concepts d’intertextualité et d’intermédialité. de julia ......

18

Click here to load reader

Upload: dangque

Post on 12-Mar-2018

216 views

Category:

Documents


4 download

TRANSCRIPT

Page 1: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017 ISSN 2411-6750

   

Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution    

http://germivoire.net/?ivoire=detailart&idart=504&rub=180

Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller: Sens et évolution

Eckra Lath Toppé, Université Alassane (Bouaké, Côte d’Ivoire) [email protected]

Résumé Les notions d’«intertextualité» et d’«intermédialité» contribuent à la compréhension des textes et/ou médias. Leur rôle dans le processus d’explicitation des rapports entre les différents médias est avéré, d’autant plus qu’elles font découvrir le dialoguisme entre des éléments textuels et/ou médiatiques considérés jusque-là comme isolés. Notre analyse conduit à la redéfinition de ces deux notions a priori opposées, par la révision de notre acception des termes ’’texte’’ et ’’média’’. Mots-clés: Dialoguisme – Intermédialité – Intertextualité – Média - Texte

Abstract The notions of «intertextuality» and «intermediality» contribute to the comprehension of textes and/or medias. Their role in the process of explanation of the relations between the different medias is real, because they let discover the dialogism between textual and/or medial elements that are until there considered as isolated. Our analysis leads to the redefinition of these two a priori opposite notions through the revision of our acception of the terms ’’text’’ and ’’media’’.

Keywords: Dialogism – Intermediality – Intertextuality – Media - Text

Zusammenfassung Die Begriffe ‘‘Intertextualität‘‘ und ‘‘Intermedialität‘‘ tragen zum Verständnis der Texte und/oder Medien. Ihre Rolle im Erklärungsprozess der Zusammenhänge zwischen den verschiedenen Medien ist nachweislich, zumal da sie den Dialogismus zwischen textuellen und/oder medialen Elementen entdecken lassen, die bisher als isoliert betrachtet werden. Unsere Analyse mündet auf die Neudefinition dieser beiden a priori entgegengesetzten Begriffe durch die Revision unserer Bestimmung der Begriffe ‘‘Text‘‘ und ‘‘Medium‘‘. Schlüsselbegriffe: Dialogismus- Intermedialität – Intertextualität - Medium -

Text

Page 2: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

76  

Introduction

Quoi de plus normal que de mentionner les noms de Julia Kristeva et de Jürgen Ernst Müller quand il est question d’intertextualité et d’intermédialité!

Ce n’est donc pas un hasard si notre étude fait référence à ces théoriciens

considérés comme les deux représentants respectifs de l’intertextualité et de l’intermédialité. Comme tout concept, ces deux notions vont connaître des

évolutions sémantiques diverses liées au dynamisme de la recherche.

Les notions d’intertextualité et d’intermédialité ont différentes définitions d’un auteur à un autre. Ce foisonnement de conceptions ne modifie en rien l’objet

de leur étude qui consiste à analyser les liens existant entre textes et/ou

médias ou ce qui est considéré comme tel. La définition basique de l’intertextualité est qu’elle se conçoit comme «le caractère et l'étude de

l'intertexte, qui est l'ensemble des textes mis en relation (par le biais par

exemple de la citation, de l'allusion, du plagiat, de la référence et du lien

hypertexte) dans un texte donné»1. Cette définition de l’intertextualité fait référence à des notions de relation, de corrélation, d’échanges.

Relativement à la notion d’intermédialité, il faut aussi retenir les concepts d’échanges, de mise en relation ou d’interconnexion d’éléments ou médias. A

ce sujet, Volker Dörr évoque trois éléments englobant cette notion: il utilise

les concepts de Medienkombination (combinaison médiatique), de

Medienwechsel (échange médiatique) et enfin d’intermediale Bezüge (références intermédiatiques) (Dörr 2014: 7f).

Pourquoi une étude sur les notions d’intertextualité et d’intermédialité chez Julia Kristeva et Jürgen Ernst Müller? Quelle est la pertinence d’une telle

analyse? La présente analyse vise à répondre à ces interrogations en

revenant sur l’origine de ces deux notions, à savoir ce qu’est l’intertextualité d’abord, ce qu’est l’intermédialité ensuite et enfin le rapport entre eux.

                                                                                                                         1 Intertextualité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intertextualité [23.12.2016].

Page 3: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

77  

1. Texte et intertextualité

Ici, il s’agit de s’interroger sur les notions de texte et d’intertextualité pour faire ressortir leur signification au regard de l’évolution de l’écriture.

1.1 Qu’est-ce qu’un texte?

Importe-t-il, à ce stade de la réflexion, de se poser une telle question, étant

donné que la notion d’intertextualité a été déjà définie? Cette interrogation

est-elle nécessaire puisque la notion de ’’texte’’ est intrinsèquement liée à celle de l’intertextualité? Ce questionnement s’impose parce qu’il convient de

se mettre d’accord sur des thèmes de référence pour savoir ce dont il est

question ici. Un texte n’est pas seulement un ensemble de mots bien agencés

ou non et dont l’objectif est de produire du sens et de l’effet.

Du latin ’’texere’’ signifiant ’’tisser’’2, on obtient ’’textum’’ qui a donné le mot

’’texte’’3. Si à l’origine «l'entrelacement des fibres utilisées dans le tissage4» s’applique à cette notion, son sens va évoluer pour désigner des «éléments

de langage organisés et enchaînés5», un «agencement particulier du

discours6».Udo Friedrich définit le texte comme suit: «Text ist eine formal

durch Anfang und Ende markierte sprachliche, insbesondere schriftliche Äußerung, z. B. eine inhaltlich zusammenhängende und abgeschlossene

Folge von Sätzen7» (Friedrich 2017: 84).

