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_______________________________________ _______________________________________ Conseil d’État et Conseil constuonnel : un dialogue renouvelé par l'instauraon de la QPC (CE, ass., 13/05/2011, Mme M’Rida ; CE, ass., 13/05/2011, Mme Delannoy et M. Verzele ; CE, ass., 13/05/2011 Mme Lazare) A jour 02/02/2017

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    Conseil dtat et Conseil constitutionnel : un dialogue renouvel par

    l'instauration de la QPC

    (CE, ass., 13/05/2011, Mme MRida ; CE, ass., 13/05/2011, Mme

    Delannoy et M. Verzele ; CE, ass., 13/05/2011 Mme Lazare)

    A jour 02/02/2017

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    Table des matiresTable des matires..................................................................................................................................2

    Introduction...........................................................................................................................................3

    I - Le respect de la comptence du Conseil constitutionnel...................................................................5

    A - La structure du contentieux de la constitutionnalit des lois........................................................5

    B - Lexigence de larticle 62 de la Constitution..................................................................................6

    1 - Des pouvoirs larges au mains du juge constitutionnel...............................................................6

    2 - La ncessit dassurer la scurit juridique...............................................................................6

    II - Leffectivit de loffice du juge administratif aprs QPC....................................................................8

    A - La prservation de lautorit des dcisions QPC dans la conduite du procs................................8

    1 - Le relev doffice.......................................................................................................................8

    2 - Linterprtation raisonne des dcisions du Conseil constitutionnel.........................................8

    B - Une articulation mesure des contrles de constitutionnalit et de conventionnalit...............10

    1 - La gographie du dialogue des juges.......................................................................................10

    2 - Les formes de larticulation.....................................................................................................10

    CE, ass., 13/05/2011, Mme MRida......................................................................................................12

    CE, ass., 13/05/2011, Mme Delannoy et M. Verzele............................................................................21

    CE, ass., 13/05/2011 Mme Lazare........................................................................................................25

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    IntroductionCertaines affaires judiciaires relvent des sagas. Ce quelles nous disent des volutions de la

    socit et des murs est extrmement rvlateur. Face elles, le droit ne peut rester insensible. Ilsadapte et offre, sur le plan de la stricte technique juridique, des avances majeures. Les affairescommentes ci-aprs en tmoignent. La question de la cristallisation des pensions des anciensmilitaires franais des colonies a longtemps constitu un point de crispation. Le Conseilconstitutionnel avait rendu sa premire dcision QPC sur ce problme. Cest loccasion dun litigesubsquent qua t rendu larrt CE, Ass, 13 mai 2011, Mme MRida. Le Conseil dtat a publi, lemme jour, deux autres arrts, respectivement Mme Delannoy et M. Verzele (req. n317808) et MmeLazare (req. n329290). Ils font suite aux dcisions du Conseil constitutionnel, qui avait t saisi decontestations contre la loi du 4 mars 2002. Cette dernire tait revenue sur larrt Perruche de la Courde cassation (C.Cass, Ass., 17 novembre 2000. La loi avait pos le principe selon lequel nul ne peutse prvaloir d'un prjudice du seul fait de sa naissance ). Ces contestations avaient donn lieu ladeuxime dcision QPC.

    En 2006, Mme MRida avait introduit un recours demandant lannulation du jugement dutribunal administratif de Poitiers ayant rejet sa demande dannulation de la dcision du Ministre dela Dfense lui refusant lattribution dune pension de rversion. Son poux dcd avait servi, entre1938 et 1953 dans les forces militaires franaises au sein des contingents coloniaux. La cristallisation voque le principe tabli par larticle 71 de la Loi de finances pour 1960, selonlequel le montant des pensions verses aux anciens militaires des colonies est bloqu leur niveaude 1960. Ce procd crait, de faon vidente, une rupture dgalit entre les militaires franais etceux des outre-mer, alors mme quils avaient exerc les mmes fonctions (CE, 30 novembre 2001,Ministre de la Dfense). Les deux autres dcisions relvent du contentieux de la responsabilit pourfaute des tablissements hospitaliers publics. lorigine de larrt Mme Delannoy se trouve le recoursengag, en 1999, par les parents denfants ns trisomiques. Sagissant de larrt Mme Lazare, ilsagissait dun enfant n atteint de la maladie de Duchenne.

    Toute la problmatique des arrts comments rside dans larticulation du dialogue des jugeset les consquences que doit tirer le juge administratif des dcisions QPC du Conseil constitutionnel.Dans sa toute premire dcision QPC, ce dernier avait prononc labrogation de la dispositionlgislative litigieuse, mais avait laiss au lgislateur un dlai pour adopter de nouvelles dispositions.Le Conseil dtat pose les rgles darticulation de son contrle avec celui du Conseil constitutionnel. Iltire ainsi toutes les consquences de la dcision dinconstitutionnalit, qui compltent la nouvellearchitecture du dialogue des juges. Lintrt de ces affaires avait justifi que soit saisie lAssemble ducontentieux du Conseil dtat. Les trois dcisions proposent au Conseil dtat un large panel desituations diffrentes. Dans certaines, le requrant est lauteur de la QPC, alors que dans dautres,non. Dans deux dentre elles, la dcision du Conseil constitutionnel intervient en cassation et dans latroisime, en appel. Dans la premire dcision QPC, le Conseil constitutionnel avait modul dans letemps les effets de son abrogation contentieuse, mais pas dans la deuxime.

    Le cadre que pose le Conseil dtat vise protger les prrogatives du Conseil constitutionnel(I), tout en assurant leffectivit du contrle du juge administratif (II).

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    I - Le respect de la comp-tence du Conseil constitution-nel

    Les risques dineffectivit sont lis au fait que le juge constitutionnel nest pas le matre dulitige. Il nintervient, dans le cadre de la QPC, quen suivant le chemin dune question prjudicielle (A).De ce fait, toute la problmatique rside dans lassurance de voir prserve lautorit de la chosejuge qui sattache ses dcisions (B).

    A - La structure du contentieux de la constitutionnalit des loisLes arrts comments visent tirer les consquences des dcisions dinconstitutionnalit,

    totales ou partielles, prononces par le Conseil constitutionnel. Cette ncessit rsulte directementde lintroduction, par la rforme constitutionnelle de 2008, dun contrle a posteriori deconstitutionnalit des lois. Larticle 61-1 de la Constitution dispose dsormais que : Lorsque, l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition lgislativeporte atteinte aux droits et liberts que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut tresaisi de cette question sur renvoi du Conseil d'tat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans undlai dtermin . Ce mcanisme est appel Question prioritaire de constitutionnalit (QPC). Il prendla forme dune question prjudicielle du juge a quo au juge constitutionnel. Les questions rsoluespar les arrts comments sont apparues car ce contrle intervient alors que la loi est dj enapplication. Les situations de conflits sont bien moins prgnantes lorsque le contrle est ralis avantla promulgation de la loi, cest--dire, avant son entre en vigueur, et avant donc quelle ne produisedes effets. Au contraire, la QPC merge loccasion dune instance . La solution dpend bien de ladcision du juge constitutionnel, alors que ce dernier ne connat pas des faits du litige. Son contrledemeure ralis in abstracto et lapprciation des faits despce et de la solution au problme posau juge saisi en premire intention demeure dans les mains de ce dernier.

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    B - Lexigence de larticle 62 de la ConstitutionLarticle 62 de la Constitution offre de larges pouvoirs et une autorit inconteste aux

    dcisions du Conseil constitutionnel (1). Lorsquil les met en uvre, le Conseil doit demeurer attentif la prservation de la scurit juridique (2).

    1 - Des pouvoirs larges au mains du juge constitutionnelCest larticle 62 de la Constitution qui dlimite le pouvoir du Conseil constitutionnel et qui

    dtermine ltendue de lautorit qui sattache ses dcisions. Il dispose ce titre qu Elles (lesdcisions) s'imposent aux pouvoirs publics et toutes les autorits administratives et juridictionnelles.. Sagissant plus spcifiquement des pouvoirs du juge constitutionnel dans le cadre de la QPC, ildispose qu Une disposition dclare inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 estabroge compter de la publication de la dcision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultrieurefixe par cette dcision. Le Conseil constitutionnel dtermine les conditions et limites dans lesquellesles effets que la disposition a produits sont susceptibles d'tre remis en cause. . La premire partie decet article pose le principe de labrogation immdiate. La seconde tablit une exception, en laissant leConseil juge de lopportunit dune modulation dans le temps des effets de labrogationcontentieuse. Le principe est intressant en ce quil limite pour lavenir uniquement la sortie devigueur de la disposition lgislative, en cas dinconstitutionnalit. Il voque bel et bien une abrogation et non une annulation qui aurait t, elle, rtroactive. La possibilit de moduler dansle temps les effets de sa dcision est lie la ncessit de prserver une certaine scurit juridique.Que lon pense une disposition annule alors quelle rgit, par exemple, une attribution pcuniaire,des traitements de fonctionnaires, et cest lensemble des agents publics qui ne sont plus rmunrsdu jour au lendemain.

