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CONFÉRENCE SUR LA « MIGRATION IRRÉGULIERE ET DIGNITÉ DES MIGRANTS : COOPERATION DANS LA REGION MEDITERRANEENNE » Athènes, 3 et 4 octobre 2001 ACTES Juin 2002

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CONFÉRENCE SUR LA

« MIGRATION IRRÉGULIERE ET DIGNITÉ DES MIGRANTS : COOPERATION DANS LA REGION MEDITERRANEENNE »

Athènes, 3 et 4 octobre 2001

ACTES

Juin 2002

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Adresse : Conseil de l'Europe

F – 67075 STRASBOURG CEDEX

Téléphone : [+33] (0)3 88 41 20 00 Fax : [+33] (0)3 88 41 27 31 Council of Europe Internet Site on Migration : http://www.coe.int/T/E/Social_Cohesion/Migration Site Internet du Conseil de l’Europe sur les Migrations: http://www.coe.int/T/F/Cohésion_sociale/Migrations

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Table des matières

SESSION D’OUVERTURE .......................................................................................................... 9

Allocution de Mme V. PAPANDREOU, Ministre de l’Intérieur, de l’Administration publique et de la Décentralisation .......................................................................................................................... 9

PARTENARIAT POUR LA DIGNITÉ DE L’HOMME...............................................................16

Allocution de M. Walter SCHWIMMER, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe .....................16

Discours de M. Grigoris NIOTIS, Ministre délégué des Affaires étrangères ...................................20

Intervention de M. l’Ambassadeur Alev KILIÇ, Représentant permanent de la Turquie auprès du Conseil de l’Europe au nom du Comité des Ministres ...................................................................22

Allocution d’ouverture de M. Tadeusz IWINSKI, Président de la Commission des Migrations, des Réfugiés et de la Démographie de l’Assemblée Parlementaire ......................................................25 MIGRATIONS INTERNATIONALES EUROPÉENNES : EVALUTATION DE LA SITUATION ACTUELLE ..............................................................................................................................27

Professeur John SALT, Unité de recherche sur la migration, département de géographie, University College London..........................................................................................................................27

SITUATION DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE ACTUELLE DANS LES PAYS DE LA RIVE SUD DE LA MÉDITERRANÉE..................................................................33

M. Philippe FARGUES, Institut National d’Études Démographiques, Paris....................................33

SESSION 1 : LES CAUSES DE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE « SITUATION SUR LE TERRAIN » ................................................................................................................................ 43

Intervention de M. Roberto RUOCCO, Membre de la Commission de la cohésion sociale, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, Italie .....................................................................43

Intervention de M. Manuel MAS I ESTELA, Maire de Mataró, Espagne........................................48

SESSION 2 : LA PRÉSERVATION DE LA DIGNITÉ HUMAINE DES MIGRANTS IRRÉGULIERS.......................................................................................................................... 53

PROCÉDURES D’EXPULSION CONFORMES AUX DROITS DE L’HOMME ET EXÉCUTÉES DANS LE RESPECT DE LA SÉCURITÉ ET DE LA DIGNITÉ...................................................53

Allocution de M. Tadeusz IWINSKI, Président de la Commission des Migrations, des Réfugiés et de la Démographie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ..........................................53

SITUATION JURIDIQUE DES MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : LEUR DIGNITÉ EST-ELLE GARANTIE DANS LES PAYS D’ACCUEIL ?.........................................................53

Dr Ryszard CHOLEWINSKI, Senior Lecturer in Law, University of Leicester, UK.......................53

LA TRAITE D’ÊTRES HUMAINS ET L’EXPLOITATION SEXUELLE : UNE FORME MODERNE D’ESCLAVAGE.....................................................................................................53

Mme l’Ambassadeur Eva GARAJOVA, Représentante permanente de la Slovaquie auprès du Conseil de l’Europe, Rapporteuse pour l’égalité entre les femmes et les hommes............................53

Discours de M. Demetri DOLLIS, Secrétaire Général des Grecs expatriés......................................53

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LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA MIGRATION IRRÉGULIÈRE .........................................................................................................................53

M. Jonas WIDGREN, Directeur général de l’ICMPD...................................................................53

SESSION 3 : STRATÉGIE DE GESTION DES MIGRATIONS................................................ 53

LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION ENTRE LES PAYS D’ORIGINE ET LES PAYS DE DESTINATION : QUELLES MESURES CONCRÈTES PRENDRE ?....................................53

Mme Samia CHOUBA, Directeur du Bureau de la Coopération Internationale et des Relations Extérieures, Ministère des Affaires Sociales, Tunis .......................................................................53

SESSION DE CLÔTURE............................................................................................................ 53

M. Miguel Angel MARTINEZ, Président du Conseil exécutif du Centre Nord-Sud ........................53

Déclaration de clôture.................................................................................................................53

M. Jonas WIDGREN, Directeur Général, ICMPD........................................................................53

Conclusions de la conférence ......................................................................................................53

M. W. SCHWIMMER, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ................................................53

M. G. PAPANDREOU, Ministre grec des Affaires étrangères.......................................................53

ANNEXE I .................................................................................................................................. 53

Programme ................................................................................................................................53

ANNEXE II................................................................................................................................. 53

Recommandation du Commissaire aux Droits de l’Homme relative aux droits des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats membres du Conseil de l’Europe et à l’exécution des décisions d’expulsion .................................................................................................................53

ANNEXE III ............................................................................................................................... 53

Liste des participants ..................................................................................................................53

ANNEXE IV................................................................................................................................ 53

Publications dans le domaine des migrations et des rela tions intercommunautaires .........................53

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SESSION D’OUVERTURE

Allocution de M me V. PAPANDREOU, Ministre de l’Intérieur, de l’Administration publique et de la Décentralisation

Mesdames et Messieurs, La question de l’ immigration économique, dont nous allons débattre au cours de cette conférence, est extrêmement importante, puisqu’il s’agit de l’un des problèmes les plus graves auxquels sont confrontés les pays développés. Les mouvements de population ne sont pas un phénomène nouveau dans l’histoire de l’humanité. Epidémies, pauvreté, catastrophes écologiques, guerres : de multiples circonstances, le plus souvent dramatiques ou traumatisantes, ont de tout temps alimenté l’immigration. Depuis quelques années, toutefois, on observe une intensification et une multiplication des flux migratoires. Cet accroissement est notamment dû aux immenses progrès techniques réalisés dans le domaine des transports et des communications, dont le développement a aboli les frontières géographiques entre des Etats-nations autrefois « fermés » et engendré une société et une économie ouvertes. La mondialisation, l’ouverture des marchés et les progrès techniques ont créé de la richesse, mais ils ont aussi creusé les inégalités entre pays développés et pays en développement, incitant de plus en plus de gens à aller tenter leur chance à l’étranger.

Autrefois, l’immigration était une affaire entre deux pays : le pays d’origine et le pays d’accueil. Une fois qu’ils ava ient franchi la frontière, les immigrants ne relevaient plus que des autorités du second, à savoir en règle générale les corps de sécurité, l’armée et la police. Les politiques d’immigration étaient traditionnellement fondées sur l’assimilation des populations étrangères par la société d’accueil dominante. Aujourd’hui, l’immigration est une question sociale globale qui exige non seulement une coopération transnationale, mais aussi une coordination de toutes les politiques de l’Etat concerné. Une politique d’immigration moderne est avant tout axée sur l’intégration des populations étrangères dans le nouveau milieu social, chaque groupe conservant son identité propre tout en communiquant avec les autres. Elle doit en outre prendre en compte les problèmes que pose

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plus particulièrement l’immigration au niveau local et leur apporter des réponses efficaces, car ces problèmes mettent en péril la cohésion économique et sociale et sont source d’exclusion sociale, de racisme et de xénophobie. Les mouvements de population actuels et prévisibles auront sans aucun doute pour effet d’accroître les déséquilibres entre les différentes régions du monde, même si, après l’explosion démographique du XXe siècle, la population mondiale devait prochainement se stabiliser par suite d’une baisse des taux de natalité dans le Tiers Monde, comme l’espèrent les chercheurs les plus optimistes. Les pays riches et développés d’Europe ont été les premiers à voir leur population se stabiliser au point que, dans certains d’entre eux, le remplacement des générations n’est plus assuré. Parmi ces pays figure la Grèce qui, bien qu’elle ne soit ni aussi riche ni aussi développée que d’autres grands pays européens, l’est incomparablement plus que ses voisins et est devenue de ce fait un pays d’immigration, alors qu’elle était traditionnellement, et encore tout récemment, un pays d’émigration. Les pays développés, dont la population comprend une forte proportion de personnes âgées et d’enfants, sont entourés de pays pauvres où des bataillons de jeunes chômeurs sont prêts à accepter n’importe quel emploi dans un pays d’accueil. Car si modestes soient-ils, ces emplois peuvent les rendre riches au regard des critères de leur pays d’origine. Confrontés à une situation nouvelle, ces pays, dont la Grèce, ont trois options : - autoriser une immigration massive ; - élever des barrières contre l’immigration ; - imaginer une autre solution. Une immigration massive entraîne des problèmes au sein de la société et rompt son équilibre. L’Etat se décharge de la responsabilité d’endiguer le courant d’immigration sur la société et plus particulièrement sur les populations locales, qui réagissent presque toujours par des manifestations de xénophobie et de racisme. Une interdiction générale de l’immigration n’est pas non plus une solution viable, pour les raisons suivantes : - Les pays développés ont besoin d’immigrés, car le vieillissement de leur population engendre des problèmes sur le marché du travail et dans le domaine de la sécurité sociale. A l’heure actuelle, il y a en Grèce des milliers d’emplois dont les citoyens grecs ne veulent pas -je ne pense pas seulement au secteur agricole. Par suite de l’élévation considérable de leur niveau de vie et de leur degré moyen d’instruction, les Grecs sont très peu attirés par les emplois manuels ou saisonniers, considérés comme « inférieurs » selon le système de valeurs établi. Ainsi, au moins dans une certaine mesure, la Grèce comme les autres pays européens ont besoin des immigrés. - Pour des raisons pratiques, il serait de toute façon impossible d’imposer une interdiction générale. La grande majorité des immigrants économiques viennent de pays qui, s’ils ne sont pas au bord de la débâcle, connaissent tout au moins de grandes difficultés. Le taux de chômage y est généralement élevé, phénomène encore aggravé par l’effondrement des régimes politiques et économiques qui prévalaient auparavant dans la plupart de ces pays. Leurs populations vivent dans la précarité et manquent même des produits de première nécessité. Aussi leur citoyens sont- ils prêts à tout pour tenter leur chance ailleurs.

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Une interdiction générale ne règlerait donc pas le problème. Elle n’empêcherait pas l’entrée d’immigrants clandestins qui vivront alors dans la précarité, privés de leurs droits fondamentaux. Elle signifierait que nous refusons tout simplement de regarder le problème en face. Mesdames et Messieurs,

La solution ne réside ni dans un cadre laxiste permettant l’entrée sans restriction de tous les immigrants, ni dans un cadre prohibitif sous contrôle policier. La Grèce ne peut être ni un « moulin », ni une forteresse. Il convient d’établir un cadre qui impose un certain nombre de règles et de conditions, y compris un programme et un code d’éthique, et garantisse l’équilibre et la prospérité de la société. Les axes de cette politique seraient les suivants : - gestion souple et uniforme des flux d’immigration ; - acceptation de l’immigration régulière ; - lutte contre l’immigration clandestine, la traite d’êtres humains, le trafic

d’immigrants ; - protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans un premier temps, notre pays, où le cadre législatif était tout à fait insuffisant, a

laissé entrer sans contrôle les immigrants en provenance des pays voisins et s’est trouvé confronté à un grave problème d’immigration clandestine. Voici comment nous avons décidé de nous y attaquer :

Un permis de séjour temporaire est accordé sous certaines conditions aux personnes qui viennent en Grèce pour travailler ou étudier. Autrement dit, il existe un lien entre la durée et l’objet du séjour. J’insiste sur le caractère temporaire de cette immigration : les immigrants viennent ici pour travailler et rentrent dans leur pays quand ils n’ont plus d’emploi. Cet objectif est plus facile à atteindre en Grèce que dans d’autres pays européens. En effet, étant donné qu’elles viennent majoritairement de la région des Balkans (Albanie, Bulgarie, Roumanie), les personnes qui immigrent en Grèce n’ont souvent pas l’intention de s’y installer définitivement ou du moins acceptent plus aisément de ne pas en avoir la possibilité, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays d’immigration comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France. De plus, elles sont encouragées à prendre des emplois saisonniers ; ainsi, elles peuvent rentrer relativement vite et facilement dans leur pays à l’expiration de leur contrat, et revenir lorsque la demande reprend.

Dans l’optique que nous avons choisie, à quelles conditions doit satisfaire l’immigration économique contrôlée ? - Un principe fondamental est que l’Etat doit savoir qui entre sur son territoire, pour combien de temps et pour quel motif (études, travail ou autre). Le droit du pays d’accueil d’identifier l’immigrant économique est donc reconnu et garanti. - Les immigrants viennent parce qu’ils ont besoin de travail, l’Etat les autorise à venir parce qu’il a besoin de main d’œuvre. C’est là une condition fondamentale de toute politique d’immigration sérieuse. Garantie de la cohésion sociale du pays d’accueil, elle autorise en outre les immigrés à se prévaloir de l’intégralité de leurs droits. Une condition préalable est

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l’existence d’un recensement fiable des besoins du pays en main d’œuvre et la communication de ces informations aux pays d’origine potentiels. Telles sont les bases sur lesquelles l’Etat grec délivre des autorisations d’entrée et des permis de séjour et de travail. Lorsque ces conditions sont remplies, la présence des immigrés n’est pas simplement tolérée dans notre pays : elle est souhaitable. Le deuxième objectif de notre législation est de faire en sorte que les immigrés bénéficient de conditions de vie et de travail rigoureusement égales à celles des travailleurs grecs. A l’exception des droits politiques, réservés par notre Constitution aux citoyens grecs, les immigrés économiques jouissent des mêmes droits que nous tous : - ils sont assurés auprès des organismes de sécurité sociale de notre pays compétents pour leur branche d’activité ; - ils bénéficient des prestations sociales ; - ils ont accès sans restriction à l’éducation.

Nous ne pouvons, mesdames et messieurs, laisser se développer une société fondée

sur l’inégalité et la discrimination raciale. Les droits de l'homme doivent être respectés par tous et en tout temps. Il en est de même des droits sociaux reconnus aux immigrés qui sont entrés légalement sur le territoire grec et y séjournent avec l’autorisation expresse de l’Etat. La xénophobie est aujourd’hui un phénomène latent dans tous les pays d’immigration, même dans des pays tels que la Suède, l’Italie ou la Grèce que nous considérions autrefois comme immunisés contre ce poison. Je suis toutefois convaincue que l’immigration de main d’œuvre, lorsqu’elle est légale et contrôlée, entraîne rarement une compétition directe ent re les différents groupes ethniques, source de divisions entre les travailleurs et de manifestations racistes, car chaque groupe d’immigrés tend à occuper un créneau d’activité qui lui est propre au sein de l’économie. On le constate dans notre pays, on le constate dans d’autres pays européens.

Néanmoins, la xénophobie latente peut, si nous fermons les yeux sur ce phénomène,

se durcir en un racisme déclaré et dangereux. En particulier, une politique d’immigration laxiste, non contrôlée, sans planification ni cohérence, créerait un terrain favorable au racisme. Je réponds ainsi indirectement aux critiques de ceux qui soutiennent que seule compte la volonté de l’immigrant et que point n’est besoin de volonté de la part du pays d’accueil. Mesdames et Messieurs,

Si nous n’envisageons le problème que du point de vue des immigrants économiques

potentiels, si nous parlons uniquement de droits et pas d’obligations, si nous sommes incapables de déterminer combien et quels types d’immigrants nous voulons, alors j’ai bien peur qu’au lieu de défendre leurs droits humains et sociaux, nous ne leur portions atteinte.

Aucun pays, aucune économie, ne peut garantir le respect des droits de l'homme et l’égalité en matière de droits sociaux s’il laisse enfler le courant d’immigration en dépit des résistances qui peuvent exister au sein de la société et de l’économie. En pareil cas, le courant raciste enflerait lui aussi de manière inquiétante par suite de l’insécurité ressentie par

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le corps social, tandis que la surabondance de main d’œuvre et l’affaiblissement du système de sécurité sociale ne permettraient plus de garantir un salaire minimum et une protection sociale adéquate. Cette situation aurait pour conséquences inéluctables un effondrement des garanties institutionnelles dont bénéficiaient les immigrés économiques, un développement du racisme à leur égard et une précarisation de leur situation. Mesdames et Messieurs,

La xénophobie latente peut aisément se durcir en racisme. Une partie des médias et

de l’éventail politique est toujours prête, pour diverses raisons relevant du populisme ou du calcul politique à courte vue, à exacerber, mettre en valeur et justifier ce phénomène. C’est pourquoi, lorsque nous méconnaissons la nécessité de maîtriser le courant d’immigration, lorsque nous fermons les yeux sur la différence fondamentale qui existe entre l’immigration légale et l’immigration illégale, nous devons sérieusement nous demander si nous ne faisons pas le jeu des racistes. Pour assurer la protection des droits de l'homme et empêcher à tout prix le développement de phénomènes inacceptables, nous avons introduit dans notre législation, dans le cadre de la lutte contre le racisme et la xénophobie, une disposition prévoyant l’ouverture d’office d’une procédure pénale quand de tels actes sont commis. Cette disposition représente une innovation par rapport aux législations d’autres Etats.

Nous ne devons ni nous bercer d’illusions, ni nous laisser abuser par des voix invoquant les fantômes du passé. Aucun fantôme ne menace l’Europe. Le vrai danger ne vient pas du phénomène lui-même, mais de nos propres angoisses, de même que ceux qui redoutent les fantômes ne sont victimes que de leur propre peur. J’ai évoqué les conditions de l’immigration ainsi que les droits sociaux que la nouvelle législation reconnaît pleinement aux immigrés. Un troisième axe porte sur la redéfinition des compétences et des missions respectives des différents échelons administratifs, et donc sur la gestion de la politique d’immigration.

Notre objectif est, à travers une politique centrale cohérente et efficace en matière d’immigration, d’assurer la participation essentielle de tous les organes concernés et de tous les échelons administratifs, dans la limite des compétences et des possibilités de chacun. Tel est exactement le but que nous recherchions lorsque nous avons unifié la législation applicable en Grèce. L’élaboration et la coordination de la politique d’immigration ont été confiées au Ministère de l’Intérieur, de la Fonction publique et de la Décentralisation. En vue de la mise en œuvre de cette politique, un Service des étrangers et de l’immigration a été créé au niveau central, avec un pendant dans chaque région. - Les autorités consulaires grecques peuvent ouvrir des bureaux du travail en vue d’organiser l’immigration et de répartir rationnellement les candidats à l’immigration en fonction des besoins effectifs du pays. - Les services de police ne sont plus habilités à accorder des permis de séjour, cette compétence étant désormais exercée par le secrétaire général de chaque région. - Une commission de l’immigration, chargée d’assister le secrétaire général dans cette nouvelle fonction, est établie dans chaque région. Cette commission invite chaque étranger à un entretien et émet un avis sur sa personnalité.

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- Un Centre d’étude de l’immigration, placé sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur, de la Fonction publique et de la Décentralisation, a pour mission de mener des recherches et d’effectuer des études sur la planification et la mise en œuvre de la politique d’immigration. Dans le cadre administratif que je viens de décrire, les différents ministères et services ayant une coresponsabilité ont des compétences spécifiques distinctes. Mesdames et Messieurs,

L’entrée régulière et surtout irrégulière d’immigrants économiques dans notre pays depuis dix ans a créé une situation nouvelle. Les dispositions transitoires de la loi apportent une solution satisfaisante à la question des permis de séjour pour les détenteurs d’une carte verte ou blanche. Les autres se sont vu offrir une deuxième chance de faire régulariser leur situation et de sortir de la précarité s’ils peuvent justifier d’une année de séjour dans notre pays. La loi sur l’immigration est l’outil sur lequel compte notre pays pour gérer, dans les années qui viennent, une situation dont les causes profondes lui échappent et sur laquelle les décisions du gouvernement ou du parlement n’ont que peu d’influence. Mesdames et Messieurs, L’immigration est un phénomène mondial. Au niveau international, l’on tente depuis longtemps, sans grand succès, de s’attaquer aux causes fondamentales de l’émigration forcée ou volontaire à partir des pays à faible revenu. Il est évident que des efforts sérieux sont indispensables pour résoudre les problèmes politiques, économiques et environnementaux qui poussent ces personnes à quitter leur pays et à chercher refuge ailleurs. L’objet d’une politique d’immigration ne devrait pas être d’empêcher les gens de partir dans d’autres pays. Au contraire, l’histoire a montré que l’immigration était l’un des moteurs les plus puissants et les plus positifs du développement humain. Mais des initiatives et des mesures devraient être prises au niveau international pour que les gens se sentent plus en sécurité au sein de leur propre société, afin que ceux qui émigrent le fassent par choix et non par nécessité. Des mesures de bon sens permettraient d’améliorer la situation économique des pays d’origine : investissements bien ciblés, régimes commerciaux plus équitables, allègement de la dette et utilisation efficace de l’aide financière. Il faut établir des partenariats avec les pays d’origine et de transit et lutter énergiquement contre la traite d’êtres humains et le trafic d’immigrants. Or, les politiques d’ajustement structurel et de libéralisation économique prônées par beaucoup de pays industriels et d’institutions financières sont indéniablement à l’origine de courants d’immigration un peu partout en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans l’ancien bloc communiste. Dans le même temps, les pays d’immigration vendent des armes à des régimes qui persécutent les citoyens et les groupes minoritaires. Si cette politique contradictoire n’est pas abandonnée, si le fossé entre pays riches et pays pauvres n’est pas réduit, les flux d’immigration ne diminueront pas d’intensité. Cette conférence, à l’instar d’autres initiatives comparables, n’aura probablement qu’une incidence infime sur les causes profondes du problème. Elle nous aidera cependant, j’en suis convaincue, à prendre sa mesure réelle et à agir en faveur de la protection des droits

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humains et sociaux des immigrants sans provoquer de manifestations xénophobes ou racistes. La Grèce, pays multiculturel par excellence, n’a jamais craint de se frotter à d’autres cultures. Bien au contraire, elle a assimilé tout ce que ces contacts pouvaient lui apporter de bon et enrichi grâce à eux sa propre identité culturelle. Nous sommes un peuple trop ancien pour redouter quoi que ce soit. Une société ouverte et tolérante comme la nôtre ne saurait refuser aux immigrés qui vivent et travaillent dans notre pays la solidarité sociale et l’égalité que leur accordent nos lois. Mesdames et Messieurs, Une politique d’immigration vise, à certains égards, à trouver un juste milieu entre, d’une part, la sensibilité humaine, le respect des droits de l'homme et la solidarité sociale et, d’autre part, la nécessité dans laquelle se trouve tout Etat de savoir qui immigre sur son territoire et pour quelle raison, et l’obligation qui lui incombe de préserver les subtils équilibres sociaux et économiques. Bien menée, une telle politique contribuera à maximiser l’apport de l’immigration au développement économique du pays concerné et à limiter la criminalité, la xénophobie et le racisme, tout en répondant aux aspirations des immigrés. Nous n’avons pas d’autre choix, me semble-t-il, que de marcher en équilibre sur cette corde raide. Je suis persuadée que nos débats et la participation essentielle de chacun contribueront au renforcement de la coopération autour de cet ancien berceau de civilisation qu’est le bassin méditerranéen, et que cette conférence apportera une petite pierre à la construction d’un monde meilleur, plus juste et plus humain.

Je vous remercie.

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PARTENARIAT POUR LA DIGNITÉ DE L’HOMME

Allocution de M. Walter SCHWIMMER, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Excellences, Mesdames et Messieurs, Il y a de cela quelques semaines, le 9 septembre, les corps de 13 Marocains ayant péri à la suite d’une tentative désespérée d’atteindre l’Eldorado espagnol, ont été retrouvés sur la plage près de Rabat. La mort tragique de ces malheureux migrants et les nombreux autres décès quotidiens sur les côtes méditerranéennes expliquent notre présence aujourd’hui à Athènes pour participer à cette conférence sur «La migration irrégulière et la dignité des migrants: coopération dans la région méditerranéenne». Cette conférence marque un nouveau pas important dans l’engagement du Conseil de l’Europe de préserver le respect des droits de l’homme, en particulier de ceux qui sont dans une situation vulnérable et ont donc le plus besoin de protection. Permettez-moi tout d’abord de remercier les autorités grecques et le Ministre des affaires étrangères d’avoir aimablement lancé cette invitation et d’accueillir généreusement cette manifestation trans-méditerranéenne. Je souhaiterais également remercier les orateurs et les participants du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Egypte et de la Libye de leur présence ici aujourd’hui. La coopération est impérative si nous voulons traiter efficacement d’un problème qui préoccupe l’ensemble de la région. Cette préoccupation exige la mise en place et le maintien d’un dialogue et d’un partenariat structurels avec nos invités non-européens. La coopération et le partenariat avec les pays du sud de la Méditerranée est l’une des façons de progresser mais je souhaiterais avoir votre avis sur d’autres solutions éventuelles. Nous avons voulu que cette conférence soit une manifestation publique ouverte à toutes les parties intéressées: c’est la première fois que sont réunis, sur un pied d’égalité, des représentants d’administrations nationales des Etats membres du Conseil de l’Europe et des Etats du Sud de la Méditerranée en tant que partenaires. Je suis convaincu qu’il mettront à profit l’occasion qui leur est ainsi offerte pour renforcer les liens bilatéraux et multilatéraux. Je voudrais également souhaiter la bienvenue aux membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et les inviter à porter à l’attention de leurs parlements nationaux les conclusions de cette conférence. Je suis certain qu’ils contribueront aussi à alerter l’opinion public sur le nombre tragique de victimes des migrations clandestines. Les élus locaux et régionaux ont une grande expérience à nous faire partager dans la mesure où ils ont affaire quotidiennement à des migrants clandestins qui frappent à leur porte. Cela étant, au cours de ces deux jours pendant lesquels nous allons côtoyer des chercheurs, des représentants d’autres organisations internationales et des représentants des

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partenaires sociaux, des associations de migrants et la société civile dans son ensemble, nous n’allons pas nous contenter d’écouter les récits de leurs expériences passées mais nous allons leur demander ce qu’ils peuvent proposer, et ce qu’ils vont faire pour venir à bout de cette situation. Permettez-moi de rappeler que le Conseil de l’Europe s’intéresse depuis longtemps aux droits des migrants, tant légaux que clandestins, qui souhaitent entrer dans un Etat membre et aux pratiques d’expulsion appliquées dans les pays hôtes. Il va sans dire que cette question est récemment devenue l’un des thèmes majeurs de l’actualité politique. Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire ont périodiquement attiré l’attention sur les conditions extrêmement dangereuses et inhumaines dans lesquelles les migrants clandestins, donc beaucoup sont des femmes et des mineurs, se trouvent. Leur clandestinité dans le pays hôte les prive souvent de leurs droits civils, politiques et sociaux et porte atteinte à leur dignité. De plus, en accentuant l’inquiétude et les tendances xénophobes au niveau national, la présence d’immigrés clandestins menace également l’intégration des immigrés réguliers, voire la cohésion sociale dans son ensemble. La Cour européenne des droits de l’homme a à plusieurs occasions traité d’affaires relatives à des demandeurs d’asile, des réfugiés ou d’autres migrants et de la compatibilité des procédures nationales d’accueil et d’expulsion avec certaines dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Permettez-moi simplement de rappeler une affaire très récente, celle de Boutlif contre la Suisse du 2 août 2001 dans laquelle le requérant qui s’était vu refuser un permis de résidence alors qu’il était marié à un ressortissant suisse, a eu gain de cause. De plus, le CPT, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, a visité plusieurs établissements de détention d’étrangers privés de leur liberté en application de la législation nationale sur les étrangers. Il a publié plusieurs rapports critiques concernant également les conditions de détention administrative des demandeurs d’asile. Par ailleurs, le Comité des Ministres a adopté une série de recommandations, couvrant la notion de «pays tiers sûr», le retour des demandeurs d’asile déboutés et le droit à un recours efficace contre l’expulsion. L’année dernière, compte tenu du nombre croissant d’affaires dans les pays membres de notre organisation concernant des expulsions forcées pratiquées sans le moindre respect de la dignité humaine, le Conseil de l’Europe, conjointement avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a attiré l’attention du public sur ce sujet douloureux. Le Conseil de l’Europe et le Commissaire aux droits de l’homme, Mr Gil Robles, ont également vivement critiqué les méthodes utilisées avant et pendant l’expulsion, méthodes qui, dans certains cas, ne respectent pas les droits de l’homme. Je suis heureux de pouvoir annoncer que la première recommandation du Commissaire aux droits de l’homme, rendue publique il y a 10 jours, traite des droits des étrangers souhaitant entrer dans un Etat membre du Conseil de l’Europe et de l’application des arrêtés d’expulsion.

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Nous sommes tous choqués par la manière dont meurent les immigrés clandestins qui ont confié leur vie à des trafiquants d’êtres humains. Il est clair que les restrictions à l’immigration illégale mises en place par les pays européens favorisent le recours aux services de trafiquants peu scrupuleux. Le renforcement des mesures de sécurité et des mécanismes de contrôle aux frontières européennes pour appréhender les immigrés clandestins devrait donc s’accompagner d’une coopération accrue entre les Etats pour lutter efficacement contre la traite d’êtres humains. C’est seulement ainsi que cette forme moderne d’esclavage peut être éradiquée. Des mesures efficaces sont nécessaires pour mettre fin à l’internationalisation de la traite, de l’esclavage et de la prostitution forcée. Le Conseil de l’Europe est déterminé à lutter contre ce fléau. La question, géographiquement plus limitée, de la migration clandestine dans la région méditerranéenne, qui est le thème de notre conférence, a été reprise par l’Assemblée parlementaire l’année dernière et a fait l’objet de la recommandation 1467(2000) qui condamne la traite des êtres humains et souligne la nécessité de lutter contre les causes premières de l’immigration illégale. Ce phénomène n’est évidemment pas limité au Détroit de Gibraltar, les migrants clandestins venant également d’autres régions comme l’Europe orientale, l’Asie ou l’Afrique sub-saharienne. Il est donc prévu, dans la mesure du possible, de mettre également à profit les résultats de cette conférence dans d’autres régions. Les Ministres européens responsables des migrations ont déjà, en 1996 lors de leur 6e conférence, souligné la nécessité d’une stratégie globale de gestion des migrations. Les activités du Comité européen sur les migrations concernant cette stratégie globale sont énoncées dans le rapport intitulé «Vers une stratégie de gestion des migrations». Le point de départ de cette stratégie est identique à celui de l’Assemblée. Le protocole No. 4 de la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît la mobilité comme un droit de l’homme et indique que l’émigration est possible dans des conditions devant être fixées par les gouvernements dans des instruments juridiques. Nous avons donc besoin d’une gestion des migrations intégrée et ordonnée qui respecte les droits fondamentaux de l’homme, ce qui dépend de la coordination entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et les pays d’origine des migrants si nous voulons empêcher les migrations illéga les et réduire la probabilité de tentatives d’entrées illégales. Cette conférence de deux jours est pour nous une occasion unique de mettre au point cette coordination et d’établir un partenariat efficace. Le deuxième point de départ de la stratégie globale de migration proposée dans le rapport est l’acceptation politique du fait que l’Europe, en tant que région, est devenue un espace d’immigration. La mondialisation et l’établissement de réseaux planétaires, les déséquilibres économiques, sociaux et démographiques sont autant de facteurs qui accroissent la mobilité et accélèrent les mouvements migratoires internationaux. Nous savons tous que les migrations ont un impact sur la qualité des relations internationales. Il est donc extrêmement important de les inscrire au premier rang des préoccupations politiques des Etats d’origine, des Etats de transit et des Etats d’accueil. Ensemble, ils devraient traiter de questions comme les droits de l’homme, la coopération technique bilatérale, les migrations irrégulières ainsi que les obstacles au retour. Un tel dialogue devrait en fin de compte viser à créer des structures de coopération efficaces. Dans

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cette perspective, un climat de confiance et de compréhension mutuelles est nécessaire pour permettre aux parties de négocier par la suite sur un pied d’égalité. Nous souhaitons promouvoir la coordination avec les ministères et les organisations non-gouvernementales des rives sud de la Méditerranée afin d’établir une coopération sur les causes économiques, politiques et sociologiques des migrations irrégulières. A un certain nombre d’occasions, les Etats d’accueil ont été invité à mettre au point, en coopération avec des organisations non-gouvernementales et les pouvoirs locaux, des programmes d’aide à la formation et au développement au niveau local dans les pays d’origine des migrants. La recommandation 1467(2000) sur l’immigration clandestine et la lutte contre les trafiquants souligne que les pays européens ne peuvent pas en même temps renforcer les restrictions à l’immigration et réduire l’aide au développement des autres pays. Ils devraient faire en sorte que l’aide publique au développement qu’ils accordent atteigne le niveau internationalement admis de 0,7% du produit national brut. Cela étant, combien d’Etats membres respectent ce niveau? Avant de terminer, je souhaiterais répéter que l’importance de la présence à long terme sur le territoire de nos pays de migrants clandestins qui ne jouissent pas des droits de l’homme ni d’un statut légal est préjudiciable non seulement pour les victimes mais également pour la société dans son ensemble. Afin de préserver la cohésion sociale, nous devons nous abstenir de trouver des boucs émissaires pour déverser la frustration du public. Cela est particulièrement pertinent aujourd’hui, à un moment où les récents attentats terroristes aux Etats Unis risquent de créer un climat de xénophobie et d’intolérance. Telle est la raison pour laquelle j’attache tant d’importance à cette conférence qui nous réunit ici à Athènes, berceau de notre culture démocratique et de nos valeurs politiques, et qui marque le début d’un processus de coopération à long terme. Vous allez, aujourd’hui et demain, discuter des diverses mesures devant être prises dans le cadre de ce processus et vos conclusions seront prises en considération lors de la préparation de la prochaine Conférence ministérielle sur les migrations qui aura lieu en septembre l’année prochaine à Helsinki. Je vous souhaite tout le succès possible dans vos travaux.

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Discours de M. Grigoris NIOTIS, Ministre délégué des Affaires étrangères

La Méditerranée a toujours constitué un point stratégique pour les échanges économiques et culturels entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, véritable pont tendu entre les peuples d’Europe, d’Afrique et d’Asie.

C’est aussi l’une des plus importantes portes d’accès à l’Europe en terme de flux

migratoires. Dans le même temps, la région se caractérise par des crises politiques et par des

inégalités économiques, sociales et démographiques. Inégalités socio-économiques, instabilité politique, conflits de religions, manque

d’infrastructures de sécurité sociale et de services humanitaires, parfois violation des droits de l’homme dans certains pays méditerranéens : telles sont les principales raisons de la migration de citoyens de ces pays – y compris par la voie irrégulière – vers d’autres pays voisins plus développés.

Il faut dire que l’Europe et les autres pays développés ont jusqu’à présent conduit une

politique controversée en matière d’immigration, promouvant d’un côté la mobilité et la libre circulation des personnes et des services dans le cadre de la mondialisation, et de l’autre mettant en place des politiques de restriction de l’immigration régulière.

Un autre facteur peut être considéré comme encourageant la migration irrégulière. La

main d’œuvre clandestine entraîne une baisse des coûts et l’accroissement de la compétitivité des biens et des services, donnant lieu à des retombées macro-économiques positives pour les économies des pays déve loppés.

L’immigration irrégulière met en relief l’écart considérable existant entre le nombre illimité de « candidats » à la migration et les limites imposées par les pays de destination potentiels.

Selon le Centre international pour le développement des politiques migratoires,

environ 400 000 à 500 000 migrants clandestins traverseraient les frontières européennes chaque année. Sur le plan international, environ 30 millions de sans-papiers résideraient illégalement dans un pays étranger.

Le trafic de migrants est devenu un grave problème pour la plupart des pays riches. On sait que les filières organisées rapportent aux trafiquants 5 à 7 milliards de dollars par an, bénéfices comparables uniquement à ceux de la drogue.

La migration est un droit fondamental de l’homme. Les personnes acculées à devenir

des immigrés irréguliers sont privées de leurs droits fondamentaux sur le plan personnel et social, leur dignité est bafouée et dans certains cas, leur vie-même est menacée.

La Grèce, durant ces vingt dernières années, a été le pays d’origine de bon nombre de

migrants. Mais aujourd’hui, à l’instar de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal, notre pays est devenu une terre d’accueil, principalement pour les migrants à motivation économique. Nos 16 000 kilomètres de côtes favorisent la migration irrégulière. En effet, selon les estimations,

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environ 700 000 clandestins résideraient actuellement en Grèce, la plupart provenant d’Albanie et des pays de l’ex-Union Soviétique.

D’importantes mesures ont d’ores et déjà été prises au niveau national, selon une

politique migratoire globale. Cependant, il est clair qu’aucun pays ne parviendra unilatéralement à agir

efficacement sur ce phénomène, particulièrement en ce qui concerne la migration irrégulière. La question doit être traitée sur le plan international.

Les pays méditerranéens riches d’une histoire commune et de similarités culturelles

pourraient s’avérer extrêmement efficaces dans la lutte régionale contre la migration clandestine.

Les pays d’origine pourraient renforcer les coopérations bilatérales afin de surveiller

les migrations, tandis que les pays de destination pourraient mettre en place des structures propres à garantir les droits fondamentaux des immigrés se trouvant en situation irrégulière sur leur territoire.

Les pays les plus développés pourraient assurer la mise en œuvre de projets de

développement et d’éducation adaptés aux pays d’origine des migrants irréguliers, afin d’aider ces pays à améliorer les conditions de vie de leurs citoyens.

Ils pourraient aussi proposer aux immigrés des emplois déclarés, saisonniers ou à

durée déterminée. La région méditerranéenne possède un fort potentiel d’échanges commerciaux,

d’investissements et de prospérité. Les pays les moins favorisés doivent avoir accès aux marchés européens, mais ils doivent aussi effectuer les ajustements structurels nécessaires à leur propre économie.

Ajoutons que des transferts de technologie permettraient de réduire l’écart existant

entre les deux rivages de la Méditerranée. L’objectif principal de cette Conférence est d’ouvrir le dialogue et d’instaurer une

coopération durable visant à traiter les causes profondes de la migration irrégulière. Nous aurons l’occasion d’échanger nos points de vue et de présenter des propositions

concernant la mise sous contrôle de la migration irrégulière et la promotion de la compréhension mutuelle, afin de contribuer ensemble à l’instauration de conditions de paix et de sécurité dans la zone vulnérable que constitue le Bassin Méditerranéen.

