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COMNISSION INI'ERNATIŒALE SUR LE DEVELOPPEMENT DE LfEDUCATICU

SERIE B : OPINIONS

No. 19

Traduction provisoire

Original sAnglais

LA CON'IRIBUTION DE L'EDUCATION A LA CROISSANCE ECONOMIQUE

par Richard Jolly

Ce document fait partie de la deuxième série d'études (Série A : Situation,

Série B : Opinions, Série C : Innovations) préparées à l'intention de la

Commission internationale sur le développement de l'éducation, créée en

application de la résolution 1.151 adoptée par la Conférence générale de

l'Unesco lors de sa seizième session. En raison de son inté~t géné.ral, il

est également mis à la disposi tion de ceux que le sujet traité intéresse.

Les vues exprimées par l'auteur engagent sa seule responsabilité.

UNESCO

1971.

Arthur Richard JOLLY (1934) - Royaume-Unï. Sp~cia1iste des sciences~conomiques appliqu~es. Chercheur à Plnstitute of DevelopmentStudies, Univers.it~ du Sussex. De 1966 à 1968, chercheur au d~parte­

ment des sciences ~conomiques appliqu~es de l'Universit~ de Cambridge.De 1964 à 1966, conseiller en matière de main-d'oeuvre auprès duGouvernement zambien.

Auteur de .E!anning Edl1cation for African Deve1opment; Education inAfriéa - Action and Rese~rch et de divers articles et r&pports'ôfficie1s.

...

TABLE DE MATIERES

Page

Introduction 00 00 o. o ••••••••••• o •••• e •••• 1

10 Dimensions du développement dans le Tiers-Monde e!,probl~mes qui s'y rapportent 00 00 o. 00 00 00 00 00 1

2. Contribution à la croissance économiQ1il.e - le cadreth~oriw • 0 • 0 o. • 0 •• • 0 o. • 0 •• • 0 4

6

12

15

18

o.

o 0

00

.. ..•• 00 o. 00 00 DO

(i) La tendance au ch8mage chronique

(ii) Inégalité au sein des pays

(iii) Inégalité entre pays

Conclusions-

INTRODUCTIQ!!

Il Y a deux façons d'envisager une ~tude comme celle-ci.La premi~re est de se fonder sur ce que l'on sait de la contri­bution de l'éducation à la croissance ~conomique et d'élaborerl'étude en fonction des données dont on dispose. L'autre est departir de ce que l'on soupçonne vaguement des dimensions de lacroissance ~conomique des probl~mes qu'elle pose puis, de déter­miner ce qu'il faut savoir de plus et les relations qu'il convientd'examiner. On peut alors placer dans une plus juste perspectivece que l'on sait déjà.

Il ne me semble pas contestable que la secome méthodesoit la meilleure dans le cas présent.

1. Dimensions du dévelo1?J2ement dans le Tiers-Monde et 1?ro­bl~mes qui s'y rapportent.

Le temps n'est plus oh, comme au début des années 60, onse leurrait de l'illusion que le développement économique consisteavant tout à accélérer le r,ythme de la croissance économiquemesurée en fonction du PNB ou du PIE. Comme !ta sou1ign~ lerapport Pearson, nombre de pays en voie de d~veloppement n'ontatteint au cours des dix derni~res années des objectifs fondamen­taux de croissance que pour découvrir des probl~mes plus difficilesà résoudre: augmentation du ch8mage urbain, aggravation desinégalités, en particulier entre les zones urbaines et zonesrurales, accroissement des ~carts entre pays, notamment entre lespays d~iTeloppés et le Tiers-Monde, prédominance croissante de latechnologie des pays industrialisés dans la production mondiale,etc. Devant les résultats obtenus, le climat était à bien deségards plus pessimiste à la fin de la premi~re décennie pour ledéveloppement qu'au début. Certaines améliorations avaient étéenregistrées, mais des probl~mes plus difficiles restaient àrésoudre.

Il n'est gu~re utile de citer de nombreux exemples desrésultats obtenus au cours des années 1960 car ils sont déjàbien connus, mais il convient de souligner trois faits pour lessituer dans une meilleure perspective. (1)

(1) Ces conclusions sont empruntées au rapport Pearson "Versune Action commune pour le développement du Tiers-Monden ,

Pall 1l1all 1969 (p. 27 et suivantes) dans lequel ontrouvera une étude plus détaillée de la question.

-2-

(i) Le taux moyen de croissance enregi.str~ depuis 1960dans 70 pays à faible revenu correspondait à l'objec­tif annuel de % fix~ pour la D~cennieet une vingtainede Pé\Ys ont m~me atteint un taux annuel sup~rieur à 6%.

(H) Ce rythme de croissance est beaucoup plus rapide quene 1't!taie nt ceux des pays aujourd 'hui industrialis~s

aUll: stades initiaux de leur d~veloppement0 ~me lerevenu par habitant supporte la comparaison avec ceuxque les pays industria1is~s avaient enregi.str~s auxpremiers temps de leur d~veloppement, ma1gr~ l'acc~

l~ration de la croissance d~mographique.

(iii) Ces r~ussites ne se limitent pas aux pays d'une r~gi.on

particuli~re ou pr~sentant certaines caract~ristiques

topographiques, raciales, religieuses ou d~mographi­

ques. Quarante-et-un pays ont enregistré, depuis1955, une augmentation minimale de Z10 par habitantpendant 10 ans au moins, ce qui indique une augmenta­tion d'environ 2~ pendant la période considérée.

Il importe de ne pas perdre ces faits de vue car· ils témoi­gnent de réussites certaines et impressionm.n-œs et donnent uneidée de l'augmentation réelle des ressources qui permettrontd'apporter une solution aux principaux problèmes identifiésdans d'autres domaines.

l~~anmoins, les autres aspects - moins favorables - de 1 'exp~rience r~cente dominent la situation actuelle. C'est en partiele fai t m~me que les objectifs traditionnels ont pu ~tre atteintsqui est à l'origine de l'inqui6tude croissante qùe les problèmeset les dés~quilibres structurels ont r~v~l~e dans le processusdu d~veloppement.

