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IVRY PATRIMOINE Nouvelles et chroniques Association Les Vieilles Pierres 5 rue Henri IV 27540 Ivry La Bataille Page 21 Conches-en-Ouche une ville médiévale Comme Ivry-la-Bataille, Conches-en-Ouche petite bourgade de l’Eure située à l’Ouest d’Evreux fut un territoire maintes fois convoité au Moyen-Age. Son histoire ainsi que celle de son château est mêlée aux mêmes évènements et à l’histoire des plus illustres personnages du royaume. Nous nous devions donc d’y consacrer une sortie d’une demi-journée pour mieux connaître son histoire et pouvoir en apprécier l’influence et l’importance jusqu'au XIX e siècle. Accueillis par le guide de l’office du tourisme en ce bel après-midi d’avril, nous sommes immédiatement plongés dans le contexte historique de la ville avec l’évocation de son origine et la signification des coquilles qui figurent comme symbole sur le blason. A l’origine le lieu se nommait Castellio en latin médiéval en raison de la présence sur place de plusieurs camps gallo-romain. C’est en 1067, après un voyage à Saint Jacques de Compostelle durant lequel les seigneurs de Tosny volèrent et ramenèrent les reliques de Sainte Foy (jeune fille martyrisée à Agen au IVe siècle et honorée à Conque 1 ) que la cité dont Raoul 1 er de Tosny avait héritée et où il avait construit une forteresse en 1034 fut rebaptisée. Quant au blason, fond or avec une bande azur sur laquelle figurent 3 coquilles, il rappelle que la cité est liée depuis cette époque au pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle et que les pèlerins qui passaient par rapportaient des coquilles qu’ils mettaient volontiers à leur chapeau ou à leur « pèlerine ». Ces explications données nous entamons sans tarder la visite des vestiges du château situé juste à côté de l’office du tourisme. Nous sommes tout de suite impressionnés par le volume imposant de son donjon entouré de cinq tours qui s’élèvent sur une motte. Erigé à la fin du XI ème siècle par Roger III de Tosny, seigneur de Conches et petit-fils de l’oncle de Rollon, la forteresse est ceinte de remparts et de tours flanquées. La forteresse se distingue par son aspect compact et ses formes rondes accentuées par l’émergence d’un immense donjon circulaire. L’enchevêtrement de courbes, très efficace pour le système de défense, n'est cassé que par un curieux pan de mur avec un fruit abrupt aux angles chanfreinés qui sert d’assise à l’une des tours. Avant de poursuivre ses explications notre hôte nous informe que l’épaisseur des murs est de 2.60m et que le donjon s’élève sur trois niveaux puis décrit ce qui subsiste du système de défense. Comme à Ivry, les tours ont été arasées aussi il est impossible de savoir si elles possédaient un crénelage avec des mâchicoulis. Par contre ce qu’il en reste permet de visualiser les différentes ouvertures. Nous sommes captivés par les hautes archères droites qui ornent l’une des imposantes tours. Nous sommes également surpris par le contraste de conception qui existe pour chacune des autres tours : l’une possède des archères plus petites tandis qu’à l'opposé une autre tour arbore fièrement une archère dite canonnière. Ces différences s’expliquent par les différentes transformations du château au fil des siècles et aux adaptations du système défensif à l’évolution de l’armement tout au long du moyen-âge. Les plus petites avec un embrasement faible /* En langue d’oc, Conques se prononce couques et signifie Coquille. Le ville de Couques ou Conque est devenu Conques en Rouer gue qu’en 2016

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Page 1: Conches-en-Ouche une ville médiévale...IVRY PATRIMOINE Nouvelles et chroniques Association Les Vieilles Pierres 5 rue Henri IV 27540 Ivry La Bataille Page 21Conches-en-Ouche une

IVRY PATRIMOINE Nouvelles et chroniques

Association Les Vieilles Pierres 5 rue Henri IV 27540 Ivry La Bataille Page 21

Conches-en-Ouche une ville médiévaleComme Ivry-la-Bataille, Conches-en-Ouche petite

bourgade de l’Eure située à l’Ouest d’Evreux fut un

territoire maintes fois convoité au Moyen-Age. Son

histoire ainsi que celle de son château est mêlée aux

mêmes évènements et à l’histoire des plus illustres

personnages du royaume. Nous nous devions donc d’y

consacrer une sortie d’une demi-journée pour mieux

connaître son histoire et pouvoir en apprécier l’influence

et l’importance jusqu'au XIXe siècle.

