conduite à tenir devant une douleur du membre...

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1 )- © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Les douleurs du membre supérieur en patho- logie du sport sont fréquentes. Elles dépassent le seul cadre des sports conventionnellement incriminé comme le tennis, le volley ou le han- dball. La vulnérabilité se retrouve dans les sports de vitesse comme le ski. À coté de la traumatologie du sport, intervient les techno- pathies, les microtraumatismes et les arthro- pathies et périarthropathies dégénératives. Nous n’aborderons pas les rhumatismes in- flammatoires et métaboliques qui peuvent co- habiter et favoriser le développement précoce de souffrance articulaire et péri-articulaire. Ce document a pour objectif de proposer aux intervenants en pathologie du sport, un che- minement diagnostique logique, précis, trans- missible et reproductible. La connaissance de l’anatomie est fondamentale en thérapie ma- nuelle, raison pour laquelle un chapitre com- plet lui est dédié. Mais des rappels fonda- mentaux, complétés par des schémas, complètent la vision synthétique pour mieux comprendre le prolongement direct entre la pathologie et la thérapeutique. RéFLEXION SUR LA DOULEUR [11] Définition de la douleur (International Association for Study of Pain) “Expérience sensorielle et émotionnelle dé- sagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des ter- mes évoquant une telle lésion” Les dimensions de la douleur - Nociceptives – Modulation périphérique (corne dorsale) et centrale de l’influx noci- ceptif (système lymbique) ; - Emotionnelles – Évolution de la douleur brève à la douleur persistante rebelle ; - Cognitive ; - Comportementale – Facteurs socio-profes- sionnels. Préciser la douleur - Elle peut être rapportée. Elle se caractérise par une localisation anatomique précise sur le trajet d’une racine nerveuse, d’un nerf spinal ou d’un tronc nerveux. - Elle peut être projetée ou référée. Elle ne peut être systématisée à une structure ner- veuse précise, comme précédemment. Son origine peut être viscérale ou musculaire par un phénomène de convergence spatiale soit médullaire soit supra-médullaire. Elle peut traduire un dysfonctionnement du seg- ment mobile intervertébral. Conduite à tenir devant une douleur du membre supérieur D. BONNEAU Service de Gynécologie-Obstétrique - CHU Carémeau - 30029 Nîmes cedex 9 Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle - 23, avenue des Lierres - 84000 Avignon www.medecinemanuelle.fr

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Les douleurs du membre supérieur en patho-logie du sport sont fréquentes. Elles dépassent le seul cadre des sports conventionnellement incriminé comme le tennis, le volley ou le han-dball. La vulnérabilité se retrouve dans les sports de vitesse comme le ski. À coté de la traumatologie du sport, intervient les techno-pathies, les microtraumatismes et les arthro-pathies et périarthropathies dégénératives. Nous n’aborderons pas les rhumatismes in-flammatoires et métaboliques qui peuvent co-habiter et favoriser le développement précoce de souffrance articulaire et péri-articulaire.

Ce document a pour objectif de proposer aux intervenants en pathologie du sport, un che-minement diagnostique logique, précis, trans-missible et reproductible. La connaissance de l’anatomie est fondamentale en thérapie ma-nuelle, raison pour laquelle un chapitre com-plet lui est dédié. Mais des rappels fonda-mentaux, complétés par des schémas, complètent la vision synthétique pour mieux comprendre le prolongement direct entre la pathologie et la thérapeutique.

Réflexion suR la douleuR [11]

définition de la douleur(International Association for Study of Pain)“Expérience sensorielle et émotionnelle dé-

sagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des ter-mes évoquant une telle lésion”

les dimensions de la douleur

- Nociceptives – Modulation périphérique (corne dorsale) et centrale de l’influx noci-ceptif (système lymbique) ;

- Emotionnelles – Évolution de la douleur brève à la douleur persistante rebelle ;

- Cognitive ;- Comportementale – Facteurs socio-profes-

sionnels.

Préciser la douleur

- Elle peut être rapportée. Elle se caractérise par une localisation anatomique précise sur le trajet d’une racine nerveuse, d’un nerf spinal ou d’un tronc nerveux.

- Elle peut être projetée ou référée. Elle ne peut être systématisée à une structure ner-veuse précise, comme précédemment. Son origine peut être viscérale ou musculaire par un phénomène de convergence spatiale soit médullaire soit supra-médullaire. Elle peut traduire un dysfonctionnement du seg-ment mobile intervertébral.

Conduite à tenir devant une douleur du membre supérieur

D. BonneauService de Gynécologie-Obstétrique - CHU Carémeau - 30029 Nîmes cedex 9

Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle - 23, avenue des Lierres - 84000 Avignonwww.medecinemanuelle.fr

Médecine du sport et thérapies manuelles

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- Elle peut être provoquée par la palpation ou la pression de l’examinateur.

- Elle peut être spontanée, motivant la consul-tation du patient.

- Elle peut être provoquée par le patient qui en connaît l’origine ou par le médecin qui la met en évidence au cours de son examen clinique par la palpation ou la pression.

Caractériser la douleur

- Inflammatoire : Variable sur un fond doulou-reux permanent à recrudescence nocturne

- Mécanique : Provoquée par la mobilisation- Neuropathique : Elle se manifeste :

. soit par une douleur de fond à type de brû-lure ou d’arrachement,

. soit par une douleur paroxystique telle une décharge électrique ou un coup de poignard,

. soit par des dysesthésies tels que picote-ment, fourmillement, démangeaison,

. soit par des allodynies, perceptions dou-loureuses d’une stimulation qui est habi-tuellement indolore, tel un effleurage.Elle relève d’un mécanisme de compres-sion ou désafférentation et sa topographie peut être radiculaire ou tronculaire.

- Tendino-musculaire :Classiquement, elle s’exprime en terme de tension, contracture, de caractère mécanique.Souvent spontanée on peut la provoquer lors de la contraction isométrique du muscle en cause, la pression locale ou l’étirement passif.Son origine peut être :

. Rachidienne, dans le cadre du syndrome cellulo-téno-myalgique et corrélée à la mise en évidence du DDIM.

