construire la transition énergétique - nicolas hulot...la transition énergétique doit permettre...

44
Construire la Transition énergétique VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 | OCTOBRE 2012 www.fnh.org © radoma shutterstock

Upload: others

Post on 15-Aug-2020

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

Construire la Transition énergétique

VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 | OCTOBRE 2012

www.fnh.org

© ra

dom

a sh

utte

rsto

ck

Page 2: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 2

SOMMAIRE » Introduction ...................................................................................................................... 3 » Texte de la déclaration .................................................................................................... 4

5 principes fondateurs ...................................................................................................................... 4 4 axes prioritaires .............................................................................................................................. 5

» Les objectifs de la transition énergétique ...................................................................... 7 Une transition énergétique au service de la lutte contre le changement climatique .................. 8 Satisfaire les besoins énergétiques essentiels des ménages et de l’économie ....................... 10 Garantir la résilience et la sécurité d’approvisionnement énergétique en développant les énergies renouvelables ................................................................................. 12

» Les grands leviers de la transition énergétique .......................................................... 17 Faire évoluer la gouvernance de l’énergie .................................................................................... 17 Fiscalité écologique : agir sur les comportements et mobiliser l’investissement privé pour la transition ................................................................................................................... 20 Mobiliser l’investissement public .................................................................................................. 25 Normes et règlements .................................................................................................................... 27

» Les chantiers de la transition énergétique ................................................................... 29 La rénovation des logements ......................................................................................................... 29 La mobilité des personnes ............................................................................................................. 35 Le secteur énergétique ................................................................................................................... 38

» Conclusion ...................................................................................................................... 42

REDACTION Benoît Faraco, porte-parole, responsable climat-énergie

Alexandra Luciani, chargée de projet climat-énergie

Denis Voisin, chargé de projet énergie et mobilité

@B_Faraco

@fondationhulot

http://www.facebook.com/fondationnaturehomme

Page 3: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 3

» Introduction

A l’issue de la conférence environnementale de septembre 2012, un débat national sur la transition énergétique va être organisé en France, pour aboutir au printemps 2013 au vote par le Parlement d’une loi de programmation de la transition énergétique. Depuis plusieurs mois, la Fondation Nicolas Hulot travaille pour préparer ce débat. Attachée à une dynamique de dialogue, elle a organisé un cycle de séminaires, pendant lequel elle a confronté ses propositions à différentes parties prenantes (associations, syndicats, entreprises de l’énergie, du bâtiment et du transport). Cette réflexion col-lective a permis d’enrichir et d’amender les propositions qui sont présentées dans le présent docu-ment afin de contribuer au débat national.

Emissions de gaz à effet de serre en hausse, catastrophe de Fukushima, raréfaction et renchérisse-ment des ressources énergétiques, explosion de la précarité énergétique sont autant de facteurs qui appellent une profonde remise en question de notre modèle énergétique. En ce début de 21ème siècle, la société doit faire les choix qui permettront de satisfaire les besoins essentiels de tous, dans un contexte de durabilité environnementale, économique et sociale. C’est une véritable transi-tion énergétique qu’il s’agit de mettre en œuvre. En combinant réduction de la consommation et développement des énergies renouvelables, nous avons la possibilité d’inventer un nouveau modèle de prospérité, garantissant à tous l’accès à une énergie durable.

La transition vers cet autre modèle énergétique ne se fera qu’au prix d’une réelle volonté politique, permettant d’élaborer une vision collective de l’avenir que nous souhaitons. Chaque catégorie d’acteur y a son rôle à jouer, dans la créativité, l’innovation et le changement de comportements. La transition énergétique impose en effet des choix qui vont au-delà d’évolutions technologiques. C’est bien un nouveau modèle de production et de consommation qu’il faudra savoir inventer, impliquant des évolutions lourdes dans presque tous les secteurs de la société, de la production et la consom-mation de biens et services à la mobilité en passant par le secteur essentiel du bâtiment.

Le débat qui s’ouvre aujourd’hui lancera ces nouveaux chantiers qui devront, dans les 10 prochaines années, trouver un écho concret dans le quotidien des français et des acteurs économiques. Car dès à présent, pour satisfaire aux objectifs européens et internationaux de lutte contre le changement climatique et de sécurité d’approvisionnement énergétique, des actions doivent être mises en oeuvre. Mais il faudra aussi, au-delà des mesures concrètes proposées dans ce document, une vraie évolution des modèles économiques, du monde du travail, ou encore de la gouvernance. Car la transition énergétique est aussi une transition sociale, et économique.

Réussir la transition énergétique, c’est également réussir la sortie de crise. Car si la transition est encore trop perçue comme une contrainte, dans un contexte économique difficile, c’est avant tout une opportunité. Opportunité de réduire la facture énergétique des entreprises, des ménages et de la France. Opportunité de redynamiser l’emploi dans des secteurs stratégiques, comme le bâtiment, les énergies renouvelables, et donc de se positionner en leader sur des marchés émergents. Opportuni-té enfin de réduire les pollutions et en particulier les émissions de gaz à effet de serre, à l’heure où de récents travaux scientifiques montrent qu’en ce domaine l’exception est en train de devenir la norme, et où nous semblons perdre le contrôle de la machine climatique.

C’est dans ce contexte que la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme publie ce docu-ment, consacré à la transition énergétique. La Fondation propose à la fois ses réflexions sur les grands objectifs à atteindre et les principaux leviers de mise en œuvre. Enfin, elle détaille certaines mesures sectorielles à appliquer dès maintenant pour amorcer une vraie transition énergétique.

Page 4: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 4

» Texte de la déclaration

Dérive climatique, raréfaction des ressources énergétiques, renchérissement du prix de l’énergie, explosion de la précarité énergétique sont autant de signaux révélateurs d’un modèle énergétique à bout de souffle. En ce début de XXIe siècle, nous ne de-vons plus reculer devant les choix qui nous permettront de satisfaire durablement les besoins énergétiques de tous, tout en assurant la soutenabilité et la résilience du système de production et de distribution, tant du point de vue environnemental, qu’économique et social.

Cette transition ne peut s’engager qu’au prix d’un certain courage politique. Il faudra surmonter un contexte économique morose pour mettre la société en mouvement, alors même que la transition effraie par les investissements mais aussi par les évolu-tions professionnelles et les changements de comportement qu’elle nécessite. Pour-tant la transition énergétique constitue une formidable opportunité de sortie de crise. Génératrice d’économies d’énergie, elle réduira les émissions françaises de gaz à effet de serre (GES) et allégera la facture pour des entreprises, des ménages et glo-balement un Etat encore trop dépendant des énergies fossiles. Créatrice d’emplois et d’innovations en France, elle dynamisera l’économie locale en améliorant l’efficacité énergétique des services essentiels et en renouvelant le mix énergétique. Solidaire et équitable, elle mobilisera dans un élan fédérateur tous les niveaux d’une société aujourd’hui dans l’expectative. Le gouvernement doit engager la France sur le chemin de la transition énergétique sans plus attendre. Cette transition doit être construite en cohérence avec 5 principes fondateurs, et selon 4 axes structurants.

5 principes fondateurs

1. Réduire les émissions françaises de gaz à effet de serre. Les émissions mon-diales de GES ont atteint en 2011 leur plus haut niveau historique, et nous conduisent inéluctablement à une augmentation de la température supé-rieure à 2°C dans les prochaines décennies, et une succession de crises (écosystémiques, alimentaires, hydrologiques et de ressources). Sans at-tendre, la France doit s’engager dans une politique plus ambitieuse de ré-duction de ses émissions de GES visant un minimum de -25% en 2020, et in-sistant tout particulièrement sur les mécanismes de réduction des émissions du secteur diffus.

2. Engager une vraie politique de maîtrise de la demande énergétique. Pour répondre au minimum à l’engagement européen de réduction de la con-sommation d’énergie primaire à hauteur de -20% en 2020 comparativement au scénario tendanciel, elle doit se traduire par des objectifs sectorisés et

Cette déclaration a été construite suite à un travail collectif mené d’avril à septembre 2012 et encadré par la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, ayant réuni des représentants des structures suivantes : association 3PA, Fondation Abbé Pierre, AFEP, Alstom, CFDT, CLER Réseau pour la transition énergétique, Institut pour la Ville en Mouvement, MEDEF, Réseau Action Climat France, RTE, SNCF, UNAF, Vattenfall, Vinci Autoroutes. Elle n’engage pas ces organisations.

Page 5: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 5

territorialisés ambitieux. Elle doit assurer le développement de comporte-ments de sobriété et de technologies d’efficacité énergétique adaptées.

3. Développer un modèle énergétique résilient et décarboné. Pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique de notre pays face aux chocs géopolitiques et économiques, tout en assurant une juste réponse à l’enjeu climatique, la France doit impérativement se tourner vers des sources d’énergies à bas carbone et non dépendantes d’importations de combustible énergétique. À ce titre, il sera indispensable de placer les énergies renouve-lables au cœur de notre modèle énergétique.

4. Satisfaire les besoins énergétiques essentiels de tous. On estime aujourd’hui que près de 8 millions de Français, soit 13% de la population, se trouvent en situation de précarité énergétique, et ne peuvent pas assumer leurs factures d’énergie pour leur logement ou leurs transports. Parmi eux, plus d’1 million de très précaires ne peuvent plus satisfaire leurs besoins énergétiques es-sentiels. La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, en assurant un juste partage des ressources et un accès équitable à l’énergie pour tous.

5. Encourager un savoir-faire français et européen. Levier d’innovation, de prospérité et de création d’emplois non délocalisables, la transition énergé-tique française doit contribuer à l’émergence d’une véritable filière d’excellence industrielle en France et en Europe et aboutir à de nouveaux modèles économiques viables.

4 axes prioritaires

Dans le respect de ces principes, la transition énergétique doit se structurer de façon cohérente autour de 4 axes prioritaires. De plus, le plan d’action global doit être coordonné tant du point de vue des échéances que des objectifs, garantir une visibili-té et une stabilité à moyen terme et être soumis à un processus régulier et participa-tif d’évaluation et d’ajustement.

1er axe : Réformer la gouvernance de l’énergie Le citoyen est aujourd’hui peu impliqué dans les choix énergétiques de notre pays. Pourtant, ces derniers impactent notre mode de vie, nos habitudes, et l’ensemble de nos activités. Une réduction de notre consommation énergétique ne peut ni se défi-nir ni se réaliser sans la participation et la compréhension de l’ensemble des citoyens français. En outre, l’acceptabilité sociale de projets énergétiques constitue également un des enjeux de la politique énergétique, aussi bien sur les infrastructures de pro-duction que sur l’évolution du réseau de transport et de distribution de l’énergie. La politique énergétique française doit donc se construire collectivement, en impliquant l’ensemble des parties prenantes, et les différents niveaux territoriaux, afin de garan-tir des solutions techniques optimisées et des transitions professionnelles sécuri-sées. Cela passe notamment par un important transfert de moyens et de compé-tences vers les instances locales et territoriales. Cette consultation doit être renouvelée à échéance régulière, aboutissant à une vraie décision politique faisant force de loi et un processus d’évaluation démocratique des mesures mises en œuvre.

Page 6: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 6

2e axe : Promouvoir la fiscalité écologique La fiscalité écologique, en donnant un signal prix, constitue un levier essentiel orien-tant efficacement les comportements et les investissements, vers une consommation énergétique maîtrisée. Pourtant, la fiscalité écologique représente aujourd’hui moins de 5% des prélèvements obligatoires, et la France se situe au 26e rang européen en la matière. Pour ne pas peser plus sur la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages dans un contexte d’austérité et de ralentissement économique, le développement de la fiscalité écologique doit se concevoir principalement comme une incitation, à l’image de la contribution climat énergie et de la tarification pro-gressive de l’énergie, ou dans une dynamique de rééquilibrage de la pression fiscale de la production vers la pollution et les ressources. Cela implique aussi la suppres-sion des niches fiscales dommageables à l’environnement qui, en maintenant un avantage compétitif aux secteurs les plus polluants, freinent l’essor des secteurs d’avenir.

3e axe : Investir en priorité pour la transition avec des financements innovants La transition énergétique nécessite des investissements importants pouvant être mobilisés sur différents chantiers : anticipation, préparation et accompagnement des transitions professionnelles (métiers, compétences et qualifications) et soutien à la R&D ; rénovation des logements anciens ; développement de solutions collectives, individuelles ou partagées, assurant une mobilité sobre, économique et résiliente sur les territoires ; ou encore développement d’un modèle énergétique résilient et décar-boné. L’argent public devra être mobilisé et, sur un mode similaire au plan Marshall, les banques publiques, telles que la Banque Européenne d’Investissements ou la future Banque Publique d’Investissements, devront générer des financements éco-conditionnés. Les capacités d’investissement des acteurs privés, ménages et entre-prises, devront également être orientés vers ces projets, facilité par une fiscalité inci-tative incluant un signal prix sur le carbone, et du tiers financement.

4e axe : Faire progresser les normes et règlements L’outil normatif et réglementaire permet d’assurer la transition dans un laps de temps maîtrisé. Annoncées, bien calibrées et utilisées à bon escient, les normes con-tribuent au développement des filières industrielles et artisanales adéquates. Le gou-vernement doit donc assurer une anticipation des échéances réglementaires et nor-matives de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne la performance thermique des logements, la performance énergétique des équipements et véhicules particuliers, ou encore la tarification progressive des énergies. Ce changement de notre modèle énergétique doit avoir lieu maintenant, tant le pay-sage énergétique se pense et se réalise sur le long terme. Les unités de production et de consommation d’énergie qui constitueront notre univers en 2050 se construisent dès aujourd’hui. Ce sont les investissements des 10 prochaines années qui définiront notre modèle énergétique du XXIe siècle et notre capacité à répondre aux défis de notre époque, au bénéfice de la nature et des hommes.

Page 7: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 7

» Les objectifs de la transition énergétique

Aussi bien dans le cadre européen qu’à l’échelle nationale, la France s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche de prise en compte des enjeux écolo-giques : Paquet Energie Climat, Grenelle de l’Environnement, ont ainsi permis d’initier une refonte de nos modèles de société. Pourtant, et face aux enjeux qui sont les nôtres, ces premiers engagements sont encore insuffisants. Les premiers effets des bouleversements écologiques que nous avons générés sont déjà visibles, et l’urgence implique une réaction plus ambitieuse. Parmi les chantiers prioritaires, celui de la transition énergétique est fondamental : la Fondation Nicolas Hulot en présente ici les objectifs principaux.