En outre, François Rastier définit le texte comme «une suite linguistique

autonome (orale ou écrite) constituant une unité empirique, et produite par un

ou plusieurs énonciateurs dans une pratique sociale attestée8» Le texte est également vu comme «une série orale ou écrite de mots perçus comme

constituant un ensemble cohérent, porteur de sens et utilisant les structures

propres à une langue (conjugaisons, construction et association des

phrases…)9».

Par ailleurs, la définition du texte par Sabine Becker nous conduit au-delà

d’un simple agencement de mots en nous plongeant dans l’univers culturel: «(…) Texte sind demnach nicht aufgrund ihrer ästhetischen Struktur oder

                                                                                                                         2 Le texte. https://fr.wikipedia.org/wiki/Texte [23.12.2016]. 3 Id. 4 Ibid. 5 Ibid. 6 Ibid. 7 ’’Le texte est une déclaration orale, surtout écrite, formellement marquée par un début et une fin, par exemple une suite de phrases cohérentes et finies sur le plan du contenu’’ (Traduit par moi). 8 François Rastier, 2001, Arts et sciences du texte, Paris, PUF, p. 302. 9 https://fr.wikipedia.org/wiki/Texte [23.12.2016].

Page 4: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

78  

Eigenqualität Gegenstand literaturwissenschaftlicher Analyse, sondern weil

sie Teil ,,kultureller Kommunikation und kulturellen Handelns‘‘ sind10»

(Leskovec 2011: 19). L’évocation, ici, de la valeur culturelle que peut transporter un texte est un élément capital parce que la notion de texte va

s’étendre progressivement à des concepts qui ne s’appliquaient pas à son

univers. En effet, pour étayer une démarche argumentative, on fait appel à

d’autres sources pour mieux soutenir et rendre convaincantes nos réflexions. A ce sujet, il est fait appel aux citations ou aux allusions, qui sont autant

d’éléments de l’intertexte, comme déjà évoqué plus haut. Mais la notion de

texte va au-delà des simples mots pour embrasser d’autres réalités et concepts plus ou moins complexes. De ce fait, tout discours, écrit ou oral, est

un texte. Ce discours, qui renvoie à une réalité, peut être une chose, un objet,

une idée, un concept.

Si on part donc du principe que tout est texte, alors la culture est un texte

parce qu’elle est un élément de réflexion qui produit de la réflexion. Dans un

article au titre évocateur:‘‘Kultur als Text? Literatur- und Kulturwissenschaften jenseits des Textmodells‘‘11, l’auteur aborde le concept de texte perçu comme

de la culture:

Was mir daran als gemeinsame Grundlage aller kulturwissenschaftlichen Disziplinen erhaltenswert erscheint, ist keineswegs die Annahme, daß Kultur aus Texten im engeren Sinne besteht (auch wenn Handlungen, Kunst, Streichquartette, Feste, usw. als Texte aufgefaßt werden können, eben um ihre Bedeutungsstruktur freizulegen). Vielmehr ist es die Herausforderung, eine Lesart von wahrgenommener Realität zu entwickeln und Kultur in Symbolen zugängliches Handeln zu betrachten. ,,Kultur als Text‘‘ aufzufassen bedeutet, ,,eine Lesart dessen zu erstellen, was geschieht12 (Bachmann-Medick 2004: 149).

De cette définition, il apparaît clairement que la conception traditionnelle de la

notion de texte est dépassée et qu’il convient de le saisir autrement. Le texte

n’est plus seulement la création littéraire, mais tout ce qui suscite ou peut susciter cette création littéraire ou cet écrit. Tout objet, tout homme, toute

notion doit être pris comme un texte, pour la simple raison qu’ils constituent

des sources de réflexion et de connaissances et ce, au même titre que le

texte écrit qui contient en lui des connaissances et des savoirs. Un être                                                                                                                          10’’(…) Les textes ne sont donc pas un élément d’analyse littéraire à cause de leur structure ou qualité propre, mais parce qu’ils sont partie d’une «communication et d’une action culturelle»’’ (Traduit par moi). 11 ’’La culture comme texte? Littératures et cultures au-delà du modèle de texte’’ (Traduit par moi). 12‘’En tant que fondement commun de toutes les disciplines culturelles, ce qui me parait digne d‘intérêt n’est nullement l’hypothèse que la culture, au sens stricte, se compose de textes (même si des actions, l’art, des quatuors à cordes, des fêtes, etc. peuvent être perçus comme des textes pour justement exposer leur structure significative). Le défi est plutôt de développer une lecture de réalité perçue et de considérer la culture comme des symboles d’action accessible. Saisir la ,,culture comme texte’’ signifie ,,établir une lecture de ce qui se passe’’ (Traduit par moi).

Page 5: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

79  

humain par exemple est un texte parce qu’en l’observant en action ou dans

une posture passive, il fait naître des idées, des pensées, des réflexions et

beaucoup d’autres formes d’interprétations qui constituent un texte. C’est le cas de tout objet ou de tout concept.

Le texte est donc une transposition de soi ou de tout autre chose ou concept en tant que texte. Il est par conséquent le résultat d’un ou de plusieurs textes.

L’auteur d’une œuvre par exemple ne fait que faire jaillir un texte déjà présent en lui et qui le constitue. C’est justement de cela qu’il s’agit chez Roland

Barthes quand il affirme: «Tout texte est un intertexte; d'autres textes sont

présents en lui à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables: les textes de la culture antérieure et ceux de la culture

environnante; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues13».

Autrement dit, tout texte, et au-delà, toute production, est un agrégat, une

fusion, un assemblage, un rappel d’autres œuvres déjà rencontrées. En fin de compte le ’’texte’’ n’existe pas vraiment, du moins dans sa définition

traditionnelle. Tout objet existant et pouvant susciter une création littéraire

orale ou écrite n’est en fait qu’un intertexte, c’est-à-dire le résultat d’une fusion de connaissances antérieures. Par conséquent la notion

d’intertextualité doit être revue.