. Musculaire rattachée à un syndrome myo-fascial.

. Locale : traumatique, microtraumatique ou métabolique.

ReCheRCheR l’étiologie de la douleuR [1]

Complétant l’examen clinique général ha-bituel, la pratique de la Médecine Manuelle nécessite l’établissement préalable d’un algorithme ou arbre diagnostique décision-nel stéréotypé, afin de déterminer les pa-thologies dont la prise en charge théra-peutique est potentiellement manuelle (tableau 1, fig. 1).

fig. 1 : algorithme diagnostique en Médecine Manuelle

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démarche diagnostique et thérapeutique en Médecine Manuelle

Douleur D’origine rachiDienne

diagnostic

Dysfonction mécanique bénigne réversible segmentaire (robert Maigne) :- Syndrome cellulo-périosto-myalgique vertébral segmentaire. ;- Dérangement douloureux intervertébral mineur.

Trouble postural d’origine sensorielle, traumatique ou malformative.- Syndrome myofascial (Travell et Simons) :

- Douleur projetée ;- Point gâchette.

traitement

imagerie et schéma en étoile de, Maigne et lesage favorables :- Manipulation articulaire ;

(respect de la loi de la non-douleur et du mouvement contraire) (robert Maigne). imagerie et/ou étoile de Maigne et lesage non favorables :

- Techniques neuromusculaires ;- Décordage interépineux ;- Techniques cutanées.

Douleur D’origine arTiculaire PériPhérique

diagnostic

Dysfonction révélée par l’examen programmé :- conflit, bursite, tendinopathie, capsulopathie, chondropathie…

Mise en évidence d’un trouble postural manifesté par un syndrome myofascial :- Douleur projetée ;- Point gâchette.

traitement

Techniques articulairesTechniques neuromusculairesTechniques cutanées

Douleur D’origine viScérale

diagnostic

Dysfonctionnement ou pathologie organique mis en évidence :- Par l’analyse sémiologique conventionnelle :

- interrogatoire et examen clinique palpatoire complétés par la biologie et les examens complémentaires (imagerie, endoscopie…) ;

- Par la recherche des dermalgies réflexes de Jarricot (zones cutanées abdominales ventrales, douloureuses à la manœuvre du pincé-roulé, disparaissant à la guérison de l’affection).

traitement

Techniques viscérales externes ou endo-cavitairesTechniques cutanéesTechniques articulaires ou musculaires métamériques

tableau 1 : démarche diagnostique et thérapeutique en Médecine Manuelle (d.B.)

Médecine du sport et thérapies manuelles

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En effet, sans être exclusive, l’origine d’une douleur somatique peut siéger à trois niveaux :- rachidien,- articulaire périphérique,- viscéral.

Mais ce n’est pas restrictif, puisque l’une des caractéristiques de l’homme est le déve-loppement majeur de son cerveau, siège de l’élaboration de fonctions supérieures qui interfèrent en permanence sur son compor-tement et, au premier plan, le vécu de la douleur.

l’étiologie rachidienne [7-9, 12-14, 16, 20]

Elle met en jeu le dysfonctionnement du seg-ment mobile intervertébral où l’un des élé-ments constitutifs du trépied (disque, proces-sus articulaire, muscles, capsule et ligaments) peut être lésé et son atteinte s’exprime dans le territoire métamérique (le dermatome, le myotome, l’arthrotome et/ou le viscérotome) du nerf spinal correspondant à l’étage rachi-dien en cause.

Dans un premier temps, cette perturbation mécanique se manifeste sur le mode algique irritatif, pouvant évoluer vers le mode défici-taire en cas de majoration du phénomène compressif par conflit disco-radiculaire.

Evoquer cette étiologie impose la réalisation d’un examen clinique à la recherche de deux aspects cliniques fondamentaux qui témoi-gnent d’une atteinte soit segmentaire, soit globale posturale.

L’atteinte segmentaire intervertébrale

Nous devons sa description propédeutique qui fait désormais autorité à Robert Maigne.Elle se caractérise par son expression radicu-

laire, métamérique dont l’origine est interver-tébrale en regard du segment mobile.

Devant une douleur du membre supérieur isolée ou associée à une composante cervi-cale ou thoracique, l’évocation de l’atteinte segmentaire rachidienne repose sur la mise en évidence de la cellulalgie, premier témoin de l’irritation métamérique cutanée, et de la palpation minutieuse des reliefs vertébraux à la recherche du dysfonctionnement segmen-taire mécanique réversible douloureux qu’est le dérangement douloureux intervertébral mi-neur, se répercutant dans le territoire du nerf spinal correspondant.

L’expression radiculaire : le syndrome cellulo-périosto-myalgique vertébral segmentaire

La cellulalgie associe :- une sensation objective palpable par le pra-

ticien entraîné, qui est l’empâtement du pli de peau réalisé par la manœuvre du pincé-roulé ;

- à une perception subjective du patient, la douleur élective dans le territoire métaméri-que concerné lors de la réalisation de la manœuvre précédente.

La douleur téno-périostée qui est la sensation douloureuse exacerbée à la pression profonde ou à la friction du tendon d’insertion ou de ter-minaison du muscle de ce même métamère.

La myalgie, perception douloureuse de cer-tains cordons musculaires au sein du muscle dépendant du même nerf spinal.

L’examen clinique minutieux, complété des examens complémentaires indispensables, permet de distinguer au sein des algies cer-vico-brachiales les étiologies décrites dans un chapitre de cet ouvrage la névralgie cervico-brachiale, les algies cervico-brachiales symp-tomatiques, ou la myélopathie cervicale.

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La détermination du niveau du dysfonction-nement segmentaire rachidien repose sur l’examen clinique des différentes composan-tes, cutanée, tendinomusculaire et périostée.

C4 (fig. 2)

Territoire sensitif

Territoire moteur

Rhomboïde (fig. 3) :- Action : Adduction et élévation de la scapula

(contre bascule de la scapula en couple avec le petit pectoral).