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Intervention de M. l’Ambassadeur Alev KILIÇ, Représentant permanent de la Turquie auprès du Conseil de l’Europe

au nom du Comité des Ministres Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un grand plaisir de participer avec vous à cette conférence importante, qui porte sur l’un des principaux problèmes auxquels la communauté internationale a dû faire face au cours des dernières années. J’ai l’honneur, aujourd’hui, de représenter le Comité des Ministres en ma qualité de Président du Groupe de rapporteurs sur les questions sociales et de santé, mais il se trouve que je suis aussi le Représentant permanent auprès du Conseil de l’Europe de la Turquie, qui fait face au cœur du problème en tant que pays de transit. Vous comprendrez qu’à ce double titre, il me tient à cœur d’exprimer l’intérêt du Comité des Ministres pour un resserrement des liens entre l’Europe et le Sud de la Méditerranée, fondé sur la compréhension, le respect mutuel et la solidarité entre les peuples.

Le Conseil de l’Europe s’est employé, depuis plusieurs décennies, à établir un cadre juridique dans le domaine des droits et des conditions de vie des migrants. Il a élaboré des instruments juridiques pertinents tels la Convention européenne d’établissement (1955), la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (1977) et, plus récemment, la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (1992). Ces traités reflètent le souci des Etats membres du Conseil de l’Europe d’œuvrer en faveur de la reconnaissance des droits et de l’intégration des résidents étrangers.

Cette préoccupation a été réitérée lors du dernier Sommet du Conseil de l’Europe, en octobre 1997, par les Chefs d’Etat et de gouvernement qui ont affirmé leur détermination « …à protéger les droits des travailleurs migrants en situation régulière et à faciliter leur intégration dans les sociétés où ils vivent ». Nous avons, au sein du Comité des Ministres, orienté nos efforts dans ce sens, en adoptant notamment, en septembre 2000, la Recommandation Rec(2000)15 sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée.

Le phénomène des migrations, avec sa problématique complexe, interpelle, aujourd’hui plus que jamais, chaque Etat. Ces derniers tendent en général, souvent sous la pression de l’opinion publique, à intervenir par le biais du durcissement des lois sur les migrants et du renforcement des systèmes de contrôle aux frontières. Pourtant, malgré les restrictions mises en place, l’augmentation des migrants en situation irrégulière apparaît incontrôlable. La prudence nécessaire qui doit accompagner l’analyse d’un problème aussi délicat, ne peut laisser place à l’hésitation. Le fait qu’un migrant soit en situation irrégulière, n’autorise pas à négliger sa dignité. Il possède des droits inaliénables et universels : les droits de l’homme.

La construction, par le biais de la coopération intergouvernementale, d’une société européenne plus libre, plus tolérante et plus juste, pleinement respectueuse de ces droits, est un des objectifs primordiaux de notre Organisation. Fort de ces principes, le Comité des Ministres s’appuie, pour définir et mettre en œuvre des politiques cohérentes dans le domaine des migrations, principalement sur l’expertise de deux comités d’experts. Ce sont : le Comité européen sur les migrations (CDMG) et le Comité ad hoc d’experts sur les aspects

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juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides – plus succinctement, le « CAHAR ».

Le CDMG, à la demande du Comité des Ministres, étudie les causes profondes de l’immigration irrégulière en vue d’aboutir à l’adoption de lignes directrices pour sa prévention.

Le déséquilibre économique et démographique actuel, qui alimente pour une grande part les courants de migration, ne doit toutefois être considéré comme le seul facteur responsable de la migration irrégulière. L’instabilité politique, les inégalités sociales, les conflits de toute nature, qui vont souvent de pair avec des violations des droits de l’homme, sont autant d’artisans des mouvements de population.

Les migrations en Europe se sont profondément transformées depuis quelques années. La diversification est le maître-mot des dynamiques en cours. Le nombre de nationalités concernées augmente sans cesse. Des réseaux nouveaux apparaissent qui cherchent à déjouer le contrôle des flux et s’appuient sur des filières criminelles transnationales. D’anciens pays de départs deviennent des pays d’accueil, d’autres pays deviennent des zones de transit, plaques tournantes des migrations de voisinage.

Au sein du Comité des Ministres, nous avons pris conscience de la complexité des problèmes qu’entraîne la migration clandestine et du fait qu’ils s’inscrivent, de plus en plus, dans une perspective paneuropéenne. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité voir la présente conférence ouverte à la participation de tous les Etats membres intéressés.

Nous attachons une grande importance à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie paneuropéenne de lutte contre l’immigration clandestine et le trafic d’êtres humains et tenons à appeler l’attention des participants sur le rapport « Vers une stratégie de gestion des migrations », récemment adopté par le CDMG, qui devrait être pleinement pris en compte dans ce contexte. La stratégie développée propose une approche globale de la gestion des migrations, respectueuse de la protection des droits fondamentaux de la personne humaine. Elle reposera sur la coordination entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et les pays d’origine des migrants, dans le but de prévenir les migrations irrégulières et de diminuer l’intérêt à entrer clandestinement en Europe.

Mais nous ne pouvons parler du problème de l’immigration illégale sans mettre l’accent sur la croissance exponentielle du nombre de réfugiés et demandeurs d’asile. Le droit d’asile est fortement mis à l’épreuve dans les pays industrialisés, pour diverses raisons, dont le nombre croissant des réfugiés et demandeurs d’asile et le recours abusif aux procédures de demande d’asile par des migrants cherchant à éluder les restrictions en matière d’immigration.

A cet égard, le Comité des Ministres tient à souligner l’importance de la coopération intergouvernementale qui s’effectue dans le cadre des travaux entrepris par le Comité ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides (CAHAR).

Il y a lieu, notamment, de mentionner les diverses recommandations aux Etats membres que le Comité des Ministres a adoptées en la matière et qui contribuent régulièrement au respect par les Etats membres de leurs engagements aux termes de la

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Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 et de son Protocole de 1967. Ces textes reconnaissent l’importance de « la possibilité de chercher asile ou autre protection et d’en bénéficier » et le Comité des Ministres apporte son plein soutien à la mise en œuvre de ces principes.

Enfin, avant de conclure, je tiens à vous informer que le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a récemment présenté au Comité des Ministres sa première Recommandation aux Etats membres de l’Organisation [CommDH(2001)1]. Elle porte sur les droits des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats membres et l’exécution des décisions d’expulsion. Elle met l’accent entre autres sur le fait que les Etats ont certes le droit de contrôler l’immigration, mais pas au mépris des droits fondamentaux, qui s’appliquent aux étrangers comme à toute autre personne et insiste sur le rôle primordial de l’autorité judiciaire comme garante des libertés.

Pour bien gérer la migration paneuropéenne au cours des prochaines années, nous devrons surtout consacrer nos efforts de coopération intergouvernementale à l’établissement de stratégies à long terme afin de contribuer à éliminer les causes profondes de la migration forcée et irrégulière, à protéger les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière et empêcher l’exploitation de ces derniers.

Il faudra également multiplier les actions d’information et de sensibilisation dans les pays d’origine pour faire connaître aux candidats à l’émigration les conditions d’entrée, de séjour et d’emploi imposées par la législation des pays d’accueil. Trop souvent, en effet, ils se tournent vers des filières criminelles pour les emmener vers ce qu’ils considèrent comme un avenir plus prometteur, mais qui constitue en réalité un avenir dangereux et incertain.

Enfin, nous devrons renforcer notre action en vue d’encourager les négociations bilatérales et multilatérales entre les gouvernements des pays d’origine et ceux des pays de destination, visant à la conclusion d’accords de réadmission. De tels accords devront avant tout protéger les droits fondamentaux des intéressés, conformément aux instruments internationaux pertinents, en particulier ainsi que prévu par la Convention européenne des Droits de l’Homme, et selon les principes définis par la Recommandation n° R (99) 12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le retour des demandeurs d’asile déboutés.

La maîtrise réelle des frontières appartient à un passé mythique. Comprendre que l’immigration dépend de millions de décisions individuelles, qu’elle ne peut être totalement régulée par les gouvernements, constitue déjà un premier pas vers le réalisme. Une société libre est une société ouverte, une société qui s’enrichit d’identités plurielles.

Je vous remercie de votre attention.

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Allocution d’ouverture de M. Tadeusz IWINSKI, Président de la Commission des Migrations, des Réfugiés et de la Démographie de l’Assemblée

Parlementaire M. le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un grand plaisir de m’adresser à cette conférence qui traitera d’un sujet tout à fait essentiel pour les pays concernés. Ces dernières années, l’Assemblée parlementaire, et en particulier sa commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, ont consacré beaucoup de temps à analyser et à discuter des flux migratoires en Méditerranée, examinant les causes de ce phénomène, et en particulier les problèmes soulevés par la migration irrégulière. C’est pourquoi nous sommes extrêmement reconnaissants au Comité des ministres pour la réponse qu’il a apportée à nos recommandations en organisant la présente conférence. J’aimerais en outre remercier, au nom de l’Assemblée, les autorités grecques qui ont proposé d’accueillir cette manifestation.

Dans le cadre de ses tout récents débats sur la question, l’Assemblée parlementaire a exprimé ses profondes préoccupations sur le nombre élevé de victimes de la migration clandestine en Méditerranée et sur les situations extrêmement dangereuses et inhumaines auxquelles les migrants clandestins sont confrontés chaque jour. Le fait qu’un grand nombre de ces migrants soient des femmes, souvent enceintes, et des mineurs est en effet très préoccupant. Nous sommes convaincus que, pour les migrants irréguliers, la clandestinité entraîne immanquablement une privation de leurs droits fondamentaux et sociaux, mais aussi de leur dignité humaine.

Il faut mettre un terme à l’exploitation de la misère humaine pratiquée par les gangs de trafiquants et trouver des moyens de limiter la migration illégale. Une coopération économique plus étroite dans cette zone permettrait de promouvoir sensiblement le développement dans les régions les moins avancées, qui est souvent à l’origine des flux migratoires. Les structures démocratiques doivent être renforcées là où elles présentent des faiblesses, en vue d’assurer une stabilité politique durable, à la base de tout développement économique et social.

Nous sommes convaincus qu’une coopération plus étroite en matière de migration est essentielle pour arriver à contrôler ce phénomène. La semaine dernière, nous avons eu un échange de vues sur cette question avec une délégation parlementaire algérienne. Il va sans dire que le terrorisme et le contrôle des flux migratoires ont joué un rôle central dans nos discussions. En outre, j’ai eu des contacts avec des collègues d’autres Etats du sud de la Méditerranée, mais aussi de pays au sud du Caucase.

Ces contacts, ainsi que les débats avec les membres de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie m’ont conduit à penser qu’une nouvelle initiative parlementaire pourrait être prise pour examiner les problèmes liés à la migration clandestine et les manières d’y remédier. C’est pourquoi je proposerai la création d’une plate- forme parlementaire euro-méditerranéenne, qui pourrait se réunir à intervalles réguliers pour tenter

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de répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés et que nous devons relever ensemble. Ces travaux pourraient également porter sur les activités criminelles, tel que le trafic d’êtres humains et le terrorisme. Les pouvoirs locaux et régionaux ainsi que les organisations non gouvernementales et les gouvernements seraient tout naturellement nos partenaires dans le cadre de ce projet.

Mesdames et Messieurs,

J’espère qu’au cours de la présente conférence nous pourrons discuter de telles initiatives de coopération. Mes collègues parlementaires et moi-même sommes impatients de suivre vos échanges dans le cadre de cette conférence qui, je n’en doute, sera couronnée de succès.

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MIGRATIONS INTERNATIONALES EUROPÉENNES : EVALUTATION DE LA SITUATION ACTUELLE

Professeur John SALT,

Unité de recherche sur la migration, département de géographie, University College London

Introduction

Cette conférence se tient dans une période de relative prospérité en Europe occidentale ce qui s’est traduit entre autres par une pénurie de main-d’œuvre dans un certain nombre de secteurs dans la plupart des pays. L’inquiétude que suscitent pour le court terme les pénuries de main-d’œuvre qualifiée se double désormais de celle que suscitent le vieillissement de la population et l’évolution démographique, alimentant ainsi une discussion élargie sur les stratégies d’emploi à long terme et le rôle que peuvent jouer les migrations internationales en la matière. Les réponses apportées par les gouvernements ont consisté pour l’essentiel à élaborer des programmes destinés à mieux utiliser la population actuellement en âge de travailler par le biais de formations et recyclages et à adopter une attitude plus libérale à l’égard de l’immigration de main-d’œuvre.

Quelles sont les grandes tendances qui s’observent dans les migrations européennes?

L’analyse des données sur les migrations en Europe durant les deux dernières décennies révèle plusieurs tendances globales:

− l’Europe occidentale dans son ensemble joue à présent un rôle au plan mondial s’agissant du nombre de migrants reçus chaque année;

− la migration internationale en tant que composante de l’évolution démographique gagne en importance dans la plupart des pays et dans un grand nombre d’entre eux, elle en est désormais la composante essentielle;

− les pays européens ont développé chacun des secteurs de migration particuliers;

− si globalement les schémas et tendances migratoires des divers Etats ne semblent pas converger (à la différence de la fécondité et de la mortalité), on observe en revanche, une certaine convergence pour divers éléments (plus de femmes, migrants âgés);

− les schémas et tendances migratoires au niveau national présentent une grande stabilité avec peu de nouveaux pays d’origine;

− l’interaction au sein de l’Union européenne diminue;

− les Etats méditerranéens de l’Union européenne sont désormais des pays d’immigration;

− quelques Etats d’Europe orientale accueillent à présent d’importants effectifs de travailleurs immigrés, accompagnés de leurs familles.

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Quelle est la taille des effectifs de population étrangère dans les pays européens?

Le nombre total d’étrangers recensés dans les pays européens tourne autour de 20 890 000 personnes (tableau 1). La population étrangère forme ainsi environ 2,5 % de la population globale de l’Europe. La plus grande partie de la population étrangère qui n’a cessé d’augmenter au cours des dix dernières années, réside en Europe occidentale. Entre 1988 et aujourd’hui, les effectifs totaux des ressortissants étrangers dans les divers pays d’Europe occidentale se sont accrus de 36 %.

Dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale au contraire, malgré une certaine immigration permanente qui est essentiellement une migration de retour, les flux ont été modestes et les effectifs de la population étrangère restent relativement peu importants, de l’ordre de 653 000 personnes, soit une part infime d’une population totale de plus de 242 millions de personnes.

L’importance des étrangers dans la population totale varie considérablement d’un pays à l’autre, bien que les proportions aient augmenté dans l’ensemble. En 1997 (date des dernières données disponibles à ce jour) les pourcentages d’étrangers les plus élevés par rapport à la population totale s’observaient au Luxembourg (34,1 % de la population totale) et en Suisse (19,4 %). A l’inverse, en Europe méditerranéenne, les pourcentages officiellement enregistrés sont en règle générale inférieurs à 2 ou 3 %.

L’analyse de l’évolution des effectifs atteste l’importance des tendances en matière de naturalisation. Au cours de la période 1985-1996, environ 3 300 000 personnes ont acquis la citoyenneté d’un Etat de l’Union européenne ou de l’AELE. La tendance a été à la hausse passant les naturalisations de 200 000 par an dans les années 1980 à près du double en 1996. Il ressort de ces chiffres qu’en réalité le nombre total d’immigrés dans les pays de l’Union européenne et de l’AELE est nettement supérieur aux quelque 20 millions de personnes dûment enregistrées.

Qui sont les citoyens étrangers en Europe occidentale?

En utilisant les données relatives à onze pays d’Europe occidentale avec une ventilation détaillée de leurs effectifs de population étrangère par nationalité, on peut avoir une idée de la taille des différents groupes d’origine (tableau 2). Le groupe le plus important est celui des ressortissants de l’ancienne Yougoslavie qui compte environ 3 000 000 personnes. Viennent ensuite les Turcs, (environ 2 800 000 personnes), puis les Marocains (1 200 000 personnes) et les Algériens (700 000 personnes). Aucun autre groupe ne compte plus de 500 000 personnes dans les pays de destination indiqués dans le tableau. Cela étant, il faut se rappeler que ces chiffres se rapportent à la nationalité actuelle et excluent ainsi les personnes naturalisées dans leurs pays d’accueil.

L’examen des pourcentages de chaque nationalité représentée dans les divers pays de destination est révélateur. Dans la plupart des cas, c’est une seule et même destination qui absorbe un pourcentage passablement élevé. C’est ainsi que 60,2 % des ressortissants de l’ancienne Yougoslavie se trouvent en Allemagne, de même que 74,1 % des Turcs. La France accueille 92,6 % des Algériens et 71,3 % des Tunisiens, tandis que le Royaume-Uni accueille 59,3 % des Indiens, 53,4 % des Irakiens et 45 % des Pakistanais. On ne saurait donc parler de répartition uniforme pour les groupes nationaux considérés, sauf

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pour les Chinois et, dans une moindre mesure, pour les Philippins et les Iraniens qui sont moins concentrés. Il apparaît donc clairement que certains pays d’origine envoient leurs migrants principalement vers des destinations spécifiques et pas ailleurs.

Quels sont les flux de migrants vers l’Europe et en Europe?

Les gains nets ont été à l’ordre du jour, mais ils ont fluctué. Dans la première moitié des années 80, les flux (entrants) de population étrangère ont diminué, mais à partir de 1985 les données semblent indiquer qu’il y ait eu des gains nets pour la plupart des pays. Depuis 1994 les gains nets ont eu tendance, dans l’ensemble, à baisser dans les pays pour lesquels on dispose de données, l’Allemagne enregistrant une émigration nette en 1997, en raison du retour des Bosniaques.

En 1998, le gain net global en Europe occidentale pour les pays indiqués était de 377 600, les principaux gains étant enregistrés au Royaume-Uni et en Italie, (tableau 3). Ces chiffres contrastent avec ceux de 1993, année où le gain net était de 592 000, dont environ la moitié était absorbée par l’Allemagne. Il faut noter néanmoins que ces données sous-estiment probablement les flux entrant s nets totaux, puisque pour la plus part, elles excluent les demandeurs d’asile et certaines catégories d’immigrants temporaires dont on sait que beaucoup séjournent irrégulièrement dans le pays.

La disparition du rideau de fer laissait présager un accroissement des flux migratoires à l’intérieur et en provenance de l’Europe centrale et orientale. On estime notamment qu’au début des années 90, le nombre moyen annuel des migrations nettes officiellement enregistrées d’Europe centrale et orientale vers les pays occidentaux était d’environ 850 000 (Garson, Redor et Lemaître, 1997), par rapport à moins de 425 000 au cours des trois décennies précédentes (Frejka, 1996; Okolski, 1998).

Combien y-a-t-il actuellement de travailleurs étrangers en Europe?

Il est plus difficile d’obtenir des données exactes qui soient comparables entre tous les pays d’Europe pour les effectifs de main-d’œuvre que pour la population étrangère dans son ensemble. Il est difficile de savoir qui est pris en considération et quelles sources peuvent être utilisées. En outre, il est quasiment certain que les travailleurs non enregistrés sont proportionnellement plus nombreux sur le marché de travail que ne le sont les résidants non enregistrés dans la population totale.

En 1997 (en utilisant les dernières données disponibles pour chaque pays) il y avait en Europe occidentale environ 7 410 000 travailleurs étrangers enregistrés (tableau 4), soit environ 27 % de plus qu’en 1988 (6 200 000), mais seulement 1 % de plus qu’en 1994. De fait, il semblerait qu’au cours des dernières années les effectifs de la main-d’œuvre étrangère enregistrée aient peu changé.

Quelles sont les tendances en matière de demande d’asile?

Dans l’examen de l’ampleur de la migration vers et à l’intérieur de l’Europe, il est très souvent établi une distinction entre les demandeurs d’asile et les flux migratoires «normaux» (essentiellement main-d’œuvre et regroupement familial). Il y a à cela de bonnes raisons. Ce sont non seulement les motivations des deux types de mouvements qui sont différentes, mais aussi les modalités de collecte et de présentation des données. Cela étant, la distinction entre les deux s’est de plus en plus estompée. Beaucoup de demandeurs d’asile

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n’ont pas besoin de protection et essaient d’émigrer pour des raisons économiques et/ou familiales, alors que la distinction statistique n’est plus guère évidente dorénavant.

Les flux des demandeurs d’asile vers les Etats membres de l’Union européenne et de l’AELE ont fluctué, au total et entre pays de destination, depuis le milieu des années 80 (tableau 5). Les 19 Etats ont accueilli au total 169 710 demandeurs d’asile en 1985, un chiffre qui a culminé en 1992 à 695 590, puis est tombé à 247 500 en 1996 avant de remonter à 422 180 en 1999.

Après 1991-1992, ce sont les Yougoslaves qui sont venus en tête de la liste des pays d’origine avec en bonne place également les Roumains, les Turcs, les Sri-Lankais, les Somaliens, les Iraniens, les Zaïrois, les Irakiens, les Bulgares, les Albanais, les Nigérians, les Libanais et les Chinois. Beaucoup de personnes fuyant l’ancienne Yougoslavie, en particulier la Bosnie et le Kosovo n’apparaissent pas dans les statistiques sur l’asile, mais se voient accorder une sorte de statut protégé temporaire. Ces dernières années la Turquie, l’ex-Yougoslavie, l’Iran, l’Irak, la Somalie et le Sri-Lanka sont devenus les principaux pays d’envoi; leurs populations pourraient toutes avoir besoin de protection, vu les conflits qui risquent d’y éclater. Il s’est avérer ces dernières années que les pourcentages de demandeurs d’asile qui remplissent les conditions requises pour avoir droit à une protection sont plus élevés.

Combien y-a-t-il de migrants victimes de trafic, de contrebande et en situation irrégulière?

Le côté plus sombre de la migration, c’est le trafic et la contrebande d’êtres humains, un phénomène qui risque fort de créer une nouvelle géographie des mouvements migratoires internationaux. Ce sont de plus en plus les trafiquants et passeurs qui déterminent le choix des migrants s’agissant des pays de destination et des itinéraires empruntés. La manière dont ils acheminent les migrants est fonction de la manière dont ils utilisent leur connaissance du terrain, les endroits stratégiques et leur connaissance plus générale des faiblesses des systèmes de contrôle des migrations. La connaissance du trafic est à l’heure actuelle sporadique, dans une large mesure, anecdotique et souvent extrêmement problématique. (Salt et Hogarth, 2000).

L’analyse des estimations chiffrées du trafic et de la contrebande de migrants dans le monde et en Europe fait apparaître principalement deux particularités. Premièrement, une préférence affirmée pour les chiffres ronds. Deuxièmement, à force de les faire et les refaire, les estimations finissent par acquérir une dynamique propre.

Le tableau 6 tente de rassembler les multiples estimations qui ont été faites de l’ampleur de la contrebande et du trafic de migrants au niveau mondial et européen. Au niveau mondial, ils seraient autour de 4 millions par an, dont jusqu’à deux millions de femmes et d’enfants. Les estimations pour l’Union européenne pour des années aussi différentes que 1993 et 1999 donnent la même fourchette de 50 à 400 000 pour les deux sexes. Selon les estimations, 300 000 femmes arrivent chaque année dans les pays de l’Union européenne et de l’Europe centrale et orientale. Considérées à ce jour comme les estimations les plus fiables, – parce que les hypothèses sur lesquelles elles se fondent sont connues – les estimations de Widgren font état de 100 à 220 000 personnes pour 1994.

Il est rare que l'on voie clairement comment sont calculées les estimations, mais en général elles reposent sur des hypothèses concernant le rapport entre les personnes

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appréhendées aux frontières et celles qui ont réussi à les passer sans se faire prendre. Les problèmes qui se posent lorsqu’on utilise les statistiques relatives au franchissement des frontières pour analyser l’ampleur des migrations irrégulières ont suscité relativement peu de commentaires détaillés principalement du fait que fort peu d’études se sont attachées à le faire. Deux exemples suffiront. Au terme de ses entretiens en 2000, avec des garde-frontières et des agents en poste aux frontières de la Hongrie, Juhasz a constaté que les estimations du pourcentage de cas découverts étaient «multiples et variées, même au sein de l’instance la plus qualifiée pour les effectuer, à savoir, le service des garde-frontières lui-même.» Aux niveaux supérieurs, on se veut très optimiste et on considère que la majorité des personnes franchissant illégalement les frontières se font prendre. Cela étant, du sommet à la base, «des instances centrales aux unités opérationnelles sur le terrain, cet optimisme diminue de façon spectaculaire tandis que ceux qui patrouillent véritablement le long de la frontière évaluent leur propre degré d’efficacité à seulement 10 %» (Ibid).

Pour ce qui concerne les pourcentages de personnes qui se font prendre, les avis divergent aussi dans une série d’entretiens menés dans le cadre d’une étude effectuée en Ukraine (Klinchenko et al, 2000). Les agents et contrôleurs des frontières ont indiqué que moins d’un pour cent des personnes essayant de franchir illégalement la frontière occidentale du pays y parviennent, mais pour les migrants eux-mêmes, ce pourcentage se situe entre 30 et 50 %. Le même problème se pose, lorsqu’on essaye de chiffrer les migrations clandestines. En Ukraine, le ministère de l’Intérieur a estimé qu’il y avait entre 20 et 30 000 étrangers en situation irrégulière dans le pays, alors qu’aux dires de certains des experts interviewés, ils seraient bien plutôt de 500 000 à un million, si l’on se fonde sur les statistiques fournies par les garde-frontières concernant les entrées et les sorties (ibidem).

Un autre problème est de savoir ce qu’il faut effectivement mesurer. Dans son étude (2000), Juhasz a pris «l’incident de franchissement illégal» comme unité de mesure dans la création d’une base de données des migrations clandestines vers et à partir de la Hongrie. Un tel incident se produit chaque fois qu’un individu est arrêté. Créer un registre statistique qui s’adapte à la diversité des situations potentielles fait rapidement apparaître la complexité de la question. Plusieurs incidents peuvent se produire pour une seule personne, si celle-ci est arrêtée, renvoyée chez elle, essaie une nouvelle fois de franchir la frontière et se fait prendre une nouvelle fois. Une personne à qui l’on fait rebrousser chemin à la frontière ou qui arrive dans un camp de réfugiés n’est pas enregistrée dans la base de données, alors que celle qui est arrêtée par le garde-frontière d’un pays voisin et renvoyée chez elle le sera. Des complications supplémentaires surgissent du fait que les franchissements peuvent se faire pour entrer dans un pays ou en sortir et que les deux doivent être pris en compte.

Vouloir chiffrer ensuite la part du trafic de migrants dans le nombre de franchissements clandestins, c’est se lancer dans un travail de titan, c’est s’atteler à une tâche gigantesque et vaine. L’incidence du trafic est probablement gravement sous-estimée dans les données relatives aux franchissements clandestins des frontières, puisque l’intervention d’un passeur n’est enregistrée que si la personne en question se fait prendre ou si un immigrant admet avoir fait appel aux services d’un passeur. Pour faire ressortir la sous-estimation de l’incidence de la contrebande de migrants, Juhasz signale qu’un tiers seulement des migrants en provenance de pays asiatiques appréhendés aux frontières déclarent avoir été «aidés», bien qu’il soit peu probable qu’ils eussent seuls eu une connaissance suffisante du terrain pour franchir les frontières des nombreux pays se trouvant sur leur route (Ibid).

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Combien de migrants ont-ils été régularisés?

Il est possible d’évaluer l’importance de la population en situation irrégulière dans un pays donné à partir du nombre de régularisations acceptées à la suite de programmes d’amnistie, lesquels ont été assez courants dans les pays méditerranéens durant les deux dernières décennies (tableau 7).

A noter trois grandes vagues de régularisation dans les années 80, au début des années 90 et depuis 1996. Pour la période considérée dans son ensemble, environ 1 450 000 régularisations sont intervenues, mais c’est la troisième vague qui a été la plus importante, avec 1 120 000 régularisations depuis 1996.

Les régularisations ont concerné différents groupes de migrants. De toute évidence, il ne peut être établi de parallèle entre le nombre de migrants et le nombre total de personnes vivant en situa tion irrégulière à tel ou tel moment. On ne peut pas davantage supposer que les pays qui ont mené des programmes de régularisation sont ceux qui ont le plus grand nombre de personnes en situation irrégulière.

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SITUATION DÉMOGRAPHIQUE, ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE ACTUELLE DANS LES PAYS DE LA RIVE SUD DE LA MÉDITERRANÉE

M. Philippe FARGUES,

Institut National d’Études Démographiques, Paris

Introduction

Selon une opinion répandue, l’offre d’émigration des pays du sud serait d’un ordre de grandeur tellement supérieur à la demande d’immigration dans les pays du nord, qu’on pourrait en première approximation la tenir pour “illimitée”1. Dans la région méditerranéenne, les limites des migrations sud-nord viendraient exclusivement des restrictions posées par le nord. Il n’y aurait pas de limites internes aux pays du sud. Un potentiel d’émigration important y serait entretenu par une combinaison persistante de pression démographique –notamment aux âges actifs où les taux de croissance restent plus élevés que dans la population totale– et de performances économiques médiocres –notamment en matière de création d’emploi et de redistribution des richesses.

Les évolutions politiques, lorsqu’il y en a, maintiendraient par ailleurs un contexte

favorable à l’émigration. Dans le sillage des réformes économiques et de la libéralisation du commerce extérieur, les frontières s’ouvrent en effet un peu partout à la circulation des personnes, des biens, et des capitaux et, ce qui est peut-être plus important encore pour la prise de décision , à la pénétration des informations. Mais des régimes autoritaires restent en place dans toute la région et des conflits civils ou extérieurs continuent d’affecter plusieurs pays en son sein. Les frustrations d’ordre économique ou politique, aiguisées par l’ouverture sur le monde, trouveraient un exutoire dans le désir d’émigrer.

Ce tableau demeure vrai, à une nuance près. Un changement radical se déroule en effet

là où l’on est peu attentif à le remarquer : dans la démographie, que l’on avait cataloguée de charge une fois pour toute, mais dont nous allons montrer qu’elle est peut-être en train de devenir une chance.2 Ce changement est-il de nature à affecter l’émigration des pays du sud? Oui, si l’on considère le renouvellement des motivations qui incitent au départ et du profil de ceux qui partent ou envisagent de le faire.

La fin de l’explosion démographique

C’est d’une photographie inattendue pour une revue de relations internationales que Foreign Policy faisait sa couverture au printemps 2001 : un nouveau-né, barré du titre “ Wanted : More Babies ”. L’Amérique serait-elle, après l’Europe, gagnée par la hantise de l’épuisement de sa propre natalité ? Non, l’article vedette s’inquiète du caractère planétaire de l’effondrement des natalités, qu’il qualifie de “ Global Baby Bust ”3. Un être humain sur deux, constate-t- il, vit dans un pays dont la fécondité n’assure plus le remplacement des générations. Non seulement la vieille Europe et la Chine de l’enfant unique, mais une kyrielle de pays des deux hémisphères (l’Ouest et l’Est) sont passés sous la barre fatidique 1 Tel est par exemple le point de vue exprimé dans le rapport du SOPEMI, Tendances des migrations internationales, OCDE, Paris, 1999. 2 Cette communication s’appuie un article antérieur de l’auteur “ La génération du changement ”, in “ Jeunesse du monde arabe ; défis et opportunités ”, sous la direction de Philippe Fargues, Maghreb-Machrek , n° spécial 171-172, janvier-juin 2001, La Documentation Française, Paris 3 Nicholas Eberstadt, “ The Population Implosion ”, Foreign Policy, March-April 2001, Washington D.C.

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des 2,1 enfants par femme, seuil en dessous duquel une génération engendre une génération moins nombreuse qu’elle-même. Le spectre de l’explosion démographique n’est pas encore chassé que se profile celui de la dénatalité.

Deux pays arabes –le Liban et la Tunisie– ont déjà franchi ce seuil vers le bas.

D’autres les suivent de près : l’Algérie, le Maroc et la Libye. La Méditerranée n’est plus le fossé que l’on se plaît à décrire. Avec une fécondité de 1,55 enfants/femme, Tunis ne se distingue plus des villes européennes4. C’est l’Iran des ayatollahs, un pays soumis à un régime ouvertement islamique et que l’on décrétait en marge des transitions modernes sous prétexte qu’il était coupé de l’Occident, qui a connu la transition démographique la plus accélérée jamais enregistrée dans l’histoire. S’élevant encore à 6,40 enfants par femme en 1986, la fécondité était tombée dès 1998 en dessous du seuil de remplacement, à 2,06 enfants par femme5 : en douze ans seulement, le pays avait franchi un chemin qui avait pris un siècle ou plus en Occident.

L’indice synthétique de fécondité6 était en moyenne de 3,5 enfants en 2000, dans le

monde arabe, avec de très amples variations entre pays et entre catégories sociales. Ce nombre peut sembler encore relativement élevé par rapport à la moyenne mondiale (2,60), mais il est en diminution rapide d’une année sur l’autre et, surtout, il est très faible comparé aux 7 à 9 enfants qui étaient la norme dans la génération précédente, c’est-à-dire jusqu’aux environs de 1975. Les jeunes femmes d’aujourd’hui procréent en moyenne deux à trois fois moins d’enfants que ne l’avaient fait leurs mères. C’est une rupture considérable entre les générations.

On pourrait chercher des explications ad hoc. Par exemple, on verserait l’effondrement

de la fécondité algérienne 7, particulièrement soutenu au cours de la dernière décennie, au compte des tensions civiles et politiques qui déchirent ce pays et y placent les familles dans une situation d’insécurité peu propice à la mise au monde de nombreux enfants. Une explication comparable vaudrait pour comprendre que la baisse de fécondité au Liban, qui s’était jusque dans les années 1970 limitée à certaines communautés, se soit étendue à toutes les confessions religieuses durant les quinze années de guerre civile. En Libye, c’est la crise aiguë née de l’embargo international des années 1990 que l’on avancerait pour expliquer que les jeunes ne se marient plus –à 30 ans, 50% des femmes sont encore célibataires en Libye, pays devenu en quelques années l’un de ceux au monde où le mariage féminin est le plus tardif8– et que la natalité s’effondre, etc.

4 La dernière édition de l’Annuaire Statistique de la Tunisie, donnant les tableaux de 1999 (INS, 2001) fournit le détail de la fécondité par gouvernorat. L’indice synthétique de fécondité varie entre 1,55 enfants par femme à Tunis et 2,95 à Kasserine, avec une moyenne nationale de 2,09 (le niveau assurant le remplacement des générations est estimé à 2,10). 5 Ladier-Fouladi, Marie (2001) “ Démographie, société et changements politiques en Iran ”, Esprit n°277: 154-72, et Mohamad Jalal Abbasi-Shavazi (2001), “ Below replacement-level fertility in Iran: Progress and Prospects ”, IUSSP seminar, International Perspectives on low fertility, Tokyo, mars 2001, 27 p. 6 Nombre final d’enfants mis au monde par une femme qui aurait au long de sa vie les taux de fécondité par âge observés au cours d’une année donnée. 7 2,67 enfants/femme en 1999, selon des données non encore publiées, aimablement communiquées à l’auteur par le directeur de l’Office National des Statistiques d’Algérie. 8 Dans les années 1990, la Libye avait l’âge moyen des filles au premier mariage le plus élevé parmi les pays arabes : 29,7 ans (Ligue arabe, enquêtes Papchild).

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De telles explications ont une part de vérité, et soulignent le contexte spécifique dans lequel se déclenche la transition démographique. Mais en mettant en avant les conditions locales qui font que tel pays ne ressemble pas à tel autre, elles ne permettent pas de bien comprendre un mouvement qui traverse l’ensemble de la région9. Ce sont des phénomènes universels qui sont à l’œuvre : l’urbanisation, la scolarisation, la tertiairisation de l’emploi, etc.

Pour quelle raison ces phénomènes ont-ils agi sur la fécondité du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avec environ deux décennies de retard par rapport à d’autres régions de développement économique et social comparable, comme une grande partie de l’Amérique Latine et de l’Asie du Sud ? Nous pensons que l’explication réside largement dans la façon particulière dont l’économie pétrolière d’une part, et l’insécurité politique engendrée par le conflit israélo-arabe d’autre part, se sont combinées sur le substrat sociologique offert par le système patriarcal pour créer un système d’État-providence favorable au maintien des traditions en matière familiale, mais éphémère10.

L’État-providence éphémère

La rente pétrolière avait créé au Moyen-Orient, dans les années 1960, une forme unique de relation entre l’État et ses sujets. Détenteur d’une richesse prodigieuse venue du sous-sol et de la vente de son produit sur des marchés extérieurs, c’est-à-dire d’une richesse entièrement indépendante du travail de ses sujets, l’État devint “ allocataire11 ”. Se trouvant affranchi du besoin de lever des revenus à l’intérieur, il put exercer la fonction redistributive de tout État sans fiscaliser sa propre population. Du fait qu’il n’existait pas d’impôt sur les revenus ou sur les consommations, le seul lien économique de l’État avec ses sujets était la subvention (à la consommation, à l’éducation, à la santé, etc.). Ce système de redistribution de la rente par subvention de la population renforça le système patriarcal à deux niveaux : celui de la famille et celui du lien politique.

Dans la famille, l’État “ allocataire ” leva, le temps d’une génération, les freins

matériels de la haute fécondité. Il put en effet subventionner la natalité, d’une part en couvrant les coûts de l’enfant (santé, école, etc.) et, d’autre part, en favorisant de diverses manières le maintien des femmes dans l’univers domestique. Les facteurs qui en d’autres circonstances auraient entraîné le changement familial, comme l’urbanisation et la scolarisation, se virent neutralisés par un système où la redistribution de la rente tenait toute la société. En matière politique, l’État “ allocataire ” renforça son caractère “néo-patriarcal12” : il substitua la loyauté des sujets envers un système nourricier à la citoyenneté participative, et fit du simple fait d’être citoyen une source en soi de bénéfices. L’absence de devoir citoyen fut payée du prix de la privation des droits citoyens.

Ce système se limitait initialement aux gros exportateurs de pétrole, qui étaient par

ailleurs des pays peu peuplés : l’Arabie Saoudite, les principautés du Golfe et la Libye. Mais la guerre israélo-arabe de 1973 eut pour conséquence la multiplication de la rente pétrolière

9 L’étude la plus exhaustive et la mieux informée est : Courbage, Youssef (1999), Nouveaux horizons démographiques en Méditerranée, Travaux et Documents n°142, INED, Paris. 10 Cette thèse est développée dans le chapitre 4 de Fargues, Philippe (2000) Générations arabes. L’alchimie du nombre. Fayard, Paris. 11 Luciani, Giacomo (1990), “ Allocation vs. Production Sates: A Theoretical Framework ” in Luciani (Ed.): The Arab State, Routledge, London : 65-84.. 12 Sharabi, Hisham (1988) Neopatriarchy. A Theory of Distorted Change in Arab Society , Oxford Univeristy Press, New York, Oxford.

