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RIGEL DROIT – ÉCONOMIE – ENVIRONNEMENT SÉCURITÉ – HISTOIRE – POLITIQUES MARITIMES n° 41 – octobre 2017 – spécial CROSS LES CROSS : CINQUANTE ANS DE PASSIONS * * 2017-2018 Cinquantenaire de la création des Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage Le temps des pionniers : l’émergence Le temps des constructeurs : l’essor Le temps des héritiers : la consolidation Le temps des rénovateurs : les perspectives Dans les outremers Évolutions techniques Vers une mutualisation mers-airs REVUE ÉDITÉE PAR L’ASSOCIATION DES ADMINISTRATEURS DES AFFAIRES MARITIMES

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RIGEL DROIT – ÉCONOMIE – ENVIRONNEMENT

SÉCURITÉ – HISTOIRE – POLITIQUES MARITIMES n° 41 – octobre 2017 – spécial CROSS

LES CROSS : CINQUANTE ANS DE PASSIONS * *

2017-2018

Cinquantenaire de la création des

Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage

Le temps des pionniers : l’émergence

Le temps des constructeurs : l’essor

Le temps des héritiers : la consolidation

Le temps des rénovateurs : les perspectives

Dans les outremers

Évolutions techniques

Vers une mutualisation mers-airs

REVUE ÉDITÉE PAR L’ASSOCIATION DES ADMINISTRATEURS DES AFFAIRES MARITIMES

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AVANT-PROPOS

Les textes qui suivent, regroupés en sept chapitres, rendent compte des conditions dans lesquelles les CROSS ont été mis en place telles qu’elles ont été vécues par les officiers qui y ont été affectés puis les ont construits, développés ou en dessinent maintenant l’avenir. C’est un ensemble de témoignages que l’Association des administrateurs des affaires maritimes a souhaité recueillir en contribution à l’histoire des CROSS. Ils portent tous leur part de subjectivités croisées et de communauté de constats, mais aussi la sincérité de ceux qui, sur le terrain ont partagé un demi-siècle d’innovations et qui, aujourd’hui, scrutent le destin des CROSS.

Les noms ou termes suivis d’un * font l’objet d’un commentaire linguistique, biographique, géographique ou historique dans la partie Lexique & Notes, sauf en ce qui concerne les officiers des Affaires maritimes pour lesquels il faut se référer à l’Annuaire des AAM* édité par leur association.

RIGEL n°41

Revue éditée par l’Association des administrateurs des affaires maritimes

adresse : 3 quai de la Fosse 44000 Nantes

courriel : [email protected]

L’Association des administrateurs des affaires maritimes est membre du

Directeur de la publication :

Georges TOURRET

administrateur général (2s) des affaires maritimes

président de l’Association des administrateurs des affaires maritimes

Secrétaire général :

Matthieu REUNAVOT

administrateur principal des affaires maritimes

Comité de rédaction :

• Jean-François BERNICOT, conseiller-maître (h) à la Cour des comptes

MM. les administrateurs en chef des affaires maritimes :

• Jean-Louis BISSUEL

• Jean-Charles CORNILLOU

• Hervé GOASGUEN

• Jean-Jacques MORVANT

Mme l’administratrice principale des affaires maritimes Caroline PISARZ-VAN DEN HEUVEL

Coordonnateur de rédaction :

Daniel DEJARDIN

administrateur en chef des affaires maritimes

Dépôt légal : octobre 2017-02-03

ISBN : en cours

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SOMMAIRE

PRÉFACE par l’IGPC(h) Jean CHAPON Première partie : Les pionniers ou l’émergence (1966-1980)

⁃ Le CROSS Étel : o AGAM (2S) Raymond MUNCH (1966-1969) o AGAM (2S) Pierre BERARD (1969-1972) o AGAM (2S) Jean-Louis PERRIN (1970-1974) o AC1AM (er) François KERGADALLAN (1972-1977)

⁃ Le CROSS La Garde :

o AGAM (2S) Jean-Claude HENNEQUIN (1971-1975)

⁃ Le CROSS Jobourg : o AGAM (2S) Roger JAFFRAY (1974-1980) o OC1CTAAM (er) René BERNARD

Deuxième partie : Les constructeurs ou l’essor (1981-1990)

⁃ Le CROSS Gris-Nez o AGAM (2S) Jean-Marc SCHINDLER (1986-1990)

⁃ Le CROSS Corsen :

o AGAM (2S) Roger BOSC (1985-1991)

⁃ Le CROSS La Garde : o Jean-François BERNICOT (1980-1983) o AGHCAM Laurent COURCOL (1982) o AGAM (2S) Jean-Charles LECLAIR (1983-1988) o AGHCAM (2S) Bruno BARADUC (1988-1994)

⁃ Le futur système mondial de détresse et de sécurité en mer

o Jean-François BERNICOT (1983-1985)

⁃ Une affaire judiciaire au CROSS Jobourg en 1985 o AC1AM Jean- Christophe IZARD officier au CROSS JOBOURG (1990

– 1993) Troisième partie : Les héritiers ou la consolidation (1990-2005)

⁃ Le CROSS Gris-Nez : o AGAM (2S) Pierre SINQUIN (1990-1995)

⁃ Le CROSS Corsen :

o AGAM (2S) Philippe du COUËDIC de KERGOALER (1990-1995)

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⁃ Le CROSS Méditerranée : o AC1AM (er) Bruno VACCA (1994-2000)

Quatrième partie : Les rénovateurs ou les perspectives (2005-2015)

⁃ Le CROSS Étel o AC1AM (er) Jacques LEBREVELLEC (2005-2008)

⁃ Le CROSS Méditerranée

o AC1AM (er) Daniel DEJARDIN (2005-2010)

Cinquième partie : Les outre-mer

⁃ Antilles o AGAM (2S) Roger JAFFRAY : l’organisation de la recherche et du sau-

vetage en mer en zone Antilles-Guyane avant la création du COSMA-CROSS/AG

o AGAM Jean-Luc VEILLE (1999-2003)

⁃ La Réunion o AC1AM Dominique PERSON (depuis 2014)

Sixième partie : Les infrastructures techniques des CROSS

o AC1AM Jean-Charles CORNILLOU (expert auprès du CEREMA) Septième partie : Vers les JRCC ?

o AC2AM Clément JACQUEMIN (directeur du JRCC Tahiti depuis 2015) POSTFACE par l’AGAM (2S) Georges TOURRET

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PRÉFACE

Par Jean CHAPON, Ingénieur général (hon.) des Ponts & Chaussées

ancien Secrétaire général de la marine marchande (SGMM)

L’Association des Administrateurs des Affaires Maritimes m’a fait le grand honneur de me confier la rédaction du propos introductif à ce 41e numéro de RIGEL sa revue associative, consacrée aux cinquante premières années des CROSS. Je lui en exprime ma reconnaissance. Mon propos se limitera à ce que j’ai retenu de mon engagement concer-nant les CROSS pendant mon mandat de Secrétaire général de la marine marchande (1975-1978) … il y a donc quatre décennies.

Il ne saurait donc exprimer une connaissance des CROSS aussi grande que les témoignages qui suivent, apportés par des officiers qui ont été très directement engagés dans ces centres en y exerçant de lourdes responsabilités qu’ils décrivent avec compétence en exprimant très concrètement ce qu’ils ont retenu de cet exercice et leurs convictions concernant ce domaine. Mon engagement personnel a été de plus courte durée. J’avais connu les CROSS quand j’étais Directeur des ports maritimes et des voies navigables au Ministère de l’équipement (1968-1975) mais de façon superfi-cielle.

- Mon engagement a été immédiat et plus profond dès ma prise de fonction à la place de Fontenoy, le siège historique de nos administrations maritimes, et il s’est très vite fortement développé — et si je n’ai plus eu à m’en occuper dans mes fonctions ultérieures — ma conviction de l’utilité — en réalité de la nécessité — des CROSS n’a fait que croître, ce qui explique ma satisfaction de pouvoir aujourd’hui exprimer des convictions que j’ai très directement acquises pendant mon mandat de SGMM et que rien n’a réduites par la suite.

Mes activités maritimes m’avaient appris que la Mer est un milieu capable de grandes violences qui menacent gra-vement les personnes et les biens qui s’y engagent ou même sont en bordure sur le littoral. Mais la Mer est aussi un milieu fragile que des actions humaines — volontaires ou non — peuvent certes localement, mais parfois profondément et durablement dégrader.

Elle est aussi un gisement de grandes richesses pour ceux qui savent les exploiter, lesquels ont cependant le devoir que cette exploitation n’impacte pas la qualité du milieu marin.

Ces considérations concernent directement les États-côtiers, encore plus depuis qu’ils bénéficient d’une Zone éco-nomique exclusive (ZEE).

C’est dire que le système des CROSS est un des moyens qui permettent à ces États de faire leur devoir en matière de sécurité des personnes et des biens et de préservation du milieu marin ; une bonne observation permettant de dis-poser des informations suffisantes et fiables pour mettre en œuvre les moyens nécessaires.

• Ce qui m’a frappé lorsque j’ai eu à m’occuper des CROSS, c’est l’efficace coopération que mettaient en œuvre tous les services — Administration des Affaires Maritimes, Douanes, Intérieur, Marine Nationale... — cela tant au plan des services centraux qu’au plan local de chaque CROSS. Aucun des “participants” aux CROSS ne cherchait à dominer les autres, encore moins à se substituer à eux.

Mieux encore, je m’étais rendu compte que la création des CROSS quelques années plus tôt n’avait pas procédé d’instructions données aux services civils ou militaires par leurs responsables politiques mais résultait en fait de leur propre initiative … ce qui n’a pas empêché ces autorités politique d’entériner sans difficultés la notion de CROSS et de s’impliquer très directement dans le fonctionnement du système.

… apportant un démenti éloquent aux reproches faits traditionnellement aux services administratifs de “rechigner” à toute coopération.

• Une autre chose qui m’a frappé a été la capacité du corps des Administrateurs des Affaires maritimes à savoir prendre des initiatives “techniques” dans des opérations de nature bien différentes de leurs activités tradition-nelles dans les quartiers maritimes.

C’est ainsi que les Affaires maritimes qui s’étaient déjà largement engagées pour accroitre la sécurité du matériel naval et la sécurité des équipages, ont su étendre leurs compétences à la préservation des ressources (notamment halieutiques) et de la qualité du milieu marin.

J’ai par exemple immédiatement appuyé l’initiative de l’administrateur en chef Guy MARCHAND qui dirigeait alors au SGMM une cellule de quelques personnes chargées de ces questions de sécurité et de protection de l’environnement

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marin, dans une action qui a vite fait la preuve de son efficacité. Elle consistait à louer un petit avion (biplace et bimoteur) à bord duquel était embarqué un détecteur de rayons infra-rouges de rejets pétroliers polluants faits par les navires. Ces images étaient transmises en temps réel au récepteur d’une station terrestre, laquelle alertait les forces navales. De son côté l’avion larguait dans la zone des rejets une bouée permettant aux forces navales de localiser cette dernière et d’intervenir auprès des navires pollueurs et de les faire sanctionner.

Par la suite, cette action qui avait fait les preuves de son efficacité, a été reprise par les services de Douanes qui possédaient déjà des avions pour d’autres contrôles typiquement “douaniers” et cette reprise n’a pas provoqué de réac-tions négatives de la part des services des Affaires maritimes qui avaient pourtant pris cette initiative.

Cette action des services des Affaires maritimes a permis de développer utilement des “couloirs'” de navigation (dis-positifs de séparation du trafic) devant Ouessant et ensuite de mettre en place le nouveau CROSS de Corsen regroupant en un seul bâtiment bien équipé des équipements anciennement installés dans plusieurs endroits de la pointe bretonne.

Mon propos introductif veut donc essentiellement rappeler ces “deux choses qui m’ont marqué” pendant mon mandat de Secrétaire général, dont les principes me paraissent aussi valables aujourd’hui qu’il y a plusieurs décennies.

Je réaffirme donc ma conviction de la nécessité du système CROSS et qu’il faut donc le conserver. Certes, on ne saurait se refuser à prendre en considération l’évolution des besoins - le développement, par exemple, de la plaisance ou de l’exploration de certaines richesses des grands fonds — et aussi les progrès de la technique du matériel em-ployé — mais rien ne saurait permettre de manquer aux principes qui ont permis jusqu’ici au système des CROSS d’assurer leur mission. Il s’agit notamment de la bonne coopération entre les Administrations civiles et la Marine nationale pour bien utiliser leurs moyens et leurs compétences, ce qui continuera à limiter l’effort financier que doit consentir notre Pays sur son littoral - européen et outre-mer.

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PREMIÈRE PARTIE *

Les pionniers ou l’émergence (1966-1980)

Le CROSS ATLANTIQUE à Étel

AGAM (2s) Raymond MUNCH, chef du CROSS ATLANTIQUE de 1966 à 1969

Il n’est pas possible d’aborder l’histoire des CROSS sans évoquer les circonstances qui ont conduit à leur création

officielle en juillet 1970 ainsi que les péripéties qui, avant cette date, ont marqué les premières années de leur existence

et dont j’ai été, au moins partiellement, un témoin privilégié.

Certains de mes camarades administrateurs des affaires maritimes* me qualifient parfois (amicalement ou ironique-

ment ?) de “Père des CROSS”. Si cette appellation me flatte, elle est cependant inexacte car le véritable “Père des

CROSS” est l’administrateur général BÉLINGARD, qui était à l’époque directeur des Affaires maritimes Bretagne-

sud/Vendée en résidence à Nantes.

Cette Direction couvrait plusieurs ports de pêche importants. Les activités nautiques de loisir se développaient rapi-

dement, en particulier entre la pointe de Penmarch et l’embouchure de la Loire. Les problèmes de recueil des alertes et

de mise en route des moyens de secours en cas de sinistre maritime s’y posaient avec une acuité toute particulière. De

plus, de nombreux plaisanciers, après une première expérience sur dériveurs légers, passaient à des navires habitables

aptes à la croisière côtière. Il en était de même pour la pêche professionnelle dont les flottilles renouvelées fréquentaient

des eaux de plus en plus éloignées et surtout restaient en pêche, même par très gros temps. La limite entre la zone côtière

(où la responsabilité en matière de secours en mer incombait aux Affaires Maritimes*) et celle du large (où elle relevait

de la Marine Nationale) n’ayant jamais été définie, les demandes d’intervention en cas de sinistre ou même de simple

inquiétude, aboutissaient de façon presque systématique aux Quartiers des Affaires maritimes* dont les responsables

étaient très souvent sollicités, surtout en période estivale, alors qu’ils ne disposaient le plus souvent d’aucun moyen

permettant de traiter d’une affaire sortant du cadre local.

Très sensibilisé aux difficultés que rencontraient les chefs des Quartiers de sa direction pour faire face à leurs res-

ponsabilités en matière de sauvetage en mer, l’AG BÉLINGARD avait saisi l’opportunité offerte par un texte (dont la

durée fut d’ailleurs éphémère) qui permettait la création d’un corps de Défense dans les différents ministères civils. Il

y voyait la possibilité de mettre en place, dans les Quartiers, des personnels assurant une permanence (au moins télé-

phonique et si possible radiophonique), les informations recueillies étant centralisées et exploitées par un centre régional

opérationnel. Il avait réussi à convaincre le Secrétaire général de la Marine marchande Jean MORIN* de l’intérêt de la

création d’un embryon de Corps de Défense, affecté au soutien des opérations de sauvetage en mer sur le littoral Bre-

tagne-sud/Vendée. Ce dernier avait adressé une lettre à l’Amiral PATOU, alors Préfet maritime* à Brest, sollicitant le

soutien de la Marine nationale, en particulier en matière de mise à disposition de personnel, pour la mise en place, dès

l’été 1966, d’une expérimentation d’un corps de défense disposant, à Lorient, d’un centre opérationnel qui, tout natu-

rellement, fut appelé C.R.O.D*. (Centre Régional Opérationnel de Défense). C’est cet organisme qui est incontestable-

ment l’ancêtre des CROSS* et qui a été l’élément de base de l’expérimentation de l’été 1966, les administrateurs

LE SAOUT et de CACQUERAY en ont été les acteurs principaux, avec le soutien actif de la Gendarmerie maritime.

Quelques jours avant de rallier Lorient au début du mois de juin 1967, j’appris qu’il ne s’agissait pas de renouveler

l’expérience de l’été précédent et que j’étais nommé adjoint du DAM* Bretagne-sud/Vendée pour exercer, à Lorient,

les fonctions de chef du C.R.O.D. dont l’activité était pérennisée.

Je ne me rappelle pas à quel moment précis l’appellation de CROSS. remplaça celle de C.R.O.D. J’avais pour ma

part suggéré C.R.O.S. (S pour sauvetage), c’est la DAM Nantes qui a tenu à ajouter un deuxième S (pour surveillance).

En tout cas, c’est l’appellation CROSS/A. qui a été utilisée à partir du printemps 1968. Dans le même temps, la zone

d’activité de l’organisme avait été étendue à l’ensemble de la façade atlantique de l’Île Vierge à la frontière espagnole.

C’était faire preuve d’un rude optimisme, compte tenu des moyens humains et matériels dont il disposait, en particulier

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en matière de télécommunications. À la fin de l’été 1966 le Centre avait été mis en sommeil mais le petit noyau de

personnel laissé sur place, animé par les gendarmes maritimes SACHOT et CAULIER, en avait profité pour améliorer

les installations existantes dans la mesure des faibles moyens dont il disposait.

Pour aborder la saison estivale 1967, le blockhaus enclavé dans la caserne de la Gendarmerie maritime de Lorient,

lequel avait servi pour l’expérimentation de l’été précédent, me permettait de disposer, à l’étage, d’un local radio et

d’une vaste salle “Opérations” assez bien équipée. Très vite il fut possible d’aménager, avec les moyens du bord, un

petit bureau au rez-de-chaussée. Il était toutefois évident que les volumes disponibles ne permettaient d’envisager au-

cune autre extension. Par ailleurs, l’implantation dans l’enceinte de la caserne de la Gendarmerie maritime de Lorient,

avantage au départ, me paraissait incompatible à terme avec le développement d’un organisme appelé à avoir une exis-

tence autonome.

Néanmoins l’expérimentation de l’été précédent permettait de disposer de moyens matériels, certes modestes mais

disponibles et adaptés au fonctionnement satisfaisant d’un centre de coordination de sauvetage couvrant une zone de

responsabilité d’un rayon de 100 milles nautiques, à partir de Lorient. Au-delà, c’était beaucoup plus aléatoire.

Dans l’ensemble, l’accueil fait au C.R.O.D.-CROSS/A., pérennisé à partir de juin 1967, par les différentes entités

concernées par le sauvetage en mer fut très favorable, même s’il y eut parfois quelques flottements, entre autres avec

les P.T.T. qui veillaient au respect de leur monopole d’utilisation des fréquences de détresse ou avec quelques patrons

de canot de sauvetage qui rechignaient à explorer la zone de recherche qui leur avait été assignée.

L’expérimentation de l’été 1966 avait assurément préparé les esprits, cependant tous ressentaient l’intérêt qu’il y

avait à disposer, pour la coordination du sauvetage en mer en Bretagne-sud, d’un centre opérationnel permanent. La

Marine nationale appréciait de disposer enfin d’un filtre si bien que remontaient à son niveau les seules affaires justifiant

l’emploi de moyens lourds, après analyse et définition d’une zone de recherche aussi précise que possible. Le CROSS/A

a pu ainsi acquérir une large notoriété mais rares étaient, parmi les intervenants qui faisaient appel à lui, ceux qui

connaissaient la faiblesse des moyens dont il disposa à ses débuts et même après son transfert à Étel.

Son existence reposait sur un simple échange de lettres entre le Secrétaire général de la Marine marchande et le

Préfet maritime à Brest, base qui pouvait facilement être remise en cause d’autant plus qu’il s’agissait de personnels

mis à disposition par la Marine nationale. Ainsi, durant les premières années d’existence du Centre et à l’exception du

renfort d’un administrateur des affaires maritimes* à l’été 1969, je ne disposai, au mieux, que d’un enseigne de vaisseau

de réserve*, de deux gendarmes maritimes et de six quartiers-maîtres et matelots du contingent. Ce personnel était très

dévoué mais pas toujours adapté aux fonctions assignées. L’organisation quotidienne du service était donc un véritable

casse-tête et la permanence du commandement reposait, de fait, sur le seul chef du Centre. D’où la demande pressante

que tous mes successeurs formulèrent, celle de la formalisation d’un véritable plan d’armement ainsi que l’affectation

d’au moins un deuxième officier des Affaires maritimes afin de bien marquer l’ancrage des CROSS au sein de notre

maison. Je pensais, avec naïveté peut-être, que cette dernière demande serait la plus facile à satisfaire car elle dépendait

de décisions internes à notre Administration. Il n’en fut rien car, à l’époque, l’importance du travail administratif dans

les Directions et les Quartiers constituait la principale — sinon la seule — référence à partir de laquelle s’arbitraient les

désignations d’officiers des Affaires maritimes. J’en eus l’éclatante confirmation lorsque l’administrateur BUFFARD

qui avait été affecté en renfort à son débarquement de la JEANNE D’ARC, dut quitter le CROSS. à la fin de l’été 1969,

pour rejoindre le poste — Ô combien important ! — d’adjoint au chef du Quartier de Nantes.

Les télécommunications étaient un autre élément de faiblesse mettant en cause l’efficacité du Centre.

Celui-ci disposait à Lorient d’une ligne P.T.T. directe et de deux lignes passant par le standard manuel de Marine

Lorient. L’utilisation de ces dernières pour communiquer avec des correspondants hors des circuits Marine déclenchait

des récriminations de la part des opératrices. Il était donc impératif de garder à la ligne P.T.T. un maximum de disponi-

bilité pour recevoir les appels d’urgence. Ceci interdisait de s’engager dans des opérations grand public, grosses con-

sommatrices de communications téléphoniques dont une “Inter Service Mer”, par analogie à “Inter Service Route”,

tenait tout particulièrement à cœur à l’AG BÉLINGARD. L’émetteur/récepteur Haute Fréquence le plus puissant n’était

pas fiable en émission au-delà de 100 milles nautiques et, en Très Haute Fréquence (VHF*), la portée n’excédait guère

20 milles nautiques.

En dépit de ces inconvénients, le CROSS put, à partir de Lorient, intervenir avec efficacité chaque fois qu’il était

sollicité mais il est difficile de restituer, près de cinquante ans plus tard, les trésors d’improvisation et de débrouillardise

qu’il fallut déployer, à tous les niveaux, pour parvenir à ce résultat.

Outre les interventions sur appel d’urgence ou en cas d’inquiétude, le Centre assurait le pointage, en période hiver-

nale, des chalutiers de Bretagne-sud présents sur les lieux de pêche ; la diffusion d’informations nautiques et de la météo

pour le secteur allant de Quiberon à l’embouchure de la Laïta ; le contrôle opérationnel des trois vedettes régionales des

Affaires maritimes.

Si, de Pâques à la fin du mois de septembre, les interventions sur alerte étaient très fréquentes, souvent pluriquoti-

diennes, en dehors de cette période elles étaient plus rares mais concernaient alors souvent des sinistres majeurs. Tel fut

le naufrage, dans le Golfe de Gascogne, d’un minéralier italien, sous les yeux de l’équipage de l’avion de patrouille

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maritime dépêché sur les lieux ; aucun des quarante membres d’équipage ne fut sauvé. Ce fut aussi la disparition, au

nord des Iles Shetlands, d’un chalutier de Lorient dont seul un feu de côté fut retrouvé.

Durant les périodes de moindre activité, le chef du Centre prenait des contacts personnels avec les responsables des

différents organismes susceptibles d’intervenir dans le domaine du sauvetage maritime sur la façade atlantique afin de

bien connaître leurs moyens et d’optimiser leurs conditions d’utilisation en mer lorsque le CROSS/A. faisait appel à

eux. S’agissant des chefs de quartier, toujours responsables, en théorie, du sauvetage maritime en zone côtière et avec

lesquels les contacts étaient réguliers, un partage des rôles fut assez vite trouvé : lorsque le Centre intervenait dans leur

secteur ou au profit d’un navire professionnel immatriculé dans leur quartier, ils étaient, à intervalles réguliers, tenus au

courant du déroulement des opérations, à charge pour eux d’assurer l’information des autorités terrestres concernées

ainsi que celle des familles et de faire remonter vers le CROSS/A. tout renseignement susceptible d’orienter les re-

cherches. Durant tout le temps où j’ai dirigé le Centre, ce consensus informel qui lui permettait de se consacrer sans

réserve à l’opérationnel, a fonctionné de façon plutôt satisfaisante.

Mettant à profit la formation que j’avais reçue à la S.A.R. School*, j’avais établi, au début de l’année 1968, quelques

schémas simples de recherche et tenté d’établir un minimum de formalisme dans les communications radio avec les

vedettes de la société de sauvetage. Malgré quelques essais pour faire passer la bonne parole auprès des stations les plus

proches de Lorient, je n’eus guère de succès. Peut-être mes successeurs eurent-ils plus de réussite en la matière ?

Il parut que l’exemple du CROSS/A suscitait des vocations car je fus chargé d’explorer quelques sites favorables à

l’implantation d’organismes similaires en Méditerranée et en Manche.

Après un court passage à la Direction des affaires maritimes (DAM)* de Marseille, je me présentai donc à la Pré-

fecture maritime* de Toulon le 27 janvier 1968 au matin. Le jour était fort mal choisi car nous étions sans nouvelles du

sous-marin LA MINERVE et les préoccupations des Autorités étaient ailleurs. Mon affaire fut donc vite expédiée. La

Marine aurait bien voulu me voir accepter le site de Porquerolles où les locaux de l’ancienne école des détecteurs étaient

disponibles. Craignant les inconvénients d’une localisation insulaire, j’écartai d’emblée cette proposition. J’avais deux

sites en vue : un terrain militaire non bâti dans la partie sud-est de la presqu’île de Saint-Mandrier et le fort du Cap-

Brun que venait de quitter l’école des timoniers. Mais la Marine avait des projets pour ces deux lieux et on me fit savoir

qu’il n’était pas question d’y installer un CROSS. Au cours de cet entretien, presque par hasard, j’appris l’existence

d’un site militaire à l’abandon à la pointe Sainte-Marguerite. Je le visitai. Bien que plutôt exigu l’endroit me parut

convenir car très bien situé et à proximité immédiate de Toulon. Il comportait d’anciens blockhaus et un corps d’habi-

tation délabré qui, après travaux, pourraient constituer l’amorce d’un futur centre. Je recommandai au DAM* de Mar-

seille d’en demander l’affectation à notre Administration. C’est donc sur ce site que mon camarade de promotion Alain

KERFANT, aujourd’hui disparu, fit démarrer le CROSS/Med.

J’avais en outre été chargé de mission pour examiner la possible adaptation aux besoins d’un futur CROSS/Manche

de deux immeubles que notre Administration possédait à Cherbourg situés, l’un dans l’ancien, l’autre dans le nouveau

Quartier des Affaires maritimes. Il s’agissait, dans l'ancien Quartier, d’une bâtisse vétuste, adossée à une falaise, encla-

vée au milieu d’habitations privées. L'immeuble du nouveau Quartier était de construction récente et mieux situé mais,

sauf à le priver de sa vaste salle de réunion, il ne disposait d’aucun espace qui permît d’y installer un CROSS. Je

recommandai donc de rechercher une autre implantation. Ce fut en définitive le Nez de Jobourg mais je ne fus pour rien

dans ce choix.

Je ne perdais pas de vue la recherche d’une nouvelle localisation pour le CROSS/A. Il me paraissait urgent de sortir

de l’enceinte de la Gendarmerie maritime de Lorient. La géographie plaidait en faveur de l’île d’Yeu, bien centrée par

rapport à la zone de responsabilité du Centre, mais les contraintes de l’insularité me paraissaient dissuasives. Par ailleurs,

un éloignement trop important du nouveau Centre par rapport à l’ancien aurait posé des problèmes de transfert des

installations. J’avais donc limité mes prospections à un rayon de 50 kms à partir de Lorient, sans obtenir de résultat.

C'est alors que, au printemps 1968, l’AGAM Jean LEPVRIER, ancien chef du Quartier d’Étel, me fit savoir que ce

quartier allait fusionner avec celui de Lorient ; les installations qui s’y trouvaient pourraient convenir au CROSS/A. Il

s’agissait d’un vaste terrain sur lequel se trouvaient, outre un bâtiment à usage de bureaux et d’habitation, diverses

constructions dont d’anciennes écuries aménageables, au moins en partie. L'ensemble se situait à proximité immédiate

d’une école d’apprentissage maritime dont j’espérais quelque concours mais qui, en définitive, ne nous fut d’aucun

secours.

Nous procédâmes alors à un essai de l’émetteur-récepteur HF à partir de la partie haute du terrain. Les résultats ne

furent ni pires ni meilleurs que ceux qui avaient été obtenus à Lorient. Je proposai l’installation du Centre à Étel sous

réserve que certains travaux d’aménagement fussent entrepris et à la condition de disposer d’au moins trois lignes télé-

phoniques PTT, ce qui ne fut pas le plus facile à obtenir.

Il fut d’abord envisagé d’installer la salle “Opérations” dans le bureau de l’ancien quartier mais, une maison en

préfabriqué étant devenue disponible, ce fut en définitive dans la partie haute du terrain que furent installés les locaux

opérationnels et les installations radio ainsi que les logements de l’équipage.

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Au mois de mars 1969, les aménagements indispensables avaient été réalisés, le basculement vers Étel pouvait être

envisagé pour le début des vacances de Pâques. J’avais sollicité une mise en sommeil du Centre pendant une semaine,

j’obtins trois jours ; le délai fut tenu bien qu’il fallût démonter et remonter tous les équipements dont nous disposions à

Lorient. Le transfert se fit avec les seuls moyens du bord avec emprunt d'un camion au Centre auto de Marine Lorient.

A Étel, le Centre fonctionna avec les mêmes équipements et les mêmes personnels qu’à Lorient, renforcés par un

secrétaire administratif très compétent ; survivant du Quartier d’Étel, il était dans ses murs et ne manquait pas d’espace.

La visite, au printemps 1969, de M. Raymond MONDON*, ministre des transports, officialisa l’installation du

CROSS/A. à Étel. Une violente tempête, le 6 juillet 1969, fut son baptême du feu (20 morts ou disparus sur la façade

atlantique et 70 heures sans sommeil pour le Chef du Centre).

À la fin de l’été 1969 l’APAM Pierre BÉRARD prit ma suite. En dépit du travail accompli beaucoup restait à faire…

Quelques années plus tard, j’eus l’occasion, à des titres divers, de suivre l’évolution des CROSS et même, en qualité

de directeur régional des Affaires maritimes au Havre puis à Rennes, d’être l’autorité organique des quatre centres de

la façade ouest. Je mesurai alors le rôle éminent joué, dans leur développement, par l’Ingénieur général PRUNIERAS*

ainsi que la qualité du concours que leur apporta le service technique des Phares & Balises. Que de chemin parcouru ! …

=*=

QUELQUES UNS DE NOS PIONNIERS

de G à D : Pierre BÉRARD, Jean-Claude HENNEQUIN, Noël QUÉRÉ, Alain KERFANT.

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L’APAM Raymond MUNCH (à gauche sur la photo)

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AGAM (2S) Pierre BÉRARD, chef du CROSS ATLANTIQUE de 1969 À 1972

Administrateur principal des Affaires maritimes, Pierre BÉRARD a exercé les fonctions de chef du CROSS/A ins-

tallé à Étel (Morbihan) de 1969 à 1972.

Mon arrivée au CROSS/A

J’arrivai au CROSS/A en septembre 1969 : je succédais à mon sympathique camarade Raymond MUNCH sous la

vigilance de qui le transfert du Centre, du local de Lorient au site de l’ancien Quartier d’Étel, avait été effectué. Je

regrettai d'abord que le Centre ne fût pas plus proche de la mer mais le choix s’avéra être, à l’usage, un bon choix. Sans

en avoir fait la demande, j'avais reçu mon ordre d’affectation dont je fus très satisfait car j'avais grandi dans le sud de

la Bretagne. Mais, s'ajoutant à une activité d'enseignant en première année à l’École d’administration des Affaires ma-

ritimes (EAAM)* de Bordeaux, je poursuivais des études universitaires en troisième année de licence de sciences éco-

nomiques ; il me fallut les interrompre.

Je ne crois pas avoir été choisi en raison de mon passé maritime ; d’autres camarades, de formation initiale univer-

sitaire, ont, depuis, exercé cette fonction avec succès, exemple administratif rare de deux sources de recrutement diffé-

rentes qui ne posèrent pas de problème d’intégration particulier. Toutefois, dans une telle fonction, l’expérience de

plusieurs années de vie en mer ne pouvait nuire.

Durant cette affectation, j'effectuai un stage de plusieurs semaines chez les US Coast Guards de New York. Ils

disposaient d’un budget équivalent à celui de toute la Marine nationale française. Pourtant, lorsque je prenais connais-

sance de leur compte-rendu journalier, j’étais surpris du nombre de noyés que l’on repêchait, bien supérieur à celui des

personnes qui étaient sauvées en dépit d'une organisation et de moyens déployés impressionnants.

À Étel, instruits des évènements successifs, nous commençâmes à élaborer des procédures d’investigation et d’in-

tervention selon le type d’alerte, du moins pour les évènements que nous contrôlions directement.

* *

LE CONTEXTE

Il existait un principe de partage des responsabilités en matière de sauvetage entre les Affaires maritimes (bande des

20 milles nautiques à compter de la côte) et la Marine nationale (au-delà de ces 20 milles nautiques ou dans la zone des

Affaires maritimes à la demande de celles-ci). Un autre élément à prendre en considération était la nature du navire, en

particulier pour la pêche hauturière rattachée à un Quartier et, plus généralement, pour les navires civils pour lesquels,

même si la Marine intervenait, elle souhaitait l’avis des Affaires maritimes quant à la mentalité et les habitudes des

marins civils ou des plaisanciers (dangers particuliers, opinion sur le comportement des armateurs et des marins, con-

tacts avec la famille). Ce fut par exemple le cas lors d’une tentative de “rébellion” à bord d’un navire de commerce

étranger au large de Brest ; la Marine avait l’intention d’y envoyer une équipe de commandos (à la demande du capitaine

du navire) mais, avant toute intervention, elle sollicita l'avis du CROSS.

Je me souviens du cargo MAORI de la compagnie des Messageries maritimes : à la suite du ripage d’une cargaison

de barres de nickel, fret pourtant habituel depuis la Nouvelle-Calédonie, il chavira soudain dans le golfe de Gascogne.

Sa recherche donna lieu à une vaste concertation, y compris avec l’armateur, pour crédibiliser le risque, solliciter des

moyens lourds et établir une zone de probabilité de recherche. Cet accident me toucha d’autant plus que, deux ans

auparavant, la promotion de 1ère année des élèves administrateurs que j’accompagnais, avait embarqué sur ce navire à

destination de la Nouvelle-Zélande et des îles françaises du Pacifique. Il n’y eut qu’un seul rescapé qui avait revêtu sa

combinaison de plongée.

Le rôle opérationnel du CROSS/A

Il avait la maitrise du contrôle des opérations de la Bretagne sud à la frontière franco-espagnole mais les moyens de

communication dont il disposait étaient très faibles. Les chefs de quartier des Affaires maritimes et le réseau des séma-

phores* de la Marine nationale nous tenaient informés de tous les incidents. Mais les initiatives locales — vedettes de

la SNSM* et moyens nautiques des Affaires maritimes* — étaient en principe sous le contrôle des quartiers des Affaires

maritimes. Les réseaux de la Douane et de la Gendarmerie, qui avaient leur propre centralisation, connaissaient l’indi-

gence de nos moyens de télécommunications …

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Avant la création des CROSS, les chefs de quartier des Affaires maritimes assuraient le recueil des alertes et la

coordination des opérations de recherche et de sauvetage dans la zone des vingt milles marins. Ils souhaitèrent conserver

le contrôle des moyens d’intervention qui dépendaient d’eux. Ils avaient une bonne connaissance du milieu maritime

local (dangers particuliers ; opinion sur le comportement des marins ; contacts avec les familles) ; juridiquement, ils

étaient responsables des missions coordonnées par le CROSS/A. Les rapports de hiérarchie étaient parfois pesants sans

qu’il n’y eût jamais de conflit véritable entre chef du CROSS/A et chef de quartier : après discussion, nous trouvions

une solution partagée.

Pour la zone atlantique lointaine, j’avais proposé un groupement de quartiers par zones pour une permanence effec-

tive. Si ce groupement ne fut pas mis en œuvre, la proposition fut sans doute à l’origine de la création du sous-CROSS*

estival de Soulac, placé sous le contrôle administratif de l’AGAM Louis LARUE, directeur des Affaires maritimes à

Bordeaux. L’officier du corps technique et administratif des affaires maritimes (OCTAAM)* Jean-Louis PERRIN qui

venait du CROSS/A et relevait de ce dernier pour l’aspect opérationnel, en prit la direction.

Dans le même esprit, pour assurer une continuité de l’observation visuelle de la côte, afin de pallier l’absence de

surveillance visuelle provoquée par le déclassement du sémaphore de Piriac, nous procédâmes à l’armement de ce

sémaphore en été avec des moyens très modestes.

Le “boom” de la plaisance et des sports nautiques

Dans les années 1960-1970, on assista à une explosion des activités de plaisance, en Méditerranée et en Atlantique.

Ainsi apparut une “clientèle” nouvelle, aux comportements inattendus, ignorante des traditions maritimes, des règles de

prudence et des risques encourus. Pour nous, avec ces plaisanciers parfois inconscients mais exigeants, les risques juri-

diques (en termes de responsabilité pénale et/ou civile) furent alors singulièrement accrus....

* *

LES ACTIONS

Le premier des objectifs du CROSS/A était de durer en dépit des faibles moyens dont il disposait. À court et moyen

termes, il lui fallait :

o faire connaitre et afficher partout le numéro de téléphone et les fréquences afin que le CROSS/A soit prévenu

dès l’origine de l’alerte ;

o connaitre disponibilités et moyens d’intervention afin d’intervenir dans la zone concernée avec des informa-

tions et instructions précises ;

o obtenir une clarification quant aux responsabilités partagées et assumées ;

o ne plus faire reposer sur une seule personne, jour et nuit, durant l’année entière, le poids et la responsabilité

des décisions à prendre ;

o disposer de moyens de transmission efficaces couvrant toute la zone de compétence du CROSS/A (le téléphone

à cette époque était peu performant et les antennes déportées VHF, le relais en zone côtière le plus efficace

était hors de nos budgets initiaux…) ;

o élaborer des procédures précises adaptées aux situations d'intervention les plus fréquentes ;

o s'occuper de l’amélioration de la vie quotidienne : logement, nourriture, déplacements des personnels (aspirants

et matelots).

Durant le temps de mon affectation, plusieurs problèmes nouveaux apparurent :

o le “carroyage pêche” : l’idée était de créer un carroyage (par souci de discrétion entre pêcheurs, pour ne pas

indiquer de façon trop précise où se faisaient exactement les chalutages profitables tout en ayant une zone

indicative pour d'éventuelles recherches) ;

o le relais communication des accidents maritimes lointains ayant des répercussions en France, y compris médi-

caux.

La création, à Corsen et à Gris-nez, de deux CROSS pour la surveillance de la circulation maritime, fut l’élément

déclencheur d’une véritable organisation opérationnelle avec l’entrée en lice des Phares & Balises*.

Dans le paysage administratif de l’époque, les Affaires maritimes disposaient de moins de moyens nautiques que

d’autres services de l’État opérant en mer (Douane et Gendarmerie), insuffisance compensée par la tutelle, bien accep-

tée, des Affaires maritimes auprès des marines “civiles” (commerce, pêche, conchyliculture et plaisance) et par une

réglementation nous octroyant une responsabilité officielle qui ne pouvait être ignorée. Par voie de conséquence, s'il

arrivait parfois que le CROSS/A fût informé après coup d’une affaire, il l’avait été et c’était là le principal.

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Le statut militaire du chef de CROSS et de ses personnels joua un rôle essentiel auprès de la Marine nationale avec

laquelle s’établit une étroite coopération. Les centres opérationnels de la Marine (COM*) étaient orientés vers la “dé-

fense” et les problématiques liées aux menaces pour la souveraineté nationale, l’ordre public et la sécurité plus que vers

l’“assistance”. Nos collègues de la Marine nationale étaient en outre, bien plus que nous, soumis au strict respect des

règles hiérarchiques et à l’obligation permanente de “rendre compte” plutôt que de prendre des décisions opérationnelles

immédiates. La Marine nationale donna aux sémaphores qui représentaient un maillon côtier essentiel, des consignes

de pleine coopération avec le CROSS/A.

Je n’eus jamais le sentiment d’une réticence de la Marine face à notre montée en puissance, bien au contraire : pour

les officiers de marine, notre statut militaire justifiait une pleine coopération avec un milieu civil que nous connaissions

sans doute mieux qu’eux.

Je fus ensuite nommé à Saint-Pierre-et-Miquelon et n’ai donc pas de souvenir particulier sur la façon dont mon

successeur, mon camarade l’APAM François KERGADALLAN agit et quels problèmes nouveaux il eut à surmonter.

Toutefois les autorités de l’administration de la Marine marchande et les autorités préfectorales obtinrent la visite du

Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, au CROSS/A, ce qui était à mon avis le signe :

o que nous avions agi depuis assez longtemps et sans événement fâcheux, pour confirmer notre rôle ;

o que la situation politique et économique (voire internationale avec la Grande-Bretagne) se prêtait à une interna-

tionalisation de la sécurité routière, ferroviaire et maritime, avec les crédits correspondants, surtout appliqués

aux CROSS “circulation” (Ouessant, Gris-Nez).

De plus, à cette époque, les quotas de pêche prirent une grande importance (j’en fus un témoin privilégié à Saint-

Pierre-et-Miquelon), il fallait donc rationaliser le contrôle des pêches, associé à sa sécurité (spécialité du CROSS/A) et

aux garde-pêches.

Je ne sais ce que pensaient les équipages de la douane et de la gendarmerie qui concouraient à la mission de recherche

et de sauvetage en mer : ces unités étaient directement rattachées à leur hiérarchie, contrairement aux unités de la SNSM

et des Affaires maritimes. Quant aux pilotes des hélicoptères de la sécurité civile, ils étaient coopératifs et nous avions

une petite zone d’atterrissage (“DZ” - droping zone) afin de pouvoir les accueillir.

Pour se faire mieux connaître, le CROSS/A ne pouvait beaucoup compter sur la télévision : à l’époque, il n'était pas

aisé de faire venir sur place une équipe de télévision Les principaux relais de communication étaient les comptes rendus

d’opérations relatés par les quotidiens régionaux, principalement OUEST FRANCE et LE TELEGRAMME DE BREST. Nous

acceptions aussi de nombreuses visites de responsables d’autres administrations ou même de simples curieux.

Le CROSS/A n’entretenait pas de rapports particuliers avec les clubs de plaisanciers de sa zone de compétence.

Nous avions toutefois les coordonnées de quelques correspondants privés dans le Morbihan, susceptibles de nous ap-

porter une aide.

En accord avec la pêche professionnelle et les armateurs, le CROSS/A avait lancé l’idée de disposer du signalement

des navires de pêche (photographies et caractéristiques des navires) auprès des organisations professionnelles concer-

nées : il s'agissait de commencer à constituer un fichier des navires de pêche, fort utile en cas d’opération de recherche

et de sauvetage.

* *

UNE ACTIVITÉ MULTIFORME

L'intervention en zone côtière s'effectuait en coopération avec le chef de quartier compétent dans son secteur côtier

pour établir la réalité du danger et décider des moyens d’intervention à solliciter. Mais le chef de quartier ne pouvait

assurer une permanence effective alors qu'elle était réelle au CROSS si bien que l’habitude fut progressivement prise

de laisser agir le CROSS lorsqu' il avait le contrôle, direct ou indirect, des communications avec les intervenants en mer

et c'est lui qui, de façon régulière, tenait le chef de quartier informé. Cette coopération offrait des avantages, du moins

dans les premières années de fonctionnement.

Pour les navires de pêche hauturiers, l’information passait essentiellement en phonie par les stations radio maritimes,

en particulier celle du Conquet et ses fameuses vacations journalières, et sur la fréquence d’alerte 2182 kHz que nous

écoutions aussi.

Je n’ai le souvenir d’aucun accident majeur durant le temps de mon séjour au CROSS/A. Il y eut toutefois de nom-

breuses inquiétudes concernant des navires de pêche français qui naviguaient au large des côtes de Grande-Bretagne et

d’Irlande. En effet notre mission de recherche et de sauvetage concernait aussi la pêche au large dans les eaux britan-

niques et irlandaises.

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Le CROSS disposait d’un véritable “sous-CROSS” bénévole, sur l’Ile de Man, dans les eaux de la mer d’Irlande,

en la personne d’une correspondante très efficace, en relation avec les autorités locales : Madame Angèle (d’origine

belge francophone) lorsqu'il s'agissait de porter assistance à des chalutiers français (en coopération avec les stations

radio maritimes).

C’est ainsi que le CROSS/A fut désigné comme point de contact français des MRCC* étrangers lors d’accidents

maritimes au large de territoires lointains (via les stations radio*, notamment Saint-Lys radio). Plus tard, chaque État

fut dans l’obligation de désigner un CROSS (MRCC) comme point de contact national vis-à-vis des autres États.

Souvenir plus cocasse, je me souviens de la famille d’un thonier de la région dont l’équipage, pris de boisson après

une escale au Portugal, ne donnait plus de nouvelles. La famille vint plusieurs fois au CROSS, sollicitant des informa-

tions. Lorsque le contact put enfin être rétabli avec le navire en pêche, tout allait pour le mieux à bord mais la pêche

avait été médiocre …

Le chef de quartier concerné assurait le rôle de contact avec les familles et, de ce fait, le chef du CROSS/A n’avait

pas à jouer le rôle de “porteur de mauvaises nouvelles” vis-à-vis des proches des victimes…

Le CROSS/A avait aussi son lot de tirs de “fusées rouges”, liés aux festivités du 14 juillet et, parfois, aux fêtes de

mariage…

Mais le souci constant du chef de CROSS était de préparer un avenir meilleur. Vis-à-vis de la hiérarchie (la direction

des Affaires maritimes), il s’agissait pour le chef du CROSS/A de faire valoir :

o le besoin d’investissement pour développer le CROSS/A ;

o la nécessité d’une clarification des rôles attribués aux uns et aux autres (chef de quartier et chef de CROSS).

À l’époque, les préfets terrestres apparaissaient comme des personnalités assez lointaines, sollicitées et informées

par la direction des Affaires maritimes.

En raison de la faiblesse des installations radioélectriques, le CROSS/A dépendait, pour ses communications, des

sémaphores de la Marine nationale et des stations radio-maritimes (Saint-Lys radio ; Saint-Nazaire radio, etc…). La

nécessité de procéder à une amélioration notable du réseau VHF justifia le recrutement d’un officier radioélectricien de

la marine marchande, Jean-Louis PERRIN. Nous avions de temps à autre des stagiaires ; je me souviens d’un officier

de Marine chilien qui avait été gouverneur de l’île de Pâques.

Sur la bande littorale et sur les plages existait une forte entraide d'un service à l'autre. Au début des années 1970,

une organisation de surveillance et de secours en saison estivale commença à être mise en place ; il y avait des dispositifs

de sapeurs-pompiers importants et actifs. Il est donc probable que, sur la zone littorale, de nombreuses petites opérations

aient été résolues sans que jamais le CROSS/A en entendît parler…

Les autres missions du CROSS/A

À cette époque le CROSS/A commença à jouer un rôle actif dans le domaine de la surveillance des pêches maritimes

(« surpêche »*) dans le Golfe de Gascogne. Pour assurer cette mission fut prévu un dédoublement partiel du quart au

sein du PC opérations : une partie du personnel de quart se consacrait à la mission recherche et sauvetage en mer

(« secmar »*) tandis qu’une autre était dédiée à la surveillance des pêches, en particulier durant les temps de vacation

radio.

Le CROSS/A n’assurait pas la coordination des opérations de surveillance des pollutions (« surpol »*), mission

assumée par l’administration des douanes à partir de ses COD*.

* *

LE CROSS : UNE STRUCTURE AUX MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS TRÈS MODESTES

Sur le plan humain

La fonction de chef de quart au PC opérations était assurée par des aspirants et deux gendarmes maritimes. J’eus à

déplorer la trop courte durée d’affectation des aspirants alors qu'ils disposaient d’une bonne capacité d’analyse des

opérations. Leur affectation n’était que de six mois, ce qui entraînait un turn over quasi-permanent…

Les deux gendarmes maritimes, Cabanel (de Groix) et Le Guillou, furent des piliers de la maison : ils eurent de

longues affectations ; ils effectuaient leur quart avec bon sens, savaient prévenir et rendre compte, se portaient garants

de la discipline des équipages et, en outre, étaient toujours aptes à tous les bricolages de la vie courante. Je conserve le

souvenir d’une forte implication des matelots appelés qui servaient au CROSS/A ; ils provenaient du milieu de la pêche

et étaient, de ce fait, très concernés par les accidents survenant à bord des navires de pêche. L’équipage du CROSS

agissait de façon positive et faisait preuve d'un esprit de cohésion marqué.

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Il n’existait pas de formation particulière pour le personnel entrant en fonction mais, à partir de nos expériences,

nous constituâmes des "check lists" et des fiches de procédures selon les typologies d’opérations.

Par ailleurs, je m’appuyai fortement sur mon adjoint Jean-Louis PERRIN, réserviste qui devint plus tard officier des

Affaires maritimes.

J'habitais sur place, j’étais donc facilement mobilisable pour toute opération nécessitant ma présence et pour prendre

contact avec les autorités. Durant mes congés, un intérim était assuré par le chef du quartier d’Auray ou bien par celui

de Lorient.

Les moyens matériels

Le bâtiment en préfabriqué situé à l’entrée du CROSS/A nous posa un problème à la fois en termes de dimensions

et de disposition dès lors que le CROSS/A assura la fonction de surveillance des pêches. Le logement de l’équipage,

son alimentation et son transport posaient aussi problème. Des crédits furent obtenus pour rénover un bâtiment en dur

près du PC opérations, ce qui améliora de façon sensible le bien-être du personnel. Après mon départ, les moyens de

télécommunication s’améliorèrent, à l’instar du CROSS/MA (Jobourg) et Gris-Nez, puis Corsen (avec la modification

des limites opérationnelles des deux CROSS).

Conclusion

Les décisions administratives étaient prises avec lenteur et tardaient à aboutir, ce qui put générer parfois un sentiment

de frustration ou même quelque énervement. Le principal moteur favorisant le développement des CROSS fut sans

conteste la mission de surveillance de la circulation maritime (mission « surnav »*) pour laquelle il fallut définir des

projets cohérents et aboutis. Le rôle des Phares & Balises fut à cet égard déterminant. L’APAM Noël QUERÉ, venu

faire un stage au CROSS/A, m’invita, avant mon départ, à visiter le CROSS/MA Jobourg alors en construction : je me

souviens de mon étonnement face à l’ampleur du projet sans rapport aucun avec nos misérables moyens habituels…

Pour ma part, je considérais qu’il fallait tenir bon dans l'attente d’une possible amélioration. J'éprouvai un sentiment

de soulagement lorsque je fus relevé de mes fonctions : avec l'arrivée d'un successeur prenait fin une tension qui avait

été constante... J'ai pourtant conservé un intense souvenir des trois années vécues à Étel.

Donner l’alerte, mettre en œuvre les moyens d'agir sont l'apanage d'une fonction administrative, même si celle-ci

s'accompagne de tension par crainte d’un échec, par crainte de victimes qui, alors même que vous n’êtes pas mis en

cause, laissent toujours un goût amer... Mais ceux qui font le travail en mer ou dans les airs prennent d’autres risques

dont on a la primeur quand les télécommunications fonctionnent avec eux et à cause desquels il faut savoir décider de

cesser les efforts lorsque ceux-ci deviennent déraisonnables...

L’AAM Pierre BERARD

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AGAM (2s) Jean-Louis PERRIN, adjoint au chef du CROSS/A Étel de 1969 à 1974

De 1969 à 1974, Jean-Louis PERRIN a vécu trois affectations au CROSS/A Étel : il y fut tout d’abord affecté durant

son service militaire ; il y demeura en tant que syndic des gens de mer suppléant il y fut enfin comme officier d’admi-

nistration des Affaires maritimes, adjoint au chef du CROSS.

Mes affectations au CROSS/A à Étel

Officier radioélectronicien de 1re classe de la Marine marchande, je commençai mon service militaire au centre de

formation maritime de la Marine nationale à Hourtin en 1969. J'avais pour objectif d’intégrer le corps des E.O.R.*

(élèves officiers de réserve). Or l’administration des Affaires maritimes avait demandé de toute urgence un officier

radio de la Marine marchande pour occuper le poste de radio du CROSS/A à Lorient. C’est donc en qualité de matelot

sans spécialité (et non d’aspirant de marine…) que je ralliai le CROSS/A Lorient en 1969.

Ma première impression fut qu’il y avait très peu de matériel, en fait un seul émetteur-récepteur permettant de capter

la BLU* (ondes moyennes) ainsi qu’une VHF. Nous assurions la veille radio permanente sur la fréquence de détresse

2182 KHz et la VHF canal 16 sur des appareils "Sailor".

Le chef de centre était l’AAM Raymond MUNCH et son adjoint, un aspirant de la Marine marchande, Monsieur

PAILLARDON.

Le personnel non officier était constitué d’un équipage de marins pêcheurs qui connaissaient bien les bateaux de

pêche et surtout les communications radio maritimes. Deux gendarmes maritimes assuraient la fonction de chef de quart.

Ainsi ai-je assisté au transfert du CROSS de Lorient à Étel, sur le site de l’ancien quartier des Affaires maritimes.

Ce site n'apparaissait pas comme idéal car nous n’étions pas en altitude par rapport au littoral si bien que nous

n’avions que peu de réception / émission (il n'y avait qu’une petite antenne d’une quinzaine de mètres de hauteur). Notre

zone d’émission-réception couvrait la zone située entre Lorient et Saint-Nazaire tandis que la compétence du CROSS/A

s'étendait du Finistère sud à la frontière franco-espagnole…

Un pylône de 70 mètres de hauteur fut construit quelques années plus tard qui permit une amélioration très sensible

des capacités d’émission / réception du CROSS/A en particulier VHF.

À l’issue de mon service militaire de quinze mois, je quittai le CROSS/A et repris la navigation dans la Marine

marchande.

Alors que j’étais en mer, je reçus un jour une proposition de l’APAM Pierre BÉRARD, chef du CROSS/A, en vue

de le réintégrer, cette fois-ci en qualité de syndic des gens de mer* suppléant, ce que j’acceptai dans le but avoué de

rechercher un emploi à terre. Je fus donc amené à exercer la fonction de numéro deux du CROSS/A. Ce fut l’occasion,

sur une idée originale de l’APAM Pierre BÉRARD, d’optimiser le réseau VHF en armant, pendant l’été 1970, le séma-

phore de Piriac ; il présentait l’intérêt de couvrir l’embouchure de la Loire et de compléter la couverture VHF des

sémaphores de la Marine nationale ; l’armement était constitué de personnels du CROSS/A.

En 1970, je réussis le premier concours pour le recrutement de huit officiers d’administration des Affaires mari-

times* (il s’agissait en fait de la deuxième promotion de ce corps d’officier qui venait d’être réactivé l’année précédente)

et, à l’issue de ma scolarité d’une année à Bordeaux, je fus affecté au CROSS/A comme adjoint au chef de centre en

1971 et y restai jusqu’en 1974.

Durant cette période, je fus chargé de la réalisation du réseau radio VHF du CROSS/A. Pour ce faire, je m’inspirai

du système mis en place par l’administration des Douanes, laquelle disposait d’un réseau VHF spécifique très intéres-

sant.

Mon expérience au futur Sous-CROSS* Soulac

En 1974, la décision fut prise d’armer à titre expérimental le Sous-CROSS Soulac durant la saison estivale. Cette

initiative répondait à la nécessité de disposer d’une couverture radio de la zone du Golfe de Gascogne, ce que les moyens

techniques du CROSS/A Étel ne permettaient pas à cette époque. Je ralliai le futur Sous-CROSS Soulac à l’été 1974

afin de l’armer à titre expérimental et provisoire. Le terrain et les locaux, très rustiques, appartenaient à la Marine

nationale. Il s’agissait pour nous d’une installation provisoire. Le personnel était constitué, outre moi-même, d’un aspi-

rant de marine en provenance du CROSS/MA Jobourg et de matelots du contingent fournis par la Marine nationale. Le

support logistique fut assuré par un centre local de formation professionnelle à la pratique du football, dépendant du

Ministère de la Jeunesse et des Sports : il assura notre subsistance.

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Le Sous-CROSS Soulac fut officiellement créé, je pense, l’année suivante, en 1975 et son premier responsable fut

mon camarade BOURG (décédé en service pendant son affectation à Soulac). Personne, à l’époque, ne pouvait savoir

si cette expérimentation perdurerait… Le directeur des Affaires maritimes à Bordeaux joua un rôle éminent dans l’im-

plantation du Sous-CROSS de Soulac.

Le directeur des Affaires maritimes Bretagne-Vendée, l’AG BÉLINGARD, joua, quant à lui, un rôle primordial

dans la montée en puissance du CROSS/A. Il fut un visionnaire qui, très tôt, comprit que l’administration des Affaires

maritimes devait impérativement mettre en place des outils opérationnels afin de faire face aux responsabilités qui

étaient les siennes en matière de surveillance et de sauvetage en mer. À défaut, il lui serait reproché son manque de

moyens en cas de difficultés graves en mer.

Il fallait en outre décharger les chefs de quartier de leurs tâches opérationnelles en les distinguant de leurs respon-

sabilités administratives. À posteriori, il semble en effet inconcevable de prétendre assumer à la fois des fonctions

administratives lourdes et des responsabilités opérationnelles importantes…

Afin de faire face aux fonctions opérationnelles des CROSS, on y affecta, dès le départ, des officiers issus de la

Marine marchande ou de la Marine nationale ; ils avaient de bonnes connaissances dans le domaine maritime et leur

légitimité était incontestable…

Nous avions tous conscience du caractère précaire de la situation, il faudrait bien un jour professionnaliser l’en-

semble du dispositif dédié à la surveillance et au sauvetage en mer…

Dans les années qui suivirent, les projets des CROSS Manche et Mer du Nord permirent de pérenniser l’implantation

des CROSS et de disposer de crédits d’investissement importants afin de créer des centres performants. Le Service

technique des Phares & Balises (STPB*) dirigé par l'ingénieur général des Ponts et Chaussées Jean PRUNIERAS* joua,

à cet égard, un rôle majeur.

Conclusion

Nous étions des précurseurs. Nous avions conscience de vivre le commencement d’une grande aventure, nous sa-

vions que les CROSS évolueraient dans le bon sens, ce que l’avenir démontra.

Chacun se sentait concerné par le fonctionnement et la vie du CROSS, l’ensemble du personnel mettait la main à la

pâte…Quand j’y retournai, quelques années plus tard, j’y trouvai une ambiance plus “militaire”, plus stricte mais

aussi ... plus professionnelle…

L'excellente ambiance qui régnait au sein du CROSS demeure un souvenir marquant : la vie collective y était fort

sympathique ; l’ensemble du personnel, officiers et matelots, travaillait de conserve et partageait les repas dans l’unique

salle à manger. Le personnel était volontaire, toujours impliqué dans la vie du CROSS. Tous, officiers et équipage,

avaient le sentiment d’accomplir une tâche importante… Les marins pêcheurs servant en tant qu’appelés étaient très

précieux car ils connaissaient bien le milieu de la pêche et étaient presque les seuls à pouvoir comprendre ce que disaient

leurs collègues en mer lors de leurs communications radio (au moment des vacations des navires de pêche en particu-

lier). Du chef de centre au plus jeune matelot, nul ne comptait son temps.

Seule ombre au tableau, j’eus souvent à déplorer les relations avec “les autres”. Nous avions la sensation que tout

posait problème : pour faire fonctionner le CROSS et obtenir les modestes crédits nécessaires à la vie du CROSS, le

dialogue était souvent rude avec nos gestionnaires. Du point de vue opérationnel, les relations avec les partenaires

concourant à la mission de recherche et de sauvetage en mer n’étaient pas simples, même si, in fine, chacun œuvrait à

l’accomplissement de sa mission.

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L’O2CTAAM* Jean-Louis PERRIN

* = *

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AC1AM(er) François KERGADALLAN, chef du CROSS ATLANTIQUE de 1972 à 1977

MON ARRIVÉE AU CROSS

Avant mon arrivée au CROSS/A, après avoir suivi une scolarité d’une année à l'École d’administration des affaires

maritimes de Bordeaux, je fus, en première affectation à Sète pendant deux ans, adjoint du chef du quartier des Affaires

maritimes ; puis, durant deux ans à Fécamp, chef du quartier des Affaires maritimes. Avant de réussir le concours

d’administrateur des Affaires maritimes, j'avais navigué dans la Marine marchande pendant une dizaine d'années en

tant que capitaine au long cours. Je ne suivis aucune formation particulière, ni avant, ni pendant mon affectation au

CROSS/A, hormis une période d’une quinzaine de jours que je passai en compagnie de mon prédécesseur Pierre

BÉRARD. Il est probable que mon origine “marine marchande” ait grandement facilité ma prise de fonction. Je béné-

ficiai en outre de la documentation des US Coast Guard* rapportée par Pierre BÉRARD à l'issue de son stage aux États-

Unis.

LE CONTEXTE

Le CROSS/A était, lorsque j'en pris la direction, un établissement en bon état de marche. Je ressentis cependant vite

le besoin qu'il fût connu des pêcheurs dont nous suivions les vacations via le Conquet Radio ; des plaisanciers ; et enfin,

des différentes administrations civiles et militaires qui intervenaient en mer. De plus, nous étions conscients de la né-

cessité d’améliorer notre couverture radio et de l'étendre, vers le Sud notamment. D'où l'idée de remplacer le pylône

existant par une autre structure plus élevée, de 60 mètres de hauteur et, au fil des années, de créer deux sous-Cross, l’un

à Camaret et l’autre à Soulac.

Mais il nous fallait tout d'abord démontrer que le CROSS était l'organisme le plus compétent, dans notre zone

d’intervention, pour assurer la surveillance et le sauvetage. C'est pourquoi je décidai de la réunion, chaque jour ouvrable

à 17 heures, des quatre chefs de quart avec le chef de centre et son adjoint. Celle-ci avait pour objet d'informer des

opérations en cours le chef de quart de la nuit et de faire le point sur les opérations de la journée ainsi que sur la vie

courante du centre (permissions des matelots et autres questions d’ordre pratique).

LA ZONE DE RESPONSABILITÉ DU CROSS/A

Notre zone de responsabilité couvrait, au sud, la façade maritime atlantique du Cap de la Chèvre jusqu’à la frontière

espagnole et, au nord, une zone allant de la mer d'Irlande jusqu'en Ecosse, correspondant à la zone de travail des pê-

cheurs, ceux du Guilvinec en particulier. La zone d’Ouessant et ses abords étaient de la compétence du CROSS/MA

Jobourg, Je ne connus aucun changement dans cette organisation durant mon affectation.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DU CROSS

En 1972, la plupart des actions du CROSS/A, hormis les contacts avec les pêcheurs, se déroulaient en Bretagne Sud

où la notoriété du Centre était bien établie, en particulier grâce à la presse qui, chaque jour, rendait compte des inter-

ventions effectuées, communiquées par le chef de quart. Lorsque la couverture radio fut étendue, il fallut d'abord con-

vaincre les chefs des quartiers éloignés d'Étel, d'accepter de se dessaisir de leur compétence en matière de sauvetage.

Ensuite, dans un souci d'efficacité, il fallut obtenir des stations de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer)

qu'elles entrent en relation avec le CROSS dès qu'une alerte leur était communiquée. Il fallut enfin convaincre les

administrations civiles de la compétence du CROSS dans le domaine de la coordination en matière de sauvetage côtier

(Douanes, Gendarmerie nationale et maritime, vedettes des Affaires maritimes dont nous connaissions les programmes

de sortie, la Protection civile, la Marine nationale ainsi que l’Armée de l'air pour le sud du Golfe de Gascogne et les

stations radio maritimes du Conquet et de Saint- Nazaire).

Au bout de cinq années, le CROSS était devenu un acteur incontournable en matière de sauvetage côtier.

LES ACTIONS

Lors de ma prise de fonction, je rendis une visite de courtoisie au Préfet maritime à Brest ; il me paraissait essentiel

d'entretenir des relations suivies avec la Préfecture maritime où je me rendais à chaque changement de titulaire, mettant

cette visite à profit pour me présenter aussi au chef d'état-major et pour visiter le Centre opérationnel de la Marine

(COM). De même, j’entretins des relations suivies avec le Commandant de la Marine (Comar*) à Lorient, fournisseur

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de notre personnel, les matelots en particulier, ainsi qu'avec son état-major et avec les responsables des services de

l'Arsenal auxquels nous soumettions nos multiples demandes. Je nouai de même des relations avec le Comar à Rochefort

; elles devinrent assidues lors de la mise en œuvre du sous-CROSS Soulac. Nous utilisâmes en effet le site d'une an-

cienne station TORAN de la Marine ; il s'y trouvait un mât dépassant la hauteur de la forêt de pins qui entourait la

station et un bâtiment en dur qui abrita le PC opérations, la salle à manger, le casernement pour les matelots et un

bureau.

Le principe établi était celui de contacts officiels avec les autorités responsables qui intervenaient dans le processus

du sauvetage, - la Marine avec la base aéronavale de Lann-Bihoué et la base de Landivisiau ; l'Armée de l'air avec la

base de Cazaux ; la Sécurité civile* à Lorient et La Rochelle disposant de bases pour les hélicoptères ; la Gendarmerie

nationale à Nantes avec sa base hélicoptères ; les stations SNSM, la Douane de Nantes avec ses vedettes, … etc.

Nous établissions ensuite des relations personnelles avec ces organismes en invitant à déjeuner, par exemple, l'état-

major de Marine Lorient ou en volant sur les avions de patrouille maritime de Lann-Bihoué. Pour les hélicoptères de la

Gendarmerie nationale, nous organisions chaque année un vol d'une journée sur le littoral avec déjeuner, souvent à l'Île

d'Yeu.

Pour les vedettes des Affaires maritimes, les contacts étaient directs dans leurs ports d'attache. Pour la SNSM, le

contact avec les présidents de station avait lieu, sous couvert des chefs de quartier, lors des réunions organisées avant

et après la saison estivale, puis une visite des postes de secours de la SNSM et de la sécurité civile en été.

Les réunions de bilan étaient présidées par le Comar.

Durant la saison estivale, nous accueillions deux officiers de la Gendarmerie nationale qui apportaient leur matériel

de liaison radio et qui, chaque jour, à tour de rôle, assuraient les liaisons avec les brigades.

A ce propos, il n’y avait aucun problème de liaison grâce aux moyens mis en œuvre à condition que nous ayons les

mêmes fréquences radio. Pour la Marine nationale, la mise en œuvre, le suivi et le compte-rendu passaient par le COM

Brest.

Dans le cadre de nos liaisons avec la profession, la Marine organisait de façon périodique, au large du Guilvinec,

des exercices d'hélitreuillage de marins-pêcheurs. Une année, l'hélicoptère en exercice heurta le hauban d'un chalutier

et s’écrasa mais l'équipage du bateau réussit à récupérer les passagers sains et saufs. Le lendemain, le même équipage

aéronaval effectua la même manœuvre, cette fois, avec succès.

Les pilotes des hélicoptères de la Sécurité civile avaient l'habitude, à titre d'exercice, de venir se poser sur la DZ

(drop zone) du CROSS/A dont l'accès était très délicat car il y avait, à l'entrée du CROSS, un grand pin et un mât de 60

mètres de hauteur avec ses haubans.

Pour préparer les secours aux plaisanciers, nous étions invités à participer aux réunions de la ligue de voile de

Bretagne sud et organisions, de concert avec la ligue, le dispositif de sécurité de départ des courses transocéaniques au

départ de Lorient, dispositif que nous contrôlions en cours d'opération.

FAIRE RECONNAITRE LE CROSS/A

Nos contacts avec la presse locale étaient quotidiens et les journalistes étaient invités à toutes les manifestations du

CROSS/A ainsi qu’aux réunions organisées, dans les quartiers des Affaires maritimes, pour les plaisanciers ou les ma-

rins-pêcheurs. Il en était de même pour les sous-CROSS Soulac et Camaret.

J'eus l'occasion de participer à une émission de télévision, opération montée par la direction des Affaires maritimes

(DAM) de Nantes, dans les locaux de la télévision des Pays de Loire, afin d'expliquer les missions du CROSS/A à

destination de la Loire-Atlantique et de la Vendée.

Nous recevions de nombreuses visites de personnalités et groupes d'origines diverses liés à la mer. La plus specta-

culaire fut celle du Président de la République, le 9 Février 1977. Le président Giscard d’Estaing devait faire un voyage

dans le Morbihan. Il arrivait que parfois l'hélicoptère de la Protection civile vînt faire quelques atterrissages sur l’hélis-

tation du CROSS/A dont l'accès était délicat. Il nous fut un jour indiqué que nous étions susceptibles de recevoir la

visite du Président. Je me trouvais, un matin, comme tous les chefs de service de l’État dans le département, à Vannes,

dans la salle des congrès où avait lieu une grande manifestation en présence des autorités locales. Au cours de la séance,

on vint me prévenir que le Président allait venir visiter le CROSS/A car la présence de brume l'obligeait à annuler sa

visite à Houat où il avait été prévu qu'il se rendrait en hélicoptère en début d'après-midi. Je quittai la séance et rejoignis

au plus vite, en 2CV, le CROSS/A, pour annoncer à tous la visite du Président à 14H00. Des ordres furent aussitôt

donnés : le personnel devait être en tenue de sortie à 14H00. Il était midi. Nous n'avions pas de Livre d'Or : l'officier du

corps technique et administratif des affaires maritimes LE BOUDER se rendit aussitôt à Lorient pour en acquérir un.

Lorsque le cortège officiel — le Président, cinq ministres ou anciens ministres (MM. BOURGES, MARCELLIN,

BONNET, LECANUET et PONIATOWSKI), le Préfet du département, l’amiral Commandant l'arrondissement

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maritime de Lorient, l’administrateur général des Affaires maritimes BAUDÉAN, directeur à Nantes et le Maire d'Étel

ceint de son écharpe — franchit les grilles du CROSS, je vins accueillir le Président et saluer chacun.

Tout le personnel était au garde-à-vous et je fis les présentations : l'OCTAAM LE BOUDER, les deux aspirants, les

gendarmes CABANEL qui faisait office d'adjudant de compagnie et LE GUILLOU, les matelots du contingent. Afin

de ne pas l'oublier, je tenais sous le bras gauche le Livre d'Or... Je présentai au Président le CROSS/A, ses missions, ses

moyens, les différents appareils radio, les cartes de sa zone d'action épinglées au mur, etc. : mon discours était rodé car

nous avions l'habitude de recevoir des invités auxquels il fallait expliquer les particularités du fonctionnement des

CROSS. Durant la visite, nous reçûmes un appel téléphonique du Maire de Houat qui souhaitait s'entretenir avec le

Président, lequel s'isola dans le bureau du chef de quart, pour une conversation qui dura une dizaine de minutes, puis la

visite reprit. L’un des officiels me fit part du souhait d'organiser une conférence de presse à l'intention des journalistes

qui suivaient toutes les opérations : la salle disponible la plus proche était le réfectoire des matelots… Le Président

signa le Livre d'Or dans le bureau du chef de quart avant de quitter le PC.

C'est au cours de ce déplacement entre le PC et le réfectoire des matelots que fut prise la photo qui figure à la fin du

présent témoignage : j'avais toujours le Livre d'Or sous le bras gauche !!! Je précédai le Président et, en rentrant dans la

salle, écartai d'un coup de pied discret une serpillière qui séchait sur le pas de la porte. Le Président tint une conférence

de presse devant les journalistes et les officiels, un peu serrés tout de même. Puis il prit congé. À la sortie du CROSS/A

l'attendait toute la population d'Étel prévenue par le bouche à oreille, pour un bain de foule qui fit la “une” de la presse

le lendemain.

Pour nous, la fête était finie : elle avait duré environ deux heures.

Pour les marins-pêcheurs, je me faisais inviter lors des réunions des différents comités, en liaison avec les chefs de

quartier, afin d’expliquer nos missions et prodiguer des conseils sur le lancement des alertes, la façon de se sangler pour

un hélitreuillage etc…A l'approche de l'hiver, je me rendais dans tous les ports de pêche importants.

De même, pour les plaisanciers, en prévision de la saison estivale, je faisais toute la côte, d'Audierne à Arcachon,

voire Bayonne lors de la mise en service du sous-CROSS Soulac. Le travail d'information s'effectuait toujours en rela-

tion avec les chefs de quartier. Nous avions des relations suivies avec les ports de plaisance, sollicités en cas de recherche

de plaisanciers. Pour ses déplacements, le CROSS/A disposait d'une 2 CV…

Nous effectuâmes, un jour, en Baie de Quiberon, un exercice de sauvetage dont Pierre BÉRARD avait pris l'initia-

tive. Il consistait à reproduire une opération de sauvetage avec mise à l'eau, au petit matin, d'un radeau avec 2 ou 3

naufragés (le chef de centre ou son adjoint, un des chefs de quart et parfois, un matelot volontaire) et repérage par les

services de secours, hélitreuillage des naufragés et récupération du radeau par la vedette des affaires maritimes. Le

radeau avait été prêté par la station de contrôle des radeaux de Lorient. L'opération fut médiatisée, puis reproduite

chaque année pour le rodage des procédures.

Dans toutes ces actions, je ne connus pas de difficulté majeure qui ne pût être surmontée.

LE RÔLE DU CHEF DE CROSS

Le chef de CROSS a l'entière responsabilité des décisions prises et des opérations entreprises. Je prendrai pour

exemple une intervention d'hélitreuillage pour sauver un marin-pêcheur espagnol à l'embouchure de la Gironde. La

décision d'intervention avait été prise par mon adjoint. Le pilote de l'hélicoptère constata, au moment du treuillage, que

le marin était inconscient et fonça vers l'hôpital le plus proche mais, lorsqu'il arriva, le marin était mort. Deux gendarmes

enquêtèrent sur réquisition du Procureur de la République de Rochefort : j'assumai l'entière responsabilité de l'ensemble

de l'opération. Je n'entendis plus jamais parler de cette affaire mais pris la décision d'ouvrir un centre à Soulac car nos

liaisons se faisaient par l'intermédiaire d'un sémaphore par HF.

Nous jouissions d'une totale liberté d'action, soumis cependant à l'obligation de devoir rendre compte de ce qui s'était

passé à l'occasion d’affaires très médiatisées. Nos relations avec nos autorités de tutelle étaient avant tout administra-

tives.

Si, en matière de plaisance, nous étions en contact avec les familles, souvent à l'origine de l'alerte (en cas d'absence

de nouvelles...), en matière de pêche, une fois l'opération déclenchée, c'était le chef de quartier, tenu en permanence

informé, qui était en contact avec la famille, était associé à la décision d'interrompre les recherches et annonçait à la

famille l'issue de l'opération.

La décision de cesser les recherches lorsque celles-ci s’effectuaient au large, était prise en relation avec la Marine

nationale tandis qu'en zone côtière, nous nous référions aux documents des Coast Guards* qui indiquaient des temps de

survie selon de la température de la mer et d'autres paramètres, appréciés au coup par coup, dont la réaction des familles.

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DIFFICULTÉS LIÉES À LA TRANSMISSION DE L'ALERTE

La transmission de l’alerte était un point crucial et nous ne manquions pas d'insister, tant auprès de nos partenaires

que des personnes concernées, afin que la signalisation de l'alerte soit exploitable, par exemple dans le May Day, il

importait de donner la position en premier pour le cas où l'émetteur tomberait en panne.

Le tir abusif de fusées rouges faisait partie des pratiques à éviter, ce que nous répétions à chaque réunion et, plus

encore, lors des bilans de chaque saison estivale. Nous invitions même les municipalités à nous signaler les tirs de feux

d'artifice.

L'extension du réseau VHF tant vers le Nord que vers le Sud, puisque le fond du Golfe de Gascogne était couvert à

partir du Pic de la Rhune (900 mètres), nous permettait un contact direct, tant avec les bateaux en difficulté qu’avec les

moyens de sauvetage mis en œuvre.

En ce qui concernait les navires de pêche, les alertes transitaient souvent par les stations radio maritimes, celle du

Conquet en particulier, qui recevaient les May Day* et les relayaient, d'où nos contacts étroits avec les opérateurs et

notre écoute journalière des vacations Radio…

LA SURVEILLANCE DES PLAGES

Il nous importait de bien connaître l'implantation géographique des postes de surveillance des plages afin de les

activer, en cas de besoin, pour nos propres opérations au-delà de la zone des 300 mètres. Il nous fallait par ailleurs suivre

leur activité par moyens radio, en particulier pour ce qui concernait les moyens de la gendarmerie. Le CROSS/A entre-

tenait de bonnes relations avec les maires de communes aussi bien qu’avec les sapeurs-pompiers. La plupart des postes

de plage étaient, je crois, à l'époque, tenus, dans notre zone, par la SNSM.

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Parmi la multitude d’opérations effectuées, je garde le souvenir du sauvetage de deux jeunes gens qui étaient partis

en voilier de Lorient alors qu'il faisait mauvais temps; ils dérivaient, voiles arrachées, vers les brisants de la barre d'Étel :

sur une mer démontée, un canot de sauvetage parvint jusqu'aux brisants grâce à la compétence du patron auquel nous

avions dit : “Fais ce que tu peux sans mettre en danger ton équipage”. (Le souvenir demeurait vivace d'une sortie avec

le Docteur Bombard à l'issue de laquelle il y eut, parmi l'équipage du canot, une dizaine de morts). L’opération se

déroula parfaitement bien et le débarquement eut lieu à Lorient car le retour à Étel était impossible à cause de la houle

due à la barre d’Étel. Quelques semaines plus tard, nous reçûmes deux caisses de Champagne dont l'une fut remise à

l'équipage du canot SNSM…

En dehors des opérations de sauvetage et de la surveillance des pollutions, la particularité du CROSS/A était le suivi

des vacations des navires de pêche afin de repérer l'absence de nouvelles. En revanche, nous n’exercions pas de mission

de surveillance de la circulation maritime ou de contrôles des pêches à cette époque-là.

En matière de pollution maritime, un exercice eut lieu, à partir d'Étel et de Soulac, avec un appareil de détection des

pollutions embarqué sur un avion bimoteur, dans le but de se doter de ce moyen nouveau mais cet engin fut par la suite

attribué aux Douanes… L'exercice dura une semaine dans chaque centre, supervisé par le chef de CROSS sur place.

En ce qui concernait la diffusion de la météo, les bulletins étaient relayés, deux fois par jour, par VHF. De plus, en

saison estivale, un dispositif de signalisation des coups de vent était actionné dans certains postes de secours et ports de

plaisance, par la mise en place de boules noires hissées sur un mât, à l'intention des plaisanciers.

Nous créâmes avec Noël QUÉRÉ, chef du CROSS/MA à Jobourg, dans le souci d'accroitre notre efficacité, un sous-

CROSS à Camaret dans le sémaphore désaffecté de la Pointe du Toulinguet qui servait de résidence de vacances au

peintre Marin Marie, sous-CROSS équipé en matériel radio par le CROSS/A et armé par des matelots des deux CROSS

et d’un chef de quart. Sa zone de compétence s'étendait d'Audierne à Ouessant, zone mal couverte par nos liaisons. Ce

centre, ouvert en saison estivale, fut fermé au bout de trois années. Il n'était, à la réflexion, pas suffisamment armé pour

faire face à des opérations complexes.

Côté sud, le Comar de Rochefort accepta de mettre à notre disposition, à Soulac, une station TORAN désaffectée

qui comportait un mât pour l'antenne et des locaux inutilisés. Avec l'accord de l'autorité de tutelle, l'équipement radio,

tant HF que VHF, fut acheté et installé par le CROSS/A. Sa zone d'action allait de la Rochelle à la frontière franco-

espagnole. Il fonctionna, dans un premier temps, durant la période estivale avec du personnel fourni par le CROSS/A,

ce qui nous obligeait, mon adjoint ou moi-même, à y résider à tour de rôle. Son existence fut pérennisée par l'affectation

d'un OCTAAM en tant que Chef de centre, ce qui permit un fonctionnement à l'année. L'équipement, le couchage,

etc.… furent fournis par le Comar Rochefort tandis que l'administrateur général Louis LARUE, directeur à Bordeaux,

nous offrait.... un réfrigérateur !!!

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LA STRUCTURE DU CROSS

L'état-major comprenait un chef de centre, administrateur des Affaires maritimes ; un adjoint OCTAAM ; quatre

chefs de quart (deux aspirants, l'un d'origine marine marchande et l'autre issu des grandes écoles, mis à disposition pour

la durée de leur service militaire) ; deux gendarmes maritimes, mis à disposition permanente ; une secrétaire recrutée

comme agent des Affaires maritimes ; enfin une dizaine de matelots détachés par Marine Lorient pour la durée de leur

service militaire.

Les matelots, nourris grâce à l'école d'apprentissage maritime (EAM*) d’Étel, voisine du CROSS/A, assuraient la

veille au P.C., les vacations pêche, l'entretien des locaux, les tâches afférentes au fonctionnement du centre et l'entretien

du parc, sous l'autorité de l'un des gendarmes qui exerçait les fonctions d'adjudant de compagnie. Ce dernier réglait les

tours de quart au PC, les plannings des permissions, etc.

Les aspirants étaient nourris dans un restaurant à Étel, sur des crédits de l’administration de la Marine marchande et

logeaient au rez-de-chaussée de la résidence du chef de centre tandis que l'adjoint habitait en ville.

À Soulac, c'était la même organisation ; la nourriture était fournie par un camping voisin. Le plan d'armement était

suffisant et permettait même d'armer les sous-centres de façon temporaire. Mon intérim était assuré par le chef du

quartier de Lorient, mon adjoint assurait le fonctionnement et effectuait aussi la garde de fin de semaine, en alternance

avec le chef de centre, les aspirants ou les gendarmes étant au PC, en permanence.

Le personnel était formé “sur le tas” d'où l'importance des réunions quotidiennes pour examiner nos procédures en

vue de les améliorer, les gendarmes maritimes ayant leur propre expérience et les aspirants étant plutôt à l'aise dans leur

fonction de par leur formation de chef de quart.

Sur le plan matériel, le CROSS/A était constitué de plusieurs bâtiments dont l'état était satisfaisant. Il y avait donc :

o des locaux en bois qui abritaient le PC avec, à proximité immédiate, une antenne d'une trentaine de mètres,

portée ensuite à 60 mètres ;

o des locaux en parpaings formant un U qui servaient de casernement et de couchage pour les matelots, voisins

du mur de clôture de l'EAM* d'Étel ;

o une hélistation sur la pelouse devant le PC ;

o un bâtiment en pierre peint en blanc, situé au fond d'un parc boisé. Il se composait, au rez-de-chaussée, de trois

bureaux, une salle de réunion et deux chambres pour les aspirants, avec toilettes ; à l'étage, c'était la résidence

du chef de centre.

L'équipement comprenait plusieurs postes émetteurs-récepteurs VHF, des postes émetteurs-récepteurs HF et des

postes de réception afin de suivre les vacations pêche. Il y avait un meuble pour les cartes marines. Des cartes IGN de

toute la zone de responsabilité étaient affichées sur les murs du PC. Cet équipement était complété par un télex et

plusieurs téléphones dont l'un dans la cabine du chef de quart. Une ligne directe nous reliait à Marine Lorient. La veille

était assurée 24H sur24H par un chef de quart et plusieurs matelots, un seul la nuit. Les matelots qui n'étaient pas en

service à la fin de la semaine, partaient en permission ; ils étaient conduits à la gare d'Auray et récupérés le lundi matin.

À Soulac, l’équipement radio était semblable à celui du centre principal. Il en était de même pour Camaret.

Ces moyens permettaient un bon fonctionnement des trois structures.

Les liaisons se faisaient, le plus souvent, par téléphone pour la réception des demandes de recherche mais aussi par

télex avec les stations radio maritimes, les correspondants étrangers Coast Guard britanniques, les particuliers, les

agents consulaires, etc. C'est ainsi que nous étions en relation avec un Breton à Cork et, sur l'Île de Man, avec une dame

qui était venue visiter le CROSS du temps de mon prédécesseur.

Il est indéniable que la liaison avec les moyens mis en œuvre par radio était indispensable (la preuve en fut donnée

lors de l’opération d'hélitreuillage du marin espagnol, à l'embouchure de la Gironde, évoquée plus haut).

Lors de ma prise de fonction, notre VHF couvrait un peu plus que le département du Morbihan. Au-delà, il fallait

utiliser la HF ou bien passer par les sémaphores de la Marine nationale, avec toutes les difficultés inhérentes à l'utilisa-

tion d'un intermédiaire, d'où l'idée et la décision d'étendre le réseau. Mon adjoint, l'OCTAAM Perrin, ancien officier

radio de la Marine marchande, conçut et mit en œuvre un dispositif de relais VHF à partir du CROSS/A par l'intermé-

diaire des Phares de la côte atlantique. Après accord de Monsieur PRUNIERAS*, directeur des Phares & balises, ce

dispositif consista à télécommander, à partir du CROSS/A, des relais situés, vers le Nord, sur le grand phare de Belle-

Île et, de là, vers le phare d'Eckmühl qui couvrait la baie d'Audierne et ses abords. Vers le Sud, à partir de Belle-Île, on

atteignait le phare de l'Île d’Yeu, puis le phare de Chassiron sur l'Île d'Oléron, puis celui du Cap Ferret et enfin le Pic

de La Rhune, situé à 900 mètres d’altitude, qui couvrait tout le fond du Golfe de Gascogne. Il me semble que le relais

de la Rhune fut créé par l'OCTAAM Jean-Louis PERRIN alors affecté au quartier de Bayonne.

La première phase fut le montage d'un mât de 60 mètres de hauteur.

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Celle-ci avait été calculée par l'OCTAAM Jean-Louis PERRIN, il ne fut fait appel à aucun bureau d'études.

La société retenue réalisa tous les travaux, y compris les ancrages destinés à assurer la sécurité de la structure. Le

CROSS fit le raccordement, le gendarme maritime CABANEL effectua la mise à la terre du paratonnerre au moyen

d'une douille d'obus de gros calibre qu'il avait fait dérouler à Marine Lorient ! L’installation fut testée un jour d'orage :

la foudre tomba sur le mât d'antenne, le matelot de veille près des appareils radio vit ses cheveux se dresser sur la tête,

les prises de courant explosèrent au PC, tous les appareils cessèrent de fonctionner et Jean-Louis PERRIN qui était dans

son bureau, à 300 mètres de là, vit un grand éclair sortir de son téléphone ! La remise en marche prit un certain temps....

Nous avions aussi un poste VHF sur la fréquence de la Sécurité civile nous permettant de communiquer avec les

hélicoptères de cette administration et, en saison estivale, un poste Gendarmerie nationale armé par deux gradés.

CONCLUSION

Je conserve le souvenir d'avoir participé à l'essor d'un organisme qui a continué à croître et à se diversifier. Ce fut

une mission exigeante qui contraignait à une disponibilité permanente, de nuit comme de jour : réveillé, plusieurs fois

par nuit, par le chef de quart, il fallait, après information, soit se rendormir soit monter au PC pour prendre en main

l'opération. Il en était de même pour mon premier adjoint qui habitait à Lorient. Ce fut un travail stressant, en particulier

lors des interventions de recherche d'un navire de pêche dont on était sans nouvelles. Je garde le sentiment que, sans le

soutien de la Marine nationale, rien n'aurait pu se faire : elle nous fournissait matériel et personnel et nous assistait dans

nos recherches. Je me souviens, par exemple, de la disparition, de nuit, au large de Quiberon, d'un hélicoptère de la

Sécurité civile avec deux personnes à bord ; l'une fut récupérée par un bateau de pêche ; l'épave de l'hélicoptère fut

retrouvée, quelques jours plus tard, par un dragueur de mines ; les plongeurs découvrirent à bord le deuxième corps...

Le sentiment d'être “adossé” à la Marine était source de sérénité.

Nous avons bénéficié d'une grande liberté d'action du fait que nous étions directement rattachés au Ministère. Nous

disposions d’une ligne de crédits spéciale que nous discutions lors des réunions annuelles des chefs de CROSS, réunions

qui avaient lieu, à tour de rôle, dans l'un des trois CROSS.

Visite au CROSS/A de Valéry Giscard d‘Estaing, Président de la République, le 9 février 1977

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Le CROSS Méditerranée à LA GARDE AGAM (2s) Jean-Claude HENNEQUIN chef du CROSS MÉDITERRANÉE de 1971 à 1975

Mon arrivée au CROSS/Med

Durant l’été 1971 me fut attribuée la fonction de chef du CROSS/Med. Les CROSS avaient en charge une mission

de service public dont l’exécution impliquait de lourdes responsabilités : je me sentais prêt à les assumer.

Le CROSS/Med avait été créé en 1968, un an après l'installation du CROSS/A à Étel. Il était en effet apparu néces-

saire d’organiser et de rendre permanentes les missions de sauvetage et de sécurité maritime jusqu'alors dévolues à

l’administration maritime. Pour organiser cette permanence et compte tenu de la présence, dans les Affaires maritimes,

d’officiers à statut militaire, il fut décidé que les CROSS seraient armés par du personnel militaire. On fit d'abord appel

à des gendarmes maritimes, déjà présents dans les quartiers pour des missions de police et de surveillance ainsi qu’à

des matelots, détachés auprès des Affaires maritimes, dont la Marine nationale assurait le salaire et la subsistance. Des

aspirants de marine effectuant leur service national vinrent progressivement renforcer cet effectif.

Ces dispositions permirent d’expérimenter à un moindre coût, constante des premières années des CROSS, de nou-

velles actions de Service public, solution qui s'avéra fort bien adaptée lorsque fut renforcé le rôle de la Marine nationale

dans le domaine de l’action de l’État en mer (AEM*).

* *

LE CONTEXTE

Le partage des responsabilités entre la Marine nationale et les Affaires maritimes

A l’époque, le partage des responsabilités et compétences dans le domaine du sauvetage en mer n’était pas ce qu'il

est aujourd’hui. L’administration des Affaires maritimes était responsable de la mission de sauvetage en mer dans la

zone des vingt milles marins à compter de la côte. La Marine nationale assurait, quant à elle, la responsabilité du sau-

vetage au-delà de cette zone vers le large, la haute mer. Elle pouvait intervenir dans la zone des vingt milles à la demande

des Affaires maritimes.

Cette situation a depuis évolué du fait des obligations de la France induites par les conventions internationales qu’elle

a ratifiées.

Le “boom” de la plaisance et des sports nautiques

Les années 1960-1970 sont celles d'une explosion des activités de plaisance, tout particulièrement en Méditerranée.

La création des CROSS répondit à la nécessité, pour l’État, d’assurer la sécurité des vies humaines en mer.

Avant la création des CROSS, c’étaient les chefs de quartier des Affaires maritimes qui assuraient le recueil des

alertes ainsi que la coordination des opérations de recherche et de sauvetage dans la zone des vingt milles. Lorsque

furent créés les CROSS, on put observer deux attitudes de la part des chefs de quartier : les uns accueillirent avec

soulagement un allègement de leurs responsabilités ; d'autres firent de la résistance au changement apporté par la mise

en place de la nouvelle structure. Les “résistants” contestaient la mise en place des CROSS : de leur point de vue, cette

nouvelle structure allait à l’encontre de la fonction généraliste du métier d’administrateur des Affaires maritimes, atti-

tude de “résistance” qui se manifesta ensuite lors de la création des centres de sécurité des navires (CSN*)…

* *

LES ACTIONS

La légitimité du CROSS/Med dans le paysage administratif méditerranéen n’alla pas de soi. Il fallut, pour acquérir

cette légitimité, apprendre à se faire connaître, par de multiples contacts avec la Marine nationale et les autres adminis-

trations concourant à la mission de recherche et de sauvetage en mer. Il fallut aussi œuvrer pour se faire respecter par

les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel en mer ; il fallut enfin se faire apprécier des usagers de la

mer.

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Apprendre à se faire connaître

Le Préfet maritime de la Méditerranée était alors le vice-amiral d’escadre Jean BRASSEUR-KERMADEC ; il se

montra d'emblée résolument favorable au CROSS et au respect de sa mission par l’ensemble des services susceptibles

de concourir à la mission de recherche et de sauvetage en mer.

Il en fut de même pour son successeur, le vice-amiral d’escadre Yves-France BOURDAIS.

En effet, la coordination et la direction des opérations de sauvetage faisaient appel au concours des moyens terrestres,

nautiques et aériens de plusieurs administrations, ceux des Affaires maritimes étant tout-à-fait insuffisants, voire ina-

daptés, pour ces tâches. Il fut donc prévu par les textes que les différents services se mettraient à la disposition du

CROSS pour l’exécution de ses missions, ce qui, dans les premiers temps, n'alla pas sans difficultés car les unités des

Douanes et de la Gendarmerie n'étaient guère habituées à travailler pour une autre administration. Ces réticences ne

facilitèrent pas la tâche du CROSS alors que, face à des situations complexes, des réactions tardives pouvaient avoir

pour conséquences des pertes en vies humaines en mer.

À l'époque, défiance, méfiance, voire méconnaissance de quelques officiers de marine en poste au sein de l’état-

major de la Préfecture maritime furent parfois à déplorer. Certains se demandaient en effet pourquoi la mission de

sauvetage était dévolue à des administrateurs des Affaires maritimes et non à des officiers de marine, par nature “opé-

rationnels”. D’autres n’étaient pas familiers de l’organisation nationale de la mission de recherche et de sauvetage en

mer. Il me fallut donc faire preuve de pédagogie et de diplomatie, au cours de réunions interservices, afin que le CROSS

apparaisse comme légitime dans l'exercice de sa mission de coordination des opérations de recherche et sauvetage en

mer.

Si certains responsables des services et des moyens, sollicités pour concourir aux recherches et au sauvetage des

personnes et des biens, se montrèrent, dans les premiers temps, quelque peu réticents à prêter leur concours à une autre

administration, les équipages des vedettes, navires et aéronefs se montrèrent au contraire le plus souvent enthousiastes

pour participer à ces opérations : cette mission à caractère humanitaire, en rupture avec leurs occupations habituelles,

était appréciée de façon très positive.

La presse locale constitua un vecteur important dans le “faire savoir” : le correspondant du journal VAR MATIN de

l’époque joua à cet égard un rôle significatif, en rendant régulièrement compte des opérations menées par le CROSS.

Ce fut aussi le cas, dans une moindre mesure, des organes de presse des autres départements côtiers, via l’AFP en

particulier, ainsi que du correspondant de NICE MATIN, à l’est de notre zone de compétence.

Les réunions, à la fin de la saison estivale, présidées par le chef du CROSS, constituèrent, à n’en pas douter, un outil

de communication intéressant pour faire mieux connaître le CROSS.

Un autre moyen, original, pour se faire connaître, fut la “caravane du CROSS”. Aménagée avec les moyens du bord

(elle appartenait en réalité à un officier marinier chef de quart du CROSS), elle se déplaça sur toute la côte durant les

semaines précédant la saison estivale. Cette expérience ne put, hélas ! être menée qu’une seule année…

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Je me souviens aussi des tracts concernant son action, confectionnés par le CROSS et distribués aux péages des

autoroutes…

Se faire respecter par les unités participant aux opérations de recherche et de sauvetage en mer

Parmi les équipages dont la disponibilité et la coopération étaient exemplaires, je citerai ceux des vedettes et canots

de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) et ceux des hélicoptères de la Gendarmerie nationale. Les autres

moyens étaient plus difficiles à mettre en œuvre. La compétence et l’efficacité des bâtiments et aéronefs de la Marine

nationale au large étaient remarquables. Le travail avec ces unités devenait très positif quand le CROSS établissait des

contacts VHF directs grâce à son réseau d’émetteurs en points hauts qui lui permettait de contacter les passerelles plus

rapidement que le centre opérationnel de la Marine. Quant aux douaniers, ils réussissaient de très belles opérations dans

des zones peu fréquentées par la Marine telles que le Golfe du Lion, surtout en hiver.

À la SNSM dont les équipages sont composés de bénévoles, on trouvait très souvent des personnes au dévouement

exceptionnel et d’une totale disponibilité en dépit d'activités professionnelles diverses. Mon prédécesseur avait rencon-

tré des difficultés auprès de certains équipages anciens issus du milieu de la pêche locale et dont la farouche indépen-

dance ne facilitait pas la nécessaire coordination en opérations. Ces “vieux marins” s’estimaient maîtres dans leur

secteur et la légitimité du CROSS à assurer leur contrôle opérationnel ne leur apparaissait pas comme d'une évidence

absolue… Ils appareillaient donc sans se signaler et rentraient lorsqu'ils estimaient devoir le faire. Ce comportement,

contraire aux règles d’organisation du sauvetage en mer fixées par les pouvoirs publics, donna lieu à quelques explica-

tions permettant au directeur du CROSS de faire œuvre de pédagogie… Les choses rentrèrent assez vite dans l’ordre

pour la majorité des vedettes et des canots de la SNSM. Cette attitude était parfois celle des responsables des moyens

publics qui voulaient conserver la maîtrise des opérations, espérant sans doute s’approprier le mérite d’une réussite

éventuelle ; or leur comportement n’était pas de nature à faire aboutir favorablement les opérations de sauvetage.