- Innervation : C4, C5 nerf dorsal de la scapula.

Élévateur de la scapula (fig. 3) :- Action : Elévation de la scapula, latéro-flé-

chisseur et rotateur homolatéral du RC.- Innervation : C3, C4, C5 nerf dorsal de la

scapula.

C5 (fig. 4)

Territoire sensitif

Territoire moteur

Deltoïde (fig. 5)- Action : Abducteur de l’humérus, rotateur

médial ou latéral.- Innervation : Nerf axillaire (C5-C6).

Petit rond (fig. 6)- Action : Rotateur latéral de l’humérus.- Innervation : Nerf axillaire (C5-C6).

fig. 2 : territoire sensitif de la quatrième racine cervicale

fig. 3 : Muscles rhomboïde et élévateur de la scapula

fig. 4 : territoire sensitif de lacinquième racine cervicale

fig. 5 : Muscle deltoïde

Médecine du sport et thérapies manuelles

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Territoire réflexe : ROT deltoïdien

C6 (fig. 7)

Territoire sensitif

Territoire moteur

Coraco-brachial (fig. 8)- Action : Flexion et adduction du bras.- Innervation : Nerf musculocutané (C5-C6).

Biceps brachial (fig. 8)- Action : Flexion du coude, antépulsion du

bras, adduction du bras, supination de l’avant-bras.

- Innervation : Nerf musculocutané (C5-C6).

Extenseurs radiaux du carpe (fig. 9)

Court extenseur radial du carpe- Action : Extension et inclinaison radiale du

carpe.- Innervation : Nerf radial (C6, C7, C8).

fig. 6 : Muscle petit rond et élévateur de la scapula

fig. 7 : territoire sensitif de la sixième racine cervicale

fig. 8 : Muscles biceps brachial et coraco-brachial

fig. 9 : Muscles extenseurs radiaux du carpe, long et court

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Long extenseur radial du carpe- Action : Extension et inclinaison latérale du

carpe.- Innervation : Nerf radial (C6, C7, C8).

Sous-scapulaire (fig. 10)- Action : Rotateur médial et adducteur.- Innervation : Nerfs subscapulaires supérieur

et inférieur (C5-C6).

Territoire réflexe : ROT bicipital et brachio-radial

C7

Territoire sensitif (fig. 11)

Territoire moteur

Triceps brachial (fig. 12)- Action : Extension du coude, rétropulsion du

bras, adduction du bras.- Innervation : Nerf radial (C7-C8).

Petit pectoral (fig. 13)- Action : Abaisseur et antépulseur de la

scapula.- Innervation : Nerf pectoral médial (C7-C8-T1).

fig. 10 : Muscle sous-scapulaire

fig. 13 : Muscles petit pectoral et sous-clavier

fig. 11 : territoire sensitif de la septième racine cervicale

fig. 12 : Muscle triceps brachial

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Extenseurs des doigts (fig. 14)- Action : Extenseur de l’IPP et de l’IPD.- Innervation : Nerf radial (C6-C7-C8).

Territoire réflexe : ROT tricipital

C8

Territoire sensitif (fig. 15)

Territoire moteur

Fléchisseurs des doigts (fig. 16)

Fléchisseurs superficiels des doigts- Action : Fléchisseur de l’IPP.- Innervation : Nerf médian (C7-C8).

Fléchisseurs profonds des doigts- Action : Fléchisseur de l’IPD.- Innervation : Nerf médian pour le 2 et le 3

(C7-C8) et nerf ulnaire pour le 4 et le 5 (C8-T1).

Fléchisseur ulnaire du carpe- Action : Fléchisseur ulnaire du carpe.- Innervation : Nerf ulnaire (C8-T1).

Territoire réflexe : ROT ulno-pronateur et carpien (fléchisseur des doigts)

fig. 14 : Muscles extenseurs des doigts

fig. 15 : territoire sensitif de la huitième racine cervicale

fig. 16 : Muscles fléchisseurs des doigts

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Territoire sensitif (fig. 17)

L’expression segmentaire rachidienne : le dérangement douloureux intervertébral mineur (DDIM)

Cette approche locale prolonge une analyse globale, locorégionale, par l’établissement de l’étoile de Maigne et Lesage, qui évalue les différents secteurs de mobilité rachidienne ainsi que leurs caractéristiques d’amplitude, de douleur…

Cette étape analytique précise l’étage rachi-dien en cause, par la mise en évidence du dérangement douloureux intervertébral mi-neur caractérisé par la douleur provoquée à la pression des reliefs du segment intervertébral (fig. 18) :- pression axiale du processus épineux,- pression latérale du processus transverse,- friction des zygapophyses,- pression du ligament sus et interépineux.

Au niveau cervical, le signe le plus facilement identifiable est la friction zygapophysaire et les muscles profonds qui recouvrent les pro-cessus articulaires (multifidus).

L’atteinte globale : le syndrome myofascial [21]

Janet G. Travell, médecin interniste, a décou-vert des points sensibles au sein des muscles dont la pression provoque les douleurs dont les patients se plaignent au cours de patholo-gies différentes.

David G. Simons, médecin général de l’US Air Force, s’est associé aux recherches de Travell.

Ils ont décrit le syndrome myofascial, terme qui regroupe non seulement des phénomènes algiques, mais aussi des troubles fonctionnels neurovégétatifs.

Ces douleurs et/ou phénomènes neurovégé-tatifs sont dits projetés ou référés, car situés à distance du lieu d’origine du dysfonctionne-ment qui siège dans le muscle et son aponé-vrose, le fascia (fig. 19).