1.2 L’intertextualité au delà de la tradition

Tout texte étant un intertexte, selon Roland Barthes14, l’intertextualité est

donc une textualité, c’est-à-dire l’étude du croisement de plusieurs textes qui

sont eux-mêmes le résultat d’autres croisements. L’intertextualité n’est pas la simple étude de l’intertexte, mais celle des intertextes. Ici aussi, à l’instar du

texte, il n’y a rien de nouveau: toute création étant le fruit d’autres créations,

le contexte historique de l’univers de chaque individu influence sa pensée et ses créations. Nos créations sont plus ou moins conditionnées par notre

vécu, notre passé qui agit d’une manière ou d’une autre sur notre réflexion.

Nos résultats acquis sont le fruit des expériences accumulées plus ou moins

consciemment. L’intertextualité est alors l’analyse du croisement d’autres croisements. A juste titre, Jacques Poulin écrit:

Il ne faut pas juger les livres un par un. Je veux dire: il ne faut pas les voir comme des choses indépendantes. Un livre n’est jamais complet en lui-même; si on veut le comprendre, il faut le mettre en rapport

                                                                                                                         13 Intertextualité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intertextualité [23.12.2016]. 14 Id.

Page 6: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

80  

avec d’autres livres, non seulement avec les livres du même auteur, mais aussi avec des livres écrits par d’autres personnes15.

Jacques Poulin évoque ici, sans le nommer, la notion de dialogisme

développée par Mikhaïl Bakhtine. C’est justement de cela que parle Kareen

Martel en écrivant que « pour Bakhtine, le langage est un médium social et

tous les mots portent les traces, intentions et accentuations des énonciateurs qui les ont employés auparavant16».

Chez Bakhtine, le langage joue deux rôles capitaux: il est d’abord un médiateur social qui fait la jonction entre les différents éléments de la société

(les hommes, les concepts, les objets, etc.) qui sont des textes et ensuite en tant qu’historien, une instance consignatrice et gardienne des faits sociaux.

Pour en revenir à Roland Barthes, il faut retenir que:

Cette définition de l'intertextualité emprunte beaucoup au dialogisme tel que l'a défini Mikhaïl Bakhtine. Il considère en effet que le roman est un espace polyphonique dans lequel viennent se confronter divers composants linguistiques, stylistiques et culturels. La notion d'intertextualité emprunte donc à Bakhtine l'idée suivant laquelle la littérarité naîtrait de la transformation de différents éléments culturels et linguistiques en un texte particulier17.

L’importance du dialogisme dans l’intertextualité est également évoquée par

Violaine Houdart-Mérot pour qui le texte est le résultat d’échanges, de convocations de connaissances antérieures. A cet effet, elle écrit:

De fait, l’idée de dialogisme est présente en filigrane dans cette conception du texte comme productivité: l’auteur n’est pas «sous influence», copiste ou héritier d’une tradition, mais il entre en dialogue avec ses lectures, qu’il interprète à sa façon, le texte nouveau amenant même à relire différemment ses hypotextes. L’intertextualité suppose donc une altérité constitutive de tout texte, s’il est vrai, comme l’affirme M. Bakhtine, que tous les mots de la langue sont habités par la voix d’autrui et que chaque mot est «un drame à trois personnages18.

Le dialogisme de Bakhtine va inspirer le groupe Tel Quel19 au sein duquel va

apparaitre la notion d’intertextualité à la fin des années 1960. Julia Kristeva,

qui est le symbole de cette théorie, la définit comme une «interaction

                                                                                                                         15 Jacques Poulin, cité d’après Kareen Martel. "Les notions d'intertextualité et d'intratextualité dans les théories de la réception." Protée 331 (2005): 93–102. http://www.erudit.org/fr/revues/pr/2005-v33-n1-n1/012270ar/ [17.03.2017]. 16 Kareen Martel, 2005."Les notions d'intertextualité et d'intratextualité dans les théories de la réception", in: Protée 331 (2005): 93–102, in:http://www.erudit.org/fr/revues/pr/2005-v33-n1-n1/012270ar/ [17.03.2017]. 17 Intertextualité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intertextualité [23.12.2016]. 18 Violaine Houdart-Mérot, 2006. «L'intertextualité comme clé d'écriture littéraire », Le français aujourd'hui 2006/2 (n° 153), p. 25-32. http://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2006-2-page-25.htm [17.03.2017]. 19 Tel quel est une revue de littérature française d'avant-garde, fondée en 1960 à Paris. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tel_quel_(revue) [23.12.2016].

Page 7: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

81  

textuelle20». Ce qui signifie que «le texte littéraire se constituerait donc

comme la transformation et la combinaison de différents textes antérieurs

compris comme des codes utilisés par l'auteur21». L’intertextualité apparaît donc comme le jeu de déconstruction, de construction et de reconstruction

textuelle, autrement dit, l’action consistant à défaire, faire et refaire des textes

mis en interaction, en dialogue.

En ce qui concerne Gérard Genette, il propose le terme de transtextualité qui est plus généralisant, car intégrant l’intertextualité. Il conçoit la transtextualité

comme la théorie qui «analyse tous les rapports qu'un texte entretient avec

d'autres textes22». Contrairement à ce qui a été dit jusque-là et qui perçoit l’intertextualité comme une notion qui va au-delà du simple texte oral ou écrit,

Genette a une perception restrictive de cette notion en ne la réservant qu’aux

cas de «présence effective d'un texte dans l'autre23», notamment par la

citation, le plagiat et l’allusion24.

Avec l’évolution des moyens de communication et de diffusion du savoir ainsi que des rapports nouveaux qui s’établissent entre ceux-ci, il convient

désormais d’intégrer le fait que tout est texte et de s’aligner sur la position de Michael Hofmann pour qui la compréhension et la communication scientifique

se seraient complexifiées au point où des notions telles que l’interculturalité,

l’étranger, le dialogue (qui sont à considérer comme des textes) seraient

revues et corrigées sémantiquement (Hofman 2006: 4). Il va de soi qu’il s’agit, ici, d’un recadrage de la notion d’intertextualité. Qu’en est-il de la notion

d’intermédialité?