    2 - La ncessit dassurer la scurit juridiqueLe Conseil dtat avait ouvert la voie cette possibilit de modulation dans son arrt

    dAssemble du 11 mai 2004, Association AC !. Toutefois, les problmes poss taient diffrents.Larrt AC ! a t rendu dans le cadre des recours en excs de pouvoir, pour pallier les inconvnientsdune annulation rtroactive des actes contentieux. Auparavant, les seuls moyens juridiquesdisponibles pour sauver un acte administratif illgal rsidaient soit dans une tolrance excessivedu juge face une illgalit soit dans ladoption dune loi de validation par le Parlement. On retrouvelesprit de la premire solution dans dautres dcisions telle que la substitution de motif (CE, Sect, 6fvrier 2004, Mme Hallal) ou dans une forme de subjectivisation des vices de forme ou de procdure(CE, Ass, 23 dcembre 2011, Danthony). Dans le second cas, on peut citer lexemple de lannulationpar le Tribunal administratif de Paris du contrat de concession destin la ralisation du Stade deFrance, qui avait donn lieu ladoption, in extremis, de la loi du 11 dcembre 1996. Signe de lafragilit du procd, cette loi a t abroge par le Conseil constitutionneldans le cadre dune QPC(CC, 11 fvrier 2011, Alban Slim B.).

    En Europe, deux systmes coexistent : soit la disparition de la disposition lgislativeinconstitutionnelle intervient in futuro (ex nunc), comme cest le cas en France, en Italie ou auLuxembourg ; soit, linverse, elle est annule rtroactivement (ab initio ou ex tunc), comme enAllemagne. Le lgislateur constitutionnel franais a opt pour la premire solution, plus propice aumaintien de la scurit juridique : lannulation rtroactive dune loi qui a dj produit des effetsproduit elle-mme plus deffets et se trouve susceptible de remettre en cause un nombre plusimportant de situations juridiques acquises ou en cours. Dautant que le contrle deconstitutionnalit a posteriori na t que tardivement introduit en France, contrairement aux tats-Unis o il existe depuis 1803 ou lAutriche qui connat ce contrle depuis 1920. Le risque duneintroduction tardive, en France, conduit la remise en cause de certaines dispositions datant deladoption du Code civil en 1804 !

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    Cest cette ncessit de scurit juridique qui a conduit le lgislateur constitutionnel offrir lapossibilit au Conseil constitutionnel de moduler lui-mme dans le temps les effets de ses dcisions.Il se trouve ainsi en position dtablir un dlai de maintien sous respirateur artificiel de ladisposition inconstitutionnelle, le temps pour le Parlement dadopter une nouvelle loi. Cestexactement la position quil a suivi dans laffaire lie larrt Mme MRida. Il appartient au lgislateurde tirer les consquences de la dcision du Conseil constitutionnel. Le dlai accord par le ce dernierdispose dun terme fixe. Si, cette date, le Parlement na pas adopt de nouvelle disposition,lancienne disposition disparat. Mais la prservation du droit des justiciables demeure bien lafonction premire de toute institution juridictionnelle. Aussi, afin de prserver leffet utile de sadcision dabrogation retarde, le Conseil constitutionnel peut exiger des juges judiciaires etadministratifs quils sursoient statuer dans les instances dont lissue dpend de lapplication desdispositions dclares inconstitutionnelles . Cest le chemin suivi dans la QPC mobilise dans laffaireMRida. Le Conseil a par ailleurs exig du lgislateur quil prvoie une application des nouvellesdispositions aux affaires suspendues.

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    II - Leffectivit de loffice dujuge administratif aprs QPC

    Une fois la QPC rendue, le juge administratif doit assurer un plein effet juridique la dcisiondu Conseil constitutionnel. Il mobilise cette fin deux techniques essentielles (A). Le jugeadministratif se trouve au centre du croisement des instruments juridiques internes et externes. Ildoit donc assumer la tche dharmoniser les contrles de constitutionnalit et de conventionnalit dela loi (B).

    A - La prservation de lautorit des dcisions QPC dans la conduite du procs

    Pour raliser cet objectif, le juge administratif mobilise les techniques du relev doffice et dumoyen dordre public (1) et linterprtation raisonne des dcisions du Conseil constitutionnel (2).

    1 - Le relev dofficeLe relev doffice est une technique contentieuse la disposition du juge administratif qui

    lautorise dpasser le cadre pos par les moyens et prtentions des parties. Lorsque, le plussouvent, des principes de haute valeur le commandent, le juge administratif soulve par lui-mmedes moyens juridiques. Ces moyens sont appels moyens dordre public et doivent tre soumisaux observations des parties avant que le juge ne statue. Dans le cas prsent, le Conseil dtat jugeque linconstitutionnalit de la loi dclare par une dcision du Conseil constitutionnel constitue unmoyen que le juge administratif doit soulever doffice. Limportance que le Conseil dtat attache cemcanisme le pousse prciser (dans sa dcision Mme Lazare notamment) quil peut tre mobilis ycompris pour la premire fois en cassation. Cette solution nest pas tonnante. Le juge tant tenudappliquer la loi, il vrifie de lui-mme que la disposition lgale invoque est toujours en vigueur (CE,sect., 15 juillet 1964, St papeteries Metenett et St papeteries Souche). Il vrifie notamment quunedisposition lgislative na pas t implicitement abroge par lentre en vigueur dune loi ou dunenorme suprieure plus rcente (CE, Ass, 16 dcembre 2005, Syndicat national des huissiers dejustice). Le fait que la disposition lgislative ait t dclare inconstitutionnelle nest quune forme desortie de vigueur ; aucune raison naurait justifi que le juge procdt autrement. Elle mritecependant dtre souligne car larticle 23-1 de lordonnance organique du 7 novembre 1958 disposeque le moyen tir de linconstitutionnalit dune loi ne peut tre soulev doffice par le juge a quo.Autrement dit, le juge administratif ni le juge judiciaire ne peuvent, deux-mmes, dcider de saisir leConseil constitutionnel. En revanche, avec la solution de larrt Mme Lazare, une fois que le Conseilconstitutionnel a statu, la validit constitutionnelle de la loi nest plus hypothtique. Il existe unecertitude, dont le juge doit assurer le plein effet.

    2 - Linterprtation raisonne des dcisions du Conseil constitutionnelLe Conseil dtat emprunte un second chemin visant assurer la pleine autorit de la dcision

    du Conseil constitutionnel. Il prend en compte non seulement le dispositif de la dcision, maisgalement les motifs qui en sont le support ncessaire . Cest en ce sens que linterprtation dudispositif de la dcision du juge constitutionnel est raisonne. Par les dcisions commentes, leConseil dtat tend la QPC la solution quil avait retenue dans le cadre de la rception des dcisionsdu Conseil constitutionnel rendues au titre du contrle a priori des lois, aux termes de larticle 61 dela Constitution (CE, Ass, 11 mars 1994, SA La Cinq). L o il faisait application implicite du principe, ilprend soin dsormais dexpliciter ltendue de cette prise en considration, plus prcisment quilnavait pu le faire auparavant (CE, 23 mars 2005, Ministre de lconomie). En ralit, le Conseil

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    saligne sans dvier sur linterprtation ancienne et constante quadopte le Conseil constitutionnel delarticle 62 de la Constitution. Il juge depuis 1962 que l'autorit des dcisions vises par cettedisposition s'attache non seulement leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutienncessaire et en constituent le fondement mme (CC, 16 janvier 1962, Nature juridique desdispositions de larticle 31 de la loi dorientation agricole). Cette position est logique et saine. Elle estdautant plus importante que le Conseil constitutionnel parvient parfois sauver une loi, lamaintenir en vigueur, en se contentant de neutraliser les interprtations qui pourraient la rendrecontraire la Constitution. Cette technique des rserves dinterprtation est fondamentale dansle contrle de constitutionnalit de la loi.

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    B - Une articulation mesure des contrles de constitutionnalit et de conventionnalit

    Larticulation entre ces deux contrles est rendue ncessaire par la gographie particulire dudialogue des juges (1). Elle emprunte des formes concrtes et efficaces dans les arrts comments(2).