Cette pathologie est due à la perte d’extensi-bilité d’un muscle mis de manière prolongée en position de raccourcissement :

fig. 17 : territoire sensitif de la première racine thoracique

fig. 18 : Palpation paravertébrale à la recherche de contracture douloureuse musculaire

Médecine du sport et thérapies manuelles

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- Soit dans le cadre d’une attitude position-nelle entretenue par le travail, le port d’une canne de marche…

- Soit attitude secondaire à une perturbation de nature posturale d’origine visuelle, laby-rinthique ou proprioceptive, ou d’une inéga-lité de longueur des membres inférieurs…

L’identification du muscle responsable de ces symptômes est possible par la mise en évi-dence du binôme :- La douleur référée - La douleur référée est

une douleur provenant d’un point détente mais ressentie dans une zone éloignée, sou-vent totalement séparée de son origine. Elle est spécifique de son point d’origine mais elle coïncide rarement avec le territoire d’inner-vation complet d’un nerf périphérique ou d’un dermatome. Cette particularité se doit d’être rapprochée au fait que les muscles sont in-nervés par plusieurs racines d’où la nature non métamérique de la projection algique.

- Le point détente - Il s’agit d’une zone d’hy-perexcitabilité dans un tissu qui, lorsqu’on lui applique une pression suffisante, donne naissance à une douleur référée et parfois à des phénomènes neurovégétatifs référés.

Cette zone se trouve essentiellement dans les muscles et les fascias.. Il peut être actif et dans ce cas il est tou-jours sensible et limite l’allongement nor-mal du muscle et sa pression réveille la douleur référée.

. Il peut être latent, spontanément insensible et devient douloureux à la palpation.

La recherche du point détente

Le muscle est repéré par une contraction iso-métrique. Son extensibilité est évaluée de manière passive par la mise en position d’éti-rement. L’hypo-extensibilité du muscle est particulièrement évocatrice de ce syndrome.

On effectue une palpation pulpaire distale en déplaçant le doigt selon le grand axe du muscle :- Mise en évidence de la bande palpable

comme un cordon tendu au milieu de fibres musculaires détendues ;

- Au sein de cette bande on recherche le point de plus grande sensibilité qui est le point détente ;

fig. 19 : syndrome myofascial des muscles scalènes

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- Si la palpation à plat est la règle, on peut aussi pour certains muscles, réaliser une palpation par pincement ;

L’application d’une pression suffisante sur le point détente peut produire deux phénomènes :- Le sursaut du patient ;- Une réaction de secousse musculaire loca-

lisée.

Dans le cas des scalènes, leur implication dans un syndrome myofascial peut être la conséquence d’un effort de poussée, de trac-tion ou de soulèvement. Une attitude asymé-trique de la tête lors d’un travail prolongé sur ordinateur, ou conséquence d’une inégalité de longueur des membres inférieurs. Sa connaissance est importante au vu des irra-diations brachiales et les erreurs de diagnos-tic qu’il peut générer.

Dans notre expérience, le syndrome myofas-cial est rarement isolé. Il est souvent associé à des dysfonctionnements rachidiens.

l’origine articulaire périphérique [5, 15, 18-20, 22]

Elle traduit le dysfonctionnement d’une arti-culation du squelette dans le cadre d’une surcharge microtraumatique ou d’une dégé-nérescence arthrosique par anomalie posi-tionnelle ou malformative (constitutionnelle ou acquise).

Envisager cette atteinte bénéficie, là aussi, des données de la clinique et notamment de l’examen programmé.

Le complexe scapulaire est l’étiologie la plus fréquemment rencontrée dans les algies du membre supérieur.

L’examen programmé est effectué en regard de l’articulation en cause, codifié par nos

pairs, il est lui aussi transmissible et repro-ductible. Il évalue les mobilités articulaires et leur amplitude, la stabilité ligamentaire, la force musculaire analytique et globale et met en évidence les dysfonctions discales.

L’examen programmé de l’épaule

Non exhaustif, car traité dans un autre chapi-tre, voici quelques éléments importants de cet examen.

Les élévations globales

Réalisées le patient de face et de dos afin d’apprécier le rythme et la cinétique scapulo-thoracique, dans le plan sagittal (élévation antérieure globale) et le plan fronto-latéral (élévation latérale globale).

Les amplitudes passives de la sterno- et acromio-claviculaire

Indispensables à réaliser lors de l’examen programmé de l’épaule : Elévation-abaisse-ment, anté- et rétropulsion du moignon de l’épaule pour la sterno-claviculaire pour l’acromio-claviculaire, sans oublier le mouve-ment de torsion axiale.

Les amplitudes passives de la glénohumérale

ABD : 90ADD : 30°Rotation latérale : 30 à 40Rotation médiale : 90°AP : 90°RP : 40 à 50

Une attention particulière pour l’évaluation de l’antépulsion et surtout de la rotation latérale qui est précocement atteinte dans les attein-tes capsulaires.

Médecine du sport et thérapies manuelles

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La recherche des signes de conflit

Lors des mouvements d’élévations, plusieurs zones de conflit sont fréquemment individua-lisables :- Le conflit antéro-supérieur (sous le bec

acromial, l’articulation acromio-claviculaire et le ligament coracoïdien) intéresse le su-pra et infra-épineux ainsi que la longue por-tion du biceps. La référence est l’impinge-ment sign décrit par Neer qui consiste en une élévation passive dans le plan du sca-pulum, qui est fixée par la main de l’exami-nateur, le bras amené en rotation médiale ;

- Le conflit antéro-médial (processus cora-coïde) concerne le sous-scapulaire. Consis-te en une adduction horizontale forcée com-binée à de petits mouvements d’oscillation pour déclencher le conflit. Mais cette manœuvre met aussi en jeu l’articulation acromio-claviculaire.

- Le conflit postéro-supérieur est provoqué par les mouvements d’élévation, abduction et le passage alternatif en hyper-rotation latérale puis médiale pouvant provoquer des lésions de l’infra-épineux en rotation mé-diale et du supra-épineux en hyper rotation latérale par effet tenaille entre trochiter et partie dorsale de l’acromion.

La recherche des points douloureux tendineux

Long biceps : en dessous du bec antérieur de l’acromion au niveau de la gouttière bicipitale entre trochin et trochiter, en imprimant au MS des petits mouvements d’abduction et d’al-ternance de rotation.

Supra-épineux : en avant et en dessous du bec acromial, le MS en rétropulsion, adduc-tion et rotation médiale (main dans le dos).

