économistes à soutenir monnaie pleine. interview ... · à empêcher lula de se représenter....

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JAA / PP / JOURNAL, 1205 GENÈVE SUCCESSEUR DE LA «VOIX OUVRIÈRE» FONDÉE EN 1944 WWW.GAUCHEBDO.CH N° 20 18 MAI 2018 CHF 3.- A Genève, la future loi sur la laïcité fait l’objet d’un référendum page 3 Sergio Rossi est l’un des rares économistes à soutenir Monnaie pleine. Interview page 2 AU BRÉSIL, LA LUTTE DU MOUVEMENT DES SANS TERRE EST RENDUE PLUS DIFFICILE PAR LE GOUVERNEMENT TEMER PAGE 5 Offensive de la droite néolibérale en Amérique latine L’ex-président du Brésil, Lula da Silva, en pri- son depuis plus d’un mois, reste le candidat aux élections présidentielle d’octobre 2018 le plus sérieux, devançant largement son plus proche concurrent selon tous les sondages. Ceux qui l’ont traîné devant la justice sont tous corrompus alors que sa condamnation, confirmée en appel en janvier 2018, est basée sur une conviction de «pots-de-vin», concernant la rénovation d’une maison appartenant à un ami, sans preuve tangible! Mais elle fait suite à un matraquage média- tique et comme Lula dit lui-même: «Je ne leur pardonne pas d’avoir envoyé à la société l’idée que je suis un voleur. J’ai rêvé qu’il était possible de gouverner en incluant des mil- lions de pauvres, qu’un ouvrier métallur- gique sans diplôme amènerait les noirs à l’Université. J’ai commis le crime de mettre des pauvres dans les Universités, des pauvres qui mangent de la viande et voyagent en avion. Pour ce crime, ils m’accusent. J’ai rêvé, et si c’est ça mon crime, je continuerai d’être un criminel.» Doit-on rappeler ses pro- grammes «faim zéro» et «droit à la terre et à un toit», qui ont sorti plus de 20 millions de brésiliens de l’extrême pauvreté? La droite oligarchique et les grandes firmes multinationales, associées à l’armée, veulent empêcher par tous les moyens un retour au pouvoir du Parti des travailleurs (PT), dont Lula est l’incarnation: ils ont déjà fomenté un coup d’Etat parlementaire contre la prési- dente élue Dilma Rousseff en 2016, mettant à sa place Michel Temer, dont la corruption est largement prouvée et qui cherche depuis à empêcher Lula de se représenter. Mais après 2 ans de gouvernement Temer, les bré- siliens constatent déjà les dégâts: c’est la rai- son de la popularité de Lula. Cette offensive de la droite néolibérale se sent partout en Amérique Latine. En Argen- tine, le gouvernement Macri a ruiné le pays en moins de 2 ans, contraint à demander ces jours une aide de 30 milliards de dollars au FMI pour éviter le chaos financier, tout en imposant des augmentations de taxes sur l’eau et l’énergie, impossibles à payer pour la majorité des gens. Une réalité qu’il faut avoir bien en tête lorsque l’on observe et analyse ce qui se passe au Venezuela, ou encore au Nicara- gua. Sans nécessairement partager toutes les décisions de ces gouvernements, il faut se demander si nous sommes bien infor- més sur ce qu’il se passe, et surtout si leurs opposants portent des projets qui sont réellement plus populaires, de redistribu- tion des richesses, d’inclusion et d’espoir pour les gens? Bernard Borel IL FAUT LE DIRE... Gaza demande la dignité GAZA • Les manifestations pacifiques des Gazaouis ont été réprimées dans le sang par l'Etat d'Israël, qui s'efforce, avec le soutien des Etats-Unis et trop souvent avec succès, de faire passer le Hamas pour responsable de la situation. «N os manifestations ont donné aux gens un but et une raison de vivre, c'est pour ça que vous voyez tant de jeunes qui nous rejoignent. Même s'ils sont tués par des snipers, ils préfèrent prendre ce risque et sentir un sens, un but, l'espoir d'une vie meilleure», explique Hassan al-Kurd, interrogé par le webmagazine +972mag. La grande marche du retour, dont il est l'un des organisateurs et qui a donné lieu à des manifestations largement pacifiques de Gazaouis aux abords de la clôture qui les sépare d'Israël, a été initiée non pas par le Hamas, comme nombre de com- mentateurs et les Etats-Unis aimeraient nous le faire croire, mais par des Pales- tiniens comme lui, qui croient en la non-violence. Chaque vendredi, depuis le 30 mars, des milliers d'hommes, femmes et enfants, se sont rassemblés dans cinq camps installés à 700 mètres de la clô- ture pour réaffirmer leur droit au retour. Il y a 70 ans, leurs ancêtres ont été violemment déplacés à l'occasion de la création de l'Etat d'Israël. Et cela fait des années qu'ils sont enfermés dans la prison de Gaza, sans avenir, souvent sans travail. Le 15 mai, jour de la commémoration de cet exode initial, la Nakba (catastrophe), ils voulaient tenter de traverser la clôture, pacifique- ment, explique Hassan al-Kurd. Au nom de la «légitime défense» Mais un Palestinien debout, revendi- quant des droits et une dignité, c'est déjà trop pour le gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël, qui, emmené par son premier ministre Netanyahou et soutenu par les franges les plus nationalistes du pays, affiche de façon de plus en plus décomplexée son mépris total pour la vie de ceux qu'il nomme les «Arabes». Un bon Palesti- nien ne semble pouvoir être qu'exilé, soumis, ...ou mort. Ainsi, ce sont des tireurs d'élites qui, au nom de la «légi- time défense» d'Israël, ont été envoyés à Gaza, abattant impunément des manifestants désarmés – ou, sans doute, lançant parfois des pierres - sans même qu'ils n'affichent forcément l'in- tention de traverser la barrière. Alors que cet «usage d'une force excessive et meurtrière» était déjà dénoncé depuis plusieurs semaines par Amnesty et d'autres ONG, les Etats- Unis de Trump, non contents, sans doute, des révoltes qu'avait déjà provo- qué la seule annonce du transfert de leur ambassade à Jérusalem, ont choisi le 14 mai, jour précédent la commé- moration de la Nakba, pour célébrer en grande pompe ce transfert, portant le sentiment d'impunité de Netanyahou à des niveaux stratosphériques. Le même jour, une soixantaine de Palestiniens étaient abattus à Gaza, portant le nombre de victimes à plus d'une cen- taine, et des milliers de blessés. Zéro du côté israélien. «L’armée n’est jamais tombée aussi bas. Les lignes rouges ont déjà été dépassées lors de guerres, mais là, c’est une politique de l’état-major», s'indignait Yehuda Saul, l'un des fonda- teurs de Breaking the Silence, ONG regroupant des anciens soldats cri- tiques de l'occupation, interrogé par Libération. A Jérusalem, le gendre de Trump Jared Kushner poussait l'affront au point d'affirmer sans gêne que son pays était «prêt à tout faire pour soute- nir un accord de paix». Un appel à «toutes les parties» «Massacre», «Crime de guerre», aucun des termes utilisés par les ONG ne semble assez fort pour ébranler la conviction de l'Etat d'Israël, fort du soutien des Etats-Unis, qui se sont empressés de rejeter toute la faute sur le Hamas, d'être dans son bon droit. Si plusieurs pays ont appelé à une enquête indépendante, la communauté internationale s'est quant à elle trop souvent contentée de condamnations tardives ou molles et non suivies d’ac- tion, à l'image de la cheffe de la diplo- matie de l'Union européenne Federica Mogherini, demandant lundi «à toutes les parties d’agir avec la plus grande retenue afin d’éviter des pertes de vie humaine supplémentaires». A toutes les parties? Comme si, sous les balles, les Palestiniens de Gaza étaient encore et toujours responsables de la situation. «Il est insupportable d'entendre les appels au calme à l'endroit des Palesti- niens de la part de certaines chancelle- ries occidentales. La vérité est très simple: les Palestiniens sont depuis 70 ans les victimes d’une agression et non le contraire», lâchait Salman el Herfi, ambassadeur de Palestine en France, interrogé par l'Humanité. Pas de drapeaux du Hamas ou du Fatah Nombre de médias occidentaux s'en- gouffraient eux aussi dans la brèche, posant à tout va la même question: les manifestants ne sont-ils pas manipulés par le Hamas? Sur place, la réalité semble plus complexe. Ainsi, selon plu- sieurs sources, le Hamas se serait asso- cié à l'appel à manifester pacifique- ment. «Nous voyons comment le Hamas encourage nos jeunes à faire preuve de retenue, et à ne pas répondre avec violence à la violence israélienne. Tant le Hamas que le Jihad islamique voient l'écho que nous avons dans les médias. Ils comprennent que, à long terme, c'est la voie à suivre», commente Hassan al-Kurd dans +972mag. Ces dernières semaines, le Hamas aurait d’ailleurs signifié de plusieurs manières à Israël qu'il était prêt à ouvrir le dia- logue, rapporte Le Temps. Dans les manifestations, «on n'a pas vu de dra- peaux du Fatah ou du Hamas, mais des drapeaux palestiniens (…) Et quand bien même ce serait le Hamas, le Hamas a le droit de manifester aussi», rappelait quant à lui Muhannad Mas- wadi, de la Mission Palestine en France sur franceinfo. «C'est comme si c'était la faute de Martin Luther King d'avoir traversé le pont à Selma et non pas la faute de la suprématie blanche», résumait Noura Erakat, avocate et enseignante améri- cano-palestinienne à l'Université Georges Mason, dans une interview à la chaîne américaine CBS. On ne sau- rait mieux dire. n Juliette Müller Dans les manifestations, «on n’a pas vu de drapeaux du Fatah ou du Hamas, mais des drapeaux palestiniens», souligne Muhannad Maswadi, de la Mission Palestine en France.

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Page 1: économistes à soutenir Monnaie pleine. Interview ... · à empêcher Lula de se représenter. Mais après 2 ans de gouvernement Temer, les bré-siliens constatent déjà les dégâts:

JAA / PP / JOURNAL, 1205 GENÈVE

SUCCESSEUR DE LA «VOIX OUVRIÈRE» FONDÉE EN 1944 • WWW.GAUCHEBDO.CH N° 20 • 18 MAI 2018 • CHF 3.-

A Genève, la future loi sur la laïcité fait l’objet d’un référendum page 3

Sergio Rossi est l’un des rareséconomistes à soutenir Monnaiepleine. Interview page 2

AU BRÉSIL, LA LUTTE DU MOUVEMENT DES SANS TERRE EST RENDUE PLUS DIFFICILE PAR LE GOUVERNEMENT TEMER PAGE 5

Offensive de ladroite néolibéraleen Amérique latineL’ex-président du Brésil, Lula da Silva, en pri-son depuis plus d’un mois, reste le candidataux élections présidentielle d’octobre 2018 leplus sérieux, devançant largement son plusproche concurrent selon tous les sondages.Ceux qui l’ont traîné devant la justice sonttous corrompus alors que sa condamnation,confirmée en appel en janvier 2018, estbasée sur une conviction de «pots-de-vin»,concernant la rénovation d’une maisonappartenant à un ami, sans preuve tangible!

Mais elle fait suite à un matraquage média-tique et comme Lula dit lui-même: «Je neleur pardonne pas d’avoir envoyé à la sociétél’idée que je suis un voleur. J’ai rêvé qu’il étaitpossible de gouverner en incluant des mil-lions de pauvres, qu’un ouvrier métallur-gique sans diplôme amènerait les noirs àl’Université. J’ai commis le crime de mettredes pauvres dans les Universités, des pauvresqui mangent de la viande et voyagent enavion. Pour ce crime, ils m’accusent. J’ai rêvé,et si c’est ça mon crime, je continuerai d’êtreun criminel.» Doit-on rappeler ses pro-grammes «faim zéro» et «droit à la terre et àun toit», qui ont sorti plus de 20 millions debrésiliens de l’extrême pauvreté?