    1 - La gographie du dialogue des jugesSi le Conseil dtat se montre attentif donner plein effet aux dcisions du Conseil

    constitutionnel, il ne cantonne pas son rle celui dun simple excutant . Parce que le contrlequeffectue le Conseil constitutionnel est abstrait et ne concerne que la question spcifique de laconformit dune disposition lgislative la Constitution, il se trouve dsincarn du litige. Il est, defait, beaucoup moins riche que le contrle exerc par le juge a quo. Ce dernier doit apprcierconcrtement les faits et statuer sur tous les autres moyens soulevs devant lui. Notamment, il doitrpondre aux griefs tirs de la violation des instruments internationaux. Le Conseil dtat rappellelimpratif de ce contrle dans son arrt MRida en des termes qui ne souffrent aucune ambigut : : les juridictions administratives et judiciaires, qui incombe le contrle de la compatibilit des loisavec le droit de lUnion europenne ou les engagements internationaux de la France, peuventdclarer que des dispositions lgislatives incompatibles avec le droit de lUnion ou ces engagementssont inapplicables au litige quelles ont trancher .On sait que depuis la dcision IVG (CC, 15 janvier1975, Loi relative linterruption volontaire de grossesse), le Conseil constitutionnel confirme lacomptence des juges ordinaires pour connatre des moyens dinconventionnalit soulevs contreune loi. On sait galement que le juge administratif assume pleinement cet office depuis la dcisionNicolo du Conseil dtat (CE, 20 octobre 1989, Nicolo). La complmentarit, sinon la similitude, ducorpus des droits fondamentaux protgs par la Constitution et ceux protgs par les instrumentsinternationaux, et particulirement par la Convention europenne des droits de lHomme et la Chartedes droits fondamentaux de lUnion europenne, invite largement les requrants mobiliser dans lemme temps ces diffrents corpus. Il nest donc pas rare quen plus de la QPC, une dispositionlgislative soit conteste sur le fondement de la Convention europenne ou de la Charte.

    La conjonction de ces deux lments contrle de conventionnalit de la loi exerc par lejuge administratif et mobilisation simultane des moyens constitutionnels et conventionnels conduit des risques de chevauchement du contrle. Une loi constitutionnelle est-ellencessairement conforme au trait international ? Cette question rend au juge administratif unemarge de manuvre substantielle. Elle a d tre rsolue dans deux des affaires commentes (MRidaet Mme Delanoy).

    2 - Les formes de larticulation Larticulation entre ces deux contrles est tablie par larrt MRida : il appartient, par suite,

    au juge du litige, sil na pas fait droit lensemble des conclusions du requrant en tirant lesconsquences de la dclaration dinconstitutionnalit dune disposition lgislative prononce par leConseil constitutionnel, dexaminer, dans lhypothse o un moyen en ce sens est soulev devant lui,sil doit, pour statuer sur les conclusions quil na pas dj accueillies, carter la disposition lgislativeen cause du fait de son incompatibilit avec une stipulation conventionnelle ou, le cas chant, unergle du droit de lUnion europenne dont la mconnaissance naurait pas t pralablementsanctionne . Le juge administratif prserve le caractre prioritaire de la question deconstitutionnalit. Ce nest qu la condition que la loi nait pas t abroge quil examine, ensuite, saconventionnalit. Deux raisons, lune thorique, voire dogmatique, lautre pragmatique, expliquentcette hirarchie ou cette chronologie. La premire rside dans la prsance accorde laConstitution. Il sagit de prserver la hirarchie des normes. En prservant en premier lieu laconformit de la loi la Constitution, on sassure de sa validit dans un cadre normatif purementinterne. La seconde raison tient ce que, du fait des exigences de la procdure et des dlais prvus

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    aux articles 23-3 et 23-4 de lordonnance organique du 7 novembre 1958, le Conseil dtat doitexaminer le bien-fond de la demande de transmission dans les trois mois et, lorsquil transmet laQPC, doit surseoir statuer dans lattente de la dcision du Conseil constitutionnel. Dans cesconditions, il lui est impossible dexaminer la conventionnalit de la loi avant que le jugeconstitutionnel nait statu.

    Le recours au droit de la Convention europenne des droits de lHomme est, dans laffaireMme Delanoy, assez subtil. La dcision du Conseil constitutionnel avait partiellement annul la loi du4 mars 2002 qui limite la possibilit dintroduire certains recours en responsabilit mdicale (litiges Perruche ). Il avait jug que la loi ne pouvait tre applicable aux recours introduits antrieurement ladoption de la loi. Plus prcisment, il refusait la rtroactivit de la loi aux instances en cours .Le Conseil constitutionnel navait pas dfini cette notion. Le juge administratif interprte celle-ci auregard du droit de la Convention europenne des droits de lHomme et particulirement de larticlepremier du premier protocole additionnel. Cest bien pour lapplication des stipulations de larticle1er du premier protocole que le Conseil dtat dlimite la notion dinstance en cours . On trouvedans cette position deux points qui mritent attention. Dune part, le Conseil dtat tente dassurerune conciliation, son niveau, entre les diffrents corpus de droits fondamentaux. En appliquant ladcision du Conseil constitutionnel la lumire de la Convention europenne des droits de lHomme,il assure une cohrence bienvenue et un dialogue constructif des ordres juridiques. Dautre part, ildmontre sa capacit prserver une marge dapprciation dans lapplication des dcisions duConseil constitutionnel.

    Dans laffaire MRida, la mobilisation du droit de la Convention europenne est plus franche.Larchitecture spcifique du recours avait conduit le juge administratif distinguer deux priodes :celle antrieure la date de la demande faite ladministration, et celle lui tant postrieure. Laseconde priode entrait dans le champ dapplication de la norme dgage par le Conseilconstitutionnel et par les nouvelles dispositions. La premire en revanche en tait exclue. Le Conseildtat fait pourtant droit la demande de la requrante, en fondant ses motifs uniquement sur ledroit de la Convention. Il carte donc lapplication de la loi antrieure. Le droit de la Conventioncomplte ainsi le droit constitutionnel, l o ce dernier nest pas applicable.

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    CE, ass., 13/05/2011, Mme MRidaVu le pourvoi sommaire et le mmoire complmentaire, enregistrs les 2 juin et 1er septembre 2008au secrtariat du contentieux du Conseil d'Etat, prsents pour Mme Hadda A, demeurant ... ; Mme Ademande au Conseil d'Etat :1) d'annuler le jugement n 0502427 du 13 dcembre 2006 par lequel le tribunal administratif dePoitiers a rejet sa demande tendant l'annulation de la dcision du ministre de la dfense du 23 mai2005 rejetant sa demande de rversion de la pension militaire de retraite de son poux dcd le 12fvrier 1992, au paiement des arrrages en qualit de veuve depuis le mois de juillet 1992 et desarrrages pour son fils El Mustapha en qualit d'orphelin de la date du dcs de son pre jusqu' ladate de sa majorit, enfin ce qu'il soit enjoint au ministre de la dfense de procder au versementde la pension de rversion dans un dlai d'un mois suivant la date de la dcision intervenir, sousastreinte de 200 euros par jour de retard ;2) rglant l'affaire au fond, de faire droit sa demande ;3) de mettre la charge de l'Etat, au profit de la SCP Richard, la somme de 3 000 euros enapplication des articles 37 de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justiceadministrative ;

    Vu les autres pices du dossier ;Vu la Constitution et, notamment, ses articles 61-1 et 62 ;Vu la convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales etle premier protocole additionnel cette convention ;Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;Vu la loi n 59-1454 du 26 dcembre 1959 de finances pour 1960 ;Vu la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 ;Vu la loi n 2002-1576 du 30 dcembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;Vu la loi n 2010-1657 du 29 dcembre 2010 de finances pour 2011 ;Vu la dcision n 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ;Vu la dcision n 2010-108 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;Vu le code de justice administrative ;

    Aprs avoir entendu en sance publique :- le rapport de M. Christian Fournier, Matre des requtes,- les observations de la SCP Richard, avocat de Mme A, - les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,

    La parole ayant t nouveau donne la SCP Richard, avocat de Mme A ;

    Considrant qu'il ressort des pices du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ressortissantmarocain ayant servi dans l'arme franaise du 14 janvier 1938 au 13 janvier 1953, a t admis par

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    arrt du 14 fvrier 1953 au bnfice d'une pension militaire de retraite, qui a t transforme enindemnit personnelle et viagre en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26dcembre 1959 de finances pour 1960 ; qu'il a pous le 14 juin 1956 Mlle Hadda B, ressortissantemarocaine ; que sept enfants sont ns de ce mariage ; que Mme A se pourvoit en cassation contre lejugement du 13 dcembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejet sa demandetendant, en premier lieu, l'annulation de la dcision du ministre de la dfense du 23 mai 2005rejetant sa demande de rversion de la pension militaire de retraite du chef de son poux dcd le12 fvrier 1992 avec paiement des arrrages depuis le mois de juillet 1992 et sa demande d'arrragespour son fils El Mustapha, en qualit d'orphelin, de la date du dcs de son pre jusqu' la date de samajorit et, en second lieu, ce qu'il soit enjoint au ministre de la dfense, sous astreinte, deprocder au versement de la pension de rversion ;

    Sur le jugement en tant qu'il statue sur le droit pension de veuve de Mme A :

    Considrant qu'aux termes du premier alina de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition lgislativeporte atteinte aux droits et liberts que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut tresaisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. " ; qu'aux termes dudeuxime alina de son article 62 : " Une disposition dclare inconstitutionnelle sur le fondement del'article 61-1 est abroge compter de la publication de la dcision du Conseil constitutionnel oud'une date ultrieure fixe par cette dcision. Le Conseil constitutionnel dtermine les conditions etlimites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'tre remis en cause" ; qu'enfin, aux termes du troisime alina du mme article : " Les dcisions du Conseilconstitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et toutes les autorits administratives et juridictionnelles. " ;