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et sa circulation dans toute la région, sous forme d’investissements ou de dépenses, d’aide au développement, de remises d’épargne effectuées par les travailleurs arabes émigrés dans le Golfe, etc. Elle s’accompagna de l’ouverture en grand des frontières à la mobilité des personnes et des capitaux. L’État-providence, avec son système de subvention des familles, s’étendit à la plupart des pays arabes, pétroliers ou non13. Au temps de l’infitâh (“ouverture”), sous le Président Sadate, l’Égypte vit ainsi sa natalité remonter après qu’elle eût baissé sous le Président Nasser.

Le boom économique dura environ dix ans. Dès 1984, le prix du pétrole brut chutait, et

avec lui la rente. Dans les années 1990, tous les États arabes, à l’exception des principautés pétrolières, allaient adopter des programmes de réforme économique. Les familles en firent les frais, avec l’élimination, l’une après l’autre, des subventions publiques à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, à l’énergie, aux transports, etc. L’âge au mariage s’éleva et le contrôle des naissances se généralisa. La transition démographique rattrapa ses deux décennies de retard. Un fossé se creusa entre les générations, entre les enfants de l’euphorie pétrolière et ceux de la récession, entre ceux de l’infitah et ceux de l’ajustement structurel.

Les territoires palestiniens sont l’exception qui confirme la règle. Ils conservent une

fécondité parmi les plus élevées du monde, alors que les facteurs universels du contrôle des naissances y sont en apparence réunis. L’urbanisation, la scolarisation et la disparition de l’économie familiale n’y ont pas entraîné la chute de la natalité. Il y a deux raisons à cela : l’assistance internationale et l’occupation israélienne. L’assistance de l’UNRWA, organisme créé par les nations unies en 1950 pour venir en aide aux réfugiés palestiniens, et l’action redistributive des organisations militantes palestiniennes (OLP, Hamas), portèrent particulièrement sur l’éducation, la santé, le logement et l’alimentation, c’est-à-dire sur ce qui fait le coût de l’enfant : elles eurent pour effet de dissocier la fécondité de ses coûts. Quant à l’occupation israélienne, elle créa une situation de repli forcé sur la famille. Par exemple l’éducation des jeunes filles (facteur numéro un de la baise de fécondité dans le monde) est en Palestine plus longue que dans les autres pays la région (12 ans de scolarité moyenne à Gaza), mais elle ne change pas grand chose à la situation que les filles rencontreront une fois devenues femmes : c’est une économie ruinée, privée de ses facteurs de production (notamment l’eau, la terre et le capital), qui les attend , et un chômage qui laisse peu d’alternative à l’expatriation du travail. Or, franchir la frontière vers Israël ou vers les pays arabes est une solution envisageable pour les hommes, mais non pour les femmes, lesquelles n’ont d’autre choix que de se replier sur la famille. Le couvre-feu et les bouclages, en réduisant au cercle familial l’univers des relations sociales, ont contribué à lui préserver ses formes traditionnelles, patriarcales.

Partout ailleurs, avec le changement de la taille et de la composition des familles, c’est

un système entier qui bascule, celui qui réglait depuis longtemps les hiérarchies au sein de la famille et qui, transposé à la société globale, donnait une forme particulière à l’allégeance politique : le système patriarcal. Les anthropologues ont montré que ce système reposait sur deux relations de subordination, celle de la femme à l’homme et, au sein de la fratrie, celle des cadets à l’aîné, le futur patriarche. La baisse de la natalité pourrait fort bien mettre en question cette seconde relation. Dans la famille à deux enfants – en moyenne un garçon et une fille – la hiérarchie entre le frère aîné et ses cadets disparaît en effet tout bonnement, faute de frères cadets. Le régime patriarcal voit ainsi tomber l’une de ses deux assises.

13 Le Maroc fut le seul pays arabe qui conserva une fiscalité directe substantielle sur les revenus des personnes.

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Quant à son autre assise, la soumission de la femme à l’homme, elle est encore entérinée par la plupart des législations en vigueur sur les statuts personnels, fondées sur la sharia, mais elle est en même temps remise en cause par le changement sociologique. L’éducation des filles à l’égal des garçons, c’est-à-dire beaucoup plus que ne l’avait été leur propre père, heurte les valeurs qui organisent la hiérarchie des sexes et des classes d’âge ; le retard de leur mariage, ensuite, multiplie à grande échelle le nombre de jeunes femmes célibataires et engendre une condition jusqu’alors inconnue dans la société arabe ; enfin, leur admission, par le travail en entreprise ou dans l’administration, au sein d’un univers d’hommes qui n’appartiennent pas à leur parenté, les plonge dans un monde illicite au regard de la tradition. Ce sont autant de signes que le patriarche vit aujourd’hui ses derniers jours.

Les bases d’un nouveau contrat des générations

Que la famille restreinte soit en voie de généralisation rapide ne signifie pas que la croissance démographique zéro est pour maintenant. C’est vers 1980 – 1990, selon les pays, que les effectifs annuels de naissances ont atteint leur maximum. Depuis cette date, ils ont enregistré une réduction spectaculaire, en chiffres absolus : de l’ordre de –30% en Algérie14, en Tunisie et au Maroc, de –20% en Égypte, etc. Cependant, les effectifs qui se présentent sur le marché du travail vont continuer à s’accroître jusqu’à l’arrivée des générations les plus nombreuses (celles nées en 1980-85) à leur vingt-cinquième anniversaire, soit vers 2005 – 2010. L’image de la rue est parlante : il y a vingt ans, on y rencontrait une foule d’enfants. On y croise beaucoup moins d’enfants à présent, mais des jeunes adultes en nombre plus élevé que jamais. Les pyramides d’âge des populations arabes portent la marque de la très haute natalité d’un passé encore récent. Il faut en gérer les suites.

Puisque la baisse de la natalité ne se traduira que dans le futur sur la demande

d’emploi, peut-on trouver dans la démographie un motif d’optimisme, dès aujourd’hui ? Peut-être oui, si l’on change la manière de regarder les choses, si l’on substitue à la perspective collective des grands agrégats (la population active, les jeunes, etc.), une perspective individuelle. Considérons pour cela la manière dont la démographie contribue à déterminer la situation (moyenne) d’un jeune adulte de 25 ans, sous trois angles susceptibles de peser sur ses choix : la compétition dans laquelle le place sa propre génération, la dépendance (actuelle ou projetée) de ses parents, et la dépendance (anticipée) des enfants qu’il mettra au monde.

La compétition des pairs, mesurée ici par la dimension moyenne de la fratrie

survivante d’un individu de 25 ans, est soumise à deux mouvements de sens inverse : la baisse de la mortalité des enfants accroît la proportion de ceux qui parviennent à l’âge adulte, tandis que la baisse de la natalité diminue le nombre des enfants mis au monde. Le premier facteur a d’abord joué seul avant que le second entre en scène, si bien que cet indicateur dessine une courbe en cloche, croissante puis décroissante. Dans le monde arabe pris en bloc, la compétition a atteint son maximum (5,34 personnes dans la fratrie moyenne) avec la génération 1970, celle qui a eu 25 ans en 1995, pour décroître dans les générations suivantes. On observe d’importantes variations entre pays, dans la hauteur du maximum, comme dans le moment où il a été atteint et dans la vitesse à laquelle la compétition se réduit ensuite. Les 14 Prenons l’Algérie pour exemple. L’effectif des naissances annuelles a culminé en 1985 à 845.381. Quatorze ans plus tard, en 1999 (dernière anée disponible), on n’enregis trait plus que 593.643 naissances annuelles, soit une chute de 30%. Le taux d’accroissement naturel de la population accuse également une décroissance très rapide, tout en restant largement positif : il atteint son maximum en 1984 (32 p. 1000), perd dix points dans les dix années qui suivent (22 p. 1000 en 1994), puis huit points en cinq ans (14 p. 1000 en 1999, dernière valeur connue. Voir Données statistiques, Office National des Statistiques, 2001 (http://www.ons.dz/Demogr/).

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situations extrêmes sont celles du Liban, où la compétition des pairs est la plus faible (maximum atteint dès la génération 1950, avec 4,8 personnes par fratrie), et de la Palestine où elle est la plus forte (génération 1990, 7,2 personnes).

La dépendance des parents réagit aux mêmes forces, mais dans un sens différent. La baisse de la mortalité joue maintenant dans les deux sens : l’élévation de la proportion des enfants qui survivent à 25 ans diminue la charge moyenne qui pèse sur chacun d’eux, mais l’allongement de la survie des parents l’accroît. Quant à la baisse de la natalité, elle diminue le nombre des enfants qui partagent la charge des parents, c’est-à-dire qu’elle augmente la charge moyenne par enfant. Dans le monde arabe, cet indicateur est resté pratiquement stable jusqu’à la génération 1985, au niveau très bas d’un peu moins de 2 parents pour 6 enfants survivants, soit environ 0,3 ascendant par individu de 25 ans (à comparer à 1,1 en Europe). C’est à partir de la génération 1990, celle qui aura 25 ans 2015, que l’effet de la baisse de fécondité des parents commencera à se faire sentir.

Le second type de dépendance, les enfants à charge, évolue pratiquement sous l’effet

d’une seule force, la baisse de la fécondité. Résultat de la décroissance de la natalité observée au cours des deux dernières décennies, la charge en enfants que les jeunes adultes d’aujourd’hui peuvent attendre est déjà relativement faible : dans la génération 1975, dont la fécondité moyenne pour l’ensemble du monde arabe serait de l’ordre de 3 enfants par couple, l’indice de dépendance serait de 1,48 enfants par adulte15, à comparer à 3,01 dans la génération 1950.

Ces trois indicateurs – la compétition des pairs, la dépendance des parents et celle des

enfants – présentent une combinaison très particulière, propice mais éphémère, pour les générations arabes nées aux environs de 1975, les jeunes adultes du début des années 2000 (voir graphique). Bénéficiant de la forte fécondité de leurs parents, ils sont plus nombreux que jamais pour se partager les charges du troisième âge, tandis que leur fécondité déjà basse leur assure un nombre réduit d’enfants à charge. Mais en raison du poids relatif de leur propre génération, ces jeunes sont dans une compétition maximale entre eux.

Cette compétition peut recevoir deux interprétations. La plus courante consiste à

assimiler l’effectif des 20-24 ans à la demande potentielle d’emploi : on dira alors que les jeunes d’aujourd’hui sont deux fois plus nombreux que ne l’avaient été leurs parents à se présenter sur le marché du travail. La démographie est perçue comme un poids. Une autre interprétation intègre les qualifications pour considérer plutôt le nombre d’années d’éducation scolaire que totalisent les individus d’une génération donnée, c’est-à-dire le capital de compétences disponibles à l’emploi16. Par comparaison avec leurs parents, le capital compétences que les jeunes apportent sur le marché du travail sera d’autant plus important que la scolarisation aura connu des progrès rapides. Entre les générations 1945 et 1975, ce capital a ainsi été multiplié par 4 en Égypte, par 6 en Algérie et par 10 en Palestine, par exemple.

Les pays arabes passent donc par une très courte période où la démographie peut

devenir une chance, plutôt qu’une charge comme on le croît volontiers, un moment “ d’opportunité démographique ” un peu comparable à celui qu’avaient connu les Tigres d’Asie du Sud-Est vers 1980, présentant une combinaison exceptionnelle entre épargne,

15 Il s’agit d’estimations, car la fécondité de la génération 1975 ne sera réellement connue qu’en 2025. 16 Ce capital est mesuré ici comme le produit : durée moyenne de scolarisation dans une génération x effectif de la génération.

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investissement et éducation. Théoriquement, un jeune peut en effet commencer sa vie active en sachant que les bénéfices de son travail ne sont pas d’ores et déjà hypothéqués par l’entretien des générations précédentes, ce qui est propice à l’épargne et à l’investissement. Il peut en outre escompter que son investissement servira à améliorer la qualité de la vie, plutôt qu’à absorber, comme dans le passé, les effets de la poussée démographique.

Cependant, pour transformer cet atout théorique en bénéfice tangible, il faut que ce

jeune ait la possibilité d’épargner. Or l’épargne suppose le revenu, donc le travail. La compétition pour l’obtention d’un travail est-elle fatalement aiguisée par le nombre de ceux qui entrent en lice ? Oui, dans une conception qui fait de l’État un acteur central de l’économie et le principal créateur d’emploi, car l’emploi est en quelque sorte exogène à l’individu, à la population. Non, dans une perspective qui laisserait une initiative aux individus et aux acteurs non-étatiques et ferait de l’emploi un facteur endogène à la population. Le rôle des États serait plutôt de créer l’environnement institutionnel propice à l’initiative économique, ainsi que les règles nécessaires à l’exercice d’une économie sociale.

La désillusion des jeunes

L’opportunité démographique est un potentiel, non une réalisation. Dans la plupart des pays arabes, ce potentiel a été sous-valorisé. Ni les États ni les bourgeoisies n’ont su créer des économies capables d’en tirer profit. La massification de l’école et des diplômes a suscité des aspirations dans la population, mais le marché du travail leur a opposé le chômage, ou la déqualification. Aucun pays arabe n’est épargné par ces deux phénomènes : la montée du chômage et la perte de valeur de l’instruction scolaire.17

L’Algérie en donne une illustration extrême, avec un taux de chômage approchant les

30% (1996), dont 56% des chômeurs âgés de moins de 25 ans. Au-delà de ses motifs identitaires locaux et de l’enchaînement des faits à la suite d’actes de brutalité policière, le mouvement parti de Kabylie en avril 2001 est bel et bien une protestation sociale et économique. La rente pétrolière a servi l’insertion de l’Algérie dans le marché international par les importations, mais non par les exportations car aucune activité tournée vers le marché extérieur n’a été développée. Les bons résultats financiers du pays contrastent avec la dégradation de sa situation sociale. Douze millions de personnes, sur 32 millions, vivent en dessous du seuil de pauvreté (enquête de 2001). L’État reconnaît officiellement cette situation dès le premier paragraphe du “ Plan de relance économique ” d’avril 2001 : “Notre pays vit une situation paradoxale, caractérisée d’un côté par de bons indicateurs macroéconomiques, et de l’autre par des conditions sociales des populations, difficiles”18.

L’Égypte représente une situation moins extrême, bien représentative de l’échec de

l’économie sociale dans l’ensemble de la région. Ce pays est volontiers cité en exemple pour ses bonnes performances macroéconomiques, au regard des critères du Fonds Monétaire International19, mais les inégalités sociales ont continué de s’y creuser. La proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (estimé en 1996 à 320 dollars, par personne

17 Même dans les pays pétroliers du Golfe, où la rente avait permis le développement d’un marché du travail gigantesque par rapport à la démographie locale, et donc une immigration massive, le chômage a fait son apparition parmi les autochtones durant les années 1990. 18 Saïd Haddad, “ La situation économique et sociale de l’Algérie en 2001 ”, , Maghreb-Machrek , n° 173 (à paraître, octobre 2001), La Documentation Française, Paris. 19 PNB en croissance annuelle de 5% (à prix constants) sur la décennie 1990, inflation passant de 20-25% en 1990 à moins de 5% par an en 199, quelques succès dans la privatisation des entreprises publiques, etc.

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et par an) est passée de 30,2 % en 1981/82 à 39,1 % en 1991/92 et à 47,6 % en 1995/96. Qui plus est, 42 % des personnes classées comme pauvres en 1996 considéraient que leur situation personnelle avait empiré depuis 1991, et 23 % seulement qu’elle s’était améliorée ; on trouvait le rapport inverse chez les non-pauvres (33 et 50 % respectivement) ce qui indiquait une polarisation de la société.20 Le chômage, qui était encore marginal jusque vers 1980, s’élève à 10% de la population active (1995-96). Sur dix jeunes adultes, quatre commencent leur vie active par une période de chômage, en moyenne de deux ans. Fait nouveau, 96 % des chômeurs ont au moins le baccalauréat, ou encore 33 % des titulaires du baccalauréat sont au chômage. Le chômage des diplômés sanctionne l’effondrement d’un mythe, celui qui, le temps d’une génération, avait érigé l’école en voie royale vers le bien-être individuel et le progrès social21.

Les désillusions de la jeunesse au sortir de l’école sont entrées depuis les années 1980

dans une contradiction ouverte avec les valeurs de la classe dominante. Les élites politiques issues des indépendances avaient fondé leur légitimité sur la lutte nationale. L’école était investie d’une mission de construction nationale et, de fait, elle ouvrait dans beaucoup de pays le droit à un emploi dans l’administration publique. Durant les dix années qui suivirent la guerre de 1973, une politique d’ouverture (sur le modèle de l’Infitah égyptienne) rompit avec les doctrines antérieures d’ “ autocentrage ” de l’économie, et ce fut le bien-être matériel des populations qui offrit une base de légitimité aux régimes. L’individualisme détrôna le nationalisme ou, plus exactement, les classes affichant leur réussite économique triomphèrent sur celles qui se prévalaient d’avoir porté l’honneur de la nation. L’école vit sa rentabilité s’éroder sur un marché du travail désormais livré à la wasta, la personne influente sans laquelle le diplôme n’est rien. Lorsque ensuite l’état providence s’effondra avec la rente pétrolière, et que la libéralisation économique se fit au prix d’un ajustement structurel impopulaire, dont les régimes profitèrent pour renforcer leur caractère répressif22, les valeurs qui prônaient la réalisation matérielle, devenues inopérantes, se virent contestées par des mouvements qui se référaient de plus en plus à l’Islam comme source de légitimité, et qui offraient par ailleurs des réseaux plus efficaces pour aider la jeunesse à résoudre les difficultés matérielles de l’existence.

Conclusion

Quel impact sur l’émigration les évolutions démographiques, économiques et sociales retracées ci-dessus peuvent-elles avoir ? La démographie n’est plus un facteur d’émigration, pour autant qu’elle l’ait jamais été. En soi, elle serait plutôt un motif pour ne pas émigrer : pourquoi les jeunes générations, dans ce court moment de l’histoire où elles bénéficient d’une structure d’âge particulièrement favorable dans leur population d’origine, qui leur épargne aussi bien la charge des jeunes que celle du troisième âge, troqueraient-elles ce cadeau de la démographie contre le fardeau du vieillissement en Europe ?

Les raisons d’émigrer résident plutôt dans des écarts qui se sont creusés en dehors de la

sphère démographique. Outre l’écart persistant des niveaux de vie entre le nord et le sud,

20 Nassef, Abdel Fattah (dir.) (1997) Egypt Human Development Report 1996 , Institute of National Planning, Le Caire 21 Au Maroc, un mouvement des “ diplômés-chômeurs ” s’est fait connaître par des grèves de la faim devant le parlement en février 1998. 22 La libéralisation économique se traduisit en ‘délibéralisation’ politique, pour reprendre le mot de Eberhard Kienle (A Grand Delusion. Democracy and Economic Reform in Egypt, I.B. Tauris, London, 2001)

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cause ancienne mais toujours actuelle de la migration, on a noté l’écart entre les aspirations d’une jeunesse de plus en plus scolarisée et les limites qu’elle rencontre dans le monde réel en matière d’emploi, d’accès aux ressources ou aux responsabilités, etc. Les frustrations de la jeunesse ont pour toile de fond la contradiction entre le libéralisme qui s’affirme dans la sphère économique et l’autoritarisme qui persiste dans la sphère politique 23.

Figure 1 : Une aubaine démographique pour le monde arabe Source : P. Fargues, Générations Arabes ... op. cit., p. 289

23 Dans le cas du Liban, il est instructif que l’insécurité économique d’après guerre ait produit autant d’émigration que ne le l’avait fait l’insécurité politique durant les anées de guerre. Le solde des entrées et des sorties s’établit en effet à – 894.717 pour la période de guerre civile (1975-1990) et à – 639.125, soit presque autant, pour l’après guerre (1991-1997) ; 32% des émigrés d’après-guerre ont une éducation universitaire, contre 16% des résidents du pays. Voir Labaki, Boutros (1998), “ L’émigration depuis la fin des guerres à l’intérieur du Liban (1990-1998) ”, Travaux et Jours, Beyrouth, n°61: 81-142.

Atouts et handicaps démographiques à 25 ans, par génération – Ensemble du monde arabe, 1950-2000

-2,5

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

1950 1960 1970 1980 1990 2000Génération

Compétition des frères& sœurs

Charges en enfants

Charges en parents

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Tableau 1 : Année et niveau du maximum de concurrence intra-génération

Concurrence \ Année

de naissance Génération née

avant 1975 Génération née en

1975-85 Génération née

après 1985

modérée (< 5) Egypte, Liban, Turquie Mauritanie, Soudan

Forte (5 à 6) Tunisie, Iraq, Maroc

Très forte (> 6) Algérie, Arabie Saoudite, Principautés du Golfe, Iran, Jordanie, Libye, Syrie

Palestine, Yémen

Tableau 2 : Première génération à sentir les effets du vieillissement*

Génération née

avant 1975 Egypte, Liban, Turquie

Génération née en 1975-85 Algérie, Maroc, Tunisie

Génération née après 1985 Arabie Saoudite, Principautés du Golfe, Iran, Iraq, Jordanie, Libye, Mauritanie,

Palestine, Soudan, Syrie, Yémen

* Génération à partir de laquelle la charge démographique en parents dépasse 0,350 parents survivants par individu de 25 ans Tableau 3 : Première génération à fécondité basse (< 3 enfants par femme)

Génération née avant 1975 Algérie, Egypte, Iran, Jordanie, Liban, Libye, Mauritanie, Syrie, Tunisie, Turquie

Génération née en 1975-85 Principautés du Golfe, Iraq, Soudan

Génération née après 1985 Arabie Saoudite, Palestine, Yémen

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SESSION 1 : LES CAUSES DE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE « SITUATION SUR LE TERRAIN »

Intervention de M. Roberto RUOCCO, Membre de la Commission de la cohésion sociale,

Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, Italie

Monsieur le Président, Messieurs les délégués, Mesdames et Messieurs,

Bien qu’annoncé longtemps à l’avance par de nombreux spécialistes, le phénomène de l’immigration a pris l’Italie, et en particulier la région des Pouilles, de court par son caractère soudain et imprévu. L’Italie, en effet, était, il y a quelques décennies encore, surtout une terre d’émigration.

Le fait d’être tout à coup promue au rang d’une terre d’immigration sur laquelle débarquent, par centaines de milliers, des hommes, des femmes, des personnes âgées et des enfants d’éducation, de culture et de religion différentes, a posé des problèmes présageant de graves conséquences de caractère social, politique et culturel mais aussi, tout simplement, d’ordre administratif et logistique.

Depuis que le bateau à moteur Vlora, portant environ 10 000 personnes de nationalité albanaise fuyant leur propre pays, est entré, en septembre 1999, dans le port de Bari, l’Italie, et plus particulièrement les Pouilles (en fait, ce ne sont pas que les Pouilles mais aussi deux autres régions de l’Italie, la Sicile et, plus récemment, la Calabre, qui ont été concernées par ces flux migratoires irréguliers) ont eu à faire face à un phénomène qui, sauf pendant la guerre du Kosovo et pour des raisons évidentes que je ne m’attarderai pas à rappeler, a conduit des clandestins de nationalité et d’ethnie différentes à aborder quotidiennement, de jour comme de nuit, aux rivages de notre pays, et dont une infime partie seulement a pu être interceptée par les forces de l’ordre.

Dans la seule période du 1er au 30 juin 2001, le nombre des personnes arrivées clandestinement dans les Pouilles et qui ont été interceptées ou dont la présence a pu être vérifiée s’élève à plus de 62 000 ; 32 000 d’entre elles ont par la suite été évacuées du territoire national. En Italie, plus de 250 000 immigrants, entrés illégalement au fil des années, ont déposé une demande de régularisation de leur situation et d’obtention d’un permis de séjour ; 215 000 d’entre elles au moins ont été acceptées.

En revanche, le nombre de ceux qui sont parvenus à rester dans la clandestinité ne nous est pas connu. Mais on peut raisonnablement supposer (en tenant compte du fait que l’immigration clandestine, après l’épisode de la Vlora auquel je viens de faire allusion, a eu lieu le plus souvent en groupes plus petits mais extrêmement nombreux, transportés sur de frêles embarcations qui, dans tous les cas, étaient impropres à la navigation) qu’il s’agit certainement d’un nombre supérieur de beaucoup à celui des clandestins déclarés et interceptés.

Même si toutes ces personnes ne sont pas restées sur le territoire national, l’Italie n’en a pas moins accueilli un nombre énorme pour ses possibilités, sans compter qu’il s’agissait surtout de clandestins n’ayant pas encore, dans d’autres pays d’Europe, de compatriotes déjà insérés dans les divers tissus nationaux.

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Ce phénomène d’immigration clandestine a, je l’ai mentionné, provoqué de graves problèmes dans le domaine de l’ordre public, ainsi que, à certains endroits, des problèmes de nature socio-économique ou encore sociale. Dans ce dernier domaine, fort heureusement, il ne s’est pas produit de heurts violents.

L’immigration clandestine a amené avec elle des personnes déjà tombées dans la délinquance ou qui, en raison de leur clandestinité, ont pu être facilement recrutées par des organisations criminelles fermées sur elles-mêmes, protégées par une « solidarité de groupe » et par les règles mafieuses typiques des clans qui les ont souvent rendues imperméables ou difficilement perméables à l’action ordinaire de la police.

Or, tout ceci s’est produit dans des régions de l’Italie comme les Pouilles, la Sicile et la Calabre qui présentaient, et continuent de présenter, des phénomènes de criminalité organisée très graves, qui possèdent des organisations criminelles bien implantées avec lesquelles les immigrés délinquants et leurs clans ont fréquemment conclu des « pactes » de collaboration.

C’est ainsi que s’est instaurée −ou, si l’on préfère, aggravée− une activité criminelle qui non seulement se consacre au trafic d’armes et de drogues mais contrôle aussi (en recourant parfois à des méthodes d’une férocité inouïe et invraisemblable) celui de la prostitution et du travail clandestin. Il existe désormais dans nos régions des quartiers de villes et des « secteurs » d’activité criminelle occupés et monopolisés par des bandes formées par des criminels immigrés.

Et si l’on envisage l’aspect économique de la question, il existe des secteurs tels que le tourisme qui ont payé au prix fort le sentiment diffus d’insécurité que le phénomène des débarquements de clandestins a créé, les touristes ayant été dirigés vers d’autres destinations jugées plus sûres alors qu’ils avaient été nombreux à avoir déjà choisi ces régions d’Italie pour y passer leurs vacances ou qu’ils auraient été nombreux à le faire.

Du point de vue social aussi, l’immigration clandestine a entraîné des conséquences très fâcheuses, et parfois même graves.

Le premier problème a été celui d’organiser l’accueil des immigrants interceptés par les forces de police, puis la seconde phase de cet accueil. L’Etat italien n’était certes pas préparé à ce qui s’est passé ni à un nombre si élevé d’immigrants. L’effort de l’Etat a été soutenu de façon providentielle par la contribution infatigable et efficace d’hommes, de structures et de moyens, celle de l’Eglise catholique et de ses organisations, et celle d’associations caritatives. C’est ainsi qu’il a pu être possible de mettre à disposition des structures d’accueil provisoires qui, au fil des jours, se sont spécialisées et que les immigrés clandestins, le tri une fois réalisé, ont ensuite pu quitter pour être répartis dans les centres d’accueil secondaire disséminés sur l’ensemble du territoire national qui, entre-temps, avaient été mis sur pied.

Il s’est produit sur le marché du travail une seconde conséquence qui a principalement touché les clandestins non interceptés ou ayant, d’une manière ou d’une autre, réussi à échapper aux contrôles. En effet, le phénomène de l’offre d’une main-d’œuvre extérieure à la communauté, clandestine surtout, et ne se soumettant à aucune des règles et des charges que notre législation, en matière de protection sociale, impose aux entreprises et garantit aux travailleurs a entraîné l’apparition (ou, si l’on préfère, l’aggravation) de cas de travail au noir et de concurrence (déloyale) tant à l’égard des entreprises qui n’ont pas voulu tirer profit de cette main-d’œuvre illégale qu’entre les travailleurs italiens et les travailleurs clandestins ; c’est beaucoup pour des régions présentant déjà un taux de chômage élevé et préoccupant, surtout parmi les jeunes.

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Cette offre de travail aux immigrés clandestins a par la suite entraîné dans certaines contrées l’apparition de véritables « foyers d’habitation » dans lesquels cohabitent des immigrés munis de permis de séjour en bonne et due forme et des immigrés clandestins (protégés par la « communauté ») ; des foyers énucléés, à l’écart des grands centres et à l’égard desquels se manifeste, parmi les citoyens, une certaine méfiance qui, à tout moment, peut se transformer en hostilité ou dégénérer en manifestations d’hostilité. Ces centres, ces foyers, n’entretiennent aucune relation avec les collectivités locales, une des deux parties (les immigrés) cherchant ainsi à sauvegarder les intérêts de tous les clandestins qui vivent en leur sein et qui, de cette façon, se trouvent protégés des contrôles par leur « communauté » ; et l’autre (les populations locales), parce qu’elles sont confrontées à des difficultés d’acceptation de la part des collectivités de résidents qui doivent déjà faire face aux problèmes structurels de leurs petites villes et s’accommoder d’un taux élevé de personnes régulièrement ou momentanément sans emploi.

Pour mieux comprendre les réactions des collectivités locales, il suffit de penser que, dans certains petits centres agricoles du sud de l’Italie, la population extra-communautaire qui vient s’ajouter à celle des résidents au moment des récoltes de certains produits atteint des pourcentages considérables.

Or, tout ceci baigne dans un contexte dans lequel les immigrés, qu’il s’agisse ou non de clandestins, ne sont pas familiarisés, contrairement à ce qui peut se passer dans d’autres pays européens, avec le système socio-économique du pays « d’accueil » et n’en connaissent ni la langue, ni la culture, ni le système juridique.

Il est vrai que, d’une certaine manière, l’Italie, grâce au sentiment de profonde solidarité qui anime sa population, n’a pas eu à subir, dans le domaine social, de graves conséquences. Ceci ne saurait toutefois suffire à justifier la poursuite d’une politique de l’immigration qui n’a aucun sens, aucune réglementation et peut provoquer des manifestations impossibles à contrôler.

Pendant des années, ce phénomène a été supporté par l’Italie dans l’indifférence la plus complète de l’Union européenne, qui n’a pas compris qu’il ne s’agissait pas d’un problème local mais bien d’un problème qui intéressait et intéresse toute l’Union, qui requérait, et requiert toujours, une politique d’ensemble, coordonnée, fondée sur des actions cherchant à améliorer l’accueil, l’intégration, la sécurité des immigrés et le développement des zones de départ.

L’Italie a par ailleurs suivi jusqu’à présent une politique de régularisation de l’immigration clandestine extrêmement « élastique », fixant ses quotas sans établir de liens effectifs ni avec les possibilités d’absorption de la part du marché du travail ni avec les capacités d’accueil et d’intégration possibles ou simplement supportables de la part de chacune des communautés locales. De plus, l’incertitude sur le nombre de cas à régulariser, plusieurs fois revu à la hausse sans aucun critère solide, a eu comme effet de rendre « attractif » aux clandestins un pays qui, dès lors, leur est apparu beaucoup plus permissif que les autres. La dernière vague de régularisation a été suivie d’une sorte de flux migratoire vers l’Italie d’immigrés clandestins qui s’étaient établis dans d’autres pays communautaires et qui cherchaient dans notre pays une possibilité de régulariser leur situation qui, ailleurs, leur était refusée.

Même sous l’angle de la sécurité et de l’ordre public, la politique suivie ces dernières années par l’Italie s’est montrée peu encline à la fermeté. Sur les 62 931 clandestins interceptés entre le 1er janvier et le 30 juin 2001, seuls 32 142 d’entre eux ont été effectivement interdits d’accès, ont été éloignés ou expulsés. Pour 29 940 clandestins, nous

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n’avons en revanche rien fait d’autre que de leur intimer l’ordre de quitter le territoire national, ce qui laisse supposer qu’une grande partie, voire la quasi-totalité d’entre eux y sont revenus dans la clandestinité.

De plus, pour un grand nombre de clandestins qui ont commis des délits sur le territoire italien, il n’est même pas sûr qu’ils devront y purger une peine de prison car ce n’est pas toujours l’application de la peine mais seulement l’expulsion qui fait suite aux condamnations. Le cas d’un clandestin albanais peut avoir ici valeur de symbole : entré en Italie au moins cinq fois, arrêté à autant de reprises pour divers délits, condamné à des peines atteignant dix ans de réclusion dont il n’aura purgé aucune, mis à part quinze jours seulement de préventive, expulsé à chaque fois, il est revenu régulièrement, après chaque expulsion, toujours clandestinement et sous le couvert d’un nouveau nom, pour le cas où il serait intercepté.

Dans ce contexte, les mesures, importantes pourtant, que la législation italienne de 1998 avait prévues pour faciliter l’intégration ont fini par ne plus produire d’effets substantiels, par devenir inefficaces.

L’Italie et les Italiens sont parfaitement conscients que le problème de l’immigration doit être envisagé sous la forme d’une réponse à la question « comment » et non d’une réponse à la question « si » car l’immigration est un phénomène qui, pour plusieurs raisons qui ont été mentionnées à diverses reprises, notamment lors de cette conférence, ne peut être éludé.

La nécessité de réglementer sérieusement les flux migratoires, de réglementer l’accueil et le séjour, de réglementer aussi, pour l’encourager de manière plus efficace, l’intégration ne peut plus être désormais ni éludée ni ajournée. Non seulement les citoyens italiens le demandent mais il s’agit là également d’une nécessité pour qui émigre dans notre pays et souhaite réellement s’y intégrer.

Les pays vers lesquels l’immigration se fait de manière directe se trouvent dans l’obligation, pour éviter qu’une situation qui échappe à tout cont rôle ne crée des manifestations d’incompréhension et des tensions au sein de la société, de définir une politique capable de ramener les flux démographiques au niveau physiologique afin d’assurer aux immigrés des possibilités concrètes d’intégration et donc, ensuite, une insertion dans le tissu social du pays qui les accueille et une vie digne. Ils y sont aussi contraints pour garantir aux citoyens des pays d’accueil cette tranquillité sociale sans laquelle apparaissent tôt ou tard des conflits sociaux qui, s’ils devaient éclater, se chargeraient aujourd’hui plus que jamais de connotations encore plus délétères et menaçantes que jadis.

Nous avons salué avec un très grand intérêt l’engagement pris par le Commissaire européen, Monsieur Vitorino, au cours de la visite qu’il a effectuée dans les Pouilles le 19 juin 2001, en faveur d’une stratégie commune contre l’immigration clandestine et d’une réglementation des migrations ; il s’est donné pour tâche de fermer les portes à l’immigration illégale et de les ouvrir, en respectant des règles sûres, à l’immigration légale.

A cette occasion, le Commissaire Vitorino a conclu son intervention par cette affirmation :

« Aucune politique, dans le domaine des migrations, ne pourra réussir si elle n’est accompagnée d’une politique visant à l’intégration qui est la clé d’une gestion optimale des flux migratoires et qui permettra de garantir que les immigrés vivent dans un contexte pacifique, dans le respect de nos valeurs, mais aussi dans celui de leur propre identité. »

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Je crois que tous les Italiens se sentent disposés à partager la position du Commissaire européen.

Et voici que déjà le Gouvernement italien se met à suivre cette ligne de conduite.

En effet, tirant la leçon des expériences passées et jugeant qu’il n’est plus possible de conserver une politique de l’immigration confuse et inefficace qui mécontente les citoyens sans donner pour autant de réponses concrètes à ceux qui émigrent dans notre pays avec la volonté d’améliorer leurs conditions de vie, le Gouvernement italien a adopté il y a quelques jours un projet de loi qui sera soumis au Parlement et qui anticipe, tout en étant en conformité avec eux, les objectifs de la directive approuvée par la Commission et actuellement à l’examen au Conseil européen.

Les points forts de cette réforme sont à chercher dans la façon nouvelle dont l’intégration sera organisée : elle sera d’une part liée à la capacité d’absorption du marché du travail qui déterminera les quotas d’immigrés qu’il est possible d’accueillir chaque année ; et d’autre part à une véritable insertion dans le monde du travail, c’est-à-dire en subordonnant l’obtention du permis de séjour à celle d’un contrat de travail et en liant la validité du premier à la durée du second.

A ces changements viendront encore s’ajouter de nouvelles règles destinées à rendre les mesures d’expulsion plus efficaces, de nouvelles normes visant à renforcer les moyens permettant le maintien de l’ordre public et de nouvelles lignes de conduite pour coordonner la politique italienne en matière d’immigration à celle des autres pays de l’Union.

Le Gouvernement et la majorité des Italiens sont d’avis que ce n’est que de cette manière qu’il leur sera possible d’assurer aux immigrés provenant de pays plus démunis que le nôtre des possibilités réelles, concrètes, d’accueil et d’intégration ; de garantir la pleine efficacité de tous les instruments et de toutes les ressources que prévoit notre constitution en matière d’intégration ; et, dans le même temps, d’assurer aux Italiens la tranquillité sociale et les conditions qui leur permettront de continuer à manifester à l’égard des immigrés la solidarité qu’ils leur ont déjà montrée et démontrée sans aucune exception jusqu’à ce jour.

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Intervention de M. Manuel MAS I ESTELA, Maire de Mataró, Espagne

Mataró est une ancienne ville sur la côte de la Méditerranée, située à 30 km de Barcelone et dans sa région métropolitaine. Actuellement, c’est une ville de 108.000 habitants qui est très active, avec une population d’esprit entreprenant. Tout le long de son histoire, la ville s’est distinguée par son économie soit en l’agriculture tout d’abord, soit en l’industrie un peu plus tard et en particulier en la production textile de tricots où en une activité pleinement diversifiée au moment actuel. Dans son histoire nous trouvons, par exemple, l’établissement de la première ligne ferroviaire de la péninsule ibérique, Barcelone–Mataró (1848), ainsi que la première autoroute construite en Espagne.