Infra-épineux et petit rond : en arrière et en dessous de l’angle dorsal de l’acromion le ME en adduction, ante pulsion et rotation latérale

(le sujet tire son coude en adduction avec la main controlatérale).

Subscapulaire : doigt palpateur dans le sillon delto-pectoral en dehors du processus coracoïde, le MS en abduction et en rotation latérale.

Le testing musculaire isométrique

Nous ne citerons que le nom des muscles testés et non celui de l’auteur.

Le but est de déclencher la douleur dont souf-fre le patient ou de la focaliser lorsqu’elle est diffuse en lui demandant de réaliser une contraction musculaire isométrique contre résistance.

Long biceps (palm-up test)- Position : Le membre supérieur est en anté-

pulsion, coude en extension, dans le plan antéro-latéral.

- Résistance : exercée sur les paumes ou la face palmaire des poignets paume vers le haut.

Long biceps (technique 2)- Position : Pour mettre en tension le long bi-

ceps, le membre supérieur est amené par l’examinateur en rétropulsion, coude en ex-tension et pronation forcée, puis dans un deuxième temps, le sujet réalise activement le mouvement de l’uppercut en effectuant une antépulsion associée à une supination.

- Résistance : Excercée sur la face palmaire de la main, l’examinateur empaume le pou-ce du patient.

Supra-épineux 1- Position : Le membre supérieur, coude en

extension, est positionné dans le plan anté-rolatéral à 30° du plan frontal.

- Résistance : Exercée sur la face dorsale du poignet.

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Supra-épineux 2- Position : Le membre supérieur, coude en

flexion et main sur l’épaule controlatérale, est positionné en antépulsion.

- Résistance : Excercée sur le coude.

Infra-épineux et petit rond : (R1= coude au corps)- Position : Le membre supérieur en adduc-

tion, coude au corps fléchi à 90°.- Résistance : Excercée sur la face dorsale du

poignet, le patient exerce une force en rota-tion latérale.

Infra-épineux et petit rond : (R2=bras en abduction à 90° coude fléchi)- Position : Le membre supérieur en abduc-

tion, coude fléchi à 90°, reposant sur la main de l’examinateur.

- Résistance : Excercée sur la face dorsale du poignet, le patient exerce une force en rota-tion latérale le conduisant à la réalisation du salut fasciste.

Subscapulaire 1- Position : Le membre supérieur en adduc-

tion, coude au corps fléchi à 90°, la face palmaire de la main appliquée sur le ventre du patient en position péri-ombilicale.

- Résistance : exercée sur la face médiale ou palmaire du poignet, le patient exerce une force en rotation médiale.

Subscapulaire 2- Position : Le membre supérieur en adduc-

tion, coude fléchi à 90°, face dorsale de la main en contact avec les fesses.

- Résistance : Excercée sur la face palmaire de la main, le patient exerce une force en rotation médiale maximum afin de décoller la main des fesses.

Rappelons que le diagnostic de tendinopa-thie repose sur l’association de trois signes cliniques :

- Douleur lors de la contraction isométrique,- Douleur lors de l’étirement passif du muscle,- Douleur à la palpation de la fixation osseuse

du tendon (l’enthèse).

Recherche d’une instabilité

Ce dysfonctionnement instable peut s’asso-cier à une lésion du labrum :- Le signe de l’armé : Mise en position de

l’armé, l’examinateur effectue une poussée de la tête humérale vers l’avant, ce qui dé-clenche une sensation d’instabilité.

- Recherche d’un glissement antéro-posté-rieur de la tête par rapport à la glène.

- Recherche d’un abaissement vertical de la tête par rapport à la glène (signe du sulcus) en exerçant une traction vers le bas au ni-veau du coude.

Recherche d’une neuropathie tronculaire

Atteinte du nerf du dentelé antérieur (M : dentelé antérieur). Le patient exécute un mou-vement de pulsion antérieure sur les mains soit debout face à un mur soit au sol (pompe) : Recherche d’un décollement de la scapula.

Atteinte du nerf sus-scapulaire : Le patient exécute une rotation latérale des deux bras, coude au corps fléchi à 90°, mettant en évi-dence un déficit de l’infra- et du supra-épineux.

Atteinte du nerf axillaire : Outre l’hypo- ou l’anesthésie du moignon de l’épaule, le sujet présente un déficit du deltoïde et du petit rond.

Après avoir éliminé une origine rachidienne devant l’absence de syndrome cellulo-téno-myalgique et de dysfonction segmentaire ra-chidienne, l’enquête étiologique s’oriente vers une origine articulaire ou périarticulaire par la réalisation d’un examen programmé qui sera complété par la recherche d’un syndrome myofascial ou canalaire.

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L’examen programmé du coude

La douleur est latérale

La pression du relief osseux épicondylien la-téral associé à la recherche d’une douleur à la contraction isométrique et à l’étirement pas-sif des extenseurs, surtout le court extenseur radial du carpe (ex- deuxième radial) en foca-lisant la résistance sur le troisième métatar-sien évoque le classique tennis-elbow en rapport avec une enthésopathie des exten-seurs des doigts et du poignet.

La pression de l’interligne articulaire huméro-radiale et/ou de la tête radiale associée à une limitation de l’extension avec ou sans bruit articulaire, et/ou épanchement rénitent, est en faveur d’une arthropathie huméro-radio-ulnaire (ex. maladie de la tête radiale).

Mais la pression exercée sur le col du radius dans un contexte de douleur sourde accom-pagnée de paresthésies, volontiers nocturne de type neuropathique complétée par des manœuvres inconstamment positives telle la recherche d’un déficit de l’extension des mé-tacarpo-phalangiennes lors d’un mise en ex-tension passive du poignet amènera à de-mander un électromyogramme pour incriminer une éventuelle compression de la branche postérieure du nerf radial.

La douleur est médiale

Douleur à la face antérieure de l’épicondyle médial et douleur à la contraction isométrique des fléchisseurs et du pronateur du poignet sont en faveur de l’ex-épitrochléite.