2. Des notions de média et d’intermédialité

A ce stade de notre étude, il convient aussi de se pencher sur les notions de ’’média’’ et d’´´intermédialité´´ pour situer leur rôle dans le processus de

compréhension des médias.

2.1 La notion de média

La notion de média renvoie à un ensemble d’éléments très variés dans leur

forme. La définition que lui donne Udo Friedrich informe déjà qu’il englobe divers domaines: «Medium ist ein lateinisches Wort für Mitte, Mittler. (…)

Alltagssprachlich bezeichnet man damit oft die Menge aller Institutionen, die

unter erheblichem technischem, menschlichem und finanziellem Aufwand                                                                                                                          20 Intertextualité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intertextualité [23.12.2016]. 21 Id. 22 Intertextualité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intertextualité [23.12.2016]. 23 Id. 24 Cf. Ibid.

Page 8: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

82  

Informationen in der Gesellschaft sammeln, erzeugen und verteilen25»

(Friedrich 2017: 63).

Si Udo Friedrich s’est limité à l’ensemble des institutions produisant ces

médias, Emilie Lumière va plus loin en énumérant, en référence à la

conception très large du terme «média» par Jürgen Müller, ce qui est considéré comme média. A ce propos, elle écrit que «notre quotidien est

marqué par les médias et les concepts de médialité26» qui sont: les «textes,

lettres, images, photographies, couvertures, bandes dessinées, téléphone,

télétexte, télévision, radio, publicité, cinéma, vidéo, vidéo-clip…27» Autrement dit, tous les moyens de communication et d’interaction sociale.

De ces définitions, il faut retenir que la notion de média est transdisciplinaire et qu’elle englobe tout ce qui est porteur de savoirs et de connaissances. Son

champ d’action est transcendantal. Aux éléments énumérés par Emilie

Lumière, il faut ajouter les concepts, les idées, les notions ou tout autre

élément pouvant transporter aussi des savoirs, à l’instar des textes ou de ce qui est considéré comme tel. Le média peut donc prendre plusieurs formes tel

qu’exprimé par Joachim Paech pour qui: «Medium bedeutet, die Form von

etwas annehmen können, ohne es zu sein28» (Paech 2014: 46). En d’autres termes, tout est média. Toute chose qui existe et qui participe à la formation,

à l’information est considérée comme un média au sens large du terme. Que

peut donc signifier le terme ’’intermédialité’’?

2.2 De la question de l’intermédialité

Le concept d’intermédialité est attribué au Professeur Jürgen Ernst Müller qui semble avoir été le premier à l’avoir théorisé à la fin des années 198029. Mais

de quoi s’agit-il quand il est question d’intermédialité? La réponse peut être la

suivante:

Il s’agit d’une approche conceptuelle pluridisciplinaire s’intéressant aux relations et interactions entre des médias distincts à l’intérieur d’une œuvre et se développant «dans des contextes sociaux et historiques spécifiques». Il s’agit de s’intéresser à la production de

                                                                                                                         25 ’’Le média est un terme latin pour désigner centre, intermédiaire. (…) Dans le langage courant, on désigne ainsi la multitude de toutes les institutions qui, par des efforts techniques, humains et financiers considérables, collectent, produisent et diffusent des informations au sein de la société’’ (Traduit par moi). 26 Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017]. 27 Id. 28 ’’Le média signifie le fait de pouvoir prendre la forme de quelque chose sans l‘être’’ (Traduit par moi). 29 Intermédialité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Interm%C3%A9dialit%C3%A9 [22.01.2017].

Page 9: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

83  

sens qui émerge de ces convergences médiatiques et donc de cesser de considérer les médias comme isolés les uns des autres30.

Aujourd’hui, la récurrence de ce terme semble faire croire à un concept

nouveau qui, pourtant, a toujours existé, d’autant plus que la pluralité de

médias a toujours existé et qu’il n’y a pas de cloisons absolument étanches entre eux. Dans un article intitulé ’’Warum Intermedialität?’’ (’’Pourquoi

l’intermédialité?’’), l’auteur Joachim Paech tente d’expliquer la récurrence du

terme. Selon lui, l’intermédialité n’est pas un ’’nouveau concept’’, mais que l’apparition de ce nouveau thème s’explique par le fait qu’il est un

changement significatif dans la relation des arts entre eux et avec les

nouveaux médias, et aussi l’ouverture d’un nouveau champ de recherche qui,

avec ses propres méthodes, réagit au ‘processus intermédial’ dans les arts et

médias (Paech 2014: 46).

De ce point de vue de Joachim Paech, l’on peut retenir que l’intermédialité est

interdisciplinaire. Pour Werner Wolf, son interdisciplinarité se caractérise par

le fait qu’elle éclaire des phénomènes qui, traditionnellement analysés par

diverses disciplines, peuvent désormais l’être sous un concept nommé Intermédialité et parle a cet effet d’hybridation des médias (Cf. Wolf 2014:

12). Pour lui, c’est donc le caractère hybride des médias qui crée leur

interdisciplinarité. Dans un article, il aborde l’importance de cette notion pour la littérature en faisant un rappel historique qui démontre que la notion existe

depuis longtemps, mais que son regain de vitalité est dû à la naissance de

nouveaux médias:

