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1 CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES A L’EXTRÊME-NORD DU CAMEROUN

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CONFLITS ET MECANISMES

DE RESOLUTION DES CRISES

A L’EXTRÊME-NORD DU

CAMEROUN

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TABLE DES MATIERES

Acronyme………………………………………………………………………………….…..4

Liste des tableaux……………………………………………………………………………...5

Résume exécutif……………………………………………………………………………....6

Summary………………………………………………………………………………………7

Carte de localisation…………………………………………………………………….……..8

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION………………………………………………………….9

1.1 Contexte…………………………………………………………………………………..9

1.2 Justification de l’étude…………………………………………………………………..11

1.3 Objectifs…………………………………………………………………………………12

CHAPITRE 2 : REVUE DE LA LITTERATURE ET METHODOLOGIE…………...14

2.1 Définitions…………………………………………………………………………….….14

2.2 Synthèse de la littérature disponible…………………………………………………..…15

2.2.1 La terre et l’eau…………………………………………………………………15

2.2.2 Les enjeux politiques et l’ethnicité……………………………………………..17

2.2.3 Mécanismes et plateformes de résolution des conflits…………………………18

2.3 Méthodologie…………………………………………………………………………….19

CHAPITRE 3 : FONDEMENTS ET TYPOLOGIE DES CONFLITS DANS LA

REGION DE L’EXTREME-NORD……………………………………………………….21

3.1. Les conflits d’accès aux ressources……………………………………………………..21

3.1.1. Les conflits fonciers ………………………………………………………..…21

3.1.2 Les conflits agro-pastoraux et halieutiques……………………………………23

3.2 Les conflits identitaires………………………………………………………………..…25

3.2.1 Les luttes de pouvoir et la résurgence de l’ethnicité…………………………..25

3.2.2 Les conflits successoraux au sujet du pouvoir traditionnel…………………….27

3.3 Les frictions religieuses………………………………………………………………......30

CHAPITRE 4 : MECANISMES ET DISPOSITIFS CONTRE LES CONFLITS……...33

4.1 Mécanismes endogènes………………………………………………………………..…33

4.1.1 Les instances coutumières………………………………………………….…..33

4.1.2 Les comités ad hoc…………………………………………………………..…35

4.1.3 La contribution des associations communautaires……………………………..36

4.2 Les mécanismes et dispositifs exogènes…………………………………………………39

4.2.1 L’action de l’Etat…………………………………………………………….…39

4.2.2 Le rôle de la société civile…………………………………………………..….41

4.2.2.1 Le dialogue interreligieux de l’ACADIR………………………….…41

4.2.2.2 La contribution de l’Association Camerounaise pour l’Education

Environnementale à la pacification de la vallée du Logone…………………43

4.2.2.3 Les autres initiatives de la société civile……………………………...45

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CHAPITRE 5 : ANALYSE SITUATIONNELLE………………………………………..47

5.1 Analyse situationnelle de Kousseri………………………………………………………47

5.1.1 La conflictualité d’avant crise sécuritaire……………...………………………47

5.1.2 La conflictualité induite par la crise actuelle liée à Boko Haram………………48

5.1.3 Les mécanismes de médiation…………………………………………….……51

5.1.3.1 Les mécanismes existants……………………………………….……51

5.1.3.2 Les forces des dispositifs…………………………………………..…54

5.1.3.3 Les limites des dispositifs………………………………………..…..55

5.2 Analyse situationnelle de Mora………………………………………………………..…56

5.2.1 La conflictualité d’avant crise sécuritaire…………………………………..…56

5.2.2 La conflictualité induite par Boko Haram…………………………...…………57

5.2.3 Les instances de médiation…………………………………………………….60

5.3 Analyse situationnelle de Mokolo……………………………………………..…………62

5.3.1 La conflictualité d’avant crise …………………………………………………62

5.3.2 La conflictualité induite par Boko Haram…………………………………..….63

5.3.3 Les instances de médiation…………………………………………………..…69

CHAPITRE 6 : CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS……………………….…73

Bibliographie………………………………………………………………………………....77

Liste des principaux informateurs……………………………………………………………80

Annexes………………………………………………………………………………………82

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Acronymes

ACADIR : Association Camerounaise pour le Dialogue Interreligieux

ACIC : Association Culturelle Islamique du Cameroun

ACM : Association Culturelle Mousgoum

AC-SAO : Association Culturelle Sao

BID : Banque Islamique de Développement

ADEMAT : Association pour le Développement du Mayo-Tsanaga

APLESUMAT : Association pour la Promotion de l’Excellence Scolaire et Universitaire

dans le Mayo-Tsanaga

ALVF : Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes BUCREP : Bureau Central des Etudes et de Recherche sur les populations

CBLT : Commission du Bassin du Lac Tchad

CDD : Comité Diocésain de Développement

CDSG : Comité de Développement du Sultanat de Goulfey CENC : Conférence Episcopale Nationale du Cameroun

CEPCA : Conseil des Eglises Protestantes du Cameroun

CRTV : Cameroon Radio and Television

CSIC : Conseil Supérieur Islamique du Cameroun

ECAM: Enquêtes Camerounaises Auprès des Ménages

SEMRY : Société d’Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua

RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat

ADEMSA : Association pour le Développement du Mayo-Sava

CODAKOL : Comité de développement de l’Arrondissement de Kolofata

FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nations

MAG: Malnutrition Aigüe Globale

OPEP : Organisation des Pays Producteurs de Pétrole

OSC : Organisations de la Société Civile

PAM: Programme Alimentaire Mondial

PDI : Projet de Développement Intégré

PDRI-CL : Projet de Développement Rural Intégré-Chari Logone

PIWL : Plaine d’Inondation Waza Logone

PLD : Pacific Logone Development

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

SMART: Standardized Monitoring Assessment of Relief and Transition

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance

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Liste des tableaux et encadrés

Tableaux

Tableau 1 : Etat de la conflictualitéinduite par les déplacés/réfugiés dans la localité de

Kousseri………………………………………………………………………………………48

Tableau 2 : Dispositifs de gestion/résolution des conflits dans la localité de

Kousseri………………………………………………………………………………………53

Tableau 3 : Etat de la conflictualité induite par les déplacés/réfugiés dans la localité de

Mora……………………………………………………………………………………...…..57

Tableau 4 : Dispositifs de gestion/résolution des conflits dans la localité de Mora…...…..60

Tableau 5 : Etat de la conflictualité induite par les déplacés/réfugiés dans la localité de

Mokolo………………………………………………………………………………….……68

Tableau 6 : Dispositifs de gestion/résolution des conflits dans la localité de Mokolo……...73

Encadrés

Encadré 1 : La crise du fleuve Logone…………………………………………...…………24

Encadré 2 : Mal gouvernance et permanence des conflits………………………...………...30

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Résumé exécutif

A l’Extrême-Nord du Cameroun, la permanence des conflits entre les communautés est

préoccupante. Ces conflits devenus récurrents opposent les communautés ethniques, les

communautés socioprofessionnelles (pêcheurs, éleveurs, agriculteurs) ou les membres d’un

même groupe tribal. Les causes des conflits sont liées à une histoire locale tumultueuse qui

cristallise encore les frustrations. L’accès aux ressources et le contrôle des pouvoirs

traditionnels sont les principales causes de conflits. Ces conflits sont structurels et

traditionnels dans la cohabitation des communautés. Ils se manifestent par des affrontements

violents, des tensions et inimitié permanentes qui tirent leurs origines des différences

ethniques, religieuses et des modes de production. Ces différents conflits ont favorisé la

formation d’une conscience ethnique sur fond de crispations identitaires, surtout à l’occasion

des joutes électorales ou des luttes de leadership local, lesquelles ont installé dans la durée

une fracture entre ou au sein des communautés.

Le contexte d’insécurité provoquée par les attaques de Boko Haram a reconfiguré le paysage

conflictuel de l’Extrême-Nord. Aux traditionnels conflits inter/intracommunautaires,

succèdent des conflits et tensions sporadiques entre les communautés des déplacés/refugiés et

les populations d’accueil. Dans les localités de Kousseri, Mora et Mokolo (Logone et Chari,

Mayo-Savaet Mayo-Tsanaga), ces tensions couvent et peuvent dégénérer. L’exode des

populations en direction des zones plus sécurisées produit les mêmes effets conflictuels dans

le Mayo-Kani, le Diamaré et le Mayo-Danay. La suspension de toutes les activités humaines

sur le fleuve Logone engendre une crise de ressources qui mérite une attention particulière.

Face à ces conflits qui perdurent et évoluent, les dispositifs traditionnels de gestion sont

restés fonctionnels. A ceux-là, il faut ajouter les actions des associations/comités de

développement. Ces modes de gestion apparaissent cependant inefficaces dans la mesure où

ils n’intègrent pas les principaux acteurs en conflit. Les initiatives de résolution des conflits

de la société civile restent elles aussi peu pertinentes, les actions menées restant limitées au

cas par cas. Les mesures prises par l’Etat manquent de vigueur structurelle. Celles des

autorités administratives répondent dans l’urgence au besoin de maintien de l’ordre et

n’intègrent pas un cadre global de résolution permanente des conflits. Il n’existe aucun

mécanisme permanent de prévention, gestion et résolution des conflits dans la région. Il y a

lieu de mettre en place des plateformes inclusives, de renforcer les capacités des acteurs et de

véhiculer des messages de paix pour garantir la cohésion sociale.

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Summary

Permanent inter-community skirmishes in Far North Cameroon is a source for concern. They

are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers,

farmers) or members of the same ethnic group. What triggers these conflicts are past

skirmishes which still remain vivid in peoples’ minds. Access to resources and traditional

power control are the main causes of these conflicts. These skirmishes are structural and

traditional in the cohabitation of the communities. They are characterised by violent clashes,

permanent tensions and brinkmanships which are fueled by ethnic, religious and production

means. These conflicts have given rise to the construction of an ethnic consciousness against

the backdrop of identity-based frustrations, especially during political rallies or battle for

local leadership, which in the long run pave the way for conflicts between people and

communities.

The present context of insecurity emanating from the Boko Haram insurgency has reshaped

the conflictual landscape of Far North Cameroon. From time to time, conflicts betweeen

displaced communities /refugees and host populations tend to replace traditional

inter/intracommunity conflicts. In the localities of Kousseri, Mora, Mokolo (Logone and

Chari, Mayo-Sava and Mayo Tsanaga Divisions respectively), these tensions are covert and

can blast at anytime. The movement of people towards more secured areas yield the same

effects in the Mayo Kani, Diamaré and Mayo Danay. The suspension of all human activities

on the Logone river gives rise to a crisis in resources which deserves special attention.

In a bid to face these lasting and evolving conflicts, traditional structures of management

have remained operational. These methods of management, however seem to be ineffective

in so far as they do not take into account the main people involved in the conflict. Initiatives

of conflict resolution of the civil society are all the same inefficient given that they deal with

cases taken in isolation. Measures taken by the State lack stutural vigour. Those by the

administrative authorities are geared toward immidiate peace-keeping needs and do not

consider wholistic frameworks of conflict resolution. There is no permanent prevention,

management and resolution mechanism in the region. There is need to put inplace inclusive

plattforms, strenghten peoples’ capacities and spread messages of peace in order to garantee

social cohesion.

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Carte de localisation

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CHAPITRE PREMIER : INTRODUCTION

1.1Contexte

La Région de l’Extrême-Nord connaît un cycle de crises. Ces crises sont tributaires d’une

géographie contraignante, d’un passé qui a légué des germes de conflits et d’un faible

encadrement socioéconomique des populations. A cela, il faut ajouter les crises sécuritaires

dont la plus violente est celle due aux attaques de Boko Haram à partir du Nord-Est du

Nigeria. La montée en puissance de cette insurrection islamiste a bouleversé les équilibres

sociodémographiques et la stabilité des Etats du bassin du lac Tchad. L’usage de la terreur

par ce groupe extrémiste a engendré une violencesans précédentet installé une crise

sécuritaire durable. Jusqu’en 2012, la violence de Boko Haram était restée limitée à

l’intérieur du Nigeria, même si quelques faits d’incursions sporadiques sont enregistrés à la

frontière avec le Cameroun1. Depuis 2013, les attaques de Boko Haram se sont étendues à

l’Extrême-Nord du Cameroun avec de graves conséquences socioéconomiques2, sécuritaires

et humanitaires.

La situation critique de l’Extrême-Nord est indissociable d’un environnement régional

caractérisé par l’instabilité politique des Etats, les crises écologiques à répétition et la

pauvreté massive des populations. Dans l’Extrême-Nord du Cameroun, ces facteurs sont à

l’origine de la vulnérabilité structurelle des populations et accroissent leur vulnérabilité aux

nouvelles crises. Ce cycle de crises repose sur une pluviométrie déficitaire ou précoce qui

conduit à des réductions considérables des superficies emblavées de l’ordre de 40%. Dans

l’ensemble, entre 2001 et 2007, le taux de pauvreté s’est accru, passant de 56,3% à 65,9%3.

La région connaît le taux d’insécurité alimentaire le plus élevé du Cameroun avec 17, 8%

environ et 10,3% des ménages ruraux sont touchés4. Les indicateurs sociaux restent aussi

préoccupants malgré des efforts constatés ces dernières années. Selon le rapport de la Banque

mondiale sur la croissance économique au Cameroun, les régions septentrionales et

particulièrement celle de l’Extrême-Nord, connaissent encore un faible encadrement en

1 La première attaque de Boko Haram est enregistrée du 1O au 11 avril 2O12 dans la localité commerciale de

Banki à la frontière des deux pays. 2 Lire Saïbou Issa (dir.), Les effets socioéconomiques de Boko Haram à l’Extrême-Nord du Cameroun, Revue

Kaliao, numéro spécial, décembre 2014. 3 ECAM 2 & 3. 4 PAM, FAO, Cameroun, « Analyse globale de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA)», 2011.

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matière d’éducation. A ce sujet, 76% des habitants sont analphabètes5. La malnutrition

perdure chez les enfants de moins de 5 ans, se situant en 2013 au stade « précaire » de la

malnutrition aigüe globale (MAG) de 8.6%6. A la pauvreté, s’ajoutent des situations de

vulnérabilitésconflictogènesà la réduction des espaces cultivables et des zones de pâturages

notamment. Entre les périodes de sècheresse, d’épidémies et d’inondations, la carte des

vulnérabilités de l’Extrême-Nord connaît une nouvelle répartition que les attaques de Boko

Haram ont accrue et reconfigurée.

Lorsque l’Extrême-Nord du Cameroun subit les premières conséquences de l’insurrection

Boko Haram au Nord-Est du Nigeria, le Nord-Cameroun en général sortait à peine d’une

longue crise sécuritaire due au phénomène des « coupeurs de route » et des prises d’otages7.

Succédant donc à cette période de crise, la secte terroriste Boko Haram s’est déployée sur le

sol camerounais par étapes. Les attaques épisodiques sur les postes frontaliers de gendarmerie

et de police dès 2012, les incursions fugaces de replis tactiques et d’approvisionnement sur

fond d’enlèvements à partir de 2013 et les attaques frontales sur les cibles militaires et les

populations civiles en 2014 constituent les principales phases de la guerre contre le

Cameroun. Les attaques s’accompagnent d’assassinats ciblés de chefs traditionnels,

d’enlèvements d’enfants, ainsi que de messages de menaces à destination des populations.

Au-delà du Cameroun, la menace terroriste s’est régionalisée à travers les attaques menées

dans le lac Tchad et au Sud-Est du Niger. Au fil du temps, l’expansion territoriale de la

menace s’est traduite par la négation de toute autorité publique, la sanctuarisation des zones

stratégiques conquises, en particulier les Monts Mandara le long de la frontière avec le

Cameroun, la forêt de Sambisa ou certains îlots du lac Tchad et la destruction des

infrastructures de base8. Cette stratégie d’expansion s’est surtout accompagnée d’un vaste

exode des populations fuyant la violence du groupe terroriste ou celle de la contre-offensive

de l’armée nigériane.

Les attaques répétées sur les populations civiles ont produit des effets dont les plus visibles

restent l’afflux des réfugiés et des personnes déplacées internes. Les chiffres sont évocateurs

de ce désastre humain perpétré par le mouvement terroriste. Selon le rapport inter-Agences

5 Banque mondiale, « Cahiers économiques du Cameroun : réexaminer les sources de la croissance, la qualité de

l’éducation de base », Washington, janvier 2014. 6 UNICEF, Enquête nutritionnelle SMART, juillet-août 2013. 7 Lire à ce sujet Saïbou Issa, 2010, Les coupeurs de route. Histoire du banditisme rural et transfrontalier dans le

bassin du lac Tchad, Paris, Karthala 8 H. Mbarkoutou Mahamat, « Expansion de Boko Haram, dépeuplement des zones frontalières et afflux des

réfugiés du terrorisme dans le Nord-Cameroun » in Bulletin d’Analyse Stratégique et Prospective, EIFORCES,

Yaoundé, n°2.

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du HCR sur la situation dans l’Extrême-Nord, jusqu’au 25 mai 2015, la région comptait

81.117 personnes déplacées internes, 74.000 réfugiés recensés par les autorités locales dont

37.171 vivant au camp de Minawaou9. Ce mouvement des populations sous crise s’est doublé

d’une crise humanitaire générale puisque 21,9% de la population totale de la région nécessite

une assistance10.

L’afflux des réfugiés vers le Cameroun et le déplacement massif des populations internes ont

connu des trajectoires différentes. La première est celle des réfugiés nigérians. Si quelques

milliers d’entre eux ont accepté de rejoindre le camp de Minawaou, il convient de préciser

que plusieurs autres milliers s’y refusent, préférant l’accueil d’une famille proche ou amie.

12.487 réfugiés ont été identifiés hors camp en mai 2015. La deuxième trajectoire concerne

les déplacés internes. En vagues successives, les populations qui fuient leurs villages attaqués

par les assauts de Boko Haram s’installent dans les camps de fortune le long des axes

routiers. Celles qui jouissent de relations amicales ou familiales sont intégrées dans des

familles d’accueil des grandes agglomérations de l’Extrême-Nord. Les populations déplacées

internes qui s’installent ainsi de façon spontanée connaissent une cohabitation difficile avec

les communautés hôtes,ce qui engendre des conflits.

Dès lors, il est important de questionner les conditions d’intégration ou d’installation des

communautés déplacées. Dans la plupart des cas, les populations d’accueil se sont montrées

hostiles aux populations déplacées parce qu’elles redoutent de partager désormais les maigres

ressources disponibles. Cette nouvelle source de conflits vient s’ajouter à des antagonismes

existants qu’il convient de cerner pour identifier les développements consécutifs à l’arrivée

des réfugiés et des déplacés, puis examiner les modes de régulation jusque-là usités par les

pouvoirs publics, les communautés et la société civile.

1.2 Justification de l’étude

La conflictualité dans les sociétés de l’Extrême-Nord du Cameroun est récurrente. Du fait

desafaible pluviométrie qui n’optimise pas les rendements agricoles, de sa démographie

importante et d’une pauvreté rampante, la région est vulnérable aux antagonismes. Cette

vulnérabilité est entretenue par le difficile accès aux ressources vitales, à la manipulation de

l’ethnicité dans un contexte démocratiquemultipartiste et aux oppositions d’origine religieuse.

A cela, il faut ajouter une succession de crises sécuritaires dont la plus violente est celle

9 HCR, « Rapport Inter-Agences sur la situation à l’Extrême-Nord du Cameroun », 18-24 mai 2015. 10 BUCREP, « Les populations vulnérables dans les situations d’urgence. Regard sur les régions affectées par

les situations d’urgence au Cameroun », Journée Mondiale de la Population, juillet 2015.

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induite par les attaques de Boko Haram. Cette crise sécuritaire en coursa inscrit la région dans

une perspective incertaine qui ne garantit ni la cohésion sociale, ni le développement

socioéconomique des populations.

Il est donc nécessaire que les risques de troubles sociaux induits par la crise sécuritaire soient

analysés et compris. Cet éclairage de premier niveau est un préalable à la création des

conditions favorables au déploiement de l’aide que les partenaires internationaux et diverses

organisations apportent aux personnes sinistrées dans la région. Dans cette perspective, les

antagonismes existants et les moyens visant à les résoudre doivent être évalués pour que la

cohésion sociale soit un outil au service du développement.

C’est dans cette optique que les agences des Nations Unies, divers acteurs humanitaires et les

autorités nationales font face à l’urgence de la situation et envisagent le relèvement précoce

des communautés impliquées : refugiés, PDI et les populations hôtes. Ils envisagent

également de contribuer à la construction d’une paix durable dans cette Région

multiculturelle, la plus pauvre du pays et sujette à une variété de vulnérabilités. La présente

étude s’inscrit dans le cadre du « Projet d’urgence pour le renforcement des mécanismes de

prévention des crises et le développement inclusif dans la Région de l’Extrême-Nord » et du

projet Rapid Response. Parallèlement, l’UNESCO est engagée avec la FAO et le PNUD dans

un projet conjoint d’appui au relèvement précoce des communautés affectées à l’Extrême-

Nord. L’initiative, financée par le Gouvernement Japonais, vise à renforcer non seulement

l'administration locale et la fourniture de services sociaux fonctionnels mais aussi la cohésion

sociale par l'autonomisation économique des victimes et la mise en place des mécanismes

opérationnels de prévention et gestion de conflits dans les localités de Kousseri, Mora et

Mokolo. Les deux projets souhaitent s’appuyer sur une bonne connaissance des

fondements/sources de conflits, des catégories d’acteurs impliqués et d’une évaluation

préalable des mécanismes endogènes de prévention et de gestion des conflits pour rendre plus

opérationnelles les plateformes de dialogue existantes ou à créer dans les communautés en

milieux adulte et jeune.

1.3 Objectifs

L’objectif de la consultation est de faire une synthèse des conflits et des mécanismes de

prévention, de gestion et de résolution des conflits dans la Région de l’Extrême-Nord avec

une attention particulière sur les sites ciblés (Mora, Mokolo et Kousseri). Il s’agit, pour les

zones cibles particulièrement, d’identifier les communautés résidentes (réfugiés, les

populations déplacées internes et les populations hôtes), de répertorier les conflits récurrents

qui les opposent, leurs sources, les catégories d’acteurs impliqués, les éléments de

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remédiation, les mécanismes endogènes et innovants de prévention, de gestion et de

résolution des différends entre lescommunautés installées dans les sites d’intervention du

projet de relèvement précoce afin que l’UNESCO et d’autres acteurs s’en inspirent pour

promouvoir le dialogue inter et intracommunautaire et la cohésion sociale.

De manière spécifique, il s’agitde :

- Dresser le profil des grandes composantes sociologiques de la région avec un accent

particulier sur les communautés résidant dans les sites du projet retenus par la FAO et le

PNUD dans les localités de Mora, Mokolo et Kousseri

- Analyser la typologie, les sources et la fréquence des conflits au sein desdites

communautés avant et du fait des effets des récents mouvements de population liés à la

crise générée par les exactions de Boko Haram

- Répertorier les mécanismes et les acteurs clés endogènes (traditionnels, religieux et

administratifs) de prévention, de gestion et de résolution de conflits en soulignant leurs

forces et leurs faiblesses notamment en ce qui concerne l’approche genre et

l’implication des jeunes

- Evaluer l’apport, les forces et les faiblesses des plateformes pertinentes de la société

civile

- Proposer des actions concrètes pour la redynamisation des mécanismes existants ou à

créer avec des stratégies efficaces à opérationnaliser.

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CHAPITRE 2 : REVUE DE LA LITTERATURE ET

METHODOLOGIE

2.1 Définitions

Les concepts de conflit et mécanismes constituent les principaux centres d’intérêts de cette

étude.

Le conflit a fait l’objet de définitions variées, à la fois par des organismes internationaux de

promotion de la paix et les universitaires. Globalement, le mot conflit désigne des

phénomènes si divers qu’il est quelque peu difficile à conceptualiser. Il vient du latin

confligere (con : ensemble ; fligere : heurter, frapper) ou conflictus (choc, heurt, lutte,

attaque). Au sens plus général, un conflit est une opposition entre deux ou plusieurs acteurs.

Il connaît une expression violente lorsqu’un acteur, individuel ou collectif, a un

comportement qui porte atteinte à l’intérêt d’autres acteurs. Selon les contextes, il implique

l’existence d’un antagonisme qui peut prendre diverses formes : un rapport entre des forces

opposées, une rivalité ou une inimitié, une guerre, etc. Il existe ainsi une échelle de la

conflictualité qui va du désaccord à la tension et à la violence, en passant par un nombre plus

ou moins grand de degrés intermédiaires11.

Dans le cadre de la présente étude, le conflit est entendu comme une opposition plus ou

moins ouverte et violente entre deux groupes de personnes ou communautés dans le but de

défendre leurs intérêts. Il oppose deux forces contraires, chacune ayant ses sentiments et ses

intérêts propres. Les conflits sont liés aux modalités économiques et sociales de l’occupation

des espaces, d’accès et de répartition des ressources, de manipulation politique sur fond de

divisions ethniques et de crispations identitaires. Ils se manifestent par l’usage de la violence,

l’inimitié constante à travers des modalités de méfiance et/ou une organisation séparée des

activités socioéconomiques. Pour la plupart, ces conflits reposent sur un terreau identitaire

fortement parsemé sur l’ensemble de la région dont les facteurs d’activation sont une parcelle

de terre, une mare d’eau à poissons, une crise de succession du pouvoir traditionnel et un

11Selon diverses sources, les conflits sont définis à partir des postures différentes. L’Université d’Uppsala parle

de conflit armé actif à condition de recenser au moins 25 victimes par année calendaire. Elle distingue les

conflits armés majeurs lorsque le nombre de morts est supérieur à 1 000 en une année, dans le cadre d’un conflit

dont au moins un des acteurs est un gouvernement. A l’inverse, l’Institut de recherche sur les conflits de

Heidelberg, qui définit les conflits à partir de trois attributs seulement : acteurs, actions et objets, ne mentionne

pas de condition de nombre.Lire à ce sujet, Uppsala Conflict Data Program (Date of retrieval: yy/mm/dd)

UCDP Conflict Encyclopedia: www.ucdp.uu.se/database, Uppsala University; Heidelberg Institute for

International Conflict Research, “Conflict Barometer”, 2014.