Mais qu’elle soit latérale ou médiale, il est im-portant d’éliminer des douleurs d’origine liga-mentaire latéral ou médiale post-traumatique par des mouvements de valgus ou de varus.

La douleur est postérieure

La ténopériostite du triceps brachial s’expri-me par une douleur à l’extension contrariée et survient dans un contexte de microtrauma-tisme professionnel ou sportif.

La douleur est antérieure

Il est facile mais rare d’évoquer le diagnostic de tendinopathie du biceps par la flexion et supination contrariée de l’avant-bras.

Quelle place pour les syndromes canalaires ?

Les neuropathies périphériques d’origine ca-nalaire se définissent comme une altération des fonctions sensitives et/ou motrices d’un nerf dû à sa compression par une structure de voisinage.

Etroitesse des défilés, expositions profession-nelles ou sportives à des microtraumatismes répétés, modifications posturales, déforma-tions osseuses, facteurs hormonaux et vascu-laires, sans être exhaustif, sont des facteurs favorisant l’apparition de ces neuropathies.

L’électromyogramme est essentiel pour com-pléter l’examen clinique qui s’acharnera à déclencher les paresthésies par des manœu-vres spécifiques de sensibilisation.

A un stade précoce, la compression n’a de ré-percussion que sur la gaine de myéline et la vitesse de conduction sensitive peut être ralen-tie uniquement lors des manœuvres de sensi-bilisation ischémiantes ou des épreuves d’ef-fort. Mais ce ne sont souvent que les potentiels évoqués qui sont significatifs à ce stade.

Ultérieurement, l’atteinte est mixte, associant une atteinte myélinique plus ou moins com-

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plète à une atteinte axonale. Le ralentissement de la vitesse de conduction nerveuse en re-gard de la zone de compression est caracté-ristique. Les signes de dénervation s’évaluent par la présence de potentiels spontanés.

Au stade ultime, la dégénérescence axonale est sévère avec la présence de potentiels spontanés de dénervation et une VCN profon-dément altérée, voire inexistante.

Nerf médian

Douleurs et paresthésies, voire hypoesthésies à la face palmaire de l’avant-bras et de la main, majorées à l’effort doivent évoquer une compression du nerf médian :- en regard de l’arcade de Struthers par la

manœuvre de sensibilisation en flexion contrariée à 130°,

- en regard de la traversée du rond pronateur lors de la flexion du poignet combinée à la pronation contrariée,

- en regard de la traversée du fléchisseur commun superficiel lors de la flexion contra-riée des doigts.

Le syndrome du nerf interosseux antérieur plus rare s’exprime par une douleur du tiers proximal de l’avant-bras et précède l’installa-tion d’un déficit du long fléchisseur propre du pouce et du fléchisseur profond de l’index. L’atteinte du carré pronateur est plus délicate à mettre en évidence.

Nerf ulnaire

Fréquentes, elles s’expliquent par la vulnéra-bilité de ce nerf dans le tunnel ostéofibreux et sa sensibilité cinétique lors des mouvements.

Les troubles de la sensibilité se manifestent sur le bord médial de l’avant-bras et de la main, alors que pour la motricité, selon le ni-

veau de l’atteinte, les premiers signes sont avant tout une maladresse ou une faiblesse de la main notamment lors de l’effection de mouvements fins.

Dans la gouttière épitrochléo-olécranienne, le nerf est aisément palpable et l’on peut aisé-ment réaliser la manœuvre de sensibilisation en plaçant le coude en hyperflexion, poignet en extension et épaule en élévation totale.

Nerf radial

Moins fréquente que les précédentes, l’at-teinte de ce nerf au niveau du coude concerne essentiellement le tunnel radial ou syndrome du court supinateur, où l’on décrit la classique arcade de Fröhse, touchant la branche posté-rieure motrice.

L’examen programmé du poignet

Eliminer une étiologie rachidienne cervico-thoracique est, dans cette localisation aussi, l’étape diagnostique initiale.

Le démembrement de l’origine articulaire pé-riphérique impose une rigueur dans l’examen programmé.

Traiter un poignet impose d’avoir toujours en mémoire la notion de pathologie locorégio-nale où coude, main et chaîne digitale occu-pent une place de premier plan.

Si reconnaître une tendinopathie par la palpa-tion du tendon (douleur, empâtement d’une ténosynovite ou nodule), la contraction iso-métrique sensibilisée par un travail en course externe excentrique associée à la mise en po-sition d’étirement passif est aisée, il n’en est pas de même d’en trouver l’étiologie. Cette dernière peut être le résultat d’une technopa-thie sportive ou d’une activité inhabituelle de

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jardinage ou de bricolage, mais elle peut im-pliquer la chaîne fonctionnelle mettant en ac-tion une ou plusieurs articulations. Les trou-bles musculo-squelettiques professionnels sont d’une grande fréquence au niveau du coude et du poignet, en raison avant tout, au travail sur ordinateur et aux déséquilibres posturaux associés aux situations de stress.

La structure morcelée, en mosaïque, du sque-lette du poignet impose une stabilisation liga-mentaire spécifique qui doit gérer la tendance à la subluxation ulnaire ou palmaire, la constance de la distance base du troisième métacarpien – extrémité distale du radius pour prévenir les modifications de longueur des muscles extrinsèques de la main lors du passage de la flexion à l’extension du poignet. Dans ce mécanisme régulateur de longueur interviennent le scaphoïde dans le plan fron-tal et le lunatum dans le plan sagittal. Il est donc aisé d’admettre la difficulté de simplifier les techniques manuelles habituellement réa-lisées à la manipulation isolée du lunatum…

Ne seront abordées que les algies qui peu-vent bénéficier d’un traitement manuel. La fracture du scaphoïde, la maladie de Kien-bock ou la fracture de l’hamulus de l’hama-tum (sans se restreindre à ces seules attein-tes traumatiques) sont des pathologies à éliminer systématiquement par un bilan d’imagerie adapté.

