compte-rendu du stage

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Contact Elise Deloince Relation avec les publics et communication Ligne directe 04 75 64 93 44 Jérôme André Professeur relais DAAC 0 Les 12 et 13 novembre dans le cadre de l’accueil du spectacle Roulez Jeunesse ! de la Cie Rêve général ! Stage avec Marie Normand

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Contact

Elise Deloince Relation avec les publics et communication

Ligne directe 04 75 64 93 44

Jérôme André Professeur relais DAAC

0

Les 12 et 13 novembre dans le cadre de l’accueil du spectacle Roulez Jeunesse ! de la Cie Rêve général !

Stage avec Marie Normand

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Théâtre de Privas | Stage avec Marie Normand, metteure en scène – Saison 2013-2014

A LA RENCONTRE D'UN METTEUR EN SCENE : MARIE NORMAND

INTERETS DU STAGE ET ATTENDUS PEDAGOGIQUES

• donner une nouvelle impulsion au Réseau, en favorisant un temps particulier au cœur du

Théâtre de Privas.

• souder les membres du Jumelage, anciens et nouveaux, étant tous intégrés dans un projet et une dynamique communs.

• placer les enseignants qui proviennent de disciplines diverses (anglais, lettres, documentaliste,

etc.) et conduisent divers projets artistiques dans une situation d' « apprenants », en étant dirigés par un metteur en scène.

• prendre du recul quant à ses pratiques et affiner son enseignement théâtral, en étant tour à

tour comédien et spectateur.

• présenter aux participants une approche théâtrale différente, en incluant une manière originale de faire travailler de jeunes comédiens et pouvoir ainsi réemployer les exercices pratiques au sein des classes ou des autres dispositifs conduits.

• découvrir une jeune metteure en scène contemporaine, son travail de mise en scène et de direction d'acteur, sa lecture de Roulez jeunesse!

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Description de la forme : JOUR 1 (mardi 12 novembre 2013) :

• Matinée : - Présentation stage, parcours Marie + présentation enseignants (qui ils sont, ce qu’ils font avec

les élèves, pourquoi ils le font, et ce qu’ils recherchent) - La genèse de Roulez jeunesse ! et les choix esthétiques - Débat sur le texte / l’écriture, le fond, la forme / Le texte matériau et Libérons la parole ! (ne

pas censurer l’accès des élèves) - Mettre les corps en jeu : les enjeux et les représentations

• Après-midi : - Discussion : la notion de projet (un projet artistique inscrit au sein d’un parcours) / Le binôme

enseignant -artiste / Le prof qui devient metteur en scène / d’autres manières de travailler apportées par l’expérience au plateau de l’intervenant (responsabilisation, échauffement et exercices de mise en jeu ciblés)/ ce qu’on doit porter en direction des jeunes

- Exercices outils et questions sur les enjeux des exercices JOUR 2 (mercredi 13 novembre 2013) :

• Matinée : - Comment et pourquoi prépare-t-on les élèves à venir voir un spectacle ? discussion - Décorticage et pratique des séances de sensibilisation autour de Roulez jeunesse ! (séance 1h

mots du théâtre, séance corpus, séances pratiques ça se dit pas et prologue, avec exercices pratiques en progression, petite forme…)

- Exercices outils et questions sur les enjeux des exercices - Travail des scènes du corpus de textes ‘De Corneille à Tartar’

• Après-midi du mercredi - Travail de scènes… - Petite forme Roulez jeunesse ! - Criée fin de stage : émotions et ressentis / bilan des deux journées de stage et apports

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Marie Normand, metteure en scène Le parcours de Marie Normand prend naissance dans les Vosges, à Bussang, où Maurice Pottecher a créé en 1895 le "Théâtre du peuple". Cette tradition théâtrale populaire survit toujours grâce à un festival d'ampleur, une véritable institution locale (30 mille spectateurs) qui se déroule l'été. Ce lieu s'est donné pour mission de défendre un théâtre accessible à tous, lieu qui forge un théâtre populaire, tout en défendant les grands textes. Après un apprentissage professionnel et un détour par Paris, elle décide de revenir vers son lieu d'origine, afin de toucher un public plus large, dans une véritable mission d'animation et d'éducation artistique. La création de la compagnie Rêve général, fondée avec la comédienne Apolline Roy, permet de mettre en œuvre ses projets, notamment la création d'un festival à Mirecourt nommé Coup de théâtre. Tout d'abord comédienne durant 7 ou 8 ans, elle décide de se tourner vers la mise en scène et la direction artistique. Pour Marie Normand, le travail de comédien est très anxiogène, trop exposé, dépendant du désir des autres. De fait, le rôle de metteur en scène lui permet d'exprimer ses points de vue et de réunir les équipes désirées. Son travail est davantage tourné vers les auteurs contemporains, tels que Carole Fréchette, Luc Tartar ou Hanock Levin. Elle s'est entourée d'une solide équipe, comprenant plusieurs comédiens, dont Apolline qui est de tous les spectacles et qui œuvre au développement de la compagnie, des techniciens proches du projet et une chargée de production, ce qui lui permet de se concentrer sur la création artistique. Marie Normand indique en préambule qu'elle propose des pistes de réflexion, certes subjectives, issues de son expérience de travail avec des classes et des enseignants, et ne propose pas des réponses définitives et indiscutables.