En ce qui concerne la dynamique de l’immigration, l’évolution de la population est divisée en trois étapes : Première étape

De 1950 à 1975, la situation se caractérise par le fait d’absorber une population provenant du reste de l’Espagne, notamment de Murcie, de l’Andalousie et d’Estrémadure, dans cet ordre. Ceci fit augmenter la population de 31.000 habitants à 97.000 habitants, c’est-à-dire que la population de la ville a triplé au cours de cette étape. Cette immigration intérieure ne présente pas trop de problèmes de cohabitation car les nouveaux venus ont la même culture que les habitants de Mataró, la seule exception étant la langue car en Catalogne on parle le catalan, alors que dans le reste de l’Espagne on parle le castillan. Toutefois, malgré cette particularité, il n’y a pas eu trop de difficultés en matière d’intégration. En fait, celle-ci a lieu facilement et de manière normalisée. Actuellement, nous en sommes à la deuxième, et même à la troisième génération née à Mataró.

Évolution de la population de Mataró

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Deuxième étape Elle débute en 1985 et dure jusqu’à 1995. C’est au cours de cette étape que nous trouvons une légère entrée d’immigration extérieure, en particulier de subsahariens du Sénégal, de Gambie et d’autres pays de cette région qui arrivent progressivement. Des maghrébins et des berbères arrivent aussi. La population de la ville passe de 100.000 habitants à 102.000. Une croissance beaucoup plus douce donc que lors de la première étape. Au cours de cette période, la Mairie de Mataró entreprend un travail minutieux auprès des immigrants provenant d’autres pays et, encore plus important, d’autres cultures. Nous ne devons pas oublier que ces nouveaux venus ne partagent ni la langue ni la culture et que ceci rend leur intégration et la bonne cohabitation beaucoup plus difficiles. A partir de cette réalité, la Mairie de Mataró travaille sur trois points stratégiques : a) S’adresser aux besoins immédiats des nouveaux venus et à la connaissance de leurs

lieux de provenance et de leurs traits culturels les plus caractéristiques. Par exemple, elle crée le département de médecine tropicale à l’Hôpital de Mataró, ouvre le bureau d’accueil de l’immigrant et des ateliers de formation pour femmes immigrantes.

b) Reconnaître le rôle des associations civiques formées d’immigrants travaillant activement pour aborder des aspects significatifs de la vie de la ville. La création, en 1994, du Conseil Municipal des Minorités Ethniques (un nom qui ne nous plaît pas et que nous avons changé plus tard) est la preuve de cette ligne. Ses objectifs sont les suivants :

- entretenir un courant d’information, d’étude et de délibération entre la Mairie et les différents secteurs de la ville sur les services concernant les minorités ethniques afin de devenir une ville accueillante.

- Favoriser un climat positif et de dialogue face à la diversité culturelle existant dans notre ville.

- Prévoir et résoudre les conflits de cohabitation dus à des problèmes de discrimination.

- Veiller à la garantie des droits que nous devons tous avoir en tant que citoyens.

Il est composé comme suit :

- Présidence : le Maire ou délégué/e - Un représentant de chaque département municipal, service ou organisme gérant

des services pour les minorités ethniques. - Un membre choisi à la proposition des associations et des entités de citoyens

travaillant ou collaborant à des travaux de sensibilisation reliés aux minorités ethniques de la ville de Mataró.

c) La recherche , de la part de l’administration locale, du support d’autres instances

administratives telles que d’autres Mairies et la Diputació de Barcelona avec lesquelles nous éditons différentes brochures d’information.

Tout ce travail produit un important réseau au sein de la vie associative qui favorise le

travail auprès des nouveaux venus et de la population autochtone.

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Troisième étape

Cette période commence en 1995 et arrive jusqu’à nos jours. C’est au cours de cette période qui se produit une majeur arrivée d’immigrants : des subsahariens et des maghrébins principalement. Nous passons de 102.000 habitants en 1996 à 108.000 en 2001.

Cette situation oblige la Mairie de Mataró à remettre en question sa politique auprès des immigrants et à travailler davantage sur ce facteur. En 1997, le Plan Municipal d’Immigration Extracommunautaire est mis en œuvre , fondé sur cinq lignes de travail : a) améliorer la qualité de vie de la population immigrée et lui garantir les droits

fondamentaux comme à tous les autres habitants de Mataró. b) Assurer l’accès des immigrants à tous les services municipaux et favoriser leur

circulation sociale. c) Favoriser la participation sociale active des immigrants. d) Prévenir la discrimination et encourager l’interculturalité. e) Atteindre la pleine intégration de la deuxième génération d’immigrants.

Tout ce travail tâche d’affronter le défi le plus important que nous devons relever actuellement en tant que communauté: le maintien de la cohésion sociale. Il est d’important de réussir à ce que des « ghettos » d’immigrants ne soient pas créés dans la ville, mais que les nouveaux venus s’affermissent dans les quartiers et vivent avec et parmi la population d’une manière digne et normalisée. La Mairie doit maintenir le contrôle et le maintien de l’espace public d’une façon homogène.

Nous avons actuellement 5,79% de population provenant de la nouvelle immigration

qui, évidemment, est de 12% dans certains quartiers, alors que dans d’autres elle ne représente que le 2%. En quelques années, nous avons donc atteint un niveau d’immigration assez élevé. Ceci nous a conduit à être très attentif et à remettre en question continuellement notre politique envers cette nouvelle immigration, car la situation produit de la peur, de l’incompréhension et logiquement des tensions entre les nouveaux venus et la population autochtone.

Distribution de la population par quartiers et lieux de naissance (%). 1 janvier 2001

Ainsi, nous avons continué à travailler sur des politiques orientées vers cette situation et nous avons remis en question le premier Plan Municipal d’Immigration Extracommunautaire de 1997 dont j’ai déjà parlé. Nous l’avons transformé en un Plan pour la Nouvelle Citoyenneté qui a été adopté en 2001 au cours d’une Séance Plénière de la Corporation municipale et à l’unanimité de toutes les forces politiques. Ce Plan est le fruit d’un important travail de concertation sociale, de coordination avec d’autres administrations et de consensus politique. Il se concentre sur trois points stratégiques, qui sont les suivants :

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a) l’intégration des nouveaux venus en respectant les principes et les valeurs démocratiques.

b) La normalisation de la prestation de services, de l’égalité d’opportunités et de la qualité de vie de tous les citoyens.

c) La promotion du changement social et culturel, depuis la concertation jusqu’au consensus politique.

Nous y trouvons des programmes tels que :

- Orientation et formation pour l’immigrant : informer correctement, orienter et conseiller les étrangers, et leur montrer les différents services municipaux et d’autres.

- Service de médiation: faciliter la communication des personnes, informer et orienter les nouveaux venus et adresser ceux qui soient intéressés vers les associations rattachées à leurs origines.

- Logement: faciliter l’accès au logement de tous les collectifs avec des difficultés. - Support à l’insertion professionnelle des immigrants: garantir la formation et

l’incorporation au monde du travail des collectifs avec des difficultés. - Programme d’accueil: faciliter la connaissance de l’entour et la socialisation des

adultes. - Programme de prise en charge sanitaire: faciliter l’accès à l’information et aux

services et garantir l’entente entre les nouveaux venus et les professionnels des différents secteurs.

- Programme d’intégration scolaire: collaborer avec les services éducatifs pour faciliter l’intégration scolaire et la socialisation des enfants et les jeunes nouveaux venus.

- Programme d’intégration au sport et au loisir: collaborer avec d’autres services, administrations et associations pour encourager l’intégration à travers le sport et le loisir.

- Programme de formation d’adultes : faciliter la formation des adultes et l’apprentissage des langues autochtones.

- Programme d’encouragement de l’associationnisme: promouvoir la participation de la population immigrée et de l’autochtone et encourager la participation des nouveaux venus.

- Programme d’amélioration des quartiers ayant un grand niveau d’immigration: favoriser la cohabitation citoyenne.

En plus de ce Plan, nous avons reconverti l’ancien Conseil pour les minorités

ethniques en un nouveau Conseil Municipal pour la cohabitation. Ce Conseil a les objectifs suivants :

- Être un observatoire social en entretenant un dialogue entre l’administration municipale et les différents interlocuteurs sociaux, en matière de citoyenneté, de cohabitation et d’immigration.

- Promouvoir des actions garantissant les droits et les libertés et favorisant l’intégration sociale des personnes.

- Encourager le dialogue interculturel et la cohabitation. - Sensibiliser la population sur les diversités culturelles en tant que richesse fondée

sur la cohabitation et le respect mutuel.

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Il est composé comme suit :

- Présidence : le Maire. - Vice-présidence : le conseiller délégué de l’Égalité et la Solidarité ou celui qui a

les compétences en matière d’immigration. - Membres :

Le conseiller délégué des Relations avec les Citoyens ou celui qui a les compétences en matière de participation des citoyens. Un représentant de chaque groupe municipal constitué. Un représentant de chacune des associations ou entités de citoyens à but non lucratif dont les objectifs soient d’encourager la cohabitation entre les personnes, de travailler pour la relation interculturelle, de mener des actions en matière d’immigration... Jusqu’à 20% du total des membres, des personnes qui, à titre individuel, expriment leur volonté de faire partie du Conseil. Deux personnes de prestige reconnu qui, par leur trajectoire personnelle ou professionnelle dans ce domaine, peuvent apporter des éléments intéressants.

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SESSION 2 : LA PRÉSERVATION DE LA DIGNITÉ HUMAINE DES MIGRANTS IRRÉGULIERS

PROCÉDURES D’EXPULSION CONFORMES AUX DROITS DE L’HOMME ET EXÉCUTÉES DANS LE RESPECT DE LA SÉCURITÉ ET DE LA DIGNITÉ

Allocution de M. Tadeusz IWINSKI,

Président de la Commission des Migrations, des Réfugiés et de la Démographie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui et j’aimerais remercier les organisateurs de la Conférence de m’avoir donné l’occasion de vous présenter l’une des principales préoccupations de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, à savoir : comment garantir la dignité humaine de tous les migrants.

Certains droits sont par essence universels. Ils s’appliquent à tous dans quelque pays que ce soit, indépendamment de considérations de race, nationalité, religion, opinion politique, appartenance à un groupe social, sexe ou orientation sexuelle. Ces droits s’appliquent à tous les êtres humains, quel que soit leur statut juridique. La dignité est LE droit de l’Homme universel, le droit fondamental qui sous-tend tous les autres.

Et pourtant, ce droit est souvent bafoué lorsque des étrangers sont expulsés d’un pays.

Notre commission a décidé de porter son attention sur cette question en 1998, après le décès tragique de Mlle Semira Adamu, qui est morte asphyxiée par un coussin à l’aéroport de Bruxelles, alors qu’elle était expulsée vers son pays d’origine.

La mort de Semira Adamu n’est pas un cas isolé : depuis 1998, huit personnes ont trouvé la mort au cours de procédures d’expulsion.

En 1999, Marcus Omofuma est mort dans un avion qui le ramenait d’Autriche en Bulgarie : il avait été attaché à son siège, mains et pieds liés, bâillonné à l’aide d’une bande adhésive.

Khaled Abuzarifeh est mort dans un ascenseur à l’aéroport de Kloten (Zurich), après avoir été ligoté et bâillonné.

Aamir Ageeb est mort pieds et mains liés, avec un casque de moto sur sa tête que les agents de police lui ont maintenu de force entre les genoux. Moshen Sliti a trouvé la mort parce qu’il n’a pas reçu les soins médicaux nécessaires, alors qu’il attendait d’être expulsé au centre de rétention d’Arenç, à Marseille. Mohamed Ben Said est décédé dans un centre de rétention à Rome en attendant son expulsion. Il était toxicomane et on lui a administré un tranquillisant réputé incompatible avec l’héroïne. Richard Ibewke est mort dans un centre de rétention de Vienne, après avoir été battu par des agents de police au cours de son arrestation, selon les dires de proches de la victime.

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Xhevdet Ferri est décédé des suites de négligence médicale, peu après une tentative d’évasion avortée d’un centre de rétention en Belgique.

Samson Chukwu est mort dans un centre de rétention suisse, après avoir été réveillé brusquement au milieu de la nuit pour être emmené à l’aéroport et expulsé. Il a résisté et a été immobilisé ; on lui a passé des menottes, placé le visage contre terre et les mains derrière le dos.

Placer un coussin sur le visage d’une personne pour l’empêcher de résister, la bâillonner à l’aide de bandes adhésives, utiliser des casques de moto ou des casques en mousse (tels que ceux employés par les boxeurs) pour l’empêcher d’ouvrir la bouche et lui fixer une bande de velcro autour de la bouche, attacher une personne à son siège pendant toute la durée d’un vol (y compris le décollage et l’atterrissage), la battre, lui refuser des soins médicaux… Comment définiriez-vous ces traitements ? Des mauvais traitements ? Des traitements inhumains, dégradants ? Quel que soit le terme utilisé, il s’agit là de violations de la dignité humaine.

Les cas que j’ai mentionnés sont ceux qui ont retenu l’attention des médias et du grand public car ils se sont soldés par la mort tragique des intéressés. Mais ce ne sont que des exemples de ce qui peut se produire de pire lors de l’exécution d’une expulsion. Trop souvent, des personnes en instance d’expulsion sont soumises, en violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme, à la discrimination, aux insultes, à des méthodes dangereuses de contrainte et à la violence. Trop souvent, les agents de l’autorité publique chargés de l’exécution des arrêtés d’expulsion recourent à la force de façon injustifiée, inadaptée voire dangereuse. Le Comité européen de prévention de la torture (CPT) estime qu’il existe clairement un risque de traitement inhumain dans le cadre de l’expulsion d’étrangers, et ce à tous les stades de la procédure. Je partage ce point de vue.

Mme Vermot-Mangold, Rapporteur de notre commission « Procédures d'expulsion conformes aux droits de l'Homme et exécutées dans le respect de la sécurité et de la dignité » a mené une étude approfondie sur la question, collectant des données factuelles et des informations judiciaires sur la pratique en matière d’exécution des expulsions dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Ce travail de recherche est extrêmement précieux car il met en lumière les lacunes et dysfonctionnements pour lesquels NOUS – les Etats et les organisations internationales – devons trouver des solutions.

J’aimerais évoquer certains des principaux problèmes identifiés par Mme Vermot-Mangold, et qui me semblent essentiels : 1. LES PROCEDURES D’EXPULSION SONT RAREMENT OUVERTES A UN CONTROLE PUBLIC OU OFFICIEL. Les forces de police et de sécurité y jouent souvent un rôle prépondérant voire exclusif. L’accès aux lieux d’attente et de rétention est généralement limité, voire impossible, aux organisations chargées d’apporter une assistance humanitaire, juridique, médicale ou psychologique aux personnes en instance d’expulsion. La présence de médecins ou d’autres professionnels de la santé dans le cadre des procédures d’expulsion semble à peine plus qu’une formalité, et très peu de professionnels sont disponibles pour fournir un soutien psychosocial.

Les ONG sont parfois « associées » à l’exécution d’une expulsion, dans le sens où elles peuvent être présentes physiquement sur les lieux où l’étranger est détenu en attendant

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d’être expulsé. Cela dit, les ONG sont confinées à un rôle d’observateur et leur droit d’accès aux intéressés est strictement contrôlé. Il est très rare que les ONG aient le droit de se rendre à l’improviste dans des centres de rétention ou d’accueil où sont placées les personnes en instance d’expulsion.

Cette absence de transparence et de contacts avec l’extérieur durant l’exécution d’expulsions a d’importantes conséquences. Premièrement, la difficulté d’avoir accès à une prise en charge médicale ou psychologique, ou bien à un traitement adaptés peut avoir des répercussions négatives sur la santé de la personne devant être expulsée. Il faut être conscient du fait que les même les techniques de contrainte les plus courantes présentent un risque d’asphyxie posturale. Ces techniques peuvent se révéler encore plus dangereuses lorsqu’elles sont associées à des éléments de panique ou de surprise, ou lorsque plusieurs d’entre elles sont utilisées simultanément. Deuxièmement, le manque de transparence limite la possibilité de porter les abus à la connaissance des autorités compétentes, soit par l’intéressé soit par des tiers. 2. La deuxième préoccupation dont j’aimerais vous entretenir concerne la FORMATION des autorités chargées de l'exécution des expulsions. Concrètement, la délivrance et l’exécution des arrêtés d’expulsion relèvent des forces de l’ordre, c’est-à-dire de la police ou de la gendarmerie. Celles-ci sont généralement responsables du contrôle des centres de rétention où sont placées les personnes en instance d’expulsion, de même que de l’escorte de celles-ci. La Belgique, l’Allemagne et l’Autriche ont lancé des programmes de formation spécifiques portant sur les aspects suivant : cadre juridique, notions de base de psychologie, gestion du stress, médiation en cas de conflit et premiers soins. Les agents chargés d’escorter les expulsés apprennent ainsi à employer des techniques de contrainte pour calmer les expulsés. Je tiens à souligner que, malheureusement, ces formations sont trop arbitraires et qu’aucune formation spécifique n’est prodiguée aux surveillants des centres de rétention, ni aux autres agents de l’autorité publique intervenant dans le cadre de l’exécution des expulsions. 3. Escortes, forces de l’ordre, police… Ces autorités sont fortement impliquées tout au long la procédure d’expulsion. Nous parlons ici d’expulsion FORCEE, de refoulement ou de renvoi dans le pays d’origine. Ici, le terme important est FORCE. La personne expulsée n’a pas décidé VOLONTAIREMENT de retourner dans son pays. Ceci m’amène à un élément qui me paraît essentiel pour la sauvegarde et le respect de la dignité humaine dans le cadre de l’expulsion : l’information.

Dans un certain nombre de cas ou des personnes s’opposent, même violemment, à leur expulsion, leur attitude s’explique en partie par un manque de préparation et par un sentiment de confusion et d’incompréhension dû en particulier au fait qu’on les considère comme des criminels. Le sentiment de panique à l’origine de leur résistance est souvent exacerbé par le stress ou la fatigue du voyage à l’étranger, la tension dans les centres de rétention, le départ précipité et le manque d’informations. Une période de « deuil » et des efforts pour leur expliquer la situation sont nécessaires pour qu’elles acceptent leur expulsion. Même s’il est difficile d’imaginer qu’une expulsion puisse être entièrement volontaire, on peut estimer que le fait de discuter à tout le moins de l’expulsion avec les intéressés ou de la planifier, mais aussi de prodiguer aux expulsés des conseils, des informations et un soutien suffisants, permettraient d’éviter très largement la violence et les agressions, mais aussi un grand nombre d’expulsions forcées.

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4. Nous sommes rassemblés ici aujourd’hui pour parler de la dignité des migrants. Mais nous sommes aussi là pour parler de droits, de droits PROTEGES. Le Conseil de l’Europe jouit d’une longue tradition dans ce domaine ; en plus de l’établissement d’un catalogue de libertés et de droits civils et politiques, la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950 a instauré un système de contrôle du respect des obligations contractées par les Etats contractants : la Cour européenne des droits de l’Homme. Des Etats et, surtout, des individus, peuvent introduire des requêtes à l’encontre des Etats contractants pour des violations alléguées des droits consacrés par la Convention. La création d’une Cour supranationale des droits de l’Homme est la manifestation tangible de l’importance que les Etats membres du Conseil de l’Europe attachent à une protection EFFECTIVE de ces droits.

Dans le cadre de l’exécution des arrêts d’expulsion, comme dans de nombreux autres domaines, NOUS DEVONS VEILLER à ce que :

- les droits ne soient pas qu’une liste de principes sur le papier, mais qu’ils soient

appliqués efficacement et respectés par tous les acteurs, y compris par l’Etat et ses agents ;

- un système de recours contre les violations de ces droits EXISTE, au niveau national ou international, voire aux deux ;

- enfin et surtout, que ceux qui pensent que leurs droits ont été violés soient informés de leur droit de recours et aient la possibilité de l’exercer.

Malheureusement, cela est très rarement le cas lors de l’exécution d’une expulsion.

Combien d’expulsés, une fois de retour dans leur pays d’origine ou dans un autre Etat, introduisent- ils un recours pour mauvais traitements au cours de l’expulsion ? Aucun exemple de ce type ne figure dans le rapport de Mme Vermot-Mangold.

Ces dernières années, certains Etats ont engagé des réformes législatives ou ont pris l’initiative de réformes pour améliorer la situation. Pourtant, en dépit de ces efforts, l’exécution des expulsions reste une zone d’ombre et il nous reste, à nous tous, encore beaucoup à faire pour garantir que les personnes expulsées soient protégées efficacement contre les abus.

Le rapport de notre commission, qui a été adopté à l’unanimité début septembre, contient toute une série de recommandations à l’intention de nos gouvernements sur la manière d’améliorer la situation. Il sera débattu et voté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en février prochain.

Pour revenir à ce que je disais d’entrée de jeu, mais aussi pour conclure mon intervention qui, je l’espère donnera lieu à un échange de vues approfondi, j’aimerais vous rappeler un principe incontesté : – les droits de l’Homme s’appliquent à toute personne, QUEL QUE SOIT SON STATUT JURIDIQUE.

Ce principe ne tolère aucune exception. Les droits de l’Homme, le respect de la sécurité et de la dignité s’appliquent à tous, Y COMPRIS aux immigrants en situation irrégulière et aux demandeurs d’asile déboutés .Il nous appartient d’œuvrer de concert pour atteindre cet objectif. Merci de votre attention.

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SITUATION JURIDIQUE DES MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : LEUR DIGNITÉ EST-ELLE GARANTIE DANS LES PAYS D’ACCUEIL ?

Dr Ryszard CHOLEWINSKI,

Senior Lecturer in Law, University of Leicester, UK

J’ai été invité à évoquer la situation juridique des migrants en situation irrégulière et

à répondre à la question de savoir si leur dignité humaine est garantie dans les pays d’accueil. Bien que des programmes nationaux de régularisation, tels ceux récemment adoptés en Grèce, constituent des exemples des mesures positives qui peuvent être prises à l’égard des migrants clandestins, la réponse est « non » : en effet, les Etats européens ont à tel point privilégié les politiques communes de prévention que les chances de sauvegarder les droits de l’homme de ces clandestins dans les pays d’accueil sont sérieusement compromises.

Ma présentation s’articule en trois volets. J’insisterai dans un premier temps sur le fait que les migrants en situation irrégulière ont bel et bien des droits, en particulier dans les domaines économique et social, et que ces droits sont protégés par le droit international relatif aux droits de l’homme. Je montrerai ensuite, à travers l’Acquis de l’Union européenne (UE) sur la migration irrégulière, comment le fait de privilégier une politique de prévention compromet la dignité des migrants clandestins dans les pays d’accueil, à tel point que l’on peut difficilement parler sérieusement de droits des migrants en situation irrégulière. Je présenterai enfin certaines mesures positives susceptibles de corriger ce déséquilibre.

Le fait que les migrants clandestins bénéficient de droits de l’homme ne devrait pas être contesté. Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tant à l’échelle universelle qu’au niveau régional, garantissent les droits énumérés dans leurs textes à tous les êtres humains, indépendamment de leur nationalité et de leur statut juridique. J’ajouterai que ce principe s’applique non seulement aux droits politiques et civils, mais également aux droits économiques et sociaux, qui revêtent une importance particulière pour les migrants clandestins. Par conséquent, si les Etats sont autorisés à encourager le départ des personnes séjournant clandestinement sur leur territoire ou à les expulser vers leur pays d’origine ou un pays tiers, à condition de respecter le principe fondamental de non-refoulement, ils ne devraient pas, en revanche, être habilités à priver ces personnes de toute possibilité de subsistance dans l’hypothèse où leur expulsion serait rendue impossible par des motifs juridiques ou pratiques.

Bien que certains instruments internationaux portant spécifiquement sur les travailleurs migrants s’appliquent uniquement aux migrants qui résident légalement dans un Etat Partie,1 la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en décembre 1990, reconnaît explicitement des droits de l’homme aux migrants clandestins. Cette Convention divise les travailleurs migrants en deux catégories principales : ceux qui résident légalement dans le pays d’emploi et ceux qui y travaillent sans autorisation. Si elle accorde des droits à ces deux groupes, elle prévoit cependant des protections plus étendues et plus précises pour les migrants en situation régulière. Les migrants clandestins bénéficient de

1 Voir la Convention du Conseil de l’Europe relative au statut juridique du travailleur migrant et la Partie II de la Convention n° 143 de l’OIT sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants, adoptée en 1975.

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droits économiques et sociaux dans les domaines suivants : droit à l’égalité des conditions de travail et d’emploi, droits syndicaux, droit à la sécurité sociale, droit aux soins médicaux d’urgence, droit d’accès des enfants à l’enseignement primaire, ainsi qu’un certain nombre de garanties spécifiques en cas de menaces d’expulsion. Cependant, la Convention n’est toujours pas entrée en vigueur. De fait, un seul pays européen, la Bosnie-Herzégovine, a ratifié cet instrument. La grande majorité des 16 pays qui l’ont ratifié et des 10 qui l’ont signé à ce jour sont des pays d’émigration. En 1975, la Conférence internationale du Travail a adopté la Convention n° 143 de l’OIT sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants, dont l’article 1er précise que « [t]out Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s’engage à respecter les droits fondamentaux de l’homme de tous les travailleurs migrants ». Cette Convention est entrée en vigueur, mais elle non plus n’a pas été largement ratifiée. Un certain nombre de pays européens (Bosnie-Herzégovine, Chypre, Italie, Norvège, Portugal, Slovénie, Saint-Marin, Suède et ex-Yougoslavie), dont quelques-uns sont situés dans la région méditerranéenne, en ont accepté les principes.

Quelles indications ce nombre peu élevé de ratifications – pour les deux instruments précités – nous donne-t- il sur l’attitude des Etats à l’égard des migrants clandestins et de leurs droits ? A mon sens, la non-ratification de la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants, en particulier, est porteuse du message suivant : de nombreux pays d’accueil ne sont pas disposés à s’engager à accorder aux travailleurs en situation irrégulière des garanties en matière de protection des droits de l’homme. Bien que ces deux conventions internationales spécialisées prévoient explicitement la protection de la dignité et des droits de l’homme fondamentaux des migrants en situation irrégulière, elles n’ajoutent rien de vraiment nouveau aux engagements que la plupart des Etats ont déjà contractés par ailleurs. En conséquence, les gouvernements ne peuvent éluder leurs obligations vis-à-vis des migrants clandestins en matière de droits de l’homme en prétendant ne pas accepter les normes énoncées dans ces traités spécialisés sur les travailleurs migrants. Ils sont toujours liés par les principes qu’ils ont acceptés au niveau international général.

Je tiens également à souligner que si la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants est parfois considérée comme un instrument utopique en matière de protection des migrants en situation irrégulière, je ne pense pas, quant à moi, que ce soit nécessairement le cas. Cette Convention vise un double objectif à l’égard de la migration irrégulière : elle cherche davantage à prévenir ce type de migration qu’à l’encourager, tout en reconnaissant que les migrants clandestins ont des droits fondamentaux. Ce double objectif est- il réalisable ? La prévention de la migration irrégulière est-elle seulement compatible avec la protection de la dignité et des droits de l’homme des migrants clandestins

Je tenterai de répondre à cette question en examinant l’acquis de l’UE sur la migration irrégulière, et illustrerai mon propos par un certain nombre d’exemples montrant comment une telle politique de prévention peut mettre en péril des droits essentiels. Pour lutter plus efficacement contre la migration irrégulière, on ne peut s’appuyer uniquement sur une politique stricte de prévention : il convient d’adopter une approche plus globale incluant la protection des droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière et l’adoption d’autres mesures positives.

Pourquoi avoir centré mon propos sur l’Union européenne ? Ce choix m’a semblé particulièrement important et de plus en plus urgent pour un certain nombre de raisons. Premièrement, l’UE élabore actuellement une politique commune en matière d’asile et de

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migration dans le cadre du Titre IV de la Partie 3 du Traité CE sur les visas, l’asile, l’immigration et les autres politiques liées à la libre circulation des personnes. En vertu du Titre IV, le Conseil est mandaté pour adopter des mesures relatives à la politique d’immigration, notamment dans le domaine suivant : « immigration clandestine et séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier » (article 63(3)(b) CE). J’ajouterai que bien que ces mesures incluent le « rapatriement », les mesures positives garantissant certains droits ne sont manifestement pas exclues. Deuxièmement, les mesures adoptées seront juridiquement contraignantes, à la différence du droit « indicatif » adopté dans le cadre de la coopération intergouvernementale antérieure en vertu de l’ancien troisième pilier du Traité sur l’Union européenne, qui portait sur la coopération dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures. Ainsi, en définitive, les mesures adoptées relèveront de la compétence de la Cour de Justice, compétence toutefois plus restreinte sous l’angle du Titre IV du Traité CE que sous l’angle d’autres parties du pilier communautaire. Dans la mesure où les droits de l’homme fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), sont considérés comme des principes généraux du droit communautaire2, et compte tenu de la récente proclamation solennelle de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne 3, la Cour de Justice sera tenue d’adhérer aux garanties des droits de l’homme dans l’exercice de cette compétence. Troisièmement, ces mesures communautaires ont un champ d’application territoriale potentiellement étendu. Elles sont susceptibles de s’appliquer à tous les Etats membres de l’UE, qui sont aussi membres du Conseil de l’Europe. Bien que l’Irlande et le Royaume-Uni ne participent pas automatiquement à cette partie du Traité CE, ils peuvent choisir d’adhérer à certaines mesures, ce que le Royaume-Uni a déjà fait pour deux mesures récentes adoptées par le Conseil « Justice-Affaires intérieures », qui touchent à l’acquis de l’UE en matière de migration irrégulière. Par ailleurs, ces mesures devront également être acceptées par tout Etat adhérant à l’UE. Etant donné que le processus d’élargissement englobe actuellement 13 pays, dont la totalité sont aussi membres du Conseil de l’Europe, l’impact de la politique de l’UE dans ce domaine revêt une importance particulière. Enfin, comme le souligne la Note du Secrétariat du Conseil de l’Europe, publiée aux fins de cette Conférence, certaines des politiques préventives de l’UE en matière de migration irrégulière sont aujourd’hui « exportées » vers les pays participant au processus de stabilisation et d’association dans les Balkans 4.

Je citerai trois exemples de mesures de l’acquis communautaire dans le domaine de la migration irrégulière et montrerai en quoi les chances de garantir les droits des migrants clandestins ont été compromises par l’importance exagérée accordée à la prévention.

Premièrement, l’acquis communautaire sur la migration irrégulière est favorable à la criminalisation de ce type de migration par l’application de sanctions aux migrants clandestins dès leur entrée sur le territoire. L’article 3(2) de la Convention d’application de l’Accord de Schengen de 1990 - qui fait désormais partie du droit communautaire du fait de l’intégration, par le Traité d’Amsterdam, de l’acquis de Schengen (Convention et mesures d’application) dans les structures de la CE et de l’UE - contraint les Etats membres participants « à instaurer des sanctions à l’encontre du franchissement non autorisé des 2 Art. 6(2) du Traité sur l’Union européenne. 3 Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, JO 2000 C 364/1, proclamée solennellement au Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000. 4 Conseil de l’Europe, Note du Secrétariat, Migrations irrégulières, Conférence sur le thème « migration irrégulière et dignité des migrants : coopération dans la région méditerranéenne », doc. MG-FL (2001) 12, Strasbourg, 17 septembre 2001, p. 8 (note n° 25).

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frontières extérieures (…) ». De fait, de nombreux Etats jugent parfaitement raisonnable d’infliger des sanctions pénales, y compris des peines d’emprisonnement, à des personnes qui franchissent leurs frontières sans autorisation. Dans certains pays européens, par exemple, les sanctions punissant l’entrée irrégulière vont de quelques jours de prison, assortis ou non d’une amende, à deux ans d’emprisonnement5. Toutefois, le fait de sanctionner les migrants en situation irrégulière - qui ne sauraient être assimilés à des criminels, en particulier si leur seule « faute » est de rechercher une vie meilleure - pose un grave problème du point de vue des droits de l’homme. La Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations a ainsi contesté l’application de telles sanctions en vertu de l’article 6(1) de la Convention n° 143, qui invite les Etats à infliger des sanctions administratives, civiles et pénales aux personnes qui emploient des migrants en situation irrégulière, organisent leurs migrations et apportent sciemment leur assistance à de telles migrations. Dans une récente Etude d’ensemble sur les instruments de l’OIT concernant les travailleurs migrants, la Commission a fait observer que cette disposition, ainsi que d’autres mesures préconisées dans la Partie I de la Convention pour lutter contre les migrations clandestines « visent avant tout la demande de travail clandestin plutôt que l’offre » et que les sanctions visant les travailleurs migrants en situation irrégulière sont « contraire[s] à l’esprit des instruments [de l’OIT] »6. Le Parlement européen a également souligné que « [l]’immigration étant un phénomène complexe qui relève de facteurs politiques, historiques, sociaux et économiques, l’immigrant irrégulier ne saurait être considéré comme un criminel sur le même pied que les responsables d’actes de criminalité organisée graves »7. Par ailleurs, l’application de sanctions pénales aux migrants en situation irrégulière ne se justifie guère sur le plan économique. Un certain nombre de pays, comme le Royaume-Uni, reconnaissent même qu’il est moins coûteux d’expulser ou d’éloigner des migrants en situation irrégulière que de les inculper d’infractions pénales au titre de la législa tion sur l’immigration. Cependant, le fait même qu’il existe des lois criminalisant la migration irrégulière peut difficilement servir de base solide pour l’édification d’un cadre juridique protégeant également les droits des migrants en situation irrégulière.

La reconnaissance mutuelle des décisions nationales, qui constitue le fondement de l’action communautaire à l’égard des migrants en situation irrégulière, pose un deuxième problème. Il est important de souligner que cette approche n’a rien à voir avec l’harmonisation. En vertu des règles communautaires sur le franchissement des frontières extérieures, le non-respect de la réglementation nationale en matière d’immigration (article 96(3) de la Convention d’application de l’accord de Schengen) peut déclencher des mesures répressives de la part de l’Etat concerné, par le signalement de l’intéressé dans le Système d’Information Schengen (SIS), une base de données européenne recensant les personnes et les objets indésirables, au motif que sa présence constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale. Ce signalement entraîne l’obligation, pour les Etats de l’UE

5 Belgique (de 8 jours à 1 an et une amende) ; Danemark (6 mois) ; France (1 an et une amende) ; Allemagne (1 an ; projet d’extension à 3 ans) ; Italie (jusqu’à 2 ans ou une amende) ; Pays-Bas (6 mois). Voir B. Ghosh, Huddled Masses and Uncertain Shores: Insights into Irregular Migration (The Hague: Martinus Nijhoff, 1998), p. 99 (Tableau 4.1) (chiffres pour 1995-96). 6 Conférence internationale du Travail, 87e Session, Genève, juin 1999, Rapport III (Partie 1B) Travailleurs migrants : Etude d’ensemble des rapports sur la Convention (n° 97) et la Recommandation (n° 86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et sur la Convention (n° 143) et la Recommandation (n° 151) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, par. 338. 7 Résolution du Parlement européen du 30 mars 2000 sur les demandeurs d’asile et les migrants : plans d’action pour les pays d’origine ou de transit , point 22.

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participants, de refuser l’entrée de l’intéressé sur l’ensemble de l’Espace Schengen (article 5 de la Convention d’application), bien qu’il soit possible pour un Etat de l’admettre sur son territoire dans des circonstances exceptionnelles. Le tort principal de ces dispositions est que les signalements sont effectués en fonction d’interprétations nationales des notions d’ordre public et de sécurité nationale et non d’une interprétation communautaire. En conséquence, le non-respect de la réglementation nationale en matière d’immigration peut entraîner le signalement, dans le SIS, de migrants clandestins par certains Etats et non par d’autres. Cette approche est nettement insatisfaisante puisqu’elle a des conséquences graves pour les malheureux concernés et d’importantes répercussions sur le fonctionnement du principe de non-discrimination, dans la mesure où des personnes placées dans des situations analogues sont susceptibles d’être traitées différemment aux fins du signalement dans le SIS, en fonction de l’Etat membre dans lequel elles se trouvent. Cette préoccupation a depuis été confirmée dans la pratique par des décisions judiciaires prises au niveau national, notamment en France où les signalements effectués par les autorités allemandes dans le SIS ont été contestés devant les tribunaux par deux ressortissantes de pays tiers (une Marocaine et une Roumaine) auxquelles on avait refusé des visas de séjour en France au motif de ces signalements. Dans les deux cas, le Conseil d’Etat a annulé les décisions de refus parce qu’aucune des deux n’avait été suffisamment motivée8. L’Allemagne avait inscrit les intéressées dans le SIS parce qu’elles avaient demandé l’asile en Allemagne et que leurs demandes avaient été rejetées. Dans ce pays, le point de vue dominant est que les demandeurs d’asile déboutés sont essentiellement des étrangers qui abusent du système d’asile et constituent par conséquent une menace pour la sécurité et la cohésion de la société allemande, une conception que les autres Etats membres de l’UE ont du mal à accepter.

Une approche comparable, fondée sur la reconnaissance mutuelle des décisions nationales, est actuellement adoptée dans le contexte de l’éloignement. En mai 2001, le Conseil a adopté une Directive relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers9. Ce texte, qui découle d’une proposition du Gouvernement français, permet aux Etats membres de l’UE de reconnaître et d’exécuter les décisions d’éloignement prises par un autre Etat membre. En vertu de l’article 3(1) de la Directive, cette reconnaissance peut avoir lieu lorsque la décision d’éloignement « est fondée sur une menace grave et actuelle pour l’ordre public ou la sécurité et sûreté nationales » dans des cas précis, y compris en cas de « non-respect des réglementations nationales relatives à l’entrée ou au séjour des étrangers ». Il n’est pas indispensable que l’intéressé ait été reconnu coupable d’une infraction. Bien que les Etats membres de l’UE soient tenus de mettre en œuvre la Directive dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 3(2)), le texte définitif est moins contraignant qu’une version antérieure qui précisait que les décisions d’éloignement et les mesures d’exécution devaient se conformer à la Convention européenne des Droits de l’Homme et à d’autres instruments internationaux applicables. Troisièmement, les politiques de l’UE visant à lutter contre la migration irrégulière risquent également d’avoir des implications sur les droits des migrants irréguliers au-delà des frontières des pays d’accueil et lors du retour de ces migrants dans leur pays d’origine. Dans le Règlement révisé du Conseil 539/2001/CE du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières

8 Voir les affaires Hamssaoui (n° 198344) et Forabosco (n° 190384), évoquées dans E. Guild, « Adjudicating Schengen: National Judicial Control in France » (1999) 1 European Journal of Migration and Law 419-439. 9 Directive 2001/40/CE du Conseil, JO 2001 L 194/34.