ENERGIE, CLIMAT : LA FRANCE ET SES OBJECTIFS Les mesures de transition énergétique mises en œuvre doivent s’inscrire dans le cadre des différents engagements pris aux niveaux français, européens et dans le cadre des accords internationaux sur les changements climatiques. Il s’agit notamment des objectifs suivants : Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) :

Diviser par 4 les émissions de GES en France d’ici 2050 (art.2 de la loi n° 2005-781 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE) et art.2 de la loi n°2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (loi Grenelle 1). Réduire les émissions d’au moins 14% d’ici 2020 par rapport à 1990, 20% au niveau européen (et plus en cas d’un accord international sur le climat) (décision n°406/2009/CE du Paquet Energie Climat de l’Union européenne).

Réduction des consommations d’énergie :

Réduire de 20% la consommation primaire d’énergie en 2020 par rapport au scénario tendanciel au niveau européen d’ici 2020 (Directive 2009/29/CE du Paquet Energie Climat de l’Union européenne).

Déclinaisons sectorielles :

Réduire, en France, les émissions du secteur des transports de 20% d’ici 2020 par rapport à 2008 afin de les ramener à leurs niveaux de 1990 (art.10 de la loi n°2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (loi Grenelle 1). Réduire, en France, les consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38% d’ici 2020. A cette fin, l’Etat se fixe comme objectif la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013 (art.5 de la loi n°2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (loi Grenelle 1). Réduire de 21% les émissions du secteur industriel concerné par le système européen d’échange des quotas (Directive 2009/29/CE du Paquet Energie Climat de l’Union européenne).

Page 8: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 8

Une transition énergétique au service de la lutte contre le change-ment climatique

Un mix énergétique émetteur de GES Notre mix énergétique demeure, à l’exception de la production électrique, très dé-pendant des énergies fossiles qui représentent environ deux tiers de la consomma-tion d’énergie finale en France. Or, les combustibles fossiles, qui correspondent à 75% des émissions totales de GES de la France, sont directement responsables du renforcement de l’effet de serre. Pour atteindre les objectifs fixés par la communauté internationale en matière de lutte contre le changement climatique, il faudra diviser au moins par 4 les émissions françaises de GES à l’horizon 2050, donc réduire rapi-dement la part des énergies fossiles dans notre modèle énergétique.

En France, les principaux secteurs d’émissions de GES sont l’industrie (23% des émissions), le transport (25%), le bâti-ment (18%), l’agriculture (21%) et la produc-tion d’énergie (11%). Les émissions des transports et du bâtiment qui augmentent fortement, de plus de 20% entre 1990 et 2007, sont essentiellement liées à l’utilisation d’énergies fossiles. Ce sont les deux secteurs prioritaires pour la transition énergétique.

Transformation énergie 11%

Industrie manufacturière

23%

Résidentiel / Tertiaire 18%

Agriculture / Sylviculture

21%

Transport routier 25%

Autre transport 2%

Emissions de GES en France en 2011

Industries de l’énergieAgricultureTransportsIndustrie manufacturière et constructionRésidentiel-tertiaireTraitement des déchets

600

500

400

300

200

100

1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050

Trajectoires d’émissions de la France pour atteindre l’objectif facteur 4

Sour

ce :

Rapp

ort D

e Pe

rthui

s, T

raje

ctoi

res

2020

-205

0, v

ers

une

écon

omie

sob

re e

n ca

rbon

e, 2

011

Sour

ce :

CITE

PA, 2

011

Page 9: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 9

L’engagement européen de réduire de 20% les émissions de GES dans lequel s’inscrit la politique française de lutte contre le changement climatique n’apparaît pas suffisamment ambitieux au regard des informations avancées par les scienti-fiques. En effet, le 4e rapport d’évaluation du GIEC précise que pour avoir une chance de rester en deçà d’une augmentation de la température moyenne mondiale de +2°C, la réduction des émissions de GES d’ici à 2020 devrait être comprise entre 25% et 40% par rapport aux niveaux de 1990, et ce pour l’ensemble des pays industrialisés. De même, les différents travaux d’analyse et de projection, et notamment le rapport du Centre d’Analyse Stratégique « trajectoires 2050 : vers une économie sobre en carbone », montrent que sans renforcement des objectifs de réduction d’émissions, il est fort peu probable que l’objectif de rester en dessous de 2°C de hausse de la tem-pérature soit atteint.

S’extraire de notre dépendance aux énergies fossiles Si ces objectifs globaux sont indispensables, notamment au niveau européen, pour assurer une profonde cohérence des politiques publiques et l’atteinte des objectifs climatiques, il n’en demeure pas moins que la France doit savoir se montrer ambi-tieuse sur son propre territoire, et se positionner en leader européen de la transition énergétique. À ce titre, il semble indispensable que la France :

› encourage les autres pays de l’Union européenne à revoir à la hausse leur engagement en termes de réduction des émissions de GES au niveau euro-péen, passant de -20% en 2020 à au minimum -30% sur le même horizon.

› revoie à la hausse son objectif national de réduction des émissions de GES d’ici 2020 (en passant d’un objectif de -14% à -25% d’émissions par rapport à 1990) ;

› définisse des objectifs sectoriels de réductions d’émissions ambitieux.

La France doit donc s’engager immédiatement dans une transition énergétique. Cela implique, premièrement, de maîtriser la demande énergétique et donc la croissance de nos besoins par la sobriété et l’efficacité énergétique (réduction unitaire de la consommation d’énergie pour un même service rendu). Deuxièmement, pour un même usage énergétique, cela nécessite d’avoir recours à des énergies faiblement émettrices de GES, imposant de fait une réduction drastique des consommations d’énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon).

LA TRAJECTOIRE D’EMISSIONS APRES LA CONFERENCE ENVIRONNEMENTALE Lors de la conférence environnementale, le président de la République a évoqué l’adoption d’un objectif de réduction des émissions de GES de -40% en 2030 et de -60% en 2040 par rapport au niveau de 1990. Ces éléments devront faire partie des discussions du débat sur l’énergie, et être confirmés ou approfondis dans le cadre de la loi de programmation de la transition énergétique, présentée au premier semestre 2013.

Page 10: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 10

Satisfaire les besoins énergétiques essentiels des ménages et de l’économie

Des consommations élevées, et en hausse Une grande partie de notre consommation d’énergie est justifiée par la satisfaction de besoins essentiels : se chauffer, se déplacer, se nourrir… Ces besoins sont au-jourd’hui satisfaits à 80% par des énergies polluantes, dont les conséquences sur le climat sont dramatiques. Cette réflexion est d’autant plus importante que l’évolution de la consommation énergétique est actuellement orientée à la hausse, du fait de deux facteurs principaux : l’augmentation de la consommation de biens et de ser-vices par personne, et la croissance de la population.

Ainsi, depuis les années 1970, la consommation d’énergie primaire en France a augmenté d’environ 50%, et la consommation d’énergie finale d’environ 20%. Sur les 15 dernières années, la consommation moyenne d’un Français a augmenté d’environ 10%, pour atteindre 4,4 tonnes équivalent pétrole (Tep), soit 8 fois plus qu’un Indien ou un Africain. Cette croissance continue de la consommation énergétique se fait sans tenir compte des capacités physiques de notre planète. Les ressources énergétiques fossiles (pé-trole, charbon, gaz), prépondérantes dans notre modèle énergétique, sont par défini-tion finies. Leur raréfaction progressive, ainsi que les difficultés à exploiter dans des conditions respectueuses de l’environnement les ressources non conventionnelles, mais aussi les investissements nécessaires dans le secteur énergétique dont les in-frastructures doivent être renouvelées, laissent envisager une hausse assez forte du prix de l’énergie dans les années à venir.

Source : Banque Mondiale

!"

#!!!"

$!!!"

%!!!"

&!!!"

'!!!"

(!!!"

)!!!"

*!!!"

+!!!"

#+(!

"#+

(#"

#+($

"#+

(%"

#+(&

"#+

('"

#+((

"#+

()"

#+(*

"#+

(+"

#+)!

"#+

)#"

#+)$

"#+

)%"

#+)&

"#+

)'"

#+)(

"#+

))"

#+)*

"#+

)+"

#+*!

"#+

*#"

#+*$

"#+

*%"

#+*&

"#+

*'"

#+*(

"#+

*)"

#+**

"#+

*+"

#++!

"#+

+#"

#++$

"#+

+%"

#++&

"#+

+'"

#++(

"#+

+)"

#++*

"#+

++"

$!!!

"$!

!#"

$!!$

"$!

!%"

$!!&

"$!

!'"

$!!(

"$!

!)"

$!!*

"$!

!+"

!"#$%&'

#()*

%+,&-"

.#/(.0'&-#/,0#1,2

%.,".#

3'"4'55,6'"#78("-09%-#/,0#1,2%.,".#7,"4#&-#5'"7-#

,-./-"012/34--5" 6/78195",-." :;;598<-5"=28->5" [email protected]" A-B5"":C2.D15" E24F.;" 0G8GF",-.F"

Page 11: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 11

Des prix qui s’envolent Ainsi, au cours des 20 dernières années, le prix de l’ensemble des combustibles fos-siles (fioul, gaz de ville et propane) a été multiplié par 2 ou 3, tandis que le prix de l’électricité a connu une hausse de l’ordre de 10% environ.

Si cette augmentation a longtemps été « compensée » par la hausse des revenus des ménages, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’augmentation rapide du prix de l’énergie contribue aujourd’hui à l’augmentation du nombre de ménages en situation de pré-carité énergétique : en France, on estime que ce sont environ 8 millions de per-sonnes qui sont concernées, soit 13% de la population française.

!"#

$"#

%"#

&""#

&'"#

&!"#

&$"#

&%"#

'""#

&(("# &((&# &(('# &(()# &((!# &((*# &(($# &((+# &((%# &(((# '"""# '""&# '""'# '"")# '""!# '""*# '""$# '""+# '""%# '""(# '"&"# '"&&#

!"#$%&''

%(%&))

'%

*+,-./,0%1$#%2345%1$%-670$384$%$0%93"0:$%$0%*.3,#%;,0#<"0<#%

,-./012/203#4$5678#

92.:.-#

;7<#

=2>?-#@>A.:BC?.#

D1>E7F.#

LA PRECARITE ENERGETIQUE AU CŒUR DE LA TRANSITION La précarité énergétique se définit communément comme l’incapacité, pour un ménage, à payer les factures d’énergie (et principalement de chauffage) liées à son logement. La définition en vigueur établit que les ménages en situation de précarité énergétique sont ceux qui dépensent un minimum de 10% de leur budget pour leurs seules dépenses énergétiques. Au-delà de l’urgence sociale et économique à résoudre ce problème, les enjeux climatiques et environnementaux constituent une autre facette de la précarité énergétique. Certains facteurs, comme la mauvaise performance énergétique des logements, ou la faible qualité des équipements, peuvent mener à une surconsommation énergétique génératrice de précarité. Les politiques publiques, si elles sont ambitieuses, peuvent contribuer à régler efficacement le problème de la précarité énergétique : haute performance énergétique des logements et des équipements, mesures de maîtrise de la demande énergétique, recours aux énergies renouvelables, etc. C’est pourquoi il est indispensable de combiner politique environnementale et mesures économiques et sociales pour rendre efficace une vraie stratégie de lutte contre la précarité énergétique.

Source : Base de données Pégase, Insee

Page 12: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 12

Les acteurs économiques sont eux aussi menacés par la hausse des prix de l’énergie, surtout dans les secteurs où celle-ci représente une part importante des coûts de production. Compte tenu de la fragilité du tissu économique européen, il est indis-pensable, pour préserver l’emploi et la compétitivité, de s’interroger sur la dépen-dance des principaux secteurs consommateurs d’énergie aux énergies fossiles. C’est particulièrement vrai pour les secteurs intensifs en énergie, comme la sidérurgie ou la production de ciment, certains secteurs spécifiques comme le transport routier de marchandises, ou encore pour des secteurs déjà très fragiles, comme l’agriculture et la pêche. Des mesures d’accompagnement doivent donc faire partie du cahier des charges de la transition énergétique, afin d’une part d’améliorer l’efficacité énergé-tique des processus industriels, mais aussi d’envisager, chaque fois que c’est pos-sible, l’utilisation d’énergies de substitution, en particulier renouvelables.

Compenser l’augmentation des prix par une réduction de notre consommation énergétique Afin de répondre au mieux à l’enjeu d’augmentation du prix de l’énergie et au défi climatique, la priorité doit être donnée à une vraie politique de maîtrise de la de-mande énergétique. A l’image des efforts réalisés dans les années 1970 en France face aux chocs pétroliers, il est indispensable de repenser notre manière de con-sommer l’énergie. La table ronde nationale sur l’efficacité énergétique menée tout au long du second semestre 2011 a été une première étape dans cette direction, mais demeure encore insuffisante.

Jusqu’à présent, les politiques publiques de l’énergie ont pensé de manière séparée la question de l’offre et celle de la demande énergétique. Souvent, les investisse-ments dans les grandes infrastructures énergétiques ont été dé-corrélés des besoins réels des ménages et des entreprises, conduisant à une politique du « toujours plus » qui a rendu peu intéressantes les actions de maîtrise de la demande en énergie. La future loi de programmation de la stratégie énergétique nationale, rebaptisée « loi de programmation de la transition énergétique », devra impérativement être constituée de deux volets : le premier sur la demande, le second sur les moyens mobilisés pour y répondre. Ces deux volets devront être indissociables et en parfaite cohérence.

