conference post- l’homosexualite · blague à part ! dans le débat qui a secoué d’abord la...

16
1 CONFERENCE POST-ALPHA (1) L’HOMOSEXUALITE CE QU’EN DIT LA BIBLE ET CE QU’ELLE NE DIT PAS Un curé et un pasteur décident d'aller boire un verre dans un bar après un séminaire sur l'œcuménisme. A peine installés, le pasteur dit au curé: Avez-vous remarqué qu'il n'y a pas de femme ici ? J'ai l'impression que nous sommes tombés dans un bar d'homosexuels ! Au même moment, un homme s'approche du curé et commence à lui faire des avances. Terriblement gêné, le curé ne sait que faire. Le pasteur vient à sa rescousse et va dire quelque chose à l'oreille du gay un peu trop entreprenant. Rapidement, le gay acquiesce de la tête et s'en va. Soulagé le curé dit: Oh merci ! Vous m’avez vraiment tiré d’embarras ! Mais que lui avez-vous donc dit ? Le pasteur: Je lui ai dit qu'on était en pleine lune de miel ! Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi sur le « Mariage pour tous », puis nos Eglises au sujet de la « Bénédiction de couples mariés de même sexe », la Bible a souvent été invoquée dans les prises de position les plus contradictoires. Je précise d’emblée que, même si le terme ne s’y trouve pas, puisqu’il date seulement du XIX ème siècle, la Bible parle bel et bien de la réalité qu’il décrit. Mais, plutôt que d’interpréter la Bible de façon hostile à l’homosexualité (homophobe) ou, au contraire, de façon bienveillante (homophile), nous allons examiner de près ce que disent les textes, comment ils le disent et pourquoi, tout en essayant de discerner ce qui dépasse leurs propos, car les essais de forcer la compréhension des textes en fonction de l’idéologie des lecteurs ne manquent pas ! Personnellement, j’ai étudié ce que dit la Bible sur l’homosexualité tout au long de mon ministère parce que j’ai souvent été confronté au problème et je me vois aujourd’hui conforté dans ma vision des choses par un certain nombre d’ouvrages des plus sérieux. (2) Les premiers sont les ouvrages d’exégètes juifs qui ont longtemps modéré l’émission télévisée « A Bible ouverte » du Dimanche matin sur France 2, à savoir les rabbins Josy Eisenberg et René Abécassis. Je m’inspire d’eux essentiellement en ce qui concerne les textes fondamentaux de la Bible sur la sexualité. Le second est un ouvrage qui a paru sous la plume de trois exégètes suisses, deux catholiques et un protestant, qui disent aborder les textes bibliques « sans tabou, ni préjugé et sans recourir à des interprétations personnelles ou ecclésiales ». Il s’agit du livre « Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible » d’Innocent Himbaza, Adrien Schenker et Jean-Baptiste Edart (Le Cerf, Paris, 2007).

Upload: dokhue

Post on 29-Aug-2019

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

1

CONFERENCE POST-ALPHA (1)

L’HOMOSEXUALITE CE QU’EN DIT LA BIBLE

ET CE QU’ELLE NE DIT PAS

Un curé et un pasteur décident d'aller boire un verre dans un bar après un séminaire sur l'œcuménisme. A peine installés, le pasteur dit au curé: Avez-vous remarqué qu'il n'y a pas de femme ici ? J'ai l'impression que nous sommes tombés dans un bar d'homosexuels ! Au même moment, un homme s'approche du curé et commence à lui faire des avances. Terriblement gêné, le curé ne sait que faire. Le pasteur vient à sa rescousse et va dire quelque chose à l'oreille du gay un peu trop entreprenant. Rapidement, le gay acquiesce de la tête et s'en va. Soulagé le curé dit: Oh merci ! Vous m’avez vraiment tiré d’embarras ! Mais que lui avez-vous donc dit ? Le pasteur: Je lui ai dit qu'on était en pleine lune de miel ! Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi sur le « Mariage pour tous », puis nos Eglises au sujet de la « Bénédiction de couples mariés de même sexe », la Bible a souvent été invoquée dans les prises de position les plus contradictoires. Je précise d’emblée que, même si le terme ne s’y trouve pas, puisqu’il date seulement du XIXème siècle, la Bible parle bel et bien de la réalité qu’il décrit. Mais, plutôt que d’interpréter la Bible de façon hostile à l’homosexualité (homophobe) ou, au contraire, de façon bienveillante (homophile), nous allons examiner de près ce que disent les textes, comment ils le disent et pourquoi, tout en essayant de discerner ce qui dépasse leurs propos, car les essais de forcer la compréhension des textes en fonction de l’idéologie des lecteurs ne manquent pas ! Personnellement, j’ai étudié ce que dit la Bible sur l’homosexualité tout au long de mon ministère parce que j’ai souvent été confronté au problème et je me vois aujourd’hui conforté dans ma vision des choses par un certain nombre d’ouvrages des plus sérieux. (2) Les premiers sont les ouvrages d’exégètes juifs qui ont longtemps modéré l’émission télévisée « A Bible ouverte » du Dimanche matin sur France 2, à savoir les rabbins Josy Eisenberg et René Abécassis. Je m’inspire d’eux essentiellement en ce qui concerne les textes fondamentaux de la Bible sur la sexualité. Le second est un ouvrage qui a paru sous la plume de trois exégètes suisses, deux catholiques et un protestant, qui disent aborder les textes bibliques « sans tabou, ni préjugé et sans recourir à des interprétations personnelles ou ecclésiales ». Il s’agit du livre « Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible » d’Innocent Himbaza, Adrien Schenker et Jean-Baptiste Edart (Le Cerf, Paris, 2007).

Page 2: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

2

Nous aborderons d’abord les textes fondamentaux de l’Ancien Testament, ensuite les récits où le sujet apparaît, puis les lois de l’Ancien Testament condamnant les pratiques homosexuelles, enfin nous verrons ce que dit - et ne dit pas - le Nouveau Testament à ce sujet. (3)

I LES TEXTES FONDAMENTAUX

En parlant de la sexualité, Jésus lui-même, tout comme les apôtres après lui, se réfèrent aux récits de la création. Nous ne pouvons donc considérer ces textes comme dépassés - comme le préconisent aujourd’hui certains théologiens - sans porter atteinte à l’inspiration divine des Ecritures. Voyons rapidement ce que disent ces textes. 1. GENESE 1/27

Dès le premier chapitre de la Genèse, la Bible nous dit que « Dieu créa l’Adam (l’être humain) à son image, il le créa à sa ressemblance; zahor et neqevah (mâle et femelle) il les créa » (Genèse 1/27). On peut faire de ce verset une lecture morale et constater qu’il n’y a pas un mot qui suggérerait une inégalité ou une disproportion entre le masculin et le féminin. Cela implique que tous les humains sont égaux. La seule différence entre eux, c’est le sexe (4). On peut en faire aussi une lecture biologique, puisque chaque être humain est constitué d’hormones mâles et d’hormones femelles. Par conséquent, chacun d’entre nous combine dans son être un principe masculin et un principe féminin, le sexe étant déterminé par le fait que l’un l’emporte sur l’autre. On peut encore faire de ce verset une lecture psychologique. Si, dès le ventre de sa mère, le corps de l’être humain est orienté vers le sexe masculin ou le sexe féminin, son psychisme doit s’orienter dans la même direction. Or, lorsque le corps est d’un sexe et le psychisme de l’autre, il en résulte une sérieuse crise d’identité. (5)