Si l'on n'avait pas r~ussi à atteindre les objectifs decroissance, cette ~chec m~me aurait pu expliquer les d~fauts destructure du processus de d~veloppement. En raison des bonsrésultats obtenus en matière de croissance (1) il faut aujourd'huiremettre en question nombre d'aspects du processus. Parmi lesfaiblesses profondes du processus de développement, trois prennentpeut-~tre une importance particulière:

(1) Résultat relativement bon seulement. RIDe considér~e decette façon, la croissance pourrait ~tre plus satisfaisanteet devrait augmenter dans beaucoup de pays.

,

..

- 3 -

(i) La ersistance du robl~me du chama e. Turnham etJaeger ont fourni de nombreuses donn es montrant quela grande majorit~ des pays en voie de d~veloppement

ont des taux effrayants de chfSmage urbain dont lamoyenne atteint souvent 10 à. 15% dans les villes pourlesquelles on dispose de données suffisantes et aumoins 5Q% de plus parmi les personnes ~gées de 15 à.24 ans (1). En outre, le chômage déclaré n'est quel'aspect visible du problème beaucoup plus vaste queposent le petit nombre d'heures de travail et la faibleproductivité, le chômage "d~guiséfl aussi bien que lechômage déclaré.

(ii) La persistance de faibles revenus pour une proportionimportante de la population de beaucoup de pays envoie de développement, en m~me temps que l'améliora­tion sensible du revenu de certains groupes sociaux a_é}~é les écart,!. à. l'intérieur des pays. On ne disposepas de données suffisantES mais il semble à peu prèscertain que dans beaucoup de pays la situation des 5%les plus favorisés s'est beaucoup am~liorée alors quela situation du groupe le moins favorisé (un cinquièmeou un quart de la population) est restée assez stable.Dans la plupart des pays, l técart entre les populationsrurale et urbaine notamment semble s'~tre beaucoupagrandi du fait d'une augmentation des salaires réelsdes employés des zones urbaines d'une part, de lafaiblesse de la production et du niveau peu ~levé desprix dans le domaine agricole, d'autre part (2). L'aug­mentation des inégalités est plus grave pour les paysdéveloppés, vu le petit nombre (et la capacité limitée)des institutions en mesure de procéder à une meilleurerlSpartition m~me lorsque la volonté politique ey..iste.L'impôt sur le revenu et autres impôts progressifs netouchent généralement qu'une petite fraction de lapopulation et, par ailleurs, le faible montant desfonds publics par habitant limite les possibilités desubvention de services d'assistance.

D. Turnhum et l. Jaeger: ~ntE!mr!nt Problem in LesaDeveloped Countries l a revie1I4 0èD~966, pages 58-60.

r.mme dan;.. .es pays où la production agricole a augmentérapidement grâce à l'emploi de nouvelles semences, le résul­tat a souvent ét~ d'augmenter les inégalités au sein des zonesrurales.

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(iii) Les in~œlit~s entré 'WlS a:ue;mentent ~galement, qu'ils'agisse des revenus, de production ou de techniques.Cet ~cart croissant - qui est devenu "l'un des problè­mes majeurs de notre temps", selon le Rapport Pearson(1)a des cons~quences extr~mement importantes pour lastrat~gie du d~veloppement du Tiers-Monde, notammentdans le domaine des techniques qui, pour 98% sont misesau point hors du Tiers-Monde (2). L'in~galit~ politique,~conomique et sociale qui va grandissant entre les p~riches et les pays pauvres aggrave les probl~mes quepose le dweloppement des pays du Tiers-Monde aumoment ob. l'aide apport~e par les pays riches sousforme d'assistance, d'~changes commerciaux et d'autresmesures destinées ~ corriger le d~s~libre interna­tional est absolument insuffisante.

2. Contribution à la croissance ~conomique - le cadre théoricwe

Avant d'examiner certaines données relatives à l'influencede l'éducation sur le processus de la croissance ~conomique, ilconvient de souligner trois points essentiels.

Tout d'abord, l'influence de l'~ducation ne se limite nul­lement aux activit~s des gens instruits lorsqu'ils ont quitt~l'~coleo Les écoles exercent elles-m~mes une influence directeen tant qu'institutions dont l'action se déroule au sein de lacommunauté locale de m~me que celle des mattres s'exerce à lafois en raison de leurs fonctions au sein du syst~me d' enseigne­ment et de leur rôle en tant que membres de la communauté. Enoutre, l'éducation engendre de nouvelles connaissances gr~ce àla recherche, au d~veloppement et à la d~couverte. Elle apporteégalement sa contribution à l'ensemble du flux de communications,d'idées et de connaissances du monde moderne. Ce sont l~ descontributions directes de l'éducation, importantes par elle-mtmes.La contribution de l' ~duca.tion n'est pas simplement une influence

(1) Op. cit. page 19.(2) Plus précisément, 9g/o des dépenses a.ff~rentes à la. recherche

et au développement sont effectuéespar les pays industrialisésd "Am~rique du Nord, d'Europe occidentale ou par les payssocialistes. Voir le Rapport du Sussex Group on Science andTechnology, IJorld Plan of Action for the A'I2Elication of Scienceand Technolo to Develo ment: Introducto. Statement b theSussex Group document multigraphi~ 19 9.

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indirecte qui s'exerce par l 'interm~diaire des anciens ~tudiants,

"produits du système dtenseignement tl comme on les appellesouvent (1) 0

Pour ce qui est des conts, l'~ducation est souvent l'activi­t~ la plus importante de l'ensemble de l'~conomie, elle emploieune plus grande proportion de main-d'oeuvre qualifi~e que touteautre activit~ ~conomique et occupe à plein temps (compte tenudes enseign~s) jusqu'à 25 ou 30% de la population totale d'unpays. L'effet de cette ~norme op~ration sur le d~veloppement

d'un pays estvaste et complexe comme l'indiquent les ~meutes

dt~tudiants, les tracts révolutionnaires, les campagnes d'alpha­b~tisation, l'apprentissage des métiers, et l'emprise profondedes id~es sur la pens~e contemporaine. Imaginer que l'on puisser~sumer toutes ces influences en quelques exemples montrant l'effetglobal de l'éducation sur la croissance ~conomique est ~videmment

absurde.