Garantir la résilience et la sécurité d’approvisionnement énergé-tique en développant les énergies renouvelables

Les contraintes physiques et économiques de l’offre fossile La France et l’Europe importent la plus grosse partie du gaz, du pétrole et du charbon qu’elles consomment. A l’échelle du territoire européen, ces ressources sont pré-sentes en quantités insuffisantes pour assurer une réponse adéquate aux besoins énergétiques. Cette dépendance énergétique aux pays producteurs d’hydrocarbures génère une forte vulnérabilité économique et géopolitique de l’Europe et de la France. En outre, elle creuse le déficit commercial de manière d’autant plus consé-quente que le prix de ces ressources augmente continuellement. Le déficit commer-cial de l’Union Européenne sur les produits pétroliers atteignait ainsi 388 milliards d’euros en 2011. Ce chiffre est à mettre en relation avec le déficit commercial global qui s’élevait à 159 milliards d’euros. En réduisant ses importations d’énergie, l’UE pourrait retrouver une balance commerciale en équilibre.1

1 Source : Eurostat. http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/international_trade/data/database

Page 13: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 13

En France, la facture énergétique, structurellement déficitaire, avoisine les 60 mil-liards d’euros chaque année. Le plus gros poste de dépenses concerne, de loin, les produits pétroliers et tout particulièrement le pétrole brut importé (25 milliards d’euros par an en moyenne sur les 10 dernières années). Face aux tendances ac-tuelles, et en observant l’évolution de la facture énergétique française depuis les années 1970, on ne peut que s’inquiéter des impacts économiques futurs qui ne manqueront pas de subvenir avec l’augmentation continue du prix de l’énergie.

LA FACTURE D’ENERGIE DES MENAGES L’hyper sensibilité de la société française aux enjeux liés à la hausse des prix de l’énergie, se manifeste régulièrement par des choix politiques tentant de minimiser l’impact de cette évolution sur le budget des ménages, comme le montrent les récentes décisions sur le prix du gaz, de l’électricité ou encore des carburants. Ces choix démontrent une absence de vision globale des enjeux énergétiques, et néglige trop souvent que la facture d’énergie d’un ménage est fonction de deux facteurs :

! Les quantités d’énergies consommées, tendanciellement orientées à la hausse ! Le prix unitaire de l’énergie consommée, qui pour la plupart des énergies fluctue, mais est lui

aussi tendanciellement orienté à la hausse. En ignorant totalement le volet « quantité d’énergie consommée », le politique plonge les ménages dans une impasse totale, en le condamnant à subir une hausse de la facture globale. Pourtant, agir sur ce terme de l’équation permettrait a minima de contenir la hausse du prix des énergies, voire de diminuer durablement la facture énergétique des ménages. Ainsi, comme l’illustre le graphique ci-dessous, qui s’intéresse au cas d’un ménage chauffé à l’électricité et qui suppose une hausse de 40% du prix du kWh électrique à l’horizon 2020, deux cas sont possibles. Le premier, sans action de réduction des consommations conduit logiquement à une hausse de la facture globale de 45%, qui passe de 1045! à 1520!. La conduite d’action de réduction des consommations (isolation du logement, modération des usages en électricité spécifique) conduit de son côté à une hausse modérée de la facture, de l’ordre de 2%, venant ainsi « compenser » la hausse du prix unitaire du kWh.

Page 14: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 14

A cette contrainte liée à la pauvreté des ressources énergétiques conventionnelles en Europe s’ajoute le renforcement des tensions sur l’approvisionnement, lié à la raré-faction des ressources conventionnelles d’hydrocarbures. Si des débats existent encore entre les experts, il est aujourd’hui communément admis que les ressources les plus accessibles en pétrole et en gaz ne permettront pas de répondre à la crois-sance de la demande d’ici à la moitié du XXIe siècle. Ainsi, il est vraisemblable qu’un décalage apparaisse dans les décennies à venir entre la production d’énergie con–ventionnelle et la demande, qui se traduira d’une part par des tensions fortes sur les prix, déjà ressenties par les ménages et les acteurs économiques. Ces difficultés d’approvisionnement généreront des tensions sociales (précarité énergétique), éco-nomiques (perte de compétitivité, creusement du déficit commercial) et géopoli-tiques.

Energies renouvelables : la voie vers l’indépendance La France et l’Europe doivent donc réduire leur dépendance aux sources convention-nelles d’énergie que sont les hydrocarbures. Représentant aujourd’hui près des deux tiers de la consommation d’énergie finale française, le défi est de taille. Le mix éner-gétique français se caractérise par une forte dépendance au pétrole et au gaz, mais aussi, en ce qui concerne le mix électrique, au nucléaire. La présence dans quelques secteurs clés d’une énergie dominante questionne ainsi la résilience globale et secto-rielle du mix énergétique : pétrole dans les transports, électricité et gaz dans le lo-gement, énergies fossiles dans l’industrie.

Pour assurer son indépendance énergétique de long terme et la résilience de son modèle énergétique, la France doit donc s’engager au plus vite dans la construction de systèmes énergétiques vertueux, faisant la part belle aussi bien à la sobriété qu’aux énergies renouvelables. Les énergies renouvelables sont en effet l’une des clés de la transition énergétique, permettant de répondre aux différents enjeux éner-gétiques de notre époque :

!"

#!"

$!"

%!"

&!"

'!"

(!"

)!"

#*)%" #*+!" #**'" #**!" $!!!" $!!'" $!!+" $!!*" $!#!" $!##"

!"#$

%&&%'()*#)

+,-(.*#/011#

2'34-(!#5"!(6578-!#)!#&'#2('"3!#

Source : SoES, MEDDE

Page 15: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 15

› Elles sont mobilisables partout et ne dépendent pas de ressources finies, contribuant ainsi à la sécurité d’approvi-sionnement et à l’indépendance énergétique,

› L’impact sur l’environne-ment de la production énergé-tique par le biais des renouve-lables est limité,

› Leur potentiel en termes d’emploi et d’innovation est im-portant.

Si la France et l’Union Européenne ont affiché une volonté de s’émanciper des éner-gies fossiles en développant le recours aux énergies renouvelables, ces engage-ments sont encore insuffisamment réalisés aujourd’hui. A titre d’exemple, l’engagement de la France en électricité renouvelable consommée était de 21% en 2010 ; seuls 14,6% de la consommation d’électricité étaient produites par le biais des énergies renouvelables à échéance. Cette réalité démontre la difficulté de la politique française à engager un vrai virage énergétique, parsemé d’hésitations et de revire-ments. Les objectifs de développement des énergies renouvelables pour 2020, s’ils sont atteints, amorceraient déjà une vraie transformation de notre modèle énergé-tique : 27% pour l’électricité et 32% pour la chaleur. Dans le secteur des transports, cet objectif est de 10%, mais est largement questionné au regard de la dépendance au pétrole de cette activité. En effet, les seules énergies de substitution à court terme pour ce secteur sont les agrocarburants de première génération, dont les gains éner-

PPééttrroollee 4411%%

GGaazz 2211%%

CChhaarrbboonn 55%%

NNuuccllééaaiirree 2211%%

RReennoouuvveellaabblleess 1122%%

PPaarrtt ddeess éénneerrggiieess ddaannss llaa ccoonnssoommmmaattiioonn ffiinnaallee eenn FFrraannccee

GAZ NON CONVENTIONNELS : UNE REPONSE A LA CRISE ENERGETIQUE ? L’apparition en Amérique du Nord de techniques d’exploitation des gaz non conventionnels a durablement changé la donne sur le marché de cette énergie. Alors que l’Europe se dirigeait vers un épuisement rapide de ses principaux gisements, notamment en mer du Nord, la possibilité d’un stock important de ressources en gaz non conventionnels, en France mais aussi en Europe de l’Est, interroge les enjeux énergétiques du XXIe siècle. A ce stade, les ressources exploitables dans des conditions économiques acceptables sont encore mal connues. De plus, la principale technique d’exploitation, la fracturation hydraulique pose de nombreuses questions relatives à son impact environnemental aussi bien sur les pollutions locales que sur les émissions de GES associées à cette énergie. En l’état, cette technologie n’est pas compatible avec les enjeux de la transition énergétique, ce qu’a confirmé le gouvernement lors de la conférence environnementale. Aujourd’hui, il n’est pas prouvé que des techniques d’exploitations respectueuses de l’environnement, et qui n’existent pas encore, soient viables économiquement, faisant de l’option de l’utilisation des gaz de schiste une hypothèse risquée. La priorité doit donc bien rester aux actions de maîtrise de la demande et au déploiement des énergies renouvelables.

Source : FNH, d’après SoeS et bilan de l’énergie en France 2011

Page 16: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 16

gétiques et en émissions de CO2 sont insignifiants, et dont l’impact sur l’agriculture et le prix des matières premières alimentaires est potentiellement dévastateur.

Mais afin de garantir la cohérence des politiques énergétiques en France, et d’assurer un développement harmonieux des énergies renouvelables dans le cadre d’une véritable transition énergétique, un volet spécifique concernant la programma-tion de l’offre énergétique doit être inscrit dans la loi de programmation de la transi-tion énergétique, en parfaite cohérence avec le premier volet concernant la pro-grammation de la maîtrise de la demande énergétique. Fixant des objectifs à moyen terme pour les renouvelables, et établissant des points d’étape tous les cinq ans, cette programmation permettrait de suivre avec précision l’intégration des énergies renouvelables dans notre mix énergétique, le niveau d’avancement de la sortie des énergies fossiles, et les investissements mobilisés dans chaque filière.

LE NUCLEAIRE EN FRANCE Lors de la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé à ramener la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité, contre plus de 75% aujourd’hui, et à fermer la centrale de Fessenheim en 2017. Ces engagements marquent la volonté de faire évoluer le mix électrique français. Cependant, pour la Fondation Nicolas Hulot, plusieurs points méritent une attention particulière sur la question du rôle du nucléaire en France.

L’objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité doit être atteint par la mise en place d’une politique de maîtrise de la demande, conduisant le cas échéant à fermer d’autres centrales au fur et à mesure de leur arrivée en fin de vie, en suivant avec précision les recommandations de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). La gouvernance de l’ASN doit être renforcée, pour y inclure de manière active la société civile et une expertise pluraliste, afin de lui permettre de formuler ses recommandations en toute indépendance. Dans le cadre du renforcement des exigences de sureté, une mission pluraliste devrait être mise en place pour évaluer les risques sanitaires de la filière MOX et les risques de sûreté du projet surgénérateur Astrid. Un audit de la filière EPR et de ses coûts futurs doit être conduit pour évaluer sa pertinence, à la fois dans le contexte français et comme filière d’export.

Ces éléments devraient permettre une reprise en main démocratique des grands choix en matière de politique énergétique, en éclairant le débat.

Propositions Construire la politique énergétique et notamment la loi de programmation de la transition énergétique en deux temps :

› Fixer les objectifs et priorités de maîtrise de la demande.

› Définir ensuite les stratégies d’offre et les énergies mobilisées.

Ce type de dispositif permettra de mettre enfin en cohérence les politiques publiques de l’énergie en France, en en faisant des politiques au service des besoins essentiels de tous, et en permettant aux actions de maîtrise de la demande et de réduction de la consommation de jouer à plein leur rôle dans la transition énergétique.

Page 17: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 17

» Les grands leviers de la transition énergétique

Mettre en œuvre la transition énergétique impliquera de savoir se servir des bons outils au bon moment. Pour assurer une réponse aux enjeux tout en garantissant l’implication de toutes les parties prenantes, le gouvernement devra ainsi mobiliser plusieurs leviers en même temps.

Faire évoluer la gouvernance de l’énergie

La construction de la politique énergétique française est encore réservée à une élite de décideurs politiques et économiques. De fait, elle se détache progressivement des attentes citoyennes et des réalités économiques et physiques. Les choix de court terme sont encore privilégiés, notamment en ce qui concerne la rentabilité des inves-tissements et les questions de pouvoir d’achat, en ignorant la vision globale des enjeux écologiques, sociaux et environnementaux. Ces éléments prolongent les tendances actuelles : croissance de la consommation, développement d’unités de production fondées sur les énergies fossiles…

Ce mode de gouvernance met donc à mal la capacité de résilience du système sur le long terme. Il nécessite d’être repensé : à ce titre, la France devra mener de front trois chantiers majeurs :

› assurer la réappropriation par le citoyen des grands choix énergétiques afin de reconnecter les enjeux de demande et d’offre ;

› réintégrer de manière pérenne l’ensemble des parties prenantes nationales et territoriales dans l’élaboration d’une stratégie nationale de consommation et de production énergétique ;

› mettre en cohérence les politiques européennes de l’énergie, principalement sur le volet de l’offre, et s’interroger sur l’opportunité de poursuivre ou de réorienter l’ouverture des marchés à la concurrence en vue de créer les con-ditions d’une transition énergétique optimisée du point de vue économique, social et environnemental.

Construire collectivement les orientations énergétiques de notre pays Les choix énergétiques de la France impactent de manière déterminante le mode et le niveau de vie des citoyens. C’est pourquoi, la stratégie énergétique française doit être définie en accord avec les aspirations sociales, économiques et environnemen-tales de la population française et des différentes parties prenantes. A ce titre, le mode de gouvernance et de définition actuel de l’énergie en France, qui résulte prin-cipalement d’un dialogue entre le gouvernement et les producteurs n’est plus adé-quat. Les grandes orientations impactant les consommations d’énergie comme la produc-tion sont rarement débattues collectivement. Le citoyen, comme le consommateur, « subit » les politiques énergétiques nationales et le lien entre consommation et production n’est que rarement fait. Pourtant, les enjeux énergétiques et climatiques de notre époque impliquent une modification en profondeur de nos modes de vie qui ne pourra pas se faire sans la participation active de l’ensemble des citoyens, et plus généralement de tous les acteurs (industriels, économiques, de la société civile). C’est la condition sine qua none pour mettre en œuvre une transition énergétique

Page 18: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 18

véritablement efficace, et permettre un changement adéquat de nos valeurs, de nos comportements, de nos modèles de société et de croissance économique.

Ainsi, il est indispensable de réintégrer non seulement le citoyen dans la construc-tion de la politique énergétique française, mais plus globalement l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le système énergétique français. Ainsi, la société civile, les syndicats salariés et patronaux, les installateurs et artisans, ainsi que les acteurs économiques dont les activités sont directement liées à l’énergie (notam-ment dans le secteur du bâtiment et du transport) doivent pouvoir prendre part à la construction de la stratégie énergétique dans son ensemble.

