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__________________________________ © 2000 - École des Hautes Études Commerciales (HEC), Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Chaire d’entrepreneurship Maclean Hunter n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs Copyright Cette conférence a été présentée lors du Congrès de l'Association des Directeurs généraux des Commissions scolaires du Québec (ADIGECS) «L'AN II - La vision : entre le rêve et la réalité, qui s'est tenue au Château Vaudreuil du 17 au 20 mai 2000. Concevoir et mettre en œuvre une vision inspirante en milieu scolaire 1 par Louis Jacques FILION Cahier de recherche n o 2000-06 Mai 2000 ISSN : 0840-853X 1 Ce cahier reprend partiellement la première partie du cahier de recherche n o 94-10-02 intitulé «Compétence à concevoir et espace de soi : éléments de soutien au système d'activités entrepreneurial», ainsi que partiellement une partie du cahier de recherche n o 96-09-01 intitulé «Partage de la vision : réflexions préliminaires»

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© 2000 - École des Hautes Études Commerciales (HEC), Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Chaire d’entrepreneurship Maclean Hunter n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs

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Cette conférence a été présentée lors du Congrès de l'Association des Directeurs généraux des Commissions scolaires du Québec (ADIGECS) «L'AN II - La vision : entre le rêve et la réalité, qui s'est tenue au Château Vaudreuil du 17 au 20 mai 2000.

Concevoir et mettre en œuvre une vision inspirante en milieu scolaire1

par Louis Jacques FILION Cahier de recherche no 2000-06 Mai 2000 ISSN : 0840-853X

1 Ce cahier reprend partiellement la première partie du cahier de recherche no 94-10-02 intitulé «Compétence à concevoir et espace de soi : éléments de soutien au système d'activités entrepreneurial», ainsi que partiellement une partie du cahier de recherche no 96-09-01 intitulé «Partage de la vision : réflexions préliminaires»

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CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE UNE VISION INSPIRANTE EN MILIEU SCOLAIRE

RÉSUMÉ Cette conférence comprend trois parties. La première porte sur la conception d’une vision. La deuxième partie suggère des pistes pour la conception et le partage d’une vision inspirante et mobilisatrice en milieu scolaire. Quelques modèles de pensée systémique sont suggérés pour aborder la réflexion et l’échange dans le contexte scolaire, un contexte complexe. Par exemple, quelques réflexions sont apportées quant à des pistes à considérer pour un conseil d’établissement qui doit élaborer un projet éducatif. La troisième partie aborde le partage et la mise en œuvre d’une vision inspirante et mobilisatrice dans les organisations de grandes dimensions à acteurs multiples comme c’est le cas d’une commission scolaire.

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CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE UNE VISION INSPIRANTE EN MILIEU SCOLAIRE

PROCESSUS VISIONNISTE ET CONCEPTION D’UNE VISION Une des compétences distinctives qui caractérise le dirigeant d’organisation réside dans sa capacité de conception. Cette personne conçoit et définit des contextes. Par exemple, pour l’entrepreneur, il s’agit de la place qu'il veut occuper dans le marché, puis le type d'organisation dont il a besoin pour arriver à occuper cet espace désiré. Cela s'appelle visionner (Filion, 1989; 1991a et b). L'étude de plus d’une centaine d’entrepreneurs dans une quarantaine de pays au cours des dernières décennies nous a amené à identifier le processus visionniste comme constituant le coeur et le cadre intégrateur du processus organisationnel des entreprises reconnues pour leur succès. C'est là que l'entrepreneur tire la racine de son système puis les fils conducteurs autour desquels il organise ses activités par la suite. Ces modèles ainsi que ces processus visionnistes sont maintenant utilisés massivement dans la gestion des organisations pour préparer divers types d’acteurs organisationnels à mieux se préparer à jouer leurs rôles de gestionnaires et de stratèges. Ils permettent de mieux comprendre l’ensemble dans lequel interagit leur organisation de même que les interrelations entre leur organisation et ses milieux. Ils servent surtout à fournir des fils conducteurs qui permettent de mieux se cibler des objectifs à atteindre. Ils peuvent aussi être utilisés en éducation. La vision est définie comme «une image projetée dans le futur de la place qu'on veut voir occupée par ses produits sur le marché ainsi que l'image projetée du type d'organisation dont on a besoin pour y parvenir» (Filion, 1991a : 109-110). On distingue trois catégories de visions : émergentes (idées de produits ou de services qu'on veut lancer), centrale (aboutissement d'une ou plusieurs visions émergentes) laquelle comprend deux composantes : externe, c'est-à-dire la place qu'on veut voir occuper par son produit ou service sur le marché, et interne, c'est-à-dire le type d'organisation dont on a besoin pour y parvenir. Les visions complémentaires sont des activités de gestion définies pour soutenir la réalisation de la vision centrale.

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Schéma 1 Trois catégories de visions

Le processus visionniste présenté ici résulte de la superposition du système d'activités des entrepreneurs étudiés à partir de l'approche de Checkland (1981) ainsi que par une méthodologie systémique que j’ai conçue à partir de l’approche de Checkland (Filion, 1999a). Ce processus comprend trois éléments moteurs et deux éléments de soutien à la vision lesquels ont tous des effets réciproques d'influence les uns sur les autres. Parmi les éléments de soutien, un de ces éléments, le système de relations, présente beaucoup plus d'importance que les autres. Nous commenterons d'abord les quatre autres éléments avant d'introduire l'élément principal, le système de relations.

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Schéma 2 Processus visionniste

Le concept de soi C'est la façon suivant laquelle on se perçoit, sa conscience d'être. Il est souvent associé aux modèles auxquels l'individu s'est identifié. Comme les valeurs, il n'est pas fixe. Il est continuellement renégocié compte tenu du contexte dans lequel on opère, de ce qu'on vit, expérimente et apprend. Le concept de soi constitue le fondement sur lequel va se construire le processus visionniste. On peut difficilement projeter ce qu'on veut devenir sans d'abord prendre conscience de ce qu'on est. C'est pourquoi l'un des premiers exercices dans le processus de développement d'une vision consiste-ra à décrire les éléments qui sont à la base de notre personnalité et qui conditionnent notre façon de voir la réalité : comprendre sa propre histoire, les valeurs et les modèles découlant des antécédents familiaux, des expériences de travail, de l'éducation formelle, de l'éducation informelle (lectures, voyages, cinéma, etc...), des croyances, du système de relations, etc...Ceci s’applique à tout dirigeant d’organisation, qu’il soit l’entrepreneur qui a créé son entreprise, le PDG d’une grande entreprise privée ou publique, le directeur ou la directrice générale d’une commission scolaire. Les exemples que nous apportons sont cependant essentiellement tirés de nos recherches sur les entrepreneurs. Ici, les modèles d'entrepreneurs ou de stratèges auxquels a été exposé le futur dirigeant semblent jouer un rôle déterminant. Jean Coutu, un pharmacien montréalais, a développé une chaîne de pharmacies qui représente l'un des plus grands groupes de commerce de détail développés par un seul homme dans l'histoire canadienne. Son grand-père paternel était hôtelier, son grand-père

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maternel, représentant de vente dans le domaine de l'alimentation, son père médecin. Lui-même a fait des études en médecine et en pharmacie. De par l'influence de son milieu familial, l'oeil à partir duquel il regarde le monde ressemble à celui d'un médecin commerçant ou plutôt à celui d'un commerçant du domaine de la médecine. Sa vision singulière de ce que peut devenir une pharmacie l'a amené à se différencier complètement du pharmacien traditionnel (Filion, 1990a). La dimension de l’époque dans sa vie où cette conception de soi et de son rôle que l'entrepreneur définit pour lui-même aura été déterminée influencera aussi la mise en place du processus visionniste. Plus il est jeune lorsqu'il décide ce qu'il fera, plus il se donne du temps pour réfléchir à ce qu'il veut faire, à ce qu'il veut devenir, plus cela lui permet de mieux façonner les attitudes de même que les modèles mentaux qui conviennent à ce rôle entrepreneurial auquel il se destine. Ceci semble particulièrement vrai dans les entreprises familiales lorsqu'on sait longtemps à l'avance qui sera le successeur et que ce dernier accepte et ambitionne de jouer ce rôle. Le ou les successeurs vont souvent introduire des changements dans l'organisation non seulement parce que leur vision diffère, mais parce que d'autres éléments entrent aussi en ligne de compte. Leur concept de soi n'est pas le même. Le contexte n'est plus le même. Les façons de penser et de faire sont aussi différentes. Énergie L'énergie, c'est le temps accordé aux activités professionnelles de même que l'intensité avec laquelle ces activités sont accomplies. Le concept de soi et les valeurs vont influencer ce qu'on est prêt à investir et ce qu'on investit, de fait, à ce niveau. De même, l'énergie dépensée pourra conférer plus de leadership, amener à consacrer plus de temps à établir et à maintenir des relations, à comprendre un secteur, à articuler une vision. Cet ensemble d'activités pourra amener à réajuster le concept de soi. En retour, l'énergie consacrée à assumer un certain leadership fera que ce leadership retournera à l'entrepreneur, sous une forme ou sous une autre, une partie de l'énergie et parfois même plus que l'énergie investie au départ. L'énergie dépensée à établir et à maintenir des relations rapporte des dividendes, puisque l'entrepreneur bien positionné dans un système de relations pourra profiter d'un flux d'informations qui lui permettra de réajuster fréquemment son tir. Finalement, on remarque que celles et ceux qui auront investi du temps et de l'énergie pour élaborer une vision en bénéficieront dans la même proportion, car la ligne directrice développée générera en retour motivation et énergie pour eux et autour d'eux. Les entrepreneurs étudiés au cours de nos recherches sont des gens qui consacrent beaucoup de temps au travail. Par contre, certains entrepreneurs qui travaillent aussi beaucoup ne semblent pas réussir très bien. Cette constatation nous amène à suggérer qu'il n'existe pas de relation directe entre le nombre d'heures de travail et le succès de l'entrepreneur. Toutefois, parmi les conditions requises pour la réussite d'un entrepreneur, nous avons identifié l'énergie, qui comprend le temps consacré aux activités professionnelles, donc le nombre d'heures de travail, mais aussi l'intensité avec laquelle on travaille, la présence d'esprit au travail. Il faut consacrer assez de temps au travail, y être

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suffisamment engagé et motivé à mieux comprendre ce qu'on fait, y investir une certaine intensité pour pouvoir non seulement intérioriser, mais aussi pour développer une vision, pour concevoir un espace à occuper. Leadership Le leadership découle du concept de soi, de l'énergie, de la compréhension du secteur, de la vision et des relations. Par contre, il influencera aussi chacun de ces éléments. Mais le leadership demeure surtout important dans le processus visionniste parce qu'il aura beaucoup d'impact sur le niveau, la hauteur de la vision, et sur l'ampleur de ce que l'entrepreneur veut réaliser. On peut même dire que l'intensité du désir de réalisation lié au concept de soi et qui soutient le leadership déterminera en grande partie le niveau où se rendra la vision. Il demeure peu probable qu'un leader atteigne une réalité qui dépasse sa vision, bien que, comme le concept de soi et le leadership, la vision s'insère dans un processus continu, réaménagé à intervalles. On peut se demander ici ce qui constitue le leadership : qu'est-ce qui fait que quelqu'un est reconnu comme un leader? Cela peut comprendre bien des choses. Nous avons vu, chez les entrepreneurs étudiés, que le leadership s'insère dans un processus graduel qui suppose l'acquisition par le dirigeant de compétences distinctives dans un secteur donné. Nous avons observé que la capacité de développer une vision donnait du leadership et que le leadership impliquait aussi, pour l'entrepreneur qui réussit, le développement d'une vision. Par exemple, David Murray, entrepreneur de l'année en Écosse, commença à vendre de la ferraille après avoir terminé l'école secondaire, à l'âge de 16 ans. Il lança son entreprise à 24 ans et perdit ses deux jambes dans un accident au cours de la même année. Il a néanmoins réussi depuis à bâtir un conglomérat qui opère dans sept pays. Lorsqu'on lui a demandé, alors qu'il était âgé de 32 ans, comment il expliquait son succès, il l'a attribué en partie à son leadership autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de son entreprise. «Je suis reconnu comme quelqu'un qui peut résoudre des problèmes que personne d'autre ne peut régler», confie-t-il. C'est ce qui fait de lui un des fournisseurs les plus recherchés par les constructeurs de plates-formes de forage, un peu partout dans le monde. On sait qu'il peut trouver une pièce manquante ou une pièce défectueuse dans un laps de temps que personne d'autre ne peut égaler. Pour lui, «être le premier» dans ce qu'il fait a toujours été et demeure l'élément principal. Mentionnons au passage que, malgré sa réputation d'excentrique, son château de Jersey, sa somptueuse résidence du sud de la France, sa collection de voitures de sport italiennes, la grande cuisine de son hôtel d'Edimbourg, il ne prend à peu près jamais de vacances, travaillant avec beaucoup d'intensité. En plus de diriger toutes ses entreprises, il consacre encore 80% de son temps à faire de la vente (Filion, 1990a). Concept de soi, énergie et leadership semblent très étroitement reliés encore ici.