La droite oligarchique et les grandes firmesmultinationales, associées à l’armée, veulentempêcher par tous les moyens un retour aupouvoir du Parti des travailleurs (PT), dontLula est l’incarnation: ils ont déjà fomenté uncoup d’Etat parlementaire contre la prési-dente élue Dilma Rousseff en 2016, mettantà sa place Michel Temer, dont la corruptionest largement prouvée et qui cherche depuisà empêcher Lula de se représenter. Maisaprès 2 ans de gouvernement Temer, les bré-siliens constatent déjà les dégâts: c’est la rai-son de la popularité de Lula.

Cette offensive de la droite néolibérale sesent partout en Amérique Latine. En Argen-tine, le gouvernement Macri a ruiné le paysen moins de 2 ans, contraint à demanderces jours une aide de 30 milliards de dollarsau FMI pour éviter le chaos financier, touten imposant des augmentations de taxessur l’eau et l’énergie, impossibles à payerpour la majorité des gens.

Une réalité qu’il faut avoir bien en têtelorsque l’on observe et analyse ce qui sepasse au Venezuela, ou encore au Nicara-gua. Sans nécessairement partager toutesles décisions de ces gouvernements, il fautse demander si nous sommes bien infor-més sur ce qu’il se passe, et surtout si leursopposants portent des projets qui sontréellement plus populaires, de redistribu-tion des richesses, d’inclusion et d’espoirpour les gens?

Bernard Borel

IL FAUT LE DIRE...

Gaza demande la dignitéGAZA • Les manifestations pacifiques des Gazaouis ont été réprimées dans le sang par l'Etat d'Israël, qui s'efforce,avec le soutien des Etats-Unis et trop souvent avec succès, de faire passer le Hamas pour responsable de la situation.

«N os manifestations ontdonné aux gens un but etune raison de vivre, c'est

pour ça que vous voyez tant de jeunesqui nous rejoignent. Même s'ils sonttués par des snipers, ils préfèrentprendre ce risque et sentir un sens, unbut, l'espoir d'une vie meilleure»,explique Hassan al-Kurd, interrogé parle webmagazine +972mag. La grandemarche du retour, dont il est l'un desorganisateurs et qui a donné lieu à desmanifestations largement pacifiques deGazaouis aux abords de la clôture quiles sépare d'Israël, a été initiée non paspar le Hamas, comme nombre de com-mentateurs et les Etats-Unis aimeraientnous le faire croire, mais par des Pales-tiniens comme lui, qui croient en lanon-violence.

Chaque vendredi, depuis le 30 mars,des milliers d'hommes, femmes etenfants, se sont rassemblés dans cinqcamps installés à 700 mètres de la clô-ture pour réaffirmer leur droit auretour. Il y a 70 ans, leurs ancêtres ontété violemment déplacés à l'occasionde la création de l'Etat d'Israël. Et celafait des années qu'ils sont enfermésdans la prison de Gaza, sans avenir,souvent sans travail. Le 15 mai, jour dela commémoration de cet exode initial,la Nakba (catastrophe), ils voulaienttenter de traverser la clôture, pacifique-ment, explique Hassan al-Kurd.

Au nom de la «légitime défense»Mais un Palestinien debout, revendi-quant des droits et une dignité, c'estdéjà trop pour le gouvernement le plusà droite de l'histoire d'Israël, qui,emmené par son premier ministreNetanyahou et soutenu par les frangesles plus nationalistes du pays, affiche defaçon de plus en plus décomplexée sonmépris total pour la vie de ceux qu'ilnomme les «Arabes». Un bon Palesti-nien ne semble pouvoir être qu'exilé,soumis, ...ou mort. Ainsi, ce sont destireurs d'élites qui, au nom de la «légi-time défense» d'Israël, ont été envoyésà Gaza, abattant impunément desmanifestants désarmés – ou, sansdoute, lançant parfois des pierres - sansmême qu'ils n'affichent forcément l'in-tention de traverser la barrière.

Alors que cet «usage d'une forceexcessive et meurtrière» était déjàdénoncé depuis plusieurs semaines parAmnesty et d'autres ONG, les Etats-Unis de Trump, non contents, sansdoute, des révoltes qu'avait déjà provo-qué la seule annonce du transfert deleur ambassade à Jérusalem, ont choisile 14 mai, jour précédent la commé-moration de la Nakba, pour célébrer engrande pompe ce transfert, portant le

sentiment d'impunité de Netanyahou àdes niveaux stratosphériques. Le mêmejour, une soixantaine de Palestiniensétaient abattus à Gaza, portant lenombre de victimes à plus d'une cen-taine, et des milliers de blessés. Zéro ducôté israélien. «L’armée n’est jamaistombée aussi bas. Les lignes rouges ontdéjà été dépassées lors de guerres, maislà, c’est une politique de l’état-major»,s'indignait Yehuda Saul, l'un des fonda-teurs de Breaking the Silence, ONGregroupant des anciens soldats cri-tiques de l'occupation, interrogé parLibération. A Jérusalem, le gendre deTrump Jared Kushner poussait l'affrontau point d'affirmer sans gêne que sonpays était «prêt à tout faire pour soute-nir un accord de paix».

Un appel à «toutes les parties»«Massacre», «Crime de guerre», aucundes termes utilisés par les ONG nesemble assez fort pour ébranler laconviction de l'Etat d'Israël, fort dusoutien des Etats-Unis, qui se sontempressés de rejeter toute la faute surle Hamas, d'être dans son bon droit. Siplusieurs pays ont appelé à uneenquête indépendante, la communautéinternationale s'est quant à elle trop

souvent contentée de condamnationstardives ou molles et non suivies d’ac-tion, à l'image de la cheffe de la diplo-matie de l'Union européenne FedericaMogherini, demandant lundi «à toutesles parties d’agir avec la plus granderetenue afin d’éviter des pertes de viehumaine supplémentaires». A toutesles parties? Comme si, sous les balles,les Palestiniens de Gaza étaient encoreet toujours responsables de la situation.«Il est insupportable d'entendre lesappels au calme à l'endroit des Palesti-niens de la part de certaines chancelle-ries occidentales. La vérité est trèssimple: les Palestiniens sont depuis 70ans les victimes d’une agression et nonle contraire», lâchait Salman el Herfi,ambassadeur de Palestine en France,interrogé par l'Humanité.

Pas de drapeaux du Hamas ou duFatahNombre de médias occidentaux s'en-gouffraient eux aussi dans la brèche,posant à tout va la même question: lesmanifestants ne sont-ils pas manipuléspar le Hamas? Sur place, la réalitésemble plus complexe. Ainsi, selon plu-sieurs sources, le Hamas se serait asso-cié à l'appel à manifester pacifique-

ment. «Nous voyons comment leHamas encourage nos jeunes à fairepreuve de retenue, et à ne pas répondreavec violence à la violence israélienne.Tant le Hamas que le Jihad islamiquevoient l'écho que nous avons dans lesmédias. Ils comprennent que, à longterme, c'est la voie à suivre», commenteHassan al-Kurd dans +972mag. Cesdernières semaines, le Hamas auraitd’ailleurs signifié de plusieurs manièresà Israël qu'il était prêt à ouvrir le dia-logue, rapporte Le Temps. Dans lesmanifestations, «on n'a pas vu de dra-peaux du Fatah ou du Hamas, mais desdrapeaux palestiniens (…) Et quandbien même ce serait le Hamas, leHamas a le droit de manifester aussi»,rappelait quant à lui Muhannad Mas-wadi, de la Mission Palestine en Francesur franceinfo.

«C'est comme si c'était la faute deMartin Luther King d'avoir traversé lepont à Selma et non pas la faute de lasuprématie blanche», résumait NouraErakat, avocate et enseignante améri-cano-palestinienne à l'UniversitéGeorges Mason, dans une interview àla chaîne américaine CBS. On ne sau-rait mieux dire. n

Juliette Müller

Dans les manifestations, «on n’a pas vu de drapeaux du Fatah ou du Hamas, mais des drapeaux palestiniens», souligne Muhannad Maswadi, de la Mission Palestine en France.

Page 2: économistes à soutenir Monnaie pleine. Interview ... · à empêcher Lula de se représenter. Mais après 2 ans de gouvernement Temer, les bré-siliens constatent déjà les dégâts:

2 • NATIONAL N° 20 • 18 MAI 2018

A ujourd’hui, les banques peuventoctroyer des crédits tous azi-muts, sans disposer d’épargne

préalable, créant ainsi ce que l’onappelle de la monnaie scripturale ouélectronique (par opposition à la mon-naie sous forme de pièces ou de billets).Une possibilité qu’elles utilisent bientrop souvent, selon les partisans deMonnaie pleine, à des fins de spécula-tion sur les marchés financiers, expo-sant la société à des risques de crisestelles que celle qui a éclaté en 2008.Afin d’éviter cela, ils proposent deréserver à la seule Banque nationalesuisse (BNS) la possibilité d’émettre del’argent électronique. Les banques nepourraient ainsi prêter plus que l’argentqu’elles auraient reçu des épargnants,des autres banques ou, en cas debesoin, de la BNS.

Lancée par des citoyens qui ne serevendiquent d’aucune couleur poli-tique, l’initiative Monnaie pleine estrejetée par la grande majorité de l’échi-quier politique. Seules certaines sec-tions des Verts et du PS ainsi que lagauche radicale lui apportent un sou-tien, le plus souvent critique. SergioRossi, membre du comité scientifiquede l’initiative, revient avec nous sur lesenjeux qu’elle soulève.

Monnaie pleine permettra-t-ellevéritablement d’éviter les bulles financièreset donc les crises telles que celle qui s’estdéclenchée en 2008, comme l’affirment lesinitiants?SERGIO ROSSI En enlevant aux banquesle levier du crédit (soit la possibilité

d’émettre de la monnaie scripturale,ndlr) dont elles ont largement abusé etcontinuent d’abuser jusqu’à présent, onlimitera le nombre de crises financières,on en réduira l’ampleur, et surtout onempêchera les crises d’ordre systémique.Il y aura toujours des crises, mais qui nedevraient pas ébranler le système dansson ensemble, en faisant payer la fac-ture aux contribuables, comme cela aété le cas durant les dix dernièresannées.

En cas de faillite d’une banque, les avoirs desépargnants seraient garantis, selon lesinitiants. N’existe-t-il pas déjà des garanties?Aujourd’hui, chaque dépôt à vue(compte courant) est garanti à hauteurde 100’000 francs suisses, mais seuls 6milliards sont disponibles pour assu-mer cette garantie, alors que l’ensembledes dépôts à vue représente environ500 milliards. Monnaie pleine prévoitque les dépôts à vue soient retirés dubilan des banques, ce qui les préserve-rait entièrement en cas de faillite. Enrevanche, ils ne rapporteraient pasd’intérêts. Seuls les comptes épargne,

qui figureraient, eux, toujours au bilandes banques et seraient donc exposésen cas de faillite, continueraient à rap-porter des intérêts. C’est à partir decette épargne que les banques pour-raient continuer à octroyer des crédits.