Simplifier le cadre législatif de la politique énergétique en France La gouvernance énergétique en France est caractérisée par une hyper centralisation de la prise de décision. L’imbrication de plusieurs exercices législatifs et réglemen-taires (code de l’énergie, loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, Grenelle de l’Environnement, code minier, PPI et PIP, réglementations diverses) rend difficile l’appropriation par les acteurs non initiés et met à mal la cohé-rence entre les objectifs et les moyens déployés. Le Grenelle de l’Environnement a tenté d’ouvrir la gouvernance, notamment en associant d’autres parties prenantes aux différents processus et outils existants, mais cet effort n’a visiblement pas en-core véritablement abouti. On note également un certain progrès avec l’apparition de nouveaux acteurs, tels que le médiateur de l’énergie, à l’interface avec le citoyen. Mais cela reste insuffisant : malgré la vingtaine de débats sur l’énergie engagés ces 30 dernières années, le citoyen reste encore trop absent des politiques énergétiques. La Fondation Nicolas Hulot recommande de repenser en profondeur le mode de définition législatif de la politique énergétique française, en simplifiant les étapes pour en permettre une meilleure compréhension par les citoyens, et en proposant un texte unique dans lequel doivent être mis en lien les objectifs stratégiques et les moyens déployés pour les atteindre. Ce processus doit laisser la place à l’ensemble des acteurs, avec un effort de décentralisation vers les collectivités territoriales, tant sur la production et la distribution énergétique, que sur les solutions locales de maî-trise de la demande énergétique.

6 CONDITIONS DE REUSSITE DU DEBAT SUR L’ENERGIE Prendre le temps, c’est-à-dire éviter un débat mené dans la précipitation sur une période de réflexion trop courte pour permettre l’appropriation et la consultation collective ; Garantir à tous la transmission d’une information accessible et de qualité ; Respecter la transparence tout au long du processus ; Garantir une expertise transparente, pluraliste et multi-acteurs ; Aboutir à une décision politique, afin d’inscrire dans la loi les décisions prises collectivement.

Page 19: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 19

Un processus régulier de construction collective des choix énergétiques doit être déployé en France, permettant la consultation et la participation active de l’ensemble des parties prenantes. A la suite du lancement de ce processus, dont les règles ont été fixées par la Conférence environnementale, la Fondation Nicolas Hulot appelle à la construction d’une loi de programme fixant les orientations de la politique énergé-tique constituée de deux volets égaux en droit correspondant, d’une part à la maî-trise de la demande énergétique, d’autre part à l’offre énergétique associée. Ces deux volets doivent également contenir dans les textes les outils de mise en œuvre associés, notamment réglementaires et fiscaux, indispensables pour amorcer la tran-sition énergétique. Cette loi globale sur la transition énergétique, remettant sur un pied d’égalité la demande et l’offre énergétique, servira de base à la définition des programmations pluriannuelles d’investissements, qui devront désormais porter autant sur l’électricité, le gaz et la chaleur, que sur la maîtrise de la demande.

Repenser la politique énergétique européenne Le système énergétique français se déploie dans un contexte d’interconnexion avec nos voisins européens, et plus généralement en relation avec l’ensemble des pays du monde, dont les principaux pays exportateurs d’hydrocarbures. La politique énergé-tique française ne peut donc pas être déconnectée de la géopolitique environnemen-tale et énergétique. Elle se doit d’être en cohérence avec l’ensemble des règles inter-nationales assurant une bonne gestion du système énergétique mondial et notre sécurité d’approvisionnement.

Dans ce contexte, l’Europe a besoin d’une politique énergétique forte et cohérente, aussi bien sur les infrastructures de production et de distribution qu’en matière de réduction des consommations. Or, malgré quelques directives et quelques chantiers de recherche, l’Europe n’a pas de politique commune de l’énergie. Dans l’ensemble des secteurs, de l’industrie à la mobilité en passant par la production d’électricité ou encore le secteur du bâtiment, il faut plus de cohérence entre les niveaux européen, national et territorial, pour garantir la mise en place d’orientations en accord avec les aspirations sociales, économiques et environnementales des citoyens.

Propositions Elaborer une loi d’orientation nationale sur l’énergie fixant, outre les grands objectifs en matière de lutte contre le changement climatique :

› Des éléments de programmation plurianuelle de maîtrise de la demande d’énergie

› Des éléments relatifs au cadre fiscal et tarifaire à moyen terme pour encadrer l’évolution de la fiscalité écologique

› Des objectifs d’évolution du mix énergétique, notamment électrique, reprenant les anciens exercices des PPI chaleur et électricité et de la PIP Gaz.

Page 20: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 20

Fiscalité écologique : agir sur les comportements et mobiliser l’investissement privé pour la transition

La fiscalité écologique constitue un levier essentiel de la transition écologique, et en particulier dans le secteur de l’énergie. Pourtant, elle représente aujourd’hui seule-ment 4,16% des prélèvements obligatoires, et la France se situe au dernier rang eu-ropéen en la matière. La Conférence environnementale a confirmé la nécessité d’avancer sur ce chantier et le Premier ministre a fixé dans son discours du 15 sep-tembre un cap : rejoindre a minima la moyenne européenne (6,19% des prélève-ments obligatoires). Concrètement cela signifie une augmentation de plus de 16 milliards d’euros des prélèvements écologiques.

Suite à la Conférence environnementale, le Premier ministre a par ailleurs confirmé la création d’une commission pérenne de suivi et de propositions pour la fiscalité écologique. La feuille de route issue de la Conférence environnementale détermine assez précisément les objectifs de cette commission mais le gouvernement doit au plus tôt définir ses missions exactes et son mode de fonctionnement. En effet, la commission doit pouvoir travailler en amont de la réforme fiscale globale prévue pour 2013.

LA LIBERALISATION DU MARCHE DE L’ENERGIE AU NIVEAU EUROPEEN Amorcée en 1996 et concrétisée en 1999, la libéralisation du marché de l’énergie (électricité et gaz) en Europe a pour objectif de mettre en place un grand marché intérieur de l’énergie. Il est supposé assurer la sécurité d’approvisionnement à l’échelle européenne, à un prix abordable pour tous les consommateurs et dans le cadre d’une concurrence non déloyale. Cette ouverture à la concurrence se concrétise par une liberté du choix de son fournisseur énergétique par le consommateur, une liberté d’établissement par les producteurs, le droit d’accès équitable et transparent pour tous les utilisateurs au réseau de transport et de distribution de l’énergie, et enfin la mise à disposition par EDF de l’électricité produite à base de nucléaire aux autres fournisseurs d’énergie. Mais le marché intérieur de l’énergie peine à se mettre concrètement en place. En France, sa mise en œuvre est problématique : en effet, la France dispose du prix de l’électricité le plus bas d’Europe, lié à l’héritage des choix nucléaires. Dans ce cadre, l’Etat a choisi de maintenir des tarifs réglementés, ce qui constitue une entorse importante aux règles de libre concurrence. En dé-corrélant le prix de l’électricité des prix de marché, et parce que des choix politiques freinent la hausse structurelle du prix de cette énergie, un décalage important apparaît entre les réalités économiques à l’échelle régionale et les pratiques françaises. Cette situation freine la mise en place de la transition énergétique, en envoyant aux acteurs économiques (ménages et entreprises) des signaux contradictoires avec la réalité d’une hausse des prix de l’électricité que connaissent l’ensemble des régions du monde. Par ailleurs, il est légitime de s’interroger aujourd’hui sur le principe même de cette libéralisation. Car si elle a eu des vertus évidentes notamment pour encourager le développement des énergies renouvelables, elle interroge la capacité du politique à réguler un secteur stratégique aussi bien en matière de compétitivité que d’environnement, ainsi qu’à garder la maîtrise de la politique fiscale de l’énergie. L’échec communautaire en matière de fiscalité sur l’énergie, illustré par les blocages récurrents sur les projets de directives en discussion, montre les limites des régulations communautaires.

Page 21: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 21

Déployer une fiscalité écologique incitative Une fiscalité écologique incitative, contribuant à intégrer un signal-prix sur l’énergie, est un levier essentiel pour orienter efficacement les comportements et les investis-sements des agents économiques (ménages et entreprises) vers une consommation plus responsable et maîtrisée. Les dispositifs de type bonus malus sur les consom-mations et les investissements en fonction de critères écologiques présentent à ce titre un certain intérêt. Pour ne pas peser plus sur la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages dans un contexte d’austérité et de ralentissement économique, le dévelop-pement de la fiscalité écologique peut faire l’objet de contreparties pour les « per-dants » qui subissent les malus. En outre, les dispositifs doivent être autant que pos-sible simples, lisibles et prévisibles sur le moyen terme.

PART DE LA FISCALITE ECOLOGIQUE DANS LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES EN EUROPE

Source Eurostat

En %

des

pré

lève

men

ts o

blig

atoi

res

Page 22: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 22

BONUS MALUS SUR L’ENERGIE

Le Parlement se prononce en ce moment sur la proposition de loi « pour préparer la transition vers un système énergétique sobre » qui propose la mise en place d’un bonus malus sur l’énergie. Cette proposition consiste à faire payer moins cher une certaine quantité d’énergie (électricité et gaz pour l’instant) pour en contrepartie faire payer plus cher les kWh qui dépasseraient un volume de base fonction de la localisation du logement, du nombre de personnes dans le ménage, de la présence de certains équipements voire de l’âge des occupants. Cette proposition est écologique puisqu’elle instaure un signal-prix sur les consommations non maîtrisées d’énergie, ce qui permet d’améliorer la rentabilité des investissements pour réduire la consommation (rénovation thermique, appareils performants, etc.) sans faire augmenter globalement la facture. Elle s’est montrée efficace dans d’autres Etats, par exemple en Californie où elle a contribué à la stabilisation de la consommation :

Source : Agence de l’information sur l’énergie des Etats-Unis

Elle doit cependant surmonter plusieurs écueils :

Garantir une visibilité à long terme sur les taux de bonus malus et les volumes de base pour fiabiliser les investissements. Intégrer à terme les autres types d’énergie. Traiter de manière satisfaisante les cas des locataires et des immeubles chauffés collectivement. Proposer des solutions d’accompagnement aux ménages grâce à la création d’un service public de la performance énergétique de l’habitat. Instaurer un chèque énergie pour ne pas aggraver les situations de ménages en précarité énergétique parce que vivant dans des passoires thermiques.

Page 23: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 23

Il n’est aujourd’hui plus possible de continuer à évaluer les entreprises, les biens et les services à l’aune de critères financiers, sans considérer que l’ensemble de notre économie repose sur un capital naturel en érosion constante. D’autres instruments de politique économique devront être mis en œuvre, mais des mécanismes écolo-giques d’incitation sur la fiscalité de l’épargne permettraient de réorienter les inves-tissements non seulement au sein des secteurs vers les technologies les plus effi-caces mais aussi entre secteurs d’activités. Cette incitation pourrait prendre la forme d’un bonus malus sur la fiscalité des revenus de l’épargne fonction de critères écolo-giques. Cette fiscalité détermine souvent l’allocation de l’épargne. Aujourd’hui celle-ci est orientée sans discrimination vers les plus grands groupes cotés, et donc indi-rectement vers l’extraction de combustibles fossiles qui pèse entre 10 et 15% au sein des indices boursiers (contre moins de 0,5% pour les énergies renouvelables). Cette mesure, complémentaire des outils d’investissements publics comme la banque de la transition écologique pourrait faire baisser le coût du capital pour les investisse-ments nécessaires à la transition écologique et imposerait plus de transparence.

Donner un vrai prix au carbone et à l’énergie La transition énergétique implique ainsi, au-delà des questions économiques et fi-nancières, une mutation de l’ensemble de notre système économique afin de pren-dre en compte la raréfaction des ressources naturelles, notamment non renouve-lables, dans la fixation des prix. Dans ce but, la France devra mettre en place de nouveaux outils de fiscalité budgétaire et se concentrer, dans un premier temps, sur la proposition d’une Contribution Climat Energie économiquement, socialement et juridiquement acceptable.

La Fondation Nicolas Hulot propose de mettre en place dans la loi de finance 2014 une Contribution Climat Energie, non additionnelle mais substitutive, d’un montant de 32€ par tonne de CO2. Cette contribution, sous le format prévu par le rapport de Michel Rocard à l’issue de la conférence de consensus d’experts de 2009 devrait générer des recettes avoisinant les 8 milliards d’euros par an et peser de manière

Propositions › Orienter l’épargne des ménages vers les investissements dans la transition écologique, et

notamment la rénovation thermique des logements.

› Elargir les dispositifs de bonus malus à l’ensemble des énergies.

› Mettre en place un chèque énergie pour les ménages les plus pauvres, tout en accompa-gnant ces dispositifs d’un effort massif de rénovation des logements.

RENFORCER LE SYSTEME EUROPEEN D’ECHANGES DES QUOTAS En complément des mesures fiscales visant les émissions diffuses, il est nécessaire d’ajuster le système européen d’échange de quotas d’émissions. L’évolution du prix du carbone au cours des 5 dernières années montre en effet que le signal prix est désormais trop faible pour réorienter les industriels vers les technologies bas carbone. L’Union Européenne travaille aujourd’hui à différentes mesures permettant de renforcer le prix du carbone :

Le retrait d’un certain nombre de quotas de la période 2012-2020, afin de faire croître le prix du carbone L’annonce d’objectifs 2030 et 2040 en matière de réduction d’émissions de GES, afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques dans leurs choix d’investissements

Ces deux mesures doivent être soutenues par la France pour agir de manière cohérente et complémentaires

Page 24: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 24

équivalente sur les ménages aussi bien que sur les entreprises non soumises au système européen d’échange de quotas d’émissions. Elle devra être progressive, et pourrait atteindre en 2020 le taux de 70 à 100€ par tonne de CO2 émise. Les ménages devront pouvoir bénéficier de mécanismes de soutien à la réduction des consomma-tions d’énergie : crédits d’impôts avec conditions de revenus, rénovation thermique prioritaire sous condition de ressources et du niveau énergétique des bâtiments, etc. Des mécanismes de redistribution spécifiques pourront également être développés pour les plus modestes. Pour les entreprises des dispositifs de soutien transitoire notamment en termes de reconversion professionnelle et formation devront être mis en place afin de ne pas mettre à mal l’activité économique et d’accompagner l’effort de décarbonisation des activités économiques diffuses.