L’évolution de la composition des équipages de la SNSM, d’origines professionnelles très diverses ainsi que la

modernisation des matériels rendirent beaucoup plus efficace l’intervention de ces moyens au point qu’ils effectuent,

de nos jours, la plupart des opérations de sauvetage en zone côtière.

Il faut rendre hommage à ces équipages, au dévouement exceptionnel, qui, de nuit comme de jour, furent disponibles

pour porter assistance aux navigateurs en difficulté. Tout cela dans les délais les plus brefs, ce que les services publics

n’arrivent pas toujours à concevoir.

Je conserve un souvenir ému du patron de la vedette SNSM de Toulon, homme au grand cœur qui avait motivé sa

famille, fils, fille, gendre, pour participer à l’équipage et dont la disponibilité et le dévouement étaient sans faille. Véri-

table “Saint-Bernard” des rivages toulonnais, de nombreux plaisanciers qui se trouvèrent en difficulté lui durent une

fière chandelle mais ils n'exprimèrent pas toujours leur reconnaissance, négligeant parfois de s’acquitter de la modeste

contribution aux frais d’assistance à leur bateau…

Les hélicoptères de la Gendarmerie nationale étaient eux aussi, très opérationnels et coopératifs. Ces moyens étaient

intégrés dans de petites unités autonomes et pouvaient décoller sans en référer à toute une chaîne hiérarchique. Cette

souplesse d’utilisation les rendait très précieux pour les opérations déclenchées juste avant la tombée du jour au profit

d’engins de plage ou autres embarcations légères partis en dérive par fort mistral, souvent avec de jeunes enfants à bord.

C’était ce type de situation, malheureusement très fréquente, que je redoutais le plus en été par fort vent de terre.

Les pilotes, souvent rompus au sauvetage en montagne, étaient très adroits et appréciaient de travailler avec le CROSS,

compte tenu des informations que nous pouvions leur fournir sur la détresse. Leur efficacité était limitée par l’absence

de moyens de navigation en mer, ils ne pouvaient donc pas quitter la zone côtière. Au large les gros hélicoptères de

combat de la Marine réussissaient des évacuations spectaculaires avec un nombre important de personnes.

La Marine nationale était en outre la seule à pouvoir effectuer de longues recherches sur un grand espace maritime

à l’aide des avions de patrouille maritime. Ces derniers effectuaient régulièrement des exercices et se trouvaient assez

souvent en l’air au moment du déclenchement de l’alerte, ce qui permettait d’obtenir leur concours dans des délais très

brefs après avoir reçu l’accord de l’état-major. Le CROSS calculait les zones de recherche, rarement contestées. Les

résultats positifs de ces investigations étaient malheureusement plutôt maigres quand il s’agissait de petites embarca-

tions entraînées vers le large par le vent car il est très difficile de distinguer une coque de faible taille sur une mer agitée.

Les recherches des navires de plus grandes dimensions étaient plus faciles car elles pouvaient être conduites à vue et au

radar et on connaissait souvent une position approximative du navire en difficulté qui avait parfois conservé des moyens

de communiquer.

L’énoncé des performances des moyens qui apportent leur concours au CROSS pour les missions de recherche et

de sauvetage en mer traduit une diversité de rattachement, de nature et de performances.

Au plus haut niveau des pouvoirs publics s'est imposée la conscience de devoir coordonner et harmoniser les inves-

tissements des différentes administrations de l’État dans le domaine de l’action de l’État en mer. Ont donc été créées

des structures de coordination organiques, - mission de la mer, puis secrétariat général au niveau national, conférence

maritime au niveau régional.

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Les CROSS sont, quant à eux, parvenus à coordonner l’activité opérationnelle de l’ensemble de ces moyens, exclu-

sivement pour la recherche et le sauvetage en mer, ce qui est un grand succès et peut-être une exception dans l’organi-

sation administrative française !

Se faire estimer

Je me rappelle avoir participé à des émissions de télévision afin de faire connaître et apprécier le CROSS, par le

grand public en général et par les usagers de la mer en particulier.

Des relations étroites avec les clubs de plaisanciers permirent au CROSS d’apporter sa pierre à l’édifice de la sécurité

maritime, via les nombreux conseils donnés aux plaisanciers sur les comportements à adopter à la mer.

La mission du CROSS, mission de coordination des opérations de recherche et sauvetage en mer, était fondée sur le

principe de la meilleure utilisation des moyens, c’est-à-dire l’utilisation des moyens les mieux adaptés à la nature des

opérations en cours. Ce principe implique que l’on ne doit pas engager tous les moyens disponibles mais seulement

ceux dont l’utilité s’avèrera fondée en vue de la réussite de l’opération. Je crains que ces dernières années, avec la

judiciarisation accrue de notre société, ce principe ait été peu ou prou perdu de vue, au profit d’un engagement systé-

matique de tous les moyens disponibles afin d’éviter les risques de mise en cause judiciaires de la part des usagers de

la mer ou de leurs proches…

Le rôle du directeur du CROSS ne se limitait pas à l’aspect opérationnel des affaires puisqu’il était l’interlocuteur

des familles durant tout le déroulement des opérations. Il était donc parfois aussi "le porteur de mauvaises nouvelles" :

c'est lui qui annonçait aux proches le résultat infructueux des recherches entreprises, voire le décès de la ou des per-

sonnes recherchées. C’était à lui que revenait la responsabilité de prendre la décision d’arrêter les recherches et d’en

informer les familles. Les longues conversations et explications avec des personnes touchées par le malheur n’étaient

pas des moments faciles à vivre pour le responsable du CROSS qui devait, seul, affronter ce type de situation.

Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

Une des difficultés rencontrées par le CROSS concernait la transmission des alertes.

Le retard pris dans le cheminement de certaines alertes, émanant de particuliers ou des services publics, fut préjudi-

ciable à la réussite de certaines opérations qui se conclurent par des bilans dramatiques...

À l’époque, les tirs de fusées rouges constituaient un moyen commode de signaler une alerte mais leur usage était

parfois abusif…

La VHF se révéla un outil autrement plus efficace pour informer le CROSS d’une situation d’alerte ou de détresse

en mer. En particulier, l’installation d’un E/R au sommet du Mont Coudon représenta une avancée significative dans la

gestion des communications en mer et donc dans la réception des alertes.

La surveillance des plages

La surveillance des plages n'était pas, à l’époque, ce qu'elle est aujourd’hui. De plus, la SNSM ne comprenait pas

encore de nageurs sauveteurs sur les postes de plage ; ils apparurent bien des années plus tard.

Mon affectation au CROSS précéda de dix ans la publication de la loi “littoral”. C’était une période encore floue et

la plupart des maires des communes littorales ignoraient les responsabilités qui étaient les leurs dans la zone de baignade

dite des "300 mètres". Les postes de secours étaient très légèrement armés et les sapeurs-pompiers, peu présents sur le

domaine maritime.

* *

UNE ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE INTENSE

La compréhension du comportement des plaisanciers qui se trouvaient dans des situations périlleuses du fait de leur

imprudence ou de la méconnaissance de la mer, se révélait souvent délicate. Heureusement, les opérations n’avaient

pas toutes un caractère dangereux ; dans de nombreuses circonstances, les erreurs des navigateurs amateurs provo-

quaient des situations tragi-comiques ayant au pire pour seule conséquence des pertes de matériel.

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Parmi les milliers d’opérations qui furent coordonnées pendant mes quatre années de présence au CROSS, un grand

nombre firent l’objet d’anecdotes, parfois reprises par la presse que nous informions à la fois pour faire connaître le

service rendu et dans un but de prévention auprès du public.

Parmi les aventures rocambolesques, je me souviens du propriétaire d’une petite vedette qui, par un soir d’automne,

se présenta au poste de la Gendarmerie maritime de l’Arsenal du Mourillon, en tenue de bain avec des palmes de natation

à la main. Il déclara aux gendarmes que son bateau était en détresse dans la grande rade. Après avoir longuement

questionné l’intéressé au téléphone, je compris qu’il n’avait pas voulu utiliser les moyens habituels pour signaler sa

détresse (fusées, radio VHF) et qu’il avait pris le risque de souffrir d’hypothermie pour venir donner l’alerte car ce

galant homme ne voulait pas que la présence de sa “secrétaire” à bord soit connue. La jeune personne fut retrouvée, à

la nuit tombée, terrorisée au fond de l’embarcation qui dérivait vers le large. Après les remontrances d’usage, je promis

de ne rien dire à la presse, ce qui soulagea notre homme…

Que dire de cet avocat, propriétaire d’une grosse vedette, parti de Cannes pour Calvi en pleine nuit, par beau temps,

appelant désespérément, le jour venu, car il n'apercevait pas la Corse. Après de laborieuses recherches radiogoniomé-

triques*, j'émis l'hypothèse que l’intéressé se situait sur la route des Baléares au sud de Marseille ! Ceci nous fut con-

firmé par un pétrolier passé à proximité. Lorsque, désireux de comprendre pareille erreur de navigation, je questionnai

le propriétaire de la vedette, celui-ci m’avoua s'être trompé de cent degrés lorsqu'il avait affiché le cap sur le pilote

automatique au départ de Cannes et n’avoir ensuite, à aucun moment, vérifié le cap… De plus, le bonhomme n'avait

pas assez de carburant pour gagner la terre la plus proche : l'histoire se termina par l’envoi, à partir de Marseille, d’un

remorqueur qu’il paya au prix fort, avec une très grande mauvaise humeur...

La désinvolture de certains fut souvent cause de recherches inutiles et parfois coûteuses. Des mères de famille, des

épouses s’inquiétaient du retard de parents qui n’avaient pas prévenu de leur arrivée en un lieu différent de celui dont il

avait été convenu au départ. Les fausses alertes devaient être traitées avec la même rigueur que les inquiétudes fondées,

nous ne pouvions nous permettre de faire l’impasse de recherches inutiles tant que notre conviction de l’absence de

danger n’était pas établie, ce qui n'allait pas toujours de soi tant tout peut arriver.

Il y eut des opérations à l’issue tragique, y compris pour les professionnels. Ainsi ce caboteur tunisien en perdition

dans un violent coup de mistral ; le radio sanglotait dans son poste émetteur, sachant proche sa fin et celle de l’équipage,

ce qui, hélas ! se produisit avant que les secours ne puissent les atteindre.

Des disparitions sans qu'il y ait eu alerte ou demande de secours avaient pour conséquence de longues recherches

aéro-maritimes qu’il fallait un jour interrompre, malgré les supplications des familles persuadées que l’impossible dé-

couverte pouvait encore se produire, parfois avec l’aide des conseils de médiums.

Une veille de Noël, nous étions en famille à la maison, le jour déclinait et nous commencions à préparer les agapes

du soir quand le CROSS m’appela pour me signaler un tir de fusées rouges à proximité de la presqu’île de Giens. Le

chef de quart, jeune aspirant, précisa que ce tir semblait provenir de la mer et non de la terre comme c’était souvent le

cas lors des fausses alertes. Je demandai que l’on mette en alerte l’hélicoptère le plus proche, en l’occurrence celui de

la Gendarmerie nationale, basé à Hyères. Il faisait mauvais temps en mer, vent de SE* assez fort, mer agitée, grains, il

ne restait pas beaucoup de clarté.

Je me précipitai au CROSS que j’atteignis en dix minutes. L’hélicoptère venait de décoller. Peu de temps après, le

pilote signalait une petite vedette en dérive à l’ouest de Giens ; deux personnes faisaient des signes ; voulant s'assurer

qu'elles avaient été aperçues, elles tirèrent une fusée rouge qui frôla l’habitacle de l’hélicoptère ! Mais le pilote que

n'accompagnait aucun plongeur, ne pouvait rien faire et s'éloigna de peur d’être carrément descendu par un autre tir de

fusées ; l’orage se mit de la partie, le pilote perdit de vue l’embarcation ; ne pouvant regagner sa base du fait des

intempéries, il alla se réfugier à Saint-Mandrier.

Me voilà avec deux personnes en détresse, sans aucun moyen de secours à proximité ; il n’y avait pas grand monde

sur l’eau un 24 décembre au soir par ce temps-là. La vedette SNSM de Toulon ne pouvait sortir du fait du mauvais

temps, itou pour celle d’Hyères, encore plus petite à l’époque. Je demandai à l’officier de permanence de la Préfecture

maritime (OPEM*) la sortie d’un moyen lourd, il me proposa le remorqueur d’alerte de la direction du port dont la mise

en œuvre demandait deux heures. On ne put faire autrement, ce qui me laissa le temps de calculer une zone de recherches

que le remorqueur commença à parcourir à partir de 20 heures. Les recherches se poursuivirent durant toute la nuit, sans

résultat malgré une légère amélioration du temps. J’envisageai une zone de recherches aériennes pour le lever du jour

et demandai aux gendarmes nationaux de se préparer à patrouiller le long de la côte au vent, en direction du cap Sicié,

imaginant que l’embarcation pouvait s'être échouée dans ce secteur, difficile d’accès. Mes demandes reçurent l’accueil

que l’on peut imaginer une nuit de Noël mais furent acceptées et exécutées sans délai.

Après le lever du jour, les recherches aériennes entreprises ne donnèrent rien. C’est alors qu'un pêcheur de La Ciotat,

sorti pour ramasser ses filets qu’il n’avait pu repêcher dans le coup de vent de la veille, signala avoir récupéré, au large

de Bandol, les naufragés et leur embarcation, sains et saufs. Je le félicitai et le remerciai chaleureusement. En réponse,

il m’indiqua que les deux naufragés voulaient absolument me voir en début d’après-midi. Étonné de cette demande,

j’indiquai que je les attendrais au CROSS. Je prévins ma famille que je serais à nouveau absent pour le repas du jour de

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Noël. J’attendis, curieux de connaître les circonstances exactes de la détresse, en remplissant mes feuilles d’opérations.

Je vis arriver deux individus qui m’agressèrent verbalement, me disant que c’était un scandale, qu’ils payaient des

impôts pour être sauvés, que tous les fonctionnaires, civils ou militaires, étaient des incapables, etc.…

J'attribuai cette excitation à une fatigue réelle : ils avaient passé une nuit en mer, écopant leur embarcation dans le

froid et la pluie. Je leur signalai néanmoins que personne ne les avait obligés à aller faire un tour en mer, le 24 décembre

par mauvais temps, dans une embarcation dont le moteur s’était révélé à l’examen mal entretenu. Je les informai du

nombre de personnes et des moyens mis en œuvre depuis la veille pour tenter de les retrouver et je leur dis que, hélas !

le sauvetage des personnes était gratuit. Je n’exprimai ce regret qu’au vu de leur comportement car je considère ce

principe de gratuité comme la traduction la plus noble de la solidarité des gens de mer. Mettant un terme à cet entretien

désagréable, je rejoignis ma famille, un peu amer…

Chaque sortie ne conduisait pas à un résultat positif, du fait en particulier des très nombreuses fausses alertes pro-

voquées par des individus stupides et inconscients. L’incertitude des évènements en mer conduisait à chaque fois à

prendre en compte ces alertes que le CROSS analysait en essayant d’en déterminer la réalité. Ce travail permettait

parfois, en prenant la responsabilité de ce choix, d’éviter des sorties inutiles ce que les équipages appréciaient de la part

du CROSS dont un des rôles était de rationaliser l’emploi des moyens pour éviter le gaspillage.

* *

LE CROSS :

UNE STRUCTURE AUX MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS PARTICULIÈREMENT MODESTES

Sur le plan humain

Je restai un an sans adjoint susceptible d’assurer ma suppléance, j’étais donc en permanence de service, 7 jours sur

7, hormis durant mes congés, pris en dehors de la saison estivale, pendant lesquels un intérimaire, administrateur d’un

autre service, venait me remplacer. J’eus souvent à quitter en catastrophe le domicile familial, de nuit comme de jour.

Je ne suis pas très féru de paranormal et autres divinations mais je dois dire qu’à plusieurs reprises, je me réveillai la

nuit quelques secondes avant que la sonnerie du téléphone ne retentisse ; pressentiment ? transmission de pensée de

l’appelant, jeune appelé impressionné par les alertes ? Je ne saurais dire mais ce furent les seules circonstances de ma

vie où ce phénomène de subconscient se manifesta.

Un jeune adjoint, officier d’administration des affaires maritimes*, vint me rejoindre ultérieurement. Il présentait

l’avantage d’avoir été radio dans la Marine nationale mais ses compétences nautiques étaient limitées, aussi dus-je

continuer à assurer seul, pendant plusieurs mois, la permanence du commandement.

La situation du domaine immobilier

La situation du domaine immobilier dans lequel le CROSS devait exercer ses activités était plus que précaire. Mon

prédécesseur avait trouvé des installations non utilisées par la Marine nationale depuis plusieurs décennies. Elles se

composaient d’une casemate enterrée pour 90% de sa hauteur et de deux grands bâtiments à usage d’habitation dont

seuls les murs extérieurs et une partie de la toiture étaient à peu près en état. Il formula une demande de crédits consé-

quente pour pouvoir aménager la casemate en local opérationnel, installer le matériel de radiocommunications et de

télécommunications nécessaire et enfin procéder à la réfection des "locaux vie" pour pouvoir y loger la vingtaine de

marins qui devaient vivre sur le site.

La modicité des crédits accordés ne permit de réaliser qu’une partie des installations. Le CROSS commença à

fonctionner avec un minimum qui s’avéra souvent insuffisant tant du point de vue de la fiabilité des installations que

du confort des locaux opérationnels, chauffés l’hiver à l’aide de quelques radiateurs électriques mobiles. Sans doute

"Paris" imaginait-il qu’il ne faisait jamais froid dans la région toulonnaise !...

Les marins vivaient dans des conditions précaires ; leurs repas provenaient d’une cuisine centrale de la Marine

nationale, située à 10 km du CROSS ; il fallait aller les chercher avec un véhicule racheté aux Domaines qui totalisait

plusieurs centaines de milliers de kilomètres, ce qui le rendait souvent indisponible. Dans ce cas, le chef de centre ou

un des gendarmes maritimes affectés au CROSS utilisait son véhicule personnel pour ravitailler l’équipage…

C'est dans ces conditions que l'on prétendait faire, et que l'on faisait, du sauvetage. Telle était l’inconscience de ceux

qui devaient attribuer et mettre en place les moyens nécessaires à l’exercice de notre nouvelle mission ; et aussi de ceux

qui acceptaient de l’accomplir ! Mais il est vrai que l’intérêt de la mission faisait oublier bien des vicissitudes maté-

rielles. Sans doute les CROSS ne pouvaient-ils prendre leur essor sans qu'eût été apportée, au prix minimum, la preuve

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de leur utilité ... Il n’empêche que les risques de mise en cause des responsables des opérations de sauvetage, suscep-

tibles de commettre des erreurs en raison de moyens inadaptés à l’exécution de leur mission, étaient réels. Je fis moi-

même l’objet d’une enquête de gendarmerie après la disparition, signalée avec beaucoup de retard par nos services, de

cinq plaisanciers...

A mon arrivée, je trouvai une situation matérielle minimale, néanmoins améliorée par les membres de l’équipe

précédente. Ils avaient payé de leur personne pour créer de meilleures conditions de travail en exerçant, en plus des

tâches opérationnelles, divers métiers du bâtiment. Seuls certains personnels militaires pouvaient accepter de telles

conditions de travail ! Un matelot garde pêche, fonctionnaire civil, déclaré inapte à la navigation, apporta une aide

précieuse à l’amélioration matérielle du site. Cet homme remarquable était doté d’une grande puissance de travail as-

sociée à un état d’esprit exceptionnel. Il apporta davantage à la cause du sauvetage en mer que certains hauts fonction-

naires parisiens dont c’était pourtant le devoir …

Pour essayer d’obtenir des conditions de travail plus satisfaisantes, j’élaborai des projets immobiliers qui n'étaient

pas trop ambitieux. Je proposai la création de véritables locaux opérationnels et la réhabilitation complète des logements

de l’équipage. Ces travaux ne connurent un commencement d’exécution que quatre ans après mon départ !...

Le CROSS vécut ainsi dix ans dans une situation précaire alors que ses activités se développaient et que son rôle

s’affirmait. La catastrophe de l’AMOCO CADIZ en mars 1978 décida les responsables politiques à doter les services de

surveillance et de sauvetage en mer d’infrastructures décentes ; les rapports dans ce sens n’avaient pourtant pas man-

qué ...

La couverture radio

La géographie du littoral méditerranéen permettait de créer, grâce à l’importance du relief près des côtes, une cou-

verture radio allant assez loin vers le large. Mon prédécesseur avait réussi à implanter, à 700 mètres d’altitude, sur un

point haut visible du centre de La Garde, un émetteur/récepteur télécommandé depuis le CROSS, ce qui lui donnait des

performances flatteuses en matière de radiocommunications au large du Var. Je souhaitais développer ce dispositif sur

l’ensemble de la côte, la technique ne permettant pas à l’époque de tout renvoyer à La Garde. Aussi proposai-je de créer

des centres secondaires à l’ouest de la zone et en Corse où le développement des traversées par les plaisanciers, qui

n’avaient pas encore le GPS*, posait de réels problèmes de sécurité et de sauvetage. Par ailleurs la présence d’antennes

du CROSS me paraissait favorable à une meilleure coopération des services locaux de sauvetage.

Pour étudier les implantations envisageables les plus favorables, j’installai une VHF marine dans mon véhicule

personnel et me mis à parcourir le littoral méditerranéen, y compris celui de la Corse, pour étudier les portées et décider

des sites les plus propices. Là encore mon prédécesseur avait exploré cette idée et avait déjà négocié avec la Marine

nationale l’utilisation d’un vieux sémaphore désaffecté situé au sommet du mont Saint-Loup, sur la commune d’Agde.

Son idée était d’implanter un service annexe du CROSS La Garde dans une zone où la navigation de plaisance allait

connaître un essor remarquable du fait de la création de nombreux ports de plaisance dans la région Languedoc-Rous-

sillon.

La création du sous-CROSS* d’Agde

Le projet de création d’un sous-CROSS saisonnier en Agde répondait d’abord à une considération d’ordre technico-

opérationnelle, à savoir disposer d’un relais radio. Un deuxième aspect portait sur la nécessité de conserver un contact

permanent avec les stations SNSM locales.

En l’absence de moyens budgétaires et de personnel, ce projet était resté lettre morte. Je le repris à mon compte,

tablant sur une éventuelle participation financière, pour les questions d’infrastructure, des sociétés d’économie mixte

chargées de l’aménagement du littoral. J’obtins satisfaction pour l'aménagement d’une partie de l’ancien sémaphore

afin d’y placer une salle de quart et une chambrée pour quelques marins ; il n’y avait pas d’eau, celle-ci était livrée deux

fois par semaine par les pompiers. Le premier chef de quart qui accepta de prendre en charge ce sous-CROSS, préféra

loger dans sa caravane installée devant le sémaphore ; l’électricité lui arrivait par un câble courant à même le sol dans

la garrigue !

Dans des conditions aussi précaires, je ne pouvais envisager d’ouvrir cette antenne de manière permanente ; de toute

façon, les effectifs disponibles ne le permettaient pas. L’ouverture ne se fit que pour un service estival répondant aux

besoins des plaisanciers dont la présence augmentait de façon sensible en juillet et en août. Les problèmes de personnel

furent réglés par... la suppression des congés d’été pour tous les membres du CROSS qui reçurent de maigres renforts

dont un jeune administrateur issu de la “Jeanne d’Arc”, placé là pour quelques semaines avant sa première affectation.

D’aucuns ont conservé un souvenir ému de ce premier contact avec une certaine réalité du travail dans les Affaires

maritimes, dont un futur Secrétaire général de la Mer*…

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La situation de la Corse

Il n’existait pas de centre secondaire du CROSS en Corse. Le trafic maritime "plaisancier" était alors assurément

moins important que de nos jours. Le CROSS prenait beaucoup appui sur les capitaineries des ports de plaisance.

Je ne me rappelle pas avoir vécu des opérations importantes "au milieu" entre Corse et continent hormis problème

d’absence de vent ou ... panne de gas-oil....

En Corse, le rôle des chefs de quartier de Bastia et Ajaccio restait prédominant. Ils appuyaient leur action sur les

quelques moyens SNSM existants ainsi que sur quelques moyens privés (vedettes à passagers) utiles.

Tout y était plus compliqué que sur le continent. Certes le relief permettait d’implanter des émetteurs en points hauts

mais on ne pouvait espérer couvrir l’ensemble du littoral à partir d’un seul point. Je proposai, pour commencer, une

présence en Balagne et dans le Cap Corse, régions privilégiées d’atterrissage et de départ des plaisanciers faisant la

traversée. Je repris ma voiture et, avec l’aide de l’administrateur des Affaires maritimes de Bastia, mon homonyme qui

me succéda à La Garde, je choisis de créer une antenne du CROSS à l’Île Rousse, toujours dans un ancien sémaphore,

à l’époque désaffecté. Ce projet connut un début d’exécution juste avant mon départ. Mon successeur fut très attaché à

sa poursuite et obtint les crédits nécessaires pour une installation immobilière convenable. Mais les postes budgétaires

pour le personnel tardèrent à être mis en place et, quelques mois après sa remise à neuf, ce bel immeuble vide de tout

occupant fut ... détruit par une explosion…

Le Sous-CROSS de Corse verra plus tard le jour à Aspretto, en 1985 dans un site sécurisé, la technique permettant

alors de télécommander depuis cet endroit tous les émetteurs placés sur les sommets du littoral, assurant ainsi une

couverture presque complète des côtes de la Corse.

La surveillance aérienne

Je conçus le projet de proposer la création d’unités de surveillance aérienne. Cette idée résultait de plusieurs cons-

tatations à caractère opérationnel. L’observation aérienne permet d'observer rapidement une situation sur un espace

assez large. Nous avions souvent besoin, en zone côtière, disons dans les vingt milles, d’effectuer très vite des recherches

de petites embarcations. Nous utilisions pour cela des engins inadaptés, hélicoptères légers sans moyens de navigation

ou aéronefs lourds de la Marine nationale dont le coût de mise en œuvre était élevé. De plus, dans le cadre d'une sur-

veillance des pêches et des pollutions, une observation aérienne permet de détecter très vite la présence de navires en

infraction et d'en informer aussitôt les moyens d’intervention de surface.

Ma proposition d’équipement en aéronefs trouvait une nouvelle justification au moment où l’opinion publique pre-

nait conscience de la multiplication des déballastages sauvages, ce qui commençait à motiver les responsables poli-

tiques. Je reçus donc l’accord pour étudier la mise en œuvre de moyens aériens légers. Après bien des délais, le Ministère

des Transports décida d’acheter un aéronef FTB 337 pour procéder à des essais en mer. Les équipages furent fournis

par l’administration de l’aviation civile mais l’avion fut baptisé “Affaires maritimes”. Compte tenu de la nécessité de

renvoyer vers les CROSS les informations enregistrées par les détecteurs de pollution embarqués et étant donné l’ab-

sence, à l’époque, de couverture complète du littoral par les moyens radio des CROSS, des camions équipés d’enregis-

treurs furent acquis pour suivre le long du littoral les avions en cours de patrouille en zone côtière. Tout ceci fut long à

mettre en place et j’avais quitté le CROSS quand le premier avion arriva en Méditerranée. Mon successeur se montra

fort enthousiaste pour mettre en œuvre ce dispositif qu’il qualifia de “air AffMar”. Les arbitrages interministériels qui

suivirent le sinistre de l'AMOCO CADIZ en décidèrent autrement et la surveillance aérienne fut confiée à une autre

administration…

Conclusion

Je quittai le CROSS après quatre années d’activité intense et de présence constante. J’étais quelque peu désespéré

de constater la lenteur avec laquelle l’administration prenait en considération les besoins matériels et humains de ce

service, pourtant nécessaires pour lui permettre de bien accomplir sa mission. J’étais néanmoins heureux d’avoir con-

tribué à son développement et d’avoir participé à de nombreuses opérations de sauvetage. Je considérais que j’avais eu

de la chance de ne pas me trouver mis en cause dans des affaires à l’issue malheureuse tant nos conditions de travail

étaient précaires.

Par bonheur, efforts et sueurs froides partagés avec mes collègues chefs de CROSS finirent par être récompensés.

La reconnaissance de l’utilité de ce service aboutit à la mise en place de moyens humains et matériels conséquents.

Pour moi, l’aventure de la montée en puissance des CROSS constitua une aventure osée mais peu soutenue par

l’administration centrale et parfois contestée en interne.

Avec le recul et au regard de l’évolution qu’ont connu les services de l’administration sur le littoral, je considère

que les CROSS ont contribué à ancrer de façon essentielle la place des Affaires maritimes dans le paysage administratif

français.

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* = *

L’aspirant (MM) DENIS au CROSS/MED en 1972

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Le CROSS MANCHE à Jobourg de 1970 à 1980

AGAM (2s) Roger JAFFRAY, chef du CROSS MANCHE de 1974 à 1980

Rappel de la période 1970-1974

L’APAM Noël QUÉRÉ exécute un travail considérable en créant le centre de Jobourg et en réalisant une implanta-

tion à Gris-Nez.

Il choisit le site de Jobourg, y fait construire deux bâtiments provisoires préfabriqués (un bâtiment opérationnel, un

bâtiment de vie, un garage et le local du groupe électrogène), met en place les équipements1, reçoit et forme les premiers

équipages2, met en place l’organisation du service3, assure la subsistance du personnel (en liaison avec le centre ato-

mique de La Hague). Il établit et maintient les contacts avec tous les acteurs du sauvetage (préfectures maritimes, société

nationale de sauvetage en mer, gendarmerie, douane, sécurité civile, stations côtières des télécommunications4, etc.),

avec les services des affaires maritimes (et leurs stations maritimes encore nombreuses à l’époque), les ports de com-

merce, de pêche et de plaisance, ce qui représente des centaines d’organismes et de personnes répartis sur le littoral de

dix départements. Il organise les relations avec les autorités maritimes étrangères. Des liens particuliers et permanents

sont établis avec les garde-côtes britanniques5, ainsi qu’avec les responsables des îles anglo-normandes.

À Gris-Nez, les locaux de l’ancienne école des gardiens de phare sont utilisés. Vu l’isolement, une organisation

locale est adoptée6.

Les officiers des affaires maritimes au début des CROSS

En 1966, lors de l’initiative de l’AG2AM BÉLINGARD, et à la création officielle des CROSS, en Juillet 1970,

l’économie des pêches peut être considérée comme la partie noble du travail des officiers des affaires maritimes, celle

qui leur permet d’intervenir dans le développement des entreprises du principal secteur d’activité qu’ils administrent.

Les attributions administratives et la gestion (encore totalement locale) de l’ENIM7 occupent une grande partie de leur

temps. En matière de sécurité, les chefs de quartier président les commissions de visite et orientent l’action des inspec-

teurs de la navigation. Mais seuls deux administrateurs, à Marseille et au Havre, se consacrent à plein temps à la sécurité.

Les chefs de quartiers sont attachés à leurs responsabilités traditionnelles en matière de sauvetage côtier, mais il leur est

difficile d’organiser une permanence dans chaque circonscription. L’organisation des services repose sur la responsa-

bilité générale du chef de quartier dans tous les domaines de compétence, sous l’autorité du directeur régional.

A cette époque, la nécessité apparait de créer des centres spécialisés8 et de former des personnels en conséquence.

Ainsi, à la création des CROSS, il devient nécessaire d’orienter un certain nombre d’administrateurs des affaires mari-

times vers l’activité opérationnelle, ce qui constitue une sorte de révolution culturelle. Une certaine logique conduit à

choisir ces administrateurs parmi les anciens navigants. Les premiers chefs de CROSS se forment sur le tas, certains

suivant les cours de la SAR School aux États-Unis. Ces officiers vont avoir des responsabilités passionnantes, surtout

au cours des quinze premières années pendant lesquelles les structures, les équipements, les règles de fonctionnement

et les effectifs vont être mis en place.

Parallèlement, il est nécessaire de prévoir des officiers adjoints, logiquement choisis parmi les officiers d’adminis-

tration qui vont devenir les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes (OCTAAM). Opportu-

nément, plusieurs d’entre eux proviennent des officiers radioélectriciens de la marine marchande ou des officiers

mariniers détecteurs ou transmetteur. Ils trouvent une place évidente dans un organisme où les moyens de transmission

et de détection sont essentiels.

1 Une importante cartographie murale, des moyens de transmission (principalement HF BLU), de la documentation etc. La radiotéléphonie VHF commence à se développer. Les liaisons HF du CROSS conduisent à créer un réseau d’antennes filaires sur plusieurs mats. 2 Issus pour une grande partie du service national, qu’il s’agisse des chefs de quart ou des opérateurs.

3 Les premières instructions définissent les responsabilités, mais laissent largement les procédures à l’initiative des responsables. Par la suite, il deviendra nécessaire d’établir des règles de procédure de plus en plus précises. 4 Les stations côtières des télécommunications continueront pendant plusieurs années à assurer les veilles de sécurité en radiotélégraphie et en radiotéléphonie HF. 5 Le Captain Emden, à St Margaret, et le Commander Brunner, à Shoreham, deviennent pendant des années les principaux interlocuteurs du CROSS, mais également des amis. 6 La nourriture est fournie par l’auberge Courquin à Audhingen.

7 Le Centre administratif des affaires maritimes de Saint Malo (CAAM) commence son activité, mais les centres spécialisés de l’ENIM n’existent pas encore. 8 CAAM, ENIM, CROSS, puis CSN.

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Très vite, il apparaît souhaitable de ne pas créer un ghetto opérationnel pour les anciens navigants, par ailleurs en

nombre décroissant. Des administrateurs adjoints d’origine universitaire sont donc désignés, quelquefois dès leur pre-

mière affectation, au débarquement de l’école d’application. L’un d’eux, débarquant de la JEANNE D’ARC, commencera

à Jobourg une brillante carrière qui le conduira à la quatrième étoile. Beaucoup d’autres suivront.

Évolution de l’encadrement à Jobourg et à Gris-Nez

L’effectif d’encadrement augmente progressivement. À l’origine, à Jobourg, il comprend un administrateur, chef de

CROSS1, et un officier adjoint2 Un administrateur est désigné comme adjoint vers 19723. Un second OCTAAM est

affecté vers 19744. Avec quatre officiers à Jobourg, la permanence du commandement peut être assurée mais elle est

encore exercée de nuit à domicile5. Ce n’est que dans les années 1980, avec l’affectation d’un cinquième officier, que

la permanence pourra être assurée au centre.

À Gris-Nez, un officier est affecté à la création de l’antenne CROSS6. Un administrateur principal est affecté à la

création du sous CROSS7. Un adjoint est alors affecté8.

À Camaret, le chef de quartier est chef du sous-CROSS estival9.

Le personnel au début du CROSS Manche

En 1966, l’initiative de créer une nouvelle structure opérationnelle vient de la côte (la direction régionale de Nantes),

non de l’administration centrale. Il n’existe donc pas de plan d’armement. Il faut faire flèche de tout bois et trouver des

chefs de quart et des opérateurs sans création de postes budgétaires.

À l’époque, les quartiers, pour la plupart, possèdent un poste de gendarmerie maritime. Au prix de quelques muta-

tions, il est décidé d’affecter des gendarmes dans les CROSS10, au motif fallacieux qu’ils feront régner la discipline

dans l’équipage, mais peut-être aussi parce que certains postes de quartier ont une activité jugée réduite. Deux gen-

darmes maritimes sont ainsi affectés à Jobourg. Pour la plupart anciens de la marine nationale, mais de spécialités

diverses, les gendarmes successivement affectés11 deviennent chef de quart sauvetage ce qui nécessite leur formation

sur le tas. Ces deux emplois sont maintenus sept ou huit ans. Ces militaires, dont les affectations sont longues, apportent

un concours apprécié.

La marine nationale accepte de mettre à disposition diverses catégories de personnel. Ainsi deux aspirants de marine

de réserve provenant de la marine marchande sont affectés dans chaque CROSS. Un officier-marinier complète à cinq

le nombre des chefs de quart. Enfin, des matelots du contingent sont affectés comme opérateurs.

Les aspirants de marine de réserve sont généralement titulaires du diplôme d’élève-officier au long-cours et réunis-

sent au moins quelques mois de navigation, quelquefois un an ou plus. Passant six mois à l’école des élèves-officiers

de réserve (EOR), ils sont formés aux besoins de la Marine nationale. Affectés aux CROSS, ils s’adaptent rapidement

aux fonctions de chef de quart sauvetage et, par la suite, à celles de chef de quart circulation maritime. Au bout de six

mois, ils sont promus enseignes de vaisseau de réserve. Lorsque les besoins des CROSS augmentent avec la création

des services de surveillance et d’information de la navigation des centres de la Manche, la formation à l’école des EOR

est orientée vers leur prochaine affectation. L’emploi des officiers de réserve provenant de la marine marchande se

révèle efficace, mais leur affectation d’un an est courte et la relève simultanée de plusieurs d’entre eux peut faire craindre

une baisse de la qualité du service à ce moment. Globalement, ces officiers permettent largement le fonctionnement des

CROSS pendant une longue période.

Dès l’origine, un officier-marinier est affecté au CROSS comme chef de quart. Il provient normalement d’une spé-

cialité de conduite du navire ou des transmissions. Il doit être formé à ses nouvelles fonctions, mais a l’avantage d’être

affecté pour trois ans. Ces personnels sont souvent d’une qualité appréciée.

1 APAM Quéré, puis AC2AM Jaffray. 2 OCTAAM Prunier, puis Gressier. 3 A1AM Escaffre, puis APAM Hinterseber, puis A1AMDumser, puis A2AMBaraduc. 4 OCTAAM Masson, puis Knockaert. 5 Le téléphone portable n’existe pas encore. Des tentatives sont faites pour équiper en radiotéléphonie le véhicule transportant les officiers entre le centre et les domiciles. 6 L’OCTAAM Bernard assure avec une compétence exceptionnelle et un dévouement sans limite les fonctions de chef de l’antenne, puis du sous CROSS de Gris-Nez. 7 L’APAM Pouppeville est d’abord chef du sous CROSS de Gris-Nez, puis chef du CROSS. 8 OCTAAM Le Borgne de la Villandre. 9 APAM Breuillot. 10 La gendarmerie maritime a d’ailleurs été associée fortement au premier CROD, à Lorient. 11 Les gendarmes Jeanne, Giry et Menguy.

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Le personnel du rang provenant du contingent est choisi en priorité parmi les inscrits maritimes. Matelots d’équipage

ou matelots sans spécialité, ils sont opérateurs de téléphone, opérateurs radio et doivent participer au service général

(entretien, service sommaire des repas etc.). Ce personnel est très hétérogène. Les marins professionnels du commerce

ou de la pêche ont généralement de bonnes motivations et une connaissance approximative du monde maritime. Mais

ce n’est pas toujours le cas. Le niveau d’instruction est très variable. Ces personnels participent pendant longtemps au

fonctionnement des CROSS, mais leur inadaptation apparaît en plusieurs circonstances. Ils présentent en outre l’incon-

vénient d’affectations courtes.

L’évolution du personnel de 1974 à 1980

Au milieu des années 1970, il apparait nécessaire de remplacer les chefs de quart gendarmes maritimes et officiers

mariniers par des personnels permanents et spécialement formés. En septembre 1978, les trois premiers guetteurs sé-

maphoriques sont affectés à Jobourg.

A la même époque cinq officiers de marine de réserve provenant de la marine marchande viennent s’ajouter pour

assurer le quart au service de surveillance et d’information de la navigation en Manche centrale qui fonctionne à partir

du premier janvier 1979.

Un ambitieux plan d’armement est alors proposé, comprenant cinq chefs de quart “sauvetage” et cinq chefs de quart

“circulation”, soit dix officiers de réserve provenant de la marine marchande, cinq opérateurs radio, cinq opérateurs de

téléphone et cinq opérateurs radar, soit quinze matelots du contingent. Ce plan, conçu pour Jobourg1, devait être appli-

cable à Gris-Nez et, par la suite, à Corsen.

Vers 1980, le CROSS Manche dispose d’un sous-CROSS à Gris-Nez et participe aux études pour la création d’un

autre sous-CROSS dans le Finistère2 qui doit alors être rattaché au CROSS Manche. Plusieurs AC1AM se succèdent

alors aux fonctions de chef du CROSS/MA3 qui constitue une entité importante, en pleine évolution. Cette situation se

maintiendra jusqu’à l’éclatement du CROSS Manche en trois CROSS.

Par la suite, la suppression du service national contraindra à remplacer le personnel appelé par du personnel profes-

sionnel. Des gradés du corps des guetteurs sémaphoriques seront alors choisis pour constituer les effectifs des CROSS.

La présence effective de l’officier de permanence permettra de reconsidérer le plan d’armement envisagé vers 1980.

Le personnel technique d’entretien provient du corps des électromécaniciens des phares & balises4*. Un personnel

administratif des affaires maritimes s’y ajoute.

Organisation interne des CROSS de la Manche

Dès le fonctionnement d’un service de surveillance de la circulation maritime, à Gris-Nez, d’abord, à Jobourg, en-

suite, il apparaît que le personnel opérationnel qui lui est affecté ne doit pas en être distrait pour diriger une opération

de sauvetage ou toute autre opération (pêche, pollution). La surveillance du trafic exige en effet qu’une attention per-

manente soit portée à la situation surface. Le personnel opérationnel est donc affecté soit à la circulation, soit aux

opérations. En l’absence de l’officier de permanence*, pendant la nuit, chacun des chefs de quart (circulation et opéra-

tions) a donc une responsabilité importante qui sera réduite par la suite avec la présence sur place de l’officier de per-

manence.

Par ailleurs, il apparaît rapidement que les officiers exerçant les fonctions d’officier de permanence5 doivent se

répartir les responsabilités techniques, opérationnelles et administratives.

La structure interne des CROSS de la Manche se dessine ainsi entre une équipe opérationnelle “circulation” et une

équipe “opérations ” (sauvetage, pêche, pollution), ayant chacune un chef de quart, sous l’autorité de l’officier de per-

manence, et assurant un service continu. Parallèlement, des services (opérations, technique, intérieur etc.) assurent le

fonctionnement du centre de façon discontinue.

1 En 1979, huit aspirants embarquent au CROSS. 2 Une implantation à Camaret avait initialement été envisagée (1977). L’APAM Breuillot, chef de ce quartier et chef du sous-CROSS estival, participe aux réunions préparatoires en même temps que le chef du CROSS/MA. L’implantation à Corsen et Ouessant est décidée en 1978. 3 Les fonctions de chef de CROSS sont généralement exercées par des AC2AM. 4 Le service technique des phares & balises, à Bonneuil, assure les études, la préparation et l’exécution des marchés de fourniture des matériels de détection, transmission et d’énergie. Il organise la maintenance qui est assurée par des sociétés privées. 5 Qui deviendront par la suite CMS, c'est-à-dire coordonnateurs de mission de sauvetage*.

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ACTIVITÉ

Rappel de la période 1970-1974

En matière de sauvetage, la suppléance des quartiers est progressivement remplacée par l’intervention directe du

CROSS.

En baie du Mont Saint-Michel, un PC mobile, installé dans une camionnette, équipé de jumelles de sémaphore et de

moyens radios, est mis en place à Champeaux pendant les grandes marées afin d’assurer la sécurité des personnes

surprises par la marée. Il alerte principalement l’hélicoptère de la sécurité civile de Granville.

Un système de déclarations volontaires de partance pour les navires de plaisance de croisière est créé en liaison avec

les ports de plaisance. Il contribue à faciliter les recherches en cas d’inquiétude pour un de ces navires.

En matière de surveillance de la navigation, l’antenne de Gris-Nez assure une veille radar (1972) et diffuse par radio

des bulletins d’information à la navigation (1973).

Les grands événements de mer de 1974 à 1980

Plus encore que la façade méditerranéenne ou la façade atlantique de la France, la Manche est le théâtre d’une intense

activité maritime internationale qui longe le littoral de bout en bout. Le nombre et la gravité des accidents de mer

concernant les grands navires y sont plus importants. Parmi eux, on peut citer pendant la période considérée les sinistres

suivants :

• Le 26 novembre 1974, le pétrolier français CHAUMONT, lège, et le pétrolier danois Peter Maersk ont un abordage

à 35’ du Havre ; 1 600 t de fioul lourd se répandent ; le 27, 13 bâtiments combattent la pollution.

• Le 12 novembre 1975, le pétrolier OLYMPIC ALLIANCE, avec 220 000 t de brut, a un abordage avec la frégate

britannique HMS ACHILLES dans le Pas de Calais ; la pollution atteint la côte anglaise ; 4 navires français et 8

anglais interviennent.

• Le 24 janvier 1976, le pétrolier libérien OLYMPIC BRAVERY, lège, s’échoue au N d’Ouessant ; 1 200 tonnes de

fioul de propulsion sont rejetées.

• Le 16 octobre 1976, le pétrolier BOEHLEN coule au large de l’île de Sein avec 7 000 t de brut lourd vénézuélien ;

le chargement suinte.

• Le 18 février 1977, le cargo grec TARINA, avec 800 tonnes de produits chimiques, ayant passé les Casquets vers

le Brésil, subit des explosions et un incendie en cale et demande assistance. Sous escorte franco-britannique, il

tente de gagner Le Havre dont l’accès lui est refusé après expertise au large. Il mouille au large de Saint-Vaast.

Le 19, les marins pompiers de Cherbourg, embarqués sur la gabare la Fidèle, étouffent l’incendie au CO2.

• Le 17 mars 1978, le pétrolier libérien AMOCO CADIZ, en avarie, s’échoue à Portsall (Finistère), avec 227 000 t de

brut du golfe arabo persique ; une pollution majeure atteint toute la Bretagne Nord.

• Le 28 avril 1979, le pétrolier-vraquier libérien GINO, chargé de 41 000 t de carbon black (plus lourd que l’eau),

après un abordage, coule au large d’Ouessant.

• Le 7 mars 1980, le pétrolier malgache TANIO, transportant 26 000 t de fioul lourd réchauffé, se casse dans le

mauvais temps, se trouvant dans le Nord de l’île de Batz ; 31 marins sont évacués par hélicoptère, il y a 3 morts

et 5 disparus ; la partie avant du navire coule ; la partie arrière est remorquée au Havre ; la pollution est estimée

à 8 000 t.

Pour ces événements majeurs, la responsabilité du CROSS/MA est d’abord partagée avec les garde-côtes britan-

niques, en fonction des zones de responsabilité qui sont rapidement définies avant d’être reconnues par l’OMCI (qui

deviendra l’OMI*). Ensuite, le préfet maritime de Cherbourg ou de Brest prend rapidement la direction des opérations,

soit parce que l’évacuation des équipages sinistrés par mauvais temps exige la mise en œuvre des hélicoptères lourds

de la marine, soit parce que le risque de pollution est évident. En outre, la mer d’Iroise et les approches de Brest sont

un sanctuaire nucléaire où il n’existe pas encore de sous-CROSS permanent. Mais, même lorsque le préfet maritime

dirige les opérations, le rôle du CROSS/MA demeure important, aussi bien dans le domaine du recueil de l’information

que dans celui de la mise en œuvre des moyens civils. Ce rôle du CROSS a été mis en évidence lors des procédures

engagées à la suite de la pollution de l’Amoco Cadiz. Le chef de CROSS et son chef de quart ont été mis en cause par

la défense de la compagnie pétrolière tout autant que l’officier de suppléance de la préfecture maritime.

Le groupe franco-britannique Anglo French Safety Of Navigation Group (AFSONG*) qui s’était constitué en 1972

entre les premiers intervenants (HM Coast Guard, CROSS et les deux administrations centrales des transports) est ins-

titutionnalisé. Il sera étendu au préfet maritime. En son sein, le sous-groupe Anglo French Accidents Technical group

(AFATG) traite de la coordination en cas d’accidents majeurs et plus généralement en matière de sauvetage.1

1De grands exercices MANCHEX sont organisés chaque année.

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Opérations de sauvetage

Pour les opérations courantes de recherche et de sauvetage, le CROSS/MA fait appel aux moyens classiques de la

société nationale de sauvetage en mer (SNSM), ainsi qu’à ceux des administrations possédant des navires ou aéronefs.

Pendant les six années considérées, la coopération demeure excellente, sous réserve de quelques très rares circonstances,

tenant particulièrement à la disponibilité des moyens. Il apparaît que la zone de la Manche conserve une vieille tradition

du sauvetage maritime, sans doute née au fil des siècles.

Il existait alors en Manche deux des trois “vedettes”1 régionales des affaires maritimes inspirées des “croiseurs de

sauvetage” allemands : la Garance était basée à Boulogne, la Coriandre à Cherbourg. Ces unités tout temps étaient parmi

les premières à posséder une rampe arrière permettant la mise à l’eau d’une embarcation pneumatique par mer légère-

ment agitée ; elles avaient une grande disponibilité avec deux équipages. Elles étaient presque les navires idéaux pour

le sauvetage dans les deux zones les plus sensibles de la Manche. Elles étaient souvent mises en œuvre par Jobourg et

par Gris-Nez.

Le hasard de la programmation des vedettes régionales rassemble un jour à Cherbourg les deux vedettes de la

Manche, ainsi que la Marjolaine, du même type, basée à La Rochelle. Le chef de CROSS “hisse sa marque” sur la

Coriandre et, pour l’entrainement des équipages (mais également pour faire quelques belles photos) les fait manœuvrer

toutes les trois à la fois2.

Les stations côtières des télécommunications continuent à assurer la veille des fréquences internationales de sécurité

en radiotélégraphie* et en radiotéléphonie3*. La coopération est excellente avec Le Conquet, Boulogne et Saint-Malo.

Parallèlement, un radio amateur, M. TOURNIQUET de BRANDT, et son épouse, domiciliés non loin du CROSS,

assurent la veille permanente de nombreuses fréquences et sont à l’origine de précieuses informations. Le réseau VHF

des CROSS, est en cours de création, ayant vocation à couvrir la totalité du littoral national.

Une opération de sauvetage extraordinaire demeure en mémoire : en septembre 1974, dans la voie montante du Pas

de Calais, le cargo allemand WESTPHALIA signale avoir perdu un homme à la mer, fait une recherche infructueuse (?) et

reprend sa route4. Gris-Nez fait intervenir la vedette régionale des affaires maritimes GARANCE qui rallie la zone dans

des délais particulièrement courts. La position supposée de la chute à la mer étant connue avec une certaine précision,

la vedette stoppe ses moteurs et éclaire la zone de ses projecteurs. L’équipage entend alors un sifflet. L’homme tombé

à la mer, l’Autrichien Udo Arnusch, est recueilli, en slip, mais tenant ferme son sifflet.

En certaines circonstances, notamment en périodes de mauvais temps, de nombreuses opérations ont lieu simulta-

nément. Ainsi, pendant la fin de semaine du 11 au 14 novembre 1977, par fort coup de vent, 38 interventions ont lieu

en Manche5.

Conception de la surveillance du trafic maritime en Manche de 1974 à 1980

Pendant la période antérieure à 1974, le régime des routes recommandées par l’OMCI est applicable. L’entrée en

vigueur de la convention internationale COLREG* 72, le 15 juillet 1977, constitue une échéance importante puisque le

passage d’un navire dans un dispositif de séparation du trafic (DST*), toujours facultatif, exige désormais le respect de

règles. L’État côtier doit être en mesure de les faire respecter. Outre le Pas de Calais où existe déjà un service de

surveillance et d’information à la navigation, la création d’une surveillance est envisagée au Nord du Cotentin dans les

meilleurs délais, puis, ultérieurement, dans le Nord-ouest du Finistère. Enfin, le 1er janvier 1979, les dispositifs de

séparation du trafic au large des Casquets et d’Ouessant sont modifiés par l’OMCI*.

En 1974, l’acheminement du trafic maritime en Manche est considéré comme constituant un ensemble, ce qui justifie

qu’un seul CROSS, à Jobourg, soit affecté à sa surveillance, le centre de Gris-Nez et le futur centre du Nord-ouest

Bretagne lui étant rattachés comme sous CROSS6.

Les problèmes de la circulation maritime en Manche et dans le Pas de Calais sont traités par un groupe informel

présidé par M. Jean PRUNIERAS*, directeur des phares & balises. Ce groupe réunit les services compétents de l’ad-

ministration centrale7, certains services extérieurs8 et le CROSS. Les études, la préparation et l’exécution des marchés

sont réalisées par le service technique des phares & balises (STPB) de Bonneuil9. La maintenance sera par la suite

1 On parlerait actuellement de patrouilleurs. 2Il existe une photo prise par hélicoptère. 3 Les CROSS veillent 2182 kHz et VHF 16. 4 À souligner que dans un dispositif de séparation du trafic, un navire ne peut faire route inverse dans une voie. La méthode de Boutakov n’est donc pas applicable. 5 La navigation de plaisance est généralement réduite à cette époque de l’année. 6 Cette conception sera mise en cause par la suite, les CROSS étant redéfinis par rapport aux structures régionales de l’État. 7 Dont le bureau des CROSS, dirigé par l’AAM Marc, la cellule pollution, dirigée par l’AAM Marchand, le STPB. 8 La direction régionale des affaires maritimes du Havre, les directions départementales de l’équipement concernées. 9 MM. PALUS et PIÉTRI.

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confiée par marché à une société privée1. L’institut de recherche des transports (IRT*) réalise des comptages et études

de trajectographie.

Au sein d’AFSONG, le sous-groupe Anglo French Navigation Technical Group (AFNTG) traite de la coordination

en matière de circulation maritime.

Surveillance du trafic à Gris-Nez

Des routes recommandées avaient été créées par l’OMCI en 1967/1968 et modifiées en 1973. Une zone de séparation

du trafic avait été instituée en 19712.

En 1972, l’antenne CROSS de Gris-Nez, installée dans l’ancienne école des électromécaniciens de phares*, dispose

d’un radar Raytheon et exerce une surveillance radar. Elle diffuse un service d’information VHF coordonné avec celui

diffusé par les garde-côtes britanniques à St Margaret (en Français en 1973 ; en Français et en Anglais en 1974). Elle

recueille des informations sur le trafic et participe aux comptages et enregistrements effectués par l’institut de recherche

des transports (IRT).

C’est à partir de l’activité de Gris-Nez qu’est élaborée la doctrine du fonctionnement des centres de surveillance du

trafic et de leurs équipements (radars, visualisation, systèmes de traitement de données, radiogoniométrie etc.).

En 1975/1976, un bâtiment neuf est construit. Un second radar (Decca) et un radiogoniomètre VHF sont installés.

Des indicateurs synthétiques en lumière du jour sont étudiés.

En 1977, l’antenne de Gris-Nez devient officiellement sous CROSS. Des consoles spécialement adaptées sont mises

en service. Un extracteur radar est mis en place.

En 1979, Le projet de construction du centre définitif est établi3. De grandes difficultés sont éprouvées avec la

commission des sites4. Une station radar déportée est étudiée à Saint-Frieux pour couvrir la partie Sud-ouest du dispo-

sitif5.

En 1976, puis en 1979, le franchissement du pas de Calais par les navires à grand tirant d’eau est étudié. La création

d’une route adaptée à leurs caractéristiques est même envisagée. Elle ne sera pas réalisée, la construction des pétroliers

de 450 000 t de port en lourd n’étant pas poursuivie6.

Mise en place du dispositif de surveillance du trafic en Manche centrale

Des routes recommandées avaient été créées par l’OMCI en 1968 et modifiées en 1973. En juillet 1977, des règles

pour l’utilisation du dispositif de séparation du trafic des Casquets sont établies. Le 1er janvier 1979, le dispositif est

modifié.

En 1974, le problème majeur est de prévoir la création d’un service d’information couvrant le dispositif de séparation

du trafic des Casquets et, pour cela, d’équiper le centre d’un radar, alors que les prévisions budgétaires imposent d’at-

tendre quelques années.

Un premier radar de bord Decca est récupéré en 1975 sur la vedette des affaires maritimes Coriandre et installé à

Jobourg. Sa portée est faible et ses caractéristiques médiocres, mais il permet à l’équipage de se familiariser avec cet

équipement.

Un second radar est mis à disposition par la marine nationale sous forme d’une station automobile de radar côtier

(SARC) en 1976. Ce radar couvre le dispositif de séparation du trafic, mais exige un personnel supplémentaire pour

assurer une veille permanente. Il n’est donc utilisé que pour des opérations ponctuelles de police de la navigation en

liaison avec des unités de la marine ou des affaires maritimes7.

En juin 1977, sur une intervention de la direction des phares & balises, un radar TRS 3405 est mis en place provi-

soirement par la société Thomson pour validation et dans la perspective d’un achat futur. Il permet toujours une sur-

veillance discontinue, des études de trafic et une participation à des opérations de police.

1 STERIA. 2 Un premier radar de navigation avait été placé à Gris-nez en 1968 par les phares & balises, uniquement pour assurer des comptages occasionnels de trafic. 3 Le bâtiment sera réalisé en 1984. L’architecte des phares & balises est M. MORTREUX. 4 Le site du cap Gris-Nez étant protégé, la commission veut exiger l’enfouissement complet du CROSS. Il est même envisagé que la veille optique soit effectuée par périscope. 5 Le radar de Saint-Frieux ne sera installé qu’en 1987. 6 Le chef de CROSS embarque sur le BATILUS, plus grand pétrolier du monde, pour un franchissement du pas de Calais. 7 Le 24 mars 1977, un début d’incendie se produit dans le radar. Il est éteint par les opérateurs, mais exige une remise en état.

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Un premier radiogoniomètre VHF Rhode & Schwartz est expérimenté en 1978.

A l’issue de la période d’essais du radar Thomson, un radar de navigation Raytheon est installé le 9 octobre 1978

par le Services des phares & balises. Une surveillance discontinue est d’abord effectuée. Puis, un appoint de personnel

ayant été mis en place, un service d’information à la navigation peut être diffusé à la fin de 1978 et officialisé à partir

du 1er janvier 1979. Cette date coïncide d’ailleurs avec la modification du dispositif de séparation du trafic des Casquets,

ce qui entraîne pendant plusieurs jours une grande confusion dans le comportement des navires, heureusement sans

conséquence. Peu après, dans la nuit du 4 au 5 janvier 1979, une tempête de neige d’une violence exceptionnelle pro-

voque l’interruption de l’alimentation électrique EDF puis de l’alimentation de secours et entraîne la mise hors service

du radar. Le service d’information à la navigation, à peine né, est interrompu quelques heures. Depuis lors, il fonctionne

sans interruption.

En dehors de la surveillance du dispositif des Casquets, des transbordements de pétrole sont effectués entre gros

navires citernes dans l’Est du Cotentin, à l’abri des coups de vent d’Ouest. Des contacts avec les armements pétroliers

permettent d’organiser l’information et la surveillance de ces opérations. Le système sera intégré par la suite dans un

cadre réglementaire.

La zone de l’Est du Cotentin est également utilisée par de nombreux navires, généralement de faible tonnage, pour

se mettre à l’abri des gros mauvais temps d’Ouest. Le mouillage désordonné de ces navires est susceptible de créer des

risques d’accident. Les radars de Jobourg ne couvrent pas la zone. Un projet d’implantation d’un radar déporté à Barfleur

ou à la Pernelle1 est étudié. Il ne sera pas retenu, le sémaphore de Barfleur pouvant assurer une surveillance de la zone.

A Pâques 1979, lors de l’étape Cherbourg-Cowes de la course de l’EDHEC, 225 voiliers participants restent encal-

minés, beaucoup se trouvant sur le “rail” de navigation, créant une situation dangereuse pour le trafic. Le CROSS/MA

diffuse l’information nécessaire et rend compte au préfet maritime. En avril 1980, compte tenu des prévisions météoro-

logiques, le préfet maritime interdit la course sur cette étape.

En mai 1980, une collaboration s’instaure entre le CROSS et le pilotage hauturier dont le pilote en service à terre

s’installe au centre. Le 10 mai, un premier pilote est hélitreuillé sur un superpétrolier au large de Cherbourg. Héliservice

met en place à Maupertus une Alouette III pour les besoins du pilotage hauturier.

Le projet de construction du bâtiment définitif du CROSS est étudié pendant toute la période2.Un terrain voisin est

acquis. L’insertion dans le site est particulièrement étudiée3.

Mise en place du dispositif de contrôle du trafic au large d’Ouessant

Des routes recommandées avaient été créées par l’OMCI en 1968 et modifiées en 1973. En juillet 1977, l’utilisation

du dispositif de séparation du trafic d’Ouessant fait l’objet de règles impératives. En 1979, une voie montante destinée

aux pétroliers est ajoutée au DST, au large de celui-ci4.

Le chef de quartier de Camaret, également chef du sous CROSS estival, suit localement l’évolution du projet.

Le 8 février 1977, le président de la République annonce la création d’une surveillance radar au large d’Ouessant.

En juin 1977, puis le 28 octobre 1977, des réunions jettent les bases du dispositif de surveillance de la circulation

maritime. Une tour radar doit être construite à Ouessant, avec faisceau hertzien vers un CROSS sur le continent5.

Le 17 avril 1978, puis en juillet 1978, des réunions dans le Finistère (à Ouessant et à Brest) permettent de choisir le

site de Corsen pour le CROSS Iroise.

De 1979 à 1981, la tour radar du Stiff (Ouessant), est construite6. Un OCTAAM7 est affecté au suivi de la construc-

tion en 1979. En 1979, la marine nationale utilise un radar au sémaphore du Stiff pour assurer une surveillance du DST.

Surveillance de la pollution de la mer par les navires

Les CROSS étant au contact des navires, notamment dans les zones de concentration du trafic ou la probabilité

d’accident est la plus grande, l’instruction interministérielle du 13 avril 1976 leur confie la centralisation des informa-

tions sur les pollutions en mer ayant pour origine les navires. Ces informations sont transmises au préfet maritime

responsable de la lutte contre les pollutions accidentelles. Dans certains cas, ces informations donnent lieu à un constat

1 Dans l’Est du Cotentin. 2 L’architecte est M. Mortreux, architecte des phares & balises. L’architecte local est M. Leseney. 3 L’achat de lauzes de schiste doit être envisagé en Grande-Bretagne, faute d’en trouver dans le Cotentin. 4 Cette voie sera abandonnée en 2003. 5 L’OCTAAM Bernard, ancien chef de l’antenne de Gris-Nez, effectue une mission en 1977 pour l’évaluation des sites. 6 Le bâtiment du CROSS sera achevé à Corsen en 1982. 7 L’OCTAAM Bernard

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d’infraction qui doit recevoir une suite, soit auprès d’autorités étrangères, soit auprès d’autorités françaises. Tous les

constats sont centralisés au CROSS qui les contrôle et les adresse au destinataire compétent.

Au premier rang des préoccupations en Manche se place la prévention des pollutions accidentelles majeures. Au

second rang, il faut traquer les navires pétroliers procédant au nettoyage de leurs citernes1ou se débarrassant de résidus

indésirables2, pratiques encore fréquentes dans les années 1970. Au troisième rang, se placent les rejets, délibérés ou

insidieux, de tous les navires. Le défaut d’étanchéité des presse-étoupe des arbres d’hélice est à l’origine de nombreux

sillages irisés. Le CROSS fait une expérience établissant que le contenu d’un seau de gazole, imprégnant un gros bou-

chon d’étoupe remorqué par une vedette, peut donner des irisations sur quinze milles nautiques.

Avec le recul, l’action menée par la communauté maritime (l’OMI, les administrations maritimes, les armateurs, les

centres de sécurité des navires, les centres opérationnels et les bâtiments et avions de surveillance, ainsi que les ports)

a permis une diminution importante du nombre des pollutions accidentelles majeures en Manche, a pratiquement éli-

miné les pollutions d’exploitation des pétroliers3 et continue à réduire les pollutions mineures de l’ensemble des navires.

Télédétection infrarouge des pollutions marines par hydrocarbures

En 1974, le centre national pour l’exploitation des océans (CNEXO) étudie la possibilité d’utiliser la télédétection

infra rouge pour rechercher et constater les pollutions de la mer par les hydrocarbures. Le laboratoire national d’essais

(LNE*) et l’administration centrale de la marine marchande, dont la cellule (ER/POL), est dirigée par

l’AAM MARCHAND, organisent sa mise en œuvre. Un scanner infra rouge, le super Cyclope, est mis au point. Il est

embarqué sur un petit avion bimoteur de Reims Aviation, le FTB 337, à la silhouette caractéristique push-pull4. Le

super Cyclope est complété par un système de transmission de données au CROSS qui permet en temps réel l’analyse

des détections, le constat des pollutions et l’exploitation immédiate. Une petite équipe comprenant MM. MEYER et

LUBERSAC, ainsi que le colonel de l’air FERRÉ forme les équipes des CROSS.

Des opérations de télédétection sont organisées sur les trois façades maritimes, l’avion et la station de réception

étant successivement affectés à chacun des trois CROSS.

Le 17 novembre 1975, une campagne commence à Jobourg. Le pétrolier caboteur PORT DE BOUC vient de s’échouer

en baie de Saint-Brieuc. L’avion, basé à Maupertus (près de Cherbourg), est immédiatement envoyé sur zone. Le cons-

tat, négatif, permet au CROSS de rassurer toutes les autorités inquiètes.

Du 17 novembre au 5 décembre 1975, au cours de 25 heures de vol, 147 navires sont contrôlés, 11 détections sont

obtenues et 7 “pollueurs” sont identifiés.

L’un des tout premiers vols SURPOLMER illustre la réactivité du système. Un cargo rapide argentin empruntant le

DST des Casquets laisse quelques irisations dans son sillage. Détecté, scanné, photographié et identifié, le navire relâche

en rade de Cherbourg deux heures après pour embarquer un pilote hauturier. Sur la pilotine qui assure la liaison, un

comité de réception l’attend, composé d’un inspecteur de la navigation et d’un gendarme maritime. Le commandant

argentin tombe du ciel à la vue d’un dossier d’infraction complet, pour des faits venant d’être perpétrés. Il n’en résulte

qu’un avertissement, mais le CROSS espère que les coursives des autres navires amplifieront le bruit qui court dans le

Landerneau maritime.

La portée de la télétransmission étant limitée, un PC mobile de télédétection est installé à bord d’une camionnette

équipée de moyens radio et même d’un radar. Ce PC est utilisé en baie de Seine ou au Nord de la Bretagne.

Le système fonctionne pendant plusieurs années, jusqu’à un comité interministériel qui attribue la télédétection aux

avions de la douane, sans transmission des données au CROSS.5

Événements exceptionnels

Le CROSS doit faire face à des événements hors normes. Certains appellent du chef de quart, puis de l’officier de

permanence, une analyse immédiate judicieuse. D’autres entraînent des relations téléphoniques directes et suivies avec

les cabinets ministériels. On peut citer quelques-uns de ces événements :

Le 11 septembre 1974, l’équipage du paquebot FRANCE mouille dans le chenal du Havre pour tenter de s’opposer à

la vente du navire décidée par le gouvernement. Les officiers étant dessaisis, il s’agit d’une sorte de “mutinerie”. Le

24 septembre, le mauvais temps contraint le navire à venir mouiller à l’abri du Cotentin, au large de Saint-Vaast la

1 L’expression “dégazage” des pétroliers a connu une extension abusive dans le langage courant. 2A l’époque, il n’existe pratiquement pas de stations de réception des résidus dans les ports. 3 Des stations de réception des résidus d’hydrocarbures sont progressivement créées dans les ports. 4 L’avion possède une hélice avant et une hélice arrière. 5 Des avions de l’aéronavale sont également gréés en détection des pollutions.

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Hougue. Le CROSS/MA met en place un PC mobile sur camionnette, installé à la Pernelle, pour anticiper toute situation

d’urgence. Le paquebot rentre au Havre le 9 octobre.

Le 6 novembre 1974, par gros mauvais temps d’Ouest, le caboteur allemand sous pavillon de complaisance SANTA

MARIA mouille pour se mettre à l’abri au large de Saint-Vaast. Une opération de sauvetage est alors engagée pour deux

de ses hommes “à la mer”. Les liaisons radio sont mauvaises et des problèmes de compréhension linguistique se posent.

Le 7, une analyse de l’affaire laisse penser que les deux hommes ne sont pas tombés à la mer, mais ont tenté de “déserter”

à la nage. Emportés par les courants, ils ont disparu. Le 8, le chef de CROSS, qui assure en même temps l’intérim du

chef de quartier de Cherbourg, se rend à bord pour enquêter, en utilisant un canot SNSM. Le SANTA MARIA, profitant

d’une embellie, est en train d’appareiller, virant sa chaîne. Son capitaine refuse de retarder son départ et met en route.

Le chef de CROSS recueille rapidement auprès du second capitaine un minimum d’informations et les passeports des

deux disparus. Il débarque in extrémis par une échelle de pilote, alors que le navire sort de l’abri de terre, que la mer

commence à se creuser et que le canot SNSM peine à rallier1.

A la fin de novembre 1975, à 30’ de Barfleur, le navire hydrographique soviétique GORIZONT a un abordage avec le

navire de charge marocain IFNI. Ayant une voie d’eau, il émet un signal de détresse, mais refuse l’assistance du cargo.

Un groupe de navires de pêche soviétiques rallie et se rassemble autour de l’épave, interdisant toute autre intervention2.

LA CORIANDRE et l’escorteur ENJOUE ne peuvent approcher. L’avion POLMAR des affaires maritimes patrouille.

L’épave ayant dérivé en zone britannique, ce n’est qu’au moment de couler que des bâtiments britanniques peuvent

intervenir.

Le 13 décembre 1976, dans la zone de couverture radar de Jobourg, le cargo ATLANTIC HAWK a un abordage avec le

chalutier SAINT-JACQUES. Le cargo continue sa route vers le Pas de Calais. Le CROSS entretient son estime au-delà de

la couverture radar, ce qui permet à Gris-Nez de reprendre le contact radar et d’envoyer la vedette régionale GARANCE

pour l’intercepter. Des traces de la peinture du chalutier sur l’étrave du cargo confirment bien l’abordage.3

A plusieurs reprises, des navires d’organisations non gouvernementales s’interposent dans les opérations de charge-

ment ou de déchargement de déchets radioactifs à bord de navires de charge dans le port de Cherbourg, créant un trouble

de l’ordre public. Le comportement des navires perturbateurs est souvent détectable au radar. L’un d’eux, se dissimule

plusieurs jours derrière l’île anglaise d’Aurigny, croyant avoir été oublié. Dès qu’il appareille vers Cherbourg, il est

pointé par le radar du CROSS et est signalé au préfet maritime. Un bâtiment de la marine l’intercepte.

Surveillance des pêches

À la création des CROSS, la police des pêches relève des chefs de quartier sous l’autorité des directeurs régionaux.

Progressivement, le contrôle opérationnel des vedettes régionales est transféré aux CROSS, dans le cadre d’une pro-

grammation du directeur régional. Les vedettes locales continuent à relever des quartiers4.

La police s’étend éventuellement aux navires étrangers. Ainsi, en novembre 1976, un groupe de chalutiers sovié-

tiques se trouve à 13’ au Nord de Port-en-Bessin. La Coriandre embarque un AAM et les contrôle.

Utilisation de moyens aériens

Les campagnes de télédétection des pollutions mettent à la disposition des CROSS un moyen aérien dont ils assurent

le commandement et le contrôle opérationnels. En Manche, les missions, essentiellement SURPOLMER, deviennent

automatiquement SURNAVCO, puisqu’elles amènent à survoler le “rail de navigation” et permettent d’identifier les

navires contrevenant aux règles de circulation. Si l’urgence l’impose, l’avion peut être affecté à une opération de secours

maritime.

Ainsi, à titre d’exemple, au cours d’un même vol de trois heures 30, le FTB 337 POLMAR, outre ses deux missions

principales sur le DST des Casquets, fait deux survols de la baie de Saint-Brieuc pour l’ouverture et la fermeture chro-

nométrées de la pêche coquillère (SURPECHE*) et recherche un voilier en retard (SECMAR*), illustrant ainsi l’effi-

cacité et la polyvalence d’un moyen aérien léger utilisé par le CROSS.

En juin 1980, Héliservice met en service un hélicoptère Alouette III à Maupertus pour les besoins du pilotage hau-

turier. Dans le cadre d’une convention entre services, un potentiel de 16 h de vol/mois est attribué à la marine nationale ;

un potentiel de 8 h/mois aux affaires maritimes.

1 Le préfet maritime fait le commentaire suivant : une fois sorti des douze milles nautiques, il n’aurait pas été possible d’intercepter le Santa Maria, en route vers l’Irlande. Le chef de CROSS, retenu à bord, aurait pu découvrir ce pays. En refusant de mettre une embarcation à la mer pour récupérer les deux “déserteurs”, le capitaine allemand avait commis, au minimum, un refus d’assistance à personne en danger dans les eaux françaises. 2 “Les chalutiers soviétiques entourent le GORIZONT comme un troupeau d’éléphants entoure un animal blessé”. 3 Le chef du quartier de Dunkerque refuse d’enquêter, l’abordage ayant eu lieu à plus de douze milles nautiques de terre. Le navire continue sa route vers Anvers ou il fait l’objet d’une saisie à la requête de l’armateur du chalutier français. 4 Les unités légères des affaires maritimes n’existent pas encore.

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De 1975 à 1980, un embryon d’“aéronavale des affaires maritimes” est donc constitué1. Les machines sont fournies

par la location d’avions légers dans le cadre d’une convention. Il aurait été intéressant de comparer le coût de ce mode

de fonctionnement au coût de l’acquisition et de l’exploitation directe d’avions légers ou d’hélicoptères par d’autres

services de l’État2.

Vue d’ensemble

De 1974 à 1980, la mission de coordination du sauvetage maritime, déjà bien structurée, est exercée de façon satis-

faisante en Manche, le CROSS se substituant entièrement aux quartiers des affaires maritimes pour l’exercer. L’étape

suivante sera la prise en charge des veilles internationales de sécurité radio, qui seront abandonnées progressivement

par les stations côtières des télécommunications. La couverture entière du littoral par des stations VHF déportées du

CROSS, quelquefois équipées pour la radiogoniométrie, est entreprise3.

La mission de surveillance de la circulation maritime est essentielle en Manche où la navigation internationale est

organisée par trois DST. L’antenne de Gris-Nez devient sous-CROSS en 1977 et reçoit un personnel et un équipement

adaptés lui permettant de poursuivre de façon plus fiable le service initié en 1973. Le centre de Jobourg reçoit en 1978

un complément de personnel et d’équipement lui permettant de jouer le même rôle que Gris-Nez à partir du 1er janvier

1979. La préparation d’un service identique dans le Nord-ouest du Finistère est entreprise avec le début de la construc-

tion de la tour radar d’Ouessant en 1979 et l’élaboration du projet de CROSS de Corsen. Globalement, les actions

menées pour la surveillance de la circulation4 se traduisent par une diminution progressive du nombre des navires ne se

conformant pas aux règles de circulation, ainsi que par la réduction du nombre des accidents majeurs.

La mission de surveillance de la pollution par les navires est importante en Manche, à la mesure du volume du trafic.

Les populations côtières ont été sensibilisées par les conséquences de plusieurs grands sinistres. Bien placé pour le

recueil de l’information relative aux pollutions des navires, le CROSS l’est également pour les analyser, devenant ainsi

un observatoire de ces pollutions, mais également pour intervenir dans la répression des infractions.

La mission de police des pêches comprend un aspect très localisé dans lequel le quartier des affaires maritimes5

demeure très présent et un aspect régional dans lequel le CROSS trouve naturellement sa place. Exerçant seul une

permanence, le CROSS a vocation à exercer le contrôle opérationnel des moyens des affaires maritimes.

De 1974 à 1980, le CROSS Manche réalise progressivement sa vocation d’être l’outil opérationnel des affaires

maritimes, qui centralise l’information relative aux activités maritimes que cette administration contrôle (commerce,

pêche, plaisance etc.) et qui intervient lorsque nécessaire pour l’application des règles internationales ou nationales,

pour la constatation des infractions, coordonnant les secours et l’assistance maritimes, participant à la protection de

l’environnement.

Plus largement, le CROSS Manche participe, sous l’autorité du préfet maritime, à la défense maritime du territoire

(DMT)6, aux exercices de contrôle naval de la navigation commerciale, à la lutte contre les pollutions majeures, aux

exercices nationaux et internationaux.

Enfin, le CROSS n’hésite pas à accueillir d’autres services opérationnels. C’est ainsi que la douane installe occa-

sionnellement un PC à Jobourg. La présence au CROSS d’un représentant du pilotage hauturier permet un échange

direct d’informations profitable aux deux services.

* = *

1 Des moyens aériens civils sont également utilisés pour la surveillance de la pêche, notamment en Guyane. 2 Les garde-côtes britanniques utilisent d’ailleurs pour leur surveillance maritime des avions civils affrétés portant extérieurement un panneau amovible “HMCG”. 3 Parallèlement à l’équipement des sémaphores de la marine nationale, réunis par un réseau hertzien. 4 L’action du CROSS, mais également l’intervention des moyens navals et aériens de surveillance. 5 Puis la direction départementale des affaires maritimes. 6 Lors d’un exercice de DMT, un chef de centre, inspectant ses clôtures, est capturé par une équipe “ennemie”.

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AGAM (2s) Roger JAFFRAY, chef du CROSS MANCHE de 1974 à 1980

L’administrateur général des affaires maritimes (2s) Roger JAFFRAY a exercé les fonctions de chef du CROSS/MA

(centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en Manche) à Jobourg, de 1974 à 1980.

Mon arrivée au CROSS/MA

En 1974, le CROSS Manche a une zone de responsabilité très large, qui s'étend du Cap de la Chèvre (Finistère) à la

frontière franco-belge. Le CROSS Gris-Nez et le CROSS Corsen n’ont pas encore été créés. Toutefois, une antenne

radar fonctionne à Gris-Nez et le sous-CROSS de Camaret est armé en été.

Je succède à mon camarade Noël QUÉRÉ, premier chef du CROSS/MA (depuis 1971). Il a organisé la mission de

recherche et de sauvetage en mer du CROSS et créé la station radar de Gris-Nez, jetant les bases de la surveillance du

trafic maritime.

Mon affectation au CROSS/MA fait immédiatement suite à “l'ère des fondateurs”, puisque j’appartins à la deuxième

génération des chefs de CROSS.

A cette époque, beaucoup des initiatives partent encore de la “côte” pour remonter vers “Paris”, et non l’inverse. Ce

sont souvent les chefs de cross et les directeurs régionaux qui créent le cadre organisationnel et réglementaire. Toutefois,

l’administration centrale parisienne joue son rôle d'initiative et de coordination et attribue les budgets de fonctionnement

et d'investissement.

Les interlocuteurs du CROSS

À Paris, les CROSS ont pour interlocuteurs principaux : le bureau chargé du sauvetage au sein de la sous-direction

de la sécurité maritime, la cellule pollution, la direction des phares & balises et, à Bonneuil sur Marne, le service tech-

nique des phares & balises.

Par la suite, une direction des phares & balises et de la navigation est créée. Les CROSS lui sont rattachés.

Il convient de souligner le rôle majeur joué par l'administrateur MARC, au bureau du sauvetage, l'ACAM Guy

MARCHAND, à la cellule pollution, ainsi que par l’ingénieur général des ponts et chaussées Jean PRUNIÉRAS*, dans

la création, puis la montée en puissance des CROSS de la Manche dans leur mission de surveillance du trafic maritime.

Au plan territorial, je conserve un excellent souvenir des rapports avec les trois préfets maritimes de Cherbourg sous

les ordres desquels je sers entre 1974 et 1980, les amiraux Frédéric-MOREAU, WACRENIER et CHALINE, ainsi

qu’avec leurs équipes de la préfecture maritime de Cherbourg (Prémar 1). En fin de période, la mise en place effective

de la coordination des actions en mer nécessite d'user d'une certaine diplomatie.

Les relations avec les autres administrations demeurent généralement excellentes.

Les services inter régionaux de Rouen et de Nantes de l'administration des douanes sont coopératifs. Le CROSS sert

même à quelques reprises de centre opérationnel à cette administration pour des opérations douanières. Par la suite, en

1979-1980 la direction générale de cette administration manifeste des ambitions fortes à devenir la police de la mer.

La gendarmerie maritime commence à se doter de moyens navals. La gendarmerie nationale se développe, mais

coopère.

La recherche et le sauvetage en mer

En matière de recherche et de sauvetage en mer, l’organisation est déjà bien rodée à mon arrivée, car mon prédéces-

seur a fait un travail remarquable. Du Cap de la Chèvre à la frontière franco-belge, il existe des centaines de structures

(notamment les stations de la SNSM) intervenant dans le domaine du sauvetage en mer. Il faut créer et entretenir d’ex-

cellents contacts avec ces structures et organiser des visites fréquentes du chef du CROSS ou de ses adjoints tout au

long du littoral. Je m'attache à développer cette organisation durant mon affectation.

De 1974 à 1980, le CROSS/MA a à connaître de plusieurs sinistres maritimes majeurs.

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La surveillance de la circulation maritime

L’OMI joue un rôle majeur dans le domaine de l'organisation de la circulation maritime. Il institue des routes re-

commandées, puis obligatoires, enfin des dispositifs de séparation du trafic (DST).

De part et d’autre de la Manche, les deux ministères concernés, le ministère des transports britannique et le ministère

chargé de la mer pour la France, établissent de concert la doctrine en matière de surveillance de la circulation maritime,

en liaison avec l’OMI par l’intermédiaire du représentant permanent auprès de cette organisation internationale. Entre

1976 et 1979, une structure de concertation pérenne entre la Grande Bretagne et la France, est officiellement mise en

place. Elle est dénommée AFSONG.

Une collaboration étroite existe déjà entre le CROSS/MA, l'antenne de Gris-Nez et la Coast Guard britannique.

L’Institut de recherche des transports a déjà réalisé certaines études sur le trafic en Manche et dans le Pas-de-Calais,

études qui mettent en évidence la nécessité de créer une surveillance du trafic dans cette zone intensément fréquentée

par de nombreux navires de commerce et de pêche.

Par la suite, le préfet maritime prend pleinement sa place dans la surveillance de la circulation maritime, par sa

participation aux instances de décision, par des missions de surveillance des moyens de la marine (SURNAV*) et en

organisant et en dirigeant chaque année l’exercice franco-britannique MANCHEX*.

Dans le domaine de la surveillance de la circulation maritime, l'existence d'un seul centre recevant toutes les infor-

mations entre Ouessant et le Pas-de-Calais, en l’occurrence Jobourg, se justifie d’un point de vue opérationnel et est

techniquement viable. C'est pourquoi, la perspective est alors de placer les futurs centres de surveillance du trafic en

Manche au sein de deux sous CROSS, l'un à Gris-Nez, l'autre en Bretagne NW.

En 1974, il existe déjà une station radar sur le site de Gris-Nez. C’est là que naîtra le futur CROSS Gris-Nez. C'est

également là que sont expérimentés le matériel et les procédures des autres centres de surveillance.

A la même époque, à Jobourg, le problème de l'équipement radar se pose. Cinq radars sont successivement expéri-

mentés avant que le TRS 3405 soit adopté.

Parallèlement, l'étude du futur centre breton commence dès 1977.

Depuis 1973 Gris-Nez diffuse par radio des bulletins d'information à la navigation, coordonnés avec les Britan-

niques.

Lors de la création de routes recommandées en Manche-Pas-de-Calais, il n’est pas obligatoire pour les navires de

les emprunter. L’obligation de respecter certaines règles en utilisant les dispositifs de séparation du trafic devient effec-

tive à partir de 1977.

Dans une première période, (1973-1978), l'antenne puis le sous CROSS de Gris-Nez détecte et signale les navires

“ne se conformant pas aux règles de circulation” sans verbaliser.

A compter du 1er janvier 1979, les deux centres de Gris-Nez et de Jobourg verbalisent. Ils diffusent également tous

deux des bulletins d'information radio à la navigation.

La surveillance des pêches maritimes et la surveillance des pollutions

Les créateurs des CROSS ont inclus à juste titre le terme “surveillance” dans l’appellation des centres, car la fonction

première d'un CROSS est de surveiller, afin, dans un deuxième temps, d’agir. Au moins trois des missions du CROSS

s’appuient essentiellement sur la surveillance : la surveillance de la circulation maritime, évoquée plus haut, mais éga-

lement la surveillance des pêches maritimes et la surveillance des pollutions maritimes.

La surveillance centralisée des pêches maritimes permet d’accomplir pleinement la mission de police des pêches. À

l’époque, chaque CROSS prend une part importante dans cette surveillance dans sa zone de compétence (par exemple,

en Manche, la surveillance des pêcheurs étrangers ou la surveillance de la pêche de la coquille Saint-Jacques en baie de

Saint-Brieuc). Les vedettes régionales des affaires maritimes sont utilisées, ainsi que certains moyens aériens, aux fins

de “SURPECHE”*.

S’agissant de la mission de surveillance des pollutions maritimes (SURPOL*), le CROSS assure la centralisation

des informations de pollution par les navires et met en œuvre l’avion SURPOLMER affrété par l’administration des

affaires maritimes avec son système de renvoi des données de télédétection au CROSS en vue d'une exploitation par

une équipe spécialisée.

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L’organisation des centres de la Manche

En 1974, le CROSS de Jobourg (avec ses bâtiments provisoires) dispose du sous-CROSS estival de Camaret (dans

le quartier des Affaires maritimes) et de l'antenne de Gris-Nez (dans le phare et ses dépendances).

Il existe alors à Jobourg deux bâtiments, un “bâtiment opérationnel” et un “bâtiment vie”, provisoires, en préfabri-

qués, donc mal isolés thermiquement. Il faut “chauffer à bloc” pour pouvoir résister aux températures hivernales du

nord-Cotentin…Des études sont entreprises pour la construction de bâtiments définitifs.

A Gris-Nez, l'antenne CROSS est située dans le phare et dans l’ancienne école des gardiens de phares, avec un

bâtiment “vie” et un petit local “opérationnel”.

Je me souviens de la présence sympathique mais assez peu orthodoxe d’une baraque à frites tout près de nos instal-

lations …

En 1977, l'antenne de Gris-Nez devient un sous-CROSS du CROSS/MA. Un bâtiment opérationnel en dur y a été

construit.

Les discussions autour du projet de construction d’un bâtiment définitif pour abriter le futur CROSS Gris-Nez se

révèlent ardues : faut-il prévoir un bâtiment “enterré” aux fins de préserver cet espace remarquable ? Ce genre de ques-

tion est posé, alors que le site comprend de vieux blockhaus abandonnés et de nombreux cratères de bombes.…

Il est même envisagé d'installer un périscope afin d'assurer la veille optique sur le détroit, en cas d’obligation de

construire un bâtiment enterré ou semi-enterré.

S’agissant de la Manche Ouest, je n'ai pas connu l’ouverture du CROSS Corsen-Ouessant, qui s’est faite en 1982,

soit deux années après mon départ du CROSS/MA.

J’ai toutefois participé à la conception du projet de création de ce futur CROSS, du point de vue organique, immo-

bilier, technique et, bien sûr, opérationnel.

La marine nationale avait proposé un site qui ne permettait pas l'établissement d'un faisceau hertzien vers la future

tour radar d’Ouessant. Le site de Corsen répondait parfaitement à ce besoin.

Je me souviens de réunions épiques sur les questions immobilières des CROSS et, sur celles relatives à l’insertion

des centres en des sites remarquables. Les commissions départementales des sites, à cet égard, se montrent gardiennes

sourcilleuses du respect des normes du code de l’urbanisme…

Les discussions concernant l’installation de la future tour radar d’Ouessant donnent lieu, à l’époque, à des discus-

sions passionnées auxquelles le directeur des phares & balises et de la navigation, Monsieur PRUNIÉRAS, met finale-

ment bon ordre…

Au cours des années 1980, dans une nouvelle logique organisationnelle, trois CROSS de plein exercice sont créés

en Manche : Corsen, Jobourg et Gris-Nez. Cette organisation perdure.

En 1980, à Jobourg, l’organisation du quart dans la salle d'opérations comprend deux équipes : l'une est chargée de

la surveillance de la circulation maritime, avec son chef de quart, l'autre est responsable d de la recherche et du sauvetage

en mer, ainsi que des autres opérations, avec également son chef de quart.

Une organisation similaire est mise en place au CROSS Gris-Nez.

Lors de la conception des équipements techniques en passerelle, le choix est ouvert entre une salle opérationnelle

“obscure” et une salle opérationnelle “claire”. La seconde formule est adoptée.

Le CROSS/MA Jobourg est armé par quatre officiers, dont le chef de centre, qui participe au tour de permanence.

Au sous CROSS Gris-Nez on compte deux officiers, dont le chef d'antenne. La permanence est assurée à domicile, ce

qui implique de résider à distance convenable du CROSS afin de pouvoir rallier rapidement. Une telle organisation

nécessite de disposer de chefs de quart compétents et aguerris, ce qui est généralement le cas.

La relève des équipages est une question fondamentale pour les CROSS, qui sont opérationnels 24 heures sur 24 et

365 jours par an.

Je me souviens de périodes – heureusement rares ! - particulièrement tendues, lorsque les relèves d’équipage après

mutation n’étaient pas réalisées à temps par le bureau chargé du personnel de la Marine nationale à Cherbourg, pourtant

très coopératif.

J’ai dû, par exemple, cumuler les fonctions de chef de CROSS, d’officier de permanence et de chef de quart, faute

d’avoir eu des relèves en temps et en heure en chefs de quart. Heureusement, ce genre de situation fut relativement

exceptionnel.

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En matière de formation, je ne me souviens pas de difficultés notables, les personnels étant formés en stage dans

leurs futures fonctions, sur le site même du CROSS. Je dois souligner que, dans toutes leurs fonctions au sein du CROSS,

les officiers, officiers-mariniers et marins qui ont servi sous mes ordres ont toujours fait preuve d’une grande compé-

tence et d’un dévouement caractérisé.

En ce qui me concerne, je n’ai pas effectué de stage auprès de l’US Coast Guard. Je me rappelle, en revanche, avec

un certain amusement, un voyage d’études effectué au Canada et aux États-Unis, au cours duquel une petite délégation

a visité tous les centres de circulation maritime de ces deux États. Nous avons été quelque peu surpris en y découvrant

un grand pragmatisme et ce qu’il faut bien appeler un art consommé du bricolage…alors que nous étions venus dans

l’espoir de recueillir des informations qui nous permettraient de progresser ! Je conserve en mémoire l’image d’opéra-

teurs occupés à pousser des figurines sur des cartes…leur technologie était, somme toute, bien moins avancée que la

nôtre !

Conclusion :

J'ai la grande satisfaction d'avoir contribué, avec mes équipes successives, à la mise en place des structures, des

personnels et des équipements de trois centres opérationnels de plein exercice des affaires maritimes, dans la perspective

d'un suivi global des activités maritimes administrées par le département ministériel chargé de la mer.

Dans plusieurs domaines, l'innovation a été considérable et les centres de la Manche se sont trouvés alors en pointe

au plan mondial.

Mon regret est que la coordination interministérielle ait privé les affaires maritimes des avions et hélicoptères qui

constituaient le complément naturel de leurs moyens.

* = *

L’ACAM Roger JAFFRAY au CROSSMA Jobourg

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UN SITREP D’ANTHOLOGIE : CELUI DE L’AMOCO-CADIZ (1978) ROUTINE R 171305Z MAR 78 FM CROSSMA JOBOURG TO DIRAFMAR NANTES INFO CROSSA ETEL BT NON PROTEGE NMR 014 NP 1703 OBJ ‘’AMOCO CADIZ’’ TXT A- CHRONOLOGIE 21H00 - FROM CONQUET RADIO TO CROSSMA : SNSM PORTSALL A SIGNALE AU CONQUET DEUX FEUX PRES DES ROCHES DE PORTSALL - 21H05 – FM CROSSMA TO SNSM PORTSALL : DEMANDE DE CONFIRMATION - REPONSE : L’EQUIPAGE DE LA STATION EST PARTI OBSERVER (CANOT SNSM DE PORTSALL CONFIRME ETRE ACTUELLEMENT BASE A MOLENE EN REMPLACEMENT CANOT DE CETTE STATION) 21H10 – FM SNSM PORTSALL TO CROSSMA JOBOURG : IL S’AGIT D’UNE FAUSSE ALERTE – LES FEUX SONT CEUX D’UN PETROLIER REMORQUE PAR LE REMORQUEUR ‘’PACIFIC’’. 21H15 – FROM CROSSMA JOBOURG TO LE CONQUET : TRANSMIS POUR INFORMATION – REPONSE : AUCUNE INFORMATION DISPONIBLE AU CONQUET 22H49 – FROM CROSSA ETEL TO CROSSMA : CROSSA A ETE AVISE PAR PREMAR 2 QU’UN PETROLIER DE 250 000 TONNES EN CHARGE EST SUR LE POINT DE S’ECHOUER DANS LA REGION DE L’ABERWRAC’H - 22H50 – FM CROSSMA TO PREMAR 2 : DEMANDE DE CONFIRMATION – REPONSE : LE PETROLIER ‘’AMOCO CADIZ’’ DE 250 000 TONNES A LA REMORQUE AURAIT CASSE SA REMORQUE – LES REMORQUEURS DE LA MARINE NATIONALE A BREST SONT A PLUS DE 04H00 D’INTERVENTION. 22H55 – FM SOCIETE MARITIME SHELL TO CROSSMA : DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS - 22H57 – FM CROSSMA TO CHEF DE CENTRE : COMPTE RENDU – DIRECTIVE DONNEE. 23H04 – FM SNSM PORTSALL TO CROSSMA : PETROLIER STOPPE AU LARGE - 23H05 – FM LE CONQUET TO CROSSMA : RECU DU REMORQUEUR ‘’PACIFIC’’ : LE PETROLIER AURAIT TOUCHE LA BASSE DE PORTSALL (POSITION 48 35.5 N 004 46 W) ET PERDRAIT DU MAZOUT – DEMANDE INTERVENTION D’UN HELICOPTERE. 23H08 – FM SEMAPHORE DE L’ABERWRAC’H TO CROSSMA : PETROLIER A TIRE DEUX FUSEES ROUGES A 22H35 ET 22H45 – LE BATIMENT EST A LA GITE – REMORQUEUR STOPPE A COTE DE LUI – VENT WSW 22 NDS RAFALES 28 NDS MER TRES FORTE – GRAINS – VISIBILITE 12 KM – INTERVENTION DU CANOT DE SAUVETAGE DE L’ABERWRAC’H. 23H15 – FM CROSSMA TO CHEF DE CENTRE : COMPTE RENDU – LE CHEF DE CENTRE RALLIE JOBOURG. 23H20 – FM SNSM ABERWRAC’H TO CROSSMA : CANOT SNSM SUR ZONE. 23H30 – FM DIRECTEUR CABINET PREFET QUIMPER TO CROSSMA : DEMANDE INFORMATIONS – COMPTE RENDU. 23H35 – FM CROSSMA TO SEMAPHOREABERWRAC’H : DEMANDE D’INFORMATIONS – REPONSE : 5 FUSEES DE DETRESSE ONT ETE TIREES – POSITION PETROLIER 276/SEMAPHORE POUR 3 MILLES. REMORQUEUR HOLLANDAIS ‘’SAMSON’’ EGALEMENT A PROXIMITE PETROLIER 23H40 – FM DIRECTION GENERALE SECURITE CIVILE PARIS TO CROSSMA : DEMANDE D’INFORMATION – COMPTE RENDU. 23H45 – FM SHELL FRANCE TO CROSSMA : DEMANDE INFORMATIONS – CARGAISON POUR GROUPE SHELL – BRUT MOYEN ORIENT (LIQUIDE) – PROPOSE MISE A DISPOSITION MOYENS DU GROUPE. 23H48 – FM SNSM PORTSALL TO CROSSMA : SORTIE D’UN BATEAU DE PECHE DE PORTSALL.