Le tour de table qui suit permet aux

enseignants de se présenter, mais surtout de se poser des questions essentielles : pourquoi pratiquer le théâtre avec les élèves? Que recherche le professeur dans cette activité qu'il leur propose? Les réponses sont variées et intéressantes.

Pourquoi ?

• le théâtre (et l'art) à l'école est indispensable

• s'amuser des deux côtés en insistant sur la notion de jeu

• rencontrer autrement les élèves, changer le regard porté sur eux

• impliquer les élèves dans un projet qui leur permet d'être responsables et rigoureux ; les rendre acteurs de ce qu'ils font, à tous les sens du terme

• faire grandir les élèves, les amener à s'épanouir

• amener des élèves au théâtre - surtout ceux qui n'y sont jamais allés - et à la pratique

• donner une ouverture culturelle aux élèves

• développer une relation à l'autre et à soi, permettant la communication et l'échange, notamment dans des milieux défavorisés

• prendre mieux en compte la parole de l'autre

• permettre aux élèves d'avoir un autre rapport avec le texte, en rendant le théâtre plus accessible, pour éviter l'absence de réaction des élèves face à l'écrit

• donner une respiration dans le cursus scolaire

• créer du lien social On souligne à ce propos que la donne n'est pas la même, dès lors qu'il s'agit d'un groupe classe ou d'élèves volontaires, et que les attentes et exigences peuvent aussi être très variables. Il n'y a pas de problématiques infaisables, l'essentiel étant que le projet pédagogique et les objectifs visés soient clairs, construits conjointement avec les enseignants et l'intervenant artistique.

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Genèse de Roulez jeunesse!

Le premier spectacle mis en scène par Marie Normand, intitulé "Ma vie en boîte", s'adressait à un jeune public (CM2). Le projet de Roulez jeunesse!, a pris forme en 2009, en lien avec des adolescents. Face à un discours "horrible" et très noir sans cesse répété aux adolescents - avenir bouché, pas de travail, une vie plus difficile que leurs parents, génération sacrifiée-, Marie Normand a voulu mettre en scène un spectacle plus lumineux que sombre, axé sur l'amour et la sexualité, qui est une de leurs préoccupations essentielles. Par ailleurs, elle cherchait un texte qui ne soit ni stéréotypé, ni trop général, car la tendance actuelle est de présenter souvent un groupe indistinct, rangé dans une case : "les ados", comme on dirait "les adultes". Marie Normand s'empare du texte de Luc Tartar, Roulez jeunesse!, publié aux éditions Lansman, le préférant à S'embrasent pour plusieurs raisons : construction en "fragments", texte plus ouvert, absence d'adultes. Elle organise une semaine de chantier en décembre 2009 avec de jeunes comédiens qu'elle ne connaît pas. Le dernier jour, Luc Tartar est invité à une représentation, afin que l'auteur coopte la mise en scène et …lui assure l'exclusivité de la pièce. Pari réussi!

L'auteur, qui trouve son texte inabouti, va donc travailler de concert avec la troupe : discussions à propos de sujets qui ne seraient pas abordés dans les textes déjà écrits, "goûters" durant lesquels les comédiens évoquent des souvenirs autobiographiques (les codes vestimentaires, leur pire souvenir, etc.).

Cette démarche originale et rare par le rapport entretenu avec l'auteur, débouche sur l'écriture de nouveaux fragments, dont certains sont issus des témoignages des comédiens eux-mêmes, réécrits par Luc Tartar. Ce dernier a donc proposé à Marie Normand "un sac de textes", et lui a laissé toute liberté pour organiser l'ordre des fragments et construire une dramaturgie. Le metteur en scène a donc préparé une esquisse (20 minutes) du spectacle, qu'elle a proposée à un public restreint, prenant en compte leurs retours constructifs, par exemple sur le rythme. Dans un second temps, elle a proposé une deuxième version plus aboutie, mais non définitive - tous les choix n'étant pas arrêtés - à un public constitué d'adolescents (enthousiastes) et de professionnels (plus critiques). Selon Marie Normand, la mise en scène est une affaire de choix. Il n'y a pas de présélection, mais un ensemble de directions, de changements possibles. Pour la chorégraphie, par exemple, inspirée de l'esthétique de Pina Bausch, le travail s'est effectué par essais successifs, avant de trouver la bonne respiration, le bon geste.

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La mise en scène

Le texte est proche des jeunes et de leur quotidien, ce qui implique une prise de distance nécessaire avec ce qui est vécu. Le travail de Marie Normand a consisté à enlever l'aspect trop réaliste, à susciter une lecture qui laisse la place à l'imaginaire, chaque spectateur construisant le sens. Selon le metteur en scène, il est bien moins intéressant que toutes les clés soient données dans un spectacle. De fait, le décor est réduit au minimum - 6 chaises, une batterie - afin de concentrer l'attention sur le texte, et ne pas enfermer le spectateur dans l'imaginaire du metteur en scène. Un travail important a été réalisé sur la lumière, permettant de structurer les espaces. Le choix s'est également porté sur la combinaison concomitante de deux actions, demandant au spectateur de faire un choix, mais aussi de proposer plusieurs niveaux de lecture, mais pas forcément du texte. Mêlant un texte, deux personnages, deux lieux, le spectateur, "bête de sens", est amené à orienter différemment le regard ou l'interprétation. Pour un spectateur adolescent, il convient de ne pas le braquer, ni le dégoûter, en lui montrant des scènes trop réalistes ou vulgaires, mais plutôt de faire appel à des images, des métaphores évitant l'effet miroir gênant : ainsi, la scène du baiser est-elle mise réellement à distance, les comédiens étant à un mètre l'un de 'autre, langue sortie pour un très long "french kiss".