Des mesures ont été prises après 2008 pouréviter de nouvelles crises systémiques,comme des exigences accrues faites auxbanques en matière de fonds propres. Nesont-elles pas suffisantes?Ces réformes sont cosmétiques. Lesbanques doivent avoir davantage defonds propres, mais rien ne les empêched’utiliser librement le levier du crédit,quitte à ensuite aller chercher les fondspropres pour augmenter les liquiditésdans leur bilan. Il faut agir non pasaprès, mais avant que les banquesoctroient des crédits, pour empêcherque ceux-ci ne deviennent exorbitantspar rapport au revenu disponible pourles rembourser. Contrairement auxprêts effectués dans l’économie réellepar exemple à une entreprise, qui vaproduire, vendre, et donc générer unrevenu susceptible de rembourser le

prêt initial, un crédit octroyé dans unbut spéculatif ne produit aucun revenu.Sauf croissance économique infinie – ceque souhaitent les acteurs financiers,mais qui n’est pas réaliste – la dette nepourra donc pas être repayée et unepartie devra, un jour, être effacée.

L’initiative ambitionne aussi de remettre lesystème monétaire au service des citoyens etde l’économie réelle. Comment cela va-t-il sepasser?L’idée est de faire en sorte que la mon-naie, émise par la Banque nationale,assure le bien-être des citoyens. Mais jepense aussi que si les banques n’ontplus le levier du crédit, leur possibilitéde spéculer sur les marchés financierset leur intérêt à le faire va diminuer.Elles deviendront ainsi moins fragileset pourront donc se refinancer auprèsd’autres banques et prêter à des entre-prises à des taux d’intérêt plus bas.Elles auront davantage intérêt à prêteraux entreprises qu’à spéculer sur lesmarchés financiers, ce qui favoriseral’économie réelle, l’emploi et donc unestimulation de la demande sur le mar-ché des produits, demande qui estaujourd’hui insuffisante notammenten raison de la stagnation des salairesde la classe moyenne.

Comment expliquez-vous que cette initiativesoit rejetée de façon aussi large?Les milieux bancaires ont peur deperdre leur liberté d’user comme bonleur semble du levier du crédit, quileur permet de gagner le maximum derentes financières lorsque l’économie vabien, tout en étant soutenus par lespouvoirs publics lorsque les chosestournent mal. C’est une forme de pri-vatisation des profits et de socialisationdes pertes. La droite craint égalementque les banques doivent réduire la voi-lure, ce qui selon elle affecterait négati-vement l’ensemble du pays.La gauche pense quant à elle que le

crédit deviendra plus rare et que lesentreprises licencieront plutôt que d’en-gager. Une crainte qui me semble erro-née car, à mon avis, les taux d’intéretvont plutôt baisser étant donné que les

banques seront moins fragiles. Parailleurs, il faut souligner qu’elles pour-ront toujours octroyer des crédits. Sim-plement, si elles n’ont pas suffisammentde dépôts d’épargne, elles devrontemprunter auprès d’autres banques oudemander une ligne de crédit à laBNS, que celle-ci leur ouvrira sans pro-blème, pour autant que le créditdemandé ait une finalité productive etnon spéculative.

L’inspiration monétariste de l’initiativesuscite également la méfiance de la gauche...Il est vrai qu’il y a une inspirationmonétariste derrière cette initiative.Milton Friedman, le chef de file del’école de Chicago, à l’origine de cettevision, prônait que la banque centraledoit avoir un objectif de croissance dela masse monétaire. Le «plan Chicago»préconisait également la nécessité pourles banques d’avoir une réserve auprèsde la banque centrale à 100%. Il y abien une connotation monétariste àl’initiative, mais je ne dirais pas qu’elles’inspire du néolibéralisme que Fried-man a contribué à renforcer en ce quiconcerne la politique monétaire.

C’est donc à tort que le nom de MiltonFriedman effraie les gens de gauche quivoudraient soutenir cette initiative?Le monétarisme de Friedman affecte lasolution proposée par Monnaie pleinecar celle-ci repose sur une conceptionpatrimoniale de la monnaie, que la BNSest censée être en mesure de contrôler ence qui concerne l’ampleur de la massemonétaire. J’étais pour ma part très cri-tique lorsque cette initiative a été lancéeet, à mon sens, la solution qu’elle pro-pose doit être améliorée. Mais il ne fautpas avoir peur de voter oui, car il s’agitde choisir entre le système actuel, qui estdésordonné et provoque des crises systé-miques, et un système qui devra encoreêtre peaufiné mais empêchera ces crises.Personnellement, je défends une solutionmédiane entre le système actuel et Mon-naie pleine. Il s’agirait de laisser auxbanques le levier du crédit sans dépôtpréalable en ce qui concerne les créditsdont la finalité est productive, mais deles contraindre à disposer d’une épargnepréalable lorsqu’elles veulent spéculer surles marchés financiers.

La gauche radicale, qui apporte un soutiencritique à l’initiative, estime qu’elle ne va pasassez loin et qu’il faudrait une nationalisationdes banques. Que pensez-vous de ce type deproposition?Cette idée a aussi été évoquée en Italieet ailleurs depuis la crise de 2008. Celapermettrait peut-être de réorienter lesstratégies des banques vers l’économieréelle plutôt que financière, mais si lascène politique est dominée par ladroite, comme c’est le cas aujourd’huien Suisse, le contrôle politique instauréne va pas forcément déboucher sur desstratégies différentes qu’actuellement. Amon sens, il faut plutôt agir sur lastructure des banques, pour éviterqu’elles n’abusent de leur levier de cré-dit. Une prochaine crise systémique neva pas tarder à éclater et elle seraencore pire que celle dont on essaie desortir. Il faut une réforme d’ordre struc-turel s’inspirant de Monnaie pleine,mais sans aller aussi loin. n

Propos recueillis par Juliette Müller

«Une réforme structurelle du système bancaire est nécessaire»VOTATION DU 10 JUIN • Professeur ordinaire d’économie à l’Université de Fribourg, Sergio Rossi fait partie des rares économistes à soutenirl’initiative Monnaie pleine. Il estime qu’elle pourrait contribuer à éviter une nouvelle crise comme celle qui a éclaté en 2008.

Monnaie pleine: il faut aller plus loinJulien Gressot, président de la section de La Chaux-de-Fonds du POP, soutient l’initiative Monnaiepleine, mais estime que le pouvoir du secteurbancaire devrait être encore mieux contrôlé.

Actuellement la création monétaire n’est qu’à 10% du res-sort de la Banque nationale suisse (BNS). Le 90% res-

tant est de la monnaie électronique créée par les banquesd’affaires. Certaines banques prennent des risques inconsi-dérés, sachant pertinemment qu’elles seront sauvées par lescontribuables en cas de problème, comme en 2008.Contrôler cette création monétaire permettra de limiter lesrisques de crises économiques liées à la spéculation de cesbanques, mais aussi de reposer la masse d’argent sur duconcret, afin de sécuriser l’argent placé sur un compte ban-caire en cas de faillite, ce qui n’est que très partiellement lecas actuellement.

La création monétaire offre des bénéfices énormes auxbanques privées grâce aux intérêts demandés en échange.Laisser à la BNS le soin de se charger de cela offre nonseulement une plus grande sécurité financière, mais ausside plus grands bénéfices à redistribuer aux collectivités,donc au peuple.

La monnaie pleine permettra de limiter le pouvoirpresque illimité du secteur bancaire privé. Cependant, auxyeux du POP, qui soutient l’initiative, elle ne va pas assezloin car la BNS n’est pas dirigée de manière démocratique.Lors de la crise de 2008, personne n’a eu son mot à direpour savoir s’il fallait donner des milliards aux banquescoupables de spéculation. Aujourd’hui, la situation est denouveau incontrôlable. Le risque est grand qu’à la prochainecrise, on nous ressorte l’argument du too big to fail. Pour quele peuple ait le choix, le POP souhaite que la BNS soitétatisée, afin que le système bancaire serve tout le monde etpas uniquement une petite minorité privilégiée.

Malgré cette limitation dans la portée de l’initiative, lePOP soutient la Monnaie pleine car c’est un premier pasdans le bon sens. n

Julien Gressot

COURRIER

Sergio Rossi dirige la Chaire de macroéconomie etd’économie monétaire de l’Université de Fribourg.Economiste hétérodoxe, il se définit comme prochedu post-keynésianisme. Sofia Amrein

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NATIONAL • 3N° 20 • 18 MAI 2018

«Cette nouvelle loi se mêle dequestions religieuses dans les-quelles un Etat, qui se reven-

dique laïc, n’a pas à s’impliquer. L’ar-ticle constitutionnel sur la laïcité del’Etat est suffisant», lance Pierre Vanek,député de solidaritéS et auteur lui-même d’un contre-projet à la loi duconseiller d’Etat Pierre Maudet, enpréambule au lancement de quatreréférendums contre la nouvelle sur lalaïcité de l’Etat (LEE), forte de 15articles. Afin de «protéger la liberté deconscience, de croyance et de non-croyance des citoyens et de préserverla paix religieuse», le texte de loi sti-pule que la laïcité se définit comme leprincipe de la neutralité de l’Etat dansles affaires religieuses. Pour ce faire, ilénumère plusieurs restrictions, notam-ment la limitation des manifestationsreligieuses culturelles au seul domaineprivé. «La loi donnera également unpouvoir étendu au gouvernement d’in-terdire des manifestations pour n’im-porte quelle raison de protection del’ordre public. Cette disposition est hon-teusement liberticide», relève le député,qui défend un accès égal au domainepublic pour toute manifestation de laliberté d’opinion et d’association.

«Cette loi vise les femmes voilées»Les points les plus controversés de laLEE ont cependant trait à la questionde la visibilité des signes d’appartenancereligieuse. Si les élus aux divers exécu-tifs, ainsi que les magistrats et parle-mentaires, devront s’abstenir de signa-

ler leur appartenance religieuse par dessignes extérieurs, cette limitation s’étendaussi aux agents de l’Etat dans le cadrede leurs fonctions et lorsqu’ils sont encontact avec le public. «La LLE risqued’entraîner des dizaines de licencie-ments dans les entités publiques (can-ton, communes, HUG, SIG, TPG,Aéroport, BCGE, IMAD, etc.). Nousdénonçons une loi qui privilégie l’appa-rence plutôt que la prestation délivrée.

En effet, le principe de laïcité de l’Etatdoit se manifester dans la neutralité del’action de ses employé·e·s, pas dans leurapparence; et il n’y a aucune raison depenser que le port d’un ‘signe religieux’puisse nuire à l’universalité du servicepublic», estime la députée d’Ensembleà Gauche Jocelyne Haller, s’exprimant,à titre personnel, en tant que militantesyndicale.

«Cette loi vise expressément les

femmes voilées de confession musul-mane», explique de son côté Ines El-Shikh, membre du collectif Faites desvagues. «Celles-ci subiront une doublediscrimination, dans le champ poli-tique comme dans celui de l’économie,en tant que femme et musulmane.Cette loi, votée par une majorité duGrand Conseil largement composéed’hommes, renforce des clichés sexisteset racistes, qui présentent les femmes

voilées comme des femmes soumiseset sans autonomie de choix», déplore lajeune militante.

Un texte «largement discriminatoire»Malgré des points positifs comme lamise en place d’un système de contri-butions financières volontaires via l’im-pôt pour toutes les organisations reli-gieuses «respectant l’ordre juridiquesuisse», ou l’élargissement de la diver-sité culturelle des services d’aumôneriedans les prisons, hôpitaux et Ems, letexte reste largement discriminatoireselon les référendaires. «Avec ses res-trictions dans le champ politique, cetteloi attaque les droits civiques desfemmes qui portent un voile», estimeSabine Tiguemounine, membre desVerts. «J’ai été élue au conseil munici-pal de Meyrin en me présentant avecun voile, mais on va me priver du droitde siéger ainsi en plénière, mais pas encommission», explique l’élue. Son partia décidé de recourir auprès de la courconstitutionnelle en contestant l’article3 de la LEE, stipulant l’«interdictiondes signes religieux ostentatoires pourles membres des Conseils municipauxet du Grand Conseil». Ils dénoncentune mesure «discriminatoire et anti-constitutionnelle».