En second lieu, m~me si l'on pouvait mesurer l'influencedirecte de l'~ducation sur les variables à considérer, l'effetproduit sur la structure ou le r,ythme de la croissance ~conomi­

que ne serait de toute façon pas très clair. Ainsi par exemple,on ne peut pas d~terminer avec certitude dans quelle mesure uneextension de l'enseignement sup~rieur influerait sur les gains,la consommation et l' ~pargne futurs, à plus forte raison surl'intensit~ du travail. En outre, dans bien des cas, l'influence~ventuelle de l'éducation dépend et subit elle-m~me l'influencedu contexte dans lequel l'éducation est fournie et dans lequelses r~su1tats sont escomptés. Une grande partie de la formationprofessionnelle n'a pas vraiment les effets qu'elle devrait avoirparce que la structure des stimulants offerts par la sociétéincite les meilleurs à choisir une éducation non professionnelleet décourage m~me ceux qui ont reçu une formation technique d'entirer pleinement profit. Il y a donc entre l'éducation et diversesvariables de la société des influences réciproques qui ne permet­tent pas d'isoler facilement l'effet de l'éducation elle-m~me.

En troisième lieu, les influences qui s'exercent depuislongtemps ont souvent des effets contradictoires, favorables àcertains égards, défavorables à d'autres, aboutissant à unconflit qui ne peut ~tre résolu qu'en fonction des objectifsd'ensemble de la société•

(1 ) On trouvera une étude de la question au niveau universitairedans C. Leys et J. Shaw, "Problems of universities in develo­ping countries" Institute of Deve10pment Studies, Communication9 (Document multigraphié) 1966.

-6-

Avec ces objectifs, nous en revenons A ce que nous disionsau d~but du pr~sent document. Augmenter le taux d'emploi, r~duire

les in~ga1it~s (notamment en ce qui concerne le revenu du dernierquart de la population) et compenser les in~ga.lit~s entre tousles pays du morde sont les grards objectifs par rapport auxquelsil convient de juger des effets de l·~ucation. D'autres objec­tifs plus traditionnels, comme l'accél~ration de l'augmentationde la production, demeurent importants, mais ne peuvent ~tre

jug~s .que dans le contexte g~néral.

Ces r~serves ~tant faites, il convient de se tourner vers lesfaits pour évaluer ce que l'on sait des effets identifiés. Il estimpossible, dans le cadre d'une br~ve ~tude, d~~tudier toutes lesrelations possibles et A plus forte raison de spéculer sur leurampleur et leur orientation ou de résumer les données quantitati­ves dont nous pouvons disposer A leur sujet. Tout ce que nouspouvons faire est d'indiquer certaines des principales lignesd'action et de r~action se rapportant aux trois probl~mes iden­tifi~s et de donner une id~e de la mesure dans laquelle l'~duca­tion peut exercer une influence dans ce domaine. Cette m~thode

suppose le recours A un mod~le de dweloppement économique qui nesoit lié ni A un moment ni A un contexte particulier - hypoth~se

injustifiée sans doute mais dont nous devrons nous contenter pourune premi~re approximation dans le cadre d'une br~e étude. Enfait, toute cette op~ration ne nous autorise gu~re A élaborerautre chose qu'un cadre de r~f~rence et, espérons-nous, d'ouvrirde nouvelles perspectives nous permettant d'évaluer le r8le del'éducation. A la fin de la présente étude, on trouvera une br~e

r~capitulationde quelques-unes des recherches économiques decaract~re plus traditionnclrelatives aux effets de l'éducation surla croissance économique, qui font ressortir la nécessité de cetteperspective plus vaste.

Nous considérerons les principales interactions de 1'~ducationdans le cadre des trois probl~mes du développement économique denos jours.

(i) la tendance au ch8mage chronique

la persistance d'un ch8rnage chronique et peut-~tre mtmeson augmentation est li~e au fait que l'offre de main-d'oeuvre Alongue échéance tend constamment A exc~der la croissance à longue~ch~ance du nombre des emplois. Du c5t~ de l'offre, les influencesdominan1ies ont été les taux rapides, qui vont encore en s'accél~

rant, de la croissance démographique, souvent aggr~wée par destaux croissan1s de participation et - dans les zones urbaines - pardes taux croissants de migration de la population rurale • en parti­culier de la population jeune et instruite - vers les viUes. Du

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c8t~ de la demande, l'augmentation du nombre d'emplois sembleêtre sans rapport avec l'acc~lérationde l'accroissement de laproduction nationale due à l'accroissement de la productivité,en particulier dans les secteurs modernes et industriels où laproductivit~ est élev~e (et par cons~quent le taux d'emploi parunit~ de production tr~s faible). L'accroissement de la produc­tivit~ s'est rév~lé une arme à deux tranchants - réduisant peut­être les co'ûts unitaires et donnant ainsi une impulsion audéveloppement de la production mais r~duisant en même temps lacroissance du taux d'emploi par rapport à la production.

L'éducation a presque certainement joué son r8le dans l'unet l'autre cas. Du c8té de la demande, il est à peu pr~s certainque l' Mucation a exerc~ une influence favorable en modérant lacroissance démographique. De nombreuses études ont r~v~lé uneforte corr&lation inverse entre le niveau de l'éducation et lenombre souhaité ou réel des enfants par famille, en particulierparmi les femmes de pays ayant un revenu élevé par habitant (1).Bien que l'interprétation de ces corrélations ne soit jamaisentièrement d~nuée d'ambiguité en raison des importantes inter­corr~lations avec d'autres variables (telles que l'urbanisationou le revenu) il ya des raisons de penser que l'éducation estpar elle-même un mécanisme important. D~jà, Malthus soulignaitque le co'ût de l' ~ducation était un des facteurs qui dissuadaitles familles d'avoir beaucoup d'enfants et ce facteur est aussisouvent évoqué dans des études récentes. La poursuite des étudessecondaires et supérieures tend à retarder l'âge du mariage etcontribue peut-être ainsi à réduire l'importance des familles.En raison de la corrélation entre le niveau de l'instruction etles gains obtenus pendant la vie enti~re (2), il est difficiled'isoler les rapports de cause à effet en ce qui concerne lenombre d'enfants souhaité par les ménages, mais que ce soitdirectement, par l'influence qu'elle exerce sur les attitudes,ou indirectement, par ses effets sur les revenus, l'Mucationsemble exercer un effet modérateur sur la fécondité.