De manière plus drôle et évocatrice, on aborde la notion de performance, une "pelle chronométrée", selon des effets de gros plan ou de coupes, comme au microscope. Ce choix de mise en scène s'appuie sur un travail plus large qui découle des fragments de Luc Tartar, comme la difficulté de se toucher. De même, le vocabulaire des corps est très dessiné, non pas dans la perspective d'un jeu réaliste ou proche du réel, mais par un médium permettant de donner du sens. Certaines parties chorégraphiées sont dans l'esprit d'un code plus proche du muet, de l'expressionnisme allemand. Ainsi le fragment évoquant la découverte de la puberté par la jeune fille (les poils, l'odeur, etc.) est-il représenté par un moment très corporel, précis et chorégraphié (coups portés, grattements frénétiques), qui mène à un sens autre, une ouverture interprétative plus large.

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Ecriture scénique ‘Mettre les corps en jeu’ :

"Faire du théâtre, c'est mettre les corps debout"

Pour un public d'adolescents, il est important de jouer (aspect ludique), à un âge où justement, on ne joue plus. Comme pour un jeu d'enfant, il s'agit de retrouver la liberté, la constitution des règles du jeu, et surtout le plaisir. Jouer et s'amuser restent la base. L'enseignement du théâtre au collège (Molière restant souvent le seul dramaturge connu) reste souvent trop cantonné aux auteurs classiques, alors que des auteurs contemporains (et encore vivants!) existent. Sans négliger les œuvres patrimoniales, bien entendu, il est de la responsabilité des enseignants d'ouvrir leurs élèves à la création contemporaine, afin de montrer l'existence d'un théâtre vivant, varié et ouvert sur les problématiques contemporaines. Cette approche différente est aussi un moyen d'amener les élèves à changer leur regard sur le théâtre, à les sensibiliser et à restaurer l'égalité des chances d'accès à l'art et à la culture. Il importe de leur donner la possibilité de découvrir le théâtre, de briser les stéréotypes et a priori (provenant surtout de ceux qui n'y sont jamais allés) liés au spectacle vivant.

Pourquoi joue-t-on ?

Selon Marie Normand, il faut sortir d'un théâtre souvent fondé dans les représentations mentales sur la performance, comme la longueur du texte à apprendre. Il est nécessaire de remettre le sens (interprétation) au centre du texte et du théâtre. A la performance doit s'opposer l'interprétation d'une forme courte ou non, seul ou en groupe, en sentant et ressentant ce qu'on veut interpréter, en remettant la langue, le corps et le jeu au cœur du sens. Lorsqu'on considère qu'un spectacle professionnel nécessite au moins six semaines de travail d'affilée, comment y parvenir avec un volume horaire de deux heures par semaine en milieu scolaire? Tirons les fils de la réflexion : un spectacle, pour qui? Pourquoi? Le résultat? Il ne faut pas oublier l'importance du chemin, de la progression.

Une question est posée sur le problème des émotions, parfois difficiles à faire surgir chez des adolescents réservés, pudiques. Selon Marie Normand, il vaut mieux passer par le corps, la condition physique, mettre à distance le texte ou l'émotion, plutôt que de s'appuyer sur le vécu de l'élève (retrouver une situation triste, un deuil, pour jouer la tristesse). Pour éviter de bloquer l'élève par une prise trop directe avec l'émotion, il est utile de passer par des exercices collectifs, que tous font, et qui devient un moyen de faire entrer la personne dans le jeu. De même, passer par un texte collectif permet la responsabilisation du groupe.

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EXERCICES - OUTILS : comment souder un groupe? Préalables :

- mettre les élèves en cercle, - donner des exercices d'approche pour apprendre à se concentrer, - cibler les exercices pour détendre ou préparer les improvisations, - construire l'échauffement pour aboutir au texte et au jeu (et non disjoindre les deux) - adopter une position neutre : pieds parallèles, visages neutres, véritable "page blanche du comédien"

EXERCICE 1 : ALLIER GESTE PRECIS ET PRENOM • le premier comédien choisit un geste précis en disant son prénom ; le suivant reprend exactement

le geste et le prénom du précédent (ou de tous ceux qui le précèdent), et rajoute son geste et son prénom, et ainsi de suite jusqu'au dernier (principe des masses croissantes)

Cet exercice permet la concentration et la mémorisation, ainsi que l'introduction de gestes non

figuratifs, et peut être un préalable pour travailler des états émotionnels. VARIANTES : on peut créer une histoire collective s'appuyant sur les gestes et états des personnages, on peut dire le prénom du personnage joué dans une scène, lui adjoindre un état, un geste particulier, … que tous doivent reproduire à l’identique. EXERCICE 2 : TÊTE, JAMBE ET PIEDS

• Enchaîner trois mouvements assortis d'une phrase - "je m'appelle….." en faisant un mouvement précis avec la tête

- "j'ai…ans" en faisant un mouvement avec le bras - "j'aime - ou je n'aime pas-…." en faisant un mouvement avec le pied Cet exercice permet de comprendre que le corps bouge et qu’on peut « dé- réaliser » les gestes.