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constant jeu de manipulation des identités à des fins politiques. Ces modes d’opposition

s’opèrent à l’intérieur d’une même communauté, entre les groupes d’individus défendant les

mêmes intérêts, entre des communautés de différentes identités. Yr-

Les mécanismes et les plateformes de médiation renvoient auxmodes d’action de prévention,

gestion et résolution des conflits. Plusieurs dispositifs traditionnels existent dans les cultures

des communautés en conflits. Ceux-ci sont relatifs à la justice coutumière et aux assemblées

de dialogue fonctionnant dans les cours des chefferies traditionnelles. Ils sont complétés par

l’action de conciliation des autorités administratives, les décisions des instances judiciaires et

les initiatives de médiation de la société civile. Ce sont en définitive, des méthodes internes

aux communautés ou des cadres de rencontre, de dialogue et de consensus qui mobilisent les

acteurs en conflits dans le but de trouver des solutions consensuelles.

2.2 Synthèse de la littérature

La question des conflits à l’Extrême-Nord du Cameroun a fait l’objet d’études générales et

spécifiques de la part des chercheurs universitaires ou d’institutions spécialisées et de divers

organismes en charge du développement. Suivant les centres d’intérêts particuliers, cette

littérature traite des ressources disputées, de l’ethnicité comme instrument des enjeux

politiques et des dispositifs existants de résolution des conflits dans l’Extrême-Nord du

Cameroun.

2.2.1 La terre et l’eau

La plupart des travaux sur les conflits à l’Extrême-Nord du Cameroun se situent dans le

contexte de la rupture politique des années 1990 pour expliquer leurs causes. Ils présentent

une structure ancienne de conflits dans les zones spécifiques de production. L’accès à la terre

pour la culture du coton se caractérise, depuis des décennies, par une pression et une

insécurité foncière. Les litiges qui en découlent, souvent mal résolus du fait de la

rémunération permanente qu’ils génèrent pour les instances coutumières d’arbitrage,

débouchent sur des conflits ouverts entre les producteurs de coton12. L’objet des conflits est

la terre sur laquelle la pratique de l’agriculture assure la vie des communautés paysannes. Les

terroirs chers aux agriculteurs sont aussi convoités par les éleveurs dont l’itinérance à la

recherche du pâturage détruit les champs agricoles.

Les conflits éleveurs-agriculteurs sont traditionnels et fréquents dans la région de l’Extrême-

Nord. Plusieurs chercheurs s’y sont penchés, abordant chacun les aspects dont la portée est

significative dans la permanence des conflits. Les conflits sont enregistrés pendant les

12 N. Koussoumna Libra’a, 2014, Crises de la filière coton au Cameroun : fondements et stratégies d’adaptation

des acteurs, Yaoundé, éditions Clé, pp. 241-242.

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16

activités de nomadisme et de transhumance qui provoquent une lutte d’intérêts autour des

points d’eau et des espaces de pâturage réservés ou utilisés pour l’agriculture13. Dans ce cas,

la compétition pour les ressources est à l’origine des oppositions entre les communautés

pastorales et agricoles. Mais, il est notable de constater que la survenue des conflits n’est pas

toujours liée à la rareté des ressources. Plusieurs conflits sont causés par le manque

d’organisation des espaces disponibles, lequel engendre un accès anarchique favorable aux

conflits14. En dehors des Mbororo dont la transhumance permanente est conflictogène dans

les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Est15, des communautés partageant la même

identité mais exerçant des activités différentes s’opposent aussi pour accéder ou contrôler une

ressource.

Cette structuration des conflits est similaire à celle connue entre les éleveurs arabes choa et

agriculteurs issus d’autres communautés dans la zone du delta du lac Tchad. Le recul des

eaux a favorisé la multiplication de nouvelles zones de cultures sur les abords du lac. En

même temps, s’intensifient les mouvements transfrontaliers des pêcheurs dans le sillage du

retrait du lac. Si la compétition d’accès aux ressources halieutiques est âpre dans le lac

Tchad, celle constatée dans la vallée du Logone l’est tout aussi avec une fixation sur les

mares d’eau en période sèche16. La compétition d’accès aux ressources se fait aussi par la

prédation. Le vol a constitué depuis longtemps un réel facteur de conflits entre les

communautés au point de structurer les relations entre Peul et Guiziga dans la plaine du

Diamaré17. Le vol du bétail génère des conflits intra ou intercommunautaires dans le

Diamaré, le Logone et Chari et le Mayo Danay. La revue de la littérature sur les diverses

sources de conflits dans l’Extrême-Nord fait une faible allusion à la conjoncture sécuritaire

due aux attaques de Boko Haram.

La crise sécuritaire et humanitaire consécutive aux attaques de Boko Haram, dont on sait que

l’impact sur les communautés est récessif, n’a pas modifié la configuration des conflits à

l’Extrême-Nord du Cameroun. Elle a plutôt accru leur potentiel de risques avec la pression

exercée sur les ressources disponibles. Cette perspective d’analyse n’est pas développée par

13 Christian Floret, Roger Pontanier, « La gestion des ressources locales et les dynamiques territoriales : conflits

et défis pour l’espace, l’eau, la biodiversité », in Jean-Yves Jamin, L. Seiny Boukar, Christian Floret, 2003,

Synthèse des communications sur le thème 2, Cirad – Prasac. 14 Moïse Labonne, Paul Magrong, Yvan Oustalet, « Le secteur de l’´élevage au Cameroun et dans les provinces

du grand Nord : situation actuelle, contraintes, enjeux et défis », in Jean-Yves Jamin, Lamine Seiny Boukar,

Christian Floret, 2003, Cirad, Prasac. 15 N. Koussoumna Libra’a, 2013, Les éleveurs Mbororo du Nord-Cameroun, Paris, L’Harmattan 16 Abdoulaye Djibrine, « Conflits interethniques et sous-développement dans le Logone et Chari », mémoire de

master en Sciences Sociales pour le Développement, ISS, 2014. 17Saïbou Issa et Hamadou Adama, «Vol et relations entre Peuls et Guiziga dans la plaine du Diamaré (Nord-

Cameroun) », in Cahiers d’Etudes Africaines, 166, XLII-2, 2002, pp. 359-372.

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17

la littérature accessible, encore moins en ce qui concerne les mécanismes communautaires et

institutionnels de résolution des conflits. Pourtant, les recherches jusque-là menées

confirment l’itinéraire d’incertitude des réfugiés et populations déplacées de manière à les

placer dans l’orbite de sources de conflits. En adoptant la fuite comme mode d’évasion, les

communautés déplacées du Mayo-Sava et du Mayo Tsanaga qui se réinstallent sur de

nouveaux sites provoquent l’hostilité des populations d’accueil, les accusant d’occuper les

terres de cultures. La résistance et les nombreuses tentatives de survie des déplacés finissent

pas déclencher les conflits. L’insécurité causée par Boko Haram n’a pas seulement engendré

une pression sur les ressources naturelles, elle a, par ailleurs, fortement réduit les sources de

revenus des populations. Toute chose qui accroit le désœuvrement des populations et une

compétition sur les rares domaines encore survivants de l’économie. L’île de Kofia offre une

illustration de cette modification des itinéraires d’accumulation du fait de l’insécurité au

profit d’un modèle de survivance réduit à quelques activités18. Aux causes structurelles des

conflits, il faut ajouter les causes conjoncturelles.

2.2.2 Les enjeux politiques et l’ethnicité

Plusieurs travaux se sont concentrés sur les nouvelles formes de conflits que l’ouverture

démocratique a favorisées dans les années 1990. Il ne s’agit pas d’une cause directe de

conflits, mais il apparaît que les jeux d’intérêts politiques se sont appuyés sur le vote

ethnique. L’ouvrage de Saïbou Issamontre à cet effet que la mobilisation des communautés

Arabes Choa et Kotoko dans la perspective des premières élections législatives multipartites

dans le département du Logone et Chari a considérablement instrumentalisé l’ethnicité19. Les

affrontements de 1992 entre les deux communautés sont l’aboutissement violent d’une

longue période d’inimitié. Bien que l’opposition entre Kotoko et Arabes Choa soit ancienne

et latente, empruntant les voies de l’autochtonie et de l’allochtonie, les deux communautés ne

sont jamais arrivées à un niveau de confrontation aussi violente qu’en 1992. Pourtant,

certains travaux insistent sur le rôle négatif de la colonisation européenne dans

l’instrumentalisation de l’ethnicité et la division des communautés Kotoko et Arabes Choa

pour mieux régner. De cette posture critique, se dégagent les premiers agrégats d’une scission

structurelle entre les deux communautés. Le déclassement politique des Arabes Choa au

bénéfice de Kotoko, adoubés par le pouvoir du Président Ahmadou Ahidjo avait renforcé le

sentiment d’exclusion des premiers. Le changement des paradigmes politiques dans le

18 Koultchoumi Babette, « Boko Haram au lac Tchad : la vie socioéconomique de Kofia à l’épreuve de

l’insécurité », in Revue Kaliao, volume spécial, novembre 2014, pp. 118-135. 19Saïbou Issa, 2012, Ethnicité, frontières et stabilité aux confins du Cameroun, du Nigeria et du Tchad, Paris,

L’Harmattan.

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18

Logone et Chari à la faveur de l’ouverture démocratique, dont on sait que le divorce entre

l’ancien président et son successeur a profité aux Arabes Choa, a redistribué les cartes20. Les

événements violents qui vont se succéder en 1992 dénotent d’une haine tribale pour le

contrôle du pouvoir politique, en même temps qu’ils constituent un réel obstacle au processus

de développement de la localité21.

De nombreux conflits sont constatés dans le registre de la succession au sein du pouvoir

traditionnel. Ils s’inscrivent dans deux contextes. Le premier est lié à l’extraversion des

rituels de succession qui ne respectent plus l’orthodoxie traditionnelle. Le contrôle de

l’institution cheffale au Nord-Cameroun par l’autorité administrative a bouleversé l’équilibre

des instances de désignation et la généalogie des successeurs. Cette intrusion qu’on peut

mettre à l’actif des allégeances recherchées par le pouvoir politique, crée des tensions et

conflits, soit entre les clans d’une même communauté, soit entre les individus d’une même

famille. Le deuxième contexte de conflit est le processus migratoire de certaines

communautés qui, au bout de quelques décennies d’établissement, revendiquent une

légitimité traditionnelle. La question des peuples autochtones, propriétaires des terres

rencontre dès lors l’aspiration des allogènes à se soustraire de l’autorité des premiers. Ces

oppositions ont généré plusieurs conflits dans la vallée du Logone. Les différentes formes de

conflits ainsi recensées font l’objet d’un encadrement multiforme.

2.2.3 Mécanismes et plateformes de résolution des conflits

Si de nombreux mémoires académiques ont abordé ces sujets, il reste que les méthodes de

gestion des conflits ont rarement fait l’objet d’études spécifiques. On sait qu’en Afrique, il

existe une gamme variée de modes endogènes de résolution des conflits. Les pratiques

dissuasives, les alliances sacrificielles, les sociétés secrètes et le rôle des leaders constituent

les formes majeures d’action et d’institutions de prévention des conflits. Quant à la

résolution, elle repose sur les faiseurs de paix (plénipotentiaires, négociateurs, médiateurs) et

surtout la palabre22. Ces différents niveaux d’institutions et d’actions en faveur de la paix sont

observables dans toutes les sociétés traditionnelles d’Afrique noire.

20 A. Sopca, « l’hégémonie ethnique cyclique au Nord-Cameroun », in Afrique et développement, Vol. XXIV,

Nos 1-2, 1999. 21 Alawadi Zelao, « Conflictualité interethnique et régression scolaire dans la ville de Kousseri au Nord-

Cameroun », Communication au Colloque International Education, Violences, Conflits et perspectives de paix

en Afrique, Yaoundé, 6 au 10 mars 2006. 22 Thierno Bah, « Les mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits en Afrique noire », in

Les fondements endogènes d’une culture de la paix en Afrique : mécanismes traditionnels de prévention et de

résolution des conflits, Paris, 2003

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19

Dans les sociétés traditionnelles de l’Extrême-Nord, ces mécanismes existent et fonctionnent

selon la considération que leur vouent les populations. Les cadres de médiation sont la justice

traditionnelle qui est intégrée au système traditionnel du pouvoir, la diplomatie traditionnelle,

les alliances matrimoniales, la contribution des fêtes et les rites traditionnels, le recours à la

médiation et au dialogue23. Il faut cependant noter que ces instances connaissent un

fonctionnement minimal du fait des influences diverses, de l’existence d’autres outils de

médiation, de l’action des autorités étatiques.

2.3 Méthodologie

La conduite de l’étude a reposé sur trois étapes essentielles.

La préenquête et l’analyse documentaire a consisté en les étapes suivantes :

- L’identification des sources d’informations ;

- Une revue sommaire de la littérature existante sur les conflits et leurs modes de résolution

dans la Région de l’Extrême-Nord en général et particulièrement dans les zones affectées par

les attaques de Boko Haram ;

- Une consultation des documents administratifs relatifs aux comptes rendus de conflits et de

leur gestion ;

- L’élaboration des outils d’enquête ;

- La production du présent rapport.

Les enquêtes de terrain ont permis de collecter les données empiriques en tenant compte de

la spécificité de la zone d’étude, de l’opérationnalité des outils méthodologiques, de

l’échantillonnage et des procédés d’analyse.

La zone d’étude couvre toute la Région de l’Extrême-Nord, avec un ancrage sur les sites

d’occupation des communautés déplacées des localités de Mokolo, Mora et Kousseri. La

physionomie générale des conflits a fait l’objet d’une attention particulière, tout comme les

mécanismes existants de prévention, gestion et résolution des conflits. La conduite des

enquêtes sur les trois sites du projet Rapid Response s’est principalement focalisée sur 24

localités à Mokolo, 34 localités à Mora et 26 à Kousseri. (Confère la liste des localités en

annexe).

Sur les sites du projet Rapid Response, l’étude a privilégié l’identification des sites effectifs

d’occupation des communautés déplacées, l’analyse des interactions avec les populations

d’accueil, la cohabitation des différentes communautés, les modes d’accès aux ressources

23 D. Bachirou Tirlé et al., « Mécanismes traditionnels de résolution des conflits dans l’Extrême-Nord (XIXe-

XXe siècle) », mémoire de DIPES II, ENS de Maroua, 2010

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20

vitales, les points de conflits, les mécanismes endogènes et les modes extérieurs de

prévention et gestion des conflits, les cadres appropriés (plateformes) de résolution.

Les outils d’enquête sont les questionnaires, les guides d’entretien et le focus group

discussions. L’administration de ces outils de collecte des données s’est déployée dans le

cadre d’une répartition des enquêteurs en trois équipes, conformément aux trois sites retenus.

Outre le consultant, d’autres enseignants de l’Université de Maroua ont été associés au

processus de collecte de données en synergie avec l’équipe de recherche du Pr. Saibou Issa,

ce dernier assurant la supervision de la tâche.

La population générale de l’étude est celle de la Région de l’Extrême-Nord, la cible étant

constituée des déplacés internes et des populations hôtes, acteurs communautaires, autorités

traditionnelles, administratives, communales, les responsables des associations de

développement et de la société civile. La technique d’échantillonnage retenue est celle non

probabiliste de choix raisonné afin de privilégier les données qualitatives.

Selon les types d’acteurs identifiés,

- Les guides d’entretien ont été adressés aux autorités administratives (6 Préfets et 08

sous-préfets), 12 chefs traditionnels de 1er et 2e degrés des zones d’accueil (Sultans,

Lamibé, Chefs de cantons), 54 chefs de 3edegré (Lawans, Blamas et Djaouros selon

les cas), 09 chefs des communautés déplacées, plusieurs responsables étatiques

d’encadrement des populations sous crise, des acteurs humanitaires, des responsables

d’associations tribales et de développement local. Ils ont été aussi adressés à certaines

élites locales impliquées dans les conflits et leur résolution, aux associations de la

société civile opérant dans le dialogue interculturel et la résolution des conflits.

- Les questionnaires ont été adressés aux populations d’accueil et aux membres des

communautés déplacées. Une attention particulière a été portée sur les femmes et les

jeunes issus desdites communautés à travers 08 focus group.

- L’étude a également fait recours à l’observation en tant que méthode essentielle de la

compréhension des dynamiques collectives sur les sites. Elle a été utilisée tout au long

de l’enquête de terrain, même si la saison des pluies a dispersé plusieurs déplacés,

obligés de trouver refuge dans les familles d’accueil.

Les procédés d’analyse ont suivi une démarche diagnostic-description-évaluation-

perspectives. Ceci a permis de cerner les problèmes, de saisir leur portée en termes

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d’interactions sociales et la participation aux œuvres collectives de développement, puis la

formulation de recommandations.

La production des résultats est renforcée par des illustrations. De façon générale, il a été

organisé une restitution interne du rapport avec l’équipe pluridisciplinaire de recherche

coordonnée par le Pr. Saibou Issa. Cette étape a permis de valider les données analysées et

d’engager le processus de consolidation du rapport d’étape.

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22

CHAPITRE 3 : FONDEMENTS ET TYPOLOGIE DES

CONFLITS DANS LA REGION DE L’EXTREME-NORD

La physionomie des conflits dans la Région de l’Extrême-Nord présente des tendances très

variées. Les cas d’étude que ce chapitre présente correspondent aux différents types de

conflits qui persistent et qui ont donné lieu à diverses formes de gestion.

3.1. Les conflits d’accès aux ressources

Ils sont les conflits les plus fréquents dans la région. On identifie les conflits fonciers et

identitaires et les frictions religieuses.

3.1.1. Les conflits fonciers

Les conflits fonciers sont des oppositions ouvertes et parfois violentes qui ont pour cause un

espace, une parcelle de terre. Les espaces disputés sont destinés à l’agriculture ou à l’élevage,

à l’habitation ou considérés par une communauté comme faisant partie de son patrimoine

historique. Les conflits surviennent lorsque les parties en présence revendiquent la possession

de la terre disputée. La mécanique de ce type de conflits connait une progression qui débute

par des tensions sporadiques. La radicalisation des deux camps conduit le plus souvent à

l’affrontement. La persistance du conflit résulte généralement de l’intérêt saisonnier lié à

l’espace disputé (agriculture, pêche, élevage) ou à la mauvaise gestion d’un conflit.

Conflit Kotoko-Mousgoum/Massa à Kousseri en 2015

Déjà marquée par les conflits passés entre Kotoko et Arabes Choa, la ville de Kousseri a

enregistré depuis quelques mois une vague de violence entre Kotoko et Mousgoum. La cause

du conflit est le partage d’une parcelle de terre de près de 500 hectares, située à Kawadji,

concédée par le Gouvernement du Cameroun au HCR afin d’accueillir les réfugiés tchadiens

lors de la guerre civile tchadienne qui éclate en 1979. Avec la stabilité retrouvée du Tchad,

l’Etat du Cameroun décide de retourner l’espace à l’usage des populations dans le cadre

d’une répartition fondée sur les équilibres des groupes ethniques historiquement établis. En

dépit des rencontres consensuelles de partage et les mesures de sensibilisation prises par les

pouvoirs publics, certaines communautés et groupes d’individus contestent les termes de la

répartition entre les communautés Kotoko, Arabes Choa, Mousgoum et Massa, la commune,

le sultanat de Kousseri et l’Etat. Les conflits survenus sur le site entre Kotoko et

Mousgoum/Massa le 4 juin 2015 résultent des contestations des uns et des autres. Selon le

Maire de Kousseri, les luttes autour du terrain de Kawadji illustrent bien la résurgence du

communautarisme ethnique et une crispation profonde des identités.

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23

3.1.2 Les conflits agro-pastoraux et halieutiques

Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont les plus observés à l’Extrême-Nord du

Cameroun. Même s’ils ont connu une baisse à cause de la sédentarisation progressive des

éleveurs pasteurs et de l’aménagement des corridors de transhumance, ces conflits

connaissent de nouvelles modalités qui donnent lieu à des conflits récurrents.

Les conflits internes entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs

Ces conflits sont régulièrement enregistrés à l’intérieur des communautés d’agriculteurs,

d’éleveurs ou de pêcheurs. Pour les conflits entre agriculteurs, ils résultent de l’extension des

surfaces cultivables, due à la pression démographique et à l’appauvrissement des sols. On les

rencontre dans toute la Région de l’Extrême-Nord. En ce qui concerne les conflits entre

éleveurs, ce sont la rareté et l’indisponibilité des ressources en eau et en fourrage qui

accentuent les rivalités entre agro-éleveurs (qui sont par ailleurs semi sédentaires) et les

éleveurs transhumants. Ce type de conflit est prégnant dans le Mayo-Kani, Mayo-Danay et la

plaine inondable du Logone. Les conflits entre pêcheurs restent récurrents aux abords du

fleuve Logone. Face à la diminution des eaux des cours d’eau qui alimentent le lac Tchad et à

la rareté des poissons, les pêcheurs inventent des dispositifs d’accumulation, à l’instar du

creusage anarchique des canaux de pêche, qui débouchent sur des oppositions violentes..

Conflits récurrents entre éleveurs et agriculteurs dans le Mayo-Kani

Les cantons de Kaélé, Midjivin et Boboyo dans le département du Mayo-Kani connaissent

une recrudescence des conflits entre agriculteurs et éleveurs nomades.Initialement, le

département du Mayo-Kani est par excellence une zone d’élevage avec un cheptel de 85 414

bovins et 106 389 caprins24. Il regorge aussi d’énormes potentialités pastorales, notamment

les grands parcours, les points d’eau d’abreuvement et de nombreux marchés à bétail. Ces

atouts auxquels il faut ajouter l’aménagement des aires protégées avaient sensiblement fait

baisserles conflits entre agriculteurs et éleveurs. Pourtant, face à la montée de l’insécurité aux

frontières avec le Nigeria, les éleveurs peuls et d’autres originaires du Nigeria et du Niger, se

sont établis sur ces espaces aménagés de pâturage. La saturation de l’espace qui est dueà

l’insuffisance du pâturage et de points d’eau, conduit les bêtes à divaguer et à endommager

les espaces agricoles aménagés et cultivés des populations locales. C’est le cas du domaine

protégé de Lamtari dans le canton de Kaélé qui connait une saturation animale. En plus de la

divagation des bêtes, plusieurs cas de vols sont constatés et exaspèrent les communautés

hôtes et d’accueil qui s’accusent mutuellement. Selon le premier adjoint préfectoral du Mayo-

24 Communication de Ousmanou, Maire de la commune de Kaélé, Colloque sur le développement économique

local dans le contexte de la décentralisation, Yaoundé, 12-14 mars 2013

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Kani, plusieurs rixes ont été enregistrées qui témoignent d’une montée de tensions entre

communautés Moundang, Guiziga et Toupouri contre les éleveurs nomades. A cause de

l’insécurité à la frontière avec le Nigeria et à la frontière avec la RCA, les zones de parcours

des éleveurs sont réduites. Les villages Djidoma, Piwa, Berkedé, Doumourou, Garey,

Tchiodé, Minjil et Moumour sont les plus concernés par ces conflits.

Conflit halieutique entre Kotoko et Mousgoum autour de la mare de Tcikam en

2007

Victimes quotidiennement des affres d’un climat « violent » (sècheresse aigue à partir du

mois de février et inondations en saison pluvieuse), d’un enclavement limitant la mobilité

économique et d’une cohabitation difficile avec le parc national de Waza, les populations

Kotoko et Mousgoum du district de Zina se ressourcent clandestinement au parc.

SelonMAHAMAT ZIBRINE, Expert CBLT, ancien président de l’association culturelle des

Kotoko, AC-SAO, la régularité de ce type de conflit est due à l’absence d’une gestion

cohérente et efficiente des ressources existantes et de défaut d’un plan de sauvegarde ou de

rationalisation d’usage. La mare artificielle de Tcikam, réservée au breuvage des animaux

sauvages, a été au centre de violents affrontements entre les deux communautés. Les

échauffourées qui débutent le 4 janvier 2007 autour de la mare embrasent toute la localité.

En colonnes dressées et armés de flèches, lances et armes à feu, Mousgoum et Kotoko

s’affrontent dans plusieurs villages. Des attaques aux représailles, les affrontements qui se

déroulent du 4 au 10 janvier dans les villages Tchédé, Sesena, Fichna, Dague, Karti, Dougue

et Zina font plus de 10 morts selon un bilan officiel. Selon le chef de canton Kotoko de Zina,

Encadré 1 : La crise du fleuve Logone Depuis de début de l’année 2015, le fleuve Logone est suspendu d’activités humaines.

Une suspension qui fait suite aux craintes que le fleuve serve de voie de passage aux

terroristes de Boko Haram, désireux d’attaquer le Tchad. Selon toute vraisemblance,

cette suspension unilatérale du Tchad a plongé les localités riveraines dans la crise.