Pour l’heure, les référendaires nedésespèrent pas de rallier à leurs causesles associations et syndicats pour lesappuyer dans leur démarche. Ils ontjusqu’au 20 juin pour récolter les 6’500signatures nécessaires. n

Joël Depommier

Quatre référendums pour une même causeGENÈVE • Une coordination référendaire, qui regroupe des personnes issues de solidaritéS, du mouvement féministe et de la communautémusulmane, vient de lancer quatre référendums contre la loi sur la laïcité de l’Etat (LLE), votée par le Grand Conseil en avril dernier.

Les référendaires, de gauche à droite: Sabine Tiguemounine des Verts, Jocelyne Haller, Pierre Vanek de solidaritéS et Ines El-Shikh de «Faites des vagues». solidaritéS

M algré les échecs successifs de toutes les initia-tives du Groupe pour une Suisse sans Armée(GSsA), Muriel Waeger, la co-secrétaire

générale du GSsA, se bat à la faveur de la dernière endate, pour l’interdiction du financement des produc-teurs de matériel de guerre. Celle-ci a été lancée parson organisation avec les Jeunes Verts, le 10 avril2017. Avec le soutien d’«une large coalition» de 39organisations, dont le PS, l’initiative a fait un cartonet récolte en ce mois de mai plus de 120’000 signa-tures. Elle sera déposée auprès de la Chancelleriefédérale le 21 juin prochain.

Armes financées par nos retraitesL’initiative souhaite «combler une lacune». Sur le sitedes Verts, la Conseillère nationale genevoise LisaMazzone détaille les enjeux: «Chaque année, desmilliards sont investis par la place financière suissedans l’industrie du matériel de guerre. Mettons fin à

ce commerce de la mort, qui alimente les conflits dumonde entier et qui est entretenu par notre argent,via les caisses de pension et la banque nationale.»Pour rappel, la législation actuelle n’interdit pas auxsecteurs publics et privés de financer directement ledéveloppement, la fabrication ou l’acquisition dematériel de guerre. Les exportations d’armes, elles,ne sont en principe pas autorisées auprès des pays enconflit. Or, les contrôles réalisés en ce domaine serévèlent «lacunaires» selon Muriel Waeger. Ainsidans le cas de l’Arabie saoudite, impliquée depuistrois ans comme belligérant dans «la pire crisehumanitaire au monde» selon l’ONU, au Yémen,aucun contrôle n'a été effectué en 2016.La jeune femme souligne aussi qu’il est illusoire decroire que les armes livrées ne seraient que défen-sives et non destinées «à exercer une répression san-glante». Quant aux caisses de pension publiques,elles disposent d’actions au sein des industries d’ar-

mement suisses. Certaines comme à Lucerne, ontdécidé de ne plus investir dans ce type d’actions suiteà la récolte de signatures pour l’initiative. «Mais l’ar-gent public continue à être investi dans ce commercedouteux».

Durant l’année 2016, la BNS a ainsi investi pour800 millions de dollars sous formes d’actions dans laproduction d’armes nucléaires notamment par l’Amé-ricain Raytheon, les caisses de pension entre 4 et 12milliards dans la production de matériel de guerre.Sans oublier l’UBS et le Crédit Suisse qui ont investipour 6 milliards de dollars dans l’armement. «Ce sontdes placements toujours plus lucratifs favorisés parune course aux armements. Il faut stopper ce mouve-ment de fond aux conséquences humanitaires désas-treuses avant que les exportations d’armes soient élar-gies encore plus aux pays en guerre», conclut MmeWaeger. n

Bertrand Tappolet

Résistance face aux maîtres de la guerreSUISSE • Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) veut mettre fin au financement du matériel suisse deguerre par la BNS, les fondations, ainsi que les institutions de prévoyance publique et professionnelle.

VD: Deux motionssur la fiscalité

C ette semaine, Ensemble gauche adéposé deux motions sur la fisca-lité au Grand Conseil vaudois. La

première demande que les baisses d'im-pôt aux grandes entreprises n'entrentpas en vigueur tant qu'un cadre fédéraln'est pas fixé. Pour rappel, le canton deVaud avait adopté «en avance» sa ver-sion de la troisième réforme de l'impo-sition des entreprises (RIE3), qui pré-voyait une baisse de l'imposition desbénéfices des entreprises vaudoisesd'environ 21% à 13,79%, avant quecelle-ci ne soit rejetée au niveau natio-nal. «Le Conseil d'Etat justifiait lesbaisses massives d'impôt pour lesgrandes entreprises par la fin annoncéedes statuts spéciaux accordés aux multi-nationales étrangères. Or, en raison del'échec de la RIE3 fédérale, les statutsspéciaux ne seront pas supprimés en2019. Dans ces conditions, le maintiende baisses d'impôts sur les bénéfices desentreprises dès 2019 foule aux pieds lespromesses faites à la population»,dénonce la coalition de gauche radicale.Et d'ajouter: «De plus, l'absence de com-pensations financières fédérales et derecettes supplémentaires liées à la sup-pression des statuts rend la baisse d'im-pôt beaucoup plus coûteuse que prévupour les finances publiques vaudoises.»

La seconde motion répond à larécente demande de baisse généraliséedes impôts des personnes physiquesformulée par la droite. La coalition pro-pose plutôt des baisses d’impôt cibléespour les habitants dont le revenu estinférieur au revenu médian, baisses quidevraient être compensées par uneimposition plus forte des très hautsrevenus. n

Réd

L es Appenzellois réunis en Landsgemeinde ontrécemment décidé de conserver leur hôpital de26 lits pour les 16’000 habitants du canton.

Comme les Neuchâtelois, ils ont refusé les recom-mandations des économistes et autres spécialistes dela finance. Nombre de commentateurs se sontempressés d’évoquer un choix «émotionnel». Certes,l’émotion joue un rôle dans les prises de décisions ettant mieux que tout ne soit pas encore régi par l’intel-ligence artificielle. Une autre logique mérite cepen-dant ici d’être citée: la volonté de proximité, qui s’op-pose au dogme de la concurrence appliqué au système

hospitalier. La lutte que mènent les «spécialistes»autoproclamés, qu’ils soient financiers, médecinschefs ou dirigeants de caisses maladie, est celle de laprétention, de l’accroissement du renom avec l’argentqui va avec, alors que la majorité des citoyennes etcitoyens veut avoir accès à des soins humains de baseproches de chez soi. Une logique qui met en prioritéles contacts humains plutôt que l’arrivisme financier.Vu comme cela, le choix des Appenzellois dépasse deloin l’émotion et devient un concept de société!

La politique de la santé glisse dangereusement versune privatisation des soins. Dans son rôle relatif de

modérateur, l’Etat est considéré comme un ennemi etla majorité politique de droite veut de la concurrencepartout, sans dire que celle-ci est l’apologie du plusfort et l’élimination du plus faible. Au parlement fédé-ral, cette majorité a introduit la concurrence entrehôpitaux et tente de le faire dans bien d’autresdomaines, comme par exemple dans l’agriculture.Face à cela, on ne peut que respecter les populationsqui manifestent leur refus d’une telle perspective. Viveles Appenzellois et les Neuchâtelois et que leurs déci-sions soient appliquées! n

Alain Bringolf

La proximité plutôt que la concurrenceSANTÉ • Après les Neuchâtelois, les Appenzellois ont voté pour le maintien de leur hôpital.

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4 • NATIONAL N° 20 • 18 MAI 2018

La hausse perpétuelle des primesd’assurance maladie provoqueune prise de conscience de per-

sonnes issues directement de lapopulation. Patricia Leoz et JoëlleCombremont, deux Genevoises, ontainsi créé un collectif intitulé «LutteContre l’Augmentation des Primesd’Assurance Maladie» (LCAPAM).En novembre dernier, 700 per-sonnes avaient défilé à Genève àl’initiative du collectif pour protestercontre l’augmentation des primesmaladie (notre édition du 24novembre 2017). Une nouvellemobilisation est prévue le 26 maiprochain à Genève et simultané-ment à Bienne. Les organisatricesinvitent tous les citoyens suisses àfaire connaître leur volonté de chan-gement en se regroupant dans lesvilles et villages du pays.

Une colère profonde«Nous n’appartenons à aucun partipolitique. Nous sommes descitoyen-ne-s qui paient près de 20%

de nos revenus pour les primes d’as-surance maladie. Nous éprouvonsune colère profonde en voyant l’aug-mentation des primes d’assurancemaladie. Nous voulons obtenir desprimes d’assurance maladie justes etadaptées à nos revenus. Nous vou-lons améliorer le système de santéen Suisse. Pour proposer des solu-tions, nous travaillons ensembleavec des politiques, associations,syndicats et assurés. Notre objectif,des primes unifiées et la garantie desoins médicaux de qualité à un coûtsupportable pour tous», peut-on liresur la page facebook du collectif. Etde lister les raisons de leur ressenti-ment: «Comme vous le savez, lesGenevois ont payé des primes abu-sives pendant des années et l’on nenous a remboursé qu’à moitié lesmontants injustement réclamés. Lesprimes ont continué à augmentermalgré ces prix abusifs. Les réservessemblent faramineuses (on lit pourprès de deux milliards dans lapresse). Pourquoi ne viennent-elles

pas nous soulager du montant àpayer? Entre 1999 et 2016, l’indicedes primes d’assurance maladie aaugmenté de 204% pour l’assurancede base, alors celui des primes com-plémentaires n’a augmenté que de124%. Comment ne pas penser queles primes obligatoires ne serventpas à payer les complémentaires?Nous n’avons aucune transparencesur les comptes des assurancesmaladie...»

Deux initiatives en coursPour rappel, deux initiatives popu-laires fédérales concernant la ques-tion sont en cours de récolte designatures. La première, intitulée«pour une liberté d’organisation descantons» (voir notre édition du 6octobre 2017), demande que lescantons qui le souhaitent puissentcréer une institution d’assurancemaladie sur le modèle des caisses decompensation du chômage ou del’avs. Celle-ci se chargerait de fixerles primes, qui seraient les mêmes

pour tous, et de les percevoir. Lapartie administrative de ces tâchescontinuerait à être confiée auxcaisses actuelles. Ce service publicpermettrait de mieux connaître lesdétails des prestations et leurs coûtset pourrait donc intervenir à ceniveau.

L’autre initiative, intitulée «pourun parlement indépendant descaisses-maladie» vise à empêcher lesélus fédéraux d’exercer une fonctionau sein d’une assurance maladie.Actuellement, plus de la moitié desmembres de la commission de lasanté sont également membre d’uncomité d’une caisse maladie!

Il faudra une grande pressionpopulaire pour parvenir à changerles choses, mais ces initiatives etmobilisations sont un signal positif.Soyons nombreux à nous mobiliserle 26 mai prochain! n

Alain BringolfManifestations samedi 26 mai à 14h. AGenève, départ poste du Mt Blanc. ABienne, départ place centrale

La colère monte contre la hausse des primesSANTÉ • Le collectif de lutte contre l’augmentation des primes d’assurance maladie prépare une nouvellemanifestation à Genève et Bienne le 26 mai. Les citoyens sont invités à se mobiliser partout en Suisse.