    Considrant qu'il rsulte des dispositions prcites de l'article 62 de la Constitution qu'unedisposition lgislative dclare contraire la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pasannule rtroactivement mais abroge pour l'avenir compter de la publication de la dcision duConseil constitutionnel ou d'une date ultrieure fixe par cette dcision ; que, par sa dcision n2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jug que " si, en principe, ladclaration d'inconstitutionnalit doit bnficier l'auteur de la question prioritaire deconstitutionnalit et la disposition dclare contraire la Constitution ne peut tre applique dansles instances en cours la date de la publication de la dcision du Conseil constitutionnel, lesdispositions de l'article 62 de la Constitution rservent ce dernier le pouvoir tant de fixer la date del'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prvoir la remise en cause des effets que ladisposition a produits avant l'intervention de cette dclaration " ;

    Considrant que, lorsque le Conseil constitutionnel, aprs avoir abrog une disposition dclareinconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confrent les dispositions prcites, soit de dterminer lui-mme les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sontsusceptibles d'tre remis en cause, soit de dcider que le lgislateur aura prvoir une applicationaux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remdier l'inconstitutionnalitconstate, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition dclareinconstitutionnelle, de les remettre en cause en cartant, pour la solution de ce litige, le cas chantd'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixes par le Conseil constitutionnel ou lelgislateur ;

    Considrant que, par sa dcision n 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a dclarcontraires la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002 de financesrectificative pour 2002, l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jug que : " afin depermettre au lgislateur de remdier l'inconstitutionnalit constate, l'abrogation des dispositions

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    prcites prendra effet compter du 1er janvier 2011 ; afin de prserver l'effet utile de la prsentedcision la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictionsde surseoir statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dpend de l'applicationdes dispositions dclares inconstitutionnelles et, d'autre part, au lgislateur de prvoir uneapplication des nouvelles dispositions ces instances en cours la date de la prsente dcision " ;

    Considrant que, la suite de cette dcision, l'article 211 de la loi du 29 dcembre 2010 de financespour 2011 a dfini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidit, despensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants despays ou territoires ayant appartenu l'Union franaise ou la Communaut ou ayant t placs sousle protectorat ou sous la tutelle de la France et abrog plusieurs dispositions lgislatives, notammentcelles de l'article 71 de la loi du 26 dcembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; que, parailleurs, son paragraphe VI prvoit que " le prsent article est applicable aux instances en cours ladate du 28 mai 2010, la rvision des pensions prenant effet compter de la date de rception parl'administration de la demande qui est l'origine de ces instances " ; qu'enfin, aux termes du XI dumme article : " Le prsent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 " ;

    Considrant que, comme il a t dit, le Conseil constitutionnel a jug qu'il appartenait au lgislateurde prvoir une application aux instances en cours la date de sa dcision des dispositions qu'iladopterait en vue de remdier l'inconstitutionnalit constate ; que l'article 211 de la loi definances pour 2011 ne se borne pas dterminer les rgles de calcul des pensions servies auxpersonnes qu'il mentionne, mais abroge aussi des dispositions qui dfinissent, notamment, lesconditions dans lesquelles est ouvert le droit une pension de rversion ; qu'ainsi, alors mme qu'ilmentionne seulement la " rvision des pensions ", le paragraphe VI de l'article 211 prcit doit treregard comme s'appliquant aussi aux demandes de pension de rversion ;

    Considrant que, pour statuer sur la demande de pension de rversion prsente par Mme A par lejugement attaqu du 13 dcembre 2006, le tribunal administratif de Poitiers s'est exclusivementfond sur les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 et sur celles del'article 71 de la loi de finances pour 1960 ; qu'afin de prserver l'effet utile de la dcision prcite duConseil constitutionnel la solution de l'instance ouverte par la demande de Mme A, en permettantau juge du fond de remettre en cause, dans les conditions et limites dfinies par le paragraphe VI del'article 211 de la loi de finances pour 2011, les effets produits par les dispositions mentionnes ci-dessus, il incombe au juge de cassation, aprs avoir sursis statuer comme l'y invitait la dcision duConseil constitutionnel, d'annuler, sans qu'il soit besoin pour lui d'examiner les moyens du pourvoidont il est saisi, le jugement attaqu ;

    Sur le jugement en tant qu'il statue sur la pension d'orphelin du fils de Mme A :

    Considrant qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque desconclusions sont entaches d'une irrecevabilit susceptible d'tre couverte aprs l'expiration du dlaide recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilit qu'aprs avoirinvit leur auteur les rgulariser. (...) La demande de rgularisation mentionne qu' dfaut dergularisation, les conclusions pourront tre rejetes comme irrecevables ds l'expiration du dlaiimparti qui, sauf urgence, ne peut tre infrieur quinze jours. La demande de rgularisation tientlieu de l'information prvue l'article R. 611-7 " ;

    Considrant qu'eu gard au lien de parent existant entre Mme A et son fils El Mustapha, le tribunaladministratif ne pouvait rejeter comme irrecevables les conclusions que Mme A a prsentes aux finsd'obtenir, au bnfice de son fils, le paiement des arrrages de pension d'orphelin de la date dudcs de son pre jusqu' la date de sa majorit, au motif que l'intresse ne justifiait d'aucun intrtlui donnant qualit pour agir, sans l'avoir pralablement invite rgulariser cette demande en la

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    faisant signer par son fils majeur ; que Mme A est, par suite, fonde demander l'annulation dujugement attaqu ;

    Considrant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espce, de rgler l'affaire au fond en applicationdes dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

    Sur le droit pension de rversion de Mme A :

    Sur la priode postrieure au 11 juin 2004 :

    Considrant qu'ainsi qu'il a t dit ci-dessus, les dispositions de l'article 71 de la loi du 26 dcembre1959 et celles de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002, qui dfinissaient, la date de la dcisionattaque, les conditions dans lesquelles un droit pension de rversion tait ouvert la veuve d'unayant droit tranger, ont t abroges compter du 1er janvier 2011, les premires par l'article 211de la loi de finances pour 2011, les secondes par la dcision du Conseil constitutionnel du 28 mai2010 ; qu'en application du VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, dont la porte a tprcise ci-dessus, il y a lieu d'carter ces dispositions lgislatives pour statuer sur le droit pensionde rversion de Mme A compter de la date de rception de sa demande par l'administration, soit compter du 11 juin 2004 ;

    Considrant, d'une part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 n'ayant substitu aucunedisposition nouvelle celles qui doivent ainsi tre cartes pour dfinir les conditions dans lesquellesun droit pension de rversion est ouvert la veuve d'un ayant droit tranger, il y a lieu de faireapplication des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives auxpensions des ayants cause applicables la date du dcs de l'ayant droit ;

    Considrant qu'aux termes de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite, danssa rdaction en vigueur le 12 fvrier 1992 : " Sont applicables aux ayants cause des militaires dont lesdroits se trouvent rgis par le prsent code les dispositions du chapitre Ier du prsent titre, l'exception de celles vises au premier alina, a et b, de l'article L. 39, qui sont remplaces par lesdispositions suivantes : / Le droit pension de veuve est subordonn la condition : / a) Que depuisla date du mariage jusqu' celle de la cessation de l'activit du mari, celui-ci ait accompli deux annesau moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariageantrieur ladite cessation, lorsque le mari a obtenu ou pouvait obtenir la pension prvue l'articleL. 6 (1) (...) " ; qu'aux termes du troisime alina de l'article L. 39 du code des pensions civiles etmilitaires de retraite, rendu applicable aux ayants causes des militaires par l'article L. 47 du mmecode : " Nonobstant les conditions d'antriorit prvues ci-dessus, le droit pension de veuve estreconnu : / 1 Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; 2 Ou si le mariage, antrieur oupostrieur la cessation d'activit, a dur au moins quatre annes. " ; qu'il rsulte de l'instructionque Mme A remplit les conditions ainsi prvues par le code des pensions civiles et militaires deretraite pour l'obtention d'une pension de veuve ; que sa demande de versement d'une pension derversion du chef de son mari dcd a t reue par l'administration le 11 juin 2004 ; qu'elle estdonc fonde demander bnficier d'une telle pension compter de cette date ;

    Considrant, d'autre part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 prvoit de nouvelles rglespour le calcul du montant des pensions des personnes qu'il mentionne ; que ces rgles sontapplicables pour le calcul de la pension de Mme A ;

    Considrant, ds lors, que la dcision du ministre du 23 mai 2005 doit tre annule en tant qu'ellerefuse Mme A l'attribution d'une pension de veuve compter du 11 juin 2004 dans des conditionsconformes aux motifs noncs ci-dessus ;

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    Sur la priode antrieure au 11 juin 2004 :