Accueillis par le guide de l’office du tourisme en ce bel

après-midi d’avril, nous sommes immédiatement

plongés dans le contexte historique de la ville avec

l’évocation de son origine et la signification des coquilles

qui figurent comme symbole sur le blason. A l’origine le

lieu se nommait Castellio en latin médiéval en raison de

la présence sur place de plusieurs camps gallo-romain.

C’est en 1067, après un voyage à Saint Jacques de

Compostelle durant lequel les seigneurs de Tosny

volèrent et ramenèrent les reliques de Sainte Foy (jeune

fille martyrisée à Agen au IVe siècle et honorée à

Conque1) que la cité dont Raoul 1er de Tosny avait

héritée et où il avait construit une forteresse en 1034

fut rebaptisée. Quant au blason, fond or avec une bande

azur sur laquelle figurent 3 coquilles, il rappelle que la

cité est liée depuis cette époque au pèlerinage de Saint

Jacques de Compostelle et que les pèlerins qui

passaient par là rapportaient des coquilles qu’ils

mettaient volontiers à leur chapeau ou à leur

« pèlerine ».

Ces explications données nous entamons sans tarder la

visite des vestiges du château situé juste à côté de

l’office du tourisme. Nous sommes tout de suite

impressionnés par le volume imposant de son donjon

entouré de cinq tours qui s’élèvent sur une motte.

Erigé à la fin du XIème siècle par Roger III de Tosny, seigneur de Conches et petit-fils de l’oncle de Rollon, la

forteresse est ceinte de remparts et de tours flanquées. La forteresse se distingue par son aspect compact

et ses formes rondes accentuées par l’émergence d’un immense donjon circulaire. L’enchevêtrement de

courbes, très efficace pour le système de défense, n'est cassé que par un curieux pan de mur avec un fruit

abrupt aux angles chanfreinés qui sert d’assise à l’une des tours. Avant de poursuivre ses explications notre

hôte nous informe que l’épaisseur des murs est de 2.60m et que le donjon s’élève sur trois niveaux puis

décrit ce qui subsiste du système de défense. Comme à Ivry, les tours ont été arasées aussi il est

impossible de savoir si elles possédaient un crénelage avec des mâchicoulis. Par contre ce qu’il en reste

permet de visualiser les différentes ouvertures. Nous sommes captivés par les hautes archères droites qui

ornent l’une des imposantes tours. Nous sommes également surpris par le contraste de conception qui

existe pour chacune des autres tours : l’une possède des archères plus petites tandis qu’à l'opposé

une autre tour arbore fièrement une archère dite canonnière. Ces différences s’expliquent par les

différentes transformations du château au fil des siècles et aux adaptations du système défensif à

l’évolution de l’armement tout au long du moyen-âge. Les plus petites avec un embrasement faible …/…

* En langue d’oc, Conques se prononce couques et signifie Coquille. Le ville de Couques ou Conque est devenu Conques en Rouergue qu’en 2016

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Association Les Vieilles Pierres 5 rue Henri IV 27540 Ivry La BataillePage 22 e-mail : [email protected]

correspondent à la construction d’origine (1034), celles qui ont une forme cruciforme avec à la base une

ouverture ronde date du XVe siècle pour des petits canons qui faisaient leur apparition, tandis que les autres

s’apparentent aux modifications apportées au XIIe siècle après la guerre des Belles Dames qui opposait les

Seigneurs de Tosny (Conches) aux Seigneurs de Breteuil, de Beaumont et d’Evreux qui eut pour

conséquence d’endommager considérablement la forteresse. Il est fort probable que cette restructuration fut

réalisée après la prise en possession du château par Philippe Auguste en 1199.