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extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, la migration irrégulière est considérée comme un critère important pour savoir si les ressortissants de certains pays devraient ou non être soumis à l’obligation de visa10. Dans des rapports récents de la Commission recommandant que la Bulgarie et la Roumanie ne figurent plus sur la liste «négative» ou «noire»11 des visas, un élément particulièrement inquiétant se fait jour. La Commission se félicite des tentatives de la Bulgarie et de la Roumanie de lutter contre la migration irrégulière de leurs propres ressortissants. Ces tentatives témoignent en tout état de cause d’une part d’une volonté réelle d’interdire aux personnes qui sont arrêtées en tant que migrants irréguliers dans les Etats membres de quitter le territoire de leur pays pendant une longue période et d’autre part de l’intention d’étendre les périodes d’interdiction de sortie dans l’avenir. En vertu de la législation bulgare, une interdiction de quitter le territoire pendant une période d’un an est prononcée à l’encontre des citoyens bulgares qui ont enfreint la législation sur l’immigration d’un pays tiers ou ont été expulsés par un pays tiers. De plus, le rapport de la Commission renvoie à un projet d’amendement prévoyant d’étendre à deux ans la durée de cette interdiction. Les informations sur la Roumanie sont plus précises. Les Roumains arrêtés alors qu’ils tentent de quitter la Roumanie sans autorisation ou renvoyés sur la base d’accords de réadmission, peuvent se voir privés de leur passeport pour une période maximale de douze mois bien que le rapport de la Commission sur la Roumanie évoque également une proposition tendant à porter cette période à trois ans. Des statistiques sont également données pour illustrer le fait que l’interdiction de quitter le pays a frappé plus de 27 000 citoyens roumains entre 1998 et 2000. Bien que plus de 7 000 de ces cas aient été justifiés par rapport à une série d’infractions en matière d’immigration, aucune raison n’est donnée pour les autres cas qui concernent plus de 20 000 citoyens. Si le droit de quitter un pays, y compris le sien, tel qu’il est garanti à l’article 22 du Protocole n° 4 à la CEDH12, n’est pas un droit absolu et peut, à l’article 2.3, faire l’objet de restrictions justifiées dans l’intérêt de la sécurité nationale et du maintien de l’ordre public, les vastes mesures en place et en particulier les mesures plus restrictives prévues ont peu de chances de répondre aux critères de proportionnalité définis par la Cour européenne des Droits de l’Homme par rapport aux restrictions imposées aux droits prévus dans la CEDH13. Se concentrer uniquement sur les politiques de prévention pour lutter contre la migration irrégulière pose manifestement de graves problèmes en ce qui concerne les droits de l’homme. Quelles sortes de mesures positives ou de mesures davantage orientées vers les droits faudrait- il en conséquence, adopter pour compléter les stratégies de prévention? Comme je l’ai déjà dit, rien n’empêche de prendre de telles mesures dans le cadre des efforts déployés au niveau communautaire ou paneuropéen pour harmoniser les législations et les pratiques nationales dans ce domaine.

10. OJ 2001 L 81/1, Considérant 5. 11. Voir la Commission européenne, rapport de la Commission au Conseil sur la Bulgarie, dans la perspective de l’adoption du règlement fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, COM (2001) 61 final du 2 février 2001, vol. 1 et Commission européenne, rapport de la Commission au Conseil – Exemption de l’obligation de visa pour les ressortissants roumains, COM (2001) 361 final du 29 juin 2001. 12. La Bulgarie (4 novembre 2000) et la Roumanie (20 juin 1994) ont toutes deux ratifié cet instrument. 13. Dans ce contexte, il convient également de noter la Recommandation 1449 (2000) de l’Assemblée parlementaire du 28 janvier 2000 relative à la migration clandestine du sud de la Méditerranée vers l’Europe, qui rappelle que l’immigration est un droit fondamental de l’homme (paragraphe 4).

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Tout d’abord, il faudrait expressément reconnaître les droits des migrants en situation irrégulière. Les stratégies préventives sont souvent formulées en partant du principe que les mesures restrictives décourageront les autres migrants qui envisageaient d’entrer en Europe sans autorisation. Malheureusement, on oublie ou on passe facilement sous silence le fait que la protection des droits des migrants irréguliers et les tentatives visant à assurer l’exercice de ces droits, malgré les difficultés pratiques apparentes, constitueraient un signal clair pour ceux qui souhaitent exploiter ces migrants, en particulier les employeurs et les intermédiaires dans les pays d’accueil. En fait, la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants est favorable à cette approche qui a également été défendue dans le passé par la Commission européenne, laquelle affirmait dans une communication sur les politiques d’immigration et d’asile de 1994 qui a fait date, ce qui suit: «Bien qu’il soit essentiel … de mener en générale une action ferme et efficace contre l’immigration illégale, il ne faut pas oublier que les personnes concernées courent le risque d’être exploitées et sont souvent dans une situation extrêmement vulnérable. Il faudrait donc tenir compte du fait qu’elles ont aussi droit à une procédure équitable garantissant l’entière sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales tels qu’ils sont reconnus en droit international. En ce sens, la définition de normes minimales sera une mesure nécessaire qui contribuera simultanément à crédibiliser des politiques restrictives à l’égard de l’immigration illégale»14. Il est intéressant de noter que pour favoriser cet objectif, la Commission a également recommandé que les Etats membres signent et ratifient la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants15. Plus de sept ans après, aucun Etat membre n’a répondu positivement à cette recommandation raisonnable. Un autre problème a trait à la nécessité de soutenir par une action concrète la reconnaissance, dans les déclarations de politique générale, du fait que certaines catégories de migrants en situation irrégulière sont aussi victimes de violations des droits de l’homme. Il s’agit par exemple d’une véritable préoccupation dans le contexte des migrants qui ont également été victimes de la traite dans le pays d’accueil, en particulier les femmes. Les mesures que l’UE a adoptées et celles qui sont en cours d’adoption n’ont semble-t-il pas prêté suffisamment d’attention à la traite des personnes en tant que victimes ni à leurs droits. Des mesures antérieures renvoyaient à la possibilité d’accorder aux victimes un statut de résident provisoire en vue de leur permettre de témoigner dans le cadre d’une action pénale contre les trafiquants16. Cette protection limitée ne se retrouve toutefois pas dans la proposition récente de la Commission de Décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre la traite des êtres humains qui oblige simplement les Etats membres à garantir aux «victimes de l’une des infractions [de traite] (…) une protection et un statut juridiques appropriés dans les procédures judiciaires»17. Il s’agit peut-être là de l’exemple qui illustre le mieux le fait que la lutte contre une activité indésirable ne peut être efficace que si elle vise également à préserver les droits fondamentaux de l’homme. Pour pouvoir poursuivre avec succès les trafiquants, il faut encourager les victimes à témoigner contre eux, ce qu’elles ne seront souvent prêtes à faire que si leur sécurité est garantie. Cela étant, il s’agit également d’un

14. COM (94) 23 final du 23 février 1994, paragraphe 109. C’est l’auteur qui souligne. 15. Ibid., p. 31, paragraphe 110. 16. Action commune du 24 février 1997 adopté par le Conseil JAI relative à la lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants, JO 1997 L 63/2, paragraphe F(b)(i). 17. COM (2000) 854 final du 21 décembre 2000, p. 6 (article 8 du projet de Décision-cadre).

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domaine dans lequel les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière doivent être protégés indépendamment de tout autre objectif. Après tout, on peut très bien affirmer qu’il devrait être possible d’octroyer le statut de résident permanent dans certaines circonstances, en particulier dans les cas où des femmes victimes de la traite ne veulent pas retourner dans leur pays d’origine par crainte de représailles graves à leur encontre ou à celle de membres de leur famille. De fait, cette possibilité est reconnue par le Protocole à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes18. Une autre «mesure positive» consiste à faciliter le retour volontaire au lieu de l’expulsion involontaire ou forcée. En fait, cela est reconnu dans une certaine mesure dans l’acquis de l’UE puisque l’article 23.1 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen qui porte sur l’expulsion et la réadmission dispose qu’il appartient en premier lieu au migrant irrégulier de quitter le territoire. Le Conseil «Justice et Affaires intérieures» considère que l’aide au retour volontaire «est conforme à la tradition humanitaire de l’Europe et qu’elle peut contribuer à trouver une solution digne pour réduire le nombre de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière dans les Etats membres», tandis que l’OIM considère le retour volontaire comme l’option la plus digne et la moins onéreuse19. En ce qui concerne l’OIM, cette approche est également conforme au mandat de l’organisation qui doit garantir une «migration humaine ordonnée». Une autre mesure positive est la régularisation du statut des migrants irréguliers. Etant donné que l’accent est actuellement mis sur la lutte contre la migration irrégulière et sa prévention, certains diront naturellement que les pays européens ne devraient pas légaliser trop souvent leur population étrangère sans papiers, car de telles mesures risquent fort d’être contreproductives ou vouées à l’échec en encourageant d’autres migrations irrégulières20. A l’inverse toutefois, la régularisation peut être considérée comme un dispositif légitime pour réduire le nombre de migrants en situation irrégulière présents dans le pays concerné à condition que des mesures efficaces soient prises parallèlement pour éviter d’autres entrées irrégulières. D’une certaine façon, la régularisation affaiblit le marché du travail parallèle qui exploite la plupart des travailleurs migrants clandestins. Comme Bimal Ghosh l’a fait observer, l’une des principales justifications de la régularisation est de mettre fin aux souffrances humaines et à l’exploitation des immigrés clandestins et d’améliorer leurs conditions générales de travail. En supprimant une source importante de main-d’œuvre bon marché et docile, la régularisation encourage le processus de modernisation industrielle et de changements structurels dans l’économie21. Elle est également rentable dans la mesure où elle facilite l’intégration des migrants, les aidant ainsi à devenir des membres utiles et productifs de la société d’accueil. De plus, d’un point de vue humanitaire, les Etats ont du

18. Les obligations applicables des articles 7.1 et 7.2 du Protocole sont libellées comme suit: «1. "chaque Etat Partie envisage d’adopter des mesures législatives ou d’autres mesures appropriées qui permettent aux victimes de la traite des personnes de rester sur son territoire, à titre temporaire ou permanent, lorsqu’il y a lieu. 2. Lorsqu’il applique la disposition du paragraphe 1 du présent article, chaque Etat Partie tient dûment compte des facteurs humanitaires et personnels".» 19. Voir respectivement la décision du Conseil «Justice et Affaires intérieures» du 26 mai 1997 relative à l’échange d’informations concernant l’aide au retour volontaire des ressortissants des pays tiers, OJ 1997 L 147/3 et l’OIM – Centre de coopération technique pour l’Europe et l’Asie centrale, «The Return of Irregular Migrants: The Challenge for Central and Eastern Europe», OIM, 30 septembre 1999, p. 19 de l’anglais. 20. Voir également Ghosh, op. cit., p. 150. 21. Ghosh, ibid., p. 150-151.

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mal à expulser les migrants clandestins employés sur leur territoire depuis longtemps, en particulier si leur présence a été tolérée par les autorités. Dans ces circonstances, la régularisation devient la seule solution décente et équitable. C’est pourquoi de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’UE ont mis en place des programmes de régularisation limités dans le temps. A titre d’exemple récent, on peut citer la Belgique où, en janvier 2000, plus de 32 000 demandes ont été enregistrées en l’espace de trois semaines à la suite de la possibilité faite aux migrants sans papiers de régulariser leur situation22. Des programmes de régularisation de ce type ont également été exécutés périodiquement en Grèce, en Italie, au Portugal et en Espagne23. La mise en place d’une coopération efficace et concrète entre tous les pays impliqués dans le processus de migration irrégulière (pays de destination, d’origine et de transit) est considérée comme particulièrement importante pour prévenir et combattre la migration irrégulière. Il importe toutefois de veiller à ce que cette approche ne soit pas axée uniquement sur la prévention mais consacre suffisamment d’attention aux questions relatives aux droits de l’homme, soit mise en œuvre de concert avec les autorités et la société civile des pays d’origine et bénéficie également de moyens matériels suffisants. Dans l’UE, cette activité est menée au sein du Groupe de travail de haut niveau composé de hauts fonctionnaires «Asile et migration», créé en décembre 1998 et chargé de définir «une approche commune, intégrée et interpiliers, qui soit fonction de la situation dans les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile et des migrants». Le groupe24 de travail a élaboré des plans d’actions concernant un certain nombre de pays précis (Afghanistan, Albanie, Irak, Maroc, Somalie et Sri Lanka). Son approche a toutefois été critiquée dans la mesure où il privilégierait trop les mesures de prévention, ne consacrerait pas suffisamment d’attention aux questions relatives aux droits de l’homme, ne consulterait pas suffisamment les responsables politiques et la société civile dans les pays visés et ne disposerait pas de crédits budgétaires appropriés de l’UE pour mettre en œuvre les plans d’action25. Pour finir, la lutte contre la migration irrégulière dans le contexte de la protection des droits fondamentaux des migrants participant au processus et l’adoption de mesures positives en matière d’immigration doivent également se traduire par le maintien de la possibilité d’utiliser les voies légales de migration. Un consensus se dégage en Europe pour que la migration primaire aux fins d’un emploi fasse de nouveau l’objet d’un soutien officiel. Au niveau de l’UE, la Commission a récemment proposé une directive du Conseil rela tive aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi salarié et d’une activité économique indépendante26. Au Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire, dans deux recommandations adoptées en janvier et juin 2000, confirme également la nécessité de créer davantage de possibilités d’immigration légale27. Il importe

22. «Migration News Sheet», n° 205/2000 (avril 2000), p. 7 de l’anglais. 23. Voir les rapports nationaux sur la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne dans P. de Bruycker, éd., La régularisation des étrangers illégaux dans l’Union européenne (Bruylant: Bruxelles, 2000). 24. Mandat du Groupe de travail de haut niveau «Asile et migration»; préparation de plans d’actions pour les principaux pays d’origine et de transit des demandeurs d’asile et des migrants, 25 janvier 1999 (Doc. C4-O133/99), paragraphe 1. 25. Résolution du Parlement européen du 30 mars 2000 sur les demandeurs d’asile et migrants: plans d’action pour les pays d’origine ou de transit. 26. COM (2001) 386 final du 11 juillet 2001. 27. Voir respectivement la Recommandation 1449 (2000) de l’Assemblée parlementaire du 28 janvier 2000 relative à la migration clandestine du sud de la Méditerranée vers l’Europe, paragraphe 14.iii.a et la Recommandation 1467 (2000) du 29 juin 2000 intitulé: Immigration clandestine et lutte contre les trafiquants,

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toutefois que ces politiques visent non seulement les travailleurs très qualifiés mais également ceux qui ne le sont pas, et qui sont aussi demandés dans les pays européens, faute de quoi, les postes peu qualifiés disponibles continueront d’attirer des migrants clandestins. De plus, ces politiques, qui n’ont pas réussi dans le passé à garantir le retour des migrants, ne devraient pas être des politiques de migration temporaire ni être réservées aux «travailleurs immigrés». Elles devraient au contraire reconnaître ouvertement que l’admission à des fins d’emploi peut très bien déboucher sur une résidence permanente de fait, d’où la nécessité de mettre en place des mesures pour faire face à une telle éventualité.

paragraphe 9: «L’Assemblée souligne qu’il convient de créer des possibilités d’immigration légale plus larges, afin de réduire la pression de l’immigration illégale, et de trouver des solutions de remplacement aux migrations clandestines. Les possibilités d’offrir des permis de travail saisonniers ou à durée déterminée doivent être réétudiées à la lumière de la demande croissante de main -d’œuvre migrante en Europe».

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LA TRAITE D’ÊTRES HUMAINS ET L’EXPLOITATION SEXUELLE : UNE FORME MODERNE D’ESCLAVAGE

Mme l’Ambassadeur Eva GARAJOVA,

Représentante permanente de la Slovaquie auprès du Conseil de l’Europe, Rapporteuse pour l’égalité entre les femmes et les hommes

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un honneur de prendre la parole à l’occasion de cette conférence sur la migration irrégulière et la dignité des migrants. Elle me donne l’opportunité de m’exprimer sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et auquel j’ai consacré de nombreuses réflexions, notamment dans le cadre de mes fonctions de Rapporteuse pour l’égalité entre les femmes et les hommes, fonctions que j’exerce au sein du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

J’en suis d’autant plus heureuse que nous nous trouvons ici, à Athènes, ville même où a eu lieu l’année dernière, un Séminaire international relatif à la lutte contre la traite d’êtres humains en Europe du Sud-Est. Ce Séminaire, destiné à élaborer une stratégie régionale dans ce domaine, était tenu à l’invitation du Secrétariat Général pour l’égalité du ministère grec de l’Intérieur et à l’initiative du Conseil de l’Europe, en partenariat avec d’autres organisations internationales.

La traite d’être humains n’est pas un problème nouveau en Europe. Si, jusqu’en 1989, la majorité des victimes étaient originaires d’autres continents – comme l’Amérique du Sud, l’Afrique ou l’Asie –, depuis la chute du Mur de Berlin, le pourcentage de femmes qui viennent d’Europe centrale et orientale a plus que triplé. Au cours des dix dernières années, un nombre croissant de personnes, principalement des femmes et des mineurs, ont été trompées, attirées, vendues ou entraînées de force dans des situations d’exploitation sexuelle, sans grand espoir de s’en sortir. Attirées par le mirage d’une vie meilleure, transportées à travers le continent européen par des individus qui s’avèrent souvent faire partie de réseaux du crime organisé, ces personnes se retrouvent dans un pays étranger, dépossédées de leurs papiers d’identité et obligées de gagner de l’argent en se prostituant.

Le Conseil de l’Europe, qui regroupe parmi ses Etats membres aussi bien des pays d’origine, de transit et de destination de victimes de la traite, a été confronté à ce problème à un stade très précoce.

La traite d’êtres humains est un volet essentiel des droits de la personne humaine et, depuis la fin des années 80, le Conseil de l’Europe, dont la principale vocation est de sauvegarder et de promouvoir ces droits, accueille tout naturellement les activités visant à combattre ce phénomène.

A l’évidence, en ce qui concerne l’individu, la traite remet en question le fondement des droits de l’homme, à savoir, l’égale dignité de tous les êtres humains. Au niveau de la société , la traite constitue une forme moderne d’esclavage et remet en cause la prééminence du droit et les valeurs fondamentales de la démocratie.

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Le Conseil de l’Europe, alerté par ses Etats membres et par les ONG associées à ses travaux, a, dès 1991, organisé un Séminaire sur le sujet. Toutefois, à cette époque, il faut bien le dire, la question ne fut pas perçue comme étant de nature politique.

Depuis lors, nous avons pu constater à quelle vitesse le phénomène se développe, surtout en Europe. Le nombre de victimes s’est accru régulièrement jusqu’à atteindre un niveau tel, que les médias se sont saisis du problème et que l’opinion publique de l’Europe toute entière a découvert l’horreur des pratiques de traite et d’esclavage sexuel.

Il s’agissait là d’une étape essentielle : la traite n’était plus, désormais, un problème mineur, parfois occulté, mais se retrouvait de plus en plus haut dans les priorités politiques. La lutte contre la traite commença et presque toutes les organisations internationales se joignirent à l’effort et lancèrent des actions dans ce domaine.

Le Conseil de l’Europe, qui s’est lancé très tôt dans la bataille, a ainsi acquis une expérience extensive et participe à l’heure actuelle à de nombreuses initiatives, en liaison avec d’autres organisations internationales – notamment le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, OSCE/ODIHR, Interpol, OIM et le Pacte de Stabilité pour l’Europe du sud-est, ainsi que de nombreuses ONG.

Parmi les travaux récemment entrepris au Conseil de l’Europe dans ce domaine, je souhaiterais vous parler surtout de l’adoption, par le Comité des Ministres, de la Recommandation n° R (2000) 11 sur la lutte contre la traite d’êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Ce texte est le résultat d’un long travail et comprend une série de mesures et de lignes directrices adressées aux gouvernements pour lutter contre la traite. Surtout, il faut noter que ce texte donne la priorité avant tout aux aspects concernant les droits de la personne humaine, c’est-à-dire essentiellement la protection des droits des victimes. Cette Recommandation constitue un véritable programme d’action pour les gouvernements. Sa mise en œuvre a d’ailleurs donné lieu au Séminaire international, dont je vous parlais en introduction. Au cours de ce Séminaire, les participants ont préparé et adopté les éléments pour l’établissement d’un Plan régional d’action contre la traite des êtres humains. Ce travail se poursuit au sein du Pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est, dans le cadre duquel un Groupe d’action (« Task Force ») contre la traite a été institué.

Pourtant, en dépit du travail entrepris et des progrès accomplis, il faut reconnaître que beaucoup de choses restent à faire contre la traite des femmes.

En particulier, il faut être attentif aux nouvelles problématiques qui surgissent au gré de l’évolution des sociétés. Ainsi, on enregistre des utilisations parfois abusives des nouvelles technologies de l’information, afin de promouvoir la traite. Dans tous ces domaines, il faut réagir rapidement. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de pratiques illicites sur Internet. Au Conseil de l’Europe, un groupe de spécialistes a commencé à étudier ces questions ainsi que les moyens à mettre en œuvre dans ce domaine.

Mais que savons-nous des causes de la traite des femmes, et pourquoi a-t-elle pris une telle expansion en Europe ?

Les raisons du développement rapide de la traite d'êtres humains en Europe paraissent être multiples. Avant tout, la traite est une des conséquences de la transition économique, parmi lesquelles une forte paupérisation des populations, et en particulier des

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femmes, dans certains pays. La désorganisation des structures traditionnelles, juridiques ou sociales, voire la rupture de l'état de droit, souvent associées à des déplacements de population et à une moindre surveillance des frontières, constituent des conditions optimales pour l'expansion des réseaux de traite d'êtres humains. De plus, les situations de conflit ou postérieures à un conflit sont favorables au développement de toutes sortes de trafics, car la « demande » est certainement un autre élément-clé. Or, il est important de noter que la présence massive de personnels internationaux militaires et civils implique un accroissement de la demande sur le marché du sexe. Les clients constituent donc les véritables piliers du système de la prostitution. Les trafiquants profitent de cette demande et multiplient leurs domaines géographiques d'intervention.

En tout état de cause, la traite d’êtres humains est devenue un commerce hautement lucratif, géré par des réseaux de criminalité organisée.

Une lutte active et efficace contre de tels réseaux passe par une approche multi-sectorielle et multi-partenariale. L’objectif est de travailler avec l’ensemble des acteurs concernés dans tous les domaines pertinents. Cette approche a été adoptée au niveau international et des mécanismes de coordination, tels la « Task Force » du Pacte de Stabilité, ont été créés.

Au niveau européen, le besoin d’une action coordonnée se fait sentir toujours plus. C’est un progrès, car il apparaît que la création de réseaux internationaux est un des moyens les plus efficaces de se renseigner avec précision sur l’étendue du trafic international d’êtres humains et d’entreprendre des recherches et des activités de sensibilisation plus efficaces.

Dans cette perspective, le Conseil de l’Europe entreprend actuellement un projet pilote en Roumanie et en Moldavie. Ce projet permettra, sur le terrain, d’évaluer les dispositions juridiques nécessaires au niveau des instruments normatifs internationaux et régionaux. Il permettra aussi d’analyser les législations roumaine et moldave existantes. Ces travaux contribueront à renforcer les législations nationales des deux Etats ainsi que leur coopération mutuelle. Ils accroîtront ainsi leur capacité de mise en œuvre des accords internationaux et régionaux. Ce projet pourra être étendu à l’ensemble de l’Europe du Sud-Est afin de traiter le problème selon une approche régionale. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

La lutte contre la traite d’êtres humains, et en particulier des femmes, a traversé successivement de nombreuses phases de développement. Mais, la traite constitue aujourd’hui un problème d’une telle ampleur, elle affecte aujourd’hui un si grand nombre de pays, que la communauté internationale a commencé à se mobiliser. Plus que jamais, nous devrons poursuivre une action coordonnée et tous les moyens devront être mis en œuvre pour combattre ce phénomène, qui constitue une violation brutale des droits de l’homme.

Nous devons nous attacher à démanteler les réseaux criminels qui font commerce de marchandise humaine, et surtout, à protéger ces femmes et ces hommes qui sont leurs victimes. Ces personnes qui, comme chacun d’entre nous, poursuivaient un rêve, se nourrissaient d’espoirs et qui sont devenues la proie des trafiquants. Elles ont été exploitées dans des conditions souvent semblables à celles de l’esclavage ; elles ont subi des traumatismes physiques et psychiques dont elles ne pourront jamais guérir complètement.

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Nous devons concentrer nos efforts sur la pleine mise en application de la

Recommandation du Comité des Ministres sur la lutte contre la traite, et réfléchir à toutes les mesures susceptibles de renforcer la protection des victimes. Je pense notamment à la possibilité d’élaborer, au sein du Conseil de l’Europe, un nouvel instrument juridique qui consacrerait les principes définis dans la Recommandation. Une Convention européenne sur la traite contribuerait à la coordination de l’action au niveau paneuropéen et augmenterait nos chances d’endiguer cette nouvelle forme d’exploitation des êtres humains.

Je vous remercie pour votre attent ion.

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Discours de M. Demetri DOLLIS, Secrétaire Général des Grecs expatriés

La xénophobie est un phénomène social pathogène qui, depuis peu, est devenu un véritable casse-tête pour les responsables de la migration et un sujet d’étude scientifique dans le domaine de la psychologie des masses.

Le terme se compose de deux mots grecs : « xenos » et « phobos », qui signifient respectivement « étranger » et « peur ».

Dans la Grèce antique, l’étranger (xenos) était une personne sacrée protégée par Zeus, le père des dieux (Xenios Zeus). Le mot le plus connu à travers le monde, dérivé de « xenos », est « philoxenia », c’est-à-dire l’affection et le respect que l’on porte à l’étranger.

De nos jours, le mot « xenos » nous fait malheureusement penser au terme « xenophobia », qui décrit la peur et, indirectement, l’animosité contre les personnes d’origine étrangère.

« O tempora, o mores »… Bien des choses ont changé sur la planète et en Grèce depuis l’Antiquité.

La mondialisation évoque une incertitude économique générale (Peter Stalker) dans nos sociétés. Le travail vient à manquer en raison de facteurs tels que la technologie (automatisation et robotique, par exemple), le libre-échange, l’accent mis sur la production à grande échelle aux dépens de la production à petite échelle, les programmes de réajustements structurels dans les pays en développement… Autant de facteurs qui pèsent lourdement sur les subventions de l’État et sur les emplois du secteur public.

Selon de nombreux analystes, la mondialisation a entraîné une accumulation de la richesse dans les mains de quelques-uns au niveau national et international. En conséquence, beaucoup de pays sont dans l’incapacité de satisfaire aux besoins d’une grande partie des citoyens… qui deviennent alors des migrants en quête de meilleures conditions de vie. La Grèce, nouveau venu au club des pays hôtes, accueille depuis quelques années des centaines de milliers de migrants économiques.

On serait en droit d’attendre des pays plus développés – dans le cadre de leur intégration à la mondialisation économique – qu’ils suivent une politique favorisant la libre circulation de la main-d’œuvre et des biens et services. Or, la principale tendance est de limiter l’accueil des migrants, ce qui accroît la migration illégale. La seule utilisation du terme « migration illégale » représente une menace au respect des droits de la personne humaine et de la dignité des sans-papiers, puisqu’ils se voient exclus de toute protection juridique. Sans compter que le terme « illégal » renvoie à des connotations qui associent les migrants à la criminalité, au chômage et à une pathologie sociale.

Plus souvent qu’à leur tour, les médias internationaux parlent des migrants – surtout de ceux en situation irrégulière – comme des responsables du regain de criminalité dans les pays d’accueil.

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Le fait que, récemment, le terme « illégal » ait remplacé le terme « irrégulier » n’affecte pas vraiment la manière dont les migrants sont traités par les gouvernements et la société. Les mots créent parfois des réalités et des stéréotypes tenaces, difficiles à changer.

Dans bon nombre d’États, la migration est encore perçue, à l’échelon national et intergouvernemental, comme une menace à la stabilité et à la sécurité. Au sein d’Organisations internationales telles que les Nations Unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, les déclarations politiques évoquent la migration comme un facteur d’enrichissement de toutes les sociétés et soulignent la nécessité de l’aborder, à l’échelon gouvernemental, de manière positive. Reste que ces déclarations ont un très faible impact sur les pratiques courantes, tant au niveau des responsables politiques que des groupes sociaux. Il va sans dire que cette attitude entraîne xénophobie, exclusion sociale et discrimination.

Il existe plusieurs phénomènes qui caractérisent même les pays d’accueil les plus progressistes ; par exemple, l’existence de partis politiques extrémistes qui encouragent l’animosité envers les étrangers, les programmes politiques des comportements xénophobes, l’accoutumance à la discrimination relayée par une partie de la presse et des médias, les préjugés directs ou indirects à l’encontre des étrangers au sein de plusieurs institutions nationales, une intolérance religieuse grandissante, etc.

Venons-en maintenant à la politique grecque de migration. Nous l’avons dit, ce n’est que récemment que la Grèce est devenue un pays de destination des flux migratoires. En Grèce, les migrants viennent des Balkans, du Moyen-Orient, ainsi que des pays africains et asiatiques, formant un groupe d’une grande diversité raciale, religieuse et culturelle. Dans leur forte majorité, ces migrants sont originaires des pays balkaniques voisins, plus précisément d’Albanie (environ 350 000), de Bulgarie et de Pologne. Les aut res viennent d’Irak, du Kurdistan, du Soudan, d’Éthiopie, du Ghana, du Nigeria et des pays maghrébins (Libye, Maroc, Tunisie, Algérie et Mauritanie). Parmi les migrants asiatiques, on trouve essentiellement des gens venus des Philippines et du Bangladesh. Beaucoup d’entre eux – jusqu’à 600 000, avancent certains – sont entrés clandestinement. Dans un premier temps, sans doute le gouvernement tout comme la société grecque n’étaient- ils pas prêts à recevoir correctement les flux de migration qui ont déferlé sur le pays au début des années 90.

Autre point à souligner : il ne s’est produit dans la société grecque aucun incident grave lié au racisme, à la xénophobie et à la violence.

La protection juridique des droits de l’homme pour les étrangers résidant en Grèce est assurée par la Constitution (article 5, par. 2), qui stipule que « tous ceux qui se trouvent sur le territoire hellénique jouissent de la protection absolue de leur vie, de leur honneur et de leur liberté sans distinction de nationalité, de race, de langue, de convictions religieuses ou politiques. » La législation relative à la migration et aux groupes sociaux présentant des caractéristiques spécifiques, fondée sur la Convention d’Amsterdam, est depuis peu en vigueur.

Les Grecs montrent davantage de tolérance à l’égard des migrants que les autres Européens. De fait, on dénombre 7 millions de Grecs vivant hors du pays. Or, les familles et les amis qu’ils ont laissés derrière eux connaissent bien les dures conditions d’exil auxquelles se sont heurtés leurs compatriotes dans la quête d’une nouvelle patrie. Aussi manifestent-ils davantage de compréhension et de tolérance vis-à-vis des étrangers.

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Ajoutons que le rapatriement de nombreuses personnes d’origine grecque en provenance des pays de l’ex-Union soviétique a beaucoup contribué à cette attitude.

Néanmoins, ce serait manquer de réalisme que d’affirmer que la société grecque reste fidèle à son principe de « philoxenia », totalement imperméable aux tendances xénophobes internationales. De récentes études montrent l’apparition de phénomènes isolés de pathologie sociale en Grèce aussi.

Dans la presse et les médias, migration – en particulier la migration illégale – et

hausse des taux de criminalité au niveau national vont souvent de pair, ce qui crée des stéréotypes négatifs dans l’opinion publique. Ainsi semble-t-il qu’une grande partie de l’opinion associe la croissance du chômage avec la présence de migrants dans le pays. De la même façon, d’après des statistiques sur l’enseignement primaire, de nombreux parents estiment que les enfants de migrants devraient fréquenter des écoles à part.

Dernière chose mais pas la moindre, des études indiquent que les migrants font l’objet de discrimination auprès d’une partie des travailleurs du secteur public, tout particulièrement dans les services sociaux. L’État grec a lancé une croisade pour favoriser l’intégration sociale des migrants et des Grecs rapatriés, ainsi que pour lutter contre les phénomènes xénophobes.

Enfin, j’aimerais mentionner les efforts déployés par la Grèce pour promouvoir une

éducation interculturelle par le biais d’un projet pilote : la création de classes d’accueil pour les élèves qui ne parlent par grec, ainsi que l’information des migrants sur leur statut juridique et leurs droits fondamentaux.

Permettez-moi aussi d’évoquer le Guide sur la migration, publié par le Secrétariat Général des Grecs à l’étranger avec la participation financière de l’Union européenne. Dans le cadre des Programmes européens, le gouvernement grec met en place des projets contre l’exclusion du marché du travail, par exemple en favorisant le développement structurel de l’emploi et en soutenant des services destinés aux migrants et aux rapatriés. Je ne reviendrai pas sur la régularisation des migrants en situa tion illégale, ce sujet ayant été largement présenté par le ministre de l’Intérieur.

J’aimerais, en revanche, m’attarder un peu sur la lutte contre la xénophobie et l’exclusion sociale à l’échelle internationale.

Tous les États démocratiques en sont d’accord, les actes xénophobes constituent une

violation des droits de l’homme pour les migrants. Mais entre les déclarations et les pratiques quotidiennes, le fossé est large.

Dans la lutte contre la xénophobie, l’une des mesures essentielles consiste à revoir les programmes scolaires nationaux pour permettre une ouverture vers le multiculturalisme ; autrement dit, il convient de les enrichir par des éléments historiques et sociaux des autres cultures, ainsi que d’organiser des cours spéciaux sur les droits de l’homme.

Il est important que les nouvelles générations apprennent à se montrer tolérantes envers la diversité culturelle et à accepter tous les être humains quelle que soit leur origine.

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Dans cette perspective, les gouvernements pourraient lancer des programmes, en coopération avec les médias et les ONG concernées, pour sensibiliser l’opinion publique au problème des migrants.

A l’évidence, les gouvernements se chargent de lutter contre les phénomènes sociaux pathogènes, non seulement en adoptant le cadre juridique ad hoc, mais aussi en appliquant des politiques à cet effet qui impliquent tous les partenaires sociaux. Or, la coopération internationale est indispensable à tous les niveaux pour éradiquer l’exclusion sociale des migrants.

La Grèce est le berceau des idéaux humanitaires et la patrie d’Ulysse. A travers ses valeurs culturelles et sa longue expérience de pays « exportateur » de migrants, elle peut contribuer à la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’encontre des migrants. Sur ce point, nous souhaitons coopérer avec les autres pays de notre voisinage méditerranéen et du monde entier.

Tous les hommes d’État et les partis politiques devraient adresser à leur public des messages explicites soutenant l’acceptation de la différentiation et condamnant les préjugés et l’animosité contre les migrants.

La lutte contre la xénophobie et l’exclusion sociale est d’intérêt public. Les phénomènes sociaux pathogènes sont une menace à la démocratie et à la civilisation. Quant au mépris des violations des droits de l’homme, il met bien plus en danger la cohésion de nos sociétés que la présence d’étrangers dans nos pays.

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LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA MIGRATION IRRÉGULIÈRE

M. Jonas WIDGREN,

Directeur général de l’ICMPD

I. INTRODUCTION

1. La coopération entre la police et les autorités frontalières d’Etats européens voisins en matière de migration irrégulière et de criminalité transfrontière apparentée existe depuis les années 20, époque à laquelle furent jetées les bases des politiques actuelles concernant les étrangers en Europe. Toutefois, ce n’est qu’à la fin des années 70 que les autorités policières nationales des Etats d’Europe occidentale créèrent des unités spécialisées de lutte contre la migration clandestine. C’était devenu une nécessité dans le contexte de l’augmentation de la migration irrégulière qui a suivi l’introduction de restrictions à l’immigration dans toute l’Europe vers le milieu des années 70 à la suite de la crise pétrolière et de la récession qui a suivi. Depuis lors, l’immigration clandestine est une préoccupation des administrations de la plupart des Etats d’Europe occidentale.

Néanmoins, ce n’est que quelque quinze ans plus tard, à partir du début des années 90, que la lutte contre la migration clandestine est devenue une préoccupation multilatérale au niveau européen puis au niveau mondial. Trois éléments fondamentaux expliquent ce retard. L’un d'eux était le fait qu’à partir de 1980 la majorité des migrants irréguliers qui cherchaient à contourner les restrictions en matière d’immigration en Europe occidentale ont eu recours au système de l’asile. Le nombre de demandeurs d’asile en Europe occidentale est passé de 80 000 en 1983 à près de 700 000 en 1993. Environ les deux tiers des demandeurs n’avaient pas besoin de protection et furent donc déboutés. Mais comme le tiers restant avait effectivement besoin de protection et que cette crise affectant les systèmes d’asile nationaux soulevait nécessairement une foule de questions éthiques relatives à l’attachement des Etats aux droits de l’homme et à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, il n’a pas été possible de traiter ce problème comme s’il concernait uniquement la migration irrégulière.

3. Plusieurs instances internationales furent donc créées pour s’occuper de la crise du droit d’asile, notamment les «consultations informelles» qui furent instaurées par la Suède en 1985 et qui devinrent par la suite les CIG (Consultations intergouvernementales sur l’asile, les réfugiés et les politiques migratoires en Europe, en Amérique du Nord et en Australie). Les CIG ont un secrétariat à Genève (dans les locaux de l’OIM et du HCR) et comptent dix-sept Etats participants. Ces dix-sept membres sont les principales autorités occidentales en matière d’immigration. Toutefois, depuis 1993, les CIG traitent également de la lutte contre la migration clandestine et a établi à ce sujet un système spécial confidentiel de notification (TIES). De même, lorsque la CEE (le prédécesseur de l’UE) a lancé ses travaux sur le contrôle de l’immigration et des frontières en 1986 avec le Groupe de travail ad hoc sur l’immigration, elle a placé l’accent sur l’asile, ce qui a abouti, en 1990, à la Convention de Dublin. Mais, depuis les années 90, l’UE traite de la lutte contre la migration irrégulière sous tous ses aspects. Le CAHAR du Conseil de l'Europe ainsi que le Sous-comité sur la protection internationale du HCR se sont occupés eux aussi de la crise de l’asile, laquelle a été résolue au moyen de plusieurs mesures dans tous les Etats concernés y compris des

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modifications des Constitutions française et allemande. Grâce à cela, les chiffres des demandeurs d’asile sont tombés à 250 000 en Europe occidentale en 1996. Autrement dit, c’est seulement au début des années 90, après l’élaboration de mesures visant à résoudre la crise de l’asile, que l’on a pu travailler concrètement à la question générale de la lutte contre la migration irrégulière.