    Considrant que, dans l'exercice du contrle de conformit des lois la Constitution qui lui incombeselon la procdure dfinie l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoird'abroger les dispositions lgislatives contraires la Constitution ; que les juridictions administrativeset judiciaires, qui incombe le contrle de la compatibilit des lois avec le droit de l'Unioneuropenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent dclarer que des dispositionslgislatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litigequ'elles ont trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit l'ensembledes conclusions du requrant en tirant les consquences de la dclaration d'inconstitutionnalitd'une disposition lgislative prononce par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothseo un moyen en ce sens est soulev devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pasdj accueillies, carter la disposition lgislative en cause du fait de son incompatibilit avec unestipulation conventionnelle ou, le cas chant, une rgle du droit de l'Union europenne dont lamconnaissance n'aurait pas t pralablement sanctionne ;

    Considrant qu' cette fin, lorsqu'est en litige une dcision refusant au requrant l'attribution d'undroit auquel il prtend et qu'est invoque l'incompatibilit de la disposition sur le fondement delaquelle le refus lui a t oppos avec les stipulations de l'article 14 de la convention europenne desauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales et de l'article 1er du premierprotocole additionnel cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si lerequrant peut tre regard comme se prvalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er dupremier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition lgislativecritique doit tre carte comme portant atteinte ce bien de faon discriminatoire et, par suite,comme tant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ;

    En ce qui concerne le droit pension de rversion :

    Considrant qu'aux termes du I de l'article 71 de la loi du 26 dcembre 1959 : " A compter du 1erjanvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagres imputes sur le budget de l'Etat oud'tablissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu l'Union franaise ou la Communaut, ou ayant t placs sous le protectorat ou la tutelle de laFrance, seront remplaces, pendant la dure normale de leur jouissance personnelle, par desindemnits annuelles en francs, calcules sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites allocations oupensions, la date de leur transformation " ; qu'aux termes du I de l'article 68 de la loi du 30dcembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : " Les prestations servies enapplication des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (...) sont calcules dans les conditionsprvues aux paragraphes suivants. " ; qu'aux termes du VI du mme article : " Les prestations serviesen application des textes viss au I peuvent faire l'objet, compter du 1er janvier 2002 et surdemande, d'une rversion. L'application du droit des pensions aux intresss et la situation de famillesont apprcies la date d'effet des dispositions vises au I pour chaque Etat concern " ;

    Considrant qu'il rsulte de la combinaison des dispositions prcites que le droit la rversion d'unepension militaire de retraite verse un ressortissant marocain en application du I de l'article 71 de laloi n 59-1454 du 26 dcembre 1959 s'apprcie au regard de la rglementation en vigueur le 1erjanvier 1961, et non au regard de la rglementation applicable la date du dcs de l'ayant droit ;qu' la date du 1er janvier 1961, l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraiteexcluait du droit pension de rversion les veuves dont le mariage avait t clbr postrieurement la cessation d'activit du conjoint titulaire de la pension, sans tenir compte de ce que des enfantsseraient issus du mariage ;

    Considrant qu'il rsulte de l'instruction que M. A a cess son activit dans l'arme franaise le 13

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    janvier 1953 et que son mariage avec la requrante a eu lieu le 14 juin 1956 ; que, ce mariage tantpostrieur la radiation des contrles de l'arme active de son poux dcd, Mme A, sa veuve, neremplit pas les conditions prvues par les dispositions de l'article L. 64 du code des pensions civiles etmilitaires de retraite en vigueur le 1er janvier 1961 pour bnficier d'une pension militaire derversion ;

    Considrant, toutefois, que Mme A soutient que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30dcembre 2002 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention europennede sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales et de l'article 1er du premierprotocole additionnel cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fonde sur lanationalit en appliquant aux veuves de militaires trangers les dispositions du code des pensionsciviles et militaires de retraite en vigueur la date d'indpendance de leur pays, quand les veuves demilitaires franais se voient appliquer les dispositions de ce code en vigueur la date du dcs dumilitaire ;

    Considrant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel cette convention : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut tre priv de saproprit que pour cause d'utilit publique et dans les conditions prvues par la loi et les principesgnraux du droit international. / Les dispositions prcdentes ne portent pas atteinte au droit quepossdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent ncessaires pour rglementer l'usagedes biens conformment l'intrt gnral ou pour assurer le paiement des impts ou d'autrescontributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissancedes droits et liberts reconnus dans la prsente convention doit tre assure, sans distinction aucune,fonde notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques outoutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance une minorit nationale, lafortune, la naissance ou toute autre situation " ;

    Considrant, d'une part, que le code des pensions civiles et militaires de retraite prvoit que lapension servie un ayant droit est, en principe, rversible, notamment au profit de sa veuve ; que,ainsi qu'il a t dit, Mme A est, depuis le 12 fvrier 1992, veuve d'un militaire titulaire d'une pensionconcde en application de ce code ; que, par suite, si la loi applicable exclut pour elle, sur le seulfondement d'un critre relatif la nationalit du titulaire de la pension, le bnfice d'une pension derversion, Mme A, qui remplit la condition d'tre veuve d'un titulaire d'une pension, peut se prvaloird'un droit patrimonial, qui doit tre regard comme un bien au sens des stipulations prcites del'article 1er du premier protocole additionnel la convention europenne de sauvegarde des droitsde l'homme et des liberts fondamentales, et peut demander au juge d'carter l'application desdispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002 en invoquant leur incompatibilit avecles stipulations de l'article 14 de la convention ;

    Considrant, d'autre part, qu'une distinction entre des personnes places dans une situationanalogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pasassortie de justifications objectives et raisonnables, c'est--dire si elle ne poursuit pas un objectifd'utilit publique, ou si elle n'est pas fonde sur des critres objectifs et rationnels en rapport avec lesbuts de la loi ; que les pensions de retraite constituent, pour les militaires et agents publics, uneallocation pcuniaire destine leur assurer, ou assurer leurs ayants cause, des conditionsmatrielles de vie en rapport avec la dignit des fonctions prcdemment exerces par ces militaireset agents ; que la diffrence de situation existant entre des ayants cause d'anciens militaires et agentspublics de la France, selon que ceux-ci ont la nationalit franaise ou sont ressortissants d'Etatsdevenus indpendants, ne justifie pas, eu gard l'objet des pensions de rversion, une diffrence detraitement ; que cette diffrence de traitement ne peut tre regarde comme reposant sur un critreen rapport avec l'objectif de la loi du 30 dcembre 2002 ; que les dispositions du VI de l'article 68 decette loi tant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations prcites de l'article 14 de la convention

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    europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales, le ministre de ladfense devait examiner les droits pension de Mme A au regard du droit applicable non le 1erjanvier 1961, mais la date du dcs de M. A, soit le 12 fvrier 1992 ; qu' cette date, ainsi qu'il tdit, Mme A remplissait les conditions prvues par le code des pensions civiles et militaires pourl'obtention d'une pension de veuve ;

    Considrant qu'il rsulte de tout ce qui prcde que, en l'absence de moyen soulev par le ministrecharg du budget opposant l'intresse la prescription prvue par l'article L. 74 du code despensions civiles et militaires de retraite, Mme A a droit, pour l'ensemble de la priode comprise entrele 12 fvrier 1992, date du dcs de son mari, et le 11 juin 2004, une pension de rversion ;

    En ce qui concerne le taux de la pension de rversion :

    Considrant qu'aux termes du IV de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002 : " Sous les rservesmentionnes au deuxime alina du prsent IV (....), les dispositions des II et III sont applicables compter du 1er janvier 1999./ Ce dispositif spcifique s'applique sous rserve des dcisions de justicepasses en force de chose juge et des contentieux contestant le caractre discriminatoire des textesviss au I, prsents devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 " ;

    Considrant qu'il rsulte des dispositions du second alina du IV prcit que, pour la priodecomprise entre le 1er janvier 1999 et le 11 juin 2004, Mme A, qui n'a engag aucun contentieuxcontestant le caractre discriminatoire des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 dcembre 1959avant la date d'entre en vigueur de la loi du 30 dcembre 2002, le 5 novembre 2003, ne peutprtendre, conformment aux dispositions du premier alina du mme IV, qu' une pension calculeen application des dispositions des I et II de l'article 68 ; qu'en revanche, pour la priode compriseentre le 12 fvrier 1992 et le 31 dcembre 1998, elle peut, contrairement ce que soutient leministre, sans qu'y fassent obstacle les dispositions du second alina du IV, demander au juged'carter l'application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 dcembre 1959 ; que cesdernires dispositions, qui crent une diffrence de traitement, en raison de leur seule nationalit,entre les titulaires de pensions, en interdisant toute revalorisation, compter de la date qu'ellesfixent, pour les seules pensions de militaires qui n'ont pas la nationalit franaise, sans que le critrede nationalit puisse tre regard comme un critre objectif et rationnel en rapport avec les buts dela loi, sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention europenne desauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales ; que Mme A a ainsi droit, pourcette priode, une pension d'un montant calcul en application des rgles de droit commun ducode des pensions civiles et militaires de retraite ;

    Sur le droit pension d'orphelin du fils de Mme A :