L’accès au donjon étant interdit pour raison de sécurité,

notre guide nous en fait la description au fur à mesure

que nous en faisons le tour par un chemin étroit au pied

des murailles. Bien qu’extérieurement cette tour

maîtresse ait perdu beaucoup de sa prestance, on

ressent et comprend qu’elle put être un habitat luxueux.

Elle est construite sur trois niveaux en moellons silex

enduit d’une couche de mortier mélangé de chaux et de

sable fin qui lui donne une apparence noble. Au rez-de-

chaussée, sans fenêtre, figuraient les réserves. Au

premier, un puits central servait à alimenter le château en

eau potable jusqu’en 1849 date où il fut vidé. Le restant

de l’espace avait vocation de pièce commune intégrant la

cuisine et d’autres services. A l’étage supérieur s’élevait

la grande salle seigneuriale qui se distingue par les

vestiges de grandes fenêtres amenant abondamment de

la lumière et permettant d’avoir une vue sur les environs.

En regardant avec attention on peut apercevoir, de loin,

l’emplacement des poutres du plafond qui coiffait

l’ensemble. La desserte des différents niveaux s’effectuait

par un escalier dissimulé dans l’épaisseur des murs et le

confort était assuré par d’imposantes cheminées.

Poursuivant notre chemin nous quittons progressivement

le domaine du château pour nous retrouver sur le haut

des remparts urbains construits durant la deuxième partie

du moyen-âge et restaurés par les bénévoles de

l’association CHAM** en 2015.

** CHAM Chantiers Histoire et Architecture Médiévale

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Association Les Vieilles Pierres 5 rue Henri IV 27540 Ivry La Bataille Page 23

De là nous pouvons voir la vallée du Rouloir, un petit affluent de l’Iton, autrefois jalonnée de divers moulins,

vannages et d’une importante tannerie qui participaient à la vie économique du pays. Derrière nous, dirigé

vers la vallée, se dresse la sculpture d’un sanglier. Bien que cela nous paraisse étrange et interroge bon

nombre d’entre nous cette représentation n’est pas singulière.

Le temps de quelques photos, nous voici repartis en direction de l‘église

Sainte Foy autre monument incontournable de Conches en Ouche.

Totalement reconstruit au XVIème siècle, l’édifice est une belle et

imposante construction en pierre de taille de 40,50m de longueur et de

15,30m de largeur avec un clocher, reconstruit en 1842, édifié en bois et

plomb qui s’élève à 56 mètres. Après en avoir fait le tour et avoir

contemplé les nombreux graffitis figurant sur les murs extérieurs nous

entrons dans l’édifice. Il comporte une nef à bas-côtés de sept travées, un

chœur de deux travées à collatéraux prolongeant ceux de la nef et une

abside à sept pans mais aucun transept. L’ensemble sobre et élancé est

de style gothique flamboyant. Seule la façade est mi gothique, mi

renaissance. Plus que par son architecture le lieu est remarquable par les

verrières qu’il rassemble. Elles sont un exemple rare de l’art des peintres

verriers du second et début du troisième quart du XVIIème siècle,

rattachées à l’atelier de Beauvais et à Romain Buron(2) qui signe ici ses

plus belles œuvres.

Elle nous rappelle que nous sommes en

pays aux origines celtiques et que ce

symbole est synonyme de courage et de

l’intrépidité. Représentation de la fougue

guerrière, le sanglier n’a peur de rien.

Associé au savoir, il représente aussi

l’intelligence et la ruse. Autant de

caractéristiques que l’on retrouve dans

l’attitude de ceux qui ont construit et fait

l’histoire de Conches.

En ressortant notre guide nous fait remarquer sur la place

de l'église, un parapet en pierre datant du XIVème qui

provient de l'ancien clocher, puis nous dirige vers un

bâtiment exceptionnel : l’hôtel Saint Jacques. Ancien

siège de la prévôté sous l’ancien régime, plus connu

alors sous le nom de Hôtel de Fougy, cette demeure est

une maison à colombage du XVe siècle construite sur

des caves souterraines à étages datant du XIe et XIIe

siècle. C’est l’occasion d’apprendre que la presque

totalité de la cité de Conches-en-Ouche est ainsi bâtie,

que chaque maison recèle des souterrains liés à l’histoire

de la ville des origines à nos jours et que ce que nous

allons découvrir est un privilège rare car nous sommes en

domaine privé. Nous y sommes accueillis par la

propriétaire qui nous fait un bref historique des lieux et

nous fait descendre, via une trappe dans le plancher,

dans les antres cachées.