Si la Bible dit « Dieu créa l’homme » et non « Dieu créa l’homme et la femme », c’est pour nous enseigner que l’homme et la femme constituent ensemble l’unité fondamentale de l’être humain. (6) Ainsi, l’homme est une unité double: à l’intérieur de chaque individu et dans le couple. Les Midrashim disent: « un homme qui n’a pas connu de femme ne peut-être appelé Adam ». Il en est de même pour la femme. (A Bible ouverte, J. Eisenberg et A. Abécassis, tome I, p. 120 à 125, Albin Michel, Paris 1978). (7)

Les rabbins ont toujours interprété ce texte comme excluant l’homosexualité. L’hétérosexualité est le terrain sur lequel s’exprime et s’affirme l’homme. L’homme et la femme sont donc clairement différenciés et sont destinés à s’enrichir mutuellement de leurs différences. Le nier revient à nier l’ordre inscrit par le Créateur dans sa création. (8)

2. GENESE 1/28

« Elohim les bénit, Elohim leur dit: Fructifiez, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toutes les bêtes qui fourmillent sur la terre ». Ce verset contient à la fois une promesse: la bénédiction divine, et un commandement (le premier donné à l’humanité): civiliser le monde. Que signifie le mot « bénir » au juste ? C’est la possibilité même de la vie qui est appelée « bénédiction » dans la Bible. (9)

Page 3: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

3

La bénédiction est intimement liée à la multiplication, donc à la fécondité et à la croissance. L’Hébreu a toujours compris la fécondité du sol et celle de la femme comme une bénédiction. Sans elle, aucune vie ne serait possible. « Fructifier » (comme dit le texte littéralement), c’est avoir des enfants. C’est le premier commandement de la Bible et c’est un commandement universel. Il est adressé à Adam, donc à tous les hommes. Or, la conduite homosexuelle est, par nature, stérile. (10)

3. GENESE 2/18

« Il n’est pas bon que l’Adam soit seul; je lui ferai un vis-à-vis ». Dieu constate un manque. Il ne faut pas que l’homme soit seul, c'est-à-dire unique, afin qu’il ne se prenne pas pour Dieu ! (11) D’autre part, l’homme ne peut se rendre heureux lui-même. En tout cas, le type de bonheur de l’homme seul face à lui-même n’est pas le bonheur voulu par Dieu. Il faut que l’homme rencontre son bonheur dans un autre. (12) La relation, voilà le lieu d’accomplissement et l’expression authentique de notre humanité. Le premier manque de l’homme, c’est la femme. L’expression « ezer kenegdo » peut être traduite littéralement par « aide en face », « aide par rapport » ou « aide contre ». Le projet de Dieu, c’est de donner à l’homme un vis-à-vis, un partenaire à part égale. Et cela est vrai tout autant pour la femme que pour l’homme. (13) Dans un couple, chacun des partenaires est destiné à être, pour l’autre, une aide contribuant à son bonheur. Leurs différences peuvent aider les deux interlocuteurs à s’accomplir, mais elle peuvent aussi être un obstacle à leur union authentique. (14) Chacun a également pour tâche d’aider l’autre à prendre conscience de ses limites. Dans ce cas, il sera parfois nécessaire qu’il s’oppose à lui. Il deviendra ainsi une « aide-contre », mais restera toujours « une aide par rapport » à l’autre. (15)

4. GENESE 2/21-23

Les rabbins enseignent qu’il ne faut pas lire « il prit une des côtes d’Adam » (v. 21), mais « un de ses côtés » et ils en concluent que Dieu n’a pas voulu placer la femme derrière l’homme, ni à côté de lui, mais en face de lui. C’est dans ce face à face que Dieu a voulu créer le désir de l’autre. La femme est construite sur le même modèle que l’homme, mais avec des différences. Les deux sont de véritables sujets, puisque Adam s’écrie: « Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l’appellera « Ichah » (femme) parce qu’elle a été prise de « Iych » (homme) ». L’amour naît d’une double constatation: celle d’une unité originelle (la même chair) et celle de la séparation. 5. GENESE 2/24 (16)

Pour « s’attacher à » l’hébreu emploie un verbe très fort ayant le sens de « fusion » plutôt que « d’union ». Il faut qu’il y ait, entre les deux partenaires, des possibilités de fusion totale. Cette fusion n’est pas seulement d’ordre sexuel. Quant au « devenir une seule chair », les rabbins en donnent deux interprétations. (17) La première dit: c’est dans l’amour que l’homme et la femme deviennent une seule chair. Dieu ayant séparé l’homme et la femme, chacun des deux porte dans sa chair et dans son âme le manque de l’ancienne présence de l’autre en lui. (18) C’est pourquoi il aspire toute sa vie à retrouver cette présence et, lorsqu’il la rencontre, il tend légitimement à s’unir à elle charnellement et spirituellement, afin de reconstituer l’unité primitive. La seconde dit: c’est dans l’enfant que les deux deviennent une seule chair. (19) L’unité véritable entre un homme et une femme, c’est l’enfant qui en est issu.

Page 4: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

4

Cette lecture lie fortement la sexualité à la procréation. Mais les deux lectures sont complémentaires. « Ce verset fonde toute la législation sexuelle de la Bible. « Quitter père et mère » prohibe implicitement l’inceste. « S’attacher à sa femme », c’est renoncer à la femme d’un autre, ce qui implique le refus de la polygamie et de l’adultère. « La fusion » entre l’homme et la femme exclut l’homosexualité. Le « devenir une seule chair » ne laisse aucune place à la zoophilie. Concernant l’homosexualité, la Bible ne nie pas qu’il puisse y avoir des sentiments très forts entre deux hommes ou deux femmes, mais cela s’appelle l’amitié ! Pour le reste, il faut dire que l’enseignement biblique éprouve une vive aversion contre l’homosexualité. La raison nous en est donnée ici: il faut que les deux partenaires forment « une seule chair ». (A Bible ouverte II, J. Eisenberg et A. Abécassis, Albin Michel, Paris, 1979, page 171). (20)

II LES RECITS DE L’ANCIEN TESTAMENT

Nous étudierons d’abord des récits traditionnellement cités comme s’opposant à l’homosexualité. Ensuite nous aborderons ceux qu’une partie des chercheurs considère actuellement comme un modèle de tolérance envers l’homosexualité. 1. Récits réprouvant les pratiques homosexuelles

a) Sodome et Gomorrhe (Genèse 19/1 à 29)