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00H00 – FM CROSSMA : COMPTE RENDU (SITREP NR 1) A MARINE BREST, DIRAFMAR NANTES, PREFET QUIMPER, AFMAR BREST, CELLULE ANTI POLLUTION – 00H01 – FM CROSSMA TO SHELL FRANCE : PROPOSE DE FAIRE INVENTAIRE DES PETROLIERS ALLEGEURS ET DES REMORQUEURS DU GROUPE. 00H06 – FM CROSSMA JOBOURG TO SNSM OUESSANT : MISE EN ALERTE CANOT DE SAUVETAGE OUESSANT 00H10 – FM CROSSMA TO SEMAPHORE MOLENE : MISE EN ALERTE CANOT SAUVETAGE MOLENE. 00H12 : FM PREMAR 2 TO CROSSMA : CONCERTATION ENTRE OFFICIER DE SUPPLEANCE ET CHEF CROSSMA – UNE RECONNAISSANCE PAR HELICOPTERE LOURD AERONAVALE VA ETRE EFFECTUEE – REMORQUEUR HAUTE MER MARINE ‘’MALABAR’’ APPAREILLE – REMORQUEUR HM ‘’CENTAURE’’ PREVU MATINEE 00H19 – TO BASE HELICOPTERE SECURITE CIVILE QUIMPER : NE REPOND PAS – 00H22 – FM LE CONQUET TO CROSSMA : ‘’AMOCO CADIZ’’ A EMIS S O S SUR 500 KHZ – 00H25 – FM CROSSMA TO PREMAR 2 : COMPTE RENDU A/S SOS – HELICOPTERE MARINE NE POURRA SANS DOUTE EVACUER EQUIPAGE AVANT LEVER DU JOUR – CROSSMA PROPOSE INTERVENTION CANOTS MOLENE ET OUESSANT – ACCORD – 00H27 – FM CROSSMA TO SEMAPHORE MOLENE : FAITES APPAREILLER CANOT 00H29 – FM CROSSMA TO SNSM OUESSANT : FAITES APPAREILLER CANOT 00H27 – FM CONQUET TO CROSSMA : ‘’AMOCO CADIZ’’ CONFIRME DEMANDE ASSISTANCE IMMEDIATE SI POSSIBLE PAR HELICOPTERE – FAIRE RELAIS RADIO EMISSION DE DETRESSE – 00H33 – FM SHELL FRANCE TO CROSSMA : SITUATION PETROLIERS ALLEGEURS ‘’CARINA’’ 65 000 TONNES DISPONIBLE SOUS 8 HEURES – ‘’NISO’’ 100 000 TONNES DISPONIBLE SOIREE 17 ‘’NALIA’’ 18 000 TONNES DISPONIBLE SOIREE 17 INVENTAIRE PRODUITS DISPERSANTS DE SHELL EN COURS AUCUN REMORQUEUR DU GROUPE DISPONIBLE. REPRESENTANT SHELL SERA BREST AVION MATINEE 17, ACCOMPAGNE REPRESENTANT TOVALOP CHARGEMENT FLUIDE (15 A 20 CENTISTOCKS A 10/20 C) 00H45 – FM CROSSMA TO BASE HELICOPTERE QUIMPER : MISE EN ALERTE EN VUE INTERVENTION EVENTUELLE. 00H47 – FM CROSSMA TO DAM NANTES : COMPTE RENDU – 01H00 – FM CROSSMA TO COM BREST : DEMANDE INFORMATIONS – TREUILLAGE PAR HELICOPTERE AURAIT COMMENCE – 01H10 – FM COM BREST TO CROSSMA : HELICOPTERE SIGNALE : COMPARTIMENT MOTEUR PETROLIER ENVAHI – EVACUATION EN COURS – PREMAR DEMANDE CONFIRMATION QUE NAVIRE A BIEN DEMANDE INTERVENTION HELICOPTERE – CROSSMA CONFIRME – 00H38 – DE PREMAR 2 : PLAN POLMAR MER DECLENCHE – 01H13 – FM CROSSMA TO SHELL FRANCE : INFORMATIONS – EN RAISON ABSENCE ENERGIE A BORD ‘’AMOCO CADIZ’’, PROPOSE EXAMINER ACHEMINEMENT POMPES DE TRANSFERT SUBMERSIBLES – 01H19 – FM AFMAR OUESSANT TO CROSSMA : DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS 01H34 – FM CROSSMA TO SEMAPHORE ABERWRAC’H : DEMANDE SITUATION – REPONSE : EVACUATION COMMENCEE 00H44 – PREMIER HELITREUILLAGE EFFECTUE – PAS DE CONTACT RADIO LOCAL AVEC HELICOPTERE – EPAVE EVITEE AU SUD OUEST NE PARAIT PAS CASSEE – GITE SUR BABORD ARRIERE ENFONCEE – ODEURS HYDROCARBURES SUR LA COTE – 01H51 – FM SHELL FRANCE TO CROSSMA : ARMATEUR ‘’AMOCO CADIZ’’ S’EST ASSURE CONCOURS REMORQUEUR ’’SMITH HOUSTON’’ (16 000 CV) LE 17 MATIN ET REMORQUEUR ‘’SMITH POLZEE’’ (11 000 CV) ULTERIEUREMENT AINSI QUE POMPES SUBMERSIBLES – DEMANDER A L’ARMATEUR SI CAPITAINE DU NAVIRE ENVISAGE RESTER A BORD AVEC UNE EQUIPE LIMITEE – 01H35 – FM CROSSMA TO CG BRITANNIQUE ET LLOYD’S : ECHANDE D’INFORMATION 01H51 – FM LE CONQUET TO CROSSMA : PLUS DE CONTACT RADIO AVEC ‘’AMOCO CADIZ’’. 02H10 – FM SNSM PORTSALL TO CROSSMA : LE NAVIRE DE PECHE DE PORTSALL S’EST APPROCHE A 100 METRES DE L’EPAVE – EVACUATION DE L’EQUIPAGE EN COURS – BATIMENT ECHOUE PAR LA PARTIE AVANT – 02H10 – FM LE CONQUET TO CROSSMA : LE CONQUET PROPOSE ANNULATION DU TRAFIC

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DE DETRESSE. ACCORD CROSSMA. L’EVACUATION ETANT EN COURS 02H20 – FM CROSSMA TO PREMAR 2 : DEMANDE SITUATION EVACUATION – REPONSE : 37 PERSONNES EVACUEES SUR 44. 02H29 – FM PREMAR 2 TO CROSSMA : FAIRE RENTRER CANOTS DE SAUVETAGE SAUF CELUI DE L’ABERWRAC’H – 02H33 – FM CROSSMA TO DAM NANTES : COMPTE RENDU 02H50 – FM PREMAR 2 TO CROSSMA 43 PERSONNES EVACUEES – LE CAPITAINE ET UN OFFICIER RESTENT A BORD – 02H55 – FM CROSSMA TO LE CONQUET : TRANSMIS SITUATION CI-DESSUS 02H55 – FM CROSSMA TO PREMAR 2, MARINE MARCHANDE PARIS, DAM NANTES, DAM LE HAVRE, AFMAR BREST : COMPTE RENDU DE SITUATION (SITREP) 02H55 – FM SEMAPHORE DE L’ABERWRAC’H TO CROSSMA : DEMANDE INSTRUCTIONS POUR CANOT ABERWRAC’H – REPONSE : RESTER SUR ZONE TANT QUE 2 PERSONNES SE TROUVERONT A BORD DE L’EPAVE. 02H57 – FM CROSSMA TO SHELL FRANCE : DEMANDER ARMATEUR FAIRE PARVENIR PREMAR 2 PLANS DU NAVIRE – DEMANDER INFORMATION SUR TYPE D’AFFRETEMENT – TRANSBORDEUR ‘’DARINA’’ A RECU INSTRUCTIONS D’ALLER MOUILLER EN ATTENTE A LYNE BAY – 04H05 – FM PREMAR 2 TO CROSSMA : DEMANDE SITUATION CANOTS DE SAUVETAGE – COMPTE RENDU – 04H28 – FM CROSSMA TO SEMAPHORE ABERWRAC’H : DEMANDE SITUATION – REPONSE : PLUS DE LUMIERE SUR PETROLIER – FUSEE ROUGE IL Y A DIX MINUTES – BATIMENT PARAIT ECHOUE PAR LE MILIEU – DEUX HOMMES TOUJOURS A BORD – 2 REMORQUEURS TOUJOURS A PROXIMITE – 05H18 – FM PREMAR 2 TO CROSSMA : COMPTE RENDU GENERAL – 06H18 – FM SEMAPHORE DE L’ABERWRAC’H TO CROSSMA : 2 PERSONNES A BORD ONT ETE EVACUEES PAR HELICOPTERE – PROPOSE FAIRE ENTRER CANOT ABERWRAC’H – REPONSE : ACCORD – 07H04 – FM CROSSMA TO SEMAPHORE DE L’ABERWRAC’H : DEMANDE SITUATION : EPAVE NON CASSEE – CHATEAU ARRIERE IMMERGE JUSQU’A CHEMINEE – AVANT DEJAUGE – POLLUTION SIGNALEE DANS LE FOUR – VENT NORD OUEST 20 NDS – RAFALES 25 NDS – VISIBILITE VARIABLE SOUS LES GRAINS – MER FORTE – NEBULOSITE 6/8 – BATIMENTS AUXILIAIRES MARINE ‘’CHEVREUIL’’ ET ‘’LIBELLULE’’ FONT ROUTE – 07H19 – FM LE CONQUET TO CROSSMA : SITUATION 07H25 – FM CROSSMA TO MARINE MARCHANDE PARIS, PREMAR 2, DAM NANTES, DAM LE HAVRE, AFMAR BREST : COMPTE RENDU GENERAL (SITREP 2) 07H28 – FM CROSSMA TO DIRAFMAR NANTES : COMPTE RENDU 08H05 – FM CROSSMA TO SEMAPHORE ABERWRAC’H : DEMANDE DE SITUATION – REPONSE : UNE NAPPE DE PETROLE (ENVIRON DEUX MILLES SUR 200 METRES) VA ATTEINDRE LA COTE – EPAVE IMMERGEE PARL’ARRIERE JUSQU’A LA PASSERELLE; 08H13 - FM SEMAPHORE ABERWRAC’H TO CROSSMA : CANOT ABERWRAC’H RENTRE AU PORT - 08H15 – FM CROSSMA TO PREMAR 2 : DEMANDE DE SITUATION – REPONSE : 44 PERSONNES AU TOTAL ONT ETE EVACUEES PAR HELICOPTERE – PLUSIEURS POLLUTIONS LIMITEES SIGNALEES AUX ENVIRONS DE L’EPAVE – 08H30 – FM CROSSMA JOBOURG TO DIRAFMAR NANTES : COMPTE RENDU 09H43 – ECHANGE D’INFORMATIONS AVEC COAST GUARD ET LLOYD’S – B- METEOROLOGIE – VOIR CHRONOLOGIE CI-DESSUS : PRIMO A 23H08 SECUNDO A 07H04 BT

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OC1CTAAM (er) René BERNARD

Officier en chef de première classe du corps technique et administratif des Affaires maritimes (er), René BERNARD

a exercé des fonctions d’officier dans trois CROSS entre 1978 et 1994 :

• Gris Nez du 1er août 1972 au 1er février 1978

• Corsen du 1er septembre 1979 au 1er décembre 1981

• Étel du 1er septembre 1990 au 1er juin 1994

1 – GRIS-NEZ

Responsable de l’antenne de Gris-Nez du CROSS/MA sous l’autorité de l’APAM Noël QUÉRÉ, Chef du

CROSS/MA (Jobourg), j'entrai en fonction à l’issue d’une année de formation à Bordeaux. Le poste avait été occupé,

de façon éphémère, en avril 1972, par l’O2CTAAM Armel SAUVÉE, secondé par un gendarme maritime détaché du

CROSS/MA Jobourg. À Gris-Nez, quatre matelots (des appelés sans spécialité) ont assuré une veille radio (VHF 16 et

2182 kHz) par vacations tournantes de 12 heures en surveillant le trafic maritime sur un écran RADAR classique (Ray-

theon). Il s’agissait alors de compter les navires en transit dans le pas de Calais. Tous les chiffres cités antérieurement

étaient issus de l’imagination des experts. On recherchait avant tout les navires qui ne respectaient pas les routes “re-

commandées” par l'OMCI. Celles-ci devinrent obligatoires, à partir de 1977, avec l'OMI.

Lorsque nous étions de veille, nous prenions directement les alertes téléphone et radio, sinon le CROSS/MA nous

activait. Un matelot prenait la veille. De nuit, je lui donnais des instructions et je ralliais le CROSS. À l’époque, seul un

administrateur, chef d’un Quartier des affaires maritimes, avait autorité pour mettre en œuvre un moyen nautique de

sauvetage.

Pour l’action sauvetage, je retiens deux dates :

• 1972, un abordage par mois dans le Pas de Calais.

• 1978, à mon départ, un abordage par an dans le Pas de Calais.

Nous avions à traiter, bon an mal an, 300 opérations SAR (sauvetage) par an.

Circulation

Nous avons d’abord compté les navires dans le couloir de circulation en recherchant les “contre bordiers” (rogue en

anglais). Puis, en 1974 / 1975, nous avons diffusé des bulletins d’information (contrevenants, météo, information nau-

tique). Je ne me souviens plus du nombre de navires en infraction mais les chiffres étaient en diminution de mois en

mois. C’est, me semble-t-il, le 1er juillet 1977 que les routes sont devenues obligatoires, on a alors établi des dossiers

d’infraction (que je ne signais pas car les OCTAAM* n’étaient pas prévus par les textes). Les passages devant le Tri-

bunal maritime commercial (TMC) ont fait l’objet de manifestions de la part des marins-pêcheurs de Boulogne.

Matériel/Fonctionnement :

Le bâtiment (blockhaus, ancienne école des gardiens de phare) appartenait aux Phares & Balises. Le radar (de récu-

pération) venait aussi des Phares & Balises, les deux appareils radio venaient du CROSS/A, le pupitre radio avait été

fabriqué par un gendarme maritime. On avait découpé dans du contreplaqué la carte du Pas de Calais, avec les routes,

les balises, les bateaux feux etc.… (Nous avons cependant eu très vite la visite d’autorités administratives. Monsieur

Yves GUÉNA, Ministre des transports, vint lui aussi à Gris-Nez). Le bâtiment initial fut détruit en 1974, on construisit

alors un bâtiment neuf. Deux radars Decca furent installés ; deux mâts métalliques érigés. Pendant les travaux, nous

avons vécu dans la salle de veille du Phare. La société Thomson mit en place un dispositif d’écrans à vision diurne et

synthétique. Toutes les études techniques étaient assurées par le Service technique des Phares & Balises (alors installé

à Bonneuil). Un radio goniomètre VHF fut installé en 1976, une antenne au sommet du phare, la technique était au

point, nous ne manquions plus de rien. Nous reçûmes de très nombreuses visites de personnes intéressées parmi les-

quelles des Canadiens, des Hollandais et même de l’United States Cost Guard (USCG) qui n’avaient, à l’époque, aucun

dispositif de surveillance du trafic maritime. Le fonctionnement courant était assuré par les Affaires maritimes. Pour

nos déplacements, nous disposions d’une 4L Renault.

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Personnels

• 1974 : arrivée d’un MP sémaphoriste.

• 1975 : arrivée de quatre aspirants (2 Marine Marchande et 2 “grandes écoles”) et renforcement du nombre de

matelots (12 au total, tous appelés sans spécialité).

• 1977 : recrutement d’un agent de bureau.

Surveillance des pollutions maritimes

Un sinistre majeur en 1975 (ou 1976) à la suite de l’abordage du pétrolier OLYMPIC ALLIANCE et du HMS ACHILLES.

On a “caché” les hydrocarbures avec de la sciure de bois, de la craie, de la paille, etc… Anecdote, un navire de lutte a

utilisé un produit chimique de type détergent qui a attaqué tous ses apparaux en plastique…

Le SGMM (Secrétariat général de la Marine marchande) a alors engagé de très nombreuses études pour la recherche

des pollutions par hydrocarbures. Le Ministère des Transports, dont dépendait le SGMM, a affrété des Cessna (push

pull) de chez REIMS AVIATION et utilisé des « Dakota » (Ministère des Transports) pour la télédétection par infrarouge

et ultraviolet. Certains voulaient alors que les Affaires maritimes (ACAM Roger JAFFRAY) se lancent dans une

branche aéronautique. C’est finalement la Douane qui récupéra la mission en l’ajoutant à celles qui étaient déjà les

siennes en matière aérienne.

Interlocuteurs

Mes correspondants principaux (sauvetage et surveillance) étaient les officiers de la Coast Guard britannique

(échange de personnels, visites de coordination, liaison radio directe sur fréquence privée etc.).

• Phares & Balises pour le Génie Civil et le matériel de surveillance (Jean PRUNIÈRAS Ingénieur des Ponts &

Chaussées).

• Institut de Recherche des Transports pour l’analyse du trafic (Pierre DAVID, Ingénieur du Génie Maritime).

• le Laboratoire National d’Essais (pollutions).

J’eus aussi un interlocuteur opérationnel aux Affaires maritimes (difficile au début) : la vedette Garance qui a tra-

vaillé sous notre contrôle pour l’identification des navires contrevenants. L’équipage n’était pas habitué à rendre compte

en temps réel. Quelques années après, les rapports étaient devenus été positifs et constructifs.

Conclusion

La surveillance maritime n’était pas appréciée des marins et peu de personnes, même aux Affaires maritimes, y

croyaient. Le premier directeur régional du Havre à être passé à Gris-Nez a été l’AGAM Jean LEPVRIER en 1975.

Auparavant, personne, pas même les ACAM chef des Quartiers de Dunkerque et de Boulogne, n’était venu à Gris-Nez.

Nous avons eu la chance de recevoir l’APAM Noël QUÉRÉ, Chef du CROSS/MA, et le directeur des Phares & Balises

afin de faire avancer la nouvelle mission des CROSS. Noël QUÉRÉ fit preuve du dynamisme indispensable et Jean

PRUNIÈRAS, disposait, lui, de la puissance technique et financière du Ministère de l’équipement.

On avait le sentiment, à l’époque, que nous n’intéressions pas grand monde.

Comptes rendus

On a imaginé, et formalisé, en 1975, les SITREP* (situation) et les POLREP (pollution).

2 - CORSEN /OUESSANT

Contrairement à ce qui été dit et écrit, ce ne fût pas le sinistre de l’AMOCO CADIZ (mars 1978) qui a été l’élément

déclencheur pour l’ouverture d’un système de surveillance en Ouest Bretagne car les études et les crédits étaient déjà

bien engagés. J’avais, en effet, été chargé en 1977 de rechercher une zone d’implantation (Sein, Ouessant, Camaret, Le

Conquet). Ma proposition (Corsen plus Ouessant) fut retenue. L’AMOCO CADIZ a donc simplement accéléré les choses.

Dès l’accident, la Marine a activé une surveillance “H24” à partir d’un sémaphore à Ouessant. Le Président Valery

GISCARD d’ESTAING s’y est rendu. En septembre 1979, je pris mes fonctions et la construction de la Tour d’Ouessant

débuta avec, comme maitre d’ouvrage les Affaires maritimes et comme maitre d’œuvre l’Équipement (Phares & Balises

pour la technique, béton et matériel de surveillance, subdivision de Brest pour le suivi des travaux). La Tour a été

terminée pendant l’été 1980, le radar (Thomson) opérationnel et les informations transmises au sémaphore où la Marine

a diffusé des bulletins d’information. La Marine utilisait les services d’un remorqueur de la société Les Abeilles pour

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l’identification des contrevenants. La construction du centre de Corsen a commencé en septembre 1980 et j’ai été muté

en décembre 1981. L’APAM Jean-Claude DUBOIS avait pris ses fonctions en septembre 1981.Je n’ai donc pas connu

d’activité opérationnelle à Corsen.

Mes interlocuteurs

Le Directeur régional des Affaires maritimes (DRAM*), l’AGAM Jean LEPVRIER, se sentait impliqué dans l’af-

faire puisque la Marine nous regardait d’un air intéressé, la zone Ouest Bretagne fait partie de son patrimoine et ses

sous-marins nucléaires (SNLE) sont dans le paysage. Les contacts étaient fréquents et cordiaux avec le commandant du

service Sémaphores (CF STÉPHAN). J’étais souvent appelé à faire l’état des lieux chez l’amiral OPS et chez le Préfet

maritime. Il s‘agissait de défendre notre acquis. Le Préfet maritime (le vice-amiral d’escadre Charles de BIGAULT de

CASANOVE) était un ancien de la France Libre et gaulliste convaincu. Quand le Maire de Paris et candidat à la Prési-

dence de la République, Jacques Chirac, a voulu visiter la Tour d’Ouessant en janvier 1981, j’ai sollicité des instructions,

la réponse a été négative. Le Préfet maritime m’a demandé de passer le voir, en tête à tête, et a exercé une certaine

pression. Résultat, on a fermé la Tour, la clef a été déposée au sémaphore voisin et le gardien envoyé en mission sur le

continent. On avait malgré tout préparé, avec le Préfecture maritime, un dispositif d’accueil “pour le cas où”…

Louis LE PENSEC, Ministre de la Mer, a inauguré le Centre de Corsen en décembre 1982.

3 - ÉTEL

J’ai été affecté au CROSS Étel le 1er septembre 1990. J’ai découvert de nouvelles méthodes de travail en recherche

et sauvetage. Tout était carré, formalisé, les Affaires maritimes avaient fait la preuve de leur efficacité. Personne ne

nous remettait en question. Nous étions toujours les plus petits de la “Bande des quatre” (Douane, Gendarmerie mari-

time, Marine nationale, Affaires maritimes) mais, coordinateurs reconnus, nous ne faisions plus d’ombre à qui que ce

soit. Sur le plan opérationnel, les balises de détresse 406 MHz1 arrivaient à maturité, les alarmes / fausses détresses

devenaient de plus en plus rares et les recherches grandement facilitées. En même temps les moyens radio sur les navires

de plaisance se sont développés, les navires de pêche disposaient de moyens efficaces de liaison. Le travail est devenu

plus facile et les personnels ont été renforcés. On y trouve aussi des officiers des affaires maritimes qui ont déjà connu

une ou deux affectations en CROSS. Les gendarmes maritimes ont, eux, été remplacés par des chefs de quart guetteurs-

sémaphoriques, plus adaptés à la mission.

* = *

1 Il s’agit du système SARSAT-COSPAS*

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DEUXIÈME PARTIE *

Les constructeurs ou l’essor (1981-1991)

Le CROSS Corsen

AGAM (2s) Roger BOSC, directeur du CROSS Corsen de 1985 à 1991

L’administrateur général des affaires maritimes (2s) Roger BOSC, alors ACAM, a exercé les fonctions de chef du

CROSS installé à Corsen du 2 septembre 1985 au 16 septembre 19911

Mon arrivée au CROSS

J’arrivai au CROSS après une affectation de trois ans comme chef du centre de sécurité des navires du Finistère-

nord à Brest, succédant elle-même à un séjour de quatre ans en Polynésie française, où j’étais chef du service des affaires

maritimes. Avant de réussir le concours d’Administrateur des Affaires maritimes, j’étais officier de la marine marchande

(Capitaine au long cours).

Lors de mon affectation en Polynésie, j’avais été très impliqué dans l’organisation locale du sauvetage. La Marine

gardait le contrôle opérationnel des moyens (essentiellement les siens …) mais je me trouvais, de facto, dans un rôle de

“co-coordinateur de mission de sauvetage”. Le dispositif était efficace car les équipages des avions de patrouille mari-

time (les vieux NEPTUNE P2V7 qui achevaient leur carrière) faisaient des merveilles pour retrouver les embarcations

locales régulièrement égarées entre les îles … Cette expérience m’a été évidemment utile au plan opérationnel mais pas

seulement. En effet, très peu de temps après mon arrivée à Corsen, je participai à un colloque de chefs de MRCC2

organisé à Falmouth par nos amis Coastguard* ; le Commodore HARRIS, chef du MRCC Falmouth, n’avait pas man-

qué de me questionner, avec ce soupçon de condescendance si britannique, sur mes antécédents ès sauvetage… J’avais

été bien aise de pouvoir évoquer, avec une assurance de coq gaulois, mes aventures polynésiennes ! Quelque temps plus

tard, j’avais eu l’occasion d’inviter ce même Commodore HARRIS, excellent homme au demeurant promu à de hautes

fonctions à la Maritime & Coastguard Agency. Il avait alors pu constater que nous n’avions pas à rougir de la compa-

raison avec leurs propres MRCC.

**

LE CONTEXTE

Je voudrais ici rendre hommage à deux des pionniers de CORSEN.

Tout d’abord à son créateur, notre très regretté administrateur en chef (à l’époque …) Jean Claude DUBOIS, ensuite

à un personnage discret mais ô combien essentiel pour le maintien en conditions opérationnelles du centre, l’électromé-

canicien de phare* Jean MALGORN.

Certes, du point de vue purement sémantique, Jean Claude DUBOIS ne fut pas le premier “directeur” du CROSS…

car, en ces temps-là, on était “chef de CROSS” ! En fait, il fut bien plus que cela puisque, parti d’une feuille blanche,

1 Les fonctions de chef puis de directeur étaient strictement identiques ; seule la dénomination en a été changée en 1986. À titre anecdotique, il peut être rappelé qu’il y a eu débat pour choisir entre “Directeur” et “Commandant” ; l’argument avancé pour le choix de “Directeur” était que l’appellation était plus valorisante que celle de “Commandant” (Note de l’auteur). 2 Maritime Rescue Coordination Center*.

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ou plus exactement d’un terrain en friche cédé par la Marine comme en attestait la borne marquée d’une ancre à la limite

sud de la parcelle — probablement toujours en place–, il mit sur pied un centre techniquement complexe et constitué

une équipe, je serai bien tenté de dire un équipage, qui le 15 octobre 1982 à minuit prit son service opérationnel pour

s’intégrer harmonieusement dans la chaîne de la surveillance et du sauvetage entre Étel et Jobourg.

Lorsqu’il me passa la suite en 1985, il ne restait plus qu’à entretenir les acquis tant les équipements étaient en parfait

état de marche, les procédures rodées, l’état-major aguerri et l’équipage disponible et compétent. À vrai dire, rien

d’étonnant pour moi. Jean Claude DUBOIS m’avait si souvent passé des suites toujours claires et précises lorsque je

lui succédais à la passerelle du petit cargo LA COUBRE de la Compagnie générale transatlantique sur lequel nous

avions été embarqués pendant de longs mois. Je lui succèderai encore une fois à l’inspection générale des services des

Affaires maritimes. Excellent camarade et ami, professionnel hors de pair, il nous aura quitté bien trop tôt. Mais, outre

la première place sur la liste des directeurs (foin de sémantique !) affichée dans le hall d’entrée de CORSEN, il mérite

d’être reconnu comme le maître d’œuvre de cette complète réussite que fut la création du centre, réussite unanimement

saluée et perpétuée depuis plus de trente ans par ses successeurs.

N’oublions pas toutefois le rôle primordial joué par ce que j’appellerai, pour simplifier, les “Phares & Balises” et,

singulièrement, par leur patron Jean PRUNIERAS*. Grand visionnaire, il avait perçu le rôle que pouvaient jouer les

CROSS en matière de sécurité de la circulation maritime. Il avait su les doter budgétairement pour les moderniser et les

développer en les adossant au plan scientifique et technique au STPB1, devenu CETMEF2*. Jean PRUNIERAS, un de

ces grands commis de l’État, internationalement reconnu en raison de son rôle dans la normalisation du balisage mari-

time mondial, mériterait bien un hommage spécifique. Je me contente ici de l’évoquer et, avec lui, les ingénieurs et

techniciens de son service. Au demeurant, c’est parmi eux qu’il a désigné celui qui allait être chargé de superviser la

réalisation de la tour radar du Stiff : l’électromécanicien de phares Jean MALGORN.

Jean MALGORN, natif d’Ouessant, avait d’abord navigué au long cours dans la marine marchande avant de devenir

“gardien de phares”. À ce titre, il avait connu ces fameux phares de l’Iroise où les relèves acrobatiques s’effectuaient

parfois dans des conditions périlleuses. Il y avait acquis toutes les compétences d’électromécanique indispensables à la

maintenance, dans un isolement quasi complet, d’équipements dont le fonctionnement devait à tout prix être assuré.

Ayant suivi la construction de la tour, il la connaissait dans ses moindres détails, des fondations jusqu’à la grande

antenne radar sommitale.

Célibataire, il logeait dans la tour bien que prenant ses repas chez ses vieux parents qui habitaient non loin de là.

C’est dire sa disponibilité… D’un dévouement à toute épreuve, nous pouvions l’appeler à toute heure du jour ou de la

nuit. Son autre éminente qualité était sa minutie que ce soit pour la maintenance des équipements les plus pointus ou

pour la simple propreté. Heureux concours de circonstances ou conséquences de cette minutie, les magnétrons du radar

duraient plus longtemps que la norme et la visite — avec dépose — de la grande antenne avait pu être différée de

plusieurs années.

Contrepartie de cette qualité, sa cohabitation avec les guetteurs sémaphoriques* était distante. Ces derniers armaient

le sémaphore de la marine nationale installé dans le “camembert”, cette construction cylindrique, excentrée par rapport

au fût de la tour, qui abritait en outre les salles techniques contenant émetteurs, récepteurs et autres équipements CROSS.

À son goût, le personnel du sémaphore n’était pas assez soigneux… Par contre, il avait d’excellentes relations avec

l’équipe du CROSS et il appréciait nos venues au Stiff où son accueil discret mais fondamentalement chaleureux per-

mettait de travailler dans les meilleures conditions. Il avait cependant une façon bien à lui pour jauger ses visiteurs : il

les faisait descendre sur la passerelle fixée sous le “camembert”. Il n’y avait aucun danger mais être ainsi suspendu à

80 mètres au-dessus du sol pouvait impressionner ; goguenard, il observait les réactions de ses “invités”. Pour ce qui

me concerne, il m’a même fait grimper sur la lanterne du phare du Creac’h pour y inspecter l’antenne du radiogonio-

mètre dont l’état était préoccupant. Sans sa présence rassurante, je n’aurais sans doute pas eu l’audace d’une telle esca-

lade, récompensée il est vrai par une vue exceptionnelle !

Il faut dire qu’il ne craignait pas le vertige. Il était capable d’escalader la grande antenne radar pour son entretien.

Nous disions en plaisantant qu’il chevauchait ladite antenne pendant les tempêtes ; légende, bien sûr, mais qui trouvait

son fondement dans l’ouragan du 15 octobre 1987 : les mouvements de la tour étaient tels que la Marine avait fait

évacuer le sémaphore. Étant de service, j’avais pour ma part donné liberté de manœuvre à Jean MALGORN … qui

n’avait pas quitté les locaux techniques de toute la nuit malgré des vents de l’ordre de 200 km/h. Par précaution, nous

avions stoppé la grande antenne et nous avions assuré la veille radar sans discontinuer avec l’antenne de secours. L’am-

plitude des oscillations de la tour atteignit cette nuit-là la vingtaine de centimètres. Animé par sa culture de “gardien de

phares”, Jean MALGORN avait estimé qu’il devait rester à son poste, prêt à toute intervention d’urgence !

Ce n’est que pour de sérieuses préoccupations de santé que Jean MALGORN dut quitter “sa” tour. Il y sera remplacé

par quatre agents des phares et balises. Sans mettre en doute les compétences et la disponibilité de ces derniers, il faut

1 Service Technique des Phares & Balises. 2 Centre d'Études Techniques Maritimes et Fluviales devenu ensuite CEREMA*: Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.

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bien admettre le caractère exceptionnel des services rendus par Jean MALGORN dont la distinction dans l’ordre du

mérite maritime ne pouvait pas être plus justifiée.

Prenant mes fonctions à la tête d’un CROSS neuf, bien équipé et dont l’état-major et l’équipage étaient opérationnels

dans le cadre de procédures rodées, ma première priorité ne pouvait être que le maintien en bon état de fonctionnement.

Du point de vue du personnel

Un premier souci fut le remplacement de l’officier en second (on dirait maintenant, “directeur-adjoint”) …Il avait

bien été prévu numériquement le remplacement de l’APAM Wenceslas GARAPIN, débarquant, par l’AAM Michel

BABKINE dont c’était la première affectation à la sortie de l’école. Les règles corporatistes auraient voulu qu’il soit

l’officier en second mais il aurait alors eu sous son autorité des officiers du corps technique plus anciens et plus expé-

rimentés que lui et, notamment, l’officier principal Daniel BOISSEAU. La question agitait les esprits… Le bon sens

mais aussi la nécessité de maintien de la cohésion de l’état-major dictait la réponse ! Aujourd’hui, alors que la fusion

des corps est réalisée, le problème peut paraître anecdotique, mais en 1985, ce n’était pas si évident. Quoiqu’il en soit,

je n’ai jamais eu à regretter ma décision ; Daniel BOISSEAU a été un parfait second (et il était aussi notre très compétent

“chef mécanicien” du fait de sa formation marine marchande !) ; Michel BABKINE avait bien vécu la situation et sera,

à son tour, mon second au départ de Daniel BOISSEAU … Bien plus, sa fin de carrière sera marquée “CROSS” à la

Direction des affaires maritimes et des gens de mer, puis “sauvetage” puisqu’il en deviendra le “grand maître” au se-

crétariat général de la mer*, preuves que son affectation à CORSEN avait été professionnellement bénéfique.

Un second souci s’imposa rapidement : la formation opérationnelle du personnel était indispensable en raison de la

rotation des effectifs à une époque où n’existaient, ni une réserve de “professionnels des CROSS”, ni des sessions

spécifiques de formation. Pratiquement tout nouvel arrivant devait être formé sur place … à commencer par le nouveau

chef (qui devait non seulement prendre en main l’ensemble d’un outil complexe mais aussi être en mesure d’assurer au

plus vite ses tours de service opérationnel !)

La question se posait plus particulièrement lors du remplacement des officiers de réserve “marine marchande”

puisque l’ensemble de la bordée des enseignes de vaisseau achevant leur service national était remplacée par la bordée

des aspirants sortant de l’école des EOR*. Ces jeunes gens avaient certes reçu un enseignement approprié mais devaient

prendre du jour au lendemain des fonctions de chef de quart “surveillance du trafic” et/ou “sauvetage”. Leur origine

facilitait à l’évidence bien les choses car ils se retrouvaient dans un environnement familier ; aussi, en très grande

majorité, ils donnaient très vite toute satisfaction tant du point de vue opérationnel que dans la vie au quotidien. Ce fut

un peu plus difficile lorsque les premiers aspirants “grandes écoles” arrivèrent. Ils devaient s’adapter à un contexte

doublement nouveau… Garçons intelligents, ils s’en sortaient bien dans l’ensemble mais il y eut quelques cas difficiles.

Quoiqu’il en soit, hommage doit être rendu à tous ces jeunes officiers qui, avant la professionnalisation, “ont fait le

job” à l’occasion de leur service militaire.

Cette question de la formation restera une de nos grandes préoccupations liées à la professionnalisation des person-

nels. Régulièrement posée lors des réunions de chef/directeurs de CROSS, elle mit du temps à être résolue.

Du point de vue du matériel

Le centre était neuf mais l’immobilier nécessitait un suivi attentif car la construction de Corsen était relativement

spécifique. À cet égard, les relations avec l’architecte, très concerné, étaient fréquentes.

Il en était de même pour la tour radar du Stiff, bâtiment hors normes. Nous suivions plus spécialement la tension

des câbles de précontrainte mesurée par des dynamomètres fixés à la base de la tour. C’était là un des domaines de

prédilection de Jean MALGORN. Nous avions un réel appui de notre ministère pour débloquer les crédits nécessaires

à l’entretien de l’immobilier nécessitant de coûteux travaux, comme la peinture de la tour radar et celle du pylône de

Corsen.

Au plan matériel et technique, deux importantes évolutions de l’installation radar ont été réalisées sous maîtrise

d’œuvre du CETMEF.

Un premier marché avait été passé avec la société STERIA pour l’amélioration du traitement de l’image.

Le second visait à augmenter la capacité du calculateur afin de prendre en charge un plus grand nombre de pistes.

Opération délicate, elle avait été menée à bien par Monsieur CARPENTIER, ingénieur de THOMSON CSF, fournisseur

de l’installation. Pour l’anecdote, Monsieur CARPENTIER était le concepteur du calculateur. Il avait entretemps été

promu à d’autres fonctions mais THOMSON l’avait néanmoins détaché pour cette intervention car il était seul qualifié

pour ce faire ... Monsieur CARPENTIER partagea notre quotidien pendant plusieurs semaines. Homme très attachant,

il nous avait dévoilé des domaines nouveaux à nos yeux.

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Il va sans dire que nos relations étaient étroites avec les ingénieurs du service technique des phares et balises

(CETMEF) pour toutes ces questions techniques. Je citerai plus particulièrement Patrick PALUS et Bruno MANOURY

(récemment disparu) souvent en déplacement à Corsen où nous les recevions toujours très cordialement.

J’ai déjà évoqué le soutien de notre administration, la direction régionale des Affaires maritimes à Rennes qui inter-

venait peu dans le quotidien mais nous assurait un soutien constant, l’administration centrale et notamment le service

de Monsieur PRUNIERAS et son adjoint, l’administrateur en chef Jean Louis GUIBERT.

En outre, nos relations étaient, au-delà des opérations, constantes avec les services de la préfecture maritime : per-

sonnel, gestion, transmissions...

* *

LA STRUCTURE DU CROSS : MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS

Au plan humain

Outre les OCTAAM BOISSEAU et LE ROUX, les plus anciens, et l’AAM BABKINE que j’ai déjà évoqués, l’état-

major était complété par les OCTAAM BELLEC, ancien officier radio de la marine marchande, évidemment très utile

dans la maintenance de nos équipements électroniques, MOUTON, JEZEGABEL (promis à une belle carrière car il

sera ultérieurement commissaire de marine, magistrat et sous-préfet !) et CROGUENOC, le plus jeune de nos officiers,

qui était licencié en littérature bretonne et plaisancier convaincu sur vieux gréement rustique. Tous ces officiers étaient

compétents, dévoués et soudés, ils constituaient l’équipe idéale qui m’a accompagné au début de mon affectation.

L’état-major se modifiera au fil des fins d’affectation. Parmi les nouveaux arrivants, je citerai seulement l’APAM Jean-

Bernard ERHARDT qui fut mon — fidèle — second pendant quelques mois avant mon départ.

J’ai déjà évoqué les aspirants et EV2*, membres à part entière de l’état-major.

Le plan d’armement en officiers mariniers, quartiers maîtres et matelots était suffisant au plan quantitatif mais sans

marge de manœuvre. Le problème pouvait être qualitatif, la défaillance d’un seul élément étant de nature à déséquilibrer

l’ensemble. Il faut dire à cet égard que le service “ressources humaines” de la préfecture maritime réagissait très vite si

une difficulté lui était exposée. Il y en a eu...tous ne pouvaient pas être toujours “au top”.

La couverture radio et radar du CROSS Corsen

Les équipements radar et radio étaient performants et globalement suffisants.

Nous souhaitions un second radiogoniomètre à installer à la pointe du RAZ et à intégrer dans le calculateur radar

comme celui de CREAC’H... le coût en était élevé et le gain opérationnel restait à la marge.

À noter que les radiogoniomètres qui équipaient les sémaphores nous étaient très utiles.

Dès l’origine, un radar dit “local” avait été prévu à Corsen même. Son mât surplombait la salle opérationnelle. Le

projet fut réalisé mais il s’avèrera à l’usage que ce radar, non couplé au radar du Stiff, n’avait pas une réelle utilité

opérationnelle...

* *

LES ACTIONS DE VALORISATION

La coordination

Dans les années 80, la coordination, indispensable dans le domaine du sauvetage en mer, était un sujet majeur. Le

principe en était encore récent et les CROSS devaient s’imposer pour pouvoir jouer leur rôle. C’était encore plus vrai

pour un CROSS “jeune” comme celui de Corsen.

Mais, la coordination ne se décrète pas - enfin, pas seulement… À l’époque, l’esprit de coordination devait être

sinon créé du moins entretenu ce qui supposait connaissance réciproque et confiance mutuelle de chacun des partenaires.

D’une façon générale dans la zone du CROSS Corsen, les choses se passaient bien avec en arrière-plan le soutien

indéfectible du Préfet maritime et de son bureau AEM (action de l’État en mer*). Les relations avec les préfets maritimes

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en poste pendant mon affectation à Corsen — les vice-amiraux d’escadre CORBIER, LE FEBVRE et MERVEILLEUX

DU VIGNAUX — ont toujours été directes et confiantes. Elles étaient également très étroites avec les services de la

préfecture maritime* (bureau AEM, bureau des sémaphores, bureau des opérations côtières …). Les deux CROSS

étaient bien connus et reconnus. Corsen, le plus proche et tout neuf, était d’ailleurs très souvent sollicité pour des visites

soit d’unités de la Marine, soit de visiteurs ou missionnaires de passage à la “PréMar”. Nous accédions très volontiers

en la matière aux demandes de la Marine.

Personnellement, j’assistais régulièrement à la “grand-messe”, le briefing du vendredi matin au COM* de Brest,

occasion de rencontrer l’amiral, ses adjoints …et les OSEM (ces officiers de suppléance état-major du Centre Opéra-

tionnel de la Marine à Brest) qui nous tracassaient parfois un peu et que nous invitions aussi au CROSS, histoire de

mieux nous comprendre). Il était entendu que le chef de CROSS avait un accès direct au préfet maritime. Pour ma part,

je n’ai pas eu d’occasion d’user de cette faculté.

Il va sans dire par ailleurs que le Chef de CROSS était régulièrement invité aux diverses réceptions, dîners et autres

manifestations “marine” ou autres…obligations pesantes parfois !

Contacts fréquents hors opérations, invitations à venir au CROSS, déplacements chez nos partenaires étaient des

pratiques constantes. L’OCTAAM Claude LE ROUX en était plus particulièrement chargé. Cet officier était en quelque

sorte notre référent “opérations” du fait de son expérience dans ses affectations précédentes en CROSS. Il faut dire qu’il

avait en matière de communication, outre un réseau dense, un savoir-faire aiguisé … et des talents de gestionnaire fort

utiles. En effet, nous avions dans le domaine des relations publiques une arme redoutablement efficace, les invitations

à notre “table” ! Les visites du CROSS étaient certes très appréciées mais quand elles se doublaient d’une invitation à

déjeuner dans notre carré, avec sa vue superbe sur le chenal du Four et l’archipel de Molène, alors bien des difficultés

s’estompaient… Merci à notre gestionnaire de la “gamelle” (ci-dessus cité), aux cuisiniers et autres petites mains du

service général !

Dans ce registre, les pilotes de l’hélicoptère de la sécurité civile du Finistère appréciaient tout particulièrement de

venir se poser en fin de matinée sur notre hélistation quand quelque mission les amenait dans nos parages. Ils savaient

que nous aurions grand plaisir à les retenir à déjeuner. Il ne faut pas voir malice dans ces pratiques : outre l’aspect

entraînement des uns et des autres, le renforcement des liens personnels ne pouvait qu’avoir des conséquences béné-

fiques lors d’opérations où il est primordial de bien et rapidement se comprendre, dans un sens comme dans l’autre. Au

demeurant, ne mesurons pas un moment de détente de ces pilotes et mécaniciens qui pratiquaient un métier à risque. Et

ce n’est pas pure rhétorique de le dire puisque nous eûmes, coup sur coup, le malheur de connaître la perte des hélicop-

tères de la sécurité civile - et de leurs équipages - de la Manche - basée à Granville et que nous sollicitions régulièrement

-et du Finistère1.

Permettre au CROSS d’asseoir au mieux sa légitimité pour assumer sa mission de coordination des opérations de

recherche et sauvetage en mer était une tâche fondamentale à laquelle nous consacrions beaucoup de temps sous forme

de contacts réguliers et de déplacements chez nos partenaires que nous invitions en retour à Corsen. Pédagogie et di-

plomatie étaient les maîtres mots de ces rapports. Mais, la voie avait déjà été largement défrichée par nos prédécesseurs

et la renommée des CROSS était bien établie. Aussi, nos rapports avec des gens généreux et dévoués étaient la plupart

du temps chaleureux et constructifs.

Pour autant, des mises au point, parfois fermes étaient indispensables. Assez curieusement, malgré le soutien affiché

du préfet maritime, certains OSEM (officiers de suppléance état-major du Centre Opérationnel de la Marine à Brest)

étaient la bête noire des officiers de permanence coordinateurs de mission de sauvetage, surtout lorsqu’il s’agissait des

plus jeunes d’entre eux. Ces “frégatons”, qui avaient commandé à la mer, demandaient des justifications avant de fournir

les moyens Marine requis. À leur décharge, il faut reconnaître qu’ils avaient eux aussi à rendre des comptes dans une

chaîne décisionnelle rigoureuse. Et puis, l’exercice d’argumentation qui en découlait n’était pas sans intérêt… En effet,

face à un problème dont les données sont incomplètes mais où il y a urgence à agir, le CMS2 peut s’appuyer sur des

procédures, se fier à son instinct fondé sur son expérience mais il doit aussi raisonner de manière à adapter aussi fine-

ment que possible les moyens à mettre en œuvre (ces moyens qui, comme les antibiotiques, doivent être appropriés,

administrés au bon moment et à la bonne dose et dont l’excès sera contreproductif). Ceci étant, les “opérationnels” du

COM n’avaient pas encore totalement assimilé - et de notre côté nous n’avions sans doute pas encore totalement fait

nos preuves - que c’était au CMS que revenait la charge de l’analyse et la responsabilité de la décision, l’OSEM n’étant

que prestataire seulement juge de la disponibilité et de la capacité du moyen sollicité… Situation subtile, chapeautée -

disons “casquettée” - par le même homme, préfet maritime et amiral commandant de zone maritime comme l’illustre

l’anecdote suivante !

1 26 mai 1990 : Le Dauphin Dragon 50 de la sécurité civile de la Manche s’abîme en mer alors qu’il effectuait une mission de surveillance en baie du Mont Saint Michel, faisant trois victimes. 27 juin 1991 : Le Dauphin Dragon 29 de la sécurité civile du Finistère percute une ligne à haute tension au-dessus de l’Aulne au cours d’une recherche d’une personne disparue, faisant quatre victimes. 2 Coordinateur de Mission de Sauvetage.

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Les divergences d’interprétation entre OSEM et CMS avaient conduit les “ops» (division opérations) de PRÉMAR

Brest à concocter unilatéralement un projet d’instruction où le COM prenait de fait le pas sur les CROSS … Ayant eu

connaissance du projet, j’avais très vigoureusement manifesté mon opposition auprès du bureau AEM, si vigoureuse-

ment que ma position, totalement fondée juridiquement, était remontée dans l’après-midi même jusqu’au préfet mari-

time ! En soirée, au cours d’une réception offerte par le commandant local de la gendarmerie maritime, l’Amiral

m’aperçoit, se dirige aussitôt vers moi et me dit : “On est en train de se prendre les pieds dans le tapis ! On arrête tout !”.

C’est ainsi que s’équilibraient peu à peu les rapports COM/CROSS … Il faut tout de même affirmer très fort que

ces tiraillements, aussi agaçants qu’ils fussent, étaient transparents sur le plan opérationnel : les moyens nécessaires

étaient mis à la disposition des CROSS et leurs équipages se plaçaient alors avec toute leur compétence et leur profes-

sionnalisme sous le contrôle opérationnel des CMS.

A côté de partenaires totalement dévoués comme les stations SNSM1 et les douaniers, toujours prêts à mettre leurs

aéronefs à notre disposition sans barguigner, nous devions nous confronter à certains réfractaires. Un cas bien particulier

était celui du Conquet radio. Fameuse station bien connue de tous les navigants, elle était en plein déclin, condamnée à

la fermeture, en raison de l’évolution des moyens de transmissions et le retrait clairement annoncé de France Télé-

com…Son personnel le vivait mal — ce qui se comprend — en voyant les CROSS prendre peu à peu une place qu’ils

avaient occupée si longtemps. À Corsen, nous étions leur voisin proche. Nous avons toujours évité les affrontements

directs et avons même essayé de nouer des relations cordiales avec ces agents de l’État, comme nous l’étions aussi,

parfaitement compétents dans leur domaine et totalement dévoués au service des marins.

Autre spécificité finistérienne, un colonel des pompiers, “à forte personnalité”, que nous “partagions” avec Étel. Il

n’appréciait guère que ses moyens fussent commandés par d’autres … et ses critiques ne manquaient pas sur l’usage

qui en avait été fait. Il fallait beaucoup de pédagogie et de diplomatie pour arrondir les angles les plus aigus d’autant

plus que de notre côté, nous n’étions évidemment pas toujours exempts de reproches …

En fait, au-delà du principe de coordination et des efforts pour obtenir l’adhésion des partenaires, fallait-il encore

que le coordinateur soit indiscutable et, en ce domaine, nous avions des progrès à faire pour nous améliorer dans la

précision et la rigueur de façon à être le plus efficace possible et ainsi ne pas prêter le flanc à la critique. C’était en

quelque sorte l’amorce de la démarche qualité qui se traduira par les certifications des années 2000, presque deux dé-

cennies plus tard.

Notons que, de son côté aussi, le Centre de consultation médicale maritime (CCMM* de Toulouse) montait en

puissance ; nous avions, de ce fait, des échanges très positifs avec leurs médecins. Nous rencontrâmes à plusieurs re-

prises leurs représentants et, notamment, le Docteur PUJOS, successeur du Professeur LARENG. Là encore, c’était de

nouveaux horizons qui s’ouvraient à nous.

Un mot supplémentaire sur la SNSM — on pourrait écrire des pages sur le sujet ! Pour ma part, je ne dirai jamais

assez ma gratitude à l’égard de ces équipes prêtes à appareiller à toute heure du jour et de la nuit, souvent au péril de

leur vie, sans autre contrepartie qu’une vague reconnaissance. Pouvoir réveiller un président de station (et son épouse)

à 2 heures du matin, en plein hiver, en lui demandant de faire sortir son canot pour des fusées rouges, dont on savait

qu’il y avait neuf chances sur dix que ce serait une fausse alerte, et trouver un interlocuteur immédiatement disponible

qui déclenche l’appareillage, est une véritable richesse à sauvegarder !

A titre personnel, l’hommage que je veux rendre ainsi à la SNSM fait plus particulièrement référence au regretté

président TOUTAIN, de la station de Ploumanac’h, ancien pilote de ligne et commandant de bord à Air France qui,

comme tant d’autres de ses homologues, recevait nos demandes de concours. Un canot tout-temps porte actuellement

son nom.

La communication externe

Le CROSS Corsen du fait de sa récente création était très médiatisé. Bien connus de la presse locale, nous n’avions

pas besoin d’aller au-devant des journalistes qui nous sollicitaient régulièrement. À l’occasion des opérations, les CMS

assuraient le premier contact, avec toutes les précautions d’usage, puis, si l’affaire était délicate, le chef de CROSS ou

son suppléant prenaient le relais.

A l’époque, la “PréMar” laissait aux CROSS une large initiative des relations avec les médias.

Le grand classique pour faire connaître le CROSS par le grand public était la préparation de la saison estivale. En

liaison avec les chefs de quartier, nous participions à des réunions d’élus, d’administrations, d’usagers ... et nous en

profitions pour distiller la “bonne parole”.

1 Société Nationale de Sauvetage en Mer.

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Ce même type d’action était de rigueur lors de la préparation des départs de la Route du Rhum, occasion aussi de

faire des recommandations aux concurrents pour la traversée du DST d’Ouessant.

Les reportages télévisés à Corsen étaient relativement fréquents. Mais, plus particulièrement, une émission de

THALASSA y a été complètement réalisée. De même pour l’émission “24 heures”, célèbre dans les années 90, où les

équipes de tournage filmaient pendant vingt-quatre heures d’affilée le quotidien d’un organisme. Occasion de rencontrer

et d’échanger longuement avec les journalistes et les techniciens.

Les relations avec les clubs/associations de plaisanciers étaient plutôt occasionnelles, en général lorsqu’il nous était

demandé une visite du centre. Nous avions assez peu de relations directes avec les organisations professionnelles de la

pêche maritime. Les pêcheurs qui nous préoccupaient le plus étaient les hauturiers de Bretagne-sud qui coupaient le

DST. Ils résidaient un peu loin pour fréquenter le CROSS ... pourtant, nous aurions eu bien des messages à leur faire

passer.

Le rôle du chef/directeur du CROSS

Le chef/directeur de CROSS participait au tour de permanence avec une “petite faveur” puisqu’il était exclu du tour

les samedis, dimanches et jours fériés, exclusion révisable en période estivale au moment des permissions. Pour pouvoir

être joint à tout moment, il était muni d’un “bip”, petit boitier de la taille d’un smartphone actuel. Sa sonnerie indiquait

qu’il fallait appeler le centre...

J’ai vécu avec cet appareil en poche pendant toute mon affectation (sauf missions et permissions) en veillant à rester

toujours à portée d’un téléphone ! En outre, modeste plaisancier côtier, j’empruntais au CROSS une VHF portative qui

me permettait de garder le contact lors de sorties dominicales à l’embouchure des abers Benoît et Wrac’h, parages au

demeurant fort plaisants ... par beau temps.

Pour ma part, j’ai toujours considéré que le directeur de CROSS était un commandant d’unité et que, tout relevant

de sa responsabilité, il devait être tenu au courant dès lors qu’une difficulté survenait ou était susceptible de survenir à

charge pour lui de confirmer, infléchir ou compléter les actions engagées. Mais, surtout, il devait disposer à tout moment

des informations lui permettant d’être en mesure de rendre compte aux autorités concernées et d’informer ceux qui

avaient besoin d’en connaître.

Cette attitude pouvait être mal comprise par certains CMS qui se voyaient investis par les textes d’une mission

exclusive... Ma réponse était (et est toujours) simple : primo « On est plus intelligent à deux qu’à un ! » (Citation de

l’administrateur général Raymond MUNCH, notre directeur régional de l’époque, le premier chef du CROSS à Étel),

secundo, en cas de mise en cause pénale malheureusement toujours possible, on n’est pas tout seul devant le juge ...

La seule difficulté pratique est de savoir quand prévenir. Le fameux commandant LEROUX (ce n’est pas notre LE

ROUX de Corsen !) avait écrit dans son cahier de consignes : « Me prévenir de quoi que ce soit ! » mais, s’apercevant

que la consigne avait été trop bien interprétée, avait corrigé en précisant « Quoi que ce soit, ce n’est pas rien ! ». Plus

sérieusement, la réponse se trouve dans les rapports de confiance entre le chef, qui doit donner des instructions claires,

et ses subordonnés qui doivent réagir avec pertinence et discernement car tout n’est pas décrit par les procédures...

Personnellement, j’ai été souvent confronté à cette question, sur des passerelles, au CROSS ou tout simplement derrière

mon bureau : « Est-ce que je dois prévenir le commandant, ou le préfet maritime, ou d’une façon générale l’autorité

supérieure, même si j’ai la situation bien en mains ? » ; j’ai toujours appliqué une règle un peu rudimentaire : « À partir

du moment où je me pose la question alors, il faut le faire ! ». Aucun de mes supérieurs ne s’en est plaint, la règle doit

donc être efficace...

Le cas particulier de la communication avec les familles

Il appartenait au CMS de communiquer avec les familles d’abord dans la phase essentielle de l’alerte pour recueillir

les informations permettant l’analyse de situation puis, à mesure du déroulement des opérations, pour les tenir infor-

mées. Cette communication devenait de plus en plus sensible lorsqu’une issue négative se profilait. Le chef/directeur

intervenait alors pour à la fois rendre compte aux autorités (préfet maritime, chef de quartier, directeur régional, préfet

de département ...) et pour préparer les familles. Les chefs de quartier étaient relativement peu sollicités en la matière

sauf si des professionnels étaient concernés.

La responsabilité de prendre la décision d’arrêt des recherches lors d’une opération et d’en informer les familles en

cause est une décision toujours difficile. Elle relevait en tout état de cause du préfet maritime ce qui supposait une étroite

concertation soigneusement anticipée. Le concept de “fin des recherches actives” permettait une transition “souple”.

Après, c’était au chef de CROSS de l’expliquer aux familles...

* *

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L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

La zone de responsabilité du CROSS

A l’Est, la limite avec le CROSS Jobourg — coupant la baie du Mont Saint-Michel — se confondait avec la limite

des deux préfectures maritimes de Brest et de Cherbourg pour rejoindre la ligne nord-est/sud-ouest limite des eaux

françaises et britanniques jusqu’au 8ème degré de longitude ouest ; au nord de cette ligne, opérait le MRCC Falmouth.

Une portion du 8e ouest (120 milles d’Ouessant environ) constituait la limite ouest jusqu’à son intersection avec le

parallèle de la pointe du Raz. Au Sud de ce parallèle, commençait la zone de responsabilité du CROSS Étel.

Ces limites ne furent pas modifiées pendant mon affectation au CROSS, mais un élargissement de la zone Corsen

permettant une couverture plus étendue des approches sud-ouest du DST1 apparaissait cohérent et une réflexion avait

été ouverte sur ce sujet. Malgré la bonne entente entre chefs de CROSS, Étel était un peu réticent à céder une partie de

son “domaine”. Il avait été envisagé une limite orientée nord-est/sud-ouest à partir de la pointe du Raz… Il faudra

quelques années pour fixer vers le sud une nouvelle limite, passant du parallèle de la pointe du Raz à celui de la pointe

de Penmarch puisque cette modification intervint en 1994.

Les missions du CROSS

Les fonctions “opérations” étaient organisées en deux quarts, supervisées par un officier de permanence. Au quart

“circulation” il y avait un chef de quart (aspirant/EV2) et un opérateur radar (matelot/quartier-maître spécialité détecteur

en général), qui assuraient la veille radar et les contacts avec les navires empruntant le DST (le “rail”) ou naviguant

dans ses approches. Au quart “sauvetage”, on trouvait un chef de quart (guetteur sémaphorique ou aspirant/EV2) et un

opérateur (matelot/quartier-maître transmetteur), qui assuraient la veille radio, la diffusion des informations nautiques,

les transmissions télex. On y traitait aussi les affaires de surveillance des pollutions et de surveillance des pêches. Pour

chaque quart, trois équipes se succédaient toutes les quatre heures.

L’officier de permanence effectuait un service de 24 heures. En cas d’opération de sauvetage, il était le coordinateur

de mission de sauvetage (CMS) désigné. En outre, il s’assurait du bon fonctionnement général du centre.

La surveillance de la circulation maritime

C’était une mission essentielle à Corsen. N’oublions pas que la création du centre découlait directement du trauma-

tisme de la pollution par l’AMOCO CADIZ ! Et ce qui lui valait sa notoriété, c’était bien sa fonction de surveillance du

DST et de ses approches. Depuis son entrée en service, Corsen a fait la preuve de sa fiabilité et de son efficacité dans

le cadre de l’organisation de protection allant des pouvoirs juridiques du préfet maritime de mise en demeure et d’in-

tervention d’office à la mise en place d’un puissant remorqueur d’intervention.

Cette mission était tributaire des informations radar d’où l’importance de nos installations de la tour radar du Stiff

et de leur transmission par deux faisceaux hertziens. En cas d’avarie de ces derniers, il était prévu une configuration

dite “CROSSCO SECOURS” : de jour comme de nuit (l’hélistation pouvait être balisée à cet effet), un SUPERFRELON

embarquait une équipe réduite pour reprendre la surveillance depuis la tour radar. Nous effectuions périodiquement des

exercices de ce type. À ma connaissance, le cas ne s’est jamais produit.

Le nombre des infractions aux règles de circulation dans le DST diminuait sans cesse alors que le nombre des navires

identifiés, lui, augmentait. Les cas de contrevenants déroutés étaient exceptionnels mais les poursuites devant les tribu-

naux maritimes commerciaux étaient régulièrement engagées en liaison avec les services des affaires maritimes.

La détection des navires en difficulté puis la participation à leur assistance éventuelle mérite d’être évoquée à part,

même si elle relève de la mission de surveillance de la circulation. Le syndrome “Amoco Cadiz” était très fort et,

finalement, c’était aux yeux des autorités et du public la principale mission de Corsen ! Nos capacités de détection radar

et de liaisons radio, couplées avec l’excellent radiogoniomètre dont l’antenne surplombait la lanterne du phare de

Créac’h, étaient en la matière d’une efficacité remarquable.

Deux points particuliers peuvent être évoqués à propos la surveillance de la circulation maritime.

L’aide majeure à la navigation

1 Dispositif de Séparation de Trafic ; le “rail”.

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Lors des discussions sur la création du DST, la France, qui voulait éloigner le dispositif le plus possible vers le large,

s’était engagée à mettre en place une aide à la navigation à son entrée sud-ouest pour en faciliter la reconnaissance par

les navires “montants” qui, par définition, arrivaient du large (et à l’époque ne disposaient pas du GPS !). Le projet était

acté et la construction avait même commencé ; mais, il apparut avec l’expérience - au vu notamment de l’action du

CROSS Corsen - que la nécessité d’une telle aide ne s’imposait plus avec la même force, d’autant que la mise en service

du GPS se précisait. Le CROSS n’était pas directement concerné par l’exécution du projet mais se préparait à sa mise

en œuvre opérationnelle. Le projet sera finalement abandonné en 1986, décision qui a été depuis largement vali-

dée…même si elle a coûté “un peu” d’argent1.

Le croisement des voies à la sortie est du DST

Cette autre grande question faisait régulièrement débat.

Pour éloigner de la côte les navires transportant des marchandises dangereuses et/ou polluantes (étaient visés essen-

tiellement les grands pétroliers), le DST originel mis en place en 1978 comportait une voie montante (du sud-ouest vers

le nord-est) spécifique la plus au large, contiguë à la voie descendante (du Nord-Est vers le Sud-Ouest), elle-même

contiguë à la voie montante “de droit commun”, la plus proche d’Ouessant. De ce fait, les navires qui avaient emprunté

la voie montante du large devaient, pour rejoindre la voie montante du DST des Casquets, couper les trajectoires des

navires descendant de ce même DST. Théoriquement, le risque d’abordage en était accru. Des esprits chagrins ne man-

quaient pas de critiquer cet aspect (mais, assez curieusement, sans jamais mettre en avant la situation symétrique dans

le Golfe de Gascogne)…Nous répondions que le croisement avait lieu en eaux libres et que, somme toute, la prévention

des abordages en tout temps et en tout lieu était le lot commun des navigants et qu’en l’occurrence le risque était

prévisible, et d’ajouter, argument qui avait l’immense avantage de se bonifier au fil du temps, que nous n’avions pas eu

à déplorer d’accident…à ce jour ! Plus sérieusement, les avis de commandants, anciens collègues navigants, était peu

alarmistes : risque d’abordage il y avait, certes, mais il n’était guère plus élevé que dans bien d’autres zones et les

avantages des DST l’emportaient à leurs yeux sur cet inconvénient. Entré en vigueur 1er mai 2003 à 00h00 UTC, le

nouveau dispositif - il faut bien le dire, plus cohérent - trancha la question : il n’y a plus matière à ce croisement honni

qui, au demeurant, n’a jamais causé de problème, sauf verbalement, justifiant 25 ans d’efficacité du DST originel.

Le contrôle des pêches maritimes

En liaison avec les chefs des services des affaires maritimes, le CROSS programmait l’activité de leurs vedettes et

coordonnait l’action des autres administrations. La surveillance des campagnes de pêche de la coquille Saint-Jacques

en baie de Saint Brieuc était un des aspects les plus sensibles de cette mission qui, du fait de la zone à surveiller, n’avait

évidemment pas la même ampleur qu’à Étel par exemple.

La surveillance des pollutions maritimes

C’était une mission constante et Corsen était bien placé pour l’exercer concomitamment à la surveillance du trafic

maritime. Les procédures de coordination avec la préfecture maritime et la justice ainsi qu’avec les centres de sécurité

étaient bien rodées. Le public attendait beaucoup de cette mission à laquelle les médias donnaient un large écho.

La diffusion de l’information nautique

La mission de diffusion des avis aux navigateurs et des prévisions météo montait peu à peu en puissance en raison

du désengagement de France Télécom (voir plus haut les relations avec la station du Conquet radio).

1 https://www.senat.fr/questions/base/1986/qSEQ860500926.html Extraits de la question écrite de M. Georges Lombard (Sénateur du Finistère) M. Georges Lombard appelle l'attention de M. le secrétaire d'État à la mer sur le retard dans la mise en service du phare d'Ouessant dit " aide majeure à la navigation ", qui était prévue à l'origine pour l'été 1986. Il lui rappelle que l'État a déjà engagé plus de deux cents millions de francs sur les budgets 1984 et 1985 et qu'un certain nombre d'entreprises travaillent à cet important projet qui ne manquera pas, s'il est réalisé, d'améliorer la sécurité de la navigation au large des côtes du Finistère… Réponse du ministère : Le secrétaire d'État à la mer a pris le 14 mai 1986 la décision d'arrêter la réalisation de la construction du phare d'Ouessant dit " aide majeure à la navigation ". L'éloignement du dispositif de séparation du trafic d'Ouessant, auquel l'organisation maritime internationale n'avait en 1981 donné son accord qu'avec réticence et sous la réserve de la mise en place préalable d'un phare à l'entrée Sud-Ouest du futur dispositif, n'apparaît plus aujourd’hui comme devant apporter à long terme un niveau de sécurité supérieur à celui du dispositif actuel, institué en 1979. À court terme, ce déplacement aurait entraîné des risques accrus pendant une période transitoire de plusieurs années. Par ailleurs, des difficultés techniques considérables ont été rencontrées dans la réalisation de l'ouvrage. La poursuite de l'opération aurait entraîné des dépenses très supérieures aux estimations initiales. Le dispositif actuel de séparation du trafic d'Ouessant a été doté depuis 1979 de moyens importants de surveillance et d'intervention. Le secrétaire d'État à la mer a décidé de renforcer cet ensemble de moyens par un phare flottant – Note du rédacteur : en fait, une grosse bouée - qui améliorera encore la sécurité de la navigation dans la zone d'Ouessant. Les négociations, avec les entreprises contractantes concernées, visant à déterminer le niveau d'indemnisation auquel elles peuvent prétendre sont entreprises. Elles seront conduites rapidement afin de limiter les répercussions de la décision prise sur la gestion des entreprises et sur l'emploi.

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Notre présence sur les ondes était aussi un atout. Nous étions bien connus des navigants qui nous contactaient vo-

lontiers pour information voire soutien. C’était plus particulièrement le cas des capitaines qui souhaitaient chercher un

abri et à qui nous désignions une zone de mouillage en liaison avec les sémaphores. Les demandes de mouillage en baie

de Douarnenez étaient régulières dès que le mauvais temps s’annonçait (n’oublions pas que les conditions de mer dans

les parages d’Ouessant, comme dans le Golfe de Gascogne sont parmi les plus redoutables et incitent les capitaines à la

prudence !).

Les moyens aériens “lourds”

La Marine nationale en avait seule les moyens et la compétence. Les gros hélicoptères étaient engagés régulièrement

et j’ai en mémoire un cas de mise en œuvre d’un super-frelon de nuit ce qui était, à l’époque où il n’y avait pas de

capacité de vision nocturne, tout à fait exceptionnel. (J’évoquerai plus loin cette opération, très douloureuse – voir

relations avec les familles). L’engagement des “ATLANTIC” de Lann Bihoué se faisait par l’intermédiaire du COM

BREST selon les procédures “Marine”. Le CROSS communiquait ensuite avec la base, voire avec l’équipage avant

décollage, pour la définition précise de la mission et la communication des dernières informations. Dès que possible

des liaisons radio directes étaient établies.

A Corsen, nous avions également à notre disposition les avions des Douanes. Les relations avec leur centre opéra-

tionnel à Nantes étaient des plus confiantes. Nous connaissions bien leurs officiers de permanence et la mise en œuvre

de leurs moyens (aéronautiques ou navals) était d’une grande souplesse.

Nous pouvions aussi disposer, comme le CROSS Jobourg, de l’avion de Guernesey, appartenant à une association

de passionnés, tout dévoués au sauvetage, qui décollaient sur un simple appel téléphonique… Forts sympathiques, nous

avons eu le plaisir d’en recevoir une délégation à Corsen.

OPÉRATIONS MARQUANTES

Tout officier ayant été affecté en CROSS a vécu des opérations hors du commun, le plus souvent tragiques. J’évo-

querai ici deux affaires qui ont été coordonnées, coup sur coup, par Daniel BOISSEAU qui assurait ma suppléance.

Le naufrage du canot tout-temps de la SNSM, station de L’ABER WRAC’H, Capitaine de Corvette Cogniet,

le 07 août 1986

L’opération des plus banales à son origine s’achève par un drame qui frappe durement la SNSM et marque l’opinion

publique.

Un voilier s’échoue dans l’ouest de l’Aber Wrac’h. Le sort veut que le canot de Portsall initialement sollicité par le

CROSS car le plus proche, soit indisponible. C’est la station de l’Aber Wrac’h qui est alors appelée et fait sortir son

canot tout temps.

L’équipage du voilier peut se sauver seul en débarquant à marée basse. Le CROSS en informe le canot de l’Aber

Wrac’h, le CAPITAINE DE CORVETTE COGNIET. Les sauveteurs, qui ont liberté de manœuvre, décident de tenter le désé-

chouement du voilier. En l’absence de contacts radio, le CROSS s’inquiète et entame des recherches. L’épave du canot

est retrouvée, vide. Le canot a manifestement chaviré et son équipage jeté à la mer. Il faut déplorer cinq victimes, tous

sauveteurs chevronnés.

Est-il nécessaire de dire le choc éprouvé par nous tous à Corsen ?

Le naufrage du cargo polonais SOPOT

Dans la nuit du 25 au 26 août 1986, en mer d’Iroise, par gros temps — c’est pourtant l’été — le SOPOT est victime

d’un ripage de cargaison. Il menace de chavirer avec une trentaine de personnes à bord, équipage et passagers. Le

CROSS alerté met en œuvre un SUPERFRELON et le remorqueur d’intervention ABEILLE FLANDRE. Un petit cha-

lutier se déroute. Mais la situation se complique car l’hélicoptère ne peut pas hélitreuiller les personnes rassemblées sur

l’arrière du cargo en raison de la configuration du gréement et des mauvaises conditions météo. Devant l’urgence,

décision est alors prise, et Daniel BOISSEAU, chef de CROSS par intérim et CMS en prend sa part de responsabilité,

de faire sauter à l’eau les naufragés pour mieux les récupérer. Las, le plongeur de l’hélicoptère se blesse et le

SUPERFRELON doit quitter la zone.

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Dans l’attente d’un second SUPERFRELON et du canot tout-temps de la station SNSM de Molène alerté entretemps,

c’est le zodiac de l’ABEILLE FLANDRES qui va poursuivre la récupération des naufragés se jetant à l’eau les uns après les

autres. Finalement, tous seront sauvés.

Le courage et le savoir-faire des sauveteurs sur zone, et notamment de Charles CLADEN second capitaine du re-

morqueur et futur commandant des ABEILLE FLANDRES puis ABEILLES BOURBON et des matelots armant le zodiac, sont à

saluer. À noter que le canot de Molène subira dans cette opération une très grave voie d’eau.

Une délégation de l’ambassade de Pologne se rendra à Brest pour remercier les sauveteurs ; nous la recevrons à

Corsen.

Naufrage d’annexe

Pour ma part, j’ai personnellement coordonné une opération si douloureuse que malgré le temps écoulé je la relate

de façon aussi anonyme que possible. Tout avait commencé par une inquiétude de début de soirée. Des plaisanciers

n’étaient pas rentrés après une sortie de la journée sur un petit voilier. C’est l’épouse du skipper qui avait appelé. Après

avoir recueilli les informations utiles (type d’embarcation, intentions...), j’avais mis en place un dispositif. Assez rapi-

dement, le voilier était retrouvé au mouillage mais sans personne à bord. Entretemps, j’avais eu plusieurs contacts avec

cette dame tentant à la fois de la rassurer et d’obtenir des informations complémentaires. En particulier, elle avait fini

par me dire que la sortie avait pour but d’aller pêcher à pied sur un banc découvrant à marée basse et sur lequel on

débarquait avec l’annexe du voilier...et que cette dernière était en mauvais état ! L’opération changeait alors de dimen-

sion et nécessitait de réorganiser le dispositif. Dans ces circonstances, j’avais demandé le concours d’un

SUPERFRELON pour une recherche de nuit. C’était exceptionnel car les capacités de vision nocturne étaient limitées

à l’époque mais il ne fallait pas laisser passer la moindre chance. Les recherches restèrent infructueuses. Au petit matin,

ce fut un avion des douanes qui les poursuivit, toujours sans succès... Il nous fallut mettre fin aux recherches dirigées.

Entretemps, que d’appels téléphoniques d’une femme dévastée par la douleur qui perdait d’un coup, son mari, son frère

et son jeune fils. Plusieurs semaines après, cette dame m’appelait encore se raccrochant à je ne sais quel espoir et voulant

encore et toujours des explications... C’était de longues et pénibles communications qui auraient relevé d’une cellule de

soutien psychologique. Je faisais de mon mieux, n’ayant en la matière aucune qualification…

Le cas particulier des fausses alertes par fusées de détresse

Les tirs de fusées rouges constituaient un moyen commode de signaler une alerte mais son usage était quelquefois,

voire souvent, abusif ! Que de fausses alertes ! Il y avait “fusées rouges” et “pseudo fusées rouges”. Le résultat était le

même : mise en œuvre inutile de moyens parfois lourds ! Tout était possible, de la berlue d’un ahuri confondant l’éclat

d’une bouée avec un signal de détresse au témoin de bonne foi apercevant un feu d’artifice du 14 juillet !...

Un cas flagrant fut celui de plusieurs témoignages concordants et récurrents en baie de Saint Brieuc, le jour du départ

d’une Route du Rhum ! Plusieurs canots et vedettes SNSM furent mis en œuvre et, même, une concurrente se dérouta

(Anne LIARDET)... C’était en fait un feu d’artifice tiré sur Guernesey ce que nous confirmèrent nos amis de Jobourg.

La surveillance des plages

Du fait de la configuration de sa zone, la surveillance des plages n’était pas une préoccupation de premier ordre pour

Corsen. Quant aux sapeurs-pompiers, au-delà des questions de surveillance des plages, ils avaient manifestement la

volonté de s’impliquer dans le sauvetage littoral et s’équipaient en conséquence. L’aspect positif pour l’intérêt général

était un renforcement des moyens. Par contre, il fallait absolument les faire “entrer dans le moule” car, de par leur propre

culture opérationnelle, ils auraient eu tendance à travailler en autonomie. C’était une de nos actions de sensibilisation

et de connaissance réciproque.

* *

Conclusion

Lors de ma visite de prise de fonction au Préfet maritime, l’amiral CORBIER m’avait dit : « Vous prenez là un beau

commandement ! ». Je suis plus que jamais convaincu, après des affectations en préfecture maritime, à la DAMGM1puis

à l’IGSAM2, que la direction d’un CROSS est effectivement “un beau commandement”, valorisant parce que

1 Direction des affaires maritimes et des gens de mer au ministère. 2 Inspection générale des services des affaires maritimes.

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concrètement et directement au service de l’intérêt général, exigeant parce que ne tolérant pas l’à-peu-près, mais aussi

pesant car susceptible de mettre en jeu des vies humaines ou des intérêts économiques supérieurs.

Pour ce qui me concerne, les points de satisfaction l’emportent largement. Je retiens plus particulièrement l’esprit

d’équipe qui, à mes yeux, sous-tendait l’efficacité opérationnelle. En effet, il ne faut pas sous-estimer le stress engendré

par les fonctions d’officier ou d’opérateur en CROSS. Certains, le supportaient moins bien que d’autres et il est clair

que la qualité de la vie à l’intérieur du centre n’était pas un simple confort, encore moins un luxe mais, au contraire, une

nécessaire compensation. Conjuguée à des rapports de confiance réciproque, voire à des relations amicales, elle a cons-

titué à mes yeux un des points forts de Corsen tout au long de mon affectation.

Certes, j’ai eu à connaître quelques difficultés en la matière ; et il a bien fallu y répondre, parfois douloureusement

; mais, chacun sait que le pays des bisounours n’existe que dans la littérature enfantine...

Enfin, je crois que Corsen a toujours été à la hauteur de ce que l’on attendait du centre mais est-ce à moi de le dire

? Quoiqu’il en soit, le mérite, si mérite il y a, doit être partagé entre tous les acteurs qui contribuaient à ses actions.

Toutefois, même si nous n’avions pas d’obligation de résultats, je ne mets pas de côté l’amertume des opérations

infructueuses et la pensée attristée pour les victimes que nous eûmes à déplorer.

* = *

1982, l’ACAM Jean-Claude DUBOIS, premier chef du CROSS Corsen

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L’ACAM Roger BOSC accueillant le Premier ministre, Michel ROCARD, au CROSS Corsen

A droite l’AGAM Raymond MUNCH)

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Le CROSS MÉDITERRANÉE

Jean-François BERNICOT, chef du CROSS/Med du 30 juin 1980 au 1er septembre 1983

Mon arrivée au CROSS

Au printemps 1980, j’étais en poste à Boulogne-sur mer en tant qu’adjoint au chef du quartier des affaires maritimes

et j’avais créé le nouveau centre de sécurité des navires pour les deux quartiers de Boulogne et de Dieppe. J’étais sorti

de l’école depuis deux ans et demi après une carrière d’une dizaine d’années comme officier de marine. Nous nous

plaisions bien à Boulogne et je n’envisageais pas de demander une mutation cette année-là.

Début juin, je reçus un appel de l’Inspecteur général des Affaires maritimes, l’AGAM Pierre BAUDÉAN, qui m’in-

diqua, sans beaucoup d’explications, qu'il me fallait me trouver à Toulon avant la fin du mois pour y prendre la direction

du CROSS/Med. Je fus surpris car je n’avais que trois galons ; or, à cette époque, les chefs de CROSS étaient des

administrateurs principaux. Il ajouta que cette affectation ne devrait pas me poser de problème en raison de mon origine

et du fait que j’avais, à plusieurs reprises, assuré l’intérim du chef du CROSS Gris-Nez, l’A1AM Luc POUPPEVILLE

(capitaine au long cours de formation), très occupé par de multiples réunions à Paris pour le développement des centres

de surveillance de la navigation du Nord. L’habitude des déménagements impromptus acquise dans la Marine fut, une

fois de plus, bien utile.

Je connaissais un peu le CROSS/Med pour y avoir rencontré, à plusieurs reprises, son chef, l’APAM Pierre

HENNEQUIN (École navale 1965). Quand j’avais décidé de préparer le concours d’administrateur des Affaires mari-

times, j’avais trouvé auprès de lui de précieux conseils, soutiens et encouragements. J’avais été à l’époque, à l’issue de

mon commandement de l’EDIC stationnaire en zone Antilles-Guyane, affecté à la division des dragueurs de Toulon

avant d’intégrer, pour le cours d’officier ASM, le Centre d’instruction naval Saint-Mandrier où j'avais plus étudié le

droit et l’économie que l’électronique et la théorie du signal.

Officier de marine embarqué, j’avais eu plusieurs expériences de recherche et sauvetage en mer, en particulier aux

Antilles. Pour le reste il fallut s’adapter. En novembre et décembre 1982, on m'envoya suivre les cours de la SAR School

de l’US Coast Guard à Governor’s Island (New York). Cette formation était très intéressante car les problèmes y étaient

traités de manière systématique, avec une référence constante aux concepts de la convention de Hambourg qui venait

d’être élaborée par l’OMI et qui reprenait beaucoup des pratiques états-uniennes. Toutefois, ce stage ne m’a pas appris

grand-chose de plus que mon expérience de deux ans au CROSS. Elle m’a en revanche été très utile quand, après mon

affectation au CROSS/Med, j’ai créé l’organisme SECMAR au sein de la Mission interministérielle de la mer, pour mes

contacts avec les services de sauvetage étrangers. Nous parlions le même langage.

**

LE CONTEXTE

Le partage des responsabilités entre la Marine nationale et les Affaires maritimes

Mes visites, dès mon arrivée, aux autorités des Affaires maritimes et de la Marine Nationale, m’ont éclairé sur les

raisons de mon affectation précipitée. Les relations entre mon prédécesseur et le Préfet maritime et son état-major de la

Marine nationale étaient détestables. Le préfet maritime, le vice-amiral d’escadre Jean ACCARY m'indiqua qu’il avait

lui-même demandé à ce qu’un nouveau chef entre en fonction avant la saison estivale. Le directeur régional des Affaires

maritimes, l’AGAM Paul PIÉTRI, et, plus encore, son adjoint l’AC1AM B…, me firent eux aussi comprendre qu’ils

attendaient de moi une stricte obéissance à leurs ordres. De fait, pendant trois mois, l’administrateur en chef adjoint au

directeur régional élut en pratique domicile au carré du CROSS ; il intervenait souvent dans le fonctionnement quotidien

du CROSS, ce qui conduisit à des heurts avec mon adjoint et les aspirants. Sur le plan opérationnel je lui avais interdit

l’accès de la salle “Opérations” où j’entendais être seul patron.

Ce n’est qu’à partir de septembre, avec la diminution du rythme opérationnel, que je pus rétablir la situation : je

renvoyai l’adjoint du directeur à ses études à Marseille ; j'obtins la mutation de l’OCTAAM ; je repris en main certains

aspirants “Marine marchande” avant qu’ils ne soient relevés par une nouvelle promotion avec lesquels tout se passa le

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mieux du monde. Mes deux adjoints, l’A1AM Luc LEFÈVRE et l’O1CTAAM Jean-Paul LÉGER, me furent un soutien

précieux et constant.

Mes relations avec la Marine nationale furent paradoxalement assez faciles. D’une part, comme mes prédécesseurs,

je bénéficiais du total soutien de l’adjoint pour l’action de l’état en mer du Préfet maritime, le commissaire général

CASANOVA et, plus encore, de celui de son adjoint pour l’action de l’État en mer, le commissaire Olivier LAURENS.

D’autre part, je connaissais de façon personnelle nombre d’officiers de l’état-major : le chef de la division “Opérations”

avait été mon commandant à la 30e division de dragueurs ; d’autres avaient été mes instructeurs à l’École navale, sur la

JEANNE D’ARC ou à l’école ASM. Le plus difficile fut d’établir des relations de collaboration et non de subordination

avec les plus jeunes (capitaines de frégate ou de corvette). Ce fut un combat permanent car les officiers de permanence

au Centre opérationnel de la Marine (COM) considéraient presque tous que le CROSS était subordonné au COM. Ma

promotion comme administrateur principal, en 1982, fut un élément très utile.

Avec l’arrivée, quelques mois après ma prise de fonction, du nouveau Préfet maritime, le vice-amiral d’escadre

Jean-Paul OROSCO, les problèmes furent définitivement réglés. Pour lui, le CROSS était son “COM civil”, point final !

Il rappela les règles de compétence : les alertes devaient arriver au CROSS qui les traitait en demandant éventuellement

les moyens nécessaires au COM. Pour une opération plus importante, il se réservait la possibilité de les évoquer à son

niveau ou à celui de son amiral adjoint Opérations. Dans les faits, hormis quelques rares épisodes, cela fonctionnait bien

; c’est moi qui dut lui demander de “reprendre le manche” lors d’opérations qui relevaient plus de la lutte contre la

pollution, compétence de la Marine nationale, que du sauvetage en mer (GAZ EAST, CAVO CAMBANOS, …). Il faut dire

qu’à cette époque l’état-major de l’amiral, Commandant en chef pour la Méditerranée (CECMED), était très occupé par

le déploiement de la plus grande partie de la Flotte au large du Liban.

A titre d’anecdote, l’amiral OROSCO avait pris l’habitude quand il rentrait à sa résidence de Baudouvin au-dessus

de Toulon, de s’arrêter à La Garde pour se détendre avec un verre de whisky vespéral ; j'avais acheté des meubles de

jardin pour le salon du carré, au-dessus de la falaise, avec vue sur toute la rade des Vignettes. Ainsi pouvions-nous

parler, de façon paisible et directe, de certains problèmes pour lesquels, dès le lendemain, était trouvée une solution

appropriée. Je n’ai jamais regretté mon investissement bien qu'il n'y eût pas de “traitement de table” aux Affaires mari-

times.

Le “boom” de la plaisance et des sports nautiques

Le développement rapide de la navigation de plaisance et des sports nautiques, surtout en Méditerranée, a pleinement

justifié la création des CROSS. Au début des années 1980, en Méditerranée, le développement de la planche à voile a

constitué un problème vraiment sensible. Le manque de fiabilité des premiers matériels (pieds de mât, baumes, …) et

le manque d’encadrement des premiers pratiquants furent cause de nombreuses opérations. La fréquence des vents,

mistral et tramontane, soufflant vers le large, était un facteur aggravant. Il n’était pas rare l’été qu’une patrouille par

hélicoptère au coucher du soleil, le long des longues plages du Languedoc par exemple, ait évité de longues nuits

d’opérations.

Les plaisanciers, souvent, ne faisaient preuve ni d'un grand sens marin ni de civilité. L'un de mes adjoints disait :

« On rencontre désormais en mer Méditerranée les mêmes voyous que sur l’autoroute » ! On peut lire, dans les journaux

de bord du CROSS, le récit de nombreuses opérations plus ou moins loufoques mais dont certaines s'achevèrent par des

tragédies. Il y eut d'abord aggravation du phénomène, puis stabilisation en dépit de l’explosion du nombre de prati-

quants. Par bonheur, il y avait aussi, parmi les plaisanciers, nombre de “bons marins” qui nous apportèrent une aide

précieuse et commencèrent à fournir des équipages compétents aux canots de la SNSM, compensant ainsi la diminution

des professionnels de la mer.

Je n’eus moi-même jamais de problèmes avec les chefs de quartier des Affaires maritimes avec lesquels nous entre-

tenions une relation constante et confiante. Certains nous ont été bien utiles pour gérer les suites d’opérations : sanctions

de plaisanciers en infraction, relations avec les familles, … Durant mon séjour, je fus, à trois reprises, convoqué devant

un juge d’instruction qui voulait “m’inculper” pour “non-assistance à personne en danger” sur la plainte de familles de

personnes disparues. Le soutien constant du Préfet maritime et du directeur des Affaires maritimes à Marseille (AGAM

François DIVERRÈS) ainsi que l’aide locale de certains collègues administrateurs des Affaires maritimes, parfois à

l'encontre des instructions de leur préfet (Nice), ont toujours été précieux. C’est sans doute pourquoi je n’ai pas connu

le sort de notre collègue du CROSS Jobourg, condamné pour motif semblable et qui n’a, semble-t-il, pas bénéficié du

même soutien.

**

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LES ACTIONS

Beaucoup avait été fait par mes prédécesseurs pour développer la légitimité du CROSS/Med. J'ai poursuivi leur

action.

Apprendre à se faire connaître

J’ai déjà évoqué le rôle essentiel joué par l’amiral OROSCO pour l’institutionnalisation du CROSS/Med dans le

paysage Marine nationale. Les sémaphores étaient à cette époque menacés par l’État-major de la Marine. Ma défense,

en toute occasion, de leur nécessaire utilité, fut très appréciée par l’état-major du CECMED. La collaboration de l’ad-

joint “action de l’État” du Préfet maritime, le commissaire général CASANOVA, fut particulièrement efficace. À la

demande du Préfet maritime, nous rédigeâmes avec lui et le chef du quartier de Toulon, l’ACAM Alain COUDRAY,

un rapport sur les relations entre le Préfet maritime et les Affaires maritimes. Tous les ans, une réunion chez le Préfet

maritime rassemblait tous les chefs de quartier de Méditerranée avec le Directeur des Affaires maritimes, ce qui per-

mettait de résoudre les problèmes en suspens.

Nous instaurâmes par ailleurs la pratique de réunions régulières avec les quatre responsables opérationnels des ad-

ministrations exerçant en mer des activités de service public, — désignés par le commissaire général CASANOVA

comme “la bande des quatre” ! Il y avait donc le capitaine de vaisseau opérations pour la Marine ; le colonel adjoint du

général chef de circonscription pour la Gendarmerie nationale de Marseille; le chef du bureau aéronaval des Douanes;

et moi-même. Ces réunions se tenaient au CROSS. Elles permirent quelquefois à gendarmes et douaniers d'échanger

des informations sur des enquêtes qu’ils menaient chacun de leur côté dans certains départements où les responsables

locaux ne s’entendaient manifestement pas très bien.

Nous recevions aussi périodiquement les équipages des moyens aériens des Douanes et de la Gendarmerie pour

améliorer nos relations. Avec la BAN Saint-Mandrier, nous avions été autorisés à intervenir sur la fréquence aéronau-

tique pour “briefer” les pilotes d’hélicoptère (Super Frelons et Alouettes) au décollage à la vue du CROSS de l’autre

côté de la rade des Vignettes. Nous avons dû interrompre ces pratiques (illégales...) sur l’insistance des services de

l’aéronavale de Paris. Les demandes de concours d’avions de patrouille maritime de la Marine, basés sur la BAN de

Nîmes-Garons, passaient par le COM grâce à une ligne directe existant entre les deux PC. Sur zone, en revanche, nous

étions le plus souvent, grâce à l’importante couverture de notre réseau, en contact radio VHF direct alors que le COM

devait passer par le relais des BAN.

Une lacune a, depuis, semble-t-il, été comblée : les relations avec les moyens de la Sécurité civile. Nous avions

réussi à nous faire connaitre du PC des moyens de lutte contre les feux des 14 départements côtiers qui se trouvait près

d’Aix-en-Provence et coordonnait tous les moyens aériens du Ministère de l’Intérieur. Ils n’hésitaient pas à nous con-

tacter lorsque les pilotes des Canadair bombardiers d’eau rencontraient des difficultés pour effectuer leurs “écopages”

en raison de la présence de nombreux plaisanciers sur zone. Il arriva que nous déroutions des vedettes des administra-

tions pour faire la police du plan d’eau. En contrepartie nous commençâmes à utiliser les hélicoptères “Dragon” en

opération sur le littoral, au moins en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Mais il ne fut pas possible d’inclure des responsables de la Sécurité civile dans nos rencontres périodiques. Quant

aux relations avec les pompiers des communes littorales, elles étaient diverses et dépendaient de la personnalité des

chefs de corps. Elles étaient très difficiles dans certains départements. La départementalisation des services d’incendie

et de secours (SDIS*) a sans doute contribué à améliorer les relations.

Une mention particulière doit être faite pour l’Armée de l’air responsable des opérations SAR. Jusqu’au décret de

1988, les centres de coordination pour accidents d’aéronefs étaient les RCC de l’Armée de l’air. En Méditerranée, le

RRC était celui de la BA de Mont-Verdun près de Lyon. En cas d’accident en mer, il était prévu de déléguer la conduite

de l’opération à un centre secondaire (RCSC) situé au COM de Toulon armé par des personnels de l’aéronavale. Lors

de certaines opérations pour secourir de petits avions de tourisme, souvent entre la Corse et le continent, le COM s’était

adressé au CROSS pour obtenir des moyens sur zone. Plusieurs sauvetages d’équipages furent réalisés grâce à l’inter-

vention, à la demande du CROSS, de ferries de la Société nationale maritime Corse-Méditerranée ou de plaisanciers sur

zone. Cela avait intéressé les responsables de Mont Verdun. Ils vinrent en visite au CROSS, il fut alors convenu que le

COM garderait son rôle officiel de RCSC mais qu’en cas d’incertitude ou d’alerte, le CROSS serait “mis dans la boucle”

pour pouvoir éventuellement apporter son concours. Avec le nouveau décret, en 1988, sur le sauvetage, cette entente

devrait avoir été officialisée malgré certaines réticences à l’État-major de la Marine ainsi que je le constatai plus tard à

la Mission Interministérielle de la mer.

En dehors de la période estivale (mars à octobre), les officiers du CROSS rendaient de nombreuses visites afin de

faire connaître le Centre et rappeler les principes de la coordination du sauvetage en mer, en particulier en Corse et dans

le Languedoc-Roussillon. Nous étions donc en contact avec les autorités préfectorales, certaines mairies importantes,

des associations de plongeurs ou de plaisanciers diverses et nombreuses, les capitaineries de port, les prud’homies de

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pêcheurs, … Nous étions le plus souvent bien reçus. Ces visites permettaient d'éclaircir manque d’information ou ma-

lentendus lors de précédentes opérations.

Certains “irréductibles” estimaient toutefois qu’ils n’avaient pas à tenir compte d’un organisme d’État situé bien

loin d’eux, dans le Var ! Le développement de la couverture radio VHF marine, surtout en Corse, a permis de mieux

assurer la présence du CROSS et de diminuer le nombre de récalcitrants. Il en demeure encore quelques-uns de nos

jours si j’en crois ma présente expérience dans les Alpes maritimes...

L’information du grand public se faisait avec la participation des médias : journaux et télévision. Les bonnes rela-

tions nouées par mes prédécesseurs avec des journalistes des quotidiens locaux (Var Matin, Nice Matin, La Marseil-

laise,) nous assuraient une bonne couverture des opérations du CROSS. Nous participâmes aussi, à trois reprises, à une

émission de « Thalassa » sur la 3ème chaîne de télévision.

Se faire respecter par les unités participant à l’opération de recherche et de sauvetage en mer

Je n’ai jamais vraiment eu de problème sur ce point en cours d’opérations. À l’issue des opérations, il y eut parfois

quelques contestations ou récriminations qu'un dialogue constructif suffisait à apaiser.

L’essentiel des moyens disponibles, nuit et jour, 24h sur 24, 7 jours sur 7, étaient ceux de la SNSM. Les relations

avec les stations étaient excellentes à une ou deux exceptions près. En revanche certains délégués départementaux n’ap-

préciaient pas du tout l’idée que le contrôle opérationnel de leurs moyens puisse leur échapper. Des réunions à la Pré-

fecture maritime et de bonnes relations avec le siège de la SNSM permettaient de régler des problèmes d'ego... Les

équipages des stations les plus proches venaient souvent au Fort Sainte-Marguerite, ils s'y sentaient “chez eux”. Leur

connaissance de la zone et des pratiques locales des plaisanciers nous était infiniment précieuse.

La base des hélicoptères de la Gendarmerie se trouvait près d’Hyères (le Golf Hôtel), non loin du CROSS. Les

gendarmes nous apportaient un concours efficace dont la seule limite était les capacités restreintes des moyens de

l’époque (Alouettes II). Une Alouette II s’est ainsi écrasée en mer lors de l'opération de treuillage d’un blessé sur un

chalutier au large de La Ciotat. Les deux gendarmes ont pu être récupérés sains et saufs. L’enquête de gendarmerie qui

a suivi, avec audition des officiers du CROSS, a montré que l’emploi de ce type d’hélicoptère devait être limité à la

terre. Par la suite ces unités de gendarmerie ont été équipées d’Alouette III plus opérationnelles.

Il y eut parfois quelques difficultés avec les avions de patrouille maritime, en particulier pour la définition des zones

de recherche. Celles-ci leur étaient transmises par le COM. Or, à deux ou trois reprises, l’officier de permanence du

COM prit l’initiative de modifier les zones demandées par le CROSS, ce qui conduisit à des échanges musclés, toujours

arbitrés en faveur du CROSS par le Préfet maritime. Dans l'un des cas litigieux, les naufragés furent en définitive

localisés et récupérés dans la zone initiale qui avait été réduite par l’officier de permanence du COM. La liaison directe

par VHF avec les pilotes des avions permettait de bien leur préciser nos besoins et de rapidement connaître les résultats

des recherches entreprises, ce qui constituait un atout essentiel.

En cas de problème avec les brigades de gendarmerie équipées de petits moyens nautiques, toutes les difficultés

étaient résolues par recours à notre contact au niveau de la Légion de Gendarmerie de Marseille. L’avantage de cette

arme est que les ordres venant des autorités supérieures étaient toujours parfaitement exécutés.

Enfin, les professionnels et plaisanciers en mer répondaient sans difficulté à nos sollicitations. Nous avions établi

de très bonnes relations avec les commandants de ferries de la ligne de Corse ainsi qu’avec les navires de transport de

passagers des îles.

Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

Les alertes parvenaient au CROSS essentiellement par l’intermédiaire du téléphone de la VHF. En l’absence d’In-

ternet, l’utilisation du Télex permettait des échanges rapides. L’intervention d’intermédiaires (capitaineries de port,

brigades de gendarmerie) était souvent un avantage car elle permettait d’obtenir des informations plus précises sur les

circonstances et l’origine de l’inquiétude ou de l’évènement ainsi que sur les conditions, notamment météo, sur zone.

La plaie en Méditerranée, comme dans tous les CROSS, étaient les fausses alertes dues à des tirs de fusées rouges.

C’était malheureusement la quasi intégralité des cas. Tous les efforts faits pour collecter, dans les ports de plaisance et

les stations SNSM, les fusées périmées n’ont eu que peu d’effet sensible.

La principale difficulté venait des pompiers (municipaux à l’époque) qui recevaient l’alerte sur le 18. La tendance

générale était de faire partir un moyen dans le plus bref délai et de mener l’opération par eux-mêmes. Certaines mairies

avaient équipé leurs postes de secours de moyens nautiques, parfois importants (Nice et Cannes) qui ne se signalaient

presque jamais au CROSS à l’appareillage. Mais les compétences nautiques de ces équipages n’étaient pas toujours à

la hauteur (cela aussi a changé). J’ai le souvenir d’une opération où il fallut, en parallèle avec le déséchouement du

plaisancier à l’origine de l’alerte, s’occuper de la vedette de pompier perdue dans la brume. Tous les efforts de pédagogie

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entrepris pour essayer d’expliquer l’organisation du sauvetage en mer aux responsables de postes de secours ont été

sans effets notables. J’eus l’occasion d’intervenir à l’école des sapeurs-pompiers de Nainville-les-Roches pour sensibi-

liser les futurs officiers de sapeurs-pompiers mais je me heurtai à un scepticisme général : « Le secours aux personnes,

c’est la mission des pompiers et de personne d’autre ! ». Les opinions semblent avoir bien évolué depuis la départe-

mentalisation. Les relations du CROSS avec les SDIS* dépendent alors de la personnalité du “chef de corps”.

Les retards dans la transmission de l’alerte ont parfois eu des conséquences tragiques. J’ai été très marqué par une

intervention durant la première semaine qui suivit ma prise de fonction le 30 juin 1980. Deux jeunes gens, mineurs,

partis sur un voilier qu’ils avaient construit eux-mêmes, avaient voulu, semble-t-il, le tester dans la Baie des Anges par

un vent d’est très fort. N’étant pas rentrés, les familles avaient prévenu les pompiers de Nice. Ceux-ci, oubliant de

prévenir le CROSS, firent sortir leurs deux belles vedettes achetées par le maire, Jacques Médecin. Après plusieurs

heures de recherches infructueuses, alors que la nuit tombait, ils appelèrent le CROSS pour demander le concours de

moyens aériens. Nous avons alors repris l’opération en main, avec plus de huit heures de retard. En dépit de moyens

importants, y compris aériens, dans une zone de dérive potentielle assez étendue, aucun indice ne fut découvert ; l’arrêt

des recherches fut décidé, en accord avec le préfet maritime, au bout de trois ou quatre jours. Nous avions fait l’objet

de constantes pressions émanant du préfet des Alpes maritimes et d’élus locaux pour mettre toujours plus de moyens et

continuer les recherches « jusqu’à la découverte des corps ». Par la suite le préfet qui n’avait pas apprécié mon refus de

moyens supplémentaires et ma décision d’arrêter les opérations, a obtenu du procureur de la République l’ouverture

d’une enquête contre X. pour « non-assistance à personne en danger ». Cela m’a permis de faire connaissance pour la

première fois avec un juge d’instruction du tribunal de Nice à qui le nom de « X » avait été communiqué par les autorités

niçoises. L’affaire fut classée sans suite après mon départ du CROSS.