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On peut se demander si c'est son besoin de leadership qui l'a amené à élaborer une vision ou si c'est sa vision qui lui a conféré du leadership. Selon lui, au début, son besoin de réussir l'a amené à assumer un certain leadership, mais ayant réussi ce qu'il voulait, ce qui importe pour lui maintenant c'est de réaliser sa vision, c'est-à-dire de bien implanter Murray International sur tous les continents. On peut dire maintenant que sa vision lui confère du leadership. Compréhension d'un secteur La connaissance d'un secteur d'activités d'affaires puis sa compréhension constituent une des assises du processus visionniste. Il ne s'agit pas que de connaître et de comprendre l'articulation des 4P (produit, prix, place, promotion et publicité) dans un marché donné mais de connaître et de comprendre l'évolution du secteur dans son ensemble : architecture des organisations, qui fait quoi, tendances lourdes et à court terme. Le concept de soi qui renferme la motivation, l'énergie avec laquelle on travaille, le leadership, soit l'expertise et la reconnaissance acquises dans un domaine, les relations qu'on entretient sont tous des éléments qui viennent soutenir cette compréhension du secteur. En retour, la compréhension d'un secteur vient renforcer le concept de soi, permet de canaliser ses énergies sur ce qui donne davantage de résultats, confère du leadership, attire des relations mais permet aussi d'identifier les relations utiles pour être bien informé de l'évolution du secteur concerné. La compréhension du secteur constitue une des assises très fondamentales pour visionner. En effet, comment déceler une occasion d'affaires, puis cibler une niche qu'on occupera de façon différenciée si on ne comprend pas bien le secteur. Visionner, c'est identifier un segment de marché qu'on désire occuper. Comment le faire si on ne possède pas une bonne compréhension du secteur concerné. Visionner, c'est aussi imaginer le type d'architecture organisationnelle qui nous permettra de réaliser la vision externe, c'est-à-dire d'occuper l'espace désiré dans le marché. Une bonne connaissance et une bonne compréhension du secteur semblent fournir des repères à l'entrepreneur pour intuitionner, imaginer des modes organisationnels cohérents avec ce qu'il veut faire compte tenu du contexte concerné. Ici, les gens qui sont en contact avec le marché, les clients et les fournisseurs qui oeuvrent dans la vente et le marketing semblent nettement avantagés. La vision, plus elle se précise, conduit l'entrepreneur à identifier avec plus de clarté et à mieux cerner ce qu'il doit comprendre du secteur pour mieux y progresser. La compréhension d’un secteur nécessite du temps de contacts avec divers acteurs du milieu concerné. Les mêmes principes s’appliquent à la direction d’une commission scolaire. Une des particularités du dirigeant visionnaire réside en ce qu’il apprend à consacrer du temps au processus visionniste. Dans le domaine scolaire, ceci peut impliquer des rencontres avec des élèves, des parents, des commissaires, des enseignants, des directeurs d’école, des personnes oeuvrant dans le milieu de l’éducation au Québec et ailleurs.

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Relations Le système de relations présente ce qui apparaît le plus déterminant pour expliquer le cheminement d'une vision. Le système de relations d'où est issu le dirigeant, son système familial, aura beaucoup d'influence sur les types de visions émergentes qu'il sera d'abord amené à développer. Puis les relations qu'il développera pour mettre en place des visions complémentaires influenceront, de façon souvent déterminante, l'évolution de la vision centrale. En retour, plus elle sera articulée, plus la vision deviendra l'élément qui fournira les critères d'établissement du système de relations. Le vieil adage : «Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es» ne pourrait s'avérer plus vrai ici. Dans une optique visionniste, on pourrait même le modifier en suggérant : «Dis-moi qui tu comptes fréquenter et je te dirai qui tu deviendras». Jean-Jacques Rousseau nous présente l'homme comme le produit de la société. Cela est vrai pour chacun de nous ainsi que pour les entrepreneurs : dans un premier temps, produits de leur système de relations familiales, ils développent ensuite le tissu de leurs relations externes et internes à l'entreprise, de telle sorte que les gens impliqués dans cette toile semblent devenir graduellement les produits sociaux de ce que l'entrepreneur a besoin qu'ils deviennent pour réaliser sa vision. Comme eux-mêmes se sont conformés au rôle qu'ils se sont définis, les entrepreneurs attendent la pareille de leurs collaborateurs. Souvent, ils vont même les conditionner à se conformer au rôle qu'ils ont eux-mêmes défini pour celles et ceux qui les entourent. On retrouve presque immanquablement autour des entrepreneurs qui réussissent une ou deux collaboratrices inconditionnelles qui ont en quelque sorte épousé la culture de leur patron. Extrêmement loyales, elles travaillent énergiquement à faire avancer les causes, projets et dossiers qui entourent le visionnaire. En fait, la plupart des entrepreneurs étudiés ont indiqué que le système de relations interne dont ils se sont entourés représente l'un des éléments majeurs à la base de leur réussite, bien avant leur système de relations externes. Plusieurs gèrent en tenant compte des conséquences de cette donnée. Ceux-là ont fait du processus de sélection un événement particulier pour l'entreprise. Le Suisse Bernard Vonlanthen, par exemple, a lancé une entreprise dans l'entretien ménager industriel et commercial. En l'espace de quelques années, il a occupé une place respectable sur le marché suisse, dans un domaine pourtant facile d'entrée. Un des éléments de sa réussite : la sélection du personnel, et particulièrement des cadres. Les collaborateurs qui travailleront avec la personne concernée sont impliqués dans le processus. Dès la deuxième ou troisième entrevue, les quelques candidats qui restent en lice sont mis en situation dans des scénarios présentant des problèmes réels qu'ils auront à solutionner s'ils sont embauchés. Ce n'est qu'après sept ou huit rencontres avec les candidats que les personnes impliquées dans le processus de sélection voteront pour le candidat de leur choix. Il s'agit là d'un processus de socialisation réciproque qui aura des

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effets à long terme tout en facilitant l'intégration à court terme. On a au moins pu jauger, de part et d'autre, jusqu'à quel point on partageait une vision commune. (Filion, 1990a) L'énergie accordée aux relations internes nous est apparue aussi comme un des éléments qui expliquent la réussite des entrepreneurs. Il est intéressant de noter qu'une recherche sur le propriétaire-dirigeant failli a relevé que les pratiques relationnelles, comme la planification du personnel, l'encadrement et la participation aux décisions après consultation, se situaient au plus bas niveau parmi les pratiques de management. On pourrait souvent dire l'inverse de celui qui réussit. Pour mieux comprendre comment s'organisent les relations, nous avons établi trois niveaux de relations. On les retrouve au tableau 1 ci-dessous : Tableau 1 Trois niveaux de relations PRIMAIRES

. Familles, proches . Reliées à plus d'un type d'activité

SECONDAIRES . Connaissances . Reliées à une activité précise . Réseautage

TERTIAIRES . Cours . Livres, voyages, expositions indus-

trielles, web

Les relations primaires concernent les proches, habituellement les membres de la famille avec qui on entretient des relations à plusieurs dimensions : affectives mais aussi intellectuelles, sportives, de loisirs ou autres. Ce sont les relations les plus déterminantes quant au concept de soi qu'entretient la personne et quant aux choix qui seront opérés par la suite aux autres niveaux du système de relations. Plus le visionnaire avance dans le temps, plus il tend à former des relations aux niveaux secondaires et tertiaires. Les relations secondaires sont celles qu'on développe en fonction d'une activité précise : club social, activité religieuse, affaires ou politique. Certaines deviendront des relations primaires. Les relations tertiaires sont celles qu'on choisit afin de combler un besoin. Elles n'impliquent pas toujours de relations avec une personne physique, mais plutôt un contact avec un domaine d'intérêt. L'attention accordée à la gestion de son système de relations semble être pour l'entrepreneur une des conditions déterminantes pour se former une vision centrale cohérente. On entend souvent les

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dirigeants visionnaires, qui ont construit une entreprise, dire : «Pour en arriver là où je voulais, j'avais besoin d'apprendre telle ou telle chose. C'est pourquoi je voulais changer d'emploi ou aller étudier à tel ou tel endroit». C'est là une gestion typique du niveau de relations tertiaires, laquelle mènera souvent au développement de relations secondaires utiles et stimulantes pour le cheminement du visionnaire. C'est en général le système tertiaire qu'aura développé la personne qui l'amènera à réviser, le plus souvent à la hausse, les critères de sélection de ses relations aux autres niveaux. Visionner Après avoir présenté les éléments de soutien à la vision, nous expliquerons maintenant le fonctionnement du processus visionniste. Le fait de visionner inclut six éléments composites dont la réalisation s'emboîte les uns dans les autres de façon consécutive sous la forme d'étapes. Ils sont présentés ci-dessous au schéma 3.

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Schéma 3

Étapes du processus visionniste pour l’entrepreneur

L'identification d'un intérêt pour un secteur d'activités d'affaires peut survenir de bien des sources. Cela est amené par l'un des trois niveaux de relations : primaire, secondaire, tertiaire. On observe que plus le dirigeant est jeune lorsqu'il lance son entreprise, plus cet intérêt tire son origine de son milieu familial. Plus il est âgé, plus cela provient de ses expériences de travail.