Die Bedeutung von Intermedialität für die Literaturwissenschaft sei hier an einigen Beispielen hauptsächlich aus der englischen Literatur illustriert. Literatur ist ein Medium (im semiotischen Sinn), das durch eine Vielzahl technischer und institutioneller Dispositive übermittelt wird und wurde Intermedialität: Lyrik, wie in den alten Epen, wurde ursprünglich bekanntlich rezitiert, d.h. in mündlicher Rede aufgeführt, z. T. mit musikalischer Begleitung, bevor sie dominant ein schriftliches und buchdruckvermitteltes Medium wurde. Das Drama kann als Buchmedium aufgefasst werden, wenn es sich um ein reines Lesedrama handelt. In den meisten Fällen jedoch ist es besser als aufgeführtes und daher ,plurimediales’ Theater anzusehen, das Text, Geräusche, Musik und Visuelles (inklusive Gestik) vereinigt. Seit der Antike haben die bildenden Künste zur Vermittlung von Literatur beigetragen, seit dem 19. Jahrhundert tut dies auch die Programmmusik. Seit dieser Zeit haben sich durch die Entwicklung neuer Medien weitere Möglichkeiten ergeben: Photographie, Film, das Radio und Comics müssen in diesem Zusammenhang erwähnt werden, da sie alle dazu beitragen können und beigetragen haben, Literatur zu vermitteln, und dabei ihr je eigenständigen mediales Profil einbringen. Mit Blick auf neueste technische Medien sollte man das

                                                                                                                         30 Id.

Page 10: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

84  

Spektrum (auch) literaturvermittelnder Medien ergänzen, und zwar um Videos und DVDs, CDs (vor allem wenn es um Hörbücher geht), iPads und E-Books sowie allgemein den PC als digitales Medium, das nicht nur hyperfiction übermitteln kann, sondern auch literarisch inspirierte virtual realities produzierende Computerspiele; diese sind ihrerseits im Begriff, zu einer Art neuem, interaktivem Gesamtkunstwerk zu werden, selbst wenn man noch zögern möchte, hier den traditionellen Kunstbegriff anzuwenden31(Wolf 2014: 13f).

Par ailleurs, Wolf conçoit l’intermédialité, dans un sens large, comme le

franchissement des frontières entre des médias conventionnellement perçus

comme distincts et, dans un sens plus restreint, interne à l’œuvre,

analogiquement à l’intertextualité décrivant une référence entre au moins deux textes ou deux médias (Cf. Wolf 2014: 7). On peut dès lors se

demander s’il y a un lien entre l’intertextualité et l’intermédialité ou si ces deux

notions sont absolument opposées.

3. L’intertextualité et l’intermédialité: divergence, complémentarité ou superposabilité?

Diverses positions semblent rapprocher ou différencier nettement les notions

d’intertextualité et d’intermédialité. Qu’en est-il réellement? Ces deux notions

ont-elles des points communs ou se caractérisent-elles par une opposition tranchée?

3.1 Intertextualité vs intermédialité Si on s’en tient d’abord à leur orthographe, les deux notions n’ont rien à voir

l’un avec l’autre. Et ensuite, même s’il s’agissait de synonymes, elles ne

pourraient absolument avoir le même contenu l’un pour l’autre parce qu’un

terme ne peut avoir de contenu absolument identique avec un autre terme que le terme lui-même. Autrement dit, une notion ne peut avoir de synonyme

ayant un même contenu et renvoyant au même sens que cette notion elle-                                                                                                                          31 ’’L’importance de l’intermédialité pour la littérature serait principalement illustrée ici par quelques exemples issus de la littérature anglaise. La littérature est un média (au sens sémiotique) qui est transmis par une multitude de dispositifs techniques et institutionnels et devint intermédialité: la poésie, comme dans les épopées anciennes, était à l’origine, comme on le sait, récitée, c’est-à-dire présentée dans un discours oral. En partie, avec un accompagnement musical avant de devenir, de façon dominante, un média écrit et transmis au moyen du livre. Le théâtre peut être saisi comme un média livresque quand il s’agit d’une pure œuvre dramatique à lire. Dans la plupart des cas cependant, il est mieux de le considérer comme un théâtre représenté et donc ’’plurimédiatique’’ qui réunit le texte, les bruits, la musique et le visuel (y compris la gestuelle). Depuis l’Antiquité, les arts plastiques ont contribué à la diffusion de la littérature et depuis le 19e siècle, le programme musical le fait également. Depuis cette époque, d’autres possibilités sont nées par le développement de nouveaux médias: la photographie, le cinéma, la radio et les bandes dessinées doivent être évoqués dans ce contexte, puisqu’ils peuvent tous contribuer et ont contribué à la diffusion de la littérature et à cela, chacun lui apporte son profil médiatique autonome. Avec le regard sur les plus récents médias techniques, on devrait compléter le spectre des médias transmettant (aussi) la littérature et ce, autour des vidéos et DVD, des CD (surtout quand il s’agit de livres audios), des iPads et des livres électroniques ainsi qu’en général le PC comme média numérique qui ne peut transmettre seulement l’hyperfiction, mais également des réalités virtuelles qui produisent des jeux d’ordinateurs inspirés par la littérature; ceux-ci, de leur côté, sont sur le point de devenir une sorte de nouvelle œuvre d’art globale interactive, même si on pourrait encore hésiter à utiliser ici le terme artistique traditionnel’’ (Traduit par moi).

Page 11: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

85  

même. En d’autres termes, c’est le terme ’’Intertextualité’’ qui est son propre

synonyme absolu; il en va de même pour le terme ’’Intermédialité’’. Cela

revient à dire que les deux notions sont opposées.

Relativement à cette opposition, Jürgen Müller voit le concept d’intertextualité

comme plus restrictif que celui d’intermédialité32. Par conséquent, on admet une démarcation entre ces deux notions qui ne peuvent donc renvoyer au

même contenu. A propos de Müller justement, Emilie Lumière donne la

position de celui-ci relativement à l’opposition entre l’intertextualité et

l’intermédialité

Müller reconnaît la pertinence du concept d’intertextualité qui, historiquement, n’était pas limité au texte écrit. Il rappelle que lorsque Julia Kristeva fonde la notion à la fin des années 1960, comme, il la cite, une «interaction textuelle qui se produit à l’intérieur d’un seul texte», l’intertextualité pouvait renvoyer à des «processus intermédiatiques». Néanmoins, les recherches menées par la suite et notamment par Genette au début des années 1980, ont restreint le concept à une interaction particulière (une «présence effective d’un texte dans l’autre» [Palimpsestes]) et l’ont prioritairement axé sur le texte écrit. Efficace pour la recherche en littérature, l’intertextualité ne permet pas, selon Müller, d’aborder la complexité des interactions médiatiques et ne donne pas suffisamment de place à la matérialité des médias et à leur fonction sociale33.