Réorienter les subventions allouées aux secteurs polluants vers les activités de la transition énergétique Enfin, aujourd’hui, comme en témoignent les récentes analyses du Centre d’analyses stratégiques (CAS), les rapports Sainteny et Bricq, notre système fiscal encourage à la surconsommation de ressources et à la pollution. Chaque année, plus de 6 mil-liards d’euros sont accordés par le gouvernement français aux secteurs énergétiques les plus polluants, et tout particulièrement dans le transport, sous forme de subven-tions et exonérations diverses. Ces subventions nocives pour l’environnement vont à l’encontre du principe pollueur-payeur, et mettent à mal l’atteinte de nos objectifs climatiques et environnementaux. Ces niches fiscales ou subventions domma-geables à l’environnement, en maintenant un avantage compétitif aux secteurs les plus polluants, freinent l’essor des secteurs d’avenir, véritables viviers d’emplois pour les années futures.

La FNH et d’autres acteurs du monde as-sociatif demandent donc au gouvernement de supprimer progressivement ces niches avec l’objectif minimal de les réduire de moitié d’ici à la fin du quin-quennat. Le gouvernement pourra s’appuyer sur les propositions que lui fera la commission de suivi de la fiscalité écologique sur la base des rapports et des études d’impact existants. Ces pro-positions devront là aussi prendre en compte les problématiques de compéti-tivité sectorielle, de transition profes-sionnelle et de pouvoir d’achat pour imaginer des procédures d’accompagnement.

Propositions › Mettre en place dans le projet de loi de Finance 2014 une Contribution Climat Énergie d’un

montant de 32€ par tonne de CO2, applicable aux ménages et aux entreprises non sou-mises à l’ETS européen, et progressivement croissante dans le temps.

› Accompagner ce nouvel instrument de fiscalité de dispositifs d’aides pour les ménages les plus précaires, ainsi que pour les entreprises vulnérables.

Propositions › Diviser par 2 les subventions à la pollu-

tion d’ici 2017, incluant notamment :

› La réduction du tiers de la défiscalisa-tion des agrocarburants en 2013, et la fin totale des subventions fin 2014 pour cette filière.

› La réduction d’un tiers de l’exonération sur le kérosène aérien en 2013, et la fin totale de l’exonération fin 2015.

› La réduction de exonérations de taxe sur les raffineries, pour un montant de 40 millions d’Euros en 2013.

› Le suivi de cette mesure pourrait être assuré par une Commission de Suivi et d’Evaluation de la Fiscalité écologique.

Page 25: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 25

Mobiliser l’investissement public

L’investissement public est un levier essentiel à mobiliser : même si notre fiscalité et la réglementation étaient orienté pour modifier les comportements des acteurs con-sommateurs et producteurs dans le sens de la transition énergétique, cela ne suffirait pour deux raisons principales. D’une part, ces mesures prendront du temps à être mises en place et à produire des effets. D’autre part, elles seront inacceptables socia-lement car une bonne part de nos comportements consommateurs de ressources sont contraints. Les consommations d’énergie dépendent de la structure de l’urbanisme, de la « qualité » du logement ou de la disponibilité de modes de trans-ports alternatifs… Renchérir le prix de l’énergie sans donner en parallèle aux acteurs les moyens de réduire leur dépendance aurait des conséquences économiques et sociales lourdes. C’est pourquoi, un plan d’investissement volontaire et massif dans les projets de la transition énergétique est nécessaire. Notre économie ne deviendra donc durable que si ses infrastructures le permettent.

Des besoins d’investissements colossaux L’évolution des différentes infrastructures de production et de consommation d’énergie implique des investissements conséquents. Qu’il s’agisse du développe-ment des énergies renouvelables, de l’isolation des logements ou encore des infras-tructures de transport collectif, ce sont plusieurs dizaines de milliards qui devront être mobilisés annuellement pour permettre une réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre.

A titre d’exemple, la rénovation des 400 000 logements annuels prévue dans la loi Grenelle a un coût d’investissement additionnel d’au moins 10 milliards d’euros par an. Les énergies renouvelables, et notamment l’éolien off-shore et le solaire photo-voltaïque, qui n’ont pas encore atteint la parité réseau, présentent des besoins de financement de l’ordre de 2 à 3 milliards par an, aujourd’hui à la charge du consom-mateur (via la CSPE). Le réseau de transport d’électricité en France devrait pour sa part demander 10 milliards d’euros d’investissement d’ici 2020, dont 1 milliard d’euros pour l’intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique fran-çais, et les 9 milliards restants consacrés à la rénovation du réseau et l’amélioration de l’interconnexion avec le réseau européen. Dans le contexte actuel de difficultés économiques, il est nécessaire de provoquer un électrochoc par le biais d’investissements permettant à la fois de lancer ces chantiers et de dynamiser l’emploi dans ces secteurs d’avenir.

Ce plan d’investissement dans la transition écologique est indispensable pour sortir des difficultés économiques et éviter un effondrement social. Les commandes géné-rées créeront de l’activité, de l’emploi, et donc une hausse des recettes fiscales. Cela permettra de réduire les déficits puis d’amorcer le désendettement participant ainsi au rééquilibrage des forces entre les Etats et les marchés. Elles contribueront à une nécessaire ré-industrialisation et au renforcement de l’innovation et de la recherche dans les secteurs d’avenir. Ce plan aura, en plus, un effet positif sur la balance com-merciale française et européenne en réduisant en particulier nos importations d’énergie. Pour les énergies renouvelables électriques et la rénovation thermique, ce plan d’investissement devra impérativement s’accompagner d’une politique indus-trielle ambitieuse, assurant le développement des entreprises, filières et compé-tences nécessaires.

Page 26: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 26

Mobiliser la création monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) Les investissements de la transition énergétique ne sont pas financés aujourd’hui. En effet, ils ne présentent pas toujours les caractéristiques de rentabilité exigées par les acteurs financiers. Ils sont généralement rentables sur le long terme, car ils permet-tent d’importantes économies sur la facture énergétique, mais impliquent souvent une mise de départ conséquente et ont un retour sur investissement dépassant la dizaine d’années. Les marchés financiers ne s’intéressent donc pas à ces investisse-ments : temps de retour sur investissement trop long pour ces acteurs orientés vers le très court terme, rendements trop faibles face aux exigences des marchés. Du côté du secteur public, les Etats paralysés par leurs dettes n’ont plus les moyens d’investir et doivent emprunter à des taux de plus en plus élevés.

Afin de financer le plan d’investissement de la transition, la FNH propose donc de recourir à des méthodes non conventionnelles en mobilisant la création monétaire de la BCE. Le mécanisme le plus simple de financement de ce plan consisterait à autoriser la BCE à avancer les moyens nécessaires aux Etats dès lors qu’ils sont bien affectés au programme de transition. Mais ceci nécessiterait de modifier le traité de Lisbonne, dans un sens probablement non négociable avec l’Allemagne et difficile à faire accepter par les dirigeants de la BCE. Le temps est compté. Les économistes de la FNH ont trouvé une solution technique permettant de lancer le plan sans attendre : utiliser pour des banques publiques (BEI pour les infrastructures européennes, Caisse des Dépôts ou Banque Publique d’Investissement en France) les « mesures non conventionnelles » utilisées par la BCE depuis le début de la crise pour apporter des liquidités aux banques commerciales. Les banques publiques prêteraient ensuite ces liquidités à des taux d’intérêts proches de zéro pour financer les projets de transi-tion.

Le système serait strictement encadré afin de garantir que les financements obtenus soient bien utilisés pour les projets de transition. Seules des agences publiques d’investissement seraient habilitées à recevoir ces financements. Elles appliqueraient des critères objectifs et précis, devraient rendre compte de leur utilisation devant le Parlement avec la plus grande transparence, et seraient soumises au contrôle de la Cour des comptes.

Ce renouveau de la politique monétaire doit, bien sûr, s’accompagner d’un encadre-ment des excès manifestes de la finance de marché. Il s’agit de changer les contre-parties de la masse monétaire : passer de la création monétaire quasi exclusivement privée à la création monétaire pour les projets d’intérêt général.

LES EMPLOIS DANS UNE ECONOMIE SOBRE EN CARBONE Récemment, plusieurs études se sont intéressées aux effets sur les emplois d’une augmentation de l’objectif de réduction des émissions de GES au niveau européen. Elles convergent toutes pour conclure que l’impact sur l’emploi serait positif. Ainsi, dans le cadre de la transition énergétique, les emplois créés aussi bien dans les énergies renouvelables, que dans les nouvelles technologies, la maîtrise de la demande, et sur les grands chantiers prioritaires tels que la rénovation du parc de bâtiments existants, sont généralement plus riches que les emplois existants actuellement dans les filières intensives en carbone. Les estimations tablent ainsi sur 180 000 à 700 000 emplois nets équivalent temps plein au sein de l’Union européenne d’ici 2020. Un récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail « Working towards sustainable development : opportunities for decent work and social inclusion in a green economy » (2012) a déjà souligné que le contenu en emploi dans les seules énergies renouvelables avait doublé dans la filière depuis 2007 : 5 millions aujourd’hui contre 2,3 millions en 2007 (UNEP, 2011), toujours au sein de l’UE.

Page 27: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 27

Normes et règlements

Les normes peuvent se définir comme l’ensemble des pratiques politiques visant à proscrire par la loi (et ses équivalents ou dérivés) certains comportements : elles les structures en imposant ou interdisant certaines actions, et en faisant peser la menace d’une sanction en cas de non-respect. Elles permettent ainsi de définir un cadre à l’effort et de consolider des engagements, ainsi que d’assurer une cohérence dans le cas de normes définies au niveau européen ou international. L’Union européenne est d’ailleurs à l’origine de 80% des règlements qui s’imposent en France en matière d’environnement.

En matière d’énergie, les normes européennes concernent principalement l’efficacité énergétique, que ce soit dans les transports, le bâtiment, ou encore la consommation des appareils électriques. Elles prennent souvent la forme d’une directive cadre, à transposer par les Etats membres, fixant des objectifs précis et les moyens de les atteindre. Ainsi, nous devons à l’UE les normes sur la consommation des appareils électroménagers, mais aussi sur les voitures individuelles et la consommation des bâtiments. Les normes comportent plusieurs avantages :

› Sur des sujets dont le périmètre est cerné et limité, elles constituent l’action la plus simple à mettre en œuvre, car elles font évoluer le comportement qui pose problème en imposant une généralisation de la solution. Ainsi, pour les utilisateurs, les normes sur les émissions des véhicules ou encore sur l’électroménager sont diffusées automatiquement, sans coût direct ni obs-tacle auprès des consommateurs. Elles nécessitent cependant pour un fonc-tionnement optimal, d’être bien calibrées, amenées de manière prévisible et cohérentes entre elles.

› Leur coût de mise en œuvre est relativement modeste, mais les normes doi-vent impérativement s’accompagner d’un mécanisme de contrôle pour en assurer le suivi, et d’un dispositif de sanctions. C’est sur ce volet que des coûts important de mise en œuvre peuvent parfois survenir.

› Elles s’appliquent à tous, uniformément, et sont donc en ce sens a priori un instrument juridique neutre socialement. En effet, généralement, personne ne se rend compte de leur entrée en vigueur, à l’exception des acteurs éco-nomiques qui peuvent en ressentir l’impact sur leurs coûts de production. Elles sont donc plutôt un instrument de justice sociale dans la mesure où elles permettent à tous de bénéficier d’un certain niveau de progrès tech-nique, pour une contrainte identique.

Néanmoins, la mise en place de normes peut aussi entraîner des hausses de prix, soit parce qu’elles induisent un renchérissement des coûts de production, soit parce qu’elles peuvent créer un effet d’aubaine lorsque certains acteurs économiques, profitant d’une position dominante, peuvent imposer leurs prix aux consommateurs.

Propositions › Créer une Banque de la transition écologique pour investir dans la transition énergétique

› Mobiliser la création monétaire de la BCE pour engager les grands chantiers dans le sec-teur du logement, du transport et des énergies renouvelables.

Page 28: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 28

Par ailleurs, et dans le contexte actuel de crise économique et financière, les normes constituent un outil de sortie de crise intéressant, puisqu’elles sont moteurs d’innovation et d’emploi. En effet, la créativité peut être mobilisée par la contrainte, à condition que des investissements adéquats soient consacrés au financement de la R&D. C’est ce qu’illustre le choix du gouvernement d’accélérer la recherche sur les véhicules consommant moins de 2 litres au 100 d’ici 2022.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la transition énergétique, la FNH recommande au gouvernement français d’utiliser l’outil réglementaire, en construisant des normes solides et cohérentes sur certains sujets spécifiques dans les secteurs les plus con-sommateurs d’énergie tels que le bâtiment ou le transport. L’accélération de l’efficacité énergétique notamment nécessite des normes spécifiques qui encourage-ront l’innovation et installeront durablement des produits et équipements plus éco-nomes en énergie. Tous ces règlements et normes devront s’intégrer dans une stra-tégie globale, assurant une bonne visibilité aux acteurs, et une adaptation rythmée des activités et des industries. Cette prévision de l’évolution des réglementations constitue une des conditions centrales pour assurer le bon fonctionnement de cet outil. Sur ces dossiers, qui sont presque tous d’ordre européen, la France doit jouer un rôle moteur, afin d’entraîner l’Union européenne.

LES PRINCIPALES DIRECTIVES EUROPEENNES EN MATIERE D’ENERGIE La directive efficacité énergétique, en cours d’adoption prévoit de nombreux dispositifs pour parvenir à l’objectif de réduction de 20% des consommations par rapport au scénario tendanciel. Rénovation des bâtiments publics, évolution du modèle économique des fournisseurs d’énergie, information des consommateurs (ménages et entreprises) devraient permettre de renforcer l’action de l’UE en faveur de l’efficacité énergétique. La directive Eco-design concerne les appareils consommateurs d’énergie, mais aussi les matériaux d’isolation thermique des logements. Elle impose des niveaux de performance aux acteurs, et est en cours de révision. La législation relative aux véhicules particuliers implique non seulement l’information des acheteurs de véhicules, par l’affichage obligatoire des consommations, mais fixe aussi des objectifs de performance exprimés en gramme de CO2 par kWh, pour les ventes de véhicules neufs. Les objectifs pour 2020 sont actuellement en cours de définition. La directive sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en 2010, fixe des objectifs communautaires en matière de construction neuve, se rapprochant des objectifs adoptés en France suite au Grenelle de l’Environnement. Elle s’intéresse aussi aux mécanismes financiers pour soutenir la rénovation des bâtiments anciens.