L’arrêt de la pêche prive les pêcheurs de ressources alimentaires et des revenus

nécessaires à leur épanouissement. Les populations riveraines, en saison des pluies, sont

piégées dans les villages d’autant plus que le fleuve constituait une voie navigable qui

desservait plusieurs villages entre Pouss dans le Mayo-Danay et Kousseri dans le

Logone et Chari. Loin du champ des crises aux frontières du Cameroun et du Nigeria,

les abords du Logone subissent, au même titre que les zones sous crise de l’Extrême-

Nord, les conséquences de la crise sécuritaire. Cette situation de vulnérabilité accentue

la pression sur les ressources et provoque des tensions inter-villages. Ces tensions sont

aussi perceptibles entre les populations locales et celles déplacées intégrées dans les

familles. Il urge d’y prêter attention.

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ces affrontements ont renforcé la fracture entre les deux peuples depuis les conflits de 2006

au sujet de la succession à la chefferie de Lahaye. Ce type de conflit pourrait se multiplier si

la crise que connait le fleuve Logone perdure.

3.2 Les conflits identitaires

Ils concernent les oppositions ouvertes sur diverses questions,motivées par l’appartenance

ethnique. La notion d’identité renvoie au référent tribal qui s’exprime par la revendication ou

la défense plus ou moins violente d’une cause que des individus partageant la même identité,

jugent immuable. A l’Extrême-Nord, ces conflits sont observés entre deux ou plusieurs

groupes ethniques opposés ou à l’intérieur du même groupe.

3.2.1 Les luttes de pouvoir et la résurgence de l’ethnicité

Les conflits de type identitaire ont connu un accroissement à la faveur de l’ouverture

démocratique. Ils surviennent dans un contexte où les oppositions longtemps larvées entre les

communautés n’ont jamais été résolues. La plupart des conflits identitaires dans cette partie

du pays ont des causes historiques et des facteurs conjoncturels.

En réalité, l’histoire du Nord-Cameroun en général est marquée par l’empreinte de la

colonisation peule. Le djihad lancé par Usman Dan Fodio en 1804 que Modibbo Adama

relaie avec ses guerriers dans le Fombina (partie méridionale), aboutit à la colonisation

violente d’une grande partie du Nord-Cameroun. Les différents lamidats qui existent au

Nord-Cameroun retracent l’itinéraire de ce grand mouvement dont les conséquences ont

considérablement bouleversé les équilibres des peuples autochtones. En occupant dès 1900 le

Nord-Cameroun, les colonisateurs Allemands, puis Français à partir de 1916, font des Peuls

les adjuvants de leur processus d’administration. Ce qui va installer une profonde fracture

ethno-confessionnelle entre les peuples dits islamo-peuls et ceux dits Kirdi, christianisés ou

restés animistes. Ces clivages vont se renforcer avec le maintien du statu quo, c’est-à-dire de

l’influence au Nord-Cameroun des islamo-peuls, à l’instar des Kotoko et Mandara par le

Président Ahmadou Ahidjo, même si, pour des raisons personnelles et de sauvegarde de son

régime, le premier Président du Cameroun a gardé une distance bienveillante avec les lamibé.

L’arrivée de Paul Biya à la magistrature suprême est présentée par les peuples qui se sont

sentis longtemps méprisés, comme un espoir de renaissance. En restaurant la démocratie au

début des années 1990, le Président Biya redistribue les cartes sur le plan politique. Dès lors,

sur fond de revanche et d’arithmétique démographique, plusieurs groupes ethniques tentent

de s’affirmer.

L’ouverture du Cameroun à la compétition multipartiste met en avant le rôle prépondérant de

l’ethnicité dans le jeu politique. En faisant de la communauté ethnique le chenal par lequel est

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26

revendiquée la redistribution ainsi qu’un instrument d’accumulation25, certains groupes

ethniques comme les Arabes Choa et les Mousgoum trouvent des voies d’affirmation dans un

contexte local où leurs préoccupations sont restées longtemps secondaires. Les revendications

des élites et des populations se concentrent pour l’essentiel sur la tribu avec la rédaction des

memoranda26, l’affirmation de la légitimité des pouvoirs traditionnels non reconnus, la

compétition d’accès aux ressources foncières ou la survenue d’un incident de fait divers

constituent alors des facteurs de déclenchement de conflits. C’est le cas du conflit Arabes

Choa-Kotoko de 1992 à Kousseri.

Conflit Arabes Choa-Kotoko de 1992 à Kousseri et ses suites

Le conflit violent entre Kotoko et Arabes Choa procède d’un bouleversement des conditions

de contrôle de pouvoir qui ont jusque-là prévalu dans le département du Logone et Chari.

Longtemps mis en marge des voies d’accès au pouvoir par un système monolithique au

bénéfice des Kotoko qui contrôlaient, avant 1990, tous les rouages des pouvoirs traditionnels

et modernes, les Arabes Choa trouvent en le multipartisme, une arme d’affirmation. Le

contexte de ce passage à la suprématie est les élections législatives de 1992, les premières du

genre dans le département. Les Arabes Choa sont majoritaires et adhèrent massivement au

RDPC, le parti au pouvoir. Les Kotoko, encore nostalgiques de la logique dominante héritée

de l’ère Ahidjo, se mobilisent massivement au sein de l’UNDP, un parti d’opposition27.

Ces antagonismes qui, au-delà de la ville de Kousseri, opposent des villages et des groupes de

villages débouchent sur une réappropriation locale des motifs de conflits dont les plus

courants sont les problèmes de pâturages ou de terrains de cultures, l’emplacement d’un

marché, les représailles après une opération des coupeurs de route attribuée à un village

voisin28. Malgré l’intervention de l’armée, le bilan de ces affrontements se solde par

d’importantes pertes matérielles, une soixantaine de morts selon diverses sources.

Au-delà des faits, ce conflit illustre bien que le renversement des rapports de force politiques

dans le département du Logone et Chari a principalement utilisé l’ethnicité. Cette

instrumentalisation a profondément clivé les relations entre les deux groupes, installant dans

la durée une tension latente. Selon le Maire de Kousseri, si les Kotoko et les Arabes Choa

25 Ibrahim Mouiche, « Ethnicité et multipartisme au Nord-Cameroun », African Journal of Political Science,

Vol. 5, no 1, 2000, p. 46-91. 26 Il faut dire que depuis 1990, les revendications ethno-régionales ont été massivement enregistrées au Nord-

Cameroun sous la forme des memoranda. Lire Melchesedek Chétima, « Démocratisation et explosion des

revendications ethno-régionales au Cameroun : Des relations complexes entre démocratie et ethnicité », in

L’Œil du Sahel, n°662, 15 décembre 2014. 27 Saïbou, Issa, « Arithmétique ethnique et compétition politique entre Arabes Choa et Kotoko dans le contexte

de l’ouverture démocratique au Cameroun », Africa Spectrum, vol. 40, no 2, 2005, p. 197-220. 28Saïbou Issa, 2012, p.113.

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27

cohabitent aujourd’hui dans une sorte de paix des braves, c’est plus à cause des divisions

internes qui minent chaque communauté qu’une volonté manifeste d’enterrer la hache de

guerre. Ces divisions internes qui sont animées par une élite avide de pouvoir, ont affaibli la

capacité de mobilisation et la vivacité du sentiment ethnique. Cependant, l’absence de tout

dispositif de médiation constitue un handicap sérieux à l’apaisement général et à la sérénité

définitive.

3.2.2 Les conflits successoraux au sujet du pouvoir traditionnel

La Région de l’Extrême-Nord connaît plusieurs conflits liés à la crise de dévolution des

pouvoirs traditionnels. Ces conflits ont connu une impulsion au lendemain de l’avènement du

multipartisme avec l’aspiration des communautés sous représentées à s’auto-affirmer. Cette

aspiration a été contrariée par le maintien coûte que coûte de l’autorité suprême des chefs

historiquement établis. C’est le cas du conflit survenu dans le sultanat de Logone-Birni à

partir de 2004.

Crises de légitimité des pouvoirs traditionnels et conflits dans le sultanat de

Logone-Birni

Historiquement, les Kotoko, descendants des Sao, sont les premiers occupants des territoires

actuels du département du Logone et Chari. Cette préséance se manifeste par le règne actuel

de 7 sultanats Kotoko dont le pouvoir s’exerce sur la terre. Le Sultan apparait comme le

dépositaire de tous les pouvoirs. Il exerce ce pouvoir dans une chaine de commandement qui

place sous son autorité les chefs des cantons (2ème degré) et les Blamas ou chefs des villages

(3ème degré). Jadis, le Sultan coordonnait l’action de tous ces chefs et procédait à leur

remplacement en cas de vacance à la tête d’une circonscription traditionnelle. Il procédait

également à des affectations.

Au sein du sultanat de Logone-Birni, ce mécanisme traditionnel de désignation ou de

placement des chefs de cantons et Blamas, qui a continué jusqu’aux années 90 en dépit du

décret de 1977 qui introduisit le principe du choix du chef par délibération29, s’est révélé

conflictogène. Deux facteurs expliquent les limites de ce dispositif : le premier est la

reconfiguration démographique du territoire. Numériquement minoritaires dans toute la

contrée, les Kotoko ont vu s’installer d’autres groupes ethniques, en l’occurrence les

Mousgoum, Massa, Kanuri. En cohabitation pacifique avec les Kotoko, les Mousgoum

devenus nombreux, considèrent qu’ils sont désormais des acteurs à part entière de la société.

Le deuxième facteur est lié à l’avènement de la démocratie dont le contexte pluraliste conduit

les autorités administratives à rendre exécutoires les dispositions de recours aux

29Décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles.

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28

consultations. Cette démocratisation du mode de désignation des chefs traditionnels a aussi

démocratisé l’aspiration d’autres communautés à se choisir leurs propres chefs. La

combinaison de ces deux facteurs a produit un discours ethno-centré sur l’autochtonie et

l’ethnicité30 dont les manifestations ont conduit à plusieurs conflits ouverts entre Mousgoum

et Kotoko dont les plus illustratifs sont ceux des Canton de Lahaye en 2006 et de Ngodeni en

2006, localités situées dans l’arrondissement de Zina.

Conflit de pouvoir à la chefferie de Lahaye de 2006

Le canton de Lahaye est undes cantons que compte le sultanat de Logone-Birni. Situé dans

l’arrondissement de Zina, il a toujours été administrépar un chef de canton désigné par le

Sultan, conformément à la coutume et à l’Arrêté du 4 février 1933 fixant le Statut des chefs

coutumiers31. Depuis toujours, le chef de canton choisi par le sultan est de la famille régnante,

donc de l’ethnie Kotoko. C’est ce mode de désignation qui a permis à Oumar d’être porté à la

tête du canton. A la mort de ce dernier en 2004, le Sultan désigna son fils pour le remplacer.

Cette proposition a été contestée par les Mousgoum qui peuplent à majorité le canton. Le

défaut de consultation des notabilités Mousgoum majoritaires et l’attitude peu conciliante du

Sultan à l’égard de leurs revendications, semblent avoir radicalisé ces derniers qui, en dernier

ressort, exigent une désignation par voie de consultation. Les évènements qui se succèdent

montrent un durcissement des positions qui dégénérèrent en conflit en avril 2006 faisant

plusieurs morts. Par le truchement de l’autorité administrative, les consultations sont

organisées plus tard et ont consacré au forceps Mbang Idrissa Aïvakai comme chef de canton

de Lahaye. Depuis lors, le sultan et le chef de canton s’observent en chien de faïence,

redoutant pour les deux communautés une nouvelle escalade de la violence.

Crise de succession à la chefferie de Ngodeni (Logone-Birni) en 2004

Le scénario qui a dégénéré en conflit à lachefferie de Ngodeni est identique à la crise de

succession observée aucanton de Lahaye. Le canton est peuplé d’environ 7.000 habitants

dont plus de 80 % appartiennent au groupe ethnique Mousgoum, 15 % issus de l’ethnie

Kotoko et 5 % ressortissants des autres communautés, Arabes Choa et Kabalai. Il compte 27

chefferies de 3ème degré dont 15 sont Mousgoum, 9 kotoko, 2 Arabes Choa et 1 Kabalai.

Conscients de leur nombre important, les Mousgoum contestent le choix d’un nouveau chef

de canton, imposé par le sultan de Logone-Birni. De 1994 à 2004, une tentative de prise de

pouvoir par la force est initiée par le sultanat de Logone-Birni et aboutit aux conflits

sanglants en 2004qui feront plusieurs morts. A l’issue de moultes tractations, les

30 A. Socpa, 2003, Démocratie et autochtonie au Cameroun : trajectoires régionales différentes, Lit Verlag

Münster. 31 Arrêté n°244 du 4 février 1933 fixant le statut des chefs coutumiers.

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29

consultations sont organisées à Kousseri par le Préfet du Logone et Chari et conduit à

l’élection en août 2014 de Zibri Azibe comme chef de canton de Ngodeni32. Selon toute

vraisemblance, l’organisation à Kousseri de cette élection témoigne encore d’un état d’esprit

belliqueux qu’il est nécessaire d’apaiser. Pour Zigla Aglaini, élite de la localité de

l’arrondissement de Zina, la résurgence des conflits entre Kotoko et Mousgoum est liée

principalement à la non résolution des tensions antérieures, d’où l’irruption parfois colérique

des frustrations enfouies.

32 L’Œil du Sahel, n°632 du 1er septembre 2014

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30

3.3 Les frictions religieuses

Le rapport 2015 d’International Crisis Group présente le Cameroun comme un risque de

radicalisme religieux. Aussi forte qu’elle paraît, cette perspective inquiétante a le mérite de

souligner que le Nord-Cameroun, adossé aux foyers d’instabilité du Nigeria, du lac Tchad et

de la Centrafrique, reste exposé aux effluves de l’extrémisme et de l’intolérance religieuse.

Certes, les initiatives antérieures de radicalisation ou de réformisme menées par quelques

gourous n’ont pas prospéré. C’est le cas de l’épisode Cheikh Mahamat Nour (1913-2002) qui

tenta une rénovation islamique à Goulfey dans l’Extrême-Nord du Cameroun entre 1990 et

Encadré 2 : Mal-gouvernance et permanence des crises de pouvoir

Selon diverses sources, la situation potentiellement explosive entre les différentes

communautés du Logone et Chari est certes liée aux facteurs historiques, mais elle est

aussidéclenchée par la mal gouvernance. Deux situations restent inquiétantes dans le

département du Logone et Chari.

La première est la tendance à la création de nouvelles chefferies de 2e et 3e degrés.

Profitant des dispositions du décret de 1977 en son article 7, l’autorité administrative,

à tort ou à raison, a créé plusieurs chefferies traditionnelles. Cette démarche qui reste

tout de même légale se révèle aujourd’hui porteuse de tensions du fait d’une méprise

des rapports de force conflictuels entre les populations Kotoko, Mousgoum et Arabes

Choa. On constate aujourd’hui des villages disposant de plusieurs chefs traditionnels

comme par exemple à Zina (2 chefs de canton), Zagara (3 Blamas). On constate aussi

des velléités d’affranchissement de la tutelle des chefs historiquement établis. La

création du canton d’Elbirke par les Arabes et la succession plus ou moins violente

dans les cantons de Lahaye et Ngodeni par les Mousgoum témoignent d’une

gouvernance approximative des problèmes de pouvoir traditionnel dans les sociétés en

crise de leadership.

La deuxième situation, liée à l’application du décret du 13 septembre 2013portant

allocation d’indemnités salariales aux chefs traditionnels, modifiant et complétant

celui du 15 juillet 1977, permet d’analyser, en perspective, les conflits qui pourraient

survenir. En effet, la distribution parsemée des groupements humains dans le Logone

et Chari s’est accompagnée de la création de plusieurs chefferies nécessaires à

l’encadrement des populations. Ces chefferies ont contribué chacune au progrès social

en assurant l’interface avec les pouvoirs publics sur les plans du maintien de la

cohésion sociale, de la sécurité et du développement.

Selon le Préfet du département, sur environ 2.000 chefs traditionnels que compte le

département, l’Etat semble disposé à ne prendre en solde que le quart. Dans le canton

de Madiako par exemple, on est passé de 25 Blamas en 1985 à 87 en septembre 2015.

Les frustrations qui vont naître de la situation de non prise en solde de certains chefs

vont raviver les risques de tensions et de conflits d’autant plus que les chefferies

ignorées vont, non seulement cesser de contribuer à l’effort de dialogue en faveur de

la paix, mais accuser les chefferies rivales de complot. Cette situation est à surveiller

de près.

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31

199833. Il n’en reste pas moins que le risque est présent. Les frictions d’opposition religieuse

existent et nécessitent une attention particulière dans l’analyse des conflits et des dispositifs

de leur résolution. Les risques de conflits d’origine religieuse se situent à deux niveaux : à

l’intérieur des religions et entre les religions.

A l’intérieur des religions, la question se pose en termes d’opposition entre les tendances ou

factions rivales, chacune s’estimant plus légitime que les autres. Au sein de l’islam, la

perspective est plus redoutable. Héritant d’un islam soufi, modéré et tolérant, le Nord-

Cameroun a subi dès les années 1990, un déferlement d’érudits prédicateurs musulmans

originaires des pays étrangers ou nationaux formés majoritairement à l’extérieur. Il faut dire

que l’intégration de l’islam soufi aux traditions des peuples avait permis de favoriser la

cohabitation avec d’autres religions et la tolérance religieuse. Profitant du contexte de

démocratisation des années 1990, le wahhabisme connait une large diffusion au Cameroun à

coup d’actions sociales (mosquées, hôpitaux, écoles (madrasa), prédication itinérante, etc.)

des organisations arabes.Le prosélytisme wahhabite radicalise peu à peu les opinions, les

normes sociales et les pratiques religieuses34. Cette concurrence du wahhabisme à l’égard de

l’islam traditionnel confrérique et maraboutique au Nord-Cameroun a donné lieu à plusieurs

frictions et antagonismes. Entre les années 1990 et 2000, plusieurs tensions sont enregistrées

au sein des mosquées de l’Extrême-Nord(Maroua, Yagoua, Mora) du fait de la contestation

véhémente des imams traditionnels par la nouvelle classe d’imams et oulémas. A Maga,

localité située à 60 km de Maroua dans le département du Mayo-Danay, la contestation de

l’imam de la mosquée principale par les Mahabous35conduisit en 1996 les deux tendances de

la communauté musulmane au bord d’un affrontement physique.

Cette tendance au radicalisme est également observable chez les adeptes des églises dites du

réveil dont les stratégies prosélytes menacent les religions chrétiennes traditionnelles. Dans

les mêmes conditions d’ouverture démocratique que la loi de 1990 sur les libertés publiques a

concédées, les églises de réveil se distinguent aussi par un discours hostile vis-à-vis des

autres chrétiens. Les chrétiens catholiques et protestants traditionnels perçoivent les églises

33 Hamadou Adama, « Cheikh Mahamat Nour (1913-2002) et la tentative de renovation islamique à Goulfey

(abords sud du lac Tchad) », in C. Baroin, G. Seidensticker-Brikay, K. Tijani (éds), Man and the lake,

Proceedings of the 12th Mega Chad Conference, Maiduguri, 2nd-9th December 2003, Nigeria, pp. 305-331. 34 Gilbert Taguem Fah, « Dynamique plurielle, regain de spiritualité et recomposition de l’espace islamique dans

le bassin du lac Tchad », Saharan Studies Newsletter, vol. 12, no. 1 (2004). 35 Appellation par les Mousgoum des musulmans wahhabites fondamentalistes

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32

réveillées comme des sectes et leurs pasteurs comme des entrepreneurs religieux, des

arnaqueurs sans formation religieuse36.

S’agissant des risques de conflit entre les religions, les différences des dogmes s’adossent à

un clivage historique entre les Peuls musulmans et les Kirdimajoritairement chrétiens ou

animistes. Cette césure qui structure la vie économique et sociale à l’Extrême-Nordfragilise

l’esprit de tolérance religieuse et les valeurs de laïcité. Les perceptions qui de stigmatisent

mutuellement constituent la principale caractéristique des relations interreligieuses à

l’Extrême-Norddu Cameroun.Il est nécessaire de prêter une vigilance particulière aux risques

d’assister à la multiplication des tensions et à la confrontation directe des différentes formes

de prosélytisme qui pourraient se disputer les mêmes espaces et les mêmes cibles.

36 International Crisis Group, 2015, p.22

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33

CHAPITRE 4 : MECANISMES ET DISPOSITIFS CONTRE

LES CONFLITS

Face à la persistance des conflits, des mécanismes existent qui permettent de prévenir et

résoudre les formes potentielles ou violentes d’antagonismes à l’intérieur ou entre les

communautés ethniques. Ces dispositifs sont traditionnels, communautaires, étatiques et

relevant de la société civile.

4.1 Mécanismes endogènes

Les mécanismes endogènes sont propres à chaque communauté. Ce sont les juridictions

coutumières qui siègent dans les chefferies traditionnelles ou organisées par les patriarches

dans les communautés qui ne disposent pas de chefferie constituée. Ces cadres de gestion et

de résolution des conflits serencontrent dans toute la région. Leur fonctionnement reste

tributaire de la sollicitationdes parties en cas de conflit.

4.1.1 Les instances coutumières

Par instances coutumières, on entend tout dispositif traditionnel relevant des institutions

traditionnelles ou mises en place pour prévenir et résoudre les conflits qui surviennent dans la

communauté ou entre elles. On en dénombre plusieursdans les zones de conflits.

Chez les Arabes Choa

Parce qu’organisés en tribus, fractions et en familles, les Arabes Choa connaissent une

structuration politico-sociale lâche. Cet émiettement de groupes humains a conduit à

l’expression de plusieurs micro-centres de pouvoirs exercés par des sages en fonction du type

de conflit. Les conflits d’héritage sont réglés par le sayyidna, maître religieux d’un village ou

d’une tribu. Par contre, les procès liés aux conflits fonciers sont placés sous l’autorité du chef

de tribu qui applique les lois tirées du fiqh ou droit musulman de l’école malékite37. Selon le

Maire de Kousseri, les sociétés arabes Choa urbanisées ne font plus recours à ces dispositifs

traditionnels. Seuls les groupements villageois, dans une certaine mesure, continuent de faire

recours à ces institutions traditionnelles de gestion des conflits.

Chez les Guiziga

La justice est incarnée chez les Guiziga par le chef qui délègue ce pouvoir au Mbur madedan,

le ministre de la justice. Le procès est la forme de règlement des conflits la plus pratiquée par

les Guiziga. Le chef exerce personnellement et directement ce pouvoir en présence du Mbur

madedan qui assiste aux jugements coutumiers. Les litiges connus par ce dispositif endogène

37 J.C. Zeltner, 1970, Histoire des Arabes sur les rives du lac Tchad, Paris, CNRS.

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34

concernent les conflits qui opposent les lignages. Pour assurer l’équité des jugements, tous les

chefs de lignages sont conseillers permanents auprès du chef et siègent de droit au sein de

cette instance coutumière. Cette approche inclusive et originale dans la représentation des

segments sociaux garantit et assure la légitimité du collège et donne force à ses sentences.

Chez les Kotoko

Chez les Kotoko, le Sultan dirige la cité. Sur le plan de la justice et de la construction de la

paix, le Sultan est assisté de notables chargés de rendre les jugements. Au sultanat de

Kousseri, le tribunal coutumier joue aussi le rôle d’instance de dialogue et de médiation entre

les Kotoko et, éventuellement, d’autres communautés. Le fonctionnement de cette instance

s’articule sur le chetima, conseiller religieux du sultan et ministre de la justice et l’alifa,

ministre du territoire qui s’occupe, en particulier, des litiges fonciers. A une échelle plus

basse, le chef de village/quartier ou blamarésout les conflits qui surviennent sur son territoire.

Selon le sultan de Kousseri, la législation appliquée dans le cadre des jugements rendus est

essentiellement basée sur le Saint Coran. Cependant, il apparait que les conflits

intercommunautaires qui opposent les Kotoko aux Arabes Choa et Mousgoum ne sont pas

traités au sein de ce tribunal38.Voilà pourquoi, la crise foncière qui divise toutes les

communautés ethniques de Kousseri ou le conflit latent entre Arabes Choa et Kotoko n’ont

fait l’objet d’aucune conciliation au sultanat de Kousseri.

Chez les Peuls

Disposant d’une organisation sociale hiérarchisée, les Peuls ont mis en place des mécanismes

pour encadrer le règlement des conflits. Si le Lamido ou chef suprême est la garant de la

sécurité et de la spiritualité de la communauté, il est aussi le premier magistrat qui réconcilie

les parties en conflit. Dans cette fonction de dialogue, il est assisté de l’Alcali, ministre de la

justice dont l’autorité s’exerce sur tous les conflits sociaux (héritage, adultère, sorcellerie,

vol…). La loi appliquée est celle issue du Saint Coran et la Sunna (Traditions du Prophète

Muhammad).

A l’instar d’autres lamidats du Nord-Cameroun, les institutions traditionnelles de jugement et

de conciliation chez les Peuls de l’Extrême-Nord connaissent également un infléchissement.

Deux raisons expliquent cet état de choses. D’abord, l’impartialité des Lamibé a été

sérieusement remise en cause par leurs sujets à travers leur enrôlement dans le jeu politique et

surtout en faveur du parti au pouvoir. Ensuite, les jugements rendus s’accompagnent de

lourdes taxes et amendes dont le principal bénéficiaire est, in fine, le Lamido. En plus, il n’est

38 Il faut dire que la communauté Kotoko de Kousseri reste encore divisée sur la légitimité de leur monarque ; ce

qui conduit les autres communautés, en particulier les Mousgoum, Massa et Kanuri, à ne pas solliciter son

autorité en cas de crises.

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35

pas possible d’appliquer in extenso, au nom du Saint Coran, la législation islamique dont

l’application serait en porte-à-faux avec les droits de l’homme et certaines lois édictées par

les Etats d’essence laïque. Toutes choses qui ont réduit l’instance coutumière de jugement et

de conciliation à un héritage patrimonial qui traite en particulier les affaires conjugales.