Comme il est donné de constater dans les propos ci-dessus d’Emilie Lumière, l’intertextualité, à l’origine, ne se distinguerait pas de l’intermédialité.

L’opposition constatée ne serait due qu’aux recherches ultérieures qui

auraient confinées l’intertextualité dans l’étude des relations entre textes écrits uniquement. Alors que la notion d’intermédialité renvoie à l’étude des

relations entre des éléments aussi divers qu’hétéroclites. L’opposition, voire la

différence entre ces deux notions réside, selon Müller, dans leur

fonctionnalité. Il conçoit, en effet, l’intermédialité comme beaucoup plus fonctionnelle dans l’étude des médias par rapport à l’intertextualité,

l’interartialité et l’hybridité qu’il considère comme des notions concurrentes34.

Si on s’en tient aux définitions des deux notions, on peut retenir qu’elles n’ont a priori rien en commun, d’autant plus qu’elles ont des caractéristiques

propres. Mais y a-t-il vraiment une opposition absolument tranchée entre ces

deux notions?

                                                                                                                         32 Cf. Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017]. 33 Cf. Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017]. 34 Cf. Id.

Page 12: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

86  

3.2 Intertextualité et/ou intermédialité?

Si on part du principe que tout est texte (voir le point 1.2. L’intertextualité au

delà de la tradition de la présente analyse), alors les notions d’intertextualité et d’intermédialité renvoient à la même réalité, du moins à des contenus

semblables, en procédant par déduction logique. Tout étant texte, le média

est donc un texte et vice-versa. La différenciation, à ce niveau, est due à leur

ontologie. Longtemps, la rigidité définitionnelle de ces deux notions les a confinées dans des limites desquelles la recherche et l’évolution des

techniques et de la technologie les font échapper aujourd’hui. Le point de vue

d’Emilie Lumière à ce sujet nous informe et nous rassure que ces deux notions ne peuvent être séparées. Les références contenues dans sa citation

produisent à la fois des interactions intertextuelles et intermédiatiques:

Le mot de Simonides de Kéos, «la peinture comme une poésie muette», dans les Moralia de Plutarque, est une des premières réflexions sur l’interaction entre les médias. Cette perspective est reprise pendant la Renaissance italienne: selon Giordano Bruno, il y a des liens inséparables entre musique, poésie, peinture et philosophie. Un poète produit des images à partir de visions et de sons. Cette idée semble très moderne et pourrait renvoyer, par exemple, à l’art vidéo35.

Les notions d’intertextualité et d’intermédialité se rejoignent en se confondant

très souvent dans leur développement. Revenons quelque peu sur la

définition de la notion d’intermédialité par Werner Wolf qui s’appuie sur celle d’Irina Rajewsky: «Intermedialität bedeutet das Überschreiten von Grenzen

zwischen konventionell als distinkt angesehenen Kommunikationsmedien,

wobei solches Überschreiten sowohl innerhalb von einzelnen Werken oder Zeichenkomplexen als auch zwischen solchen vorkommen kann36» (Wolf

2014: 21).

De la définition ci-dessus, on retient que l’intermédialité a lieu entre au moins

deux médias ou textes, et cela est aussi de l’intertextualité (au sens premier

de l’intertextualité définie par Julia Kristeva et qui consiste en l’étude de la présence effective d’un texte dans un autre et qui «pouvait renvoyer à des

’’processus intermédiatiques’’37». Autrement dit, l’intermédialité et

l’intertextualité renvoient à la même réalité. Pour Anna Zamolska, cette

                                                                                                                         35 Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017]. 36’’L’intermédialité signifie le franchissement des frontières entre des médias de communication conventionnellement considérés comme distincts, où un tel franchissement peut se faire aussi bien à l’intérieur qu’entre des œuvres uniques ou complexes de signes’’ (Traduit par moi). 37 Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017]

Page 13: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

87  

intermédialité au sens intertextuel doit être considérée comme de la

transmédialité (Cf. Zamolska 2014: 121).

Dans une étude comparée sur le roman de Daphne du Maurier intitulé Rebecca et le film éponyme d’Alfred Hitchcock qui en est tiré, Anna Zamolska

écrit que la recherche de caractéristiques du conte dans les deux médias (le

roman et son adaptation cinématographique) engendre un cadre transmédial

parce que ces caractéristiques, au sens d’Irina Rajewsky, ne sont pas spécifiques aux médias et peuvent de ce fait être considérées comme non

indépendants des médias (Cf. Zamolska 2014: 121).

Qu’il s’agisse donc de transmédialité ou d’intermédialité, il apparait clairement que les barrières entre les médias s’estompent pour provoquer une

interpénétration médiatique qui met ainsi fin à une sorte de ’’ghettoïsation

médiatique’’, comme l’exprime Philip Grimm:

L’intérêt de Jürgen Müller pour le concept d’intermédialité est indissociable de l’émergence de cette notion dans le contexte académique occidental des années 1980. Comme il l’explique, Müller fait partie des premiers chercheurs qui ont eu recours, à cette époque, au concept d’intermédialité en réaction à une hyperspécialisation universitaire, corollaire d’une conception isolatrice des médias et des arts en général. Il était temps de décloisonner les disciplines tout en décloisonnant les théories sur les médias, à une période de plus en plus marquée par des médias toujours plus complexes (Grimm 2014: 138).