Dès le départ, la Bible porte un regard négatif sur les habitants de Sodome et de Gomorrhe (cf Genèse 10/15-20 et Genèse 13/13). Ce dernier texte précise que « ses habitants étaient mauvais et qu’ils péchaient gravement contre l’Eternel », sans dire de quels péchés il s’agissait. Regardons de plus près le texte de Genèse 19. Les habitants de Sodome veulent « connaître » les deux hommes accueillis par Lot (v. 5). Les chercheurs s’accordent à reconnaître dans ce verbe le sens sexuel qu’il revêt par ailleurs dans la Bible (cf. Genèse 4/1 ou Luc 1/34). C’est sur cette base que l’on évoque l’homosexualité des habitants de Sodome, d’où vient le terme de « sodomie ». Il est clair que la proposition de Lot de leur livrer ses deux filles accentue la connotation sexuelle de leurs intentions. Cependant, même si le v. 4 précise que « tout le peuple » entourait la maison de Lot, il est difficile de concevoir que tous les habitants de Sodome aient été homosexuels dans le sens actuel du terme. Visiblement, ils ne voulaient pas « connaître » ces hommes parce que c’étaient des hommes, mais d’abord parce que c’étaient des étrangers sans défense. (21)

Par ailleurs, la Bible reproche aux habitants de Sodome de pratiquer ouvertement la débauche (Esaïe 3/9); l’adultère, la fausseté et la solidarité avec les malfaiteurs (Jérémie 23/14); l’orgueil, l’arrogance, l’inconscience et le refus de la solidarité avec les pauvres (Ezéchiel 16/49,50); la recherche des plaisirs charnels (II Pierre 2/6-10); les unions contre nature (Jude 7), mais, surtout, le refus de l’hospitalité (Matthieu 10/14-15), un devoir sacré dans l’Antiquité. Comme vous le voyez, l’Ancien Testament n’insiste pas sur un péché particulier en faisant référence aux habitants de Sodome, mais, dans les textes plus tardifs, le péché de Sodome est principalement lié au comportement sexuel de ses habitants. (22)

Page 5: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

5

b) L’infamie de Guibea (Juges 19/11 à 25)

Le parallélisme avec Genèse 19 est frappant, même si, cette fois, les acteurs sont tous Juifs. Ceux qui cernent la maison sont « quelques hommes de la ville » qualifiés de « vauriens ». Comme en Genèse 19/5, ces « vauriens » veulent « connaître » l’homme (connotation sexuelle). Plus tard, dans son rapport, le lévite dit que les « notables » de Guibea voulaient le tuer (Juges 20/5). Les chercheurs ont souvent discuté la requête du v. 22. Certains pensent que, dans les textes les plus anciens, ces hommes demandaient la femme et non l’homme et expliquent que c’est sous l’influence de Genèse 19 que le texte aurait été changé. Par ailleurs, le fait que le serviteur du lévite n’ait pas été inquiété par les habitants de Guibea donnerait à penser que la finalité de leur action n’était pas un acte à caractère homosexuel. Mais la majorité des chercheurs actuels ne les suivent pas dans cette voie. Pourquoi ? Parce que le texte hébreu, tout comme sa traduction en grec (la Septante) disent que le vieillard propose de leur livrer en même temps sa fille et la concubine du lévite pour éviter qu’ils ne s’en prennent à l’homme (v. 24).

Nous pouvons tirer trois enseignements de ces deux récits: Ils reconnaissent l’existence de l’homosexualité, tant parmi les populations païennes

(Sodome), qu’en Israël (Guibea). Cependant, l’homosexualité semble ici limitée à un comportement ponctuel. Il n’est pas question, dans ces textes, de personnes ayant une attirance marquée pour des personnes du même sexe.

Les deux récits réprouvent clairement les actes homosexuels, voire leur intention. Ils sont construits de façon à ce que la première intention des habitants de Sodome et de Guibea (le viol d’hommes) ne se réalise pas. Alors que dans Genèse 19, les habitants de Sodome sont frappés de cécité avant d’accomplir leur forfait, en Juges 19 l’infamie est finalement réalisée sur une femme et non sur un homme.

Dans les deux récits, l’intention des habitants est de faire le mal. Elle est qualifiée de « folie » ou « d’infamie ». En dénonçant les actes répréhensibles qu’ils décrivent, les deux textes ont un rôle pédagogique. Ils insistent sur la protection de l’étranger et sur le devoir de respecter l’hospitalité lorsqu’elle est offerte. De manière collatérale, ils en profitent pour dénoncer les actes à caractère homosexuel et le viol des femmes, actes qualifiés de « débauche ». (23)

2. Récits interprétés comme favorables à la relation homosexuelle

Plusieurs publications récentes affirment que la relation d’amitié entre Jonathan et David avait un caractère homosexuel. Cela s’est même concrétisé dans le nom que s’est donné une association de chrétiens homosexuels: « David et Jonathan » (24). Nous allons essayer de démontrer qu’il n’en est pas ainsi en comparant les phrases qui évoquent l’attachement des deux amis avec des textes exprimant l’attachement d’autres personnes pratiquement dans les mêmes termes.

a) I Samuel 18/1 - 5

Notons d’emblée que les mots et les gestes accomplis par Jonathan à l’égard de David ne sont pas suspects d’homosexualité. (25) L’expression « l’âme de Jonathan s’attacha à l’âme de David » rappelle exactement l’attachement de Jacob à son fils Benjamin (Genèse 44/30, 31). Par ailleurs, « aimer quelqu’un comme soi-même » (litt. « comme sa propre âme ») est une expression courante dans l’Ancien Testament (Lévitique 19/18 et 34; Deutéronome 13/7) à propos de la relation avec un proche ou un ami. (26)

Page 6: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

6

Il est vrai que I Samuel 19/1 précise que « Jonathan avait une grande affection pour David » (le verbe employé dit littéralement qu’il « se plaisait en David »). Cette expression peut avoir une connotation érotique, mais elle est plus souvent employée au sens large, comme en Nombres 14/8: « Le Seigneur se plait en vous », ou « Il se plait en moi » (Psaume 18/20). (27) En I Samuel 18/22, les serviteurs de Saül disent à David que « le roi se plait en lui », d’où la proposition de lui donner sa fille en mariage. Comme on le voit, il faut tenir compte du contexte global pour déterminer le sens à donner à l’expression « se plaire en ». Dans le contexte de I Samuel 19/1-7, rien ne permet de retenir une connotation érotique. (28)

Le fait qu’il se dépouille de ses vêtements et de son armement pour les donner à David n’en a pas non plus. Cela signifie que Jonathan transfère à David ses prérogatives, y compris son droit à la succession au trône de son père. Le geste de Jonathan s’inscrit dans une dimension politique, celle de l’alliance qu’il conclut avec David. Ce rapprochement explique pourquoi Jonathan prend systématiquement parti pour David contre son propre père. (29) Ce cheminement aboutit à la déclaration de Jonathan à David: « C’est toi qui règneras sur Israël, et moi, je serai ton second » (I Samuel 23/17). Si Jonathan se dépouille de ses habits, ce n’est pas dans le but de se montrer nu à David, mais pour les lui donner. Ce geste n’est pas inconnu en d’autres circonstances: Saül avait revêtu David de ses propres habits et de son armement avant qu’il n’affronte Goliath (I Samuel 17/38, 39). Un contexte érotique parlerait du corps que l’on découvre plutôt que de l’habit qu’on enlève (Voir Ezéchiel 16/25 et 39). (30)