C omme une bouteille à la mer, legroupe Publicitas demandait le9 mai à ses derniers clients de

souscrire à son nouveau modèle d’af-faire, proposant un nouveau systèmede commissions afin de réduire leursrisques, ainsi qu’une participationdans l’actionnariat à hauteur de 50%.Las, la défection fin avril de plusieursde ses gros clients comme Tamedia(24Heures, Tribune de Genève), Rin-gier Axel Springer, Admeira, NZZMedia ou le groupe RomandieCombi, représentant Le Nouvelliste,La Liberté, Le Quotidien Jurassien,ArcInfo et le Journal du Jura, signalaitdéjà une fin proche et une noyadefinale. Ceux-ci ont mis fin à leur col-laboration du fait de retards de paie-ments de la part de Publicitas.

Une crise venue de loinLe 11 mai, le bilan était finalementdéposé auprès du Tribunal de dis-trict de Bülach (ZH), après un sursisconcordataire d’une semaine selonl’ATS. C’était la fin d’une aventurequi avait commencé en 1855, trans-formant l’entreprise, au fil du temps,

en partenaire principal du courtagede publicité auprès des principauxéditeurs en Suisse.

La crise de la régie vient de loin.Dès les années 2000, des difficultéssont apparues avec la baisse desrecettes publicité papier. Publicitas aaussi été directement concurrencéepar l’apparition de sites Internet

d’annonces tels job-up ou Home-gate, lancés sur la toile par les édi-teurs eux-mêmes. En 2014, l’entre-prise, qui employait encore 860employés, était vendue au fondsd’investissement allemand Aurelius.Deux ans plus tard, ce dernier cédaitPublicitas à deux de ses cadres, ledirecteur général Jörg Nürnberg et

le directeur financier Carsten Brink-meier avant le crash final.

Si les pertes d’emplois ont été enpartie réduites, du fait que plusieurséditeurs avaient pris leurs devants, encréant leur propre agence de cour-tage comme impactMédias en Valaiset à Neuchâtel, reprenant souscontrat des anciens employés dePublicitas, près de 150 collaborateursde l’entreprise perdront leur emploi.Dans le canton de Vaud, une solutionpourrait être trouvée. Les PressesCentrales SA, qui éditent, la Feuilled’avis officiel (FAO), seraient ainsiprêtes à intégrer les 9 personnes tra-vaillant dans le bureau vaudois dePublicitas. En Suisse alémanique,une nouvelle agence publicitaire,AdAgent SA, avec des ambitionsnationales, vient par ailleurs d’êtrelancée par NZZ, Tamedia, AZMedien, Corriere del Ticino, et Ver-band Schweizer Medien. Pour lereste, du fait que très peu d’employésde la société étaient syndiqués, aucunsyndicat ne semble en lice pournégocier un plan social global. n

JDr

Publicitas: un géant usé coule à picSUISSE • La régie publicitaire est en faillite. Qu’adviendra-t-il des 150 collaborateurs de l’entreprise?

Pour des prestationscomplémentairespour les familles JURA • Les Jurassiens seprononceront surl’instauration de PC Famillesou sur un renforcement dessubsides pour l’assurance-maladie

Ala suite de la publication par l’Officefédéral de la statistique de chiffresmontrant l’importance de la pauvreté

en Suisse, notamment celle de nombreusesfamilles, le Parti chrétien-social indépen-dant a lancé une initiative populaire, rédi-gée en termes généraux, demandant l’intro-duction de prestations complémentairespour les familles, selon un dispositif inspirépar les PC AVS/AI. L’initiative a été déposéeen avril 2016. En novembre 2017, le Parle-ment l’a refusée par 34 voix (PDC, PLR,UDC) contre 25 (PCSI, PS, Verts et CS-POP) et a décidé de lui opposer un contre-projet consistant à renforcer les subsidespour les primes d’assurance-maladie.

L’objectif de ces PCFam est de couvrir ladifférence entre les besoins vitaux de lafamille et ses revenus insuffisants. Ce sys-tème existe déjà dans quatre cantons (TI,VD, GE, SO) et a l’avantage de sortir lesfamilles de l’aide sociale. Au Tessin, cela adiminué de 50 % les prestations de l’aidesociale, et dans le canton de Vaud, 1400ménages ont pu sortir de l’aide sociale. Unautre avantage, par rapport au contre-pro-jet, est que la prestation est versée sur labase de la situation effective de la famille aumoment de la demande, tandis que pour lessubsides à la caisse-maladie, il y a un déca-lage d’environ deux ans, puisque celadépend de la décision de taxation.

Environ 1000 familles concernéesSelon un modèle basé sur les normes desPC AVS/AI réduites de 25 %, les PCFamtoucheraient 990 familles représentant 2870personnes. Cela coûterait environ 12,3 mil-lions de prestations brutes. Il faut retran-cher de ce chiffre les subsides déjà verséspour l’assurance-maladie et l’aide sociale. LeGouvernement estime que l’on arriverait àun coût net de 4,5 à 6,5 millions de francs.A cela s’ajoutent des frais d’administration,sur lesquels Gouvernement et partisans del’initiative ne sont pas d’accord, car ces der-niers font remarquer que pour ces PC, il y aen général une décision annuelle, tandisque pour l’aide sociale, c’est une décisionpar mois, ce qui nécessite davantage de tra-vail.

Les arguments du Gouvernement et despartis bourgeois contre l’initiative sont évi-demment financiers. Pour eux, le coût(environ un demi-pourcent du budget can-tonal) est trop élevé.

C’est pourquoi ils ont proposé un contre-projet se limitant à renforcer les subsidespour les primes d’assurance-maladie. Selonle modèle étudié, le coût du contre-projetserait d’environ 2,2 millions de francs et celatoucherait 600 familles, soit environ 2000personnes. Le subside supplémentaire pour-rait atteindre 225 à 250 francs par mois etpar famille, soit un montant nettement infé-rieur aux PCFam. Dans le canton de Vaud,en 2014, le montant moyen se situait entre800 et 975 francs.

Caritas et les syndicats ont rejoint lePCSI et les partis de gauche dans le comitéde soutien à l’initiative, qui recommande derefuser le contre-projet, car en cas dedouble oui, c’est le projet qui en obtient leplus qui est accepté. On pourrait donc avoirune majorité de votants favorable à l’initia-tive, mais un «refus» de celle-ci si le contre-projet recueillait plus de oui. Espérons quel’adage qui dit «le Jura élit à droite et vote àgauche» se vérifie une fois encore le 10 juinprochain.

Jean-Pierre Kohler

«Nous éprouvons une colère profonde en voyant l’augmentation des primes d’assurance maladie», dénonce le collectif «Lutte Contre l’Augmentation des Primes d’Assurance Maladie» (LCAPAM). DR

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INTERNATIONAL • 5N° 20 • 18 MAI 2018

«Notre action est davantage criminalisée»

BRÉSIL • Jeune militante du Mouvement des travailleurs sans terre (MST), Judite Santos raconte les luttes de petits paysans brésiliens pour une juste répartition des terres, rendue plus difficile sous le gouvernement de Michel Temer.

E n marge du Forum Social Mon-dial (FSM) en mars dernier,nous avons rencontré Judite

Santos, militante du Mouvement SansTerre (MST) de 34 ans. Coopératricede l’ONG suisse romande E-Changer,elle dénonce la politique de démantè-lement des droits sociaux de l’actuelprésident, Michel Temer.

Rappelez-nous en quelques mots ce qu’est leMST?JUDITE SANTOS Nous sommes un mouve-ment social parmi les plus importantsdu Brésil, qui lutte depuis plus de 30ans. Notre principal objectif est depuistoujours d’organiser les travailleursruraux pour défendre le droit à laterre, afin d’obtenir enfin une réformeagraire populaire. Celle-ci doit êtrebasée sur un modèle de production quirespecte le travailleur agricole et lanature et qui favorise l’agriculture bio-logique, en n’utilisant en principe pasde produits agrochimiques. Il fautsavoir qu’au Brésil, moins de 1% despropriétaires terriens possèdent 45%des terres cultivables. Et 48% des pay-sans n’en possèdent que 2.3%, sanscompter ceux qui sont ouvriers agri-coles. C’est l’une des répartitions de laterre les plus injustes du monde.Actuellement, nous regroupons plus de1.5 millions de paysans sans terre, quifont partie de la base sociale du MST.

Quelle a été votre trajectoire au sein du MST?Mes parents ont toujours travaillé à lacampagne. En plus du travail auxchamps, ma mère s’occupait de ses 7enfants. Mon père louait un bout deterre et devait donner un pourcentagede la récolte au propriétaire. Le reste del’année, les deux cherchaient du travailà la journée pour nourrir leur famille.Ils faisaient partie des Communautésecclésiastiques de base rurales, liées àl’Eglise Catholique. En 1997, mesparents ont rejoint le MST. J’avais alors13 ans. Nous avons occupé avecd’autres paysans une terre et on m’adonné la responsabilité de m’occuperdes petits d’âge préscolaire. Après 30jours, on a été expulsé une premièrefois. Cette expulsion s’est répétée unedizaine de fois jusqu’à ce qu’en 2003,on réussisse à avoir un accès à un lopinde terre.

Que s’est-il passé ensuite?A cause de ces expulsions, je n’ai paspu aller régulièrement à l’école. Après 4

ans de lutte, on a cependant définitive-ment pu légaliser l´endroit, où mesparents vivent encore aujourd’hui. J’aipu suivre mon école secondaire dansdes écoles du MST, puis intégrer l’Uni-versité en histoire. J’ai ensuite menécertaines tâches «internationalistes»du MST, passant 3 ans à Cuba, 1 anau Venezuela et aussi quelques moisau Mozambique. Je coordonnais des«brigades». Maintenant, je travailledans le secteur international du MST,et c’est l’ONG E-Changer qui mefinance, et qui renforce ainsi, commeelle l’a fait depuis tant d’années, notremouvement. Ce genre de contact estessentiel pour faire connaître notrelutte, car il ne faut pas compter sur lesmédias habituels pour le faire.

Comment se passe concrètement la lutte duMST?Notre lutte est celle du droit à la terre.Les paysans organisés par le MSToccupent des terrains. Nous les choisis-sons en fonction de critères définis.Elles doivent être laissées en friche par

leur propriétaire, en proie à une défo-restation massive et à un appauvrisse-ment de la diversité écologique, comp-ter des travailleurs en situation que l’onpeut considérer comme de l’esclava-gisme (ce qui n’est pas rare dans le Bré-sil d’aujourd’hui). Il en va de mêmeavec des terres utilisées pour la culturede drogue ou en toute impunité par desprivés malgré le fait qu’elles soient enmains publiques. En principe, on n’oc-cupe pas de terres de moins de 300hectares. Dès que les paysans sont ins-tallés, ils se mettent à cultiver et s’orga-nisent pour assurer l’éducation desenfants et le minimum de servicescommunautaires.

Quelle est la réaction des propriétaires?Souvent, le propriétaire appelle lapolice ou des gardes privés pour délo-ger les occupants, mais le MST saisit lajustice et une instance fédérale, l’Insti-tut national de colonisation et réformeagraire (lNCRA), qui est compétentepour résoudre ces situations. C’est lapériode de «l’acampamento» (campe-

ment), qui peut durer plusieurs annéeset où la menace d’être délogé reste per-manente. Si un arrangement est trouvéet que les terres peuvent être transfé-rées officiellement aux paysans, alorson parle d’«assentamento» (implanta-tion). Il y a plus de 90’000 famillesdans des «acampamentos» et 350’000dans des «assentamentos». Mais lalutte ne s’arrête pas là, car la loi exigede l’Etat fédéral qu’il fournisse alorsune maison, l’accès à l’eau et à l’énergie,et permette aux enfants d’aller à l’école.Or, comme vous avez pu le constater,dans notre assentamento situé à 80 kmde Salvador de Bahia, seules 17 mai-sons sur 170 ont été construites aprèsdix ans, car les fonds destinés à cesprogrammes sont toujours trop viteépuisés!