Par ailleurs, Volker C. Dörr et Tobias Kurwinkel montrent qu’il n’y avait pas de

cloisonnement en tant que tel parce que la recherche sur l’intermédialité

différencie trois sous-catégories qui démontrent l’interpénétration médiatique (Cf. Dörr 2014: 7). Leur subdivision donne la Medienkombination

(combinaison médiatique) qui concerne le film et qui fait apparaitre une

structure de base plurimédiale qui est une spécificité de ce média; la

Medienwechsel (échange médiatique) qui est l’adaptation cinématographique, par exemple: l’adaptation d’un texte littéraire écrit en un texte

cinématographique et enfin les intermedialen Bezüge (références

intermédiales) qui consistent à faire référence à un média dans un autre (Cf. Dörr 2014: 7f). Ici, on voit bien qu’il y a une collaboration entre différents

médias, car le concept d’intermédialité, «bien que différent dans son

approche théorique, est complémentaire aux notions d’intertextualité,

d'interdiscursivité et d’interartialité38.

                                                                                                                         38 Intermédialité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Interm%C3%A9dialit%C3%A9 [22.01.2017].

Page 14: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

88  

La complémentarité entre les notions d’intertextualité et d’intermédialité chez

Müller est évoquée par Emilie Lumière:

Dans La Révolution du langage poétique, Kristeva conçoit l'intertextualité comme «le passage d'un système de signes à un autre» (…). La définition reste convaincante; alors, quel besoin de cette autre notion qu'est l'intermédialité? Évidemment, il y a beaucoup de rapports entre les notions d'intertextualité et d'intermédialité, mais la première servit presque exclusivement à décrire des textes écrits. Le concept d'intermédialité est donc nécessaire et complémentaire dans la mesure où il prend en charge les processus de production du sens liés à des interactions médiatiques39.

Relativement à la complémentarité de l’intertextualité et de l’intermédialité,

Philip Grimm s’interroge de savoir à quels résultats peut aboutir l’utilisation des méthodes de l’intertextualité et de l’intermédialité dans une étude

comparée sur deux films, l’un pour le cinéma, en l’occurrence Der Pate (Le

Parrain), et l’autre qui est une série télévisée, Die Sopranos (Les Sopranos)

(Cf. Grimm 2014: 136f). Les deux notions interviennent dans cette étude d’autant plus qu’il y a par exemple des citations littérales du film Der Pate qui

se retrouvent dans Die Sopranos (Cf. Grimm 2014: 136f). Il est clair que

l’intertextualité et l’intermédialité se complètent, mais, selon les propos ci-dessus de Jürgen Ernst Müller, l’intermédialité va beaucoup plus loin que

l’intertextualité dans les études intermédiatiques:

[…] L’intertextualité se présente aujourd’hui comme un concept-clef des études culturelles et littéraires; et un concept qui, après son succès des années quatre-vingt, s’avère toujours utile pour toutes sortes d’analyses. C’est pourquoi nous pouvons nous demander quel serait, par rapport à la catégorie de l’intertextualité, le bénéfice spécifique de celle d’intermédialité. Le potentiel de la notion d’intermédialité me paraît résider dans le fait qu’elle transgresse les restrictions de la recherche sur le média «littérature», qu’elle opère une différenciation des interactions et des interférences ENTRE plusieurs médias, et qu’elle oriente la recherche vers les matérialités et les fonctions sociales de ces processus40.

Les interactions et interférences entre différents médias évoquées par Müller

sont aussi abordées par Martin Seel qui fait cas des relations entre le cinéma

et plusieurs disciplines telles que l’architecture, la musique, le théâtre, la

littérature et les arts plastiques qui produisent un dialogue (Seel 2013: 9f). Sur ce point, il faut donc retenir que l’intermédialité et l’intertextualité ne divergent

pas vraiment, mais se complètent et peuvent être parfaitement utilisées l’une

à la place de l’autre dans le processus d’explication textuelle et / ou médiatique parce que tout texte est média et vice-versa.

                                                                                                                         39 Cf. Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017]. 40 Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017].

Page 15: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

89  

Conclusion

Ya-t-il eu changement sémantique et/ou évolution dans les notions d’intertextualité ou d’intermédialité depuis leur conception, respectivement par

Julia Kristeva et Jürgen Ernst Müller? C’est à cette problématique qu’a

essayé de répondre cet article. De notre analyse, il faut retenir que la définition traditionnelle de la notion de ’’texte’’ doit être dépassée pour

s’étendre à tout ce qui peut être considéré comme support de communication

et/ou diffusion d’un savoir quelconque. Ainsi pourra-t-on dire que la radio, la

télévision, l’internet, la pensée… ou tout objet du quotidien sont des textes au même titre que tout ce qui est contenu dans un ouvrage traditionnel et

communément appelé ’’texte’’. L’intertextualité est donc l’étude des rapports

entre ces différents ’’textes’’.

Quant à la notion de média, elle renvoie également à tout ce qui peut être

porteur de savoirs et de connaissances, c’est-à-dire, entre autres, le

téléphone, le texte, l’image, la lettre, la télévision, le cinéma, la publicité, la vidéo. L’étude des rapports entre ces différents éléments est ce qui est

appelé ’’intermédialité’’.

Il apparait donc clairement que les notions d’intertextualité et d’intermédialité

se rejoignent et se complètent pour faire accéder à la compréhension des

liens entre les divers médias. Il n’existe donc pas de séparation tranchée

entre ces deux notions tel que formulé ci-dessous par Müller:

[…] Let us take a short glance at the beginnings of the academic discussions of intermediality in the 1980s. At that period, the isolating tendencies of media theories and histories and the rather banal fact that no medium could be considered as a ‘monade’ motivated me and also some other scholars to direct our attention towards the intricate and complex processes of media interactions or media encounters. The notion of intermediality was based on the assumption that there are no (?) pure media and that media would integrate structures, procedures, principles, concepts, questions of other media which have been developed in the history of Western media and would play with these elements41.

L’intertextualité telle que conçue et définie par Julia Kristeva a connu des

développements ultérieurs qui ont fait évoluer son sens en considération des pratiques sociales. Aujourd’hui, elle rejoint cette autre notion qu’est

l’intermédialité théorisée par Jürgen Ernst Müller pour expliquer les rapports

entre les textes et/ou médias. Les notions d’intertextualité et d’intermédialité

                                                                                                                         41 Emilie Lumière. 2015. ’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’. http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017].