    Considrant que Mme A a prsent des conclusions aux fins d'obtenir le paiement des arrrages aubnfice de son fils El Mustapha, en qualit d'orphelin, de la date du dcs de son pre jusqu' ladate de sa majorit ; qu'en rponse la demande de rgularisation qui lui a t adresse par leConseil d'Etat, M. El Mustapha A a produit un mmoire par lequel il dclare reprendre son compteles conclusions et moyens dvelopps en son nom par sa mre ;

    Considrant qu'il rsulte de la combinaison des dispositions prcites de l'article 71 de la loi du 26dcembre 1959 et de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002 que le droit la rversion d'unepension militaire de retraite verse un ressortissant marocain s'apprcie au regard de la situation defamille des intresss et de la rglementation en vigueur le 1er janvier 1961, et non au regard de lasituation de famille et de la rglementation applicable la date du dcs de l'ayant droit ; qu'au 1erjanvier 1961, l'article L. 57 du code des pensions civiles et militaires de retraite subordonnait le droit pension d'orphelin la condition que la mise la retraite ou la radiation des cadres du pre soit

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    postrieure, pour les enfants lgitimes, au mariage dont ils sont issus ou leur conception ;

    Considrant qu'il rsulte de l'instruction que M. El Mustapha A est n le 9 juin 1973 d'un mariagepostrieur la date de radiation des contrles de l'arme active de son pre ; que, ds lors, M. ElMustapha A ne remplit pas les conditions prvues par les dispositions combines de l'article 68 de laloi du 30 dcembre 2002 et de l'article L. 57 du code des pensions civiles et militaires de retraite pourbnficier d'une pension militaire d'orphelin ;

    Considrant, toutefois, que M. A soutient que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30dcembre 2002 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention europennede sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales et de l'article 1er du premierprotocole additionnel cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fonde sur lanationalit en appliquant aux orphelins de militaires trangers les dispositions du code des pensionsciviles et militaires de retraite en vigueur la date d'indpendance de leur pays, alors que lesorphelins de militaires franais se voient appliquer les dispositions de ce code en vigueur la date dudcs du militaire ;

    Considrant, d'une part, que le code des pensions civiles et militaires de retraite prvoit que lapension servie un ayant droit est, en principe, rversible, notamment au profit de ses orphelins ;que, ainsi qu'il a t dit, M El Mustapha A est, depuis le 12 fvrier 1992, orphelin d'un militairetitulaire d'une pension concde en application de ce code ; que, par suite, si la loi applicable exclutpour lui, sur le seul fondement d'un critre relatif la nationalit du titulaire de la pension, lebnfice d'une pension de rversion, M. A, qui remplit la condition d'tre orphelin d'un titulaired'une pension, peut se prvaloir d'un droit patrimonial qui doit tre regard comme un bien au sensdes stipulations prcites de l'article 1er du premier protocole additionnel la conventioneuropenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales, et peut demanderau juge d'carter l'application des dispositions de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002 eninvoquant leur incompatibilit avec les stipulations de l'article 14 de la convention ;

    Considrant, d'autre part, que les dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 dcembre 2002sont, pour les motifs qui ont t prcdemment indiqus, incompatibles avec les stipulations del'article 14 de la convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertsfondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel cette convention, en ce qu'ellesinstaurent une discrimination fonde sur la nationalit en prvoyant que la situation de famille desintresss doit tre apprcie au 1er janvier 1961 et en appliquant aux orphelins de militairestrangers les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur la dated'indpendance de leur pays, alors que le droit des orphelins de militaires franais est apprci auregard de leur situation la date du dcs de leur pre ; que les droits pension d'orphelin de M. ElMustapha A doivent donc tre examins, au regard de sa situation de famille et du droit applicablenon au 1er janvier 1961, mais la date du dcs de M. A, soit le 12 fvrier 1992 ; qu' cette date, M.El Mustapha A remplissait les conditions prvues par le code des pensions civiles et militaires pourl'obtention d'une pension d'orphelin ;

    Considrant qu'il rsulte de ce qui prcde que, en l'absence de moyen soulev par le ministre chargdu budget opposant l'intress la prescription prvue par l'article L. 74 du code des pensions civileset militaires de retraite, M. El Mustapha A a droit une pension d'orphelin pour la priode compriseentre le 12 fvrier 1992, date du dcs de son pre, et le 9 juin 1994, date de son vingt-et-unimeanniversaire ;

    Considrant que, pour cette priode, M. El Mustapha A peut, contrairement ce que soutient leministre, sans qu'y fassent obstacle les dispositions du second alina du IV, demander au juged'carter l'application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 dcembre 1959 ; que, ainsi qu'il a

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    t dit ci-dessus, ces dispositions sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de laconvention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales ; que,par suite, M. El Mustapha A a droit une pension d'un montant calcul en application des rgles dedroit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

    Sur les conclusions fin d'injonction :

    Considrant que le contentieux des pensions est un contentieux de pleine juridiction ; qu'ilappartient, ds lors, au juge saisi de se prononcer lui-mme sur les droits des intresss, sauf renvoyer l'administration comptente, et sous son autorit, le rglement de tel aspect du litige qu'illui appartient de fixer ;

    Considrant qu'il rsulte de tout ce qui prcde qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de prononcerl'astreinte demande, d'enjoindre aux ministres chargs de la dfense et du budget de procder, dansun dlai de trois mois compter de la notification de la prsente dcision, la liquidation despensions de veuve et d'orphelin auxquelles Mme A et M. El Mustapha A ont droit ;

    Sur les conclusions tendant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justiceadministrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

    Considrant que Mme A a obtenu le bnfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocatpeut se prvaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loidu 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espce, de mettre la charge de l'Etat lasomme de 3 000 euros que la SCP Richard demande ce titre, sous rserve que cette SCP renonce percevoir la somme correspondant la part contributive de l'Etat ;

    DECIDE :

    Article 1er : Le jugement du 13 dcembre 2006 du tribunal administratif de Poitiers est annul.Article 2 : La dcision du ministre de la dfense du 23 mai 2005 est annule.Article 3 : L'Etat versera Mme A une pension de rversion du chef de son poux compter du 12fvrier 1992 dans les conditions fixes par la prsente dcision. Article 4 : L'Etat versera M. El Mustapha A une pension d'orphelin compter du 12 fvrier 1992dans les conditions fixes par la prsente dcision.Article 5 : Il est enjoint aux ministres de chargs de la dfense et du budget de procder, dans le dlaide trois mois compter de la notification de la prsente dcision, la liquidation de la pension deveuve et de la pension d'orphelin auxquelles Mme A et M. El Mustapha A ont droit.Article 6 : L'Etat versera la SCP Richard, avocat de Mme A et de M. El Mustapha A, une somme de 3000 euros en application du deuxime alina de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous rserveque cette SCP renonce percevoir la somme correspondant la part contributive de l'Etat.Article 7 : La prsente dcision sera notifie Mme Hadda A, M. El Mustapha A, au ministre de ladfense et des anciens combattants et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonctionpublique et de la rforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

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    CE, ass., 13/05/2011, Mme Delannoy et M. VerzeleVu le pourvoi sommaire et le mmoire complmentaire, enregistrs les 30 juin 2008 et 30 septembre2008 au secrtariat du contentieux du Conseil d'Etat, prsents pour Mme Anne A, demeurant ... etM. Eric B, demeurant ... ; Mme A et M. B demandent au Conseil d'Etat :1) d'annuler l'article 2 de l'arrt n 06PA00762 du 28 avril 2008 de la cour administrative d'appel deParis rejetant leur requte tendant l'annulation du jugement du 24 janvier 2006 du tribunaladministratif de Paris en tant que ce jugement rejette leur demande tendant la condamnation del'Assistance publique-Hpitaux de Paris (AP-HP) leur verser des indemnits en rparation desprjudices rsultant pour eux et pour leur fils mineur Tony B de l'absence de diagnostic, lors du suivide la grossesse de Mme A, de la trisomie 21 dont sont atteintes leurs deux filles nes le 8 octobre1998 ;2) rglant l'affaire au fond, de faire droit leurs conclusions d'appel tendant la condamnation del'Assistance publique-Hpitaux de Paris (AP-HP) leur verser des indemnits ;3) de mettre la charge de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris (AP-HP) la somme de 3 000 eurosau titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

    Vu les autres pices du dossier ;Vu la Constitution et, notamment, ses articles 61-1 et 62 ;Vu la convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales etle premier protocole additionnel cette convention ;Vu le code de l'action sociale et des familles ;Vu le code de la sant publique ; Vu la loi n 303-2002 du 4 mars 2002 ;Vu la loi n 2005-102 du 11 fvrier 2005 ;Vu la dcision du Conseil constitutionnel n 2010-2 QPC en date du 11 juin 2010 ;Vu la dcision du Conseil constitutionnel n 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011 ;Vu le code de justice administrative ;