Le grand atout du CROSS/Med était son réseau radio VHF qu’avaient créé mes prédécesseurs. Il était constitué

d’émetteurs télécommandés situés sur des hauteurs - Pic de l’Ours, Mont Coudon, phare du Planier, Mont Saint-Loup

et le pic de Néoulos dans les Pyrénées orientales - qui avaient une portée très importante. Je n’eus qu’à entretenir ces

relais en y incluant quelques améliorations technologiques selon les prescriptions du service technique des Phares & Ba-

lises.

Seule la Corse ne bénéficiait pas de couverture VHF, à l’exception d’un petit secteur au pied du Cap Corse - Saint-

Florent, Ile- Rousse - grâce à la station du Pic de l’Ours. La longueur de côte était équivalente à la longueur de côte sur

le continent. Grâce aux crédits reçus du service des Phares et Balises nous avons pu reprendre les premières études de

Jean-Claude HENNEQUIN et Pierre HENNEQUIN et faire réaliser un réseau, télécommandé depuis La Garde, cou-

vrant toutes les côtes de l’île. Nous bénéficiâmes de la géographie montagneuse et installâmes nos relais (quatre je crois)

sur les hauteurs du Cap corse, au-dessus d’Ajaccio et au-dessus de Porto-Vecchio. Nous installâmes nos équipements

sur des pylônes des Douanes et de la Gendarmerie nationale qui faisaient l’objet de mesures particulières de sécurité.

Les services de la Préfecture avaient balayé mes craintes à ce sujet car, selon eux, l'existence des Affaires maritimes

était ignorée des différentes mouvances autonomistes qui maniaient le plastic avec une vive ardeur. Le maître d’œuvre

de cette aventure fut l’OCTAAM Jean-Paul LÉGER dont les compétences techniques firent merveille. L’existence et

l’efficacité de ce réseau a permis de confirmer la nécessité de créer un sous-CROSS en Corse.

La surveillance des plages

La surveillance des plages n'était pas, à l’époque, ce qu'elle est aujourd’hui. La SNSM ne comprenait pas encore de

nageurs sauveteurs sur les postes de plage, ils apparurent plus tard. Les maires décidaient, au cas par cas, du dispositif

de balisage des zones des 300 mètres, officialisé par arrêté du Préfet maritime. C’était le rôle du service du Commissaire

général Casanova. En réalité la distinction n’était pas nette et il nous arriva souvent d’intervenir pour des alertes, de

planches en voile notamment, parce qu’il n’y avait personne d’autre pour s’en occuper.

* *

UNE ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE INTENSE

J'ai évalué que, durant la période où je dirigeai le CROSS, plus de 5000 opérations de recherche et de sauvetage

furent coordonnées. Chacune était particulière. En dehors de celles qui ont été évoquées et des opérations de pétarde-

ment de navires à la dérive, dirigées par le Préfet maritime ou son amiral adjoint Opérations (GAZ EAST, CAVO CAMPANOS,

NIAGARA, …), j’ai gardé le souvenir de nombreuses opérations majeures ou tragiques. C’était il y a près de 35 ans, les

archives sont restées au CROSS, je n’ai plus toute la mémoire des détails. Mais l’activité était intense.

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Les autres missions du CROSS

Le CROSS/Med assurait toutes les missions dévolues à cet organisme. La part respective dans l’activité était toute-

fois différente selon les CROSS. En Méditerranée, la recherche et le sauvetage étaient la mission principale et presque

unique, en raison de l'importance de la navigation de plaisance et du développement des loisirs nautiques. En revanche

le CROSS ne jouait aucun rôle pour ce qui était de la circulation maritime. Seul le sémaphore de Bonifacio exerçait la

surveillance du détroit de Bonifacio où aucun dispositif de circulation n’avait été encore défini.

La surveillance des pêches était une activité plutôt mineure en dépit de l'utilisation d’un camion radar, principale-

ment par les quartiers du Languedoc-Roussillon, pour surveiller le chalutage dans la zone côtière des 3 milles. Il servait

aussi de moyen de secours pour les Douanes lorsque leur propre camion était en panne ou indisponible. Cela contribuait

aux bonnes relations avec cette administration.

La surveillance de la pollution maritime consistait pour l'essentiel à transmettre les informations que nous recevions

au COM. Quelques essais de l’avion “Affmar ” de détection de pollutions marines (SURPOLMER) ont bien eu lieu, à

l’époque, en Méditerranée mais son utilisation était en priorité réservée à la Manche. Par la suite ces missions ont été

confiées aux aéronefs des douanes présents sur toutes les façades.

La diffusion de l’information nautique et météo était en revanche permanente. Les plaisanciers appréciaient nos

bulletins météo du matin. Ceux-ci nous étaient fournis par la station météo de Toulon-La Mitre dirigée par un remar-

quable ingénieur météorologique, capable de détecter des phénomènes de micro coups de vent très localisés, fréquents

en Méditerranée en été. Il nous demandait souvent de recueillir, auprès de plaisanciers dans une zone donnée, des in-

formations sur la direction, la force du vent et la température sur zone et il n’était pas rare qu’un bulletin spécial soit

émis peu de temps après.

* *

LE CROSS,

UNE STRUCTURE AUX MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS PARTICULIÈREMENT MODESTES

Au plan humain

A mon arrivée, l’état-major du CROSS se composait d’un administrateur adjoint, Luc LEFÈVRE, qui était un ca-

marade de promotion en deuxième année à Bordeaux ; d’un OCTAAM ; de cinq ou six aspirants “Marine marchande”,

chefs de quart. L’OCTAAM a été, dès l’été, remplacé par l’OCTAAM Jean-Paul LÉGER dont l’expérience technique

a été essentielle pour le développement des infrastructures du CROSS, en particulier en Corse. Pour l’été 1981, un

second administrateur, Laurent COURCOL, sortant de la JEANNE D’ARC, a été affecté au CROSS et Luc LEFEBVRE a

été remplacé par Didier BAUDOIN comme adjoint.

L’équipage comprenait une quinzaine de matelots et quartiers-maîtres de la Marine nationale ainsi que trois ou

quatre officiers-mariniers des spécialités radio et guetteurs sémaphoriques. Le CROSS bénéficiait en outre du concours

d’un gendarme en fin de carrière, mis à disposition par la compagnie de Toulon, qui faisait un excellent capitaine

d’armes débonnaire, respecté par tous pour sa disponibilité et sa gentillesse. Enfin une figure historique du CROSS Med

était M. CHOUKROUN, agent de surveillance des pêches, indispensable pour organiser tous les travaux du CROSS. Il

avait été rapatrié en 1962 du quartier des Affaires maritimes de Nemours en Algérie et affecté à Toulon avant de re-

joindre le CROSS.

Des administrateurs de 2e classe des Affaires maritimes sortant de l’école de Bordeaux étaient parfois affectés au

CROSS pour les mois d’été avant de rallier la JEANNE D’ARC. Leur apport était précieux car ils allégeaient le service de

l'officier de permanence, service en principe assuré par trois officiers (dont le chef de centre) au moment où l’un d’entre

eux devait se rendre pour des séjours de trois semaines environ au cap d’Agde pour ouvrir le sous-CROSS temporaire

qui fonctionnait dans la journée et soulageait le centre de la Garde des nombreuses opérations du littoral du Languedoc.

En leur absence le service était donc par bordée (un jour sur deux) à La Garde, permanent à Agde. Tout ce personnel

devait être formé sur place, ce qui était une charge importante pour mes adjoints.

La situation du domaine immobilier

Le domaine du Fort Sainte-Marguerite comprenait des “blockhaus” qui constituaient les salles opérations initiales

ainsi que plusieurs bâtiments en plus ou moins bon état, aménagés avec les moyens du bord par mes prédécesseurs pour

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y loger l’équipage et les administrateurs stagiaires qui passaient au CROSS. Nous poursuivîmes l’aménagement du

CROSS et la réfection progressive des divers locaux. Des crédits plus importants, octroyés en 1981 par le Ministère de

la mer, permirent une extension de la salle opérations construite sur le blockhaus ainsi que la création de bureaux et

d’une nouvelle salle opérations, claire et ensoleillée, avec des consoles adaptées aux différents moyens radios et télé-

phoniques où la permanence était assurée par un aspirant “marine marchande” chef de quart et un opérateur.

Les repas étaient fournis par une cuisine à distance et réchauffés au CROSS. Cela avait conduit à la création d’une

“Association pour la restauration au CROSS Med” dont les comptes étaient alimentés par les indemnités de vivre des

matelots et officiers-mariniers versées par le centre administratif de la Marine et par les prix des repas payés par les

officiers des Affaires maritimes ou les passagers. C’était une situation transitoire, peu satisfaisante sur le plan légal et

réglementaire car (je l'appris bien plus tard) le chef de CROSS pouvait être déclaré “gestionnaire de fait” des deniers

publics par la Cour des comptes. Mais elle était préférable à la solution, proposée par la direction du Commissariat de

la Marine de Toulon, et qui prévalait, paraît-il, dans certains centres de Manche, consistant à verser ces indemnités sur

le compte personnel du chef de centre …

La proximité de la ville de Toulon permettait à nombre des membres de l’équipage de se loger très près du Centre ;

ils ne prenaient alors leurs repas qu’à midi et lorsqu’ils étaient en service. Les postes d’équipage devaient cependant

pouvoir loger tout le personnel. Cette proximité me conduisit à ne pas donner suite au projet de construction d’une villa

pour loger le chef de centre (les crédits furent utilisés pour la reconstruction du sémaphore de l’Île Rousse), choix qui

me valut les reproches d’épouses de certains de mes successeurs... mais, consacrant un temps considérable au CROSS,

j’appréciais de me retrouver chez moi, en famille, près des plages du Mourillon. Le marché locatif, à l’est de la ville,

permettait de se loger à des prix convenables.

Le sémaphore de l’Île Rousse reconstruit L’OCTAAM Léger, premier chef du sous-CROSS Corse

Le projet d’ouvrir un sous-CROSS en Corse était antérieur à mon arrivée. La couverture radio VHF de l’île avait

relancé l’intérêt d’une telle réalisation. Initialement la Marine nationale avait concédé aux Affaires maritimes un ancien

sémaphore, quasiment en ruine à la suite d’une explosion, situé à l’Île Rousse. Je repris le projet de reconstruction du

sémaphore et confiai le suivi du chantier à l’OCTAAM Jean-Paul LÉGER. Il avait été décidé de le reconstruire comme

un sémaphore avec une salle de veille au sommet. Constatant l'excellence du résultat, la Marine, après mon départ en

1984, décida de réactiver sa chaîne de sémaphores et récupéra l’usage des locaux. Il existait en effet un “trou” dans la

couverture des côtes de Balagne que ce sémaphore permettait de combler. En échange, elle proposa à mes successeurs

un bâtiment au sein de la base aéronavale d’Aspretto. C’était une excellente idée car la proximité de la ville d’Ajaccio

facilitait le logement des cadres et de l’équipage de ce sous-CROSS. Il fut ouvert le 31 juillet 1985 et le premier chef

de centre fut l’OCTAAM Jean-Paul LÉGER.

Conclusion

Mon affectation au CROSS/Med fut une expérience inoubliable. Elle exigeait une totale disponibilité car la perma-

nence se faisait le plus souvent “par bordée”, ce qui était une amélioration par rapport à ce qu’avaient connus les pre-

miers chefs du Centre. Mon épouse fut trop souvent réveillée en pleine nuit pour me voir enfiler l’uniforme et rallier le

CROSS et mes enfants passèrent nombre de fins de semaine au Fort Sainte-Marguerite lorsque j’y assurais une perma-

nence. Il est heureux que les plans d’armement aient été développés ; l’état-major des CROSS comprend désormais un

nombre d’officiers suffisant pour que soit assurée de façon convenable la permanence. 33 ans plus tard, les contacts

divers et nombreux noués pendant cette période durent toujours. J’ai conservé de nombreux amis, tant à la SNSM dont

je devins le vice-président pendant plus de 12 ans que dans les ports de la région.

Si tout s’est dans l'ensemble bien passé sur le plan opérationnel, je le dois avant tout au soutien et à la confiance que

m'accordait l’amiral OROSCO, préfet maritime, qui malheureusement décéda quelques mois après mon départ alors

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qu’il devait rallier Paris comme Inspecteur général de la marine. Il fut un grand chef et je conserve sa mémoire avec

respect et affection.

Pour la gestion du CROSS, je bénéficiais d’une totale liberté et donc d’une responsabilité qui dépassait certainement

celles d’un jeune administrateur. Là encore, je bénéficiai de l’aide bienveillante que m’apporta, à distance, l’AGAM

François DIVERRÈS. J’eus la chance de pouvoir m’appuyer, au sein de l’administration centrale, sur le cabinet du

nouveau ministre de la mer dans lequel se trouvaient Jean-Claude HENNEQUIN qui avait été le second chef du CROSS

ainsi que le chef du service des Phares & Balises, l’ingénieur général Jean PRUNIÈRAS qui me permit de gérer loca-

lement tous les travaux et équipements du CROSS/Med sans trop d’interférences de ses services techniques.

Cette expérience fut surtout un atout formidable pour mes affectations ultérieures, à la Mission interministérielle de

la mer ; puis à la tête de la division de la navigation maritime et du sauvetage, adjoint de Jean PRUNIÈRAS. À la Cour

des Comptes, où j’ai ensuite poursuivi ma carrière, l’habitude prise de gérer des crédits le plus souvent insuffisants et

de pratiquer une gestion que l’on pourrait parfois qualifier de “peu orthodoxe” me permit de faire preuve de compré-

hension, lors de mes contrôles, vis-à-vis de certains fonctionnaires placés dans des situations impossibles en raison de

la légèreté ou même de l’incurie de leur administration centrale ou de leurs supérieurs.

Sur les plans professionnel et humain, ce fut une période exceptionnelle de ma carrière.

* = *

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L’AGhcAM Laurent COURCOL, adjoint au chef du CROSS Med en 1982

Ce fut ma plus longue permanence : 42 jours.

Ma cantine JEANNE D’ARC, des tenues de travail, une tenue 28, des livres, mon matériel photo (un Olympus OM2n

tout neuf, un flash T32 et deux objectifs). Une chambre pour moi seul, avec un sol en tomettes. Chaleur, soleil, une

ambiance de mas provençal. Les douches sont communes. On est cinq en permanence, autant dire que c’est familial. Je

suis le seul qui reste là. Les autres tournent chaque semaine, vont, reviennent : la relève a lieu le samedi midi. Deux

aspis ou officiers-mariniers, deux matelots. Voilà mon équipage. Sinon, la solitude, au sommet du caillou. Un couple

de gardiens cacochymes. Deux jeunes qui surveillent les feux de forêt sur la plate-forme du feu désaffecté. Voilà pour

les locataires.

Le mont Saint-Loup est ce qui reste d’un volcan. La terre y est d’un rouge sombre, granuleuse, sèche. La montagne

domine une côte plate à désespérer. À gauche, le mont Saint-Clair, à Sète ; à droite, les Pyrénées, très, très loin. Un petit

fort carré coiffe la montagne. Il est en pierre volcanique, noire, construit en 1836. Le sémaphore le borde sur ses flancs

Sud et Est, blanc, recouvert de tuiles canal, avec une petite tour d’angle. Le logement des matelots est à l’intérieur du

fort. L’ancien phare, au centre du fort, est mis à disposition de la sécurité civile pour la surveillance des feux de forêt.

Mon chef, l’administrateur de 1re classe Jean-François BERNICOT, m’y a expédié. « Mon jeune ami, vous êtes

célibataire ? Vous êtes le dernier arrivé ? Eh bien, vous allez vous rendre là-bas du 14 juillet au 31 août ! ». Mélange

de bonhomie râleuse et de jovialité vache, il n’enveloppe pas son ordre mieux que ça mais je suis content. Bien plus

que je ne le laisse paraître. Mon ami Jean-Paul LÉGER, chef du service technique, en revient : il a ouvert le sous-

CROSS. Là-bas, c’est le désert. Je pars avec « Le Rivage des Syrtes » et « Le Désert des Tartares ». J’aurai fini ces

deux livres bien avant la fin. Pas de meilleur lieu pour les savourer.

Les Allemand

L’hiver, le fort est gardé par un couple, Monsieur et Madame Allemand, qui habitent le logement construit sur le

flanc Est du fort. Ils se réjouissent de nous voir arriver. Monsieur Allemand est malade, très malade. Il est en arrêt,

depuis longtemps. Madame Allemand craint par-dessus tout qu’on l’expulse de ce logement pour lequel le couple ne

paie aucun loyer. Elle fait le job à la place du malade. Elle le fait savoir. « Vous savez, je me sens gardienne, jusque

dans le bout des ongles », me dit-elle avec une espèce de rugissement dans la voix, pour souligner sa détermination. Je

la rassure. On ne veut pas les expulser, ni vendre le fort, qui d’ailleurs n’est pas à nous. Je vais les voir très souvent, ils

ont besoin d’un soutien moral. Chez eux, je vois Monsieur Allemand. Il est ratatiné dans son fauteuil, déjà vaincu par

son mal. Madame Allemand est perpétuellement agitée, comme si son agitation pouvait conjurer l’inéluctable. L’équi-

page est gentil avec eux. Nous les aimons bien.

Le CROSS et les cibistes

Le grand truc à l’époque, c’est le boom de la citizen band, cibi pour les intimes, une gamme de fréquences radio que

le Gouvernement vient d’ouvrir au public et qui sert aux routiers et aux talkies-walkies. Elle ne sert à aucun service

public. Elle est coincée entre la HF et la VHF, sur la bande des 27 MHz. Elle n’a les avantages ni de la HF ni de la VHF.

Seule l’autodiscipline des cibistes permet de réguler le trafic. Le matériel illégal — dépassement de la puissance auto-

risée — fait fureur, les as du fer à souder rivalisant d’ingéniosité. La cibi, c’est pas cher, bien moins que la VHF marine,

homologuée donc coûteuse, mais si fiable ! Comme le plaisancier, en Méditerranée, c’est un type avec un moteur, il a

pensé mettre la cibi de sa voiture ou de son camion dans son bateau. Et de réclamer que le CROSS veille le canal 9 !

J’ai même dans mon équipage un matelot qui milite pour ça : il a une cibi dans sa R5. Nous avons des visites des cibistes

plaisanciers qui montent nous en parler. C’est plutôt le style bronzé-débardeur-tatouage-dent de loup en sautoir. Nous

les écoutons poliment. Oui mais nous n’avons pas d’instruction, le matériel n’est pas homologué, la fréquence n’a pas

la fiabilité de la VHF ni de la HF, il n’y a pas non plus de discipline sur les ondes puisque le principe, c’est la liberté !

Bref, en gros, le débat ressemble à celui d’aujourd’hui à propos des téléphones portables.

Le petit monde de Gruissan

À Agde, on s’ennuie un peu. La petite ville est très ancienne, très belle mais compassée. Nous n’y allons que pour

les courses alimentaires. Je passe sur la plage, le matin avant sept heures, heure de la “bascule” de la veille radio. Je

descends de la montagne par les sentiers en courant, je nage 500 mètres et je remonte en courant, toujours par le même

chemin. C’est mon seul sport durant tout mon séjour.

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Heureusement, le petit monde de Gruissan est bien plus intéressant et accueillant. Ses personnalités sont hautes en

couleur. On y trouve un syndic des gens de mer, ancien fusilier, qui se promène en tenue et avec son MAB 7,65 de

dotation. Il est surnommé « le cow-boy ». Les gendarmes auraient bien aimé qu’il soit plus raisonnable. Mais, peu après

son arrivée, il intervient de sa propre initiative pour venir à bout d’un forcené enfermé chez lui, menaçant son épouse

et tout le voisinage. Sa réussite enlève quelques arguments à nos pandores qui décident de le tolérer.

On y trouve aussi Jean CARBONNEL. Jean CARBONNEL, c’est le patron de la vedette de 2e classe de la SNSM

de Gruissan. Toujours au taquet, ce moyen est le plus actif et le plus disponible de tout le littoral. À la VHF, on reconnaît

la voix de Jean CARBONNEL, pêcheur retraité, premier prud’homme, à la première syllabe. La vedette s’appelle

NOTRE-DAME DES AUZILS. C’est un peu long à dire. Aussi, elle n’est appelée que “La Globule”. Jean CARBONNEL est

en effet également musicien, accordéoniste, et membre d’un petit orchestre local qui fait les bals et qui s’appelle « La

Globule » – prononcer “avé l’assent” : « la Globuuuleuh » d’une voix pointue et tonitruante. Jean CARBONNEL chante

aussi volontiers, son organe est redoutable. Son surnom est adopté par tous, y compris l’équipage du sous-CROSS. Il

est suractif, attachant, intarissable. C’est difficile à croire pour ceux qui me connaissent mais avec lui je peux pas en

placer une, je n’essaie d’ailleurs pas. De toute façon, l’homme est à lui seul un spectacle permanent qu’on regarde et

qu’on écoute sans parler. Il est partout, il a le don d’ubiquité. Il a le goût des uniformes. Non content de sa magnifique

tenue de premier prud’homme, il arbore aussi un uniforme blanc de grande classe avec l’insigne de la SNSM sur le

macaron de la casquette. Sa haute taille et son faux air de Robert Mitchum lui donnent très grande allure.

À Gruissan, dans l’ombre de Jean CARBONNEL, on trouve un autre membre de la SNSM, Monsieur BONNET.

Marchand de bateau, shipchandler, l’homme est aussi discret que son ami est truculent. C’est l’homme du championnat

de pêche au gros, qui se déroule chaque année à Gruissan. Grâce à CARBONNEL, la cohabitation avec les profession-

nels est parfaite. L’efficacité de Monsieur BONNET, un petit homme délicieux, serviable et taciturne, au sourire per-

manent, est remarquable. Le concours se déroule sans aucune fausse note, sous l'œil bienveillant du CROSS. À cette

époque, le thon rouge n’est pas sous quota. Les plaisanciers le pêchent librement et, quand ils le peuvent, le ramènent.

En effet, beaucoup de bêtes qui font jusqu’à 300 kg et plus, sont perdues au moment du gaffage, où elles se décrochent.

Celles qui restent sont vendues – au profit de la SNSM – aux touristes lors de barbecues géants. C’est ainsi qu’à deux

ou trois reprises, l’équipage du CROSS est convié à ces festivités où nous dévorons de larges steaks grillés de thon

rouge tout frais.

La plage de Pampelonne

La plage de Pampelonne (celle du cap d’Agde) est un mythe pour l’équipage. Elle appartient à un camp de naturistes.

L’énorme paire de jumelles sur pied est souvent tournée vers cette plage. Pourtant, à cette distance, inutile de dire qu’on

ne voit rien ! Toutefois, un élève-administrateur aura laissé un bon souvenir à l’équipage en allant à Pampelonne. Durant

son stage à Agde en fin de deuxième année, il s’était mis en tête d’aller y faire un tour. Il y avait donc loué un petit

voilier et avait passé une journée de nu intégral. Le soleil était fort. Son bronzage, malheureusement, n’incluait pas le

maillot. À son retour, il était non pas vanille-fraise mais café-fraise. Il lui fut – notamment – extrêmement pénible de

s’asseoir. Son état mit en joie l’équipage qui le chambra copieusement de la façon qu’on imagine. Bref, Pampelonne

est un sujet de conversation tout trouvé, récurrent, le fantasme du sauvetage d’une baigneuse sur cette plage déclenchant

de bruyantes surenchères de volontariat.

L’hélico des Douanes

L’hélicoptère des Douanes est un partenaire important pour le sous-CROSS. Disponible et doté d’un équipage assez

peu conformiste, il est malheureusement dépourvu de treuil, mais procède sans délai à toutes les localisations. Son

équipage est composé d’anciens pilotes de l’aéronavale qui ont adopté le style cow-boy. Moustaches, Ray-ban, cas-

quettes de base-ball, chewing-gum, décontraction, bronzage et conduite…sportive de leur aéronef. Il leur arrive de se

poser sur le parking d’un routier pour casser un morceau à midi, au milieu de leur clientèle de camionneurs. Ils m’em-

mènent un jour survoler les flots – les raser, devrais-je dire. J’ai l’impression – probablement fausse – que nous allons

heurter les mâts des planches à voile que nous survolons, après un long piqué vers la mer en frôlant les pentes du Mont

Saint-Loup. C’est la griserie complète. Ces obligeants douaniers me ramèneront un jour d’une mission à Montpellier,

me déposant directement sur l’hélizone de La Garde sous le regard contrarié de BERNICOT que j’ai omis de consulter

avant de faire de l’hélico-stop.

Les volontaires de la Sécurité civile

Un jeune homme et une jeune fille montent la garde, de jour, au sommet de l’ancien phare qui trône au milieu du

fort d’où ils sont censés observer les colonnes de fumée qui signalent un feu de forêts. Ils sont plutôt baba-cool, voire

carrément peace and love, ce qui contraste avec l’équipage du CROSS. Ils ne nous embêtent pas beaucoup mais s’en-

nuient ferme. Ils trompent leur ennui par une activité sexuelle diurne assez intense qui oblige, avant de leur faire visite,

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à s’annoncer par un peu de bruit. Le seul inconvénient, c’est qu’ils consomment – très paisiblement – des substances

illicites qui peuvent tenter l’équipage et contraignent à des inspections de caisson assez régulières. Ces charmants voi-

sins sont d’une rare discrétion. Par chance pour nous, aucun incendie ne menace le Mont Saint-Loup ni les environs

durant cette période.

Les pompiers

Les pompiers sont les mêmes qu’aujourd’hui. Ils nous ignorent d’ignorance la plupart du temps, d’intention parfois.

Le colonel BORG, directeur départemental du SDIS de l’Aude, s’est mis en tête d’organiser un exercice de sauvetage

de plage. Nous l’apprenons par nos antennes de la SNSM, mobilisée dans l’exercice. La réaction de BERNICOT est

vive et bien dans sa manière. Il m’expédie le camion radar du CROSS, magnifique fourgon tôlé surmonté d’un radar

tournant et baptisé « CROSS-Mobile » (en grosses lettres sur ses flancs) et ses instructions. Le camion ne sert pas à

grand-chose mais il nous fait de la pub et impressionne le public. Nous nous rendons sur place, à la grande contrariété

du colonel BORG. Avec mes deux petits galons et mes deux gars, j’y vais franco. Je l’appelle « Monsieur » et non

« mon colonel » (il n’est pas militaire …), nous regardons d’un air blasé les pompiers s’agiter. L’aspirant mar-mar, très

doué pour la communication, en profite pour passer à la télé régionale, convoquée pourtant par les pompiers. Bref, on

croirait presque que le CROSS, auto-invité de dernière minute et qui n’a fait qu’assister à l’exercice, l’a organisé ou au

moins supervisé. La préfecture maritime est contente. J’y apprends que le bluff — BERNICOT en est un as — fait

partie des armes de notre administration, à côté de la compétence, de la débrouille, de l’humour et du sens du service.

L’hiver suivant, le CROSS est prévenu de l’exercice et y participe.

Les visiteurs

La Marine est peu présente localement. Elle se manifeste pourtant lors de l’escale d’un dragueur océanique com-

mandé par le capitaine de corvette GUYÉTAND, auréolé du prestige des anciens pilotes de la flotte, un remarquable

marin et une intimidante personnalité. Je retrouve à bord avec le plus grand plaisir l’enseigne de vaisseau Thierry

ROUSSEAU que j’ai connu lors de notre stage à l’École navale, devenu depuis contre-amiral et commandant de la

Marine à Paris.

L’armée de terre se manifeste sous les traits du lieutenant-colonel Régis de BOTMILIAU, plaisancier expérimenté,

venu démêler un sauvetage compliqué. Pris sous un orage, les plaisanciers qui n’étaient pas des plaisantins, ne parve-

naient pas à se situer et étaient en difficulté. Un questionnaire serré sur les feux qu’ils voyaient les situait bien plus au

nord que ce que l’estime de leur navigation permettait, ce qui rendait le déclenchement d’éventuels moyens très problé-

matiques alors que la nuit tombait. Ils avaient fini par revenir par leurs propres moyens mais nous rendent visite deux

jours après pour tenter de percer le mystère, avec leurs propres cartes. La confrontation avec les nôtres et le journal

d’opération laisse le mystère presque entier. Seule l’hypothèse de circonstances exceptionnelles de visibilité sous

l’orage permet d’expliquer qu’ils aient pu apercevoir et identifier formellement pendant plusieurs minutes les éclats du

modeste phare de Saint-Louis, à Sète — 25 mètres de haut — au-delà de l’horizon optique. Le reste de leur navigation

prouva finalement que leur estime était sensiblement correcte.

Le chef du quartier des affaires maritimes de Sète, l’ACAM Henri QUÉROU, nous rend visite plusieurs fois. Ce

camarade brillant et prometteur disparaît peu après, lors d’un accident opératoire hélas banal. C’est pour moi l’archétype

du grand ancien bienveillant et dispensateur de savoir.

Les promeneurs

Le Mont Saint-Loup est un lieu de promenade. La randonnée ne fait pas encore l’objet de l’engouement actuel, aussi

les promeneurs ne se hasardent-ils en général qu’en voiture, malgré l’état déplorable du chemin d’accès, ignorant les

panneaux « terrain militaire, accès interdit ». S’ils se contentaient de venir admirer la vue, il n’y aurait pas grand mal

mais ils sont parfois très envahissants. On en retrouve même dans le CROSS, visitant les lieux sans rien demander tandis

que l’équipage est occupé au PC. Comme notre principale salle à manger est la terrasse juste devant notre carré, recou-

verte de canisses, certains s’y installent et commandent des boissons au matelot qui passe par là, de la façon la plus

naturelle du monde. La plupart du temps, ils sont priés sans ménagements superflus de vider les lieux. Cependant, la

meilleure réaction reste sans doute celle d’un matelot qui les sert benoîtement avec les boissons de la coopérative de

l’équipage avant de les assassiner d’une facture digne de celle d’un refuge de haute montagne. La coopérative fait ce

jour-là un bénéfice inattendu, à la grande joie de l’équipage.

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La vie à bord

Le sous-CROSS ne fait pas la veille de nuit. À 23 heures, s’il n’y a pas d’opération en cours, nous effectuons « la

bascule », c’est-à-dire que La Garde reprend la télécommande des émetteurs VHF jusqu’à 7 heures du matin. À la

moindre opération, en revanche, retentit une sonnerie stridente qui nous jette à bas du lit. C’est généralement foutu pour

la nuit. L’équipage, qui fonctionne par bordée, parvient à récupérer. En ce qui me concerne, la journée qui suit est

longue et une sieste est bienvenue quand elle est possible.

Le PC OPS est la salle ronde de la petite tour d’angle du fort. Sa rusticité n’a rien à voir avec les CROSS d’au-

jourd’hui et tranche déjà avec le luxe relatif de celle du CROSS La Garde. Elle est vaste et claire, avec deux fenêtres

offrant vue sur mer, une peinture vert pâle et un plancher de chêne sombre bien usé. Une grosse paire de jumelles sur

pied y trône mais nous préférons une paire de Perl 10X50 bien plus confortable. Les deux postes VHF et les deux

téléphones sont posés sur une vaste table en chêne qui sert à tout. Tour à tour bureau ou table à carte, on y prend le café,

on y lit aussi la presse locale. La table à cartes à tiroirs est le seul autre meuble de cette vaste pièce qui tient aussi lieu

de vestibule.

Les repas sont un moment important de cette vie recluse. Ils sont assez joyeux et j’en garde un excellent souvenir.

Le repas de relève, le samedi midi, est particulièrement animé, la bordée quittante faisant le récit des événements de la

semaine, raisonnablement enjolivés. L’ambiance est décontractée. Le port de la tenue de travail y est la règle. À

l’époque, elle est d’un kaki beigeasse. On vit en short et en sandales, voire en T-shirt Marine Nationale. On se sent un

peu l’équipage d’une canonnière aventurée sur le fleuve, loin de sa base, et qui a pris des habitudes très cool. Il est

cependant interdit d’étendre le linge à l’extérieur. Je suis le seul à avoir apporté un petit blanc pour fréquenter les

autorités.

Les chefs de quart, deux aspirants et deux officiers mariniers, sont de bons compagnons sur lesquels je peux compter.

Hormis un officier-marinier que je me vois dans l’obligation de débarquer avec demande de sanction, après un retard

de plus de 6 heures à la relève, sans un mot d’excuse ni d’explication, cette permanence de 42 jours est sans nuage. Une

vraie connivence naît entre les membres de l’équipage et aucune tension ne se fait jour.

Le retour

Le 31 du mois d’août, c’est le grand déménagement. Après un ultime ménage, on débranche les appareils jusqu’à

l’été suivant, on ferme l’eau et l’électricité, comme on quitte une maison de vacances. C’est très mélancolique. Il fait

toujours très beau mais, on le voit bien, les vacanciers sont déjà partis. Je me remets en civil, pour la première fois

depuis six semaines, je ne me rase pas, je reste tongs aux pieds, c’est le grand relâchement. C’est dans cet équipage que

je viens rendre la 4L au CROSS avant de me replier dans mon douillet chez-moi, rue de l’Enseigne de vaisseau Guès,

à deux pas de là. Le lendemain matin, tout de blanc et de propre vêtu, je suis accueilli par un BERNICOT jovial qui me

salue d’un « Tiens, un administrateur propre ! ». Je me sens comme Marcel rentrant au lycée, lavé et peigné, après deux

mois aux Bellons...

* = *

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L’ancien sémaphore d’Agde devenu Sous-CROSS* Agde

(Source : Extrait du site : Les sémaphores de la Marine Nationale)

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AGAM (2S) Jean-Charles LECLAIR, chef puis directeur du CROSS MÉDITERRANÉE de 1983 à 1988

Administrateur en chef des affaires maritimes, Jean-Charles LECLAIR a exercé les fonctions de chef du CROSS

(centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) Méditerranée installé à La Garde d’août 1983 à août

1988.

MON ARRIVÉE AU CROSS

J’étais en poste à Paris en qualité de chef du bureau du contrôle des navires et je me suis porté très tôt volontaire

pour le CROSS/Med. J’ai en même temps beaucoup plaidé pour qu’on nomme des “cinq galons panachés” comme

directeur de CROSS au lieu de trois galons ou jeunes quatre galons comme c’était alors le cas. Je crois avoir été le

premier de ce grade nommé en CROSS. Ce fut après cela la règle. Capitaine au long-cours, avant mon affectation à La

Garde je fus chef des quartiers de Morlaix puis Saint-Brieuc chef du service des affaires maritimes de Polynésie fran-

çaise, adjoint puis chef du bureau du contrôle des navires. Je ne bénéficiai d’aucune formation particulière avant mon

affectation au CROSS. Rétrospectivement cela fait froid dans le dos, surtout en prenant fonction pendant l’été. Je n’étais

cependant pas tout à fait novice en matière de sauvetage. D’une part, j’avais commencé ma carrière comme chef du

quartier de Morlaix à une époque où le CROSS/Ma n’existait pas encore. J’ai dû à ce titre déjà coordonner quelques

opérations de recherches et de sauvetage, avec l’aide du téléphone, pas encore automatique, et d’un poste radio MF

installé dans le bureau. C’est sans doute le bon sens et ma connaissance du milieu maritime qui m’ont alors aidé.

Quel sacerdoce que le métier de chef de quartier à l’époque où chacun, isolé dans son petit royaume, devait répondre

présent à la moindre alerte. Heureusement cette situation n’a duré pour moi que deux années car j’ai pu apprécier tout

l’intérêt des CROSS lors de mon affectation suivante en tant que chef du quartier de Saint-Brieuc couvert par le

CROSS/MA dirigé par l’ACAM Noël QUÉRÉ. Mais c’est véritablement lors de ma troisième affectation comme chef

du service des affaires maritimes en Polynésie française que j’ai pu m’initier “sur le tas” à la conduite d’opérations de

recherches et de sauvetage d’envergure avec l’aide du personnel compétent de l’aviation civile. Le sauvetage, au moins

au début de mon affectation, était organisé comme en métropole et les affaires maritimes en étaient responsables. Par

la suite, conscient de ne pas être joignable à tout moment et donc du risque de ne pas être en mesure de déclencher une

opération sans délai, j’ai convaincu le Haut-Commissaire qu’il me fallait le soutien du commandement interarmées dont

le PC opérationnel joua en quelque sorte le rôle de CROSS, au moins pour la réception des alertes et la phase initiale

de déclenchement des opérations. Quelques dizaines de fois par an, j’étais amené à mettre en place des opérations de

recherches aériennes qui, lorsqu’elles duraient, se dirigeaient depuis la salle SAR de l’aviation civile où le personnel

compétent venait me prêter son savoir-faire en matière de calculs et de quadrillage de zones de recherches.

L’une des conditions du succès de l’affectation de chef de CROSS est la qualité des relations entretenues avec la

Préfecture maritime et en particulier avec le Préfet maritime. J’ai bénéficié du travail de mon prédécesseur, Jean-Fran-

çois BERNICOT, et des relations privilégiées qu’il avait pu établir avec le VAE OROSCO. J’ai pu les prolonger avec

le VAE GAGLIARDI que j’ai d’ailleurs suivi ensuite à un an d’intervalle à la Mission interministérielle de la mer

(MISMER). Avec son expérience et en sa qualité de Président de la MISMER, il a beaucoup fait pour la normalisation

des relations CROSS – Préfecture maritime.

**

LE CONTEXTE

Lorsque j’ai pris la direction du CROSS/Med en 1983, l’essentiel de son intégration avait été réalisé. Il était accepté

par tous les acteurs du sauvetage comme le coordonnateur et le directeur des opérations. Je n’ai pas eu sur ce point de

difficulté particulière durant mon passage. Mes prédécesseurs avaient fait le travail. Il me restait à entretenir la pérennité

de l’organisation par :

• de fréquentes visites aux différents participants à l’organisation sauvetage, y compris sur le terrain ;

• la présence dans les médias sans oublier de souligner le rôle de chacun durant les opérations ;

• l’entretien de rapports directs et de confiance avec le Préfet maritime pour faciliter les rapports des officiers du

CROSS avec ceux du COM ;

• une présence soutenue au centre compte tenu que le personnel était en grande partie composé d’appelés et que

les officiers de permanence ne dormaient pas encore sur place la nuit, ce qui constituait une vraie faiblesse

(heureusement sans conséquence fâcheuse durant mon passage).

Le centre de La Garde n’a que peu évolué pendant ma période mis à part des travaux d’entretien et de réhabilitation,

principalement des parties logement. J’ai connu la partie opérationnelle du centre dans sa phase 3 (phase 1 le blockhaus,

phase 2 la première salle opérations et premiers bureaux, phase 3 deuxième salle opérations et agrandissement des

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bureaux, phase 4 troisième salle opérations et augmentation de la surface bureaux). Mon séjour a, par contre, été très

occupé par les constructions de ce qui aurait dû pérenniser les sous-CROSS, à commencer par le sous-CROSS Corse.

Initialement son implantation était prévue dans le sémaphore de la Marine nationale situé à l’Île-Rousse, rétrocédé aux

Affaires maritimes. Sa rénovation s’est achevée quelques mois après mon arrivée, mais lorsqu’il s’est agi de l’armer,

les contraintes budgétaires du moment ne permettaient plus d’assurer la logistique et l’hébergement de l’équipe opéra-

tionnelle. C’est alors que le Préfet maritime a proposé que le sous-CROSS soit hébergé dans la base Marine d’Aspretto,

alors en baisse d’activité. Il ne s’agissait plus que de mettre en place les opérationnels (3 aspirants, 4 matelots sous les

ordres de l’OCTAAM Jean-Paul LÉGER). L’aménagement de la salle opérationnelle fut rondement mené et le sous-

CROSS démarra son activité le 31 juillet 1985. Il fonctionnait la journée, La Garde assurant la veille de nuit. Si néces-

saire, le sous-CROSS reprenait la main la nuit en cas d’opération importante.

L’autre sous-CROSS, le sous-CROSS Agde, fonctionnait les deux mois d’été depuis le début des années 70. Il était

pendant cette période armé de bric et de broc par des aspirants ou des officiers mariniers et des matelots venant de La

Garde ou prêtés par la Marine. Ils étaient dirigés par un jeune, voire très jeune, officier des affaires maritimes, souvent

désigné pour un mois à la sortie de l’École d’administration des affaires maritimes de Bordeaux. Les conditions de vie

étaient précaires possibles à cause de la douceur du climat. Il faut rendre hommage à tous ceux qui sont passés par là et

qui dans leur immense majorité ont accompli leur mission avec sérieux et efficacité. Il n’en reste pas moins vrai que la

situation n’était pas satisfaisante et faisait courir des risques incompatibles avec ce qui peut être exigé d’un service

public.

En 1982-83 il fut décidé de pérenniser le sous-CROSS Agde et de l’armer de façon permanente. C’est ainsi que

commencèrent les travaux de réhabilitation des bâtiments. Ceux-ci étaient installés dans l’ancien phare du Mont Saint-

Loup bâti en 1836. Un sémaphore de la Marine nationale y avait été accolé à la fin du XIXe siècle. C’est cette partie

qui hébergeait le sous-CROSS l’été. Pour la réhabilitation il a été décidé d’implanter le centre dans le phare lui-même

et de remplacer la lanterne encore en place par une structure en verre et aluminium servant de salle opération. L’en-

semble du projet devait tenir compte du classement de l’édifice et recevoir pour tous les travaux l’agrément de l’archi-

tecte des bâtiments de France du secteur. Celui-ci a été particulièrement vigilant et rien n’a été fait sans son

consentement. Ainsi les murs aussi bien extérieurs qu’intérieurs ont été rénovés avec une chaux identique à celle

d’époque et les pierres à renouveler l’ont été avec des matériaux venant du même secteur que les pierres d’origine. Le

rez-de-chaussée de la tour abritait les bureaux et les pièces de vie alors que les locaux d’habitation d’origine, adossés

au mur d’enceinte dans sa partie intérieure, étaient transformés en chambres pour les officiers et officiers mariniers. La

disposition générale des pièces principales était telle qu’il fallut les équiper avec des meubles faits sur mesure. Ceux-ci

ont été dessinés et fabriqués par une entreprise de décoration de la rue de Miromesnil à Paris, située tout à côté des

bureaux de la direction des services des phares et balises. Son directeur, l’ingénieur général Jean PRUNIÈRAS, suivit

avec grand intérêt et passion cette aventure, aidé de l’un de ses adjoints, l’ACAM Jean GRENET. Pour ma part, le suivi

des travaux m’a conduit à assister tous les jeudis à la réunion de chantier hebdomadaire qui se tenait sur place et donc

de faire presque chaque semaine pendant deux ans l’aller-retour La Garde - Agde à bord de la 4L du service, heureuse-

ment remplacée vers la fin par une 204, (un peu) plus routière. J’ai quitté le CROSS/Med quelques semaines avant

l’achèvement complet des travaux, et surtout, avant que le Ministère ne décide que seul le sous-CROSS Corse serait

maintenu, les deux autres sous-CROSS, Agde et Soulac, étant définitivement fermés. Je n’ai que peu apprécié une

décision qui signifiait l’inutilité des très nombreuses heures de travail consacrées à ce projet, sans compter le budget

ainsi perdu. L’expérience de l’Île-Rousse n’avait déjà pas été brillante mais au moins la solution finale avait été positive

au plan de l’efficacité et le bâtiment avait par la suite repris du service en retrouvant sa qualité de sémaphore. Du point

de vue du contribuable le bilan était en définitive sans doute plutôt positif. Il n’en a pas été de même pour le phare du

mont Saint-Loup qui n’a, à ma connaissance, pas reçu d’affectation particulière depuis.

Au plan matériel et technique, quelques améliorations ont été apportées au réseau VHF, déjà performant, y compris

la mise en place d’une troisième station haute en Corse. Une antenne NAVTEX a été implantée sur l’île de Porquerolles

juste avant mon départ. Elle remplaça des antennes d’une station Oméga, fermée quelques mois auparavant, ce qui évita

d’être confronté à des problèmes d’environnement dans ce lieu particulièrement sensible.

Au plan opérationnel, il y avait très peu de documentation sur la façon de mener les opérations de sauvetage, hormis

un document rédigé par l’un des pionniers des CROSS après son stage chez les US Coast-Guards. On a commencé à

rédiger des fiches opérationnelles plus précises sur les procédures à suivre en fonction du type d’opération à mener. Les

premières ont concerné les accidents de plongée, en apnée ou en bouteilles, fréquents en Méditerranée, lesquels néces-

sitent des réactions très rapides pour avoir une chance d’en limiter les conséquences. C’est aussi à cette période qu’on

a initié les premiers exercices de naufrage de grande ampleur mettant en œuvre les paquebots-transbordeurs vers la

Corse, exercices fort utiles pour toucher du doigt les problèmes auxquels on doit faire face dans de telles situations. Ces

expériences nous ont amenés à préparer quelques fiches-réflexes destinées à agir durant les premières minutes suivant

l’alerte d’un accident de grande ampleur dont l’annonce peut provoquer chez l’officier de permanence et les personnels

de quart un stress important.

L’outil le plus utile hérité de mon prédécesseur était le tableau blanc équipé de ses feutres et qui servait à y inscrire,

avec un numéro chronologique, toutes les alertes dès leur réception, que ce soit par téléphone ou par radio. Elles

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n’étaient effacées qu’à la fin de l’opération ou à l’abandon des recherches. C’était un élément essentiel de la gestion des

opérations au CROSS/Med dont l’une des particularités est la possibilité du déclenchement d’un nombre important

d’opérations en un laps de temps réduit lorsque le mistral ou un vent thermique se lève brutalement. Certains jours, plus

d’une douzaine d’alertes peuvent arriver au centre en moins de deux heures. Sans une grande rigueur, il est très facile

de perdre une alerte dans l’effervescence qu’une telle activité génère dans le PC.

Au plan humain, l’effectif global est resté à peu près constant, légèrement supérieur à quarante dont la moitié d’ap-

pelés. À l’ouverture du sous-CROSS Corse, l’effectif a été complété en conséquence. La Marine était plutôt coopérative

quant au choix du personnel envoyé, aussi bien en qualité qu’en quantité. Je pense que les bonnes relations qu’entretenait

“l’adjudant” avec les services du personnel de la Marine y étaient aussi pour quelque chose. Les seules difficultés

rencontrées étaient relatives à l’armement des sous-CROSS en saison estivale. Concernant les officiers des affaires

maritimes, nous étions 5 à mon arrivée mais nous nous sommes vite retrouvés à 4 pendant plus d’un an, en attendant

l’arrivée de mon adjoint, l’AAM Philippe ILLIONNET. À cinq, la permanence se faisait sans contrainte excessive, étant

entendu que je me suis toujours inclus dans les tours de garde et que les officiers de permanence ne logeaient pas sur

place la nuit. L’ensemble du personnel opération assurait des gardes ou des services de 24 heures contrairement aux

autres CROSS organisés sur la base de semaines. Il se composait de trois tiers, un de service, un d’astreinte et un de

repos.

Les relations avec l’autorité opérationnelle (le VAE GAGLIARDI, puis le VAE DUTHOIT) et leurs adjoints étaient

excellentes. De ce fait il n’y a pas eu de problèmes sérieux de relation avec le COM durant les phases opérationnelles.

L’autorité organique, la DAM Marseille, a toujours également facilité le travail du CROSS. À noter les relations parti-

culières qui s’étaient établies avec le Directeur, l’AGAM Alain COUDRAY, lequel avait pris l’habitude de rendre visite

au CROSS le week-end lorsqu’il se rendait dans son appartement privé voisin du Fort Sainte-Marguerite. À Paris on

pouvait compter sur l’IG Jean PRUNIÈRAS, alors directeur des Services des phares et balises, ainsi que du chef de la

division de la sécurité de la navigation maritime, les ACAM Alain KERFANT puis Jean-Louis GUIBERT.

J’eus la chance de trouver à louer un appartement mitoyen du fort Sainte-Marguerite. Je pense que cette situation

m’a simplifié la vie et m’a rendu plus efficace. À l’époque je considérais anormal que les chefs de CROSS ne soient

pas logés sur place même si je sais bien qu’un logement de fonction à La Hague, Gris Nez ou Corsen peut être plus

problématique pour la famille qu’à La Garde ou Étel. La question n’a finalement jamais été tranchée et par chance

aucun événement connu n’est venu, de ce fait, entacher la réputation des CROSS. La situation est aujourd’hui proba-

blement différente, notamment du fait des moyens de communication individuels et ce que je considérais alors comme

une absolue nécessité ne l’est peut-être plus autant aujourd’hui ?

La zone de responsabilité du CROSS

La zone de responsabilité du CROSS/Med est héritée de l’histoire ; elle passe à la limite des eaux territoriales de

l’Italie et de l’Espagne, longe la Sardaigne et Minorque et rejoint la zone algérienne. La coopération avec les deux pays

était à mon époque particulière dans la mesure où leur organisation du sauvetage n’était pas encore établie. Avec l’Es-

pagne, on avait réussi à obtenir quelques numéros de téléphone dont les correspondants s’avéraient assez efficaces pour

mettre en œuvre les moyens espagnols. La situation évolua doucement et un MRCC national commença à fonctionner

à Madrid en 1988.

La coopération avec l’Italie reposait sur la formidable disponibilité d’un homme, le capitaine du port (privé) de

Porto Sole à San Remo qui relayait à n’importe quelle heure et n’importe quel jour toute demande de moyens ou de

recherches vers les autorités compétentes italiennes. En fait à l’époque, sur le plan du sauvetage maritime, l’Italie était

encore organisée comme l’était la France avant la mise en place des CROSS et sans la bonne volonté de ce capitaine de

port la coopération avec l’Italie aurait été beaucoup plus compliquée. Je suis heureux qu’on ait pu lui remettre le Mérite

maritime ! Les limites de compétence du CROSS furent modifiées bien plus tard pour tenir compte des eaux territoriales

à 12 milles. La zone de Monaco, en fait ses eaux territoriales, n’était pas oubliée même si dans les faits, la vedette de la

Police de Monaco était intégrée aux moyens dont le CROSS disposait.

** LES ACTIONS

Les relations avec le préfet maritime étaient privilégiées, ce qui entrainait des relations faciles avec ses services en

général. Voici toutefois une anecdote amusante avec un amiral opérations (en l’occurrence le CA LANXADE dont on

connait la brillante carrière). Il venait de prendre ses fonctions et voulait sans doute avoir une idée du fonctionnement

du CROSS dans des conditions opérationnelles sérieuses : à la suite du naufrage d’un cargo dans la nuit et le sauvetage

de tout son équipage, ce dimanche au petit matin l’officier de permanence et moi-même étions tous deux en train de

répondre au téléphone aux journalistes des différentes stations nationales de radio qui venaient aux nouvelles. C’est

alors que nous avons eu la visite surprise de cet amiral. Il était habillé en civil et nous ne le connaissions pas encore. Je

pense qu’il a été très surpris et impressionné de voir un centre opérationnel parfaitement calme, avec chef de quart et

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adjoints accomplissant leurs tâches et deux officiers répondant tranquillement aux médias nationaux. Cette expérience

a bien servi le CROSS puisque l’amiral LANXADE lui a ensuite accordé toute sa confiance jusqu’à la fin de son affec-

tation.

Un deuxième Préfet maritime, le VAE DUTHOIT vint visiter le CROSS quelques jours après sa prise de fonction.

En bon transmetteur qu’il était, il m’interrogea sur le type et la fonction de chacune des antennes qui étaient implantées

sur le toit du centre ou à proximité, plus nombreuses alors que maintenant. Il a été manifestement très satisfait que je

réponde sans faute à son examen. J’ai su ensuite qu’il avait fait subir des épreuves similaires dans d’autres de ses

services avec beaucoup moins de réussite !

Les relations de la “bande des 4” étaient bonnes et bien entretenues par des réunions mensuelles à la Préfecture

maritime. Les quelques (petites) difficultés notées l’ont été avec les pompiers et les CODIS*, notamment ceux les plus

éloignés de La Garde. Les cas les plus typiques concernaient les interventions suite à des accidents de plongée pour

lesquels ils avaient tendance à utiliser des moyens routiers là où les hélicoptères s’imposaient pour réduire autant que

possible les délais d’évacuation vers les caissons de décompression. Je ne me souviens pas de problèmes sérieux avec

les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel à la mer. Les relations avec la SNSM étaient bonnes, sans

doute la conséquence des liens entretenus avec les délégués départementaux et des visites fréquentes dans les stations

aux moins celles qui n’étaient pas trop loin. L’intérêt des sous-CROSS était, entre autres, de favoriser de telles relations.

De fait, je n’ai pas souvenir de difficultés pour faire respecter le contrôle opérationnel des moyens SNSM par le CROSS

et l’ensemble des unités rendaient suffisamment compte de leurs actions. À cet égard, la qualité du réseau VHF y aidait.

Les hélicoptères de la Marine nationale et de la gendarmerie nationale étaient également très opérationnels et coo-

pératifs et il existait d’autres hélicoptères auxquels le CROSS pouvait faire appel dont ceux de l’Armée de l’air en

Corse. La sécurité civile disposait aussi de quatre ou cinq bases et ses hélicoptères complétaient parfaitement le travail

de ceux de la gendarmerie pour les interventions côtières. La douane disposait également de plusieurs hélicoptères, et

avions, basés à Marignane et utilisables uniquement pour les recherches. Un simple appel téléphonique au COD régional

permettait de mettre en œuvre sans délai les moyens aériens et maritimes des douanes. De même pour les hélicoptères

de la sécurité civile (appel au CODIS) et pour les hélicoptères de la Gendarmerie (appel à la base aérienne concernée).

Pour les moyens maritimes de la Douane ou de la Gendarmerie, un appel à la brigade concernée ou au COD suffisait.

Les gros hélicoptères de la Marine, seuls aptes à la mission, étaient engagés à la demande du CROSS autant que

nécessaire et sans difficulté particulière, par simple appel téléphonique (ligne spécialisée) au COM. Il s’agissait des

super-frelon basés à Saint-Mandrier dont un appareil était en permanence d’alerte à 2h, 1h et même 30 minutes en

fonction des circonstances et de la météo.

Les avions de patrouille maritime de la Marine nationale pour les longues recherches sur un grand espace maritime

— les Atlantique basés à Nîmes — étaient également très disponibles et mis en œuvre comme les autres moyens sur

simple appel téléphonique. Je me souviens que le COM était un peu jaloux des pouvoirs du CROSS dans la mesure où

notre demande valait mise en œuvre sans autre procédure alors que le COM lui-même pour ses propres besoins devait

passer par le Centre opérationnel marine parisien !

On travaillait souvent avec les sémaphores et globalement de manière efficace et coordonnée. Il y eut peu de cas de

volonté “d’autonomie ” de guetteurs-sémaphoristes.

Bien entendu ces facilités de mise en œuvre par simple appel téléphonique étaient complétées dès que possible par

des messages télex, lesquels détaillaient la mission, en particulier quand il s’agissait de recherches. Une attention parti-

culière était demandée à chaque officier et chef de quart du CROSS pour tenir informés les différents prêteurs de moyens

du déroulement des opérations et pour systématiquement remercier toutes les parties prenantes à la fin de chacune de

leurs interventions. De même les officiers de permanence avaient pour consigne expresse de citer de manière la plus

positive possible la participation de chacun lorsqu’ils s’adressaient à la presse.

Vis-à-vis de la presse, mes prédécesseurs avaient créé des relations suivies avec les journalistes locaux, en particulier

Var Matin et Nice Matin. Ces journaux écrivaient régulièrement des articles sur le CROSS/Med, plutôt favorables, à

l’occasion de divers événements : ouverture puis bilan de la saison estivale, statistiques annuelles, opérations mar-

quantes, visites de personnalités… Au plan quotidien, plusieurs journaux appelaient tous les jours le CROSS en fin

d’après-midi pour connaître les éventuels événements de la journée. À cette époque, le CROSS avait la complète res-

ponsabilité de sa communication, y compris opérationnelle. Bien entendu dans les cas importants, la DIRAM était tenue

informée, voire le Ministère. La Préfecture maritime n’est intervenue qu’exceptionnellement dans ce domaine. Une

instruction interne avait été rédigée pour rappeler quelques principes de base à observer par tous ceux qui, à un titre ou

à un autre, pouvaient être en relation avec un journaliste. Je pense que le système fonctionnait bien. Je n’ai pas souvenir

de “couacs” sérieux et la méthode permettait de bien faire connaitre le CROSS et accessoirement de passer de nombreux

conseils de sécurité. Il est vrai que cette activité communication prenait beaucoup de temps et d’énergie, et réclamait

une grande présence, particulièrement pour mon adjoint et moi.

La préparation de la saison estivale était l’occasion de visiter l’ensemble de la région et d’organiser des réunions

d’information/concertation dans chacune des préfectures des 9 départements. Au moins une fois par an le Ministre

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chargé de la mer faisait visite au CROSS/Med. C’était une occasion supplémentaire de capter l’attention des médias

régionaux mais aussi nationaux. D’autres événements, sportifs notamment, étaient mis à profit pour communiquer.

Le CROSS/Med était régulièrement sollicité pour participer aux émissions des radios nationales pour parler des

accidents nautiques de plaisance et leur prévention, France Inter notamment. On a eu aussi l’occasion d’interviews

télévisées. Également durant deux années, pendant la saison estivale, mon adjoint ou moi assurions une sorte de chro-

nique de deux ou trois minutes sur RTL Méditerranée le matin, juste avant le journal de 8 heures. Il s’agissait de prodi-

guer quelques conseils en fonction des prévisions météo ou des incidents survenus la veille. C’était un exercice

intéressant mais contraignant réclamant un minimum de préparation pour éviter une trop grande improvisation.

L’étendue de la zone de responsabilité du CROSS/Med faisait que les relations avec les diverses autorités, orga-

nismes et autres associations étaient plus difficiles à maintenir dans les endroits éloignés de La Garde, comme l’Aude,

les Pyrénées orientales et la Corse. La connaissance fine de la côte et des moyens disponibles en souffrait également.

C’était évidemment l’intérêt de maintenir des sous-CROSS.

Le rôle du chef/directeur du CROSS

Durant mon séjour, j’ai participé activement aux discussions et à la rédaction du projet de Décret ‘’sauvetage’’ et

de l’Instruction interministérielle. Les principes qui ont finalement été retenus dans ces textes étaient déjà appliqués à

la lettre à La Garde, et d’ailleurs complètement partagés par les deux préfets maritimes qui se sont succédé : responsa-

bilité opérationnelle du Préfet maritime avec délégation directe à l’officier de permanence du CROSS (CMS) sous

l’autorité du chef de CROSS.

En plus de ce qui a été déjà dit concernant les autorités, les SITREP* (“situation report”) étaient les éléments clefs

pour leur information. Le téléphone était utilisé seulement en cas d’urgence ou d’événements exceptionnels. En ce qui

concerne la presse, outre les échanges téléphoniques, les affaires les plus notables faisaient l’objet d’un communiqué

écrit.

L’officier de permanence du CROSS et parfois le Chef du CROSS étaient les interlocuteurs des familles. Quand il

s’agissait de marins professionnels, le CROSS assumait cette tâche en liaison avec le chef de quartier. Sinon, la gendar-

merie ou les mairies étaient associées dans les cas d’annonces de caractère dramatique.

La responsabilité de prendre la décision d’arrêt des recherches lors d’une opération et d’en informer les familles en

cause appartenait au chef du CROSS, qui informait immédiatement le Préfet maritime dans le cas des opérations lourdes.

Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

Les quelques retards dans la transmission des alertes dont j’ai le souvenir concernaient des accidents de plongée,

ainsi que des recherches de baigneurs ou planchistes dont l’opération avait été prise en charge par les sauveteurs pla-

gistes avant qu’ils ne réalisent que des moyens plus importants étaient nécessaires.

Les tirs de fusées rouges constituaient un moyen commode de signaler une alerte mais leur usage était quelquefois

abusif. Ils étaient à l’origine d’un nombre non négligeable de fausses alertes et en tout cas d’usage intempestif lors de

fêtes nationales ou locales.

Le réseau VHF du CROSS/Med était très performant grâce notamment au relief de la côte Méditerranéenne. Les

zones de silence étaient très limitées, quelques fonds de baie en Corse, et dans les parages du golfe de Fos qui disposait

de toute façon de nombreux relais par le sémaphore local et la capitainerie du port. Vers le large et grâce aux points

hauts, la portée était très importante. En conséquence la BLU* était peu utilisée ce qui était heureux car celle du CROSS

était peu performante.

La maintenance et les réparations sur certains sites déportés VHF pouvaient s’avérer difficiles. Mais globalement,

l’entretien effectué par un officier du CROSS et une société privée sous contrat, sous l’œil attentif du STPB*, apportait

un taux de disponibilité fort satisfaisant.

La surveillance des plages

Je n’ai pas le souvenir de problèmes dans le secteur de la surveillance des plages (et des opérations inhérentes à ce

type d’activité) et quasiment jamais intentionnels. Le CROSS rappelait régulièrement aux maires des communes litto-

rales leurs responsabilités dans la zone de baignade dite des “300 mètres”. Les sapeurs-pompiers étaient actifs et coo-

pératifs dans leur immense majorité ; les quelques problèmes concernaient le Roussillon, il fallait leur rappeler le rôle

du CROSS à l’installation du sous-CROSS Agde l’été. Cela tendait à prouver que l’hiver ils ne remontaient sans doute

pas toutes les informations à La Garde, trop éloigné !

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LES AUTRES MISSIONS DU CROSS

En matière de surveillance de la circulation maritime le rôle du CROSS/Med était alors insignifiant. Le respect de

la circulation à plus de 7 milles de la côte pour les navires transportant des hydrocarbures ainsi que les autorisations de

mouillage pour les navires de commerce étaient suivis par les sémaphores et la Préfecture maritime.

Le CROSS exerçait, en revanche, un rôle reconnu dans la mission de coordination du contrôle des pêches maritimes.

Il était toutefois difficile à exercer en continu car les chefs de quartier voulaient garder la main mise sur leurs moyens

(sans se rendre compte qu’ils se faisaient parfois des illusions sur leur activité) et que les personnels embarqués ne

faisaient pas de zèle pour coopérer…

Pour la surveillance des pollutions maritimes, le rôle du CROSS était de recueillir toutes les informations et de les

transmettre aux autorités.

En matière de diffusion de l’information nautique, le CROSS effectuait quelques diffusions d’avurnav (avis urgents

aux navigateurs) par le réseau VHF en même temps que les bulletins météo. À l’époque rien n’était automatisé et c’était

les adjoints aux chefs de quart qui assuraient la diffusion, émetteur par émetteur. C’était une fonction très importante

pour l’image du CROSS et de ce fait une attention particulière était apportée à la façon dont l’opérateur s’acquittait de

sa tâche : ponctualité, diction, vitesse du phrasé. La diffusion a commencé à être automatisée juste avant mon départ,

mais elle nécessitait encore l’enregistrement préalable audio des bulletins par un opérateur.

**

LA STRUCTURE DU CROSS : MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS

Au plan humain

La composition de l’état-major du CROSS pendant mon affectation était d’un AAM et trois OCTAAM durant la

première année, puis deux AAM et trois OCTAAM. L’été un AAM ou OCTAAM était affecté en plus à Agde. Puis à

l’ouverture du sous-CROSS Corse, un OCTAAM supplémentaire y a été affecté à plein temps et un OCTAAM d’Ajac-

cio y était affecté à mi-temps. Le plan d’armement était globalement suffisant à mes yeux et composé de personnel

militaire, officiers des affaires maritimes, aspirants ou EV2, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots, et deux

civils, une secrétaire et un agent d’entretien, M. CHOUKROUN, dont le rôle était essentiel pour maintenir au quotidien

un ensemble comme l’est le Fort Sainte-Marguerite. J’aurais bien sûr apprécié un officier supplémentaire pour m’ex-

traire de la permanence. Cependant je pense que de participer à celle-ci de manière régulière permet d’être vraiment

efficace lorsqu’il faut faire face à un événement de caractère catastrophique, ou lorsqu’une opération tourne mal.

L’OCTAAM le plus ancien et, lorsqu’il a été affecté, l’AAM adjoint exerçait mon intérim lors de mes absences et

congés.

La formation du personnel en matière de recherche et de sauvetage en mer était quasi inexistante. J’avais mis en

place avec l’OCTAAM COMBE un système de formation sur le tas pour l’ensemble du personnel, y compris les offi-

ciers. Mais pour certains OCTAAM issus de spécialités marines non naviguant (infirmier, électronicien d’aéro, par

exemple) la situation était pour le moins insatisfaisante. La fonction VTS n’existait pas et donc les opérateurs n’avaient

pas besoin d’une telle qualification dans le domaine de la surveillance du trafic maritime.

La situation matérielle du CROSS

Le CROSS/Med bénéficie d’un site exceptionnel et se situe à proximité d’une grande ville. Le personnel appréciait

cette situation, en particulier les appelés qui formaient environ la moitié du personnel.

Les locaux opérationnels étaient fonctionnels et suffisants pour les besoins de l’époque et le matériel de radiocom-

munications et de télécommunications nécessaire était satisfaisant, en tout cas performant pour ce qui concernait la

VHF. En plus des 5 émetteurs récepteurs VHF bas le CROSS/Med disposait de 6 émetteurs-récepteurs installés en

altitude permettant de couvrir la quasi-totalité de la zone SAR* attribuée.

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Les "locaux vie" étaient dotés d’un confort minimum. Quelques appelés vivaient au CROSS de manière permanente,

mais pour la plupart ils ne restaient sur place que pendant les jours de service. Quant aux officiers, ils n’assuraient pas

encore la permanence sur place.

Contrairement aux autres CROSS, le régime de service était basé sur un rythme de 24 h. Le personnel opérationnel

était divisé en trois tiers effectuant successivement un jour de service, un jour d’astreinte et un jour de repos. En cas de

nécessité le service par tiers pouvait être remplacé par un régime de bordée. Le tiers de service restait sur place et

effectuait des quarts de quatre heures (six heures la nuit). Le CROSS/Med bénéficiait d’une équipe de cuisine et d’un

maître d’hôtel. Un arrangement avec la cuisine centrale de la Marine permettait de recevoir des denrées et quelques

plats préparés.

Dans les sous-CROSS le personnel travaillait par bordée et n’était opérationnel que de 8 h à 20 h. En Agde les repas

étaient préparés par l’hôpital de la ville avec lequel il existait un accord. En Corse, le centre bénéficiait de toute la

logistique de la base marine d’Aspretto : les personnels avaient accès aux mess et restaurants et profitaient des héber-

gements.

Les moyens nécessaires à l’exercice de nos missions opérationnelles étaient globalement satisfaisants. Cependant la

baisse continue du budget année après année commençait à rendre la situation sérieusement tendue.

Conclusion :

C’est une affectation que j’ai trouvée passionnante. Je crois avoir participé à faire mieux connaitre les CROSS et

plus généralement les affaires maritimes grâce aux médias. J’ai également beaucoup participé à définir la doctrine telle

qu’elle a été formulée dans les textes sur l’organisation du sauvetage.

Comme éléments de regrets et/ou de frustration quant aux difficultés rencontrées pour faire avancer et progresser le

CROSS, j’ai regretté l’absence de logement de fonction et, bien sûr, le couac du sous-CROSS Agde.

* = *

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L'ACAM J-C LECLAIR avec le VAE DUTHOIT, préfet maritime de la Méditerranée

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AGhcAM Bruno BARADUC, directeur du CROSS/MED de 1988 à 1994

L’administrateur des affaires maritimes Bruno BARADUC a exercé les fonctions de directeur du CROSS (Centre

régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) installé à LA GARDE de Septembre 1988 à Février 1994.

J’ai passé près de 10 ans de ma carrière professionnelle en CROSS : j'eus mon premier poste, en sortie de JEANNE

D’ARC, à Jobourg, de l’été 1978 à l’été 1981, à la fin de l’époque des “pionniers” ; puis, à La Garde, je fus directeur du

CROSS/Med, de l’été 1988 jusqu'en février 1994. C’est de cette seconde affectation qu’il m’a été demandé de parler.

J’apporte mon témoignage tel que je me rappelle cette période, avec les imprécisions et peut-être la déformation du

temps écoulé. Je le fais avec sincérité et le sentiment d’avoir participé à une aventure rare dans le cadre d'une carrière

administrative.

Mon arrivée au CROSS La Garde

J'étais à la fin d'une troisième affectation et d'une dizaine d’années passées sur le littoral de la Manche, à Cherbourg

(CROSS Jobourg), Brest (Quartier) et Saint-Brieuc (DDAM) et étais désireux d’Outre-mer. Plusieurs destinations se

libéraient l’été suivant, Abidjan, Papeete, La Réunion... Toutes me tentaient. J’étais donc allé plaider ma cause en cen-

trale auprès du gestionnaire RH de l’époque, l’ACAM Jacques BOLOPION, chef du bureau AG2. À aucune de mes

demandes, pourtant formulées avec conviction, il n'accorda un début d’intérêt. Alors qu’il me demandait si je n’avais

pas un autre desideratum à formuler, je lançai, sans trop y croire, « la direction de La Garde ». J’avais certes une

expérience de trois ans à Jobourg et je terminais une affectation de cinq ans comme premier Directeur départemental

des Côtes du Nord, — les directions départementales venaient d’être créées —. Mais j’étais encore jeune, d’origine

universitaire et au milieu de mon grade d’APAM. Je considérais donc que c’était un peu juste pour prétendre à la

direction du CROSS Med. À ma grande surprise, cette demande recueillit son assentiment immédiat ; je crus même

déceler de sa part une forme de soulagement à avoir trouvé un volontaire pour une direction de CROSS. Je savais que

j’obtenais là un poste extraordinaire ; j'y vivrai les plus belles années de ma vie professionnelle, les plus intenses aussi.

Pour vérifier la solidité de cet engagement, j’allai en informer le chef du bureau chargé des CROSS (NM2), l’adminis-

trateur en chef Jean-Louis GUIBERT qui était pour moi "la référence” du domaine. Il était capitaine au long cours, avait

suivi la formation USCG et avait été mon professeur de sécurité/sauvetage à l’école des affaires maritimes. Il m’ac-

cueillit avec sympathie et me félicita. Je venais d’entrer dans le cercle encore restreint des “directeurs de CROSS”.

Mon affectation de trois ans à Jobourg était suffisamment récente et riche d’expériences dans les multiples domaines

opérationnels traités par les CROSS pour que j’estime ne pas avoir besoin de remise en condition avant ma prise de

poste. Il n'existait d'ailleurs, à l'époque, aucun dispositif particulier de formation pour les officiers affectés en CROSS.

J’avais connu à Jobourg quelques opérations majeures dont le naufrage dramatique du pétrolier TANIO le 7 mars

1980 en Manche centrale. Cet accident qui avait fait 8 victimes, avait donné lieu à une opération de sauvetage de grande

ampleur suivie du remorquage spectaculaire de la partie arrière du navire jusqu’au Havre. Le pompage de la cargaison

qui avait coulé au milieu de la Manche avec la partie avant du navire, organisé par la suite, avait duré tout le temps de

mon affectation à Jobourg avec de multiples péripéties. Et, fait du hasard, en arrivant à Brest pour ma nouvelle affecta-

tion en juillet 1981, la première tâche qui me fut confiée, fut d’organiser la vente des quelques milliers de tonnes de

pétrole “épave” issues du pompage et stockées dans le port breton.

Je me présentai le lundi 29 août 1988 au fort Sainte-Marguerite à La Garde pour y prendre la suite de l’administrateur

en chef Jean-Charles LECLAIR et mes fonctions de directeur du CROSS/Med le jeudi 1erseptembre.

* *

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LE CONTEXTE

Le fort Sainte-Marguerite

Le visiteur qui pénètre dans l’enceinte du fort Sainte-Marguerite est aussitôt saisi par le calme et la beauté du site.

On y découvre les restanques bordées de la végétation odorante du midi, plantées de pins parasols et de palmiers ; les

bâtiments anciens qui abritent le casernement de l’équipage, les carrés officiers et officiers-mariniers; et, sur le haut de

la falaise, le centre opérationnel avec sa vue unique sur la Méditerranée. Cet emplacement est si exceptionnel qu’il a

souvent été retenu pour la présentation de revues navales aux plus hautes autorités de l’État, sur la petite plate-forme

que constituait le toit de l’ancien blockhaus, devant le nouveau bâtiment. Lorsqu’on s’attarde un peu plus sur le terrain

du centre, on découvre des points de vue rares sur la côte varoise et même de petits trésors tels que ce souterrain qui

traverse la falaise sur une cinquantaine de mètres et débouche sur un à-pic de 30 mètres au-dessus de la mer.

Je connaissais les lieux pour y avoir fait mon stage CROSS lors de ma scolarité à l’École d’administration des

affaires maritimes durant l’été 1977. À l’époque le CROSS La Garde, dirigé par l’AAM HENNEQUIN (Pierre) était

encore installé dans le blockhaus d’origine. La vue sur l’extérieur se limitait à l’ouverture des meurtrières accessibles

en montant sur un escabeau. L’espace était exigu et peu fonctionnel.

Au fil du temps et des différentes étapes de sa modernisation, le CROSS La Garde a toujours préservé son aspect

d’origine, discret derrière son haut portail et parfaitement intégré dans le quartier résidentiel de la pointe Sainte-Mar-

guerite, à la limite entre les communes de Toulon et de La Garde. Les bâtiments anciens ont été conservés pour la partie

“vie” et plusieurs fois rénovés. Un premier bâtiment moderne avait été construit directement sur le toit du blockhaus

pour loger le PC opérations et les bureaux.

J’appréciais à sa juste valeur ce bâtiment construit par mes prédécesseurs qui m’offrait le plus beau bureau des

Affaires maritimes avec vue exceptionnelle sur la grande rade de Toulon. Il abrite, encore aujourd’hui, les bureaux et

l’ancien PC transformé en salle de conférence.

A proximité du centre-ville de Toulon et très accessible depuis la gare ou l’aéroport de Hyères, le CROSS se situait

dans un site propice aux visites et réceptions fort nombreuses organisées pour les autorités les plus diverses. Pendant

mon mandat de 5 ans et 7 mois, j’y ai reçu le Ministre de la Défense Jean-Pierre CHEVÈNEMENT; celui de l’Intérieur

Philippe MARCHAND; le chef d’État-major de la Marine et ceux des différentes marines étrangères en visite à Toulon;

le général chef de la garde-frontière de Roumanie, au moment même de la chute dramatique du régime Ceaucescu fin

décembre 1989; et, chaque été, pour le démarrage de la saison estivale, le Ministre de la mer en fonction: Jack Mellick,

Jean-Yves LE DRIAN et Charles JOSSELIN.

L’immobilier

Contrairement aux CROSS de la Manche et même à celui d’Étel, le CROSS de La Garde n’a pas connu de recons-

truction intégrale à la suite de l’accident de L’AMOCO CADIZ qui fut, au début des années 80, à l’origine de la seconde

génération des CROSS. Les travaux immobiliers et les modernisations techniques se sont étalés dans le temps et ont

toujours occupé une part importante du travail du directeur du CROSS/Med qui en avait une large initiative. Il en était

à la fois l’initiateur, le concepteur et le réalisateur. Il lui revenait d’en convaincre la centrale et d’obtenir le financement.

L’époque était favorable et propice aux « bâtisseurs » dès lors qu’ils avaient la confiance de leur hiérarchie. Mon direc-

teur régional à Marseille, l’AGAM Alain COUDRAY et le chef du bureau NM2, l’ACAM Jean-Louis GUIBERT, se

sont montrés très ouverts à mes demandes de crédits et j’ai pu « construire ».

Ainsi, entre 1988 et 1994, les travaux ont concerné la rénovation de l’ensemble des bâtiments vie, l’installation des

équipements sportifs et la réserve d’eau, le creusement et l’installation des salles techniques sous le bâtiment opération-

nel, la pose des grandes antennes Navtex et MHF sur le haut du terrain et sur l’île de Porquerolles ainsi que l’extension

et le passage à trois voies de l’ensemble du réseau VHF, soit l’installation d’une trentaine d’émetteurs-récepteurs sur la

dizaine de points hauts du continent et en Corse qui constituaient le réseau déporté du CROSS/Med, le mont Coudon

(702m), le pic de l’Ours (492m), le pic de Néoulos (1257m) …, lui donnant sa couverture radio exceptionnelle sur une

centaine de nautiques vers le large.

Pour être complet, il faut aussi citer l'entière rénovation du sous-CROSS Corse sur la base Marine d’Aspretto et

celle du sous-CROSS Agde dans le magnifique fort du Mont Saint-Loup qui appartenait aux Phares et balises.

Pour ces travaux qui ont accompagné toute la durée de mon affectation, j’ai pu bénéficier du concours de deux

officiers remarquables du CTAAM. Je veux ici les remercier : l’OCTAAM MORAT pour l’immobilier et l’OCTAAM

LE BORGNE de LAVILLANDRE pour la partie technique avec le soutien, à Paris, de l’équipe du CETMEF dirigée

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par l’ingénieur Patrick PALUS que je connaissais depuis le démarrage du projet du nouveau CROSS de Jobourg dès

1979.

Les moyens humains

A mon arrivée, l’État-major du CROSS, composé de 2 AAM et 3 OCTAAM, est passé à 6 officiers (2 AAM et 4

OCTAAM). Cela m’a permis d’instaurer le service de permanence sur site alors qu’il était assuré à domicile depuis la

création des CROSS en 1968.

J’avais vécu la permanence à domicile lors de mon affectation à Jobourg et je n’en avais pas conservé un très bon

souvenir : les réveils au milieu de la nuit, la difficulté de bien apprécier la réalité des situations, l’inquiétude sur le bon

déroulement des opérations, l’incertitude sur la nécessité de regagner le CROSS situé à 30 minutes de route ou pas…

Le passage à la permanence sur site réglait toutes ces questions.

Les chefs de quart étaient tous des officiers-mariniers, principalement du corps des guetteurs sémaphoristes pour

lesquels c’est devenu une spécialité. L’équipage était composé pour moitié d’engagés de la Marine nationale et pour

moitié d’appelés du contingent.

L’effectif global à La Garde tournait autour de la cinquantaine de personnes mais n’était pas vraiment stabilisé. Le

plan d’armement était « indicatif » et dépendait, pour beaucoup, des bonnes relations qu’il convenait d’entretenir avec

le bureau de gestion des personnels de la région maritime.

La formation était assurée sur place par compagnonnage. Cela ne posait pas trop de difficultés pour le personnel

engagé de la Marine dont la formation initiale était adaptée aux métiers des CROSS, transmissions, navigation, détec-

tion, gestion des opérations… De plus, l’esprit d’équipe et la discipline en pratique dans la Marine convenaient à mer-

veille à l’organisation des CROSS.

La question était un peu différente pour les appelés dont les profils étaient très divers et parfois fort éloignés de ce

qui leur serait demandé pendant leur service militaire. Certains parmi eux n’avaient jamais vu la mer.

Mais, très souvent, les bonnes surprises étaient au rendez-vous. Et il était très gratifiant de constater l’évolution de

ces jeunes appelés depuis leur arrivée au centre jusqu'à leur départ, transformés, à la fin de leur service militaire. Pour

ma part, j’ai regretté la fin de ce dispositif avec la suppression du service national obligatoire en 1996, quelle qu’ait pu

en être la charge pour les CROSS.

La zone de responsabilité du CROSS

La zone de responsabilité du CROSS Med était vaste. Elle couvrait l’ensemble du littoral, de Menton au cap Béar

au pied des Pyrénées. Elle englobait le littoral de la Corse et s’étendait sur plus de 200 milles nautiques au large.

Cette zone était bordée à l’Est par la zone de responsabilité italienne et à l’ouest par celle de l’Espagne, avec les

autorités desquelles des contacts fréquents avaient lieu à l’occasion d’opérations conjointes ou de concours réciproques

lors des opérations conduites en zone contigüe. Par contre, peu de rapports étaient entretenus avec les autorités algé-

riennes au sud de la zone de responsabilité française.

L’étendue de la zone de responsabilité du CROSS/Med donnait au poste une dimension particulière. Il était marqué

par une grande densité d’activités de plaisance en zone côtière, en particulier sur la Côte d’Azur ; la zone du large était

également très fréquentée, par la navigation commerciale mais aussi par les plaisanciers à destination de la Corse, de la

Sardaigne ou des îles Baléares.

Il m’avait été permis de découvrir l’ensemble de ce littoral lors d’un vol opéré à très basse altitude en Breguet

Atlantique, organisé par la Marine à mon intention, peu de temps après ma prise de fonction.

La vaste dimension de la zone de responsabilité du CROSS Med avait nécessité la création de deux “sous-CROSS”.

L’un, permanent, en Corse, implanté à l’origine à l’Ile-Rousse, puis déménagé en bordure d’Ajaccio, sur la base Marine

d’Aspretto ; l’autre, saisonnier, en Languedoc-Roussillon, implanté sur le Mont Saint-Loup, à proximité du cap d’Agde.

Ces deux sous-CROSS ont bénéficié, pendant la période 1988/1994, des modernisations identiques à celles menées

à La Garde, tant au plan immobilier qu’au plan des installations techniques, ce qui leur permettait d’effectuer un travail

opérationnel de niveau équivalent. Par contre, leur armement en personnels était insuffisant pour une ouverture com-

plète.

Le sous-CROSS Corse fonctionnait toute l’année mais de jour uniquement. La veille était assurée la nuit par La

Garde qui pouvait télécommander l’ensemble du réseau radio. Le personnel de service au sous-CROSS Corse dormant

sur place, il pouvait être immédiatement réactivé.

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Le sous-CROSS Agde fonctionnait de la même façon mais uniquement pendant la saison estivale avec du personnel

saisonnier. Ce dispositif, s’il permettait d’alléger la tâche de La Garde qui pouvait, au plus fort de la saison estivale,

avoir à traiter plus d’une cinquantaine d’opérations par jour dont une vingtaine en simultané, comportait un défaut

majeur, celui de faire appel à du personnel peu formé. Un palliatif était employé en mixant les équipes avec du personnel

aguerri de La Garde. Cela donnait un assez bon résultat et l’existence du sous-CROSS Agde était appréciée des acteurs

locaux de la côte languedocienne avec lesquels il entretenait des relations de proximité très utiles. Néanmoins, le dis-

positif fut par la suite abandonné et le sous-CROSS Agde fermé contre un renfort en personnels du CROSS La Garde.

La montée en puissance du CROSS

À ma prise de fonctions, le CROSS/Med venait de commémorer les 20 ans de sa création en 1968. Il était déjà

parfaitement bien installé et reconnu dans sa responsabilité et ses compétences pour la conduite des opérations de sau-

vetage en mer. Mais il est évident qu’il a pu prendre toute sa dimension avec la montée en puissance de ses équipements

radio, MHF, NAVTEX et VHF qui lui ont donné une capacité d’action unique.

Ce fut également l’arrivée des ordinateurs et le remplacement des fichiers “papiers”, celle des statistiques “secmar”

et des comptes-rendus d’opérations standardisés, des premiers logiciels de calcul de zone de recherches, des systèmes

de gestion de voies et d’enregistrement du téléphone et de la radio.

Au-delà de ces évolutions techniques, l’époque a aussi été celle de la consolidation des procédures avec l’écriture

des différents volumes de « l’instruction CROSS » dont la charge de rédaction fut répartie entre les différents centres.

La Garde fut chargé de la partie “sauvetage”.

Cette montée en puissance s’est donc traduite par l’introduction de la technique et de procédures plus standardisées

qui ont remplacé un savoir-faire “artisanal” par une approche plus professionnelle qui annonçait les futures démarches

qualité. Néanmoins, le “métier” de CMS comportait encore une très large part “instinctive” qui en faisait la richesse et

le sel. C’était encore le temps des cartes marines traditionnelles du SHOM et de la règle CRAS …

* *

LES ACTIONS

Les relations avec la Marine

Les relations avec la Marine sont un point essentiel dans l’histoire des CROSS. Elles ont été plus ou moins faciles

selon les époques et différentes d’un CROSS à l’autre ou selon les interlocuteurs en responsabilité.

À La Garde, les relations avec la Marine se devaient d’être étroites et excellentes. Conseil précieux que j’ai reçu de

mon prédécesseur, que j’ai soigneusement gardé présent à l'esprit pendant tout mon mandat et que j’ai transmis à mon

successeur. En retour, je n’ai eu qu’à me féliciter des relations entretenues avec les trois préfets maritimes qui se sont

succédé pendant ma période de commandement, les amiraux DUTHOIT, TRIPIER et GAZZANO ainsi qu'avec leurs

adjoints opérations et avec le commissaire général BRISBOUT, adjoint pour l’action de l’État en mer qui est resté en

poste durant toute cette période.

Mon rôle de directeur du CROSS a été de toujours maintenir ces relations à un niveau d’excellence et d’arrondir les

angles lorsque des rugosités ont pu survenir entre les officiers des deux organisations dans la conduite des opérations,

ce qui fut assez rare.

Les visites réciproques lors des prises de fonction, la participation au “briefing” du vendredi matin au Centre opé-

rations Marine (COM), les “débriefing” à chaud ou au contraire à froid, lors des opérations importantes ou lorsqu’il y

avait des difficultés, ont joué un rôle important dans ces relations.

La distinction des fonctions de “Préfet maritime” et de “Commandant en chef de la Marine” était assimilée par

chacun et n’avait nul besoin d’être rappelée. Il fallait bien comprendre que le patron, c’était le Préfet maritime et,

derrière lui, ses deux adjoints, l’adjoint opérations et l’adjoint action de l’État en mer. Une fois cela compris, la déléga-

tion totale donnée au directeur de CROSS pour diriger les opérations de sauvetage n’était jamais discutée ni remise en

question. Sauf, bien sûr, cas exceptionnel d’une reprise directe de l’opération par le préfet maritime lui-même, c’est-à-

dire par le biais de son centre opérations, ce qui n’est jamais arrivé pendant mon temps de commandement du

CROSS/Med.

Il fallait avoir à l’esprit que la Marine restait le seul moyen fiable au-delà de 50 nautiques de la côte ou lorsque

aucun autre moyen ne pouvait plus intervenir en raison des conditions météorologiques. Elle le faisait en particulier

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avec les hélicoptères lourds de la BAN Saint- Mandrier (Super-Frelon ou Lynx) et les avions de patrouille maritime de

la BAN Nîmes-Garons, voire de Lann-Bihoué dans certains cas. Souvent mis en œuvre par le CROSS, ils n’ont jamais

fait défaut.

Cela représentait une cinquantaine d’opérations par an, ce qui était assez peu sur le nombre global d’affaires traitées

par le CROSS/Med (1%) mais, en réalité, beaucoup car la plupart de ces opérations étaient importantes et réalisées dans

des conditions difficiles.

Vu l’impact sur la disponibilité des moyens, sans compter le coût budgétaire qui restait imputé à la Marine, il était

évident que l’ordre d’envoi, s’il émanait bien du CROSS, directeur des opérations, devait être compris et entériné par

le COM.

La plupart du temps, la décision d’engagement des moyens de la Marine était prise au niveau de l’officier de sup-

pléance, parfois celui de l’amiral adjoint opérations. Il n’était que très exceptionnellement soumis à l’arbitrage du Préfet

maritime, ce qui aurait signifié un désaccord entre la Marine et le CROSS.

Il en était de même pour signifier la fin des opérations importantes lorsque les moyens de la Marine étaient engagés.

Avec la Marine, les principes de relation toujours préservés étaient ceux de la reconnaissance mutuelle et de la

loyauté. Ils étaient confortés par les relations directes et franches qui existaient entre les officiers du CROSS et les

officiers de suppléance de la Préfecture maritime.

Les relations avec les autres partenaires opérationnels

Les relations avec les autres partenaires opérationnels du CROSS étaient, elles aussi, excellentes : avec la Gendar-

merie ; avec la Douane qui apportait un concours souple et efficace grâce à ses moyens aériens, avions et hélicoptères,

en particulier pour les opérations de police; avec la Sécurité civile via les CODIS.

Le chef du service opérations (CSO*) de La Garde, l’OCTAAM LEROY, s’y employait sans relâche lors de réu-

nions organisées dans les différentes régions ou départements de la zone (3 régions et une dizaine de départements) ou

au CROSS, nos partenaires appréciant beaucoup d’y être reçus.

Avec tous ces organismes, pour les opérations de sauvetage en mer, les contacts étaient en règle générale directement

établis au niveau opérationnel et hors hiérarchie.

Le décret de mai 19881 sur le sauvetage en mer, affirmant sans ambiguïté le rôle de coordination dévolu au CROSS,

y suffisait de même que l’autorité reconnue au Préfet maritime pour l’action de l’État en mer et dont le directeur du

CROSS était le “délégué” permanent.

Je n’ai pas souvenir que cela ait jamais été remis en cause ou appliqué avec réticence par l’un ou l’autre des parte-

naires institutionnels. Au contraire, chacun d’eux était soucieux d’être bien intégré dans la chaîne opérationnelle du

secours maritime.

Pour autant, un travail très important était mené hors opérations et de préférence en basse saison pour mieux orga-

niser, fluidifier les procédures et améliorer les communications entre les uns et les autres.

La SNSM

Une place particulière doit être faite à la SNSM. C’est en effet par la relation étroite et quasiment intégrée entre le

CROSS et les moyens de la SNSM que les CROSS ont pu assoir leur légitimité dans la maîtrise de la chaîne du sauve-

tage, du fait du maillage et de la disponibilité des moyens de l’association.

Cette assimilation CROSS/SNSM a été, là encore, sous-tendue par des liens tissés avec patience par les officiers du

CROSS, souvent relayés localement par les services des Affaires maritimes.

Ceci comportait la participation systématique d’un officier du CROSS aux réunions départementales de la SNSM,

des visites régulières aux stations et une présence du CROSS lors des diverses manifestations organisées par les stations

pour récolter des fonds.

Une relation particulière existait avec les stations voisines du Var : elles embarquaient souvent des personnels du

CROSS pour leurs sorties d’entrainement.

Les relations avec les média

1 Décret n°88-531 du 2 mai 1988 portant organisation du secours, de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer

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Les relations avec les média ont toujours tenu une place importante au CROSS La Garde.

En premier lieu avec la presse locale qui téléphonait chaque soir pour alimenter la rubrique des « faits divers mari-

times ». Toutes les opérations traitées par le CROSS étaient reprises dans les éditions locales de la presse écrite régio-

nale, Var Matin, Nice Matin, Le Provençal… de façon plus ou moins détaillée mais toujours factuelle. Il fallait alors

veiller à ce que chaque intervenant fût cité avec exactitude : les mots avaient leur importance, en particulier concernant

le rôle de la Préfecture maritime lorsque la Marine intervenait.

Des actions de communication furent aussi menées durant cette période à La Garde.

Pendant la saison estivale, l’habitude avait été prise par mon prédécesseur de faire chaque matin une “quotidienne ”

sur le thème de la sécurité en mer sur une radio locale, intervention que j’ai maintenue pendant toute ma période de

commandement. Elle comportait, à la fin du bulletin d’information et après le bulletin météo matinal, la diffusion du «

conseil du jour » du CROSS.

Ce n’était pas un exercice facile pour l’officier de permanence qui en était chargé car il nécessitait de donner un

conseil clair, simple et bref, si possible en rapport avec la situation météo du jour et, éventuellement, l’actualité opéra-

tionnelle. Et il fallait se renouveler chaque jour …

Au-delà de l’aspect routinier, les relations avec la presse étaient une bonne occasion pour le CROSS de renforcer sa

notoriété et, peut-être, d’agir sur la prévention des accidents.

Il arrivait qu’un grand quotidien ou un hebdomadaire contacte le CROSS pour un entretien sur un sujet de fond, la

plupart du temps à la suite d’un accident médiatisé. À cette époque, les accidents graves étaient souvent liés aux engins

nautiques surmotorisés très à la mode sur la Côte d’Azur. La répétition de ces accidents a d’ailleurs donné lieu à la

création de toute une réglementation, suite à une mission confiée à Jean-Charles LECLAIR qui était devenu, de facto,

le meilleur connaisseur du problème à la fin de son affectation à La Garde.

Il arrivait aussi que ces accidents fassent l’objet d’une minute trente dans le “20 heures” d’une grande chaîne natio-

nale. Ceci donnait alors lieu à la mise en œuvre d’un grand branle-bas d’autorisations en tous genres qui était sans

rapport avec le réel impact du contenu diffusé.

Il fallait être très vigilant avec la presse car, si personne ne s’avisait d’émettre une observation sur le déroulement

d’une opération ou sur son résultat, bon ou mauvais, toute « erreur de communication » ou supposée telle dans la presse,

était aussitôt relevée.

Quelques interventions dans les média ont pris, pendant mon passage à La Garde, une autre dimension. J’en citerai

deux exemples.

D’abord une émission de radio, en direct sur France Culture, entre 22H00 et 01H00, dans le cadre d’une série sur

« LES MÉTIERS DE LA NUIT ». Pour la réaliser, le PC opérations a été transformé une nuit en studio de radio, avec

l’animatrice de l’émission et une équipe technique.

L’émission comportait une présentation du fonctionnement du CROSS avec des explications techniques, des inter-

views des personnels de quart ou en service courant sur le CROSS, coupés par la diffusion de musique et des journaux

d’information. Avec, bien sûr, une relation en direct des opérations en cours.

Dans un tout autre genre, il me faut mentionner la contribution du CROSS à la réalisation de trois émissions de

“télé-réalité” diffusées sur France 2 dans la série « LA NUIT DES HÉROS » qui connaissait à l’époque une forte au-

dience. La production avait proposé la mise en avant de l’action du CROSS La Garde à partir d’évènements réels, ce

que j’avais accepté avec l’accord du Ministère. La production en a sélectionné trois et en a organisé la reconstitution

fidèle et le tournage dans des conditions au plus près du réel.

La première émission racontait le sauvetage d’une baleine prise dans un filet dérivant, par l’équipage de la vedette

régionale des Affaires maritimes PATRON LOUIS RENE. Deux plongeurs de l’équipage avaient grimpé sur le dos de la

baleine pour découper le filet et libérer le cétacé. Cette vedette régionale a participé elle-même au tournage et une

baleine en plastique a été construite pour créer l’illusion, avec des images d’archives.

Les deux autres émissions ont consacré des opérations de secours assez spectaculaires, coordonnées par le CROSS,

avec un dénouement heureux.

Ces émissions sont sans doute encore disponibles dans les archives de l’INA …

Le rôle “opérationnel” du directeur de CROSS

Le directeur de CROSS est celui qui est réglementairement le délégué du Préfet maritime, responsable du sauvetage

en mer. Le bon exercice de cette fonction m’avait conduit à considérer que je devais participer au « tour de service »

des coordonnateurs de mission de sauvetage (CMS) pour en bien maîtriser les impératifs.

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A celle de CMS s'ajoutaient quelques tâches spécifiques qui incombaient au directeur et conféraient à ce poste une

dimension particulière car il y exerçait seul une responsabilité parfois lourde. Ces tâches spécifiques concernaient :

Les relations avec les autorités de haut niveau, préfets, préfet maritime, directeurs d’administration centrale et, assez

souvent, des autorités ministérielles (conseillers, directeurs de cabinet et, parfois même, ministres). Ces relations pou-

vaient être assurées dans l’urgence par le CMS mais il était toujours de rigueur que le directeur prenne un contact direct

par la suite. Les principales questions concernaient :

• Les relations avec la presse, écrite, radio, télévision, en dehors des opérations courantes.

• La décision d’arrêter les recherches infructueuses après discussion avec le CMS.

• Les relations avec les familles lors d'accidents graves et de pertes en vies humaines. La plupart du temps, cela

avait lieu par téléphone mais parfois les familles se présentaient au CROSS, cela arriva quelquefois lorsque les

recherches duraient...

La transmission de l’alerte

La bonne transmission de l’alerte était au cœur de la mission des CROSS.

À La Garde, le mode privilégié de réception des alertes était la VHF. Il faut dire qu’en Méditerranée les navires de

plaisance en étaient le plus souvent équipés et le réseau VHF du CROSS/Med était très performant. Il ne connaissait à

peu près pas de zones d’ombre et avait, du fait de la hauteur des sites d’implantation de ses émetteurs-récepteurs, une

zone de couverture exceptionnellement étendue, au-delà de 100 milles nautiques, soit plus de 95% de la zone fréquentée

par les plaisanciers.

Les témoignages directs étaient également très fréquents, le numéro de téléphone du CROSS étant largement diffusé

et très bien connu du public.

Le signalement par fusées rouges, comme dans la plupart des CROSS, n’était guère apprécié des chefs de quart car

toujours très imprécis quant au témoignage et très souvent conclu par une fausse alerte après une phase de vérifications

parfois laborieuses.

Mais, à cette époque, la vraie difficulté provenait du développement des balises de détresse dont la médiocre qualité

ou la méconnaissance du fonctionnement par les usagers conduisait à un taux de fausses alertes supérieur à 95%. Le

problème était d’autant plus ardu que la génération des balises utilisées ne contenait pas les informations d’identification

et de positionnement qui sont celles des balises désormais employées.

Toutes les données de l’alerte étaient scrupuleusement notées sur la main courante du CROSS par l’adjoint de quart

dont c’était la tâche principale, selon une procédure qui avait été mise au point avec minutie.