EXERCICE 3 : LE SAMOURAI Partir de la position neutre, le groupe est en cercle. - position du "sabre : mains jointes à plat au dessus de la tête

1) envoi : le sabre coupe la personne visée en deux, avec un cri sonore : "Ah!" 2) réception : la personne joint ses mains au niveau des jambes et remonte ses bras au-dessus de la tête en criant : "Oh!" 3) les deux personnes sises à gauche et à droite de celui qui reçoit coupent le ventre avec les deux mains jointes (geste en oblique) en criant ensemble : "Hi!"

Cet exercice permet de sortir l'énergie, de stimuler la concentration ; on peut le reprendre sur

plusieurs séances (en accélérant le rythme syncopé des Ah, Oh et Hi) ou en milieu de séance si l'attention et l'énergie baissent

VARIANTES - exercice en duo : on démarre en faisant le bruit de la mobylette (brrrrrrr.!), puis on lève les bras : les deux comédiens face à face ont trois possibilités : les deux bras au-dessus de la tête, les bras à gauche, les bras à droite, chaque mouvement étant séparé par un mouvement des mains à plat qui tapent les cuisses. S'ils choisissent le même geste, ils imitent un pistolet de leurs deux mains et émettent un "pan!" sonore, avant de reprendre. Cet exercice permet de travailler sur le rythme et la concentration

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EXERCICE 4 : NOMBRES ET NOMS On donne un nombre à chacun des participants ; à chaque tour, on transforme un nombre en nom : par exemple, le 5 devient pantalon ; le comédien qui porte ce chiffre doit dire "pantalon", le suivant son nombre. On change de comédien de départ et à chaque tour, on rajoute un nom différent : le 7 devient "cheval", le 3 "ballon", le 13 "cafetière", etc. A chaque tour, le comédien doit se souvenir des transformations effectuées et donner le bon chiffre ou le nom correspondant s'il y a eu attribution. Pour corser le tout, on peut remplacer un chiffre par un autre chiffre (ex: puisque le 5 est devenu pantalon, on peut dire que le 6 devient 5 ; le 6ème comédien doit ainsi dire "5" et le suivant "cheval" correspondant au chiffre 7)

EXERCICE 5 : MARCHER DANS L'ESPACE De manière neutre, les comédiens doivent marcher dans l'espace sans se cogner, puis adopter une marche spécifique : marche du matin au lever, une fois la douche prise, jusqu'à la marche précipitée pour ne pas rater le bus Cet exercice permet de lier le corps à une histoire : "on n'est pas réveillé et on marche dans

l'espace, on a pris une douche, un peu mieux réveillé, on a pris son petit-déjeuner, on sort pour aller à l'école, on est retard, très en retard, on court pour attraper le bus au bout de la rue ; trop tard, le bus est parti!"

VARIANTE : type de marche répondant à un code précis - taper une fois dans les mains : marche - taper deux fois dans les mains : course - dire Oh! : Arrêt - dire Ah! : Saut - dire Hi! : tourner - dire Hu! : frapper dans ses mains - etc. VARIANTE : on peut aussi définir à l'avance un chiffre au lieu des lettres pour un type de marche précis

EXERCICE 6 : PRE- IMPROVISATION S'appuyer sur des marches particulières, qui peuvent aboutir à un type de personnages ou des situations à jouer : - marche que l'on n'entend pas, silencieuse - marche très ancrée dans le sol - marche sautillante VARIANTE : on peut le jouer en diagonale, un par un, en muet, ou en parlant

EXERCICE 7 : SAUTER LA MARE A deux, en se tenant la main (ou les deux)et en faisant jouer le contre-poids, on traverse une succession de petites mares en sautant par-dessus avec l'aide du second, puis inverser (c'est l'autre qui saute la mare avec l'aide du premier) Exercice qui permet le contact physique, l'entraide et la synchronisation du rythme

EXERCICE 8 : LE MAMMOUTH ET LA BROSSE Exercice de détente et de relaxation : un comédien, en position relâchée, joue le mammouth immobile ; l'autre, devient une brosse et le frotte énergiquement avec le plat de la main, en tenant compte de l'autre (bras, jambes, tête) ; ne pas taper, ni secouer l'autre, travailler la qualité du toucher et l'énergie insufflée ; la brosse doit être épuisée après son travail ; on échange ensuite les rôles. Recommandation de la lecture de la "Boîte à outils du théâtre en classe", de Cécile Backès, chez

Gallimard.

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L'école du spectateur

La journée débute par une question d'importance : comment faire pour que les élèves qui ne sont pas sur le plateau ne décrochent pas pendant que leurs camarades jouent?