Pour ce qui est des taux de participation, l'éducationexerce au moins deux influences contradictoires. Elle r~duit

les taux de participation de la main d'oeuvre, au début, à l'âgeoù les jeunes vont à l'école et se trouvent ainsi écartés du

(1 ) Voir par exemple certains des documents analysant les dif­férences de taux de fécondité présentés au Congrès mondialde la population, à Belgrade en 1965. On trouvera une étudeéconomctrique multinationale dans l'analyse de B. M. Russell,World Handbook of Political and Social Indicators, NewHaven, 1965.Voir plus loin.

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march6 du travail. Plus tard, apr~s l'âge scolaire, elle augmenteprobablement le taux de participation, du fait de l'influence qu'elleexerce sur les attitudes et les ambitions. La premi~re influence peutne pas sembler importante par rapport à. la seconde mais tel n'est pasle cas car elle r6duit le taux de participation parmi les jeunes, quisont particuli~rement vuln6rables au chômage. Les taux de chômage chezles jeunes de 15 à 24 ans atteignent souvent 25 à. 4010 (1).

L'effet de l'Mucation sur les taux de participationapr~s

l'âge scolaire est moins certain, mais tend probablement à. crottre.Il existe peu de donn6es sur les taux de participation par niveaud'instruction et par âge. En outre, quand il y a une corr61ationpositive entre l'6ducation et la participation de la main-d'oeuvre,cette corr6lation est difficile à. interpr~ter en raison de corr61ationsmultiples avec le revenu. N6anmoins, le sens g6n6ral de l'influencequi s'exerce semble net, en particulier parmi les femmes. A cet 6gard,l' 6ducation, en 61evant les taux de participation aggrave le probl~me

du chômage (2).

Du côt~ de la demande, l'effet de 1'6ducation sur l'augmenta­tion du chômage est extr~mement complexe et a fait l'objet de peu derecherches si bien que nos conclusions ne peuvent avoir qU'un caract~re

sp6culatif. Consid6rés pendant une courte période, les effets del'éducation sur l'augmentation du nombre d'emplois dépendent essentiel­lement de deux influences contradictoires. D'une part le d~veloppement

des connaissances et des comp~tences doit permettre d'acc~l~rer lacroissance de la production dans la mesure oh la pénurie de personnelcompétent constitue, pour cet accroissement, un obstacle qui pourra~tre surmonté grâce à. la fourniture de main d'oeuvre supplémentaireinstruite dont la qualit6 et les domaines de spécialisation répondentaux besoins. Mais d'autre part, la productivit6 plus élev6e despersonnes instruites peut inciter à leur confier des postes occup~s

jusqu'alors par des personnes moins qualifiées et à réduire ainsil'augmentation du nombre des emplois. Celle de ces deux influencesqui prédominera d6terminera l'effet net de l'~ducation sur l'accrois­sement de l'emploi, à court terme.

A long terme, d'autres influences s'exercent 6galement.Ainsi que nous l'expliquerons ci-apr~s, l'éducation peut exercerune influence sur le taux d'~pargne, par là, de l'investissement

(1 ) D. Turnhum et 1. Jaeger, Op. cit. pp. 58-60. Le taux mMian pour21 pays en voie de d6veloppement pendant les ann6es 1960 6tait de18,5%. Trois de ces pays ont atteint un taux de 3> à 4~.Du moins dans ce sens qu'elle augmente le nombre de ceux qui cher­chent un emploi sans succ~s ce qui ne signifie pas nécessairementqu'elle augmente la proportion des individus à. faible revenu.

,

- 9 -

et donc, potentiellement, de la croissance économique future.Mais l'éducation peut également avoir des effets beaucoup plusétendus en exerçant son influence sur la mise au point de nouvel­les techniques, sur la structure de l'organisation du travail, ousur les idées et les institutions d'un pays. Il est imPOssible deprévoir ne serait-ce que la direction dans laquelle ces influencespeuvent s'exercer sans tenir compte du genre et du style de l' édu­cation ou de son contexte historique. On ne peut PaS non plus secontenter d'examiner cette question dans le seul cadre du paysintéressé. Les différences entre pays en mati~re d'éducation etde structure économique peuvent modifier l'équilibre des avantageset des inconvénients de l'évolution nationale et entra!ner desrépercussions sur les relations économiques internationales, notam­ment sur la balance des paiements et sur le niveau des migrations.Le tableau est complexe et il n'est pas possible d'aboutir à desconclusions simples en ce qui concerne la question de savoir sil'éducation accélère ou ralentit le rythme de la croissance écono­mique.

Pour ce qui est des effets à court terme, on peut déterminerde façon un peu plus précise l'influence de l'éducation sur lastructure de l'emploi et sur le chômage. En mati~re d'attitudeset de métiers, nombre d'études visent à établir un lien entre lesaspirations et les espoirs professionnels d'une part ,le niveau etle genre d'éducation d'autre part (1). Bien que l'éducation tendesouvent à élever le niveau des aspirations, certains insistent surle fait que les espoirs professionnels demeurent extraordinairement"réalistes" (2). En outre, les m~mes chercheurs concluent que latendance de l'éducation à susciter des préférences pour les emploisde "cols-blancs" traduit essentiellement une attitude réalistedevant les perspectives de gains plutôt qu'un changement d'attitudesou de préférences. En Ouganda, les él~ves des écoles secondairesse sont déclarés pr~ts à devenir agriculteurs dans les régionsrurales si les perspectives de gains étaient plus favorables quedans n'importe quel autre domaine (3).

(1 ) Voir par exemple P. J. Foster ~ucation and Social Cha~Ghana Routledge, Kegan Paul, Londres 1966; et Jonathan Silveydans Education in Africa: research and action, publié sous ladirection de Richard Jolly par East African-Pub1ishing House,Nairobi, 1969.La position de Foster est devenue classique dans les ouvragessur les pays moins développés.Enqu~tes non publiées de Caroline Hutton, citée dans J. Gugler"The impact of Labour Migration on Society and Economy in Sub­Saharan Africa: Empirical Findings and Theoretical Considera­tions", African Social Research, Université de Zambie, 6:463­486, 1968.