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Il s'agit de quelque chose de vague au début mais qui se précisera de plus en plus par la suite quoique nous n'ayons pas rencontré un seul dirigeant qui entretienne une vision absolument claire de l’endroit où il sera dans dix ans. Cet intérêt constitue le premier jalon de ce que deviendra le point d'ancrage, le pivot de son système. Là, le dirigeant progressera dans la mesure où il saura se donner une méthode de travail et se concentrer sur une ou quelques visions émergentes. Cet intérêt amène le dirigeant à s'intéresser, à étudier, à creuser, à mieux comprendre un secteur d'activités d'affaires. Comprendre nécessite un minimum de connaissances. Une vision est une image projetée d'un état futur désiré. D’une certaine façon, c'est un rêve, mais mobilisateur et réalisable. Le réalisme sera d'autant plus élevé que la connaissance, l'image, la compréhension qu'entretient d'un secteur d'activités d'affaires un entrepreneur seront complètes. Il est difficile de visionner une niche à occuper si on ne comprend pas bien les divers espaces déjà occupés par les intervenants actuels du secteur concerné. Six éléments sont en cause ici : la capacité intellectuelle ainsi que l'éducation de l'entrepreneur, la position occupée et l'intention poursuivie lorsqu'il acquiert l'information, les connaissances du monde des affaires qui peuvent lui faciliter l'acquisition des connaissances de même que la compréhension du secteur concerné et finalement le temps investi et requis pour connaître un secteur. Ceci peut varier beaucoup compte tenu des niveaux de complexité très différents d'un secteur à l'autre. Dans nos échantillons, il n'existe pas de corrélation entre le niveau d'éducation, la réussite scolaire, la discipline étudiée et le succès en affaires. Toutefois, nous avons observé que plus l'entrepreneur est jeune et inexpérimenté plus il doit consacrer du temps pour comprendre le fonctionnement d'un secteur. Ceux qui viennent d'un milieu familial entrepreneurial ont un net avantage ici : l'éducation informelle reçue semble dans ce domaine plus importante que l'éducation formelle. La position occupée lorsque la connaissance du marché est acquise ainsi que l'intention déterminent l'angle, le point de vue, le niveau d'approfondissement jusqu'où on a besoin d'aller. Ceux qui pratiquent des activités de vente et de marketing sont nettement avantagés. Qu'ils aient créé l'entreprise, qu'ils l'aient acquise ou qu'ils agissent dans une fonction de direction générale, vente ou marketing, dans une entreprise existante, si leurs activités principales portent sur les ventes et le marketing, leurs chances de visionner juste augmentent proportionnellement à leur compréhension du marché. Celle-ci sera d'autant plus adéquate qu’ils auront été exposés plus longtemps à un nombre plus élevé d'intervenants du secteur. Le temps requis pour comprendre un secteur et commencer à y visionner dépend des éléments précédents et en particulier de l'expertise du domaine des affaires et de la complexité du secteur. L'étude d'entrepreneurs qui ont lancé leur entreprise lorsqu'ils étaient jeunes révèle qu'ils ont mis de cinq à dix ans avant de comprendre suffisamment le secteur.

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David Murray, dont nous avons parlé précédemment, avait 16 ans lorsqu'il commença à vendre de la ferraille, 24 ans lorsqu'il se lança dans le domaine, 26 et 28 ans lorsqu'il commença à y développer des services différenciés. Il comptait donc au moins une dizaine d’années d’expérience (Filion, 1990a). Gio Benedetti avait 11 ans lorsqu'il commença à travailler dans le commerce de son oncle, 19 ans lorsqu'il acheta une entreprise de nettoyage de vêtements mais près de 30 ans lorsqu'il se lança dans le recyclage de gants industriels, ce qui allait faire sa fortune (Filion, 1990a). Il est difficile de mesurer jusqu'où un entrepreneur comprend son secteur d'affaires. Certains mettront dix ans, vingt ans pour le comprendre, d'autres n'arriveront jamais à bien le comprendre. Les entrepreneurs à succès, déjà aguerris dans un secteur d'activités d'affaires, qui se sont lancés dans un nouveau secteur et y ont réussi, ont mis entre un et deux ans de travail intensif avant de maîtriser suffisamment la compréhension du secteur pour y visionner, c'est-à-dire y concevoir une niche, un espace à occuper de façon différenciée. Déceler nécessite de l'intuition, mais l'exercice de l'intuition requiert qu'on comprenne et comprendre implique un minimum de connaissances. Il n'existe aucun entrepreneur dans nos recherches qui ait décelé une occasion d'affaires, s'y soit lancé et ait réussi sans connaître et comprendre au préalable le secteur. Les exemples de Benedetti et Murray fournis précédemment montrent cependant qu'il arrive souvent (près de 50 % des cas) qu'un entrepreneur ait l'intuition de possibilités intéressantes dans un secteur donné, qu'il explore le domaine, y entre mais n'identifie la niche qu'il occupera que dans les années qui suivent. Déceler s'apparente ici à saisir, prendre conscience de, «intuitionner». Une étudiante, mère de famille, disait que si une femme a de l'intuition, c'est d'abord dans son rôle de mère en relation avec son enfant. Elle connaît et comprend si bien son enfant que lorsqu'il arrive qu'il ne se comporte pas comme à l'accoutumée, elle a aussitôt l'intuition que quelque chose de pas «normal» est en train de se passer. Pourquoi? Parce que le comportement affiché ce jour-là n'est pas le comportement habituel. Un exemple vaut ce qu'il vaut, mais l'analogie avec l'entrepreneur est intéressante. Un entrepreneur a l'intuition que quelque chose est possible dans un marché parce qu'il le connaît et le comprend. Il peut alors y déceler des opportunités. L'opportunité consiste le plus souvent à occuper un segment laissé vacant, que personne n'a encore occupé de cette façon. Certains des entrepreneurs étudiés n'ont pas apporté d'innovations majeures mais ils ont su cibler et très bien servir un marché précis. Là, la compétition sur les coûts, la qualité ou la rapidité, leur ont procuré un avantage. C'était ça la niche. De plus en plus de niches semblent résider autour de la dimension «temps» : non seulement choisir le moment propice, mais offrir un produit ou un service dans un laps de temps réduit. Suite à ces recherches, il apparaît que l'entrepreneur qui réussit, y parvient grâce à l'approche des petits pas, à la progression graduelle. Il apprend à fixer les limites de son activité, à la délimiter, la

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circonscrire, à se concentrer vers un but, à cibler un objectif précis à atteindre. Le choix de la cible de départ puis les choix graduels pris par la suite pour s'ajuster font la différence. En cela l'entrepreneur s'apparente au stratège et la réalisation de sa vision deviendra difficile, voire dans certains cas impossible, s'il n'apprend pas à se concentrer. Certains des entrepreneurs étudiés sont restés petits parce qu'ils n'ont jamais pu apprendre à éviter la dispersion et à se cibler sur un ou quelques objectifs précis à atteindre. Il semble que ce soit la combinaison d'une bonne compréhen-sion du secteur, du besoin non satisfait que constitue une occasion d'affaires, puis de l'imagination à y cibler une niche qu'on occupera de façon différenciée qui constituent les étapes de base du processus visionniste. Une fois identifié l'espace qu'on désire occuper sur le marché, cela génère un fil conducteur autour duquel l'entrepreneur imagine et définit le contexte organisationnel dont il a besoin pour réaliser ce qu'il souhaite. Visionner, c'est déterminer, donner un sens, une direction à nos activités. L'entrepreneur apprend à connaître puis à comprendre un secteur. Il y décèle des possibilités d'affaires, cible l'espace qu'il va occuper sur le marché et conçoit le type d'organisation dont il a besoin pour y parvenir. Une fois imaginée, la vision sera développée, corrigée, réajustée, non en ce qui a trait à l'essentiel mais pour ce qui est d'une multitude d'activités qui doivent être accomplies pour que la réalisation de la vision progresse. Une vision n'est pas statique, c'est un processus en perpétuelle évolution dont les orientations sont étroitement liées au système de relations de l'entrepreneur. La vision de même que les impératifs d'activités à mettre en place pour réaliser cette vision deviennent des critères implicites à partir desquels l'entrepreneur sélectionne les collaborateurs dont il s'entoure. Le coeur du processus entrepreneurial et ce qui distingue le plus l'entrepreneur du manager et du propriétaire-dirigeant semblent résider dans l'élaboration et la mise en place de ce processus visionniste. Alors que les managers et les propriétaires-dirigeants cherchent à atteindre des buts et des objectifs en utilisant les ressources disponibles, mais à l'intérieur d'un cadre déjà défini par quelqu'un d'autre, les entrepreneurs passent une bonne partie de leur temps à définir tant là où ils veulent aller que la façon dont ils vont s'y prendre pour y arriver. D'une certaine façon, on peut décrire l'entrepreneur comme un déceleur d'espaces à occuper et un «définisseur» de contextes pour y parvenir. Une fois l'opportunité détectée, la vision fournit les directions au plan d'ensemble pour la mise en oeuvre. Les modèles présentés ci-dessus sont tirés de pratiques entrepreneuriales. On y voit que le processus visionniste comprend trois catégories de visions : visions émergentes, visions centrales externe et interne, visions complémentaires. Les principaux éléments de soutien à la vision sont la compréhension d'un secteur et les relations. Les éléments moteurs sont le concept de soi, l'énergie, le leadership. Le modèle de processus visionniste présenté place en interrelations avec la vision, les

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cinq éléments ci-dessus. Trois niveaux de relations sont introduits et des étapes sont suggérées pour s'intégrer dans un processus visionniste. Il faut comprendre que le modèle proposé ici n'en est qu'un parmi ceux qui intègrent les principaux éléments des modèles de chaque entrepreneur étudié au cours de nos recherches. Il nous est apparu comme un des dénominateurs communs parmi les plus accessibles (Filion, 1994). Une fois le modèle compris, on peut s'interroger sur les étapes suivantes : comment le modèle peut-il nous servir pour développer une vision, et autant que possible une vision cohérente et inspirante? Une fois cette étape franchie, comment s'intègre-t-il dans une organisation? Nous abordons maintenant la deuxième partie de cet exposé qui porte sur la conception d’une vision inspirante et mobilisatrice en milieu scolaire. Le texte qui précède est tiré bien sûr de recherches sur les entrepreneurs. Toutefois, les principes de mise en place d’un processus visionniste demeurent les mêmes quelque soit le secteur ou le domaine d’activités visé. Cela peut tout aussi bien s’appliquer dans le domaine scolaire. Il implique un engagement personnel approfondi qui nécessite de s’approprier ce qu’on fait pour le transformer d’abord en imaginant – individuellement et collectivement – ce qu’on pourrait faire, puis en passant à l’action pour le faire. Ce texte vise aussi à montrer que la conception et la mise en place d’une vision ne se fait pas en criant «lapin», mais nécessite la mise en place de processus de réflexions individuelles et collectives bien articulés. Les entrepreneurs qui ont appris à devenir visionnaires y ont consacré du temps et de l’énergie. Graduellement, ils ont fini par intégrer l’ensemble de leurs activités à l’intérieur d’un cadre visionniste mobilisateur pour les gens de leur organisation. Un processus visionniste offre un canevas stimulant pour l’apprentissage individuel et organisationnel (Senge, 1990). Les membres de ces organisations demeurent en mouvement pour continuer à apprendre. CONCEPTION D’UNE VISION INSPIRANTE ET MOBILISATRICE EN MILIEU SCOLAIRE Les processus visionnistes se développent et se mettent en place plus facilement lorsqu’ils n’impliquent qu’un seul acteur à la direction. Par exemple, l’entrepreneur contrôle l’ensemble de son système social. Sa vision lui sert de critère pour recruter et sélectionner les personnes dont il s’entoure. Ceci n’est pas le cas pour le directeur général d’une commission scolaire, pas plus que pour le dirigeant qui est nommé à la tête d’une grande entreprise. Les dirigeants de grandes entreprises des secteurs privés et publics doivent composer avec les personnes qui sont déjà en place lorsqu’ils sont nommés à leurs postes. Ces personnes ne partagent pas nécessairement les mêmes images, ni les mêmes valeurs. Ils sont tributaires de leurs conseils d’administration, de leurs conseils de commissaires. C’est dire que le processus de conception visionniste sera généralement beaucoup plus long et nécessitera encore davantage de