Propositions › Encourager et accélérer au niveau européen le renforcement des normes de performance

énergétique, notamment dans le domaine de l’automobile et celui des appareils électro-ménagers.

Page 29: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 29

» Les chantiers de la transition énergétique

La rénovation des logements

Aujourd’hui, le secteur du bâtiment est responsable de 20% des émissions de GES et de 43% de la consommation d’énergie finale française. Alors que les émissions de GES françaises doivent être réduites a minima par 4 d’ici à 2050, le bâtiment est un gisement prometteur et la réduction des consommations du parc bâti prioritaire. Le Grenelle a fixé l’objectif d’une réduction de 38% de la consommation d’énergie du parc d’ici à 2020. Sur un autre plan, la lutte contre la précarité énergétique dans le logement, qui touche 8 millions de personnes, doit être un des objectifs de la transi-tion énergétique dans ce secteur.

Sources : Ceren, Ademe

!" #!!!" $!!!!" $#!!!" %!!!!" %#!!!"

&'(()*+,"-.*)/0"

&'(()*+,"1/*2)/"

3425'/"-.*)/0"

3425'/"4/*2)//)"

!"#$"%%&'"#(%")*##*(+&,(-$&.*(/-(+&,0(,1$2/*#'*3(*#(1#*,.2*(4#&3*(

5$&.*$($+10246-*$(

0-2$$"#(

*&-(07&-/*(

07&-8&.*(

Source : CEREN

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Chaleur

Bois

Electricité

Gaz

Pétrole (yc GPL)

Charbon

1973 19811977 1985 1989 1993 20011997 2005 2008

*

2008 : 42 Mtep

Consommation finale du secteur résidentiel

En kWh/an

En M

tep

Page 30: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 30

Accélérer la construction de logements passifs Dans le résidentiel neuf, le Grenelle a mis en œuvre une rupture technologique avec la généralisation des constructions à des niveaux ambitieux de performance énergé-tique (50kwhep/m2 et par an dans la RT 2012) et a permis de stabiliser la consomma-tion moyenne du parc résidentiel. L’application de la norme RT 2012, anticipée à 2010 pour les bâtiments publics et tertiaires, s’appliquera à tous les logements début 2013. En 2020, les bâtiments neufs devront a minima être neutres en énergie et pour certains produire plus qu’ils ne consomment. Ces engagements constituent sans nul doute l’une des grandes avan-cées du Grenelle. Les professionnels du bâtiment sont les premiers à avoir engagé la transition en se formant rapidement à de nouvelles pratiques et à l’usage de nou-veaux matériaux. Grâce à ces efforts, le défi du surcoût a été relevé avec succès par la filière. Quelques progrès restent à faire sur le contrôle du respect des normes RT dans le résidentiel en particulier à cause de malfaçons dans la réalisation (mauvaise étanchéité à l’air), et sur le bon usage de ces bâtiments par leurs habitants. La démarche employée pour le neuf a mobilisé les différents leviers de la transition énergétique permettant d’abord d’améliorer les retours sur investissements (réduc-tion progressive des coûts de construction) et les capacités d’investissements (aides publiques) avant d’aboutir à une obligation normative. Ce processus est un exemple à suivre d’urgence dans l’existant.

En effet, le taux de renouvellement « naturel » du parc bâti est très faible, environ 1%, et ce sont les bâtiments anciens qui consomment le plus d’énergie et qu’il est urgent de rénover. Le Grenelle prévoit la rénovation thermique de 400 000 logements par an à compter de 2013 mais sans fixer d’objectif concret en termes de consomma-tion. La loi prévoit aussi une rénovation des logements sociaux les plus vétustes pour les porter à 150 kWhep/m2/an ainsi que des incitations puissantes pour la réno-vation dans le parc privé. Ces objectifs sont insuffisants.

La rénovation des logements anciens Le Gouvernement a confirmé lors de la Conférence environnementale l’objectif de porter 1 million de logements annuellement à des niveaux élevés de performance thermique. Il faut donc tout mettre en œuvre dès aujourd’hui pour atteindre cet ob-jectif ambitieux.

Pour cela, il faudra instaurer pour tous les logements anciens individuels et collectifs les plus consommateurs (étiquettes énergies I/H/G/F : 24% du parc d’après l’ANAH) un droit à la rénovation énergétique dès 2013 et une obligation de rénovation à la cession / relocation dans l’objectif de les porter au niveau d’exigences du label BBC Rénovation (80 kWh/m2/an) d’ici à 2022.

Cela signifie concrètement d’engager la rénovation de 7,5 millions de logements en 10 ans pour les amener à une consommation de 80 kWhep/m2/an modulée selon le climat pour le chauffage, l’eau chaude, l’éclairage, la ventilation et la climatisation des logements.

Propositions pour le logement neuf › Rendre le test de la porte soufflante obligatoire pour s’assurer de la qualité thermique des

travaux de construction et de rénovation des logements.

› Poursuivre le travail engagé par le Plan Bâtiment Grenelle pour accélérer la prochaine étape : bâtiments positifs en énergie en 2020.

› Formations du public au bon usage d’un logement BBC.

Page 31: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 31

Par ailleurs, la filière bâtiment devra se développer pour atteindre d’ici 3 ans un rythme d’1 million de logements rénovés par an en créant de nouveaux emplois, en particulier de nouveaux métiers dédiés à la rénovation énergétique.

Ces rénovations doivent être menées progressivement en commençant en priorité par les bâtiments les plus consommateurs. Techniquement les professionnels sont capables d’atteindre de tels niveaux de performance dès aujourd’hui. Un processus en deux temps, avec une étape intermédiaire à 150 kWhep/m2/an, telle que celle pré-vue pour les logements sociaux, ne ferait qu’augmenter le coût global de rénovation du parc. Dans le cas des bâtiments à propriétaire unique, l’obligation de rénovation à la cession ou à la relocation du bien ne doit pas entraîner de paralysies du marché immobilier. Il faut donc l’assortir d’une incitation forte à la rénovation à ce moment précis (bonus malus sur les droits de mutation) assortie éventuellement d’une poli-tique de taxation sur les logements vacants. Dans le cas des bâtiments en copropriété, en particulier des logements collectifs, il faut prévoir des mécanismes intelligents qui permettent une rénovation globale et éviter des actions au coup par coup, en particulier en profitant du moment du rava-lement des façades pour améliorer la rentabilité de l’opération. Des obligations de provisions de charges pour rénovation thermique peuvent permettre d’accompagner le financement de ces opérations. Concernant les propriétaires non occupants, le coût de la rénovation peut s’amortir par la revalorisation consécutive du loyer.

CREER UN SERVICE PUBLIC DE LA PERFORMANCE ENERGETIQUE DE L’HABITAT Il est indispensable de simplifier l’accès à l’information et aux aides pour accompagner efficacement les ménages dans la rénovation de leur patrimoine immobilier. En effet, les Espace Info Energie par exemple ne sont connus que de 25% des ménages et leur consultation entraîne rarement un passage à l’acte. Ce service public, qui devra être présent sur tout le territoire, fédérera tous les organismes existants en un guichet unique de la rénovation énergétique. Il devra pouvoir intervenir directement au domicile des ménages pour plus d’efficacité.

Source : TNS SOFRES

Page 32: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 32

!"#

$"#

!"#

%"#

&"#

%"#

'"#

'"#

("#

$"#

)*"#

'&"#

)%"#

)("#

'$"#

'+"#

''"#

'!"#

))"#

))"#

'$"#

''"#

''"#

)'"#

)!"#

&("#

!$"#

%%"#

)'"#

)("#

!"# $!"# %!"# &!"# '!"# (!"# )!"# *!"# +!"# ,!"# $!!"#

-./-012-#3-/#4567689#

4567689#:&!!!;#

4567689#3-#&!!$#<#*(!!;#

=567689#3-#*(!$#<#$(!!!;#

4567689#>$(!!!;#

,-./012#342#56051/7862#96/605:;42#2<;#=/#3>052586#34#;>/=524;#342#1;/?/<@#

?817-.@A./#

BCADE=F#

G5H3I4#3JI0KL4/#

HK65M.-N#OH5I46M-#

K5P4#16.C6I5-#

5-7-.8/#CA856.4/#

Source : OPEN

Source : TNS SOFRES

Page 33: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 33

Comme pour le neuf, cette obligation à la rénovation à partir de 2022 doit être l’aboutissement d’un processus planifié qui articulera fiscalité incitative, signal prix sur l’énergie et création de mécanismes de financement dédiés pour mobiliser inves-tissement privé et investissement public. Cette résolution engagerait résolument la France dans la transition énergétique, elle ne doit donc pas être punitive mais un exemple de justice et de solidarité nationale. Il s’agira d’accompagner locataires et propriétaires occupants dans la rénovation énergétique de leur logement. Pour cela, il faudra aussi créer au plus vite des mécanismes de financement dédiés pour surmonter le principal obstacle : la grande variété dans les capacités des pro-priétaires à faire face à des coûts de réno-vation élevés avec un temps de retour sur investissement très long. Cela pourrait prendre la forme de sociétés de tiers inves-tissement mêlant des fonds publics et pri-vés qui se rémunéreraient sur les écono-mies d’énergie réalisées après des rénovations lourdes. Cela pourrait aussi s’appuyer sur l’Eco-PTZ. Ce dernier qui devait être le dispositif phare de finance-ment de la rénovation des logements ne rencontre pas l’efficacité escomptée. Si plus de 150 000 avaient été signés mi-2011, les enquêtes commanditées par l’ADEME montrent qu’ils n’ont pas un rôle moteur dans le déclenchement des travaux et ne conduisent pas forcément à une rénovation lourde. Seuls 7% des ménages le considè-rent comme un critère décisif pour la réali-sation de travaux supérieurs à 15 000 €. La TVA à 5,5% et le crédit d’impôt s’avéreraient plus efficaces. Il a heureuse-ment été modifié suite à la table ronde sur l’efficacité énergétique lancée mi-2011 par le gouvernement. En 2012, il sera soumis à condition de ressources et bientôt acces-sible aux syndicats de copropriétaires. C’est une bonne nouvelle, mais c’est insuffi-sant. Car le PTZ n’est pas un outil adapté aux plus précaires. Pour les ménages en situation de précarité énergétique, il est nécessaire, sous condi-tions de ressources, de mettre en place des mécanismes financiers permettant de financer la majeure partie du coût des travaux, afin de garantir un droit à la rénova-tion pour tous. Cela peut passer par des conditions de remboursements favorables, ne dépassant pas le montant des économies d’énergie réalisées. Dans les coproprié-tés, les coûts communs de rénovation thermique seraient divisés au prorata et cha-cun bénéficierait de conditions de remboursement prenant en compte sa situation financière.

La rénovation des logements des précaires énergétiques pourrait être financée pour partie par l’Etat grâce à une augmentation logique des taxes pesant sur l’énergie, en particulier l’électricité (CSPE) et le gaz, voire le doublement du plafond du livret A et pour une autre partie par l’épargne privée des particuliers grâce au fléchage des CEE, d’une partie du Livret A, et autres mécanismes de tiers investissements. L’augmentation du prix de l’énergie, en plus de financer la mesure, améliorera signi-ficativement les temps de retours sur investissement.

Propositions pour la rénovation des logements anciens › Créer un droit à la rénovation pour les

logements les plus consommateurs, et imposer les rénovations thermiques sur des niveaux de performance élevés (80 kWh par m2 et par an) d’ici 2022.

› Rénover les mécanismes d’accompagnement financier des mé-nages, en renforçant les dispositifs d’aide pour les ménages vulnérables et modestes, et encourager le recours au tiers-financeurs.

› Lancer un grand plan de rénovation des logements des ménages en situa-tion de précarité énergétique.

› Mobiliser l’épargne des Français pour engager le grand chantier de la rénova-tion des logements, en fléchant les moyens obtenus sur le Livret A et le LDD.

› Créer un service public de la perfor-mance énergétique de l’habitat dispo-sant de guichets uniques sur les terri-toires pour accompagner ménages, copropriétés et collectivités dans leurs opérations.

Page 34: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 34

Il sera aussi utile de mobiliser une partie des fonds débloqués par le plan Marshall de la transition énergétique pour financer les rénovations à des taux d’intérêts plus bas.

Ce grand chantier est le seul moyen de lutter durablement contre la précarité énergé-tique dans le logement, sans que cela ne rende moins nécessaires des dispositifs temporaires de bouclier énergétique pour aider les plus précaires à acquitter leurs factures d’énergies.

LES LIMITES DE L’ECO-PTZ Ce dispositif créé par le Grenelle de l’Environnement repose sur le principe que les investissements dans la rénovation des logements sont rapidement rentables sur le moyen terme. Cependant, on se rend compte que les ménages raisonnent souvent de manière différente : ils ont tendance à se préoccuper de leur niveau de trésorerie, et souhaitent que celui-ci soit constant ou croissant. En gros, même si je réalise des économies globalement à moyen terme, je préfère financer des loisirs que rembourser un emprunt. Le choix des ménages, surtout dans un contexte où ces derniers sont peu informés des dispositifs existants, est basé sur le principe de comparaison entre le coût mensuel des remboursements et les économies réalisées. Si je rembourse 200 € par mois et que j’économise 250 € sur la même période sur mes dépenses énergétiques, alors je me lancerai plus facilement dans une opération que si je n’économise que 150 €, car dans ce cas, j’ai un déficit de trésorerie de 100 € par mois sur 15 ans.