4. Le second élément qui a contribué à placer la lutte contre la migration clandestine parmi les premières préoccupations internationales a été manifestement les changements radicaux à l’Est. En 1989-1990, les Etats de l’ex-Pacte de Varsovie (Bulgarie, Tchécoslovaquie, Hongrie, Pologne et Roumanie), ainsi que l’Albanie, abolirent le contrôle des sorties, la RDA fut réunifiée avec la RFA et, en 1991, la Yougoslavie et l’URSS furent dissoutes. Cela a immédiatement entraîné une forte augmentation des mouvements Est-Ouest et les Etats d’Europe occidentale ont craint une hausse continue de ces flux irréguliers ainsi que des flux de transit à travers l’Europe centrale et orientale de migrants irréguliers en provenance d’Asie et d’Afrique.

5. Et, enfin, le troisième élément est, qu’en 1990, les dirigeants du monde – dans le nouveau contexte politique mondial – réalisèrent que les migrations Sud-Nord étaient en augmentation rapide: une croissance démographique excessive dans le Sud combinée avec la pauvreté exacerberait inévitablement des mouvements irréguliers massifs vers le Nord. D’où la nécessité de travaux soutenus au niveau mondial en vue de combattre les causes profondes de la migration irrégulière, de lutter contre la migration clandestine et les passeurs de migrants et de concevoir un nouvel ordre mondial de la migration. Plusieurs instances furent donc créées au niveau européen et mondial afin de réaliser ces objectifs.

6. Si jusque vers 1985, il n’y avait que cinq instances internationales s’occupant des divers aspects de la migration (OIT, HCR, OIM, OCDE et Conseil de l' Europe) on en compte désormais une cinquantaine. Nombre de ces instances sont spécialisées dans la lutte contre la migration irrégulière tandis que les autres traitent des réfugiés/du droit d’asile ou de la création de systèmes régionaux ou mondiaux afin de mieux faire face aux pressions migratoires grandissantes. La moitié de la cinquantaine d’instances existantes a été créée dans le cadre de l’Union européenne dans le but d’instaurer un espace européen unique avec liberté de circulation à l’intérieur de cet espace et des frontières extérieures communes. Dans les paragraphes ci-dessous, seules les instances multilatérales qui contribuent d’une façon ou d’une autre à la lutte contre la migration clandestine seront citées.

II. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE AU NIVEAU MONDIAL EN VUE DE COMBATTRE LA MIGRATION IRRÉGULIÈRE

7. Comme indiqué ci-dessus, la migration irrégulière est une question complexe, étroitement liée non seulement aux autres formes de migration (migration régulière des travailleurs/experts, membres de la famille, etc., ainsi que protection des réfugiés), mais aussi à d’autres formes de criminalité (trafic de drogues, contrefaçon de documents, corruption, etc.). Au niveau international, la lutte contre la migration irrégulière est menée par une multitude d’instances, dont certaines se concentrent sur la coopération policière et le renseignement, d’autres sur le contrôle aux frontières et le contrôle du trafic aérien, d’autres encore sur la coopération consulaire et quelques autres sur l’harmonisation et l’élaboration de lois, etc. En dehors de la coopération UE/Schengen et du processus de Budapest (voir ci-dessous), il y a peu de grandes instances et de processus primordiaux couvrant tous les aspects concernant la migration clandestine et impliquant une multitude de pays. Au niveau des Nations Unies, les activités destinées à combattre la migration irrégulière d’un point de

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vue général n’ont été introduites que dernièrement.

8. La plus vieille organisation s’occupant des questions liées à la migration clandestine est Interpol, créée en 1923. Grâce à son système de recherche informatique mondial, Interpol assure l’échange des informations au niveau mondial, par l’intermédiaire des bureaux nationaux d’Interpol, sur les délinquants condamnés et suspects y compris ceux impliqués dans la criminalité transfrontière. Etant donné le nombre grandissant de problèmes au niveau mondial concernant le trafic de clandestins et la migration irrégulière, Interpol a sensiblement intensifié ses activités dans ce domaine au cours des dernières années sous la supervision de son «Organized Crime Branch». Un certain nombre de séminaires spécialisés ont été organisés avec des experts d’Interpol et un projet spécial visant à améliorer la coopération est mené avec les «pays de Visegrad», par l’intermédiaire du Bureau de liaison de l’ICMPD de la police des frontières hongroise, en vue d’établir un système spécial des renseignements pour l’Europe centrale et orientale. Un autre projet («Bridge») vise à lutter contre la migration clandestine en provenance de Chine. Interpol et l’ICMPD (voir ci-dessous) ont conclu un accord de coopération en 2000. Récemment, Interpol et Europol (voir ci-après) ont entamé une coopération sur les moyens de combattre la migration irrégulière.

9. Interpol n’est pas une organisation de la famille des Nations Unies mais l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) et l’OMI (Organisation maritime internationale), toutes deux créées en 1944, font partie du système des Nations Unies. L’OACI et l’OMI s’occupent toutes deux des étrangers en situation irrégulière, et de veiller à ce qu’ils ne montent pas à bord d’avions et de navires. L’OACI coopère étroitement avec l’IATA (Association du transport aérien international), par l’intermédiaire d’un groupe de travail spécial instauré il y a des décennies, en ce qui concerne les modalités de mise en œuvre pratique de l’article 6 de la Convention de Chicago relatif aux passagers inadmissibles.

10. Depuis sa création en 1919, l’OIT (Office international du trava il), organe des Nations Unies, traite des travailleurs migrants et de leur protection ainsi que de la migration irrégulière. Toutefois, de même que l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique, qui n’appartient pas à la famille des Nations Unies, avec son Groupe de travail spécial sur la migration), l’OIT se concentre sur l’analyse du phénomène de la migration irrégulière sous l’angle du marché du travail et non pas sur la façon de contenir la migration clandestine en tant que telle par des mesures répressives.

11. L’OIM (Organisation internationale pour les migrations, qui n’appartient pas aux Nations Unies) a été créée en 1951 afin d’organiser le transfert des migrants de l’Europe vers les pays d’outre-mer. Dans les années 90, la liste des membres de l’OIM s’est élargie au monde entier et elle traite de plus en plus des questions actuelles de politiques migratoires, notamment le trafic des migrants. L’OIM lance des campagnes d’information dans de nombreux pays du monde afin de décourager le trafic et se concentre donc sur les mesures permettant d’éviter la traite des femmes et d’assurer leur protection, notamment en Europe du Sud-Est. Toutefois, l’OIM n’est pas chargée d’appliquer la loi en matière de d’immigration et n’a instauré aucune coopération régulière avec la police et les instances de contrôle des frontières au niveau international.

12. En 1997, l’Autriche a lancé une initiative au sein des Nations Unies afin d’engager des travaux sur une convention des Nations Unies visant à sanctionner à l’échelon mondial les délits de passeur de clandestins et de trafiquant. Cette initiative reflétait la prise de

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conscience grandissante dans l’ensemble de l’Europe, ainsi qu’en témoigne le processus de Budapest et au sein de l’Union européenne (voir ci-après), de la nécessité de combattre la migration irrégulière dans le cadre d’un plan d’action mondial. L’initiative autrichienne a abouti en 1998-2000 à la rédaction de deux protocoles devant être annexés à la nouvelle Convention des Nations Unies sur la criminalité organisée transnationale. En effet, une analyse approfondie de la question du trafic/de la traite de clandestins (également effectuée par l’ICMPD dans son examen de 1999 des relations entre la migration irrégulière et la criminalité organisée en étroite consultation avec les Nations Unies), montre que le trafic et la traite des personnes sont deux délits distincts, le trafic visant uniquement à faire franchir clandestinement une frontière à quelqu’un, tandis que la traite peut impliquer un esclavage et une exploitation pendant toute la vie. Les deux protocoles des Nations Unies («Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée» et le «Protocole additionnel à la Convention des nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants») ont été adoptés à la fin de l’an 2000 à Palerme mais ne sont pas encore en vigueur. Tous les pays devront désormais modifier leur législation nationale à l’avenant.

13. Parallèlement à la rédaction des deux protocoles, de concert avec tous les membres des Nations Unies, le Bureau des Nations Unies à Vienne et son Centre international pour la prévention de la criminalité (CICP) a créé deux programmes mondiaux (l’un contre le trafic illicite et l’autre contre la traite) en vue de promouvoir leur mise en œuvre. Bien que les travaux des Nations Unies sur ces questions avancent lentement, avec les deux protocoles et le processus de suivi, un premier cadre mondial pour la lutte contre la migration irrégulière a finalement vu le jour.

III. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE AU NIVEAU EUROPÉEN EN VUE DE COMBATTRE LA MIGRATION IRRÉGULIÈRE

Généralités

14. Comme indiqué ci-dessus, ce n’est qu’au début des années 90 que les pays européens ont engagé des efforts structurés au niveau multilatéral afin d’intensifier les mesures destinées à maîtriser la migration irrégulière. La plupart de ces efforts ont été étroitement liés aux travaux lancés par la CEE/UE en 1986 en vue de créer un marché intérieur avec libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes dans un espace européen contrôlé par des frontières extérieures communes. Cet énorme plan de réforme a été consolidé par les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice, ainsi que par le Sommet de Tampere de 1999 qui s’est concentré sur la justice et les affaires intérieures. Avec l’entrée de trois Etats de l’AELE dans l’Union européenne en 1995 et les candidatures parallèles à l’adhésion à l’Union européenne de dix Etats d’Europe centrale et orientale, cet espace pourrait englober quelque 25 à 27 pays d’ici à peine dix à quinze ans.

Schengen et l’Union européenne

15. Dès 1986, il est clairement apparu que l’abolition des contrôles aux frontières intérieures des Etats européens devrait être remplacée par un système fonctionnant parfaitement pour le contrôle aux frontières extérieures avec des politiques de visa et d’immigration harmonisées, un système de recherche informatisé commun et un nouveau système commun de contrôle intérieur des étrangers, afin d’éviter une augmentation de la migration irrégulière et diverses formes de criminalité internationale organisée. Les Etats

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Schengen (à l’origine le Benelux, la France et l’Allemagne) ont pris l’initiative dès 1985 et ont créé un mécanisme de coopération à cet effet en dehors du système de l’Union européenne. Ce dispositif de coopération a produit des politiques de visa communes, de nouvelles formes de coopération policière, les systèmes d’information Schengen (SIS et SIRENE) et est devenu le pivot des efforts de l’UE afin d’enrayer l’immigration irrégulière. La coopération Schengen a été intégrée à l’Union européenne en 1999 par le traité d’Amsterdam et un total de quinze Etats y participent désormais pleinement (le Royaume-Uni et l’Irlande n’y participent pas, mais l’Islande et la Norvège, Etats non membres de l’UE, ont été autorisés à adhérer à Schengen sur la base de décisions spéciales).

16. Nombre de la centaine de textes législatifs (l’acquis) qui a été promulguée depuis 1990 dans le cadre de la coopération de l’UE en matière de justice et d’affaires intérieures définissent les mesures qui d’une façon ou de l’autre contribuent à la lutte contre la migration clandestine. Dans le cadre de la structure de réunions JAI (Justice et Affaires intérieures), sous la conduite du Conseil des ministres JAI et du Groupe de hauts fonctionnaires CSIFA, les mesures concernant la lutte contre la migration irrégulière sont notamment traitées dans les groupes compétents UE/Schengen (y compris SIS/SIRENE) ainsi que par le Groupe «frontières» et le Groupe «éloignement». En 1993, un groupe de travail spécial cha rgé d’analyser les tendances de la migration clandestine a été instauré, le CIREFI. Ce dernier se réunit trois à quatre fois par an et a lancé il y a quelques années des travaux sur un système d’alerte rapide relatif à la migration irrégulière pour les Etats membres. Les Etats candidats sont invités à assister à certaines réunions du CIREFI et à fournir à ce dernier des données selon les formulaires spéciaux mis au point, mais ils ne reçoivent pas encore d’informations CIREFI confidentielles sur une base réciproque. Certaines des données CIREFI sont transférées à Eurostat (l’organe statistique à la Commission européenne) qui compile les données conjoncturelles dans des rapports annuels. A la Direction générale de la justice et des affaires intérieures de la Commission européenne, qui s’occupe de tous les travaux apparentés au sein de l’Union européenne avec l’Unité pour la justice et les affaires intérieures du Conseil de l’Union européenne, de nombreuses activités sont consacrées aux questions concernant la lutte contre la migration irrégulière.

17. Ainsi, en dehors de la Commission européenne, du Conseil et des groupes relevant du Conseil des ministres JAI, l’UE n’a pas d’organe spécialisé qui s’occupe de l’immigration. Toutefois, Europol, créé par l’Union européenne à la Haye vers 1995 en tant qu’organe ad hoc afin de s’attaquer au trafic de drogues dans la zone de l’Union européenne, a progressivement obtenu un mandat plus étendu. C’est maintenant un organe indépendant au sein de l’UE chargé de renforcer la coopération policière. Europol a pour mandat spécifique de lutter contre le trafic et la traite des migrants, il organise plusieurs réunions par an avec les Etats membres sur cette question et il publie également un rapport confidentiel annuel sur les tendances de la migration clandestine.

Europe du Sud-Est

18. Compte tenu des dimensions particulières de la migration irrégulière, de la traite et du trafic de migrants et de la criminalité organisée en Europe du Sud-Est, plusieurs initiatives spéciales ont été prises ces dernières années en vue de s’attaquer à ces problèmes dans la région. En 1998, l’Allemagne a pris l’initiative de créer un Groupe de travail sur l’Europe du Sud-Est dans le cadre du processus de Budapest. Le groupe a effectué en 1999 des enquêtes sur place de la migration clandestine par la Mer Noire, de l’aéroport de Bucarest et du contrôle des frontières en Bosnie-Herzégovine. En 2000, il a apporté son soutien à l’édification du nouveau service frontalier en Bosnie-Herzégovine et effectué une

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enquête sur l’aéroport de Tirana ainsi que sur la coopération albano-italienne en vue de juguler la migration irrégulière. En 2001, le groupe a mené une enquête sur la Yougoslavie et a réuni les autorités de la police des frontières de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Macédoine et de Yougoslavie en vue de renforcer leur coopération.

19. Depuis sa réunion à Skopje en 2000, à laquelle une vingtaine de pays ont activement participé, le groupe coopère étroitement avec le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est. Ce pacte a été instauré en 1999 afin d’assurer la stabilisation de la région et comprend une trentaine de pays au total dont l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine et la Yougoslavie. Dans le cadre de la Table de travail III du pacte, il existe une Sous-table «Affaires intérieures et Justice». Cette sous-table a établi des groupes de travail contre la criminalité organisée et la corruption, et il existe une Initiative de lutte contre le trafic (voir ci-dessous) ainsi qu’une Initiative «migration et asile» (MAI). Pour cette dernière, une Unité de soutien a récemment été installée à Vienne dans les locaux de l’ICMPD, avec des détachements de fonctionnaires de la Suède, de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’OIM et du HCR. L’ICMPD soutient également le pacte par un réseau pour les autorités de la police des frontières de la région qui doit élaborer des plans de réforme qui seront financés par le programme CARDS de l’Union européenne.

20. Un groupe spécial du Pacte de stabilité chargé de combattre la traite des femmes en Europe du Sud-Est a été instauré par la présidence autrichienne de l’OSCE en 2000. Il a à sa tête un ancien ministre autrichien des Affaires féminines et compte une dizaine de sous-groupes. Une déclaration ministérielle commune a été publiée à Palerme en 2000. Ce groupe est très actif.

21. Par ailleurs, depuis 2000, l’UE a créé des structures spéciales et un groupe de travail chargé de s’attaquer à la migration clandestine à travers l’Europe du Sud-Est. Une déclaration de Sarajevo sur la lutte contre la migration clandestine a été publiée par la Troïka de l’UE au niveau des ministres et des commissaires à l’automne de 2002, et les ministres de l’Intérieur de tous les pays de la région y ont participé. Une coopération étroite est menée entre le Pacte de stabilité, l’UE et l’ICMPD/le processus de Budapest.

22. L’Initiative de coopération pour l’Europe du Sud-Est (SECI) a été créée à l’instigation des Etats-Unis en 1995 afin de favoriser la coopération économique dans la région. Depuis 1999, la SECI, dont le secrétariat est à Vienne, participe de plus en plus à la lutte contre la corruption et la criminalité organisée et, partant, également contre la migration clandestine. Un Centre de la SECI contre la criminalité organisée a été établi à Bucarest avec l’assistance en partie du FBI et en partie des pays de la région.

23. La Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) qui apporte une aide active à l’instauration du service des frontières de la Bosnie-Herzégovine a récemment créé un cercle de coopération entre les ministres de l’Intérieur de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et de Yougoslavie dans le but de combattre la migration irrégulière et une déclaration ministérielle a été publiée en 2001.

24. «L’initiative Blair», prise à la fin de 2000 par le Premier ministre britannique, visait à envoyer des officiers de liaison de la police principalement en Bosnie-Herzégovine et en Croatie afin d’apporter une aide opérationnelle à la lutte contre la migration clandestine. Une dizaine de détachements supplémentaires dans la région ont eu lieu par la suite.

25. En 2000, l’ex-Premier ministre italien a pris l’initiative d’instaurer un Groupe de

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travail sur l’immigration irrégulière dans le cadre de l’Initiative de l’Adriatique et de la mer Ionienne. Le groupe, qui comprend tous les pays de l’Adriatique ainsi que la Turquie, s’est réuni trois fois. L’Italie constitue le lien avec d’autres groupes de travail réunissant plusieurs Etats méditerranéens (y compris la France, l’Espagne et le Maghreb) dans la lutte contre la migration clandestine tels que le «Groupe 4+3» et des sous-groupes relevant du processus de Barcelone.

L’ICMPD, le processus de Budapest et le processus de Siófok (IBPC)

26. Entre les trois entités susmentionnées il exis te une coopération étroite et des synergies communes en matière de lutte contre la migration irrégulière. Il est révélateur que les trois entités traitent de la migration irrégulière sous une perspective globale, en abordant tous ses éléments et dans un cadre paneuropéen. En fait, l’ICMPD à Vienne est le secrétariat du processus de Budapest de lutte contre la migration irrégulière (sous la présidence du ministère hongrois de l’Intérieur) qui fournit une orientation politique au processus de Siófok de la police des frontières européenne (sous la présidence de la police des frontières hongroise) qui est desservi par le Bureau de liaison de l’ICMPD à Budapest.

27. En 1991, le ministre allemand de l’Intérieur a réuni vingt-six de ses collègues européens à Berlin afin d’élaborer un plan d’action contre la migration irrégulière. L’Autriche s’est chargée du suivi par l’intermédiaire d’un certain nombre de groupes de travail traitant de questions très concrètes. Cela a débouché sur la Conférence ministérielle de Budapest de 1993 afin de prévenir la migration clandestine, à laquelle trente-six ministres ont participé. Cette conférence a créé le Groupe de Budapest pour assurer le suivi et l’ICMPD (Centre international pour le développement d’une politique de migration), établi en 1993 à Vienne, en est devenu le secrétariat en 1994. Plus de trente réunions ont eu lieu qui ont abouti à la Conférence ministérielle de Prague de 1997 très constructive. La conférence a adopté cinquante-cinq recommandations concernant l’harmonisation juridique, l’harmonisation des politiques d’entrée et de visa et le retour des étrangers inadmissibles et la réadmission, l’échange d’informations sur la migration clandestine et l’assistance financière. Depuis Prague, le Groupe de Budapest a tenu plus de trente-cinq réunions de travail à Varsovie, Rome, Lisbonne et Sofia qui ont été consacrées à l’harmonisation des visas (sous l’égide de la Slovénie), à l’échange d’informations (sous l’égide de l’Union européenne), à la réadmission (sous l’égide franco-polonaise) et à l’Europe du Sud-Est (voir ci-dessus). Une nouvelle conférence ministérielle est en cours de préparation pour 2002-2003.

28. Le processus de Budapest est unique en son genre étant donné qu’il réunit des fonctionnaires des ministères de l’Intérieur de quarante-trois pays et dix organisations internationales dans une lutte commune contre la migration irrégulière. La synchronisation des activités du groupe avec l’Union européenne est très étroite, ce qui est un de leurs atouts fondamentaux.

29. Le processus de Siófok (IBPC) a été engagé en 1993 en tant qu’initiative des polices des frontières hongroise et allemande (Bavière). Lors de réunions annuelles qui rassemblent maintenant les polices des frontières de quelque trente-cinq Etats, des questions stratégiques concernant la coopération paneuropéenne des polices des frontières sont examinées. Alors que, précédemment, l’IBPC se concentrait beaucoup sur la création d’un système d’échange d’informations pour les polices des frontières d’Europe centrale et orientale qui pourrait se développer en harmonie avec le CIREFI (voir ci-dessus), depuis les réunions annuelles de 2000-2001, les travaux ont pris une nouvelle forme: plusieurs groupes de travail traitent de la

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mise au point de directives pour la police des frontières, de lutte contre la migration, etc. Un secrétariat commun pour l’IBPC a été créé en 2001 par la police des frontières hongroise et l’ICMPD dont le bureau de Budapest se trouve dans l’enceinte de la police des frontières.

30. En l’absence d’une organisation internationale unique pour les questions de gestion des frontières, comme l’OMD (Organisation mondiale des douanes) pour le contrôle douanier, l’IBPC, avec le concours de l’ICMPD, est devenu dans une certaine mesure un centre général pour les questions de gestion des frontières au niveau européen. L’ICMPD publie annuellement des statistiques des polices des frontières sur la migration irrégulière en Europe centrale et orientale et fournit une étude des systèmes de gestion des frontières dans quelque vingt-cinq Etats européens dont les Etats de l’Union européenne.

IV. OBSERVATIONS FINALES

31. Le mécanisme de coopération en vue de combattre la migration irrégulière en Europe est désormais très complexe. Outre les grandes instances multilatérales mentionnées ci-dessus, il y a une foule de groupes bilatéraux et sous-régionaux qui s’occupent de la migration irrégulière au niveau technique et opérationnel. Tout ce réseau de coopération reflète la préoccupation des hommes politiques européens de voir peut-être 500 000 étrangers immigrer chaque année dans la zone de l’Union européenne et le chiffre total des arrestations à l’ensemble des frontières européennes atteindre les 250 000. Ce n’est que grâce à une coopération très étroite entre les divers organismes internationaux concernés que l’on pourra s’attaquer à la question de la migration irrégulière vers l’Europe.

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SESSION 3 : STRATÉGIE DE GESTION DES MIGRATIONS

LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION ENTRE LES PAYS D’ORIGINE ET LES PAYS DE DESTINATION : QUELLES MESURES CONCRÈTES PRENDRE ?

Mme Samia CHOUBA,

Directeur du Bureau de la Coopération Internationale et des Relations Extérieures, Ministère des Affaires Sociales, Tunis

L’émigration tunisienne est relativement récente. Elle a débuté vers les années 60 par la conclusion d’accords de main d’œuvre avec la France d’abord, puis avec la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne suite à une forte demande en main d ‘œuvre de ces pays et dans un contexte économique favorable. Cette vague a continué jusque vers les années 70, date à laquelle les pays européens ont décidé de manière unilatérale d’arrêter l’émigration de travail. L’émigration tunisienne a continué vers l’Italie étant donné que ce pays a été l’un des derniers pays européens à ne pas imposer le visa. - La communauté tunisienne résidant légalement à l’Etranger représente en 2000 un total de 698.000 personnes dont 85 % dans les pays européens et 62 % en France.

Et partant du principe que les tunisiens à l’Etranger sont considérés comme partie intégrante de la communauté nationale, la Tunisie a œuvré en concertation avec les pays d’accueil à la préservation de leurs droits et à l’amélioration constante de leurs conditions de vie et de séjour et cela partant de la conviction que l’immigration est un phénomène de société et de civilisation où se conjuguent les aspects économiques, humains, culturels et sociaux. - La Tunisie a œuvré pour établir un dialogue régulier entre les deux rives de la Méditerranée à l’effet de concevoir des programmes et des actions communes susceptibles de resserrer les liens entre les deux groupements. L’accord d’association conclu avec l’Union Européenne en 1995 comporte outre les volets économiques et politiques, un volet social qui prévoit l’instauration d’un dialogue social à intervalles réguliers et vise à rechercher les voies et conditions des progrès à réaliser pour la circulation des travailleurs, l’égalité de traitement et l’intégration sociale des ressortissants tunisiens et communautaires résidant légalement sur les territoires des états hôtes. Ce dialogue porte également sur :

• les conditions de vie et de travail des communautés migrantes • les migrations • l’immigration clandestine et les conditions de retour des personnes en situation

irrégulière.

Le volet social de l’accord d’association prévoit également un large éventail d’actions de coopération dans le domaine social telles que : - la réduction de la pression migratoire notamment à travers la création d’emplois et le développement de la formation dans les zones prioritaires - l’amélioration des conditions de vie dans les zones défavorisées à forte concentration de population.

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L’adoption d’une politique de co-développement et de partenariat permettrait

d’atténuer la pression migratoire et devrait privilégier certaines actions et promotion de l’emploi dans les régions à forte propension migratoire à travers le développement de la petite entreprise.

L’amélioration des conditions de vie est un facteur de stabilisation des candidats dans leurs régions d’origine. Je m’explique : - l’émigration étant aussi motivée par la recherche de meilleures conditions de vie et de bien-être social, l’amélioration des conditions de vies en particulier dans les régions rurales serait un facteur de stabilisation des personnes qui désireraient partir - la promotion de la formation professionnelle comme facteur d’insertion des jeunes dans la vie active. - la mise en œuvre d’un fonds de réinsertion économique et sociale des personnes rapatriées en raison du caractère illégal de leur situation au regard de la législation de l’état considéré.

Par ailleurs, dans le cadre de la gestion des flux migratoires, la Tunisie a conclu un accord de main d ‘œuvre avec l’Italie basé sur le système de quotas. En effet, la législation italienne prévoit le nombre de travailleurs étrangers non communautaires autorisés à entrer annuellement dans le pays et cela compte-tenu des besoins en main d’œuvre. Des négociations sont également en cours avec l’Espagne afin de conclure un accord similaire.

Enfin du côté multilatéral, la Tunisie a adhéré en 1999 à l’Organisation Internationale pour la Migration et a conclu un accord de coopération avec cette organisation qui a permis l’ouverture d’une représentation de l’O.I.M. à Tunis au mois de février de cette année et l’organisation de séminaires régionaux en Tunisie.

Actuellement la Tunisie et l’O.I.M. envisagent d’organiser en 2002 une conférence multilatérale sur le dialogue et la consultation régionale en matière de migration entre les pays de la Méditerranée occidentale.

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SESSION DE CLÔTURE

M. Miguel Angel MARTINEZ, Président du Conseil exécutif du Centre Nord-Sud

C'est une grande satisfaction pour le Centre Nord-Sud d'avoir été associé à la préparation et à l'organisation de la présente conférence, grâce principalement aux travaux de notre collaboratrice Fifi Benaboud. A ce propos, je suis heureux de féliciter le Conseil de l'Europe et Mme Gabriela Battaini-Dragoni de l'excellente organisation et du succès d'une manifestation aussi importante.

Notre Centre est également très honoré d'avoir été invité à présider cette séance de clôture. Je saisirai donc tout d'abord cette occasion de confirmer qu'en tant qu'instrument du Conseil de l'Europe particulièrement approprié, le Centre Nord-Sud est tout à fait prêt à apporter son concours sur des questions et pour des initiatives qui répondent précisément aux préoccupations qui nous ont conduit à l'organisation de la présente conférence.

Notre Centre est particulièrement adapté du fait de sa souplesse de fonctionnement et de ses propres structures qui rassemblent des représentants des gouvernements de nos Etats membres, des parlementaires issus du Parlement européen comme de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, des responsables de nos autorités locales et régionales et des délégués d'associations, c'est-à-dire de la société civile.

En tant qu'organe agissant sur la base d'un tel quadrilogue, nous constituons un forum tout indiqué pour le dialogue politique entre les sociétés du Nord et celles du Sud, en gardant, en outre, à l'esprit que la région méditerranéenne a été définie comme une zone de priorité stratégique pour les activités de notre Centre.

On peut dire que le Centre Nord-Sud a désormais acquis une solide expérience grâce au Programme Transmed mis en œuvre depuis 1994. Nous avons ainsi établi un réseau important de contacts, mais plus encore, un réseau de confiance, englobant des personnes de tous les pays méditerranéens. La demande d'adhésion à titre de membre à part entière que le Maroc a récemment adressée à notre Centre est, du reste, une bonne preuve de ce que j'avance.

C'est pourquoi je vous invite tous, et plus particulièrement le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, à recourir le plus possible à cet instrument qu'est le Centre Nord-Sud. Permettez-moi de vous inciter à la prudence en attirant votre attention sur un point: s'il vous plaît, n'achetez pas un nouveau car chaque fois que l'un d'entre vous a la bonne idée de vouloir partir en voyage. Avant d'acheter un nouveau car, venez faire un tour dans notre garage; vous trouverez probablement d'excellents cars qui attendent que vous les mettiez en service pour réaliser votre projet. Il vous faudra, bien sûr, acheter l'essence nécessaire, mais ce sera certainement moins cher que d'acheter un nouveau car ainsi que l'essence pour le faire rouler.

J'estime donc sincèrement que notre Centre Nord-Sud peut être un très bon car pour s'engager dans la voie d'un certain nombre d'initiatives et mener à bien divers programmes dans le domaine précis qui nous a occupé tout au long de cette intéressante conférence.

Cela dit, je voudrais vous faire part de deux observations à caractère plus général. La

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première est plutôt une information qui montre aussi que ces questions sont actuellement une priorité absolue dans le programme d'action de l'Union européenne, et il en sera probablement ainsi dans les années à venir.

En ma qualité de membre du Parlement européen, je peux aussi vous dire qu'il y a deux jours, mardi dernier, il y a eu, au sein de notre Assemblée, deux débats dont les sujets sont au cœur même de notre conférence. Nous avons, en fait, examiné deux déclarations élaborées par la Commission européenne: la première porte sur le droit d'asile, les réfugiés et les mesures nécessaires pour harmoniser les règles et les procédures visant à accorder le statut adéquat aux demandeurs d'asile dans l'ensemble des 15 Etats membres de l'Union. L'autre déclaration porte sur la nécessité urgente d'élaborer des politiques européennes communes sur la question des migrations. A ce propos, l'un des résultats positifs de ce deuxième débat, c'est que pratiquement tous les parlementaires ont insisté sur le fait qu'il fallait faire une nette distinction entre migration et terrorisme, cette dernière question étant aussi, bien sûr, à l'ordre du jour des travaux actuels du Parlement.

Je n'ai pas le temps, ici et maintenant, de commenter les deux déclarations mentionnées et publiées par la Commission européenne grâce aux efforts et sous l'impulsion du Commissaire Antonio Vitorino. Mais vous serez certainement intéressés d'apprendre que les deux documents anticipent sur des décisions que le Conseil européen prendra; le plus tôt sera le mieux. Je pense que les résolutions que le Parlement aura votées hier influeront aussi sur les décisions que le Conseil devra donc approuver, sur les politiques migratoires comme sur les questions d'asile. Du reste, je peux, si vous le souhaitez, vous faire parvenir, à tous, les déclarations de la Commission et les résolutions du Parlement, mais vous savez probablement comment les obtenir directement, via l'Internet, par exemple.

Ma deuxième observation exprime une préoccupation assez sérieuse qui me conduit tout droit à affirmer que le Conseil de l'Europe doit, de toute urgence, réaffirmer avec force son rôle de gardien d'un certain nombre de valeurs qui sont, à mon sens, les principales caractéristiques identitaires de l'Europe en construction.

Ce souci m'est inspiré directement par l'un des concepts figurant dans le titre de notre conférence: «La dignité des migrants»; il faut, bien sûr, lutter pour la dignité de tous les migrants, des réguliers comme des moins réguliers. J'estime qu'il est de plus en plus nécessaire que nous aussi réfléchissions sérieusement à notre propre dignité; à la dignité de l'Europe qui est en construction; à la dignité de la société occidentale; et à la dignité de la civilisation occidentale dans son ensemble.

Je veux parler d'une dignité qui peut se mesurer notamment au respect dont nous faisons preuve vis-à-vis de la dignité de ceux qui viennent vivre parmi nous.

En tant que membre de cette société, je dois, du reste, confesser que j'ai été profondément choqué par deux événements tout à fait significatifs que nous avons tous suivis ces derniers jours ou semaines. D'une part, nous avons entendu un éminent dirigeant occidental oser affirmer la supériorité et la suprématie de la culture occidentale et même notre droit, presque notre devoir, de l'imposer aux autres peuples. D'autre part, face à la présence d'un navire transportant plusieurs centaines de demandeurs d'asile, un autre éminent dirigeant, exerçant ses fonctions dans un pays géographiquement assez éloigné de l'Europe, mais n'en restant pas moins un important partenaire de l'Occident, a estimé que la meilleure solution consistait à envoyer sur place ses forces navales, à proférer des menaces et à expulser le navire hors de ses eaux territoriales avec une agressivité caractérisée…

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Mes amis, conscient du fait que ces deux voix sont perçues comme des composantes de la voix collective du monde occidental, j'affirme avec la plus grande énergie que le Conseil de l'Europe doit s'engager plus fortement, trouver un second souffle, pour contrer les partisans du pragmatisme qui considèrent que le Conseil est en perte de vitesse, qu'il est sur son déclin, qu'en somme, il a vécu.

Et pourtant qui, sinon le Conseil, soulignera, de manière tout à fait opportune, le caractère fondamental des valeurs qui sont, nous le proclamons depuis des décennies, notre raison d'être; je veux parler de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme, de la justice sociale, de la solidarité et de la primauté de l'Etat de droit.

Nous avons toujours présenté ces valeurs comme universelles – ne nous appartenant pas en propre – et, par conséquent, susceptibles d'être partagées avec d'autres. Ces valeurs sont également fondamentales et déterminantes s'agissant de lutter contre l'ignorance et l'arrogance de ceux qui affirment la suprématie et la supériorité de certaines cultures et religions sur d'autres cultures et religions; s'agissant de lutter contre les Talibans, nos Talibans, ceux de l'Ouest; et de lutter ainsi contre les Talibans d'autres régions, cultures ou religions.

Les valeurs dont je parle sont celles que nous devons fortement préserver et même relancer, afin de combattre, dans toute l'Europe, le phénomène croissant du racisme et de la xénophobie. Ce sont les valeurs qui permettront à l'Europe de prendre des mesures sérieuses en faveur d'un ordre mondial plus démocratique et plus solidaire; cela revient essentiellement à agir pour assurer la démocratisation et une gestion avisée de la mondialisation, afin d'en faire un instrument de paix, de stabilité, de justice et de progrès social. Dans ce domaine aussi, face à son incontournable responsabilité, le Conseil de l'Europe dispose à travers notre Centre Nord-Sud d'un instrument approprié; nous sommes? en effet, disposés et prêts à servir.

Permettez-moi de conclure en rendant hommage à nos hôtes grecs, en les remerciant pour le soutien marqué qu'ils accordent à notre Centre depuis de nombreuses années. Je suis heureux de rappeler ici que c'est à Rhodes, en étroite coopération avec les autorités grecques, que notre Centre a organisé les premiers contacts et dialogues entre les dirigeants palestiniens et israéliens, avec d'autres représentants des pays européens et de différents pays arabes. Ce fut une très importante contribution qui a ouvert la voie au processus de paix au Proche-Orient, et nous avons joué un rôle notable au moment où ce conflit, comme aujourd'hui, se trouvait dans une phase tendue et difficile.

J'espère réellement que la Grèce s'efforcera à nouveau de prendre en main une question au règlement de laquelle le Centre Nord-Sud apportera, je l'assure, sa pleine coopération. Je pense à un certain nombre d'initiatives liées à des thèmes spécifiques que nous avons traités au cours de cette conférence. Je suis sûr qu'il y a beaucoup à faire pour promouvoir la dignité des migrants, la dignité de l'Europe et la dignité d'un monde dans lequel enfin il fera bon vivre.

Merci de votre attention; je voudrais, à présent, donner la parole au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, M. Walter Schwimmer, qui va vous présenter les remarques de conclusion de cette conférence.

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Déclaration de clôture

M. Jonas WIDGREN, Directeur Général, ICMPD

M. le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. le Président Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de la confiance que vous m’avez témoignée en me confiant ce rôle de co-rapporteur, en cette phase ultime de notre Conférence. Nous avons décidé de partager la tâche entre deux co-rapporteurs : pour ma part, je vous exposerai quelques impressions générales sur les débats de ces deux journées ; mon collègue grec, M. Christos Dimitriou, ancien vice-président du CDMG du Conseil de l’Europe et actuellement Directeur du Secrétariat général des Grecs à l’étranger, nous fera part, quant à lui, de ses réflexions sur la Conférence du point de vue du pays hôte.

Les personnes invitées à cette Conférence ont particulièrement bien accueilli cette initiative, et ce pour trois raisons. Premièrement, ces dernières années, trop peu d’efforts ont été faits au plan multilatéral pour réunir les pays méditerranéens en vue d’entamer, sur un pied d’égalité, un dialogue structuré dans une approche globale du problème et des causes des migrations irrégulières dans tout le bassin de la Méditerranée. Deuxièmement, on a négligé le point d’équilibre qu’il s’agit de trouver entre, d’une part, les droits de l’homme et la dignité des migrants irréguliers et, d’autre part, la souveraineté de l’Etat en matière de contrôle des frontières et son droit à lutter contre les migrations clandestines et la criminalité transfrontalière qui est leur corollaire. Or, le Conseil de l’Europe est naturellement très bien placé pour faire coïncider ces deux ensembles de droits dans une Conférence telle que celle qui nous rassemble. Troisièmement, la Grèce, pays hôte, est elle-même un cas particulièrement intéressant : il y a à peine vingt ans, ce pays connaissait une forte émigration alors qu’aujourd’hui, en raison de sa situation géopolitique, elle est confrontée à un afflux croissant de migrants irréguliers en provenance non seulement des pays limitrophes mais aussi de pays lointains.

Les discours d’introduction de Mme la Ministre Vasso Papandreou, responsable notamment de la législation sur les immigrés, et du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Walter Schwimmer, ont été très utiles, nous en conviendrons tous, pour dresser le cadre général des questions à aborder. Mme Papandreou a fait le lien entre les migrations irrégulières, qui deviennent un problème politique de plus en plus important de par leur dimension planétaire, et la mondialisation en général. Elle a aussi insisté sur la nécessité de mettre en place des partenariats avec les pays d’origine afin de renforcer le développement humain, social et économique et la bonne gouvernance, de garantir la continuité des investissements privés dans la création d’emplois, et de libéraliser le commerce. Ainsi, les pays d’origine devraient pouvoir vendre plus facilement leurs produits sur le marché mondial et poursuivre l’allègement de leur dette. Le Secrétaire Général, quant à lui, a lancé un avertissement aux pays industrialisés qui, s’ils persistent à limiter à la fois l’immigration et l’aide au développement, finiront par se heurter, sur le plan interne, à une aggravation des problèmes liés à l’immigration. Il a aussi alerté ces pays sur le risque d’une recrudescence de la xénophobie après les attentats du 11 septembre. Pour finir, il a évoqué le rapport sur la stratégie de gestion des migrations, mise au point par le Conseil de l’Europe, et dont cette Conférence est d’ailleurs considérée comme le suivi.