Pourquoi il n’y a jamais eu de réformeagraire, même sous les gouvernements deLula et de Dilma Rouseff,?Il a toujours manqué une majoritéparlementaire nécessaire pour le faire.Le parti des travailleurs (PT) de Lula

et de Dilma a toujours été minoritaireau parlement La majorité de députéssont issus des familles de grands pro-priétaires terriens (que l’on appelle iciles ruraux), qui se sont opposés à laréforme agraire. Ce secteur a été sou-tenu massivement par de gros fondsd’investissement, des banques et desentreprises de l’agrobusiness quicontrôlent toute la chaîne de produc-tion et de commercialisation agricoleet achètent même des terres, pas seule-ment au Brésil, mais partout dans lemonde. Parmi elles, on trouve desentreprises suisses ou établies en Suisse.C’est ça la réalité et c’est pourquoi ondoit continuer à lutter.

Depuis le coup d’Etat parlementaire de 2016et l’arrivée de Temer au pouvoir qu’est-ce quia changé pour le MST?Temer a coupé tous les fonds d’aideaux paysans. A Brasilia, les locaux del’INCRA (Institut national de coloni-sation et réforme agraire) sont mêmevides. Les chances de pouvoir légaliserles terres occupées sont donc trèsfaibles. De plus, notre action estdavantage criminalisée. Les attaquescontre les dirigeants du MST se multi-plient. Un ami a été assassiné dans larégion de Salvador de Bahia cetteannée. Les expulsions violentes desterres occupées sont beaucoup plusnombreuses. Et je ne parle que pour cequi touche le MST. Dans les faits, tousles programmes et les droits sociauxsont systématiquement attaqués.

Comment se positionne le MST pour lesélections d’octobre 2018?Nous défendons la candidature de Lula.Si la justice l’empêche de se présenter,c’est la démocratie au Brésil qui est enpéril. Dans tous les sondages, il a 2 foisplus d’intentions de vote que le premierde ses opposants. Il est clair que Lulafait partie du «système politique», maispour nous le Parti des travailleurs (PT)représente la meilleure option.

Qu’aimerais-tu ajouter?Au MST, nous voulons dénoncer lamilitarisation de l’Etat de Rio décrétéepar le gouvernement de Temer au nomde la lutte contre la criminalité organi-sée. Nous craignons vraiment que celasoit la préparation d’une mainmise del’armée sur tout le pays, comme uncoup d’Etat déguisé. n

Propos recueillis par Bernard Borel, de retour du Brésil

L e 20 mai se dérouleront au Venezuela lesélections présidentielles et municipales,ainsi que celles des conseils législatifs régio-

naux. Président sortant depuis 2013, NicolasMaduro affrontera l’avocat et ancien militaireHenri Falcon dans le premier scrutin. Anciengouverneur de la province de Lara, candidat del’Alliance Avancée progressiste, formation appar-tenant à la Table de l’unité démocratique (MUD)de l’opposition et présentée comme une forma-

tion de centre-gauche, l’opposant, qui a appar-tenu au chavisme, dit défendre une gauche«moderne, modérée, progressiste comme cellede Lula ou Michelle Bachelet au Chili». Troisautres candidats participeront au scrutin: Rei-naldo Quijada, ingénieur né à Genève, ancienmembre du Part socialiste uni du Venezuela(PSUV) et candidat de l’Unité politique populaire89, Javier Bertucci, un pasteur évangélique etl’homme d’affaires et indépendant Luis Alejandro

Ratti. «La clé de ces élections sera la participation.Le vote est volontaire et peut être exercé par 20millions et demi de citoyens. De nombreux fac-teurs influenceront le scrutin. Parmi eux, l’hyper-inflation, qui transforme les salaires en eau et sel,et le blocus financier (des USA, ndlr) quiempêche le Venezuela d’acquérir la nourriture etles médicaments dont sa population a besoin»,estime Manuel Cabieses Donso, rédacteur en chefde la revue chilienne Point final. Rappelons que

l’aile radicale de l’opposition au président sortanta appelé au boycott des élections par abstention.Tout en dénonçant une politique économiquegouvernementale erronée, «qui a favorisé desgroupes civils et militaires qui se sont enrichis audétriment des secteurs populaires», le Parti com-muniste vénézuélien (PCV) soutiendra la candi-dature de Nicolas Maduro, en rejetant le boycottde la droite «fasciste et pro-impérialiste». n

Réd.

Le Venezuela joue son avenir politiqueELECTIONS • Après un premier report, les élections présidentielles auront lieu le 20 mai. Nicolas Maduro affrontera Henri Falcon, sur fondd’appel au boycott du scrutin de la droite radicale et d’urgence économique.

«Il a toujours manqué une majorité parlementaire pour mettre en place une réforme agraire», explique Judite Santos. Theodora Peter

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6 • INTERNATIONAL N° 20 • 18 MAI 2018

La robe, toute une histoire!La robe, une histoire culturelle du Moyen Age à aujourd’hui de Georges Vigarello, directeur àl’Ecole des hautes études en sciences sociales, est un livre aussi beau que passionnant.

Il est découpé en 6 parties: 13e-16e siècles: le laçage médiéval et l’émergence du buste17e-18e siècles: l’image du piédestal, corsets et paniersDes Lumières à la Révolution: critique des contraintes1815-1910: les résistances de l’artifice1910-1945: l’invention de l’élancementDe 1945 à aujourd’hui: individualité, éclectisme, sensibilité

Les sous-titres donnent une idée de son histoire et de celle des femmes. La robe médiévalerecouvre l’ensemble du corps, dissimulant l’anatomie, tout en marquant la distinctionsociale par la couleur et la richesse du tissage. Puis on sépare le haut du bas. Le buste fémi-nin subit un étroit laçage, avec étranglement de la taille, et évasement de la jupe, qui enve-loppe pudiquement les jambes. La robe cantonne la femme au décor, alors que la tenuemasculine est celle de l’action, avec les jambes découvertes et déliées. Certaines dames sontaffublées de manches immenses, qui les condamnaient à l’immobilité. Il s’agissait certes denobles disposant de plusieurs domestiques.

Cette façon d’entraver les mouvements fait penser à la mode des pieds bandés, que la Chineimposa aux fillettes dès 5-6 ans, du 10e siècle au 20e siècle. La taille idéale était de 7,5 cm,obtenue au prix de véritables tortures, et qui les empêchait de marcher. Un milliard defemmes chinoises ont souffert de cette pratique, dont le taux de mortalité est estimé à 10%pour cause de septicémie. Elle ne fut interdite qu’en 1912 par la République de Chine. J’ima-gine qu’on ne laçait pas les bustes des servantes, ni ne leur bandait les pieds: il fallait bienqu’elles puissent bouger!

La tapisserie «scène de chasse du Devonshire, 1425-1430» illustre les rôles dévolus auxhommes et aux femmes: les premiers s’activent auprès de leurs chevaux et de leurs chiens,en haut, tandis que les femmes, au premier plan, regardent, passivement, empêtrées dansleurs robes à traîne, rehaussées de bijoux et de coiffes. Dès le milieu du 15e siècle, le surcotporté sur la robe, boutonné sur le devant, étreint toujours plus la poitrine, au point d’avoirété considéré comme l’ancêtre du corset. A ces contraintes s’ajoute le hennin démesuré, jus-qu’à 4 ou 5 fois la hauteur du visage, ce qui devait être bien mal pratique pour se déplacerou simplement tourner la tête. La fin du 15e siècle ajoute au vêtement féminin une largeceinture, dont le rôle est autant de resserrer la taille que de soutenir, voire de compresser lebuste. L’Espagne invente le «vertugadin»: ensemble de cercles rigides, faits d’osier fin (ver-tugo), placés sur l’étoffe pour l’arrondir et l’élargir.

Le 16e siècle pousse encore la géométrie de la robe en élargissant la jupe, séparée du hautpar une ceinture étranglant la taille. Les portraits de Claude de France et d’Eléonore d’Au-triche les affublent de surcroît de manches de fourrure qui tombent jusqu’à la moitié de lajupe. Même tendre la main devait être compliqué... Cette mode s’est internationalisée au16e siècle, en France, Italie, Espagne, Angleterre. Elle trahit le statut identique de la femme,unissant la perfection formelle à l’immobilité.

Ce siècle dit de la «Renaissance» du modèle antique invente également le corselet de fer,pour tenir le buste. La représentation de la page 38 fait frémir. Des femmes ont porté cetengin de torture? Il fut suivi par le corset, sous-vêtement rigide comportant des baleines,destiné à affiner la taille et à maintenir la poitrine. Certains tableaux donnent une idée dece que devait être le port d’un corset: la taille incroyablement fine est prolongée par un tri-angle de tissu qui plonge dans les plis de la robe, la cage thoracique est si étroite qu’on sedemande comment la dame fait pour respirer. La médecine a dénoncé les effets désastreuxdu corset: il provoque des problèmes dorsaux et musculaires, les abdominaux, non sollici-tés, se relâchent, il dégrade la peau, blesse les organes internes: sous l’effet de la compres-sion, l’estomac et les intestins remontent et endommagent le foie, la rate et les reins. La res-piration devient difficile, car le diaphragme, n’ayant plus assez de place, gêne les poumonset le cœur. Or, c’est l’oxygène qui aide tous les organes à fonctionner... Enfin, il provoque desreflux gastriques et la constipation... Tout ça pour paraître belle! Pourtant, il fut porté du 16e

siècle au début du 20e siècle.

Le 17e siècle ajouta le vertugadin évasé, comme dans le tableau des Ménines de Vélasquez. Ainsique la collerette, portée, il est vrai, par les femmes comme par les hommes. Il invente les panierset les cerceaux, qui font ressembler les femmes à des montgolfières, avant leur invention!

Grâce aux Lumières puis à la Révolution, les tenues des femmes se simplifient et se libèrent deleurs entraves. On porte des tuniques inspirées par l’Antiquité, des tenues légères et souplesqui laissent deviner les formes. Les femmes peuvent à nouveau bouger, marcher, courir...

La Révolution de 1789, qui aurait dû être celle du peuple, a été dévoyée par un empereur,puis par le retour de la royauté, enfin par le rétablissement de l’Empire. Il fallut attendre1863 pour que la France se dote enfin d’un système républicain. La mode suivit donc ceretour en arrière. On retrouve les laçages, les corsets, les paniers, les jupes encombrantes.On invente la crinoline, le faux-cul, qui relève et bombe l’arrière. Ce qui devait être pratiquepour s’asseoir!

A partir de la république, les robes raccourcissent (les robes qui traînaient à terre devaientrendre la marche difficile!) A la toute fin du 19e siècle apparaissent les premiers maillots debain, constitués d’un pantalon jusqu’au genou et d’une tunique à manches courtes.

Le 20e siècle va enfin libérer les femmes du corset et favoriser un élancement de la silhouette,dans des tissus fluides. Les tenues sportives favorisent cette fluidité. Rappelons que les JO n’ontété ouverts aux femmes qu’en 1912 à Stockholm! Les tenues se simplifient également quandles femmes exercent des activités professionnelles. Gabrielle Chanel porte ses propres modèlesdès les années 1910, la jupe est relevée, la taille peu marquée, ce qui favorise l’activité. 1925voit l’arrivée de la mode garçonne: cheveux courts, pantalon, qui accompagne le changementdu statut féminin. En 1940 apparaît la jupe-culotte adaptée à la bicyclette. Dès 1950, les nou-veaux matériaux permettent un jeu libre des formes. Le début de l’émancipation féminine...