Une rapide évaluation du PTZ montre que dans bien des ces de rénovations, les ménages doivent prévoir un décaissement mensuel non négligeable, comme l’illustre le tableau-ci dessous. Maison

années 60 Maison

années 80 Appartement

Surface m2 120 100 60 Consommation de chauffage avant rénovation, kWh/m2/an

400 250 200

Consommation de chauffage rénové, kWh/m2/an

50 50 50

Energie gaz électricité réseau Coût €/kWh 0,06 0,12 0,09

Coût chauffage mensuel avant la rénovation 240 € 250 € 90 €

Coût chauffage mensuel après la rénovation 30 € 50 € 22,5 €

Gain en coût de chauffage, €/mois -210 € -200 € -67,5 €

Investissement pour la rénovation, €/m2 460 € 345 € 230 €

Cout rénovation 55 200 € 34 500 € 13 800 €

Dont PTZ 30 000 € 30 000 € 12 000 €

Dont Hors PTZ (4,5%, 10 ans et 4,5% sur 5 ans) 25 200 € 4 500 € 1 800 €

Remboursement mensuel 250 € 250 € 100 €

Remboursement. hors PTZ 261 € 83 € 0 €

Remboursement. total 511 € 333 € 100 €

Décaissement mensuel pendant les 5 premières années de l'opération

301 € 133 € 32,50 €

Source : FNH

Page 35: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 35

La mobilité des personnes

Aujourd’hui, la mobilité est l’une des problématiques les plus complexes de la transi-tion énergétique. Cette capacité essentielle, qui ouvre l’accès à l’emploi, au loge-ment, à la santé, à l’éducation ou aux loisirs, pose un certain nombre de problèmes. Les politiques publiques de transports, en France comme à l’échelle de l’Europe, se sont en effet construites sur l’idée du « toujours plus » d’infrastructures pour « tou-jours plus » de vitesse, partant du principe que le développement massif des infras-tructures de transport est un vecteur indispensable du développement économique. Cette politique de transport a contribué à insuffler un aménagement du territoire où les distances contraintes sont croissantes (élargissement des bassins de vie, éloi-gnement du logement des quartiers d’emploi ou de services).

› La mobilité est en France le principal secteur d’émissions de GES (25% des émissions), et pose un grave problème de pollution de l’air en milieu urbain (diesel récemment classé cancérigène, essence : cancérigène probable). Les émissions de GES continuent d’augmenter avec la croissance de la mobilité aérienne à l’international. Les véhicules particuliers représentent environ 50% des émissions du transport routier en France.

› Le secteur des transports est le principal secteur de consommation d’énergie en France (32% de la consommation). Dominé par la voiture, il est fragile car très largement dépendant du pétrole qui se raréfie et dont les prix augmen-tent.

› Le coût de la mobilité est croissant pour les ménages français (5000 euros par an par ménage en moyenne soit 15% de leurs revenus).

La mobilité courte distance représente 60% des émissions de GES directement liées aux déplacements des Français. Les trajets domicile-travail/étude/services en consti-tuent la majeure partie et sont principalement réalisés en voiture, mode de déplace-ment le plus polluant. Cette situation n’offre aucun recours quand le prix de l’essence augmente. Cette hausse exacerbe certaines situations de précarité et les mécanismes d’exclusion sociale. C’est le cas des ménages périurbains ou ruraux qui doivent ral-lier les emplois en centre-ville comme pour les ménages les plus pauvres de la proche banlieue qui ne peuvent pas rejoindre les bassins d’emploi périphériques sans voiture.

0

10

20

30

40

50

Fluvial

Aérien

Ferroviaire

Route*

1995 2000 2005 200819751970 1980 1985 1990

85,3 %

9,1 %4,7 %

0,8 %

82,8 %

2,7 %

14,4 %

0,1 %

2008 : 47,2 Mtep

p p ( p)

Evolution de la consommation finale des transports en France par mode

En M

tep

Page 36: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 36

La voiture représente 90 % du coût de la mobilité pour les ménages, le carburant 30%. Mais il existe de grandes disparités en fonction des revenus et de la localisa-tion. Ainsi, la part budgétaire dédiée aux carburants des ménages ruraux les plus pauvres est 4 fois supérieure à celle des ménages urbains les plus riches. Or les prix du pétrole, qui se raréfie, grimpent sur un marché tendu et volatil (risques de chocs pétroliers en fonction des aléas géopolitiques). Combien la France comptera-t-elle de précaires quand l’essence atteindra 3 € le litre ?

Aujourd’hui, le développement d'une vision de long terme de la mobilité par les décideurs, est essentiel. On voit d'énormes contradictions entre les politiques de transports, qui sont engagées dans une course au « toujours plus », et les politiques climatiques et énergétiques qui cherchent à réduire les impacts sur l'environnement. Entre exigences économiques, sociales et environnementales, un arbitrage complexe est à trouver entre démobilité (réduction des déplacements) et une mobilité plus soutenable. La politique gouvernementale en matière de transport (mais aussi d’aménagement et de logement) doit avoir pour double objectif de stopper la croissance des mobilités contraintes et de réduire la fracture sociale de mobilité.

Le chantier de la fiscalité des transports La réduction des subventions aux carburants fossiles (exonération de TICPE sur le kérosène, taxes réduites sur le diesel, remboursement exagéré des frais kilomé-triques) offre un gisement important d’économie, alors que les taxes sur les carbu-rants ont baissé au cours des 20 dernières années.

Par ailleurs, la mise en place de la Contribution Climat Energie pour inciter les mé-nages et les entreprises aux économies de carburants accompagnera la mutation de la mobilité. En ce qui concerne les ménages modestes, un chèque mobilité d’au moins 500 euros pourrait être utilisé pour payer les abonnements de transports en commun, les pleins d’essence ou s’acheter un vélo (coût : 2 milliards d’euros). Une révision des dispositifs du bonus malus est aussi nécessaire, incluant l’annualisation du malus pour les véhicules les plus consommateurs, pour lesquels il existe presque toujours une alternative. Pour accélérer la transition du parc automobile d’ici 2020, la FNH propose d’abaisser les seuils d’attribution du bonus écologique, d’intégrer le respect de la norme EURO comme critère pour cesser de soutenir injustement le diesel et d’annualiser le malus pour les véhicules neufs émettant plus de 140g de CO2 par km.

Page 37: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 37

Enfin, il faut aussi offrir d’autres alternatives aux ménages en accession à la proprié-té que le pavillon dans un périurbain toujours plus éloigné et dépendant de l’automobile. A défaut, l’Etat les aide à devenir les précaires de demain. Ceci suppose notamment d’éco-conditionner les aides à l’accession à la propriété pour encourager la densification urbaine.

Sur le plan de l’investissement public Il est nécessaire d’investir à l’échelle interurbaine dans la maintenance et la réhabili-tation des infrastructures de transport pour le rail (entretien du réseau, des gares, matériel roulant) plutôt que dans la construction de nouvelles lignes LGV. En paral-lèle, développer en cohérence le transport collectif sur route et lever les freins histo-riques pesant sur ce mode qui offre une plus grande flexibilité que le rail (tant sur le plan matériel qu’au niveau du réseau disponible). Le train et le car sont complémen-taires et les deux sont nécessaires pour absorber un report modal massif de la voi-ture individuelle vers le transport collectif.

Par ailleurs, des montants conséquents sont à mobiliser en zone urbaine dans la maintenance (RER) et le développement des transports en commun guidés (tram-way, trolleybus..) mais aussi des bus à haut niveau de service et des autres formes de transport alternatives à l’automobile en zone périurbaine et rurale (covoiturage, autopartage, transport à la demande, mobilités douces) pour favoriser un report modal ou un meilleur taux de remplissage des voitures.

Enfin, il est nécessaire de soutenir les initiatives locales de solidarité qui facilitent l’accès à la mobilité pour tous et diffusent des bonnes pratiques (plateforme d’écomobilité, garages solidaires ou ateliers vélos solidaires).

Sur le plan réglementaire Renforcer les normes sur les émissions de GES et autres polluants automobiles. Le Premier Ministre a souhaité le développement de véhicules à 2L/ 100 km d’ici dix ans. En conséquence, la Fondation Nicolas Hulot propose un renforcement des objectifs européens portant sur la mise en vente de véhicules neufs. Une première version de ce règlement contraignait les constructeurs européens à atteindre 130 g de CO2 par

0

10

20

30

40

50

60

70

80

GPL **GazoleSupercarburant sans plomb (98)

Supercarburant sans plomb (95)

1990

2008

Evolution de la fiscalité des carburants

Source : Ademe En %

du

prix

des

carb

uran

ts

Page 38: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 38

km à l’échéance de 2015. Les constructeurs sont en train d’atteindre dès 2013 l’objectif qui leur était assigné pour 2015, et ce sans investissements massifs.

La révision de ce règlement devrait contraindre les constructeurs automobiles euro-péens à limiter les émissions de CO2 de leurs voitures à 95g / km en 2020, les émis-sions moyennes se situant autour de 140g en Europe aujourd’hui. L’association eu-ropéenne de défenses des consommateurs soutient ouvertement cet objectif qui permettra à chaque automobiliste français d’économiser près de 350 euros (plus de 20% de son budget essence) à la pompe chaque année d’ici à 2020 ! Les évolutions technologiques nécessaires pour atteindre cet objectif sont tout à fait réalisables selon plusieurs constructeurs automobiles. L’Etat français devrait défendre vigoureu-sement cette législation pour la rendre plus ambitieuse et appuyer un objectif de 100g de CO2 par km en 2015 (4 litres pour 100 km), 95g en 2020 et 60g en 2025 (2,4 litres pour 100 km). Contrairement à la législation actuelle qui permet aux construc-teurs une comptabilité moyenne des émissions, il est proposé ici de supprimer l’ensemble des véhicules ayant des émissions supérieures à la norme européenne, afin de bannir définitivement les véhicules les plus consommateurs. Quelques déro-gations à ce principe pourront être envisagées, notamment quand la situation des ménages ou des motivations professionnelles exigent l’utilisation de véhicules spéci-fiques (en particulier des véhicules tout terrain pour les zones rurales et isolées).

Un autre aspect réglementaire, consistant à réduire les vitesses de circulation auto-mobile en zone urbaine offre un potentiel intéressant. En plus d’améliorer la qualité catastrophique de l’air en ville, elle réduit la pollution sonore, aide à fluidifier la circu-lation sur les rocades et les périphériques (en diminuant les effets d’accordéons) et renforce la sécurité des transports doux en centre-ville. Par ailleurs, une baisse géné-ralisée de la vitesse sur route génèrerait aussi des réductions de consommation et d’émissions de GES importantes.

Le secteur énergétique

La transition énergétique française doit comporter une réflexion profonde sur nos modes de réponse à nos besoins énergétiques, et sur les sources mobilisées pour cela. Un mix énergétique approprié à la France, dans le cadre d’une interconnexion avec l’ensemble des pays de l’Union européenne, doit répondre à plusieurs critères :

› contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, › garantir la sécurité d’approvisionnement, › assurer le développement des filières industrielles adéquates en rapport avec

les options technologiques réalistes.

Propositions pour les transports et la mobilité › Utiliser le levier fiscal pour induire des changements de comportements, en procédant

notamment à un rattrapage de la fiscalité du diesel par rapport à l’essence, en mettant en place une Contribution Climat Énergie et en annualisant le malus pour les véhicules les plus consommateurs.

› Investir massivement dans les transports collectifs en ville, mais aussi pour offrir des solu-tions alternatives à la voiture aux ménages dans le péri-urbain.

› Renforcer les normes de performance pour la vente de véhicules neuf, en fixant un objectif de 95g de CO2 par kilomètre en 2020.

Page 39: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 39

L’amélioration de la résilience des systèmes énergétiques, c’est-à-dire leur capacité à répondre aux besoins essentiels face aux aléas technologiques, climatiques ou géo-politiques, doit donc servir de fil rouge aux politiques énergétiques. A ce titre, la diversification du mix énergétique, et notamment le recours aux énergies renouve-lables, est un objectif à part entière de la transition énergétique. Dans ce contexte, le rôle des réseaux intelligents pour l’électricité est lui aussi un enjeu majeur de rési-lience, dans la mesure où c’est à la fois un outil de gestion des crises d’approvisionnement, mais aussi parce que de ses capacités dépend la possibilité d’intégrer fortement les énergies renouvelables dans le mix électrique.

Sortir du fioul dans le chauffage Aujourd’hui, environ 4 mil-lions de ménages français se chauffent encore au fioul, dont ¾ d’entre eux grâce à des chaudières individuelles. Cela représente environ 21Mt CO2 (soit 3 à 4% des émis-sions de CO2 françaises) et 7Mtep (10% de la consomma-tion française totale de pé-trole). Ce mode de chauffage est en outre très onéreux pour les ménages qui y ont recours, puisqu’il dépend du prix du baril de pétrole : la facture moyenne annuelle se situe autour de 2 000 €, soit la plus grosse facture par-mi les différents modes de chauffage actuels. Cette facture élevée est d’autant plus problématique que ce mode de chauffage concerne principalement les précaires énergétiques, dont le budget est déjà limité.

La persistance de l’utilisation du fioul dans le chauffage en France est donc incohé-rente, et ce à plusieurs titres : c’est une énergie fortement émettrice de GES, elle est importée et participe donc à la dépendance énergétique de la France, elle est sujette à des augmentations continues de son prix dues à la raréfaction du pétrole, avec de graves conséquences économiques et sociales. Dans la visée de la mise en œuvre de la transition énergétique en France, la FNH soutient donc une sortie totale du chauf-fage au fioul en France d’ici 2020.

Cette mesure devra comporter deux volets pour être appliquée de manière efficace :

Le chauffage le moins cher est celui que l’on ne consomme pas, et passe donc prin-cipalement par une importante isolation. Il faudra donc que le gouvernement accé-lère le plan de rénovation thermique du parc de bâtiments existants, afin de réduire au plus vite et dans une large mesure la consommation énergétique des habitations. Cette première étape permettra une première réduction de la facture énergétique des ménages utilisant du fioul, même si cela n’est pas une solution de long terme dans le sens où elle ne les prémunira pas d’un risque d’augmentation exponentielle de leur facture en cas de choc pétrolier.

Ensuite, il faudra mettre en place des modes de chauffage de substitution au fioul. Ces solutions doivent permettre de répondre efficacement à la fois aux enjeux envi-ronnementaux, économiques et sociaux. Le nouveau mode de chauffage choisi de-vra bien évidemment être dimensionné en fonction des besoins énergétiques de l’habitation concernée : c’est pourquoi aucune solution générale n’est applicable et le

!667700!!