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communication. Il en est de même pour le partage de la vision. Nous verrons dans la section suivante un certain nombre de conditions requises au partage de la vision. Le milieu scolaire est un milieu complexe où il existe une grande diversité d’acteurs et d’intervenants, un milieu où les sources et modes d’expression des pouvoirs sont multiples, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des commissions scolaires. La segmentation est établie essentiellement par territoires géographiques. Un établissement scolaire donné dessert des clientèles qui ont des attentes, des valeurs, des aspirations extrêmement diversifiées. Les conseils d’orientation et les comités d’école ont joué un rôle précurseur au conseils d’établissements mis en place par la loi 180. Maintenant, un pouvoir encore plus étendu est dévolu aux conseils d’établissement, en particulier en ce qui a trait à leur rôle dans l’élaboration et la mise en place du projet éducatif de chaque école. Les éléments qui constituent ces conseils sont souvent extrêmement disparates. Les clientèles à satisfaire pour un établissement scolaire donné peuvent couvrir un nombre de segments de marché impressionnants par leur diversité. Non seulement, le milieu scolaire ne se situe-t-il pas dans un marché axé sur un seul segment bien identifié comme c’est le cas de plusieurs entreprises, mais c’est aussi un domaine où il n’existe pas un produit unique. Les clientèles sont variées, mais les produits aussi. Certains directeurs généraux de commissions scolaires gèrent des ensembles de réseaux comprenant des milieux fort différents et qui présentent des configurations souvent disparates. Une étude attentive d’une école primaire révèle de dix à vingt matières différentes qui peuvent y être enseignées. Il faut ajouter à cela des apprentissages de compétences variés qui doivent être réalisés et auxquels il faut encore ajouter des apprentissages de divers savoirs, de savoirs être et de savoirs faire. Il faudra bientôt rajouter à tout cela des apprentissages de savoirs devenir. La complexité augmente au niveau secondaire, sans compter tous les services de soutien nécessaires à la vie de l’école. Si on considère que chaque matière implique des logiques et des paradigmes sous-jacents ou explicites très différents les uns des autres, nous avons là un organisme social qui implique dans sa structure de produits, des niveaux de complexité peu communs. Un autre facteur particulier réside dans le fait que les produits que sont les matières enseignées sont généralement intangibles. De plus, les résultats des produits offerts ne peuvent pas toujours être évalués de façon tangible. Il existe des concours et des examens, bien sûr, mais il n’est jamais facile d’évaluer les apprentissages, et encore moins leurs conséquences à long terme : quelle sorte d’hommes et de femmes nos élèves deviendront-ils dans la société de demain? Comme éducateur, c’est là une réflexion majeure que je vis aussi, que je peux partager avec vous, qui est très préoccupante à l’époque de changements rapides que nous vivons, dans une société où le tissus social tend à s’effriter et dans un Québec qui s’est beaucoup fragilisé. De là, l’importance accrue de créer des milieux scolaires mobilisateurs où les jeunes puissent tirer motivation et enthousiasme. À tout ceci, il faut ajouter que, sous plusieurs angles, la gestion d’un établissement

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scolaire s’apparente à la gestion d’un système franchisé complexe où le gestionnaire n’a pas le plein contrôle sur tout son produit, puisque les normes d’enseignement viennent du ministère de l’Éducation tandis que les normes administratives viennent des commissions scolaires. Les remarques qui précèdent présentent un ensemble d’éléments qui ne peuvent que rendre la tâche de l’établissement de consensus plus laborieuse. Sans entrer dans tous les détails des particularités du domaine de l’éducation, il convenait de mentionner ici les principales. Pour les dirigeants du domaine, il importe de trouver des points de ralliements qui suggèrent des avenues élevées, qui se situent à des points de rencontre réalistes, qui confèrent une direction non seulement énergique vers l’avant mais qui renferment des valeurs profondes d’humanisme. En somme, des avenues qui constituent un plus pour les gens qui «embarqueront». Les grandes visions inspirantes et mobilisatrices renferment presque toujours le sentiment pour celles et ceux qui les partagent qu’on est en train de contribuer à rendre la personne humaine meilleure, qu’on contribue à ce que les êtres humains se réalisent mieux et davantage. Les concepteurs de grandes visions ainsi que celles et ceux qui les partagent ont ce sentiment profond qu'ils contribuent de façon certaine à améliorer la condition humaine. Nous suggérons maintenant un modèle qui comporte six éléments de soutien à la conception et à la mise en place de visions inspirantes et mobilisatrices en milieu scolaire. Nous expliquons ensuite chacun de ces éléments.

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Schéma 4 Conception d'une vision inspirante et mobilisatrice en milieu scolaire

Formation Responsabilisation

Images du secteur

Thématiques mobilisatrices

Modèles inspirantsÉcoute active

Visions mobilisatrices

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Images du secteur Une vision est une image projetée dans le futur. Elle exprime un état futur désiré qui peut être atteint. Ce qui différencie la vision du rêve, c’est qu’une vision présente un état futur qui peut être atteint. C’est une projection réaliste et réalisable. Sa pratique à un niveau professionnel nécessite beaucoup de rigueur. Tout le monde peut dire qu’il ou elle a une stratégie. Nous savons cependant que la pratique professionnelle de la stratégie dans les organisations nécessite une démarche rigoureuse d’analyse sectorielle – acquérir une image aussi conforme que possible du secteur concerné - et d’établissement de diagnostic de l’organisation, puis de ses ressources : dans un premier temps, celles sur laquelle on va s’appuyer, ensuite la conception d’alternatives stratégiques, puis le choix et la mise en œuvre de stratégies. La pratique visionniste nécessite d’abord une image adéquate, une compréhension aiguisée de ce qui se passe dans le secteur concerné. La compréhension des secteurs de l’éducation primaire et secondaire implique une vigie permanente de ce qui se passe dans ces secteurs proprement dits, d’abord en ce qui a trait à la commission scolaire concernée, mais aussi pour ce qui est de l’ensemble du Québec et en ce qui a trait à de nouvelles pratiques exemplaires ailleurs dans le monde. Ceci implique aussi une réflexion sur les finalités des apprentissages, donc sur les types de savoirs qui ont besoin d’être transmis compte tenu des nouveaux rôles familiaux, sociaux et professionnels que seront amenés à jouer les élèves actuels une fois rendus à l’âge adulte. Écoute active : des groupes témoins Il existe plusieurs moyens pour mettre à jour ses images et connaissances d’un secteur. La lecture de journaux, de revues et de magazines spécialisés constitue une bonne source. Mais la meilleure source constitue l’écoute active des personnes des divers milieux concernés. Il peut se trouver des écarts marqués de besoins, d’attitudes et de valeurs à l’intérieur des frontières d’une commission scolaire donnée. Cette écoute active peut se faire de façon informelle et de façon formelle. Il revient à chacun de distinguer entre l’information structurante, circulante et pertinente. Une des approches suggérées est celle des groupes témoins. Il est recommandé que les conseils d’établissement qui tiennent à élaborer ou à ajuster un projet éducatif qui colle à la réalité de leur milieu organisent au moins une fois par année un groupe témoin. Ce groupe témoin devrait être composé de quatre à cinq parents, d’un employeur – préférablement un propriétaire dirigeant de PME, car les petites entreprises créent plus de 75% des emplois – d’un représentant socio-économique du milieu, d’un représentant socio-affectif du milieu- par exemple, un professionnel d’un CLSC – psychologue ou travailleur social - qui œuvre dans le domaine de la réconciliation de familles ou de la prévention des séparations.

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Ce groupe ne devrait pas être composé de plus de huit personnes. Il devrait se réunir une fois l’an pour une soirée et être animé par une personne du milieu. Les questions posées devraient avoir été revues avec les membres du Conseil d’établissement et chaque personne membre du groupe devrait répondre à tour de rôle – brièvement- à chacune des 15 ou 20 questions posées. Les directeurs généraux de commissions scolaires auraient avantage à assister à quelques-unes de ces séances au cours de chaque année. Il se dégagerait de ces échanges une base d’informations remise à jour chaque année en ce qui a trait aux perceptions, attentes, besoins du milieu en relation avec l’éducation. De tels mécanismes s’imposent compte tenu des changements de plus en plus rapides de notre société ainsi que des diversités culturelles de plus en plus grandes qui marquent nos milieux, en particulier dans la conurbation de Montréal. Les entrepreneurs et les grands gestionnaires que nous avons étudiés au cours des dernières décennies et qui ont développé une vision cohérente, mobilisatrice, inspirante et mobilisatrice ont réussi à le faire à partir d’un système d’écoute articulé et mis en pratique quasi quotidiennement. Cette écoute est active et engagée. Elle s’insère très souvent dans une dynamique interactive. Personne n’arrive à articuler une vision sans se donner un canevas de travail rigoureux qui implique beaucoup d’écoute et d’interaction avec des gens de la base. Une vision ne s’articule pas en vase clos. Elle est la résultante d’un ensemble d’interrelations avec les diverses catégories d’acteurs des milieux concernés. En éducation, les gens de la base sont d’abord les élèves, ensuite leurs parents, puis les enseignants et les autres membres du personnel des écoles dont le directeur. Il faut trouver des mécanismes pour être en mesure d’écouter ces groupes. L’exemple du groupe témoin appliqué aux parents et aux représentants des milieux peut aussi être appliqué aux élèves et aux enseignants. Ce qu’il faut retenir de la suggestion faite ici, c’est le principe de l’établissement d’un ensemble de moyens d’écoute active tant formels qu’informels. Thématiques mobilisatrices Les visions inspirantes et mobilisatrices ont besoin de thématiques mobilisatrices. Il peut exister plusieurs niveaux de vision dans une organisation : au niveau de l’ensemble d’une commission scolaire, nous pouvons parler de vision centrale, mais au niveau du projet éducatif de chaque école, nous pouvons parler de visions complémentaires. Par exemple, certains projets éducatifs portent sur des thématiques très précises telles la musique, l’informatique alors que d’autres sont plus générales – telles celles axées sur l’apprentissage de certaines compétences - et visent à mieux préparer les élèves aux études secondaires ou aux études collégiales ou au marché du travail. Dans ses communications aux membres du personnel, la direction générale d’une commission scolaire peut suggérer des thématiques mobilisatrices. On peut tirer ces thématiques de l’écoute, mais aussi à la lecture d’auteurs qui réfléchissent sur le devenir des sociétés (Attali, 1998; 1999).

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Par exemple, nous vivons dans un monde où nous voyons de plus en plus de travailleurs autonomes, de micro-entreprises et de petites entreprises. Les gens vont devoir jouer des rôles de plus en plus entrepreneuriaux, même celles et ceux qui vont faire carrière dans les grandes organisations. Ceci nécessite beaucoup d’apprentissage de savoir être et de savoir devenir. Il serait stimulant de suggérer des thématiques visionnistes autour du développement de l’autonomie, de la débrouillardise où les jeunes seraient amenés à définir des projets et à les réaliser. On pourrait suggérer des thématiques qui impliquent des jumelages entre des professeurs et des propriétaires dirigeants de PME où ces derniers viendraient en classe mais inviteraient aussi les élèves de la classe concernée à visiter leur entreprise. Cela crée des liens dans les tissus socio-économiques des milieux et vient compenser l'impersonnalité de plus en plus prononcée de nos sociétés. Ces pratiques ont cours en Grande-Bretagne massivement depuis le règne de Madame Thatcher. Elles ont engendré un ensemble d’effets bénéfiques, en particulier en permettant de mieux ajuster les apprentissages en fonction du marché du travail (Dewey, 1967; Lewin, 1951; Mc Dermott, 1981), sans compter les effets motivateurs qu’elles ont eus sur l’ensemble de la classe étudiante. Ces pratiques permettent aussi aux élèves de mieux ajuster leurs modèles mentaux (Senge, 1990) aux réalités du monde du travail qui les attend. Modèles inspirants McClelland (1967) a montré que les grandes civilisations avaient connu leur apogée autour de modèles de héros présentés dans la littérature auxquels les jeunes se sont identifiés. Il s’agit de héros du dépassement. Les sociétés se construisent autour de modèles valorisants. Il en est de même des organisations. On sait que l’influence de modèles inspirants est majeure pour expliquer non seulement les choix de carrière, mais aussi les réussites professionnelles. La logique ici consiste à mettre en évidence les modèles que nous voulons privilégier. Le monde de l’entrepreneuriat a bien mis cela en pratique par la multiplication de concours et de galas qui permettent de reconnaître des modèles gagnants. Cela devient inspirant et motivant pour les personnes qui travaillent avec eux, mais aussi pour leur milieu dans son ensemble. La recommandation ici est simple : chaque commission scolaire devrait tenir à chaque année un concours où des lauréats seraient retenus dans diverses catégories. On pourrait ainsi faire connaître et fournir des exemples inspirants de réussite de projets éducatifs, de présidents de conseils d’établissement – cela deviendrait plus facile d’attirer de meilleurs candidats et candidates pour ces postes – et autres. Les modèles demeurent un des outils parmi les plus puissants du changement des organisations. Ils sont encore relativement peu utilisés dans les domaines du parapublic où on a eu tendance à punir plutôt qu’à valoriser.