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Toutefois ces conclusions restent controvers6es. D'autreschercheurs ont constaté que l' Mucation exerçait un effet positifsur les attitudes et les préférences professionnelles, indépendam­ment des perspectives financières (1). En outre, dans certainspays où l'ensemble du contexte social a radicalement che.ng.§,l'éducation semble avoir exercé de façon indépendante une influenceimportante, bien que, lA encore, la corrélation multiple entre lesdivers effets rende difficile toute analyse préeise.(2). On peutconclure que dans certains contextes, l' Mucation peut exercer uneinfluence sur les attitudes et les préférences, mais que l'on nesaurait en évaluer avec certitude la force et l'orientation.

L'éducation exerce 6galement une influence sur les migrationsinternes qui, dans les pays les moins développés, représente quanti­tativement jusqu'aux deux-tiers de l'augmentation de la main-d'oeuvreurbaine. LA également l'opinion est quelque peu divisée parmi ceuxqui soutiennent que l'éducation exerce par elle-m~me une influencesur la "propension" aux migrations. Les uns et les autres s'appuientsur des études quantitatives et il est difficile de déterminer quelleest la tendance la plus générale sans se livrer A des enqu~tes plusdétaillées (3). Toutefois, bien que nous ne puissions pas conclureque l'éducation augmente nettement la main-d'oeuvre urbaine enencourageant la migration, rien ne permet de penser qu'elle laréduit. Ainsi l'Mucation aggrave probablement le problème del'emploi urbain, bien qu'on ne sache pas exactement dans quellemesure.

J.'Iais quels que soient les effets directs de l'éducation surles motivations, la tendance des gens instruits A abandonner leszones rurales pour la ville (pour quelque raison que ce soit) estincontestable. Il est certain également que cette tendance exerceune influence sérieuse sur le niveau de la vie rurale notamment ence qui concerne la fourniture de services médicaux, ~ucatifs etautres services d'assistance sociale. Dans beaucoup de pays en voie

Voir Jonathan Silvey, op. cit.On pense tout particulièrement aux situations post-révolution­naires. Pour Cuba, par exemple, voir les chapitres sur l'éduca­tion de Richard. JoUy dans Cuba - the economic am socialrevolution, publié sous la direction de Dudley Seers, ChapelHill 196'!-.Voir par exemple M. P. Todaro, "A Model of Labor !lJi.gration andUrban Unemployment in Less Developed Countries", AmericanEconomic Reviet"1 59: 138-148. On trouvera également une &tudeéconométrique montrant l'influence de facteurs autres que lesdifférences entre les revenus réels, dans T.P. Schultz, Popula­tion Grovlth and InternaI Migration in Colombia, Rand Corporation,1969.

..

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de développement, il n'est pas rare que le taux de médecins parhabitant sait dix fois plus important dans les zones urbaines quedans les zones rurales. Pour ce qui est de l' enseignement m~me,

les différences entre les zones urbaines et les zones rurales sontcourantes en ce qui concerne tant la qualité des maîtres que lesmoyens essentiels d'enseignement, le matériel, les taux de déper­dition et de redoublement. Tout ceci tend à augmenter les contras­tes entre les zones urbaines et les zones rurales, à accroître lesavantages de la migration pour presque toutes les catégorie~

personnes, à donner une importance accrue aux stimulants de lamigration et à tendre ainsi à gonfler la main-d'oeuvre urbaine età aggraver le probl~me du chômage urbain.

Enfin, il convient de noter deux autres influences de l'éduca­tion résultant de ses effets sur la structure des gains. Comme onle verra ci-apr~s, la moyenne des gains,au sein des différentsgroupes éducatifs, est généralement en corrélation avec le niveaud'instruction et l'âge de la main-d'oeuvre salariée, dans presquetous les pays dans lesquels on dispose de données, qu'ils soientdéveloppés ou en voie de développement (1). Quelles que soientles raisons de cette corrélation, son existence m~me est à l'ori­gine de deux autres influences qui ont toutes les deux des réper-.eussions sur l'emploi. Premi~rement, les différences de revenuentraînent les différences de structure de la consommation tantde biens produits dans le pays que de biens d'importation. Làencore, les données dont nous disposons sont insuffisantes, maisen principe il est vraisemblable que les revenus les plus élevésengendrent une plus grande propension à importer et peut-~tre uneplus grande propension à consommer les produits d'industriesgrosses consommatrices de capitaux. Dans la mesure oh ces ten­dances se manifestent, l'éducation tendra à aggraver l'évolutionvers une structure fondée sur des méthodes moins ergotiques etoffrant donc moins d'emplois.

En second lieu, les effets de l'éducation se répercutentdirectement sur les techniques de production. Lorsque les gainssont directement fonction de la productivité aussi bien que del'éducation, le développement de l'éducation peut réduire le

(1) G. Psacharopoulos de la Higher Education nesearch Unit de laLondon School of Economics a ~ffectué l'étude la plus méthodi­que de cette question dans une série d'articles qui n'ont pasencore été publiés. Le plus récent d'entre eu..~ se rapporteaux données relatives à la corrélation entre l'éducation etle montant évalué du total des gains obtenus durant toutel'existence dans 31 pays dont 18 comptent parmi les moinsdéveloppés.

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nombre des emplois, mais n'exerce pas d'influence directe sur lemontant des capitaux n~cessaires pour la production et par cons~quent

sur l'emploi de main-d'oeuvre mesurée en unités constantes d'effica­cité. Si l'éducation exerce une influence sur les gains, en dehorsde la productivité, elle peut alors exercer une influence sur leniveau de lfemploi. En outre, si les gains plus élevés des person­nes instruites entra!nent Par la suite des augmentations du salairedes travailleurs moins instruits, ces augmentations peuvent influen­cer la croissance de l'emploi. Chacun sait que depuis quelquesannées, les salaires réels ont augmenté dans le secteur moderne denombreux pays en voie de développement (1), ce qui a eu des consé­quences sérieuses pour la croissance de l'emplOi mais, à ma connais­sance, personne n'a tenté de quantifier la mesure dans laquellel'éducation en est responsable.

Ainsi, du côté de la demande, bien qu'il ne soit pas possiblede déterminer en toute certitude l'orientation de toutes les influencesqu'exerce l'éducation, il semble que la plupart d'entre elles tendentà ralentirJa croissance de l'~l~i et que ra.res sont celles quitendent à le d~velopper, du moins à court terme. Ainsi, une foisde plus, l'éducation a probablement exercé une influence néfaste surl'emploi, mais on ne sait pas avec certitude dans quelle mesure.Toutefois, la question essentielle est de savoir si les effets défa­vorables à court terme ont été ou seront compensés par des œins..'àIons terme düs au fait que l'éducation contribue à accélérer lerythme de la croissance.