    Aprs avoir entendu en sance publique :- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Matre des Requtes,- les observations de la SCP Piwnica, Molini, avocat de Mme Anne A et de M. Eric B et de MeFoussard, avocat de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris,- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,

    La parole ayant t nouveau donne la SCP Piwnica, Molini, avocat de Mme Anne A et de M. EricB et Me Foussard, avocat de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris ;

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    Considrant qu'il ressort des pices du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a t suivie poursa grossesse l'hpital Robert Debr Paris qui dpend de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris(AP-HP) ; qu'aprs la naissance le 8 octobre 1998 de deux jumelles atteintes de trisomie 21, Mme Aainsi que le pre des enfants, M. B, ont, le 15 avril 1999, demand au juge des rfrs du tribunaladministratif de Paris d'ordonner une expertise pour dterminer si la responsabilit de l'AP-HP taitengage au titre d'une insuffisance fautive d'information sur le risque que les deux enfants natresoient atteints de ce handicap ; qu'aprs communication, le 9 mars 2000, du rapport de l'expertcommis par le juge des rfrs, ils ont prsent une seconde demande d'expertise qui a t rejetepar une ordonnance du 6 octobre 2000 ; que, le 15 fvrier 2003, ils ont introduit devant le tribunaladministratif un recours indemnitaire contre l'AP-HP qui a t rejet par un jugement du 24 janvier2006 ; qu'ils se pourvoient en cassation contre l'article 2 de l'arrt de la cour administrative d'appelde Paris du 28 avril 2008, par lequel la cour a rejet leurs conclusions tendant l'annulation de cejugement ;

    Considrant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, dans sardaction rsultant de la codification par le 1 du II de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005 dedispositions qui figuraient antrieurement aux trois premiers alinas du I de l'article 1er de la loi du 4mars 2002 relative aux droits des malades et la qualit du systme de sant: " Nul ne peut seprvaloir d'un prjudice du seul fait de sa naissance./ La personne ne avec un handicap d unefaute mdicale peut obtenir la rparation de son prjudice lorsque l'acte fautif a provoqudirectement le handicap ou l'a aggrav, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles del'attnuer./ Lorsque la responsabilit d'un professionnel ou d'un tablissement de sant est engagevis--vis des parents d'un enfant n avec un handicap non dcel pendant la grossesse la suited'une faute caractrise, les parents peuvent demander une indemnit au titre de leur seul prjudice.Ce prjudice ne saurait inclure les charges particulires dcoulant, tout au long de la vie de l'enfant,de ce handicap. La compensation de ce dernier relve de la solidarit nationale. " ; qu'aux termes du2 du II de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005, reprenant en les adaptant des dispositions quifiguraient antrieurement au dernier alina du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 : " Lesdispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il rsulte du 1 duprsent II sont applicables aux instances en cours la date d'entre en vigueur de la loi n 2002-303du 4 mars 2002, l'exception de celles o il a t irrvocablement statu sur le principe del'indemnisation. " ;

    Considrant que Mme A et M. B ont invit les juges du fond carter l'application au litige desdispositions de l'article L. 114-5 prcit du code de l'action sociale et des familles, au motif qu'ilsavaient introduit avant l'entre en vigueur de la loi du 4 mars 2002 une instance relative larparation des dommages rsultant du handicap de leurs enfants et justifiaient ainsi d'une cranceindemnitaire que le lgislateur ne pouvait remettre en cause sans porter atteinte leur droit aurespect de leurs biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel la conventioneuropenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales ; que si la couradministrative d'appel a reconnu que les dispositions du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 fvrier2005, rendant l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles applicable aux instances encours la date d'entre en vigueur de la loi du 4 mars 2002, taient incompatibles avec lesstipulations de l'article 1er du premier protocole, elle a estim que Mme A et M. B ne justifiaient pasd'une instance en cours cette date ; que la cour a, en consquence, rgl le litige sur le fondementdes dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;

    Considrant toutefois qu'en se fondant, pour juger que les intresss ne justifiaient pas d'uneinstance en cours lors de l'entre en vigueur de la loi du 4 mars 2002, sur la dure qui s'tait couleentre le rejet, le 6 octobre 2000, de leur seconde demande d'expertise et la prsentation, le 15fvrier 2003, de leur recours indemnitaire contre l'AP-HP, alors que ce dlai ne pouvait par lui-mme,en l'absence de forclusion ou de prescription de l'action en rparation, tre regard, pour

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    l'application des stipulations de l'article 1er du premier protocole, comme ayant clos l'instance qu'ilsavaient engage par leurs demandes d'expertise formes dans le but d'obtenir la rparation de leursprjudices, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner lesautres moyens du pourvoi, Mme A et M. B sont fonds demander l'annulation de l'article 2 del'arrt de la cour administrative d'appel de Paris, par lequel la cour a rejet leurs conclusions tendant l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 24 janvier 2006 rejetant leursconclusions indemnitaires contre l'AP-HP ;

    Considrant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justiceadministrative et de rgler l'affaire au fond ;

    Sur le rgime de responsabilit applicable au litige :

    Considrant qu'aux termes du deuxime alina de l'article 62 de la Constitution : " Une dispositiondclare inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abroge compter de lapublication de la dcision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultrieure fixe par cette dcision.Le Conseil constitutionnel dtermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que ladisposition a produits sont susceptibles d'tre remis en cause. " ; qu'aux termes du troisime alinadu mme article : " Les dcisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours.Elles s'imposent aux pouvoirs publics et toutes les autorits administratives et juridictionnelles. " ;

    Considrant que, par le 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005, le lgislateur a prvu que lesdispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles s'appliqueraient auxinstances en cours lors de l'entre en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; que, ce faisant, il ancessairement entendu que les mmes dispositions s'appliquent galement la rparation dedommages dont le fait gnrateur tait antrieur la date d'entre en vigueur de cette loi mais qui, cette date, n'avaient pas encore donn lieu une action indemnitaire ;

    Considrant que, par une dcision n 2010-2 QPC du 11 juin 2010, publie au Journal officiel le 12juin, le Conseil constitutionnel a, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, dclar le 2 duII de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005 contraire la Constitution, au motif qu'il n'existait pasd'intrt gnral suffisant pour justifier la remise en cause des droits des personnes ayant, avant le 7mars 2002, date d'entre en vigueur du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, engag uneprocdure en vue d'obtenir la rparation de leur prjudice ; que le Conseil constitutionnel a enrevanche relev qu'il existait des motifs d'intrt gnral pouvant justifier l'application des rglesnouvelles des instances engages aprs le 7 mars 2002 au titre de situations juridiques nes avantcette date ; qu'il rsulte de la dcision du Conseil constitutionnel et des motifs qui en sont le supportncessaire qu'elle n'emporte abrogation, conformment au deuxime alina de l'article 62 de laConstitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005 que dans la mesure o cettedisposition rend les rgles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002 ;

    Considrant que, ainsi qu'il a t dit ci-dessus, Mme A et M. B avaient engag le 15 avril 1999 uneinstance en vue d'obtenir de l'AP-HP la rparation de leur prjudice ainsi que de celui de leurs filsmineur, Tony B qui tait toujours en cours la date d'entre en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu'ilrsulte ds lors de ce qui prcde que les dispositions des trois premiers alinas du I de l'article 1erde la loi du 4 mars 2002, aujourd'hui codifis l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et desfamilles, ne sont pas applicables leur demande tendant ce que l'AP-HP soit condamne leurverser, ainsi qu' leur fils mineur, des indemnits pour les prjudices rsultant de la faute que l'AP-HPaurait commise en leur dlivrant une information insuffisante sur le risque, qui s'est ralis, que lesdeux enfants natre soient atteints de trisomie 21 ;

    Sur le principe de la responsabilit de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris :

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    Considrant qu'il rsulte de l'instruction que, lors d'une consultation le 2 juin 1998 l'hpital RobertDebr, Mme A a voqu la possibilit de raliser une amniocentse destine dceler d'ventuellesanomalies gntiques ; que le mdecin a toutefois indiqu l'intresse, d'une part, que, comptetenu de ce qu'elle tait ge de moins de 38 ans et de ce que les chographies n'avaient pas rvld'anomalie, sa grossesse ne comportait pas de risques particuliers et, d'autre part, qu'uneamniocentse entranait des risques accrus de fausse couche dans le cas, qui tait le sien, d'unegrossesse gmellaire ; que le mdecin a propos un dpistage srique HT 21 destin valuer lerisque de trisomie 21 Mme A qui l'a accept et a sign le consentement crit exig par lesdispositions alors en vigueur de l'article R. 162-16-7 du code de la sant publique ; que le documentqu'elle a ainsi sign comportait notamment les mentions suivantes : " Cet examen ... ne permet pas lui seul d'tablir le diagnostic de la trisomie 21. Le rsultat de l'examen, exprim en taux de risque,me sera rendu et expliqu par le mdecin qui me l'a prescrit. Si ce risque est considr comme lev(par exemple 1/100, 1/50, ...), il me sera propos un prlvement de liquide amniotique(amniocentse) ... Si ce risque est considr comme faible (par exemple 1/300, 1/500, ...), il n'exclutjamais la possibilit d'une trisomie la naissance. En l'tat actuel, la sensibilit du test ne permet pasde dceler plus de 60% des trisomies 21 " ; que le rsultat du test ainsi pratiqu sur Mme A ayantvalu le risque de trisomie 21 1/260, celle-ci a t informe qu'elle n'tait pas considre commeappartenant un groupe risque ; qu'il est constant que Mme A n'a pas alors demand que soitpratique une amniocentse et que les chographies ultrieures n'ont pas rvl d'anomalie ;