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Responsabilisation et formation La mise en place de processus visionnistes implique un bon niveau de discipline et un haut niveau de responsabilisation de la part des acteurs en présence. Ceci est le mieux atteint par des formations formelles sur la qualité et les compétences requises des acteurs concernés pour les préparer à jouer ces nouveaux rôles. Ces rôles impliquent une participation plus pro-active que celle à laquelle ils ont généralement été habitués et qui consiste le plus souvent à exprimer des opinions. La qualité commence par la responsabilisation de chacun. Les acteurs impliqués à partager des images et des perceptions dans un processus visionniste doivent être conscients des conséquences de la mise en place des visions qu’ils partagent et défendent. Ce processus de responsabilisation devient d’autant plus important que les acteurs en cause exercent un pouvoir décisionnel dont l’exercice peut avoir des conséquences majeures non seulement sur l’utilisation des ressources du milieu mais aussi sur l’avenir des élèves en présence. L’investissement réalisé en formation sera généralement récupéré car il permettra aux acteurs impliqués de procéder de façon plus éclairée aux prises de décisions auxquelles ils seront confrontés. Nous croyons qu’un minimum de formation est requise pour que les membres d’un conseil d’établissement apprennent au moins les rudiments de base du fonctionnement d’un tel conseil (Chouinard, 2000 a et b). Visions mobilisatrices Ainsi les six éléments présentés au schéma 4 et qui viennent d’être expliqués faciliteront tant la conception que le partage de visions inspirantes et mobilisatrices. Ce processus pourra se répéter à plusieurs niveaux, à partir de la direction générale et en englobant celui du Conseil d’établissement. La première partie de cette conférence portait sur la conception visionniste, la deuxième sur une séquence d’application suggérée en milieu scolaire, la troisième suggère une démarche pour mieux articuler le partage et la mise en œuvre d’une vision. PARTAGE ET MISE EN ŒUVRE D’UNE VISION INSPIRANTE ET MOBILISATRICE EN MILIEU SCOLAIRE Aborder le partage de la vision, c'est passer d'un processus individuel à un processus collectif où des individus intègrent, chacun à leur rythme, une progression soutenue par interaction. Le terme «partage» est utilisé ici dans le sens de communion d'idées, de convivialité, d'harmonie, de communauté d'esprit, d'identité de vues. On fait référence à une certaine identité de vues que le dirigeant tente de créer quant à l'endroit vers lequel il veut orienter son organisation. La vision offre un repère structurant autour duquel on pourra construire un ordre social, celui d'un système organisationnel. Parler du partage de la vision, c'est préparer la planification stratégique,

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car c'est engager les coeurs et les esprits dans une démarche qui les amènera à mettre en place des changements. C'est aussi regarder des ensembles pour comprendre de façon holistique l'organisation et son secteur par rapport à l'environnement où elle évolue. Nous sommes arrivés à un moment dans l'histoire des organisations où ce n'est plus le savoir-faire administratif qui fait défaut. Des multitudes d'individus pris séparément peuvent gérer et accomplir à peu près n'importe quoi. Ce dont les organisations, comme les sociétés, ont besoin ce sont d'agents polarisateurs de «vouloir être» et de «vouloir devenir» collectifs. Si nous sommes arrivés à parler de partage de la vision comme approche à la direction des organisations, c'est dû aussi en partie au niveau général de savoir-faire où nous sommes et qui permet au dirigeant de se concentrer sur l'ensemble et de laisser à chacun le soin de rendre opérationnel à sa façon son secteur d'activités. Nous abordons dans un premier temps les conditions du partage de la vision pour la direction, ensuite pour l'organisation, puis les moyens du partage avant d'introduire un schéma qui suggère un modèle du processus de partage de la vision. Les conditions du partage de la vision Il existe un certain nombre de conditions à respecter pour mener toute activité humaine et encore plus pour la réussir. Pour ce qui est du partage de la vision, nous en avons retenu douze : six pour la direction, six pour l'organisation. Elles sont reproduites aux tableaux 2 et 3 ci-dessous, puis expliquées brièvement par la suite ( Filion, 1996).

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LA DIRECTION Tableau 2 Conditions du partage de la vision 1. La direction

LLaa ddiirreeccttiioonn

. leadership

. expertise du secteur

. vision inspirante et mobilisatrice

. transparence

. système de communication

. légitimité Leadership Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté quant à la personne qui détient le pouvoir et donne les

orientations. Cette personne doit être en mesure de fournir une orientation vers une direction donnée. Ceci implique cohérence et constance pour ne pas changer de direction à tout bout de champ. Le dirigeant doit être capable d'adopter une ligne directrice et de s'y tenir. Ceci ne signifie pas qu'il doive se buter. Il devra périodiquement apporter les rectificatifs qui s'imposent, mais on ne change pas d'idée au premier obstacle. Constance et solidité chez le dirigeant finiront par donner les signaux justes quant à l'orientation désirée.

Expertise du secteur On a besoin d'un minimum de connaissances et d'expertise d'un secteur d'activités d'affaires

pour y visionner de façon réaliste. On n'insistera jamais assez là-dessus. C'est aussi sur cette expertise que le dirigeant construit sa crédibilité. C'est aussi à partir de là qu'il peut préparer le terrain dans l'organisation pour mieux faire comprendre le pourquoi et la logique de la vision proposée.

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Vision inspirante et mobilisatrice Plus d'un dirigeant qui croit communiquer une vision exprime en réalité un désir vague dans le

style suivant : «On veut être les meilleurs». Avoir de la vision implique la communication d'un espace à occuper, de ce qu'on veut atteindre et par extension de ce qu'on a besoin de devenir pour y parvenir. La vision exprimée se doit d'être réaliste, atteignable, articulée, cohérente, attrayante, inspirante et mobilisatrice. Elle doit contenir une vue différenciée d'une façon d'être et de faire. Si elle ne rencontre pas ces conditions, elle risque de ne pas être suffisamment mobilisatrice pour engendrer un effet d'attraction.

Par exemple, pour Anita Roddick (1991) de Body Shop, la vision peut se résumer à «mettre en

marché des produits de soins pour le corps qui soient les plus naturels possible, dans une perspective écologique». Les visions mobilisatrices semblent toutes contenir une dimension de mieux-être humain.

Pour une commission scolaire, une vision mobilisatrice pourrait consister à « préparer à

l’exercice de comportements autonomes et responsables », « soutenir l’intégration de cultures d’apprentissage continu », « favoriser l’acquisition de compétences de …( les préciser : soit de savoir être, de savoir faire, de savoir devenir) ». Une fois la vision établie, il convient de mettre en place un ensemble d’objectifs et de moyens précis pour qu’elle se réalise. Une fois conçue, la vision sert de référant pour mobiliser vers quelque chose.

Transparence Dans son mode d'exercice du pouvoir, le dirigeant visionnaire semble davantage axé sur la

créativité que sur la manipulation des gens. Le fait d’être et d’agir en dirigeant visionnaire implique des pratiques de leadership. Le dirigeant doit consacrer beaucoup de temps et d'énergie à trouver et donner des orientations.

Gorbachev nous a offert une dimension intéressante de cette façon de faire : au lieu de cacher

les problèmes, mettons-les sur la table et voyons de quelle façon nous allons les régler ensemble. La transparence constitue à la fois un moyen et une conséquence de la solidité du leader. La transparence aura vite des effets sur la loyauté et l'engagement de l'organisation. Celle-ci sera loyale et engagée au même degré que le dirigeant l'aura d'abord été.

Système de communication Six à douze mois sont requis d’un dirigeant pour comprendre le minimum d'un secteur

d'activités et deux à cinq ans pour bien maîtriser son image, sa connaissance du secteur. Beaucoup d'entreprises acquises pendant des cycles d'expansion des marchés doivent être revendues à perte deux ou trois ans plus tard lorsque la situation économique devient plus difficile. Pourquoi?

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Une des raisons réside dans le fait que les dirigeants n'ont pas appris à visionner à partir de la logique de leur nouveau secteur. Ils ont continué à gérer dans les mêmes termes que ce qu’ils faisaient dans leur secteur d’origine. En fait, ils ne sont pas arrivés à visionner car ils ne sont pas arrivés à bien maîtriser l'image du secteur puis à y cibler des niches à occuper de façon différenciée.

La vitesse du changement s’accélère et le dirigeant visionnaire doit consacrer du temps à

l’analyse, la réflexion, la compréhension de son environnement. Il faut aussi du temps au diri-geant pour consulter en vue d’articuler une vision. Il faut ensuite investir du temps pour la partager. Il lui faut maîtriser une compréhension externe et interne : à l'externe, celle du secteur, à l'interne, apprendre à jauger ce qu'il est possible d'atteindre compte tenu des caractéristiques des personnes en place, de leur âge, de ce que vit l'organisation et de son rythme d'évolution. Selon la dimension de l'organisation, de l'ancienneté de même que de l'expertise des acteurs concernés, du temps et de l'énergie investis, il peut falloir entre un à trois ans au nouveau dirigeant pour intégrer un processus cohérent de conception et de partage de la vision.

Légitimité Le dirigeant doit être reconnu comme étant légitime par l'organisation. S'il arrive au pouvoir

par la force, cela peut prendre du temps avant qu'il finisse par être accepté. Le dirigeant doit aussi être perçu comme étant capable d'apporter les changements qui reflètent les aspirations exprimées ou latentes des membres de l'organisation. Il doit aussi être en mesure de comprendre et de donner un rythme à la dynamique d'évolution et de changement de l'organisation. Les contacts personnels établis sur une longue période peuvent jouer un rôle vital ici. Il faut au dirigeant un minimum d'acceptation, de soutien, de légitimité pour obtenir les complicités nécessaires au soutien de la dynamique visionniste qu'il veut mettre en place.

En somme, c'est le dirigeant qui donne le ton. Son engagement, sa persévérance, l'efficacité de ses méthodes de travail, sa compréhension qu'une organisation est un système social qui a besoin qu'on l'alimente pour évoluer, tous ces éléments auront un impact sur le partage de la vision. D'autre part, le dirigeant n'est pas seul. Certaines organisations seront plus ou moins réceptives à certains dirigeants et à certaines visions. Il faut que la vision proposée s'insère dans la dynamique de l'organisation et en intègre les caractéristiques saillantes compte tenu de son histoire et des grandes tendances du moment. Il faut aussi que l'organisation remplisse un minimum de conditions pour que le partage devienne possible. Nous en présentons les principales ci-dessous.

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L'ORGANISATION

L'organisation doit présenter un certain nombre de caractéristiques et remplir certaines conditions pour que le partage de la vision devienne possible. La situation de l'organisation en ce qui a trait au partage de la vision peut offrir de grandes variantes. Par exemple, si c'est le dirigeant qui a créé son entreprise, il est plus probable que celle-ci se soit développée à son image et à sa ressemblance. On observera des degrés de différences entre le dirigeant et son organisation selon la provenance du dirigeant : vient-il de l'intérieur ou de l'extérieur? S'il vient de l'extérieur, quelle est son intégration à la culture du secteur? Dans le cas des commissions scolaires, on devra tenir compte des différences de cultures présentes après les fusions de même que de la diversité des cultures de certaines sous-régions. Ainsi, les caractéristiques de l'organisation quant à l'endroit où elle se situe par rapport aux conditions du partage de la vision sont présentées en tenant compte de sa relation avec la direction de cette organisation. Ces conditions apparaissent au tableau 3 ci-dessous puis reprises en détail.