On sait qu'on "apprend autant en regardant autant qu'en faisant", mais les élèves ont tendance à se démobiliser en restant assis. Marie Normand suggère de privilégier une "écoute active", en restant dynamiques (et non affalés). Si trois élèves jouent et un grand nombre est assis, on peut demander au groupe de les observer attentivement et de proposer des retours, toujours constructifs, jamais négatifs : une gestuelle peu claire, un jeu à affiner, un personnage à mieux cerner. Il ne faut pas perdre de vue le fait que souvent, les élèves ne saisissent pas le bien-fondé des multiples reprises d'une même scène. Il importe de leur donner des objectifs clairs de répétition, à chaque fois, afin qu'ils comprennent l'intérêt de la répétition (sans consignes, il est difficile d'avancer). Si un nombre équivalent d'acteurs joue et regarde, on peut faire un "marquage", comme au basket : chaque élève assis s'occupe d'un des comédiens et lui prodigue conseils et remarques. Pour remobiliser le groupe, on peut aussi proposer un exercice de type Samouraï. Par ailleurs, on peut assigner d'autres tâches aux élèves inoccupés : tenir le journal de bord de l'atelier ou de l'option, occuper la fonction de souffleurs, s'occuper de la bande-son ou de toute autre composante théâtrale…

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Intérêts de la préparation au spectacle

Trois modes de préparation :

1 - que les élèves comprennent (la pièce, l'intrigue, les enjeux,…)

2 - qu'ils soient attentifs et silencieux afin qu’ils en profitent

3 - qu'ils aient envie (de venir voir la pièce)

Compréhension du spectacle :

• définir le type de pièce, la langue (différent s'il s'agit d'une pièce de Molière en vers ou d'un auteur contemporain)

• passer un extrait, la bande-annonce du spectacle

• vérifier si le spectacle est adapté à eux : s'il y a plus de cinq éléments à expliquer, c'est peut-être que la pièce est trop difficile pour les élèves

• veiller à ne pas trop étudier la pièce avant le spectacle, afin de ne pas enlever le plaisir ou l'envie de

la découverte

• toutefois, il est évident que le type de préparation n'est pas le même pour un atelier en classe de 6ème ou une option facultative : à adapter donc selon le public concerné

Attention portée au spectacle :

• Créer une attente, en étudiant au préalable un extrait : le lire, l'expliquer, le jouer, le mettre en scène ou en espace permet de créer une complicité, de retrouver ce qui a été déjà vu et implique davantage l'élève dans la représentation et les choix opérés par le metteur en scène

• A tout âge, on a tendance à plaquer ou à niveler son propre avis sur celui des voisins

L'artiste ne s'adresse pas à une masse, mais à des individus : veiller à ce que chacun s'approprie le spectacle, en retire des émotions et impressions personnelles

"Le théâtre est une expérience sensible et individuelle"

• Penser à partager les émotions vécues lors d'une représentation afin de solidifier le souvenir o raconter, mettre en mots l'expérience sensible est nécessaire pour mémoriser le spectacle.

o juste après le spectacle, on peut demander à chacun de retrouver le moment du spectacle qu'il a

préféré, moins aimé, qui l'a particulièrement marqué.

o les amener à mettre une image ou un discours sur un moment particulier, afin de densifier le souvenir

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Théâtre de Privas | Stage avec Marie Normand, metteure en scène – Saison 2013-2014

o le lendemain, poser sur le papier trois choses qui ont suscité une émotion : le jeu, un costume,

un comédien, une phrase….

o on peut partir d'une phrase à compléter : "Le spectacle m'a marqué, parce que…."

o on peut aussi partir d'un portrait chinois: Si je devais retenir une couleur,… Si je devais retenir une réplique,…. Si je devais retenir un costume, …. o pour un "débriefing", on peut également créer une "carte de visite" du spectacle, au cours d'un

atelier d'écriture : une page comprenant un dessin, un croquis, une réplique (ou les trois) représentant pour l'élève ce qu'il a ressenti ou retenu de la représentation

o enfin, on peut lancer un travail à partir de photos du spectacle, trouvées sur le site de la compagnie ou dans les dossiers pédagogiques réalisés par la compagnie ou les professeurs-relais

Donner envie de voir la pièce :

Au sein d'une classe ou d'un atelier, divers dispositifs peuvent être mis en place. Marie Normand nous explique comment elle procède lors de rencontres avec les classes.

1 - donner une définition du metteur en scène : solliciter plusieurs élèves pour en retrouver les spécificités. Les élèves se complètent dans leurs réponses. Il faut bien insister sur le fait qu'il n'y a pas de mauvaises réponses!

2 - parler du théâtre : donner son prénom et son rapport au théâtre, ou une expérience positive ou négative ; justifier pourquoi la relation est négative (souvent des a priori car ils n'y sont jamais allés)

3 - donner un mot qui évoque pour eux le théâtre : classer les termes selon une catégorie repérable Lieu du théâtre : rideau, coulisses, scène, plateau, lumières… Spectateurs : joie, public, regard, Jeu : acteur, jouer,…. Cette activité permet de faire un point sur le vocabulaire théâtral, de montrer qu'ils ont des connaissances, de valoriser le groupe classe, et d'élargir le propos : donner des noms d'auteurs (Molière et Rostand, mais guère d'autres noms), afin de rebondir sur l'existence de dramaturges contemporains (dont Luc Tartar!)