    Considrant que, dans ces conditions, et bien qu'il ne soit pas tabli que le rsultat numrique dudpistage srique HT 21 ait t communiqu Mme A ou que celle-ci ait t informe de ce que cersultat tait proche du seuil de 1/250 partir duquel la personne est considre commeappartenant un groupe risque, l'AP-HP ne peut tre regarde, dans les circonstances de l'espce,comme ayant manqu ses obligations d'information et de conseil et commis ainsi une faute denature engager sa responsabilit ;

    Sur les conclusions tendant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justiceadministrative :

    Considrant que ces dispositions font obstacle ce que soit mis la charge de l'AP-HP qui n'est pas,dans la prsente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposspar Mme A et M. B devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etatet non compris dans les dpens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre la charge de Mme A et M. B lasomme que demande l'AP-HP au titre de ces mmes dispositions ;

    DECIDE :Article 1er : L'article 2 de l'arrt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 avril 2008 est annul.Article 2 : Le surplus des conclusions de la requte de Mme A et de M. B et le surplus des conclusionsde la requte qu'ils ont prsente devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant lacondamnation de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris et l'application des dispositions del'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejets.Article 3 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris tendant l'application desdispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetes.Article 4 : La prsente dcision sera notifie Mme Anne A, M. Eric B, l'Assistance publique-Hpitaux de Paris et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.Copie en sera adresse pour information au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi etde la sant.

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    CE, ass., 13/05/2011 Mme La-zareVu le pourvoi sommaire et le mmoire complmentaire, enregistrs les 29 juin et 28 septembre 2009au secrtariat du contentieux du Conseil d'Etat, prsents pour Mme Viviane A, demeurant ... ; MmeA, agissant en son nom propre et pour le compte de ses enfants mineurs Christelle et Loc, toushritiers de M. Alain A, dcd, demande au Conseil d'Etat :1) d'annuler l'arrt n 07PA03630-07PA03717 du 6 octobre 2008 par lequel la cour administratived'appel de Paris a rejet la requte de M. et Mme A tendant l'annulation du jugement du 24 juillet2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejet leur demande tendant la condamnation ducentre hospitalier Cochin leur verser la somme de 138 925,24 euros en rparation desconsquences dommageables rsultant de la myopathie de leur fils Loc la suite d'une erreur dediagnostic commise en 1992 ;2) rglant l'affaire au fond, de faire droit leurs conclusions d'appel ;3) de mettre la charge de l'Assistance Publique-Hpitaux de Paris (AP-HP) la somme de 3 000 eurosau titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

    Vu les autres pices du dossier ;Vu la Constitution et, notamment, ses articles 61-1 et 62 ;Vu la convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberts fondamentales etle premier protocole additionnel cette convention ;Vu code de l'action sociale et des familles ;Vu le code de la sant publique ;Vu la loi n 2002-303 du 4 mars 2002 ;Vu la loi n 2005-102 du 11 fvrier 2005 ;Vu la dcision n 329290 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux en date du 14 avril 2010 ;Vu la dcision n 2010-2 QPC du Conseil constitutionnel en date du 11 juin 2010 ;Vu la dcision n 2010-108 QPC du Conseil constitutionnel en date du 25 mars 2011 ;Vu le code de justice administrative ;

    Aprs avoir entendu en sance publique :- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Matre des requtes-rapporteur,- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A, de la SCP Didier, Pinet, avocat del'Assistance publique-Hpitaux de Paris et de la SCP Odent, Poulet, avocat de la caisse de prvoyancede la SNCF-antenne de Bordeaux,- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,

    La parole ayant t nouveau donne la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A, la SCP Didier,Pinet, avocat de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris et la SCP Odent, Poulet, avocat de la caissede prvoyance de la SNCF-antenne de Bordeaux ;

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    Considrant qu'il rsulte des pices soumises aux juges du fond que Mme A a donn naissance, le 8dcembre 1995, au centre hospitalier Robert-Boulin de Libourne, un garon prnomm Loc quis'est rvl atteint de la maladie de la myopathie de Duchenne ; que M. et Mme A ont recherch laresponsabilit de l'Assistance publique-Hpitaux de Paris (AP-HP) au motif qu'une erreur dediagnostic aurait t commise, en 1992, par le service de laboratoire de biochimie gntique ducentre hospitalier Cochin, qui dpend de l'AP-HP, sur le risque encouru par Mme A de transmettre lamaladie de la myopathie de Duchenne un enfant de sexe masculin ; que Mme A, agissant en sonnom propre et pour le compte de ses enfants mineurs Christelle et Loc, hritiers de M. Alain A,dcd, se pourvoit en cassation contre l'arrt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 octobre2008 qui, faisant application du rgime de responsabilit dfini par l'article L. 114-5 du code del'action sociale et des familles dans sa rdaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits desmalades et la qualit du systme de sant, a rejet leur requte dirige contre le jugement dutribunal administratif de Paris du 24 juillet 2007 ayant rejet leur demande ;

    Sur le rgime de responsabilit applicable :

    Considrant qu'aux termes du premier alina de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition lgislativeporte atteinte aux droits et liberts que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut tresaisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. " ; qu'aux termes dudeuxime alina de son article 62 : " Une disposition dclare inconstitutionnelle sur le fondement del'article 61-1 est abroge compter de la publication de la dcision du Conseil constitutionnel oud'une date ultrieure fixe par cette dcision. Le Conseil constitutionnel dtermine les conditions etlimites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'tre remis en cause" ; qu'aux termes du troisime alina du mme article : " Les dcisions du Conseil constitutionnel nesont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et toutes les autoritsadministratives et juridictionnelles. " ;

    Considrant qu'il rsulte des dispositions prcites de l'article 62 de la Constitution qu'unedisposition lgislative dclare contraire la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pasannule rtroactivement mais abroge pour l'avenir compter de la publication de la dcision duConseil constitutionnel ou d'une date ultrieure fixe par cette dcision ; que par sa dcision n 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jug que " si, en principe, ladclaration d'inconstitutionnalit doit bnficier l'auteur de la question prioritaire deconstitutionnalit et la disposition dclare contraire la Constitution ne peut tre applique dansles instances en cours la date de la publication de la dcision du Conseil constitutionnel, lesdispositions de l'article 62 de la Constitution rservent ce dernier le pouvoir tant de fixer la date del'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prvoir la remise en cause des effets que ladisposition a produits avant l'intervention de cette dclaration " ;

    Considrant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, dans sardaction rsultant de la codification par le 1 du II de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005 dedispositions qui figuraient antrieurement aux trois premiers alinas du I de l'article 1er de la loi du 4mars 2002 relative aux droits des malades et la qualit du systme de sant : " Nul ne peut seprvaloir d'un prjudice du seul fait de sa naissance /(...) / Lorsque la responsabilit d'unprofessionnel ou d'un tablissement de sant est engage vis--vis des parents d'un enfant n avecun handicap non dcel pendant la grossesse la suite d'une faute caractrise, les parents peuventdemander une indemnit au titre de leur seul prjudice. Ce prjudice ne saurait inclure les chargesparticulires dcoulant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de cedernier relve de la solidarit nationale. " ; qu'aux termes du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11fvrier 2005, reprenant en les adaptant des dispositions qui figuraient antrieurement au dernieralina du I de l'article 1er de loi du 4 mars 2002 : " Les dispositions de l'article L. 114-5 du code de

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    l'action sociale et des familles tel qu'il rsulte du 1 du prsent II sont applicables aux instances encours la date d'entre en vigueur de la loi n 2002-303 du 4 mars 2002 prcite, l'exception decelles o il a t irrvocablement statu sur le principe de l'indemnisation. " ; qu'en prvoyantl'application des dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles auxinstances en cours lors de l'entre en vigueur de la loi du 4 mars 2002, le lgislateur a ncessairemententendu que ces dispositions s'appliquent galement la rparation de dommages dont le faitgnrateur tait antrieur la date d'entre en vigueur de cette loi mais qui, cette date, n'avaientpas encore donn lieu une action indemnitaire ;

    Considrant que, par une dcision n 2010-2 QPC du 11 juin 2010, publie au Journal officiel le 12juin, le Conseil constitutionnel a, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, dclar le 2 duII de l'article 2 de la loi du 11 fvrier 2005 contraire la Constitution, au motif qu'il n'existait pasd'intrt gnral suffisant pour justifier la remise en cause des droits des personnes ayant, avant l