Chez les Mousgoum

Peuple vivant en cohabitation avec d’autres groupes ethniques dans la vallée du Logone, les

Mousgoum sont concernés par plusieurs conflits. Ils sont organisés au sein des sultanats dont

le régime politique s’inspire du modèle baguirmien. Le règlement des litiges et la promotion

de la paix sont animés par trois catégories d’acteurs qui correspondent à trois niveaux

d’intervention. Au bas de l’échelle de commandement, les blamas qui gèrent les conflits de

leurs territoires de compétences. Ensuite, le Ngarmay magna, ministre de la justice qui

s’occupe des conflits de la communauté. Il organise les jugements et les conciliations hors du

palais du Sultan. Ces deux niveaux d’intervention connaissent les affaires d’adultère, de

sorcellerie, de vol, de conflits interpersonnels. Le niveau le plus élevé de jugement et de

médiation est réservé au Sultan qui l’assure en présence de toute sa cour. Selon un notable de

la cour, les sujets inscrits à l’ordre de cette haute cour sont les conflits fonciers généralement

liés au partage des parcelles de riziculture, les crises de succession dans les villages ou toutes

situations nécessitant une audience de conciliation.

A la différence d’autres groupes ethniques, les Mousgoum ont défini une stratégie de

médiation lorsque surviennent des conflits avec d’autres communautés. Ainsi, des « faiseurs

de paix » sont désignés pour leur charisme, leur sens de négociation, leur grande

connaissance du peuple belligérant. Cette stratégie est revendiquée par le Sultan de Pouss qui,

à l’occasion des crises avec ses voisins des Sultanats de Logone-Birni, Kataoua ou Guirvidig,

initie des missions de médiation auprès desdits souverains. Par exemple, les conflits

récurrents entre Mousgoum et Kotoko au sujet des mares d’eau et canaux à pêche à la

frontière des deux sultanats ont fait l’objet de médiations ayant abouti à l’accalmie. Mais ce

dispositif reste aléatoire dans son efficacité à long terme. Les missions de bons auspices ne

sont pas structurées et permanentes, elles sont initiées seulement après un conflit ouvert. Elles

n’ont donc pas une vocation résolument préventive.

4.1.2 Les comités ad hoc

La structure des interventions en faveur de la paix intègre aussi les comités ad hoc. Ils sont

constitués à la suite des initiatives ministérielles ou des autorités administratives

territorialement compétentes. Les comités ad hoc interviennent toujours après les

affrontements ouverts. Ils réunissent toutes les parties en conflit en présence de médiateurs,

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36

afin de trouver une solution. Les travaux des comités ad hoc s’inscrivent dans la durée à

travers une mission de suivi et d’évaluation des résolutions prises au cours des travaux. Ce

type de solution a été appliqué en 2007 par le Ministre d’Etat en charge de l’Administration

territoriale et de la décentralisation à la suite des affrontements sanglants entre Kotoko et

Mousgoum autour de la mare à poissons de Tcikam. Le comité ad hoc, constitué pour la

circonstance, dirigé par le gouverneur Ahmadou Tidjani,avait réuni l’élite politico-

administrative du Logone et Chari à l’instar de Adoum Gargoum, Abakar Ahamat,

Kamsouloum Abba Kabir dans l’objectif de trouver une solution à ces conflits répétitifs et

soulager les deux communautés en conflit. Le comité a poursuivi ses travaux plusieurs fois

sous la présidence du Gouverneur de la Région de l’Extrême-Nord autour des représentants

des deux communautés en conflit.

4.1.3 La contribution des associations communautaires

Les associations communautaires ou tribales ont connu une explosion au lendemain de

l’ouverture démocratique. Elles se projettent à l’aune des défis auxquels font face leurs

communautés respectives. La particularité de ces organisations est leur ancrage ethnique et le

leadership de l’élite extérieure. Elles sont structurées sur une base démocratique et ont des

objectifs tournés vers le développement, la promotion de la culture et la défense des intérêts

des communautés. Si leur capacité d’instrumentalisation est indéniable dans l’exacerbation

des conflits inter communautaires, il reste qu’elles sont aussi importantes dans la prévention

et la gestion de ceux-ci. Suivant cette logique, plusieurs associations communautaires ont

œuvré dans la pacification de leurs localités, même s’il reste posé la question de leur

impartialité. L’éloignement de leurs dirigeants, en majorité l’élite politico-administrative

basée dans les grandes villes, rend leurs interventions épisodiques et ponctuelles, ce qui

limite leur portée et leur pérennité.

L’action de l’Association Culturelle Mousgoum (ACM)

Créée pour promouvoir l’unité et la culture du peuple Mousgoum, l’Association Culturelle

Mousgoum s’est positionnée au fil du temps comme une organisation de défense et de

promotion de la paix. Face aux multiples conflits qui impliquent les Mousgoum, l’action de

l’ACM s’est principalement orientée vers la sensibilisation de la communauté et la

conciliation avec d’autres groupes ethniques. Son action en faveur de la paix repose sur la

stratégie des missions itinérantes de sensibilisation.

Les missions itinérantes de sensibilisation sont l’initiative du bureau national basé à Yaoundé

ou d’une antenne locale. Les initiatives les plus pertinentes sont les tournées de

sensibilisation initiées par l’antenne départementale de l’ACM du Logone et Chari afin de

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37

ramener les villages Mousgoum en situation de conflit à la paix et à la tolérance. Ainsi,

suivant un choix de deux villages par arrondissement, la mission a organisé dans chaque

village une causerie éducative sur les questions liées à la paix, la sécurité, l’économie, la

culture, l’éducation, etc. De 2013 à 2015, les villages Mousgoum en conflit tels que Lahaye,

Ngodeni dans l’arrondissement de Zina, Moudia et Maham dans l’arrondissement de Logone

Birni, Waza et Blé dans l’arrondissement de Waza, Kofia et Pakistan dans l’arrondissement

de Blangoua, Darak et Katékimé dans l’arrondissement de Darak, Hilé Gaou dans

l’arrondissement de Goulfei et Kousseri ont été sillonnés par les équipes de sensibilisation.

Les mêmes types de missions ont été aussi initiées par le bureau national lors des conflits

ayant opposé les Mousgoum aux pêcheurs nigérians et maliens au barrage de la Mappé dans

le Noun à l'ouest du Cameroun en 2007.

En termes d’efficacité, on constate que les actions de l’ACM présentent des succès certains.

Grâce à la médiation et la sensibilisation de l’ACM, les conflits entre Mousgoum et Haoussa

à Darack de 2012 et entre Mousgoum et Kanuri à Blangoua de 2013 dans le lac Tchad ne se

sont plus reproduits. Dans l’ensemble, les acquis sont :

- Actions de renforcement de la cohésion sociale post-conflit.

- La méthode des missions spéciales dans les localités Mousgoum en conflit pour porter le

message de la paixest une approcheintéressante à condition qu’elle soit capitalisée dans

uncadre plus inclusif avec d’autres groupes ethniques afin de renforcer le dialogue

intercommunautaires.

- L’initiative des caravanes itinérantes de sensibilisation dans les villages Mousgoum pour

promouvoir le voisinage pacifique reste aussi une action préventive innovante.

Cependant, ces initiatives souffrent de trois limites :

- Actions internes parce qu’elles sont limitées au seul peuple Mousgoum. Il n’y apas

d’initiatives de médiation avec d’autres groupes en conflit contre les Mousgoum.

- Initiatives sporadiques et curatives. L’approche préventive et structurelle de maintien de la

paix n’est pas prise en compte.

- Faible approche de résolution des conflits. Les actions de sensibilisation sont efficaces pour

la population, mais n’actionnent pas les principaux leviers de résolution des conflits à

l’exemple des acteurs commeles chefs des villages, leaders religieux, les jeunes, les femmes.

Dans l’ensemble, aussi louables qu’elles soient, les initiatives de gestion des conflits prises

par l’ACM en faveur du peuple Mousgoummontrent des lacunes en termes de compétences

des acteurs et de définition d’un cadre plus global d’actions intégrant d’autres communautés

en conflit.

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38

L’action de l’Association Culturelle Sao (AC SAO)

Créée pour contribuer au développement socioéconomique du peuple Kotoko, L’association

Culturelle Sao s’est toujours concentrée sur les préoccupations sociales liées à l’éducation, la

santé, l’accompagnement des paysans. A ce titre, elle fait régulièrement des dons de

bicyclettes, matériels divers, machines à coudre pour renforcer l’autonomisation des femmes

et des jeunes. Elle offre aussi des tables bancs et des équipements dans les centres

hospitaliers.

Toutefois, cette vocation d’appui au développement a dû s’adapter à la récurrence des

conflits impliquant les communautés Kotoko. Dès lors, l’AC-Saos’est aussi investie

dans la résolution des conflits. Face aux principaux conflits, notamment fonciers, de

succession du pouvoir traditionnel et d’accès aux ressources, elle s’est impliquée en

assurant le relais avec l’administration et en posant des actions concrètes. S’agissant

de la médiation avec les autorités administratives, l’intransigeance des communautés

Kotoko pendant les conflits avec d’autres communautés s’est souvent apaisée grâce à

l’intervention de l’AC-Sao. Sur le plan des actions, l’association tente de résoudre ces

conflits par la formation d’une délégation qui descend sur le terrain du conflit afin

d’appeler les communautés kotoko au calme et par une contribution financière et

matérielle des membres pour les victimes. L’AC-Sao s’est concrètement déployée

dans le cadre du Conflit halieutique entre Kotoko et Mousgoum autour de la mare de

Tcikam en 2007. Toutefois, cette mobilisation s’est concentrée sur les victimes

Kotoko et est intervenue après le conflit.

On le constate bien, les initiatives de l’AC-Sao sont louables parce qu’elles portent assistance

à leur communauté en conflit. Elles comportent aussi un potentiel de mobilisation qui peut

être mis au service d’interventions plus structurées en faveur de la paix et du dialogue

intercommunautaire. Cependant, elles ne sont pas adaptées à l’évolution des rapports de force

entre les Kotoko et les autres peuples voisins. Deux limites sont perceptibles dans la

démarche de cette association.

- Les actions sont intra-ethniques. Selon Amine Adam Alkali, ancien Secrétaire Général de

l’AC-SAO, les mesures prises par l’association sont orientées sur le peuple Kotoko. Ce qui

ne renforce pas laperspective de résolution à long terme du conflit.

- Il n’existe pas à l’intérieur de l’association ou en relation avec d’autres communautés une

plate-forme de médiation et de dialogue impliquant aussi d’autres acteurs, qui prévient et

résout, dans une approche structurelle, les conflits intercommunautaires. Les actions initiées

Page 39: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

39

se réduisent simplement à réconforter les communautés de l’association victimes de

conflits.

La contribution des comités de développement des villages du Mayo-Kani

A l’échelle de chaque village du Mayo-Kani, existe un comité de développement dont

l’objectif initial est l’appui au progrès socioéconomique des populations. Depuis la survenue

de la crise sécuritaire aux frontières avec le Nigeria, plusieurs groupes d’éleveurs nomades se

sont installés sur les aires protégées et aménagées du département. Ce qui crée des tensions

entre les populations d’accueil et les éleveurs nomades.

Face à ce nouvel environnement conflictogène, les comités de développement des villages

ont orienté une partie de leurs actions vers la résolution des conflits. Les actions menées dans

ce sens sont :

- La délimitation des zones de pâturage pour éviter la divagation des bêtes qui endommagent

les plantations agricoles ;

- L’aménagement des points d’eau supplémentaires pour accroitre l’offre d’abreuvage des

bêtes dont l’insuffisance est à l’origine des disputes régulières ;

- La médiation entre les populations en conflits et les autorités administratives.

4.2 Les mécanismes et dispositifs étatiques

En marge des mécanismes internes aux communautés, l’initiative de prévention, gestion et

résolution des conflits est aussi prise par d’autres acteurs. Il s’agit de l’Etat et de la société

civile.

4.2.1 L’action de l’Etat

A la différence des actions menées par les autorités administratives qui ressortent aussi de

l’Etat, l’action de l’Etat se situe à deux niveaux : au niveau stratégique avec les politiques

d’aménagement et au niveau opérationnel avec les actions de gestion et résolution des

conflits.

- Mise en œuvre de projets de développement intégré

Sur le plan de l’intervention de l’Etat, on peut faire allusion à l’impact des projets de

développement sur les situations de crise qui génèrent les conflits. Dans ce registre, le Projet

de Développement Rural Intégré – Chari Logone (PDRI-CL) en est un exemple. Cofinancé

par l’Etat du Cameroun, le fonds de l’Organisation des Pays Producteurs de Pétrole (OPEP)

et la Banque Islamique de Développement (BID) à hauteur de 10 milliards, le projet œuvre

pour l’amélioration de la sécurité alimentaire par le développement de la pêche, de

l’agriculture irriguée, le forage des puits, la création des marres d’eau et étangs, la

construction de silos et de magasins de céréales afin de réduire les pertes après récoltes ; le

Page 40: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

40

développement de certaines infrastructures sociales et environnementales telles que les salles

de classe, les aires de jeu, la plantation d’arbres et de vergers en vue de lutter contre la

désertification et la réhabilitation des pistes rurales39. Cette démarche de renforcement de la

paix par des actions de développement est similaire à celle entreprise par la Mission de

Développement Intégré des Monts Mandara dans le département du Mayo-Tsanaga.

- Création de radios communautaires

Dans le même ordre d’actions, l’Etat a favorisé la création des radios communautaires pour

faciliter la connaissance mutuelle des peuples, assurer une sensibilisation de proximité des

populations par rapport aux sujets conflictuels, de développement socioéconomique.Selon les

agendas spécifiques de leur mise en place, les radios communautaires couvrent plusieurs

domaines de la vie socioéconomique et se positionnent comme des leviers de sensibilisation

et de médiation. Ainsi, tous les départements de la Région de l’Extrême-Nord disposent d’au

moins une radio communautaire. C’est le cas des radios Danay FM à Yagoua, Sava FM à

Mora et Echos des Montagnesde Mokolo dont les grilles de programmes réservent une bonne

part de l’antenne aux langues nationales, aux thèmes de développement. Il n’existe pas

d’émissions axées sur la consolidation de la paix, la tolérance, l’accueil des étrangers, le

recours à la résolution pacifique des conflits. Les programmes en langues nationales sur les

antennes d’Echos des Montagnes à Mokolo et FM Kousseri abordent de façon allusive les

problèmes de société au moment où ils se posent. L’initiative de l’animateur est pour une

grande part dans le choix des thèmes des émissions. Dans l’ensemble, ces radios ne sont pas

outillées pour agir en faveur de la construction de la paix et du dialogue intercommunautaire.

- Tournées de sensibilisation à la coexistence pacifique

Au niveau opérationnel, on peut citer les nombreuses initiatives prises par les autorités

administratives pour consolider ou ramener la paix entre les communautés. C’est le sens à

donner à la mission de sensibilisation à la coexistence pacifique effectuée par Ahmadou

Tidjani, le Gouverneur de la Région de l’Extrême-Nord, dans le département du Logone et

Chari en mars 2006. Au cours de sa mission, le Gouverneur a tenu à adresser un message de

paix articulé sur trois points : connaissance réciproque, préservation de la paix civile et bataille

pour le développement.En parcourant dix localités, en particulier celles souvent concernées

par les conflits (Zina, Logone-Birni, Blangoua, Goulfey, Hile-Alifa, Makary, Darak, Fotokol,

Kousseri et Waza), le Gouverneur a prêché la paix et la tolérance. Les mêmes opérations ont

été effectuées par le Gouverneur Awa Fonka Augustine en 2012 et Midjiyawa Bakari en

2014, en particulier dans les localités conflictogènes du Logone et Chari. Ce type de

39 PDRI, Rapport final techni-plan sur l’évaluation de la situation actuelle et formulation d’un programme de

développement du Logone et Chari, 2012

Page 41: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

41

campagnes, effectuées de façon conjoncturelle par les autorités administratives, permet de

porter auprès des communautés le discours de la concorde, de la cohésion sociale et de la

cohabitation pacifique.

4.2.2 Le rôle de la société civile

La société civile s’est tardivement intéressée à la problématique de la résolution des conflits.

C’est à la faveur de la crise sécuritaire due à Boko Haram que les organisations de la société

civile ont orienté leurs prestations dans le renforcement de la cohésion sociale et le dialogue

interreligieux.

4.2.2.1 Le dialogue interreligieux de l’ACADIR

Mouvement citoyen dédié à la construction de la paix, au renforcement de la cohésion et à la

promotion de la tolérance entre les religions, l’ACADIR a mené plusieurs activités dans ce

sens.

- Le contexte d’intervention

L’Association Camerounaise pour le dialogue interreligieux (ACADIR) est née en 2006 du

Forum de Maroua sur le dialogue interreligieux40. Ces fora interreligieux étaient organisés

annuellement depuis 2001. Lorsqu’intervient celui d’avril 2014, le Nord-Cameroun est aux

prises avec deux crises sécuritaires majeures : l’insurrection Boko Haram au Nord-Est du

Nigeria et la crise centrafricaine. Ces deux foyers d’instabilité ont perturbé l’équilibre

socioéconomique des régions de l’Est, de l’Adamaoua et de l’Extrême-Nord. A l’Extrême-

Nord, l’insécurité due à Boko Haramatteint un niveau inquiétant. Les attaques sur les

populations civiles font plusieurs morts, des milliers de déplacés et un abandon systématique

des villages du corridor frontalier Cameroun-Nigeria. L’afflux massif des populations s’est

couplé à une crise humanitaire des populations déplacées.

La peur et l’inquiétude des populations et des acteurs de développement étaient justifiées

d’autant plus que l’origine du conflit au Nord-Est du Nigéria estrelativement confessionnelle

et pourrait déborder au Cameroun. Le recul de l’islam soufi au bénéfice d’une tendance

rigoriste fait craindre une radicalisation progressive des musulmans du Nord-Cameroun. Les

risques de contagionont conduit les organisations confessionnelles à s’associer afin de

sensibiliser à la cohésion nationale et à définir un cadre permanent de dialogue entre les

religions musulmane, catholique et protestante. Traditionnellement, ces cadres de rencontre

interreligieuseréunissent la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun (CENC), le

Conseil des Eglises Protestantes du Cameroun (CEPCA), l’Archevêché orthodoxe de

40 Statuts de l’ACADIR, 2007

Page 42: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

42

Yaoundé, le Conseil Supérieur Islamique du Cameroun (CSIC) et l’Association Culturelle

Islamique du Cameroun (ACIC).

- Les actions

Avec l’appui technique de l’ACADIR, les acteurs religieux réunis autour du Lamido de

Maroua, chef spirituel de la communauté musulmane de Maroua, le Conseil des Eglises

Protestantes du Cameroun (CEPCA) et le Comité Diocésain de Développement (CDD)

initient deux actions majeures en faveur de la paix.

Le colloque interreligieux d’avril 2014 à Maroua

Le colloque qui portait sur « Chrétiens et Musulmans ensemble pour la paix. Fruits, défis et

perspectives du dialogue interreligieux dans l’Extrême-Nord » a réuni 75 leaders religieux

issus de différentes obédiences. Regroupés en quatre ateliers de travail, les participants ont

réaffirmé la place sacrée du Saint Coran et de la Bible dans les relations humaines et le

maintien d’un climat de paix et de tolérance. Dans la déclaration finale41 de la rencontre, les

participants invitent entre autres :

- A cesser toute violence perpétrée au nom de Dieu ;

- A fournir toujours plus d’efforts pour une vraie connaissance mutuelle ;

- A continuer à œuvrer ensemble pour la promotion humaine de tous et de chacun ;

- A s’impliquer dans le maintien de la paix et de la sécurité dans son village et son

quartier en collaboration avec les forces du maintien de l’ordre ;

Les participants proposent en conséquence :

- La mise en place, à Maroua, d’une maison de la rencontre ;

- La mise sur pied d’un forum interreligieux.

Le colloque interreligieux ainsi organisé à Maroua a posé les bases d’un dialogue des

religions dans une région de l’Extrême-Nord où la pauvreté des populations constitue un

terreau favorable à l’expression de l’extrémisme et du fanatisme religieux.

La maison de la rencontre islamo-chrétienne de Maroua

Inaugurée le 16 février 2015 par le président national de l’ACADIR, Adamou Ndam Njoya,

la maison de rencontre islamo-chrétienne de Maroua est le symbole de concrétisation des

intentions énoncées dans le cadre du dialogue interreligieux amorcé à l’échelle de l’Extrême-

Nord. Elle constitue une plateforme de rencontre entre l’islam et le christianisme à traversdes

41 Initiative des leaders religieux chrétiens et Musulmans dans la Région de l’Extrême-Nord, « Déclaration

finale », Maroua, 23-24 avril 2014

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43

activités d’intégration et de tolérance mutuelle. Le centre comporte une unité de

documentation qui encourage la connaissance des deux religions.

Dans le cadre de ses activités de promotion de paix, la maison de la rencontre islamo-

chrétienne travaille en partenariat avec l’association Justice et Paix du diocèse de Maroua-

Mokolo. Selon le Révérend Heteck Samuel, responsable du bureau régional de l’ACADIR, la

maison œuvre dans les activités de sensibilisation dans le cadre d’un déploiement régional

qui a commencé par l’ouverture du bureau départemental de l’ACADIR du Mayo-Danay à

Yagoua en mai 2015. La maison assure aussi la promotion de la paix à travers la diffusion des

messages de paix par affiches ou par radio. Du 24 septembre au 02 octobre, 76 jeunes ont été

formés à l’entrepreneuriat à Maroua et Mokolo afin de les soustraire aux risques

d’enrôlement dans les rangs de Boko Haram. En perspective, l’ACADIR entend ouvrir en

octobre sa représentation départementale du Mayo-Tsanaga à Mokolo et envisage un

partenariat avec les radios communautaires pour la diffusion de ses messages de paix, de

tolérance et de cohésion sociale.

En somme, l’initiative de l’ACADIR présente des acquis :

- Une méthode nouvelle de prévention des conflits fondée sur l’action commune des

confessions religieuses à influencer les facteurs de divisions et de désordres ;

- Des symboles forts de cohésion sociale et de dialogue inter religieux à travers la maison de

la rencontre islamo-chrétienne

- Selon le Revérand Hetck Samuel, 85% des autorités traditionnelles de l’Extrême-Nord sont

sensibilisées sur les vertus de la concorde sociale ;

Une cadre d’action qui s’emploie à s’élargir à toute la Région de l’Extrême-Nord.

4.2.2.2 La contribution de l’Association Camerounaise pour l’Education

Environnementale à la promotion de la paix dans la vallée du Logone

- Contexte d’intervention

Le département du Logone et Chari est principalement composé de la zone alluvionnaire du

Logone qui s’étend le long de la frontière Est avec le Tchad jusqu’à la localité de Kousseri.

Avec une superficie totale de 741 000 ha, soit (21,6%) de la Région de l’Extrême Nord, cette

zone est caractérisée principalement par son inondation de juillet à octobre/novembre à partir

des cuves du Logone.Cette entité administrative est formée d’un ensemble de localités

traversées par ce fleuve et constituée d’une population totale de 333 432 habitants d’après le

3ème recensement général de la population et de l’habitat42. Il est également formé de

42 BUCREP, RGPH, 2010.

Page 44: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

44

plusieurs communautés dont les plus nombreuses sont les Kotoko, les Arabes Choa, les

Mousgoum et les Kanuri. Ces divers peuples qui habitent les abords du fleuve Logone se

caractérisent par des particularismes culturels, des regroupements claniques ou tribaux, des

divergences parfois religieuses, qui accentuent leurs différences et favorisent les

antagonismes.

Malgré une cohabitation plus ou moins pacifique, les populations Kotoko etMousgoum,

particulièrement de la plaine du Logone, entrent en conflit au sujet d’une marre d’eau à

poisson, des canaux de pêche pourvoyeurs de poissons ou d’un fait divers relatifs à un rapt ou

un vol. Plusieurs rixes sont enregistréesentre les populations d’un même village, entre les

villages. Il est à noter que ces conflits n’opposent toujours pas les groupes ethniques

différents. La même communauté à l’échelle d’un village ou d’un groupement de village

s’affronte régulièrement pour l’accès exclusif à une ressource causant d’énormes dégâts

humains et matériels. Cet environnement conflictuel et conflictogène a justifié l’intervention

de l’Association Camerounaise pour l’Education Environnementale.

- Actions menées

Dans la Plaine d’Inondation Waza Logone (PIWL), l’ACEEN a implémenté de nombreux

projets de développement. Ayant pris connaissance des enjeux de l’eau et de ses ressources

dérivées pour la paix et la sécurité des populations de la plaine du Logone, l’ACEEN a défini

une stratégie de cogestion des ressources disputées. Selon le président Aboukar Mahamat,

l’Association a favorisé l’aménagement consensuel des mares d’eau par les communautés en

conflit. Ainsi, elle a créé la pêcherie communautaire avay malazina en établissant un système

concerté de gestion et d’exploitation.Cet accompagnement a concerné les populations des

villages de Malazina et de Goromo.Cette plateforme d’entente est doublée d’un mécanisme

d’exploitation et d’investissement communautaire des ressources issues de la pêcherie.

Réunies autour de la mare aménagée, les populations des villages sus cités ont réussi à

construire des salles de classe, des forages, des ponceaux et des diguettes de protection. Les

populations des diverses ethnies ont ainsi pu dépasser leurs clivages tribaux afin de partager

les ressources dans un esprit de cohésion sociale.