11!445522!! 11!227755!!

!669999!! !551155!!

!0!

!500!

1!000!

1!500!

2!000!

gaz domestique

Fioul Propane Charbon electricité

FFaaccttuurree aannnnuueellllee mmooyyeennnnee ppaarr éénneerrggiiee ddee cchhaauuffffaaggee

Source : Ademe

Page 40: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 40

mode de chauffage retenu doit répondre aux différentes caractéristiques du bâti-ment. Ainsi, en milieu rural, le recours au gaz n’est pas une option pertinente, dans les zones non raccordées au gaz de ville. A contrario, l’utilisation du bois énergie paraît être un mode de chauffage bien plus adéquat. La PAC pourrait être bien adap-tée (avec un poêle bois en complément) dans des logements bien isolés. Afin d’assurer que les modes de chauffage de substitution correspondent bien aux carac-téristiques des bâtiments, une aide publique soumise à des conditionnalités fortes devra être développée : elle permettra le financement de l’installation du nouveau mode de chauffage tout en assurant le respect de critères environnementaux.

Cette proposition combine des enjeux réglementaires et fiscaux : pour être appli-quée, elle implique en effet une annonce à l’avance par les pouvoirs publics ; ensuite sa mise en œuvre doit impérativement être associée à des mesures d’accompagnement financier et technique. La transposition réglementaire de cette mesure peut se faire de manière assez simple et rapide avec l’affirmation de l’interdiction d’installation ou de remplacement de nouveaux systèmes de chauffage au fioul. Dans les logements neufs construits après 2012 et respectant la norme BBC, ce type de chauffage est déjà banni par les niveaux de performance exigés : l’action se portera donc principalement sur les logements anciens. L’accompagnement bud-gétaire et fiscal, quant à lui, devra être mis en œuvre par une agence spécifique de terrain, à l’image du guichet unique pour la rénovation proposé par le gouvernement dans le cadre de la Conférence environnementale, afin d’assurer une vraie politique d’aide à la rénovation des logements et de soutien aux nouveaux équipements. Une attention toute particulière doit être portée aux ménages en situation de précarité énergétique, dont les moyens budgétaires ne leur permettent pas de financer ces travaux : la quote-part financée par l’Etat doit donc dans ce cas être proche de 100% des coûts d’investissement. Pour les autres, elle devra être dégressive en fonction du niveau de revenu des ménages.

Financer le développement des énergies renouvelables Les revirements gouvernementaux concernant la politique de soutien au dévelop-pement des énergies renouvelables, et notamment les modifications brutales et suc-cessives des tarifs d’achat pour le solaire photovoltaïque, ont mis à mal leur installa-tion dans le mix énergétique français. En vue de maximiser leur potentiel et d’encourager l’innovation, tout en renforçant la résilience du mix énergétique fran-çais, il est nécessaire de revoir la politique de soutien aux énergies renouvelables.

Parmi les outils de soutien au développement des énergies renouvelables, le tarif d’achat semble être le plus efficace : transparence, prévisibilité, efficacité écono-mique, sont a priori garanties par celui-ci. Il constitue l’outil clé de développement des énergies renouvelables électriques. Néanmoins, actuellement, le tarif d’achat français comporte trop de failles pour obtenir une réelle efficacité : mal calibré, géné-rant blocages ou a contrario bulles spéculatives, et subissant des modifications trop brutales, il n’encourage pas les investissements privés. Il fait également l’objet de vives critiques de la part des consommateurs, qui s’acquittent d’une partie du coût du tarif d’achat par la Contribution au service public d’électricité (CSPE).

Proposition › Se doter d’un objectif de sortie du fioul dans le chauffage des logements d’ici 2020.

Page 41: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 41

Investir dans les réseaux électriques Malgré les efforts de maîtrise de la demande et le potentiel de réduction de la con-sommation qu’ils offrent, l’adaptation du réseau électrique, incluant la construction de nouvelles lignes est un enjeu clé de la transition énergétique. En effet, le déploie-ment de multiples sources d’énergies renouvelables sur le territoire implique des adaptations du réseau existant. Dans le même temps, le déploiement d’outils de gestion intelligents et communicants doit permettre à la fois de renforcer la maitrise des consommations, mais aussi d’augmenter la résilience des infrastructures de transports d’électricité. Dans ce cadre, il est important d’associer au chantier de ré-novation des logements la diffusion des compteurs intelligents et communicants, rendant possibles des actions individuelles de maîtrise de la demande par les mé-nages, mais aussi le déploiement d’outils d’effacement de consommation dans le diffus à grande échelle.

L’évolution du réseau de transport d’électricité comporte deux enjeux majeurs. Le premier est le volume d’investissement à mobiliser pour accompagner l’évolution du mix électrique et l’intégration d’une part croissante d’énergies renouvelables, dont il faudra gérer l’intermittence et la variabilité. Ces éléments devraient trouver une ré-ponse dans la banque de la transition écologique, afin de mobiliser rapidement les volumes financiers nécessaires, se chiffrant selon les scénarios à quelques milliards d’euros par an, et constituant, d’ici 2030 une enveloppe de 200 à 300 milliards d’euros au total.

Le second est associé à l’acceptabilité du public de ce chantier, aussi bien dans une perspective sanitaire que dans un souci d’explicitation des grands enjeux de la tran-sition énergétique. Concernant les risques sanitaires relatifs au développement des lignes électriques, il est nécessaire de garantir une expertise pluraliste, transparente et indépendante, afin de mieux mesurer les impacts des infrastructures énergétiques sur la santé humaine, et d’y apporter, le cas échéant les réponses adaptées. Quant aux enjeux plus locaux, comme ceux de la protection des paysages, il est indispen-sable de renforcer les pratiques de concertation des citoyens, afin de bien prendre en compte cette dimension dans les choix faits.

Propositions › Investir massivement par le biais de la banque de la transition écologique dans le renfor-

cement du réseau électrique afin de faciliter la mise en œuvre de la diversification du mix électrique.

› Accélérer la mise en œuvre des compteurs intelligents et communicants dans le cadre de la rénovation thermique des logements.

› Renforcer l’expertise et la concertation autour des enjeux sanitaires et d’acceptabilité so-ciale des projets de nouvelles lignes électriques.

Propositions › Réformer le tarif d’achat, pour le simplifier et y intégrer des critères de performance so-

ciales et environnementales afin d’en faire un outil de développement de filières euro-péennes dans les principaux secteurs.

› Un accès à des financements à bas coût pour les opérateurs du secteur, notamment via la banque de la transition énergétique.

› En parallèle, il sera nécessaire d’accompagner ces mesures économiques d’un effort de pédagogie vers le citoyen et le consommateur, afin de lever les ambiguïtés persistantes sur le coût du développement des énergies renouvelables en France.

Page 42: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

FONDATION NICOLAS HULOT POUR LA NATURE ET L’HOMME /// VEILLE ET PROPOSITIONS N°15 42

» Conclusion

La plupart des choix que nous faisons en matière d’énergie ont une durée de vie de 30 à 50 ans. De fait, c’est aujourd’hui que se construit le paysage énergétique du 21ème siècle. Les décisions prises dans les 5 ans à venir, aussi bien du point de vue de la maîtrise de la demande énergétique que de celui de la diversification du mix énergétique sont donc déterminantes.

C’est bien une nouvelle société qu’il s’agit d’inventer, avec une mutation profonde de nos activités, du monde du travail, des modèles économiques. Garder un niveau de confort équivalent, voir supérieur, tout en consommant moins d’énergie, et en rédui-sant drastiquement nos émissions de GES, avec une économie compétitive, ouverte sur le monde, voilà un formidable défi. Il faudra mettre en œuvre sans attendre les mesures contenues dans ce document, pour faire face à la précarité énergétique, susciter l’innovation, et atteindre nos ob-jectifs de lutte contre le changement climatique. Mais déjà d’autres chantiers s’ouvrent, et sont fondamentaux. Il faut les aborder sans attendre.

L’un des grands défis de ce siècle est sans doute celui de nos modes de consomma-tion. Car la transition énergétique implique de replacer l’énergie comme un simple vecteur pour atteindre le bien-être, et pas comme une fin en soi. Passer de la société du « toujours plus » à celle du bien-être et de la prospérité implique aussi de s’interroger sur nos besoins absolus et relatifs, d’imaginer vivre différemment. La sobriété s’incarne, dans le comportement des consommateurs par certains renon-cements, par une autre manière d’aborder la mobilité, le logement, les loisirs. Il y a là un grand chantier sur les valeurs et la culture à entamer. Il ne faut pas négliger non plus la révolution nécessaire pour les acteurs écono-miques, qui devront envisager d’autres business models. Continuer à innover, à investir, à produire de la valeur dans un monde où les flux énergétiques décroissent, constitue du jamais vu. La valorisation économique des entreprises va devoir pren-dre en compte ce nouveau système de contraintes, évaluer les acteurs non plus sur les quantités produites mais sur leur capacité à protéger l’environnement. La fiscalité est un outil précieux en ce sens, mais ne saurait être suffisante. Cela implique en effet le développement de nouveaux modèles économiques, faisant du service éner-gétique, et non pas de la quantité d’énergie, la clé de l’activité. Face à ce grand chan-tier, le dynamisme et la créativité du monde de l’entreprise est indispensable. L’univers du travail va lui aussi changer en profondeur, tant parce que certaines fi-lières vont se tarir, d’autres se réorienter, et d’autres enfin apparaître, que parce que les contraintes de mobilité vont changer en profondeur le monde économique. Il y a là de vastes chantiers qui peuvent inquiéter, tant la situation sur le front de l’emploi est difficile aujourd’hui. Encore une fois, cela ne se fera que dans la concertation, le dialogue, et avec l’implication de l’ensemble des acteurs du monde du travail. Enfin, il va falloir trouver un nouveau souffle pour réformer la gouvernance de l’énergie. Elle ne peut être pensée que globalement, parce qu’elle est déclinée dans tous les territoires et dans notre quotidien : il sera donc indispensable de remettre de la démocratie dans la gouvernance des systèmes énergétiques. Parce que la transi-tion a besoin des citoyens, mais aussi de l’ensemble des parties prenantes, il est nécessaire qu’un dialogue permanent s’instaure entre ces acteurs, aussi bien au niveau territorial que dans l’espace international. Le débat sur l’énergie qui s’annonce n’est qu’un début.

Page 43: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

CONSTRUIRE LA TRANSITION ENERGÉTIQUE 43

LA FONDATION Créée en 1990, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme s’est donné pour mission de « contribuer à une métamorphose de nos sociétés par le change-ment des comportements individuels et collectifs. Cette métamorphose a pour but d’assurer la préservation du patrimoine naturel commun, le partage équitable des ressources, la solidarité et le respect de la diversité sous toutes ses formes. »

Reconnue d'utilité publique, apolitique et non-confessionnelle, la Fondation mobilise tous les acteurs de la société afin de les inciter à s’engager, chacun à leur échelle, dans la construction d’une société écologiquement viable et solidaire, reposant sur la prise de conscience de l’interdépendance des humains et de l’ensemble du vivant. Conforme aux critères de représentativité des organisations environnementales défi-nis lors du Grenelle de l’Environnement, la Fondation Nicolas Hulot siège dans plu-sieurs organismes consultatifs tels que le Conseil économique social et environne-mental. Pour mener à bien sa mission la Fondation met en œuvre plusieurs modes d’action :

sensibilisation et mobilisation citoyenne ;

soutien à une centaine de projets associatifs chaque année en France mé-tropolitaine, en outre-mer et dans les pays du Sud ;

développement d’une activité de think tank.

Le think tank de la Fondation Nicolas Hulot a pour objectif de démontrer que l’écologie dépasse le seul sujet environnemental et représente un véritable projet de société. Il s’agit de participer à la construction des chemins de la transition vers une société plus durable et équitable. Pour cela, la Fondation élabore des propositions en lien avec son Conseil scientifique et son réseau d’experts. Nos analyses et proposi-tions portent d’une part sur les thématiques environnementales (préserver la biodi-versité et un climat stable, amorcer la transition énergétique et alimentaire) et d’autre part sur des thèmes transverses touchant à la structuration de notre société (réfor-mer nos institutions démocratiques et le fonctionnement de notre économie). Régulièrement, la Fondation met au débat ses analyses et propositions que ce soit à travers ses publications ou lors d’événements. Elle participe, de plus, aux groupes de travail lancés par le gouvernement, propose des amendements lors de la discussion des lois, suscite le dialogue entre les acteurs et suit les politiques européennes au sein de réseaux.

Page 44: Construire la Transition énergétique - Nicolas Hulot...La transition énergétique doit permettre de lutter contre ce phéno-mène, enassurant un juste partage des ressources et

TRANSITION ENERGETIQUE

A l'issue de la conférence environnementale de septembre 2012, un débat national sur la transition énergétique va être organisé en France, pour aboutir au printemps 2013 au vote par le Parlement d'une loi de programmation de la transition énergé-tique. Depuis plusieurs mois, la Fondation Nicolas Hulot travaille pour préparer ce débat. Attachée à une dynamique de dialogue, elle a organisé un cycle de sémi-naires, pendant lequel elle a confronté ses propositions à différentes parties pre-nantes. Cette réflexion collective a permis d'enrichir et d'amender les propositions qui sont présentées dans le présent document : grands objectifs à atteindre, princi-paux leviers de mise en œuvre, mesures sectorielles dans les secteurs clés du bâti-ment, du transport et de l'énergie.

COLLECTION ‘VEILLE ET PROPOSITIONS’ Depuis le Pacte écologique et le Grenelle de l’Environnement, la Fondation Nicolas Hulot développe une activité de think tank. Son objectif : participer à l'élaboration des chemins de la transition vers une société qui permette l'épanouissement humain en respectant la biosphère. Dans ce cadre, elle édite la collection "Veille et propositions" afin de soumettre ses analyses et ses propositions au débat public.

Télécharger les publications "Veille et propositions" : http://www.fondation-nature-homme.org/actions/nos-publications

Dernières publications

www.fnh.org