Il est indispensable de conserver une grande vigilance face aux séquelles douloureuses des traumatismes du poignet, les plus classi-ques se produisant en flexion dorsale. Les entorses génèrent des instabilités dont le trai-tement est délicat et surtout pas manipulatif, la laxité étant une des principales contre-indi-cations à cette technique. Mais la médecine manuelle ne se résume pas à cette seule pra-tique, et les manœuvres neuromusculaires trouvent leur place en complément à l’immo-bilisation puis lors de la période rééducative.

La douleur est médiale, ulnaire

Outre les séquelles d’entorse du plan ligamen-taire médial, la tendinopathie du fléchisseur ulnaire du carpe sera suspectée au décours de mouvement de martelage ou de peinture, sans parler des technopathies sportives.

Complexe à traiter est la douleur de la tête ulnaire qui survient après un week-end de bûcheronnage où se trouvent incriminés l’ar-ticulation radio-ulnaire distale, le disque ra-dio-carpien et les tendons du fléchisseur ul-naire du carpe et surtout de l’extenseur ulnaire du carpe.

La douleur est latérale, radiale

Si sur le plan propédeutique, il est aisé de dis-tinguer l’aï crépitant (ou syndrome de l’intersec-tion) et la ténosynovite de De Quervain, cela est parfois plus délicat en pratique quotidienne.

L’aï crépitant traduit une bursite en regard du croisement des tendons des radiaux et des tendons du long abducteur et du court exten-seur du pouce. Outre la sensation crépitante l’extension du poignet est douloureuse.

La ténosynovite de De Quervain est la classi-que synovite sténosante des tendons du long abducteur et du court extenseur du pouce. Leur atteinte siège au niveau du canal ostéo-fibreux du carpe en regard de la styloïde ra-diale, dont la symptomatologie douloureuse est réveillée par la manœuvre de Finkelstein.

La douleur est dorsale

Un piège classique est la phase initiale de la formation d’un kyste synovial.

La ténosynovite des extenseurs est le plus souvent liée à l’épicondylalgie latérale.

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La douleur est palmaire

Plus rare, elle peut être due à une tendinopa-thie mais aussi à un syndrome canalaire.

Le syndrome du canal carpien

Monument de la médecine, ce thème est dé-veloppé dans un autre chapitre.

La recherche d’un syndrome myofascial périphérique

Exceptionnellement isolé, il doit être évoqué lors de la négativité de la recherche d’une étiologie rachidienne ou articulaire.

L’interrogatoire est fondamental à la recherche d’un syndrome postural professionnel, sportif, de loisir, voire accidentel tel le port de béquille, l’analyse du poste de travail (maniement de la souris…) sans oublier d’interroger le conjoint sur les positions lors du sommeil…

L’examen soigneux cherche à déceler une hy-po-extensibilité, à détecter le point détente

qui déclenchera la douleur projetée spécifi-que de ce syndrome.

Naturellement le tennis est pourvoyeur de syndrome myofascial du supinateur, mais il peut être déclenché par un mouvement de torsion, (tournevis, ouverture de porte difficile avec une poignée grippée…) (fig. 20).

l’origine viscérale [2, 3, 17]

L’expression de la souffrance d’un organe par une douleur projetée à la surface du corps est la base de notre enseignement de séméiolo-gie clinique. La douleur scapulaire de la coli-que hépatique est une des plus connues. L’explication de cette manifestation est clas-siquement rattachée aux connections entre innervation somatique et viscérale.

Comme le dit Rabischong, “La peau est le mi-roir fonctionnel des organes”. Mais si l’inner-vation somatique est classiquement métamé-rique, malgré la disposition plexuelle en regard des membres, l’élément de référence étant le nerf spinal, il n’en est pas de même de l’innervation viscérale.

fig. 20 : syndrome myofascial du supinateur

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Les organes reçoivent un contingent nerveux afférent et efférent qui s’intègre dans une orga-nisation métamérique et transmétamérique :- les centres parasympathiques existent aux

deux extrémités du névraxe (tronc cérébral et colonne intermédio-ventrale sacrée),

- le sympathique se localise dans le tractus intermédio-latéralis au niveau de la moelle de C8 à L2.

Au niveau du membre supérieur nous insis-terons sur les projections scapulaires des souffrances des organes thoraciques ou ab-dominaux.

Le phénomène de convergence spatiale neu-rologique sur les métamères C4 et C5 est un exemple impliquant le nerf phrénique (fig. 21).

Le nerf phrénique est issu du plexus cervical profond, son émergence radiculaire se trouve en regard de la 4e racine cervicale, il reçoit aussi une anastomose de la 5e racine. Il se trouve en position relativement superficielle au niveau cervical durant son trajet en avant du scalène antérieur (point de massage dans le hoquet).

Moteur du diaphragme, il innerve sur le plan sensitif les trois séreuses, plèvre, péricarde et péritoine.

La douleur thoraco-scapulaire du pneumo-thorax ou de la péricardite est un classique de la sémiologie clinique. Les patients ayant subi une cœlioscopie abdominale expriment fré-quemment une sensation de douleur scapu-laire en rapport avec le pneumopéritoine.

Le côté gauche est le témoin privilégié de la souffrance cardiaque.

Dans le cadre des algies brachiales, des in-terférences dentaires peuvent majorer des manifestations de souffrances tendineuses de l’épaule ou du coude.

Il est intéressant de les évoquer devant des douleurs inexpliquées.

Notre objectif n’est pas d’établir un catalogue de ces affections mais de donner au théra-peute manuel des informations concernant ce domaine méconnu.

Les foyers dentaires [2]

Les interférences somatiques, dites à dis-tance, de la pathologie de la sphère odonto-gnathiques, sont abordées dans de nom-breux traités, souvent anciens mais toujours d’actualité.