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Le métier de CMS est riche en émotions ressenties à l’occasion des opérations de sauvetage. Le nombre d’opérations

traitées au CROSS La Garde était d’environ 5000 chaque année. Ce qui fait que statistiquement, en tant que CMS, j’ai

moi-même coordonné 1000 opérations pendant mon affectation. Il faut y ajouter mon intervention lors d'opérations

importantes qui nécessitaient une implication du directeur.

Nombre de ces opérations ont laissé un souvenir durable, parfois une marque, soit par l’intensité du travail qu’elles

ont nécessité, soit par leur dénouement heureux ou dramatique.

Il est difficile d’en extraire une plus qu’une autre ou d’en garder un souvenir exact. Les archives opérationnelles du

Centre sont là pour offrir toutes les informations.

Je ne citerai donc que trois opérations qui me reviennent en mémoire alors que j'écris ces lignes et qui sont encore

très présentes à mon esprit.

L’affaire du MONTE STELLO : elle est connue dans l’histoire maritime de la Corse pour avoir été à l’origine de la

création du dispositif de séparation du trafic dans les Bouches de Bonifacio. Ce navire de la SNCM qui assurait la

liaison Marseille/Porto-Vecchio s’est “posé”, à la première heure du 1er janvier 1994, sur une roche de l’îlot de Barettini

au nord de l’archipel de la Maddalena en Sardaigne. J’en ai été informé vers 01H30 et, comme j’assurais la permanence

du 1er janvier, j’ai dirigé l’opération de secours. Le navire ne pouvait être tiré d’affaire sans une opération lourde de

déséchouement qui aura lieu bien plus tard. Il fallait évacuer l’ensemble des passagers et de l’équipage, soit environ

150 personnes. L’opération commença au moyen du seul hélicoptère disponible en Corse, le Puma de l’armée de l’air

de la base de Solenzara. De faible capacité, il dut effectuer une dizaine de rotations dès le lever du jour, avec plusieurs

ravitaillements. Il fut ensuite relayé dans l’après-midi par un super-frelon de la Marine qu’il avait fallu faire venir de la

BAN Saint-Mandrier. L’opération, délicate quant à la coordination des moyens, fut compliquée à gérer en raison de son

retentissement médiatique et de sa gestion “politique”, compte tenu de la dimension de l’évènement.

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Je pense ensuite à une opération très particulière de sauvetage de nombreux campeurs en grand danger sur une plage

de Camargue, du côté de Beauduc, à la suite d'une montée du niveau de la mer, sorte de petit raz de marée, ce qui n’était

pas inhabituel dans cette zone entre terre et mer.

Le CROSS fut appelé en pleine nuit par les pompiers du Gard qui étaient normalement intervenus mais qui ne

pouvaient plus progresser malgré leurs engins amphibies spécialisés pour ce type d’opérations.

Étant donné la situation et l’urgence absolue, le CROSS mit immédiatement en œuvre deux super-frelons de la

Marine. L’opération eut lieu par très mauvais temps et de façon périlleuse. Il faisait nuit noire et les hélicoptères furent

guidés par les phares des voitures. Les derniers campeurs furent évacués in extremis alors qu'ils étaient sur le toit de

leurs caravanes qui commençaient à dériver, emportées par le flot.

Je pense enfin au sauvetage d'une famille, un couple et deux jeunes enfants, partie pour une traversée tranquille de

la Grande Motte vers les Baléares et tout-à-fait désemparée sur le navire pris dans la tempête, la nuit, à mi-parcours.

Alerté par VHF, le CROSS mit une partie de la nuit à localiser la zone probable de l’évènement, située à une centaine

de milles au large du cap d’Agde. Pendant tout ce temps, il fallut rassurer la mère de famille qui tenait la radio afin

d'éviter la panique. Là encore, ce fut un super-frelon de Saint-Mandrier qui effectua le sauvetage. L’opération était

risquée, l’hélitreuillage des plaisanciers devant se faire dans l’eau pour éviter le mât du voilier. Un plongeur fut largué

à la mer et le CROSS dut convaincre la maman de lui jeter ses enfants. Elle ne s’y résigna, en sanglots, que lorsque le

chef de quart lui dit que l’hélicoptère, en fin de potentiel, devrait repartir dans les 10 minutes, ce qui était la vérité.

Tout s’est au final bien terminé. Le voilier fut même récupéré intact par la suite. La famille au complet vint à La

Garde, quelques jours plus tard, pour remercier l’équipe de quart. C’est l’une des trois histoires qui furent reprises pour

un tournage de l’émission « LA NUIT DES HÉROS ».

Les autres missions du CROSS

Bien que le sauvetage en mer fût la première mission du CROSS La Garde, celui-ci était en charge, comme chaque

CROSS, des autres missions dévolues à ces centres opérationnels : la police des pêches, principalement active dans le

secteur entre Marseille et le Golfe du Lion ; la surveillance de la circulation maritime dans les Bouches de Bonifacio ;

la gestion des autorisations de mouillage temporaire ; la surveillance des pollutions, en particulier dans la zone de la

convention RAMOGE*.

Ces missions étaient menées par la même équipe de quart et simultanément mais il faut reconnaître qu’elles passaient

au second plan lorsque les opérations de sauvetage mobilisaient l’ensemble du quart.

* *

CONCLUSION

Ma première expérience à Jobourg, de 1978 à 1981, à l’époque “pionnière” des CROSS sur le plan des locaux, des

moyens techniques, des effectifs et des procédures, m’avait déjà procuré une immense satisfaction en termes d’accom-

plissement de ma mission de service public. Mais, dès mon arrivée à La Garde et encore davantage à la fin de mon

affectation, j'ai vraiment pu mesurer le chemin parcouru pour construire un système opérationnel reconnu pour son

professionnalisme et la qualité de ses réalisations. Avoir dirigé le CROSS Med a été pour moi la source de mes plus

profondes satisfactions professionnelles et une grande fierté.

Je veux aussi parler, pour conclure, de cet état d’esprit très particulier qui est celui des personnels des CROSS : ils

se sentent solidairement engagés dans la plus belle mission qui soit, le sauvetage de la vie humaine en mer. Remplir la

mission dépasse la fatigue, les problèmes personnels, les états d’humeur, les conflits de personnes. L’ambiance du PC

en opérations, faite de tension et de concentration, est immédiatement perceptible. Celle du relâchement après la clôture

d’une grosse opération l'est aussi. Ceux qui y servent ou y ont servi l’aiment très profondément. C’est cet amour qui

fait la communauté des personnels des CROSS qui existe depuis la première heure, il y a 50 ans. Elle est désormais

réunie par l’insigne de poitrine créé en 2005, porté avec fierté, y compris par les “anciens” auxquels il fut remis long-

temps après qu’ils eurent quitté le service opérationnel.

* = *

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1988, article du quotidien « Var matin » à l’occasion des vingt ans du CROSS Méd : l’ACAM J-C. Leclair et l’APAM

B. Baraduc

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AGAM (2S) Jean-Marc SCHINDLER, chef du CROSS Gris-Nez DE 1986 A 1990

Jean-Marc SCHINDLER, alors administrateur principal des affaires maritimes a exercé les fonctions de chef du

CROSS Gris-Nez de 1986 à 1990.

Mon arrivée au CROSS Gris-Nez

En milieu d’année 1985 je suis allé voir mon ancien patron à Nantes, l’AGAM Jean LEPVRIER devenu IGSAM*

pour tenter d’émettre un desiderata. C’était peine perdue car je me suis fait répondre qu’on avait déjà pensé pour moi

et que ma prochaine affectation serait le CROSS Gris-Nez.

Arrivé dans ce poste à trois galons le début a été un peu délicat pour deux raisons. La première était liée à l’aspect

Marine et résultait du fait que pour être chef de corps il faut être officier supérieur. Il fallut donc attendre un peu pour

exercer pleinement toutes les prérogatives du commandement. La seconde d’ordre circonstanciel était que les relations

avec les organismes travaillant pour le CROSS étaient, dirions-nous, “grippées”. Ces deux aspects ont pu assez vite être

effacés.

Le contexte

En 1986 le CROSS était une structure encore jeune dont il a fallu affirmer à la fois l’existence propre et l’indépen-

dance dans les faits, tant dans les mentalités en interne que vis-à-vis de l’extérieur. Une nouvelle identité visuelle a alors

été créée et le processus d’évolution s’est déroulé progressivement, sans heurts et dans la durée car les directeurs suc-

cessifs se sont inscrits dans la continuité de cette action.

Les actions menées

Sur le plan de la gestion immobilière, le CROSS était neuf, mais, contrairement à ce que je pensais, il restait bien

des choses à faire. En effet, à cause de nombreuses malfaçons, il fallut dépenser beaucoup d’énergie pour redresser la

situation et obtenir l’application de la garantie décennale couvrant pour 1 million de francs de travaux d’étanchéité et

de réfection du béton extérieur. En outre il a fallu revoir les aménagements de cuisine et de restauration car une partie

des locaux vie n’avait pas été correctement dimensionnée à la taille des effectifs présents.

L’opérationnel a été l’aspect le plus prenant, situation normale dans un CROSS. L’amélioration des locaux opéra-

tionnels avec insonorisation des salles navigation et opération et la mise en place d’une carte murale sur laquelle pou-

vaient figurer tous les moyens et leur disponibilité furent les premières tâches.

Sur le plan des relations, si les échanges avec nos homologues du centre garde-côte de Douvres étaient déjà très bien

établis dans le quotidien, ils ont été poursuivis et renforcés, ce qui semble devoir tout naturellement être le cas à chaque

changement de directeur.

Par contre les relations avec nos homologues belges n’existaient pas. Elles ont donc été initiées puis consolidées ce

qui a été bien utile en particulier dans deux cas : celui d’un accident de pétrolier qui commença dans la zone belge et

finit dans la zone française toujours sous contrôle opérationnel belge qui a nécessité l’acheminement de cinquante tonnes

de produit à mousse pour l’extinction de l’incendie ; un autre plus connu fût celui du HERALD OF FREE ENTREPRISE.

La plus grande difficulté à l’époque était l’absence d’hélicoptère à proximité pour assurer un sauvetage maritime ou

des évacuations sanitaires par exemple d’un navire français dans la zone française. Deux hélicoptères étaient dispo-

nibles, celui de la gendarmerie, basé à Amiens et celui de la Sécurité civile basé à Lille, c’est-à-dire en arrière et dans

des zones de brouillard fréquent.

La solution pérenne ne pouvait qu’être à long terme mais une amélioration rapide de la situation était cependant

nécessaire.

Des contacts furent d’abord pris avec le commandant du 22 RAF Squadron de Manston, chargé du sauvetage bri-

tannique, qui permirent d’inclure ses missions un renforcement provisoire de leur capacité d’intervention dans la zone

du CROSS. C’est ainsi qu’un hélicoptère WESSEX est venu avec son équipage et son soutien logistique passer une

semaine en France pour s’entrainer à faire des hélitreuillages avec tous les moyens à la disposition du CROSS entre la

frontière belge et le Cap d’Antifer. Pour être assuré d’une coopération totale du côté français c’est le Directeur du

CROSS qui fut le premier hélitreuillé sur chacune des unités concernées.

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La solution à long terme était plus compliquée. On monta un grand exercice de sauvetage baptisé MANCHEX* 88

à cet effet. On simula une avarie majeure sur un transbordeur au milieu de la voie nord-est du dispositif de séparation

du trafic. L’exercice était franco-britannique et couvrait l’intervention en mer, l’évacuation du navire, l’accueil des

naufragés à Calais et le transport des blessés vers les lits d’hôpitaux. Trois cents jeunes recrues du service national

avaient été embarquées sur le CHAMPS ÉLYSEES appartenant à l’époque à l’Armement naval SNCF. Un incendie grave

avait fait plusieurs blessés. Des équipes médicales et de pompiers furent acheminées à bord depuis la France et le

Royaume-Uni. Les moyens de sauvetage du navire ont été utilisés pour l’évacuation et l’ensemble des participants a été

acheminé sur le port de Calais où ils étaient pris en charge par une cellule d’urgence de la préfecture du Pas-de-Calais.

Cette dernière assurait la coordination des transports et des lits d’hôpitaux ainsi que l’animation d’une cellule de réponse

aux familles et à la presse. Le Préfet maritime et le Préfet de département assistèrent aux opérations au CROSS de même

que le Ministre chargé de la Mer. Cet exercice permit la prise de décision sur l’implantation d’un hélicoptère dans la

zone. Il a fallu attendre un certain temps et un arbitrage du Premier ministre à propos de la charge financière avant de

voir arriver en 1990 au Touquet un hélicoptère Dauphin, dédié au sauvetage maritime, et armé par la Société

HELISERVICES. Cette unité est toujours présente et la Marine Nationale en a repris l’armement ce qui témoigne si

besoin en était de la pérennité du besoin.

Des accords furent ensuite passés avec les SMUR* et les pompiers locaux ce qui permit de structurer et de fluidifier

les interventions communes. De la même manière les armements de transbordeurs ont mis en place, en liaison avec le

CROSS, une procédure de croisement visant à éliminer le risque d’abordage frontal dans le dispositif de séparation du

trafic.

Par ailleurs l’activité opérationnelle qui en général était très bien menée m’a vite paru manquer d’un support écrit

pour lui donner un caractère plus professionnel et structurel, à l’instar de ce qui se faisait dans les centres étrangers.

J’entrepris alors la rédaction d’une instruction opérationnelle pour asseoir les décisions que prenaient les CMS. Un

exemplaire de ce document était envoyé à titre de compte-rendu au bureau des CROSS et au Préfet maritime Manche-

Mer du Nord. Au bureau des CROSS l’ACAM Jean-Louis GUIBERT a transformé l’essai en demandant à chacun des

CROSS de rédiger un chapitre par mission et c’est devenu l’Instruction CROSS1.

Conclusion

Sur le plan du personnel deux aspects ont été particulièrement intéressants :

• Nous avons accueilli la première femme aspirant marine marchande vite suivie par d’autres ce qui a considéra-

blement changé l’ambiance.

• Nous avons bénéficié d’un jeune second maître commis actif et très doué. Il a depuis fait beaucoup de chemin

puisqu’il est devenu directeur du même CROSS où il m’a accueilli plusieurs années après.

* = *

Ballet aérien au-dessus du CROSS/GN

1 Instruction relative aux Centre Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) du 15 octobre 1992 (Note de la rédaction)

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Le futur système mondial de détresse et de sécurité en mer (FSMDSM) (1983-1985) par Jean-François BERNICOT

À l’issue de la conférence de Hambourg, en 19791, l’Organisation maritime internationale (OMI) lança un ambitieux

programme qui avait pour objectif une modernisation des techniques de sécurité et sauvetage grâce aux nouvelles tech-

nologies de la communication dont, tout d'abord, les techniques spatiales.

Dans le système traditionnel radiotélégraphique et radiotéléphonique, depuis le naufrage du Titanic en 1912, c’est

la station de navire, la station d'aéronef ou la station terrestre recevant la détresse qui se charge soit de porter secours,

soit de relayer l’appel de détresse afin de déclencher les opérations de recherche et de sauvetage.

Le futur système mondial de détresse et de sécurité en mer fut conçu pour qu'à tout moment un navire soit capable

d'entrer très vite en contact avec les centres de sauvetage, les MRCC (Maritime search and Rescue Coordination Centre)

chargés de coordonner les opérations de recherche et de sauvetage dans leur zone de responsabilité SAR (SRR).

À la Mission Interministérielle de la mer, j’étais au point focal de ce programme pour la partie sauvetage en mer

mais je participais aussi aux négociations sur les autres segments qui intéressaient les centres de sauvetage : définition

des zones maritimes de communication, régulations des fréquences radio maritimes, diffusion des messages urgents par

le système Navtex,..

Un aspect important de ce système était l’utilisation de balises de localisation des détresses. Ces travaux étaient

conduits, pour l'essentiel, par le Centre national d’études spatiales (CNES), mais mon homologue de la SECSAR de la

Direction générale de l’Aviation civile pour les aéronefs et moi-même, responsable de l’organisme SECMAR, avions

été associés, dès le début, aux études puis aux négociations avec les partenaires étrangers et, plus encore, à la définition

et à la mise en œuvre opérationnelle du système.

Le programme SARSAT-COSPAS*

À l'origine, ce système de satellites fut développé dans le cadre d'un “Arrangement” conclu en 1979 entre des orga-

nismes officiels de l'ex-URSS, des États-Unis, du Canada et de la France.

Après la disparition, en 1970, de deux députés du Congrès américain en Alaska lors d'un accident d'avion, une loi

fut adoptée aux États-Unis qui obligeait tous les avions à être équipés d'une balise de détresse. Les balises à l'époque

opéraient sur la fréquence d'urgence aéronautique, 121,500 MHz, ou militaire, 243,000 MHz. Dans les années 1970, ce

type de balises était aussi souvent utilisé sur les navires.

En raison des nombreuses difficultés que ce mode d'exploitation connaissait (un délai infini pour la réception du

signal, une localisation trop imprécise, près de 99 % de fausses alarmes…), les États-Unis, le Canada et la France

commencèrent à développer le système SARSAT qui visait à créer une autre solution technique, plus sûre, à partir de

satellites à orbite polaire permettant, de plus, de déterminer la position des balises. En parallèle, l'URSS développa le

système COSPAS .

Entre 1979 et 1988, les deux systèmes furent combinés pour former le système COSPAS-SARSAT : le premier

satellite commun fut lancé en 1982 et le système commença à vraiment fonctionner en 1984. Il s’appuyait sur des balises

d’une fréquence de 406 MHz inspirées des balises “ARGOS” de conception française. Ces dernières, exploitées com-

mercialement par le CNES, étaient bien connues du public car elles permettaient de suivre les positions des concurrents

des grandes courses océaniques à la voile qui en étaient équipés. Elles avaient bien d’autres utilisations dans le domaine

scientifique, en particulier en océanologie et pour l’étude des migrations de certaines espèces marines.

La phase de démonstration et d'évaluation commencée en septembre 1982 ayant été menée à bien, un second «

Arrangement » fut signé le 5 octobre 1984 par le Centre National d'Études Spatiales (CNES) pour la France, le Dépar-

tement de la Défense Nationale (DND) pour le Canada, le Ministère de la Marine marchande (MORFLOT) pour l'ex

URSS et la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) qui remplaçait la NASA initiatrice du projet,

pour les États-Unis. Le système fut déclaré opérationnel en 1985.

Je quittai alors la Mission pour le cabinet du secrétaire d’État à la mer (Guy LENGAGNE) mais le programme

continua à prospérer. Je le retrouverai d’ailleurs en 1986 comme responsable de la division de la navigation maritime

et du sauvetage associée au CNES dans sa phase opérationnelle.

Dans ces diverses fonctions, j’ai été amené à participer à de nombreuses réunions organisées aux États-Unis par la

NASA, à Leningrad par MORFLOT ou à Ottawa. J’ai gardé vivace le souvenir d’une de ces réunions à Ottawa quand

1 Convention SAR 1979 : convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes faite à Hambourg le 27 avril 1979 et publiée par le décret n° 85-580 du 5 juin 1985

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nos collègues soviétiques nous informèrent, le 4 février 1984, du décès du Premier secrétaire général du PC de l’URSS,

Iouri Andropov. Visiblement, cela ne peinait pas beaucoup nos interlocuteurs.

Une autre réunion organisée à Paris m’a amené à jouer un rôle un peu particulier. En plus des quatre membres

fondateurs, deux “observateurs” avaient été invités après avoir manifesté leur intérêt pour le programme : la Grande-

Bretagne et la Finlande. C’était à un moment où nous avions plusieurs désaccords sur l’exploitation opérationnelle des

données de localisation. Pour faire bref, les Américains et les Canadiens faisaient front commun pour privilégier le rôle

des stations terrestres dépendant de la NASA contre les Russes et les Français qui avaient trouvé une solution qui leur

donnait satisfaction car plus efficace et surtout plus équilibrée avec des stations de réception en plusieurs points du

globe (Pleumeur-Bodou en Bretagne pour la France), réduisant ainsi les délais d’alerte. Le responsable du CNES

m’avait demandé de “traiter” les Britanniques avec lesquels j’avais d’excellentes relations pour les convaincre de nous

soutenir. Un autre ingénieur du CNES s’occupait des Finlandais.

C’est ainsi que fut organisé, à la maison, un dîner pour les deux représentants britanniques, l’un haut fonctionnaire

du Ministère des transports, l’autre un squadron-leader de la RAF responsable des opérations de recherche et sauvetage

au sud de l’Angleterre, un représentant du CNES et moi-même. Ma femme avait préparé un excellent diner et la con-

versation, en anglais, ne s’est pas limitée à des questions techniques. Ce n’est qu’à la fin du repas, autour d’une bouteille

de cognac, que nous sommes entrés dans le vif du sujet qui devait être traité le lendemain en réunion plénière au siège

du CNES. En partant, fort tard, le fonctionnaire britannique embrassa ma femme en la remerciant pour une « lovely

soirée ». Le squadron-leader que je devais souvent revoir par la suite, avait fait honneur aux excellents vins et alcools

que nous avions prévus et était devenu euphorique.

Je ne sais s’il y eut une relation de cause à effet mais, le lendemain, les Américains et les Canadiens furent largement

mis en minorité après une intervention fort dévastatrice des Britanniques qui soutinrent, ainsi que les Finlandais, la

solution “européenne”... Le représentant de la NASA qui croyait acquis le soutien britannique, était furieux. Placé à

côté de lui au diner final (à La Coupole !), j’eus droit à ses reproches et à ses diatribes contre ces « perfides Anglais ».

Je lui fis alors remarquer que l'un des deux Britanniques était Ecossais et l’autre Gallois ...

Le 1er janvier 1988, la fusion des deux systèmes fut conclue par la signature de l’International COSPAS-SARSAT

Programme Agreement à Paris. COSPAS-SARSAT est depuis dirigé par un conseil international, présidé alternative-

ment par l'un des quatre pays fondateurs : États-Unis, Russie, Canada et France.

Le 1er juillet 1988, les quatre États fournisseurs du segment spatial signeront l'Accord relatif au programme interna-

tional COSPAS-SARSAT qui assure la continuité du Système et sa mise à disposition de tous les États sur une base non

discriminatoire. Plusieurs États, non-parties à l'accord, se sont depuis associés au Programme. Ils peuvent ainsi apporter

une contribution active en installant des stations terriennes de réception des signaux de détresse COSPAS-SARSAT ;

ils peuvent aussi participer aux réunions internationales COSPAS-SARSAT qui permettent, à l'échelon mondial, la

coordination des opérations du Système et la gestion du Programme.

* = *

Le logo du système COSPAS-SARSAT (sources : wikipedia)

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« UNE AFFAIRE JUDICIAIRE AU CROSS JOBOURG EN 1985 » par l’AC1AM Jean- Christophe IZARD

Officier au CROSS JOBOURG de 1990 A 1993

J’ai été en fonction comme officier au CROSS de Jobourg de 1990 à 1993 et n’ai pas eu à connaître moi-même des

événements des 3 et 4 juillet 1985 relatés ci-après. Mais, affecté ultérieurement au bureau des affaires juridiques de la

mer de la direction des affaires juridiques du ministère chargé de la mer, je devais, par hasard, tomber sur un fond de

dossier, lequel, comme juriste et ancien coordinateur de mission de sauvetage (CMS) de ce même CROSS, ne pouvait

qu’attirer mon attention, celui de l’affaire « R…», connue et ayant marqué les esprits comme premier cas de mise en

cause au pénal d’un CMS pour non-assistance à personne en danger.

Les faits, tels que relatés dans le réquisitoire de renvoi du procureur de la République du tribunal correctionnel de

Caen, sont simples et tragiques.

Le 3 Juillet 1985 vers 16h00, un canot à voile de 6 mètres quittait le port du Becquet dans le Cotentin pour une petite

sortie en direction de l’anse du Brick à 2,4 milles à l’Est avec deux personnes à bord, par vent ENE de 10-14 nœuds,

mer belle, avec visibilité se réduisant par la suite.

Dans la soirée, inquiet de ne pas voir revenir le canot, le père d’un de ses occupants, Monsieur C...., officier de la

marine marchande résidant à proximité, entreprenait des recherches à terre puis alertait la vigie du Homet, le sémaphore

du cap Lévi et le CROSS à 21h36.

Le lendemain vers 8h30, le canot était découvert chaviré et vide à 10 milles marins dans le NE du cap Lévi. Ses

occupants, portant leurs brassières de sauvetage, seront retrouvés noyés plus tard dans la journée.

Le 12 mai 1986, les parents C.... déposaient plainte contre X, avec constitution de partie civile, du chef de non-

assistance à personne en danger, estimant que le décès des victimes trouvait son origine dans une mise en œuvre trop

tardive des secours. Comme le rappelle le procureur, le délit de non-assistance à personne en danger suppose un péril

actuel et réel, l’obligation de secours relevant d’une simple obligation de moyen (mais non de résultat) et l’abstention

être volontaire, avec la conscience d’imminente gravité du péril. S’agissant de « professionnels » du secours, la juris-

prudence (Cass. Crim. 13/03/61) estime en outre le délit constitué si ces derniers, après alerte, ne s’informent pas suffi-

samment pour pouvoir apprécier l’urgence d’une intervention. Point juridiquement essentiel pour la suite.

Revenons à l’opération : à 22h05, un canot démâté était signalé rentrant à l’aviron pouvant permettre de conclure à

la fin de la phase “d’incertitude”, mais ce n’est qu’à 23h40 que le CROSS sera avisé par Monsieur C... lui-même que

celui-ci n’était pas en fait le canot de son fils. Bien que la nuit fût tombée, le CROSS passant alors en phase “d’alerte ”

fit, en sus des patrouilles conduites à terre et des messages PAN, sortir la vedette régionale de surveillance des affaires

maritimes CORIANDRE et intervenir le patrouilleur GERANIUM de la gendarmerie maritime, un hélicoptère affecté au

sauvetage en mer entreprenant des recherches le lendemain au lever du jour.

Tout en reconnaissant que le CROSS avait suivi une procédure “classique” en phase d’incertitude sur la base des

éléments dont il disposait, et qui initialement pouvaient être regardés comme n’étant pas excessivement alarmants (le

canot ayant été notamment décrit au début comme une baleinière, embarcation stable et solide), le procureur fit néan-

moins grief au CMS, compte tenu de ce que la « navigation maritime est une activité intrinsèquement dangereuse »

(sic), de n’avoir pas pris immédiatement toute la mesure des risques encourus ; ceci faute notamment de plus d’investi-

gations par contacts directs entre lui et Monsieur C.... dont la qualité professionnelle garantissait la pertinence des in-

formations fournies nécessaires à l’évaluation de la situation et aux décisions à prendre. En outre, à en suivre le

procureur, il aurait incombé au CMS de faire vérifier lui-même immédiatement l’identité du canot objet de la méprise,

ce qui aurait permis de lancer la veille au soir, et donc peut-être utilement avant la tombée de la nuit, une recherche par

hélicoptère.

Le CMS sera finalement relaxé par le tribunal correctionnel de Caen, le jugement de ce dernier relevant qu’aux

termes de la jurisprudence de la cour de cassation, les dispositions du code pénal réprimant la non-assistance à personne

en danger « deviennent sans application lorsque la personne qui a été exposée à un péril a succombé à ce péril avant

qu’aucune assistance ait pu lui être prêtée ». En l’espèce, le tribunal estimera qu’il n’était pas démontré que les vic-

times, dont le décès était situé entre 18h00 et 23h00, aient été encore en vie au moment où les secours, compte tenu des

délais de mise en œuvre, pouvaient encore être utilement déclenchés.

Décision qui juridiquement s’imposait sans doute, toute disposition pénale étant d’interprétation stricte, mais qui en

concluant seulement à l’absence de faute pénale effectivement constituée ne pouvait que laisser dans leur incertitude et

leur désarroi les protagonistes de cette triste affaire.

Au civil, la juridiction administrative (le sauvetage en mer constituant une mission de service public de l’État) ira

plus loin : le Conseil d’État, par une décision rendue dix ans après les faits, confirmera l’arrêt de la cour administrative

d’appel de Nantes aux termes duquel aucune faute lourde (alors nécessaire en l’état de la jurisprudence de l’époque)

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de nature à engager la responsabilité de l’État ne pouvait être reprochée au CROSS, lequel avait rempli l’obligation de

moyens lui incombant et n’avait pas fait preuve de carence, contrairement à ce que soutenaient les requérants, les opé-

rations de sauvetage ayant été conduites « sans retard à agir, ni erreurs ni négligence ; les mesures ont été prises au

moment où elles s’avéraient nécessaires … au fur et à mesure de l’aggravation de la situation » en précisant notamment

que « le service de sauvetage n’était pas tenu de vérifier par lui-même si le bateau qui avait été décrit comme corres-

pondant au bateau recherché était effectivement celui-ci».

Le droit est dit. Mais pouvant laisser, comme souvent, chacun face à la douleur et au doute. Sans oublier non plus,

au-delà du droit, la part de la fatalité et du risque auxquels sont toujours soumis « ceux qui vont sur la mer ».

* = *

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TROISIÈME PARTIE *

Les héritiers ou la consolidation (1990-2004)

À GRIS NEZ

AGAM (2s) Pierre SINQUIN directeur du CROSS GRIS-NEZ

Administrateur en chef des affaires maritimes, Pierre SINQUIN a exercé les fonctions de directeur du CROSS Gris-

Nez, installé à Audinghen (Pas-de-Calais), de 1990 à 1995.

Mon arrivée au CROSS

Ancien officier de la Marine nationale, de spécialité chef de quart, j'eus une première affectation au CROSS/A d’Étel

dans le cadre d’une mutation normale, après cinq années passées comme chef du quartier des Affaires maritimes de

Paimpol. Je ne suivis aucune formation particulière préalable au métier de “crossman”, même si, au CROSS/A, j’eus

un mois de formation aux logiciels bureautiques, une formation informatique spécialisée (inutile) ainsi qu’une formation

complémentaire en langue anglaise. Je fus ensuite affecté en qualité de directeur du CROSS Gris-Nez et, durant cette

affectation, j’effectuai un stage de Brevet Technique au CID (Collège interarmées de Défense) à Paris ainsi qu’un stage

de “relations avec les médias” très intéressant et utile.

LE CONTEXTE

J'arrivai au CROSS Gris-Nez alors que le bâtiment du CROSS était en (re)construction : des malfaçons dans la

construction du bâtiment avaient été dénoncées par mon prédécesseur et je continuai à faire avancer le dossier en assu-

rant le suivi des travaux immobiliers. L’harmonisation du matériel bureautique et des logiciels se mit en place de façon

progressive, ce qui fut plutôt positif car, auparavant, chaque CROSS se débrouillait dans son coin avec ses propres

crédits …Pour le matériel opérationnel, la définition des priorités techniques donna souvent lieu à des discussions “vi-

riles” avec les ingénieurs du CETMEF, chacun estimant que sa propre vision était à l'évidence la meilleure … Le go-

niomètre principal du CROSS est, par exemple, resté en panne pendant quatre ans alors que sa remise en état de

fonctionnement était pour moi une priorité. Ayant connaissance de l'importance des crédits attribués par l’administration

centrale pour l’entretien des gros équipements techniques des CROSS, il m'était bien difficile d'accepter et de com-

prendre une telle situation. Les “queues de crédits” de fin d’année nous ont malgré tout permis d’acheter un tracteur

pour tondre les pelouses ! … Alors que j'étais en fin d’affectation, le CETMEF prit en compte la nécessité de réfléchir

à l’évolution du logiciel de traitement des données circulation … Pour le reste, le CROSS Gris-Nez était neuf, ce qui

était tout-à-fait satisfaisant.

Sur le plan opérationnel, une nouveauté fut la mise en place, au Touquet, de l’hélicoptère Dauphin de service public

dont la mise en œuvre était sous-traitée par la société civile Héliservices. Son emploi apporta beaucoup de souplesse et

d’innovation pour l’action de l’État en mer. Il venait compléter l’action des hélicoptères SeaKing britanniques et belges

qui, toujours disponibles pour des opérations SAR (search and rescue), ne pouvaient être engagés avec autant de facilité

pour des missions de “service public”.

Le statut “service privé” des équipages du Dauphin du Touquet et leur volontarisme (commercialement normal)

pour partir en mission ont souvent suscité des discussions avec les OSEM (officiers de suppléance de l’état-major) du

COM (centre des opérations maritimes) de Cherbourg qui, comme partout, en particulier à Étel, considéraient qu’il leur

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revenait de mettre eux-mêmes en œuvre “leurs” moyens (sollicités par le CROSS) et d’en assumer le contrôle opéra-

tionnel …

Le CROSS prit petit à petit des initiatives qui purent donner lieu à des retours d’expérience dits “retex” (on disait

encore “débriefings” à l’époque) un peu “musclés” avec le COM mais, étant donné que les initiatives étaient “appro-

priées” et tournaient à l’avantage du Préfet maritime, la division AEM (action de l’État en mer) faisait preuve de péda-

gogie vis-à-vis du COM dans ce domaine. Ce fut en particulier le cas pour la mise en œuvre d’équipes chargées de

l'évaluation des situations à bord des navires dans le DST (dispositif de séparation du trafic) que j’avais mises en place.

Ces équipes improvisées mais formées en adéquation avec les situations rencontrées étaient constituées, selon les cas

de figure : du directeur ou d’officiers du remorquage de Boulogne-sur-Mer, d’inspecteurs du CSN* (centre de sécurité

des navires), de douaniers (équipe cynophile), d’OPJ (officier de police judiciaire), de gendarmes, de sapeurs-pompiers;

le chef d’équipe était un administrateur des Affaires maritimes; il y avait enfin— c’était déjà institutionnel — une

équipe du SAMU de l’hôpital de Boulogne … Le (premier) moment de surprise passé, l’AEM décida de formaliser par

des conventions la participation des différents partenaires à ces équipes d’évaluation. Néanmoins, la participation “opé-

rationnelle à chaud” de certains partenaires avec lesquels nous entretenions des relations personnelles privilégiées fut,

dès lors qu'il fallut la formaliser, moins simple à mettre en œuvre. Nous vîmes arriver le remorqueur Service public des

Abeilles, ce qui permit de franchir un grand pas dans le sens de la sécurité du secteur. Ce moyen important a été vite et

souvent engagé.

Sur le chapitre “DRH”, mon affectation fut un peu agitée. Comme pour les autres CROSS à cette époque, l’armement

“opérationnel” était majoritairement le fait des appelés du service national. Il était de qualité avec des chefs de quart et

des opérateurs qui avaient un bon niveau d’instruction et faisaient preuve de dévouement, sinon à l'institution militaire,

du moins dans l’accomplissement de leur mission. Plusieurs parmi les chefs de quart qui nous furent attribués étaient

issus de grandes écoles. Cependant, dès le jour de mon arrivée, un aspirant chef de quart “marmar ” prit le train pour

Cherbourg, le soir même, sur décision disciplinaire. Cela m’a permis de recadrer un peu les esprits. Quelques mois plus

tard, il me fallut encore débarquer un autre chef de quart, puis ce fut le tour d’un premier maître. Il était essentiel de

maintenir la rigueur professionnelle et la cohésion.

LES ACTIONS

Lorsque je servais à Étel, la zone de responsabilité était qualifiée Atlantique ; au-delà, il y avait “le reste du monde”.

À Gris-Nez, la zone de compétence du CROSS comprenait la Manche Est et le pas de Calais. À ce titre, les relations

étaient importantes et soutenues avec Dover Coast Guards, ce qui impliquait de fréquentes visites réciproques en vue

d’une excellente collaboration.

La “montée en puissance” du CROSS dans le paysage administratif fut d'abord le fait de l’émancipation et de l’af-

firmation du CROSS et des CMS (coordinateurs de mission de sauvetage) vis-à-vis du COM mais ce n’était sans doute

qu’une illusion fugitive … La situation excentrée et lointaine du CROSS Gris-Nez par rapport à la Préfecture maritime

et le manque d’informations globales et pertinentes dont le COM pouvait disposer, encouragèrent sans doute des prises

d’initiative fréquentes. En message de bienvenue, le Préfet maritime m'avait dit d’un air compassé : « Vous êtes bien

seul là-haut » ! ; je pris ce constat pour consigne permanente…

D’une manière générale, on peut dire que les administrations disposant de moyens d’intervention et d’un centre

opérationnel de gestion de ces moyens ont toujours éprouvé une certaine réticence à admettre qu'il faille les mettre à

disposition d’un service “étranger”, par définition moins légitime.

Cela étant, les relations avec la Marine étaient paisibles, hormis avec le COM, mais les deux centres opérationnels

que sont le COM et le CROSS sont les deux ‘’bras armés’’ du Préfet maritime et, à ce titre, le dialogue et la pédagogie

sont nécessaires avec, en toile de fond, la question du contrôle “tactique” des moyens Marine pour le SAR ou la sur-

veillance des pêches et la légitimité des officiers du CROSS à assurer cette mission…

Nous entretenions de très bonnes relations avec la vedette départementale de Calais de la Gendarmerie maritime.

Nous avions également des relations très amicales avec le bureau aéronaval des Douanes de Rouen. Pour les douaniers,

le système d’enregistrement de la navigation dans le pas de Calais était précieux ainsi que la détection, par les veilleurs

et le CMS, de situations douteuses. Le CROSS fut plusieurs fois sollicité par le Tribunal correctionnel de Boulogne-

sur-Mer pour des expertises a posteriori afin de valider des actions douanières. Sur le plan SAR, il y avait souvent des

aéronefs des Douanes en mission qui se déroutaient volontiers (mais discrètement) pour lever des doutes sur des situa-

tions ou pour guider des moyens nautiques sur zone.

Les relations avec un CSP (centre de secours principal) pompier disposant d’hélicoptères furent source d'incompré-

hensions nécessitant une clarification. Par exemple, à la suite du décès par noyade de deux enfants, une réunion entre

la Préfecture maritime et la Préfecture du département se révéla nécessaire et utile.

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A son arrivée, le COMAR de Dunkerque me fit part de son émotion de ne pas recevoir les messages SITREP (si-

tuation report). Il fallut, à son égard, faire preuve de pédagogie et par ailleurs expliquer que notre système de transmis-

sion basé sur le télex à bandes perforées ne facilitait pas la diffusion des SITREP “à la terre entière”. Tout rentra dans

l’ordre. Par la suite, le système de transmission numérique rapide facilita la tâche de mes successeurs…

Les relations avec la SNSM étaient cordiales et de confiance. Il fallait néanmoins veiller aux "territoires” des uns et

des autres et à leur tentation de prendre des initiatives alors même que des conditions extrêmes imposaient de ne pas

mettre en danger certains canots. Le plus difficile était de les retenir !

Dans le secteur de Gris-Nez, les hélicoptères engagés en cas de gros temps ou « au large » (même si la notion de

“large” est toute relative dans le secteur Gris-Nez) étaient les SeaKings britanniques et belges, le Dauphin de Service

public du Touquet n’étant pas toujours adapté à ce genre de situation. Sans doute y avait-il plus de facilité à mettre en

œuvre ces hélicoptères étrangers que certains moyens aéronavals français…

Au printemps, un “cross des partenaires”, course à pied dans et aux alentours du CROSS, était organisé suivi d’un

grand méchoui afin de permettre aux différents acteurs du SAR de se rencontrer.

Pour les problèmes d’ordre public en police des pêches, il fut parfois nécessaire d’aider le Préfet maritime en gérant

directement avec le cabinet.

Les relations avec la presse et les media régionaux, FR3 et La Voix du Nord notamment, furent toujours faciles et

loyales. Des visites et reportages permirent de tisser des liens de confiance et de mettre en boîte des images d’archives

qui illustreraient de futurs reportages. Mais le stage “relations avec les média” effectué quelques années plus tôt, s’avéra

bien utile pour faire face aux journalistes parisiens (formatés pour le scoop, le sensationnel ou la polémique) qui restè-

rent au portail ou furent renvoyés vers Cherbourg … Pour certaines affaires, je demandai à la Préfecture maritime de

gérer les appels des journalistes mais il fallait, de toute façon, passer du temps avec l’ORP (officier des relations pu-

bliques).

À Gris-Nez, les relations avec les plaisanciers et les pêcheurs étaient limitées. Les opérations de sauvetage impli-

quant des navires boulonnais nécessitaient souvent la présence d’“interprètes”. Le service national nous permit de dis-

poser de précieux truchements locaux, pour des traductions anglais- français-ch’timi et vice versa !

À Gris-Nez comme à Étel, je ne me rappelle pas avoir été impliqué dans les relations avec les familles. C’était soit

les services de la Préfecture maritime, soit le chef du quartier des affaires maritimes concerné qui géraient ce délicat

problème que j’ai souvent connu lorsque j’exerçais ces fonctions. J’ai toujours eu des préfets maritimes qui ont assumé

les décisions de suspension ou de fin des recherches dirigées.

Pour la gestion des zones de baignade, nous faisions la tournée “pré-saison estivale” comme les autres CROSS. Le

danger majeur étant celui de la marée, les municipalités et les pompiers en étaient conscients et y affectaient les moyens

humains nécessaires. Si le CROSS était appelé, c’était souvent trop tard …

L’effectif du CROSS Gris-Nez était correct, nous voyions souvent arriver, en première affectation, des officiers

débutants et cela n’a sans doute pas changé…En revanche, la rotation rapide des équipes — aspirants et équipage —

était pénible car elle induisait une charge de travail supplémentaire pour l’état-major du CROSS, la formation des per-

sonnels s'effectuant sur place et “en double”.

L’effectif CMS a varié de 4 à 6 officiers. L’intérim a toujours pu être assuré par un adjoint ancien. Les jeunes CMS

restaient en double le temps qu’il fallait, avec visites des équipages, des moyens et des embarquements. J’ai toujours

privilégié la connaissance des équipages et du “terrain” : falaises, baies de Somme et d’Authie, plages du Nord…

En l’absence de formation spécifique, les planifications complexes se faisaient en équipe et c’était bien ainsi, l’ex-

périence locale étant plus utile que la mise en œuvre de logiciels pointus élaborés pour des zones immenses telles que

le Pacifique, de “fiches réflexe” et d’“instructions” généralistes.

CONCLUSION

Disponibilité, rigueur, discipline interne, “cuistot” et commis de qualité, esprit d’équipe, pragmatisme, relations

amicales avec les partenaires, “relativisation des relations avec les COM*”, loyauté envers le PRÉMAR et le

DRAM…UN GRAND BONHEUR !

* = *

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Vue aérienne du CROSS Gris-Nez

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AGAM (2s) Philippe du COUËDIC de KERGOALER, directeur du CROSS de CORSEN 1991 à 1995

Alors administrateur en chef des affaires maritimes, Philippe du COUËDIC de KERGOALER a exercé les fonctions

de directeur du CROSS de CORSEN de septembre 1991 à juillet 1995.

Mon arrivée au CROSS

Je sortais d’une affectation de cinq ans en Nouvelle-Calédonie où le sauvetage en mer était entièrement délégué à

la Marine nationale. J'y avais donc très peu suivi les questions de sécurité et de sauvetage en mer, même si j’y avais

entretenu avec les structures locales des relations cordiales. J’avais toutefois participé à la conférence de Tokyo durant

laquelle furent définies certaines zones SAR dans le Pacifique Sud, en particulier pour les Fidji où la France avait étendu

sa zone de responsabilité. Je prenais la suite de l’ACAM Roger BOSC, capitaine au long cours, qui avait été, sur tous

les sujets techniques, mon professeur formateur à l’EAAM*. Très vite après ma prise de fonction, je suivis une forma-

tion aux fonctions de CMS (coordinateur de mission de sauvetage).

Étais-je préparé à une affectation “opérationnelle” ? Tout au long de ma carrière aux Affaires maritimes, je ressentis

que oui, je l'étais. Notre formation initiale, embarquée notamment, le périmètre de nos attributions ; notre confrontation

permanente au monde de la mer et au milieu maritime nous préparaient à ce type d’affectation. Mon passé professionnel

m’avait confronté à l’organisation du départ de la première “Route du rhum” à Saint-Malo et à l’organisation de la

surveillance des pêches à la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc. Durant mes deux premières affectations, à

Saint-Malo, puis à Paimpol, j'avais participé de manière effective aux opérations de sauvetage… À Saint-Malo, cer-

taines alertes arrivaient encore au “quartier” et/ou au domicile du chef de quartier ou de l’adjoint… Mon épouse con-

serve le souvenir de réveils nocturnes angoissants…Dois-je mentionner que j’avais un poste HF dans mon bureau ? J’ai

dû m’en servir une seule fois...

** LE CONTEXTE

Les CROSS, institutions bien assises sur le plan réglementaire, bénéficiaient d'une excellente visibilité nationale et

internationale et de moyens humains qui, sans être pléthoriques, permettaient d’assurer les missions dans de bonnes

conditions, même si le rythme des permanences et astreintes était parfois pesant (le directeur du CROSS participait au

tour de service). Le budget n’était pas négligeable et offrait quelque latitude pour effectuer les améliorations nécessaires.

Les CROSS étaient solides et reconnus. La seule question était celle de leur évolution en correspondance avec les

évolutions technologiques qui se dessinaient, en particulier le développement de l’informatique et celui des systèmes

experts permettant de seconder les opérateurs.

Le directeur, responsable du centre et comptable du bon déroulement des opérations, pouvait à l’occasion avoir une

fonction de « lanceur d’alerte » sur les insuffisances ou les faiblesses du matériel ou sur les besoins ressentis. Mais la

faiblesse des moyens budgétaires ne permettait pas d'envisager des opérations lourdes. Dans les faits, les grandes orien-

tations étaient décidées par la centrale (le bureau NM2 à l’époque) et mises en œuvre par le STNMTE* (Service tech-

nique de la navigation, maritime et des transmissions de l’équipement qui sera remplacé par le CETMEF…). Nous

étions à une époque de renouvellement des installations des CROSS, il fallait donc attendre son tour… De mémoire,

CORSEN était le centre de plein exercice le plus récent. Les questions de rénovation immobilière ne se posaient donc

pas. Nous n’avions pas d’investissements lourds en perspective. Néanmoins plusieurs questions importantes étaient

devant nous :

• Le remplacement des antennes radar du Stiff à Ouessant, très exposées.

• La mise en place d’une gonio VHF sur les Roches Douvres, en complément des deux existantes sur le continent,

pour parfaire la couverture de la zone de responsabilité de CORSEN, avec des possibilités de triangulation d’une

très grande précision sur la Bretagne nord.

• La modernisation de la gestion des voies radio.

• L’arrivée du NAVTEX ;

• Le rafraichissement d’un certain nombre de locaux (les carrés en particulier).

À mon arrivée, j'avais été frappé par la disparité d’ergonomie entre la partie surveillance de la circulation maritime

et la partie sauvetage. Autant les postes dédiés à la surveillance du trafic maritime dans le DST d’Ouessant me

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paraissaient répondre parfaitement bien aux besoins de l’opérateur et de la mission ; autant, dans le domaine du sauve-

tage, les choses étaient moins évidentes. La gestion des voies radio et des VHF déportées, la manipulation de la docu-

mentation, la tenue de la main courante (cahier de quart) ou la faculté de visionner des situations multiples et complexes

étaient autant de difficultés qui s’intensifiaient et se cumulaient en fonction de la multiplication et de la gravité des

opérations… L’amélioration de la fonction SAR fut donc l'une de mes préoccupations permanentes. Une anecdote il-

lustre ces questions d’ergonomie : nous sommes dans un exercice majeur de secours à des naufragés avec un navire de

la BAI…Le téléphone sonne en salle opérations : une habitante, voisine de CORSEN, nous demande si nous n'aurions

pas retrouvé son chat ! Nous n’avions pas — et, je l’ai encore vérifié récemment avec le CROSS Gris Nez, nous n’avons

toujours pas — les moyens de filtrer ce genre d’appel qui perturbe les fonctions opérationnelles ! Dans la même matinée,

au cours du même exercice, notre télex fut bloqué pendant une vingtaine de minutes par un bureau de la PRÉMAR nous

communiquant, pour avis, le contrat d’affrètement de l’ABEILLE FLANDRE. Questions d’ergonomie, d’organisation,

doublage et redondance des moyens... De fait les CROSS n’avaient pas, et n’ont toujours pas, de standard administratif

H24...Avec un souci d'efficacité, commande fut faite au SHOM d’une carte murale correspondant à notre zone de com-

pétence. Réalisée par agrandissement des cartes du SHOM et collée sur support métallique, elle nous permit d’afficher

les différents moyens de sauvetage en utilisant des plots aimantés. La carte, plastifiée, pouvait recevoir des inscriptions

au feutre lavable. Elle fut une innovation d’une très grande utilité car elle offrait une vision synthétique des opérations

et fut étendue aux autres CROSS.

Au plan humain, ma période coïncida avec la fin de la présence des aspirants Marine marchande automatiquement

affectés en CROSS. Ils furent remplacés par des guetteurs sémaphoriques, évolution très positive : la corporation des

guetteurs s’est dès lors formée et professionnalisée à la spécificité des CROSS. Certains guetteurs ont mené une carrière

au sein de l’institution.

Au plan de l’organisation administrative, notre autorité opérationnelle était la PRÉMAR ; au plan organique, la

Direction régionale des affaires maritimes et l’administration centrale l’acteur essentiel dans le domaine de l’équipe-

ment et du budget. Le STNMTE*, incontournable, faisait, avec des délais souvent désespérants (sans doute justifiés

… ?), un remarquable travail de fond.

La zone de responsabilité du CROSS

À mon arrivée, la zone de responsabilité de CORSEN s’étendait de la baie du Mont Saint Michel à la pointe du Raz.

Il m'apparut très vite que cette limite qui pouvait sembler simple et pertinente, était en fait un choix contestable, pour

deux raisons :

1 – La limite de responsabilité entre les deux CROSS se situait au milieu d’une zone de dangers et de navigation

difficile reconnue, le raz de Sein. « Qui voit Sein voit sa fin » ; ce vieil adage justifiait que l'on ne fît pas de ce secteur

une zone charnière, source de difficultés fréquentes.

2 – CORSEN disposait, sur le sémaphore de la pointe du Raz, d’une gonio VHF performante qui permettait de

couvrir avec une grande précision les atterrages de Sein. En clair, lorsqu’il y avait une opération dans les environs sud

du raz de Sein, le CROSS Étel devait demander le concours de CORSEN pour relever le navire en difficulté…

Il apparaissait qu'une modification de la limite sud de Corsen n’aurait aucun impact sur l’organisation de l’État en

mer et sur la responsabilité du préfet maritime de l’Atlantique. C'est pourquoi, après une instruction poussée et un

plaidoyer argumenté, la décision fut prise par l’administration centrale de modifier la limite sud de CORSEN et de la

déplacer sur le parallèle de Penmarch, modification qui, afin de ne pas froisser les susceptibilités, devint effective après

le changement d’affectation des deux directeurs de CROSS concernés à l’été 1995.

* *

LES ACTIONS

Au-delà des missions, il était important de mettre en lumière le CROSS et ses activités pour renforcer son image. Il

ne fallait donc perdre aucune occasion de montrer ce que faisait le centre. Pour marquer d’une pierre blanche les 20 ans

du centre, j'organisai une journée anniversaire, le 4 novembre 1992, en présence du ministre de la mer, Charles Josselin.

Le CROSS recevait souvent des autorités de haut niveau, civiles ou militaires, françaises ou étrangères (ministres de la

défense du Canada, ministre des transports du Viet Nam, chef d’état-major de la Marine…), le “livre d’or” du centre en

garde le souvenir. Il y accueillait aussi les invités du préfet maritime et les représentants d’associations diverses. Chaque

visiteur recevait une plaquette expliquant les principales caractéristiques du centre, ses missions et ses activités. Les

relations avec les journalistes étaient importantes. J'eus le grand honneur d’aller présenter CORSEN à une commission

du Sénat à Paris. Dans le même esprit, j’obtins que le vieux canot de sauvetage de Portsall fût installé à la porte d’entrée

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de CORSEN afin de bien marquer la fonction de ce bâtiment, à l’architecture parfaitement intégrée, à la pointe la plus

ouest de France. En définitive, le sujet n’était pas d’asseoir la légitimité opérationnelle du CROSS mais d'assurer sa

notoriété.

Nos missions s’exerçaient sous l’autorité du préfet maritime, entouré d’officiers de Marine devant lesquels il con-

venait de faire preuve de compétence et détermination. Des liens de confiance se nouaient alors. Dans les relations avec

les autres administrations concourant à l’action de l’État en mer, chacun jouait sa partition. Il fallait être très attentif aux

périmètres de responsabilité. Pour la surveillance du trafic maritime, l’ABEILLE FLANDRE, par exemple, était sous la

responsabilité exclusive du COM (son affrètement relevait du budget de la Marine). Les questions de charnière devaient

être traitées en commun, sans a priori, avec le souci de la plus grande efficacité. La qualité des relations passait évi-

demment par les centres opérationnels de ces différentes administrations (COM, CODIS, COD) avec lesquelles il fallait

nouer des contacts solides et de confiance. Les relations avec les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel

à la mer étaient, le plus souvent, bonnes. Mais, parfois, les interventions des pompiers sur la bande des 300 mètres

n’étaient pas signalées ... Je conserve un excellent souvenir des relations établies avec les personnels des stations SNSM,

magnifiques de compétence et de dévouement ; nous les connaissions toutes très bien, nous nous y rendions souvent en

visite et pouvions, de temps à autre, les accueillir au CROSS. Je ne garde pas le souvenir de difficultés particulières

avec les hélicoptères de la Marine et de la Gendarmerie nationales dès lors que les consignes d’emploi et de mise en

œuvre étaient respectées. Mais, très souvent, en raison des délais de mise en œuvre et faute de disponibilité des moyens,

il nous fallait recourir aux hélicoptères de la Sécurité civile, plus proche sur la pointe de Bretagne, ainsi le DRAGON

29 à Quimper.

Les gros hélicoptères de la Marine, les seuls adaptés à la zone du large, furent souvent engagés à la demande du

CROSS. Mais, très au large, il nous arrivait de faire appel aux Seaking britanniques. Il en était de même pour les avions

de patrouille maritime de la Marine nationale pour les longues recherches sur un grand espace maritime. Pour les opé-

rations au milieu de la Manche, le recours aux moyens britanniques étaient privilégiés en raison d’une capacité de

réponse plus rapide et de disponibilités plus grandes (Voir infra l’affaire du Quiberon).

Nous avions des contacts réguliers avec la presse : Le Télégramme, Ouest-France, éventuellement Le Marin dont je

connaissais les correspondants en charge des questions maritimes. En revanche, pour les affaires importantes, nous nous

concertions avec l’officier des relations publiques de la PRÉMAR. Le CROSS était bien connu des professionnels de

la mer et des usagers habituels. Par ailleurs, à l’occasion de manifestations nautiques importantes, nous participions à

des réunions sur le littoral. Avant chaque saison estivale, nous visitions toutes les stations SNSM et nous avions un

contact avec les mairies afin de faire le point sur les postes de secours mis en place pour la saison, les dispositifs de

balisage des zones de baignade et les chenaux d’accès aux plages.

Le rôle du directeur du CROSS

L’originalité de la fonction résidait avant tout dans la dimension opérationnelle et la manière dont elle était exercée.

Le directeur se devait de suivre la totalité du flux opérationnel, il lui fallait donc être tenu informé de toutes les affaires

importantes. Le CMS pouvait me consulter dès qu’il en ressentait le besoin. La consigne étant : « Si je me pose la

question d’appeler ou non le directeur, c’est que je dois l’appeler ». La connaissance du flux de l’activité opérationnelle

passait par la lecture de tous les SITREP, lus également par tous les officiers, ce qui permettait, le cas échéant, au cours

de la classique réunion d’état-major du lundi matin, des retours d’expériences (RETEX) et leur validation.

Le directeur avait la main sur la communication interne avec les différentes autorités (NM2, SGMER*, DRAM*,

préfectures). Pour la presse, nous procédions par communiqués, souvent en relation étroite avec l’officier des relations

publiques de la préfecture maritime. Nous avions en général un contact le soir avec les médias locaux ou régionaux.

En opérations, dans la mesure où nous n’avions pas eu de contact avec les familles, nous passions l’information par

le biais de la personne qui avait donné l’alerte ou par les affaires maritimes. La mission de porteur de mauvaises nou-

velles est une mission que j’ai plus souvent exercée dans les quartiers qu’au CROSS. Là encore tout était fonction des

circonstances. Si nous avions eu un contact avec un membre de la famille, cette personne était tenue au courant.

La responsabilité de prendre la décision d’arrêter les recherches lors d’une opération et d’en informer les familles

en cause était prise par le directeur avec, au préalable, pour les opérations importantes, un contact personnel avec le

préfet maritime responsable du sauvetage en mer ou, à défaut, avec l’adjoint AEM. C’est une pratique que j’ai moi-

même encouragée, plus tard, lorsque j'étais adjoint Action de l’État en mer (AEM) du PRÉMAR Atlantique, en incitant

les directeurs de CROSS à avoir un lien direct avec le PRÉMAR pour les opérations importantes.

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Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

Les tirs de fusées rouges constituent un moyen commode de signaler une alerte mais son usage était quelquefois

abusif. Il arriva que, grâce à la gendarmerie, nous puissions « coincer » le responsable de tirs abusifs de fusées de

détresse.

La couverture radio était très satisfaisante mais, à l’époque, la grande question était la modernisation de la gestion

des voies radio, ce qui prit un certain temps avant d’être mis en œuvre.

La surveillance des plages

Nous faisions systématiquement la tournée des plages avant la saison estivale. Mais très souvent nous n’étions pas

informés en temps réel de la mise en œuvre des moyens, principalement quand il s’agissait de surveillances de plages

opérées par les CRS. Il s’agissait moins de mauvaise volonté que de méconnaissance du dispositif de sauvetage en mer

et du fait que, dès qu’une opération impliquait une recherche en mer, l’opération devait être conduite par le CROSS.

Les sapeurs-pompiers jouaient un rôle très important, avec un management efficace par les CODIS ainsi que des

moyens opérationnels et un personnel rôdés. Service très proactif avec lequel nous avions souvent des difficultés pour

être tenus informés de l’engagement des moyens (cela visait surtout un département).

Pour la SNSM, je dirai simplement le dévouement et la compétence des équipages et de toute la structure.

* *

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Nombre d'opérations furent mémorables. En voici quelques-unes.

Le QUIBERON en feu au milieu de la Manche... C’est un mois d’été, le temps est magnifique, les conditions météo

idéales. Je viens de me mettre à table au carré des officiers, il est environ 13h00. Le chef de quart m’appelle : « M. le

directeur, nous venons de recevoir un MAYDAY du Quiberon de la BAI, avec plus de 1300 personnes à bord, il signale

un feu dans la salle des machines » … En un éclair, vous vous dites : voici l’instant de vérité. Vous allez vérifier en vrai

si vous-même et vos équipes, vous êtes opérationnels et prêts à affronter une situation très grave.

Le navire est au milieu de la Manche. Mon premier réflexe est d’appeler mon homologue britannique à Falmouth,

pour lui demander ce qu’il peut rassembler comme hélicoptères lourds. Ce sont des SEAKING, en plus grand nombre

et plus rapidement mobilisables que nos Super-Frelon. J’apprendrai au cours de l’opération que plus d’une vingtaine de

machines sont prêtes à intervenir. Par ailleurs, grâce aux moyens dont nous disposons avec Ouessant trafic, nous de-

mandons à plusieurs navires de se dérouter vers la position du Quiberon. Je passe les détails, l’incendie est maitrisé ;

une seule victime, le chef mécanicien qui décédera à bord. Au plan du déroulement opérationnel, le bilan de ce drame

correspond à tout ce que nous savions en matière de sauvetage au large. Le premier moyen de sauvetage, c’est le navire

lui-même, notamment pour les navires à passagers ; ensuite, quand ils sont dans leur rayon opérationnel, les hélicoptères

; puis les navires sur zone et enfin les moyens nautiques déployés à partir de la côte. L’opération a été conforme à ce

que nous pouvions attendre, à une exception, la presse. Les premiers hélicos sur zone ont été ceux affrétés par les

journalistes informés par les passagers qui ont filmé le navire. Nous avons dû rapidement mettre en place une zone

d’exclusion aérienne.

Une deuxième affaire me revient, celle d’un marin tombé d’un navire russe dans le dispositif de séparation du trafic

(DST) d’Ouessant. Juste après la diffusion du message PAN, un avion de patrouille maritime britannique qui avait reçu

le message et était en cours de transit entre Londres et Lisbonne, s’est mis à notre disposition. Nous l’avons utilisé avec

d’autres moyens d’ailleurs, jusqu’à la fin de son potentiel, au terme duquel il est retourné à Londres. Nous avons appris

après coup qu’il transportait des autorités ... Illustration parfaite de l’obligation d’assistance.

La plaisance était très souvent au cœur de nos opérations. Je me rappelle d’un multicoque qui chavira dans les

parages des îles anglo-normandes. Nous le recherchâmes durant plus de 24 heures. L'alerte avait été donnée en début

d’après-midi ; le bateau, retourné, fut retrouvé, le lendemain, en fin de matinée. L'équipage s'était réfugié sur les flot-

teurs. Nous disposâmes de moyens importants pour cette opération, en particulier du canot tous temps de Saint-Malo.

Celui-ci se trouvait à une demi-heure de route des naufragés. Las ! Un funeste concours de circonstances fit que l’avion

de patrouille maritime, ayant repéré les naufragés, largua un radeau de survie. L'un des naufragés, sans doute très affaibli

par les heures passées sur la coque retournée, se noya alors qu'il tentait de rejoindre le radeau. Je me trouvais, à ce

moment-là, en salle opération. Lorsque l’avion avec lequel nous étions en liaison radio, annonça qu’il larguait le radeau

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de survie, ma réaction immédiate fut de hurler « non !» car je savais proche le canot SNSM et imaginais le probable

épuisement des naufragés sur leur coque. Heureusement le reste de l’équipage ne quitta pas l’épave et put être sauvé.

Une autre opération fut plutôt amusante. Il s’agit d’un aérostier qui semblait avoir des problèmes pour rester dans

les airs avec son ballon. Il nous fit une première frayeur en lançant un MAYDAY nous faisant croire à un amerrissage

imminent, signal annulé avec une reprise d’altitude ; puis un nouvel MAYDAY suivi d'une reprise d'altitude. Le bon-

homme poursuivit son périple et atterrit sans encombre en Angleterre...

Les autres missions du CROSS

Le CROSS disposait d’une salle de quart, dédiée à la surveillance de la circulation maritime mais qui était souvent

d’un grand secours pour les opérations de sauvetage (accès aux relèvements gonio entre autres).

Dans le domaine de la surveillance de la circulation maritime, deux évolutions importantes sont à signaler durant

mon séjour à CORSEN.

La première concerne l’interdiction de transit des navires à passagers dans le chenal du Four. Les navires de la BAI

disposaient depuis toujours d’une dérogation pour emprunter ce chenal. Ma conviction que cette situation était dange-

reuse et ne pouvait durer, m’est "tombée dessus” lors d’une pause-café où, confortablement installé en salle opérations

devant la baie vitrée donnant sur le magnifique panorama du chenal du Four, de Molène au loin et de Ouessant, je vis

foncer droit sur moi, certes bien sûr assez loin, l’étrave d’un navire à passagers (le BRETAGNE ???). Je crois me rappeler

que le navire transitait habituellement à plus de 20 nœuds. Je me suis demandé ce que pouvait être le temps de réaction

de l’équipage à une avarie de barre par exemple…et l’eau à courir dont il disposerait alors. La réponse allait de soi

d’autant que toute la philosophie de gestion de la circulation maritime à la pointe de Bretagne consistait à éviter au

maximum ce qui se déroulait sous mes yeux …

J’ai donc assez facilement convaincu le préfet maritime. L’arrêté relatif à la circulation des navires dans les chenaux

de la pointe de Bretagne fut modifié : les conditions de passage par le Four devinrent plus restrictives et surtout fut

interdit le passage des navires à passagers.

Cette décision eut pour conséquence des moments difficiles avec la BAI. La compagnie mettait en avant un aspect

financier : le trajet était plus court, ce qui avait une incidence sur les coûts ; et surtout un aspect commercial : les

passagers pouvaient admirer un passage mythique que les compagnies étrangères n’utilisaient pas, sans doute par mé-

connaissance de la possible dérogation. À la fin de la semaine qui suivit l’entrée en vigueur de l’arrêté préfectoral, un

navire de la BAI tenta d'emprunter le chenal : le BRETAGNE transportait ce jour-là un congrès d’élus d’une grande ville

bretonne parmi lesquels un adjoint au maire, bien connu dans notre maison AffMar puisqu’il s’agissait d’un ancien

AAM, étoilé au surplus, qui tenta, en direct à la VHF, d’obtenir un laissez-passer. Ce qui lui fut refusé. Le sillage du

BRETAGNE , contournant Ouessant par le nord, a laissé quelques vagues, amères…

La seconde évolution concerne la décision de repousser la “voie montante” du DST d’Ouessant plus au large. Là

encore, le constat était le même que pour le Four. Il fallait, en cas d’avarie d’un navire montant dans le DST, laisser le

maximum d’eau à courir et de temps pour permettre aux moyens d’intervenir avec efficacité. Nous demandâmes au

secrétaire général de l’OMI, le Canadien O’NEI, de venir à CORSEN pour juger de la question. La modification fut

faite quelque temps après, à l’issue des procédures propres à l’OMI.

Lors de mon séjour, nous engageâmes une coopération poussée avec la Douane. Il s’agissait d'abord de valoriser les

informations que nous récoltions lors des contacts avec les navires. Ces informations, portées sur un registre, se per-

daient quasi immédiatement sauf à feuilleter les registres pour retrouver un navire ou une situation. Nous avons donc

élaboré une base de données que nous avons partagée : ce fut, peu ou prou, l’embryon de « trafic 2000 » …

Le contrôle des pêches maritimes était assuré par le CROSS Étel. Nous avions toutefois la main sur la surveillance

de la pêche à la coquille Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, sujet que je connaissais à fond, après avoir été succes-

sivement adjoint à Saint-Malo et chef du quartier de Paimpol…

La surveillance des pollutions maritimes était une mission assurée par chaque CROSS, avec le concours incontour-

nable des avions POLMAR de la Douane. Mais la gestion du trafic maritime avec le DST d’Ouessant et les contacts

avec tous les navires qui y transitaient nous amenaient souvent des informations sur les pollutions que traversaient les

navires.

Concernant la diffusion de l’information nautique, le CROSS de Corsen fut choisi comme centre NAVTEX. Ce qui

nous obligea à créer une salle dédiée à NAVTEX.

Nous suivions par ailleurs les alertes SARSAT COSPAS à partir d’un récepteur situé en salle opérations.

Je ne peux terminer sans évoquer le premier grand rassemblement de voiliers à la pointe de Bretagne « BREST 92 »,

gigantesque manifestation dont il nous fallut organiser la sécurité : ce fut l’arrivée de plus d’un millier de navires, leur

circulation en rade de Brest, l’encadrement des régates, en particulier la fameuse régate vers Douarnenez. Des officiers

de la Marine marchande réservistes de la Marine nationale participèrent à cette opération.

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LA STRUCTURE DU CROSS : MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS

Au plan humain

L’état-major du CROSS pendant mon affectation était de six officiers.

Le plan d’armement m’apparaissait suffisant. Mais la période estivale était toujours un peu tendue du fait de l’aug-

mentation de l’activité liée à la plaisance tandis que le personnel bénéficiait de périodes de permissions.

La formation du personnel aux missions exercées par le CROSS s'effectuait sur place.

Les aspirants Marine marchande furent remplacés par du personnel Marine nationale. J’ai par ailleurs tenu, en fin

d’affectation, à refondre et mettre à jour les différents ordres de service pour enregistrer les évolutions et améliorations

que l’ensemble de l’équipe de CORSEN avait mises en œuvre et testées.

La situation matérielle du CROSS

Dans l’ensemble les moyens immobiliers et matériels correspondaient bien aux missions confiées au CROSS ; mon

vœu, sans doute partagé par tous mes collègues directeurs, étant de faire bénéficier « mon CROSS », le plus rapidement

possible, des dernières innovations ou d’être le premier sur la liste des centres à moderniser.

Petit élément original, la cour de CORSEN devait être repeinte : la première impression des visiteurs découvrant le

centre n'était pas très reluisante... À l’époque, certains bâtiments publics que l'on voulait plus attrayants, se couvraient

de fresques. Je décidai donc de confier les travaux de peinture de l'un des murs de la cour à un agent des Phares et

Balises, Anne CADIOU qui avait déjà joliment travaillé sur un certain nombre de sites. Le résultat fut tout à fait satis-

faisant. Néanmoins, une dizaine d’années après, la fresque avait disparu. Jugement de la postérité sans doute...

La couverture radio

Elle était déjà organisée avant mon arrivée et il n'y eut pas de modifications durant mon séjour. La seule question

en suspens était la mise en place d’une gonio sur les Roches Douvres.

CONCLUSION

Mon témoignage me fait remonter à 22, 26 années en arrière…

Les souvenirs commencent à s’estomper. Il peut donc y avoir des erreurs et des imprécisions que les exégètes,

docteurs en science des CROSS, ne manqueront pas de relever. Je conserve néanmoins de cette affectation le sentiment

d’avoir servi, avec l’équipe de CORSEN, une administration et un service performants.

Le caractère opérationnel et la dimension technique du centre lui donnaient une image d’efficacité qui rejaillissait

sur le personnel qui y servait. La formation initiale, technique et administrative, reçue à Bordeaux ainsi que les embar-

quements et les différentes affectations durant lesquelles je fus confronté à de nombreuses questions opérationnelles,

m’avaient bien préparé à mon séjour à CORSEN.

J’ai par ailleurs, plus que dans tout autre poste, mesuré ce que signifiait le travail d’équipe. La notion d’équipage

pour les CROSS me semble, de ce point de vue, appropriée. La très forte emprise de la mission s’imprimait dans notre

quotidien et nos familles durent supporter les tours de service … Je n’ai pas oublié ce nuage diffus, cette veille de

l’esprit, cette vigilance de tous les instants qui, de façon permanente, nous rattachaient au centre par le biais d’un « BIP »

...

Au final ne subsiste que le caractère positif et gratifiant de ces quatre années passées sur le site le plus occidental de

notre pays. Je garde le sentiment d’avoir été à la pointe du service public, autrement dit, d'avoir rendu service au public,

au sens premier du terme. Ce fut une belle et passionnante affectation.

* = *

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Vue aérienne du CROSS CORSEN

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À LA GARDE

AC1AM (er) Bruno VACCA, directeur du CROSS MÉDITERRANÉE de 1994 à 2000

L’administrateur en chef de 1ère classe des Affaires maritimes (er) Bruno VACCA a exercé les fonctions de directeur

du CROSS (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) Méditerranée installé à La Garde de 1994 à

2000.

Mon arrivée au CROSS Méditerranée :

J’ai exercé pendant soixante-dix-huit mois les fonctions de directeur du CROSS Méditerranée, après avoir assumé

celles d'adjoint au directeur durant près de cinq années, de 1989 à 1994. En provenance de la Marine nationale, où

j’avais servi en qualité d’officier de Marine durant douze années, au cours desquelles j'avais alterné mes trois affections

en Commandos Marine avec des embarquements sur des navires de combat, j’intégrai par concours le corps des admi-

nistrateurs des Affaires maritimes alors que j’étais lieutenant de vaisseau. À l’issue d’une scolarité d’une année, je fus

affecté pendant cinq ans comme professeur responsable des élèves-administrateurs de première année à l'École d’admi-

nistration des affaires maritimes de Bordeaux. Je fus ensuite affecté au CROSS/Med comme adjoint au directeur le 1er

août 1989 et fus nommé en suivant directeur du CROSS à compter du 15 mars 1994 jusqu'au 31 août 2000.

Outre la formation opérationnelle acquise dans la Marine nationale, j'avais assuré, préalablement à mes affectations

au CROSS/Med, des permanences estivales au Sous-CROSS Agde pendant deux années, après avoir suivi une formation

succincte à La Garde avant mon premier été.

Je ne suivis pas ensuite de formation particulière pendant mes affectations à La Garde, sinon une formation de CMS

(coordonnateurs des moyens de sauvetage) lors de mon arrivée en 1989, consistant en une prise de connaissance de

l'environnement, c’est-à-dire les moyens nautiques et aériens, leur positionnement et leur capacité, la géographie de la

zone, … etc.

* *

LE CONTEXTE

Avec l'expérience acquise durant cinq années comme adjoint au directeur du CROSS/Med, j'ai très vite compris

qu'en tant que directeur il m'appartenait de faire entrer le CROSS/Med dans une nouvelle ère pour préparer l'avenir.

Pour ce faire, il m'est apparu indispensable de disposer d'une nouvelle salle opérationnelle capable de recevoir de nou-

velles consoles équipées d'outils informatiques pour faciliter la tâche des opérateurs et également pour accueillir le

public toujours plus nombreux à s'intéresser à nos missions. Dès 1995, je pris l’initiative de contacter plusieurs archi-

tectes en leur imposant un cahier des charges destiné à respecter les dimensions de la future salle opérationnelle, l’en-

vironnement du site, l’ergonomie des lieux, le confort de travail des opérateurs, ainsi que l'accueil du public. La direction

des travaux maritimes de Toulon ayant eu vent de mes consultations prit contact avec moi et, après un travail en com-

mun, ses ingénieurs me proposèrent un projet qui me convenait tant d’un point de vue technique qu’opérationnel et qui,

de surcroît, apparaissait in fine d’un coût raisonnable. Ce projet immobilier fut présenté à l’administration centrale

(sous-direction de la sécurité maritime), concomitamment à ma proposition de relancer le projet d’installation du sys-

tème de gestion des voies radio que le CETMEF* conservait dans ses cartons depuis quelques années. En effet, en

l’absence de nouveaux équipements modernes, le projet immobilier seul n’aurait eu aucune incidence sur l'amélioration

des conditions de travail des opérateurs. Après avoir développé le projet devant l’AGAM Jean-Charles LECLAIR et

l’IGPC Jean PRUNIERAS, responsable des phares et balises à la Direction des ports et de la navigation maritimes, ces

derniers m’accordèrent leur confiance et me donnèrent le feu vert pour lancer le projet en étroite collaboration avec le

CETMEF* d'Aix-en-Provence. Les travaux d'extension du bâtiment et la construction des nouvelles consoles débutèrent

précisément le 27 janvier 1999 et furent achevés en septembre de cette année-là. Le basculement entre l'ancienne salle

opérationnelle et la nouvelle s'effectua quelques mois après, car il était nécessaire de transférer l’ensemble du matériel

technique de l'ancienne salle opérationnelle vers la nouvelle tout en conservant intactes en permanence nos pleines

capacités opérationnelles. La nouvelle salle fut inaugurée en juillet 2000.

En 1995, les locaux du Sous-CROSS/Corse furent entièrement rénovés après que la Marine eut donné son accord

pour que nous occupions la totalité du premier étage du bâtiment de commandement d'Aspretto.

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Au plan matériel et technique, avec un noyau de quelques éléments du personnel du CROSS nous dessinâmes les

dimensions des postes opérateurs, en reconnaissant que les choses se firent un peu « à main levée », mais l’ensemble

s'avéra, à l’usage, parfaitement adapté pour recevoir les nouvelles consoles équipées du système de gestion de voies

radio (SGVR) et d'un outil informatique d'aide à l'opérateur (AIE) L’ensemble du dispositif technique fut dénommé

SGVR/AIE (système de gestion des voies radio/aide informatisée à l’exploitation).

Au plan opérationnel, il s’agissait de professionnaliser au maximum le personnel en adaptant nos formations pour

faire face à nos différentes missions et répondre à l'attente du public ainsi que des différents administrations parties

prenantes dans l’action de l’Etat en mer. S’agissant de ces dernières, j'ai toujours demandé à mes équipes de faire appel

aux moyens des administrations de manière équitable. Dans la grande majorité des cas, les moyens aériens comme

maritimes de la Douane, de la Gendarmerie ou de la Sécurité civile étaient employés en priorité. Ceci avait notamment

pour but de montrer leur participation réelle à l'action de l'État en mer.

Au plan humain, comme tous les directeurs de CROSS, je me suis en permanence battu pour maintenir les effectifs

et obtenir de la Marine du personnel de qualité, ce qui ne fut pas toujours aisé, y compris avec notre ministère. Sur le

plan humain, la confiance en mon personnel a toujours guidé mon mode de management.

Les acteurs en présence au niveau local ont été la direction des travaux maritimes de Toulon pour la construction de

la nouvelle salle opérationnelle, le CETMEF d'Aix-en-Provence pour la partie technique, la Direction Régionale des

Affaires maritimes de Méditerranée sur les questions financières et, au niveau central, le bureau du sauvetage et de la

circulation maritime (SM2) et la direction des phares et balises et de la navigation maritime et des ports. À cet égard, je

tiens à remercier vivement l'administration centrale comme la DRAM* pour l'entière confiance qui m'a été accordée

pour conduire et mener à bien ce projet qui, au départ, n'était pas évident. Je tiens également à remercier les officiers et

officiers mariniers qui ont cru dès le départ à ce projet, ont participé à son élaboration et m'ont accompagné tout au long

de cette belle aventure.

La montée en puissance du CROSS

Arrivé au CROSS/Med en 1989 et l'ayant quitté en 2000, j'ai pu constater l'évolution de son importance auprès des

plaisanciers toujours plus nombreux, des gens de mer et des différentes administrations. Le nombre d'opérations crois-

sait année après année ; les actions menées auprès des différents acteurs, la médiatisation de certaines opérations et

l'intervention directe dans les médias firent connaitre davantage les actions du CROSS auprès du grand public comme

auprès des différentes administrations et des acteurs maritimes.

* *

LES ACTIONS

Les relations avec les quatre préfets maritimes sous l’autorité opérationnelle desquels je servis furent excellentes,

leur confiance absolue et chaque fois renouvelée. Cette confiance me permit d'agir en toute liberté et responsabilité tout

en sachant que c'était à eux seuls que je devais rendre des comptes, en tant que de besoin, de mon action. Mais certains

amiraux “opérations” et officiers de marine, au début de leur prise de fonction, ne comprenaient pas toujours qu'un

élément extérieur, le CROSS, pût donner des ordres à leurs unités ; ils avaient donc tendance à vouloir s'immiscer dans

la conduite des opérations. Après information, éclaircissements et recalages, certaines fois effectués directement par le

Préfet maritime, toutes les difficultés disparaissaient jusqu'à l'affectation de nouveaux arrivants. Il en fut de même pour

un seul commissaire général de la marine qui, je regrette de devoir le noter, car il constitua une exception, n’accepta

jamais que le CROSS occupe une place aussi prédominante dans le dispositif de l'action de l'État en mer. En revanche,

il n’y eut jamais aucun problème de ce type avec ses successeurs, officiers généraux chargés de l'action de l’État en mer

(AEM) auprès des préfets maritimes.

Comme je l’ai indiqué plus haut et pour faire connaître l'action des différentes administrations dans l'AEM, les

moyens des autres administrations furent autant que faire se peut privilégiés. La Gendarmerie et notamment la Douane

m’ont été particulièrement reconnaissantes de les avoir valorisées en les faisant davantage connaitre du grand public

comme du Préfet maritime pour leur participation active à l'AEM.

Il ne faut pas nier que nous connûmes des différences d’appréciation avec certains CODIS* (centres opérationnels

départementaux d’incendie et de secours) qui nous paraissaient faire une sorte de rétention d'informations afin, sans

doute, de pouvoir agir seuls dans leur zone. Suite à un évènement rattrapé de justesse par le CROSS, le Préfet maritime

et moi-même allâmes recadrer le patron du CODIS concerné et rappeler aux autres CODIS leur place dans le dispositif

de la recherche et du sauvetage en mer. Après cette mise au point, les choses me parurent rentrer dans l'ordre. Les visites

rendues aux nouveaux patrons des CODIS dès leur prise de fonction pour rappeler le rôle du CROSS, comme leurs

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visites de nos locaux, contribuèrent fortement à aplanir les éventuelles difficultés évoquées plus haut. Le protocole signé

en mai 1999 entre le Préfet maritime et le Préfet de zone de défense sud relatif à l'emploi des moyens des CODIS et du

CIRCOSC (Centre interrégional de coordination de la sécurité) permit une meilleure coordination et compréhension

entre les différents services intervenant en mer.

Je ne chercherai pas non plus à occulter quelques divergences rencontrées avec le Bataillon des marins-pompiers

(BMP) de Marseille, qui avait du mal à admettre que le CROSS coordonne les opérations de recherche et de sauvetage

dans son ressort. Suite au décès d'un plongeur et aux reproches faits par les marins-pompiers à l’encontre du CROSS,

le préfet maritime ordonna une enquête de commandement. Après une audition des marins-pompiers et du CROSS,

ainsi qu’un examen minutieux du fonctionnement et de la conduite des opérations des deux services concernés, la com-

mission d'enquête conclut que le CROSS avait agi conformément aux règles en vigueur. Le capitaine de vaisseau com-

mandant des marins pompiers ainsi que son commandant en second reçurent de nouvelles affectations dans les semaines

qui suivirent cette procédure. Pendant cette période délicate, je reçus le soutien sans faille du Préfet maritime, le vice-

amiral d’escadre Philippe DURTESTE, ainsi que celui du Commissaire général Yves MERLE, son adjoint pour l’AEM

et notre inspecteur général des services des Affaires maritimes, l’administrateur général des affaires maritimes Jean

RABOT, ce dont je leur sus infiniment gré.

Les contacts avec les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel à la mer étaient en règle générale

excellents et les rencontres fréquentes avec les acteurs ne pouvaient que les faciliter. Les visites rendues au CROSS par

les pilotes ou commandants d'unité contribuèrent fortement à faire comprendre notre rôle et le cadre juridique dans

lequel nous agissions.

Les relations avec les vedettes et canots de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) étaient excellentes et

bien que la zone fût vaste, les équipages des différents canots venaient régulièrement visiter le CROSS. De mon côté,

je me rendais au moins une fois par an dans toutes les stations du continent. À l'exception du canot de Marseille, armé

par les marins-pompiers, pour les raisons évoquées plus haut, en règle générale, nous ne rencontrions aucune difficulté.

Le seul point qui nous posa problème et empoisonna l’atmosphère fut la course aux remorquages pour améliorer les

recettes de la SNSM. Suite à un conflit avec une société de remorquage privé de la région, l’amiral Michel

MERVEILLEUX du VIGNAUX, président de la SNSM, imposa aux canots de ne prendre le requérant en remorque

que si le CROSS l’ordonnait. Cette consigne fut prise en compte malgré de nombreuses réticences puis remise en cause,

puis à nouveaux arbitrée dans un sens réaliste…

Les hélicoptères de la Marine nationale et de la Gendarmerie nationale étaient très opérationnels et coopératifs.

Il existait d’autres hélicoptères, en particulier ceux de la Douane, qui avait une flotte navale et aérienne très intéressante

(navires, avions et hélicoptères). Ces moyens nous ont apporté un concours sans faille pour la recherche ou le repérage

en sécurité maritime, ainsi, d’ailleurs, que pour l'accomplissement des autres missions du CROSS (surveillance des

pêches, pollution et circulation maritime). Les hélicoptères de la sécurité civile étaient également régulièrement sollici-

tés mais leur capacité pour voler au-dessus la mer était quelque peu limitée. De mémoire, ils étaient sollicités générale-

ment en bordure littorale et pour des opérations d’évacuation sanitaire. L’utilisation de ces moyens s‘effectuait avec

fluidité et souplesse et quand le moyen le mieux adapté se déclarait indisponible au sein de l'administration sollicitée,

nous nous adressions à une autre administration, ce qui ne posait pas de difficulté particulière. Les gros hélicoptères de

la Marine ont souvent été engagés à la demande du CROSS, mais, comme je l'ai précédemment indiqué, les hélicoptères

et avions de la Douane furent très souvent sollicités ; ils se révélèrent très utiles pour la recherche ou le repérage des

personnes en détresse en mer. Suivant la taille de la zone de recherche, la distance et le temps probable de la recherche,

les avions de patrouille maritime de la Marine nationale étaient sollicités sans procédure particulière. Sauf indisponibi-

lité, la Marine n'a jamais émis de réserve à nos demandes et a toujours fourni les moyens demandés.

Avec l'ensemble des officiers nous nous efforcions en permanence de donner une formation adéquate à nos équipes

afin que les opérateurs donnent une image de sérieux et de compétence. Loin d'appliquer l'adage de la marine selon

lequel « trop fort n'a jamais manqué », je demandais au contraire aux CMS de n’engager que le moyen nautique ou

aérien qui leur semblait le plus adapté pour assurer la mission. Si plusieurs moyens s’avéraient nécessaires, les CMS

étaient libres de les mettre en œuvre en tant que de besoin, mais ils ne devaient pas le faire avec l'esprit de se protéger

ou pour appliquer la « politique du parapluie ». Cette politique et cette prise de responsabilité quant à la gestion des

moyens portèrent leurs fruits puisque, quelle que fût l'administration sollicitée, nous n'avions jamais à justifier notre

demande. Je pense que notre compétence était reconnue, à tel point qu'il n'y eut jamais (à part la triste affaire du BMP

évoquée plus haut) de remise en cause de nos actions quelle qu'en ait été l'issue. L'image que nous donnions sur les

ondes ainsi que celle affichée lors des différentes visites ou rencontres contribuèrent fortement à asseoir notre légitimité.

Le rôle de la presse locale était un vecteur important dans le faire-savoir du rôle du CROSS ; à cet égard, j’avais un

contact privilégié avec elle. Je recevais tous les médias télé, radio, journaux qui le souhaitaient et m'exprimais librement.

Deux fois par an, je les invitais au CROSS, en début d'année pour dresser le bilan de l'année précédente et en fin de

saison estivale pour le bilan de cette dernière. Je les recevais également à l'issue de grosses opérations de sauvetage. Par

ailleurs, les plaquettes des CROSS élaborées régulièrement par l’administration centrale étaient largement distribuées

sur l’ensemble du littoral méditerranéen.

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Le rôle du directeur du CROSS

La direction des opérations de recherche et de sauvetage était assurée par le CMS sous ma responsabilité. Les CMS

étaient libres de m'appeler si cela leur semblait justifié et ne devaient pas hésiter à le faire en cas de doute. Pour certaines

opérations, j'étais bien évidemment présent ou régulièrement informé de leur déroulement. La confiance était pour moi

une règle d'or, ce qui me conduisit à débarquer un CMS, à la suite d’une faute grave dans la conduite d'une opération,

qui aurait pu avoir une issue tragique et décrédibiliser ainsi le CROSS pour plusieurs années. Sur ces derniers points,

j'ai toujours eu conscience que la réputation du CROSS et la confiance établie au fil de nombreuses années étaient très

fragiles et pouvaient être effacées en quelques minutes sur une opération mal menée.

A l'exception de certaines opérations, le SITREP (rapport de situation) jouait le rôle de communication vers les

autorités locales et nationales.

Interlocuteur des familles, et ce, au fur et à mesure du déroulement des opérations, je m’efforçai d’être toujours

transparent à leur égard, en répondant à toutes leurs interrogations, en les recevant et en leur expliquant le déroulement

de l'opération, les raisons des moyens engagés, des orientations choisies ou les raisons pour lesquelles il convenait

d'arrêter les recherches. Et, bien sûr, en ma qualité de directeur de CROSS, j’assumais pleinement mon rôle de porteur

de mauvaises nouvelles, en cas d’opérations se soldant par un bilan tragique.

De mémoire et à l'exception de quelques opérations qui pourraient se compter sur les doigts des deux mains et pour

lesquelles j'informai le Préfet maritime de la décision d'arrêter les recherches, cette décision était toujours prise au

niveau du CROSS et sous ma responsabilité. L’information de l'arrêt des recherches ou l'annonce du décès aux familles

était un moment difficile et très éprouvant. Comme je l'ai dit plus haut la transparence étant une autre règle d'or, il était

toujours proposé aux familles de venir au CROSS si elles souhaitaient des éclaircissements sur le déroulement de l'opé-

ration.

Sur la communication avec la presse, en tant que représentant permanent du préfet maritime pour le secours maritime

et du ministère des transports pour le reste des missions du CROSS, j'ai toujours considéré qu'il m'appartenait de com-

muniquer sur ces points, sauf si le Préfet maritime en personne souhaitait le faire. Comme cela ne fut jamais le cas,

j'assurais seul cette communication avec le plein accord de ce dernier.

Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

De la part des particuliers, les retards dans la transmission des alertes étaient généralement dus au fait que le CROSS

n'avait pas directement été contacté et que l'alerte avait cheminé par différents points d'alerte (police municipale, sa-

peurs-pompiers locaux...) peu au courant de l'organisation SECMAR*. Le plus souvent, les retards d'alerte provenaient

des sapeurs-pompiers ou de surveillants de plage qui, par ignorance, pensaient que la bande des 300 mètres était de leur

seule compétence.

À plusieurs reprises le CROSS dut rattraper sur le fil des affaires qui auraient pu avoir des conséquences drama-

tiques. À part quelques cas et notamment le 14 juillet, les tirs de fusées rouges se révélaient essentiels pour le déclen-

chement d'une alerte et étaient en règle générale utilisés à bon escient.

Les pannes de notre réseau de radiocommunications (VHF) étaient rares et le relais dans le secteur incriminé pouvait

alors être assuré par les sémaphores. L'implantation de nos émetteurs étant située sur des points très hauts, l'écoute

pouvait également être effectuée grâce à un autre émetteur-récepteur.

La surveillance des plages

Dans la zone des 300 mètres, nous étions très attentifs à tout ce qui avait trait à la surveillance et au sauvetage des

personnes et, pour ce qui concernait le CROSS, nous n'eûmes jamais à douter des règles de compétence et de notre

responsabilité dans la zone des 300 mètres. Les différentes rencontres ou réunions organisées pour la préparation des

saisons estivales avec les représentants des maires des communes littorales portaient leurs fruits et permettaient aux

différents acteurs de mieux comprendre l'organisation des secours en mer. Pour répondre au rôle des différents acteurs

dans la zone des 300 mètres, les personnels de surveillance des plages, (sapeurs-pompiers, CRS et SNSM dans une

moindre mesure) avait tendance à agir seuls par méconnaissance de l'organisation SECMAR ; leurs actions immédiates

étaient néanmoins primordiales dans la plupart des cas, ce qui, finalement, permettait d’atteindre l’objectif recherché

de sauvegarde de la vie humaine en mer.

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L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Je relaterai, ci-après, quelques opérations marquantes et/ou particulières, qui m’ont particulièrement marqué pendant

mon affectation au CROSS/Med.

1995 : Transat des alizés et transat des passionnés1

Ces opérations essentiellement déclenchées suite à l'émission des balises de détresse aux quatre coins de notre zone

et très loin des côtes nous donnaient l'impression que la Méditerranée était en feu. Alors que la mer devant les fenêtres

du CROSS ressemblait à un lac, à quelques nautiques plus au large, les conditions météo étaient épouvantables, les

embruns soulevés par la mer déchainée couvraient de sel les cockpits des aéronefs, ce qui diminuait fortement la visi-

bilité. Tous les moyens aériens de la Marine et de la Douane qui pouvaient être mis en œuvre furent utilisés puisqu’avant

d'envoyer un moyen d'évacuation sur les lieux, il fallait précisément connaitre la position du voilier et la réalité du

besoin. Le MRCC Madrid nous apporta un concours précieux, des renforts de la Marine en provenance de Bretagne se

révélèrent nécessaires car la Marine en Méditerranée était complètement saturée et les équipages épuisés : bref, ce fut

l'enfer. Un des rescapés, avocat de profession, voulut se retourner contre le CROSS pour non-assistance à personne en

danger, mais après m'être entretenu avec lui, il comprit très vite que tout avait été mis en œuvre et qu'il ne pouvait

imaginer qu'une telle situation pût exister…Le bilan final de cette opération fut de 10 morts et 17 rescapés.

1996 : Pétrolier ALPHASTAR

Alors que la tempête faisait rage en Méditerranée, le commandant du pétrolier ALPHASTAR, qui avait quitté le port de

Marseille lège en début de soirée pour le canal de Suez, demanda l'évacuation de tout son équipage suite à un doute

sérieux concernant la structure du navire et sa capacité à résister aux conditions météo. Un hélicoptère Super-frelon fut

immédiatement envoyé sur place et l'équipage au complet fut évacué. Sur le chemin du retour le pilote de l'hélicoptère

nous informa que le commandant lui avait signalé que la machine n'avait pas été stoppée et que le navire était en route

sur pilote automatique en direction du Sud-Sud-Est à une vitesse qu'il estimait entre 3 et 5 nœuds. Après un rapide

calcul et en prenant en compte la dérive probable du navire, ce dernier se dirigeait droit sur la côte Sud-Ouest de la

Sardaigne. La mise à place d'une équipe d'intervention étant trop risquée, une véritable course poursuite s'engagea alors.

Informé de la situation, le MRCC Rome mit en alerte ses moyens pendant que nous demandions à la Marine nationale

de mettre en alerte son remorqueur de haute mer qui, par chance, se trouvait cette nuit-là à Ajaccio. Après calcul d'une

route de chasse, le remorqueur quitta Ajaccio pour tenter d'intercepter le navire. Dans l'attente, une équipe d'intervention

fut mise en place à Ajaccio. Repositionné par un aéronef de patrouille maritime de la Marine, le navire fut finalement

intercepté à quelques milles nautiques de la côte, stoppé par l'équipe d'intervention envoyée sur le navire à seulement

deux milles nautiques de la côte. Après inspection du navire à Cagliari, le navire reprit sa route vers sa destination

initiale avec l'équipage qui avait été évacué.

2000 : Sauvée grâce à un petit garçon !

Tombée à la mer pendant son quart de nuit à bord d'un voilier entre Calvi et Toulon, une jeune femme nous fût

signalée disparue par ses coéquipiers au moment de la relève. Les conditions météorologiques étaient excellentes, la

température de la mer était élevée et la jeune femme était une excellente nageuse. Dès réception de l'alerte et après avoir

défini une zone de recherche, un moyen aérien fut envoyé sur zone et un message PAN diffusé sur les ondes. Sans

résultat le premier jour, les recherches se poursuivirent en vain tout au long du deuxième jour. Le lendemain matin du

troisième jour un plaisancier italien nous signala avoir récupéré à son bord une jeune femme vivante mais brulée assez

sérieusement par le soleil et son séjour dans l'eau. Il nous raconta qu'alors qu’il s’affairait à l'intérieur du voilier, son

fils qui était à l'extérieur et regardait un banc de dauphins cria « Papa, papa, una mano, una mano » (une main, une

main). Sans se poser d'autres questions, il sortit à l'extérieur, jeta une bouée couronne dans la direction que lui indiquait

son fils et manœuvra pour revenir sur les lieux. Un moyen aérien médicalisé fut immédiatement envoyé sur zone pour

récupérer la jeune femme et la diriger vers l'hôpital. Malgré les excellentes conditions météo et une zone de recherche

bien ciblée (la jeune femme avait vu passer les moyens de recherche au-dessus d’elle) la personne recherchée n'avait

pas été repérée et on aurait pu facilement imaginer qu'elle était perdue. Mais sans pouvoir l'expliquer il y avait quelque

chose de particulier dans cette opération qui permettait d'espérer une issue heureuse. Sauvée après avoir passé presque

1 Le lien relatant l'évènement.

http://www.liberation.fr/sports/1995/11/06/dix-morts-endeuillent-deux-transats-amateurshier-les-recherches-ont-cesse-en-mediterranee_150979

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72 heures dans l'eau, je ne saurais décrire le bonheur que j'ai éprouvé à annoncer la bonne nouvelle à sa famille ! Cette

opération montra une nouvelle fois que l'humilité dans ce métier difficile devait rester de mise.

Les autres missions du CROSS

Surveillance de la circulation maritime

Le CROSS Méditerranée n’étant pas doté de radars, les sémaphores jouaient le rôle de surveillance de la circulation

maritime pour notre compte et, par l'écoute radio, nous nous efforcions de détecter les situations anormales.

Contrôle des pêches maritimes

Après avoir essayé de mettre en place une cellule particulière pour la surveillance des pêches afin de dynamiser cette

mission, nous sommes revenus à l'organisation antérieure qui consistait à confier la gestion de la mission par l'équipe

de quart en place. La Douane et les sémaphores nous apportèrent une aide précieuse pour la réalisation de la mission de

surveillance des pêches en Méditerranée.

Surveillance des pollutions maritimes

Le CROSS était destinataire de toutes les informations en provenance des moyens aériens et nautiques de toutes les

administrations et également des observations en provenance des plaisanciers ou navires marchands. Ce rôle de centre

de recueil de l'information était très apprécié des organismes en charge de la lutte contre la pollution.

Diffusion de l’information nautique

Tous les moyens mis à notre disposition étaient utilisés par l'équipe de quart en place ou par une cellule particulière

en fonction de circonstances.

* *

LA STRUCTURE DU CROSS : MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS

Au plan humain

Le CROSS comprenait six officiers CMS (dont le directeur) jusqu'en 1997, puis cinq officiers à partir de cette année-

là jusqu'à mon départ en 2000. Cette dernière situation fut très pénalisante et lourde compte tenu de l'aspect hors opé-

rationnel que nous devions également assumer. Je tiens à souligner l'excellent esprit dont fit preuve l'état-major pour

assumer dans la bonne humeur ces contraintes, mais dois également faire part du peu de compréhension dont firent

preuve nos responsables centraux pour nous affecter un sixième officier. Cette situation était d’autant plus incompré-

hensible que le CROSS/Med était le seul CROSS à connaître de telles difficultés pour disposer d’un plan d'armement

complet…

Le plan d'armement en personnels officiers mariniers et équipage était à peu près respecté mais la qualité pouvait se

révéler relativement inégale. Concernant le personnel technique, le CROSS disposa d’un officier marinier et d’un per-

sonnel civil (TPE) de très grande qualité au centre principal et d’un TPE en Corse.