(ii) InéBëlité au sein des pays

La plupél.rt des travaux sur l'économie de l'éducationdans les pays développés ou en voie de d~veloppement effectuésdepuis une dizaine d'années portent essentiellement sur les liensentre l'éducation et la production ou la croissance et néglifientles questions de répartition. En fait, on pourrait prétendre àjuste titre que l'intér~t pr~senté par ces travaux et les résultatsobtenus ont détourné l'attention des questions de répartition.

(1) H. A. Turner et D. A. S. Jackson "On the determination ofthe General Hage Level - A Horld Analysis: or Unlimited LabourFor ever" Economie Journal, décembre 1)70 et D.A. Smith fiACompetus of tvage Trends in Developing Countries" dans lIage­PO,Hcy; Issues in Economic Develo;ement, publié sous la direc­tion de D. A. Smith, Londres, MacMillan, 1969.

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La premi~re tentative importante des ~conornistes en vue derétablir 1'équilibre date probablement de la Conférence del'OCDE tenue en avril 1$70 dont l'objectif était d'étudier lesrelations entre l'éducation, l'inégalité et la croissance écono­mique (1). Se fondant essentiellement sur l'exemple des Etats­Unis et d'autres pays développés, la Conférence a montré lanécessité de mettre en question le postulat selon lequel l'édu­cation est une fo:r;ce qui travaille en faveur de l '.~li..té. Dufait que les personnes instruites gagnent plus d'argent pendfl.ntleur existence, l'éducation peut accro!tre l'inégalité desrevenus. Ceci est particuli~rement vrai, àUJ: nivea~ supérieursde l'enseignement, lorsque celui-ci est financé par l'Etat. Dansce cas, les gains plus élevés des gersonnes 9lus instruites sontlittéralement payés par l'impôt général et par conséquent, enpartie, sur les gains des plus pauvres. C'est donc en fait unr~gime fiscal régressif à l'extr~me. L'importance globale de cestendances a été indiquée par les coefficients, pondérés ou nonpondérés de la répartition du revenu et de l'éducation, établispar Lorenz. Bien que le répartition de l'éducetion mesurée enannées non pondérées d'éducation soit beaucoup plus égale quela répartition du revenu dans les pays considérés, le rapport esteY~ctement inverse lorsque les années d'éducation sont pondéréespar leur cont (2). Etant donné que le coût de l'éducation eoten corrélation étroite avec le rendement futur, la comparaisonrév~le dans quelle mesure l'éducation est une force d'inégalité,du moins au-delà de l'obligation scolaire.

Quatre calculs de ce genre ont été faits pour les pa.ys envoie de développements, me.is il est probable que les résultatsseront tous analogues bien que d 'un caract~re plus erlr~me àtrois égards (3).

Premi~rement, les effets sur l'inégalité peuvent ~tre encoreplus marqu~s en raison des ~carts plus importants entre personnesde niveaux d'instruction différents par rapport ~u revenu par

O.C.D.E. "Conférence sur les politiques d'expansion del'enseignement" voir en particulier les rapports techniqueset le rapport de base No 11 intitulé "Enseignement etrépartition des revenus: quelques investigations prélimi­naires" par R. Hollister.Op. cit. p. 23.Le Mexique constitue une e:::ception importante: voir à cepropos l'article non publié de David Barkin, rédigé àl'intention de la Conférence OCDE/Co1egio de Mexico surla planification de la main-d'oeuvre, qui s'est tenue àllfeY~co en décembre 1970.

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habitant. Ceci est particulièrement vrai pour l'Afrique, maisaussi pour l'Amêrique latine et l'Asie.

Deuxièmement, du fait que l'instruction pour tous n'est pasaussi répandue et que m~me lorsqu'elle existe elle n'atteint queles groupes d'~ge inférieurs, l'effet de division exercé parl'êducation sur la répartition des revenus peut intervenir à unstade antérieur de l'éducation. Aux stades inférieurs, où lestaux d'inscription, dans les pays les moins avancés, sont parfoisinférieurs aux taux d'inscription des stades supérieurs dans lespays développés, l'importance de l'inégalité créée par l'éduca­tion peut ne pas 'Mre aussi grande tout en touchant une plusvaste proportion de la population totale. Nais aux stades supé­rieurs, dans les pays les moins développés, les taux d'inscrip­tion étant e~r~mement faibles et les différences de revenu liéesà l'éducation extr'êmement importantes, les effets sur les princi­pauz groupes de l'inégalité des revenus peuvent ~tre beaucoup plusmarqués que dans les pays développés.

Troisièmement, ces tendances s'aggravent encore lorsque lesystème de sélection de l'enseignement se fonde sur le revenuplutat que sur les aptitudes, ce qui est probable dans nombre depays en voie de développement où, m'ême lorsque l'enseignementprimaire est gratuit, les taux d'abandon en cours d'études sontpresque toujours plus élevés dans les régions rurales et étroite­ment liés au revenu familial. (C'est, en particulier, un manqueà gagner important pour les familles pauvres d'agriculteurs quede laisser leurs enfants, m'ême jeunes, fréquenter une école àplein temps alors qu'ils pourraient lesaider à la ferme.)

Ce processus d'auto-sélection qui intervient à l'écoleprimaire devient Bouvent plus grave à l'école secondaire où lesdroits de scolarité sont plus élevés et représentent Bouvent aumoins l'équivalent du revenu par habitant. C'est là, en fait,un système de sélection par le revenu. Il aboutit, à la g6néra­tion suivante, à la concentration du revenu dans les groupes quiont actuellement les revenus les plus élevés. Il aboutit égale­ment à la concentration du revenu du travail dans le groupe quia déjà la majeure partie de la fortune et des revenus autres queceux du travail. C'est tout particulièrement le cas dans denombreux pays d'Amérique latine où la sélection par le revenu. auniveau secondaire (au moyen des droits de scolarité) est inten­tionnellement supprimée au niveau supérieur, l'enseignement univer­sitaire étant généralement dispensé gratuitement à ceux qui ontdéjà été selectionnés au niveau secondaire, en fonction du revenu.Il s'agit, en fait, d'une subvention accordée aux riches au nomde l'enseignement gratuit.

