an, il est encore plus bas en période de

récession. «Dans cent ans, quand tout le parc immobilier sera au point, le premier des bâtiments sera obsolète. Alors pour vi-ser une performance globale, il faut un travail constant», conclut Luc Trottier.

REPENSER LES ESPACESPhilippe Rahm apporte son air à l’édi-fice. L’architecture est pour lui un vide séparé de l’atmosphère environnant, contenu dans une construction isolée thermiquement et plus facile à chauf-fer. Les éléments construits s’effacent pour considérer ce vide que l’on sculpte, dont on dessine la lumière et adapte les températures. «Techniquement, si la distribution des espaces est conçue en fonction des éléments climatiques présents, on peut annihiler la dispersion d’énergie et minimiser sa production, explique cet architecte météorologique. L’habitation se réorganiserait le long du flux de l’air de la ventilation qui y circule et les espaces en hauteur seraient exploités pour profiter de la chaleur qui, selon le principe d’Archimède, monte.»

L’approche de Philippe Rahm per-met de se projeter, en conservant les fondamentaux. «Le climat est la base de l’architecture. La vitesse du courant d’air se modulerait grâce aux formes de ce qu’on construit autour, comme une

rivière.» La lumière, l’air et les proprié-tés physiques des matériaux doivent construire l’espace en résonance avec le développement durable et dépasser les conventions sociales du XXe siècle basées sur une dépense carbone im-modérée. «Quand on aura accompli la transition énergétique, on pourra de nouveau «gaspiller» l’énergie car elle sera verte et renouvelable.»

Dans cinq, dix ou vingt ans, le compor-tement social sera toujours essentiel pour faire résonner domotique et assistants technologiques avec la préoccupation de gérer le territoire. La conscience de l’environnement, la capacité de concevoir de nouvelles manières de construire la ville en adéquation avec les ressources données permettront des économies sur les factures d’électricité en chauffant, pourquoi pas, son intérieur avec la cha-leur du corps. Le Corbusier a légitimé le béton armé au XXe siècle, alors qu’il était mal considéré. L’espoir est nourri que les surfaces pour chacun des 3 milliards d’êtres humains supplémentaires qui peupleront la terre d’ici à 2038 seront adaptées aux outils dont nous dispo-sons déjà pour exploiter différemment les ressources. Car il est possible déjà maintenant d’apporter un sens nouveau à la conception du mode de vie.

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