4 - Après quelques éléments sur Roulez jeunesse!, on lit un ou plusieurs extraits : comment mettriez-vous en scène tel ou tel extrait? Réflexion menée sur le choix des décors, des lumières

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5 - travail sur corpus : Les scènes d'amour, de Corneille à Luc Tartar

La suivante, Corneille Kids, Melquiot Incendies, Wajdi Mouawad S'embrasent, Luc Tartar Roulez jeunesse!, Luc Tartar On fait travailler les élèves en duo, en distribuant une fiche de consignes qui cible les questions à se poser au préalable sur le texte. Le metteur en scène passe parmi les groupes et lève les difficultés de compréhension : pour le texte de Corneille, en vers, Marie Normand demande de transcrire les vers en un langage contemporain. Si le temps le permet, on passe à la pratique. FEUILLE DE CONSIGNES REMISE AUX ELEVES LORS DES INTERVENTIONS DE SENSIBILISATION PAR LA CIE REVE GENERAL ! Par petits groupes

1) lecture dans chaque groupe 2) de quoi ça parle ? On se met d’accord. 3) Combien de personnages ? Qui sont-ils ? Quelles sont leurs relations ? Ecrivez. 4) Le groupe écrit, avec vos propres mots, un petit résumé (1 ou 2 lignes) de ce que raconte la scène. 5) Comment qualifieriez-vous le type de langage ? Que pensez-vous de l’écriture ? A quoi cette écriture

vous fait-elle penser ? mettez-vous d’accord et écrivez. 6) Qu’est-ce que ça vous fait (rire, pleurer…) ? mettez-vous d’accord et écrivez. 7) Quelle serait la suite ? Mettez-vous d’accord et écrivez (2-3 lignes) 8) Comment vous le mettriez en scène ?

o Combien y aurait-il de personnages ? o Où situeriez-vous l’action ? o quelles seraient pour vous les états émotionnels des personnages (énervés, timides…) ? o quel est le message que vous voudriez faire passer ? o quel décor voudriez-vous mettre sur scène ? o à quel type de spectateurs s’adresserait la scène (enfants, adultes, tous…) ?

mettez-vous d’accord sur toutes les questions du point 8 et mettez-les par écrit

9) décidez qui va lire/jouer la scène et qui va lire votre compte-rendu (chacun fait quelque chose) 10) Préparez la lecture de la scène en suivant vos indications de mise en scène. Ceux qui ne jouent pas

font les metteurs en scène 11) Répartissez-vous la prise de parole pour le compte-rendu. Vous devrez rendre compte des points 3,

4, 5, 6, 7 et 8. 12) Tout le monde assiste à toutes les lectures et compte-rendu !

CONSIGNES Vous n’êtes pas obligés d’être d’accords ! Il n’y a pas une seule réponse, un qui a juste et un qui a faux. Ce sont des questions où chacun peut avoir raison. Donc si vous avez des avis différents, et que même en débattant vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord, écrivez les différentes possibilités. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Alors soyez efficaces (donc concentrés), polis entre vous, respectueux de l’avis de chacun. Bonne découverte !

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EXERCICES - OUTILS : mettre les corps en jeu. 1 - EXERCICE DES GESTES ET PRENOMS 2 – SAMOURAI 3 - EXERCICE DES SENSATIONS Exprimer une situation donnée sans texte ; constitution de deux groupes (un qui joue, l'autre qui regarde). Jouer une situation et la faire deviner par le groupe de spectateurs.

Exemples :

- marcher sur des braises - marcher dans la vase - marcher face au vent - marcher dans l'eau froide (jusqu'aux genoux, la taille, etc.)

Attention, pas de texte, mais on peut utiliser des bruitages, des interjections.

4 - EXERCICES DES EMOTIONS : LE STYLO ROUGE Les comédiens sont assis en cercle. Le premier fait passer un stylo, en reprenant le dialogue suivant : - Tiens! - Qu'est-ce que c'est? - Un stylo rouge - Un quoi? - Un stylo rouge

On commence par une intonation neutre, puis on fait évoluer le dialogue en exprimant la tristesse la colère, la joie, etc.

VARIANTE : on peut également laisser à chaque comédien le choix de l'émotion exprimée

5 - MISE EN SITUATION A PARTIR D'UN PETIT TEXTE

Ça se dit pas ça (extrait de Roulez jeunesse!)

- Ça se dit pas ça. Ça se dit pas ça. Ça se dit pas ça. Ça se dit pas ça. Ça se dit pas ça… Le sexe on y pense mais on n’en parle pas. - Pourquoi ? - Mes parents n’aiment pas ça. - Ça serait bien les seuls. Travail par petits groupes, deux ou trois personnes. Il peut y avoir un metteur en scène et deux comédiens, ou une proposition de mise en scène commune. Réfléchir à une situation préalable (lieu, action) qui déboucherait sur ce texte, les relations entre les personnages (un père et sa fille, trois copains,….) Montrer la diversité des propositions et mises en scène sur un même extrait : une cour d'école et des secrets susurrés à l'oreille ; un prêtre et deux enfants de chœur dans une situation de répétition de chorale ; une "scène de cité" avec une jeune fille qui se fait tancer par sa copine maghrébine et ses deux frères, etc.

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Théâtre de Privas | Stage avec Marie Normand, metteure en scène – Saison 2013-2014

Le binôme enseignant / artiste

Le projet artistique doit être fondé sur un parcours, incluant pratique et spectacle vivant : le travail de plateau doit se nourrir de ce qui a été vu, des rencontres avec les artistes et leur univers, avec les intervenants. Le "bon binôme" est celui qui se coopte, se choisit, ce qui n'est pas toujours aisé en fonction des mises à disposition de la structure. Il est nécessaire que le professeur et l'intervenant trouvent le temps de se voir avant de commencer le projet, de bien définir les rôles et places de chacun.