b) I Samuel 20/30, 31 Cet incident est la conséquence logique de la succession de tentatives avortées de Saül de s’emparer de David pour le tuer (19/2 - 7; 8-10; 11 à 17; 18 - 24). Saul décharge sa colère sur son fils en le qualifiant de « fils de traînée ». Mais ce genre d’insulte visant la mère de quelqu’un n’est pas limité aux orientaux, ni à une époque ancienne ! Par conséquent, rien ne nous oblige à aller dans le sens de certains chercheurs modernes, qui voudraient faire comprendre à partir de cette insulte que Saül était au courant de la relation homosexuelle entre Jonathan et David ! A supposer que ce soit vrai, nous aurions une preuve supplémentaire que l’homosexualité était réprouvée, tant par Saül que par le reste de la société contemporaine ! c) I Samuel 20/40 à 21/1 Ici, David sort de sa cachette pour passer un moment avec Jonathan. Le v. 41 dit que David se prosterna devant Jonathan et que les deux s’embrassèrent et pleurèrent. Le verbe employé signifie bien « donner un baiser ». (31) A première vue, on pourrait en conclure que les deux hommes s’aiment au point d’accomplir un geste érotique. Cependant, là encore, il faut regarder de près le contexte. Nous sommes au moment où les deux amis vont se séparer. Or, nous connaissons une scène similaire dans le Nouveau Testament: les adieux de Paul aux Anciens d’Ephèse (Actes 20/36-38). Ceux-ci aussi ont pleuré et se sont jetés au cou de Paul pour l’embrasser. Ce même geste est connu dans l’Ancien Testament lors des salutations entre Moïse et son beau-père (Exode 18/7), où il est dit que les deux hommes s’embrassent et entrent dans la tente. Jethro et Moïse vont donc plus loin que David et Jonathan et pourtant il ne viendrait à l’idée de personne de les qualifier d’homosexuels ! Les mêmes gestes sont connus à propos de Joseph et de ses frères (Genèse 45/14, 15).

Page 7: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

7

Ces quelques exemples permettent de dire que les adieux de Jonathan et David n’ont aucune connotation érotique. Tout ce qu’ils font peut se passer entre parents et enfants, frères, beau-père et gendre. Ces gestes, que le lecteur moderne risque de confondre avec des gestes érotiques, sont des gestes coutumiers et habituels pour des gens qui se sentent proches. Il ne faut donc pas les confondre avec des gestes homosexuels, même lorsqu’ils sont accomplis par des personnes de même sexe.

Il est curieux, par ailleurs, que personne ne parle de relations homosexuelles entre Saül et David, alors que Saül a accompli avant lui exactement les mêmes gestes que Jonathan à son égard (I Samuel 16/21 et 22; I Samuel 17/38-39; I Samuel 18/2 et 22). I. Himbaza en conclut que, si on ne parle pas d’homosexualité entre Saül et David, c’est simplement parce qu’elle n’existe pas. Il faut donc donner la même réponse au sujet des relations entre Jonathan et David. (32)

d) II Samuel 1/26 Avec ce verset, nous sommes dans un contexte de deuil. (33) Cette plainte de David évoque son attachement à Jonathan, mais également à Saül. Il les appelle « aimés » et « charmants » (v. 23 et 26). Le verset 26 évoque l’amitié de David pour Jonathan en disant qu’elle dépassait son amour pour les femmes. Certains chercheurs pensent que cet amour de Jonathan n’exclut pas une connotation érotique. Cependant, il ne faut pas oublier le caractère poétique et symbolique de ce texte. Le mot « amour » utilisé ici ne se limite pas à l’amour conjugal. Ce même terme est utilisé pour désigner l’amour d’une mère pour son enfant ou l’amour de Dieu pour son peuple et vice-versa. Il faut reconnaître que le contexte d’une complainte mortuaire ne permet d’exclure aucune connotation. Il faut donc recourir à ce que l’on sait de la vie et de la relation des personnes concernées, pour déterminer si David fait allusion à un attachement érotique - ou non. Or, aucun des contextes étudiés ne nous oriente vers une relation érotique entre les deux. En fait, la Bible ne donne pas de réponse à la question de savoir si les relations entre les deux hommes sont - ou non - de type homosexuel.

Himbaza en conclut que: « L’on ne devrait pas avoir recours à ces textes pour parler de tolérance vis-à-vis de l’homosexualité dans la Bible. Parler d’homosexualité dans un sens ou dans l’autre en partant des récits sur Jonathan et David nous semble forcer les textes ». (34)

III LES INTERDITS DE LA TORAH Deux passages de la Torah, la « Loi divine », sont on ne peut plus clairs à ce sujet: Lévitique 18/21 et Lévitique 20/13. Ils ne disent pas pourquoi la pratique homosexuelle est interdite, mais la qualifient « d’abomination », c'est-à-dire d’acte incompatible avec Dieu. Par contre, l’exégèse moderne propose trois explications dans le but de démontrer en quoi ces règles sont aujourd’hui caduques ! 1. Trois explications avancées pour le justifier

La première est la différenciation entre Israël et les nations, dont certains exégètes pensent qu’elle est à limiter à son contexte historique. La seconde part de la valeur de la fécondité dans l’Antiquité.

Page 8: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

8

L’union homosexuelle ne serait interdite que parce qu’elle n’est pas féconde. Et la troisième dit que cette union risque de troubler l’harmonie et la paix à l’intérieur des grandes familles de l’époque. La composition des familles n’étant plus la même aujourd’hui, ni leurs conditions de vie, ces chercheurs estiment que ces règles ne sont plus valables. En réponse à ces affirmations, A. Schlenker propose d’étudier d’abord le contexte littéraire de Lévitique 18/22 et 20/13. 2. Le contexte littéraire

a) Lévitique 18/6 à 23 Le chapitre 18 du Lévitique est composé de quinze interdictions concernant les relations sexuelles au sein de la famille (v. 6-18), suivies de cinq interdictions (v. 19-23) relatives à d’autres actes prohibés, dont l’acte sexuel entre deux hommes (v. 22). Elles sont introduites par une première règle de portée générale: « Nul ne s’approchera de quelqu’un de sa parenté pour en découvrir la nudité ». Cette expression désigne l’acte sexuel de deux personnes qui couchent ensemble. Dans cet ensemble, l’union homosexuelle est placée en parallèle avec l’adultère, ce qui suggère une analogie entre les deux actes. Tous deux mettent en péril la sécurité de la famille, notamment des enfants. Les rapports d’amour entre hommes risquent de faire sombrer les rôles respectifs de chacun dans la confusion. Dans Lévitique 18, les interdits s’adressent à l’Israélite marié à qui le Seigneur s’adresse à la deuxième personne: toi. Mais les commandements de l’Ancien Testament comportent toujours une portée analogique. Par conséquent, ce que Dieu interdit au chef de famille est implicitement interdit à tout autre Israélite, homme ou femme.

b) Lévitique 20 Ce chapitre contient en son centre une liste de douze unions ou actes sexuels interdits (v. 10-21), dont l’union homosexuelle. Pour être accomplies, elles ont besoin de deux personnes qui veulent les commettre ou, du moins, qui y consentent. De ce fait, la faute devient double: l’action mauvaise en elle-même et l’entrainement de quelqu’un d’autre à la réalisation du mal. Ainsi, Lévitique 20 recense des actes intentionnels et prémédités qui entraînent tous la peine de mort, sauf un (v. 21).