Tableau 3

Conditions du partage d’une vision

2. L'organisation

LL''oorrggaanniissaattiioonn

. image partagée de l'évolution du secteur

. image partagée du potentiel du secteur

. attitude positive face au changement

. loyauté

. engagement

. culture d'apprentissage Image partagée de l'évolution du secteur Entretenir une image d'un secteur d'activités d'affaires implique un minimum de connaissances

et de compréhension du secteur. Lorsqu'on aborde le partage de la vision, il est important d'établir non seulement une connaissance mais aussi une compréhension commune du secteur et de son évolution. S'il n'existe pas un minimum de points communs qui amènent les gens à

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évoluer sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne leur image de l'évolution du secteur, il devient difficile d'établir des ponts pour partager une image d'un état futur désiré.

Ne l'oublions pas, une vision est une image d'un état futur désiré. Il est plus facile pour les gens de s'entendre sur un état futur désiré après s'être d'abord entendus sur l'état actuel des choses. Nos recherches nous ont appris trois éléments à ce sujet :

- D'abord, l'image d'un secteur peut varier énormément à l'intérieur d'une

organisation suivant l'expérience du domaine, du groupe de références immédiat et des activités des personnes concernées.

- Ensuite, on remarque que l'image du secteur varie avec l'expérience acquise et le

temps passé dans le secteur. Chaque génération semble entretenir des images différentes. L'image du secteur que les gens ont acquise au moment où ils y sont entrés semble demeurer comme une toile de fond sur laquelle viennent se greffer les événements ultérieurs. On peut ainsi observer de grandes disparités dans les organisations qui ont plus de 50 ans d'existence. Ceci peut présenter un problème majeur dans les cas de succession ou de transfert de pouvoir à la direction lorsqu'un dirigeant est resté en place très longtemps. On en est venu, à la haute direction, à partager l'image du secteur. Lorsqu’un nouveau dirigeant arrive en provenance de l'extérieur, il aura beaucoup de travail à faire pour établir de nouvelles bases communes de connaissances et de compréhension de l'évolution du secteur, étape nécessaire avant d'enclencher la mise en place d’un processus visionniste.

- Troisièmement, les organisations dont les opérations sont toutes situées au

même endroit jouissent d'un avantage certain quant à l'image partagée de l'évolution du secteur. Celles qui ont fait des fusions, qui ont des opérations dans des secteurs différents ont besoin d'un travail d'information afin de s'assurer que tous sont au même niveau en ce qui concerne la compréhension de l'évolution du secteur et la position occupée dans le secteur. Il n'est pas du tout certain qu'on puisse développer une vision trans-sectorielle dans une organisation qui évolue dans plusieurs secteurs d'activités différents. On pourra cependant partager une philosophie de gestion commune.

Image partagée du potentiel de l'organisation Il peut être possible de s'entendre sur ce qu'est l'état actuel du secteur ainsi que sur ses

tendances, mais la plupart des membres de l'organisation n'entretiennent pas une vue d'ensemble de l'organisation qui soit aussi complète que celle du dirigeant. On ne connaît pas toujours aussi bien que lui les ressources et les capacités de l'organisation.

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Par contre, les communications internes entre la direction et l'organisation peuvent jour un rôle stratégique vital car le personnel de l'organisation peut évaluer, chacun dans son secteur, avec plus de justesse ce qu'il est possible ou non de réaliser.

Dans un cégep où j’ai été impliqué dans la mise en place d’un processus stratégique,

nous avons tenu à chaque année une journée sur des « échanges quant aux caractéristiques et changements des milieux ». Nous avons invité des employeurs ainsi que divers intervenants sociaux économiques à venir nous présenter leur lecture de l’environnement régional. Le personnel et les étudiants étaient invités à assister. De fait, plusieurs centaines l’ont fait.

Chaque présentation durait une quinzaine de minutes et était suivie d’inter actions d’une

quinzaine de minutes. Une autre journée portait sur des échanges sur ce que nous devrions faire pour nous ajuster aux changements de l’environnement. Le processus de présentations et d’échanges était le même que celui décrit précédemment ci-dessus. Par contre, plusieurs présentations étaient la résultante d’ateliers de groupes tenus au préalable, souvent lors d’une journée pédagogique antérieure. Ces « journées d’échanges » avaient lieu dans un auditorium avec microphones en avant et de chaque côté de la salle pour faciliter les interventions. Elles sont très instructives et motivantes.

Attitude positive face au changement Le partage de la vision conduit l'organisation à s'insérer dans un processus évolutif. Ceci

nécessite non seulement l'acceptation mais aussi le désir du changement. On dit que la résistance au changement croît avec l'âge. Ce précepte peut s'appliquer tant aux organisations qu'aux individus.

Je n'ai pas vu un seul cas où un nouveau dirigeant a réussi à insérer une nouvelle vision dans

une organisation existante depuis au moins 20 ans sans apporter des changements de personnel à un minimum de postes clefs. Il semble qu'il faille souvent introduire un minimum de changements dans les ressources humaines pour générer une dynamique de changement. Dans ce domaine, plusieurs commissions scolaires pourraient essayer de tirer des effets de synergies positives des fusions réalisées. Celles-ci peuvent être la source de nouvelles idées stimulantes tant pour les uns que pour les autres.

Loyauté Les discussions qui auront cours sur l'évolution du secteur de même que sur les transformations

requises risquent d’amener la direction à fournir des renseignements parfois de nature confidentielle. Si on est dans un climat où certains ont des comptes à régler, cela pourra venir ralentir ou même annihiler le partage de la vision. Il faut un minimum de loyauté si on veut avoir accès à suffisamment d'informations pour être impliqué dans le processus. La loyauté

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cela se cultive en commençant par la direction qui en donne l’exemple et l’intègre dans la culture de la commission scolaire.

Engagement Il faut que chacun se retrouve dans la vision. Pour ce faire, il faut concevoir un système où les

gens se commettent. Pour ce faire, il faut un climat de confiance et de loyauté. Encore en cette matière, les modèles sont puissants, en commençant par le sien qui peut être promu par l’exemple.

Le directeur général conseille sur des orientations d'ensemble, suggère une vision centrale. Il

revient à chaque conseil d’établissement de définir son projet éducatif dans son école. Tout comme pour la loyauté, une façon d’intégrer l’engagement dans la culture de l’organisation réside souvent dans les exemples à faire connaître qui portent sur des engagements envers des personnes et/ou l’organisation.

Culture d'apprentissage Le visionnaire apprend, intériorise. «On est amené à dépasser l'orientation initiale que donne le

consultant; on est forcé d'aller au fondamental» commente un grand gestionnaire étudié. Les gens de l'organisation devront se mettre à apprendre pour que le partage de la vision puisse s'opérer. On devra s'interroger sur les clients, les compétiteurs, s'intéresser aux événements reliés au monde de l’éducation, lire les publications dans lesquelles on parle des tendances du marché du travail, participer à des séminaires, suivre des cours, même lire quelques livres.

L'image que la direction entretient de l'organisation constitue aussi une variable non

négligeable dont nous avons peu parlé. Elle risque de fluctuer en fonction du temps que consacrera à son organisation le dirigeant. Il faut consacrer un minimum de temps à être à l’écoute active de l'organisation pour en tenir l'image à jour. Un général d’armée qui connaîtrait bien les positions des armées ennemies, mais qui ne connaîtrait pas bien l’état de ses troupes, de leurs forces et faiblesses, serait très désavantagé.

Il faut aussi créer un climat politique dans l’organisation de telle sorte que les gens puissent

donner l'heure juste et dire ce qu’ils pensent sans crainte de représailles ou de pressions indues. On se doit de créer un climat propice pour soutenir cet apprentissage, car tout ce qui concerne la vision et son partage consiste à se placer dans un processus évolutif et créatif qui implique que les gens soient prêts à s’ouvrir et à se commettre. On s’éloigne des jeux de basse partisanerie.

À partir du moment où on s’intègre dans un processus de conception et de partage visionniste,

le travail de chacun n’est plus perçu comme l’accomplissement de tâches disparates, mais

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comme une contribution à la réalisation d’un projet collectif. On demande à quelqu’un ce qu’il fait. S’il répond : «je pose des briques», il décrit son activité. S’il répond : « je construis une cathédrale», il décrit sa contribution à une œuvre, à une vision collective. Si on demande à une enseignante : que fais-tu? Si elle répond, «j’enseigne les mathématiques», elle vient de répondre en indiquant son activité principale. Si elle répond : «je participe à l’éducation d’élèves autonomes et responsables», elle vient d’indiquer sa contribution à la mise en œuvre d’une vision collective.

En somme, les conditions du partage de la vision, qu'elles soient reliées à la direction ou à

l'organisation, dépendent fortement du dirigeant et de la culture qu’il insuffle à l’organisation par ses communications et son exemple. Il doit s'assurer de satisfaire à un certain nombre de conditions dont celles que nous venons d’énumérer avant de commencer à travailler sur les moyens proprement dits du partage de la vision. Évidemment, la loyauté n'est pas toujours totalement acquise. Mais il en faut un minimum pour commencer à partager. Plus d'une recherche ont montré qu'une des bonnes façons de maintenir un processus visionniste actif consiste à se maintenir au centre d’un réseau de contacts diversifié tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son organisation.

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LES MOYENS DU PARTAGE DE LA VISION Une fois les conditions mises en place, du moins pour l'essentiel, on aborde les moyens plus directs de partage de la vision. Sur ce point, comme sur plusieurs autres abordés dans ce texte, la littérature en gestion demeure très limitée. Nous suggérons néanmoins quelques moyens qui fournissent des repères pour initier une démarche de partage d’une vision. Tableau 4 Moyens de partage d’une vision 1. Mode interpersonnel

Relations directes

Relations indirectes

- Observation - Influence des tâches à accomplir

- Communication interpersonnelles - Tâches spéciales à réaliser. Ex. : participation à la planification stratégique

- Introduction à des personnes clefs - Formation

- Activités informelles communes (ex. golf)

- Communications de groupe

Sur les moyens du partage de la vision, nous nous inspirons souvent des recherches sur les entreprises familiales, en particulier celles qui ont étudié des processus de succession (Hugron, 1998). Certains auteurs insistent sur le fait qu'une des bonnes façons de bien préparer son successeur consiste à enseigner patiemment l'histoire, la philosophie ainsi que l'évolution de la stratégie de l'organisation. D'autres insistent sur l'importance de confier des tâches dont l'importance augmente graduellement. Par exemple, les tâches qui impliquent des relations avec les actionnaires et avec les clients semblent privilégiées. Lorsqu'on parle de partage de la vision dans une organisation comme une commission scolaire, on entre dans un système intersubjectif à multiples acteurs dont la complexité s'amplifie. Même si ce partage implique un système relationnel entre le dirigeant et un ensemble, il n'en demeure pas moins que le dirigeant devra s'attarder à établir une relation interpersonnelle plus étroite avec les leaders de l'organisation.