Huguette Junod

LA CHRONIQUE FÉMINISTE

Emmanuel Macron le répète àchaque fois qu’il s’agit dedéfendre sa politique: il tient ses

promesses. Il l’a rappelé en décembreà Laurent Delahousse, présentateurde la chaîne de télévision France 2:«Je fais ce que j’ai dit. Avec détermi-nation.» Puis de nouveau en avrildevant Jean-Pierre Pernaut, à TF1 :«Je fais ce que je dis. Peut-être qu’onn’était plus habitué.» Si le président dela République le martèle tant, c’estsans doute parce qu’il a été le toutdernier des candidats à présenter sonprogramme pendant la course à l’Ély-sée, l’an dernier. Après une longuesérie de discours faussement bien-veillants et bourrés de poncifs, il s’yest résolu le 2 mars 2017. A l’époque,cela l’arrangeait d’avancer dansl’ombre. «C’est une erreur de penserque le programme est le cœur d’unecampagne», expliquait-il, ajoutantque «la politique, c’est mystique».

La fin de l’ISFMais, maintenant qu’il a été élu pardéfaut, le voilà qui cite son programmepour légitimer son action. Fait-il pourautant ce qu’il dit, ou prend-il desacrées libertés vis-à-vis de sa parole etde son «contrat avec la nation»? Le plusemblématique de ses engagements nontenus est sans doute celui du 27 juillet2017: «Je ne veux plus, d’ici à la fin del’année, avoir des femmes et deshommes dans les rues», lançait-il. Au1er janvier 2018, il restait pourtant desmilliers de sans domicile fixe et de réfu-giés dans les rues. Et ce n’est pas tout:souvent accusé d’être le président desriches, Macron se réfugie derrière sonfameux «projet» pour défendre la fin del’impôt de solidarité sur la fortune(ISF). Son programme de 2017 stipulenoir sur blanc que «la réforme de la fis-calité se fera à coût nul». La création duprélèvement forfaitaire unique (PFU)(flat tax perçue sur certains placementsfinanciers) devait ici permettre «decompenser la perte de recettes dues auremplacement de l’ISF» par l’IFI (impôtsur la fortune immobilière). Mais, loinde rapporter les 3,25 milliards d’eurosici perdus, le PFU a en réalité faitperdre 1,3 milliard de plus à l’Etat!

Cela, Macron ne l’avait pas dit, toutcomme il n’avait pas annoncé la baissedes aides personnalisées au logement(APL), ou la fin de nombre d’emplois

aidés. Pendant la campagne, il annon-çait également devant les maires deFrance qu’il leur demanderait de faire10 milliards d’euros d’économies sur lequinquennat. Désormais président,l’addition est montée à 13 milliards…Et les plans à 5 milliards qui émaillentsa feuille de route, tantôt pour lasanté, tantôt pour l’écologie, ou enfinpour les agriculteurs, n’ont encoretrouvé aucune traduction concrètedans le plan budgétaire courant jus-qu’en 2022. La promesse d’aider «lesagriculteurs à être payés au prix juste»n’a de son côté même pas survécu auxétats généraux de l’alimentation.

Pas de moralisation de la vie publiqueLa liste est loin d’être complète: la pre-mière loi du quinquennat, dite demoralisation de la vie politique,devait interdire aux parlementairesd’exercer une activité de conseil enparallèle de leur mandat. Il devait

aussi être impossible de se présenter àune élection en cas de casier judi-ciaire (niveau B2). Tout cela est fina-lement autorisé. Le gouvernement nedevait pas toucher «au niveau despensions» de retraites, mais les a defait attaquées, avec la hausse de laCSG (contribution sociale générali-sée, un prélèvement obligatoire parti-cipant au financement de la sécuritésociale)… Enfin, la réforme quidevait «libérer le travail» a été faitedans le cadre d’une blitzkrieg socialeet parlementaire que n’aurait pasreniée François Fillon. Quant à la loiasile et immigration, elle consacrehors programme l’internement desmineurs, le délit de solidarité et la finde l’inconditionnalité de l’accueil encentre d’hébergement d’urgence, pourle plus grand plaisir de Marine LePen. Soit les deux épouvantails quiont permis à Macron de gagner. n

Aurélien SoucheyreParu dans L’Humanité

Faire ce qu’on dit, sans dire ce qu’on va faireFRANCE • Après un an au pouvoir, le président de la République française assuredans tous les médias qu’il «fait ce qu’il a dit». En réalité, nombre de ses annoncesde campagne sont loin d’être réalisées.

Macron avait promis de «moraliser la vie politique», mais ne l’a jamais fait. WEF

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CULTURE • 7N° 20 • 18 MAI 2018

La conférence de presse qui présentait le pro-gramme du 73e Septembre musical de Mon-treux-Vevey fut l’occasion pour son directeur

Tobias Richter non seulement d’annoncer sondépart, mais de faire le point sur une manifestationqui peine à retrouver le lustre d’antan et dont lesprojets sont sans cesse soumis aux contraintes bud-gétaires. De plus, rendre le Festival à la fois pluspopulaire, attirer la jeunesse, tout en gardant uncôté festif qui en fait l’exceptionnel est une gageureauquel s’est attelé Tobias Richter (dont c’est aussi ladernière saison au Grand Théâtre de Genève). Il s’agit d’inviter de grands orchestres, des chefset solistes réputés, de choisir des œuvres que lepublic souhaite entendre, mais aussi de créer

une ambiance que les gens aiment retrouver etles incite à venir un peu avant l’heure duconcert, à prolonger éventuellement la soirée,pour autant que bars et restaurants le permet-tent. Pour l’heure, le Septembre musical, d’inter-national qu’il fut à ses débuts, compte principa-lement sur le public de la région, remarquable-ment fidèle, et les mélomanes du bassin léma-nique, voire des cantons voisins.

Des orchestres jeunesCette année, Tobias Richter a misé sur desorchestres de jeunes, à l’exception du concertd’ouverture le 31 août: l’orchestre et le chœur deTurin, dirigé par son chef Gianandrea Noseda,

présentera un grand Verdi, pas le Requiem, maisles Quattro Pezzi Sacri (Ave Maria, Stabat Mater,Laudi alla Vergine Maria et, plus connu, le TeDeum), puis la Symphonie dite du «Nouveaumonde» de Dvorak. Quant au dernier concert, le9 septembre, c’est un concert surprise dont on saitseulement que Martha Argerich y participera.Trois orchestres de jeunes se succéderont à l’Au-ditorium Stravinski: l’European Philharmonic ofSwitzerland (EPOS) pour trois concerts (4, 6 et 9sept.), l’Orchestre Français des Jeunes (5 sept.) etle Youth Orchestra of Bahia (YOBA) avec RicardoCastro (8 sept.) Et un jeune orchestre ukrainienqui s’inspire du modèle de Teodor Currentzis,lequel a fait sensation les deux années précé-

dentes, jouera Vivaldi, Mozart, Silvestrov et Griegle 3 septembre au Temple Saint-Martin à Vevey. Ily aura aussi des récitals de jeunes artistes promet-teurs au Château de Chillon, une soirée GeorgesAthanasiadès, orgue, avec la CameratAmoyal àl’église du Sacré-Cœur à Montreux.

Et pendant le festival des concerts off invite-ront les passants à goûter la musique offerte enparticulier par des jeunes des orchestres invités,un contact sympathique se créant ainsi entreauditeurs et interprètes. n

Myriam Tétaz-GramegnaVevey et Montreux, du 31 août au 9 septembre Billetterieouverte dès le 3 mai Rens. 021 962 80 05www.septmus.ch

Coup de jeune au Septembre musicalMUSIQUE • Tobias Richter propose sa 14e édition du Festival classiqueMontreux-Vevey avant de passer la main.

L es bribes de feuillets constellantde vieilles planches noircies,image de couverture du cata-

logue de l’exposition LutherLand,portent évidemment le souvenir des«95 thèses» placardées par un moineaugustin, Martin Luther, sur la portede l'Eglise de Tous-les-Saints à Wit-tenberg. C’est le texte fondateur de laRéforme protestante qui marque sarupture avec une Eglise catholiqueenlisée dans le pouvoir temporel etl'avidité financière. Des propositionsqui fondent le renouveau de la penséereligieuse de son époque.

DétournementsEn entretien, le photographe Jörg Glä-scher reconnait la filiation du clichéavec l’acte rebelle et fondateur deLuther. Sa série réunit des scènes théâ-tralisées artisanales et bricolées, sou-vent empreintes d’une distance amu-sée, décadrées, profondément huma-nistes. Voyez cette fausse auréole angé-lique sur un célébrant rieur monté surune échelle, ces petites ailes duve-teuses portées par une ado lors d’unecélébration de la nativité. L’œil voyageaussi au sein des rassemblementsœcuméniques. En témoigne cemagnifique portrait d’une jeunefemme méditative dans la foule, sedéployant au fil de teintes violacéespropres à l’heure bleue. Elle lève lamain droite, yeux scellés, paumeouverte vers la scène invisible. Unemanière de reprendre au féminin,inconsciemment ou non, le geste ico-nique du Christ et des Saints en signede bénédiction, marquant ainsi l’auto-rité de leur mâle parole et statut.

LutherLand tente de faire com-prendre le poids du luthérianisme enAllemagne et d’une Eglise protestanteforte de 25 millions de fidèles luthé-riens et calvinistes. Un engagementsocial qui se veut proche des réfugiéset personnes âgées, à en croire le pho-tographe. Ses instantanés ouvrent àune distance: sapins entassés et stoc-kées sous vide en murailles, sujetsperdu lors d’une commémorationdans un paysage décomposé par uneneige pointilliste rappelant les grandsmaîtres de la peinture allemande duMoyen-Âge (Caspar David Friede-rich) au début du 20e (Richard vonDrashe-Wartinberg). Dans le fond,on devine la statue monumentale deManfred Sihle-Wissel, représentantune silhouette féminine blottie scru-tant désespérément l'horizon versl'Elbe. Au cœur d’un «site commémo-ratif pour les pêcheurs et les marins

qui sont morts en mer», 26'000 ces100 dernières années.

Croire pour avoir confiance?Dans sa préface à l’ouvrage, le journa-liste au Tages Anzeiger, ChristianSchüle, disserte sur l’homo religiosus.Ce qui compte est la stabilité quefournirait la croyance, pourtantinquiète et tourmentée chez Luther, àun être humain qui «ne peut pas tou-jours remettre en question ce qu'ilvoit. C'est le cas pour tout êtrehumain, qu'il soit athée ou croyant,qu'il soit chrétien, musulman, juif oumembre d'une autre religion. Il s'agitd'espérer un ordre de choses idéal. Ils'agit de sécurité et de confort dansnotre monde mortel.

La mesure du pardonComment questionner par la photo lareprésentation mettant en présencevictime et bourreau? En 2012, le pho-toreporter Jonathan Torgovnikdécroche le prix Découverte des Ren-contres d’Arles, pour son travail surles enfants nés des viols lors du géno-cide rwandais en 1994. Et dont cer-tains sont séropositifs. C’était la malé-diction assénée par les violeurs à leurssuppliciées, de leur «donner pire quela mort». Deux décades après le géno-cide, le Rwanda est toujours tenud’une main de fer par le populairePaul Kagamé, pourtant accusé decrimes de guerre et contre l’humanitépour les massacres et atrocités com-mises par le FPR (Front patriotiquerwandais) avant 1994 et après 1994,au Rwanda et en RDC.

A travers une série de tableauxvivants ou portraits mis en scène pré-sentés à Bienne, L’Anatomie du par-don, la photographe Lana Mesić tra-vaille elle aussi cette question du lienentre victime et bourreau, dans lecadre du génocide Rwandais. Al’image, les bourreaux et leurs vic-times de 94 tentent de refaire leursvies, dans une paix traversée de ten-sions. Et hantée par la mémoire del’un des génocides les plus fulgurantsde l’histoire: 800'000 Tutsi et «leurssympathisants» Hutus tués en troismois.