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Bien qu'il ressorte nettement de ce qui préc~de que l'ensei­gnement secondaire et supérieur contribue probablement à accroîtreles inégalités à l'intérieur de nombreux pays peu développés, ilconvient de souligner que c'est là autant une conséquence de toutesles interactions qu'on laisse se produire entre l'éducation d'unepart, les revenus, l'imposition et les droits de scolarité d'autrepart, que de l'éducation elle-mi3me. Il faudrait pouvoir romprela chaine de façon à sauvegarder les effets favorables de l'éduca­tion sur la production tout en évitant les effets qu'elle exercesur l'inégalité. Du c6té des gains, il faudrait soit imposerlourdement les personnes qui bénéficient des revenus les plusélevés, de façon ~ réduire leurs gains réels, de façon générale,soit prévoir un imp8t spécial au titre de l'éducation, ou unsyst~me de prêts aux él~ves ou étudiants, afin de réduire lesgains des personnes instruites, en particulier. Mais ce quiimporte davantage encore c'est que la politique dans le domainedes revenus pourrait changer toute la structure des gains, ce quiserait particuli~rement facile dans le secteur de la fonctionpublique et les secteurs para-étatiques qui emploient probablementjusqu'à la moitié des personnes instruites.

Du côté de l'éducation, des mesures tendant à supprimer lesinégalités entre les différentes parties du syst~me scolaire peu­vent aussi réduire les inégalités créées par l'éducation. Ilconvient toutefois de noter que même si l'on réussit ~ modifierle syst~me de sélection en le fondant sur les aptitudes innéesplutôt que sur la richesse, il sera peut-être moins inéquitable,à certains égards, mais la répartition des revenus du travail entant que tels ne sera pas changée.

En conclusion, il est évident que tout ce domaine est impor­tant et devrait faire l'objet de nouvelles recherches, même sicertaines des conclusions auxquelles elles aboutiraient e,pparais­sent déjà nettement. Un des avantages que présenterait cetterecherche est que nombre des données nécessaires sont déj~ dis­ponibles et que les méthodes ~ employer sont relativement simpleset n'offrent pas rnati~re à controverse. L'absence de donnéesméthodiques sur l'influence exercée' par l'éducation dans cedomaine important résulte davantage d'un manque d'intérêt oud'un détournement de l'attention que de la difficulté d'obtenirdes renseigne~~oud'analyser les résultats.

(iii) Iné~lité entre palS

C'est essentiellement en se fondant sur les évalua­tions du revenu ~oar habitant et du produit national que l'on peut~ffirmer que l'é~art entre pays en voie de développement et pays

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d~velopp~s s'êlergï.t.. Certes, d'autres ~tudes ~tablissent qu'ily a une corrélation étroite entre le revenu par habitant et diversesmesures du d~ve1oppement ~conomique ou du bien ~tre humain tellesque la consommation d'~nergï.e, la production d'acier, la diffusionde la presse, la consommation de calories, les taux d'inscriptionscolaire et de médecins par habitants (1). }1ais presque toutesses études présentent le m&le inconv~nient en ce qui concerne lesmesures de revenu par habitant : elles consid~rent des moyennesglobales calcul~es Eour l'ensemble de la po;eulatio~ plutat quedes chiffres indiquant la répartition des ~essources au sein dela EO"pulation. Tant qu'il ne sera pas tenu compte de cette r~par­tition, il sera difficile d'interpréter les chiffres relatifs auxi n~ga.1it ~s.

Les preuves de l'aggravation des in~galités entre pays sefondant sur le revenu par habitant, les facteurs à consid~rer

doivent ~tre examinés compte tenu des raisons qui expliquent ladiff~rence dans les taux de croissance du revenu national. C'estlà l'objectif de la plupart des études effectuées jusqu'à pr~sent

sur la contribution de l'éducation à la croissance économique.

Mais il serait ~galement utile de tenir compte de deux faitsqui s'ymttachent et qui ont jusqu'à présent ~t~ tr~s n~gligés

dans ces ~tudes. Ce sont : (a) la pr~dominance croissante de latechnologie des Pê~ riches et ses cons&iûences pour le taux etla structure de la croissance ~conomique des pays les moinsdévelopp~s et (b) la ~ation internationale de la main-d'oeuvred'un niveau élev~ d'instruction, notamment des hommes de sciences,des ing~nieurs et des médecins et ses cons~uences pour le tauxet la structure de la croissance ~conomique ainsi que pour lanature et la structure des syst~mes dt enseignement des pays lesmoins développés.

Il n'est pas possible de déterminer toutes les relationsr~ciproques qui pourraient ttre. considérées à ces divers ~gards,

mais il peut Mre utile d' indiquer certaines des tendancesr~centes de la recherche dans ces domaines. Pour ce qui estde la technologie, on a d~jà fait état du raIe prMominant jouépar les pays d~veloppés et des conséquences qui en d~coulent,

notamment du fait que les travaux relatifs à la mise au point destechniques exigent de plus en plus le concours de personnesinstruites et,d'autre part, de la pr~dominance en mati~re d'édu­cation des pays industrialisés. Les nouvelles techniques pr~sen­

tent incontestablement des avantages pour les pays en voie de

(1) Voir, en particulier, H. 13eckerman : "International Compari­son of Income Levels: a suggested new measure", EconomicJournal 1966, 303:519-536.

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d~veloppement, mais il est incontestable ~galement qu'elles pré­sentent aussi des inconvénients, souvent inmtables. Les avantagesqu'offrent les nouvelles semences et les nouveaux engrais, lesmesures sanitaires prises pour diminuer le taux de mortalité,l'am~liorationdes moyens de transport et de communication sontdans une certaine mesure annulés par les effets de l'importancedes récoltes escompt~es sur les prix agricoles, de la réductiondu taux de mortalité sur 1 t expansion démographique et de l' amélio­ration des communications sur les espérances qu'elle fait nattre (1).Les progr~s techniques accomplis par les pays développés ontprobablement eu directement des inconvénients plus importants pourle Tiers-Monde. La production, les revenus et par conséquent lademande gênérale de produits importés des pays en voie de dévelop­pement ont augmenté, mais une grande partie des avantages quipouvaient en d~couler ont été annulés par les effets de la techno­logie des pays riches qui fabriquent des produits synthétiquesremplaçant les produits primaires, par des techniques de productionplus efficaces qui réduisent les besoins en facteurs de production,et par la mise au point de techniques qui permettent de r~duire

les besoins de main d'oeuvre, comme nous l'avons dit ci-dessus.Ainsi, m~me au niveau international, la technologie est une armeA double tranchant .....