Page 16: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

90  

se complètent et peuvent parfois être utilisées indépendamment pour

expliquer les liens entre textes et ou médias.

Bibliographie

Bachmann-Medick, Doris 2004: ‘‘Kultur als Text? Literatur- und

Kulturwissenschaften jenseits des Textmodells‘‘. In: Kulturwissenschaftliche

Literaturwissenschaft. Ansgar Nünnig/Roy Sommer (Ed.). Tübingen: Gunter Narr Verlag. P. 147-160.

Dörr, Volker C. et Tobias Kurwinkel 2014: ‘‘Einleitung‘‘. In: Dörr, Volker C. et Tobias Kurwinkel (Ed.) 2014:Intertextualität, Intermedialität, Transmedialität.

Zur Beziehung zwischen Literatur und anderen Medien.. Würzburg:

Königshausen & Neumann, p. 6-10.

Friedrich, Udo, et al. 2017: Orientierungskurs Germanistik. 4. Auflag.

Stuttgart: Klett.

Grimm, Philip. 2014:’’Intertextuelle und intermediale Verweise in der TV-Serie

DIE SOPRANOS’’. In: Dörr, Volker C. et Tobias Kurwinkel (Ed.) 2014:

Intertextualität, Intermedialität, Transmedialität. Zur Beziehung zwischen

Literatur und anderen Medien. Würzburg: Königshausen & Neumann, p. 136-

155.

Hofmann, Michael 2006: Interkulturelle Literaturwissenschaft. Eine

Einführung. Paderborn: Wilhelm Fink Verlag.

Leskovec, Andreas 2011: Einführung in die interkulturelle

Literaturwissenschaft. Darmstadt: Wissenschaftliche Buchgesellschaft.

Müller, Jürgen Ernst 2014: ‘‘Genres analog, digital, intermedial – zur Relevanz des Gattungskonzepts für die Medien- und Kulturwissenschaft‘‘. In:

Dörr, Volker C. et Tobias Kurwinkel (Ed.) 2014: Intertextualität, Intermedialität,

Transmedialität. Zur Beziehung zwischen Literatur und anderen Medien..

Würzburg: Königshausen & Neumann, p. 70-102.

Paech, Joachim 2014: ‘‘Warum Intermedialität‘‘. In: Intertextualität,

Intermedialität, Transmedialität. Zur Beziehung zwischen Literatur und

anderen Medien. Volker C. Dörr et Tobias Kurwinkel (Ed.). Würzburg:

Königshausen & Neumann, p. 46-69.

Rastier, François 2001:Arts et sciences du texte, Paris: PUF.

Page 17: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

91  

Seel, Martin 2013:Die Künste des Kinos. Frankfurt am Main: Fischer Verlag.

Windorfer, Katharina 2014: ‘‘Intermediale Konzepte in The Yellow Wallpaper von Charlotte Perkins Gilman und THE YELLOW WALLPAPER von Katrin Pesch‘‘.In: Dörr, Volker C. et Tobias Kurwinkel (Ed.) 2014: Intertextualität,

Intermedialität, Transmedialität. Zur Beziehung zwischen Literatur und

anderen Medien.. Würzburg: Königshausen & Neumann, p. 103-119.

Wolf, Werner. 2014:’’Intermedialität: Konzepte, literaturwissenschaftliche Relevanz, Typologie, intermediale Formen’’. In: Dörr, Volker C. et Tobias

Kurwinkel (Ed.) 2014: Intertextualität, Intermedialität, Transmedialität. Zur

Beziehung zwischen Literatur und anderen Medien.. Würzburg: Königshausen & Neumann, p. 11-45.

Zamolska, Anna 2014:’’Märchenmerkmale in Rebecca–Daphne du Mauriers

Roman und Alfred Hitchcocks Film im Vergleich‘‘. In: Dörr, Volker C. et Tobias

Kurwinkel (Ed.) 2014: Intertextualität, Intermedialität, Transmedialität. Zur

Beziehung zwischen Literatur und anderen Medien.. Würzburg:

Königshausen & Neumann, p. 120-135.

Page 18: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia ... · PDF fileDe Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et évolution!!! 79! humain par exemple est un texte

Germivo i re 5/2017

   

 Eckra Lath TOPPE: Concepts d’intertextualité et d’intermédialité. De Julia Kristeva à Jürgen Ernst Müller:Sens et

évolution      

92  

Webographie

Houdart-Mérot, Violaine 2006: ’’L'intertextualité comme clé d'écriture

littéraire’’, in: Le français aujourd'hui 2006/2 (n° 153), p. 25-32, in:

http://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2006-2-page-25.htm[17.03.2017].

Intertextualité, in: https://fr.wikipedia.org/wiki/Intertextualité [23.12.2016].

Intermédialité, in:https://fr.wikipedia.org/wiki/Interm%C3%A9dialit%C3%A9

[22.01.2017].

Lumière, Emilie 2015.’’Jürgen E. Müller et le concept d’intermédialité’’, in:http://cinemadoc.hypotheses.org/3457 [22.01.2017].

Martel, Kareen 2005. "Les notions d'intertextualité et d'intratextualité dans les théories de la réception", in: Protée 331 (2005): 93–102, in: http://www.erudit.org/fr/revues/pr/2005-v33-n1-n1/012270ar/ [17.03.2017].

Müller, Jürgen Ernst 2000. ’’L'intermédialité, une nouvelle approche interdisciplinaire: perspectives théoriques et pratiques à l'exemple de la vision

de la télévision’’, in: Cinémas: revue d'études cinématographiques / Cinémas:

Journal of Film Studies, vol. 10, n°2-3, 2000, p. 105-134, in:

http://id.erudit.org/iderudit/024818ar.pdf [22.01.2017].

Texte, in: https://fr.wikipedia.org/wiki/Texte [23.12.2016].