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Ayant quitté cette atmosphère si particulière nous nous retrouvons

dans la cour de cette maison de maître et partageons, avant de partir,

quelques instants avec notre hôte qui nous explique avec passion tout

le travail et l’énergie qu’elle consacre pour conserver et entretenir le

site. De retour dans la grande rue nous traversons toute la ville pour

nous rendre à l’ancienne abbaye Saint Pierre et Saint Paul de

Chatillon de Conches aujourd’hui transformée en hôpital local.

Fondée sur l’emplacement d’un castrum romain par Tosny, premier

seigneur de Conches en 1035, elle fut détruite à la révolution. En

surface, seul subsiste un bâtiment de l’hostellerie avec sur le côté des

arcs-boutants, des colonnes du cloître du XIVe siècle et la porte de

l’église abbatiale du XIIe siècle. En revanche, le sous-sol nous

réserve quelques surprises avec un ensemble de trois souterrains

dissimulés sous le cloître et au pourtour de l’abbatiale. Nous

pénétrons dans l’un deux par un petit escalier situé à l’extrémité Est

du bâtiment de l’Hôtellerie. Nous sommes de suite surpris par la

beauté et la grandeur de ce souterrain. Positionné à 5 mètres de

profondeur il s’étend de façon rectiligne sur 31 mètres de long. La

voûte de la galerie est en arc d’ogive avec de grosses moulures.

L’escalier est raide et étroit et il faut vraiment se baisser pour accéder dans une première grande salle

entièrement voûtée, soutenue en son centre par un unique pilier. Nos yeux sont ébahis et en un instant nous

sommes transportés dans un autre monde et semblons tous être revenus dans un temps ancestral où l’on

s’attend à être surpris par un seigneur, un moine ou un garde. Chose pas tout à fait irréaliste puisque la salle

de garde où nous nous trouvons fut tour à tour cellier, refuge, chapelle et que les autres, étagées sur

plusieurs niveaux, furent tour à tour cellule, oubliette, salle de torture. Dissimulé au fond d’une galerie nous

découvrons l’accès à une glacière située en contrebas. Nombre de graffitis sur les parois des galeries qui

relient les différents espaces témoigne d’un passé riche mais hélas pas toujours serein.

Au sortir de ces lieux nous prenons congé de notre guide mais nous ne

quittons pas Conches sans nous rendre au musée du verre de la ville créé en

1996 et qui rend hommage à l’un des plus illustres maîtres verriers né et

ayant vécu à Conches, François Décorchemont, mais offre également à

travers une exposition permanente présentant l’évolution de l’art verrier de

l’art nouveau à l’esthétique des années 1950. Nous découvrons ainsi les

verreries de Gallé, Legras et Loêtz pour l’Art nouveau, Daum, Thuret et

Navarre pour les années 1950 et bien sûr le vitrail du XXe siècle avec les

vitraux en pâte de verre ou en dalle de verre de : François Décorchemont,

Gabriel Loire et Henri Guérin etc.

De part et d’autres 17 niches sont réparties. Faisant certainement office de cellier, cet ensemble aurait jadis

communiqué avec un autre souterrain également en voûte ogivales mais plus large et plus haut faisant

office de pressoir. Quelques graffitis sur les murs nous rappellent que l’histoire des lieux ne s’est pas

arrêtée avec la destruction de l’abbaye mais s’est poursuivie jusqu’à la dernière guerre mondiale où

l’ensemble des caves a servi de refuge.

Malgré l’intérêt que nous portons à ce que nous voyons il nous faut songer rentrer. C’est donc avec un

certain regret de ne pas avoir pu tout approfondir que nous quittons Conches et rentrons sur Ivry.

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