3. Pourquoi la peine de mort ? (Lévitique 20/13)

Pour la sensibilité moderne, la sanction de mort frappant les deux partenaires d’une union homosexuelle est le point le plus choquant de tout ce que la Bible dit sur l’homosexualité. C’est pourquoi des textes à première vue inacceptables ont particulièrement besoin d’être lus et interprétés avec soin dans leur contexte. Dans tous les cas envisagés en Lévitique 20, les deux personnes concernées y consentent en cachette. Faute de plaignant, leur acte restera forcément impuni et affectera la communauté tout entière d’un désordre resté secret. La grande sévérité des sanctions est donc destinée à susciter la peur dans l’âme des coupables, qui ne pourront « banaliser » leur acte, mais qui, dans cette peur, pourront confesser leur faute aux prêtres, qui, eux, pourront transformer la peine si sévère en amende plus douce, comme on le voit en Lévitique 5/5,20-26. I Samuel 14/36-45 décrit en particulier comment une peine de mort, déjà décrétée, peut être commuée aussitôt après la découverte du coupable en un acte de grâce en sa faveur. D’autre part, ce n’est pas un tribunal humain, mais celui de Dieu qui est compétent pour la sanction. Cela est avantageux à la fois pour les individus fautifs et la communauté tout entière, libérée ainsi d’une faute qui pesait sur elle.

Page 9: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

9

Si les relations incestueuses sont alignées sans distinction sur d’autres unions illicites, dont l’union homosexuelle, c’est parce qu’elles risquent de déshumaniser les rapports humains. La sexualité est dangereuse lorsqu’elle est abandonnée à des pulsions désordonnées. (35)

4. Conclusion sur les textes de l’Ancien Testament

a) L’analyse des deux interdits de l’union homosexuelle manifeste l’importance qui leur est attachée. Ce ne sont pas des commandements de portée mineure.

b) Ils estiment que l’homosexualité pratiquée menace la cohésion d’une communauté humaine déjà exposée à de nombreuses pressions désintégrantes. Des relations amoureuses entre ses membres masculins risqueraient d’y introduire des ferments supplémentaires d’anarchie.

c) L’interdit frappe l’union charnelle entre deux hommes, non la tendance homosexuelle. Mais il faut ajouter que, logiquement, tout ce qui prépare la voie à l’acte interdit est également inclus dans l’interdiction de la Torah.

d) La Loi ne parle explicitement que de l’union homosexuelle entre deux hommes. Mais en vertu de la force d’analogie que possèdent les commandements et règles bibliques, ceux-ci s’appliquent également à des situations comparables. C’est pourquoi on peut affirmer que l’union homosexuelle entre deux femmes est interdite, elle aussi. (36)

IV TEXTES DU NOUVEAU TESTAMENT

Les textes du Nouveau Testament qui abordent la question sont très peu nombreux. C’est pourquoi nous pouvons concentrer notre étude sur Romains 1/18 à 32, d’une part, I Corinthiens 6/9 et I Timothée 1/10, d’autre part. Nous commencerons par les deux derniers, qui sont des listes de vices incluant deux termes pouvant renvoyer à des pratiques homosexuelles, à savoir: « malakoï » et « Arsénokoïtaï ». Les évangiles ne disent rien d’explicite sur l’homosexualité. Ce silence, associé à la grande miséricorde de Jésus vis-à-vis des pécheurs, est parfois interprété comme l’indice d’une approbation implicite de l’homosexualité par Jésus, ce qui est pure présomption. De récentes études voient cela aussi dans le récit de la guérison de l’esclave du centurion romain (Matthieu 8/6 - 13) et la figure du « disciple bien-aimé » dans Jean. Il paraît utile de considérer ces éléments, afin de vérifier l’interprétation faite du silence de Jésus sur l’homosexualité. Enfin, beaucoup considèrent que le commandement d’amour du prochain exclut tout jugement négatif sur l’homosexualité. Il faudra donc étudier aussi le sens de ce commandement et ses implications vis-à-vis des personnes homosexuelles. (37)

1. I Corinthiens 6/9, 10

Dans cette liste de personnes - dont Paul dit qu’elles n’ont pas leur place dans le royaume de Dieu - les mots « malakoï » et « arsénokoïtaï » sont traduits, le premier par « pédérastes, dépravés ou efféminés », le second par « homosexuels, infâmes ou sodomites ». En grec, « malakos » a une connotation très péjorative. Il signifie littéralement: « doux, soyeux, délicat ». Dans une relation homosexuelle, il désigne le partenaire passif. Au sens étroit, il peut désigner un prostitué masculin, un travesti; au sens large, un homme efféminé, prenant excessivement soin de son apparence.

Page 10: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

10

Le contexte littéraire du Nouveau Testament montre clairement que ce terme caractérise les homosexuels passifs. L’analyse du mot « arsénokoïtès » permet de lever toute ambiguïté. Il signifie littéralement « couchant (koïtè) avec un homme (arsen=mâle) ». L’usage postbiblique montre clairement que ce terme désigne des hommes ayant un rôle actif dans les relations homosexuelles. Paul a donc simplement énoncé ici les rôles actifs et passifs d’un acte à caractère homosexuel. Retenons que le texte grec de l’Ancien Testament utilise les mêmes termes en Lévitique 18/22 et 20/13. 2. I Timothée 1/10

Une partie des exégètes considère que Paul n’est pas l’auteur de cette épître. Mais cela n’a pas d’importance pour le sujet qui nous intéresse ici. Soit Paul en est l’auteur, alors on ne voit pas pourquoi « arsénokoïtès » aurait ici un sens différent que dans I Corinthiens 6/9. Soit l’auteur est différent - et cela montrerait que le jugement négatif de I Corinthiens 6/9 avait cours dans toute l’Eglise primitive ! Toujours est-il que l’auteur invite Timothée à s’opposer aux faux docteurs de la Loi - et il est vraisemblable qu’il s’agit ici de la Loi de Moïse et non de la loi civile. Par conséquent, on peut dire que les préceptes moraux de la Loi restent valables pour la vie chrétienne. Dans les deux cas, il s’agit d’actes considérés comme gravissimes, puisqu’ils empêchent ceux qui les commettent d’accéder au Royaume de Dieu. 3. L’épître aux Romains (Romains 1/18 à 32)

Si certains textes le l’Ancien Testament prêtent à discussion sur la présence ou non du thème de l’homosexualité, ce passage de l’épître aux Romains ne laisse aucun doute à ce sujet. Paul y parle à la fois de l’homosexualité masculine et féminine (v. 26, 27). La discussion s’est donc focalisée sur la nature précise de cette homosexualité. Quatre lignes d’interprétation peuvent être dégagées des nombreux ouvrages parus ces trente dernières années. Premièrement, Paul ne condamnerait pas les rapports homosexuels en soi, mais l’exploitation vécue dans ces rapports de maîtres à esclaves ou vis-à-vis de jeunes adultes (pédérastie). Deuxièmement, ne connaissant pas « l’orientation sexuelle », Paul ne prendrait en considération que les personnes hétérosexuelles ayant des rapports homosexuels. Troisièmement, Paul défendrait le statut de l’homme qui, selon le modèle de la culture gréco-romaine, doit dominer sa partenaire sexuelle, ce qui ne serait plus le cas dans les relations homosexuelles. Enfin, Paul ne parlerait ici que du péché des païens (!). Je ne vais pas entrer dans une discussion à ce sujet, le point commun de chacune de ces lectures étant d’interpréter le message de Paul en faveur de l’homosexualité, mais je suivrai Jean-Baptiste Edart, qui propose de prendre en considération l’intention de l’auteur du texte biblique dans son ensemble pour mieux comprendre ce que Paul a voulu dire.

a) Le contexte littéraire

Ce texte n’a pas pour objet premier l’homosexualité et sa moralité. Les actes homosexuels n’y sont évoqués que dans un développement beaucoup plus large. La première étape de la démarche de Paul (Romains 1 à 3) consiste à illustrer la soumission de toute l’humanité à la colère divine, qui n’est autre que la simple exposition de l’homme à toutes les conséquences de son péché. L’originalité de son raisonnement consiste à associer cette diatribe contre les homosexuels à la critique de l’idolâtrie païenne, qui est présentée comme la conséquence de l’impiété, le refus de connaître le vrai Dieu.