Au professeur incombe la discipline et le bon fonctionnement de l'intervention artistique, les informations à donner au préalable sur les difficultés éventuelles de certains élèves (difficultés de lecture, réticences à jouer, problèmes extérieurs pouvant affecter l'élève…). De même il est impératif de ne pas manifester de désaccord ou de contradiction entre eux deux devant les élèves, sous peine d'enlever tout crédit à la parole de l'intervenant. Il importe que les deux parties "parlent le même langage", et soient mues par un même désir ou élan quant au projet mené. Le socle doit être commun, avec des responsabilités bien définies : que peut changer le metteur en scène qui arrive alors qu'une mise en scène est déjà établie et portée par l'enseignant, par exemple? Il faut "laisser le temps au temps", insister sur le parcours du comédien, la possibilité de revenir sur des choix de mise en scène ou de les changer en cours de route.

Par ailleurs, les apports de l'artiste sont divers : proposer des exercices-outils, une autre esthétique ou interprétation d'un texte, de nouveaux-textes ressources, un regard autre sur l'élèves et ses capacités de jeu, etc.

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EXERCICES-OUTILS

I - EXERCICES A LA TABLE CORNEILLE, LA SUIVANTE

o lecture et transcription : se dire la scène avec des mots à soi, la jouer avec un langage modernisé, qui aide à comprendre la situation (jugement d'élève : "Clarimond se prend un méchant râteau")

o comment amener le corps dans ce type de texte ? Deux élèves lisent le texte, deux autres le jouent de façon outrée (cinéma muet), peu réaliste, mais de manière à ouvrir le texte le plus grand possible ; pour éviter le mouvement incessant (je suis sur scène, je dois bouger et agir….), on donne comme convention que le comédien bouge pendant que le lecteur lit sa réplique, et que l'autre fait un arrêt sur image. Il s'agit de faire de "grandes choses", mettre le corps en jeu, et de régler ensuite le curseur sur la justesse de la gestuelle

o autre possibilité : dire les phrases de manière ample, étirée et demander de répéter avec la même

amplitude ; on peut les faire répéter au groupe entier

TARTAR, PROLOGUE DE S'EMBRASENT

o lecture du texte en entier, chaque élève disant une phrase (travail choral)

o définir les caractères et des indications sur les personnages : Vivi, fleur bleue, romantique ; Youssef, jaloux de Jonathan, etc. : ensuite, donner une distribution cohérente par rapport aux caractères et au sens des répliques ; si le groupe est déjà constitué, on peut d'abord distribuer les rôles et définir les personnages dans un second temps

II - EXERCICES SUR PLATEAU 1 - LE PAYSAGE SONORE

• construire à plusieurs un paysage ou univers sonore (montagne ventée, la mer, la forêt,…)

• deux personnes sont assises sur le plateau, yeux fermés ; elles doivent reconnaître l'univers ainsi créé

2 - LE TAS

• deux groupes d'élèves de part et d'autre du plateau

• au signal (claquement de mains), un élève part d'un côté et vient prendre une pose figée au centre

• au signal suivant, une personne de l'autre côté vient prendre la pose, en touchant la personne précédemment installée

• et ainsi de suite jusqu'au dernier (alternance de part et d'autre)

• à la fin, une fois le tableau constitué, chaque élève se retire du tas, en respectant à rebours l'ordre d'arrivée

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3 - LA PHOTO DE FAMILLE

• soit partir de l'image finale du tas, et définir pour chacun un rôle dans la famille

• sur chaise ou pas (avec juste consigne de rester face public), créer une atmosphère de photo souvenir, chacun exprimant une idée précise du personnage représenté

4 - MOUVEMENT SUR CHAISE

• 7 ou 8 personnes assises sur des chaises alignées face public, en position neutre. On lance un musique.

• un comédien volontaire propose un geste précis et le fait en boucle ; les deux comédiens adjacents reprennent le geste (ils peuvent aussi le refuser, et dans ce cas, un autre comédien propose un autre geste), puis deux autres, jusqu'à ce que tout le groupe reprenne le même geste ; les comédiens n'ont pas le droit de tourner la tête à gauche ou droite pour voir ce que fait son voisin, seulement par le champ de vision ( ce qu'il sent ou voit de biais)

• dans un second temps, le geste est élargi au maximum (crescendo), puis redevient de plus en plus petit (decrescendo)

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LA CRIEE DU STAGE : UN BILAN ORIGINAL!

• Chaque participant a écrit sur un papier une émotion, un ressenti, une phrase-clé représentant pour lui l'atmosphère du stage ou le jugement porté sur celui-ci.

• On place tous les papiers dans un chapeau, puis chacun retire un papier, qu'il lit à la cantonade, en le mettant en jeu : chuchoté, crié, chorégraphié, etc.

Emotions et ressentis des participants:

• Eblouissant. Aussi utile que pratique : la porte ouverte à toutes les fenêtres. Une porte ouverte sur

des pratiques.

• Une belle énergie, vive et électrisante, pour ne pas dire GALVANISANTE !

• Du jeu, du plaisir avec des règles. En faire trop plutôt que pas assez.

• Merci, pour le plaisir et le contenu

• Partager

• Travailler en choralité libère les idées

• Da un beso choral

• Générosité « respiration »

• Le Samouraï, bel exercice d’énergie collective

• Généreux. Confiance. Exercice du stylo.