- Perspectives

Le modèle de mécanisme mis sur pied par l’ACEEN pour résoudre les conflits réguliers

intra/interethniques dans la vallée du Logone présentede nombreux avantages, même s’ils

doivent être renforcés.

Les principales forces de cette expérience sont, entre autres:

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45

- Le développement d’activités communautaires dans un esprit coopératif et de partage de

populations diverses.

- La participation de la population à l’amélioration de son propre développement et bien-être.

- Le maintien de la paix entre les deux communautés.

Les réalisations et ouvrages communautaires qui sont mis sur pied avec les fruits de cette

mare (écoles, forages, ponceaux, diguettes…), bénéficient d’une attention particulière parce

qu’elles sont une émanation d’une gestionendogène des ressources. Cependant, l’initiative

connaît quelques limites.

Action isolée : Les actions d’ACEEN sont isolées et se trouvent quelque peu limitées

du fait qu’elles ne s’inscrivent pas dans une dynamique globale et intégrée de développement

qui devrait concerner tous les acteurs et parties prenantes. Car, ce qui est construit peut très

vite être démoli par ailleurs. Toute la société civile et le gouvernement en particulier,

devraient accompagner grandement cette vaste opération qui allie le développement à la paix.

Persistance des tensions : Malgré les efforts de l’ACEEN, il est à noter que la

résolution des conflits dans la plaine du Logone ne peut se ramener à une mécanique d’accès

aux ressources. La structure des conflits étant fondée sur les identités et la pauvreté, il est

nécessaire,non seulement d’engager des actions de développement de grande envergure,mais

aussi d’agir sur les sources et vecteurs de conflits. Parallèlement aux œuvres

d’autonomisation et d’émancipation des communautés en faveur de la paix entreprises par les

OSC, il est impératif que des plateformes de médiation et de dialogue permanentes soient

créées et installées afin d’accroitre la confiance mutuelle, le reflexe du consensus et la

sauvegarde de l’intérêt général.

4.2.2.3 Les autres initiatives de la société civile

A la faveur de l’insécurité due à Boko Haram et des risques de conflits interconfessionnels

qu’elle pourrait générer dans la Région de l’Extrême-Nord, plusieurs organisations de la

société civile ont mené des activités en faveur de la cohésion sociale et de la paix.

La Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés a organisé le 13

août 2014 un forum sur le thème « lutte contre le phénomène Boko Haram ». La cinquantaine

d’organisations de la société civile qui ont participé a été édifiée sur leur contribution dans la

lutte contre la menace et leur fonction dans la prévention des conflits en général.

En partenariat, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés,

l’Association pour la Protection des Enfants Eloignés de leurs Familles au Cameroun et le

Groupe de Recherche sur la Dynamique Sociale au Cameroun ont organisé 6 séances de

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formation de 50chefs traditionnels chacune dans les départements du Mayo-Sava et du

Diamaré sur le thème : « connaître ma communauté pour mieux la sécuriser » en 2014.

L’Association Pacific Logone Development est aussi engagée sur le chantier de la

cohésion sociale des peuples des abords du Logone. Outre les actions de sensibilisation,

l’association agit principalement sur la cible jeune en favorisant la rencontre des jeunes issus

des communautés en conflits et en développant des cadres d’action multiculturels. Ces

actions sont menées à Maroua, Kousseri, Maga et Logone Birni. En perspectives, Pacific

Logone Development entrevoit d’aller plus loin en mettant l’emphase sur une véritable plate-

forme des jeunes du département, indifféremment des tribus, afin d’éliminer les instincts

grégaires d’exclusion, les préjugés péjoratifs ou négatifs et de conjuguer leurs efforts afin de

tisser ensemble leur avenir. Et ceci dans l’espoir que cette « paix belliqueuse »

qu’entretiennent leurs parents se transforme résolument en une véritable « paix pacifique ».

Dans l’ensemble, on constate qu’il n’existe pas à l’échelle de la Région ou d’un

département une plateforme réunissant les acteurs de la société civileen faveur de la

consolidation de la paix. La configuration de la société civile à l’Extrême-Nord est parcellisée

entre les acteurs disparates, des domaines d’actions variés et non spécialisés et une forte

concurrence vers les financements. Les causes défendues par ces acteurs, même si elles sont

partagées, sont traduites en actions isolées ou réalisées dans le cadre des collaborations

ponctuelles. Cette situation fait qu’aujourd’hui, la consolidation de la paix, le renforcement

de la cohésion sociale, la prévention/gestion/résolution des conflits n’ont pas encore favorisé

la mise en place d’un cadre global d’action. Les formes ponctuelles de collaboration se

limitent à l’appui mutuel entre les organisations pendant la conduite des actions.

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47

CHAPITRE 5 : ANALYSE SITUATIONNELLE

Elle consiste en l’analyse spécifique de la conflictualité dans les trois sites du projet Rapid

Response. Ce sont les localités de Kousseri, Mora et Mokolo dans une moindre mesure qui se

trouvent en première ligne des zones de crise sécuritaire. L’analyse situationnelle s’inscrit

dans une approche globale de compréhension de la nouvelle conflictualité induite par

l’arrivée des populations déplacées. Elle s’appuie aussi sur un état des lieux précis de la

situation socio-anthropologique des villages et quartiers des villes sus indiquées de manière à

faire ressortir les conflits récurrents, ceux induits par la présence des réfugiés/déplacés et les

mécanismes visant à répondre à ces conflits.

5.1 Analyse situationnelle de Kousseri

L’analyse de la conflictualité et des modes de résolution des conflits dans la localité de

Kouseri présente une évolution qu’il faut cerner en rapport avec la présence des réfugiés et

déplacés de la crise sécuritaire.

5.1.1 La conflictualité d’avant crise sécuritaire

Avant l’afflux des réfugiés et déplacés dans le Logone et Chari, particulièrement dans la ville

de Kousseri et ses environs, les communautés connaissent une cohabitation pacifique relative.

Cependant, plusieurs types de conflits sont identifiés.

Les conflits interethniques sur fond de manipulation politique : Le plus significatif est

celui survenu en janvier 1992 entre Arabes et Kotoko à l’occasion des élections législatives.

Ce conflit interethnique a montré comment l’instrumentalisation politique de l’ethnicité

engendre des affrontements violents.

Conflits fonciers :Ils sont récurrents dans la ville de Kousseri et ses environs. La

spéculation foncière a donné lieu à une lutte entre les communautés pour le contrôle des

espaces commerciaux et d’habitation. Le conflit le plus illustratif est celui en cours entre les

communautés Kotoko, Mousgoum et Massa sur les 500 hectares, rétrocédés par le HCR à

l’Etat du Cameroun et qui font l’objet d’affrontements violents. Cet espace situé au quartier

Kawadji reste toujours disputé.

Tensions intercommunautaires :Elles sont plus visibles sur le champ économique avec

une division des activités et des espaces de production. Les milieux marchands de Kousseri

sont marqués de cette division ente les Arabes et les autres communautés. Le marché central

de Kousseri est, à quelques exceptions, occupé par les Arabes qui, par solidarité ethnique,

continuent à s’approprier les espaces encore disponibles. Les Kotoko, Mousgoum et les

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autres groupes ethniques restent présents dans le commerce par étalage du riz, poisson, vivres

maraichères, etc. La configuration de l’espace marchand de Kousseri est duale d’autant plus

que le marché est détenu par les Arabes et les quartiers entourant le marché sont habités par

des Kotoko.

La persistance des conflits sociaux : Ces problèmes concernent les bagarres dans les

débits de boissons, les vols fréquents, les conflits conjugaux. Les quartiers cosmopolites

comme Lacka, Ridjil-Kotoko, Ridjil-Mousgoum, Massaki 3, Hazaraye, Amchidire,

Ndjambal Bar, Madagascar enregistrent régulièrement ce type de conflit. Ces conflits sociaux

qui se présentent sous la forme du banditisme, des rixes et du désordre urbain sont

caractéristiques d’une ville cosmopolite. Ils dégénèrent souvent en conflit identitaire par un

système d’alignement et de soutien à la famille, au clan ou à l’ethnie.

La récurrence des conflits d’autorité : Ce type de conflit se pose à deux niveaux : au

niveau des communautés tchadiennes, en particulier les Sara des villages/quartiers Massaki 1,

Seheba, Ridjil Mousgoum, Hazaraye, Ndjambal Bar, Mandana, Lacka et Wadang, les

Hadjaraï de Mainane et les Bilala de Massil Al Kanam qui ne reconnaissent pas toujours

l’autorité des Blama, chefs de 3e degré des villages et quartiers, au bénéfice du chef de la

colonie tchadienne basé à Kousseri. Au niveau de l’autorité des forces de maintien de l’ordre

dont les interventions dans les villages sont jugées par les populations de « brutales et

injustes ». Selon les Blamas de Massaki 1 (Mahamat Mahamat) et de Madagascar (Ousmane

Abakar), les exactions des policiers et gendarmes sur les populations ne se justifient plus avec

la mise sur pied des comités de vigilance. Il faut relever que ces abus ont connu une

augmentation avec l’intensification des contrôles d’identité suite à la crise sécuritaire

provoquée par Boko Haram.

5.1.2 Conflictualité induite par la crise actuelle liée à Boko Haram

Les conflits liés à la présence des déplacés/réfugiéssont moins importants que les autres

localités. Ils sont limités à quelquesvillages et quartiers de Kousseri. Ils présentent les traits

suivants :

Tableau 1 : Etat de la conflictualité induite par les déplacés/réfugiés dans la localité de

Kousseri Village/

quartier

Groupes

ethniques Conflits d’avant crise

Impact des

déplacés/réfugiés

Nouveaux

conflits

Massaki 1 Arabes

Sara Conflits agropastoraux

Faible présence des

déplacés ; Intégration dans

les familles d’accueil

/

Adjaine 1 Arabes, Kotoko,

Kanuri

-Conflits de gestion des mares

d’eau

-Conflits agropastoraux

Occupation des zones de

pâturages

-Conflits

agropastoraux

Adjaine 2 Kotoko, Arabes

Peul

Conflits d’accès aux ressources :

eau, terres agricoles, pâturages

-Faible présence des

déplacés ; intégration dans

la communauté

/

Seheba Massa, Arabes, Conflits agropastoraux / /

Page 49: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

49

Kotoko, Sara,

Mousgoum

Ridjil-

Kotoko Kotoko Conflits conjugaux Intégration des retournés /

Ridjil-

Mousgoum

Mousgoum,

Kotoko, Arabes

Sara

-Conflits fonciers

-Conflits d’autorité entre

Tchadiens et Camerounais

-Conflits entre populations et

soldats tchadiens

Pas de déplacés /

Massaki 3

Arabes, Sara,

Kotoko,

Mousgoum,

Maliens

-Conflits fonciers

-Conflits agropastoraux

-Conflits sociaux (dettes, dot)

Présence relative des

déplacés qui sont intégrés

dans la communauté

Tensions

perceptible due au

partage des

ressources

disponibles (bois

de chauffe, eau,

espaces agricoles)

Hazaraye

Kanuri, Kotoko,

Arabes

Sara

-Rixes dans les débits de boisson

-Tensions interethniques

-Tensions entre déplacés et

populations d’accueil pour

accéder aux aliments distribués

Présence non acceptée des

déplacés par la communauté

d’accueil, jalouse du

traitement réservé à ces

derniers

/

Ngouzo

Sara

Massa

Kotoko

-Conflits d’accès à l’eau

-Conflits agropastoraux

-Conflit lié à l’interdiction de la

pêche

Pas de déplacés/réfugiés /

Ndjambal

Bar

Sara, Kotoko,

Toupouri,

Massa, Arabes,

Mousgoum

-Querelles et bagarres dans les

débits de boisson

-Litiges fonciers

-conflits d’insolvabilité des

femmes dans les tontines

-tensions due à la discrimination

du quartier dans la distribution

des denrées alimentaires

Intégration des déplacés

dans la communauté /

Mainane

Massa, Kotoko,

Mousgoum,

Arabes, Hadjaraï

(Tchad)

-Conflits agropastoraux

-Problèmes conjugaux

Présence des déplacés,

intégrée dans la

communauté

/

Madagascar

Mousgoum,

Kotoko, Arabes,

Haoussa, Peul

-Conflits fonciers

-Rixes entre membres des

communautés

-Conflits liés aux vols

-Déplacés intégrés dans la

communauté,

mais stigmatisés

/

Madana

Mousgoum, Sara

(Tchad), Arabes,

Kotoko, Massa

-Conflits conjugaux

-Conflits liés au contrôle des

agents forestier à domicile

Déplacés intégrés dans la

communauté

Tensions relatives

à la distribution

des aliments aux

déplacés

Lacka

Mousgoum,

Massa, Sara,

Kanuri

-Conflits agropastoraux

-Litiges fonciers

-Conflits sociaux (pollution

sonore des bars, problèmes

conjugaux, promiscuité et

insalubrité)

Déplacés intégrés dans le

quartier

Impact sur la cohésion

sociale (pollution sonore,

promiscuité, insalubrité)

Tensions nées de

la distribution

querellée des

denrées

alimentaires

Kawadji

Mousgoum,

Massa, Toupouri

Sara (Tchad)

Conflits agropastoraux / /

Massil Al

Kanam

Arabes, Peul,

Sara, Hadjaraï et

Bilala(Tchad)

-Conflits agropastoraux

-Conflits liés à la distribution des

dons

-Conflits liés à la distribution

inéquitable de l’eau dans les

champs

Très peu de déplacés,

intégrés dans la

communauté

/

Malack Arabes

-Conflits fonciers

-Conflits agropastoraux

-conflits de gestion d’eau de

canalisation

Pas de déplacés /

Wadang

Mousgoum,

Massa, Haoussa,

Sara

-Conflits de terrains agricoles

Déplacés et réfugiés

Haoussa intégrés dans la

communauté

/

Arkis Arabes -Conflits agropastoraux Pas de déplacés /

Page 50: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

50

-Opposition au projet de

reboisement

Koumboula Arabes Tensions liées à l’insécurité Pas de déplacés /

Ngamadja Arabes Conflits agropastoraux Retournés intégrés /

Ibou

Arabes, Kanuri,

Kotoko,

Mandara, Foulbé

-Conflits de partage des terres

agricoles

-Tensions à l’occasion du traçage

du quartier

-Vols réguliers

-Déplacés abandonnés

-Conflits lors de la

distribution des vivres

Tensions

perceptibles entre

déplacés et hôtes

Kousseri

Centre

Kotoko, Arabes,

Kanuri,

Mousgoum

-Conflits fonciers

-Tensions politiques

Tensions interethniques

Problèmes familiaux

Déplacés et retournés

intégrés

Pression

perceptible sur les

espaces, les

marchés

Amchidire

Arabes

Haoussa

Peul

-Conflits agropastoraux

-Tensions interethniques

-Problèmes conjugaux

-Bagarres régulières dues à la

consommation des psychotropes

Cohésion sociale fragilisée

par la présence des

déplacées

Tensions et faits

de violence entre

déplacés et hôtes

Dans l’ensemble, on observe :

La persistance des conflits agropastoraux

Plusieurs villages autour de la ville de Kousseri sont concernés par ce type de conflit, même

si, pour des raisons d’itinéraire, la localité de Kousseri a été épargnée par l’importante vague

des transhumants qui ont préféré les couloirs allant des Serbowel vers la plaine inondée du

Logone. Quelques éleveurs déplacés arabes et peuls sont cependant établis dans les villages

situés autour de la ville vivent en harmonie avec les agriculteurs Kotoko, Arabes, Mousgoum,

Massa et Sara. Les conflits sont donc antérieurs à l’arrivée des déplacés et concernent

principalement les villages de Massaki 1 et 3, Adjaine 1, Seheba, Ngouzo, Mainane, Lacka,

Kawadji, Arkis, etc. Selon Eli Adoum, chef du village Arkis, l’accroissement de la population

a conduit à l’occupation illégale des terrains agricoles privés. Pour Mahamat Kachalla, Blama

de Massaki 3, les conflits agropastoraux perdurent parce qu’il n’existe pas de cadre approprié

d’encadrement des éleveurs traditionnels.

Les tensions intercommunautaires

Elles sont dues à la pression exercée sur les ressources insuffisantes encore disponibles. Les

ménages des déplacés et retournés enregistrés dans certains villages partagent avec les

populations d’accueil l’eau, les terres agricoles, les espaces marchands. Les retournés du

quartier Ridjil-Kotoko et surtout les déplacés intégrés dans les quartiers et villages de

Ndjambal Bar, Lacka, Mainane, Madana, Malack, Wadang sont partiellement pris en charge

par les organisations humanitaires. Cette situation a généré un climat de rejet vis-à-vis des

déplacés de la part des populations d’accueil parce qu’elles se sentent exclues de la

distribution des vivres.

L’enrôlement des jeunes et les effets boomerang des comités de vigilance

A l’instar de tout le corridor frontalier qui va du Mayo-Tsanaga aux confins du lac Tchad,

l’exode massif des populations fuyant les assauts des insurgés de Boko Haram s’est

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51

accompagné du départ de plusieurs jeunes en direction des rangs des assaillants. La localité

de Waza a, par exemple, produit deux catégories d’acteurs acquis à la cause de Boko Haram.

D’abord les ralliés qui ont intégré les rangs des combattants. Ensuite, les adjuvants

intermédiaires dont la collaboration a facilité la collecte et la transmission des renseignements

et le passage des provisions. Dans ce sillage, la ville de Kousseri constitue une plaque

tournante d’approvisionnement et de passage des armes et munitions. Les localités comme

Makari, Fotokol, Hilé Alifa, en plus d’avoir connu un départ massif des populations, ont

constitué pour Boko Haram, les points de transit vers le Nigéria et le lac Tchad.

La question délicate de l’enrôlement des jeunes dans les zones frontalières est

indissociable de la formation tous azimuts des comités de vigilance dans les villages du

Logone et Chari. Constituées à l’origine comme des organisations de guet, de renseignement

et de défense populaire, ces structures communautaires dont le fonctionnement est encadré

par l’autorité administrative et les forces vives, sont en train de devenir de véritables causes

du désordre, de la prédation etd’atteinte à l’environnement. L’espoir placé en les comités de

vigilance par les pouvoirs publics, maintes fois célébrés pour leur bravoure et leur héroïsme

face aux insurgés kamikases de Boko Haram, semble avoir minimisé les risques de

braconnage, de destruction des ressources ligneuses, violation des droits de l’homme par des

traitements extrajudiciaires et surtout d’abus d’autorité sur les citoyens. L’on craint le retour

d’un braconnage toléré pratiqué par les membres des comités de vigilance dans le parc

national de Waza ou des actions de police en violation de l’état de droit.

5.1.3 Les mécanismes de médiation

Ils concernent les dispositifs existants. Leur évaluation permet d’identifier les acteurs, les

structures et les modalités d’action en matière de gestion/résolution des conflits.

5.1.3.1 Les mécanismes existants

A Kousseri, on note :

Le rôle prépondérant des autorités traditionnelles

Ces instances coutumières Kotoko, Arabes-Choa et Mousgoum principalement sont

fonctionnelles dans les chefferies de 1er, 2e et 3e degrés. A la base, on trouve les Blamas,

chefs de 3e degré des quartiers ou villages. Autour des Blamas, se trouvent un collège de

notables et de patriarches qui concourent à la résolution des conflits survenus dans le village.

Lorsque le conflit oppose plusieurs villages, un collège constitué des Blamas, notables et

patriarches des villages concernés se réunit afin de régler le conflit.

La tutelle des autorités administratives

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52

Elles exercent leur tutelle hiérarchique sur les autorités traditionnelles et la gestion des

populations. A ce titre, en cas d’échec dans la tentative de résolution des conflits devant les

instances coutumières, l’autorité administrative, par le truchement du sous-préfet est saisi par

une plainte. Son intervention suit un processus qui va du règlement à l’amiable jusqu’à la

saisine du tribunal localement compétent.

La contribution limitée des associations et ONG religieuses

Plusieurs villages bénéficient des actions de développement des associations et surtout des

ONG qataries. Cependant, ces actions ne privilégient pas la résolution des conflits.

L’effort de renforcement socioéconomique du projet de Développement Rural

Intégré– Chari Logone (PDRI-CL)

Les investissements socioéconomiques de ce projet participent de la réduction des sources de

conflits. Ces actions qui couvrent une majorité des villages étudiées concernent la pêche, de

l’agriculture irriguée, le forage des puits, la création des marres d’eau et étangs, la

construction de silos et de magasins de céréales afin de réduire les pertes après récoltes ; le

développement de certaines infrastructures sociales et environnementales telles que les salles

de classe, les aires de jeu, la plantation d’arbres et de vergers en vue de lutter contre la

désertification et la réhabilitation des pistes rurales.

La contribution du Projet MINFOF-UICN-PPTE

L’UICN en partenariat avec le Ministère des Forêts et de la Faunemet en œuvre le projet de

«Sécurisation des Moyens d’Existence des Communautés pour le Développement durable du

Parc National de Waza et sa périphérie». L’objectif du projet est d’accroître les revenus des

ménages des communautés riveraines du Parc national de Waza et assurer leur sécurité

alimentaire à travers le renforcement de leurs capacités d’autopromotion et de gestion durable

des ressources naturelles restaurées dans la zone. L’aire d’intervention du projet est la plaine

d’inondation de Waza Logone, notamment les arrondissements de Maga (Mayo Danaï), Pette

(Diamaré), Waza, Zina, Logone Birni (Logone et Chari), Mora (Mayo Sava) dans la région

de l’Extrême Nord.

Les bénéficiaires directs du projet sont:

Populations locales et groupes d’utilisateurs ressources (pêcheurs, éleveurs,

agriculteurs) de la zone du projet, notamment les arrondissements de Maga, Pette,

Waza, Zina, Logone Birni et Mora

Eleveurs nomades et pêcheurs transhumants venant du Nigeria, du Niger et du

Tchad pendant la période de décrue à la recherche de pâturage

Service de la conservation du Parc national de Waza

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53

Le projet espère agir sur les facteurs de pauvreté et les leviers du développement durable. A

ce titre :

Les ménages de la plaine de Waza Logone ont un accès accru à l’eau potable, au

bois-énergie, à une alimentation saine et équilibrée ;

Les animaux du parc, le bétail et les populations des villages ciblées par les

actions ont un plus grand accès aux ressources en eau et aux ressources

fourragères ;

Les revenus moyens des populations des villages ciblées par les actions ont

augmenté pendant le projet ;

Les capacités des acteurs de la conservation, y compris le service de la

conservation du PNW sont renforcées.

Le potentiel peu exploité de la radio communautaire (FM Kousseri)

Concédée par la CRTV à la communauté de la ville de Kousseri, la radio communautaire

« FM Kousseri » sert de relais entre les opportunités de développement et les acteurs

étatiques, société civile, partenaires au développement et les populations bénéficiaires. Sa

grille de programme couvre divers domaines de la vie socioéducative, sanitaire,

environnementale, économique, agricole, etc. les langues nationales utilisées sont l’Arabe

(tous les jours, sauf le dimanche, 17h 30-19h), le Kotoko (deux fois par semaine, 16h-17h), le

Mousgoum (une fois par semaine, 16h-17h), le Massa (une fois par semaine, 16h-17h). Selon

le chef de station, Haman Madou, la radio souffre d’un déficit en ressources humaines

qualifiées. Il n’existe pas de programme dédiés à la résolution des conflits, ni à la

sensibilisation des populations à la cohésion sociale. Les animateurs en langues nationales

sensibilisent, de temps en temps, les populations sur les questions de paix et de résolution des

conflits.

Tableau 2 : Dispositifs de gestion/résolution des conflits dans la localité de Kousseri

Village/Quartier Instance locale de

gestion/résolution

Autres mécanismes de

résolution Facteurs limitants

Massaki 1 Chefferie (Blama, notables

et patriarches) / -Faible capacité d’intervention

des acteurs de médiation

-Absence de structuration des

acteurs locaux

- faible participation des jeunes

et femmes

-inexistence de plateforme de

dialogue au niveau de la localité

de Kousseri

-Faible capacité techniques des

organisations endogènes à la

résolution des conflits

- Les actions de renforcement

socioéconomiques du projet

PDRI n’ont pas pris en compte

Adjaine 1 Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Formations diverses initiées

par le PDRI

-GICs Al Hanoun, Al Mansour,

Tawilé, Al Itihad

Adjaine 2 Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Actions des GICs

Seheba Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-ONG qatarie (Qatar Red

Crescent)

Ridjil-Kotoko Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-Actions des GICs

Ridjil-Mousgoum

1

Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-Imam

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54

-PDRI la capacitation des

communautés à la gestion des

conflits

- Les comités de vigilance

souffrent d’un déficit

d’encadrement technique et

éthique

- Radio communautaire peu

imprégnée de son rôle dans la

prévention, gestion et résolution

des conflits

Massaki 3 Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Hazaraye Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Ngouzo Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Ndjambal Bar Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

Comité de vigilance

Mainane Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-Action des GICs

Madagascar Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-Action des GICs

Madana Chefferie (Blama, notables

et patriarches) /

Lacka Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Kawadji Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-Projet PDRI

Massil Al Kanam Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Malack Chefferie (Blama, notables

et patriarches) /

Wadang Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Arkis Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-Projet PDRI

Koumboula Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Action des GICs

-Comité de vigilance

Ngamadja Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Ndjagaré Chefferie (Blama, notables

et patriarches) Comité de vigilance

Ibou Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Comité de vigilance

-PDRI

Kousseri Centre

-Sultanat + notables et

patriarches

-Blamas des quartiers

-Comités de vigilance

-PDRI

Amchidire Chefferie (Blama, notables

et patriarches)

-Imam

-Comité de vigilance

5.1.3.2 Les forces des dispositifs

-La première forme de réponse (chefferie) est réellement ancrée dans les instances

traditionnelles et coutumières, ce qui donne une légitimité aux résolutions prises. Les chefs

traditionnels quant à eux, interviennent au quotidien pour régler les litiges et garantir la

cohésion sociale. Ils ont la connaissance de la coutume et des racines profondes de certains

antagonismes. Ils incarnent à la fois le passé et le présent. Ils sont emprunts d’autorité, de

respect et de mysticisme. Les acquis sont réels parce que l’action des chefs traditionnels

repose sur un recours aux usages traditionnels de dialogue et de tolérance et les participants à

ces instances de conciliation sont constitués des notabilités dont la représentativité repose sur

une légitimité historique. Par contre, la participation des composantes comme les jeunes et les

femmes est très peu visible, sauf si elles sont concernées directement par les conflits.