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Six moyens sont proposés pour soutenir un processus de partage d’une vision. Ils sont présentés au tableau 5 ci-dessous, puis commentés : Tableau 5 Moyens de partage de la vision 2. Mode organisationnel

Communication Négociation Transformation Formation Reconnaissance Rythme

Communication La communication implique un émetteur et un récepteur. Le dirigeant visionnaire sait écouter. Il sait poser les bonnes questions. Parce qu'il travaille à l’établissement de fils conducteurs pour lui-même de même que pour les autres, il apprend à donner des pistes auxquelles les autres peuvent se raccrocher. Les moyens de la communication ainsi que la façon de les utiliser varient énormément d'une organisation à l'autre. Mentionnons : les rencontres individuelles et collectives, les groupes de travail, les vidéos, les journaux et autres publications internes, l'accueil et l'initiation pour les nouveaux employés, les activités de formation, les conférences-midi; dans le milieu scolaire, les journaux et les radios étudiantes, les sites web et les forum internet. On observe que ce qui est communiqué atteint des niveaux de profondeur très différents, varie énormément tant dans la forme que dans le contenu d'une organisation à l'autre. Les petits déjeûners mensuels des recteurs d’universités avec une vingtaine de membres de leur université sont devenus pratique courante et se terminent le plus souvent à la fin de l’avant midi. Les rencontres d'une demi journée par mois tenues par certains dirigeants avec des groupes de 30 à 40 personnes apparaissent fort stimulantes. Le dirigeant explique - parfois à l'aide de graphiques et d'acétates - ce qu'on veut faire, ce qu'on essaie de développer. Il répond aux

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questions, note des suggestions. Ces présentations sont complétées par d'autres personnes de l'organisation. Un vendeur est venu expliquer les problèmes qu'il avait eus avec un nouveau produit chez un client. La discussion qui s'ensuivit permit d'apporter des correctifs à une vison complémentaire clef, celle de la mise en marché de ce nouveau produit. Les gens de ce service de production sont sortis de cette réunion déterminés à fabriquer un produit sans faille. Ils se souviendront longtemps de cette rencontre où le vendeur a raconté son humiliation, dans un pays étranger par surcroît. Il importe que la communication se fasse dans la transparence et qu'on sente de part et d'autre qu'on évolue vers un canevas intégrateur. Plus on communique, plus la vision semble prendre forme, se préciser, évoluer. Ici, la qualité de la communication importe davantage que la quantité. Elle doit refléter une implication.

Négociation

Le partage puis la mise en place d'une vision nécessite des choix stratégiques de développement de produits/services, d'orientation de marchés et d'utilisation des ressources. Dès le début des discussions sur l'élaboration de visions, on voit apparaître des négociations sous diverses formes dans la haute direction. Lorsque le dirigeant est propriétaire, on se rallie volontiers plus facilement. Lorsqu'il s'agit d'un gestionnaire, moins son pouvoir est assis solidement, plus on risque d'assister à des négociations ardues. Dans certains cas, on assistera à des divisions dans la haute direction qui iront jusqu'au divorce. On créera des entreprises distinctes. Cela se produit lorsque certaines conditions décrites dans la section précédente ne sont pas rencontrées, en particulier celles qui ont trait aux images partagées sur l'évolution du secteur, à la reconnaissance de l'expertise du dirigeant et à la loyauté qui n'a pas été suffisamment cultivée de part et d'autre. Dirigeants, ne négligez pas «les habiletés politiques: sans elles, point de salut!» (Harel-Giasson, 1993). Toutefois, on doit se fixer une limite au-delà de laquelle on n'ira pas, car le dirigeant qui cède au-delà d'une certaine limite voit sa vision tellement diluée qu'elle perd son avantage compétitif et sa force d'attraction mobilisatrice. Le dirigeant aurait dû livrer bataille à ce moment-là. Parce qu'il ne l'a pas fait, il finira par devoir quitter l'entreprise de toute façon parce que ce qu'il sera forcé de faire ne fonctionnera pas.

Transformation

Dans la première partie de cette conférence, nous avons vu que les relations influencent la vision et que réciproquement, au fur et à mesure qu'elle progresse et prend forme, la vision sert de critère implicite ou même explicite au choix et à la mise en place de nouvelles relations en commençant par celles des collaborateurs immédiats. C'est ce qu'on veut réaliser qui nous

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amène à nous entourer de gens dont on a besoin pour y parvenir. Le dirigeant qui a une vision s'en servira pour recruter et sélectionner les gens dont il s'entourera. Déjà là, on peut déceler une différence énorme entre l'entrepreneur qui crée son entreprise et s'entoure graduellement de gens qui partagent ses vues, sa culture dès les tout débuts, comparativement au gestionnaire qui arrive dans une organisation où il a à travailler avec des collaborateurs qu'il n'a pas choisis et qui risquent d'être des gens qui ne partagent pas ses vues. C'est surtout là qu'il faut parler de transformation, de réingénierie de l'organisation (Hammer et Chamky, 1993). Il est peu probable qu'un dirigeant parvienne à partager et mettre en place une vision dans une nouvelle commission scolaire où il arrive sans procéder à un minimum de transformations architecturales. Plus on évolue dans un processus de partage visionniste, plus il faut penser à une organisation en transformation permanente. On évolue vers des structures modulaires souples où les gens sont responsabilisés par secteurs d'opérations et invités à développer leur vision. Dans la transformation, on devra tenir compte du niveau d'autonomie requis - compte tenu du secteur d'opération concerné- pour que l'organisation fonctionne de façon créative. Par exemple, Max de Pree (1990) se doit de laisser une grande marge de manoeuvre à ses gens car il évolue dans la conception de mobilier. On ne peut laisser une si grande marge de manoeuvre dans les services financiers par exemple (Robichaud, 1993). Dans une commission scolaire, il faudra tenir compte qu’on évolue à l’intérieur d’un cadre légal où plusieurs paramètres sont déjà définis dans la loi, par exemple en ce qui a trait aux choix, rôles et prérogatives de certains acteurs. Encore, la présentation de modèles et d’exemples vient illustrer la démarche et permet souvent de gagner beaucoup de temps.

Formation

Les organisations, même petites, qui se sont dotées de moyens de formation bénéficient d'un avantage certain. Nous avons déjà parlé de culture d'apprentissage. On se doit de l'initier, la soutenir, la développer, la favoriser pour le personnel de tous les niveaux. L'implication de chacun sera vite reflétée par la motivation à s’impliquer davantage. Formation et vision se rencontrent plus particulièrement lorsqu'on utilise les groupes de formation pour les insérer dans un processus visionniste. La participation aux conseils d’établissement requiert un minimum de formation. Quelques heures de formation à la pratique visionniste pour l’ensemble des divers personnels impliqués facilitera le processus. Dans certains cas, cela le rendra possible.

Reconnaissance

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Le partage de la vision aura plus de chance de réussir s'il est fait à partir d'un plan de communication bien orchestré. Dans ce plan, on aura avantage à travailler par gradation. D'abord montrer beaucoup de respect et de confiance aux gens de l'organisation afin de hausser le niveau d'estime de soi. Plus on le fera, plus les gens auront tendance à s'engager, à se responsabiliser. Ensuite, on aura avantage à passer aux récompenses tant individuelles que de groupe. Savoir reconnaître les contributions en particulier celles qui font avancer l'organisation dans la direction de la vision suggérée. Un des effets indirects de la grande dimension et de certaines formes de pratiques du syndicalisme sur les organisations consiste à engendrer une certaine standardisation des comportements. Les organisations, comme les sociétés, qui ne savent pas reconnaître les agents de changement finissent par mourir. Dans une perspective d'évolution visionniste, les récompenses à privilégier peuvent prendre la forme de stages de formation payés, choisis par des personnes qui ont le plus contribué au partage et à la mise en œuvre de la vision.

Rythme

Gérer une organisation, c'est aussi savoir jauger le rythme de croisière de son évolution. Lors de la présentation des conditions du partage d’une vision, nous avons insisté sur le temps : il faut savoir prendre le temps. Dans les moyens, nous insistons sur le rythme : il faut savoir utiliser le temps au maximum, mais apprendre à jauger le rythme de progression. De là l'importance de la communication : système de communication bien rodé, système organisationnel bien coordonné, activités de formation, de développement et d'apprentissage continues. Une fois cela en place, on peut faire prendre de la vitesse aux changements dans l'organisation. Le temps de conception, de développement, de mise en marché de nouveaux produits/services sera réduit. À l'occasion, on sait ralentir le tempo. Par exemple, une organisation super performante étudiée fait une pose d'un an tous les cinq ans. Pendant cette période, on fait le point. On discute de visions émergentes, de vision centrale et de visions complémentaires mais on ne travaille pas activement au développement de nouvelles visions. On accumule tellement d'idées au cours de cette année-là qu'on en a au moins pour cinq ans à les réaliser par la suite.

Nous avons proposé un ensemble de conditions et de moyens pour soutenir le partage de la vision dans une organisation. Il va de soi que ces conditions et moyens ne peuvent pas toujours être mis en place de façon séquentielle. Les organisations où une vision a été partagée et intégrée ont pourtant toutes travaillé, à des degrés divers et dans des ordres fort disparates il faut le dire, à mettre en place ces conditions et ces moyens. Le gradualisme, la méthode des petits pas, l'ajustement continuel, l'écoute et la communication sont à la base de la méthode de travail du dirigeant qui progresse en cette matière du partage de la vision. Ce qui est proposé

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ici peut s’appliquer autant dans un contexte de commission scolaire que dans un autre contexte organisationnel.

PRATIQUE VISIONNISTE EN MILIEU SCOLAIRE Maintenant que nous avons présenté certains principes de base relatifs à la conception et au partage d’une vision, nous allons regarder de quelle façon peut s’établir une pratique visionniste en milieu scolaire. Un modèle est suggéré au schéma 5 ci-dessous. Il est ensuite commenté.

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Schéma 5 D.G. de C.S. et pratique visionniste

Rôle de stratège

Liens entre c.s. et environnements

Communications inspirantes

Création d'une culture visionniste

Le rôle de stratège Rien n’arrive de rien. La conception et la mise en place de visions nécessitent une démarche à la fois analytique et créative. Il importe que le dirigeant qui se donne comme objectif de concevoir et de partager une vision y consacre du temps et de l’énergie, comme on le fait pour la stratégie. Pour ce faire, il importe de consacrer davantage de temps à la vision et à son partage qu’aux opérations. C’est peut-être là le plus grand défi des personnes qui accèdent à des postes de direction générale de nos jours. Les compétences qui ont fait son succès comme opérateur ne sont plus nécessairement les mêmes qui sont requises pour bien exercer son rôle de visionnaire. La pression demeure souvent grande pour consacrer du temps aux opérations. De plus, le conditionnement des

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personnes à pratiquer des activités et à jouer des rôles reliés aux opérations pendant plusieurs années fait qu’il n’est pas toujours facile de passer du rôle d’opérateur à celui de visionnaire. Il faut s’insérer dans une réflexion approfondie de ce qu’implique pour soi le fait de jouer un nouveau rôle qui porte essentiellement sur l’inspiration et la mobilisation organisationnelle (Schon, 1983; Senge, 1990). Nous devons aussi demeurer conscients que la résistance aux changements de même que l’adaptation à de nouveaux rôles croît avec l’âge. Déjà, le fait d’être sensibilisé et de réfléchir à ce qu’implique l’exercice d’un rôle visionnaire peut venir faciliter cette transition. «Il faut que tout le monde trouve son compte et puisse s'identifier à la vision projetée» insiste un des grands gestionnaires étudiés au cours d’une de nos recherches sur le sujet. Il faut que la vision présente assez de dénominateurs communs pour que chacun non seulement s'y retrouve mais puisse l'intégrer, la faire sienne. Elle vient donner un sens, une direction, une orientation au travail de chacun. Il faut qu'elle soit à la fois attrayante et réaliste, inspirante et mobilisatrice. Pour élaborer une vision mobilisatrice qui soit assez attrayante pour être adoptée par les membres de l'organisation, il faut qu'ils y retrouvent un peu d'eux-mêmes. Le dirigeant suggère de grandes orientations. Il reste à chacun de rendre opérationnelle la démarche dans son secteur d'activités. Et on sait où on s'en va. Des communications inspirantes Un des grands avantages d’occuper un poste de direction générale réside dans les tribunes qui sont continuellement offertes pour influencer et convaincre. Un autre atout est celui qui découle du statut et du prestige reliés aux fonctions de direction générale et qui confèrent de la crédibilité à celles et ceux qui occupent ces postes. Il faut montrer beaucoup d’humilité pour cultiver sa crédibilité, mais aussi beaucoup d’engagement. Il faut communiquer fréquemment avec les diverses catégories de membres de son organisation. La mise en place de processus visionnistes procure l’avantage d’offrir plus de cohérence à l’ensemble de ces communications. Toutefois, celles-ci doivent être inspirantes. Pour ce faire, elles ont avantage à rapporter de nombreux exemples qui présentent des modèles inspirants dans la direction où on veut aller. Le contexte dans lequel on évolue va jouer un rôle quant à la réceptivité de l'organisation, quant au désir des gens de changer. Par exemple, on attend du dirigeant qui arrive à la tête d'une entreprise en difficulté qu'il apporte des changements, qu'il propose une vision renouvelée. Plus le contexte est difficile, plus on attend du dirigeant qu'il apporte une vision nouvelle, attrayante et bien ciblée à laquelle on pourra adhérer. Par contre, le successeur d’un visionnaire qui a été marquant pour l’organisation n'a pas toujours la tâche facile. On attend du successeur une vision renouvelée mais qui s'insère dans la continuité. Des tensions internes sont souvent inévitables pendant ces périodes de transition.