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En fait, avec M. de Lary et le Professeur Salt, tous deux présents, et d’autres experts,

j’ai eu l’honneur de faire partie de l’équipe qui a élaboré ce rapport et d’être le rapporteur général de cette grande Conférence qui a débattu des recommandations exposées dans ce document. Il va sans dire que cette stratégie de gestion des migrations, avec ses quatre piliers (ordre, prévention, intégration et coopération) forme le socle de notre activité dans le cadre de cette Conférence et offre une structure pour la régulation des flux actuellement anarchiques.

D’autres stratégies évoquées dans des déclarations faites en ces lieux défendent une approche globale de la question qui nous occupe. Citons notamment l’ambitieux programme de travail sur l’immigration et l’asile, qui doit être mis en oeuvre par les Etats membres de l’Union européenne d’ici mai 2004, conformément au Traité de Maastricht, que sont venues renforcer les conclusions du Sommet de l’Union de Tammersfors/Tampere en 1999.

Rappelons en outre la communication de la Commission sur une politique active d’immigration de novembre dernier, présentée par le Commissaire Vitorino, et la communication de suivi de cet été sur la mise en place du cadre de planification d’une politique communautaire de l’immigration, fondée sur des plans d’action nationaux annuels qui doivent être présentés par les 15 Etats membres. Vous n’ignorez pas que, dans moins de quatre semaines, les initiatives de la Commission doivent être débattues lors d’une grande Conférence ministérielle à Bruxelles qui rassemblera, dans un esprit de partenariat, les 15 membres de l’Union ainsi que les pays candidats à l’adhésion et ceux du Maghreb. Il est à espérer que les indispensables mesures de contrôle prises récemment pour renforcer la lutte contre le terrorisme par le Conseil de la Justice et des Affaires intérieures il y a deux semaines, n’éclipseront pas les buts que s’est fixé la Conférence ministérielle de Bruxelles, à savoir un accord sur le cadre d’une politique européenne d’immigration à long terme.

A tout cela, ajoutons le HLWG, Groupe supérieur de travail sur les migrations et le droit d’asile, mis en place par l’Union européenne à l’initiative du Premier Ministre néerlandais en 1997, qui a pour mission d’élaborer des plans d’action globaux pour certains pays d’origine, afin de garantir le développement, le partenariat, la réforme juridique et la coopération en matière de politique d’immigration et, ainsi, de mettre de l’ordre dans les mouvements migratoires. Le dialogue et l’action visent particulièrement deux des pays représentés ici, l’Albanie et le Maroc ; des fonds seront d’ailleurs bientôt dégagés pour une première phase de mise en œuvre.

Enfin, le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-est, qui est d’une grande importance pour la Grèce et ses voisins septentrionaux, et qui s’occupe des mouvements des migrants et des réfugiés et de leurs causes, dans le cadre de ses trois Tables de travail. La Sous-table « Justice et Affaires intérieures » a mis en place un programme d’envergure pour une action globale sur quatre ans consacrée à la lutte contre l’immigration clandestine et le trafic, et à la défense de l’asile par le biais de l’Initiative du Pacte de stabilité en matière de migrations et d’asile qui bénéficie des efforts conjoints du HCR, de l’OIM, de l’ICMPD et des organisations présentent sur le terrain. Nous sommes fiers d’accueillir à Vienne l’Unité de soutien de cette Initiative.

Mesdames et Messieurs,

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La situation a donc beaucoup changé. Il y a cinq ans, nous n’avions pas d’approche globale, multilatérale et européenne des questions débattues lors de cette Conférence. Or, sur le plan mondial, des progrès considérable ont été accomplis. Pour n’en citer que quelques uns : les Protocoles de Palerme et les plans d’action du CICP contre le trafic et les activités des passeurs. Les gouvernements devront travailler ensemble d’arrache-pied pour mettre en œuvre et développer cette approche politique globale et équilibrée. C’est, me semble-t-il, l’une des principales conclusions auxquelles vous êtes parvenus.

Hier, nous avons entendu les exposés très modérés d’universitaires comme le Professeur Salt et le Docteur Fargues. Selon le premier, les migrants ne représentent que 2,5 pour cent de la population mondiale, c’est-à-dire que, dans leur très grande majorité, les gens restent et veulent rester chez eux. Il a ajouté que l’immigration en Europe reste statistiquement modeste et que, grosso modo, les flux en direction de l’Europe occidentale ne s’élèvent qu’à 600.00 à 700.000 personnes par an. Le message du Dr Fargues était, lui aussi, modéré : il a démontré que des mutations démographiques radicales sont en cours en Afrique du Nord et dans d’autres pays en développement actuellement touchés par l’émigration. Apparemment, les taux de fécondité chuteraient de 6 à 2 pour cent dans plusieurs de ces pays. La Tunisie et Marseille ont aujourd’hui des taux de fécondité équivalents. Ces données démographiques sont sans conteste d’une importance capitale, non seulement du point de vue de l’élaboration des politiques d’immigration mais aussi de celui de la lutte contre les préjugés. M. Garçon de l’OCDE nous a aussi aidé à ancrer le débat dans la réalité en décrivant et en analysant les particularités du marché du travail moderne qui incite à contourner les normes du travail et la législation sur les étrangers.

Une série de débats de groupes ont aussi porté sur les migrations irrégulières ; ils nous ont aidé à comprendre la spécificité de la situation grecque et nous ont éclairés sur la grande question de la dignité et des droits des migrants irréguliers. Cet après-midi, nous avons abordé la gestion des migrations anarchiques et des moyens de les transformer en flux régulés, pour le plus grand bénéfice de tous, dans un dialogue confiant entre toutes les parties concernées. Il m’est venu à l’esprit le mot d’un Américain : l’immigration doit passer par la grande porte d’une nation et non par la porte arrière de l’immigration clandestine. C’est là le but de notre action.

Chers participants, Nous entendrons bientôt le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe nous exposer

sa vision de la contribution que son organisation entend apporter pour faire évoluer les choses et les actions concrètes qu’elle pourrait entreprendre.

Mais auparavant, et avant de passer la parole à mon co-rapporteur et ami, permettez-moi, Monsieur le Président, de faire quelques observations sur trois des questions débattues.

Premièrement : quel est le point d’équilibre entre les droits des immigrés clandestins et la souveraineté des Etats en matière de contrôle de l’immigration ? Deuxièmement, est- il bon de prévoir des programmes d’amnistie ou de régularisation des immigrés irréguliers ? Troisièmement, est c’est le point le plus important, comment créer des structures durables de partenariat et de dialogue de part et d’autres de la Méditerranée pour venir à bout des problèmes communs d’immigration et de développement.

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S’agissant de la première question, je ne suis pas sûr que mes idées sur la la dignité des immigrés coïncident parfaitement avec celles de l’ensemble des participants à la Conférence, mais je me dois de lancer un avertissement. A l’instar de la déclaration du représentant de la Commission des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et d’autres représentants du groupe de la matinée, le document du Secrétariat analyse à la perfection les droits des immigrés clandestins dans la perspective du droit international. Bien évidemment, il sied à une organisation telle que le Conseil de l’Europe d’insister sur la dignité humaine de tous les migrants, indépendamment de leur statut juridique. Et bien évidemment, avec l’introduction de contrôles efficaces aux frontières extérieures de l’Union européenne, un arsenal de nouvelles mesures indispensables sera mis en place, qui devront être accompagnées par de non moins indispensables nouvelles garanties concernant le droit d’asile et les traitements humains en cas de rétention, d’expulsion et de réadmission des migrants.

Mais laisser déraper le langage juridique dans le sens des droits de tous les immigrés sans prendre en considération d’éventuelles différences de statut, comme on peut le voir dans certains documents de séance et déclarations, par exemple dans les conclusions de la récente Conférence des Nations Unies contre la discrimination à Durban, peut être contre-productif eu égard aux objectifs que nous défendons: la régulation des migrations et le respect de la dignité humaine, la diminution de la liberté d’action et des profits des trafiquants d’êtres humains, et la création d’un grand espace paneuropéen de circulation avec des frontières extérieures communes, bien plus vaste que celui qui existe actuellement. Il faudra toujours des frontières extérieures. Que se passerait- il si la Turquie, pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, qui s’est récemment engagée (en principe) à respecter le système de contrôle de Schengen, y renonçait dans l’intérêt de la libre circulation de ses instables voisins de l’Est et du Sud ? Une situation inimaginable !

Pour ceux d’entre nous qui ont passé, dans les années 70, d’interminables nuits au Conseil de l’Europe à négocier la bien mal appliquée Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant et, dans les années 80, à négocier la Convention équivalente des Nations Unies, l’effacement de la distinction entre les étrangers en situation régulière et les clandestins est une franche invitation lancée aux passeurs et aux trafiquants à faire de leurs activités immondes la première source de revenus de la criminalité organisée à la place de la drogue. De plus, l’effacement de cette importante distinction juridique détruirait efficacement l’édification d’un grand espace de circulation unifié et pan-européen. Je pense que vous êtes nombreux à partager cette opinion.

Cela m’amène à ma deuxième observation, qui sera très brève, sur la régularisation. Le fait que, depuis 1970, le nombre de régularisations concerne au total 1,8 million de personnes en Europe occidentale, est moins un signe de réussite que d’échec, en l’absence de moyens de régulation des flux et d’instruments de contrôle adaptés. Je me dois vraiment de le signaler aux Etats candidats à l’adhésion à l’Union européenne qui comptent une population étrangère en augmentation constante et qui ont accueilli cette année 50.000 demandeurs d’asile. Disons aux candidats à l’EU que la régularisation est une solution ponctuelle et qu’elle ne doit pas entrer dans une politique d’immigration régulière. Le même signal doit être adressé avec force aux passeurs de clandestins. Je sais que vous êtes nombreux à me rejoindre sur ce point.

Enfin, en troisième lieu, il est nécessaire d’établir une collaboration et un dialogue entre les pays d’origine et les pays d’accueil, et de mettre en place des structures de co-

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développement multilatérales durables n’incluant pas seulement les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’OSCE mais aussi tous les pays riverains de la Méditerranée. Le processus méditerranéen de l’Union européenne n’est pas encore arrivé à la nécessaire fusion entre les politiques sociales, économiques, de sécurité et de migration avec ses partenaires du Sud. De nouvelles initiatives sont indispensables, comme nous l’avons souligné cet après-midi, pour tisser un dialogue étroit et global de part et d’autre de la Méditerranée, et notamment avec les pays du Maghreb, à la fois sur le court et le long termes, afin de résoudre les problèmes communs en matière de migrations. Nous espérons tous, et je parle ici au nom de tous les participants, que ce message sera défendu par le Secrétaire Général auprès du Comité des Ministres et de l’Assemblée parlementaire.

J’espère ne pas avoir déformé les impressions que vous a laissées cette Conférence très constructive, et que ce rapport succinct aidera à faire avancer les choses dans l’intérêt de tous.

Je vous remercie.

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Conclusions de la conférence introduisant le discours de clôture

M. W. SCHWIMMER,

Secrétaire Général du Conseil de l’Europe I. Élaboration de politiques Mise en oeuvre de la stratégie de gestion des migrations

Le Comité d'experts sur la mise en œuvre de la gestion des flux migratoires a élaboré une stratégie aux fins d’une gestion ordonnée de ces flux qui met l'accent sur la coopération avec tous les acteurs, y compris les pays d'origine. Il convient maintenant d’appliquer cette stratégie . À cette fin, la coopération avec les pays d'origine est essentielle. Les pays des rives sud de la Méditerranée seront étroitement associés aux travaux du comité. Dimension démographique

Des données sur les migrations internationales couvrant les aspects juridiques et sociologiques seront réunies presque exclusivement dans les pays d'accueil. Il est toutefois impossible de bien comprendre le phénomène sans réunir des informations de ce type dans les pays d'origine. La coopération aux fins de la collecte de données dans les pays d'origine et les pays d'accueil est donc essentielle. II. Dialogue politique

a) Nécessité d'un dialogue plus large et plus souple. Le Centre Nord-Sud de Lisbonne a, dans le cadre de son programme, poursuivi ce dialogue. Il conviendrait maintenant de faire le bilan de ces sept années de coopération afin de savoir quels programmes et initiatives devront être développés pour renforcer cette coopération.

b) Observatoire chargé de surveiller les implications sociales et démographiques des flux migratoires. Cet observatoire pourrait être créé sous la direction de la Grèce.

III. Élaboration de projets

Réseau de villes pilotes. Je propose de créer un réseau de villes d'accueil pour étudier l'incidence de la législation et de la pratique novatrices en ce qui concerne la régularisation et l'intégration des migrants irréguliers. Ce réseau devrait être créé en étroite coopération avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. IV. Promotion de la ratification de trois instruments juridiques du Conseil de

l'Europe - la Convention relative au statut juridique du travailleur migrant - la Convention de sécurité sociale - la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique locale

La promotion des textes juridiques susmentionnés sera assurée en collaboration avec l'Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.

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Conclusions

M. G. PAPANDREOU, Ministre grec des Affaires étrangères

La Grèce fait partie de ces nouveaux pays de destination pour les flux migratoires. La plupart des étrangers qui migrent vers la Grèce sont originaires des pays de la péninsule balkanique, du Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est et de certains pays d’Afrique et d’Asie. Ils constituent un ensemble de peuples présentant une grande diversité d’origines, de cultures, de croyances religieuses et d’expériences sociales. Il est certain que les principales causes de la migration de masse – inégalités socio-économiques et démographiques, instabilité politique, conflits de toutes sortes, manque d’infrastructures en matière de santé et de sécurité sociale, violation des droits de l’homme dans certains pays – ne sont pas près d’être éradiquées dans un avenir proche. L’expérience de la Grèce à ce jour démontre que la présence massive d’immigrés dans notre pays a entraîné un certain nombre de changements importants dans tous les secteurs d’activité sans aucune exception. Il est évidemment très difficile d’établir un bilan des « profits et pertes » concernant un phénomène aussi complexe que celui de l’immigration, mais grosso modo, nous pouvons distinguer : - les effets « positifs », parmi lesquels la contribution substantielle des étrangers à la

stimulation de l’économie agricole et à la pérennisation de petites entreprises et d’entreprises à faible viabilité. Il convient d’y ajouter l’accroissement de la population dans certaines régions et le ralentissement du vieillissement démographique ;

- les effets « négatifs », qui incluent notamment la tension exercée sur l’infrastructure

sociale et la substitution des immigrés aux autochtones dans certains emplois. Il est indéniable que l’Etat Grec en soi et la société grecque en général n’étaient pas

préparés à faire face à un tel phénomène, sans précédent dans notre pays traditionnellement exportateur de migrants jusqu’à une époque récente.

Le Gouvernement grec a tenté de réguler la situation par des réponses législatives en

1991, 1997, et cette année encore (L. 2910 / 2001). Ces initiatives ont été couronnées de succès.

Tout d’abord, il a été accordé en 1997 plus de 230 000 « cartes vertes », et plus de

352 000 personnes en situation irrégulière en Grèce ont à ce jour rempli un dossier de demande de régularisation de leur statut.

Cependant, tant que les conditions objectives resteront inchangées dans les pays

d’origine, il est utopique de penser que des mesures de répression prises par un pays ou par un groupe de pays pourraient endiguer ou simplement réduire la migration irrégulière, aussi strictes et moralement acceptables que soient ces mesures.

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Cela ne signifie pas que les pays qui sont en première ligne face à ce phénomène doivent renoncer à coopérer à l’éradication des réseaux de passage irrégulier des frontières.

Cette action doit être menée dans le respect des droits de l’homme et du droit

inaliénable de chaque état souverain à décider des méthodes à mettre en œuvre. Nous devons orienter nos efforts vers un maîtrise du phénomène, en nous attaquant à

l’immigration irrégulière, en éradiquant les réseaux de trafic organisé grâce à une coopération accrue entre les autorités des pays d’origine, de transit et de destination finale des immigrés clandestins, à la prise d’initiatives conjointes et à l’échange d’informations et d’expériences de façon bilatérale et surtout multilatérale.

Dans le même temps, tout effort d’intégration des immigrés doit tenir compte des

divers impératifs de cohésion sociale et de maintien d’un climat de sécurité. La lutte pour le respect des droits de l’homme doit s’accompagner de la création d’un

cadre d’obligations applicables à ces étrangers et de la mise en œuvre de politiques de rapatriement volontaire.

Enfin, le contrôle des flux migratoires, sous la forme d’une mise à jour interactive des

conditions et des besoins réels des pays d’origine, a un rôle primordial à jouer dans la répression de la migration irrégulière.

Durant le déroulement de cette Conférence, un débat s’est fait jour au sein du Conseil

de l’Europe pour savoir si la Grèce – grâce à ses liens traditionnels et historiques avec les pays du Sud de la Méditerranée, et en particulier avec les pays arabophones et ceux qui ne font pas partie du Conseil de l’Europe – ne pourrait pas contribuer à renforcer les relations entre le Conseil de l’Europe et ces pays, particulièrement après les événements récents, et plus spécialement dans le domaine de la culture (programmes et échanges au niveau éducatif et autres), et si nécessaire, grâce à la création d’un organisme pour la promotion de la compréhension mutuelle et de la coopération.

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ANNEXE I

Programme

2 octobre 2001, 21.00 heures Enregistrement des participants

3 octobre 2001

Session d’ouverture Président : M. Demetri Dollis, Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger.

9.30-10.30 Mme V. Papandreou, Ministre de l’Intérieur, de l’Administration publique

et de la Décentralisation, M. Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Mr G. Niotis, Ministre Délégué des Affaires Etrangères, M. l’Ambassadeur A. Kiliç, représentant le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, M. Claude Casagrande, Vice-Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe M. T. Iwinski, Président de la Commission des Migrations, des Réfugiés et de la Démographie de l’Assemblée parlementaire

10.30-11.00 Pause café

11.00-12.30 Evaluation de la situation actuelle (quantitativement : stocks de migrants et flux migratoires) M. John Salt, membre du Groupe de Spécialistes sur les caractéristiques démographiques des populations immigrées (PO-S-MIG)

Evaluation de la situation actuelle (qualitativement : problèmes politiques et économiques des pays de la rive Sud de la Méditerranée)

M. Philippe Fargues, INED 12.30-13.00 Débat 13.00-14.30 Déjeuner

Session 1 : les causes de l’immigration irrégulière Président : M. De Lary, Président du Comité d’experts sur la mise en œuvre de la gestion des migrations

14.30-15.30 Les causes premières : faible développement économique et social dans les

pays d’origine

M. Abdelkader Djamal, Directeur Général de l’Institut National du Travail, Algérie

Migrations irrégulières en Grèce : les moyens de prévention Mme Viki Yavi, Chef du Département de la Citoyenneté, Ministère de l’Intérieur, de l’Administration publique et de la Décentralisation, Grèce

15.30-16.00 Débat

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16.00-16.30 Pause café 16.30-18.00 Trafic et travail irrégulier

M. J.-P. Garson, Chef de la Division des Economies non-membres et des Migrations Internationales, OCDE

Réseaux de trafiquants : mesures pour résoudre le problème M. Panagiotis Yannoulas, Directeur de la Police, Directeur adjoint de la Division des Etrangers au siège de la Police hellénique, Grèce

Politiques pour combattre le travail irrégulier (clandestin ?) M. Constantinos Chrysinis, Chef du Département de l’Emploi, Ministère de l’Emploi et du Bien-être, Grèce

Situation sur le terrain M. Roberto Ruocco, membre de la Commission de la Cohésion sociale, Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe, Italie et M. Manuel Mas i Estela , maire de Mataró, Espagne

18-18.30 Débat

Dîner offert par M. Dollis , Secrétaire général des Grecs à l’étranger

4 octobre 2001 Ouverture : M. A. Yannitsis, Ministre du travail et de la sécurité sociale

Session 2 : la préservation de la dignité humaine des migrants irréguliers

Président : Prof. George Kaminis, Adjoint à l’Ombudsman pour les Droits de l’Homme

9.30-10.30 Mesures préventives et de contrôle, y compris les renvois forcés, et leurs

conséquences en matière de droits de l’homme M. E. Muller-Rappard, Directeur du Bureau du Commissaire aux droits de

l’homme

Procédures d'expulsion conformes aux droits de l'homme et exécutées dans le respect de la sécurité et de la dignité M. T. Iwinski, Président de la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

10.30-11.00 Débat 11.00-11.30 Pause café 11.30-12.30 La situation juridique des migrants irréguliers : leur dignité humaine est-elle

garantie dans les pays d’accueil ? M. Riszard Cholewinski, Dr/Senior Lecturer in Law, University of Leicester,

UK La traite d’êtres humains et l’exploitation sexuelle : une forme moderne

d’esclavage. Mme Eva Garajova, Ambassadeur, Représentante permanente de la

République slovaque auprès du Conseil de l’Europe

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Xénophobie : Les mesures à prendre pour empêcher l’exclusion sociale Mr Demetri Dollis, Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger 12.30-13.00 Débat 13.00-14.30 Déjeuner

Session 3 : Stratégie de gestion des migrations

Président : M.Garrido, Vice Gouverneur de la Banque de Développement du Conseil de l'Europe

14.30-15.30 Les structures multilatérales et bilatérales de coopération pour la prévention

de l’immigration irrégulière : nécessité et efficacité M. Jonas Widgren, Directeur général, ICMPD

Le renforcement de la coopération entre les pays d’origine et les pays de destination : quelles mesures concrètes prendre ?

M. Claude-Valentin Marie, Expert-consultant

15.30-16.30 Discussion de groupe avec des membres de l’Assemblée parlementaire, du

CPLRE et leurs homologues de la rive Sud, UNHCR, IOM, ICMPD et des partenaires sociaux et des représentants d’ONG.

16.30-17.00 Pause café

Session de clôture

Président : M. Miguel Angel Martinez, Président du Centre Européen pour l’Interdépendance et la Solidarité Mondiales

17.00-17.30 Présentation des conclusions des Rapporteurs (M. Widgren et M. C.

Dimitriou) et adoption de ces conclusions par les participants 17.30-18.00 Remarques finales par M. Walter Schwimmer, Secrétaire Général du

Conseil de l’Europe Conclusions par M. G. Papandreou, Ministre grec des Affaires Etrangères 18.00-18.30 Conférence de Presse 19.15 Réception offerte par M. W. Schwimmer, Secrétaire général du Conseil de

l’Europe

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ANNEXE II

Recommandation du Commissaire aux Droits de l’Homme

relative aux droits des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats membres du Conseil de l’Europe et à l’exécution des décisions d’expulsion

Le Commissaire aux Droits de l'Homme agissant en vertu de la Résolution (99) 50 du Comité des Ministres sur le Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l’Europe, adoptée le 7 mai 1999 (ci-après, la Résolution),

Ayant pu constaté, lors de ses différents voyages et visites dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, l’existence d’un problème commun à la majorité des Etats membres, à savoir la situation juridique et humanitaire précaire des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats membres ;

Rappelant que ces problèmes ont déjà fait l’objet d’un grand nombre de travaux au sein du Conseil de l’Europe et, notamment, de plusieurs recommandations du Comité des Ministres ;

Constatant toutefois que, depuis l’adoption par le Comité des Ministres de la Recommandation R(94) 5 « relative aux lignes directrices devant inspirer la pratique des Etats membres du Conseil de l’Europe à l’égard des demandeurs d’asile dans les aéroports européens », la situation n’a pas connu d’amélioration significative ;

Rappelant que les conditions de rétention des demandeurs d’asile et d’autres personnes dans les zones d’attente d’aéroports ont fait l’objet d’un certain nombre d’enquêtes du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants (ci-après, le CPT) ;

Tenant compte du travail actuel de la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie de l’Assemblée Parlementaire élaborant un rapport intitulé « Humanisation des procédures d’expulsion des immigrés clandestins et demandeurs d’asile déboutés» ;

Rappelant que le Commissaire aux Droits de l'Homme a organisé, du 20 au 22 juin 2001 à Strasbourg, un séminaire consacré à l’étude des « Principes des droits de l’homme applicables à la rétention des étrangers souhaitant entrer sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe et à l’exécution des décisions d’expulsion » ;

Rappelant que des représentants des ONG nationales et internationales, des experts gouvernementaux, des représentants des syndicats professionnels, dont l’Association belge des pilotes de lignes, des représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, ainsi que des membres de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, des membres du Greffe de la Cour européenne des droits de l’homme et du Secrétariat du CPT ont pris part à ce séminaire ;

Rappelant que durant le séminaire, les participants ont examiné le cadre juridique et la pratique concernant les étrangers se trouvant à la frontière d’un Etat membre, tenant compte tout particulièrement de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (ci-après, la CEDH), de la Convention relative au Statut des réfugiés de 1951, mais également des dispositions législatives et réglementaires nationales, ainsi que des dispositions pertinentes de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Attendu que l’article 3-e de la Résolution stipule que le Commissaire aux Droits de l'Homme « identifie d'éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique des Etats membres en ce qui concerne le respect des droits de l'homme tels qu'ils ressortent des

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instruments du Conseil de l'Europe, encourage la mise en œuvre effective de ces normes par

les Etats membres et les aide, avec leur accord, dans leurs efforts visant à remédier à de telles insuffisances » ;

Compte tenu de l’article 8-1 de la Résolution,

formule les recommandations suivantes : I. Droits des étrangers à l’arrivée à la frontière d’un Etat membre 1. A l’arrivée à la frontière de tout Etat membre, toute personne a le droit d’être traitée avec respect pour sa dignité humaine et de ne pas être considérée d’emblée comme un délinquant ou un fraudeur. 2. Dès l’arrivée, toute personne, dont le droit d’entrée est remis en cause, doit être entendue, s’il le faut à l’aide d’un interprète à charge de l’Etat d’arrivée, pour être en mesure, le cas échéant, de formuler une demande d’asile, ce qui doit impliquer pour elle le droit de remplir un dossier après avoir été dûment renseignée, dans une langue qu’elle comprenne, sur la procédure à suivre. Dès lors, tout refoulement « au pied de l’avion » est inadmissible. 3. Toute restriction à la liberté de mouvement doit demeurer l’exception. La rétention doit, aussi souvent que possible, être remplacée par d’autres moyens de contrôle, tels que garantie, cautionnement ou moyens similaires. Lorsque la rétention est le seul moyen de s’assurer de la présence physique d’un étranger, elle ne doit pas s’effectuer, de manière systématique, dans un commissariat de police ou une prison, sauf impossibilité matérielle. En pareil cas, la rétention ne doit pas dépasser la durée strictement nécessaire pour organiser un transfert dans un centre spécialisé. 4. Les étrangers retenus doivent avoir le droit de contacter toute personne de leur choix pour l’informer de leur situation. II. Conditions de rétention 5. Les Etats membres devraient harmoniser autant que possible les législations nationales pour ce qui est, d’une part, des garanties procédurales accordées aux étrangers faisant l’objet d’une mesure de rétention et, d’autre part, de la durée maximale de rétention à chaque étape de la procédure. 6. Les Etats membres devraient éviter de retenir dans les zones d’attente des mineurs non accompagnés, les femmes enceintes, les mères avec des enfants en bas age, les personnes âgées et les personnes handicapées. Un mineur non accompagné doit être placé, le cas échéant, dans un centre spécialisé et sa situation doit être immédiatement portée à l’attention des autorités judiciaires. Les membres d’une même famille ne devraient pas être séparés. 7. Les étrangers retenus en attendant une autorisation d’entrer doivent être placés dans un centre spécialisé, et ne doivent sous aucun prétexte être mélangés, lors de leur rétention, avec des détenus de droit commun. Il en est de même de ceux qui attendent l’exécution d’un ordre de quitter le territoire, sauf, évidemment, les cas de personnes expulsées après avoir purgé leur peine et de personnes détenues à la frontière en vue de leur extradition. 8. Toute personne en rétention, quelque que soit la durée de celle -ci, doit avoir le droit aux soins médicaux d’urgence que nécessite son état de santé. 9. Les centres de rétention ne doivent surtout pas être assimilés à des prisons.

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10. Les autorités nationales doivent garantir une transparence maximum du fonctionnement des centres de rétention en reconnaissant au moins un droit d’accès à ces centres aux commissions nationales indépendantes, à l’Ombudsman ou aux ONG, aux avocats et aux parents des retenus. Il faudra surtout assurer le contrôle régulier du fonctionnement de ces centres par l’autorité judiciaire. 11. Il est indispensable de non seulement garantir, mais d’assurer en pratique le droit d’exercer un recours judiciaire, au sens de l’article 13 de la CEDH, lorsque la personne concernée allègue que les autorités compétentes ont violé, ou risquent de violer, l’un des droits garantis par la CEDH. Ce droit à un recours effectif doit être garanti à tous ceux qui souhaitent contester une décision de refoulement ou d’expulsion du territoire. Ce recours doit être suspensif de l’exécution d’une décision d’expulsion, au moins lorsqu’il est allégué une violation éventuelle des articles 2 et 3 de la CEDH. III. Exécution des mesures d’expulsion 12. Une expulsion forcée, si elle doit avoir lieu, doit se faire selon un processus absolument transparent, permettant de s’assurer qu’à toutes les étapes les droits fondamentaux de la personne ont été respectés. 13. La meilleure solution pour éviter l’utilisation de moyens traumatisants pour les expulsés, comme pour le personnel devant exécuter les décisions, est le retour volontaire. 14. Lorsqu’une décision d’expulsion doit être exécutée, il est fondamental d’informer la personne concernée tout au long de la procédure de ce qui l’attend pour qu’elle puisse se préparer psychologiquement à l’idée du retour. Les expulsions collectives sont interdites, tel que stipulé par l’article 4 du Protocole 4 de la CEDH. 15. Les personnes faisant l’objet d’un ordre d’éloignement ne doivent par faire l’objet de menaces pour les persuader de monter à bord d’un moyen de transport. Le port de masques rendant impossible l’identification du personnel chargé de l’exécution d’une mesure d’expulsion forcée doit être absolument prohibé. 16. Le personnel des centres de rétention, ainsi que les fonctionnaires des services d’immigration ou d’escorte, doivent recevoir une formation adéquate, destinée à réduire au minimum les risques de violences. 17. Doivent être absolument prohibés : - l’usage de tous moyens présentant un risque d’asphyxie ou de suffocation (tels que sparadrap, bâillon, casque, coussin, etc.), ainsi que l’usage de gaz incapacitant ou irritant ; l’usage de moyens de contention pouvant conduire à une asphyxie posturale doit également être évité ; - l’usage de tranquillisants ou de piqûres sans examen médical préalable et sans prescription d’un médecin ; 18. Dans un avion, il devrait être interdit, pour des raisons de sécurité, de menotter les personnes expulsées de force durant le décollage et l’atterrissage. Le Commissaire aux droits de l’homme invite les autorités des Etats membres du Conseil de l’Europe à tenir compte des recommandations ci-dessus pour ce qui est de l’élaboration et la mise en œuvre concrète de leurs législations et de leurs pratiques en la matière.

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ANNEXE III

Liste des participants Chair/Président: M. Demetri DOLLIS, Le Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger

MEMBER STATES OF THE COUNCIL OF EUROPE Albania/Albanie: Mr Kosta BARJABA, Chief of Cabinet of Minister and Director, Department of Migration, Ministry of Labour and Social Affairs, Rruga e Kavajes 53, TIRANA Tel: +355 42 40 412 – Fax: +355 42 40 412; E-mail: [email protected] (E) Andorre/Andorra: Armenia/Arménie Mr. Davit HAKOBYAN, Deputy Head of the Governmental Department for Migration and Refugees of the Republic of Armenia, 4, Hr. Kochar, 375033 YEREVAN, REPUBLIC OF ARMENIA Tel: +374 1 22 58 65 – Fax: +374 1 22 58 24 – E-mail: [email protected] (E) Austria/Autriche : Azerbaijan Republic/Azerbaïdjan: Mr Vahab MAMMADOV, Head of Employment and Demography Policy, Ministry of Labour and Social Protection of Population, House of Government, room 920, 9th floor, 370016 BAKU (E) Tel: +99 412 93 96 69 - Fax: +99 412 939669/939472 ; E-mail : [email protected] Belgium/Belgique : Bulgaria/Bulgarie: Mr Dimitar FILIPOV, Head of Department, Ministry of Foreign Affairs, 2 Al. Jendov Str., 1040 SOFIA, BULGARIA, Tel: +3592 71 43 25 4 8 – Fax: +3592 73 84 13 – E-mail: [email protected] (E) Ms Elka MILEVA, Head of Labour Market Section, Ministry of Labour and Social Policy, 2, Triaditza Street, 1051 SOFIA, BULGARIA Tel: +3592 /9884720 ; 9332507 – Fax: +3592 / 988 47 20 ; 9815376 – E.mail: [email protected](E) (remboursée) Ms Anelia IVANCHEVA, Deputy Director of the International Cooperation Directorate, Ministry of Interior, 29 Shesti Septemuri Str., 1000 SOFIA, BULGARIA Tel: +3592 982 41 57 – Fax: +3592 988 52 40 – E.mail: [email protected] (F) Croatia/Croatie : Cyprus/Chypre : Mr Doros CHRISTODOULIDES, Member of Parliament, Council of Europe, House of Representatives, NICOSIA, Cyprus (E) Tel: +357 2 307310 – Fax: +37 2 668611 Czech Republic/République tchèque : Denmark/Danemark: Estonia/Estonie : Mr Artur AGANITS, Head of the Department of refugees and illegal immigration, Estonian Citizenship and Migration Board, Endla 13, 15179 TALLINN, ESTONIA Tel: +372 6126966 – Fax: +372 631 3744 – E-mail: [email protected] (E)

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Finland/Finlande : France : M. Henri DE LARY, Sous-Directeur, Office des Migrations Internationales (OMI), 44 rue Bargue, 75015 PARIS, FRANCE Tel : +33 (0)1 53 69 51 36 – Fax : +33 (0)1 53 69 53 69 (F) M. Philippe FARGUES , Directeur de Recherche, INED, 133, bvd Davout, F – 75020 PARIS Tel : +33 1 56 06 20 17/78 – Fax : +33 1 56 06 21 93 – E-mail : [email protected] (F) M. Claude-Valentin MARIE, Expert-Consultant, 11, rue Antoine Vollon, 75012 PARIS, Fax : 01 44 38 34 47 Georgia/Georgie: Mr Zurab TINIKASHVILI, Deputy Director, Consular Department, Ministry of Foreign Affairs, UFA, Tchitadze 6, 38 0018 TBILISI, GEORGIA Tel: +995 32 93 62 60 - +995 32 98 94 30 – E.mail: [email protected] (E) Germany/Allemagne: Dr. Christoph HAUSCHILD, Deputy Head of Section, Federal Ministry of Interior, Alt-Moabit 101D, D-10559 BERLIN, GERMANY Tel: +49 1888 681 1918 – Fax: +49 1888 681 51918 – E-mail: [email protected] (E) Dr. Frank HEMPEL, Ministerialrat, Bundesministerium für Arbeit und Sozialordnung, Rochusstrasse 1, Postfach 14 02 80 – D- 53107 BONN, GERMANY Tel: +49 228 527 2270 - Fax: +49 228 527 1176 – E-mail: [email protected] (E+F) Greece/Grèce: Yannis Mourikis , Ambassador, Ministry of Foreign Affairs Dionyssios Lellos , Minister Plenipotentiary, Ministry of Foreign Affairs Dionyssios Kountoureas , Embassy Counsellor, Ministry of Foreign Affairs Galanis Konstantinos , Ministry of Interior, Public Administration and Decentralisation Kasnakoudi Sotiria, Ministry of Interior, Public Administration and Decentralisation Didioumi Stamatia, Ministry of Interior, Public Administration and Decentralisation George Mitropoulos , Brigadier, Director General of the Alien Division of Police Headquarters, Ministry of Public Order Kyriaki Bardani , Director General of Correctional Policy, Ministry of Justice, Elli Xenou, Ministry of Justice, Despina Markossoglou, Advisor of the Secretary General, Ministry of Labour and Social Affairs Christos Dimitriou, Rapporteur Hungary/Hongrie: Iceland/Islande: Ireland/Irlande:

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Italy/Italie: Mr Francesco CAMERINO, Prefetto, Ministero dell’interno Commissione Centrale Riconoscimento status rifugiato, Via Giudubaldo del Monte 54, 00197 ROMA, Italy Tel: +39 06 809 11833 – Fax: +39 06 807 6062 – E-mail: [email protected] Mr Giovanni CATALDO, LTC Chief of Section of Organized Crime Office, Carabinieri Headquarters, Viale Romania n. 45, I – 00197 ROMA Tel: +39 06 80982274 – Fax: +39 06 80982184 – E.mail: [email protected] (E) Mr Massimo DE MAJO, Officer of Immigration and Border Police Service, Ministry of Interior, Department of Public Security, Via Cavour 6, 00100 ROME, Italy Tel +39 06 4653 9411 – Fax: +39 06 4653 9993 (E) Mr Luigi MONE, Head of Immigration and Border Police Service, Ministry of Interior, Department of Public Security, Via Cavour 6, 00100 ROME, Italy (E) Tel: +39 06 4653 9634 – Fax: +39 06 4653 9633 Ms Elisabetta ROSI, (apologised for absence, excusé) Judge, Ministry of Justice, Via Arenula 70, I – 00186 ROMA Tel: +39 06 68852385 – Fax: +39 06 68897531 – E.mail: [email protected] (E) Mr Andrea GUGLIEMI, Interpol Italian Liaison Officer, Ministry of Interior, Department of Public Security, Via Skousa n° 9, ATHENS, Greece Tel: 0030 9372 22 666 – Fax: 0030 1361 5583, E-mail: [email protected] Latvia/Lettonie: Mr Juris GROMOVS , Adviser of Head of Department of Citizenship and Migration Affairs, Raina Bvd. 5, LV – 1050 RIGA, REPUBLIC OF LATVIA Tel: +371 7219231 – Fax: +371 7331123 – E-mail: (E) Liechtenstein: Lithuania/Lituanie: Luxembourg : Malte :