-L’administration territoriale agit dans les villages et quartiers pour le maintien et le

rétablissement de l’ordre et la stabilité entre les différentes composantes locales. Elle dispose

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55

de la légalité et de la capacité régalienne de contrainte à travers les forces de sécurité et de

défense mises à sa disposition. Elle contribue pour une grande part à la gestion des situations

conflictogènes et des conflits avérés. Le principe de gestion à l’amiable qui caractérise le

processus administratif de traitement des crises s’avère salutaire et aboutit, comme c’est le

cas dans les arrondissements de Kousseri, Mokolo et Mora, à contenir les risques

d’affrontements directs. Cependant, cette manière reste limitée à la gestion des crises, donc

ponctuelle et ne conduit par vers une résolution définitive, d’où la reproduction des mêmes

crises dans les mêmes villages.

-Il existe dans les villages et quartiers un maillage d’associations et de comités de vigilance

qui accompagnent la gestion et la résolution des conflits. Si les responsables de ces structures

de développement disposent de capacités financières relativement importantes, d’une bonne

connaissance du terrain et d’un appui certain de l’autorité administrative, les comités de

vigilance nécessitent un encadrement technique lié au renforcement de leurs capacités

opérationnelles, un accompagnement dans la connaissance de la loi et des limites qu’elle

impose à l’étendue de leurs pouvoirs, une définition plus claire de leurs statuts et de leurs

liens institutionnels avec les communes, les organisations de la société civile ou les

partenaires au développement.

5.1.3.3 Les limites des dispositifs

Plusieurs faiblesses et insuffisances peuvent être relevées dans la recherche de mécanismes

endogènes de gestion ou de règlement des conflits au plan local :

- Malgré sa légitimité historique, l’action des chefferies traditionnelles manquent de

structuration et les jugements rendus sont souvent contestés. Certaines chefferies kotoko

fortement ethno-centrée n’arrivent toujours pas à intégrer les autres composantes dans les

processus de dialogue. La prééminence du sultan kotoko de Kousseri est contestée, d’abord

par la communauté Kotoko, puis par les autres groupes sur fond de revendication de droit

d’accès aux ressources (terres, eaux, pâturages …) et de reconnaissance.

- Les regroupements de développement et les associations sont principalement occupés au

renforcement socioéconomique des populations, sans impact réelsur la gestion et résolution

des conflits.

- Les associations nationales à base culturelle (AC SAO, ACM…) ne mènent pas d’action

structurée en faveur de la gestion des conflits dans les villages et quartiers. Elles

n’interviennent qu’en cas de conflit, en particulier en faveur de l’ethnie à laquelle elles

appartiennent.

- Les autorités administratives sont davantage préoccupées à maintenir le statu quo, évitant de

faire les réformes nécessaires par crainte de troubles sociaux induits par les autres acteurs en

Page 56: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

56

présence, jalouses de leurs positions et privilèges, peu soucieuses de céder une parcelle à

l’adversaire transformé en ennemi.

- La commune de Kousseri est totalement absente des dispositifs de gestion/résolution des

conflits

- Il n’existe aucune plateforme large intégrant tous les acteurs concernés par la problématique

de la paix (autorités administratives, traditionnelles, religieuses, FMO, société civile,

représentants associations des jeunes et femmes).

- Une absence de mécanismes d’alerte afin de privilégier l’approche préventive.

5.2 Analyse situationnelle de Mora

La ville de Mora est l’une de celles de la zone de crise à accueillir massivement les

populations déplacées. Les villages situés autour de la ville de Mora accueillent aussi les

déplacés qui cohabitent avec les populations locales.

5.2.1 La conflictualité d’avant crise sécuritaire

A Moradans le Mayo Sava,le contexte socio-politique est sensiblement différent de celui du

Logone et Chari. Mandara, Kanouri, Mada, Podoko, Mouktélé, Zoulgo, Mouyeng, Guemjek,

Mboko, Vamè et Molko sont parvenus à un certain équilibre dans l’occupation spatiale et

l’établissement d’autorités traditionnelles liées aux différents terroirs. Cependant, des

antagonismes persistent.

Les conflits dans la localité de Mora tirent leurs origines des problèmes fonciers, de l’accès

aux pâturages et aux espaces agricoles, de l’accès à l’eau et à la gestion des ressources

naturelles. Ils sont aussi dus aux rivalités politiques et aux questions de représentativité, aux

compétitions religieuses. Dans ses fondements, ces conflits sont liés auxrancunes historiques

encore tenaces, à la pression démographique et à l’accès inéquitable aux ressources et à la

terre, à l’ignorance et l’analphabétisme, à la partialité des autorités judiciaires, civiles et

traditionnelles, au mécontentement des chefs traditionnels du fait de leurs mauvais

traitements, aux prises de position arbitraires, partiales et laxistes des autorités

administratives dans la gestion des conflits ou tensions, à la mauvaise gouvernance à la fois

traditionnelle et étatique, au repli identitaire, au tribalisme ou tribalité mal gérée qui

alimentent les préjugés ethniques et culturels, à la méconnaissance de sa propre religion et de

celle des autres, à l’absence d’analyse des causes des conflits (et manque d’actualisation des

modes de gestion des conflits).

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57

5.2.2 La conflictualité liée à Boko Haram

L’élargissement progressif de la zone d’insécurité a conduit à l’exode massif des populations.

Les attaques répétées sur Kolofata, Fotokol et Kérawa par des incursions et des attaques

massives de Boko Haram ont généré des milliers de déplacés et des réfugiés, accueillis par les

populations de la localité de Mora.

Tableau 3 : Etat de la conflictualité induite par les déplacés/réfugiés dans la localité de Mora Village/

quartier Groupes ethniques Conflits d’avant crise

Impact des

déplacés/réfugiés Nouveaux conflits

Igagoua I Mandara, Podoko, -

Kanouri, Arabes

-Conflits agropastoraux

-Occupations des terres

agricoles

-Tensions de

distributions des

denrées alimentaires

Amtchali-

Fiké

Mandara, Podoko,

Moudou, Kanouri,

Moura, Mouctélé,

Mouyagué

- Conflits agropastoraux

-Conflits de terrains

agricoles, accès à l’eau

- Conflits sociaux

(sorcellerie)

- Envahissement de l’espace

habitable aux quartiers

SONEL, Camp militaire

- Occupation des terres

agricoles

-Conflits d’accès aux

terres agricoles

-Conflits sociaux (vol)

- Tensions religieuses

Fiké II Mandara, Podoko,

Kanouri, Mouctélé - Conflits agropastoraux

- Dévastation des champs

par les bêtes des déplacés

- Discriminations relevées

par les populations

d’accueil lors de la

distribution des dons

Tensions

intercommunautaires

entre déplacés et

populations d’accueil à

Fiké I et II

Mora-ville

Mandara, Podoko,

Kanouri, Mouctélé,

Arabes, Vamé, Peul,

Mafa, Hourga

- Conflits agropastoraux

- Conflits sociaux vol)

- Tensions religieuses

- Envahissement des

espaces d’habitation

- Occupation des terres

agricoles

- Stigmatisation des

déplacés

- Surenchère sur les

marchés

- Recrudescence des

conflits sociaux (vol,

sorcellerie)

- Conflits

agropastoraux

- Tensions sociales

(disputes et querelles

entre déplacés et

locaux aux quartiers

Jaja et Walkamé)

Galbi-Mora

Mafa, Oudoumé,

Podoko, Kanouri,

Arabes, Haoussa

- Conflits agropastoraux

- Conflits d’accès à la

terre

- Discrimination (seuls les

déplacés sont bénéficiaires

des denrées alimentaires)

Tensions entre

communautés

d’accueil et déplacées

Mora-

Chefferie

Mandara, Podoko,

Mouktélé

- Conflits d’accès aux

terres agricoles

- Tensions religieuses

- Conflits d’accès à l’eau

- Stigmatisation mutuelle

entre déplacés et locaux

- Tensions religieuses

(divisions des espaces de

prière, des activités dans les

marchés)

- Tensions perceptibles

entre locaux et

déplacés aux quartiers

sultanat, Vamé

Waladé I

Mandara, Podoko,

Kanouri, Podoko,

Mouctélé, Toupouri

- Conflits agropastoraux

- Litiges sur l’occupation

des terrains privés

- Conflits d’accès à l’eau

Stigmatisation mutuelle

entre déplacés et locaux

-Conflits de terrains

aux quartiers

Ndjamena, Ligué

- Conflits sociaux

(viol, vol, disputes

régulières entre

déplacés et locaux)

Waladé II

Mandara, Mafa,

Toupouri, Kanouri,

Arabes, Haoussa

- Conflits agropastoraux

- Conflits de terrains

Discrimination dans la

distribution des denrées

alimentaires

Tensions entre

populations locales et

déplacés

Limani Mandara, Mafa,

Podoko, Matal

-Conflits agropastoraux

- Tensions interethniques

Impact sur la cohésion

sociale (disputes et

querelles régulières)

-Conflits sociaux (viol,

vol, extrémisme)

Guirbala Mandara, Podoko,

Mondang

-Conflits agropastoraux

- Conflits d’accès aux

terres agricoles et à l’eau

- Tensions religieuses

- Envahissement des

espaces agricoles et

d’habitation

- Cohésion sociale fragilisée

Inflation des conflits

sociaux (viol, vol de

bétail)

Guiziga Guiziga, Mandara,

Mafa, Podoko

-Conflits agropastoraux

- Conflits d’accès aux

terres agricoles et à l’eau

- Tensions perceptibles

entre déplacés et locaux

- Cohésion sociale fragilisée

-Disputes de terrains

agricoles

- Tensions (querelles et

bagarres autour des

points d’eau)

Page 58: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

58

Kourgui Mada, Moundang,

Matal, Mafa, Podoko

- Conflits agropastoraux

- Conflits de partage des

terres cultivables et

d’accès à l’eau

Présence massive des

déplacés et insuffisance des

ressources

Tensions sporadiques

entre déplacés et

locaux (bagarres entre

jeunes et femmes des

deux communautés)

Kourgui-

Chefferie

Mandara, Podoko,

Mafa, Zoulgo

Conflits agropastoraux

Conflits d’accès à l’eau Cohésion sociale fragilisée

Conflits d’accès à

l’eau

Amchidé

Guiziga, Mandara,

Mafa, Podoko,

Mada, Matal

Conflits agropastoraux

Conflits d’accès à l’eau

- Stigmatisation et rejet

réciproques

- Peur ambiante

- Activités économiques

ralenties

-Conflits souvent

ouverts entre déplacés

et locaux (luttes,

bagarres et disputes,

extrémisme)

Pivou Mafa, Podoko,

Arabes

-Conflits agropastoraux

- Conflits d’accès aux

terres agricoles et à l’eau

Insuffisance des terres

agricoles et des pâturages

Conflits d’accès à

l’eau (bagarres et

querelles entre

déplacés et locaux)

Pont Sava

Mada, Mandara,

Vamé, Ouldémé,

Zoulga, Moura

Conflits conjugaux / /

Séradoumda

Mandara, Vamé,

Ouldémé, Zoulga,

Moura, Matal,

Houzga, Mouzgo

- Conflits agropastoraux

- Conflits des terres

agricoles

- Conflits d’accès à l’eau

-Difficile cohabitation des

communautés déplacée et

hôtes

- Insuffisance des

ressources vitales

-Conflits

agropastoraux

- Disputes régulières

autour du seul point

d’eau

Djamakia Mbirmé, Zoulga,

Ouldémé, Mandara

-Conflits agropastoraux

- Conflits d’accès à l’eau

-Envahissement des terres

agricoles

- Cohésion sociale fragilisée

Tensions entre

communautés

déplacées et d’accueil

Sérahadia

Mandara, Mafa,

Ouldémé, Matal,

Podoko, Zoulgo

- Conflits d’accès aux

pâturages

- Conflits d’accès à l’eau

Cohésion sociale fragilisée

Tensions et rejet

mutuel entre les

communautés

d’accueil et déplacées

Les déplacés se sont installés dans les quartiers et dans une vingtaine de villages autour de la

ville. Dans la ville de Mora, le sultanat est le principal point de chute des déplacés dont la

majorité est d’ethnie Mandara, venus principalement de Kerawa, Ashigashia, Gangawa,

Talakadji, Kidji et Talamala-ibrahim. Du fait des liens sociologiques, linguistiques et

religieux, certains déplacés ont pu s’intégrer en louant des maisons d’habitation ou en

achetant. Les localités périphériques de Mora, à l’instar de Pont Sava, Péage, Siradoumda ont

connu l’établissement des communautés des déplacés en provenance de Banki. La

cohabitation pacifique entre les deux communautés est cependant mise à mal par des tensions

diverses.

La résurgence des antagonismes historiques

D’abord, un vieux contentieux historique oppose les Mandara de Mora et Mémé à ceux de

Kerawa. En effet, Kerawa fut entre le 9e et le 14e siècle la capitale étatique du royaume du

Wandala. La position dominante de Kerawa dans lagéopolitique du royaume Wandala par

rapport à Mora qui ne devint capitale du Wandala qu’à partir de 18e siècle, a donné lieu à une

lutte de leadership sur le double plan politique et religieux. Héritant chacune de cette

trajectoire de domination, les deux communautés revendiquent l’ascendance historique qui,

au fil des siècles, a installé un rejet bienveillant. Sur le plan religieux, la séparation est

observée dans les zones où les communautés hôtes et d’accueil partagent les mêmes

Page 59: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

59

ressources. Suivant cette logique de la pureté, les Mandara de Kerawa considèrent leur

pratique de l’islam pure, au contraire de celui pratiqué par les Mandara de Mora et Mémé.

Ces positions opposées déteignent sur les relations entre déplacés et populations d’accueil. La

tension, perceptible à Mora, se mesure à la division des scènes de prière, des activités

économiques, (abattoirs et boucheries pour chaque communauté) initiés par les déplacés, en

signe d’impureté de l’islam local.

L’impact de l’insécurité sur la cohésion intercommunautaire

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il s’est installé entre les communautés d’accueil

et celles hôtes, un climat de suspicion. Les nombreuses arrestations des membres des

déplacés, soupçonnés de connivence avec les terroristes de Boko Haram, ont installé chez les

populations locales un sentiment de crainte et de rejet. Lien avec le retour des radicalisés…..

Malgré ces pesanteurs historiques et conjoncturelles, les communautés des déplacés sont

massivement installées dans plus d’une vingtaine de villages et dans tous les quartiers de

Mora. Les communautés hôtes étant aussi pauvres que les déplacés, la pression sur les

ressources encore disponibles génèrent des tensions. D’où la nécessité non seulement

d’accroitre l’attention portée à la condition des populations hôtes par l’élargissement du

nombre de bénéficiaires et l’augmentation des vivres distribués dans le cadre des opérations

d’assistance humanitaire, mais également d’apporter un appui à la résilience des populations.

La pauvreté et la précarité que vivent ces différentes communautés donnent lieu à des

tensions entre déplacés, refugiés et populations locales. La situation au Mayo Sava demande

une intervention massive et rapide pour également prendre en compte les besoins primaires

des ménages vulnérables de la communauté hôte.

L’enrôlement massif des jeunes exposés à l’extrémisme violent

Le département du Mayo-Sava a été le plus affecté par le phénomène d’enrôlement des

jeunes. A la différence du Mayo-Tsanaga dont les trajectoires de recrutement et d’enrôlement

se sont alimentées des liens communautaires et commerciaux, les modes d’enrôlement des

jeunes dans le Mayo-Sava s’appuient sur :

- Un prosélytisme islamique mené par les adeptes de Boko Haram dans toutes les localités

frontalières avec le Nigéria. Cette campagne de séduction des fidèles s’est soldée par le

recrutement massif des jeunes de Kérawa, Bornori, Sanda Wadjiri, Kidi Matari ou Amchidé

dans l’arrondissement de Kolofata. Les localités de Limani, Nariki, Kangueleri et Kossa dans

l’arrondissement de Mora ont également connu un départ massif des jeunes vers les rangs de

Boko Haram. On assiste surtout ici à un enrôlement de conviction, s’appuyant sur un discours

fanatique à l’endroit des jeunes, séduits par le projet d’un djihad présenté comme une cause

ultime, à la fois pour l’islam et le salut des combattants.

Page 60: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

60

- Une expression plus prononcée des solidarités sociologiques qui ont, non seulement

renforcé l’adhésion des populations, y compris les jeunes et les femmes, aux causes des

insurgés, mais aussi permis l’éclosion d’une sympathie dissimulée des populations à l’idée

que l’action de Boko Haram constitue un djihad, donc un combat légitime de promotion de

l’islam.

- Un enrôlement des jeunes contrebandiers dans le schéma fonctionnel de Boko Haram. Des

jeunes qui se livraient aux activités commerciales par la contrebande se sont opportunément

mis au service de Boko Haram. Leur contribution consiste à fournir les renseignements, à

faciliter la mise en contact des adeptes et à approvisionner les unités combattantes. Le

carburant communément appelé « zoua zoua » est au centre des activités de contrebande. En

plus, les produits de première consommation (riz, le mil) ou les munitions (grenades,

munitions et autres accessoires militaires) ont fait l’objet de livraison par les jeunes

contrebandiers. La connaissance des pistes de contrebande par les jeunes constitue un atout

majeur de mobilité et d’approvisionnement des insurgés. A ce sujet, les couloirs de mobilité

ne se limitent pas aux zones frontalières. Du fait des besoins variés et des acteurs divers, un

réseau d’approvisionnement s’est établi dans un maillage territorial mettant en connexion les

zones de combat du Mayo-Sava avec les zones de prédation du département du Diamaré, via

le parc national de Waza dans le Logone et Chari. Les villages comme Djaoudé et Balda dans

l’arrondissement de Petté, département du Diamaré constituent des points relais du corridor

entre Petté, Waza et les territoires frontaliers occupés les insurgés de Boko Haram.

5.2.3 Les instances de médiation

Les principales instances de gestion/résolution des conflits dans la localité de Mora se

présentent ainsi qu’il suit :

Tableau 4 : Dispositifs de gestion/résolution des conflits dans la localité de Mora

Village/

quartier

Instance locale de

gestion/résolution

Autres mécanismes de

résolution Facteurs limitants

Igagoua I Chefferie (Lawane) -GICs et associations

- Comité de vigilance

- Non accompagnement des

actions des chefferies

traditionnelles

- Associations locales et des

comités de développement non

outillés

Amtchali-Fiké

- Chefferie (Lawane)

- Commission de résolution

de conflit

- Dignitaires religieux

-GICs et associations

- Comité de vigilance

Fiké II Chefferie - Comité de vigilance

Mora-ville

Chefferies (Lawane, Sultan)

- Commission de résolution

de conflit (Chef de

village/quartier, chefs

religieux et représentants

des communautés déplacés)

- GICs et associations

- PAM, Croix rouge

- Comité de vigilance

Galbi-Mora Chefferie

- PAM

- Croix rouge

- Associations des femmes

- Comité de vigilance

Mora-Chefferie Chefferie -PAM

- Croix rouge

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61

- UNICEF - Faible participation des

femmes et des jeunes dans les

instances de dialogue

- inexistence de plateforme de

gestion/résolution des conflits à

l’échelle de la localité

- Faible intérêt des

organisations humanitaires des

questions de gestion/résolution

des conflits

- Faible encadrement des

comités de vigilance sur le

double plan des ressources et

des compétences

Waladé I - Chefferie

- Dignitaires religieux

- Association des jeunes

- PAM, - Croix rouge

- Comité de vigilance

Waladé II Chefferie

-PAM, -Croix rouge

-GICs et associations

- Comité de vigilance

Limani

-Chefferie

-Dignitaires religieux

-Comité d’accueil des

déplacés

- Comité d’arbitrage

-Associations

- Comité de vigilance

Guirbala Chefferie /

Guiziga Chefferie -Associations

- Comité de vigilance

Kourgui Chefferie (Blamas) -Associations

-Comité de vigilance

Kourgui-

Chefferie Chefferie

-Associations

-Comité de vigilance

Kourgui Talla

Massama Chefferie

-Associations

- Comité de vigilance

Amchidé Chefferie -Associations

- Comité de vigilance

Pivou -Chefferie du village

-Chefferie de Mémé

-Associations

-Comité de développement

- Comité de vigilance

Pont Sava -Chefferie du village

-Chefferie de Mémé

-Associations

-GICs Narral Himbé Ouro

Séradoumda -Chefferie du village

-Chefferie de Mémé

-Association Igdzamamire

- Comité de vigilance

GICS Djimmayé, Hayava

Djamakia - Chefferie du village

-Chefferie de Mémé

-PAM, -Croix rouge

GIC Djimmayé Mbirmé

- Comité de vigilance

Sérahadia Chefferie

-PAM, -MSF, -Croix rouge

-Associations

- Comité de vigilance

Il apparait que plusieurs institutions et structures encadrent la production de la paix dans la

ville de Mora et dans les villages environnants. La contribution de ce dispositif se traduit par :

Des chefferies traditionnelles

Elles constituent le premier niveau de gestion et résolution des conflits. Dans les quartiers de

la ville de Mora et dans les villages environnants, les Blamas, Lawanes et Sultans, en tant

qu’auxiliaires de l’administration étatique, sont dépositaires de la justice et des conciliations

traditionnelles. Chaque chefferie, à l’échelle du quartier ou village, s’appuie sur les

dispositifs internes à la communauté pour éviter, arrêter ou résoudre un conflit. Dans certains

cas, les chefferies mettent sur pied des comités spécialisés de gestion/résolution des conflits.

C’est le cas d’Amtchali-Fiké et de Mora-ville qui disposent de comité de résolution des

conflits et de Limani qui a mis sur pied un comité d’accueil des déplacés et un comité

d’arbitrage des litiges.

L’action des autorités administratives

Page 62: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

62

Elle s’inscrit dans la continuité des mesures prises à la base par les autorités administratives

pour résoudre les conflits. Les sous-préfets territorialement compétents interviennent dans

les cas de conflits circonscrits pour faciliter la résolution d’un conflit par la mise en place

d’un cadre de dialogue ou de réconciliation. Sur le plan préventif, les autorités

administratives ont encouragé la création des comités de vigilance dans les quartiers et

villages afin d’alerter ou d’endiguer toute velléité au conflit.

Le rôle des associations et comités de développement

A l’instar de l’ADEMSA (Association pour le Développement du Mayo-Sava), les comités

de développement et les associations regroupant les jeunes et les femmes constituent des

acteurs de résolution des conflits au niveau local. Ces organisations utilisent la sensibilisation

et mettent sur pied, en cas de conflit avéré, des comités chargés de favoriser le dialogue entre

les belligérants.

La contribution insuffisante de La radio

communautaire (SAVA FM)

Elle connaît un fonctionnement minimum qui peine à s’arrimer aux défis de prévention des

conflits. Faute de programmes appropriés, plus de la moitié des villages et quartiers enquêtés

dans la localité de Mora disent ne pas écouter les programmes de la SAVA FM. La structure

manque de personnels qualifiés, n’est pas la capacité à définir des programmes en faveur de

la cohésion sociale et ne diffuse aucun spot en faveur de la paix.

Ces dispositifs présentent des atouts que sont la bonne connaissance du terrain d’action et des

populations, la proximité avec les justiciables et la maîtrise des traditions locales, la légalité

et la légitimité établie.Il importe de les structurer en définissant une graduation d’intervention

en rapport avec une échelle de conflits. Ce renforcement des dispositifs doit agir sur les

acteurs, les institutions et les organisations.

5.3 ANALYSE SITUATIONNELLE DE MOKOLO

Tout comme la ville de Mora, la localité de Mokolo est restée à l’avant-garde de l’accueil des

communautés déplacées par l’insurrection Boko Haram. En dehors du contexte de crise

sécuritaire, le département du Mayo-Tsanaga connaît une stabilité relative, malgré les

tensions épisodiques entre populations hôtes et déplacées.

5.3.1 Conflictualité d’avant crise

Avant la crise sécuritaire provoquée par les attaques de Boko Haram, les populations de la

localité de Mokolo vivent un environnement apaisé. Cependant, deux types de conflits sont

régulièrement enregistrés.

Page 63: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

63

Les conflits agropastoraux sont enregistrés dans les villages situés autour de la ville de

Mokolo. Ces conflits, devenus habituels, opposent les agriculteurs aux éleveurs. A la

différence d’autres localités de l’Extrême-Nord43, les conflits agropastoraux dans la localité

de Mokolo concernent tous les groupes socioprofessionnels et non les groupes ethniques.

Autrement dit, ces conflits ne s’inscrivent pas dans un clivage ethnique, mais sont enregistrés

entre les groupes d’éleveurs et d’agriculteurs pouvant appartenir au même groupe ethnique ou

à des groupes ethniques différents.

Les conflits privés qui dégénèrent en opposition violente entre communautés

ethniques ou entre villages. Les causes de ces conflits sont le rapt de femmes, les mariages

mal négociés, les disputes des points d’approvisionnement en eau, les litiges fonciers, le vol

de bétail. Ces tensions interindividuelles s’aggravent lorsque des affidés du groupe ethnique,

du village ou du quartier entrent en scène.