Page 11: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

11

Paul construit son argumentation en recourant à différentes sources: Genèse 1/26,27; Deutéronome 4/16-18 et Psaume 106/19,20.

b) Une théologie de la Création Paul s’appuie essentiellement sur le récit de la Création. Il rappelle que l’être humain a été créé « mâle et femelle », qu’il a été créé « à l’image de Dieu » et qu’il doit exercer sa domination sur les autres créatures. Ces trois éléments permettent de comprendre pourquoi les actes à caractère homosexuel sont associés à l’idolâtrie par l’apôtre. Dans l’idolâtrie, l’homme est dominé par la créature qu’il adore et ne rend pas gloire au Créateur. Il se produit comme une inversion du projet initial de Dieu manifesté, entre autres, dans la différence sexuée. Dans l’acte à caractère homosexuel, cette différenciation n’est pas prise en considération. Cela ne signifie pas que l’apôtre considère l’acte homosexuel comme le péché le plus important. Il n’est que l’une des conséquences de l’impiété. Ayant déterminé l’orientation théologique - et non morale - du texte, nous pouvons maintenant voir de plus près ce que Paul dit sur l’homosexualité dans ces versets. Curieusement, aucun terme désignant spécifiquement l’homosexualité n’est présent dans ce texte. Paul utilise uniquement des périphrases du style « rapports naturels » et « rapports contre nature ».

c) Homosexualité et nature Les exégètes s’interrogent sur la nature exacte de ces rapports « contre nature ». La réponse est dans une juste compréhension du terme « nature ». Il pourrait caractériser des actes en accord avec les conventions sociales d’un groupe, pensent certains chercheurs. Ainsi, dans la culture gréco-romaine, c’est le rapport dominant-dominé qui établissait la norme morale. Un rapport sexuel serait « contre nature » s’il ne respectait pas cette norme. C’est pourquoi dans la Rome impériale, l’union d’un maître avec un de ses esclaves (féminin ou masculin) n’était pas considérée comme « contre nature », puisqu’il respectait la structure sociale. Par contre, une relation homosexuelle féminine était toujours « contre nature », parce que la femme échangeait son rôle passif et soumis contre un rôle dominant et actif. Personne ne niera que Paul était confronté à la culture gréco-romaine, mais le contexte de Romains 1/19-23 invite plutôt à voir dans « la nature » l’ordre inscrit par Dieu dans sa création. Dans cette perspective, « contre nature » peut légitimement être compris en référence au récit de Genèse 1. Dieu a voulu l’union sexuelle de l’homme et de la femme et cette volonté - ou loi - divine est inscrite dans la nature. Par conséquent, sont dites « contre nature » toutes relations qui s’opposent au projet du Créateur, ce qui est le cas des relations homosexuelles.

La nature précise des actes visés par Paul étant établie, nous pouvons maintenant considérer le jugement moral porté par l’apôtre. L’analyse de l’expression « Dieu les a livrés » des versets 24, 26 et 28 nous permet de le synthétiser en trois points: la perte de la liberté. A travers le verbe « livrés », on peut comprendre qu’en

devenant esclave de sa convoitise, l’homme est privé de liberté. En effet, le verbe « livrer » exprime la mise à disposition complète d’un autre à quelque chose… ou à quelqu’un. Dans le cadre du péché sexuel, cela revient à la perte de contrôle sur les pulsions.

Paul parle ensuite de passions déshonorantes pour les corps (v. 24). I Thessaloniciens 4/4,5 donne un éclairage intéressant. En I Corinthiens 6/20 Paul n’hésite pas à rappeler que le corps est le temple du Saint-Esprit, (38) invitant les chrétiens à glorifier Dieu dans leur corps, c'est-à-dire dans un juste exercice de leur sexualité.

Page 12: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

12

La dignité du corps est liée à la capacité, pour l’homme et la femme, de manifester la communion entre eux et à exprimer physiquement leur « être à l’image de Dieu ». Dans la relation homosexuelle, cette dimension du corps est contredite et devient un signe de désunion.

Dans la troisième affirmation de Paul, l’homme est livré à une mentalité réprouvée ou une intelligence sans jugement. Le refus de la connaissance de Dieu fait perdre toute crédibilité à l’intelligence humaine. Il s’agit là d’un aveuglement mortel. Ces œuvres conduisent à la séparation définitive d’avec Dieu, donc à la mort éternelle.

En conclusion de ce chapitre, on peut dire que Paul considère les relations homosexuelles comme contraires au projet du Créateur. Son originalité réside simplement dans le rapport qu’il établit entre idolâtrie et actes homosexuels.

Voyons maintenant si nous trouvons une trace quelconque d’un élément qui militerait pour ou contre l’homosexualité dans les Evangiles. (39) 4. Les Evangiles a) La guérison de l’esclave du centurion (Luc 7/1 - 10) Certains auteurs modernes ont vu dans l’attachement du centurion à son esclave le signe d’une relation homosexuelle et interprètent l’attitude de Jésus comme bienveillante vis-à-vis de l’homosexualité. (40) Il ne peut s’agir ici que d’une lecture idéologique. Pour deux raisons. D’abord il est dans les intentions de Luc de mettre en valeur la foi du centurion (v. 9) et non de nous parler du genre de relation qu’il pouvait y avoir entre le centurion et son esclave. (41) Ensuite, si le qualificatif employé pour l’esclave malade (entimos = précieux) n’exclut pas qu’il fut cher à son maître au sens affectif du terme, je pense qu’il faut vraiment avoir l’esprit mal tourné pour y voir une trace d’érotisme homosexuel sur la base de ce seul élément ! (42)

b) Le « disciple bien-aimé » L’expression apparaît à plusieurs reprises dans l’évangile de Jean: 13/23; 19/26; 20/2 et 8 et 21/7 et 20. Le passage qui exprime avec le plus de force la relation entre Jésus et le disciple anonyme est Jean 13/25, 26. Certains en ont déduit qu’un des disciples de Jésus était homosexuel ! (43) Dans ce cas, Jésus l’aurait été aussi, puisque, pour ces esprits modernes, deux composantes de ce dernier texte peuvent prêter à ambiguïté: l’appellation « le disciple que Jésus aimait » et le geste: être couché à côté de lui (littéralement: « couché sur son sein »). (44) Or, ce verbe ne fait que décrire l’attitude des convives habituellement allongés autour de la table pour manger (Jean 6/11; 12/2; Matthieu 9/10). Il décrit simplement la position du disciple allongé à côté de Jésus et rien n’indique une quelconque dimension érotique. Disons un mot de l’appellation « disciple bien-aimé ». La fin de l’évangile identifie ce disciple avec Jean, l’auteur du quatrième évangile (Jean 21/24). Bien entendu, il n’est pas le seul aimé. Jésus dit aimer tous ses disciples du même amour que le Père (Jean 15/9). Il n’y a donc pas d’amour exclusif de Jésus pour Jean. Pour Jésus, le « vrai disciple » est celui « qui demeure dans sa parole » (8/31). C’est ce que Jean a fait dès le début. Cela explique qu’il a reçu la confiance du Christ au moment de la Cène, qu’il se soit vu confier la mère de Jésus au pied de la croix et qu’il ait cru en voyant le tombeau vide.