Moldova : Netherlands/Pays-Bas: Norway/Norvège : Poland/Pologne : Mr Marek SZONERT, Head of European Integration and International co-operation Department, Office for Repatriation and Aliens, Ministry of Internal Affairs and Administration, ul. Koszykowa 16, 00-564 WARSAW Tel: +48 22 601 44 42 - Fax: +48 22 848 29 47; E-mail: [email protected] (E) Mr Marcin SAMSONOWICZ-GÓRSKI, Head of European Integration Unit, Office for Repatriation and Aliens, Ministry of Internal Affairs and Administration, ul. Koszykowa 16, 00-564 WARSAW Tel: + 48 22 601 57 61, Fax: 48 22 848 29 47, E-mail: [email protected] (E) Portugal : Mme Maria José LIMA RAMOS , Directora Regional, Serviço de Estrangeiros e Fronteiras, Av. Antonio Augusto de Aguiar, 20, 1069 – 118 LISBOA, PORTUGAL Tel : +351 21 3153885 – Fax : +351 21 3520334 – E.mail : [email protected] (F) Romania/Roumanie :

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Russian Federation/Fédération de Russie : Mr Andrey DEMIDOV, Deputy Director of the Department, Ministry of Foreign Affairs, Smolenskaya-Sennaya 32/34, 121200 MOSCOW, RUSSIAN FEDERATION Tel: +7 095 244 30 25 – Fax: +7 095 244 30 45 – E-mail: [email protected] (E) San Marino/Saint-Marin: Apolgised for absence /excusé Slovak Republic/République Slovaque : Mr Miroslav SAMEK , Director, Bureau of Border and Aliens Police, Budyšinska 2/4, 81272 BRATISLAVA Tel:+421 9610 50700 – Fax: +421 9610 59074 – E-mail: [email protected] (E) Slovenia/Slovénie : Spain/Espagne : Sweden/Suède: Switzerland/Suisse: Mme Caroline BRÜESCH, Collaboratrice scientifique, Office fédéral des Réfugiés, Quellenweg 6, CH – 3003 BERN-WABERN Tel : +41 (0)31 325 99 70 – Fax : +41 (0)31 325 92 38 – E-mail : [email protected] (E) Mme Geneviève GUMY-GAUDARD, Collaboratrice scientifique, Office fédéral des Etrangers, Quellenweg 9, CH – 3003 BERN-WABERN Tel : +41 (0)31 325 95 83 – Fax : +41 (0)31 325 96 51 – E-mail : Genevieve.Gumy [email protected] (F) “The Former Yugoslave Republic of Macedonia”/”L’ex-République Yougoslave de Macédoine”: Mr Ljupco FARMAKOSKI, Chief Inspector in Department for Foreigners and Immigration Issues, Ministry of Interior, “Dimce Mircev” – BB, 1000 SKOPJE, REPUBLIC OF MACEDONIA Tel: +389 2 11 67 31 – Fax: +389 2 14 34 08 – E.mail: [email protected] (E) Mr Nafi DOKO, Undersecretary, Ministry of Interior, “Dimce Mircev” – BB, 1000 SKOPJE, REPUBLIC OF MACEDONIA Tel: +389 2 11 67 31 – Fax: +389 2 14 34 08 – E.mail: [email protected] (E) Turkey/Turquie: Mr Ahmet N. ALPMAN, Minister Plenipotentiary, Deputy Director-General for Overseas Turkish Affairs, Ministry of Foreign Affairs, KOYT, Disisleri Bakanligi, Anit Caddesi n° 12, 06580 TANDOGAN – ANKARA Tel: +90 312 262 89 32 – Fax: +90 312 212 76 46 – E-mail: [email protected] (E+F) Mr Erol ETCIOGLU, Head of Illegal Migration Control Department, Ministry of Foreign Affairs, Disisleri Bakanligi, Anit Caddesi n° 12, 06580 TANDOGAN – ANKARA Tel: +90 312 212 89 22 – Fax: +90 312 212 89 66 – E-mail: [email protected] (E) Ukraine: Mr Viktor POBYEDONOSTSEV, Deputy Director, State Department for Nationalities and Migration, 9, Volodymyrska Str., KYIV, 01025 UKRAINE , Tel/Fax: +380 44 228 70 98 (E)

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United Kingdom/Royaume-Uni: Mr Nick ANSTISS, Inspector, UK Immigration Service, Status Park, 6 Noble Drive, Harlington, HAYES, Middlesex, UB3 5EY (E) Tel: +44 20 8745 4186 – E-mail: [email protected] Miss Yasmin CAPLIN, Higher Executive Officer (Development), International Policy Directorate,Immigration and Nationality Directorate, 2nd Floor, Apollo House, 36 Wellesley Road, CROYDON, CR9 3RR (E) E-mail: [email protected] Mr Graeme HOPKINS, Head of Employment and Business Policy – Immigration and Nationality Policy Directorate, UK Immigration and Nationality Directorate, Room 1106 Apollo House, 36 Wellesley Road, CROYDON, CR9 3RR, UK Tel: +44 20 8760 8783 – Fax: +44 20 8760 8777 - E-mail: [email protected] (E)

Miss Jenny RUMBLE, Director – International Policy Directorate, Immigration and Nationality Directorate, 2nd Floor, Apollo House, 36 Wellesley Road, CROYDON, CR9 3RR (E) Tel: +44 20 8760 8380 – E-mail: jenny.ru [email protected] Mr. John SALT, Professor, Univeristy College London, Department of Geography, 26, Bedford Way, LONDON WC1H OAP, UNITED KINGDOM Tel: +44 20 7679 5525 - +44 20 7679 7565 – E-mail: [email protected] (E) Mr Ryszard CHOLEWINSKI, Dr/Senior Lecturer in Law, Faculty of Law, University of Leicester, UK - LEICESTER LE1 7RH Tel: +44 116 2522331 – Fax: 44 116 2525023 – E-mail:[email protected] (E)

NON MEMBERS STATES OF THE COUNCIL OF EUROPE / PAYS NON MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE

Algeria/Algérie: M. Abdelkader DJAMAL, Directeur Général, Institut National du Travail, BP n°5, ALGER, Algérie, Tel : +213 21 55 01 60 – Fax : +213 21 55 02 44 – E-mail : [email protected] (F) M. Mohammed El Hadi RAIS , Chef de Cabinet du Ministre du Travail et des Affaires Sociales, (F) Fax : 00 213 21 66 35 19 M. El Hadi MELBOUR, Directeur Général du Centre national d’Etudes et analyse pour la planification, 98, rte Nationale 1, BP 34, Birkhadem, ALGER, Algérie, Tel : 00 213 21 54 30 86, Fax : 00 213 21 54 21 49 (F) Bosnia-Herzegovina: Mr Aleksander DAMJANAC , Ministry of Human Rights and Refugees of Bosnia and Herzegovina, Trg Bosne i He rcegovine 1, 71000 Sarajevo, Bosnia and Herzegovina (E) Tel: +387 33 206 655 Egypt/Egypte: Mr Reda ZAKI, Director of the office of the Assistant Minister for European Affairs, Ministry of Foreign Affairs, European Affairs Department, room # 1528, Maspero, Cornisch El-Nile (E) Tel: +20 2 57 47 825 – Fax: +20 2 57 49 740 – E-mail: [email protected] Dr Abdel FAHMI, Ministry of Justice, CAIRO, Egypt, (E) Mr Mohammed MAHMOUD , Deputy Director of the Authority of Passports, immigration and citizenship, Ministry of the Interior, CAIRO, Egypt, Fax: 00+20 279 262 00 (E)

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Federal Republic of Yugoslavia: M. Zoran CELEBIC, (apologised for absence / excusé) General Secretary, Federal Secretariat of Labour, 11070 NOVI BEOGRAD, YUGOSLAVIA Tel: +38111 136 685 – Fax: +38111 311 7127 (E) Ms Brankica GRUPKOVIC, Assistant Minister, Federal Ministry of Interior, Bulevar Mimaza Pupina No. 2, 11000 BELGRADE, Federal Republic of Yugoslavia Tel: +381 11 311 5831 – Fax: +381 11 311 4879 – E-mail: [email protected] (E) Mme Anka VOJVODIC, Council of Secretary, Federal Secretariat of Labour, 11070 NOVI BEOGRAD Tel: +38111 136 685 – Fax: +38111 311 7127 (E) Mme Dušica MILJANOVIC, Senior Council, Federal Secretariat of Labour, 11070 NOVI BEOGRAD Tel: +38111 136 685 – Fax : +38111 311 7127 (E) Iran : Libya Mr Abdul Hafize DERBI, Counsellor, Cabinet of the GPC of the African Unity, Libyan Arab Jamahirya (E) Morocco/Maroc : M. Adberrahmane ZAHI, Secrétaire Général de la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger, 67, bd Ibn Sina Agdal, B.P 8156, RABAT, MAROC (F) Tel : +212 37 67 02 00/04/05/07 – Fax : +212 37 67 02 35 – E-mail : Tunisia/Tunisie: M. Bechir JAMAI, Directeur Général, Office des Tunisiens à l’Etranger, 23, rue El Khartoum, TUNIS 1002, TUNISIE Tel : +216 1 782 005 – Fax : +216 1 780 967 (F) Mme Samia CHOUBA, Directeur du Bureau de la Coopération Internationale et des Relations extérieures, Ministère des Affaires sociales, 25, Bld Bab Benat, 1006 TUNIS – La Kasbah, TUNISIE Tel : +216 1.. - Fax : +216 1 568 722 (F)

OTHER PARTICIPANTS / AUTRES PARTICIPANTS EUROPEAN COMMUNITY/COMMUNAUTE EUROPEENNE European Commission / Commission européenne

General Secretariat of the Council of the European Union / Secrétariat Général du Conseil de l’Union européenne

OBSERVERS/OBSERVATEURS

NON-MEMBER STATES/ PAYS NON-MEMBRES Australia/Australie: Holy See/Saint Siège: Japan/Japon : Mexico/Mexique :

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M. Miguel-Angel CACERES, Counselor, Embassy of Mexico, Platia Philikis Heterias 14, 5th Floor, 106 73 – ATHENS, GREECE (F) Tel: +301 729 4780 – Fax: +301 729 4783 – E.mail: [email protected] United States of America/Etats-Unis d’Amérique:

INTERNATIONAL INTERGOVERNMENTAL ORGANISATIONS / ORGANISATIONS INTERNATIONALES GOUVERNEMENTALES

International Labour Office (ILO) / Bureau international du Travail (BIT) International Organisation for Migration (IOM) / Organisation internationale pour les migrations (OIM) Mr Luca DALL’OGLIO, Chief of Mission and Regional Coordinator for the Mediterranean, IOM, 62, via Nomentana, I – 00161 ROMA Tel: +39 6 442 31 428 - Fax : +39 6 440 25 33 – E-mail: [email protected] or [email protected] (E)

Mr Daniel ESDRAS, Head of Mission, IOM, Dodekanissou Street 6, Agios Panteleimon (via Odos Vouliagmenis), Alimos, 17456 – ATHENS, GREECE Tel: +301 99 19 040 – Fax: +301 99 10 914 – E-mail: [email protected] (E) Mr Redouane SAADI, Chargé des relations extérieures avec les pays de la Méditerranée occidentale, OIM, 17, route des Morillons, CH 1211 – GENEVE Tel : +41 22 717 93 21 – Fax : +41 22 798 61 50 - E.mail : [email protected] (E+F) Organisation for Security and Cooperation in Europe - Office for Democratic Institutions and Human Rights/ Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)/ODIHR Apologised for absence/excusé Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) / Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) M. Jean-Pierre GARSON, Chef de la Division des Economies non membres et des Migrations Internationales, OCDE, 2, rue André-Pascal, 75775 PARIS Cedex 16, France (F) Tel : +33 (0)1 45 24 91 74 – Fax : +33 (0)1 45 24 76 04 – E-mail : [email protected] United Nations High Commissioner for Refugees / Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Réfugiés (UNHCR) M. Jean-François DURIEUX, Deputy Director for Central and Western Europe, United Nations High Commissioner for Refugees, Case postale 2500, CH –2111 Genève 2 Dépot (F) Ms. Flor ROJAS RODRIGUEZ , UNCR Representative, ATHENS, GREECE (E) United Nations Educational Scientific and Cultural Organisation (UNESCO) / Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) Apologised for absence/ex cusée European Free Trade Association (EFTA)/Association européenne de libre-échange (AELE) Budapest Group-ICMPD/ Groupe de Budapest-ICMPD Mr Jonas WIDGREN, Director General, ICMPD, Möllwaldplatz 4, A – 1040 VIENNA, AUSTRIA Tel: +43 1 504 46 77 – Fax: +43 1 504 46 77 75 – E-mail: [email protected] (E)

INTERNATIONAL NON-GOVERNMENTAL ORGANISATIONS / ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES

INTERNATIONAL NON-GOVERNMENTAL ORGANISATIONS TO THE CDMG ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES AUPRES DU CDMG

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Churches’ Commission for Migrants in Europe (CCME) / Commission des Eglises auprès des migrants en Europe (CEME) Ms Doris PESCHKE, General Secretary, CCME, 174, rue Joseph II, B – 1000 BRUSSELS, BELGIUM Tel: +32 2 234 68 00 –32 2 231 14 13 – E-mail: [email protected] (E)

Ms Maria FRANGOULI-PAPANTONIOU, KSPM, member of CCME, 174, rue Joseph II, B – 1000 BRUSSELS, BELGIUM Tel : +32 2 234 68 00 – Fax : +32 2 231 14 13 – E-mail : [email protected] (E)

International Catholic Migration Commission (ICMC)/ Commission internationale catholique pour les migrations (ICMC)

European Trade Union Confederation (ETUC) / Confédération européenne des Syndicats (CES) M. Mohammed Anouar HAIDOUR, Adjoint Confédéral politique social, Commissions ouvrières (CC.OO.), Fernandez de la Hoz, 12, 28010 MADRID, Tel : 34 91 702 80 88, Fax : 34 91 702 81 56, E-mail : [email protected] Union of Industrial and Employers’ Confederations of Europe (UNICE) / Union des Confédérations de l’Industrie et des Employeurs d’Europe (UNICE) Apologised for absence/excusé

OTHER INTERNATIONAL NON-GOVERNMENTAL ORGANIS ATIONS AUTRES ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES

Alliance Internationale des Femmes Mme Samira YASSNI, Coordinatrice /Afrique du Nord, Alliance Internationale des Femmes, 65, Bd Abdelakrim Al Khattabi, RABAT, MAROC Tel : +212 61 10 02 50 – Fax : +212 37 67 20 18 – E-mail : [email protected] (F) Amis familles des victimes de l’immigration clandestine khouribga Maroc 34, Rue My Abdellah Khouribga, 25000 MAROC Tel : +212 234 91261 – Fax : +212 234 92331 – E-mail : [email protected] M. Khalil JEMMAH, Président, Mme Nadia OULACHGUER , Responsable Commission Statistiques et Recherches M. Hicham RACHIDI, Responsable des relations publiques et communications M. Karim TAOUFIQI, Responsable commission financement et développement Amnesty International Caritas hellas Doctors of the World Doctors without Borders Ecumencial Refugee Program Forum des Migrants de l’Union Européenne/European Union Migrants’ Forum Greek Council for Refugees Hellenic Red Cross International Social Service (Hellenic Branch) Labour Institute of GSEE Manpower Employment Organisation OAED

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Marangopoulos Foundation for Human Rights SOS Racism

INDEPENDANTS PARTICIPANTS/PARTICIPANTS INDEPENDANTS

Mr. Paolo RUSPINI, Marie Curie Research Fellow, Centre for Research in Ethnic Relations, University of Warwick, COVENTRY CV4 7AL, UNITED KINGDOM Tel: +44 (0) 2476 52 49 27 – Fax: +44 (0) 2476 52 43 24 – E-mail: [email protected] (E) Mme Michela Camilla PELLICANI, Professeur de Démographie, Dip. Per lo Studio delle Società Mediterranee, Université de Bari, Piazza Cesare Battisti, 1, I - 70121 BARI Tel : +39 080 5717107/ 39 335 8420818 – Fax : +39 080 5717272 – E-mail :[email protected] (apologies/excusée) (F) Ms. Jennifer HILL, Immigration Research and Statistics Service, Research Development and Statistics Directorate, Home Office, Apollo House, Room 1309, 36 Wellesley Road, CROYDON, CR9 3RR, UNITED KINGDOM (E) Tel: +44 20 8760 8079 – Fax: +44 20 8760 8364 – E.mail: [email protected]

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SPEAKERS/ORATEURS Chair of the Conference: Mr Demetri DOLLIS, Secretary General for Greeks Abroad / Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger 3 octobre/october 2001 Mme V. Papandreou, Ministre de l’Intérieur, de l’Administration publique et de la Décentralisation / Minister of Interior, Public Administration and Decentralisation, M. Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe / Secretary General of the Council of Europe, Mr M. Chryssochoedes, Ministre de l’Ordre Public / Minister of Public Order M. l’Ambassadeur A. Kiliç, représentant le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe / Ambassador, representing the Committee of Ministers of the Council of Europe, M. Claude Casagrande, Vice-Président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe / Vice-President of the Congress of Local and Regional Authorities of Europe M. T. Iwinski, Président de la Commission des Migrations, des Réfugiés et de la Démographie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe / Chairperson of the Committee on Migration, Refugees and Demography of the Parliamentary Assembly of the Council of Europe M. John Salt, membre du Groupe de Spécialistes sur les caractéristiques démographiques des populations immigrées (PO-S-MIG) / member of the Group of Specialists on the demographic characteristics of immigrant population (PO-S-MIG) M. Philippe Fargues, Directeur de Recherche, INED pm : Président : M. De Lary, Président du Comité d’experts sur la mise en œuvre de la gestion des migrations/ Chair of the Committee of Experts on the Migration Management Strategy M. Abdelkader Djamal, Directeur de l’Institut national du Travail, Algérie / Director of the National Labour Institute, Algeria

Mme Viki Yavi, Chef du Département de la Citoyenneté, Ministère de l’Intérieur, de l’Administration publique et de la Décentralisation, Grèce / Head of Department of Citizenship, Ministry of Interior, Public Administration and Decentralization, Greece M. J.-P. Garson, Chef de la Division des Economies non-membres et des Migrations Internationales, OCDE / Head of non-Member Economies and International Migration Division, OECD M. Panagiotis Yannoulas, Directeur de la Police, Directeur adjoint de la Division des Etrangers au siège de la Police hellénique, Grèce / Director, Deputy Director of the Alien Division of the Hellenic Police Headquarters, Greece M. Constantinos Chrysinis, Chef du Département de l’Emploi, Ministère de l’Emploi et du Bien-être, Grèce / Head of Department of Employment in the Ministry of Employment and Welfare, Greece M. Roberto Ruocco, membre de la Commission de la Cohésion sociale, Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe, Italie / member of the Social Cohesion Committee, Congress of Local and Regional Authorities of Europe

M. Manuel Mas i Estela , maire de Mataró, Espagne / Mayor of Mataró, Spain 4 octobre/October 2001

Ouverture : M. A. Yannitsis, Ministre du travail et de la sécurité sociale / Minister of Labour and Social Security

Président : Prof. George Kaminis, Adjoint à l’Ombudsman pour les Droits de l’Homme / Chair, Deputy Ombudsman for Human Rights M. A. Gil-Robles, Commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe / Commissioner for Human Rights, Council of Europe

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M. T. Iwinski, Président de la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe / Chairperson of the Committee on Migration, Refugees and Demography of the Parliamentary Assembly of the Council of Europe M. Riszard Cholewinski,Senior lecturer in law, University of Leicester, Faculty of Law, LEICESTER LE1 7RH Mme Eva Garajova, Ambassadeur, Représentant permanent de la République slovaque auprès du Conseil de l’Europe / Ambassador, Permanent Representative of the Slovak Republic Mr Demetri Dollis, Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger / Secretaray General for Greeks Abroad pm :

Président : M.I. Garrido, Vice Gouverneur de la Banque de Développement du Conseil de l'Europe / Chair, Vice Governor of the Development Bank of the Council of Europe

M. Jonas Widgren, Directeur général, ICMPD, Director General, ICMPD M. Claude-Valentin Marie, Expert-Consultant, Session de clôture / Closing session Président : M. Miguel Angel Martinez, Président du Centre Européen pour l’Interdépendance et la Solidarité mondiales / Chair, President of the European Centre for Global Interdependence and Solidarity Présentation des conclusions des Rapporteurs (M. Widgren et M. C. Dimitriou) et adoption de ces conclusions par les participants / Presentation of the Rapporteurs’(Mr Widgren and Mr C. Dimitriou) conclusions and their adoption by the participants Remarques finales par M. Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe / Closing remarks by Mr Walter SCHWIMMER, Secretary General of the Council of Europe et /and by Mr Demetri DOLLIS , Chair of the conference, Secretary General for Greeks Abroad / Président de la Conférence, Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger

LOCAL ORGANISING COMMITTEE/ COMITÉ D’ORGANISATION LOCAL

General Secretariat for Greeks Abroad, Ministry of Foreign Affairs, 417, Acharnon Street, 111 43 ATHENS Tel: +30 1 2 25 30 429 – Fax: +30 1 25 31 651 – E-mail: [email protected] Mr Demetri DOLLIS, Secretary General for Greeks Abroad/ Secrétaire Général pour les Grecs à l’Etranger Mrs Constantina KOLIOU, First Counsellor of Embassy Mrs Nassia IOANNOU, Special Adviser to the Secretary General Mr Christos DIMITRIOU, Director, Division of Finance and Administration, Ms Kyriaki DAGADAKI, Head of Department of International Organisations and International Cooperation Ms Valia ZOTOU, Head of Department of Cultural Affairs Ms E. PAPADATOU

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COUNCIL OF EUROPE / CONSEIL DE L’EUROPE COMMITTEE OF MINISTERS / COMITE DES MINISTRES

Mme l’Ambassadeur Eva GARAJOVA , Rapporteur sur l’égalité entre les femme et les hommes (RAP-EG), Représentant permanent de la République slovaque auprès du Conseil de l’Europe, (E) Tel : + 33 (0) 3 88 36 57 17 – Fax : + 33 (0) 3 88 36 54 44 – E-mail : [email protected] M. l’Ambassadeur Alev KILIÇ, Président du GR-SOC, Représentant Permanent de la Turquie auprès du Conseil de l’Europe, 23 boulevard de l’Orangerie, 67000 STRASBOURG, FRANCE Tel : +33 (0)3 88 36 50 94 – Fax : +33 (0)3 88 24 03 73 – E-mail : [email protected] (E)

PARLIAMENTARY ASSEMBLY / ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE

Dr Doros CHRISTODOULIDES, Member of the Cyprus Parliament, 24 King Constantine St. 6030 – LARNAKA,Cyprus Mr Michael LIAPIS , Member of the Greek Parliament, Vissarionos 3, GR – 10672 ATHENS Tel: +30 1 364 5949 – Fax +301 363 8101 – E-mail: mliapis@parliament .gr (E) Mr Kimon KOULOURIS, Member of the Greek Parliament, 13 Nikis str., GR – 10557 ATHENS Mme Eleonora KATSELI, Member of the Greek Parliament, Marvrokordatou 9 str., GR – 106 78 ATHENS Mrs Liana KANELLI, Member of the Greek Parliament, Chambre des Députés, Syntagma Sqr, GR – 10021 ATHENS Mr Tadeusz IWINSKI, Chairman of the Committee on Migration, Refugees and Demography of the Parliamentary Assembly of the Council of Europe, Delegation of the Republic of Poland to the PACE, ul. Wiejska 4/6/8, PL –00-902 WARSAW, POLAND Tel: +48 22 694 15 47 - +48 39 12 24 00 – E.mail: [email protected] (E) Mme Clemencia TORRADO, Députée, Apartado 773, 03600 ELDA (ALICANTE), Espagne

CONGRESS OF LOCAL AND REGIONAL AUTHORITIES OF EUROPE (CLRAE)/ CONGRES DES POUVOIRS LOCAUX ET REGIONAUX DE L’EUROPE (CPLRE)

M. Claude CASAGRANDE, Vice-Président du CPLRE, Conseiller Municipal, 16, rue de la Souche Picard, F - 91580 ETRECHY, FRANCE Tel : +33 (0)1 69 92 28 49 - Fax : +33 (0)1 60 80 45 91 - E-mail : [email protected] (F) Mr Roberto RUOCCO, Membre CPLRE, Regione Puglia, Via Mazzini 4, I – 71042 CERIGNOLA, ITALY Tel: +39 33 783 7838 - Fax: +39 08 854 15480 – E-mail : [email protected] (E) M. Manuel MAS I ESTELA, Alcalde, Ayuntamiento de Mataró, La Riera 48, 08301 MATARO, SPAIN Tel : +34 937 58 21 08 – Fax : +34 937 58 21 12 – E-mail : [email protected] ( F)

OFFICE OF THE COMMISSIONER FOR HUMAN RIGHTS BUREAU DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME

Mr Ekkehart MULLER-RAPPARD , Director of the Office, Directeur du Bureau Tel. +33 03 88 41 21 54 – Fax : +33 03 88 41 27 13 – E-mail : [email protected]

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DEVELOPMENT BANK OF THE COUNCIL OF EUROPE / BANQUE DE DEVELOPPEMENT DU CONSEIL DE L’EUROPE

M. Ignacio GARRIDO, Vice Gouverneur de la Banque de Développement du Conseil de l’Europe / Vice Governor of the Development Bank of the Council of Europe

EUROPEAN CENTRE FOR GLOBAL INTERDEPENDENCE AND SOLIDARITY/CENTRE EUROPEEN POUR L’INTERDEPENDANCE ET LA SOLIDARITE MONDIALES

M. Miguel Angel MARTINEZ, Président, Avenida Da Liberdade, 229-4°, P-1250 LISBONNE

COUNCIL OF EUROPE SECRETARIAT/SECRETARIAT DU CONSEIL DE L’EUROPE − F – 67075 STRASBOURG CEDEX

Mr Walter SCHWIMMER, Secretary General of the Council of Europe / Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, 67075 STRASBOURG CEDEX Ms Renate ZIKMUND, Principal Administror, Private Office of the Secretary General (E) Mr Alexander BARTLING, Principal Administrator, Private Office of the Secretary General (E) Mr. Halvor LERVIK, Head of Secretariat, Committee on Migration, Refugees and Demography (E) Tel: +33 (0)3 88 41 21 21 – Fax: +33 (0)3 88 41 27 97 – E-mail: [email protected] Mme Fifi BENABOUD, Coordinatrice du Programme TRANSMED/ TRANSMED Programme Coordinator, Avenida Da Liberdade, 229-4°, P-1250 LISBONNE (F) Tel : +351 21 352 49 54 – Fax :+351 21 353 13 29 – E-mail : [email protected] Mme Francine ARNOLD-PAULI, Secrétariat du Comité des MinistresTel : +33 (0)3 88 41 32 79 – Fax : +33 (0)3 88 41 37 77 – E-mail : [email protected] (F) Directorate General III – Social Cohesion / Direction générale III – Cohésion sociale Ms Gabriella BATTAINI-DRAGONI, Director General of Social Cohesion/Directrice Générale de la Cohésion sociale; Tel. : +33 3 88 41 21 78 – Fax : +33 3 88 41 27 31 ; E-mail : [email protected] Mr Henry SCICLUNA, Chef du Service des Migrations et des Roms/Tsiganes Tel. : +33 3 88 41 21 71 – Fax : +33 3 88 41 27 31 ; E-mail : [email protected] Ms Maria OCHOA-LLIDÓ, Chef adjointe du Service des Migrations et des Roms/tsiganes, Tel: + 33 3 88 41 21 79 - Fax: + 33 3 88 41 27 31 - E-mail: [email protected] Ms Kirsty McDOWALL, Personal Assistant/Assistante secrétariale, Tel: +33 3 88 41 35 39 - Fax: +33 3 88 41 27 31 - E-mail: [email protected]

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ANNEXE IV

Publications dans le domaine des migrations et des relations intercommunautaires COMMUNITY RELATIONS series Série RELATIONS INTERCOMMUNAUTAIRES 1. The legal status of persons admitted for family reunion : a comparative study of law and practice

in some European countries , 2000 Steve Peers, Robin Barzilay, Kees Groenendijk and Elspeth Guild, (ISBN 92-871-4388-9) Le statut juridique des personnes admises au regroupement familial : étude comparative de la

législation et de la pratique de certains pays européens, Steve Peers, Robin Barzilay, Kees Groenendijk et Elspeth Guild, 2000, (ISBN 92 871-4387-0) Price/Prix : 85 FF /21 US / 12,96 € 2. Diversity and Cohesion : new challenges for the integration of immigrants and minorities , 2000,

(ISBN 92-871-4345-5) Diversité et Cohésion : de nouveaux défis pour l’intégration des immigrés et des minorités, 2000,

(ISBN 92-871-4344-7) Price/Prix : 85 FF / 21 US / 12,96 € 3. Framework of integration policies , 2000, (ISBN 92-871-4341-2) Cadre des politiques d’intégration, 2000, (ISBN 92-871-4340-4) Price/Prix: 50 FF / 12 US / 7,62 € 4. Religion and the integration of immigrants, 1999, (ISBN 92-871-4041-3) La religion et l’intégration des immigrés, 1999, (ISBN 92-871-4040-5) Price/Prix : 95 FF / 25 US / 14,48 € 5. Political and social participation of immigrants through consultative bodies , 1999, (ISBN 92-871-

3891-5)1 Participation politique et sociale des immigrés à travers des mécanismes de consultation,2 1999,

(ISBN 92-871-3890-7) Price/Prix : 85 FF / 21 US / 12,96 € 6. Security of residence of long-term migrants : a comparative study of law and practice in European

countries, 1998, (ISBN 92-871-3788-9) Kees Groenendijk, Elspeth Guild and Halil Dogan Sécurité de résidence des immigrés de longue durée : étude comparative de la législation et de la

pratique des pays européens, 1998, (ISBN 92 871-3787-0) Kees Groenendijk, Elspeth Guild et Halil Dogan Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 7. Initiatives by employers to promote employment and integration of immigrants, 1998, (ISBN 92-

871-3786-2) Initiatives d’employeurs pour promouvoir l’emploi et l’intégration des immigrés, 1998, (ISBN 92-871-3785-4) Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 8. Measurement and indicators of integration, 1997, (ISBN 92-871-3498-7) Les mesures et indicateurs d'intégration, 1997, (ISBN 92-871-3497-9) Price/Prix : 85 FF / 21 US / 12,96 €

1 Political and social participation of immigrants through consultative bodies, Addendum, (CDMG (99)21 Addendum 2 La participation politique et sociale des immigrés à travers des mécanismes de consultation, Addendum (CDMG (99)21 Addendum

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9. Tackling racist and xenophobic violence in Europe: case studies, 1997 (ISBN 92-871-3483-9) Combattre la violence raciste et xénophobe en Europe : études de cas,1997 (ISBN 92-871-3482-0) Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 10. Area-based projects in districts of high immigrant concentration, 1996, (ISBN 92-871-3179-1) Projets de quartier dans les zones à forte concentration d'immigrés, 1996, (ISBN 92-871-3178-3) Price/Prix : 60 FF / 15 US / 9,15 € 11. Tackling racist and xenophobic violence in Europe: review and practical guidance, Robin Oakley, 1996 (ISBN 92-871-3037-X) Combattre la violence raciste et xénophobe en Europe : étude et orientation pratique, Robin Oakley, 1996 (ISBN 92-871-3036-1) Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 12. The role of management and trade unions in promoting equal opportunities in employment, 1996,

(ISBN 92-871-3039-6) Le rôle du patronat et des syndicats dans la promotion de l'égalité des chances dans le secteur de

l'emploi, 1996, (ISBN 92-871-3038-8) Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 13. Immigrant women and integration, 1995, (ISBN 92-871-2834-0) Les femmes immigrées et l'intégration, 1995, (ISBN 92-871-2833-2) Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 14. Vocational training projects: towards equal opportunities, 1994, (ISBN 92-871-2568-6) Projets de formation professionnelle: vers l'égalité des chances des immigrés, 1994 (ISBN 92-871-2567-8) Price/Prix: 50 FF / 12 US / 7,62 € 15. Tackling racism and xenophobia: practical action at the local level, 1995,

(ISBN 92-871-2695-X), Combattre le racisme et la xénophobie: action pratique au niveau local , 1995,

(ISBN 92-871-2694-1) Price/Prix : 70 FF / 18 US / 10,67 € 16. Police training concerning migrants and ethnic relations, practical guidelines , 1994, (ISBN 92-871-

2459-0) Formation de la police concernant les relations avec les migrants et les groupes ethniques, directives

pratiques, 1994, (ISBN 92-871-2458-2) Price/Prix: 70 FF / 18 US / 10,67 €

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Publications in the migration and

Community relations field (free of charge and available on request, (please see the last page)

Publications dans le domaine des migrations et des relations intercommunautaires (non payantes et disponibles sur demande,

(veuillez consulter la dernière page) 1. Activities of the Council of Europe in the migration field [CDMG (2001) 6]

Activités du Conseil de l'Europe dans le domaine des migrations, [CDMG (2001) 6] 2. The role of employment services for the promotion of equal opportunities for migrants and

disadvantaged ethic groups – Training and guidance memorandum on equal opportunities for the staff of employment services [CDMG (2001) 32] Le rôle des services de l’emploi dans la promotion de l’égalité des chances des migrants et des groupes ethniques défavorisés – Memorandum à l’attention des services de l’emploi sur la formation et l’orientation dans le domaine de l’égalité des chances [CDMG (2001) 32]

3. The role of employment services for the promotion of equal opportunities for migrants and

disadvantaged ethic groups – Preparatory report [CDMG (2001) 31] Le rôle des services de l’emploi dans la promotion de l’égalité des chances des migrants et des groupes ethniques défavorisés – Rapport préparatoire [CDMG (2001) 31]

4. Towards a migration management strategy [CDMG (2000) 11 rev]

Vers une stratégie de gestion des flux migratoires [CDMG (2000) 11 rév] 5. Conference on Diversity and Cohesion : new challenges for the integration of immigrants and

minorities - Proceedings : (Namur, 7 and 8 September 2000, Brussels, 9 September 2000), [CDMG (2000) 35] Conférence sur la diversité et cohésion: de nouveaux défis pour l’intégration des immigrés et des minorités – Actes [Namur, 7 et 8 septembre 2000, Bruxelles, 9 septembre 2000), [CDMG (2000) 35]

6. Current trends in international migration in Europe , John Salt, [CDMG (2000) 31]

Evolution actuelle des migrations internationales en Europe, John Salt, [CDMG (2000) 31] 7. Strategies for implementing integration policies – Proceedings (Prague 4-6 May 1999), [CDMG

(2000) 8] Les stratégies de mise en oeuvre des politiques d'intégration – Actes (Prague 4-6 mai 1999), [CDMG (2000) 8]

8. The European Convention on the Legal Status of Migrant Workers (1977) :an analysis of its scope

and benefits, Elspeth Guild, [CDMG (99) 11] La Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (1977): une analyse de son champ d’application et de sa portée actuelle, Elspeth Guild, [CDMG (99) 11]

9. Repatriation of persons following the political changes in Central and Eastern Europe, Anne de

Tinguy [CDMG (97) 13 E] Rapatriements liés aux changements politiques survenus dans les pays d'Europe centrale et orientale, Anne de Tinguy, [CDMG (97) 13F]

10. Proceedings, Sixth Conference of European Ministers responsible for migration Affairs, Warsaw, 16-18

June 1996, [MMG-6 (96) 8 E] Actes, Sixième Conférence des ministres européens responsables des questions de migration, Varsovie, 16-18 juin 1996, [MMG-6 (96) 8F]

11. Final Communiqué of the Sixth Conference of European Ministers responsible for migration

Affairs , Warsaw, 16-18 June 1996, [MMG-6 (96) 5 final] Communiqué final de la sixième Conférence des ministres européens responsables des questions de migration, Varsovie, 16-18 juin 1996, [MMG-6 (96) 5 final]

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12. Conclusions of the Fifth Conference of European Ministers responsible for migration Affairs ,

Athens, 18-19 November 1993 [MMG-5 (93) 4] Conclusions de la cinquième Conférence des ministres européens responsables des questions de migration, Athènes, 18-19 novembre 1993, [MMG-5 (93) 4]

13. Integration of immigrants : towards equal opportunities , Final report of the project [MMG-6 (96) 2 E]

L'intégration des immigrés : vers l'égalité des chances, rapport final du Projet, [MMG-6 (96) 2 F] 14. A review of the implementation of community relations policies by the Migration Policy Group

[MMG-6 (96) 1 E final] Etude de la mise en oeuvre des politiques en matière de relations intercommunautaires, par le Groupe sur les politiques migratoires [MMG-6 (96) 1F final]

15. The integration of immigrants, Rainer Bauböck [CDMG (94) 25 E]

L'intégration des immigrés, Rainer Bauböck [CDMG (94) 25 F] 16. Temporary migration for employment and training purposes, Report and guidelines [CDMG (96) 18

E] Migrations temporaires à des fins d'emploi et de formation, Rapport et lignes directrices [CDMG (96) 18 F]

17. Community and ethnic relations in Europe [MG-CR (91) 1 final E] - Final report on the Community

relations Project of the Council of Europe Les relations intercommunautaires et interethniques en Europe [MG-CR (91)1 final F] - Rapport final relatif au projet sur les relations intercommunautaires en Europe

The report currently exists in English, French, German, Italian and Russian. It can be ordered under the following references./Ce rapport existe actuellement en français, anglais, allemand, italien et russe. Vous pourrez vous le procurer sous les références suivantes :

MG-CR (91) 1 final F (français, French), MG-CR (91) 1 final E (English, anglais) MG-CR (91) 1 final G (German, allemand), MG-CR (91) 1 final I (Italian, italien) MG-CR (91) 1 final R (Russian, russe) The report exists also in several other European languages./Le rapport existe également dans plusieurs autres langues européennes.

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Site Internet du Conseil de l’Europe/Web Site of the Council of Europe http://www.coe.int

Site de la Cohésion Sociale – migrations http://www.coe.int/t/f/Cohésion_sociale/migrations/ Social Cohesion Website – migration http://www.coe.int/T/E///Social_Cohesion/Migration/

For all information on the activities of the Council of Europe in the migration and community relations field, please contact:/pour toute information concernant les activités dans le domaine des migrations et des relations

intercommmunautaires, veuillez vous adresser à:

Mme Maria OCHOA-LLIDÓ Fax: 33 (0) 3 88 41 27 31

E-mail: [email protected]

ou à : Mrs Chiara MAROLLA Fax : 33 (0) 3 88 41 27 31

E-mail: [email protected]

ou à: Mr Piotr WALCZAK

Fax: 33 (0) 3 88 41 27 31 E-mail: [email protected]

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