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Liens entre les commissions scolaires et leurs environnements La création et la mise en place d’une culture visionniste dans une grande organisation comme une commission scolaire devrait constituer un moyen pour permettre à chacune des unités d’opérations que sont les écoles de mieux s’ajuster à ses divers environnements. Ce faisant, chaque unité devient un exemple dont les autres peuvent s’inspirer pour mieux lire et interpréter les changements des divers environnements. La compréhension de ceux-ci devient pertinente pour concevoir et maintenir des projets éducatifs qui collent vraiment à la réalité des milieux concernés. Le rôle de stratège implique le maintien et le développement d’un ensemble de liens entre une organisation et ses environnements. Ces liens sont le fait non seulement de la direction générale, mais de l’ensemble des acteurs de l’organisation. Il importe que la direction générale demeure préoccupée par cette dimension et puisse suggérer des moyens pour maintenir l’ensemble de ces inter relations actives. Par exemple, on peut organiser dans des écoles les présentations midis où un midi par mois, on invite une table ronde de gens du milieu : artistes, écrivains, médecins, commerçants, etc. Création d’une culture visionniste Pour être en mesure de partager sa vision, le dirigeant devra amener l'organisation à pratiquer un minimum de culture d'apprentissage. Le partage de la vision constitue une activité d'inter relation systémique pro-active. On ne fait pas que de l'ajustement réciproque, on établit une culture dynamisante où on va évoluer ensemble. Les valeurs, les normes, le savoir être collectif, les habitudes de vie qualifient le rythme de changement auquel on est habitué. Il faut un minimum de culture du changement pour qu'une organisation progresse dans un processus visionniste. Certaines organisations ont d’abord dû établir une «culture de gagnants». En fait, c'est parce qu'on a voulu gagner qu'on a été prêt à changer, à s'ajuster, à cheminer puis à travailler en conséquence pour y arriver. Par exemple, dans le milieu scolaire, on peut travailler à mettre ne place une culture de valorisation de l’autonomie. La création d'une culture vers quelque chose se présente comme une stratégie pour créer un mouvement, un momentum vers le changement. C'est une façon de préparer le terrain, de rendre le climat propice, réceptif à la nouvelle vision. Celle-ci sera accueillie comme un fruit mûr, un élément polarisateur qu'on attend. Les dirigeants étudiés qui ont mis en place des processus visionnistes dans leur organisation parlent tous de la culture du client. Chacun dans l'organisation, à tous les niveaux, doit penser «client» pour organiser son travail et l'accomplir. Tout cela crée un terrain propice où la réceptivité à l'information et aux idées augmente. En somme, on ne lance pas une nouvelle vision dans le vide. Il faut préparer le terrain, les esprits, réfléchir tout haut, communiquer ce qu'on est et ce qu'on veut devenir. La vision offrira des pistes pour concrétiser cela.

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VISIONNEURS ET VISIONNISME Tout au long de cette conférence, nous avons fait référence essentiellement à un processus d'élaboration et de partage de la vision initié à partir du haut de la pyramide, à partir du dirigeant, dans notre cas, soit des entrepreneurs ou des grands gestionnaires comme les personnes qui occupent des postes de direction générale dans des commissions scolaires ainsi que des postes de direction dans des écoles. Nous dirons maintenant quelques mots sur le partage d'un processus visionniste initié par la base. Dans toute organisation, on remarque que les configurations de partage de la vision peuvent prendre diverses formes. Une étude d'intrapreneurs dans des organisations para publiques a montré que leur articulation de micro et mini visions, visions émergentes et complémentaires finissait par présenter des éléments orienteurs pour la mise en place d'une vision centrale dans leur organisation (Filion, 1990b). On arrive ainsi à un partage visionniste qui présente une configuration inverse de celle à laquelle il a été fait référence précédemment et où le partage de la vision s'établit de bas en haut. Ce sont les visionneurs à la base qui agissent comme moteurs du processus. Ils sont intégrés par la direction vers des visions communes. La grande difficulté de bon nombre de ces visionneurs consiste à établir un système relationnel de soutien. Le fait de savoir identifier, reconnaître, soutenir ces intrapreneurs, ces visionneurs de micro et de mini visions présente des avantages certains pour une organisation. C'est là que le changement peut être introduit à moindre risque. Et quoi de mieux qu'un champion qui croit à son projet pour que ça réussisse. Cela, certaines grandes entreprises l'ont compris. Par exemple, chez Norsk-Hydro à Bécancour, la vision centrale a émergé des visions complémentaires sectorielles issues de la base. L'entreprise atteint de cette façon un des meilleurs rendements du groupe. Elle est même devenue un modèle que les Norvégiens eux-mêmes viennent étudier. Ces modèles organisationnels où la vision émerge de la base - que cela soit voulu ou non - ne sont pas exempts de zones de tensions et de frictions. La mise en place des conditions et des moyens de partage de visions devient majeure, en particulier les habiletés de négociation des responsables en place. Nous avons présenté et abordé plusieurs dimensions du processus d'élaboration et de partage visionniste. Avant de conclure, nous dirons quelques mots sur la qualité d'une vision puis sur la relation entre le partage de la vision et la performance. VISION STATIQUE ET VISION DYNAMIQUE Les dirigeants d'organisation utilisent de plus en plus le concept de vision. Des firmes, des partis politiques, des revues ont même inclus le mot «vision» dans leur identification. On a fait du

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concept et de son utilisation une mode. On constate qu'il existe toutefois bien des niveaux dans l'articulation et le partage d'une vision. Nous allons ici en décrire brièvement deux. D'abord la vision statique. C'est la plus courante. C'est l'idée fixe, le rêve. Sa formulation n'est basée sur rien de particulièrement cohérent. On n'est pas trop articulé : on ne sait pas trop quoi faire pour insuffler un mouvement à son organisation. On regarde autour et on suit les modes du jour. On entend parler de vision, alors pourquoi n'en n'aurais-je pas une, moi aussi! C'est la vision-minute qui risque d'avoir plus d'effets négatifs que positifs. D'abord parce qu'elle n'est ni inspirante, ni mobilisatrice, elle ne se réalisera pas. Elle risque d'engendrer plus d'effets démobilisateurs à long terme. C'est le ballon qui va se dégonfler. Ensuite parce qu'elle ne résulte pas d'un cheminement qui a été fait par le dirigeant et les membres de l’organisation, elle n'implique pas d'engagement réel ni de mise en place d'un ensemble de moyens pour qu'elle soit réalisée. On parlera bientôt d'autre chose et vogue la galère! À l'autre extrême, la vision dynamique reflète un processus où le dirigeant a fait sérieusement ses devoirs, a analysé son secteur, a consulté, a réfléchi à ce qu’il considère possible de réaliser. Il s'engage à fond dans le processus. La vision devient la racine et le fil conducteur de son activité. Plus elle comporte de différenciations, plus il devient impérieux d'expliquer, de convaincre. C'est là la marque du leadership. Que ce soit au niveau politique ou organisationnel, avec Mandela en Afrique du Sud ou avec Jack Welsch chez GE, comme membre d'une organisation, on se sent mobilisé! Une vision dynamique mobilise car elle exprime l'engagement d'un leader, elle offre un instrument évolutif d'apprentissage qui fera grandir chacun. Cela se reflétera sur la marche de l'organisation qui arrivera ainsi à se démarquer. PARTAGE DE LA VISION ET PERFORMANCE Aborder la relation entre le partage de la vision et la performance présente un véritable défi. D'abord, parce qu'il faut tenir compte des contextes, des cycles, des circonstances, des secteurs. Identifier des comparables ne s'avère pas toujours facile. Ensuite, la grande relativité de la notion de performance et de succès rend encore plus difficile les comparables. L'avantage que présente la vision et le partage de la vision pour la performance peut-être relié essentiellement à deux dimensions : la cible et la frontière. Travailler à partir d'une approche visionniste implique des cibles. Le processus visionniste force à ne pas perdre de vue pourquoi on fait les choses. Il force à se cibler, à ajuster continuellement son tir pour viser plus juste. Le grand danger de l'organisation qui vieillit, consiste à perdre sa dynamique, à dériver en continuant à faire les mêmes choses. L'autre avantage se présente sous la forme de frontières : savoir fixer des

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balises, éviter la dispersion. Entre la cible et la balise, on pourra se concentrer sur le corridor, le segment dans lequel on deviendra plus performant, c’est-à-dire là où on atteindra de meilleurs résultats compte tenu des ressources disponibles et utilisées. CONCLUSION Dans certaines entreprises, l'intensité de la communication d’un dirigeant visionnaire est tellement forte qu'elle semble produire des effets par osmose. La leçon d'engagement, d'intériorisation peut devenir très forte. Une vision est une image projetée d'une réalité désirée. Pour être mobilisatrice, il faut qu'elle soit basée sur une image aussi adéquate que possible de la réalité actuelle du domaine et du secteur concernés. La vision et son partage précèdent la gestion et en déterminent le cadre stratégique et opérationnel. Le partage de la vision nécessite des mécanismes de négociation et d'ajustements pour une organisation qui s'insère de cette façon dans un mouvement en perpétuelle évolution. Proposer un système de partage de la vision, c'est sortir des modèles tout faits pour recréer chaque jour l'organisation. C'est intégrer un système évolutif. Pour que ce système évolue bien, on aura avantage à y favoriser des comportements pro-actifs et à inviter chacun à joindre le processus. On obtient ainsi un mélange entre une stratégie formulée par la direction et une stratégie émergeant de la base. On est orienté essentiellement sur l'avenir. On évolue tant individuellement que collectivement. On évolue vers l'organisation imaginative. Dans une perspective de partage de la vision, on passe de la gestion par planification à la direction par imagination, de l'administration d’opérations à la mise en place d'un système social à qui on a donné une cause, un projet. Mais dirigeants, attention, la proposition d'une vision constitue une arme à double tranchants qui pourra faciliter votre acceptation et vous conduire au succès comme mener à votre rejet et engendrer votre perte. À vous de bien discerner, de bien juger, de savoir bien utiliser l'espace et le temps et savoir choisir les moments propices! En terminant, permettez-moi de vous remercier de m’avoir invité à présenter cette conférence. Celle-ci s’insère bien à l’interface de mes recherches en entrepreneuriat et d’un des domaines majeurs pour le développement de notre société, l’éducation (Filion, 1999b). Je tiens à remercier plus particulièrement les personnes suivantes qui ont accepté de me rencontrer et de me fournir des informations relatives à la loi sur l’instruction publique ainsi que sur la façon suivant laquelle une commission scolaire et une école fonctionne : madame Ginette Jacques, directrice générale de la Commission scolaire des Patriotes (Saint-Bruno-de-Montarville), monsieur Denis Roy de la Commission scolaire Les Affluents ( Repentigny), monsieur Germain Piché, directeur de l’École du Geai-Bleu (La Plaine). J’aimerais remercier plus particulièrement madame Nicole Pelletier et monsieur Michel Dextradeur du comité d’organisation de ce colloque qui n’ont rien négligé pour que du matériel pertinent et de qualité vous soit transmis. Un grand merci à toutes et à tous.

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