5.3.2 Conflictualité induite par la crise sécuritaire : les tendances dominantes

La crise sécuritaire de l’autre côté de la frontière a provoqué le mouvement vers le Cameroun

d’un nombre considérable derefugiées venant du Nigeria, et une proportion encore plus

élevée de déplacés internes.Ces déplacésont été accueillis par les communautés hôtes,

aggravant ainsi leurs conditions de viedéjà très précaires.Relativement moins exposé aux

attaques terroristes de Boko Haram, le Mayo-Tsanaga est devenu le principal centre d’accueil

de personnes déplacées et de refugiées du fait des exactions de Boko Haram le long de la

frontière camerouno-nigeriane. Dans leur fuite, réfugiés et déplacés optent pour deux

stratégies d’installation : la première est l’établissement sur un site précaire à la périphérie

d’un village ou de la ville de Mokolo. Dans ce cas, les déplacés occupent des espaces privés

et survivent des mêmes ressources que leurs hôtes. En rapport avec la conflictualité, on

observe plusieurs tendances.

Augmentation des conflits agropastoraux :

Dans leur fuite, les populations déplacées ont emprunté des itinéraires qui traversent les

villages. Plusieurs villages ont été affectés par la destruction des plantations agricoles.

L’occupation des espaces cultivables par les éleveurs a également créée une inflation des

conflits agropastoraux. La plupart des villages autour de la ville de Mokolo connaissent une

recrudescence des conflits agropastoraux. C’est le cas des villages Moufou (Koriel),

Mandaka, Ldamtsaï Goda, Mavoumaï, Djalingo Aviation, Garaï, Mayo Legga, Gawar, Mayo

Saganaré. On remarque par exemple des conflits opposant les déplacés Mahaya Gamaï de

quartier Ouro Kessem, Ngatsbaï Gaïmaï de Goda Ldamtsaï et Haman de Ouro Kessoum. La

43 Généralement, les conflits agropastoraux du Nord-Cameroun ont opposé les peuls et arabes éleveurs aux

agriculteurs sédentaires d’autres groupes ethniques.

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64

situation est identique entre les agriculteurs et éleveurs des quartiers Koriel et Djeling à

Moufou.

La persistance des litiges fonciers

La terre reste la source principale des conflits et des frustrations de toutes sortes. Selon les

cas, les conflits naissent par l’envahissement des espaces privés par les populations

déplacées. Des cas de location des terrains initiée par les chefs de village sont aussi sources

de conflits. Le village Mayo Legga connaît des tensions communautaires parce que le chef du

village, Hamadou Toukour, a cédé sous la forme de location, des terres appartenant à la

communauté. Plusieurs individus se sont insurgés et ont porté plainte auprès du sous-préfet

de Mokolo contre l’occupation de leurs terrains par les déplacés.

La persistance des conflits sociaux

Les conflits sociaux de type interindividuels ont connu une recrudescence dans la plupart des

villages de la localité de Mokolo. Cette catégorie de conflit survient entre les individus et

s’embrasse au niveau de la communauté ou du village. Les cas de vol de bétail enregistrés

dans les villages Mayo Legga, Mayo Saganaré, Gawar provoquent des tensions

intercommunautaires. On constate aussi une récurrence des conflits liés à la mauvaise gestion

des mariages. Ces conflits qui opposent au départ un couple ou deux familles finissent par

s’élargir au niveau de la communauté ou du village. Plusieurs quartiers de Mokolo ainsi que

les villages Mavoumaï,Mandaka,Ldamtsaï enregistrent ces conflits.

L’avènement de nouveaux conflits

Les nouvelles formes de conflits sont apparues dans le sillage de la difficile cohabitation

entre populations locales et déplacées. La nature des conflits diffère selon qu’on les enregistre

dans les quartiers de la ville de Mokolo ou dans les villages. Dans les villages, les conflits

observés dans les milieux de production économiques sont les plus fréquents. L’occupation

des espaces marchands ou le non respect des prix conventionnels par les producteurs déplacés

provoquent des disputes entre déplacés et hôtes.

Dans les quartiers de Mokolo, les conflits se posent autrement. Ils sont liés au difficile accès

des déplacés aux services de base (éducation, santé, eau), à une distribution irrégulière et

parfois inéquitable des denrées alimentaires, à l’isolement familial dû à une faible prise en

charge psychosociale. Cette situation de déficit de prise en charge des déplacés engendre des

conflits avec des bailleurs, une recrudescence des vols, une augmentation de la prostitution.

Les quartiers Mbikem ou Tacha Haman Gawar sont des réceptacles des déplacés dont la

cohabitation avec les hôtes reste difficile. De même, les villages Galta-Zamay, Kossehone,

situés non loin du camp des réfugiés de Minawaou ont développé une antipathie visible à

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65

l’égard des réfugiés et déplacés à la recherche de ressources vitales (espaces agricoles,

d’habitation).

En plus de l’avènement de nouvelles formes de conflits et de désordre, les effets de Boko

Haram dans le Mayo-Tsanaga sont autant marqués sur les populations des villages affectés

par les attaques. La destruction du tissu économique et social de ces localités a produit trois

sources de conflits.

L’intégration conflictogène des déplacées et retournés

Il est indiqué de souligner qu’au-delà des conflits, la présence des déplacés/réfugiés dans la

localité de Mokolo a généré de nouvelles situations de vulnérabilité qui rendent difficile

leurintégration. On peut citer, entre autres,

- L’impossible autonomisationou la difficile intégration des déplacés, en particulier les jeunes

et les femmes, principalement à l’accès difficile, voire impossible par endroits aux terres

agricoles, pâturages et semences, à l’absence de soutien aux activités génératrices de revenus,

aux difficultés de regroupement familial a placé les déplacés dans un état de vulnérabilité. Par

ailleurs, les populations d’accueil, du fait de l’amenuisement des ressources, subissent

également cet état de précarité.

- La présence durable des populations déplacées et des réfugiés génère une perception

mutuellement méfiante des deux communautés, par l’augmentation des vols et, de plus en

plus, par des cas d’adultère imputés à tort ou à raison aux déplacés et réfugiés.

- La non prise en compte de la situation des personnes déplacées intégrées, en l’occurrence

les femmes, désormais mères de familles et endeuillées par la perte de leurs époux et enfants,

qui se trouvent dans leurs propres familles et qui connaissent pourtant un état de précarité

similaire aux déplacés regroupés ;

- Des indices de rejet liés à l’exaspération sont perceptibles parmi des hôtes qui, après avoir

épuisé leurs réserves partagées avec les sinistrés, n’apprécient pas d’être exclus de la

distribution des vivres et dons divers.

- La situation particulière des filles et des femmes qui sont les principales victimes des

guerres, violées, veuves à moins de 20 ans, illettrées, victimes de plusieurs sortes de violence,

sans véritable protection ou de recours. Ces catégories de victimes n’ont pas assez bénéficié

de l’encadrement des réseaux associatifs des femmes dont la capacité de résilience à la crise

s’est relevée déficitaire. Les associations féminines dont 40 à Mokolo, 25 à Koza, 28 à

Soulede Roua et 11 à Mayo-Moskota(DRPROFF/EN, 2015), traditionnellement préoccupées

par la promotion socioéconomique des femmes et le respect des droits des filles n’ont pas pu,

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faute d’accompagnement technique et financier, adapter leur agenda d’action aux besoins des

femmes et filles meurtries par la conjoncture d’insécurité.

Une jeunesse victime des attaques et enrôlée par Boko Haram

La jeunesse constitue la composante sociologique la plus affectée par l’expansion des Boko

Haram aux frontières du Cameroun. Dans le département du Mayo-Tsanaga, les jeunessont

touchés à deux niveaux :

-Ils sont d’abord les victimes de l’insécurité due aux attaques répétitives. Plusieurs d’entre

eux ont été tués, pris en otages et séquestrés. En 2014, 35 jeunes dont 5 filles et 10 enfants

ont été enlevés à Mabas dans l’arrondissement de Mokolo. De même, les prises d’otages

affectant les jeunes ont été enregistrées à Gossi (9 jeunes) et à Kila dans l’arrondissement de

Mogodé avec 3 jeunes. Le cas le plus illustratif est l’enlèvement de 80 personnes dans les

villages Mabas et Maxi non loin de Mokolo, le 18 janvier 2015 (L’œil du Sahel, n°670,

2015). Le traumatisme psychologique provoqué par les tueries, enlèvements et attaques a

profondément inhibé les perspectives d’émancipation de la jeunesse de la localité de Mokolo.

Face à la fuite des jeunes qui cherchent refuge ailleurs, la vie associative connaît une crise

dans un contexte d’insécurité où tout regroupement est interdit par l’autorité administrative.

Les organisations telles l’Association des Jeunes du Village Oulad (AJEVOU) dans

l’arrondissement de Koza, l’Association Kwaouza Oudeu des jeunes producteurs d’arachides

de Mogodé ou la Cellule d’Appui aux Activités des Jeunes et des Femmes de la localité

frontalière de Tourou, souffrent du contexte d’insécurité et connaissent un ralentissement de

leurs activités dû à l’exode de leurs membres et à l’impossible mobilisation de nouveaux

adhérents.

-Ils sont ensuite en première ligne des stratégies de recrutement mises en place par les

adeptes de Boko Haram. Ici, sur l’étendue des territoires attaqués par Boko Haram, il se

dégage un paradoxe entre le départ massif des jeunes et le retour précipité de plusieurs

dizaines en provenance des zones insécures du Nigéria et d’autres localités camerounaises de

la frontière. Par rapport au départ, dans l’arrondissement de Mayo-Moskota, plusieurs

centaines de jeunes ont été enrôlés par Boko Haram. Jusqu’en septembre 2015, on

dénombrait dans le Canton de Achighachia près de 150 jeunes recrutés par Boko Haram.

Dans le Canton de Moskota, la situation est similaire avec une quarantaine de jeunes portés

disparus. Que ce soit à Zelevet-village, Tourou, Kérawa-Mafa ou Mabas, plusieurs dizaines

de jeunes identifiés sont reconnus appartenir, à de degrés différents, à la nébuleuse

islamiste.Si entre 2012 et 2014, les modes de recrutement se sont appuyés sur les solidarités

sociologiques transfrontalières et les liens commerciaux entre opérateurs de contrebande des

deux pays, ceux-ci ont connu des trajectoires de pénétration opportunistes. Dans la plupart

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des cas, en particulier à Tourou, Mabas, Zelevet-village, les liens commerciaux antérieurs

fondés sur le recours concurrentiel de la contrebande ont favorisé l’adhésion des jeunes à

l’action de Boko Haram par une dotation d’argent et de motocyclette. A Achighachia, les

liens identitaires entre les communautés Mandara, Ganarbu et Mafa qui occupent de part et

d’autre la frontière entre le Nigeria et le Cameroun ont constitué le socle d’une adhésion des

jeunes, puis une collaboration opportuniste avec Boko Haram. L’enrôlement des jeunes des

zones frontalières au sein de Boko Haram résulte d’une réelle crise d’encadrement des

populations qui y vivent et constitue un obstacle majeur à l’émancipation des jeunes.

En ce qui concerne le retour, plusieurs jeunes sont retournés dans les villages, pourtant

abandonnés. Ces jeunes retournés, venus principalement des contrées voisines de Magadali,

Maiduguri ont fui la violence des assaillants de Boko Haram. Si l’arrondissement de Koza a

enregistré une évasion de près de six cents jeunes, 228 par contre sont retournés dans leurs

villages respectifs. A Mabas, Gossi et Karonthi, ce sont respectivement 27, 236 et 152 jeunes

qui sont retournés dans leurs villages d’origine. Cette situation de départ/arrivée des jeunes

n’est pas favorable à une dynamique de développement par les jeunes.

Une précarité croissante des populations hôtes, préjudiciable à la cohésion

sociale

La crise provoquée par les attaques de Boko Haram a, au-delà des populations déplacées,

accru la vulnérabilité des populations d’accueil. Celle-ci s’apprécie sur deux échelles :

-La détérioration continue des conditions de vie des populations d’accueil se présente comme

la première source d’atteinte à la cohésion sociale. Elle se situe au niveau des épidémies, de

l’insécurité alimentaire et de la malnutrition.Dans l’ensemble, on sait qu’avant la crise Boko

Harm, la Région de l’Extrême-Nord connaissait déjà une pauvreté structurelle due aux aléas

climatiques et aux faibles capacités de production. L’expansion de Boko Haram vers le

territoire camerounais dont les effets ont provoqué l’exode massif des populations, l’accueil

des réfugiés et déplacés et l’impossibilité de mener des activités agropastorales et

commerciales, a accru cette situation de précarité. Le dernier rapport de l’Institut National de

la Statistique établit que la Région de l’Extrême-Nord est la plus pauvre du Cameroun avec

74,3% de personnes étaient pauvres en 2014. La Région connaît une production alimentaire

annuelle 2014/2015 déficitaire de 41 000 tonnes. Certes, le département du Mayo-Tsanaga est

le seul dans la Région de l’Extrême-Nord à couvrir ses besoins alimentaires avec les

productions vivrières (MINADER, PNSA, 2015), il reste que le déficit observé dans les

autres départements affecte considérablement sa stabilité alimentaire.On constate aussi un

accroissement de la prévalence de la malnutrition aiguë chez les femmes et les enfants,

uneanémiechez les femmes de 15-49 ans (40%) et chez les enfants de moins de 5 ans (60%)

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(Rapport DRSP/EN, 2014). L’insécurité due au phénomène Boko Haram va encore

augmenter le taux de mortalité infanto-juvénile déjà en hausse dans la région de l’Extrême-

Nord (191‰) par rapport aux autres régions. Le déplacement des populations s’accompagne

d’une désorientation traumatique qui empêche tout encadrement éducatif et sanitaire, mais

aussi favorisela traite de personnes ainsi que les pratiques culturelles néfastes surtout à

l’égard des femmes (AVLF, 2014).

- La difficile cohésion sociale dans et entre les communautés résulte de cette situation de

pauvreté continue. Faute de ressources nécessaires, les populations se livrent une compétition

qui fragilisent les liens sociaux. Les populations d’accueil rejettent les réfugiés et les déplacés

qui souhaitent accéder aux ressources pourtant insuffisantes. En plus, à l’intérieur des

communautés hôtes, les disputes, clivages et antagonismes antérieurs apparaissent, fragilisant

ainsi la cohésion sociale. Les pratiques de vol, de prostitution et autres activités illicites de

contrebande qui constituent pour les jeunes une alternative, sont aussi source de division et de

conflit. Tous les villages de la localité de Mokolo ayant subi les attaques de Boko Haram ont

enregistré une inflation des tensions entre communautés ou familles à cause des pratiques

illicites de certains jeunes et femmes qui ne peuvent plus mener les activités de production à

l’instar de l’agriculture, de l’élevage, du petit commerce.

Tableau 5 : Etat de la conflictualité induite par la crise sécuritaire de Boko Haram dans la

localité de Mokolo.

Village/

quartier

Groupes

ethniques

Conflits d’avant

crise

Impact des

déplacés/réfugiés Nouveaux conflits

Mofou Moufou,

Mafa, Guiziga Conflits

agropastoraux

Occupation/Envahissement

des espaces agricoles aux

quartiers Koriel, Djarindi

et Djeling de Moufou

-Conflits agropastoraux

-Conflits liés au vol de bétail Gawar

Hosséré

Gawar, Peul,

Mafa

Mofou

(Djeling)

Moufou, Peul,

Mafa, Guiziga Conflits de terrain

Intégration dans la

communauté d’accueil

-Tensions et conflits liés à

l’occupation des espaces de

commerce

Mavoumaï Mafa, Peul,

Kapsiki

-Conflits

agropastoraux

-Litiges fonciers

-Conflits de dot

-Occupation des espaces

agricoles et de pâturage

-Cession des espaces

litigieux

-Conflits autour d’espaces

cultivables

-tensions intercommunautaires

Mandaka Mafa

Peul

-Conflits

Agropastoraux

-Conflits liés au vol et

à la dot

-Tensions inter

ethniques

-Occupation des espaces

agricoles et de pâturages

-Destruction de la

végétation

-Conflits de terrains entre

cultivateurs et éleveurs à Mandaka

centre

-Tensions interethniques

Kossehone

Kapsiki, Peul,

Mafa,

Toupouri

-Conflits

agropastoraux

-Litiges fonciers

-Occupation des terres

agricoles

-Intégration dans la

communauté d’accueil

-Conflits agropastoraux

-Conflits nés du vol de bétail

-Disputes des terres pour habitation

Ldamtsaï

Goda

Mafa

Peul

-Conflit de pouvoir

entre communautés

-Conflits de terrain,

vol et dot

-Occupation des terres

agricoles par les déplacés

-installation d’éleveurs sur

les pâturages privés

-Conflits agropastoraux

-Tensions inter religieuses

Mayo

Legga

Peul, Woulla,

Mafa, Gawar,

-Conflits

agropastoraux

-Intégration dans la

communauté d’accueil

-Conflits agropastoraux

-Conflits d’accès à l’eau

Page 69: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

69

Toupouri -Conflits de terrain -Conflits liés au vol de bétail

Mayo

Saganaré

Mafa, Peul,

Gawar,

Kapsiki

-Conflits

agropastoraux

-Conflits nés du vol

de bétail

Installation sur des espaces

agricoles et de pâturage

-Conflits agropastoraux

-Conflits liés au vol de bétail

Mokolo

(Mbiken)

Mafa, Peul,

Hide, Kapsiki

-Conflits sociaux

(dot, vol, litiges

fonciers)

Intégration dans la

communauté d’accueil

-Conflits liés au partage des

denrées alimentaires

-Rejet mutuel, disputes et rixes sur

personnes

Mokolo

(Tacha

Haman

Gawar)

Mafa, Hide,

Peul, Guiziga,

Kapsiki,

Moufou

-Conflits sociaux

(dot, vol, conflit de

logement)

Intégration des déplacés

dans la communauté du

quartier

-Installation anarchique sur

des espaces privés

-Recrudescence des vols et

agressions

-Disputes des espaces de commerce

-Disputes des denrées alimentaires

distribuées

Goraï Mafa, Gawar,

Peul

Conflits

agropastoraux

Occupation des parcelles

de terre agricoles

Conflits entre éleveurs et

agriculteurs au quartier Goraï

Foulbé

Djimeta

Mafa, Hidé,

Mabass, Peul,

Kapsiki

-Conflits

agropastoraux

-Conflits de familles

pour litiges fonciers

-Occupation des terres

agricoles

- envahissement des

pâturages par des éleveurs

déplacés

-Disputes des pâturages par les

éleveurs

-conflits de leadership pour le

contrôle des terres agricoles et de

pâturage

5.3.3 Les instances de médiation

La structure de médiation et de dialogue visant à maintenir et à promouvoir la paix dans la

localité de Mokolo se présente comme suit :

Une chaine du commandement traditionnel et coutumier encore prégnante

Elle repose sur le Lawan, le Chef de Canton, le Lamido). Le Lawan ou Djaouro, chef de 3e

degré, en est le principal artisan. Le processus de dialogue qu’il initie au niveau du village ou

quartier est la première réponse aux conflits locaux. Pour ce faire, il s’appuie sur une

assemblée constituée des notabilités et les sages du village ainsi que les parties en conflits. La

configurationde cette première instance de gestion des conflits est la plus répandue. On la

trouve dans presque tous les villages, même si quelques nuances sont observées dans d’autres

localités. Pour Hamma Bobbo, chef du village Mayo Saganaré et Matassaï Louis Marie, chef

du village Mavoumaï, la chefferie représente la première étape du processus de résolution au

niveau local qui pourrait, le cas échéant, s’étendre aux sages ou toute la communautédu

village. C’est l’étape ultime de l’assemblée du village. Ici, intervient ce que certains villages

sont convenus d’appeler le « comité des sages ». Il est constitué des notabilités et des sages

désignés par le chef qui l’aident à résoudre les conflits les plus complexes. Ces comités de

sages méritent une investigation plus profonde pour déterminer les équilibres de

représentativité qui fondent le consensus et la légitimité des résolutions qu’ils adoptent.

Une participation des femmes et des jeunes effective, mais pas déterminante

Dans l’ensemble, les femmes et les jeunes ne participent aux assemblées de

gestion/résolution des conflits que lorsqu’ils sont concernés. Ils se présentent dès lors comme

victimes, témoins ou accusés. C’est le cas des villages Moufou, Mandaka, Kossehone, Sarki

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70

Fada, Goraï, etc. Mais cette posture de la représentativité marginale des femmes et des jeunes

connaît une amélioration progressive dans certaines chefferies. Le cas le plus significatif est

celui du village Gawar Hosséré qui est dirigé par une femme. Selon Hayak Mairamou, cheffe

de 3e degré de Gawar Hosséré, les instances de dialogue au village dépassent le cadre de la

chefferie et intègrent aussi les femmes et les jeunes. Ceux-ci assistent en témoins et prennent

aussi la parole selon les cas.

Une contribution toute relative des associations et comités locaux de

développement

Les associations constituées au niveau des villages ou de la ville de Mokolo œuvrent à la

gestion/résolution des conflits. Dans cette catégorie, on identifie les associations de solidarité

ou de production économique (GIC), les comités de développement local et les comités de

vigilance. Ces trois structures participent aussi des mécanismes de dialogue. Les associations

agissent lorsqu’un de leurs membres est concerné par un conflit ou lorsque le conflit se pose à

l’intérieur de l’association. Les comités de développement qui existent dans tous les villages

interviennent lorsque surviennent des conflits. Au niveau plus général, l’Association pour le

Développement du Mayo-Tsanaga (ADEMAT)s’investit dans les villages par la construction

des infrastructures de base (forages d’eau, salles de classe…) afin de réduire le niveau de

pression sur les ressources, cause importante des risques de conflits. D’autres structures à

l’instar de l’Association pour la promotion de l’excellence scolaire et universitaire dans le

Mayo-Tsanaga (APLESUMAT) et l’Association de Lutte contre les Violences faites aux

Femmes (ALVF) participent également à cet effort de cohésion sociale entre les

communautés par des campagnes de sensibilisation sur les droits des femmes de Minawao ;

Un effort à structurer de la radio communautaire (Echos des montagnes)

Créée en 2007 grâce à la coopération entre l’UNFPA et le Ministère de l’Agriculture, la radio

communautaire « Echo des Montagnes » constitue une réponse aux défis locaux. Son crédo

s’inscrit dans le champ de la santé reproductive et l’agriculture. L’Association « Voix du

Mayo-Tsanaga» qui en a la charge s’est déployée, entre autres, à renforcer la cohésion sociale

par une grille des programmes soucieuse de résoudre les conflits entre les communautés.Les

acquis de la radio sont :

- L’antenne est ouverte 7 jours/7 de 11 heures à 19 heures

- Une thématique programmatique qui couvre les domaines de la culture, santé,

économie, jeunesse, genre, religion, vie associative, commune, éducation.

- Des programmes en 10 langues nationales (Mafa, Mofou, Mandara, Kapsiki, Fulany,

Hina, Tchouvouk, Mofolé) portant sur les questions de société.

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71

Cependant, la radio ne dispose pas de programme spécifique en rapport avec la

gestion/résolution de conflits, ni de spots de sensibilisation à la cohésion sociale.

Tableau 6 : Dispositifs de gestion/résolution des conflits dans la localité de Mokolo

Village/Quartier Instance locale de

gestion/résolution

Autres mécanismes de

résolution Facteurs limitants

Moufou (Djarindi)

-Chefferie de 3e degré Conseil à

palabre (chefferie + sages du

village)

-Leaders et relais

communautaires

-GICs de la SODECOTON

-Comités de vigilance

-Pasteur, Imam

-Groupements des femmes

-Faible compétence des

acteurs de médiation

-Faible structuration des

interventions

- faible participation des

jeunes et femmes

-inexistence de

plateforme de dialogue

-Faible capacité des

organisations endogènes

à la résolution des

conflits

-Certaines communautés

de déplacés ne disposent

pas de chef

Moufou (Koriel)

Moufou (Djeling)

Mandaka -Pasteur

-Imam

Radio communautaire Mandaka (Mbrom-

Galak)

Ldamtsaï Goda -Chefferie de 3e degré

-Comité des sages du village

-GIC des femmes, Eglise

-ONG (Plan Cameroun)

-Radio communautaire

Mayo Legga -Chefferie de 3e degré

-Comité des sages du village Radio communautaire

Mayo Saganaré -Chefferie de 3e degré

-Comité des sages du village Radio communautaire

Mokolo (Mbiken) Chefferie

- Pasteur, Imam

-GICs et Associations

-Radio communautaire

Mokolo

(Tacha Haman

Gawar)

Chefferie

-Comité de vigilance

-Relais communautaires

-Associations

(OPADERCAM)

Goraï Chefferie (Fada)

-Comité de développement

-Associations

-Radio communautaire

Djimeta (Mokolo) Chefferie -Sages du village

-leader religieux (Imam)

Gawar Hosséré

(Korchi)

-Chefferie 3e degré

-Comité des sages du village

-Comité de développement

-Associations des femmes et

des jeunes

Gawar -Chefferie 2e degré

-Comité des sages du village

-Comité de développement

-GICs et Associations

-Radio communautaire

Djalingo-Aviation Chefferie -Radio communautaire

Dans l’ensemble, on s’aperçoit qu’il existe des mécanismes de résolution des conflits au

niveau des villages. Ces dispositifs présentent les faiblesses suivantes :

- Les compétences des acteurs sont limitées dans le domaine de la négociation et de la gestion

des conflits ;

- Les acteurs qui interviennent dans ce domaine sont très peu structurés ;

- Les jeunes et les femmes participent à titre exceptionnel, en particulier lorsqu’ils sont

concernés directement par les causes ou les conséquences des conflits ;

- Les organisations locales ou extérieures qui appuient la gestion/résolution des conflits ne

sont pas outillées à cet effet ;

- Certaines communautés des déplacés n’ont pas de chef ou de représentant, d’où la difficulté

de les impliquer dans les processus de dialogue lorsque surviennent les conflits.