Il convient de mentionner les effets particuliers desmigrations internationales des personnes instruites en raison descons~quences qu'elles ont pour la nature et les méthodes des sys­t~mes d'enseignement du Tiers-Monde (2). L'exode des compétencesn'a pas seulement réduit le nombre des personnes instruites dispo­nibles dans les pays en voie de développement, mais ce qui estpeut-~tre plus grave, elle a détourné l'attention des probl~mes

intérieurs grâce à l'influence ensorcelante des méthodes des paysriches et des occasions qu'ils offrent. L'influence dominante des

(1 )

(2)

Voir Michael Lipton, "The International Diffusion of Technolo­gs", chapitre 3, dans Development in a Divided Horld, publiésous la direction de Dudley Seers et Leonard Joy, PenguinPress, 1910.A.R. Jolly et Dudley Seers exposent la question de façon plusdétaill~e dans "The Brain Drain and the Process of Development"publié dans les documents de la Conférence de l'Associationinternationale des sciences économiques (1910). On trouvera~galement une série d'études approfondies sur la question del'exode des compétences dans les pays en voie de développementdans C.V. Kidd, The Committee on the International Migrationof Talent: International Higration of Hi&-h.-level Manpower,Neu York, Praeger Publishers, 1970.

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id~es des pays riches, qui s'est impos~e et se maintient gr~ce àla situation pr~dominante qu'ils occupent dans le domaine de l '~di­tion et de la presse, à leur rôle dans la profession enseignante,à leurs possibilit~s d'acc~s au met~riel scientifique et aux sourcesde la recherche (qu'il s'a~~sse des probl~mes des pays industriali­s~s ou de ceux des pays en voie de d~eloppement) est soutenueouvertement ou tacitement pe,r la grande majorit~ des universit~s

des pays en voie de développement. Tout ceci, certes, est engrande partie justifi~. Les id~es et les connaissances ne sontpas mauvaises du simple fait qu'elles proviennent des pays riches,mais les id~es et les connaissances entratnent des pr~ventions dontles spécialistes des sciences sociales commencent seulement àprendre suffisamment conscience pour entreprendre des recherchesm~thodiques. En outre, de par sa nature même, le contexte des paysriches 011 se d~roule toute cette ~volution offre ~galement à l'~lite

du Tiers-Monde des stimulants suffisamment puissants pour l'inciterà tenter sa chance sur le march~ des pays riches et souvent à ydemeurer en permanence.

Il est difficile d'évaluer le r~sultat de: ces influences surle rythme et la structure du développement du Tiers-Monde. Malheureu­sement, les recherches récentes sont a.."'i:ées sur une gamme très étroitede ces problèmes et sont souvent entreprises dans un cadre m~thodo­

logique qui préjuge la nature de la réponse. Elles ont donc apport~

peu d'éléments positifs et ont plutôt abouti à la confusion et à lacontroverse.

Ceci étant, nous pouvons - sur la base des principales étudesrelatives à la contribution de l' Mucation à la croissance économi­que - conclure, en ce qui concerne l'effet de l'~ducation surl'écart croissant entre les pays, qu'au niveau le plus global il ya une corrélation assez étroite entre le niveau de la production etcelui de l'~ducation dans les divers pays. On retrouve égalementcette corrélation à un niveau moins global - en ce qui concernecertaines catégories de personnes instruites, de la populationactive, d'alphabètes, etc. l~is il s'est rév~lé très difficilede passer de la corrélation à la causalit~, que ce soit au niveauglobal, au niveau sectoriel ou à un niveau inférieur. Ceci, dansun sens, n'est pas surprenant ~tant donné la diversité et la com­plexité des relations possibles entre éducation et production~conomique.

Conclusions.La principale conclusion que l'on peut tirer de la

pr~sente étude est que ni l' ~ducation, ni la croissance économiquen'ont un sens simple dénué de toute ambiguité et que leurs relations

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sont en consêquence, compliquées. A cet êgard, on peut considérerrétrospectivement que les études globales sur la contribution del'éducation à. la croissance économique - qui ont dans une largemesure suscité du point de vue économique l'intértt pour le capitalhumain au début des années 1960 - ont quelque peu détourné l'atten­tion de questions plus fondamentales. Mais, à la. fin des annêes1960, les spécialistes qui ~tudiaient le développement, prenaientde plus en plus conscience de la nécessité d'évaluer le processusde croissance dans son ensemble, au lieu de considérer des statis­tiques isolées. Le besoin se faisait tout particuli~rement sentird'étudier spécialement les problèmes que posent l'augmentation duch8J!!êfie et l'augmentation des inégalités. Il en est de mtme, bienqu'on n'y ait pas encore attach~ la m~me importance, de la nécessitéd'étudier et de comprendre le rêne de l'éducation dans le processusde la croissance, compte tenu notamment de la stru.cture et du cadrede la croissance, non pas seulement de son ta~global.

Dans ce cadre, les travaux consacrés à la contribution globalede l'éducation à la croissance globale peuvent aider à mieux comprendreun aspect, mais seulement un aspect, d'un tableau plus vaste et pluscomplet. Vues dans cette perspective, les résultats de la recherchespeuvent probablement fournir des éléments intéressants. Mais ilsne doivent pas détourner l'attention des aspects essentiels du tableaudont nous savons déjà certaines choses, mais beaucou12 trop peu de choses.Il faudra faire appel au concours de sociologues, de psychologues,d'historiens, de spécialistes des sciences sociales aussi bien qued'économistes pour comprendre réellement ce dont il est question- rien de moins que l'inte~action complexe entre l'éducationconsidérée comme le processus d'apprentissage des individus, une séried'institutions de la société, une .2:,ctivité ~conomique à laquelleparticipent de fortes proportions des enfants et des adultes d'unpays et l'ensemble du processus de l'évolution économi~ue, sociale etJa0litisue des individus et des pays.