Comme pour les CMS nous avons proposé en 1996 qu'une réflexion au niveau national soit engagée sur les critères

d'habilitation à la fonction de chef de quart ; le CROSS/Med fut désigné pour mener cette mission. Au niveau local et

après un mois de formation les officiers mariniers étaient habilités comme chef de quart tout en sachant qu'ils ne seraient

en pleine possession de leurs moyens qu'après un an d'exercice.

La situation matérielle du CROSS :

Les locaux opérationnels étaient en bon état, mais ils n’étaient plus adaptés à la montée en puissance des opérations

et des matériels, ce qui expliqua et motiva le projet d’extension – modernisation de la salle opérationnelle du CROSS

en 1999-2000.

Les matériels de radiocommunications et de télécommunications étaient généralement en bon état et il faut souligner

que le CETMEF d'Aix en Provence était très disponible pour intervenir si besoin. Les émetteurs-récepteurs étant placés

sur des points hauts, on peut dire que la couverture était bonne même si le Sud de la zone pouvait présenter quelques

trous.

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Les locaux-vie avaient été réhabilités par mon prédécesseur à l'exception de la cuisine qui fut remise à niveau plus

tard. Les conditions de vie des personnels étaient satisfaisantes et je n’ai pas souvenir qu’une remontée négative « non

constructive » ait été émise. Le personnel me semblait heureux de son affectation.

Conclusion :

Je tire de mon affectation au CROSS/Med un bilan très positif. Cette affectation de six années et demies fut pour

moi un véritable bonheur malgré les quelques difficultés ponctuelles rencontrées et c'est avec beaucoup de tristesse que

je quittai ce poste. Comme je l'ai dit plus haut, j'ai énormément apprécié la confiance, l'indépendance et la liberté d'action

qui m'ont été accordées. Je reste persuadé qu'il n'existe aucun commandement dont l'existence et la crédibilité de la

structure peuvent être remises en jeu à chaque évènement et qui puisse aussi apporter autant de satisfaction tout au long

d'une affectation.

En éléments positifs, je mettrai particulièrement en exergue :

• d'avoir su acquérir et conserver l'entière confiance des quatre préfets maritimes sous l’autorité desquels j'ai servi.

• dans la continuité de mes prédécesseurs, avoir contribué à asseoir davantage la réputation du CROSS auprès de

tous les acteurs du monde maritime me remplit de satisfaction ;

• d'avoir été entendu lorsque j’ai lancé l'idée de construire une nouvelle salle opérationnelle et de l'équiper du

système de gestion de voies radio qui était dans les cartons du CETMEF.

• d'avoir préparé l'avenir en initiant et construisant une nouvelle salle opérationnelle en l'équipant de consoles

opérationnelles adaptées à l'évolution des matériels et des outils informatiques.

• d'avoir bénéficié, avec le plein accord du Préfet maritime pendant toute mon affectation d’une communication

exclusive et en totale liberté sur l'action du CROSS ;

• d'avoir été soutenu par le préfet maritime, le commissaire général de la marine AEM du moment et l'inspecteur

général des services des affaires maritimes pendant l'enquête de commandement ;

• d'avoir permis, avec le soutien du chef du Sous-Cross Corse, que le CROSS/Med apparaisse comme une seule

entité quel que soit le lieu de son implantation. Cela était notamment indispensable vis à vis des acteurs locaux

de l'ile.

Les éléments de regrets que je pourrais formuler :

• d'avoir, pour des raisons politiques subalternes, dû attendre plusieurs années pour que le Sous-CROSS Agde soit

fermé, alors qu’il était devenu inutile. Son armement amputait chaque été le centre principal de personnels dont

nous avions l'impérieuse nécessité. La fragilité à laquelle nous étions confrontés chaque été était pour moi diffi-

cile à admettre. Nous eûmes beaucoup chance qu'un évènement grave ne se soit pas produit car il aurait imman-

quablement fait apparaitre un dysfonctionnement de nos services ;

• de ne pas avoir été soutenu par ma hiérarchie organique régionale locale, pendant l’enquête de commandement

rappelée supra ;

• d'avoir fonctionné avec cinq officiers CMS au lieu des six officiers prévus par le plan d’armement. Cette situation

pouvait être considérée comme la marque d’un certain désintérêt de l’administration centrale de l’époque pour

le CROSS. L'armement des quartiers des affaires maritimes était à ses yeux prioritaire…

* = *

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Vue aérienne du CROSS Méd pendant les travaux d’extension du bâtiment de commandement (1999)

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- 123 -

QUATRIÈME PARTIE *

Les rénovateurs et leurs perspectives (2005 - 2015)

À ÉTEL

ACAM(er) Jacques LEBREVELLEC, directeur du CROSS ATLANTIQUE

L’administrateur en chef des affaires maritimes Jacques LEBREVELLEC a exercé les fonctions de directeur du

CROSS Atlantique installé à Étel de 2005 à 2008.

Mon arrivée au CROSS Atlantique

Ma désignation à la direction du CROSS Étel fut décidée rapidement car il s’agissait de remplacer aussi tôt que

possible mon prédécesseur, l’ACAM Daniel LE DIREACH. De formation universitaire, je servis d’abord dans le corps

des Officiers du corps technique et administratif des Affaires maritimes (OCTAAM*) avant d’intégrer le corps des

administrateurs des Affaires maritimes par la voie de la “passerelle” à quatre galons (administrateur principal). Je ne

suivis pas de formation particulière avant mon affectation au CROSS mais, en revanche, je bénéficiai d’une formation

de coordonnateur de mission de sauvetage (CMS) et du certificat général d’opérateur radio (CGO). Je pense que la

proximité géographique avec ma précédente affectation comme chef du quartier de Concarneau facilita malgré tout

cette prise de fonction rapide. Par ailleurs, l’équipe d’officiers en place était expérimentée et je pus ainsi monter en

puissance progressivement.

**

LE CONTEXTE

Ma priorité en arrivant au CROSS fut le suivi de l’extension du CROSS/A dans la partie dédiée au centre de sur-

veillance des pêches (CSP) ainsi que celle des locaux opérationnels, avec une forte implication de l’officier chef du

service technique (CST) de l’époque, l’OCTAAM BOILEAU. Je m’attachai aussi à accélérer le remplacement du py-

lône du CROSS, ce qui se révéla être une opération lourde et coûteuse. L’agrandissement du CSP était une priorité car

nous nous trouvions très à l’étroit en raison de l’importance de plus en plus prégnante de la mission de contrôle des

pêches. Par ailleurs, le pylône vieillissant représentait un risque pour la sécurité des personnes, celle du CROSS et celle

de la veille opérationnelle. La salle opérations bénéficia, elle aussi, de l’opération d’extension du CSP Le développe-

ment de la formation des personnels du CSP constitua une autre de nos priorités en raison de la montée en puissance

significative de la mission de contrôle des pêches.

Les interlocuteurs du CROSS pour la mise en œuvre de la rénovation du CROSS furent la Direction régionale des

Affaires maritimes (DRAM) de Bretagne, l’administration centrale (direction des Affaires maritimes) et le CETMEF.

Ces opérations furent confiées à des entreprises locales, CST/CSG en particulier, et à une entreprise spécialisée pour le

remplacement du pylône.

La zone de responsabilité du CROSS

La zone de responsabilité du CROSS en matière de recherche et de sauvetage en mer était le Golfe de Gascogne, du

48e degré de latitude nord jusqu’à la frontière espagnole. Cette zone correspondait quasiment à celle qui fut confiée au

CROSS/A lors de sa création en 1967.

La montée en puissance du CROSS pendant mon affectation fut marquée par trois mesures phare. En premier lieu,

le CROSS s’engagea dans la mise en place de la procédure “qualité” et obtint la certification afférente au titre de la

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norme ISO 9001-2008. Je précise que l’ensemble des CROSS furent soumis à cette exigence de qualité, exigence qui

faisait partie d’un ensemble de mesures de modernisation des CROSS décidées par le Ministère chargé de la mer à la

suite du naufrage du pétrolier ERIKA au large des côtes bretonnes au mois de décembre 1999.

La deuxième mesure concerna le développement du rôle du CSP, conséquence de l‘évolution de la réglementation

européenne en matière de contrôle des pêches dans les eaux placées sous juridiction européenne et mise en œuvre par

les États membres de l‘Union européenne.

La troisième mesure enfin porta sur une accélération de la formation professionnelle des personnels à l’ensemble

des procédures opérationnelles, leur familiarisation avec les nouveaux outils informatiques ainsi que le développement

des liens avec les autres acteurs opérationnels concourant à l’action de l’État en mer.

* *

LES ACTIONS

Les relations avec le préfet maritime étaient bonnes et fréquentes de même qu’avec le commandant du COM qu’il

fallait cependant savoir tenir “à bout de gaffe” car le COM avait tendance à se montrer parfois un peu envahissant… Il

fallait marquer les compétences du CROSS/A et de ses officiers par rapport au COM et à la PréMar mais cela se passait

dans l'ensemble avec diplomatie …

Je ne rencontrai pas de difficultés avec les administrations intervenant en mer sous l’autorité / coordination opéra-

tionnelle du CROSS/A. Il y avait une qualité d’intervention en mer différente en fonction des SDIS mais les relations

étaient basées sur la confiance, de grandes compétences et un mutuel respect.

Les contacts avec les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel à la mer étaient très bons même si, dans

le domaine du contrôle des pêches, il fallait de temps à autre rappeler à certains moyens de la Gendarmerie ou des

Affaires maritimes que, à la mer, ils étaient placés sous la coordination du CROSS/A …Les vedettes et canots de la

Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) rendaient en général bien compte de leurs actions au CROSS, il fallait

savoir leur laisser quelque autonomie dans les opérations. Certaines stations de la SNSM étaient particulièrement “opé-

rationnelles” mais l’engagement de toutes était toujours total et efficace.

Les hélicoptères de la Marine nationale ou de la Gendarmerie nationale étaient, eux aussi, opérationnels et coopéra-

tifs. Il existait d’autres hélicoptères, comme ceux de la Sécurité civile avec lesquels le CROSS/A travaillait en harmonie.

Autant que je m’en souvienne, nous faisions assez peu appel aux hélicoptères des Douanes. Grâce aux conventions

passées entre les services, qui fixaient les règles d’engagement de ces moyens, ces derniers étaient disponibles et effi-

caces, surtout ceux de la Sécurité civile, avec leurs nouvelles machines, les hélicoptères EC 145. Les pilotes étaient très

expérimentés et il était vraiment facile de travailler avec eux. Ils se montraient d’un excellent “relationnel ”.

Pour les hélicoptères lourds de la Marine, les seuls adaptés à la mission du large, il convenait de solliciter le COM

qui accédait à notre demande et les chefs de base (Lanvéoc-Poulmic par exemple) étaient demandeurs de ce type d’in-

terventions. Il en était de même pour les avions de patrouille maritime de la Marine nationale dont nous avions besoin

pour effectuer de longues recherches sur un grand espace maritime : nous passions par le COM qui les mettait à notre

disposition sans difficulté. Des conventions formalisaient l’emploi des moyens de la Marine nationale. Les délais étaient

toujours jugés trop longs par les CMS… mais les chefs de bord faisaient le maximum à chaque opération. Des conven-

tions formalisaient les conditions de l’engagement des unités qui dépendaient des autres administrations et les relations

avec les centres opérationnels étaient cordiales. Sauf autre opération prioritaire pour eux, ils mettaient leurs moyens à

notre disposition sans problème.

Pour que nos interlocuteurs soient bien avertis des principes du SAR et des responsabilités et compétences du

CROSS/A, il nous paraissait important de procéder à des séances d’information à leur intention. Cultiver le “relationnel”

avec les partenaires opérationnels du CROSS/A représentait donc un aspect non négligeable de nos fonctions. Cela

pouvait se faire au CROSS/A ou bien sur le terrain.

C'est enfin par la compétence que l'on assoit sa légitimité ; or je disposais d'une excellente équipe dont les officiers,

les chefs de quart et les adjoints aux chefs de quart constituaient l’ossature.

Les contacts avec la presse locale étaient fréquents. Il existait une communication institutionnelle, à l‘occasion d’une

opération “sécurité des loisirs nautiques ” par exemple ou bien, plus épisodique, lors d’opérations SAR particulières.

Pour faire connaître le CROSS au grand public, nous ciblions nos déplacements et les actions de communication à

mener et ce, avec nos partenaires SAR traditionnels au premier rang desquels se trouvaient les stations SNSM et la

Gendarmerie avant les saisons estivales.

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Les clubs et autres associations de plaisanciers venaient assez souvent visiter le CROSS, - surtout ceux des départe-

ments les plus proches (Finistère ; Morbihan ; Loire Atlantique ; Vendée). Nous profitions de nos déplacements pour

rencontrer ceux qui se situaient plus au sud, souvent à leur demande.

Les organisations professionnelles de la pêche maritime, telles que les CLPMEM et les CRPMEM (Comités locaux

ou régionaux des pêches maritimes et élevages marins), venaient, elles aussi, assez souvent en visite via le CSP Étel.

Les réunions sur la pêche organisées sur place ou sur le littoral étaient de plus une bonne occasion de parler et faire

connaître le CROSS.

L’aspect “communication”, qu’elle fût formelle ou informelle, revêtait donc une grande importance et nous ne per-

dions aucune occasion d’être en contact avec nos partenaires et avec les usagers de la mer, grâce à des déplacements

fréquents sur le littoral atlantique. C’était prenant et assez chronophage mais indispensable.

Les tirs de fusées rouges constituaient un moyen commode de signaler une alerte mais leur usage était parfois abusif.

Ils étaient assez courants en été en dépit de la campagne d’information « sécurité des loisirs nautiques » et des messages

de la PréMar à ce sujet. La généralisation du téléphone mobile modifia les conditions d’exercice de la mission SAR

avec de bons côtés tels que le repérage des derniers appels passés par la personne concernée, ce qui est un indice très

utile pour les recherches. Le côté négatif de cet outil technologique est qu’il ne permet pas le repérage en mer de la

personne auteur de l’alerte, contrairement à ce qui se passe quand on utilise une VHF. Malgré l’exemple qui précède,

je considère que notre dispositif de recueil et de traitement des alertes était très efficace.

La surveillance des plages

Dans la zone des “300 mètres”, les dispositifs de surveillance et de sauvetage étaient parfois fragiles car, dans cer-

tains départements, le SDIS* ne disposait pas d’un effectif de sauveteurs côtiers suffisant et/ou efficace. En général,

notre tournée sur la côte avant la saison estivale était constructive pour rappeler à chacun son rôle dans les “300 mètres”,

ceci en lien avec les DDAM concernés. Le rôle des sapeurs-pompiers était important avec des sauveteurs côtiers effi-

caces et qui travaillaient bien avec le CROSS/A. Mais, avant toute chose, il était important de bien formaliser les rela-

tions grâce à des conventions de partenariat signées par les deux parties concernées. Dans la mission de surveillance

des plages et de sauvetage côtier, il existait d’autres acteurs : les CRS, les sauveteurs côtiers de la SNSM et les hélicop-

tères de la Gendarmerie nationale stationnés sur les plages (en Gironde par exemple).

* *

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Il serait difficile de rappeler les milliers d’opérations menées par le CROSS/A durant cette période. Mais, spontané-

ment, certaines remontent à la surface. C'est, par exemple, à la suite du naufrage d’un voilier « vieux gréement » au

départ de l’Espagne, le souvenir de longues recherches, coordonnées par le CROSS, qui durèrent plusieurs jours, soumis

à la pression du PréMar qui doutait de nos zones de recherche. Il s’avéra que celles-ci étaient pertinentes : l’avion

espagnol de recherche avait survolé le radeau de sauvetage le premier jour mais, hélas ! sans le voir…

Deux autres affaires firent les unes de la presse : il y eut, le 10 mars 2008, l’échouement du petit vraquier ARTEMIS.

Ce caboteur néerlandais de 88 mètres qui s'échoua sur la grande plage des Sables d'Olonne (Vendée) attira des foules

de curieux. Le Bureau d'enquête sur les accidents de la mer (BEAmer*) conclut à « une absence de suivi attentif de la

navigation dans des conditions météo difficiles » … Il y avait eu le porte-conteneurs roulier de 185 mètres de longueur

ROKIA DELMAS, battant pavillon panaméen, qui vint, quant à lui, s’abîmer sur les côtes de l’Île de Ré dans la nuit du 23

au 24 octobre 2006. Mais il serait beaucoup trop long et fastidieux de tout raconter…

Le CROSS/A exerçait deux missions principales : il devait coordonner d'une part la recherche et le sauvetage en

mer et, d’autre part, le contrôle des pêches, missions très lourdes en comparaison desquelles les autres missions parais-

saient assez modestes. La surveillance de la circulation maritime concernait, concrètement, la gestion des mouillages

des navires dans les eaux territoriales françaises en dehors des ports maritimes. La surveillance des pollutions maritimes

était assez peu prenante dans son ensemble. La diffusion, enfin, de l’information nautique était gérée au quotidien, sans

difficulté particulière.

* *

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LA STRUCTURE DU CROSS : MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS

Au plan humain

L’état-major du CROSS/A comprenait, outre le directeur, quatre ou cinq officiers qui exerçaient des fonctions de

chefs de service. Chacun était excellent dans son domaine de compétence et avait toute ma confiance. Mais il fallait

veiller à ne pas avoir moins de six officiers (y compris le directeur) afin de ne pas pénaliser l’activité opérationnelle du

CROSS. Le plan d’armement du personnel officiers-mariniers, quartiers-maîtres, matelots et du personnel technique

me paraissait suffisant La mission du CSP (contrôle des pêches) devenait de plus en plus prenante au fil du temps et

j’en conclus qu’il fallait séparer les deux activités SAR et “surpêche” avec du personnel officier dédié à cette dernière,

ce qui fut réalisé après mon départ du CROSS. La formation des personnels était dispensée sur place avant une prise de

fonction effective dans le tour de service des officiers ou le tour de quart des chefs de quart et adjoints de quart ; puis,

au fil de l’eau, dans le cadre du “contrôle qualité”. L’excellent chef du service opérations assurait le contrôle des con-

naissances et des compétences en SAR et la fonction de responsable de la formation était pilotée en tandem par le CSO

et le RQ (responsable qualité). La formation des personnels à la mission “surpêche” était, elle aussi, assurée sur place.

Pour la gestion des hommes et le relationnel, il est indéniable que la tâche du directeur du CROSS et de ses officiers

était facilitée par le fait de diriger du personnel à statut militaire, dans un cadre précis et hiérarchisé. Les choses sont

sans doute plus simples qu’ailleurs … Je retiens avant tout que l’exercice de la mission SAR requiert contrôle de soi,

travail en équipe, confiance, réflexion et, plus que tout, une bonne connaissance du personnel. Les compétences requises

pour exercer la mission SAR ne sont pas celles de tous et une erreur de choix peut avoir des conséquences dramatiques.

Il est donc essentiel que le directeur, via le CSO, assure un suivi permanent et attentif du personnel exerçant des fonc-

tions opérationnelles SAR.

La situation matérielle du CROSS

Les locaux opérationnels du CROSS étaient fonctionnels et en très bon état. Ce fut d’ailleurs l'un de mes constants

soucis que de conserver des locaux en excellent état. Pour ce faire, de mémoire, le CROSS disposa toujours de crédits

de fonctionnement suffisants pour mener les travaux d’entretien/réparation nécessaires. Le matériel de radiocommuni-

cations et de télécommunications était de bonne qualité et il était géré par une équipe de techniciens compétents et

disponibles. Les équipements radio étaient répartis sur l’ensemble du littoral (nous disposions de 13 émetteurs / récep-

teurs, de mémoire), ce qui permettait une bonne couverture du littoral, avec une zone d’ombre cependant dans le secteur

des Landes. Ce matériel fonctionnait plutôt bien. Le changement du pylône du CROSS/A pendant mon affectation fut

une véritable épreuve et reste un souvenir un peu angoissant… avec, ce qui arrive rarement durant une affectation, le

risque avéré de ne disposer d’aucune réception d’alerte pendant quelques heures…Quant aux locaux-vie, ils étaient en

excellent état et les conditions de vie du personnel sur le centre étaient satisfaisantes. Le CROSS et surtout le CSG (chef

du service général) y veillaient tout particulièrement car les conditions matérielles sont importantes pour le maintien du

bon moral des troupes… Les installations du CROSS/A étaient assez privilégiées, avec ses locaux, son parc, etc... Il

aurait été difficile de se plaindre … surtout venant d’une DDAM qui fonctionnait avec peu de crédits par rapport à ceux

dont bénéficiait le CROSS.

CONCLUSION

Je conserve un très beau souvenir de cette affectation, très enrichissante sur le plan personnel et professionnel, avec

des moments privilégiés avec le personnel lors d’opérations ”chaudes” mais aussi dans les bons moments (la perma-

nence de Noël par exemple). Je n’ai pas vraiment en mémoire de mauvais souvenirs, si ce n’est, quelquefois, une pres-

sion inutilement forte d’un PréMar et du chef du COM lors de certaines opérations, par ailleurs très bien menées par le

CROSS/A … Les relations avec la PréMar et le COM étaient de loin les plus “compliquées” à gérer, même si tout doit

être relativisé…Tout se passait très bien avec les unités opérationnelles, c’est ce qui est le plus important et qu’il faut

retenir, in fine. Je suis heureux d’avoir servi en CROSS pendant ma carrière aux AffMar car j’aurais vraiment regretté

de ne pas connaître cette très belle expérience. Et c’était encore mieux au CROSS/A avec le CSP. J’ai connu cette

période de transition entre un CROSS/A polyvalent dans ses missions pour les officiers, puis un passage vers une spé-

cialisation des cadres qui s’avérait nécessaire pour plus d’efficacité et de professionnalisme. Le développement de la

SURMAR m’intéressait moins…il était donc temps pour moi de voir de nouveaux horizons…en Vendée !

* = *

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CROSSA Etel, la cellule « surpêche »

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AC1AM (er) Daniel DEJARDIN, directeur du CROSS MÉDITERRANÉE 2005 – 2010

L’administrateur en chef des Affaires maritimes, Daniel DEJARDIN a exercé les fonctions de directeur du CROSS

Méditerranée installé à La Garde (Var), du 1er septembre 2005 au 1er mars 2010.

Mon parcours jusqu’au CROSS et...après le CROSS

Après une “petite” carrière d’une dizaine d’années au sein de la Marine nationale, où j’avais servi sur différents

bâtiments de combat ou de servitude en qualité d'officier chef de quart, je posai mon sac à terre en 1983, en intégrant

par concours le corps des officiers du corps technique et administratif des Affaires maritimes, puis celui des adminis-

trateurs des Affaires maritimes en 1988. Je connus ma première expérience de “Crossman” en 1994, lorsque je fus

désigné comme directeur-adjoint du CROSS Atlantique à Étel où je servis pendant deux ans et demi. À la fin de ma

première année à Étel je suivis un stage de CMS (coordonnateur de mission de sauvetage) chez nos homologues du

CROSS Corsen, en compagnie de plusieurs autres officiers des Affaires maritimes servant dans différents CROSS. Ce

stage me parut doublement intéressant, car, d’une part, il intervenait plusieurs mois après nos prises de fonctions dans

nos CROSS respectifs, nous permettant ainsi de « savoir de quoi on nous parlait » et, d’autre part, de mêler des officiers

d’âges et d’expériences sensiblement différents, ce qui ne pouvait qu’améliorer « l’intelligence collective » des sta-

giaires. Mon affectation à Étel fut marquée par de très nombreuses opérations de sauvetage et de surveillance des pêches,

en plus des fonctions (souvent ô combien ingrates !) de “second” du CROSS, c'est-à-dire celui qui avait à répondre

devant le directeur du bon fonctionnement de la “boutique” ! Le 1er septembre 2005 je renouai avec le monde des

CROSS en prenant mes fonctions de directeur du CROSS Méditerranée à La Garde, succédant à mon camarade l’ACAM

Bruno LEROY, ce qui mit un terme à la règle dite “des Bruno” ... Je servis à La Garde jusqu’au mois de février 2010,

époque à laquelle je fis connaissance avec l’administration centrale en étant affecté comme adjoint au sous- directeur

de la sécurité maritime à la direction des Affaires maritimes. Je n’en avais pas encore tout à fait fini avec les CROSS,

puisque la directrice des Affaires maritimes me chargea à la fin de l’année 2012, de rédiger un rapport sur les CROSS.

Ce rapport, intitulé « Mission d’étude sur l’optimisation de l’organisation du travail dans les CROSS de Métropole »

comportait cinquante propositions de mesures visant à améliorer le fonctionnement des CROSS...

Lorsque “j’embarquai” au CROSS Méditerranée à La Garde, je n’arrivai pas en territoire inconnu car je venais de

passer six ans à la direction régionale des Affaires maritimes Provence Alpes Côte d’Azur à Marseille, d’abord comme

chef du service des affaires économiques, puis comme directeur régional adjoint, directeur départemental délégué des

Affaires maritimes des Bouches du Rhône. Dans ces deux fonctions, j’avais entretenu des relations professionnelles

étroites avec le CROSS Méditerranée. Ce dernier était par ailleurs placé sous l’autorité organique du directeur régional,

dont j’étais l’adjoint direct. De ce point de vue, les choses n’ont pas changé avec la récente réforme territoriale des

services de l’État opérée à la fin des années 2000 – début des années 20101...

1 Décret n° 2010-130 du 11 février 2010 relatif à l'organisation et aux missions des directions interrégionales de la mer – article 3 – II : Le directeur interrégional de la mer exerce, sous l'autorité du ministre chargé de la mer (…) les attributions relatives à la signalisation maritime et à la diffusion de l'information nautique afférente, à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution au titre de la sécurité des navires, à l'organisation des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (…).

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* *

LE CONTEXTE

Je trouvai le CROSS Méditerranée, constitué du centre principal de La Garde et du centre secondaire d’Aspretto en

Corse, en excellent état de fonctionnement. Au centre principal, l’ensemble immobilier était constitué des bâtiments

opérationnels et de casernement construits, agrandis et rénovés par strates successives à partir des anciens blockhaus du

Fort Sainte-Marguerite, dans lesquels l’administrateur des Affaires maritimes Alain KERFANT et sa petite équipe de

pionniers avaient emménagé vaillamment en 1968. Les locaux-vie, qui étaient très anciens, avaient été bien entretenus

au fil des années et leur état était tout à fait correct. Le bâtiment de commandement, qui abritait les locaux opérationnels,

les bureaux administratifs et les locaux techniques en sous-sol avait, quant à lui, fait l’objet de travaux importants

d’agrandissement et de rénovation à la fin des années 1990. L’impression première du visiteur qui pénétrait dans la salle

opérations du CROSS était d’abord un choc, celui de se trouver au sommet d’une falaise à soixante-dix mètres au-dessus

de la mer face à la Méditerranée et l’entrée de la rade de Toulon, dont les publicités des bateliers apprennent au touriste

de passage à Toulon qu’elle est la plus belle d’Europe…Ensuite, seulement, le visiteur prenait conscience qu’il se trou-

vait dans une salle opérationnelle de dimensions imposantes, avec un parquet flamboyant et des consoles de travail

“high tech”, devant lesquelles les équipes de quart s’affairaient. Les bureaux du directeur et des officiers bénéficiaient

également de cette vue magnifique sur la mer. J’ai apprécié sans aucune modération cette vue grandiose pendant les

quatre années et demies passées à La Garde...J’aimais en particulier m’y retrouver le soir, à la nuit tombée, pour profiter

du silence et de la vue apaisante de la mer, loin du brouhaha de la salle opérations.

Le CROSS n’avait pas été bâti d’un seul tenant, contrairement aux CROSS "circulation” de Manche – Mer du nord,

dans lesquels on retrouvait, en un seul bâtiment, les locaux opérationnels, les locaux de travail et les locaux-vie, comme

sur un bâtiment de combat ou sur un navire de commerce. La première difficulté, à La Garde, était de veiller à entretenir

parfaitement tous ces petits ou grands locaux disséminés dans un espace important, en faisant sien le principe de bon

sens selon lequel prévenir est moins coûteux que guérir. La deuxième difficulté résidait dans le fait que le CROSS était

situé dans un espace boisé remarquable mais particulièrement accidenté, ce qui n’offrait que très peu de possibilité de

construction nouvelle. Il aurait fallu, avant tout projet, mener des études coûteuses et des travaux de terrassements

importants afin de pouvoir libérer du terrain à construire, compatible avec la nécessité de préserver au maximum ces

espaces remarquables et fragiles. Ce handicap était rédhibitoire et pourtant nous manquions d’espace pour construire de

nouveaux locaux-vie à l’intention de nos personnels ; nous connûmes en effet une montée en puissance assez significa-

tive de la population féminine parmi nos personnels officiers mariniers et équipage. Il est aisé à comprendre qu’il n’était

pas question de loger ce personnel en chambrées avec du personnel masculin. Cette donnée obligeait à une gymnastique

savante pour loger décemment l’ensemble du personnel à chaque changement de bordée. Une autre raison militait pour

la construction de locaux d’hébergement, c’était l’évolution des standards de vie : ce qui était acceptable dans les années

1970, à savoir des chambrées de plusieurs lits avec douches et sanitaires communs, “à l’ancienne”, ne l’était tout sim-

plement plus au début du XXIème siècle ! Je nourris une certaine – mais réelle - frustration à l’idée de ne pas avoir

trouvé de solution à cette question durant mon affectation ou, à tout le moins, des pistes d’amélioration tangibles. Par

ailleurs, aucun officier ne disposait d’une chambre particulière et, chaque jour, l’unique chambre du CMS, changeait

d’occupant…

À Aspretto, les choses étaient sensiblement différentes. Le sous-CROSS, dans sa partie opérationnelle, était hébergé

au premier étage du bâtiment de commandement de la Marine en Corse, ce qui présentait un avantage certain, celui de

bénéficier de la protection “sécurité” inhérente à un tel bâtiment. Il n’en restait pas moins que l’entretien de la partie

dédiée au CROSS était, bien entendu, à la charge du CROSS. Lorsque ce dernier fut largement modernisé, dans la

dernière année de mon affectation, le contraste pouvait apparaître surprenant entre un sous-CROSS pimpant et les locaux

du COMAR, qui avaient conservé leur caractère “old fashion”…S’agissant du gîte et du couvert, les personnels du sous-

CROSS disposaient de chambres dans un bâtiment annexe au bâtiment de commandement et ils bénéficiaient de la

restauration de la Marine, le CROSS réglant à cette dernière chaque mois le prix des repas pris par son personnel.

Au plan matériel et technique, le CROSS/MED ne connut pas de grosse rénovation pendant mon séjour, car nous

étions encore dans la période « d’amortissement » de l’opération d’agrandissement / modernisation du bâtiment de

commandement, réalisée à la fin des années 1990. Il est certain que d’un point de vue purement esthétique, le CROSS

ainsi modernisé avait fière allure. Néanmoins, il fallut nous résoudre à mettre fin à ce bel ordonnancement car la néces-

saire modernisation des équipements l’exigeait. Ainsi, nous dûmes réfléchir au remplacement de l’ensemble des équi-

pements radio, avec l’évolution du SGVR (système de gestion des voies radio) en SGVT (système de gestion des voies

de transmission) « V1 » (première génération). Cette avancée technologique nous fit réellement franchir un cap car elle

constitua les prémisses de la modernisation complète des équipements radio des CROSS de métropole, qu’on appela

poétiquement « SGVT V2 » et qui fut réalisée dans les années 2010-2013.

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Au plan technique, toujours, nous assistâmes à un changement significatif dans le mode de transmission du CROSS,

avec l’arrivée du courriel au PC opérations du CROSS. Jusqu’en 2005-2006, la messagerie électronique était réservée

– cantonnée dirais-je - à un usage exclusivement bureautique et administratif sans que le PC opérations puisse bénéficier

des nombreuses facilités que cet outil offrait à ses utilisateurs. Au CROSS, les transmissions “opérationnelles” étaient

placées sous le monopole exclusif du PC Télec, au sein duquel les transmetteurs régnaient en maîtres incontestés et

sourcilleux. Avec l’aide précieuse et décisive des techniciens du CROSS, je réussis, non sans mal, à imposer l’idée que

nous devions passer à l’ère numérique. Nous nous organisâmes alors en vue d’instaurer la messagerie électronique pour

les besoins opérationnels du CROSS, ce qui signifia le quasi-abandon du bon vieux télex pour environ 95 % de notre

activité de transmission opérationnelle. Cette “petite” avancée technologique transforma complètement le fonctionne-

ment des transmissions du CROSS, ce qui nécessita une adaptation du rôle des uns et des autres, en particulier celui de

l’officier de permanence et des équipes de quart et modifia forcément les habitudes de travail. Je pus mesurer, à cette

occasion, la capacité de l’être humain à résister au changement…Mais, quelques mois après, plus personne au CROSS

n’aurait voulu reprendre les anciennes habitudes de travail ! C’était gagné !

Au plan opérationnel, mes priorités furent très simples à exposer, mais sensiblement plus complexes à mettre en

œuvre… Quatre priorités furent ainsi définies pour le CROSS Méditerranée :

* La démarche qualité

À vrai dire, cette priorité me fut imposée dès mon arrivée par l’administration centrale, car il était important que

tous les CROSS de métropole s’engagent de conserve dans cette voie afin d’obtenir leur certification au titre de la norme

ISO 9001-2008. Je désignai donc un responsable qualité en la personne du directeur adjoint du CROSS, l’OPCTAAM

Dominique DUBOIS, qui s’acquitta de cette tâche avec talent et enthousiasme. Bien sûr, je m’impliquai personnelle-

ment dans le processus, persuadé que nous y arriverions si chacun, à son niveau, apportait sa compétence et sa bonne

volonté. Nous fûmes bien aidés, au niveau central, par mon camarade de promotion l’ACAM Philippe BACQUET,

premier “chargé de mission qualité” de la Direction des affaires maritimes, qui donna l’impulsion nécessaire à la réussite

du projet. Ensuite ce fut un autre camarade de promotion, l’ACAM Pierre MITTON, qui prit sa suite et nous aida à faire

le pas décisif dans ce domaine. Le CROSS Méditerranée, centre principal et centre secondaire confondus, reçut son

“diplôme” de centre certifié au bout de deux années d’efforts constants, à la fin de l’année 2007. Nous pûmes ainsi

exhiber fièrement cette récompense dans la coursive d’entrée du CROSS. Une fois certifiés ”qualité”, il ne nous restait

plus qu’à prouver que nous étions dignes d’être maintenus dans cette distinction, mais je ne nourrissais que peu de

crainte dans ce domaine... Chaque directeur de CROSS met un point d’honneur à faire progresser “son” CROSS et le

processus qualité est indéniablement un bon outil pour définir sa politique et mettre en place les outils destinés à at-

teindre l’objectif ou les objectifs qu’il a préalablement fixés.

* Les accords de partenariats

Un des volets majeurs de la certification “qualité” des CROSS était la clarification de nos relations avec les princi-

paux partenaires opérationnels que nous sollicitions en qualité de coordonnateur des opérations de recherche et de sau-

vetage en mer. Les interlocuteurs privilégiés du CROSS étaient la Marine nationale, la SNSM, les SDIS et la Douane.

Avec la Marine, il fallait mettre à plat et résoudre les sempiternelles questions des relations entre le COM et le CROSS,

que nous devions surveiller avec attention. La démarche “qualité” fut, de ce point de vue, sensiblement positive

puisqu’elle nous permit de réfléchir ensemble, COM et CROSS, à la meilleure façon d’écrire les modalités selon les-

quelles les moyens de la Marine pouvaient être engagés sur sollicitation du CROSS. L’accord de partenariat prévoyait

par ailleurs le mode de résolution des dysfonctionnements constatés par l’un ou l’autre des partenaires. Ainsi, par cet

accord de partenariat, nous allions entretenir des relations apaisées avec un partenaire indispensable et indiscutable.

Avec la Douane, un accord de partenariat nous était très utile car les moyens navals et aériens de cette administration

étaient très souvent sollicités par le CROSS. Autant que je m’en souvienne, sa rédaction ne posa aucune difficulté

particulière. Monsieur Michel AYMERIC, le DAM de l’époque, vint au CROSS le 10 mai 2007 signer avec le président

de la SNSM, l’amiral Yves LAGANE, l’accord de partenariat DAM-SNSM, document qui « inscrivait dans le marbre »

ce qui se faisait depuis toujours, à savoir les conditions d’engagement des moyens de la SNSM par les CROSS. Ce

document constituait la ligne de conduite des CROSS vis-à-vis de la SNSM et vice versa. Avec les SDIS, le processus

fut beaucoup plus long et ardu. Nous commençâmes par rencontrer l’ensemble des colonels des SDIS, département par

département, sachant que nous avions dix interlocuteurs, des Pyrénées orientales jusqu’à la Corse du sud, les Bouches

du Rhône constituant une exception puisque nous y avions deux interlocuteurs, le SDIS et le BMP de Marseille. Malgré

nos efforts, nous ne réussîmes pas à finaliser l’ensemble des accords de partenariat avec nos collègues des SDIS, chaque

département excipant de “spécificités” particulières…Comme il en était de même sur l’ensemble du littoral français le

niveau central « siffla la fin de la récréation » et le dossier fut repris par la DAM et la direction générale de la sécurité

civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

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* La gestion des situations de crise

À mon arrivée au CROSS, je fus frappé par la qualité des équipes de quart et leur savoir-faire dans la coordination

des opérations de recherche et de sauvetage en mer. Ainsi, la réputation du CROSS Méditerranée, qui était connu pour

sa capacité à bien gérer les multiples opérations qui se présentaient à la chaine durant la saison estivale, n’était pas

usurpée, loin de là ! La saison estivale, au demeurant, avait une curieuse tendance à s’allonger, au fil des années, pour

s’étendre des vacances Pâques à celles de la Toussaint…En revanche, ce qui me posa problème dès le départ, ce fut la

question de la gestion d’une opération de grande ampleur impliquant plusieurs dizaines voire centaines de passagers et

de membres d’équipage à bord d’un des très nombreux navires de croisière qui sillonnaient la Méditerranée pendant

une grande partie de l’année. Par définition, ce type de catastrophe maritime ne prévient pas et il faut donc que les

centres de recherche et de sauvetage soient en permanence en capacité de “passer la surmultipliée” pour apporter une

réponse efficace face à un événement d’ampleur exceptionnelle. Je passai donc beaucoup de temps avec les officiers du

CROSS et en particulier l’officier chef du service « opérations », l’AAM Myriam SIBILLOTTE, pour réfléchir et pré-

parer un ordre de service permanent décrivant dans le plus grand détail possible les conditions de la montée en puissance

du CROSS. Il était important que chacun, directeur, officiers, équipes de quart, personnels techniques et de soutien,

équipes de renfort et personnels de repos, connaisse à l’avance son rôle en cas d’occurrence d’un événement maritime

suffisamment important pour justifier une organisation de crise. Les nombreux exercices pratiqués sous l’égide de la

préfecture maritime et avec le concours des SAMU*, en particulier le SAMU du Var, nous furent d’un grand secours

pour rédiger un tel document.1

* La contribution du CROSS au projet Marylin

Lors de l’opération rénovation / agrandissement de sa salle opérationnelle, à la fin des années 1990, le CROSS Mé-

diterranée s’était vu doter d’un système informatique opérationnel performant, réalisé sous la maitrise d’œuvre du

CETMEF. Il s’agissait du SGVR/AIE (système de gestion des voies radio / aide information à l’exploitation), qui per-

mettait de gérer les communications VHF « terre-navire » à partir d’un poste de travail de la salle opérationnelle du

CROSS en choisissant un des émetteurs-récepteurs installés le long des 2000 kilomètres que couvrait le CROSS, entre

la frontière espagnole et la frontière italienne, d’une part, et le littoral de la Corse, d’autre part2. Outre l’aspect « voies

radio », le système avait été conçu pour permettre la gestion informatique des opérations : établissement d’une main-

courante, recherche cartographique, définition d’une zone de recherche en mer, rédaction de messages etc…Les opéra-

teurs du CROSS, chefs de quart et adjoints au chef de quart, maîtrisaient en général assez bien cet outil informatique

car l’acquisition de cette compétence était un préalable nécessaire avant que tout nouvel embarqué au CROSS soit

déclaré apte à être “lâché” au quart “opérations”. Le SGVR/AIE s’était révélé performant lors de son installation au

CROSS Méditerranée et il était prévu que les autres CROSS de métropole soient dotés du même matériel au début des

années 2000. Malheureusement, sans doute que les contraintes budgétaires ne permirent pas de réaliser un tel investis-

sement et seul le CROSS Méditerranée resta “informatisé”, alors que les autres CROSS conservèrent la gomme, le

crayon et les cartes « marine ». À l’usage, le SGVR/AIE comportait néanmoins des défauts, qui se révélèrent rédhibi-

toires à la fin de son existence. En premier lieu, il avait été conçu avant l’avènement de l’internet et il s’agissait d’un

système “fermé”, qui ne permettait pas l’accès au « web » ; ce défaut ou plutôt, cette insuffisance, se révéla rapidement

incommode. Ainsi, les opérateurs ne pouvaient pas, à partir de leurs postes de travail informatique, rechercher les in-

formations des différentes bases de données du ministère (et seulement accessibles par l’internet ou par l’intranet), telles

que celles des marins, des navires ou du MoU3. Deuxième handicap majeur, le produit avait été réalisé en un seul

exemplaire, en conséquence de quoi la maintenance technique du SGVR/AIE se révéla de plus en plus problématique

au fil des années. Elle donna bien des sueurs froides aux techniciens du service technique du CROSS et aux ingénieurs

et techniciens du CETMEF, qui intervenaient en soutien de deuxième niveau et qui accomplissaient de véritables

prouesses pour prolonger la vie de ce système informatique (nos contacts au CETMEF d’Aix-en-Provence étaient MM.

Gilles SOUSSAIN et Yves QUENTEL). Le SGVR/AIE devint donc de plus en plus « dangereux », car il menaçait en

permanence de tomber en avarie, et ce, aux moments les plus inopportuns, par exemple pendant une ou des opérations

en cours. Il devint donc urgent, à partir des années 2005-2006, de réfléchir rapidement, au niveau central, au remplace-

ment du SGVR/AIE du CROSS Méditerranée et à l’implantation dans l’ensemble des CROSS de métropole d’un sys-

tème informatique robuste et de qualité, apte à rendre les services requis pour la gestion des opérations de recherche et

de sauvetage en mer. C’est ainsi que naquît l’idée du projet MARYLIN, qui était une réplique du système en usage chez

1 Depuis lors, les choses ont sensiblement évolué, au plan international et national. Citons la publication de « l’Instruction du Premier ministre du 13 mai 2013 relative à l’établissement des dispositions spécifiques « sauvetage maritime de grande ampleur » de l’ORSEC maritime, de l’ORSEC zonale et de l’ORSEC départementale et modifiant l’Instruction du Premier ministre du 29 mai 1990 relative à l’organisation des secours, de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer et l’Instruction du Premier ministre du 28 mai 2009 relative aux dispositions de l’ORSEC maritime, de l’ORSEC zonale et de l’ORSEC départementale pour faire face aux événements maritimes de grande ampleur ». 2 De mémoire, il devait y avoir plus d’une vingtaine d’émetteurs-récepteurs répartis le long des côtes méditerranéennes du continent et de la Corse. 3 MoU de Paris : Memorandum of Understanding (Mémorandum d’Entente) signé à Paris en 1982 entre 14 États maritimes (et qui en regroupe aujourd'hui 27) sur le contrôle des navires étrangers par l’État du port.

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nos homologues Coast Guards canadiens ; le CROSS Méditerranée apporta une aide précieuse – je dirais même indis-

pensable – à la réussite du projet puisque l’administrateur Myriam SIBILLOTTE, officier “opérations ” du CROSS,

œuvra à la rédaction de son futur cahier des charges. Ce fut, par la suite, l’OCTAAM Nicolas RENAUD qui donna

beaucoup de son temps et de son énergie en contribuant au lancement et à la mise sur orbite du projet MARYLIN, mais

je n’étais plus alors en charge du CROSS Méditerranée…

LES RESSOURCES HUMAINES DU CROSS :

Pendant mon affectation, l’état-major du CROSS connut une certaine évolution, liée essentiellement au déroulement

normal de carrière des officiers. En septembre 2005, il était constitué, au centre principal, de six officiers et, au centre

secondaire, de deux officiers. Outre moi-même, nous trouvions l’OPCTAAM Dominique DUBOIS, qui cumulait les

fonctions de directeur-adjoint et de chef du service intérieur / chef du personnel ; l’AAM Myriam SIBILLOTTE, chef

du service « opérations sauvetage » ; l’AAM Romain GUILLOT, chef du service « opérations surveillances » ;

l’OCTAAM Philippe GAUDIN, chef du service technique ; l’OCTAAM Yannick MESMEUR chef du service finan-

cier. Au centre secondaire de Corse, nous avions deux officiers, l’OPCTAAM Cédric de LA BROSSE et l’OCTAAM

Didier STAMER. À mon départ, au mois de mars 2010, de tous ces officiers, il ne restait plus en poste que l’OPCTAAM

Cédric de LA BROSSE ! Entre-temps, l’OC2CTAAM Dominique BUBOIS avait été remplacé par l’OC2CTAAM Ré-

gis GAILLARD, qui prit la direction du CROSS à mon départ ; l’A1AM Aymeric LE MASNE de CHERMONT suc-

céda à l’AAM Myriam SIBILLOTTE et l’O2CTAAM Jean-Pierre ALBARET remplaça, nombre pour nombre, l’AAM

Romain GUILLOT, mais je décidai de lui confier la fonction de chef du service intérieur / chef du personnel ;

l’OCTAAM Philippe GAUDIN fut remplacé par l’OCTAAM Frédéric GARNAUD, qui ne resta que deux années avant

de rejoindre le CROSS Étel ; l’OCTAAM Nicolas RENAUD devint notre officier “tech” et fut chargé de la mise en

orbite du projet MARYLIN. À Aspretto, l’OCTAAM Jean-Marc CEVAER succéda à l’OCTAAM Didier STAMER et

l’OCTAAM Didier DREVON prit sa suite au bout de quelques années.

A l’été 2008, nous nous retrouvâmes à trois officiers au centre principal, en raison des mutations simultanés de

l’OCCTAAM Dominique BUBOIS, de l’AAM Myriam SIBILLOTTE et de l’OCTAAM Frédéric GARNAUD. Trois

officiers pour assurer l’ensemble des tâches de l’état-major et, bien sûr, les lourdes permanences de l’été, la situation

devenait dangereuse… je tirai frénétiquement la sonnette d’alarme, mais, hélas, les renforts n’arrivèrent qu’au mois de

septembre…parmi ces derniers, l’administration centrale me proposa un officier de marine, le lieutenant de vaisseau

Christian BEAUVAL, ce que je m’empressai d’accepter sans retenue, considérant que l’arrivée d’un officier de marine,

de spécialité opérationnelle, ne pouvait pas nuire au fonctionnement du CROSS, sous réserve que sa formation à nos

métiers et à l’univers des Affaires maritimes fût concluante. Je passai près de deux années avec cet officier et je n’eus

aucune raison de me plaindre de la qualité de ses services, bien au contraire !

La professionnalisation des personnels constitua une préoccupation constante de mon affectation, ainsi que de celles

de mes officiers. Je voudrais ici rendre hommage à l’action de l’OCTAAM Jean-Pierre ALBARET, officier chargé du

service intérieur et du personnel, qui apporta beaucoup de sérieux et de volontarisme pour viser à cet objectif, malgré

la rotation incessante — et usante — des personnels officiers mariniers et équipage. Cette professionnalisation reposait

d’abord sur la maîtrise de l’ensemble des procédures relatives à l’exercice des missions du CROSS, à commencer, bien

sûr, par la recherche et le sauvetage en mer. La formation en langue anglaise constituait par ailleurs une nécessité pour

l’ensemble des personnels. Le CROSS prit diverses mesures pour viser un objectif indispensable, à savoir au minimum

l’acquisition du vocabulaire normalisé de la navigation maritime tel que défini par l‘OMI1. Nous allâmes jusqu’à recru-

ter à temps partiel un professeur de langue anglaise, de nationalité britannique et ancien coureur au large, qui vint

dispenser des cours au profit de nos personnels de tous grades, et ce, quasiment à titre bénévole... Mais hélas, les finances

du CROSS ne permirent pas de maintenir cet effort, pourtant bien modeste, sur une longue durée...

Le plan d’armement en personnels officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots était suffisant en nombre, du

moins lorsqu’il était parfaitement respecté par notre pourvoyeur de moyens, la Marine nationale, ce qui était générale-

ment le cas. Il était toutefois important de suivre cette question avec la plus grande attention, car le plan d’armement

était défini au plus juste et nous n’avions pas de “gras ” en réserve. L’OCTAAM Jean-Pierre ALBARET et le maître

principal capitaine d’armes du CROSS surent anticiper au maximum les rotations de personnels et les éventuels « trous »

à combler. Les principales difficultés ne provenaient pas du nombre mais, tout d’abord, de la rotation incessante du

personnel, surtout celui qui nous arrivait de la “flotte ”, par rapport à la population des guetteurs sémaphoriques, souvent

plus stable et disposant d’un prérequis en termes de connaissance des missions du CROSS. La rotation rapide du per-

sonnel nécessitait que le service “formation” tourne à plein régime tout au long de l’année pour que le personnel arrive

au “quart opérations” avec une maîtrise minimale satisfaisante des missions et des procédures. Il fallait aussi déceler,

parmi les arrivants, ceux qui, manifestement, ne feraient pas l’affaire et qui devraient être remplacés par du personnel

plus adapté aux spécificités du CROSS…

1 Phrases normalisées de l’OMI pour les communications maritimes (SMCP)

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Je considérais que le point faible des CROSS était le personnel, en raison du manque de longévité des affectations

de nos officiers mariniers et équipage, ce qui ne permettait pas d’entrevoir une professionnalisation des fonctions de

“chefs de quart” et d’“adjoints au chef de quart”. D’une part, le CROSS ne cessait de se moderniser, avec l’informati-

sation croissante des matériels et des outils techniques à notre disposition, ainsi que la perspective du système d’infor-

mation ultramoderne MARYLIN. D’autre part, les métiers et les procédures connaissaient une certaine

complexification, en raison, notamment, de la démarche “qualité ” qui ne pouvait autoriser l’“à peu près” dans notre

façon de conduire les opérations : il était donc impératif de maîtriser sur le bout des doigts les missions et les procédures,

à quelque niveau que l’on se situât dans l’échelle du CROSS. À contrario, nous n’arrivions pas à avancer dans l’idée

d’une professionnalisation de nos personnels, qui n’étaient, pour la plupart, venus au CROSS que le temps d’une affec-

tation avant de repartir de nouveau dans la Marine. Nous avions affaire non pas à des professionnels mais à des néo-

phytes auxquels il fallait apprendre le b a-ba de nos métiers…Nous avions réussi à construire et développer nos CROSS,

mais, mille fois hélas, pas les crossmen…

Un autre aspect de la formation des personnels m’avait frappé à mon arrivée, c’était l‘absence de toute formation au

stress, alors que les équipes de quart et les officiers de permanence (y compris le directeur) avaient à gérer de situations

qui pouvaient générer un stress important. Je pris contact avec le Bataillon des marins-pompiers de Marseille et con-

vainquis le médecin psychologue du bataillon de venir prononcer une série de conférences au CROSS sur la gestion du

stress. Il me conseilla d’aller plus loin et de mettre en place une formation adéquate au bénéfice des personnels officiers,

officiers mariniers et équipage. Ce fut grâce à des contacts avec l’école nationale de la marine marchande de Marseille

que nous pûmes mettre en place une formation sur la gestion des situations de crise. J’ignore si mes successeurs ont

continué dans cette voie, mais je suis pour ma part persuadé que ce type de formation ne peut que contribuer à améliorer

les conditions dans lesquelles les officiers et les personnels accomplissent leurs missions opérationnelles.

Les services de l’administration centrale et ceux de la direction régionale des Affaires maritimes de Marseille furent

des soutiens permanents sur tous les sujets évoqués ci-dessus, et sans leur concours nous n’aurions pas pu faire avancer

les choses correctement. Au plan local, l’administration centrale invita les CROSS à signer des conventions avec les

services de la direction départementale de l’Équipement (DDE), qui se révélèrent un partenaire bien utile pour la gestion

des affaires immobilières et la réalisation des différents investissements programmés. Le CETMEF, quant à lui, dispo-

sait d’une antenne à Aix-en-Provence, dont la petite équipe d’ingénieurs et techniciens apporta un concours précieux au

CROSS, en particulier dans la délicate maintenance du système SGVR/AIE déjà évoquée plus haut. La DCNS devint

de plus en plus présente au CROSS, au fil de années, que ce soit pour la mise en œuvre du système de surveillance

« SPATIONAV V1 »* puis « SPATIONAV V2 »1* ou, plus tard, celui de MARYLIN. L’implantation toulonnaise de

son siège joua à n’en pas douter un rôle important dans la réussite de ce partenariat prometteur.

La zone de responsabilité du CROSS

Le CROSS Méditerranée comprend son centre principal à La Garde (Var) et son centre secondaire à Aspretto (Corse

du sud). Le centre principal (CROSS/Med La Garde) a compétence sur l’ensemble de la zone de responsabilité dévolue

à la France en Méditerranée occidentale. Cette zone, qui s'étend sur 115 000 km² est délimitée, au Nord, par la côte

française, de la frontière espagnole à la frontière italienne. Elle englobe, à l’Est, la Corse et s'étend, au Sud, jusqu'au

39ème parallèle de latitude nord, en excluant les îles Baléares et la Sardaigne. La limite sud de notre zone est contiguë

avec la SRR2 algérienne. Le centre secondaire d’Aspretto (CROSS/Med en Corse) conduit, grosso modo du lever du

jour à la nuit tombée, la totalité des missions sur le littoral de la région Corse jusqu’à 20 milles nautiques au large (et

ponctuellement plus au large), à l'exception de la côte orientale de l'île (en raison de la limite de la SRR). Je me souviens

d’avoir fait réactiver à plusieurs reprises de nuit le sous-CROSS Corse, à la suite du déclenchement d’opérations néces-

sitant la présence de l’équipe de quart du sous-CROSS en passerelle.

* *

1 SPATIONAV est un système d’information dont la conception et l’évolution ont été menées par le ministère de la Défense. L’opération « Spationav V2 » fournit à la Marine nationale et aux principales administrations impliquées dans l’action de l’État en mer un système de surveillance en temps réel des approches maritimes en métropole et en zone Antilles – Guyane, leur permettant de bénéficier d’une image tactique de la situation maritime afin de préparer et conduire leurs actions respectives en matière d’action de l’État en mer. (Sources : Ministère de la Défense) 2 SRR : search rescue region (région de recherche et de sauvetage) ; Décret n° 85-580 du 5 juin 1985 portant publication de la convention inter-nationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR 1979), faite à Hambourg le 27 avril 1979.

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LES ACTIONS

En 2005, le CROSS Méditerranée allait fêter ses trente-sept années d’existence. Il était donc parfaitement connu,

reconnu et légitime dans ses fonctions de centre de coordination de la recherche et du sauvetage des personnes en

détresse en mer. Les actions que je dus mener avec les officiers et les équipes du CROSS furent de consolider les acquis

de nos prédécesseurs. Il s’agit essentiellement d’avancer dans la rédaction et la signature d’accords de partenariat avec

les principaux acteurs concourant à l’action de l’État en mer, la Marine nationale, la Douane, la Gendarmerie, les SDIS

et, bien sûr, la SNSM.

Entre septembre 2005 et mars 2010, je servis sous l’autorité opérationnelle de trois préfets maritimes, les vice-

amiraux d’escadre Jean-Marie VAN HUFFEL, Jean TANDONNET et Yann TAINGUY. Je n’eus qu’à me louer des

relations avec ces trois préfets maritimes, chacun d’eux exerçant ses responsabilités avec sa personnalité et son style

propres. Ils ont toujours montré une certaine “affection” pour le CROSS et ils savaient qu’ils pouvaient s’appuyer sans

crainte sur sa réactivité et son professionnalisme. Ils avaient à leur disposition deux centres opérationnels, le COM et le

CROSS et je n’ai jamais ressenti de leur part un sentiment de “défaveur” à l’égard du CROSS, bien au contraire ! En

ma qualité de directeur de CROSS, j’avais un accès direct et privilégié à mon préfet maritime. Cette position était

rassurante car je savais pouvoir m’ouvrir à lui personnellement, sans intermédiaire, pour évoquer tel ou tel problème.

Bien qu’ayant un accès direct au préfet maritime, au quotidien, je m’imposais de respecter la hiérarchie de la préfecture

maritime en privilégiant les relations avec le commissaire général de la Marine adjoint au préfet maritime pour l’action

de l’État en mer ; c’était lui mon principal interlocuteur à la préfecture maritime. Je travaillai successivement avec le

commissaire général de la Marine Olivier LAURENS, pendant une assez courte période, puis le commissaire général

de la Marine Alain VERDEAUX, auprès duquel se déroula la majeure partie de mon affectation et, enfin, durant les

tout derniers mois de ma présence au CROSS, avec le commissaire général de la Marine Jean-Loup VELUT.

Les relations avec les administrations concourant à l’action de l’État en mer étaient loyales et professionnelles. Je

n’ai pas le souvenir que la Marine, la Douane et la Gendarmerie, pour ne citer que les principaux interlocuteurs du

CROSS dans l’AEM, aient jamais “lésiné” sur l’engagement de leurs moyens nautiques ou aériens, lorsque la situation

l’exigeait. Au final, l’organisation de l’action de l’État en mer* « à la française » faisait preuve, dans les missions de

routine comme lors d’opérations plus lourdes, d’une réelle efficacité, malgré les spécificités et les missions propres que

chacune d’entre elles exerçait par ailleurs. Comme je l’ai indiqué plus haut, la préparation et la signature des accords de

partenariat avec nos interlocuteurs de l’AEM furent très bénéfiques pour chacun d’entre nous, dans la mesure où ils

nous permirent de clarifier les éventuels points de divergence quant aux procédures d’engagement de leurs moyens

navals ou aériens sur sollicitation du CROSS. L’accord de partenariat avec le COM, en particulier, nous permit de

mettre au point un système de FAQ (fiche d’amélioration de la qualité), destiné à permettre de tirer parti de tout dys-

fonctionnement constaté dans le processus d’engagement des moyens, ce qui ne pouvait qu’améliorer le fonctionnement

de l’organisation SAR en place. Bien sûr, il fallut faire acte de pédagogie, pour que chacun prenne conscience que

l’émission d’une FAQ n’était pas un “carton jaune”, bien au contraire, mais était destiné à améliorer les conditions

d’exercice de nos métiers. Une fois que le CROSS avait obtenu l’accord d’une administration en vue de l’engagement

d’un de ses moyens, les contacts avec la ou les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel à la mer s’exer-

çaient sans aucune difficulté. Il était toutefois impératif que nous tenions informée l’autorité organique dudit moyen, au

fur et à mesure du déroulement de l’opération et, en fin d’opération, par message SITREP1.

Les vedettes et canots de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) étaient - et demeurent ! – parfaitement

dévoués à la cause du sauvetage en mer. Le CROSS Méditerranée était l’“autorité” opérationnelle de 47 (de mémoire)

stations SNSM le long du littoral continental et de la Corse. Il était important, d’une part, que nous rendions visite

régulièrement à chaque station SNSM afin de bien connaître nos interlocuteurs et, d’autre part, que nous soyons connus

de chacune d’entre elles autrement que par la voix des opérateurs du CROSS au téléphone ou à la VHF. Les relations

avec le CROSS étaient excellentes dans la très grande majorité des cas et nous pouvions compter sans faille sur l’en-

thousiasme et la loyauté des équipages de la SNSM. Bien sûr, nous eûmes à connaître un dossier délicat, celui des

relations entre les remorqueurs privés et deux ou trois stations SNSM du littoral. Il s’agissait tout au plus de quelques

dizaines d’opérations d’assistance-sauvetage par an, alors que le CROSS coordonnait près de 3000 opérations chaque

année et que la SNSM intervenait pour environ 60 % d’entre elles ! Ces chiffres auraient dû nous permettre de relativiser

le problème, mais le dossier était complexe et les arguments tenus par les deux parties étaient légitimes de part et d’autre.

Le CROSS, quant à lui, fort du soutien indéfectible de ses autorités, le DAM, le directeur régional et, surtout, le préfet

maritime (par son action personnelle et celle de son adjoint pour l’action de l’État en mer, le commissaire général de la

Marine Alain VERDEAUX), faisait de son mieux pour que la situation sur le terrain ne dégénère pas entre des acteurs

mus par des sentiments exacerbés. En 2007, l’administration centrale missionna deux sages, l’amiral Gérard GAZZANO

et l’administrateur général Bruno BARADUC afin de rédiger des propositions visant à régler une situation devenue

assez inextricable. Les missionnaires firent un certain nombre de recommandations qui furent reprises in extenso dans

une instruction du directeur des Affaires maritimes, laquelle instruction fut mise en œuvre sans délai par le CROSS. La

1 SITREP : SITuation REPort, message normalisé utilisé par les centres de recherche et de sauvetage, conformément aux préconisations du manuel IAMSAR (International Aeronautical and Maritime Search and Rescue) de l’OMI.

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situation demeura toutefois très sensible et toutes les opérations coordonnées par le CROSS dans le secteur concerné se

déroulèrent désormais avec une attention tout particulièrement soutenue…

Les hélicoptères de la Marine nationale et de la Gendarmerie nationale étaient très souvent sollicités par le CROSS.

Les deux types d’hélicoptères étaient très opérationnels et parfaitement coopératifs. Nous sollicitions très régulièrement

l’hélicoptère Dauphin de la Marine nationale, basé à Hyères, pour tout type d’opération et sa capacité d’action était tout

à fait satisfaisante puisqu’il pouvait intervenir jusqu’à une distance d’environ 80 milles marins de sa base. De jour, la

réactivité de l’équipage était remarquable, puisqu’il pouvait décoller en moins de trente minutes à partir du « feu vert »

donné par le COM de Toulon. De nuit, les délais n’étaient guère plus longs puisqu’ils étaient d’environ 45 minutes.

Lorsqu’une équipe du SAMU 83 devait embarquer à bord de la machine il fallait bien sûr qu’elle puisse rallier en voiture

la base aérienne et le délai de ralliement était alors lié à l’état du trafic routier. Dans l’ensemble, les procédures étaient

très bien rôdées et nous avions affaire à des vrais “professionnels”. S’agissant de l’hélicoptère de la Gendarmerie natio-

nale, également basé à Hyères, sa spécialité était plutôt l’intervention au profit des accidentés de la plongée mais il était

disponible – et sollicité ! - pour tout autre type d’intervention, sous réserve de la limitation de son rayon d’action vers

le large qui était, naturellement, nettement inférieure à celle du Dauphin.

Il existait d’autres hélicoptères, ceux de la sécurité civile, à raison d’un par département côtier et de la Douane, basés

à Hyères. Les hélicoptères de la sécurité civile intervenaient pour tout type d’opération, même si les équipages étaient

généralement moins amarinés que ceux du Dauphin ou de la Gendarmerie nationale. Ils rendaient toutefois d’excellents

services et les procédures d’engagement étaient bien au point avec le COZ de Valabre (13), grâce à l’accord de parte-

nariat ad hoc. Quant aux hélicoptères de la Douane, ils étaient très utiles pour les opérations de recherche en mer. Là

aussi, les équipages étaient vaillants et motivés, et il était rassurant, pour le CROSS, de pouvoir compter sur un tel

potentiel d’hélicoptères. Les gros hélicoptères super-frelons étaient relativement peu souvent engagés à la demande du

CROSS, principalement en raison des délais de décollage de ces machines, qui étaient – du point de vue du coordonna-

teur de la mission ! – jugés trop longs, car approximativement de quatre heures. Il faut dire que les super-frelons fêtèrent

le quarantième anniversaire de leur existence en 2008 ! D’une part, il devait rester sans doute peu de machines en réelle

capacité opérationnelle et, d’autre part, les périodes d’entretien s’allongeaient au fil des années. Par ailleurs, les héli-

coptères NH90, successeurs des super-frelons, n’avaient pas encore été mis en service opérationnel à cette époque-là et,

fort heureusement, nous n’eûmes pas à coordonner d’opération située au-delà de la zone d’action du Dauphin de la

Marine nationale…En raison de la réorganisation des moyens de l’aéronavale en Méditerranée, les avions de patrouille

maritime de la Marine nationale (Atlantique et Falcon) avaient peu à peu quitté la Méditerranée pour rejoindre la basse

Bretagne, à Lann Bihoué. Par voie de conséquence, les délais de mise en œuvre, via le COM Toulon, furent rallongés

par comparaison avec ce que nous avions connu antérieurement. Les CMS durent prendre ce facteur en ligne de compte

dans le déroulé des opérations nécessitant de longues recherches au large et faire preuve d’une bonne capacité d’antici-

pation, mais n’est-ce pas là la marque d’un bon CMS ? Malgré ce handicap, nos demandes auprès du COM pour la mise

en œuvre d’un aéronef de patrouille maritime ont toujours reçu le meilleur écho auprès des OPEM, ces derniers faisant

généralement leur possible pour satisfaire les sollicitations du CROSS dans les meilleurs délais. Ces « temps morts »

pouvaient – devaient ! - de toute façon être mis à profit pour peaufiner le travail de réflexion et d’analyse concernant

les détails des recherches à mener. Par ailleurs, ce type d’opérations était relativement peu fréquent en Méditerranée car

les missions de recherche sur un grand espace maritime ne constituaient pas le lot quotidien du CROSS. Cette situation

nous conduisit, lorsque le besoin s’en faisait sentir, à faire appel de plus en plus souvent aux moyens aéronavals de la

Douane, basés à Hyères. La mission de recherche et de sauvetage en mer rejoignait ainsi souvent celle de la Surmar

(surveillance maritime), voire celle de la “POLMAR” (surveillance des pollutions maritimes), dont ces aéronefs étaient

les spécialistes.

Lorsqu’une opération avait mobilisé des moyens aériens significatifs de recherche et de sauvetage, nous organisions,

dans les jours suivants, une réunion “retex” (retour d’expérience) avec nos partenaires opérationnels1, ce qui nous per-

mettait, outre le fait de procéder à une critique constructive de l’opération telle qu’elle avait été conduite (en salle

opérations et sur le théâtre des opérations), de passer ensemble un moment de commensalité, au CROSS ou à la base

aérienne.

La presse et les médias locaux jouaient un rôle important dans le “faire savoir” du rôle du CROSS puisque nous

nous devions de les informer quotidiennement des opérations menées, en situation de routine. Lorsqu’une opération

d’ampleur significative ou une série d’opérations (par exemple plusieurs accidents de plongée dans un même départe-

ment à quelques jours d’intervalle) faisaient la « une » des journaux télévisés, nous nous entendions avec le service

communication de la préfecture maritime pour nous partager les rôles. Si le CROSS répondait sans difficulté aux ques-

tions des journalistes, dès que les contacts exigeaient une réponse plus professionnelle (en termes de communication) il

était normal que cette fonction fût assumée par la cellule ad hoc de la préfecture maritime, dont c’était la mission. Cela

délivrait le CROSS de cette charge et le CMS n’avait plus alors qu’à fournir aux « communicants » les éléments tech-

niques factuels, à charge pour eux de les traduire en éléments de langage pour la presse. Traditionnellement, les grands

médias nationaux consacraient du temps d’antenne au sauvetage en mer pendant la saison estivale, période qui coïncidait

1 Cette procédure devint systématique lorsque le CROSS obtint sa certification « qualité » au titre de la norme ISO 9001-2008, à la fin de l’année 2007.

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généralement avec les vacances du personnel politique et la mise en sommeil (toute provisoire) des grands dossiers

d’actualité générale, ce qui faisait que leurs reportages au CROSS n’étaient pas rares, loin de là. Je me souviens que

TF1 avait pris ses quartiers, pendant une certaine période, dans une villa, louée pour ses équipes de journalistes et de

techniciens, afin de couvrir les activités mondaines qui se déroulaient du côté du Cap Nègre. Ils n’avaient pas trouvé

mieux que de s’installer…chemin du Fort Sainte Marguerite, à quelques encablures du CROSS ! Cette proximité insolite

nous valut évidemment des visites de leur part, pour “mettre en boîte” des images d’archives, “au cas où” … Le qua-

rantième anniversaire de la création du CROSS Méditerranée, à l’automne 2008, fut l’occasion d’inviter un grand

nombre de médias locaux et nationaux et la couverture médiatique fut plus que satisfaisante. En 2008, le temps n’était

plus pour le grand public de découvrir l’existence d’un CROSS aux portes Est de Toulon, cela, il le savait déjà – du

moins le public plaisancier averti des choses de la mer -mais de faire valoir que notre structure avait atteint un âge –

déjà ! - respectable en rendant depuis quatre décennies un « service au public » tout aussi discret que méritoire dans la

recherche et le sauvetage en mer Méditerranée. Le CROSS Méditerranée s’était fait, en raison de l’importance de cette

pratique en Méditerranée, le spécialiste des accidents de plongée, autonome ou en apnée. Il est vrai que chaque année

nous comptions plusieurs dizaines d’accidents (ou d’incidents) de plongée (avec, hélas, bien des décès à déplorer) qui

nécessitaient le concours des services de secours et de sauvetage : CROSS, hélicoptères de la Marine ou de la Gendar-

merie, SAMU, SDIS et SNSM. Dans ce domaine, comme dans d’autres, nous continuâmes à maintenir les liens que

tous nos prédécesseurs avaient patiemment et scrupuleusement tissés avec les clubs, structures et associations de plon-

geurs sous-marins afin de faire, encore et encore, de la pédagogie et de la prévention. À l’instar de Sisyphe, il fallait

sans cesse, année après année, œuvrer pour faire prendre conscience aux pratiquants, anciens ou novices, que la plongée

était un sport comme un autre, certes, mais qu’il convenait de ne jamais oublier d’ajouter « à risques assumés ». Nous

fûmes, de ce point de vue, parfaitement en phase avec les services de la direction départementale de la jeunesse, des

sports et des loisirs du Var, qui, compte tenu de l’importance de cette pratique dans le Var, disposait d’une chargée de

mission “activités sous-marines”. Ainsi, nous travaillâmes de concert avec cette chargée de mission Madame Isabelle

EYNAUDI, qui forma avec l’AAM Myriam SIBILLOTTE, puis avec le successeur de cette dernière, l’AAM Aymeric

LE MASNE de CHERMONT, un tandem remarquable dans son action de prévention des accidents de plongée sous-

marine.

Le rôle du directeur du CROSS

Le directeur du CROSS assumait son rôle de directeur des opérations de recherche et de sauvetage en mer, en sa

qualité de représentant permanent du préfet maritime et chef d’un centre de coordination de sauvetage maritime. Comme

les officiers du CROSS, j’assumais mes tours de permanence comme « coordonnateur de la mission de sauvetage »

(CMS) avec un (très léger) traitement de faveur lorsque je devais me déplacer à Paris, sur le littoral ou en Corse pour

des réunions de travail, ce qui arrivait relativement souvent. Je n’ai jamais considéré mes tours de permanence comme

une corvée, mais, au contraire, comme un moyen d’observation privilégié de mon CROSS. Certes, les périodes estivales

étaient particulièrement lourdes pour les organismes, car, généralement, nous étions de service à raison d’un jour sur

trois, ce qui mettait à rude épreuve la résistance physique des CMS. Outre les tours de permanence, j’assurais, grâce à

l’aide – ô combien ! - précieuse mais envahissante de mon téléphone mobile, le soutien de mes officiers lorsqu’ils

éprouvaient le besoin de me joindre ; il fallait en effet qu’ils puissent, soit me rendre compte d’une opération en cours

ou, tout simplement, échanger avec moi sur la conduite à tenir lors d’une opération un peu délicate. Je n’ai jamais

reproché à mes officiers de m’appeler pour me demander conseil ou pour exprimer un doute ou une difficulté, considé-

rant que s’ils m’appelaient c’était qu’ils en éprouvaient le besoin, connaissant bien moi-même la solitude du CMS…

Directeur du CROSS, j’assumais mon rôle de communication interne, à l’intention des autorités locales et nationales

et, naturellement, des interlocuteurs externes, la presse en particulier. S’agissant des médias, le CMS était l’informateur

de premier niveau en situation de routine, pour les informer des affaires en cours. S’il s’agissait d’une opération signi-

ficative ou d’une affaire particulière, susceptible d’être médiatisée, par exemple une affaire impliquant une personnalité

connue, les consignes permanentes du directeur prévoyaient les dispositions à prendre : prévenir le directeur pour qu’il

puisse prendre la communication à son niveau et déterminer avec la préfecture maritime la conduite à adopter. Il était

important de conserver à l’esprit que le rôle de communication était indispensable mais qu’il ne devait absolument pas

prendre le pas sur la fonction essentielle et première du CROSS, qui était la mission de coordination de la recherche et

du sauvetage en mer. Et, comme disent nos amis légionnaires, « la mission est sacrée »…

Pendant le déroulement d’une opération, le CMS était l’interlocuteur des familles, et ce, au fur et à mesure du dé-

roulement des opérations, le directeur prenant sa part, le cas échéant, dans l’information des proches de la ou des per-

sonnes recherchées. J’ai en tête le souvenir d’une opération, dont je reparlerai plus loin, celle du naufrage du voilier

L’ACCROCH'CŒUR, pendant laquelle le CMS, qui était l’OCTAAM Philippe GAUDIN, et moi-même, étions assis côte-

à-côte, au bureau du CMS, chacun téléphonant aux proches des victimes pour les tenir informées des suites de l’opéra-

tion de recherche…Mais il y en eut bien d’autres comme celle-là et heureusement toutes ne furent pas aussi dramatiques.

« Porteur de mauvaises nouvelles », c’est, je crois, le rôle de tous les responsables des services de secours et de sauve-

tage que d’annoncer aux proches les résultats infructueux des recherches entreprises, voire le décès de la ou des per-

sonnes recherchées. J’assumais ce rôle pour ce qui concernait les plaisanciers et les pratiquants de loisirs nautiques.

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Mais, en Méditerranée je n’ai connu que très peu d’accidents mortels impliquant des marins professionnels. Autant que

je m’en souvienne, c’était alors le chef du quartier (ou le directeur départemental des Affaires maritimes) qui se chargeait

des contacts avec la famille, selon les usages en vigueur dans le milieu maritime.

La responsabilité de prendre la décision d’arrêt des recherches dirigées lors d’une opération et d’en informer les

familles en cause était une décision grave qu’il ne fallait pas prendre à la légère. Il était important de bien réfléchir aux

conséquences (y compris psychologiques, voire médiatiques) qu’une telle décision pouvait entraîner, avant de l’annon-

cer officiellement. Sauf exception, j’en rendais compte préalablement au commissaire général de la Marine Alain

VERDEAUX et il s’agissait, somme toute, d’une décision “collective”, même si juridiquement elle appartenait en der-

nier ressort au préfet maritime en sa qualité de responsable des opérations de recherche et de sauvetage des personnes

en détresse en mer.

Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

Je ne conserve que très peu de souvenirs de réelles difficultés rencontrées par le CROSS concernant la transmission

des alertes, que ce soit dans le retard pris dans le cheminement de certaines alertes, tant par des particuliers que par des

services publics, préjudiciable à la réussite de certaines opérations pouvant se conclure par des bilans dramatiques. Bien

sûr, nos partenaires des SDIS avaient parfois tendance à traiter une opération directement après avoir reçu l’alerte par

téléphone, car certains sapeurs-pompiers considéraient qu’il était de leur devoir de réagir rapidement au titre du ‘’prompt

secours’’. Pour le CROSS, dès lors qu’il était saisi d’une affaire ‘’après coup’’, il fallait reprendre calmement tous les

éléments d’information, sans polémique inutile et, surtout, sans que nos usagers aient à pâtir en quoi que ce soit de ce

léger dysfonctionnement, si dysfonctionnement il y avait eu.

Bien entendu, il convenait, après l’opération, que chaque service concerné puisse faire le point pour clarifier la

situation. Je considérais que cette analyse a posteriori devait – sauf exception - s’effectuer au niveau des chefs de service

« opérations ». En cas de difficulté, bien sûr, l’officier « opérations » du CROSS savait que je prendrais contact avec le

colonel du SDIS concerné. Lorsque cela m’arriva, je ne perçus jamais de réelle difficulté de principe de leur part. Les

tirs de fusées rouges constituaient un moyen commode de signaler une alerte mais son usage était quelquefois, voire

souvent abusif. Le nombre de fausses alertes était, année après année, important, aux alentours d’une centaine par an

selon mes souvenirs, ce qui représentait près d’un tir “pour rien” par jour ! Et bien sûr, il fallait aussi compter les jours

« spéciaux » (jour de l’An et 14 juillet…), pendant lesquels les tirs se multipliaient sur la côte et dans les ports... Ce que

les plaisantins qui s’amusaient à tirer des fusées rouges ignoraient (parfois) c’est que ce genre d’événements nécessite

toujours l’engagement des moyens de l’État et, surtout, des bénévoles de la SNSM. Les patrouilles terrestres de police,

de gendarmerie ou de sapeurs-pompiers étaient également envoyées sur la côte, « au cas où » et il n’était pas rare qu’elles

y trouvent les restes calcinés des fusées…mais, hélas, rarement les auteurs de ces forfaits…Il n’en reste pas moins qu’à

quelques occasions, la chance joua pour nous et, grâce à la ténacité des services de police ou de gendarmerie, des

poursuites judiciaires purent être engagées par le Procureur de la République à l’encontre de ces individus.

La décennie des années 2000 a coïncidé avec la généralisation du téléphone mobile, ce qui a modifié de façon, je

crois, assez significative les conditions d’exercice de la mission SAR. Nous nous trouvâmes clairement en présence de

deux populations maritimes distinctes, d’une part, les « marins », c’est-à-dire ceux qui détenaient une VHF à leur bord

et qui savaient l’utiliser et, d’autre part, les « marins occasionnels », qui n’avaient qu’un téléphone mobile à leur dispo-

sition pour prendre la mer. Il est indéniable que l’arrivée du téléphone portable dans le domaine des activités maritimes

a permis aux usagers de la mer de contacter plus facilement les services de secours et de sauvetage, en cas de besoin.

Cette nouvelle technologie a sans doute permis au CROSS d’apporter aide, assistance et sauvetage à des personnes en

détresse, supposée ou avérée en mer.

Les statistiques des CROSS doivent sûrement abonder de données sur les opérations à l’origine desquelles on trouve

un appel téléphonique effectué par mobile au CROSS, à un SDIS, voire à un proche à terre. Il faut bien sûr opérer la

distinction entre un besoin « avéré » objectivement et un besoin ressenti par un usager tout seul sur son navire, livré à

un sentiment de panique ou d’angoisse. Même si cela peut paraître caricatural, je me souviens de quelques appels au

CROSS d’usagers en mer se plaignant du mal de mer, par exemple, auquel cas le CROSS ne pouvait que leur suggérer

de regagner la terre ferme au plus vite ou, s’ils en avaient dans leur trousse médicale, de prendre un médicament contre

le mal de mer…Mais, dans la plupart des cas, le téléphone mobile était quand même bien utile. Il n’en reste pas moins

qu’en toute occasion, lors de nos contacts avec la presse ou les plaisanciers, il nous fallait militer pour, non pas proscrire

l’utilisation du téléphone portable, ce qui aurait été complètement contreproductif, mais faire de la pédagogie en expli-

quant combien l’usage de la VHF était préférable en mer1.

1 Depuis 2014 la France a adopté le numéro d’appel gratuit 196 aux CROSS. Ce numéro a été choisi car il rappelle le canal 16 de la VHF et l’ancien numéro 16 16, ce dernier étant hors service depuis juillet 2011. Il est rappelé qu’en mer, c’est le canal 16 de la VHF qui est le moyen le plus approprié pour donner l’alerte et communiquer avec les sauveteurs, le 196 étant plutôt destiné aux appels effectués depuis la terre ferme, par exemple par des témoins constatant la présence d’une embarcation en détresse depuis le rivage. (Source : secourisme.net)

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La surveillance des plages

Dans la zone dite des 300 mètres, les dispositifs de surveillance et de sauvetage étaient très importants pendant la

saison estivale, de juin à septembre. Il est difficile d’estimer avec précision le nombre d’estivants et de résidents médi-

terranéens qui pratiquent les activités de baignade et de loisirs nautiques dans la zone des 300 mètres pendant la belle

saison, mais il est certain que les communes littorales ont toutes, sans exception, intégré cet élément incontournable des

régions méditerranéennes, en prenant depuis longtemps les mesures de surveillance et de secours adéquates pour enca-

drer ces activités. Bien en amont du début de la saison estivale le CROSS effectuait un travail de collecte d’informations

auprès de toutes les communes littorales des neuf départements côtiers de la Méditerranée (Corse et continent) afin de

mettre à jour les données concernant les postes de plage (coordonnées des responsables, moyens de secours etc.). Ce

lourd travail, pour fastidieux qu’il soit, était à réaliser chaque année avec la plus grande précision et il se révélait parti-

culièrement utile lorsque venait le temps du déferlement des « estivants » sur la côte…Nous retrouvions tous les cas de

figure sur nos plages méditerranéennes, qui étaient – sont – surveillées par l’ensemble des moyens classiques, en fonc-

tion des choix de la mairie concernée : sapeurs-pompiers, CRS et police nationale, police municipale, gendarmerie

nationale et, bien sûr, les sauveteurs côtiers de la SNSM. Il était important d’avoir une vision claire du « qui faisait

quoi » dans une zone très encombrée l’été…Un de mes pires souvenirs dans la zone des 300 mètres se réfère aux violents

coups de vent d’été qui se déclenchent épisodiquement, par exemple dans le département de l’Hérault (mais ce n’était

pas le seul), avec beaucoup d’opérations concernant des engins de plage. Nous connûmes assez souvent des accidents

en rafale, certains occasionnant plusieurs décès ou disparitions, notamment d’enfants ou de jeunes adolescents…

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Tous mes prédécesseurs l’ont écrit et mes successeurs l’ont constaté (ou le constateront !) également, le CROSS

Méditerranée est voué, par l’importance de la navigation de plaisance au moteur et la pratique des loisirs nautiques, à

gérer une population de plaisanciers souvent inexpérimentée, peu autonome, mais exigeante. On a beaucoup écrit sur le

fait qu’elle était une population “consommatrice de secours”, ce qui me semble assez exact. D’année en année on ne

fait que constater une augmentation constante du nombre d’opérations de recherche et de sauvetage, ce qui accroît

l'intensité opérationnelle de la saison estivale, qui a tendance à commencer plus tôt, aux alentours de Pâques, pour se

terminer plus tard, vers la Toussaint, pour peu que les conditions météorologiques s’y prêtent. J’ai évoqué plus haut le

dossier délicat des relations entre les remorqueurs privés et la SNSM dans certains secteurs de la côte ; il n’est guère

étonnant que ce problème soit apparu principalement en Méditerranée, si l’on considère que beaucoup d’opérations sont

en fait des « assistances techniques », qui ne sont pas réellement des opérations SAR au sens strict du terme ; mais elles

pourraient le devenir si aucune suite n’était donnée à l’appel du requérant. Un autre facteur concourt à une certaine

spécificité méditerranéenne, c’est la soudaineté, la violence et la dangerosité du vent, dans une mer que l’on aurait

tendance à voir, avec un peu de condescendance, comme une grande mare. Le vent est en effet le principal facteur de

risque pour les plaisanciers et les pratiquants des loisirs nautiques, particulièrement lorsqu’ils portent au large, ce qui

est bien souvent le cas.

Parmi les quelques treize mille (!) opérations que le CROSS a coordonnées pendant mon séjour à La Garde, je ferai

état, ci-dessous, de quelques-unes d’entre elles dont je conserve un souvenir vivace, car elles me semblent avoir été

particulièrement marquantes ou particulières. Il y en a bien d’autres, mais ces six opérations m’ont laissé un souvenir

quelquefois amer, parfois ému, mais toujours empreint de respect et de fierté pour celles et ceux qui les ont réalisées.

Naufrage du voilier L’ACCROCH’CŒUR

Le 17 avril 2006, vers 23h00, le catamaran de plaisance de 13 mètres L’ACCROCH’CŒUR, de retour de la régate «

Routa de la Sal », en provenance d’Ibiza et se dirigeant vers son port d’attache de Canet-en-Roussillon chavira à proxi-

mité de la côte. Deux des trois personnes présentes à l’extérieur furent précipitées à la mer ; leurs corps sans vie furent

retrouvés ultérieurement. Les quatre membres d’équipage restants se réfugièrent sur la plate-forme entre les deux coques

et ne parvinrent ni à signaler leur détresse, ni à gonfler le radeau de sauvetage ; en fin de nuit, le voilier

L’ACCROCH’CŒUR fit côte après que l’équipier le plus âgé et la seule femme de l’équipage, très affaiblis, eurent perdu

connaissance (leurs corps sans vie furent retrouvés à proximité de l’épave). Le chef de bord et le dernier équipier réus-

sirent à gagner la terre et à donner l’alerte au début de la matinée du 18 avril 2006. Au moment du chavirage, le vent

soufflait à 30 nœuds environ, de nord-ouest ; la mer était de force 4 et de fortes rafales furent enregistrées au port de La

Selva pendant la nuit, jusqu’à 129 km/h, soit plus de 65 nœuds. Le CROSS Méditerranée, qui eut à cogérer cette opé-

ration avec son homologue du MRCC Madrid, fut informé de l’affaire fort incidemment, par un appel téléphonique de

la parente du skipper. Je me souviens qu’elle était à la limite de s’excuser de déranger le CROSS, car elle était persuadée

que le navire faisait route et qu’il s’agissait d’un simple retard lié aux conditions météorologiques défavorables. Cette

affaire fut dramatique, puisqu’elle se solda par un bilan très lourd, de cinq morts ou disparus sur les sept membres

d’équipage, malgré toutes les recherches entreprises. Mais il faut bien dire que les services de secours, espagnols et

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français, furent informés bien après le déroulement du naufrage et que, dès lors, nous savions que le bilan serait drama-

tique. Notre principale tâche, au CROSS, fut de tenir au courant les familles des victimes, du déroulement des re-

cherches. Le CMS du jour, l’OCTAAM Philippe GAUDIN et moi-même fûmes mis à dure épreuve, en direct avec les

familles, qui ne voulaient pas croire à un dénouement aussi terrible…

Deux jeunes gens à bord d’un jet-ski

Une autre affaire me laissa un goût amer, ce fut celle d’un jet-ski découvert à la côte, par des témoins à terre, vide

de son ou de ses occupants. La sagacité et le flair remarquables du chef de quart du CROSS, le maître David G…, lui

permirent de ne pas enterrer l’affaire en la classant comme une simple découverte d’épave. Au contraire, il mena une

enquête sérieuse et découvrit le nom et les coordonnées du propriétaire du jet-ski. Il découvrit aussi que son fils et la

fiancée de ce dernier avaient emprunté le jet-ski pour une promenade en mer. Sur ces simples informations, le CROSS

lança une opération de recherche en mer avec des moyens nautiques et aériens, en déterminant une zone de recherche à

partir des seuls deux éléments objectifs connus, le port de départ des jeunes gens et le lieu de découverte de l’épave.

Les recherches, qui durèrent plusieurs jours, se révélèrent infructueuses. Pendant tout ce temps, les parents du jeune

homme furent en contact permanents avec le CROSS et nous supplièrent de ne pas arrêter les recherches dirigées. Nous

retrouvâmes le corps de la jeune fille, sans vie, flottant entre deux eaux, à quelques milles du lieu de découverte de

l’épave, huit jours après le début des recherches. Le corps de son fiancé ne fut, lui, jamais retrouvé. Fait exceptionnel,

je reçus, à leur demande, les parents du jeune homme au CROSS pour leur relater l’affaire. Ce fut un moment très

douloureux pour eux et, pauvre consolation pour nous, ils surent gré aux équipes du CROSS d’avoir fait tout leur pos-

sible pour rechercher leurs enfants…

Une jeune fille seule à bord

Un matin, à l’aube, le CROSS reçut un appel VHF très faible d’une jeune fille à bord d’un voilier hauturier d’une

douzaine de mètres de longueur. La jeune fille était complètement paniquée. Elle nous expliqua avec difficulté qu’elle

effectuait la traversée Barcelone-Toulon avec son père, qui était le skipper. Ce dernier, attaché par une ligne de vie au

voilier, était passé par-dessus bord et se trouvait à la traîne, inconscient. Elle-même était dans l’incapacité de démarrer

le moteur du voilier et n’arrivait pas à remonter le corps de son père à bord (il avait dû être assommé, voire tué, par un

choc violent contre la coque du voilier). Par un concours de circonstances vraiment chanceux, nous découvrîmes qu’un

aéronef de la Douane, en opération de surveillance maritime, se trouvait à proximité de la position estimée du voilier et

le déroutâmes après accord du COD de Marseille. Lorsque le voilier fut repéré par l’avion de la Douane, nous pûmes

disposer de sa position exacte et engager immédiatement l’hélicoptère Dauphin de la Marine nationale pour rallier la

position, qui était approximativement à 60-70 milles de la côte. La jeune fille reprit un peu espoir malgré le cauchemar

qu’elle était en train de vivre (la vision de son père inconscient traîné par le navire). Pendant toute la durée de l’opération,

le CROSS resta en contact VHF avec elle et nous lui parlâmes sans arrêt pour lui signifier qu’elle n’était pas livrée à

elle-même (et, aussi pour nous assurer qu’elle ne se jetterait pas à l’eau pour essayer de remonter son père). Une fois le

Dauphin en situation stationnaire au-dessus du voilier, son plongeur put descendre récupérer la jeune fille ainsi que le

corps de son père. Le navire resta à la dérive. Le Dauphin les ramena à Toulon et la jeune fille fut hospitalisée en état

de choc… Le CROSS avait fait sa part du travail, mais chapeau au professionnalisme et à la réactivité des douaniers-

aviateurs et de l’équipage du Dauphin !

Cinq légionnaires disparus

A la fin du mois d’octobre 2007, un voilier, avec cinq légionnaires à son bord, fut porté disparu en Méditerranée,

entre Calvi et Toulon. Le voilier de onze mètres avait quitté le port de Calvi, en Corse, le jeudi en début d'après-midi et

il était attendu le samedi matin à Saint-Mandrier (Var). La mer était très mauvaise dans la nuit du jeudi au vendredi,

avec des creux de neuf mètres. C'est le propriétaire du voilier qui, sans nouvelles de l'équipage, avait prévenu le

CROSS/Med samedi en fin de journée. Ce dernier déclencha alors une enquête portuaire pour savoir si le bateau n'avait

pas gagné un autre port de Méditerranée et diffusa un message d'alerte à l'attention des autres navigateurs. À partir du

dimanche, un aéronef de la Douane effectua des recherches, relayé le lundi par un avion de patrouille maritime de la

Marine. Les vols de recherche, qui se déroulèrent pendant plusieurs jours, ne donnèrent aucun résultat. Les cinq légion-

naires, qui faisaient partie du 1er régiment étranger d'Aubagne (Bouches-du-Rhône) ne furent jamais retrouvés, sauf l’un

d’entre eux, dont les autorités italiennes récupérèrent le corps, échoué sur la côte nord-ouest de la Sardaigne, plusieurs

semaines après sa disparition. Nous reçûmes au CROSS les épouses des légionnaires, accompagnées du commandant

en second du 1er RE, en présence du commissaire général de la Marine Alain VERDEAUX, et leur expliquâmes com-

ment les recherches avaient été effectuées. Je me souviens encore de ces jeunes femmes, russes et ukrainiennes, tristes

mais tellement dignes…

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Un CESSNA s’abîme en Corse

Le 12 octobre 2009, en fin d'après-midi, le centre de coordination et de sauvetage (CCS) de la base aérienne de

Lyon-Mont-Verdun informa le CROSS qu’un avion de tourisme Cessna 210 venait de s’abîmer en mer après une panne

moteur, survenu au large du Golfe de Porto en Corse. Les six passagers furent récupérés vivants plusieurs heures après

la disparition du Cessna 210. Les moyens aériens déployés sur zone comprenaient un Atlantique II de la Marine natio-

nale, un Super-Puma de la base aérienne de Solenzara, un hélicoptère EC 145 de la sécurité civile, un EC 145 de la

gendarmerie d'Ajaccio et un hélicoptère suisse de type Cougar, en échange avec l'escadron d'hélicoptères de Solenzara.

Un bâtiment de la Marine nationale et deux canots participèrent également aux recherches. À la tombée de la nuit, alors

que les recherches n’avaient encore rien donné, les naufragés furent enfin signalés par l'hélicoptère Dragon 2B de la

sécurité civile grâce aux dispositifs de vision nocturne qui permirent de repérer les lampes des gilets de sauvetage des

rescapés. Ces derniers furent ensuite hélitreuillés un par un par les moyens sur zone. Cette opération se déroula dans

des conditions météorologiques particulièrement difficiles, avec des vents à près de 100 km/heure et des creux de quatre

à cinq mètres. Le sang-froid du pilote et de sa compagne, hôtesse de l'air, permit aux six passagers du Cessna, qui dut

amerrir dans une mer démontée, de survivre. « On a eu une chance extraordinaire de s'en sortir », conclut le pilote,

philosophe…Le préfet de Corse organisa, dans les semaines qui suivirent, une belle cérémonie à laquelle furent conviés

les rescapés et les acteurs de l’opération de recherche et de sauvetage. Le directeur du CROSS et le chef du sous-CROSS

Corse, l’OPCTAAM Cédric de LA BROSSE, furent heureux de se compter parmi eux…

L’Airbus au large de Perpignan

Un Airbus A320-232 de la compagnie Air New Zealand s’abîma en Méditerranée le 27 novembre 2008 à 16H46, à

7 km au large du Canet alors qu'il effectuait un vol d'acceptation et était en phase d'approche de l'aéroport de Perpignan-

Rivesaltes. Des sept personnes qui se trouvaient à bord, six furent tuées et une fut portée disparue. Dès l’alerte donnée,

le CROSS/Med engagea les moyens de recherche et sauvetage de la SNSM, de la Gendarmerie maritime et du SDIS.

Le COM Toulon engagea immédiatement deux aéronefs de patrouille maritime ATL2 et Falcon 50 et deux hélicoptères,

un DRAGON de la Sécurité civile et le Dauphin de la Marine nationale. L’épave de l'avion fut rapidement repérée dans

les heures qui suivirent le crash. Le chasseur de mines de la Marine nationale VERSEAU récupéra les boîtes noires de

l’appareil dans les jours suivants. Lorsque je fus informé du crash par le CMS, je sortais d’une réunion de travail à

Marseille et me trouvais dans mon véhicule. Je fis alors route vers le CROSS aussi vite que je le pus, sachant déjà que

la soirée serait sûrement très longue... La grande inconnue, à ce moment-là, portait sur le nombre de victimes, car nous

ignorions encore qu’il s’agissait d’un simple vol technique non commercial et qu’il n’y avait pas de passagers à bord,

hormis les seuls membres d’équipage. Je profitai de mon transit routier pour appeler les principales autorités du CROSS

afin de les informer de cet événement. À titre d’anecdote, le directeur des affaires maritimes, monsieur Damien CAZE,

fut ainsi la première autorité parisienne (avant même le directeur général de l’aviation civile !) à être informé du crash,

ce qui lui permit de prévenir directement le cabinet du ministre. Cette affaire me prouva une fois de plus – s’il en était

encore besoin ! - que le pire pouvait survenir à tout moment ; le CROSS se devait absolument de prévoir toutes les

mesures d’organisation de sa montée en puissance immédiate, afin de pouvoir passer sans délai d’un état de routine à

une “surmultipliée” de durée inconnue (mais forcément limitée).

Les autres missions du CROSS

Comme l’ensemble des autres CROSS, nous exercions toutes les missions qui nous étaient dévolues, la surveillance

des pêches maritimes, la surveillance de la navigation maritime, la surveillance des pollutions maritimes et la diffusion

des renseignements de sécurité maritime. J’ajouterais à cette liste une mission importante, voire une double mission

importante, d’une part, celle de centre de permanence des services des Affaires maritimes de Méditerranée et, d’autre

part, celle de centre de permanence des services de l’État, dans la mesure où nous étions en veille permanente 24 heures

sur 24, 7 jours sur 7, et ce, 365 jours par. An. Cette situation privilégiée nous permettait d’être informés, souvent avant

tout le monde de ce qui se déroulait en mer et de pouvoir ainsi prévenir les services compétents de l’État. Je me souviens

avoir noté, dans le discours préparé à l’intention de la commémoration du quarantième anniversaire de la création du

CROSS, en 2008, que ce dernier avait exercé une veille permanente radiophonique et téléphonique « continue, sans

aucune interruption depuis le 4 septembre 1968, date de sa création » ! Une image me revenait souvent à l’esprit à

propos du CROSS, quant à son fonctionnement : c’était celle d’un navire qui était en permanence au « poste de naviga-

tion », qui ne faisait jamais escale et qui était régulièrement au « poste de combat » ! Même durant ses arrêts techniques

il se devait de continuer à veiller et à agir ! À cet égard, nos techniciens réalisaient de véritables prouesses pour effectuer

toutes les opérations de maintenance, préventive ou corrective, en ayant toujours le souci de ne pas perturber les tâches

opérationnelles…Bien entendu, une telle exigence de permanence du fonctionnement ne pouvait s’appuyer que sur une

organisation du CROSS sans faille, à commencer par un plan d’armement adéquat. Concrètement, l’organisation du

CROSS pour l’exercice des autres missions que celle de recherche et de sauvetage en mer était très simple, puisque

c’était l’équipe de quart opérations qui était chargée de l’ensemble des missions exercées par le CROSS, sauf pour ce

qui concernait le contrôle des pêches maritimes.