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72

CHAPITRE 6 : CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Conclusion

L’inventaire analytique des conflits et des mécanismes de leur résolution dans l’extrême-nord

du Cameroun aboutit aux résultats suivants :

Les conflits à l’Extrême-Nord sont un élément structurant du fonctionnement social

des communautés. Ils sont prégnants dans toute la région.

La permanence et la récurrence des conflits sont liées aux facteurs historiques qui se

cristallisent sur les antagonismes fonciers et aux facteurs conjoncturels de contrôle du

pouvoir traditionnel et d’accès aux ressources vitales (parcelle de terre, l’eau,

poissons, des espaces de pâturage) surtout dans les zones à écologie fragile.

Les conflits sont ouverts, c’est-à-dire s’exprimant par des affrontements violents et

meurtriers. Ils sont aussi latents, s’exprimant sous la forme des tensions dontles

modalités les plus visibles sont la stigmatisation ethnique et religieuse, l’appropriation

exclusive des secteurs de production, l’alignement systématique sur la tribu en cas de

conflit, etc.

La cartographie régionale des conflits montre que des tensions sont enregistrées dans

toutes les localités où cohabitent des communautés séparées par l’identité tribale, la

religion, la division de l’activité (pastorale et agricole), les différences culturelles.

L’insécurité constatée dans les départements du Mayo-Sava, Mayo-Tsanaga et

Logone et Chari due aux attaques de Boko Haram a provoqué le déplacement massif

des populations et réfugiés. Cette nouvelle donne a créé de nouvelles formes de

conflits entre populations d’accueil et déplacées.

Dans les localités de Kousseri, Mokolo et Mora, les conflits opposent les

communautés ethniques différentes suivant une trajectoire de rejet mutuel. Ils

opposent également les membres d’une même communauté ethnique à l’échelle d’un

village, d’un quartier, d’un clan ou d’une famille.

Les conflits entre déplacés et populations d’accueil sont plus observés dans les

localités de Mokolo et Mora. La pression sur les ressources à l’origine des conflits

s’observe, non seulement entre les populations déplacées internes et les populations

hôtes, mais aussi entre les réfugiés et les populations voisines du camp de Minawaou.

La cohabitation entre populations déplacées et celles d’accueil autour des villes de

Mora et Mokolo se dégrade à mesure que dure la présence des déplacés.

Page 73: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

73

La mesure sécuritaire qui interdit toute activité humaine sur le fleuve Logone entre le

Cameroun et le Tchad est entrain de provoquer une nouvelle crise humanitaire.

La présence durable des populations déplacées et des réfugiés génère une deuxième

génération de conflits sociaux dans les localités de Kousseri, Mora et Mokolo, qui se

manifestent par le rejet mutuel, l’augmentation des vols, des bagarres, des querelles

et, de plus en plus, des cas d’adultère imputés à tort ou à raison aux PDI et réfugiés.

Qu’ils soient localisés Mora, Mokolo et Kousseri ou ailleurs dans la région, les

conflits intercommunautaires connaissent une gestion cloisonnée et limitée à

l’intérieur de chaque communauté.

La gestion des conflits générés par l’insécurité entre les populations d’accueil et

déplacées se fait selon la chaine du commandement traditionnel (Lawan/Blama, Chef

de Canton, Sultan/Lamido) et peut, le cas échéant, être portée à l’attention de

l’autorité administrative locale.

Des dispositifs internes de résolution de conflits existent dans les chefferies

traditionnelles à l’échelle des villages/quartiers de Kousseri, Mora et Mokolo (justice

coutumière, réunions de conciliation, missions de bons auspices). Mais ils sont peu

efficaces parce que introvertis, non permanents et interviennent seulement après un

conflit ouvert.

Les institutions traditionnelles de gestion de conflits ne font partie d’aucune

plateforme de prévention, gestion et résolution des conflits à l’Extrême-Nord.

Il n’existe aucune plateforme permanente réunissant les acteurs concernés par les

conflits (autorités administratives, chefs traditionnels, chefs des communautés en

conflits, responsables techniques de l’Etat, organisations de la société civile,

associations de développement communautaires, élites…) qui pourrait prévenir et

résoudre à long terme les conflits.

Les organisations de la société civile spécialisées dans la gestion/résolution des

conflits n’existent pas dans les localités de Kousseri, Mora et Mokolo. Celles qui

agissent dans le développement socioéconomique restent encore parsemées et

fragmentaires avec un impact limité sur les vecteurs structurels des conflits.

Les associations ou comités de développement des communautés en conflit sont mal

outillés pour agir contre les conflits. Les initiatives prises se limitent à la

sensibilisation de leurs propres communautés.

Recommandations:

Les recommandations suivantes sont proposées, sur la base des conclusions de l'étude :

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74

Les chefferies des quartiers/villages doivent être renforcées en compétences de

négociation, médiation et résolution des conflits. Elles doivent être réunies autour

d’une plateforme permanente de veille pour prévenir les conflits.

A Mora et Kousseri où il existe très peu d’associations, l’effort de structuration doit

être porté sur le leadership des chefs traditionnels en rapport avec d’autres forces

vives de la communauté. A Mokolo où le tissu associatif est étoffé, l’action de

structuration doit s’appuyer sur les chefs traditionnels, mais en y articulant la

contribution de la société civile.

L’organisation des ateliers de formation des leaders communautaires sur la résolution

pacifique des conflits. On pourrait mettre sur pied un réseau communautaire d’alerte

précoce et former des médiateurs expérimentés. Les mécanismes endogènes

d’identification pro active, de prévention et de gestion/résolution des conflits doivent

être renforcés afin de promouvoir une culture de paix.

Un plaidoyer doit être mené afin que tous les acteurs (Etat, Projet, ONG,

Organisations humanitaires, Comités locaux de développement) qui interviennent en

faveur du développement socioéconomique des localités sous crise intègrent dans

leurs agendas, le volet prévention/gestion/résolution des conflits. Un diagnostic

préalable devrait se faire en amont à toute intervention sur la sensibilité au conflit et le

« do no harm principle ».

Les radios communautaires (Echos des Montagnes, Kousseri FM, SAVA FM) doivent

être capacitées en ressources humaines spécifiques et en formation spécialisée sur la

prévention et la résolution des conflits ; accroître leur impact à travers la production et

la diffusion de programmes et des messages bien ciblés.

Les plateformes locales de médiation doivent être créées et mises en place (favoriser

le dialogue direct entre les acteurs ; fournir aux acteurs clés les outils et les techniques

leur permettant d’identifier, d’évaluer et de répondre aux problèmes récurrents dans

les situations de conflits, et en appuyant et facilitant le dialogue et les processus de

médiation ; structures d’alerte, de collaboration, de dialogue et de résolution pacifique

des conflits impliquant autorités traditionnelles, administratives, judiciaires, société

civile, leaders communautaires, les représentants des groupes de réfugiés et de

déplacés, les femmes et les jeunes).

Un Plan d’action de la jeunesse en faveur de la Paix, la Solidarité et la Fraternité doit

être mis sur pied à travers le renforcement des capacités des leaders de la jeunesse sur

le plaidoyer, la résolution pacifique des conflits, le leadership et la communication.

Page 75: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

75

Les organisations féminines doivent être impliquées à travers la création des réseaux

de femmes pour la paix (formation aux stratégies de dialogue, de médiation, de

négociation, d’esprit d’équipe et de communication).

L’établissement des populations déplacées et réfugiées, dans des espaces inoccupés et

non mis en valeur, préparés et mis à leur disposition pour éviter la récurrence des

conflits entre les communautés hôtes et déplacées.

En général, une réforme foncière s’impose dans le sens de définir a priori des zones

spécifiques d’occupations en cas de crises destinées à l’habitat et aux activités de

production. De manière plus précise, les processus d’autonomisation des

communautés déplacées, par la cession des terres agricoles, doivent être encadrés par

les autorités traditionnelles et administratives avec l’appui des partenaires. Des

contrats devraient être établis pour préciser les conditions de cession des terres,

notamment pour ce qui est de la durée, des superficies, de la conservation des sols et

des espèces (faune, flore).

Le renforcement des capacités de la société civile, dans les domaines de l’appui à la

résilience des populations, de la structuration/visibilité/information des organisations,

de la formation technique et opérationnelle, de la recherche des financements et de

collaborationavec les partenaires locaux et internationaux, pour répondre aux

situations d’urgence et accompagner les populations sinistrées.

Les comités de vigilance nécessitent un encadrement technique lié au renforcement de

leurs capacités opérationnelles, un accompagnement dans la connaissance de la loi et

des limites qu’elle impose à l’étendue de leurs pouvoirs, une définition plus claire de

leurs statuts et de leurs liens institutionnels avec les communes, les organisations de la

société civile ou les partenaires au développement.

La mise sur pied des programmes spécifiques dans les écoles. En tant que lieu de

socialisation, l’école doit être sollicitée et mieux outillée pour se mettre au service du

multiculturalisme et travailler au rapprochement des cultures. Son potentiel

pédagogique doit être exploité pour anticiper et permettre l’avènement d’une société

où les communautés parviennent à échanger et à communiquer dans la longue durée.

Les collectivités territoriales décentralisées doivent être capacitées pour répondre

aussi aux besoins de prévention, gestion et résolution des conflits.

Page 76: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

76

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Thierno Bah, 2003, « Les mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des

conflits en Afrique noire », in Les fondements endogènes d’une culture de la paix en

Afrique : mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits, Paris

UNICEF, 2013, Enquête nutritionnelle SMART, juillet-août

United Nations, 2006, « United Nations Expert Group Meeting on Natural Resources and

Conflict in Africa: Transforming a Peace Liability into a Peace Asset », Conference Report,

Le Caire, 17-19 juin

Uppsala Conflict Data Program (Date of retrieval: yy/mm/dd) UCDP Conflict

Encyclopedia: www.ucdp.uu.se/database, Uppsala University.

Urvoy, Y., 1949, Histoire de l’empire du Bornou, Paris, Larose.

Zeltner, J.C., 1970, Histoire des Arabes sur les rives du lac Tchad, Paris, CNRS.

Page 79: CONFLITS ET MECANISMES DE RESOLUTION DES CRISES...are recurrent conflicts pitting ethnic and socioprofessional groups (fishermen, cattle-rearers, farmers) or members of the same ethnic

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LISTE DES INFORMATEURS

N° Noms et prénoms Qualité 1 MEKONDANE OBOUNOU ALBERT Préfet du Département du Logone et Chari

2 RAYMOND ROKSBO Préfet du Département du Mayo-Tsanaga

3 NARIKI PATRICE NOEL Premier Adjoint préfectoral du Département du Mayo-Kani

4 OUHE KOLANDI

Premier adjoint préfectoral du Mayo-Tsanaga, Sous-préfet par

intérim de l’arrondissement de Mayo-Moskota

5 BOUKAR MOUSSA Sultan de Kousseri

6 YACOUBA Mohamadou Mourtala Lamido de Mokolo

7 MBANG SAID MOUSTAPHA Sultan de Pouss

8 MIDIGUE TEKOA Chef de Canton de Mora Massif

9 DJIBRINE MATI Chef de la communauté Musgum de Kousseri

10 BLAMA ISSEINI Maire de Kousseri

11 IBRAHIM BOUKAR Maire de Maga

12 ZOKOM DAMIEN Maire de Mokolo

13 HALIDOU DEMBA Public Concern

14 ABDOULAYE MATH

Mouvement de la Défense des Droits de l’Homme et des

Libertés (Maroua)

15 HALIDOU DEMBA Public Concern

16 NGUIZAYA Chantal Présidente des réseaux des femmes du Mayo Tsanaga

17 ABDOULAYE DJIBRINE Pacific Logone Development/Kousseri

18 ALHADJI BOUKAR ACEEN/Maroua

19 Rév. HETECK SAMUEL

Association Camerounaise pour le Dialogue Interreligieux

(ACADIR)/Conseil des Eglises Protestantes du Cameroun

20 DJAGRA IBRAHIM Président régional du Conseil National de la Jeunesse du

Cameroun, Mora

21 DEBLEME EVELYNE Zamaï/Mokolo

22 BASSA Jean OPADERCAM/Mokolo

23 DJAKAYA Pascal Chef de Station Echos des Montagnes/Mokolo

24 HAMAN ELISABETH Animatrice FM Kousseri

25 ALI ATTI Organisation pour le Développement Communautaire en

milieu Rural et Urbain (ODCAMRU) Kousseri

26 FANGUET SUZANNE Mayo Tshaski/Mokolo

27 ZARA TELEGRI Regroupement des Artisans de l’Extrême-Nord (RAEN)

28 GONONDO Jeanne Gousda Plaine/Mokolo

29 ATTA Epouse BARA MADELEINE

Union des GIC DRI-Maraîchers et Riziculture de

Kawadji/Kousseri

30 KADAKKA Resba

Associations des vendeuses de poissons, (LAMARDJI),

Kousseri

31 HABIBA Bachir GIC de la Paix, Kousseri

32 MOUSSA MAGRA Membre de l’Association Culturelle Mousgoum/Kousseri

33 EVELE SASSOUANG Membre de L’ l’Association Culturelle Mousgoum/Maroua

34 MAHAMAT ZIBRINE Ancien Président de L’EC SAO

35 AMINE ADAM ALKALI Ancien Secrétaire Général de l’AC SAO

36 LUCAS ISAC Chef de la communauté des réfugiés de MINAWAOU

37 ASTA DJAORO Chef communauté déplacés de Sehada/Kousseri

38 ISSA AHMAD Chef communauté déplacés de Malack/Kousseri

39 YAYA KAWA Chef du village Goraï (Mayo-Tsanaga)

40 DELI LTAFTOU Cheffe du village Gawar Hosséré

41 HAMMA BOBBO Chef du village Mayo Saganaré

42 BOUBA ABDOULAYE Chef du village Djalingo-Aviation

43 OUMAROU ARDO BOUBA Chef du village Djimeta

44 HAYAK MAÏRAMOU Chef du village Korchi

45 MATASSAÏ LOUIS-MARIE Chef du village Mavoumaï

46 ZRA NDJIDDA Chef du village Kossehone

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47 SAÏDOU YATA Chef du quartier Tacha Haman Gawar (Mokolo)

48 SALI MEDEGUE Chef du quartier Mbiken (Mokolo)

49 DEMNEO VELE Chef du village Ldamtsaï (Goda)

50 NDOUKONA KOUDAMA PIERRE Chef du village Mandaka

51 YAYA Chef du village Mofou (Djeling)

52 KODA Chef du village Mofou (Djarindi)

53 JEAN-PIERRE Chef du village Mofou (Koriel)

54 MAHAMA CHETIMA LAMINE Chef du village Galbi (Mora)

55 BOUKAR MALLOUM Chef du village Igagoua I

56 VADAWA SILACE Chef du village Amtchali Fiké

57 BOUKAR MAHAMAT ALI Chef du village Fiké I

58 ABDOUL TIGA KIARI Chef du quartier Mora-ville

59 ABBA MALLOUM Chef du quartier Chefferie

60 DABOU ALHADJI Chef du village Walade I

61 OUMATE ABBA Chef du village Walade III

62 SANDA Représentant du Chef du quartier Guiziga

63 AZABE MAHAMA Chef du village Kourgui

64 BRAHIM Chef du village Kourgui Talla Massama

65 ABBA KOLA Chef du village Kourgui Talla Abba Kola

66 CHETIMA Chef du village Pivou

67 BOUKAR KOURFET Chef du village Djamakia

68 MALLA SALI Chef du village Sérahadia

69 ADJIGRE KILLA Chef du village Pont-Sava

70 ADAMA OUMATE Chef du village Séradoumda

71 OUMATE Chef du village Walade II

72 MAHAMAT MAHAMAT Chef du village Masssaki I (Kousseri)

73 MOUSSA KARAGAMA Chef du village Adjaine 1

74 ABDOURAHMANE SALE Chef du village Adjaine 2

75 ASSANA MOUNDJI Chef du village Seheda

76 DIGUE ABOUNA ABADAM Chef du village Ridjil-Kotoko

76 HASSAN APINFOUNG Chef du village Ridjil-Mousgoum 1

77 MAHAMAT KACHALLA Chef du village Massaki 3

78 MODOU ABBA Chef du village Hazaraye

79 IDRISS BADJOUNGUE Chef du village Ngouzo

80 TARDOEUDJE DOUNIA Chef du quartier Djambal-Bar

81 KALIA ABANA Chef du village Mainane

82 OUSMANE ABAKAR Chef du quartier Madagascar

83 VOCKAI GRING MADI Chef du quartier Lacka

84 NDOUTA ZAKARI Chef du village Madana

85 IVIC ALGAFONE Chef du village Kawadji

86 HAMID MADI Chef du village Massil Al Kanam 87 MAHAMAT EMAT Chef du village Malack

88 HLANANKAÏ PAUL Chef du village Wadang

89 ELI ADOUM Chef du village Arkis

90 HISSEINI ABDOULAYE Chef du village Koumboula

91 HESSANA EMAT Chef du village Ndjagaré

92 MAHAMAT HAMET Chef du village Ibou

93 HISSEINI DARKADRE Chef du village Amchidiré

94 GARBA MAHAMAT Chef du quartier Kousseri-Centre

95 ABOUNA HISSEINI Chef du village Ngamadja

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ANNEXES

GUIDE D’ENTRETIEN A L’INTENTION DES AUTORITES

ADMINISTRATIVES ET TRADITIONNELLES

Propos Liminaire

Dans le cadre du Plan de relèvement précoce des communautés victimes de la crise

sécuritaire, le PNUD et l’UNESCO initient une étude socio-anthropologique dans la

Région de l’Extrême-Nord. L’objectif est de comprendre la nature et la forme des

conflits en vue de créer/renforcer les mécanismes de prévention, gestion et

résolution des conflits dans et entre les communautés. Merci d’avance de votre

contribution au succès de cette étude.

1) Quelles sont les communautés qui vivent et cohabitent dans votre localité ?

2) Quels types de conflits connaissent-elles ?Quelle en sont les causes ?

3) La présence des réfugiés et communautés déplacées a-t-elle modifié la forme des

conflits ?

4) Comment se manifestent les nouveaux conflits dus à la présence des réfugiés et

personnes déplacées internes ?

5) Existe-t-il un cadre permanent de prévention et de résolution des conflits ?

6) Qui en sont les principaux initiateurs et participants ?

7) Quelles sont les techniques qui sont utilisées dans ces instances de paix?

8) En tant autorité (Préfet, Sous-préfet, chef traditionnel), comment se présente votre

contribution à l’effort de résolution des conflits dans cette localité ?

9) De manière générale, quelles autres actions de l’Etat sont menées en faveur du

retour à la paix ?

10) Bénéficiez-vous d’appuis (ressources, formation, cadre) provenant des organisations

et associations ?

11) Quels sont les résultats de ces actions de prévention, gestion et résolution des

conflits dans votre localité ?

12) Quelles propositions ferez-vous pour renforcer les mécanismes déjà existants de

résolution des conflits dans votre localité ?

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GUIDE D’ENTRETIEN A L’INTENTION DES CHEFS DES

COMMUNAUTES DEPLACEES

Propos Liminaire

Dans le cadre du Plan de relèvement précoce des communautés victimes de la crise

sécuritaire, le PNUD et l’UNESCO initient une étude socio-anthropologique dans la

Région de l’Extrême-Nord. L’objectif est de comprendre la nature et la forme des

conflits en vue de créer/renforcer les mécanismes de prévention, gestion et

résolution des conflits dans et entre les communautés. Merci d’avance de votre

contribution au succès de cette étude.

01) De quelle communauté déplacée vous êtes le chef ?

02) D’où venez-vous ? et pourquoi ?

03) Quelles sont les communautés que vous avez rencontrées dans cette localité ?

04) Quels types de conflits connaissez-vous dans la cohabitation ?

05) Quelle est la cause de ces conflits ?

06) Comment les gérez-vous quand ils surviennent ?

07) Existe-t-il un cadre permanent de prévention et de résolution des conflits avec les communautés d’accueil?

08) Qui en sont les principaux participants ?

09) Quelles sont les techniques de médiation qui sont utilisées dans ces instances ?

10) En tant chef d’une communauté déplacée, comment agissez-vous en cas de conflits avec d’autres communautés ?

11) Quels sont les résultats de ces actions de prévention, gestion et résolution des conflits dans votre localité ?

12) Quelles propositions ferez-vous pour renforcer les mécanismes déjà existants de résolution des conflits dans votre localité ?

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GUIDE D’ENTRETIEN A L’INTENTION DES RESPONSABLES

DE LA SOCIETE CIVILE ET ASSOCIATIONS DE

DEVELOPPEMENT

Propos Liminaire

Dans le cadre du Plan de relèvement précoce des communautés victimes de la crise

sécuritaire, le PNUD et l’UNESCO initient une étude socio-anthropologique dans la

Région de l’Extrême-Nord. L’objectif est de comprendre la nature et la forme des

conflits en vue de créer/renforcer les mécanismes de prévention, gestion et

résolution des conflits dans et entre les communautés. Merci d’avance de votre

contribution au succès de cette étude.

01) Quelles sont les communautés qui vivent et cohabitent dans cette localité ?

02) Quels types de conflits connaissent-elles ?

03) Comment êtes-vous intervenu dans la résolution des conflits dans cette localité ?

04) Comment les communautés ont-elles l’habitude de gérer les conflits internes et avec les autres communautés ?

05) La présence des réfugiés et communautés déplacées a-t-elle modifié la forme des conflits ?

06) Comment se manifestent les nouveaux conflits dus à la présence des réfugiés et personnes déplacées internes ?

07) Existe-t-il un cadre permanent de prévention et de résolution des conflits ?

08) Concrètement, qu’avez-vous apportez à la structuration des communautés dans la gestion des conflits ?

09) Quelles sont les techniques de médiation qui sont utilisées dans ces instances ?

10) Quels sont les résultats de ces actions de prévention, gestion et résolution des conflits dans votre localité ?

11) Quelles propositions ferez-vous pour renforcer les mécanismes déjà existants de résolution des conflits dans votre localité ?

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QUESTIONNAIRE ADRESSE AUX MEMBRES DES

COMMUNAUTES D’ACCEUIL ET DEPLACEES

Propos Liminaire

Dans le cadre du Plan de relèvement précoce des communautés victimes de la crise

sécuritaire, le PNUD et l’UNESCO initient une étude socio-anthropologique dans la Région de

l’Extrême-Nord. L’objectif est de comprendre la nature et la forme des conflits en vue de

créer/renforcer les mécanismes de prévention, gestion et résolution desdits conflits dans et

entre les communautés. Ce questionnaire vous est adressé pour une cause d’utilité

publique. Merci d’avance de votre contribution au succès de cette étude.

I- IDENTIFICATION

i. Age :…………………………………….

ii. Statut Matrimonial : Célibataire

Marié (e) Veuf (ve)

Divorcé(e)

iii. Religion : Chrétien(ne)

Musulman(e) Autre (à préciser)…………

iv. Localité…………………………………… Département …..………………..

II- CONFLITS LIES A L’INSTALLATION DES COMMUNAUTES DEPLACEES

1. Quelles sont les communautés qui vivaient dans cette localité avant l’établissement des

déplacés ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

2. Quels sont les types de conflits qu’on rencontre dans votre localité/communauté avant ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

3. Est-ce que l’installation des personnes déplacées dans cette localité a augmenté le nombre

de conflits ?

Si oui, pour quelles raisons ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

4. Quelles sont les causes de ces conflits ?

5. Comment se manifestent-ils ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

6. Quels sont les principaux acteurs et les villages/quartiers concernés par ces conflits ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

7. Quelle est la fréquence des conflits identifiés dans votre localité ?

Régulier Saisonnier

Souvent Rare

Partage de terre

Agro-pastoral Conflit de pouvoir

Envahissement de l’espace vital

Frictions religieuses Autres………………………….

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III- MECANISMES DE PREVENTION, GESTION ET RESOLUTION DES CONFLITS

8. Avant la présence des déplacés, comment sont gérés les conflits lorsqu’ils surviennent à

l’intérieur de votre communauté?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

9. Maintenant que vous cohabitez avec d’autres communautés (d’accueil ou déplacée),

comment gérez-vous les conflits qui vous opposent à une autre communauté ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

10. Dans ce cas, existe-il une instance de dialogue pour résoudre ces conflits ?

Si oui, comment l’appelle-t-on et comment fonctionne-t-elle ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

11. Qui est l’initiateur de cette instance ? quels autres acteurs participent ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

12. Quel est le rôle des différentes autorités locales ?

- Les Préfets/ sous-préfets…………………………………………………………………………………………………

- Les chefs des villages………………………………………………………………………………………………………..

- Les chefs des communautés déplacées…………………………………………………………………………….

- Les chefs religieux…………………………………………………………………………………………………………….

- Autres………………………………………………………………………………………………………………………………

13. Est-ce que les femmes et les jeunes participent à cette instance de dialogue ?

Si oui, comment ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

14. Les initiatives de résolution des conflits ont-elles permis de ramener la paix au sein de vos

communautés?

Si oui,

pourquoi ?....................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.................

Si non, Pourquoi ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

15. Que voulez-vous qu’il soit fait pour améliorer les mécanismes déjà existants afin de

renforcer la paix et la cohésion sociale au sein et entre les communautés ?

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................