Dès les premiers âges de la médecine, on évoquait la dent de l’œil, plus tard les infec-tions focales dentaires ont été impliquées dans certaines cardiopathies.

fig. 21 : nerf phrénique

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Il est important de garder en mémoire l’omni-présence du système nerveux, organe central intégrateur de cette pathologie. Les informa-tions transmises pour les différents capteurs (terminaison libre, pulpaire, dentinaire, des-modontal, gingival, capsulaire, organe tendi-neux de Golgi, fuseau neuromusculaire) se-ront décryptées, analysées, intégrées aux différents étages de la sensibilité.

Les foyers dentaires réactogènes, désignés selon les auteurs et le pays par des appella-tions différentes : épines irritatives, infection focale, sont responsables de pathologies à distance de leur loge anatomique.

Les manifestations cliniques sont réveillées, potentialisées ou révélées le plus souvent par l’atteinte odontologique. Un exemple, classi-que en pathologie sportive, est celui de la ten-dinopathie du supra-épineux qui est amélio-rée par le traitement d’un foyer dentaire. Si l’épine irritative dentaire en est le facteur ré-vélateur, elle n’en est pas le facteur étiologi-que. En effet, l’analyse fine du tendon met en évidence une fragilité, en terme de surcharge mécanique, mis en évidence par la sensibilité à la palpation de l’insertion humérale du ten-don ou réveillée par la contraction isométri-que et l’étirement passif. En l’absence d’at-teinte dentaire cette pathologie aurait pu rester quiescente ou se révéler a posteriori.

Leur polymorphisme, leur variété, leur dispa-rité font penser à une véritable auberge espa-gnole où tout médecin, quelle que soit sa spécialité, peut apporter son histoire de chas-se, retraçant une pathologie disparue après soin dentaire de la dent causale.

Les manifestations cliniques

Totalement atypique et aspécifique tant dans leur symptomatologie que dans leur topographie.

Le terme d’auberge espagnole traduit ce po-lymorphisme qui plaide pour la théorie patho-génétique de la stimulation trigéminale où interviendrait une sommation temporelle et spatiale, avec une éventuelle intervention de la stimulation des franges liminaires.

La lésion dentaire ne serait qu’un révélateur, un potentialisateur d’une pathologie préexis-tante mais quiescente.

Le symptôme prédominant est essentielle-ment la douleur qui peut se manifester dans la sphère rhumatologique (arthropathie, en-thésopathie), neuro-sensorielle (asthénie, vertiges…).

Mais pour Orsatelli, dans sa thèse, tous les domaines semblent être atteints.

Sur le plan rhumatologique, la symptomatolo-gie prédomine sur la partie supérieure du corps et le rythme marque une recrudescence de fin de nuit, une prédominance matinale et une atténuation vespérale.

Ce dernier caractère est néanmoins plus typi-que d’une pathologie localisée à l’ATM.

Le diagnostic

La difficulté majeure repose sur le fait que la dent ou la loge alvéolo-dentaire incriminée est rarement algique car dévitalisée, d’où les égarements de diagnostic.

L’approche sera d’abord radiographique et sera complétée par des tests cliniques.

En effet, il est rare de retrouver d’emblée une fistule para-apicale, un chicot inflammatoire, une perte de couronne ou d’amalgame, ou une fracture dentaire.

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Le panoramique dentaire

Indispensable pour le débrouillage car il don-ne une vision d’ensemble des arcs maxillaires et mandibulaires ainsi qu’un aperçu global des ATM.

La numérotation des dents définitives est as-surée par deux chiffres accolés :Le premier définit le quadrant :1) quadrant maxillaire droit,2) quadrant maxillaire gauche,3) quadrant mandibulaire gauche,4) quadrant mandibulaire droit.

Le second numérote les dents de 1 à 8, de l’incisive centrale à la dent de sagesse.Les images retenues sont nombreuses :- foyer d’alvéolyse localisée (apical, para-

apical),- élargissement de l’espace osseux péri odontal,- fracture radiculaire,- dents incluses,- défaut ou dépassement de la pâte d’obtu-

ration,- effraction radiculaire avec réaction des mu-

queuses,- matériaux thérapeutiques inclus.

Une collaboration étroite entre le médecin et le chirurgien-dentiste est indispensable, ce dernier pouvant focaliser les clichés par des incidences rétro-alvéolaires et interpréter les images obtenues.

Les tests thérapeutiques

Nous ne détaillerons que les plus objectifs car, parmi la batterie de tests proposée par certains praticiens, nombreux sont d’appré-ciation subjective.

Il s’agit d’une phase délicate, car elle seule per-met d’établir le lieu de causalité entre les deux affections (dentaire et somatique à distance).

Le test au froid - La pulvérisation sur un cy-lindre de coton d’un gaz cryogénique jusqu’à l’obtention du phénomène de givrage sera suivie de l’application immédiate sur la dent suspectée.

Trois réactions peuvent être obtenues :- aucune modification de la manifestation al-

gique à distance,- aggravation de la symptomatologie,- sédation ou disparition de la symptoma-

tologie.

Les deux dernières sont transitoires et sont considérées comme positives.

L’anesthésie locale - À l’aide d’anesthési-ques locaux qui bloqueront la propagation de l’influx nerveux par la réduction de la per-méabilité des membranes.

Les modalités d’applications :- Soit sur la muqueuse gingivale autour ou à

la base du foyer suspecté.- Soit en para-apical ou en transosseux.

Les résultats obtenus sont comparables aux précédents (Test au froid) mais la durée des effets est supérieure.

Hunneke a appliqué et développé cette ap-proche à d’autres domaines que la sphère dentaire.

Les tests dits subjectifs - Nous les citerons sans les détailler.- Testing kinésiologique ou test d’inhibition

motrice : Élaboré par Goodheart aux U.S.A., développé par Walthers, cette discipline étu-die les variations du tonus musculaire en induisant, chez le patient ou en reproduisant des circuits pathologiques qui abaissent la force musculaire.

- Variations du pouls : Modification du pouls radial lors de la reproduction du circuit pa-thologique (focalisation thérapeutique).

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Le traitement - Il s’efforce d’être conserva-teur et utilise toutes les ressources de l’art dentaire.

Son efficacité se juge sur la disparition des signes à distance, souvent précédée d’une période d’aggravation.

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