Page 13: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

13

L’amour de prédilection de Jésus pour Jean s’explique, non par une amitié particulière fondée sur une attirance personnelle, mais sur l’engagement total d’un homme à la suite de Jésus. Voir dans la relation entre Jésus et Jean une relation à caractère homosexuel témoigne d’une lecture purement idéologique du texte biblique. (45)

c) Les silences de Jésus Nous avons remarqué que Jésus lui-même ne manifeste pas la moindre approbation ou désapprobation des actes homosexuels. Certains théologiens en concluent un peu vite que « qui ne dit mot, consens » ! La seule démarche qui permette d’interpréter avec justesse le silence de Jésus à ce sujet est de se référer à son arrière-plan culturel et spirituel: le Judaïsme du Ier siècle. Or, nous avons vu que celui-ci juge les actes à caractère homosexuel comme contraires à la Loi de Dieu. Jésus ne s’est pas démarqué de cet enseignement, alors qu’il n’a pas hésité à le faire sur d’autres points (voir Matthieu 23 et Marc 7). Le silence du Christ à ce sujet ne peut donc être interprété que comme son accord avec la tradition d’Israël sur ce point.

d) Jésus et l’amour humain La position de Jésus sur l’homosexualité peut aussi se déduire de son discours sur l’amour humain, en particulier lorsqu’il parle du mariage et lorsqu’il aborde la question du divorce (Matthieu 19/1 - 9 et Marc 10/1 -12). Jésus se réfère exclusivement à Genèse 1/27 et 2/24 avec la précision « à l’origine ». Cette référence à la volonté du Créateur montre que Jésus voit la relation hétérosexuelle comme voulue par Dieu. Par ailleurs, il se situe dans la tradition juive la plus stricte sur le divorce. Cela suffit pour affirmer qu’une telle position est incompatible avec une quelconque acceptation de l’homosexualité comme modèle possible d’amour humain voulu par Dieu.

e) L’accomplissement de la Loi Certains théologiens se demandent si le commandement de l’amour du prochain (Marc 12/30-31) n’oblige pas à s’abstenir de porter un jugement sur le comportement de personnes, surtout si ce comportement est une « orientation sexuelle » non choisie. D’autres se posent la question de savoir si les commandements de l’Ancienne Alliance ne sont pas en contradiction avec ceux de la Nouvelle ou si le commandement de l’amour ne peut pas faire l’économie de tous les autres. On peut répondre à cela que Jésus dit qu’il est « venu, non pour abolir, mais pour accomplir la Loi » (Matthieu 5/17). Or, la Loi est sans ambiguïté sur les actes homosexuels ! Dans son sermon sur la montagne, Jésus illustre l’accomplissement de la Loi à travers six exemples structurés par l’affirmation « Vous avez appris qu’il a été dit… Mais moi je vous dis ». L’accomplissement se traduit donc par une radicalisation (retour à la racine) de la Loi. Ce n’est pas une négation des commandements, mais, au contraire, le déploiement d’une plus grande exigence. Dans sa controverse avec les pharisiens, Jésus leur reproche d’avoir abandonné la Loi de Dieu pour s’attacher à la tradition des hommes (Marc 7/8). Prenant appui sur la question de la pureté rituelle, il enseigne à ses disciples la nature de la vraie souillure. Ce qui corrompt l’homme, c’est ce qui sort de son cœur, dit-il, et il cite la « débauche » (porneia, qui a donné « porno » en français), terme qui renvoie aux commandements de Lévitique 18 et 20, donc aux actes à caractère homosexuel (Voir Marc 7/21,22). Il est vrai que Jésus a pris des libertés avec certains commandements, mais il n’a jamais contesté la Loi en elle-même. Ses « infractions » (guérir un jour de Sabbat, par exemple) ont toujours une fonction prophétique (annoncer la venue du Royaume).

Page 14: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

14

Le commandement de l’amour du prochain n’abolit pas la Loi, mais la transforme en l’approfondissant. Il n’y a donc aucune contradiction entre commandement et amour. La Loi est soumise à l’amour, mais l’amour s’exprime dans l’obéissance à la Loi.

f) Loi et miséricorde La présence de Jésus aux côtés des pécheurs notoires est parfois interprétée aujourd’hui comme une approbation implicite de leurs actes. Ce qui est tout simplement impossible. Certes, nous pouvons voir dans les rapports de Jésus avec les pécheurs une expression particulière de l’amour du prochain, mais cela ne signifie nullement qu’il approuve le péché. Prenons en exemples deux rencontres de Jésus avec des pécheurs « sexuels »: la femme adultère (Jean 8/1-11) et la pécheresse pardonnée (Luc 7/36-50). (46)

En Jean 8/1 - 11 l’attitude de Jésus envers la femme adultère se résume en deux questions: « Femme, où sont-ils ? » et « Personne ne t’a-t-il condamnée ? » et deux affirmations: « Moi non plus je ne te condamne pas » et « Va et désormais ne pèche plus ». La première affirmation est une parole de miséricorde. (47) Dans la deuxième, il formule implicitement un jugement sur l’acte d’adultère commis. Cependant, ce jugement est prononcé dans le prolongement de la parole de miséricorde. Ainsi, Jésus dénonce le péché sans accuser le pécheur, mais en l’invitant à changer de vie en conséquence du pardon qui lui a été accordé. (48)

Le récit de Luc 7/36-50 illustre la relation précédente où Jésus s’est défini

comme un ami des pécheurs (Luc 7/34). La parabole qu’il raconte au pharisien révèle que Dieu se présente à nous comme un Dieu qui pardonne. Par elle, Jésus invite son hôte à prendre conscience que la pécheresse a fait une expérience qu’il n’a pas encore faite, lui: celle de la bonté de Dieu a son égard. Au-delà du péché, « le prophète » a su voir le cœur capable d’aimer. Ainsi, le comportement de la femme est présenté comme le fruit du pardon reçu. Le v. 44 formule une conclusion surprenante pour le lecteur. On aurait attendu: « Celui à qui on pardonne beaucoup, aime beaucoup; celui à qui l’on pardonne peu, aime peu ». Or, seule la deuxième partie de la phrase correspond à cette conclusion logique. On peut y voir un écho à ce que Jésus dit dans le « Notre Père » (Luc 11/4). Rien dans ce récit ne permet de dire que Jésus ignore ou excuse le péché de la femme. Au contraire, celui-ci est pleinement pris en considération, puisque Jésus dit: « ses nombreux péchés lui sont pardonnés » (v. 47). Le récit conclut par le « Va en paix » du Christ (v. 50), qui indique le plein accomplissement des promesses de salut pour le pécheur. Nous pouvons constater simultanément l’extrême délicatesse de Jésus, tant vis-à-vis du pharisien accusateur, que de la femme.