Un récit croiséL'artiste souhaite ouvrir la possibilitéà un récit croisé, sans distinguer clai-rement la victime du génocidairepour un œil averti ou non. Elle a ren-contré des couples les conduisant àréactiver posturalement les instantsdécisifs de pardon. Dont Mesić

décline la mesure sous forme de gra-dation chiffrée réalisée sur des feuillesde bananiers. Ou des fardeauxcomme régime de bananes ou jerry-cans. L’artiste fait donc mesurer laquantité de pardon par les victimes etau persécuteur, le pardon qu’il pour-rait se faire à lui-même. Ces tableaux

parfois surréalistes tant ils ressusci-tent l’univers d’un Magritte avouentleur mise en scène et making-off. Ilsvoient les couples se faire des freehugs ou l’un des protagonistes poserun genou à terre devant sa victime.On se remémore alors avec le socio-logue Bernard Guilloux, qu’«un

authentique pardon est l’antithèse del’oubli» (Le Pardon est-il durable?Une enquête au Rwanda). n

Bertrand Tappolet

Journées photographiques de Bienne:Jusqu’au 27 mai. www.bielerfototage.ch

Du pardon à l'empreinte du lutherianismePHOTOGRAPHIE • La croyance en la confiance dans le monde et le pardon post-génocide sont explorés au Journées biennoises de laphotographie, parmi plus de vingt autres expositions.

La photographe Lana Mesic a mis en scène les interactions entre victimes et bourreaux du génocide rwandais. Lana Mesic

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CULTURE • 8N° 20 • 18 MAI 2018

V oilà un ouvrage qui devrait figurer danstous les programmes scolaires. En unecentaine de pages bien senties et étayées,

portées par une rhétorique flamboyante, JeanZiegler- qu’on ne présente plus - dresse le por-trait au vitriol du capitalisme et de son «ordrecannibale» sur la planète. Sur la base d’une pré-sentation sous formes de questions-réponsesavec sa petite fille Zohra, le sociologue genevoiset actuel vice-président du comité consultatif duConseil des droits de l’homme de l’ONU passe à lamoulinette les affres de ce modèle socio-écono-mique, soumis à la main invisible du marché.

Du Guatemala au KivuFoncièrement pédagogique et sous hauteinfluence de Karl Marx, le livre revient sur les

origines historiques dès le XVIe siècle de cerégime économique et social, né de la victoirede la bourgeoisie sur l’aristocratie dans le cadrede la lutte des classes. Au fil des pages, l’auteurausculte de nombreux autres points de ce sys-tème global, qui influence nos vies. Il passeainsi en revue et de façon didactique les diffé-rences entre capitalisme économique et capita-lisme financier, revient sur les formes d’aliéna-tion et de gaspillage incluses dans l’actuellesociété de consommation, réservée à une mino-rité, aborde les problèmes des ravages de ladette, des échanges inégaux entre Nord et Sud,de l’omnipotence des multinationales ou del’évasion fiscale.

Au-delà de l’élucidation de ces concepts, JeanZiegler étaye sa détestation par différents épi-

sodes liés à ses missions sur le terrain dans lecadre de l’ONU. On passe ainsi du Guatemala,«pays stupéfiant de beauté» et de misère, à l’Estdu Congo, ce qui nous vaut quelques para-graphes pour une future anthologie portative duMaître. «Jamais je n’oublierais les regards apeurés,les corps faméliques des enfants, des adolescentss’épuisant pour un salaire de misère, sous lamenace permanente des fusils des milices, dansles mines de coltan du Kivu», écrit ainsi notre épi-gone d’Emile Zola ou de Dickens et auteur dansle passé d’un roman, L’or du Maniema.

La force historique de l’utopieConsidérant que le capitalisme doit être détruit,notamment du fait qu’il met en péril les limites etressources finies de notre planète, Jean Ziegler en

appelle, dans le dernier chapitre à une «insurrec-tion des consciences». Optimiste et ardent défen-seur de la «force historique formidable qu’estl’utopie», il rappelle que l’esclavage a été vaincu etque l’émancipation des femmes ou la créationd’une sécurité sociale sont devenues des réalités.Modeste, il laisse le soin aux mouvements sociauxde par le monde de penser l’émancipation pro-chaine de l’humanité. «Je ne sais encore rien dusystème social et économique qui doit le rempla-cer, mais cela ne m’empêche pas d’espérer que cesera ta génération qui abattra le capitalisme»,conclut-il. n

JDrJean Ziegler, Le capitalisme expliqué à ma petite-fille (enespérant qu’elle en verra la fin), éd. du Seuil, 2018,117pages.

Jean Ziegler propose son bréviaire anticapitalisteLIVRE • Jean Ziegler vient de sortir «Le capitalisme expliqué à ma petite fille (en espérant qu’elle en verra la fin)». Un régal.

P our les 50 ans de mai 68, lachanteuse française DominiqueGrange revient avec ses chan-

sons, elle qui a toujours affirmé, etaffirme encore, ses engagements poli-tiques. En cette année de «commé-morations», elle propose, avec lacomplicité de son compagnonJacques Tardi et du groupe Accord-zéâm, un livre disque aux éditionsCasterman: Chacun de vous estconcerné. Cet album, magnifique-ment illustré par Jacques Tardi, seprésente sous la forme d’un grandlivre cartonné, au format d’un disque33 tours avec des doubles pagesd’illustration et des doubles pages deprésentation des onze chansons gra-vées sur le disque 33t inséré dans lelivre. Une sorte de grand livre pourenfants pour les grands enfants, avecdes chansons pour accompagner lesmanifs…

Engagée dans les luttesEn 1963, en pleine vague yéyé, Domi-nique Grange enregistre ses pre-mières chansons et connaît un certainsuccès radiophonique. Avec l’éclate-ment des révoltes de 68, elle tourne ledos à cette carrière de chanteuse devariétés pour s’engager dans les luttes.Elle enregistre un premier disque 33tours Chansons de Mai 68, produit enautogestion par le collectif Expressionspontanée. Cinq des titres de ce pre-mier album ont été réenregistrés pourChacun de vous est concerné. Aprèsque les braises des révoltes de mai sesoient refroidies, elle rejoint l’organi-sation maoïste La Gauche proléta-rienne et sa chanson «Les nouveauxpartisans» en devient l’hymne delutte. Elle s’implique dans le mouve-ment des «établis» et va travailler enusine pour soutenir les luttes des pro-létaires. Comme les militantes et mili-tants de ce mouvement ouvriériste,elle se trouve face à des ouvrières etdes ouvriers qui souhaitent plus amé-liorer leurs conditions d’existence quefaire la révolution.

Malgré les désillusions et lesdéfaites, elle reste fidèle à ses idéauxpolitiques et poursuit ses engage-ments pour les causes qui continuentde lui tenir à cœur: droit d’asile, anti-colonialisme, antimilitarisme, écolo-gie. Elle déclare dans interview dejuin 2005 pour le journal Rouge: «Jeconsidère que mes chansons sont desarmes dont on peut se servir poursoutenir des luttes, pour en parler,

pour exprimer le ressenti, le vécu desgens qui ne peuvent pas s’exprimer.»

Pour Chacun de nous est concerné,Dominique Grange a réenregistré dixde ses chansons, ainsi qu’un nouveautitre: «Requiem pour les abattoirs».Cet album est un livre disque quinous fait revivre les luttes et nousencourage à les poursuivre. Il seconclut par «N’effacez pas nostraces!», chanson écrite en 2007 aprèsle discours du candidat Sarkozy àBercy: «Dans cette élection, il s’agit desavoir si l’héritage de Mai 68 doit êtreperpétué, ou s’il doit être liquidé une

bonne fois pour toutes. Je veux tour-ner la page de Mai 68…». PourDominique Grange, la lutte continue!«Ce n’est qu’un début, elle vient larelève – Et de Mai 68 elle hériterademain – N’en déplaise à certains,fossoyeurs de nos rêves – qui auraittant voulu nous voir baisser lepoing!»

Hommage pour les 25 ans de la mort de Léo FerréUne autre très belle surprise à décou-vrir en ce mois de mai 2018 vient ducollectif artistique La Souterraine, qui

se définit comme «une structurepolymorphe qui permet à des talentsrares de s’exprimer en toute liberté, enmarge du commerce». Les éditeurs deLéo Ferré, les nouvelles éditionsMéridian et les éditions La Mémoireet la mer ont décidé de confier à cecollectif le soin de réaliser un albumhommage pour les 25 ans de la dispa-rition de Léo Ferré qui, hasard ducalendrier, coïncident avec les 50 ansde mai 68.

La souterraine a rassemblé 13jeunes artistes autour du projet, qui apour le titre de C’est extra, 13 reprises

de Léo Ferré. Le choix des chansonssort des sentiers battus et rebattus etsi le titre de l’album fait référence à«C’est extra», un des grands succès deLéo Ferré avec «Avec le temps», vousn’y trouverez ni l’un, ni l’autre.

L’album s’ouvre avec une interpré-tation lumineuse de «Tu ne dis jamaisrien», chanson d’amour extraite del’album pop-rock La Solitude. «LesPop», également extraite de cetalbum, figure aussi parmi les titreschoisis. L’envie est grande de citer etdétailler tous les titres, tant le choix aété effectué avec soin et originalité.L’on retrouve ici des chansons qui ontété puisées dans un répertoire quis’entend des années cinquante jusqu’àla fin des années quatre-vingt. L’occa-sion de découvrir ou redécouvrirnotamment trois très belles chansonsdes débuts dont «La chanson triste»et «La mauvaise graine», une perle depoésie tout en sobriété. S’il en existeun enregistrement de 1959 pour laradio, elle ne sera reprise dans aucunalbum.

Deux titres de l’album «L’été 68»Ce répertoire d’avant Barclay est moinsconnu, mais on y retrouve déjà la forceet la poésie qui caractérise le travail deFerré. Au milieu de ces titres figure«Est-ce ainsi que les hommes vivent?»dont le texte est de Louis Aragon, seulemprunt aux poètes également mis enchansons par Ferré. Calendrier oblige,deux titres de l’album L’été 68, avec «Lanuit» et «Les anarchistes», se devaientde figurer ici. Pour la petite histoire,«Les anarchistes» avait été écrit pourl’album de 1967, mais Léo Ferré nel’avait pas incluse dans cet album, surconseil de sa compagne de l’époque.L’on retrouve aussi le final de «L’Opéradu pauvre», œuvre que Léo Ferré aenregistrée en 1983 et dont d’obscuresbatailles de successions empêchentencore à ce jour la réédition.

Au final, l’on découvre un albumoriginal et une authentique démarcheartistique. Les artistes de La Souter-raine donnent ici leur interprétation enrestituant la force et l’émotion deschansons, tout en évitant les pièges dela copie ou de l’imitation. n

Claude-Alain Frund

Dominique Grange – Accordzéâm – Tardi,Chacun de nous est concerné, Éditioncasterman, mai 2018 La souterraine c’est extra, 13 reprises de LéoFerré, Les nouvelles éditions Méridian / Lamémoire et la mer, avril 2018

Ah le joli mois de mai: 1968 - 2018MUSIQUE • Les commémorations sont prétextes à parutions, hommages, articles de presse, émissions radio ou télévision. Mai 68n’échappe pas à la règle. Comme dans toutes ces démarches le meilleur côtoie le mercantilisme. Mai 68 aussi fait vendre...

Ex-maoïste, la chanteuse française Dominique Grange sort, avec son compagnon Tardi à l’illustration, onze chansons pour monter sur les barricades. DR