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Le contrôle des pêches maritimes

Le contrôle des pêches maritimes monta en puissance en Méditerranée dans la décennie 2000, en raison de la mise

en œuvre des réglementations européenne et nationale des pêches, qui exigeait une connaissance de plus en plus poussée

de la réglementation de la part des services chargés de son application. La polyvalence des équipes de quart avait certes

un aspect positif, qui était qu’une seule équipe était le point d’entrée du CROSS : l’officier de permanence – CMS était

tenu au courant en direct de toute information susceptible de provoquer une action de surveillance ou de recherche/sau-

vetage. À contrario, je constatai, d’une part, que l’exercice de la mission de contrôle des pêches par les équipes de quart

était préjudiciable à leur disponibilité au regard des autres missions du CROSS et, d’autre part, qu’il était illusoire de

penser que les équipes de quart pourraient maîtriser parfaitement l’ensemble d’une réglementation “surpêche” de plus

en plus complexe. Aussi, quelques mois après ma prise de fonctions, je décidai de désigner un officier marinier supérieur

“référent surveillance des pêches”, le premier-maître Thierry BRIL, qui connaissait bien la matière pour l’avoir prati-

quée depuis longtemps au CROSS. Il fut donc détaché du quart “opérations” et se consacra entièrement à la mission

“surpêche” sous les ordres de l’officier chargé des opérations de surveillance, pendant les heures ouvrables. En dehors

des heures ouvrables, l’équipe de quart assurait une permanence, à charge à elle d’appeler l’officier chef du service

« opérations de surveillance » ou le PM BRIL pour toute question « pointue » de leur compétence, sur leur téléphone

mobile. Cette organisation permit au CROSS de faire face au mieux à cette mission, jusqu’à ce que l’ensemble des

compétences surpêche” soit transféré au centre national du contrôle des pêches du CROSS Étel pour l’ensemble du

territoire national. À ce moment-là, le PM BRIL demeura le seul point de contact du CROSS Étel pour la Méditerranée.

La surveillance de la circulation maritime

Le CROSS Méditerranée n’exerçait pas de mission de surveillance de la circulation maritime au sens strict du terme,

dans la mesure où il ne gérait aucun dispositif de séparation du trafic maritime, si l’on exceptait la zone de circulation

maritime du détroit des Bouches de Bonifacio. Mais, même dans ce secteur-là, la mission était effectuée par le séma-

phore de Pertusato, certes sous la responsabilité effective du CROSS. La surveillance de la navigation maritime « vue

du CROSS » portait sur deux volets essentiels : en premier lieu le CROSS exerçait par délégation du préfet maritime la

responsabilité de la gestion des autorisations de mouillage dans les eaux territoriales françaises en dehors des zones

d’influence portuaire et des eaux du port militaire de Toulon (dont la rade de Toulon, sur laquelle le CROSS avait une

vue imprenable…). Cette mission était quelquefois délicate, par exemple lorsqu’il s’agissait d’accorder – ou non – une

autorisation de mouillage dans une zone peu ou pas abritée, alors que les conditions météorologiques étaient très mau-

vaises. Fallait-il autoriser le mouillage, au risque de voir le navire « déraper » et risquer de s’échouer quelque part sur

la côte ? Je pense, en particulier, à l’ouest de la Méditerranée, où les violents coups de vent de Sud-Est ne permettent

pas à un cargo de tenir sur leurs ancres… certains se sont ainsi échoués sur la plage de Port-La-Nouvelle. Fallait-il, au

contraire, interdire le mouillage, alors que les conditions météorologiques étaient très mauvaises, au risque de renvoyer

le navire vers le danger de la haute mer ? Dilemme délicat et je reçus parfois un appel téléphonique du CMS pour que

nous évaluions ensemble la situation « in live » avant de faire le bon choix… ; en deuxième lieu, le CROSS exerçait la

surveillance des navires susceptibles de causer un désordre à l’ordre public : ce pouvaient être des navires stoppés en

pleine mer, ou bien des navires en avarie ou encore des navires ayant un comportement anormal par rapport aux règles

du “passage inoffensif” dans les eaux territoriales françaises. Pour ces deux missions, le CROSS était saisi, soit direc-

tement par le navire (ce qui était rare), soit par l’intermédiaire de l’un des dix-neuf sémaphores de Méditerranée. Le

sémaphore était donc le “porte-voix” du CROSS, tout en tenant régulièrement informé son autorité hiérarchique, le

COM, de tout événement significatif. Il était important que les deux services concernés (COM/sémaphore et CROSS)

soient parfaitement en phase pour gérer au mieux des situations susceptibles de dégénérer, qui nécessitaient une atten-

tion soutenue et une capacité de réponse immédiate. Par ailleurs, la Méditerranée n’était pas très riche en remorqueurs

de haute mer placés sous l’autorité du préfet maritime et, dans les périodes de mauvais temps, il fallait que le COM

prépositionne de façon judicieuse l’ABEILLE FLANDRES, afin d’anticiper au mieux d’éventuelles actions d’assistance

susceptibles d’être déclenchées…

L’arrivée et la montée en puissance de l’outil SPATIONAV « V1 », puis « V2 »1, à partir de la fin de la décennie

2000, apporta un certain sentiment de sécurité, en ce qu’il permettait d’avoir une vision exhaustive (ou presque) des

approches maritimes françaises en Méditerranée. Le COM et le CROSS partageaient les informations et bénéficiaient

de la même image sur l’écran SPATIONAV, c’était Byzance…Le décret sur la surveillance de la navigation maritime

1 SPATIONAV est un système d’information dont la conception et l’évolution ont été menées par le ministère de la Défense. L’opération « Spationav V2 » fournit à la Marine nationale et aux principales administrations impliquées dans l’action de l’État en mer un système de surveillance en temps réel des approches maritimes en métropole et en zone Antilles – Guyane, leur permettant de bénéficier d’une image tactique de la situation maritime afin de préparer et conduire leurs actions respectives en matière d’action de l’État en mer. (Sources : Ministère de la Défense)

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arriva plus tard, après que j’eus quitté le CROSS et il permit d’améliorer encore la « sécurisation » de l’exercice de la

mission de surveillance de la navigation maritime1.

La surveillance des pollutions maritimes

La mission de surveillance des pollutions maritimes était une mission importante exercée par le CROSS, mission

qui était réalisée en partenariat avec les aéronefs de la Douane, qui effectuaient un vol quasi-quotidien des côtes médi-

terranéennes. L’arsenal juridique destiné à lutter contre les “dégazages”2 en Méditerranée résultait de l'institution de la

ZPE et il demeura en vigueur lors de la création d’une ZEE3*. La mission de surveillance des pollutions maritimes en

Méditerranée était d'autant plus nécessaire que la Méditerranée accueillait (et accueille) 28% du trafic mondial de trans-

port de produits pétroliers. Cette mission nous conduisait travailler étroitement avec le TGI de Marseille, tribunal com-

pétent pour juger des affaires de pollutions maritimes en Méditerranée4. L’officier de permanence du CROSS saisissait

directement le Parquet du Tribunal de grande instance de Marseille en cas de constatation d’infraction à l’encontre d’un

navire pris en flagrant délit de rejet de matières polluantes, sur information de l’aéronef de la Douane, en liaison avec

la préfecture maritime de la Méditerranée. Les procédures étaient bien rôdées et les rôles étaient bien distribués. Mais,

si les observations de pollutions n’étaient pas rares (plus d’une centaine par an en moyenne) comme, par exemple, dans

le canal de Corse, les flagrants délits étaient malheureusement peu fréquents, car les capitaines navires de commerce

étaient bien informés des risques encourus en cas de constatation d’infraction…

La diffusion des renseignements de sécurité maritime

Le CROSS La Garde et le centre secondaire de Corse assuraient la diffusion des avertissements de sécurité de la

navigation (AVURNAV) et météorologiques par le biais du système NAVTEX* (diffusion pour le large). Les bulletins

météorologiques côtiers et spéciaux émis par les services de Météo France étaient diffusés plusieurs fois par jour. Pré-

alablement à la diffusion des bulletins, un des opérateurs de l’équipe de quart enregistrait, à la voix, le ou les bulletins

à diffuser sur les différents émetteurs-récepteurs. En partenariat avec Météo-France, nous essayâmes d’améliorer la

productivité du système, à travers deux outils : tout d’abord en recevant par courriel un bulletin numérisé, diffusant

l’information par une voix électronique (au grand dam de certains navigateurs, qui nous firent savoir qu’ils préféraient

nettement les voix féminines du CROSS !) ; ensuite, et ce fut là le plus difficile, en dédiant le canal 63 de la VHF à la

seule diffusion des bulletins météorologiques de façon cyclique, afin que les navigateurs puissent avoir l’information

quasiment en boucle sur le canal 63 VHF. Si le principe était simple à formuler, sa mise en œuvre se révéla particuliè-

rement complexe et son produit resta très fragile. Ce qui devait arriver arriva, faute d’outil technique parfaitement fiable,

l’expérience de la “météo en boucle ” fut abandonnée au bout de quelques années… Les renseignements de sécurité

maritime comprenaient aussi un volet plus écologique, puisqu’il concernait les informations relatives aux cétacés. Il

s’agissait, en premier lieu, pour le CROSS, de rendre compte de toute découverte de cadavre de cétacé, en mer ou

échoué, aux scientifiques du GECEM5, qui étaient ensuite chargés d’autopsier le cadavre afin de déterminer les causes

du décès et/ou l’échouages du cétacé. En second lieu, le CROSS participait au comptage des cétacés rencontrés par les

navires en Méditerranée dans le cadre des actions menées au sein du sanctuaire des mammifères marins PELAGOS6.

Cette mission de défense des cétacés en Méditerranée contribuait à affermir le rôle du CROSS dans le domaine de la

protection de l’environnement marin, au même titre que la surveillance des pêches ou la surveillance des pollutions

marines. Je la trouvais à la fois utile, car elle permettait de défendre, par des actions concrètes, l’écosystème de NOTRE

Méditerranée et valorisante, car elle montrait la préoccupation écologique de notre centre.

* *

CONCLUSION

1 Décret n° 2011-2108 du 30 décembre 2011 portant organisation de la surveillance de la navigation maritime 2 DÉGAZAGE : Terme impropre mais seul compréhensible des médias et du grand public… 3 Le décret n°2012-1148 du 12 octobre 2012 a créé en Méditerranée une Zone Économique Exclusive (ZEE) qui se substitue à la Zone de Protec-tion Écologique (ZPE) créée en 2004. 4 Loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 relative à la répression des rejets polluants par les navires. 5 GECEM : Groupe d’études sur les Cétacés en Méditerranée. 6 PELAGOS : Accord Pelagos créant le Sanctuaire pour les mammifères marins en Méditerranée (bassin Corso-Liguro-Provençal) signé à Rome par la France, l’Italie et la Principauté de Monaco le 25 novembre 1999. Entré en vigueur le 21 février 2002 il a pour objectif d’instaurer des actions concertées et harmonisées entre les trois pays pour la protection des cétacés et de leurs habitats contre toutes les causes de perturbations : pollutions, bruit, captures et blessures accidentelles, dérangement, etc…

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Au bout de près de cinq années passées au CROSS, le bilan de mon affectation en qualité de directeur du CROSS

comportait bien des points de satisfaction !

Au premier plan, je plaçais celui d’avoir dirigé un centre performant et moderne avec des équipes d’officiers, d’of-

ficiers mariniers et équipages, sans oublier les personnels techniques, souvent remarquables et motivés. Il s’agissait

d’un beau commandement, même si les contraintes de la fonction n’en faisaient pas – loin s’en faut – une sinécure !

J’avais aussi le sentiment d’avoir contribué à rendre un service (au) public, sans doute modestement mais avec sérieux

et enthousiasme.

J’avais pu mener à bien un certain nombre de réformes et d’évolutions, même si tout n’était pas allé aussi rapidement

ou aussi loin que je l’aurais souhaité au départ…

En éléments de regrets, je pouvais déplorer de n’avoir pu faire davantage pour transmettre un outil encore plus

performant, mais comme chacun sait, Rome ne s’est pas construite en un jour…mes successeurs prendraient leur part,

à leur tour.

Enfin, je ne cacherais pas que je ressentis un certain soulagement à l’idée de devoir quitter le monde opérationnel et

ses tensions permanentes, avec le sentiment d’avoir eu beaucoup de chance durant cette affectation : beaucoup d’opé-

rations, avec, hélas, trop de décès ou de disparus, mais, fort heureusement, aucune catastrophe maritime…

* = *

Une brochette d’anciens directeurs du CROSS/Med

de G à D : Hennequin, Bernicot, Leclair, Baraduc, Vacca, Leroy, Dejardin

Le CROSS/Med à son 40e anniversaire (2008)

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CINQUIÈME PARTIE *

Les Outremers

Avant le CROSS aux Antilles-Guyane par l’AGAM (2s) Roger JAFFRAY

À l’époque coloniale, l’organisation opérationnelle de l’administration maritime aux Antilles et en Guyane fran-

çaises, centrée sur le sauvetage, s’inspire des mêmes principes qu’en métropole. Après la départementalisation (1946),

le décret et l’instruction interministérielle du 24 janvier 1956, puis l’instruction du 5 mars 1958 disposent que les chefs

des quartiers d’inscription maritime de Fort-de-France1 et de Pointe-à-Pitre (Cayenne ne possède qu’un sous quartier)

dirigent le sauvetage côtier et que le commandant de la marine aux Antilles dirige le sauvetage au large2. Dans les

quartiers des Antilles, une permanence réelle ne peut être organisée, faute d’effectif. La réception de l’alerte se fait “en

cascade”3. Les stations radio côtières de Destrellan (Guadeloupe), de Fort-de-France (Martinique) et de Trou-Biran

(Guyane) assurent les veilles radio internationales de sécurité 2182 kHz et 500 kHz, ainsi que la correspondance pu-

blique.

A Fort de France, deux officiers, ainsi qu’un inspecteur de la navigation, sont affectés depuis 1945 ; trois officiers

et un inspecteur depuis 1958. À Pointe-à-Pitre, deux officiers sont affectés depuis 1958. L’immeuble construit dans les

années 1960, comprend trois logements de fonctions. Pendant plusieurs années, deux gendarmes nationaux de la brigade

nautique sont logés et participent à une “quasi permanence”. À Cayenne, un seul officier est affecté depuis 19584. De

1968 à 1972, après la création du quartier, le capitaine de port et un syndic des gens de mer acceptent de participer au

service opérationnel, ainsi assuré à trois, l’alerte étant “en cascade”.

La SNSM crée des stations à la Martinique, à Sainte-Luce (1965), puis à Saint-Pierre.

Le décret du 8 juillet 1970 (relatif notamment aux trois CROSS de façade de métropole), l’instruction du 10 juillet

1973 et l’IP COMAR Fort-de-France du 9 juillet 1973, remplacée par l’IP COMAR du 14 mars 1978, conservent l’or-

ganisation précédente du sauvetage. L’instruction interministérielle du 13 avril 1973 sur la centralisation de l’informa-

tion pollution est appliquée par les quartiers de la zone.

Après 1970, à Fort-de-France, il existe cinq logements de fonction. Les gendarmes maritimes alors proposés pour

la permanence ne pourront être affectés. 5 officiers sont en poste en 1975. En 1978, un centre de sécurité des navires

Antilles Guyane est créé, portant l’effectif des officiers à 6. Une permanence effective peut alors être instituée à Fort-

de-France. C’est une permanence téléphonique et une permanence de commandement (mais non une veille radio, ni

télex). Cette permanence est exercée sans compensation. Le directeur régional y participe. Une suppléance du quartier

de Pointe-à-Pitre peut être assurée. En effet, deux officiers seulement y sont affectés, trois à partir de 1981. À Cayenne,

un seul officier est en poste, un second est affecté en 1980. Des cellules opérationnelles sont organisées matériellement

(cartographie, instructions, documentation, téléphone, télex).

Les veilles radio internationales de sécurité sont effectuées comme précédemment par les stations côtières des télé-

communications. À partir des années 1970, s’ajoute le trafic en bande métrique (et la veille VHF 16).

En 1981, 123 événements de mer sont officiellement5traités (81 en Martinique, 29 en Guadeloupe, 13 en Guyane).

La SNSM crée des stations en Guadeloupe et s’implante en Guyane.

L’organisation évolue alors en se plaçant dans le contexte international, notamment la convention internationale de

Hambourg du 17 avril 1979 et le plan caraïbe de lutte contre la pollution adoptée en novembre 1980 à La Barbade.

1 Qui est également chef des services Antilles Guyane, avec des prérogatives de directeur. 2 L’instruction du 5 février 1952 organise les secours en cas de sinistre important (ORSEC). 3 Les services alertés (stations côtières, gendarmeries etc.) appellent successivement les officiers responsables. 4 Auparavant, un seul syndic des gens de mer est affecté. 5 Le nombre d’événements réels est supérieur.

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Le décret du 25 mai 1979 et l’instruction du 8 janvier 1981 organisent outre-mer l’action de l’État en mer. Le préfet

de la Martinique est délégué du gouvernement pour l’action de l’État en mer aux Antilles et en Guyane, assisté du

COMAR Fort-de-France, commandant de la zone maritime n° 8.

Le décret du 22 mars 1983 et l’instruction interministérielle du 7 décembre 1984 organisent le sauvetage en mer1.

En 1984, un plan provisoire de recherche et sauvetage de la Caraïbe est adopté à Caracas2. Dans ce cadre, l’arrêté

préfectoral Martinique du 22 février 1985 et l’instruction COMAR Fort-de-France du 13 septembre 1986 organisent le

sauvetage en mer aux Antilles et en Guyane. Un centre de coordination de sauvetage maritime (MRCC)3 est créé à Fort-

de-France auprès du commandant de la marine4. Les 3 quartiers des affaires maritimes constituent des sous centres de

coordination de sauvetage (MRSC)5. Délégation permanente est donnée aux trois chefs de quartier des affaires mari-

times6 pour diriger les opérations. Ils font assurer une permanence, reçoivent l’alerte et dirigent les opérations que le

COMAR décide de ne pas diriger.

Le service des télécommunications se désengage progressivement. En 1985, les veilles sécurité (500 kHz et 2182

kHz) ne sont plus assurées qu’à Fort-de-France et seulement de jour7. La veille VHF n’est pas assurée en Guyane8 . Une

station automatique VHF fonctionne en Guadeloupe. La veille est assurée à Fort-de-France jusqu’à l’installation d’une

station automatique VHF fin 19869. Une recherche des sites permettant l’installation d’un réseau VHF des affaires

maritimes est effectuée par le service technique des Phares & Balises. En 1986, un trafic VHF 16 est assuré par le

MRSC Cayenne. La commission régionale de sécurité prescrit l’installation de boitiers d’appel sélectif VHF sur les

navires locaux pour permettre l’appel direct des MRSC. En 1987, des équipements radio en ondes hectométriques BLU*

sont installés dans les trois quartiers Antilles et Guyane.

Le MRSC de Fort-de-France est armé par 6 officiers. Un TESSNM* est intégré au service de permanence (1986).

Le MRSC de Pointe-à-Pitre est armé par 3 officiers. Le MRSC de Cayenne utilise 3 officiers à partir de 1988.

En 1990, 183 événements de mer sont traités en zone antillaise.

L’organisation évolue ensuite pour tenir compte de l’importance prise par la zone de Guyane10.Un commandement

d’élément maritime est créé en 198711, puis un commandement de la marine en 1992. En 1991, le préfet de Guyane

devient délégué du gouvernement pour la coordination de l’action de l’État en mer en Guyane (le préfet de Martinique

exerçant la même responsabilité aux Antilles). La lettre du 29 novembre 1991 de la mission interministérielle de la mer,

approuvée par le secrétaire d’État à la mer, retient une nouvelle organisation : les zones de responsabilité françaises

sont distinctes aux Antilles et en Guyane ; chacun des deux préfets délégués du gouvernement donne délégation au

commandant de la marine (MRCC) ; délégation permanente est donnée à chacun des deux MRSC de Fort-de-France et

de Cayenne12 ; les veilles radio sont assurées par la marine à Fort-de-France et à Cayenne.

Quatre officiers de réserve de la marine sont affectés au MRCC, mais sont mis à disposition de l’officier de perma-

nence du MRSC de Fort-de-France. Un nouvel administrateur est spécialement affecté au MRSC.

En 1991/1992, le MRSC Fort-de-France devient centre opérationnel de sauvetage maritime aux Antilles (COSMA).

Immédiatement, l’activité augmente : 364 affaires sont traitées en 1993.

* = *

1 Et le décret du 11 janvier 1984 pour les aéronefs. 2 Plusieurs réunions internationales ont lieu : à Barbade (1981), à Trinidad (1982), à Porto Rico (1982), à Paramaribo (1983), à Saint-Kitts (1984). 3 Marine Rescue Coordination Center (Convention de Hambourg) 4 Les 3 ARSC déclenchent et arrêtent les opérations au profit des aéronefs. 5 Marine Rescue Sub Center. 6 En 1984, les chefs de quartier deviennent directeurs départementaux. 7 De nuit, la veille est assurée par des personnels non professionnels, des TUC. 8 Toutefois, le centre spatial guyanais assure une veille VHF à Kourou. 9 Les télécommunications font la “promotion” IMMARSAT et radio télex automatique. 10 Développement de l’activité spatiale, développement et francisation de la flotte de pêche crevettière etc. 11 Jusqu’à cette date, le chef de quartier de Cayenne représente la marine nationale en Guyane. 12 Le MRSC de Pointe-à-Pitre fusionne avec celui de Fort-de-France.

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AGAM Jean-Luc VEILLE ancien directeur du COSMA / CROSS/AG

En tant qu’administrateur principal, puis en chef de 2e classe des Affaires maritimes, Jean-Luc VEILLE a exercé

les fonctions de directeur du COSMA (Centre opérationnel de sauvetage maritime aux Antilles), puis du CROSS An-

tilles-Guyane (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) installé à Fort-de-France de septembre

1999 à juillet 2003.

Mon arrivée au COSMA - CROSS/AG

A l’issue d’une affectation de quatre ans comme directeur départemental des Affaires Maritimes de Haute-Corse

(en poste à Bastia), j’ai voulu continuer dans un poste opérationnel moins administratif. Ma désignation pour le COSMA

Fort-de-France a de ce point de vue correspondu à mes attentes professionnelles. Titulaire d’une maîtrise de droit (passée

à Nice en 1981), j’ai effectué mon service militaire dans la Marine nationale, puis ai “rempilé” pour huit ans, essentiel-

lement aux sous-marins (embarqué ou en état-major). Avant d’être affecté à Fort-de-France j’ai suivi un stage de huit

jours mais je pense que mon passé de marin a sensiblement facilité mon intégration en qualité de directeur du COSMA

(j’avais navigué dans la Marine nationale durant plusieurs années avant de rejoindre les AffMar). Pendant mon affecta-

tion, j’ai suivi une formation, ou plutôt une information, sur le trafic de stupéfiants : intéressant et finalement utile car,

pour beaucoup de services “garde-côtes” de la zone, bâtis sur le modèle américain de pluralité des missions (sauvetage,

lutte contre le narcotrafic, l’immigration illégale, la lutte antipollution), nous étions pour ces entités « LA » structure

sur laquelle “faire tête” lorsque la France dans la zone était concernée par une question d’ordre maritime, quelle qu’en

soit la cause : il nous revenait alors de répartir entre Marine nationale, Gendarmerie, OCRTIS*, Douanes, etc.

**

LE CONTEXTE

Lorsque je suis arrivé en 1999, le COSMA existait, le CROSS était prévu, tout comme le développement du réseau

VHF : il me fallut suivre la construction du bâtiment (et préciser au départ certaines normes), aller sur les îles étrangères

car nous souhaitions installer une partie du réseau sur ces territoires, ce qui in fine ne fut pas possible et m’occuper de

l’implantation en Martinique, Guadeloupe, Marie-Galante et Saint-Martin. Un très gros travail avait été fait par l’APAM

François-Marie de SAINT-EXUPÉRY de CASTILLON lors de l’installation du COSMA et son développement inter-

national fut assuré de façon très réussie par l’ACAM Jean-Charles CORNILLOU : il m’a suffi de naviguer dans leurs

eaux, la construction du bâtiment CROSS et l’installation des émetteurs VHF me prenant beaucoup de temps.

Les actions prioritaires que j’ai menées pendant mon affectation pour mener à bien la consolidation du CROSS

Antilles-Guyane furent, au plan immobilier, l’édification du bâtiment du CROSS; au plan matériel et technique, l’ins-

tallation de 7 émetteurs VHF; au plan opérationnel, le passage d’un « traitement papier » des opérations à un traitement

électronique et informatique; au plan humain, le remplacement d’appelés de la marine marchande et des opérateurs du

Service Militaire Adapté par des engagés de la Marine nationale et AffMar. Dans tous ces domaines, mes principaux

interlocuteurs furent les cadres de la direction interrégionale des Affaires maritimes Antilles-Guyane à Fort-de-France

et ceux du bureau de la circulation et du sauvetage de la direction des Affaires maritimes à Paris.

La zone de responsabilité du CROSS en matière de recherche et de sauvetage en mer était très vaste, elle allait de la

zone américaine de Porto-Rico à celle du Portugal, descendant au sud jusqu’au Sénégal, et occupant donc l’Est de

l’Atlantique Nord : de mémoire environ 4 millions de kilomètres carrés !

* *

LES ACTIONS

Aux fins d’asseoir la légitimité du CROSS dans le paysage administratif, il était important d’entretenir des relations

avec l’ensemble des partenaires institutionnels présents en Martinique, à commencer par le responsable de l’ensemble

de la chaîne opérationnelle. En l’absence d’un PréMar, le représentant de l’État en mer en Martinique, le préfet Michel

CADOT, était délégué du gouvernement pour l’action de l’État en mer. Nos relations ont toujours été excellentes, il

nous a toujours accordé sa confiance, n’hésitant pas à venir au CROSS pour expliquer aux médias notre action.

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Les relations avec les administrations concourant à l’action de l’État en mer étaient importantes : la Marine natio-

nale, la Douane, la Gendarmerie, notamment. Tenant plus à la personnalité du premier COMAR, le déménagement du

COSMA qui se trouvait dans l’enceinte Marine au Fort Saint-Louis se passa très mal. Cela avait d’ailleurs débuté dès

la première opération pour laquelle je l’avais informé, et où je l’avais vu “débouler” et donner des ordres directement

au personnel du CROSS. Je ne dis rien devant les personnels mais, l’opération finie, j’allai le voir pour lui dire que nous

ne nous étions pas compris, que le CROSS était une structure des Affaires maritimes dont j’étais le chef et que, s’il

recommençait, je m’abstiendrais de l’informer de quoi que ce soit (ce qui se passa d’ailleurs mais me parut regrettable

dans la mesure où il me paraissait utile d’avoir les conseils d’un marin expérimenté…). En revanche, tout fut fluide et

très agréable avec son successeur…Avec les autres administrations, y compris la DRAM, il n’y eut jamais la moindre

difficulté, bien au contraire.

Les contacts avec les unités dont le CROSS assurait le contrôle opérationnel à la mer étaient excellents, les moyens

sur zone rendaient compte de leur mission, nous leur demandions leur avis, tout était facile. Les hélicoptères de la

Marine nationale et de la Gendarmerie nationale étaient également très opérationnels et coopératifs. Le seul regret est

que, lors d’une indisponibilité pour entretien programmé de l’hélicoptère de la Gendarmerie dont le treuil était à poste

en permanence, j’avais demandé à ce qu’il équipe celui, du même modèle, de l’Armée de l’Air qui devait le monter (3/4

d’heure nécessaires) en raison de la présence d’autres hélicoptères : ce ne fut pas possible pour des raisons administra-

tives (« et si un problème survient, qui sera responsable, les gendarmes ou les aviateurs ?», etc.). Il existait un autre

hélicoptère, appartenant à la Sécurité civile, peu utilisé sauf pour des évacuations lors d’accidents de plongée. Je ne me

souviens pas de difficulté particulière quant à la souplesse d’utilisation de ces moyens, du point de vue du CROSS les

choses se passaient bien. Au large, la Marine avait des moyens plus lourds et la compétence nécessaire pour accomplir

les missions SAR, mais nous les utilisions assez peu.

Les avions de patrouille maritime de la Marine nationale pour les longues recherches dans un grand espace maritime,

les Atlantic II, étaient souvent utilisés, tout comme les P3C américains ou néerlandais. Les procédures et les délais de

mise en œuvre de ces moyens étaient bien rôdés et les choses fonctionnaient bien.

La légitimité du CROSS pour assumer sa mission de coordination des opérations de recherche et sauvetage en mer

n’était pas discutée, que ce soit en interne ou avec les étrangers : nous étions les seuls sur zone avec des moyens impor-

tants et mes prédécesseurs, particulièrement l'ACAM Jean-Charles CORNILLOU, avaient contribué à l’excellente ré-

putation du CROSS/MRCC FDF.

La presse locale était un vecteur important dans le “faire savoir” du rôle du CROSS/MRCC. À cet égard, les contacts

avec les médias intervenaient quand il y avait quelque chose d’important et nous les invitions régulièrement quand il ne

se passait pas grand-chose pour qu’ils parlent du CROSS ; à noter que si les médias locaux étaient bienveillants avec

nous, ce fut moins vrai pour les médias nationaux à une ou deux reprises…

À ce propos, lors de l’installation du CROSS dans ses nouveaux locaux, nous n’eûmes pas besoin de mener beaucoup

d’actions pour faire connaître le CROSS/MRCC au grand public car, dans la mesure où il s’agissait d’une création, avec

un bâtiment neuf et un nouveau réseau de communications, nous bénéficiâmes d’une couverture médiatique suffisante,

et ce, à l’initiative des médias.

Nous entretenions des relations étroites avec les clubs/associations de plaisanciers et je me souviens d’avoir organisé

des réunions avec eux, sur des sujets précis tels que la plongée sous-marine, l’utilisation des jet-skis, etc.

Il en était de même avec les organisations professionnelles de la pêche maritime, de façon occasionnelle.

Le rôle du directeur du CROSS/MRCC

S’agissant de l’aspect opérationnel des affaires, la modernisation du CROSS transforma littéralement les choses

dans la mesure où les moyens du CROSS étaient sans commune mesure avec ceux du COSMA. Cela améliora très

grandement notre action, grâce aux locaux modernes, aux grands écrans, aux logiciels en appui, etc. La communication

interne, vis-à-vis des autorités locales et nationales et externe, vis-à-vis de la presse, fonctionnait de façon fluide.

Interlocuteur des familles, et ce, au fur et à mesure du déroulement des opérations, j’avais désigné un correspondant

médias pour informer ces derniers au fur et à mesure et ainsi contrôler l’information. Cela permettait par exemple que

les familles ne découvrent pas les informations dans les médias, mais soient directement informées par le CROSS car

je les avais appelées avant (j’avais pris ce rôle).

Je les informais de l’arrêt des recherches (généralement, de façon décroissante, on ne passait pas subitement de “tout

à rien”) mais en revanche, l’information d’un décès relevait du Chef de Quartier, comme le voulait l’usage dans ce

domaine. Mon rôle était d’assumer la responsabilité de prendre la décision d’arrêter des recherches lors d’une opération

et d’en informer les familles en cause.

Bien sûr, je conserve le souvenir de certaines difficultés rencontrées par le CROSS/MRCC concernant la transmis-

sion des alertes, préjudiciable à la réussite de certaines opérations pouvant se conclure par des bilans dramatiques.

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Comme dans tous les CROSS, nous avions en fin de journée, entre chien et loup (mais le soleil tombe très vite aux

Antilles et la phase de crépuscule est très brève) des inquiétudes quant à un véliplanchiste qui n'était pas rentré, un

plongeur attendu trois heures plus tôt, etc. … difficile d’un point de vue opérationnel...

L’abus de tirs de fusées rouges ne me semble pas avoir constitué une difficulté pour le CROSS mais, de temps à

autre, j’eus à le déplorer, sans doute moins souvent qu’en métropole. Il faut dire qu’aux Antilles, les familles constituent

une des composantes du tourisme et les parents surveillent les jeunes enfants. Les couples seuls aussi fréquentent l’île,

mais ils sont d’une manière générale peu coutumiers du fait. En conclusion, peu d’adolescents (lesquels n’ont pas cons-

cience des conséquences que peut entraîner l’usage des fusées), les locaux n’étant en règle générale pas très marins,

fréquentent peu la plage.

La couverture VHF, correcte, permettait au CROSS/MRCC d’être facilement informé d’une situation d’alerte ou de

détresse en mer. De ce point de vue, la modernisation de nos équipements avec la création du CROSS constitua un atout

important pour la réception des alertes.

En matière de baignade, il existait peu de postes de surveillance des plages mais aussi peu d’activités en dehors

d’une pratique de la baignade très proche du rivage, en raison du fait que beaucoup d’Antillais ne savent pas nager et

restent là où ils ont pied. Quant aux touristes, ils se contentent souvent de barboter dans quelques centimètres d’eau

pour se rafraîchir…Néanmoins, nous eûmes à adresser des fiches explicatives aux maires des communes littorales afin

de leur expliquer la réglementation dans la zone de baignade dite des “300 mètres” car ils étaient plus ou moins au

courant de leurs responsabilités dans ce domaine.

Les sapeurs-pompiers nous étaient utiles pour des patrouilles terrestres en cas d’inquiétude et également lorsqu’il

s’agissait d’intervention pour des accidents de plongée. Leur rôle était assez limité mais efficace.

Il existait d’autres acteurs sur le domaine maritime, notamment les agents de la Douane, qui intervenaient fréquem-

ment grâce à leurs avions et leurs moyens nautiques.

**

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Parmi les opérations coordonnées par le CROSS, certaines m’ont marqué par leur caractère cocasse ou anecdotique.

J'évoquerai trois d’entre elles.

Un navire avec deux pêcheurs qui avait coulé au large de la Martinique, fut recueilli par un paquebot, et en l’absence

de moyens nautiques ou aériens pour les ramener, nos deux pêcheurs ont traversé l’Atlantique (ils avaient un bermuda

et un tee-shirt sur le dos) ... Cela étant, ils furent les chouchous des passagers durant la traversée !...

Il y a aussi celle de ce pêcheur à la dérive durant trois jours entre Martinique et Guadeloupe, dont la balise 406 MHz

émettait par intermittence ; quand on l’interrogea, après l’opération, je lui posai la question et il me répondit : « Ah mais

c’était moi qui, pour l’économiser, l’éteignais dès qu’il y avait des nuages, puisque le satellite ne pouvait alors plus me

voir... » !...

Enfin, je pourrais peut-être retrouver le rapport de mer (j’en avais fait une copie) de cet équipier d’un catamaran,

novice, qui accompagnait vers le sud son camarade skipper qui allait mettre le navire en sécurité dans les Grenadines,

un ouragan approchant ; malheureusement, le navire, parti tardivement, fut rattrapé à l’occasion d’un changement de

route du cyclone ; le navire coula, le skipper disparut, et le novice resta presque 24 heures seul dans une mer démontée.

Il avait eu le temps de capeler sa combinaison de survie, c’était un colosse (plus de 2 mètres, 110 kilos, et il survécut

seul 24 heures avant d’échouer à demi-mort sur une île, rejeté par la mer (comme dans les films !). Son rapport de mer

est très émouvant, incroyable de calme et de naïveté...

Nous faisions essentiellement la coordination du sauvetage ; le suivi de la circulation et les mouillages occasionnels

beaucoup plus rarement.

* *

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LA STRUCTURE DU CROSS

Au plan humain l’état-major du CROSS pendant mon affectation comprenait deux administrateurs affectés, le di-

recteur et le directeur adjoint, qui assurait l’intérim en cas d’absence du directeur. Les officiers CMS en dehors des

heures ouvrables (HNO) étaient les officiers de la DRAM Antilles et du CSN Fort-de-France. De mémoire, le personnel

du CROSS était composé de quatre chefs de quart, de quatre adjoints de quart, d’une secrétaire et de deux techniciens.

Ce plan d’armement ne me paraissait pas suffisant, il fut d’ailleurs augmenté à l’occasion de la montée en puissance

du CROSS. Au COSMA et dans les premiers temps du CROSS, nous avions des appelés du contingent locaux, appar-

tenant au Service Militaire Adapté, qui s’avéraient utiles notamment pour des opérations avec des clandestins jetés à

l’eau par des passeurs, les dialogues se faisant en uniquement en créole. S’agissant de Guetteurs sémaphoriques ou de

navigateurs, certains avaient déjà exercé en métropole, les autres avaient suivi un stage avant leur arrivée au CROSS et

étaient ensuite placés en double pendant plusieurs semaines (même si la faiblesse du plan d’armement ne permettait pas

de les garder trop longtemps dans cette fonction...).

Conclusion

De mon passage au CROSS je conserve le souvenir d’une immense fierté à devoir installer une structure performante

et opérationnelle et à recevoir et former de nombreux officiers étrangers. Les déplacements fréquents dans les Caraïbes

pour rencontrer les ministres ou responsables locaux demeurent des souvenirs très beaux souvenirs. La possibilité de

vacances en famille sur des îles de rêve, les croisières à bord de voiliers magnifiques demeurent des souvenirs magiques.

Malheureusement, les épouses n’avaient pas la possibilité d’exercer une activité professionnelle et c’était plus difficile

pour elles.

A posteriori, je ne conserve pas de regrets et/ou de frustration quant aux difficultés rencontrées pour faire avancer

et progresser le CROSS. Il y avait beaucoup à faire mais la structure en développement était très moderne et notre rôle

reconnu, - grâce à mes prédécesseurs.

* = *

L’ACAM Jean-Charles CORNILLOU au CROSS/AG en 1997

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AC1AM Dominique PERSON

directeur du CROSS Réunion depuis le 1er septembre 2014

L’administrateur en chef de 1re classe des Affaires maritimes Dominique PERSON exerce les fonctions de directeur

du CROSS Réunion depuis le 1er septembre 2014.

Mon arrivée au CROSS

Cette affectation a fait suite à mes fonctions de directeur adjoint de l’ENSAM* et mon souhait d’être réa-affecté

outremer après un poste durant quatre ans de chef du service des affaires maritimes de Polynésie française. Mon passé

professionnel est “multicarte”, puisque j’ai été successivement, officier de la marine marchande, contrôleur des affaires

maritimes, OCTAAM puis AAM par concours internes. Mon parcours de navigant, puis mon passage durant 5 ans

comme CMS/CSO* au CROSS Jobourg sont conformes aux prérequis exigés pour exercer la fonction de directeur de

CROSS. Je n’ai suivi aucune formation avant cette nouvelle affectation en CROSS, en particulier parce qu’en outre-

mer les déplacements sont coûteux et le contexte budgétaire très contraint.

* *

LE CONTEXTE

Le CROSS Réunion est installé dans des locaux hébergés au sein de la base navale, ce qui ne permet pas d’envisager

de réelles possibilités d’extension dans un tel contexte. Mon arrivée a coïncidé avec la mise en œuvre, d’une part, du

projet de mise à niveau des équipements du CROSS, avec l’implantation en février 2017 des postes de travail dits

SGVT2 et, d’autre part, de la rénovation de la salle opérationnelle du CROSS afin d’adopter le standard d’ergonomie

des CROSS de métropole.

Au plan opérationnel, mes priorités depuis 2014 ont porté sur les axes suivants :

• Mise en place en 2014 d’un suivi AIS* (système d’identification automatique) permanent des navires (une ving-

taine) affectés au chantier de la nouvelle route du littoral, qui constitue le plus grand chantier d’infrastructure

national avec un budget de 1,7 milliard d’euros ;

• -Mise en place en avril 2016 d’un suivi AIS permanent des navires transitant dans le canal du Mozambique

(traversant les ZEE* françaises de Bassas de India, Europa, Juan de nova, Mayotte et des Glorieuses) en utilisant

la base de données Imdate de l’EMSA (agence européenne de sécurité maritime) ;

• Projet pour 2018 de gérer les opérations SAR de Mayotte à partir du CROSS Réunion : ce projet ne sera envisa-

geable qu’après installation de 2 stations VHF-AIS supplémentaires télécommandées à partir du CROSS Réu-

nion.

Au plan humain, mon rôle m’amène à défendre en permanence l’effectif du CROSS, composé de 26 ETP en 2014

et réduit à 24 en 2015, avec une perspective de transfert partiel de la mission de surveillance des pêches vers le CNSP

d’Étel (cellule outre-mer en cours de constitution). Toutefois, l’ensemble des correspondants locaux du CROSS consi-

dère indispensable de maintenir à la Réunion les missions de contrôle opérationnel et de surveillance des pêches assurées

par le CROSS.

La DMSOI* de la Réunion assure la tutelle organique du CROSS et les partenaires institutionnels du CROSS Réu-

nion sont nombreux :

• Le préfet DDGAEM (délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer) et de Région, Dominique

SORAIN ;

• les TAAF*, collectivité à compétences étendues et partenaire incontournable du CROSS ;

• le Commandant de Zone maritime, qui est également l’adjoint du DDGAEM et le représentant des FAZSOI ;

• le chef du bureau action de l’État en mer (AEM) ;

• la DIRISI*, qui assure notre soutien technique ;

• le commandant de la base navale, qui héberge le CROSS ;

• les armements à la pêche regroupés au sein d’un GIE qui assure la gestion du navire OSIRIS dans le cadre d’un

PPP (partenariat public/privé) ;

• la Gendarmerie nationale qui dispose d’un hélicoptère et d’un moyen nautique ;

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• la SNSM, avec ses trois canots à la Réunion et un semi-rigide à Mayotte ;

• la capitainerie du grand port maritime de la Réunion ;

• d’autres partenaires encore comme la DGAC, le SMUR* 974, le SDIS 974, etc…

Le CROSS entretient des relations étroites avec ses partenaires institutionnels régionaux comme la commission

thonière de l’océan indien (CTOI), la commission de l’océan indien (COI) et, en particulier, le coordonnateur régional

du plan régional de contrôle des pêches.

Bien entendu, le CROSS a des contacts réguliers avec ses partenaires institutionnels nationaux comme, par exemple,

la DAM (SM1 et AM3 principalement), le CEREMA, la DPMA (BCP et bureau des affaires internationales), et la

DPMM, s’agissant de la gestion de ses personnels militaires.

La zone de responsabilité du CROSS

La zone de compétence du CROSS Réunion en matière de sauvetage en mer (search and rescue region - SRR), a

été fixée lors de la conférence internationale de Fremantle en septembre 1998 sous l’égide de l’OMI. Elle s’étend sur

5,6 millions de km². Elle détermine la zone de compétence du CROSS en matière de recherche et de sauvetage en mer,

mais également en matière de sûreté maritime et d’exercice de la fonction de service d’assistance maritime (MAS).

Ces limites n’ont pas été modifiées pendant mon affectation au CROSS, mais la prise en compte en 2018 des opé-

rations SAR dans les eaux territoriales de Mayotte (en SRR de Madagascar) va “agrandir” encore cet espace maritime.

L’État de Madagascar n’a pas signé la convention internationale lui confiant une SRR, en conséquence de quoi le

CROSS Réunion gère de fait les opérations SAR en SRR malgache, dans laquelle se trouvent les ZEE françaises du

canal du Mozambique, des Glorieuses et de Tromelin.

La gestion du “risque requin” par le directeur du CROSS a été spécifique à ce DOM, jusqu’à la nomination du

directeur du CROSS quittant qui a été nommé chargé de mission de requin par le préfet de la Réunion. La perspective

en ce domaine est de transférer le site info-requins, hébergé et mis à jour par le CROSS, vers le CRA (centre de res-

sources et d’appui pour le risque requin) nouvellement créé à l’été 2016.

**

LES ACTIONS

La valorisation des actions du CROSS vis-à-vis de nos partenaires institutionnels, dont le DDG-AEM et les très

bonnes relations entretenues avec le CZM en font un acteur incontournable du paysage maritime régional.

Les relations avec les administrations concourant à l’action de l’État en mer, comme la Marine nationale, la Douane,

la Gendarmerie, sont de bonne qualité et le déminage systématique des non-conformités constatées concourt justement

à les maintenir à leur meilleur niveau.

Le CROSS assure le contrôle opérationnel à la mer des unités engagées pour les opérations SAR et, là aussi, les très

bonnes relations avec les moyens opérationnels mis en œuvre par le CROSS sont à souligner. À cet égard, il convient

de noter une bonne collaboration générale des vedettes et canots de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

Bien entendu, il nous arrive – et c’est bien nécessaire - de rappeler certaines dispositions opérationnelles, ce qui est

généralement bien perçu par nos partenaires comme le SDIS 974 et le SAMU 974.

Les moyens SAR aériens à la Réunion sont limités à un hélicoptère de la Gendarmerie polyvalent, qui intervient

également pour le secours de montagne avec le PGHM. Sa zone d’intervention se limite à un rideau maritime très côtier

(sauf cible navire de commerce) et uniquement de jour. Le complément ponctuel peut être assuré par deux hélicoptères

Panther embarqués à bord des deux frégates basées à la Réunion sur demande du CROSS exprimée auprès du CZM. À

Mayotte, un hélicoptère de la Gendarmerie est présent. L’ensemble de ces moyens aériens nous permet de faire effectuer

des opérations de treuillage ponctuel jusqu’à une distance d’environ 60 - 80 milles marins de la côte, sachant que le

Panther dispose d’une projection théorique jusqu’à 120 milles marins.

Plus au large encore nous pouvons compter sur les CASA de l’Armée de l’Air, dont les performances sont cependant

limitées, avec des préavis de 24 heures hors jour ouvrable. Cette dernière condition réduit toutefois la capacité de re-

cherche pouvant être déployée.

Le CROSS entretient des contacts réguliers avec ses partenaires institutionnels et fait en sorte d’assurer la promotion

par voie de presse des opérations de sauvetage significatives. Il concourt également à mieux se faire connaître grâce

aux propositions de visite du CROSS en particulier auprès des équipages de la SNSM. Le CROSS reste pour le

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DDGAEM une vitrine qu’il convient de faire découvrir aux délégations nationales ou étrangères (notamment celles à

composante maritime) lors de leur visite à la Réunion.

L’actualité est là pour nous montrer régulièrement que le sujet maritime qui passionne vraiment les médias à la

Réunion est le “risque requin”. De ce fait, la presse locale est peu intéressée par les autres sujets maritimes. Sur ces

points, la communication est assurée via des communiqués de presse diffusés par le service communication de la pré-

fecture de région.

À la Réunion, le cinquantenaire de la création des CROSS a été marqué par la venue du secrétaire général de la mer

le 14 novembre 2016, ce qui a constitué une excellente occasion d’assurer la promotion du CROSS auprès des médias

et de nos partenaires. Mon souhait est de parvenir à développer un partenariat régional SAR entre tous les États concer-

nés de l’Océan Indien, Madagascar, Maurice, Seychelles, Comores, Mozambique, grâce, par exemple, aux visites mi-

nistérielles déjà organisées.

Le rôle du directeur du CROSS/MRCC

Dans son rôle opérationnel, le directeur du CROSS assume les fonctions de directeur des opérations de secours, qui

correspondent à ses attributions fonctionnelles classiques, avec participation au tour de service des CMS. En matière de

communication interne (autorités locales et nationales) et externe (presse), il est l’interlocuteur privilégié des autorités

institutionnelles et de la presse.

Les relations avec les familles sont assurées par le chef de quart s au fur et à mesure du déroulement des opérations,

sauf opération d’ampleur ou médiatique, auquel cas le CMS, voire le directeur, les prennent à leur compte.

Pour ce qui concerne le rôle de « porteur de mauvaises nouvelles », lorsqu’il s’agit d’annoncer aux proches les

résultats infructueux des recherches entreprises, voire le décès de la ou des personnes recherchées, ce rôle est dévolu

habituellement à la DMSOI* pour les marins professionnels. La responsabilité de prendre la décision de suspension des

recherches lors d’une opération et d’en informer les familles en cause appartient au directeur, après échange avec le

CZM ou le directeur de cabinet du DDGAEM.

Les difficultés liées à la transmission de l’alerte

Il m’est arrivé parfois de constater certains retards dans les transmissions d’alerte au CROSS, car il y avait eu un

appel direct au CODIS ou au SAMU au lieu du CROSS. À chaque fois, il s’est agi de rappeler courtoisement à nos

interlocuteurs les règles de communication téléphonique « à trois ». Les tirs de fusées rouges abusifs signalés dans des

zones précises du littoral (commune du Port) sont fréquents et donnent lieu à l’engagement inutile de, mais telle est la

règle…

La couverture VHF a été sensiblement améliorée avec une VHF supplémentaire implantée à la base navale pour

couvrir la partie NW à terre (trait de côte) de l’île de La Réunion.

La surveillance des plages

À La Réunion, les zones de baignade sont limitées aux lagons en raison du « risque requin ». Les maires des com-

munes littorales sont très sensibilisés à la question en particulier en raison du « risque requin ». Dans la zone littorale,

les sapeurs-pompiers jouent un rôle actif avec des moyens nautiques régulièrement sollicités afin de procéder à une

mise à l’eau au plus près de l’intervention.

Par ailleurs, il faut signaler qu’il existe de nombreux vecteurs maritimes autour du chantier de la nouvelle route du

littoral (NRL).

* *

L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

Une plaquette éditée à l’occasion du cinquantenaire de la création des CROSS, rappelle quelques opérations mar-

quantes coordonnées par le CROSS ces dernières années. Elle est téléchargeable sur : http://www.dm.sud-ocean-in-

dien.developpement-durable.gouv.fr/historique-r244.html

Le bilan de l’année 2016 indique, quant à lui, une activité soutenue pour le CROSS Réunion en événements de mer,

en opérations de sauvetage et d’assistance, en surveillance des pêches et des pollutions. Cette activité est d’autant plus

soutenue que le CROSS s’est engagé dans un renforcement de la surveillance de la navigation maritime pour l’ensemble

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des zones sous souveraineté française du Sud de l’océan Indien. Les moyens techniques mis en œuvre permettent dé-

sormais de surveiller le transit des navires navigant dans nos ZEE.

La proximité des SRR sous responsabilité malgache et mauricienne incite également à collaborer plus étroitement

avec nos partenaires et voisins tant sur le plan de la surveillance des pêches que sur celui de la surveillance de la

navigation maritime. L’échouement du M/V BENITA dans le Sud-Est de l’île Maurice ou celui du vraquier NEW MYKONOS,

soulignent l’importance que revêt la mission de surveillance du trafic maritime dans la zone Sud de l’océan Indien,

notamment des navires croisant au large de nos ZEE du canal du Mozambique. L’augmentation du trafic maritime dans

la zone et notamment de navires transportant des marchandises dangereuses dans le canal du Mozambique incite le

CROSS Réunion à poursuivre cette surveillance initiée en 2016 par l’utilisation de l’outil IMDATE de l’EMSA.

Compte-tenu de la pression croissante de la pêche illicite dans les îles Éparses, le CROSS a poursuivi sa politique

de coordination des moyens nautiques de la Marine nationale et des Affaires maritimes notamment dans le traitement

et la transmission des procédures au parquet. Avant le départ en mission, un briefing est organisé par le service de

surveillance des pêches au profit des équipages ou des officiers chargés du contrôle des pêches à bord de ces navires.

En ce qui concerne Mayotte, le transfert des compétences SECMAR au CROSS Réunion sera effectif lorsque les

conditions techniques seront réunies. À cet effet, la direction des affaires maritimes a décidé de financer et de déployer

un réseau radioélectrique de communication (réseau VHF et AIS) dans le courant de l’année 2017, destiné à assurer la

couverture des eaux territoriales depuis le CROSS.

Le renforcement du dispositif de secours en mer à Mayotte reste une priorité en 2017, compte-tenu de la prégnance

des opérations de lutte contre l’immigration clandestine et des opérations de sauvetage des migrants en mer. Là encore,

la direction des affaires maritimes a décidé l’affectation provisoire d’un officier marinier, chef de quart, en renfort du

CMS de l’organisation SECMAR de Mayotte, dans l’attente du transfert des opérations vers le CROSS.

LES AUTRES MISSIONS DU CROSS/MRCC

La surveillance de la circulation maritime

Le CROSS Réunion est déclaré auprès de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) en qualité de centre de

surveillance de la navigation maritime dans sa zone de responsabilité. Cette mission a pour objectif :

• D’assurer la sécurité des personnes embarquées et des navires,

• De protéger l’environnement marin et le littoral,

• De garantir le respect des règles de la circulation maritime,

• De prévenir les accidents en mer.

La mission de surveillance et suivi de la navigation au sein du CROSS Réunion comporte deux volets :

• Un volet « Suivi de la navigation aux abords de l’île de La Réunion » : il s’agit de recueillir les informations AIS

de tous les navires transitant dans la zone des 50 milles nautiques autour de La Réunion, de veiller au respect de

la réglementation SURNAV* et de détecter toute situation anormale afin de prévenir tout risque de collision,

d’échouement ou de pollution.

• Un deuxième volet « surveillance de la navigation dans la SRR et les ZEE françaises » : la mission consiste en

la surveillance permanente des ZEE du canal du Mozambique via l’outil de report des pistes AIS et LRIT Imdate.

Le contrôle des pêches maritimes

La mission de contrôle des pêches, ainsi que les missions de surveillance de la navigation et des pollutions, s’exer-

cent dans le périmètre des zones économiques exclusives françaises de l’océan Indien, à savoir :

• La Réunion

• Mayotte

• Îles éparses (Glorieuses, Juan de Nova, Bassas da India, Europa, Tromelin)

• Terres australes et antarctiques françaises de Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam.

Ces zones économiques, dont les ressources sont intégrées au patrimoine de l’État, s’étendent sur une surface totale

de 2,5 millions de km2, représentant le quart des ZEE françaises.

Le contrôle des pêches est centralisé en métropole au niveau du centre national de surveillance des pêches d’Étel.

Or depuis 2001, les autorités en charge de la lutte contre la pêche illégale de la légine dans les ZEE australes ont porté

le projet intitulé « Radarsat » qui permet une détection par radar des navires situés dans les zones économiques exclu-

sives (ZEE) de Kerguelen et de Crozet à partir d’un satellite. Le système a fonctionné en mode opérationnel depuis le

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mois de février 2004 à partir du CROSS Réunion, ce qui a légitimé la fonction de surveillance des pêches à partir de ce

CROSS. La présence du patrouilleur hauturier des affaires maritimes OSIRIS, implanté à la Réunion pour lutter contre

la pêche illégale, renforce également le positionnement du CROSS comme centre opérationnel de surveillance des

pêches.

Le CROSS exerce ainsi avec l’aide d’outils de surveillance élaborés (satellite Radarsat2), le suivi de positionnement

obligatoire (VMS national et régional dans le cadre de la COI) et volontaire (Suivi AIS par satellite), les fonctions d’un

centre régional de surveillance des pêches, sous l’autorité du CNSP, et de contrôle opérationnel des moyens de surveil-

lance des pêches.

La surveillance des pollutions maritimes

Le CROSS RÉUNION est chargé de recueillir toute information concernant les pollutions en mer pour en informer

les autorités responsables de la lutte tant en mer que sur le littoral. Le CROSS est également chargé de coordonner les

interventions de recherche et de constatation des infractions en matière de pollution marine afin de donner l’ensemble

des éléments nécessaires au procureur de la République, compétent pour engager des poursuites.

* *

LA STRUCTURE DU CROSS/MRCC : MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS

Au plan humain

L’état-major du CROSS comprend un directeur et deux officiers. Le plan d’armement du personnel, qui comportait

un effectif de 26 ETP, est passé à 24 ETP à l’été 2015, avec une menace de perte de 2 ETP supplémentaires en 2018

après la création de la cellule outre-mer au CNSP d’Étel. Mais cette décision a été différée compte tenu de la prise en

charge en 2018 des opérations SAR de Mayotte. Il serait nécessaire de maintenir cet effectif pour assurer la totalité de

nos missions.

La formation du personnel s’effectue conformément aux textes et elle est réalisée sur site à son arrivée (tour de l’île,

visite des services opérationnels et SNSM, retour d’expérience mensuel des opérations).

La situation matérielle du CROSS/MRCC

La rénovation des équipements et la mise à niveau la salle opérations avec l’installation de 3 postes “SGTV2” ont

été effectuées en février 2017. Les équipements sont à niveau mais il demeure toujours l’exigence d’une maintenance

périodique nécessaire ainsi que la sécurisation des données du service.

L’hébergement des personnels est assuré au sein de locaux de la base navale mais il est nécessaire d’apporter ponc-

tuellement des éléments de confort, comme, par exemple, la rénovation de la cuisine, l’achat de climatiseurs pour les

chambres, etc.

Le régime de travail spécifique du personnel permet de maintenir un chef de quart “H24” et un adjoint au chef de

quart entre 07h00 et 22H00. Pour le service “surveillance des pêches”, le régime de travail s’applique aux heures ou-

vrables et une astreinte en HNO.

Les moyens nécessaires à l’exercice de nos missions opérationnelles sont globalement satisfaisants, sauf pour ce qui

concerne la dotation budgétaire de fonctionnement, dont on constate la diminution constante ces dernières années.

La couverture radio

Les équipements radio permettent une couverture radio VHF et HF suffisante pour balayer l’ensemble de la zone de

compétence du CROSS, zone classée en couverture A3 malgré l’installation de stations VHF à la Réunion. La couver-

ture, qui est optimale, a été étudiée avant l’installation des équipements, qui sont de 3 stations VHF dont 2 avec AIS et

2 Stations VHF/AIS prévues à Mayotte.

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CONCLUSION

Mon affectation est encore en cours et un bilan sera établi à l‘issue. Dès à présent, j’exprime ma satisfaction d’avoir

pu mener à bien l’achèvement de la modernisation /mise à niveau de la salle opération, de la mise en place d’un suivi

permanent de la navigation dans le canal du Mozambique et d’une structuration claire et efficace du service surpêche

du CROSS (avec des résultats tangibles).

Cela étant, une énergie farouche doit être dépensée pour défendre en permanence l’effectif du CROSS (pourtant

limité) auprès de la DAM et un budget à niveau vis-à-vis de la DMSOI*. Les budgets contraints ne permettent pas de

développer une coopération régionale en matière de SAR, pourtant nécessaire en matière de formation de nos partenaires

régionaux. Le financement des déplacements aux réunions de coordination régionale en matière de contrôle des pêches

oblige à monter des dossiers financiers complexes Inter-reg qui mobilisent beaucoup d’énergie…

* = *

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SIXIÈME PARTIE *

Les infrastructures techniques des CROSS

Cette sixième partie a été rédigée par l’administrateur en chef des affaires maritimes Jean-Charles CORNILLOU,

qui a occupé les fonctions de chef du bureau du contrôle des navires au titre de l’État du port à la Direction des affaires

maritimes de 2002 à 2006, de directeur du CROSS/Corsen de 2006 à 2011 puis de responsable de la signalisation

maritime au CETMEF* devenu ensuite CEREMA*.

Cette partie suit le plan chronologique retenu pour le reste de l’ouvrage. Elle résulte de la compilation de diverses

sources administratives et notamment :

• de documents du CETMEF

• des informations et documents détenus par le rédacteur

I – Les pionniers ou l’émergence (1966-1969) La mise en place de moyens de surveillance DANS LE DÉTROIT DU PAS DE CALAIS

En juin1 1971, la garde côtière britannique installa près de Douvres, à St Margaret's Bay, une station équipée de

moyens radar et radio avec mise à disposition d'un hélicoptère pour l'identification des contrevenants. En juillet 1972,

après une période de neuf mois de surveillance passive, il apparut clairement que quantité d'informations rassemblées

par le centre de surveillance pouvaient être utiles à la navigation.

Simultanément, le Royaume-Uni rendit obligatoires pour ses navires les nouvelles routes recommandées et décida

la mise en action du service de surveillance britannique au 31 juillet 1972, avec détection et identification des navires

contrevenants par navire ou aéronef, rapport à l'État du pavillon, diffusion d'avis à la navigation sur les navires contre-

venants ainsi que sur les conditions de faible visibilité.

La France procéda de même dès mars 1972, avec la mise en œuvre par le Secrétariat Général de la Marine Marchande

et le Service des Phares et Balises d'une station radar au cap Gris-Nez, armée par les Affaires Maritimes en collaboration

étroite avec la Marine Nationale et le service local des Phares et Balises.

L'exploitation continue fut assurée par une équipe détachée du CROSS/Ma Jobourg, dans les locaux désaffectés de

l'ancienne école des gardiens de phare, dès le 1er août 1972. L'Institut de Recherche des Transports (IRT*) coordonnait

et exploitait les expériences qui y étaient effectuées.

1"Le service information du pas de Calais" par le Captain R.K. Emden .S.C, R.N. (revue Navigation n° 91 juillet 1975)

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Le centre de surveillance de la navigation maritime du cap Gris-Nez en 1973

Ce caractère bi-, voire multi-national, qui est un élément déterminant du système, a trouvé sa forme officielle dans la

création de l’Anglo-French Safety of Navigation Group (AFSONG*), subdivisé en deux sous-groupes techniques :

• AFNTG : Anglo-French Navigation Technical Group, qui, comme son nom l’indique, est compétent pour toutes

les questions de sécurité de la navigation,

• AFATG : Anglo-French Accident Technical Group, qui se préoccupe du sauvetage des vies humaines et de l’as-

sistance aux biens.

La première réunion s'est tenue le 16 mai 1972.

Entre-temps, le décret n° 72-302 du 19 avril 1972 organisait en France la coordination des actions en mer des admi-

nistrations de l’État1.

L'ouverture d'un service d'information à l'usage des navigateurs fut assurée à Gris-Nez, à partir du 1er août 1973,

avec un radar de surveillance maritime et des moyens radio VHF de diffusion des messages en langue française, puis

dans les deux langues dès avril 19742.

À cette époque, la perspective de faire passer par le détroit des superpétroliers (ULCC - Ultra Large Crude Carrier)

de 550 000 tonnes de port en lourd, même allégés, avait conduit à définir une route spécifique, dite “à grand tirant

d'eau”, passant au Nord du banc du Sandettié ; de fait, les navires à grand tirant d'eau privilégient ce passage lors de

leur montée vers le Nord.

Côté français, le bâtiment provisoire fut remplacé par un bâtiment plus spacieux, spécialement conçu et construit

pour la fonction de surveillance en 1975 près du phare du cap Gris-Nez, qui fut inauguré en 1976.

1 Décret n° 72-302 du 19 avril 1972, paru au JORF du 22 avril 1972, modifié par le décret n° 77-724 du 18 mai 1974

2 Article "La surveillance maritime dans la Manche et le Pas de Calais" par Yves David, M. Cervin et Noël QUÉRÉ, tiré de la revue "Équipement,

Logement et Transports" n° 85 (1973)

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Le centre de surveillance de la navigation maritime du cap Gris-Nez dans sa version de 1976

Pour faciliter les besoins d'identification des navires contrevenants par les opérateurs, un radiogoniomètre fut installé

en 1979, l'antenne étant disposée sur le phare du cap Gris-Nez au moyen d'une structure très astucieuse et efficace

permettant de préserver l'aspect originel de la lanterne tout en garantissant une stabilité à l'épreuve des tempêtes.

AU LARGE DES CASQUETS

Le CROSS Jobourg a testé différents radars pour préparer la surveillance, très au large, et a pu assurer une veille

permanente dès 1977 puis diffuser des informations par VHF à partir du 1er janvier 1979.

AU LARGE D'OUESSANT

Pour assurer une détection des navires dans la voie la plus éloignée, les installations radar furent implantées au

somment de la tour du Stiff haute de 72 mètres, et dont le point le plus haut est à 120 mètres au-dessus du niveau de la

mer. La tour du Stiff fut inaugurée en 1979 par Valéry GISCARD d'ESTAING, président de la République.

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Installation des premiers radars sur la tour du Stiff (Île d’Ouessant)

Les premiers radars

Dans les années 1960, le radar est l'outil principalement utilisé pour la détection des navires. Un radar de STM*

(Services de trafic maritime) est un radar de type primaire comme les radars embarqués, mais qui fonctionne sur une

gamme de fréquences différentes. La fréquence, la puissance et la hauteur de l'antenne permettent d’optimiser la zone

de couverture par rapport à un radar de navire.

La présentation en vidéo “brute” se fait sur des écrans rémanents qui conservent le temps d'une révolution d'antenne

la trace d'une détection faite au tour précédent. Par un examen visuel attentif de l'écran radar, le chef de quart et son

adjoint doivent s'attacher à marquer cette trace au moyen d'un crayon spécial (c'est l'opération de pointage ou plotting

en anglais) afin d'en permettre le suivi. Avec ces faibles moyens, ils s'efforcent alors de repérer tout navire contrevenant

ou sur le point de commettre une infraction, essentiellement liée au sens de déplacement dans une voie de circulation.

L'identification du navire nécessite d'autres moyens et il est rapidement fait appel à l'usage conjugué du radar et de

radiogoniomètres VHF en associant au plot radar les relèvements obtenus lors du contact radio.

Un écran radar montre des échos de cibles susceptibles de représenter des navires. Mais ces échos peuvent concerner

d’autres objets, voire de faux échos. De plus, l’absence d’écho ne signifie pas l’absence de navire, mais simplement une

probabilité plus faible de présence.

La radiogoniométrie* (RDF)

La radiogoniométrie (RDF) est un système de radiolocalisation élémentaire qui reste toujours très utile aux STM.

Le relèvement d'un appel VHF est signalé sur l'écran radar. Un appel VHF d’un navire est automatiquement indiqué

par son relèvement radio goniométrique (RDF) sur l'écran radar. Les RDF Rhodes et Schwarz installés dans les CROSS

de la Manche ont une précision de +/- 0,5 °, ce qui permet de localiser rapidement un navire avec seulement 2 relève-

ments RDF sans aucune ambiguïté.

La radio1

Dès 1904, le ministère des Postes et Télégraphes ouvre à la correspondance publique la première station radiotélé-

graphique française à Ouessant, ancêtre du Conquet radio. Le premier centre radio maritime en France est créé à Bou-

logne en 1908. Le dernier message en morse à Boulogne-sur-Mer et sur l’ensemble des stations est passé le 31 janvier

1997.

1 Les informations contenues dans ce chapitre consacré à la radio ont pour source essentielle Wikipedia.

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En octobre 1948, le centre récepteur de Saint-Lys est mis en service, avec son centre émetteur du Vernet assurant la

totalité du trafic radiotélégraphique à grande distance avec les navires. Comme beaucoup de stations radio du même

type en ondes courtes, St-Lys radio apportait son aide aux navigateurs pour la sécurité de la navigation, pour les cas

d'urgence à bord (malades, accidents divers) et parfois en cas de détresse.

La station radio de St-Lys, près de Toulouse, est conçue durant la guerre pour maintenir un lien avec les colonies et

territoires d’outre-mer, et assurer également le trafic de correspondance publique en ondes décamétriques ou HF. La

station radio permettait notamment d’assurer une radio consultation médicale avec un navire français n’importe où dans

le monde avant que les radiocommunications par satellites soient disponibles. Des médecins volontaires de l’hôpital

Purpan de Toulouse assuraient ainsi la consultation radio depuis Saint-Lys, puis depuis l’hôpital par basculement de la

communication radio sur le réseau téléphonique. Au fil des ans, le service assuré par l'hôpital Purpan se structura peu à

peu. Il fit l'objet d'une thèse médicale au début des années 1960. Supervisé par les trois ministères intéressés, Santé,

Marine, PTT, il fut finalement coordonné entre toutes les stations radio maritimes françaises et confié au SAMU de

l'hôpital toulousain. Le SAMU de Purpan, le plus expérimenté dans ce domaine, devint un centre pilote du service radio

médical, et plus tard le centre de consultation médicale maritime (CCMM*) français. Dans les années 1970-1980, le

centre traitait en un mois une vingtaine de consultations radio médicales.

On parle toujours de « Saint-Lys Radio », mais en réalité il y avait deux centres. Le centre de réception et d’exploi-

tation de Saint-Lys était situé à environ 21 km dans l'ouest-suroit de Toulouse sur un plateau très dégagé. Le centre

émetteur du Vernet se trouvait à 20 km de Toulouse, dans la basse vallée de l'Ariège. Ces sites avaient été choisis pour

l’environnement géologique de ce plateau de la haute Garonne où différentes sources alimentent une nappe phréatique

qui constitue un excellent plan d’antennes naturel. En 1960, l’essentiel du trafic des télécommunications intercontinen-

tales était acheminé par les liaisons radioélectriques en ondes décamétriques ou ondes courtes.

La veille internationale sur la fréquence de radiotélégraphie* 500 kHz était assurée en France par le ministère des

P&T puis France Télécom depuis les stations radio de Boulogne, Le Conquet, Arcachon et Marseille, ainsi que La

réunion et Dzaoudzi (Mayotte).

Un peu plus tard la veille internationale sur la fréquence de radiotéléphonie* 2182 kHz était assurée par les stations

radio de Boulogne, Le Conquet, Donges, Arcachon, Marseille et Grasse, ainsi que La réunion et Dzaoudzi (Mayotte).

Mais l’outil de radiocommunications le plus souvent employé par les CROSS reste la radio ondes métriques ou

VHF. C’est en 1949 que la fréquence 156,8 MHz est identifiée en modulation de fréquence bande étroite (NFM) pour

la radiotéléphonie à utiliser dans le monde entier pour l'appel, la sécurité, les radiocommunications entre les navires et

entre les navires et les services à terre.

En France, c’est en 1971 que la première station côtière s’ouvre, ce qui permet les liaisons radios/téléphones avec

les navires en mer, système exploité par les PTT puis par France Télécom.

L'obligation d'une station radiotéléphonique en veille sur le canal 16 présente dans tous les navires à passagers et

dans les navires de charge d’un tonnage égal ou supérieur à 300 unités de jauge est adoptée en 1974 dans la convention

SOLAS*.

Ainsi, la VHF est un équipement indispensable pour la surveillance de la navigation maritime. En résumé, la VHF

« donne le son à l'image radar ».

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II – Les constructeurs ou l’essor (1981-1990)

CROSS Gris Nez

En 1984 fut inauguré le centre actuel du CROSS Gris-Nez, regroupant sur un même site les locaux de veille, les

locaux techniques et les locaux de vie.

En 1987, une nouvelle station radar fut mise en service sur le site du mont Saint-Frieux, au Sud de Boulogne-sur-

Mer. Cette station fut équipée en outre de moyens radiotéléphoniques et radiogoniométriques.

CROSS Jobourg

En 1984, fut inauguré un bâtiment neuf disposant de nouveaux équipements qui ont remplacé les bâtiments et

équipements provisoires existant depuis 1973.

CROSS Corsen

En 1979, après une période intermédiaire pendant laquelle la surveillance du trafic fut assurée par la Marine natio-

nale à l'aide de bâtiments patrouillant dans le DST, avait été lancée la construction d'une station radar à la pointe du

Stiff, sur l'île d'Ouessant, avec mise en service début 1981 et exploitation des images au sémaphore du Stiff dans un

premier temps, puis au CROSS Corsen, opérationnel à partir du 15 octobre 1982. C'est dans cette configuration que le

CROSS Corsen fut inauguré le 20 décembre 1982 en présence du ministre de la Mer, Louis Le Pensec.

Le système APRA

Dès le milieu des années 1970, le développement de systèmes de traitement du signal radar et d’affichage de l’image

apporte la possibilité de représenter sur écran des échos dotés d’une numérotation stable et assortis de la visualisation

numérique ou vectorielle des routes et vitesses des navires ainsi que les éléments de cartographie marine. La tendance

est la même sur les radars de bord avec le développement des systèmes d’aide au pointage radar automatique (APRA).

Le système APRA d'un STM important est également plus efficace que celui d'un navire et permet le suivi de plus d'une

centaine de cibles.

La disponibilité de microprocesseurs à faible coût et le développement de la technologie informatique de pointe au

cours des années 1970 et 1980 ont permis d'appliquer des techniques informatiques pour améliorer les systèmes radar.

Les fabricants de radars ont employé cette technologie pour créer l'aide au pointage radar automatique. Les APRA sont

des systèmes de traitement de données radars assistés par ordinateur qui génèrent des vecteurs prédictifs et d'autres

informations du mouvement des navires. Le radar avec la capacité d'une aide au pointage radar automatique (APRA)

peut créer des pistes en utilisant les contacts radar. Le système peut calculer la route de l'objet suivi, la vitesse et le point

d'approche au plus près (CPA). Il indique ainsi s'il existe un risque d'abordage avec un autre navire ou de contact avec

la terre.

Le développement de l'APRA a commencé après l'abordage du paquebot italien ANDREA DORIA avec le paquebot

suédois STOCKHOLM dans un brouillard dense, ce qui occasionna le naufrage du navire italien, au large de la côte est des

États-Unis le 25 Juillet 1956. L'APRA a commencé à émerger dans les années 1960 avec le développement de la mi-

croélectronique. Le premier radar APRA disponible a été livré au cargo TAIMYR en 1969 et a été fabriqué par Nordcon-

trol, maintenant intégré dans Kongsberg Maritime. Les radars APRA sont maintenant disponibles même pour les petits

yachts.

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On notera sur le schéma ci-dessus du Cetmef qu’il était initialement prévu une station radar avec radiogoniomètre à

la pointe du Raz, aux Roches Douvres et sur Guernesey.

La radio

Pour compléter les radiocommunications longues distances, il faut ajouter que la France avait adhéré à l'organisation

INMARSAT (INternational MARitime SATellite) créée le 16 Juillet 1979. Ce service par satellites fut ouvert en France

au trafic le 1er Février 1982 par France Telecom. C'était un investissement important mais prometteur pour l'avenir d'un

service radio maritime plus moderne et plus performant.

Le STNMTE améliore la couverture des stations radio VHF. Afin de définir la zone couverte par une ou plusieurs

stations VHF, une simulation de couverture de fréquence est effectuée au mieux en tenant compte des caractéristiques

de radiation de la station sur la configuration géographique de la zone couverte. Des considérations pratiques doivent

être prises en compte telles que : la localisation qui permet de couvrir la zone voulue, si le site de la station est clair de

tout obstacle à son voisinage immédiat, l’accessibilité, l’existence éventuelle d’une infrastructure en place ou la possi-

bilité de mettre la station en commun avec le propriétaire du terrain et de l’infrastructure.

Une station dite intégrée assure sur un même site simultanément toutes les tâches d’émission et de réception sans

qu’il y ait de réduction de service entre elles. Ces tâches sont accomplies au moyen d’émetteurs récepteurs dont les

fréquences de fonctionnement sont fixes en raison de filtres très sélectifs à l’émission comme à la réception. Seul un

émetteur récepteur de secours multivoie peut être utilisé sur un nombre élevé de fréquences pour secourir une des voies

ou effectuer un trafic supplémentaire éventuel tel un trafic pour une deuxième opération de sauvetage ou encore une

liaison radio médicale sur une voie duplex.

En termes non techniques, les fonctionnalités d’une station radio côtière (SRC), principalement le filtrage et la sé-

lectivité de la fréquence, sont définies pour obtenir la meilleure émission sur une fréquence donnée, ainsi qu’une sensi-

bilité optimale pour la réception d’un signal faible sans aucune comparaison avec ce qu’on pourrait obtenir d’une station

radio de navire.

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III – Les héritiers ou la consolidation (1990-2005)

CROSS Gris-Nez

La couverture radar réalisée à partir des images des radars de Gris-Nez et de Saint-Frieux fut complétée en 1995 par

les images du radar des Dunes du port de Dunkerque.

CROSS Jobourg

Le CROSS Jobourg assure l’exploitation du système de compte rendu obligatoire des navires, instauré depuis le

1er juin 20011 pour les navires transitant dans le DST et les eaux adjacentes, qui doivent signaler systématiquement au

CROSS leur identité, leur voyage, le volume et les catégories de marchandises dangereuses transportées à bord.

Outre les tâches de surveillance de la navigation dans le DST des Casquets, le CROSS Jobourg s'est orienté forte-

ment vers le suivi de la circulation maritime. Il héberge la cellule nationale “information du trafic maritime”, chargée

de l'entretien de la base de données Trafic 2000, en lien avec le service informatique de la direction des Affaires Mari-

times basé à Saint Malo.

La radio:

Saint-Lys Radio, qui a fait partie du patrimoine maritime français, a cessé d’émettre le vendredi 16 janvier 1998 à

20h.

Le 1er février 1992, installation du canal 70 pour effectuer la veille automatique en appel sélectif numérique (ASN)

pour le SMDSM.

Le 1er février 1997, le métier d'opérateur radiotéléphoniste de la marine marchande disparaît.

Le 1er février 1999, la veille de fréquence de sécurité en mer est transférée aux CROSS.

Le 28 février 2000 à 21h, France Télécom ferme toutes ces émissions radio maritimes.

IV – Les rénovateurs ou l’innovation (2005-2015)

Le programme de renouvellement et d’extension de la couverture radar en Manche (RECORAM)

En vue de procéder au renouvellement des radars exploités par les centres régionaux opérationnels de surveillance

et sauvetage en Manche (CROSS) et installés sur les sites de Cap Gris-Nez, Mont Saint Frieux, Jobourg et Ouessant, la

direction des affaires maritimes et des gens de mer (DAMGM) fait réaliser par le Cetmef en 2000 une étude des flux de

trafic maritime en Manche et une expérimentation comparative des matériels radar de nouvelle génération.

1Résolution du comité maritime de sécurité MSC.110(73) du 01/12/2000, circulaires n°32 du 16/05/88 relative au compte rendu obligatoire dans

le DST des Casquets et arrêté inter-préfectoral n° 2002/99 Brest du 18 octobre 2002 et n° 2002/58 Cherbourg du 11 décembre 2002 réglementant la navigation aux approches des côtes françaises de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique en vue de prévenir les pollutions maritimes accidentelles (Surnav)

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La DAM a également demandé au Cetmef de mener une étude préalable permettant d’apprécier l’état d’obsolescence

des matériels radar en service depuis les années 1980 dans les CROSS, d’évaluer l’état de l’art des équipements radar,

de proposer une spécification du besoin à partir des données opérationnelles résultant de l’étude de trafic précitée et des

obligations réglementaires et d’en déduire plusieurs scénarios techniques et financiers de réalisation.

A la suite du choix du scénario retenu par la DAM, maître d’ouvrage, le Cetmef a proposé un programme de renou-

vellement et d’extension de la couverture radar en Manche (RECORAM) précisant les caractéristiques opérationnelles

des nouveaux radars à partir des textes réglementaires internationaux de l’OMI, nationaux ou régionaux (émanant des

préfectures maritimes). Ces textes réglementaires prennent en compte les paramètres suivants :

- les Zones d’intérêt : dispositifs de séparation de trafic (DST), zone de navigation côtière, zone d’appel, zone cô-

tière, chenaux éventuels, zones de surveillance passive entre les DST.

- les Types de navires concernés selon leur taille, leur jauge, et les catégories de navigation.

- le Séparation entre les navires (discrimination) et précision de localisation.

Ces objectifs opérationnels ont été eux-mêmes déclinés en objectifs techniques : portées à atteindre suivant les sites

et les conditions météorologiques, surface équivalente radar des navires considérés par zone et pour chaque site. Des

objectifs particuliers et certaines exigences ont été enfin ajoutés. Le programme prévoyait une réalisation en 6 tranches,

comprenant la mise en réseau des installations radar existantes en France ainsi qu’à l’étranger en zone frontière (Pas de

Calais), le renouvellement des équipements radar des CROSS et la réalisation de nouveaux sites à la Pointe du Raz et

sur Guernesey.

L'évolution des outils des STM1

Les opérateurs de STM ont en général trois capteurs principaux : le radar, le radiogoniomètre (RDF) et l’AIS. Un

radar VTS est un radar de type primaire comme les radars embarqués, mais qui fonctionne sur une gamme de fréquences

différentes. La fréquence, la puissance et la hauteur de l'antenne permettent d’optimiser la zone de couverture par rapport

à un radar de navire. Le système APRA d'un STM important est également plus efficace que celui d'un navire et permet

le suivi de plus d'une centaine de cibles. Le système de suivi radar d’un STM est maintenant combiné avec des infor-

mations AIS.

Le Système d'identification automatique (AIS) est un système de suivi automatique utilisé sur les navires pour l'iden-

tification et la localisation des navires par l'échange électronique de données avec d'autres navires à proximité. Les

informations AIS complètent celles fournies par le radar, qui continue d'être le principal outil de détection. Les infor-

mations fournies par l'équipement AIS, telles que l'identification, la position, le cap et la vitesse, peuvent être affichées

1 Sources : wikipedia

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sur un écran ou un ECDIS. L'AIS est destiné à aider les officiers de quart d'un navire. L'AIS intègre un émetteur-

récepteur VHF normalisé avec un système de positionnement tel que le récepteur GPS, avec d'autres capteurs de navi-

gation électroniques, tels que les compas gyroscopiques ou un indicateur de vitesse de giration.

En raison des limitations des communications radio VHF, et parce que tous les navires ne sont pas équipés de l'AIS,

le système est destiné à être utilisé principalement comme un moyen de surveillance et de déterminer le risque d'abor-

dage plutôt que comme un système d'évitement des abordages automatique. Bien que les exigences de l'AIS consistent

en l’affichage d’informations textuelles très basiques, les données obtenues peuvent être intégrées à une carte électro-

nique graphique ou un écran radar, et de fournir des informations de navigation consolidé sur un seul écran.

Si l'utilisation de l'AIS dans les STM facilite la compréhension des images du trafic, les opérateurs de STM tiennent

compte du fait que l'AIS, à lui seul, ne peut pas être utilisé pour donner une image complète du trafic réel dans une zone

STM en raison des limites de l'équipement tant des navires que ceux du STM.

L’information de radiogoniométrie (RDF) est particulièrement importante dans une zone de trafic telle que la

Manche ou toute autre partie du monde où la circulation est dense. Dans les détroits d'Istanbul, Singapour, Pas-de-Calais

etc.… les navires sont souvent concentrés dans une petite parcelle de la zone STM et ne peuvent pas être rapidement

identifiés par le radar et l’AIS. Toutes les données sont rassemblées dans une petite zone de l'écran VTS où il n'est plus

possible de distinguer les informations AIS. Dans ce cas, un appel VHF d’un navire est automatiquement indiqué par

son relèvement radio goniométrique (RDF) sur l'écran STM.

Le principal problème d'un opérateur STM est d'obtenir une image de la zone STM aussi précise que possible.

Chaque capteur, comme un système de mesure, est impacté par des erreurs. Le radar STM est alors lié à l'erreur qui

peut être corrigée et intégrée. Plus la cible est éloignée du radar, moins précise sera la mesure de distance du radar. Mais

cette erreur est constante et ne dépend que du radar. Un plot radar n'est pas un affichage clair et en fonction des para-

mètres du radar, le tracé radar peut être plus ou moins précis.

Au contraire, l'écran AIS est clair et bien lisible. Mais cette présentation attrayante pourrait conduire à l'erreur si la

position du navire n'était pas vérifiée. Les informations AIS dépendent de différents paramètres. La position géogra-

phique est définie à l'aide d'un GPS attaché à l'émetteur-récepteur AIS. Une erreur sur le réglage de la hauteur de l'an-

tenne GPS, par exemple, peut conduire à une erreur de l'ordre de la longueur du navire, c'est-à-dire environ 300 m pour

les grands navires. Afin d'être bien positionné dans un référentiel général, en d'autres termes, pour être à la bonne

position pour le point de vue du STM et d'autres navires, l'émetteur-récepteur AIS doit être correctement réglé à bord

du navire, à partir de la poupe et la largeur du navire. Sans cette précaution, les informations transmises par l'AIS

peuvent donner une image du navire qui n'est pas à la bonne position. En conséquence, le plot radar du navire ne

chevauche pas la marque AIS sur l'écran de l'opérateur STM. Et il y a donc autant de possibilités d'erreurs qu’il y a de

paramètres et de navires. Il est alors prudent de ne pas faire confiance uniquement à l’AIS pour prévenir les abordages.

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Le système de gestion des voies de télécommunications (SGVT)

Pupitre SGVT (CROSS Méditerranée à La Garde)

Jusqu'en 2008, année où furent installés les premiers pupitres SGVT au CROSS Gris Nez, la commande des diffé-

rentes émetteurs-récepteurs de chaque station radio se faisait à l'aide d'un système dédié à chaque émetteur-récepteur

par station radio. Ainsi, à une station comportant 5 émetteurs récepteurs, correspondait autant de haut-parleurs pour

l'écoute et de microphones pour parler installés au CROSS. Le SGVT est un véritable outil structurant des CROSS, qui

a permis de décupler leur capacité de veille et de diffusion radio. Le système consiste à télécommander l'ensemble du

réseau de stations radio sur un simple écran d'ordinateur. On sélectionne ainsi la station radio sur laquelle on souhaite

communiquer avec un navire, puis on sélectionne selon le besoin le canal VHF suivant les émetteurs disponibles. En

veille, l'opérateur reste à l'écoute d'éventuels appels sur le canal de détresse international 16, grâce aux différents haut-

parleurs disposés sur le portique au-dessus du poste (voir photo ci-dessus). L'intérêt du système est la possibilité à

présent pour les CROSS de maintenir un service opérationnel quelles que soient les circonstances tout en continuant

d'autres tâches. Par exemple, auparavant, en cas d'exercice SAR important, si une opération réelle survenait, il était

parfois nécessaire d'annuler l'exercice. A présent un poste SGVT peut être dédié à l'exercice, et un autre poste peut

continuer d'assurer les missions opérationnelles sur l'ensemble du réseau radio du CROSS.

CROSS Gris-Nez

La couverture radar réalisée à partir des images des radars de Gris-Nez et de Saint-Frieux fut complétée en 2012 du

radar belge d’Oostdijckbank (situé en face d’Ostende) et utilisé par le VTS de l’Escaut.

CROSS Jobourg et Corsen

Avec l’évolution des équipements propres aux services de trafic maritime (intégration des voies radio, AIS et radar),

une nouvelle rénovation des salles d'exploitation du CROSS Jobourg a été effectuée en 2010, suivie de celle de Corsen

en 2012.

* * *

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SEPTIÈME PARTIE *

Vers les JRCC ?

ACAM Clément JACQUEMIN (directeur du JRCC Tahiti depuis 2015)

L’administrateur en chef des Affaires maritimes Clément JACQUEMIN est directeur du MRCC, devenu JRCC*,

Papeete (Tahiti), depuis 2015.

Créé par l’arrêté du ministère de l’écologie, de l’énergie et de la mer du 8 août 2016, le premier JRCC français est

l’aboutissement d’un travail de plusieurs années et le fruit d’une collaboration de nombreux acteurs opérationnels et

institutionnels.

Au sens des conventions internationales (la convention SAR de l’OMI signée à Hambourg en 1979 et la convention

de l’OACI* signée à Chicago en 1944) un JRCC désigne un centre de sauvetage conjoint aéronautique et maritime, ou

en anglais “Joint Rescue Coordination Centre”. Il s’agit donc de regrouper dans un seul et même centre un Maritime

Rescue Coordination Centre (MRCC) et un Aerial Rescue Coordination Centre (ARCC)*.

Ces mêmes conventions internationales recommandent d’ailleurs aux autorités en charge du sauvetage de privilégier

les centres uniques tels que les JRCC. Un seul et même centre dirigeant les moyens de sauvetage depuis leur engage-

ment, jusqu'au sauvetage des personnes impliquées, et ce, quel que soit le mobile recherché, est gage d'efficacité. Cela

évite notamment le risque dit de “rupture de charge” que l’on peut par exemple rencontrer lorsqu’il s'agit de rechercher

un aéronef abîmé en mer, en transférant la responsabilité de la conduite de l’opération du centre en charge de la re-

cherche (ARCC) vers le centre en charge du sauvetage (MRCC).

Cette organisation spécifique de la coordination du sauvetage prenait donc particulièrement tout son sens en Poly-

nésie française, où plus de 99 % de la zone de responsabilité du sauvetage aéronautique (Flight Information Region) est

au-dessus de la mer, et où la totalité des 47 aéroports et aérodromes polynésiens sont à proximité immédiate de la mer.

Dès 2010, de nombreux échanges et études ont donc été menés entre les Affaires maritimes et l’Aviation civile, tant

à l’échelon national que local, pour donner une existence juridique à ce futur centre commun, lui permettre ensuite

d’exercer ses missions conformément au droit (code des transports, code de la sécurité intérieure, conventions interna-

tionales) et enfin, bien répartir les responsabilités de chacun.

Sur ce dernier point, l’outre-mer offre un avantage considérable, puisque le JRCC Tahiti est efficacement placé sous

l’autorité, directe et unique, du Haut-commissaire de la République en Polynésie française. Ce dernier étant compétent

dans les deux domaines d’intervention du JRCC, notamment grâce à sa qualité de délégué du gouvernement pour l’ac-

tion de l’Etat en mer.

Cependant, en raison des contraintes budgétaires toujours plus fortes, il s’est avéré année après année que ce nouveau

centre, créé sur les bases de l’ex-MRCC, assumera les deux missions de sauvetage aéronautique et maritime, à effectifs,

moyens et budget constants. Seul du matériel de communication et de la documentation seront finalement rapatriés de

l’ARCC vers le MRCC devenant JRCC. S’agissant des effectifs, l’ARCC, n’étant pas armé en permanence mais seule-

ment en cas de détresse, ne disposait d’aucun personnel affecté spécifiquement à cette mission et ne pouvait donc en

transférer vers le JRCC.

Hormis ces contraintes majeures, il fallut également répondre à un certain nombre de questions, jamais posées

jusqu’à présent :

• déterminer quelle autorité ou organisme déclenche officiellement les opérations de sauvetage en fonction du

mobile recherché (navire, aéronef, etc.) et de la zone de travail (terre ou mer),

• repenser les modalités de définition de la zone probable d’accident de l’aéronef,

• organiser et répartir la coordination des recherches à terre,

• définir strictement le processus d’arrêt des recherches pour chaque mobile impliqué, en fonction de la zone de

recherches (terre / mer),

• pallier l’absence de compétence aéronautique parmi le personnel du JRCC.

Le dernier point est sans conteste le plus préoccupant. A défaut de mutualisation des effectifs avec l’Aviation civile,

ni le personnel officier des Affaires maritimes, ni le personnel non officier de la Marine nationale du MRCC n’avaient

de compétences en matière de recherche et de sauvetage aéronautique. Le problème a d’abord été partiellement résolu

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avec l’obligation prévue par l’arrêté ministériel de faire rallier le JRCC par du personnel de l’aviation civile dès la

réception d’une alerte aéronautique classée en phase de détresse. Puis, le personnel du JRCC a aussi bénéficié au cours

de l’année 2017 d’une formation dispensée par du personnel militaire de l’armée de l’air de l'ARCC Lyon Mont-Verdun,

venu tout spécialement en Polynésie française.

A l’avenir, il faudra nécessairement que les futurs officiers et chefs de quart affectés en JRCC bénéficient systéma-

tiquement et préalablement d'une telle formation au sauvetage aéronautique. Le contenu exact de cette formation est

d’ailleurs à définir avec le service SAR de la DGAC1et il faudra aussi déterminer l'organisme en charge de la dispenser

: ENSAM2, ENAC3 ou ARCC ?

De la formation et la qualification des personnels dépendent le succès et la pérennisation du JRCC. Il y va évidem-

ment de sa crédibilité vis à vis de ses autorités, de ses partenaires et interlocuteurs locaux, nationaux et internationaux.

Aujourd’hui encore, l'ensemble du personnel est parfaitement conscient de ses lacunes, notamment en matière de

documentation et de procédures aéronautiques, toutes deux particulièrement nombreuses et complexes. Mais les lacunes

sont aussi techniques : comment résiste et se comporte un avion dans l'eau (choc, flottabilité, dérive...) ? quels sont les

équipements de survie et de sauvetage présents à bord des différents appareils ? Etc.

Le JRCC Tahiti étant le premier du genre, son personnel continue donc d’apprendre tous les jours, à chaque nouvelle

alerte. Le volume opérationnel dans le secteur aéronautique n’étant pas (heureusement) aussi élevé que celui du secteur

maritime, il est très difficile de se forger une solide expérience en quelques mois. Il faut donc multiplier les exercices

pour l’acquérir coûte que coûte afin d’alimenter les procédures internes au JRCC, toutes élaborées à partir d’une feuille

blanche, et complétées et modifiées sans cesse.

Fort heureusement l’efficacité du centre a rapidement fait ses preuves. Le traitement des alertes de détresse aéro-

nautiques par un centre opérationnel expérimenté (même s’il ne l’est encore vraiment que dans le domaine maritime) et

armé en permanence (à la différence de l’ex-ARCC) est un atout considérable pour assurer la mission.

Dès la réception de l’alerte, la réponse est instantanée, avec :

● une étude de la zone concernée (distance, météo, etc.),

● une mise en alerte des moyens SAR semi-spécialisés et complémentaires4,

● un inventaire et un engagement des éventuels moyens disponibles sur zone.

Puis, dans la conduite des opérations, si quelques difficultés existent encore lors des recherches à terre, le savoir-

faire en termes de coordination et la connaissance des moyens SAR existent bel et bien.

Si beaucoup de chemin, on le voit, reste encore à parcourir par le JRCC Tahiti pour se perfectionner, le principe de

fusionner ces deux compétences dans un centre unique est déjà une réussite.

Il pourrait être alors opportun de créer d’autres JRCC en France ?

Effectivement, un centre de sauvetage conjoint semble en effet parfaitement adapté à l’outre-mer pour deux raisons

principales :

● l’organisation administrative de l’Etat en outre-mer, nous l’avons vu, est davantage propice à cette organisation

grâce à l’autorité unique que constitue le Préfet (ou le Haut-commissaire) car délégué du gouvernement pour

l’action de l’Etat en mer.

● l’outre-mer ce sont d’abord des îles (à l’exception de la Guyane bien sûr) et le risque de voir disparaître un

aéronef en mer est d’autant plus grand, et c’est bien là que réside l’intérêt d’un centre conjoint.

C’est donc logiquement que d’autres JRCC sont en projet dans des territoires ou départements d’outre-mer, notam-

ment aux Antilles où le CROSS AG a déjà entamé à son tour les discussions et travaux.

En revanche, en métropole, il convient de s’interroger réellement sur l’intérêt que représenterait la création de JRCC.

Trois difficultés semblent s’opposer à un tel projet, tout au moins à court ou moyen terme :

● depuis le 1er septembre 2015, il n’existe plus qu’un seul et unique Centre de Coordination de Sauvetage Aéro-

nautique, l’ARCC Lyon-Mont-Verdun. Les trois autres centres ont été fermés, démontrant ainsi que d’importants

efforts de rationalisation ont déjà été effectués sur la mission de recherche et sauvetage aéronautique en métro-

pole. Si un (ou plusieurs) JRCC devai(en)t être créé(s), ce serait donc en remplacement de ce dernier ARCC.

● la configuration du territoire métropolitain est différente de celle des outre-mer. N’étant pas une île, la métro-

pole n’offre pas le même intérêt déjà exposé en supra. Le risque de perdre un aéronef à terre étant ici tout aussi

1 DGAC : Direction Générale de l’Aviation Civile 2 ENSAM : Ecole Nationale de la Sécurité et de l’Administration de la Mer 3 ENAC : Ecole Nationale de l’Aviation Civile 4 En Polynésie française ils sont constitués d’avions Gardian et d’hélicoptères Dauphin de la Marine

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grand que de le perdre au-dessus de la mer. De plus, son territoire étant très vaste (550 000 km²) et particuliè-

rement varié, ceci imposerait un découpage du territoire pour le répartir entre les CROSS, sauf à ce qu’un seul

CROSS, devenu JRCC, s’arroge l’ensemble du territoire si l’on demeure dans la logique, déjà adoptée, de

l’ARCC unique.

● à la différence de l’organisation administrative ultramarine, placée sous l’autorité unique du Préfet ou du Haut-

commissaire, la mission SAR aéronautique en métropole relève de plusieurs autorités très différentes, ce qui

peut constituer un obstacle à la création d’un centre de sauvetage conjoint. L’ARCC opère d’abord sous la

responsabilité du Commandement des Opérations Aériennes et de la Défense Aérienne. Lorsque la recherche

doit s'effectuer en secteur maritime, l’ARCC délègue la direction de l'opération au Préfet maritime qui confie la

conduite des opérations de recherches aux Centres Opérationnels de la Marine nationale (COM) de Brest (Sec-

teur Atlantique), Cherbourg (Secteur Manche et Mer du Nord) ou Toulon (Secteur Méditerranée) qui arment

alors leur Centre secondaire de sauvetage (RSC : Rescue Sub Centre). L'opération de recherche et de sauvetage

peut être ensuite, et c’est très souvent le cas, déléguée aux CROSS qui assurent de façon permanente la fonction

de MRCC. Les recherches à terre, par moyens terrestres, sont quant à elles dirigées par le Préfet de département,

qui rend compte à l’ARCC.

C’est pourquoi pour l’ensemble des raisons invoquées ci-dessus, l’organisation actuelle de la coordination de la

recherche et du sauvetage aérien et maritime du territoire métropolitain, qui apparaît d’ailleurs très satisfaisante, ne

semble pas devoir évoluer vers une fusion des compétences aériennes (ARCC) et maritimes (MRCC).