En conclusion de ce point je dirai que la dénonciation du péché est incluse dans le pardon divin, et même précédée par lui. Est-ce à dire que l’accusation de péché et le jugement sont contraires à l’évangile ? Pour qui connaît les textes bibliques, la réponse est évidente. Jésus condamne sévèrement ceux qui sont persuadés d’être justes (cf Matthieu 23/33). Au contraire, face au pécheur qui se repent, la miséricorde ne s’attarde pas sur le péché: elle donne immédiatement le pardon et restaure l’homme dans sa dignité. Il n’y a donc aucune opposition entre la loi et la miséricorde, bien au contraire. L’exercice de la miséricorde présuppose l’existence et la Loi. Elle en est la condition.

J’en viens à ma conclusion d’ensemble. (49)

Page 15: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

15

CONCLUSION

Les quelques versets du récit de la Création que nous avons parcourus montrent clairement que le projet de Dieu pour l’humanité est l’hétérosexualité. L’homme et la femme qui, ensemble, constitue l’être humain, sont différenciés et destinés à se compléter mutuellement. La bénédiction que Dieu prononce sur le couple humain est intimement liée à la fécondité et le premier commandement que Dieu adresse au couple humain, c’est la procréation. Or, la conduite homosexuelle est, par nature, stérile. On peut donc en conclure qu’elle ne fait pas partie du projet de Dieu pour l’humanité. Nous avons constaté ensuite que les commandements du Lévitique et les rares versets du Nouveau Testament qui abordent le sujet condamnent la pratique homosexuelle sans ambiguïté. L’apôtre Paul prononce le jugement suivant sur les auteurs de tels actes: ils ne peuvent accéder au Royaume des cieux. Ce jugement est confirmé par l’auteur de l’Apocalypse (21/8). Cette position radicale est tout à fait cohérente avec la tradition juive et montre la continuité du Nouveau Testament avec l’Ancien à ce sujet. Pour Paul, l’homosexualité est l’une des conséquences du refus de reconnaître le Créateur, caractérisée par le « contre nature », c'est-à-dire contraire à la volonté du Créateur manifestée dans la différence sexuelle. Or, tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu est à considérer comme péché. Dans la Bible, « pécher » c’est « rater son but, se tromper de chemin, s’éloigner de la vérité ». Plutôt qu’une faute morale, le péché est donc une mauvaise orientation de notre vie. Et c’est ce qu’est l’homosexualité. Certes, ceux qui la pratiquent ne sont pas de plus grands pécheurs que tous les autres, mais il ne s’agit pas non plus de nier le caractère pécheur de l’homosexualité sous prétexte qu’il est l’objet de la miséricorde divine. Dieu ne fait miséricorde qu’à ceux qui se repentent de leur péché. Or, les gens qui choisissent une conduite pécheresse de façon délibérée et permanente ont tendance à la rationaliser et à y voir quelque chose de « normal ». Ils entrent ainsi dans une forme de déni du péché qui provient du réductionnisme psychologique que nous connaissons aujourd’hui, où le mal est appelé bien et que le bien est qualifié de mal. Même des chrétiens en viennent ainsi à réconcilier le bien et le mal, au lieu de confesser leur péché et de s’en détourner. A cause de cet aveuglement, de nombreux chrétiens cherchent à justifier leur homosexualité - ou celle d’autrui - soit en se retranchant derrière l’interdiction faite par Jésus à ses disciples de juger, soit derrière un amour du prochain mal compris. Certains croient entendre le Seigneur leur dire: « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés » (Luc 6/37). Il est vrai qu’il ne nous appartient pas de juger, et encore moins de condamner qui que ce soit, d’autant plus que Jésus fait allusion ici à des jugements hypocrites et injustes ! Mais il nous appartient d’appeler « péché » un péché, car nous avons aussi du Christ le commandement: « Ne jugez pas selon l’apparence, mais jugez selon un juste jugement » (Jean 7/24). Par ailleurs, Jésus dit qu’il est venu « non pour abolir, mais pour accomplir la Loi » (Mattieu 5/17). Il ne prend aucune liberté avec la Torah, au contraire, il en radicalise les exigences. Lorsque, par exemple, Jésus dit: « Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère en son coeur » (Matthieu 5/28), cela ne serait-il pas valable aussi entre des personnes de même sexe ?

Page 16: CONFERENCE POST- L’HOMOSEXUALITE · Blague à part ! Dans le débat qui a secoué d’abord la société française à propos de la loi Dans le débat qui a secoué d’abord la

16

A partir de là on peut dire que, s’appuyer sur le commandement d’amour du prochain pour justifier toute complaisance envers l’homosexualité est en contradiction avec l’enseignement de Jésus. Couvrir l’homosexualité d’une personne ou d’un couple du manteau de l’amour, c’est l’abandonner à son destin, donc l’empêcher de changer. La norme de l’amour du prochain, c’est le « comme je vous ai aimés » du Christ. L’amour témoigné par Jésus-Christ au pécheur (Luc 19/2) ne consiste-t-il pas précisément à le confronter avec la parole de Dieu ? Vouloir en faire l’économie est l’expression d’un singulier manque d’amour. En fait, ce que d’aucuns appellent « amour » n’est rien d’autre qu’un sentimentalisme dans lequel le mal est ignoré. Souvent les personnes homosexuelles se trouvent entre les mains de ceux qui ont une nouvelle gnose, une fausse lumière et un amour fallacieux. En tant que pasteurs et conseillers chrétiens, notre devoir est d’aider les personnes qui souffrent de leur homosexualité à s’en détourner. Leur enseigner l’obéissance à la parole de Dieu, voilà le véritable acte d’amour à leur égard. Il n’en demeure pas moins que l’amour trouve son expression la plus haute dans la miséricorde. La délicatesse du Christ face au pécheur repenti l’a conduit à ne même plus évoquer la Loi. Par conséquent, il nous appartient d’aimer la personne homosexuelle du même amour. (50)

Nous pouvons donc renvoyer dos à dos ceux qui prétendent que l’homosexualité n’est pas condamnée par la Bible (voire qu’elle n’en parle pas !) et ceux qui cherchent à justifier leur homosexualité au moyen de la Bible en prenant pour exemples des relations qui n’ont aucun caractère homosexuel, telles que la relation de David avec Jonathan ou celle de Jésus avec le « disciple bien-aimé ». (51) Les uns et les autres refusent de voir ce que la Bible dit effectivement ou cherchent à lui faire dire ce qu’elle ne dit pas. Ils en font une lecture idéologique, ce qui est une façon de bafouer l’autorité des Ecritures, et cela me paraît très grave pour des chrétiens et, plus encore, pour des théologiens ! Ils en répondront un jour devant Dieu. (52) Merci de votre attention !

Pasteur Bernard Laiblé