Pour le JRCC Tahiti (et ceux à venir en outre-mer), c’est réellement un monde nouveau qui s’est ouvert à lui. Le

secteur aéronautique (comme le secteur maritime) étant doté d’une identité, d’une culture et d’une technologie fortes

qui lui sont propres. Le JRCC doit donc absolument se positionner dans les mois et les années à venir dans ce secteur

d’activité très dynamique, pour s'affirmer et être reconnu comme un acteur incontournable de la sécurité aéro-maritime

en Polynésie française et dans le Pacifique. Le défi est passionnant !

* = *

Le PC Ops au JRCC Tahiti

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POSTFACE

Au terme de cinquante années d’existence et aux marches d’un nouveau demi-siècle d’actions, il n’était pas anormal de revenir sur les conditions de création des CROSS et sur leur développement constant au service de la sécurité de la navigation et de toutes les autres activités nautiques. C’est ce à quoi le présent numéro de la revue RIGEL a entendu se consacrer en réunissant nombre de récits des acteurs de cette séquence temporelle et en les livrant pour servir à l’histoire des CROSS.

Mais cette histoire des CROSS n’est pas indépendante de l’histoire des autres innovations qui aux Affaires maritimes ont marqué ce demi-siècle, celle des Centres de sécurité des navires et celle du Bureau enquête-accidents/mer notam-ment. Touche après touche, nos interventions et analyses ont quitté le domaine local, celui que gérait le bien nommé “chef de quartier” lequel intervenait avec des moyens de proximité, Elles ont pris un caractère plus large, régional, na-tional, international … C’est que ce demi-siècle a été le théâtre d’une formidable évolution, à la fois de la navigation commerciale et des loisirs nautiques faisant intervenir majoritairement des acteurs nouveaux qui ne relevaient plus de la catégorie des ressortissants traditionnels de l’administration maritime.

Les loisirs nautiques existent depuis cent cinquante ans mais ce n’est que depuis les années 60 qu’ils sont devenus des pratiques de masse d’abord estivales mais évoluant actuellement vers une ouverture croissante des périodes d’usage ludique de l’estran et des eaux côtières. Il a fallu s’adapter progressivement à cet état de fait et cela conduisait à une nouvelle organisation des secours.

L’évolution de la navigation commerciale posait d’autres problèmes encore plus difficiles à appréhender. Durant ce demi-siècle, la notion de pavillon national n’a cessé de s’effriter. Certes, tous les navires marchands possèdent un pa-villon conforme à la Convention de Montego-Bay sur le droit de la mer et disposent soit en propre soit par délégation à des sociétés de classification des dispositifs de contrôle des conventions internationales concernant les navires ou leurs équipages. Mais, la majeure partie de la flotte mondiale est aujourd’hui enregistrée sous le pavillon d’États de libre immatriculation et les navires circulent en dehors de tout lien réellement substantiel avec ces États avec des contrôles au mieux aléatoires et au pire inexistants. L’Organisation maritime internationale et l’Organisation internationale du travail en ont tiré les conséquences. Faute de fiabilité de la majeure partie des États de pavillon, le contrôle de l’application de leurs conventions internationales est doublé et le plus souvent tout simplement pallié par des contrôles de l’État du port à présent parfaitement institutionnalisés au terme de ce qui en définitive qu’une déséconomie externe.

Cette évanescence des États du pavillon se retrouve en ce qui concerne les missions des CROSS. La majeure partie des navires marchands, hors pêche, transitant dans les approches maritimes de notre Union européenne ne bat plus le pavillon d’un de ses États-membres. La surveillance du trafic et les actions de sauvetage se font donc pour le compte de la communauté internationale, mais sur le seul budget de l’État-côtier sans aucune contribution des États de pavillon. Encore une déséconomie externe … Du coup, les CROSS et tous les autres Maritime Rescue Coordination Centres, sont devenus des avant-postes de la mondialisation. L’évolution profonde de ces cinquante années est là : passer du local au national et de ce dernier à l’international. Nous pouvons être fiers des officiers qui y ont œuvré…

Georges TOURRET administrateur général(2S)des affaires maritimes

président de l’Association des administrateurs des affaires maritimes

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situation du texte au 06/11/2017 à 17:08 RIGEL n° 41 – octobre 2017

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L E X I Q U E & N O T E S

Ce lexique et ces notes se réfèrent aux noms, aux mots et aux expressions marqués d’une * dans

le corps du texte.

AAM : Administrateurs des affaires maritimes Les administrateurs des affaires maritimes sont un corps d’officiers de carrière de la marine nationale administrés par le ministère chargé de l’administration maritime actuellement celui de la transition écolo-gique et solidaire1. Ils ont vocation à occuper les postes de cadires supérieurs de l’administration maritime. Ils participent, au sein des instances nationales, internationales et communautaires, à la con-ception, à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques maritimes et notamment : - à la sûreté et à la sécurité maritime, - au développement durable des ressources et des espaces mari-

times et littoraux, - à la recherche, à l’enseignement et à la protection sociale mari-

times. Le corps des AAM comprend les grades suivants : A3AM, A2AM, A1AM (officiers subalternes) ; APAM, AC2AM, AC1AM (officiers su-périeurs) ; AG2AM, AG1AM et AGHCAM (officiers généraux). (www.igam.developpement-durable.gouv.fr/) —————————————————————————————— AEM : action de l’État en mer La coordination nationale de l’action de l’État en mer demeure une des responsabilités majeures du SGMer. C’est une organisation administrative et opérationnelle qui confie : - la représentation de l’État à une autorité administrative unique,

le préfet maritime en métropole, le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer assisté du commandant de zone maritime outre-mer2 ;

- la réalisation des nombreuses missions aux administrations dis-posant de moyens d’intervention en mer ;

- une capacité pour toutes les administrations intervenant en mer à constater les infractions en mer dans un large spectre de mis-sions : o Sécurité maritime o Sûreté maritime o Lutte contre les pollutions accidentelles et volontaires o Contrôle des pêches o Trafics illicites o Immigration illégale par voie maritime o Délimitations des territoires et espaces maritimes o Extension des limites du plateau continental

(www.gouvernement.fr/action-de-l-etat-en-mer-sgmer)

—————————————————————————————— AFFAIRES MARITIMES Au moyen-âge, tout homme habitant une province maritime est susceptible d’être enrôlé de force sur un navire du roi en application du droit de l’arrière ban. Sous Louis XI apparait une flotte royale ar-mée par des marins professionnels rémunérés comme des soldats. Néanmoins la presse, recrutement arbitraire et forcé des équipages parmi une population littorale, reste d’actualité jusqu’au XVIIe siècle. Richelieu dans sa charge de grand maître et surintendant de la navi-gation et du commerce de France tente d’organiser la marine et de maintenir en permanence une flotte en activité. Il met en place un recensement des gens de mer et prévoit leur instruction militaire et professionnelle. En 1627, seize commissaires placés sous l’autorité des intendants des provinces maritimes sont chargés de veiller à l’ap-plication des ordonnances de la marine. Mazarin, successeur de Ri-chelieu, constate l’échec de la politique précédente et impose aux paroisses maritimes un quota de marins à fournir à la Royale. Il

1 Décret n° 2012-1546 du 28 décembre 2012 portant statut particulier du corps des administrateurs des affaires maritimes (Journal officiel de la République Française

du 30 décembre 2012) 2 Décret n° 2004-112 du 6 février 2004 relatif à l'action de l'État en mer

subordonne l’activité des officiers chargés de l’administration mari-time à un intendant des armées navales, premier intendant de la ma-rine, ancêtre du Préfet maritime. En 1662, Colbert, bien que n’étant pas encore en charge des affaires de la marine souhaite développer le commerce extérieur de la France. Il note l’échec des méthodes pour l’administration et le recrutement des gens de mer. Il crée en 1668, quelques semaines avant de devenir ministre de la marine, le régime des classes. Tous les marins du royaume seront désormais recensés, classés et inscrits sur un rôle général des marins. En 1784 une ordonnance définit le travail de commissaire des classes et ébauche l’organisation de l’administration maritime qui sera achevée en 1902. Le territoire maritime est découpé en six départements rat-tachés à trois ports (Brest, Rochefort et Toulon). Les départements sont divisés en quartiers eux-mêmes découpés en syndicats. Les quartiers sont dirigés par les commissaires des classes et les syndi-cats par les syndics des gens de mer. Le décret du 3 brumaire an IV (25/10/1795) précise notamment que « …l'inscription maritime est confiée à des administrateurs de la marine… ». En 1836, les com-missaires des classes prennent le nom de commissaire de l’inscrip-tion maritime. En 1896, le gouvernement de Léon Bourgeois rédige un décret créant le corps des administrateurs de l’inscription mari-time. Le gouvernement Bourgeois renversé, son successeur diffère l’entrée en application du décret. En 1902, le ministre de la marine, propose la signature d’un nouveau décret portant création du corps des administrateurs de l’inscription maritime (AIM). En 1965, l’ex-pression « inscrit maritime » est remplacée, dans les différents textes officiels par celle de « marin de la marine marchande ». En 1967, le décret du 26 mai met fin au système des classes imaginé par Colbert et transforme les AIM en Administrateurs des affaires maritimes dé-nomination confirmée par le décret portant statut particulier du corps des administrateurs des affaires maritimes en vigueur à ce jour (dé-cret n° 2012-1546 du 28 décembre 2012 portant statut particulier du corps des administrateurs des affaires maritimes – Journal officiel de la République Française du 30 décembre 2012). (www.ecole-affaires-maritimes.fr/l-ensam/historique.html) —————————————————————————————— AFSONG : Anglo-French Safety of Navigation Group Afin d’assurer une meilleure coordination et un développement des systèmes de surveillance, de sécurité et d’information sur la na-vigation en Manche, un groupe de travail franco-britannique « AFSONG » a été créé en juillet 1973. La présentation des projets de DST à l’OMI à compter de cette époque a été l’un de ses rôles principaux. Le sous-groupe « AFNTG » (Anglo-French Navigation Technical Group) est plus particulièrement chargé des études et ré-alisations techniques concernant la circulation maritime en Manche et dans le Pas-de-Calais, et la prévention des accidents. Le sous-groupe « AFATG » (Anglo-French Accident Technical Group) a été créé en 1976. Il est chargé de la coopération opérationnelle et de l’étude des mesures à prendre en cas d’accident majeur en Manche et dans le Pas-de-Calais. (d’après « Navigation dans les détroits internationaux et protection de l’environnement » pp 73 et 74 - Eric STEINMYLLER, mémoire de DEA de Droit de l’Environnement et de l’Urbanisme, Université de Limoges Faculté de Droit et des Sciences Economiques, octobre 1999) —————————————————————————————— AIS : Automatic Identification System

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Le Système d'identification automatique (SIA) ou Automatic Identification System (AIS) en anglais est un système d’échanges automatisés de messages entre navires par radio VHF qui permet aux navires et aux systèmes de surveillance de trafic (CROSS en France) de connaître l'identité, le statut, la position et la route des navires se situant dans la zone de navigation. Le chapitre V de la Convention SOLAS imposait que les navires de jauge brute supé-rieure à 300 effectuant des voyages internationaux soient équipés de ce dispositif d'ici juillet 2007 au plus tard. Pour les navires de com-merce, le système doit pouvoir être interfacé à un ordinateur externe pour une éventuelle utilisation par un pilote. (Sources : Wikipédia) —————————————————————————————— ARCC : Le Centre de coordination de sauvetage ((A)RCC = (Air) Rescue Coordination Centre) de Lyon Mont-Verdun est un orga-nisme de l'Armée de l'air. Il est placé sous le commandement opéra-tionnel du Commandement des Opérations Aériennes et de la Défense Aérienne (CDAOA) et depuis 1998 sous le commandement organique de Commandement des Forces Aériennes (CFA), plus particulièrement de la Brigade Aérienne de Contrôle de l'Espace (BACE). Il est depuis le 01 Septembre 2015 l'unique Centre de Coor-dination de Sauvetage Français. En cas d'opération SAR devant s'ef-fectuer en secteur maritime, le RCC Lyon délègue la direction de l'opération au Préfet maritime qui confie la conduite des opérations de recherches aux Centres Opérationnel de la Marine nationale (COM) de Brest (Secteur Atlantique), Cherbourg (Secteur Manche et Mer du Nord) ou Toulon (Secteur Méditerranée) qui arment alors leur Centre secondaire de sauvetage (RSC : Rescue Sub Centre). L'opé-ration de sauvetage peut être ensuite déléguée aux CROSS qui as-surent de façon permanente la fonction de MRCC (MRCC : Maritime Rescue Coordination Centre). (www.rcclyon.sitew.com/) —————————————————————————————— BEAmer Le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEAmer) a été créé en décembre 1997. Le BEAmer a pour mission première de réaliser les enquêtes techniques afin de prévenir les futurs événe-ments de mer. Il a également vocation à recueillir, exploiter et diffuser les informations relatives aux enseignements et aux pratiques de re-tour d’expérience sur les événements de mer. Il réalise aussi des études et recherches en matière de retour d’expérience et d’acciden-tologie. Son action s’exerce dans le respect des règles du droit inter-national, européen et national et en particulier selon les dispositions prévues : - au plan international par le Code pour la conduite des enquêtes

sur les accidents et les incidents de mer, adopté le 27 novembre 1997 par l’Organisation Maritime Internationale, refondu en 2008 - résolution MSC 255(84) - et publié au Journal Officiel de la Ré-publique française (décret n°2010-1577 du 16.12.2010) ;

- au plan européen par la Directive 2009/18/CE du 23 avril 2009 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes (trans-posée dans le Code des transports) et le règlement (UE) n° 1286/2011 de la commission du 9 décembre 2011 portant adop-tion d’une méthodologie commune pour enquêter sur les acci-dents et incidents de mer ;

- au plan national par le Code des transports Partie législative no-tamment ses articles L1621-1 à L1622-2 et réglementaire notam-ment ses articles R1621-1 à R1621-38 – Livre VI Sûreté et sécurité du transport – Titre II Dispositions communes relatives à l’enquête technique après un accident ou un incident de trans-port.

(www.bea-mer.developpement-durable.gouv.fr/) —————————————————————————————— BISCAYE PLAN

1 L’instruction du 29 avril 1983 a été abrogée et remplacée par l’Instruction

du Premier ministre du 29 août 2011 relative à l’organisation de l’aide médi-cale en mer

Le plan d'intervention franco-espagnol en cas de sinistre en Atlantique, le « Biscaye Plan » a été signé en 1999 avec comme ob-jectif premier de renforcer la coopération concernant le sauvetage en mer, notamment grâce à la mise à disposition de moyens espagnols au sud de la façade atlantique. En 2009, une nouvelle version du « Biscaye Plan » a été adoptée : ses principales avancées sont no-tamment la création d'un comité de suivi, la réalisation d'un exercice de grande envergure sur une base bisannuelle, le renforcement de la dimension prévention des pollutions et surveillance aérienne. (https://www.premar-atlantique.gouv.fr/) —————————————————————————————— BLU La bande latérale unique ou BLU (en anglais : SSB, single-side-band modulation) est un mode de modulation pour la radio qui con-siste en une modulation d'amplitude dans laquelle on a supprimé la porteuse et l'une des bandes latérales. Il ne subsiste donc qu'une seule bande latérale, d'où le nom de la technique. Grâce à son effi-cacité en occupation de spectre radioélectrique et en énergie émise, la BLU est surtout utilisée pour les liaisons de téléphonie HF (hautes fréquences), MF (moyennes fréquences), dans le domaine maritime, militaire, aviation ou radioamateur. Ce terme est une habitude de lan-gage pour désigner la radiotéléphonie en bandes marine (1,6 MHz à 26 MHz). Les émissions se font en mode bande latérale unique type USB, sur des canaux fixes repérés par un code, afin que les opéra-teurs n'aient pas à programmer des fréquences. Des canaux sont ré-servés aux liaisons navire à navire, en alternat simplex ou en duplex, d'autres aux stations côtières. La bande hectométrique MF des mo-biles du service maritime couvre de 1605 kHz à 4000 kHz en plu-sieurs sous bandes et avec des canaux de 3 kHz en J3E ou H3E (USB) avec une puissance maximale entre 150 W à 400 W. La portée d’exploitation jusqu'à 300 milles. Les stations radios sur les navires commerciaux utilisent couramment des puissances jusqu'à 400 W, des antennes filaires de 20 m à 50 m, alors qu'en plaisance le maté-riel radio est en général limité à une puissance de 150 W et une an-tenne de type fouet de 5 m à 8 m, ou utilisant un hauban isolé. L'utilisation des diverses bandes avec une antenne simplifiée non ac-cordée nécessite un adaptateur d'antenne automatique. Les bandes décamétriques HF des mobiles du service maritime sont réparties entre 4 et 26 MHz en plusieurs sous bandes et avec des canaux de 3 kHz en J3E (USB) avec une puissance maximale entre 250 W à 1000 W entre les mobiles du service maritime et avec une puissance maximale entre 250 W à 1500 W entre mobiles du service maritime et une station côtière. La portée d’exploitation est mondiale mais né-cessite un choix d'heure et de fréquence en fonction de la propaga-tion. (sources : Wikipédia) —————————————————————————————— CCMM : Centre de consultation médicale maritime Le CCMM répond aux obligations qui résultent, pour la France, des dispositions de la convention n°164 de l’OIT (Organisation Inter-nationale du Travail) sur la protection de la santé et des soins médi-caux des gens de mer. Il exerce les fonctions de service d’assistance télé médicale (TMAS) définie par la circulaire MSC/Circ 960 de l’OMI (Organisation Maritime Internationale) et contribue, à ce titre, à l’or-ganisation et à la fourniture des secours aux personnes en mer, dans le cadre de la convention internationale sur le sauvetage maritime. Il est également qualifié de centre de consultations et d’assistance télé médicales maritimes dans le cadre de l’aide médicale en mer pour la France, en application de la Directive 92/29/CEE du Conseil du 31 mars 1992. C’est au SAMU de Toulouse qu’a été confiée, par l’ins-truction interministérielle du 29 avril 1983, l’aide médicale en mer1. Cette localisation au milieu des terres est liée à l’histoire (existence de la base Saint-Lys radio à 20 Km de Toulouse) et au professionna-lisme des équipes médicales qui, depuis plus de 30 ans, ont déve-loppé ce service rendu à tous les navires battant pavillon français sur

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l’ensemble des mers du globe. Le CCMM assure, officiellement pour la France depuis 1983, le service de consultation et d’assistance télé-médicales pour les navires en mer : près de 5000 téléconsultations en 2015, le plus souvent par satellite, avec transmission d’images, d’électrocardiogrammes et bientôt de vidéos. (www.chu-toulouse.fr) —————————————————————————————— CEREMA : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environ-nement, la mobilité et l’aménagement. Répondant au besoin de disposer d’un appui scientifique et tech-nique renforcé, pour élaborer, mettre en œuvre et évaluer les poli-tiques publiques de l’aménagement et du développement durables, le Cerema, créé le 1° janvier 2014 et dont le siège est à Bron, a per-mis de réunir les compétences de onze services : - les huit Centres d’études techniques de l’équipement (Cete) - le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et

les constructions publiques (Certu) - le Centre d’études techniques, maritimes et fluviales (Cetmef) - le Service d’études sur les transports, les routes et leurs aména-

gements (Setra) Établissement public à caractère administratif (EPA), sous la tutelle conjointe du ministère de la Cohésion des Territoires et du ministère de la Transition écologique et solidaire, le Cerema développe des relations étroites avec les collectivités territoriales qui sont présentes dans ses instances de gouvernance. (http://www.cerema.fr) —————————————————————————————— CETMEF Le Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) est un service technique du Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer. Il constitue l'une des onze com-posantes du réseau scientifique et technique de l’État français, placé depuis 2013 sous l'autorité du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). (Sources : Wikipédia) —————————————————————————————— CMS / OFFICIER DE PERMANENCE Coordonnateur de mission de sauvetage / officier de perma-nence : la fonction de coordonnateur de mission de sauvetage / officier de permanence est exercée par le directeur du CROSS ainsi que par les officiers habilités par lui à cet effet. Cette mis-sion consiste à coordonner les actions menées par le CROSS : dé-cider des moyens à engager et définir les modes d’action à mettre en oeuvre pour répondre aux situations d’urgence. On utilise le sigle « CMS » lorsque l’officier traite d’une opération de recherche et de sauvetage en mer et les termes « officier de permanence » lorsqu’il intervient dans le cadre des autres missions du CROSS (surveillance de la navigation maritime ; surveillance des pêches maritimes ; sur-veillance des pollutions maritimes).

Insigne distinctif des personnels des CROSS Le graphisme de cet insigne décline une symbolique qui reprend les deux principales missions des CROSS, d’une part, la direction des opérations de sauvetage, évoquée par la bouée couronne et, d’autre part, la surveillance de la navigation maritime, symbolisée par la rose des vents qu’arboraient les anciennes cartes marines. Par ailleurs, l’ancre à jas, symbole traditionnel de la marine, rappelle le rattachement à cette institution de tous les officiers et officiers-mari-niers concernés, tout comme l’épée, arme d’apparat des officiers de la marine. Pour les CMS, cette épée est dorée, marque de l’exercice de la permanence du commandement, et l’insigne des directeurs de

1 Traduction libre par la rédaction.

CROSS comporte en outre une étoile dorée. (www.cross-jobourg.developpement-durable.gouv.fr) —————————————————————————————— COAST-GUARD / USCG : Administration garde-côtes. Aux États-Unis d’Amérique, l’USCG, organisme militaire, est rattachée au Uni-ted States Department of Homeland Security (DHS). La page d’ac-cueil du site internet de l’USCG indique : « La garde-côte américaine est l’une des cinq armes nationales des États-Unis d’Amérique. Nos valeurs : honneur, respect et dévouement au service sont les prin-cipes directeurs qui guident notre action pour défendre et préserver les États-Unis d’Amérique. Notre mission est de protéger la sécurité et la sûreté du peuple américain ; les infrastructures et l’organisation du transport maritime ; les ressources naturelles et économiques du pays ; l’intégrité territoriale de notre Nation contre les menaces in-ternes et externes, qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine. Nous protégeons ces intérêts dans les ports des États-Unis, dans les eaux intérieures, le long des côtes et dans les eaux internationales » 1. (https://www.gocoastguard.com/) —————————————————————————————— COD : Centre opérationnel de la douane Il existe trois COD en France métropolitaine (Rouen, Nantes et Marseille) et un COD à Fort-de-France. Le service garde-côtes exerce un contrôle douanier et fiscal aux frontières maritimes de l’Union européenne. Le service garde-côtes douanier participe aux missions interministérielles coordonnées par les préfets maritimes. (www.douane.gouv.fr)

CODIS : Centre opérationnel départemental d'incendie et de se-cours L'article R. 1424-45 du code général des collectivités territoriales oblige à la création d'un unique centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS) par département, dirigé par un sa-peur-pompier professionnel. Il supervise et coordonne l'activité opé-rationnelle (organisation des secours, volume et nature des renforts…) du SDIS sur le département. Placé sous l'autorité du di-recteur départemental des services d'incendie et de secours, il as-sure, en cas d'incendie, sinistre, catastrophe et autres accidents, la remontée de l'information vers la chaîne de commandement du SDIS et les différentes autorités (zone de défense, conseil général, mairie, préfecture et les autres organismes publics ou privés qui participent aux opérations de secours). Ses missions sont :

- la gestion opérationnelle des opérations importantes et exceptionnelles (montée en puissance, crise) ou de longue durée

- la coordination et l'acheminement des moyens - la contribution à la mise en œuvre des plans de secours - la remontée des informations - les relations extérieures - l'évaluation et l'anticipation des risques - la participation à la mise en œuvre des plans de secours - le soutien logistique

(voir également SDIS) (Sources : www.sdis38.fr ) ————————————————————————————— COLREG (Collision Regulations) / RIPAM (Règlement internatio-nal pour prévenir les abordages en mer) La Convention COLREG de 1972 visait à mettre à jour et à rem-placer les règles de 1960 pour prévenir les abordages en mer qui avaient été annexées à la Convention SOLAS adoptée la même an-née. La consécration des dispositifs de séparation du trafic est l'une des plus importantes innovations introduites dans le Règlement de 1972. À la Règle 10, des conseils sont donnés pour déterminer la vitesse de sécurité, le risque d'abordage et la conduite des navires naviguant à l'intérieur ou à proximité des dispositifs de séparation du trafic. Le premier dispositif de séparation du trafic de ce type a été mis en place dans le pas de Calais en 1967. Son application a d'abord été facultative mais, en 1971, l'Assemblée de l'OMI a adopté

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une résolution rendant obligatoires tous les dispositifs de séparation du trafic, obligation précisée dans le cadre du Règlement COLREG. Le Règlement COLREG comprend 38 règles divisées en cinq sec-tions : Partie A – Généralités ; Partie B – Règles de barre et de route; Partie C – Feux et marques; Partie D – Signaux sonores et lumineux; et Partie E - Exemptions. Il existe également quatre annexes conte-nant les prescriptions techniques concernant les feux et les marques et leur emplacement, le matériel de signalisation sonore, les signaux supplémentaires des navires de pêche pêchant à proximité les uns des autres et les signaux de détresse internationaux. (www.imo.org/fr) En France, toutes les dispositions du règlement pour prévenir les abordages en mer sont contenues dans l’ouvrage 2 du SHOM (ser-vice hydrographique et océanographique de la marine). (www.shom.fr/). —————————————————————————————— COM : Centre des opérations de la Marine nationale ; centre des opérations maritimes. Il existe un COM dans chaque préfecture maritime (Cherbourg, Brest et Toulon). Il est, d’une part, le centre de niveau opératif du commandant de zone maritime (Pour l’Atlantique et la Méditerranée) et, d’autre part, le centre opérationnel du préfet maritime, en liaison avec le ou les CROSS compétents, de la conduite des missions de sécurité civile en mer. Le COM veille à la coordination de l’action en mer des moyens des administrations de la fonction garde-côtes qui lui transmettent leurs programmes d’activité. —————————————————————————————— COMAR : Commandant de la Marine. Le COMAR exerce des missions : - de défense : participer à la défense maritime du territoire ; ren-

forcer l’action de délégués militaires départementaux de sa zone pour les missions de défense à dominante maritimes réalisées dans le cadre de la chaîne de l’organisation territoriale interar-mées de défense (OTIAD) ; exercer, en cas d’activation, le com-mandement des secteurs maritimes côtiers ; représentant local du commandant d’arrondissement maritime pour la protection et la défense des installations et moyens de la marine nationale dans sa zone et autorité de rattachement du control naval.

- de soutien des forces : o participer au rayonnement de la marine sur le plan local et

régional, en assurant la gestion des préparations militaires marine et des réserves ;

o assurer la préparation et l’organisation d’escales dans les ports de sa zone de responsabilité des bâtiments militaires français et, avec le concours de leur consulat, celles des bâ-timents militaires étrangers ;

o Orienter et coordonner l’action locale des directions et ser-vices au profit des unités marine de sa zone de compétence.

(Sources : www.marinspompiersdemarseille.com ) —————————————————————————————— CROD : (Centre Régional Opérationnel de Défense) « C’est cet organisme qui est incontestablement l’ancêtre des CROSS et qui a été l’élément de base de l’expérimentation de l’été 1966 (…). L’appellation de CROSS remplaça celle de C.R.O.D. J’avais pour ma part suggéré C.R.O.S. (S pour sauvetage), c’est la DAM Nantes qui a tenu à ajouter un deuxième S (pour surveillance). En tout cas, c’est l’appellation CROSS/A. qui a été utilisée à partir du printemps 1968 ». (D’après les extraits du témoignage de l’AGAM (2s) Raymond MUNCH) —————————————————————————————— CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de sau-vetage) il existe actuellement : - Sept CROSS :

o Gris-Nez ; Jobourg (CROSS/Ma) ; o Corsen (CROSS/Co) ; o Étel ( CROSS/A) ;

o La Garde (CROSS/Med) avec un sous-CROSS en Corse (Aspretto) ;

o Fort-de-France (CROSS/AG) ; o La Réunion (CROS/Ru) ;

—————————————————————————————— Les trois préfectures maritimes et les cinq CROSS de Métropole - Un MRCC à Nouméa (Nouvelle Calédonie) ; - Un JRCC à Papeete (Tahiti).

Les trois préfectures maritimes et les cinq CROSS de Métropole —————————————————————————————— CSN (centre de sécurité des navires) Les centres de sécurité des navires sont des services spécialisés de la Direction des Affaires maritimes. Chargés de l'inspection des navires, ils participent à la sauvegarde de la vie humaine en mer ainsi qu'à la prévention de la pollution par les navires. Il existe 15 CSN : Dunkerque ; Boulogne ; Le Havre (Seine-Maritime Ouest) ; Rouen (Seine-Maritime Est) ; Caen ; Saint-Malo ; Brest ; Concarneau ; Lo-rient ; Saint-Nazaire ; La Rochelle ; Bordeaux ; Sète ; Marseille ; Fort-de-France ; Le Port (île de La Réunion). NOTA : Arrêté du 12 mars 2012 article 3 : Le présent article est pris en application de l'article 31 du décret n° 84-810 du 30 août 1984 modifié. (Arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des na-vires). —————————————————————————————— CSO : Chef du service opérations. Dans chaque CROSS, les officiers exercent, outre les fonctions opérationnelles de CMS / officier de permanence, des tâches orga-niques liées à l’organisation et au fonctionnement du CROSS. Ils sont donc, dans le cadre de leurs tâches organiques, « chefs de ser-vice » : CSVC (chef du service vie courante) ; CSO (chef du service opérations) ; CST (chef du service technique) ; CSA (chef du service administratif et financier). —————————————————————————————— DAM : direction des Affaires maritimes Elle est aussi appelée simplement les Affaires maritimes (fami-lièrement « AffMar »), elle est l’administration maritime française fon-dée par Jean-Baptiste Colbert (voir « Affaires maritimes »). Elle est aujourd’hui l’une des trois directions de la Direction générale des

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infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) dépendant du ministère de la transition écologique et solidaire. —————————————————————————————— DIRM (Direction interrégionale de la mer) Les DIRM ont succédé aux DRAM (Direction régionale des Af-faires maritimes) avec la publication du Décret n° 2010-130 du 11 février 2010 relatif à l'organisation et aux missions des direc-tions interrégionales de la mer. Les DIRM sont implantées au Havre, à Nantes, à Bordeaux et à Marseille. Outre-mer, on trouve des directions de la mer (DM). —————————————————————————————— DRAM (Direction régionale des Affaires maritimes) Échelon régional (ou interrégional) de l’administration des Af-faires maritimes jusqu’à la réforme mise en œuvre en 2010 (voir DIRM). —————————————————————————————— DIRISI : La direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'informations de la défense (DIRISI) est un service inte-rarmées dépendant du chef état-major des armées. La DIRISI a été créée le 1er janvier 20041. L'état-major de la DIRISI est installé au Fort de Bicêtre (Val de Marne). La DIRISI est composée de plusieurs entités : - Direction centrale (DC-DIRISI), stationnée au fort de Bicêtre

avec 5 sous-directions (Clients, Stratégie, Sécurité des Sys-tèmes d’Information, Achat Finances, Ressources Management) ;

- 7 DIRISI locales (Brest, Bordeaux, Lyon, Metz, Rennes, Toulon ainsi que « DIRISI Ile de France / 8e Régiment de transmis-sions ») ;

- 10 DIRISI Outre-mer (Cayenne, Fort de France, Saint Denis de la Réunion, Nouméa, Papeete) et à l’étranger (Abu Dhabi, Dji-bouti, Libreville, Dakar, Port-Bouët - Côte d'Ivoire) ;

- 24 centres nationaux de mise en œuvre (CNMO) ; 1 Centre na-tional de soutien opérationnel (CNSO) ;

- 39 CIRISI (relais locaux des centres nationaux) et de plus d’une centaine de détachements répartis sur tout le territoire ;

- SCOE ; - SICO. (Sources : Wikipédia) —————————————————————————————— DMSOI : Direction de la mer Sud océan Indien 11 rue de la Compagnie 97487 Saint-Denis cedex [email protected] —————————————————————————————— DST (dispositif de séparation du trafic) Un DST (en anglais traffic separation scheme, TSS) est établi afin de réduire les risques d'abordage dans une région ou le trafic maritime est dense dans les deux sens, et dans les zones où se croi-sent des flux importants de navires (détroits, caps, etc.). En effet les navires tentant d'effectuer leur périple le plus rapidement possible, essayent de réduire la distance à parcourir et, coupent donc au plus court. De nombreux abordages ont eu lieu dans des zones de chan-gement de route à forte densité de trafic. Les dispositifs de séparation du trafic français sont les suivants : - le rail d'Ouessant (surveillé par le CROSS Corsen, à l'aide

d'équipements déportés sur le continent depuis Ouessant au sommet de la tour du Stiff) ;

- le Pas de Calais (surveillé conjointement par les Britanniques à partir du MRCC Douvres (Maritime Rescue Coordination Centre) pour la voie descendante, et par les Français à partir du CROSS

1 Décret n° 2003-1382 du 31 décembre 2003 fixant les attributions de la di-rection interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'informa-tion de la défense 2 Arrêté préfectoral n°256/2016 réglementant la navigation dans le dispositif de séparation du trafic, les zones de prudence et la zone de navigation côtière associées du canal de Corse ; 3 Arrêté ministériel du 29 juillet 2011

Gris Nez pour la voie montante). Il s’agit du premier Le premier dispositif de séparation du trafic de ce type à avoir été mis en place (1967). Son application a d'abord été facultative mais, en 1971, l'Assemblée de l'OMI a adopté une résolution rendant obli-gatoires tous les dispositifs de séparation du trafic, obligation précisée dans le cadre du Règlement COLREG ;

(www.imo.org/fr) ; - le DST des Casquets (situé au Nord-Ouest de Cherbourg et sur-

veillé par le CROSS Jobourg) ; (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dispositif_de_séparation_du_trafic) - Le 20 mai 2016, l’Organisation maritime internationale (OMI) a

adopté le projet présenté conjointement par la France et l’Italie visant à instituer dans la partie nord du canal de Corse un dispo-sitif de séparation du trafic (DST)2.

(https://www.premar-mediterranee.gouv.fr/) —————————————————————————————— EAM (École d’apprentissage maritime) Les EAM étaient gérées par l’AGEAM (Association de Gérance des Ecoles d’Apprentissage Maritime). Celle-ci a vu le jour en 1941 sous l’égide du secrétariat d’Etat de la Marine Marchande. Le but des EAM était de pouvoir disposer, dans l’avenir, d’équipages qualifiés, d’éviter que les garçons des régions côtières ne soient désœuvrés en l’absence de marine de commerce et de pêche et de les protéger du STO. Par la suite, les LPM (lycées professionnels maritimes) vien-dront prendre la suite des EAM, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des lois de décentralisation de 1982, qui ont transféré la gestion de ces établissements de l’Etat aux Conseils régionaux. (D’après : www.lycee-maritime-nantes.fr/) —————————————————————————————— EAAM : École d’administration des affaires maritimes Grande école militaire qui assure la formation initiale des admi-nistrateurs des affaires maritimes, un corps d’officiers de carrière de la Marine Nationale administrés par le ministère chargé de la mer. L’EAAM est intégrée au sein de l’ENSAM. (www.ecole-affaires-maritimes.fr/) —————————————————————————————— ÉLECTROMÉCANICIEN DES PHARES ET BALISES « Le corps des gardiens est officiellement scindé en deux en 1950. D’une part, on retrouve les agents s’occupant des feux à pé-trole ou des appareils électriques très simples ; ils continuent de por-ter le nom de gardiens de phares. D’autre part, des agents chargés des feux électriques complexes et des appareils radioélectriques s’appellent dorénavant les électromécaniciens de phare (EMP) ». (D’après « Gardiens de phares 1798-1939 » de Jean-Claude FICHOU avec la collaboration de Françoise GUICHENEY - Presses universitaires de Rennes) —————————————————————————————— ENSAM Créée au 1er janvier 20123, l'Ecole Nationale de Sécurité et d’Ad-ministration de la Mer est rattachée à la Direction des affaires mari-times, qui relève de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Son siège est situé à Nantes. (www.ecole-affaires-maritimes.fr/) —————————————————————————————— EOR (élève officier de réserve) Jusqu’à l’abrogation du service national4, la très grande majorité des élèves officiers de la marine marchande effectuaient leur service national en qualité d’EOR, aspirant de marine et terminaient généra-lement leurs obligations militaires au grade d’EV2 (enseigne de

4 En 1997, la réforme du service national est adoptée par le Parlement. L'ap-pel sous les drapeaux des jeunes gens nés après le 31 décembre 1978 est «suspendu». L'article L. 112-2 du Code du service national stipule que le ser-vice «est rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l'exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent», la fin définitive de la conscription étant fixée à 2003. Un décret du 27 juin 2001 met fin, par anticipation, à la conscription. Les derniers appe-lés sont démobilisés en novembre. (www.defense.gouv.fr/actualites/)

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vaisseau de 2ème classe) de réserve. Pendant la durée de leur service national, beaucoup d’entre eux servaient en CROSS en qualité de chefs de quart. —————————————————————————————— GONIOMÈTRE Un goniomètre est un appareil ou un capteur servant à mesurer les angles (en navigation maritime ou aérienne, on emploiera plutôt le terme de gisement, qui représente l’angle formé entre l'axe longi-tudinal (ou ligne de foi) d'un navire ou d'un aéronef, et la direction d'un point extérieur (fixe ou mobile). Il s'agit d'une direction relative, indépendante de la vitesse, utile pour indiquer un obstacle, un amer, une cible ou un autre mobile. Le gisement peut être estimé à l'œil ou mesuré avec une simple alidade (ou taximètre) sans avoir recours à un compas de relèvement (d'où son intérêt). (Sources : Wikipédia) —————————————————————————————— GPS (global positioning system) Au début de la mise en service du GPS, l’armée américaine a fait décaler son signal d’horloge d’une quantité aléatoire équivalente à une distance d’environ 100 mètres. Un guidage plus précis était possible mais seulement pour des utilisateurs possédant les clés de décryptage adéquates. Connu sous le nom de disponibilité sélective ou SA (Selective Availability), ce système avait pour effet de réduire la précision de la mesure pour les civils, mais elle restait en général suffisante pour une utilisation standard. L’USCG fut parmi les parti-sans les plus actifs du DGPS (GPS différentiel). De nombreux reven-deurs ont créé des services DGPS commerciaux qui vendent leur signal (ou des récepteurs pour ce signal) à des utilisateurs qui ont besoin d’une meilleure précision que la précision nominale de 15 mètres fournie par le GPS. Tous les GPS commerciaux, même les GPS portables proposent maintenant des entrées pour données DGPS et nombreux sont ceux qui supportent WAAS1 directement. Dans une certaine mesure le « DGPS » fait maintenant naturellement partie des applications GPS. (Sources : wikipedia) —————————————————————————————— GUETTEUR SEMAPHORIQUE : Spécialité GUETF Le technicien sémaphoriste est affecté à terre (vigies, séma-phores, CROSS) et assure la surveillance maritime et aérienne de nos côtes, en métropole et dans les DOM-TOM. Grâce à ses moyens de détection et de communication (radars, émetteurs-récepteurs, ob-servation aux jumelles), il identifie et contrôle les bateaux circulant à proximité de nos côtes et s'assure qu'ils respectent les règles du droit maritime. Il participe également activement à la lutte contre la pollu-tion, les trafics illicites et à l'assistance en mer. (https://www.etremarin.fr/) —————————————————————————————— IAMSAR (manuel) : Manuel International de Recherche et de Sauvetage Aéronau-tiques et Maritimes (IAMSAR) ou International Aeronautical and Ma-ritime Search and Rescue (IAMSAR) Manual. Le chapitre V du SOLAS relatif à la Sécurité de la navigation exige que les navires aient à leur bord, outre un plan de coopération, une copie mise à jour du volume III du Manuel international de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes (IAMSAR). Publié conjointement par l'Organisation Maritime Internationale (OMI) et l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), les trois volumes du Manuel IAMSAR fournissent des lignes directrices pour une approche commune, aéronautique et maritime, pour l'orga-nisation et la fourniture des services de recherche et de sauvetage (SAR). (www.imo.org/fr/ ) —————————————————————————————— INSTITUT DE RECHERCHE DES TRANSPORTS Décret n° 2015-485 du 28 avril 2015 modifiant le décret n° 2010-1702 du 30 décembre 2010 portant création de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des

1 WAAS (Wide Area Augmentation System) est un système d'aide à la navi-gation aérienne développé à la demande de l'administration fédérale de la navigation aérienne américaine (Federal Aviation Administration - FAA) pour augmenter les performances du GPS (Sources : Wikipédia)

réseaux (IFSTTAR). L'institut a pour missions de réaliser ou faire ré-aliser, d'orienter, d'animer et d'évaluer des recherches, des dévelop-pements et des innovations dans les domaines du génie urbain, du génie civil et des matériaux de construction, des risques naturels, de la mobilité des personnes et des biens, des systèmes et des moyens de transports et de leur sécurité, des infrastructures, de leurs usages et de leurs impacts, considérés des points de vue technique, écono-mique, social, sanitaire, énergétique, environnemental et humain. L'institut a notamment vocation à : - Conduire des recherches fondamentales et appliquées, des

études méthodologiques et des développements d'essais et de prototypes ;

- Mener tous travaux d'expertise, de conseil et d'appui aux poli-tiques publiques dans les domaines mentionnés au premier ali-néa du présent article ;

- Mettre en œuvre une politique d'information scientifique et tech-nique et assurer la diffusion des connaissances acquises, no-tamment par les publications, la réglementation technique et la normalisation ;

- Mener une politique de valorisation des résultats de ses travaux de recherche scientifique et technologique, notamment sous forme d'appui technique, de transfert de technologie, d'essai et de certification ;

- Contribuer à la formation à la recherche et par la recherche ainsi qu'à la formation initiale et continue ;

- Contribuer au rayonnement international et à l'exportation de l'expertise et des techniques qu'il développe.

Ces missions s'exercent en particulier au profit des services des mi-nistères de tutelle, des autres administrations et organismes qui leur sont rattachés, des collectivités territoriales, des institutions euro-péennes et internationales, des associations professionnelles, des entreprises et des associations d'usage. (www.ifsttar.fr/) —————————————————————————————— JRCC : (Joint Rescue Coordination Centre) Un JRCC dirige toutes les opérations de recherche et de sauve-tage aéronautiques et maritimes dans sa zone de compétence. Il est constitué de la fusion d’un MRCC (Maritime rescue coordination centre) avec un ARCC (Air rescue coordination centre). A ce jour, la France dispose d’un seul JRCC : placé sous la responsabilité du Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, et basé à Papeete sur l’île de Tahiti, le JRCC (Joint Rescue Coordination Centre) dirige toutes les opérations de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans sa zone de compétence située dans le Pacifique sud et couvrant plus de 12.5 millions de km². (www.jrcc.pf/) —————————————————————————————— LABORATOIRE NATIONAL D’ESSAIS Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), le LNE est placé sous la tutelle du ministère de l'Economie et des finances en charge de l’Industrie. Fondés sur son excellence scientifique et technique, ses travaux constituent le socle de multiples applications : étalonnages, essais, certification... Expert reconnu en France et à l’international, le LNE place la mesure au service de l’éco-nomie et de la société. (https://www.lne.fr/fr/node/1) —————————————————————————————— LION PLAN : Accord technique entre la Direccion general marina mercante et les préfectures maritimes de l’Atlantique et de la Médi-terranée du 3 décembre 2009, relatif à l’échange d’informations rela-tives à un navire en difficulté. (https://www.premar-mediterranee.gouv.fr/) —————————————————————————————— MANCHE PLAN Plan d’intervention franco-britannique en cas de sinistre, entré en vigueur le 15 mai 1978. Les corrections au plan sont du ressort du

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sous-groupe AFATG mais les modifications importantes doivent être transmises au groupe AFSONG. Une grande originalité du Manche Plan consiste dans sa double finalité, le secours en mer et la lutte contre les pollutions maritimes. Ainsi les procédures de travail sont doublement rôdées puisque les intervenants sont sensiblement les mêmes dans les deux fonctions et les zones de responsabilité déter-minées dans le plan sont identiques pour les deux missions. (in « Na-vigation dans les détroits internationaux et protection de l’environnement » p. 74 (Eric STEINMYLLER – mémoire de DEA de Droit de l’Environnement et de l’Urbanisme, Université de Limoges Faculté de Droit et des Sciences Economiques, octobre 1999) —————————————————————————————— MANCHEX Organisé par la préfecture maritime Manche Mer du nord, un grand exercice, intitulé MANCHEX (suivi du millésime de l’année de réalisation de l’exercice) a généralement pour point de départ la col-lision entre deux navires (exemple, un navire à passagers et un pé-trolier). Il a pour objectifs de mettre en œuvre l'organisation de gestion de crise et d'intervention définie dans le dispositif ORSEC Maritime. Il implique la participation de nombreux moyens nautiques et aériens, français et internationaux. Le scénario comporte plusieurs phases : - secours maritime de grande ampleur : prise en charge médicale

de nombreuses personnes à bord du ferry, avec projection d'équipes médicales à bord ;

- assistance à navire en difficulté : remorquage par un RIAS (re-morqueur d’intervention d’assistance et remorquage) d’un des deux navires en cause ;

- traitement de la pollution maritime causé par le navire victime d'une brèche.

(https://www.premar-manche.gouv.fr/) —————————————————————————————— MARPOL (Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires) La Convention MARPOL est la principale convention internatio-nale traitant de la prévention de la pollution du milieu marin, que les causes soient liées à l'exploitation ou à des accidents. La Convention MARPOL a été adoptée le 2 novembre 1973 à l'OMI. Le Protocole de 1978 été adopté à la suite d'une série d'accidents de navires ci-ternes survenus en 1976 et 1977. Comme la Convention MARPOL de 1973 n'était pas encore entrée en vigueur, le Protocole MARPOL de 1978 a intégré la convention mère. L'instrument qui en résulte est entré en vigueur le 2 octobre 1983. En 1997, un Protocole modifiant la Convention a été adopté, et une nouvelle Annexe VI, qui est entrée en vigueur le 19 mai 2005, a été ajoutée. La Convention MARPOL a été mise à jour par des amendements au fil des années. La Conven-tion comprend des règles visant à prévenir et à réduire au minimum la pollution due aux navires – tant accidentelle que découlant d'opé-rations de routine – et comporte actuellement six Annexes tech-niques. La plupart de ces annexes établissent des zones spéciales dans lesquelles les rejets d'exploitation sont strictement réglementés. (www.imo.org/) —————————————————————————————— MAY-DAY Mayday est une expression utilisée internationalement dans les communications radiotéléphoniques pour signaler qu'un avion ou qu'un bateau est en détresse. Elle doit être utilisée lorsque la vie hu-maine est immédiatement menacée, par exemple en cas d'incendie à bord, ou de chute d'une personne à la mer. En cas de détresse, comme l'appel d'urgence moins prioritaire pan-pan, il doit être répété trois fois : « Mayday, Mayday, Mayday ». L'appel de détresse univer-sel Mayday est inventé en 1923 par Frederick Stanley Mockford (en), chef officier radio à l'aéroport de Croydon à Londres (Royaume-Uni). Les autorités lui avaient demandé de trouver un terme signalant une détresse et qui soit facilement compris par tous les pilotes et le per-sonnel au sol en cas d'urgence. Mockford choisit une transcription anglophone phonétique de la prononciation de l'expression française « m'aider » (version raccourcie de l'expression « venez m'aider ») car la plupart des vols à destination de Croydon provenaient à l'époque

de l'aéroport du Bourget, en France. L'usage de Mayday, équivalent parlé du message en morse SOS, est prescrit par la Conférence de Washington de 1927 de l'« International Radio Telegraph Convention » et applicable depuis le 1er janvier 1929 pour les transports aériens et maritimes. (sources : wikipedia) —————————————————————————————— MONDON Raymond (1914-1970) : Homme politique français qui a occupé le poste de ministre des Transports du 20 juin 1969 jusqu'à son décès le 31 décembre 1970, sous le gouvernement de Jacques Chaban Delmas. (sources : wikipedia) —————————————————————————————— MORIN Jean (1916 - 2008) : magistrat de la Cour des comptes, ré-sistant, haut fonctionnaire, il fut secrétaire général de la marine mar-chande le 8 juillet 1962. (sources : wikipedia)

MRCC : maritime rescue coordination centre. Les MRCC assurent la coordination de la mission de recherche et de sauvetage en mer. Les CROSS français exercent les missions dévolues aux MRCC, au sens de la convention SAR signée à Ham-bourg le 27 avril 1979 et entrée en vigueur le 22 juin 1985.

NAVTEX Le service NAVTEX est un service automatique à impression directe utilisé dans le monde entier pour la diffusion d’avertissements con-cernant la navigation et la météorologie et d’informations urgentes pour la navigation au large. Les CROSS élaborent les bulletins à dif-fuser à partir des informations émises par les autorités et services habilités soit : les Préfectures Maritimes, les CROSS et autres MRCC (maritime rescue coordination center), Météo France. La diffusion s’effectue : - En langue anglaise sur la fréquence 518 kHz pour le service NAVTEX international, - En langue française sur la fréquence 490 kHz pour le service NAVTEX national. Le CROSS Corsen assure la diffusion NAVTEX pour la zone atlan-tique (NAVAREA II – zone de 320 milles à partir de l’île d’Ouessant). Le CROSS La Garde assure la diffusion NAVTEX pour la zone mé-diterranée (NAVAREA III – zone de 250 milles à partir de La Garde). (www.eau-mer-fleuves.cerema.fr) —————————————————————————————— OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) Agence spécialisée des Nations Unies établie par les États en 1944 pour gérer et administrer la Convention relative à l’aviation civile internationale (Convention de Chicago). L’OACI œuvre de concert avec les 191 États signataires de la Convention et des groupes du secteur à l’établissement d’un consensus sur des normes et pra-tiques recommandées (SARP) et des politiques en matière d’aviation civile internationale servant de base à un secteur de l’aviation civile sûr et efficace, dont le développement soit économiquement durable et écologiquement responsable. (https://www.icao.int/about-icao/Pages/FR/default_FR.asp) —————————————————————————————— OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants) Organisme français de lutte contre le trafic de stupéfiants à com-pétence nationale (France et Dom-Tom). C'est un service spécial de la Sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délin-quance financière (SDLCODF) de la direction centrale de la Police judiciaire. (sources : Wikipédia ) —————————————————————————————— OCTAAM : (Officiers du corps technique et administratif des Af-faires maritimes) Corps d'officiers de carrière de la Marine nationale, issu du corps des officiers d’administration des Affaires maritimes. Ils assuraient des fonctions d'encadrement et d'expertise technique ou administra-tive dans les services des affaires maritimes relevant du ministre chargé de la mer et pouvaient participer à la direction de ces services. En 2013, le corps des OCTAAM a été placé en extinction en applica-tion de l’article 39 du décret n° 2012-1546 du 28 décembre 2012 por-tant statut particulier du corps des administrateurs des affaires

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maritimes. Ainsi, les OCTAAM ont été admis dans le corps des ad-ministrateurs des affaires maritimes, avec leur grade et leur ancien-neté de grade, soit sur leur demande, à compter du 1er janvier 2013, soit d'office, au 1er janvier 2016. —————————————————————————————— OFFICIER D’ADMINISTRATION DES AFFAIRES MARITIMES : voir OCTAAM —————————————————————————————— OFFICIER DE PERMANENCE : voir CMS —————————————————————————————— OMI / OMCI (Organisation maritime internationale) C’est l'institution spécialisée des Nations Unies chargée d’assu-rer la sécurité et la sûreté des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers par les navires. L'OMI est l'autorité mondiale char-gée d'établir des normes pour la sécurité, la sûreté et la performance environnementale des transports maritimes internationaux. Elle a pour rôle principal de créer à l'intention de ce secteur un cadre régle-mentaire qui soit équitable et efficace, puis adopté et mis en œuvre de manière universelle. Les mesures prises par l'OMI portent sur tous les aspects du trans-port maritime international – notamment la conception, la construc-tion, l'équipement, les effectifs, l'exploitation et la mise au rebut des navires – en vue de garantir que ce secteur vital reste sûr, écologi-quement rationnel, rentable du point de vue énergétique et sécurisé. (www.imo.org/fr). —————————————————————————————— OPEM Un officier de permanence état-major (OPEM), désigné par le commandant du COM assure pour une période de 24 heures la per-manence de l’exercice du commandement de la zone maritime (Brest et Toulon) et de la préfecture maritime (Cherbourg, Brest et Toulon), ainsi que la continuité de l’action du COM. L’OPEM est l’interlocuteur habituel du CMS/officier de permanence du ou des CROSS concer-nés. (https://www.premar-mediterranee.gouv.fr/ ) —————————————————————————————— PHARES & BALISES L’appellation « phares & balises » englobe l’ensemble des volets relatifs à la signalisation maritime. Elle est un élément majeur et in-dissociable de la sécurité maritime permettant à tous les navigateurs, de se positionner et d’éviter les dangers. Créé en 1806, en France, le « service des phares et balises » a été chargé d'entretenir les dis-positifs d'aide à la navigation mis en place le long des côtes de France et d'Outre-mer pour signaler les dangers (écueils, hauts fonds) et baliser les routes maritimes et les chenaux d'accès aux ports. Les deux missions essentielles, qui découlent des obligations de la France au titre de la convention SOLAS, sont d’assurer la mise à disposition d’aides à la navigation adaptées et conformes, et des renseignements relatifs à l’état de ces aides (information nautique). Au niveau central, le bureau des phares et balises est un des quatre bureaux de la sous-direction de la sécurité maritime (direction des affaires maritimes, direction générale des infrastructures, des trans-ports et de la mer – DGITM). Au plan territorial, les services des phares et balises sont placés sous l’autorité des DIRM, en application des dispositions du décret n° 2010-130 du 11 février 2010 relatif à l'organisation et aux missions des directions interrégionales de la mer. Enfin, le service de l'armement des phares et balises, dont le siège est à Quimper (29), est un service à compétence nationale rat-taché au directeur des affaires maritimes. Il gère une flottille de bali-seurs armés par des marins professionnels, chargés d’assurer la maintenance des 8000 ESM (établissements de signalisation mari-time) que compte le littoral français. —————————————————————————————— PRÉFECTURE MARITIME Il existe trois préfectures maritimes, une à Cherbourg pour la zone Manche-Mer du Nord, la deuxième à Brest pour l’Atlantique et la troisième à Toulon pour la Méditerranée. —————————————————————————————— PREMAR (Préfet maritime)

Création du Consulat, le préfet maritime poursuit une centralisa-tion des pouvoirs, amorcée sous l'Ancien régime, dans les ports et les rades, sous une autorité militaire. Il est alors chargé, par le règle-ment sur l'organisation de la marine (7 floréal an VIII) de la « sûreté des ports, de la protection des côtes, de l'inspection de la rade et des bâtiments qui y sont mouillés ». Une ordonnance du 17 décembre 1828, définit les pouvoirs de police des préfets maritimes, les charges de la protection maritime de la côte et du cabotage, de la police des rades de l'arrondissement et de la police des pêches maritimes. Un décret du 1er février 1930 confie cette dernière prérogative à l'admi-nistration de l'inscription maritime, disparue en 1952 et ancêtre de l'actuelle administration des Affaires maritimes. Un décret du 19 avril 1972 reconnaît un pouvoir de coordination du préfet maritime en cas d'urgence dans certains domaines. Le décret du 9 mars 1978 confie au Préfet maritime la coordination des opérations lors des accidents. Cette réforme précède de quelques jours la catastrophe de l'Amoco Cadiz (16 mars 1978) qui fait apparaître un besoin de coordination de la lutte anti-pollution. Le décret n° 2004-112 du 6 février 2004 re-latif à l'action de l'Etat en mer a poursuivi ce mouvement en dotant le préfet maritime d'un rôle de coordination au quotidien. (https://www.senat.fr/rap/r04-418/r04-418_mono.html) —————————————————————————————— PRUNIERAS Jean (1923-2004) Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, ancien élève de l’École polytechnique, Ingénieur de l’École nationale des ponts et chaussées, il exerça notamment les fonctions suivantes : - Ingénieur au Port d’Oran (1946-1955) - Service technique des Phares et Balises dont il devient le chef (1955-1972) - Directeur des Phares et Balises (1972-1984) - Directeur du service des Phares et Balises et de la Navigation (1984-1987) (www.histoire-dac.developpement-durable.gouv.fr —————————————————————————————— QUARTIER DES AFFAIRES MARITIMES L’Inscription maritime, née à partir de la Révolution française, en 1795, disparaît en 1965 lors de la réforme du service national. L’ap-pellation « Inscription maritime » devient « Affaires maritimes ». Le QIM (quartier de l’inscription maritime) devient le QAM (quartier des affaires maritimes). (Sources : www.unicaen.fr/ufr/histoire/cimarconet/inscription_mari-time/historique1.php) « Fait unique dans l’histoire des métiers, une seule et même admi-nistration gère la profession de marin de son entrée dans le métier jusqu’à sa mort. Nous pouvons même considérer que cette emprise tutélaire s’exerce en amont et en aval dans la mesure où les écoles d’apprentissage maritime, issues des écoles du littoral, les lycées maritimes et les écoles de la Marine marchande sont sous l’autorité de l’Inscription maritime, et où cette même administration étend la gestion aux ayants droit bénéficiant d’une pension de réversion ou d’un capital décès. La « Marine » comme est appelée l’Inscription maritime par les marins, appellation toujours en vigueur du reste, est une administration très présente sur les côtes par un tissage serré, mais c’est également une administration forte et centralisée. Elle évo-lue bien sûr, mais essentiellement sur le plan des rattachements mi-nistériels (…) Le statut administratif ne varie pratiquement pas et seul l’abandon du recrutement est significatif dans les prérogatives très larges de cette administration. » (Sources : Revue n° 3 « Pour mé-moire » (Automne 2007) : « De la Marine aux Affaires maritimes » par Dominique Confolent, fonctionnaire aux Affaires maritimes, doc-teur en histoire) —————————————————————————————— RADIOGONIOMÉTRIE La radiogoniométrie permet à un récepteur radio muni d'un go-niomètre de repérer la direction (gisement en navigation) d'un émet-teur fixe : balise, émetteur illégal ou hostile, ou d'un émetteur mobile : radiotracking. Les premiers radiophares pour la navigation maritime ont été mis en place en 1911 à la sortie de la rade de Brest pour ce

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qui sera plus tard le rail d'Ouessant. Ils sont maintenant obsolètes avec le GPS et ont arrêté d'émettre. (Sources : Wikipédia) —————————————————————————————— RADIOTÉLÉGRAPHIE Procédé de transmission de messages en alphabet morse (ra-diotélégrammes) au moyen d'ondes radioélectriques. (www.cnrtl.fr/definition/radiotélégraphie/substantif ) —————————————————————————————— RADIOTÉLÉPHONIE Téléphonie sans fil ; procédé de transmission et de réception de sons, au moyen d'ondes radioélectriques. (www.cnrtl.fr/definition/radiotélégraphie/substantif ) —————————————————————————————— RAMOGE Le 10 mai 1976 a été signé l’Accord « RAMOGE ». L’Accord doit son nom aux premières syllabes des trois villes qui limitent alors sa zone de compétence : Saint-RAphaël à l’Ouest, MOnaco et GEnes à l’Est. Cet accord relatif à la protection des eaux du littoral méditerra-néen, qui s'inscrit dans le cadre de la Convention de Barcelone et du Plan d'Action pour la Méditerranée qui en découle, a été ratifié par les trois pays et est entré en vigueur au cours du premier semestre 1981. C’est à cette occasion que la zone de compétence d’origine a été élargie de Marseille à La Spezia, plus précisément de l’embou-chure du grand Rhône à l’embouchure de la rivière Magra. Ainsi, les régions Provence-Alpes-Côte-D’azur et Ligure sont pleinement in-cluses dans le périmètre de l’Accord. En 1993, avec la mise en place du Plan RAMOGEPOL, l’Accord RAMOGE voit sa compétence éten-due en Haute mer. (www.ramoge.org/ ) et (https://www.premar-mediterranee.gouv.fr/) —————————————————————————————— SAMU (Services d’Aide Médicale Urgente) Les SAMU naissent en 1968 afin de coordonner l’activité des SMUR. Les SAMU comportent un centre de régulation médicale des appels. Dès 1974 des médecins généralistes libéraux participent à cette activité de régulation médicale en complément des praticiens hospitaliers concepteurs de ces structures. Le 15, numéro gratuit d’appel national pour les urgences médicales est créé en 1978 à la suite d’une décision interministérielle. Ce numéro vient en complé-ment d’autres numéros existants : le 17 pour la police te le 18 pour les pompiers. L’assise réglementaire qui manquait est donnée aux SAMU par la loi du 6 janvier 1986 (décrets du 16 décembre 1987) sur l’Aide Médicale Urgente et les Transports Sanitaires. (www.samu-urgences-de-fran) —————————————————————————————— SAR (convention) En 1979, l’O.M.C.I. a adopté la convention sur la recherche et le sauvetage maritimes, connue sous le nom de « S.A.R. 1979 ». La convention S.A.R. de 1979 a été ratifiée par la France (décret n° 85-580 du 5 juin 1985 portant publication de la convention internationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR 1979), faite à Hambourg le 27 avril 1979). La convention S.A.R. de 1979 poursuit l’objectif, visé par la Conférence internationale de 1960 pour la sau-vegarde de la vie humaine en mer, consistant à coordonner les acti-vités d’un certain nombre d’organisations intergouvernementales concernant la sécurité en mer. Elle a pour objet d’établir un plan in-ternational de recherche et de sauvetage maritimes qui réponde aux besoins du trafic maritime en matière de sauvetage des personnes en détresse en mer. Elle favorise la coopération entre les organisa-tions de recherche et de sauvetage du monde entier et entre tous ceux qui participent à des opérations de recherche et de sauvetage en mer. Concernant la coordination des moyens de recherche et de sauvetage, la convention dispose que « les Parties prévoient un or-ganisme national pour assurer la coordination générale des services de recherche et de sauvetage ». La France, ayant confié, par le dé-cret du 8 juillet 1970, la coordination générale des services de re-cherche et de sauvetage des personnes en détresse en mer aux C.R.O.S.S., notre droit interne était conforme à cette disposition de la convention S.A.R. Suite à l'adoption de la convention S.A.R., le comité de la sécurité maritime de l'OMI a divisé les océans du monde

en treize régions de recherche et de sauvetage. Dans chacune de celles-ci, les Etats ont dû délimiter leur zone de responsabilité pour la recherche et le sauvetage des personnes en détresse en mer. Les Etats ont fait le choix de délimiter leur zone de responsabilité pour la recherche et le sauvetage des personnes en détresse en mer en se fondant sur la délimitation des zones de recherche et de sauvetage aériennes existantes, à laquelle renvoie l’annexe 12 à la convention relative à l’aviation civile internationale, conclue le 7 décembre 1944 à Chicago. Les plans de recherche et de sauvetage adoptés par cette Conférence ont fait l’objet de plusieurs circulaires (SAR.8/circ1, 2, 3, 4) et sont désormais consultables sur le module C.O.M.S.A.R. de G.I.S.I.S., accessible depuis le site internet de l’OMI. —————————————————————————————— SARSAT-COSPAS Le 1er janvier 1988, la fusion des deux systèmes COSPAS (géré par l’URSS) et SARSAT (géré par les Etats-Unis, le Canada et la France) fut formellement achevée par la signature de l’'International COSPAS-SARSAT Programme Agreement à Paris. L'acronyme russe COSPAS signifie Cosmicheskaya Sistyema Poiska Avariynich Sudow (« système spatial pour la recherche des navires en dé-tresse ») ; l'acronyme anglais SARSAT veut dire Search and Rescue Satellite-Aided Tracking (« localisation par satellite pour les opéra-tions de recherche et sauvetage » (SAR)). (Sources wikipedia). Le système Cospas-Sarsat est composé : - de radiobalises de détresse (3 types: ELT à usage aérien, RLS

ou EPIRB à usage maritime et PLB à usage personnel) qui émet-tent des signaux en cas de détresse

- d'instruments installés à bord de satellites en orbite géostation-naire et en orbite terrestre basse altitude; ces instruments détec-tent les signaux émis par les radiobalises de détresse

- de stations terriennes de réception, dénommées LUT, qui reçoi-vent et traitent les signaux transmis sur la liaison descendante du satellite, pour générer les alertes de détresse ;

- des centres de contrôle de mission (MCC) qui reçoivent les alertes produites par les LUT et les envoient soit à un centre de coordination de sauvetage (RCC), soit à un point de contact SAR (SPOC), soit à un autre MCC. Le MCC français est implanté à Toulouse, dans les locaux du CNES et le SPOC français est le CROSS Gris-Nez.

- Le système Cospas-Sarsat comprend deux types de satellites : o des satellites en orbite terrestre basse altitude (LEO) qui for-

ment le système LEOSAR; o des satellites en orbite géostationnaire (GEO) qui forment le

système GEOSAR. (https://www.cospas-sarsat.int/fr/) —————————————————————————————— SAR School Située au Coast Guard Training Center de Yorktown, la SAR School de l’US Coast Guard est la plus importante école en matière de recherche et de sauvetage en mer dans le monde. La coopération entre l’US Coast Guard et l’US Air Force permet d’assurer l’ensemble des formations en matière de procédures SAR, en haute mer et dans les eaux côtières et intérieures. (www.forcecom.uscg.mil/) —————————————————————————————— SDIS : (service départemental d'incendie et de secours) Il existe un SDIS par département, qui comporte un corps dépar-temental de sapeurs-pompiers. Il est organisé en centres d'incendie et de secours. Il comprend un service de santé et de secours médical. Les centres d'incendie et de secours comprennent des centres de secours principaux, des centres de secours et des centres de pre-mière intervention. (Article L1424-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales - https://www.legifrance.gouv.fr/) (voir également CODIS) —————————————————————————————— SECMAR (mission) : Mission de recherche et sauvetage en mer. Le décret n° 70-660 du 8 juillet 1970, portant organisation des recherches et du sauvetage des personnes en détresse en mer en temps de paix est le texte fon-dateur de ce domaine. Le décret du 8 juillet 1970 reconnait,

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préalablement, l’existence de trois zones maritimes (Manche et de la Mer du nord, Atlantique et Méditerranée). Le décret du 8 juillet 1970 reconnait, en outre, les deux missions qu’assuraient les C.R.O.S.S. Atlantique (Etel), Méditerranée (La Garde) et Manche (Jobourg) de-puis leur création. D’une part, le décret reconnait que les C.R.O.S.S. ont pour mission d’assurer une permanence opérationnelle. Il dis-pose précisément que chacune de ces zones comprend un centre, dirigé par un administrateur des affaires maritimes, qui assure une permanence opérationnelle. Ainsi, le décret fixe l’existence des C.R.O.S.S. Manche, Atlantique et Méditerranée ainsi que leur mis-sion consistant à assurer une veille de détresse et de sécurité. Le décret dispose que les C.R.O.S.S. ont pour mission de coordonner les opérations de recherche et de sauvetage des personnes en dé-tresse en mer, lorsque celles-ci ont lieu entre plusieurs circonscrip-tions des affaires maritimes, administrations et organismes susceptibles de prêter leur concours lors d’une opération. Il prévoit que les C.R.O.S.S. doivent tenir à jour la liste de tous les moyens susceptibles d’intervenir dans leur zone. En cas de nécessité, c’est-à-dire lorsque les opérations de recherche et de sauvetage des per-sonnes en détresse en mer se déroulent successivement dans plu-sieurs zones relevant de la responsabilité de différentes circonscriptions des services des affaires maritimes, le décret attri-bue aux C.R.O.S.S. une mission de direction de ces opérations et prévoit que les directeurs des C.R.O.S.S. remplacent les chefs des circonscriptions des services des affaires maritimes. Le SGMer est directement impliqué dans la préparation des déci-sions relatives au sauvetage maritime à travers l'organisme SECMAR (organisme d'études et de coordination pour la recherche et le sauvetage en mer). —————————————————————————————— SÉCURITÉ CIVILE La sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature, l'information et l'alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou pri-vées. Elle concourt à la protection générale des populations, en lien avec la sécurité publique et avec la défense civile dans les conditions prévues au code de la défense. (Article L112-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure) —————————————————————————————— SÉMAPHORE : Sous le commandement du COM compétent (Cher-bourg, Brest ou Toulon), la Marine nationale arme 59 sémaphores sur les trois façades maritimes, assurant une veille permanente ra-diophonique, optique et radar, de jour comme de nuit, de la zone cô-tière : ils apportent en permanence leur concours au(x) CROSS compétent(s) pour l’exécution de la mission de surveillance de la na-vigation maritime. La Manche et la Mer du Nord comptent 14 séma-phores, de la frontière belge à la baie du Mont St Michel. L’Atlantique 26, de la baie de St Malo à la frontière espagnole, et la Méditerranée 19, de la frontière espagnole à la frontière italienne, ainsi qu’en Corse. (www.defense.gouv.fr/ ) —————————————————————————————— SGMER (Secrétariat général de la mer) Placé auprès du Premier ministre, le secrétariat général de la mer (SGMer) a été créé par le décret n° 95-1232 du 22 novembre 1995. Il anime et coordonne les travaux d'élaboration de la politique du Gouvernement en matière maritime, propose les décisions qui en découlent et s'assure de la mise en œuvre de la politique arrêtée. Le SGMer exerce une mission de contrôle, d’évaluation et de pros-pective, assure la coordination du suivi des textes relatifs à la mer et en propose les adaptations nécessaires, compte tenu de l'évolution du droit international et communautaire. Le SGMer est associé à l'élaboration des politiques publiques concernant la mer et le littoral et veille à ce que les décisions du Gouvernement soient conçues et mises en œuvre en étroite concertation avec l’ensemble des profes-sionnels concernés, afin d’assurer le développement harmonieux des

différentes activités maritimes. Le SGMer anime et coordonne l’ac-tion des préfets maritimes et délégués du Gouvernement outre-mer pour l’action de l’État en mer. Vincent BOUVIER est Secrétaire gé-néral de la mer depuis le 20 juin 2016. (www.gouvernement.fr/secretariat-general-de-la-mer-sgmer) —————————————————————————————— SITREP (SITuation REPort) Message que le centre de sauvetage qui a coordonné l’opération (en France, ce sont les CROSS) adresse à l’ensemble des autorités intéressées à l’issue d’une opération de recherche et de sauvetage en mer. Les messages SITREP sont normalisés, en application des dispositions du manuel IAMSAR (voir IAMSAR). —————————————————————————————— SMDSM (Système mondial de détresse et de sécurité en mer) Le SMDSM a été adopté en 1988 dans le cadre des amende-ments à la Convention SOLAS. Il a été pleinement mis en œuvre en 1999. L’architecture actuelle du SMDSM garantit que, quel que soit l'endroit où il se trouve, un navire en détresse sera entendu et obtien-dra une réponse. Elle s'appuie sur une combinaison exclusive de normes et de recommandations techniques et opérationnelles inter-nationales et sur l'utilisation coordonnée à l'échelle mondiale de fré-quences destinées aussi bien aux navires qu'à la terre. Le système Inmarsat est le seul à fournir des services de communication par sa-tellite dans le cadre du SMDSM depuis sa mise en service, avec une limite de couverture en deçà des 70° Nord et 70° Sud. Les navires qui n'utilisent pas un service mobile de communication par satellite agréé peuvent encore recourir à l'option HF. Les ondes décamé-triques (HF) pourront également être utilisées dans la zone océa-nique A3 en tant que moyen secondaire d'alerte par les navires qui utilisent un service mobile de communication par satellite agréé. Le NAVDAT est un système français de diffusion d’informations nau-tiques en numérique que l’OMI a décidé d’intégrer dans le SMDSM. Le NAVDAT fonctionne en MF et en HF. Il remplacera à terme le NAVTEX, système équivalent en analogique qui existe depuis plus de 30 ans, fiable mais à la capacité limitée. L’un des enjeux des trans-ports maritimes à l’horizon 2025 concerne l’utilisation de l’e-naviga-tion, concept développé par l’OMI dont les projets Mona Lisa et Efficiensea sont les précurseurs. L’e-navigation doit regrouper tous les moyens de radiocommunications disponibles à bord d’un navire afin d’offrir une navigation sûre et fluide. Enfin, la technologie AIS initialement prévue pour la simple identification des navires, a es-saimé vers de nombreuses autres applications : suivi des nappes de pollution, dérive des glaces, marquage des filets de pêche dérivants, suivi d’objets flottants, recherche sismique, étude des courants et cli-matologie ou recherche et sauvetage d’homme à la mer. (https://planstrategique.anfr.fr/) —————————————————————————————— SMUR Le service mobile d'urgence et de réanimation abrégé en SMUR, est un service hospitalier consistant en un ou plusieurs véhi-cules (appelés selon les pays et les catégories unité mobile hospita-lière, véhicule radio-médicalisé…) destinés à apporter les soins d'aide médicale urgente en dehors de l'hôpital, bien souvent conjoin-tement avec une ambulance. Ils peuvent également être appelés à effectuer des transports entre hôpitaux (transports secondaires) lors-qu'un patient nécessite des soins ou une surveillance médicale inten-sifs pendant son trajet. Ces véhicules sont munis de différentes manières selon les pays mais contiennent bien souvent au moins un médecin et un infirmier. (sources : Wikipédia) —————————————————————————————— SNSM : Société nationale de sauvetage en mer Association loi 1901 reconnue d’utilité publique depuis 1970, la SNSM dépend principalement des subventions publiques (Etat et col-lectivités territoriales) et de la générosité du public pour mener à bien l’ensemble de ses missions sociales : sauver des vies en mer et sur le littoral, former pour sauver, prévenir des risques. L’action des Sau-veteurs en Mer repose sur 7 000 bénévoles opérationnels et volon-taires répartis dans 219 stations de sauvetage en France métropolitaine et outre-mer, 259 postes de secours sur les plages et

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32 Centres de Formation. Ces acteurs de terrain sont coordonnés par un président bénévole, un siège de 70 salariés renforcés de quelques cadres bénévoles spécialisés, et localement par des cadres bénévoles (environ 1 200) pour renforcer le soutien technique, admi-nistratif, logistique, financier et de communication. La politique mari-time de l’État, pour l’organisation du sauvetage en mer, est menée par le Secrétaire général pour de la mer (SGMER) qui assure la coor-dination interministérielle des différentes administrations concernées (Défense, Douanes, Gendarmerie, Affaires Maritimes et Sécurité ci-vile). Sous l’autorité de chacun des trois préfets maritimes, les CROSS assurent la coordination des opérations de sauvetage et la gestion des moyens d’interventions. Les CROSS font régulièrement appel aux Sauveteurs en Mer de la SNSM, qui assurent chaque an-née à leur demande environ 50 % des interventions de sauvetage en France. (https://www.snsm.org/) —————————————————————————————— SOLAS (convention) SOLAS désigne la Convention internationale sur la Sauvegarde de la vie humaine en mer (Safety Of Life At Sea) et fait référence, par son sigle anglais, au traité international adopté en 1974 visant à dé-finir diverses normes relatives à la sécurité, la sûreté et l'exploitation des navires. Cette convention s'applique en grande partie aux na-vires de passagers mais aussi aux cargos dont le tonnage brut dans le système UMS est supérieur ou égal à 500 unités de jauge et qui effectuent des voyages en eaux internationales. La SOLAS est le traité le plus important concernant la sécurité et la sûreté des navires marchands. (sources :wikipedia) L’O.M.C.I. a adopté la convention S.O.L.A.S. 1960 dont l’objet con-siste à refonder la convention S.O.L.A.S. 1948. La convention S.O.L.A.S. 1960 a été ratifiée par la France en 1965. Concernant la veille sur côtes et le sauvetage des personnes en détresse en mer, la convention S.O.L.A.S. 1960 reprend, cependant, exactement les dispositions de la convention S.O.L.A.S. 1948. La convention S.O.LA.S. 1960 comporte ainsi un chapitre V portant sur la sécurité de la navigation. Celui-ci comporte une règle 15 disposant que « tout gouvernement contractant s’engage à assurer que toutes les dispo-sitions nécessaires seront prises pour la veille sur côte et pour le sau-vetage des personnes en détresse en mer au large de ses côtes. Ces dispositions doivent comprendre l’établissement l’utilisation et l’entre-tien de toutes installations de sécurité maritime jugées pratiquement réalisables et nécessaires, eu égard à l’intensité du trafic en mer et aux dangers de la navigation, et doivent, autant que possible, fournir des moyens adéquats pour repérer et sauver les personnes en dé-tresse ». La convention S.O.L.A.S. 1960 impose ainsi aux Gouverne-ments contractants d’établir, d’utiliser et d’entretenir toutes installations de sécurité maritime jugées pratiquement réalisables et nécessaire afin d’assurer la veille sur côte et le sauvetage des per-sonnes en détresse en mer. —————————————————————————————— SOUS-CROSS Il existe actuellement un seul Sous-CROSS en France, il s’agit du Sous-CROSS Corse, implanté à Aspretto (Corse du sud). Le CROSS Méditerranée se compose donc d'un centre principal à La Garde et d'un centre secondaire à Aspretto. Le centre secondaire d’Aspretto conduit, pendant ses créneaux horaires d'activation (07h30/21h00 de septembre à juin inclus, 07h30/23h00 en juillet et août) la totalité des missions sur le littoral de la région Corse jusqu’à 20 milles nautiques au large. Il peut être ré-armé à tout instant en cas de besoin. D’autres Sous-CROSS ont existé en France, l’un à Sou-lac, dépendant du CROSS Atlantique, et l’autre à Agde, dépendant du CROSS Méditerranée. Le Sous-CROSS Soulac a été activé de 1974 à 2001 et le Sous-CROSS Agde, dont le fonctionnement était saisonnier (il n’était armé que pendant la saison estivale), du début des années 1970 à la fin des années 1990. —————————————————————————————— SPATIONAV Conduite par le ministère de la Défense, l’opération Spationav V2 fournit à la marine nationale et aux principales administrations

impliquées dans l’action de l’État en mer un système de surveillance temps réel des approches maritimes en métropole et en zone Antilles – Guyane. Ceci leur permet de bénéficier d’une image tactique de la situation maritime afin de préparer et conduire leurs actions respec-tives en matière de lutte contre les trafics illicites, contre l’immigration clandestine, contre le terrorisme provenant de la mer et en matière de sécurisation du trafic maritime et de prévention des pollutions. Composé de capteurs disposés le long des côtes, le système fournit depuis juillet 2013 la situation des abords maritimes. Il équipe 80 sites à terre et des aéronefs. Il est disponible en version ouverte sur le réseau défense au profit des unités utilisatrices en mer ou à terre. Il est raccordé à des systèmes d’autres administrations et se connec-tera aux systèmes européens Marsur et Eurosur. (www.defense.gouv.fr/dga/equipement/information-communication.../spationav-v2) —————————————————————————————— STATION RADIO CÔTIERE Les services de radio maritime ont débuté presque en même temps que l'invention de la radio, tant le problème de sécurité mari-time était crucial au début du XXe siècle. L'histoire de la télégraphie sans fil maritime accompagne donc l'histoire de la radio, pour les communications comme pour la radionavigation. Deux naufrages cé-lèbres ont montré l'efficacité de la radio, en 1909, 920 passagers sont sauvés lors de la collision République-Florida grâce à l'appel en TSF ; le Titanic utilise pour la première fois le code SOS en 1912, 700 passagers sont sauvés par le Carpathia. La radiogoniométrie a été appliquée très vite comme aide à la navigation avec les premiers radiophares. Avec le développement des communications par satel-lite, la France a fermé progressivement les centres de communica-tion HF comme Saint-Lys radio ou Le Conquet radio et cessé de fournir les services comme le radiofacsimilé météo. (Sources : Wiki-pédia) —————————————————————————————— STNMTE Le Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) est un service technique du Ministère de la transition écologique et solidaire. Il constitue l'une des onze composantes du réseau scienti-fique et technique de l’État français, placé depuis 2013 sous l'autorité du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Le Service Technique de la Na-vigation Maritime et des Transmissions de l'Equipement (STNMTE) s'installe à Plouzané, dans le Finistère, en 1992. Six ans plus tard, le Centre d'Etudes Techniques Maritimes et Fluviales (CETMEF), issu de la fusion du STNMTE et du Service technique des ports maritimes et des voies navigables (STCPMVN) est créé par décret du 2 no-vembre 1998. Il s'agit d'un service à compétence nationale, rattaché au ministre de l'Equipement. En 2002, de nouveaux locaux sont inau-gurés dans la technopole Brest-Iroise de Plouzané. Le projet est fi-nancé à près de 57% par l'Etat et à 17% par l'Europe, le solde étant réparti, à parts égales, entre la Région Bretagne, le Département du Finistère et Brest Métropole Océane. Lors de la réorganisation de 2013 du réseau scientifique et technique de l’État français, le CETMEF est placé sous l'autorité du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Ce-rema), un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de Environnement, de l'Énergie et de la Mer, et du ministre du transport, de l'égalité des territoires et de la ruralité et des collectivités territoriales. (Sources : Wikipédia). —————————————————————————————— STPB (Service technique des Phares et Balises) Créé en 1806, en France, le service des phares et balises est chargé d'entretenir les dispositifs d'aide à la navigation mis en place le long des côtes de France et d'Outre-mer pour signaler les dangers (écueils, hauts fonds) et baliser les routes maritimes et les chenaux d'accès aux ports. Durant l'Ancien Régime, les feux et le balisage des côtes françaises sont gérés par divers organismes privés ou public, ce qui pose des problèmes en temps de guerre, l'État ne pouvant dépendre d'initiatives locales pour l'allumage ou l'extinction de ces feux. La Révolution française crée en 1791 un service unique de

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signalisation maritime nationale et vote le 15 septembre 1792 une loi qui confie la surveillance des phares, amers, tonnes et balises au ministère de la Marine et l'exécution des travaux, au ministère de l'Intérieur. Devant l'accroissement du trafic maritime, Napoléon Ier souhaite un programme de balisage des côtes françaises et un ser-vice de surveillance performants. Il crée à cette fin le 7 mars 1806 par décret le Service des Phares et Balises, cette nouvelle adminis-tration étant rattachée à la Direction des Ponts et Chaussées dépen-dant du Ministère de l'Intérieur. Le premier directeur nommé est Augustin Fresnel qui inventera le système lenticulaire pour les phares. Dès 1811, l'action de ce service est pilotée par la Commission des phares. (Sources : Wikipédia). —————————————————————————————— SURNAV1 (surveillance de la navigation maritime) La mission de surveillance de la navigation maritime, qui est as-surée par les CROSS, comprend trois volets : – le suivi du trafic maritime, qui a pour objet de recueillir les informa-tions et les comptes rendus obligatoires fournis par les navires en transit le long des côtes françaises ; ces informations sont saisies dans une base de données commune européenne (SAFESEANET) à laquelle sont connectés au niveau européen tous les centres de surveillance maritime et les ports ; – le service dit de trafic maritime « côtier », qui consiste à suivre et apprécier le comportement des navires dans les flux de trafic et à détecter les situations à risque et, le cas échéant, à fournir aux na-vires les informations nécessaires à la sécurité du trafic ; – le service d’assistance maritime, qui organise l’information, l’aide et l’assistance des navires à la suite d’un incident ou d’un accident. —————————————————————————————— SURPÊCHE (surveillance des pêches) La mission de surveillance des pêches maritimes s’exerce dans le cadre de la politique commune des pêches et des textes pris pour sa mise en œuvre2. Depuis le 17 avril 2012, le CROSSA Étel a été désigné Centre National de Surveillance des Pêches maritimes : - Il coordonne et assure le contrôle opérationnel des moyens nau-

tiques et aériens des administrations engagées dans une mis-sion de surveillance des pêches maritimes ;

- Il exerce les fonctions de centre de surveillance des pêches au titre de la réglementation de l’Union européenne (suivi par satel-lite de tous navires de pêche dans les eaux françaises, en mé-tropole et outre-mer) ;

- Il est le point de contact opérationnel unique pour le recueil et le traitement de toute information relative aux activités de pêche illicite.

Il exerce ses attributions sur les trois façades maritimes de la métro-pole ainsi que dans les eaux communautaires (UE) ou internationales fréquentées par des navires de pêche français. (www2.developpement-durable.gouv.fr/)

1 Décret no 2011-2108 du 30 décembre 2011 portant organisation de la sur-veillance de la navigation maritime (ce décret est pris pour la transposition de la directive 2002/59/CE du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un sys-tème communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, modifiée par la directive 2009/17/CE du 23 avril 2009).

—————————————————————————————— SURPOL Dans le cadre de la recherche et répression des pollutions par les navires, l’instruction du Premier ministre du 15 juillet 2002 confie aux CROSS, sous l’autorité du préfet maritime et du procureur de la République, la centralisation des informations et la coordination des interventions visant à faciliter la constatation et le recueil d’éléments complémentaires. L'instruction n°143.10 du directeur des affaires maritimes du 11 fé-vrier 2011 désigne les CROSS Jobourg, Corsen et La Garde comme centres de surveillance des pollutions. Leurs zones de responsabilité correspondent aux zones sous juridiction française avec la répartition suivante : – de la frontière belge au Mont-Saint-Michel pour le CROSS Jo-

bourg, – du Mont-Saint-Michel à la frontière espagnole pour le CROSS

Corsen, – de la frontière espagnole à la frontière italienne pour le CROSS

La Garde en incluant la Corse. Les CROSS Antilles-Guyane et Réunion ainsi que le MRCC français à Nouméa et le JRCC Papeete sont les points de contacts au sein de leurs zones de responsabilité en matière de signalement des pollu-tions marines. Ces centres de surveillance des pollutions centralisent toutes les informations relatives aux pollutions détectées en mer. Conformément à la convention MARPOL, tout navire doit leur signa-ler tout événement ou accident ayant conduit ou pouvant conduire au déversement en mer de marchandises toxiques ou polluantes, ainsi que toutes pertes de cargaisons transportées en vrac ou en colis. (https://www.actu-environnement.com/.../news-25407-bilan-2014-pollution-mer.pdf) —————————————————————————————— SYNDIC DES GENS DE MER « Les gens de mer et de rivière du royaume de France sont ré-partis en quatre classes dans les ports et havres de Guyenne, Bre-tagne, Normandie, Picardie, Flandre ; en trois classes en Poitou, Saintonge, Aunis, îles de Ré et d’Oléron, Rivière de Charente, Lan-guedoc et Provence. Les hommes de chaque classe servent en prin-cipe un an sur trois ou sur quatre. (…). Un appareil bureaucratique s’est mis en place pour l’enregistrement, le suivi professionnel et la levée des gens de mer. (…) Des commissaires de marine sont dési-gnés pour superviser la confection et la mise à jour des registres ou matricules de marins classés. Ils sont assistés par des écrivains et des commis. Leur circonscription est le département de marine. Chaque département est divisé en quartiers, ensemble de paroisses littorales doté d’un chef-lieu, où l’on trouve également un commis-saire des classes qui tient à jour tous les papiers de l’administration de la Marine. Un petit groupe de paroisses limitrophes appartenant au même quartier forme un syndicat, circonscription de base, dont le chef est un ancien marin ou « syndic », qui collecte également des informations et représente le plus proche interlocuteur des gens de

2 Voir notamment (liste non exhaustive…) : Règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de con-trôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) n° 847/96, (CE) n° 2371/2002, (CE) n° 811/2004, (CE) n° 768/2005, (CE) n° 2115/2005, (CE) n° 2166/2005, (CE) n° 388/2006, (CE) n° 509/2007, (CE) n° 676/2007, (CE) n° 1098/2007, (CE) n° 1300/2008, (CE) n° 1342/2008 et abrogeant les règlements (CEE) n° 2847/93, (CE) n° 1627/94 et (CE) n° 1966/2006 ; règlement d'exécution (UE) n° 404/2011 de la Commission du 8 avril 2011 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil instituant un régime communau-taire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche ; règlement (UE) n° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture, modifiant les règlements (CE) n° 1184/2006 et (CE) n° 1224/2009 du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 104/2000 du Conseil ; règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) n° 1954/2003 et (CE) n° 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) n° 2371/2002 et (CE) n° 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil …

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mer dans leurs relations avec l’État. Il y avait 70 quartiers à la veille de la Révolution, qui étaient attachés à l’un des trois grands ports de guerre : Brest, Rochefort et Toulon (Cherbourg devient une base na-vale et préfecture maritime seulement à l’époque de Napoléon Ier). Pour ce qui est de la géographie des quartiers du Cotentin, on se reportera aux cartes de l’Inscription maritime dans la Manche. » (www.unicaen.fr/ufr/histoire/cimarconet/inscription_maritime/historique2.php) De nos jours, les syndics des gens de mer, corps de catégorie C, sont recrutés et exercent leurs fonctions à terre et en mer en matière de police. Les syndics des gens de mer participent, sous l'autorité des fonctionnaires de catégorie hiérarchique supérieure civils et mili-taires à l'exécution des missions de l'Etat à terre et en mer en matière de police, de sauvegarde des biens et des personnes et de régle-mentation des pêches et des cultures marines, ainsi qu'à toutes les tâches techniques ou administratives qui incombent aux divers ser-vices dans lesquels ils peuvent être affectés. ( https://www.carrieres-publiques.com/) —————————————————————————————— TAAF Les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) sont de-puis 1955 un Territoire d’outre-mer doté de l’autonomie administra-tive et financière. Cette collectivité d’outre-mer a été créée par la loi du 6 août 1955 abrogeant un décret de 1924 qui rattachait précédem-ment ces terres au Gouvernement Général de France à Madagascar. Le décret n° 2008-919 du 11 septembre 2008 pris pour l’application du statut des Taaf, est le principal texte de développement. Les Terres australes et antarctiques françaises sont formées par l’archi-pel de Crozet, l’archipel des Kerguelen, les îles Saint-Paul et Ams-terdam, la terre Adélie et les îles Eparses (depuis la loi du 21 février 2007). Ces dernières rassemblent les îles tropicales de l’archipel des Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India dans le canal du Mozambique et Tromelin au nord de La Réunion. L’ensemble de ces terres procure à la France une Zone Économique Exclusive (ZEE) de plus de 2 300 000 de km² riches en ressources marines, qui contribuent à donner à la France la deuxième emprise maritime au monde après les Etats-Unis. La collectivité dispose d’un budget d’environ 26 millions d’euros, alimenté par des ressources propres à hauteur de 80 % (impôts, taxes de mouillage, droits de pêche, phila-télie, tourisme…) et par des subventions des ministères des outre-mer et de l’écologie. Une grande partie de ce budget est consacrée aux charges d’affrètement des deux navires (Marion Dufresne II et Astrolabe) qui assurent la desserte maritime des districts. Comme les autres territoires d’outre-mer, elle est associée à l’Union européenne, en tant que PTOM (pays et territoires d’outre-mer) et bénéficie à ce titre d’un régime spécial, en particulier des financements du FED. Le siège est installé depuis 2000 à Saint-Pierre de la Réunion où il re-groupe près de 50 personnes. Il accueille le bureau du préfet, le ca-binet du préfet, le secrétariat général et les différents services : la direction des services techniques, la direction des affaires adminis-tratives et financières, la direction de la conservation du patrimoine naturel, la direction des pêches et des questions maritimes, le service des affaires juridiques et internationales. L’antenne parisienne des Taaf abrite le service médical, le service de la poste et de la philatélie, le patrimoine. (…) Il s’agit d’un territoire où la France exerce sa souveraineté dans trois contextes différents - dans les Terres australes (Crozet - Kerguelen - Saint Paul et

Amsterdam), cette souveraineté n’a jamais été contestée par au-cun pays. Même si elle n’est pas menacée, il est nécessaire de l’affirmer pleinement, à la fois par la présence de bases occu-pées en permanence et par une surveillance de l’immense zone économique de 200 milles nautiques qui entoure ces îles.

- en Antarctique, la souveraineté française sur la terre Adélie s’exerce dans le contexte du Traité international de Washington

1 Arrêté ministériel du 19 mars 2012 portant création d'un traitement de don-nées à caractère personnel relatif au suivi du trafic maritime dénommé « TRAFIC 2000 »

de 1959 qui a gelé toutes les revendications territoriales et af-firmé la liberté de la recherche scientifique sur tout le continent. Elle doit donc être compatible avec les exigences du Traité qui a été complété en 1991 par le Protocole de Madrid sur la protection de l’environnement et qui fait de ce continent "une réserve natu-relle consacrée à la paix et à la science".

- dans les îles Éparses, où la souveraineté est assurée par une garnison militaire et une mission météo.

Les Taaf ont créé en octobre 2006 une réserve naturelle couvrant une superficie d’environ 700 000 hectares dans les îles subantarc-tiques. Cette réserve est de très loin la plus grande de France. En protégeant les écosystèmes terrestres et marins exceptionnels des Kerguelen ou de l’archipel Crozet, elle permettra aux chercheurs de continuer à mener des travaux essentiels pour la connaissance et la protection de la biodiversité. Les îles Eparses sont également clas-sées en réserve naturelle par arrêté préfectoral. (www.taaf.fr/) —————————————————————————————— TESSNM : technicien expert des services de sécurité de la navi-gation maritime. Experts contractuels que le ministère chargé de la mer recrutait parmi les officiers de la marine marchande (capitaine au long cours, officier mécanicien de 1ère classe, capitaine de 1ère classe de la navi-gation maritime, capitaine de la marine marchande, officier mécani-cien de 2ème classe, capitaine de 2ème classe de la navigation maritime), ayant exercé des fonctions de commandant ou de chef mécanicien. Le recrutement des TESSNM était destiné à pallier la faiblesse du recrutement des INTM (inspecteur de la navigation et du travail maritime), corps de fonctionnaire de catégorie A de la fonction publique. Les TESSNM ont été recrutés jusqu’à la fin des années 1980 – début des années 1990 et ont été remplacés, depuis, par des inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels maritimes (ISNPRM), corps de catégorie A de la fonc-tion publique. —————————————————————————————— TRAFIC 20001 : Il s’agit d'un traitement de données à caractère personnel ayant pour finalité le recueil d'informations relatives au trafic maritime, au transport par les navires des marchandises dangereuses et pol-luantes et aux accidents et pollutions maritimes. Le service en charge de cette mission est hébergé au sein du CROSS Jobourg. —————————————————————————————— UMS (Universal measurement system) En matière maritime, le tonnage est la mesure du volume inté-rieur d'un navire et donc de sa capacité commerciale. Après avoir longtemps été exprimé en Tonneaux de Jauge (2,83m3) il est est calculée maintenant suivant un système forfaitaire dit UMS (de l'an-glais Universal Measurement System). Sur les documents officiels, on porte Jauge brute : « 7800 » ou Jauge nette : « 6600 ». C'est une formule simplifiée. En fait on devrait dire par exemple d'un navire que son tonnage brut est de 7800 unités de jauge ou que son tonnage net est de 6600 unités de jauge. —————————————————————————————— VENTS ET COURANTS Un courant marin est un mouvement d'eau de mer régulier, con-tinu et cyclique. Ce type de mouvement est dû aux effets combinés du vent, de la force de Coriolis, et de différences de température, densité et salinité ; ainsi qu'évidemment aux contours des continents mais aussi aux reliefs de profondeur et à l'interaction entre courants. Du point de vue quantitatif, un courant marin est caractérisé par sa vitesse et son débit, mais également par sa température et bien en-tendu son sens de direction. L'ensemble des courants marins à l'échelle de la planète forme un grand cycle de circulation thermoha-line qui brasse les eaux et convoie la chaleur à l'échelle du globe. En influençant fortement la température des régions visitées, en plus de

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l'humidité, les courants ont ainsi un impact déterminant sur les cli-mats terrestres majeurs. (Sources : Wikipédia). Nota : il convient toujours d’opérer, lorsqu’on évoque le vent et le courant, une distinction : - « le vent souffle d’une direction » (« vent d’est » signifie que le

vent souffle de l’est) ; - « le courant porte au… » (« courant au NNW » signifie le courant

porte au NNW, soit approximativement au 340°). —————————————————————————————— VHF (very high frequency) : La bande métrique VHF des mobiles du service maritime couvre de 156 à 162 MHz avec des canaux de 25 kHz en G3E ou F3E (modulation de fréquence) avec une puissance de 1 à 25 W. La portée d’exploitation varie de 2 à 30 milles marins selon la puissance et la hauteur des antennes. Des radiotéléphones portables dans la bande VHF marine sont également utilisés, pour les communications locales portuaires ou en secours en cas de dé-tresse. La VHF portable est limitée à une puissance d'émission maxi-male de 5 W avec une portée théorique de 3 à 9 milles selon le relief. Les antennes utilisées sur les navires sont de type fouet vertical, pla-cées au point le plus haut pour assurer la couverture la plus large.

Les navires de sauvetage utilisent des antennes goniométriques pour permettre la localisation. L'utilisation des canaux est strictement ré-glementée, en particulier celle du canal d'appel et de sécurité (canal 16) et des canaux réservés à l'AIS. (Sources : wikipedia)

ZEE : Une zone économique exclusive (ZEE) est, d'après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d'exploration et d'usage des ressources. Elle s'étend à partir de la ligne de base de l'État jusqu'à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes au maximum, au-delà il s'agit des eaux internationales. Le terme est parfois abusivement appliqué aussi aux eaux territoriales et aux extensions possibles du plateau continental au-delà de ces 200 milles marins. La confusion vient du fait que les zones de pêches sont définies par les limites extérieures des ZEE. Elles comprennent donc notamment les mers territoriales. La notion de ZEE trouve son fondement juridique dans la Convention des Na-tions unies sur le droit de la mer (ou Convention dite de Montego Bay), signée le 10 décembre 1982. (sources : Wikipédia)

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