• La forme c’est le fond qui remonte à la surface.

• Une belle générosité. Ambiance conviviale. L’énergie du Samouraï et celle de frotter le chameau.

• Roulez jeunesse !

• Structuré, nourri et pragmatique.

• Ah Oh Hi ! Donner envie.

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ANNEXE : CORPUS DE TEXTE

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.tfean TARDIÉU (né en 1903)

Au leuer du rideau, Modame est seule. Elle estossise sur un "sopha" et lit un liure.

IRMA, entrant et apportant le courrier.Madame, la poterne vient d'élimer le four-

rage...Elle tend le courtier à Madome, puis reste plan-

tée deuant elle, dans une attitude renlrognée etboudeuse-

MADAME, prenant le caurrier.C'est tronc !... Sourcil bien !... (Elle commence ù

q,aminer les lettres puis, s'aperceuant qu'Irma esttoujours Ià , Eh bien, ma quille ! Pourquoi serpez-vous là ? (Geste de congédiement.) Vous pouvezvidanger !

IRMAC'est que, Madame, c'est que...

MADAMEC'est que, c'est que, c'est que quoi-quoi ?

IRMAC'est que je n'ai plus de o Pull-over » pour la

crécelle...

MADAME, prend son grand sac pasé à terreà côté d'elle et après une recherche

qui paraît laborieuse, en tire une piècede monnaie qu'elle tend à lrma.

Gloussez ! Voici cinq gaulois ! Loupez chez lepetit soutier d'en {ace : c'est le moins foreur dupanier...

IRMA, prenont la pièce comme à regret,la tourne et la retourne entre ses moins, puis.

Madame, c'est pas trou : yaque, yaque...

MADAME

Quoi-quoi : yaque-yaque ?

IRMA, prenant son élan.

Y-a que, Madame, yaque j'ai pas de gravats poulmes haridelles, plus de struc pour le bafouillis de cesoir, plus d'entregent pour friser les mouches... plusrien dans le parloir, plus rien pour émonder, plusrien... plus rien... (Elle t'ond en larmes.)

IVIADAIWE, après aooir uainement exploré son socde nouueau et I'auoir montré à lrma.

Et moi non plus, Irma ! Ratissez rien dans malimande !

IRMA, leuant les bras au ciel.

Alors ! Qu'allons-nous mariner, Mon Pieu ?

MADAME, éclatant soudain de rire.

Bonne quille, bon beurre ! Ne plumez pas I J'ar-rime le Comte d'un croissant à I'autre. (Cont'iden-tielle.) ll me doit plus de cinq cents crocus I

IRMA, méfiante.

Tant fieu s'il grogne à la godille, mais tant frit s'ilmord au Saupiquet !... (Reprenant sa litanie ) Etmoi qui n'ai plus ni froc ni gel pour la meulière, plusd'arpège pour les...

MADAME, l'interrompant auec agacement.

Salsifis ! Je vous le plie et le replie : le Comte medoit des lions d'or ! Pas plus lard que demain. Nousfourrons dans les Grands Argousins: vous aureztôut ce qu'il clôt. Et maintenant, retournez à la baso-che ! Laissez-moi sâoule | (Montrant son liure.)Lais-sez-moi filer ce dormant ! Allez, allez I Croupis-sez ! Croupissez !

« Un mot pour un autre », dars Le.Professeur Froepÿel,/ @ Ed. Gallimard, 197&

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Sans blague

Mate-moi ce fion etbombe -'v' v( ces airbags ! Vivi Leski c,est de laChaud devant

Moi ma mère elle netrucs pareils. un" nulufl],ait nas ma soeur porrer clesc'esr une fiib üï"':'Je

qur laisse dépasser ses fice1es

eu'esr-ce que t,en rr," ; r,T r'iï:riîï:ï :î*:,J

Ç'1t nas parce qu'elle laisse dépasser son string que lededans est mûr. Tu vois ce que;e r;;i;"J'ai des frissons. C'est plus fort que moi. Dans machambre j'en bave sur mon oreiller

PI l"r mecs. youssef est tombé raide. C,est la ficelle deVivi qui lui tape sur Ie système

Le dis pas à ma mère. Elle me tuerait. Une fiIle qui portedes strings

T'as qu'à dire que c,est de I'esthétique

Ah ouais ! Maman Vivi Leski c,est de la bombe ! Et tuverrais I'esthétique de ses strings

T'as raison. Dans ta bouche ça fait conTh gueule. Je sais ce que c'est qu,un culSans blague ? Tu I'as fait

Lâche-moi

C'est ta mère qui va être contente

Joue pas avec çâ

O.K. je me tais mais toi retourne_toi. Tu vois ce que jevois : Jonathan et Latifa. Ils-passent fu griU" du lycée. Ils-T1"^!:r,

à gralds pas_ Droii devant. fir .;"nn i"nt. C,estune rugue peut-être même un enlèvement ils s,en uàn1;;dirait.qu'au passage ils nous ,u.rt .nirr.les pieds qu,ilsnous jettent le monde à la figure et qu,ils àispa.aissent enun clin d'oeil qu'ils partent vivre d,amou. iri,"u, fraîcheà I'aventure dans un pays plein a" .ofàij sans mêmedonner leur adresse piorg"ànt r"rr* Àrnîr** dans ungrand désarroi et laissani derrière

"u* on parfum debonheur qui donne envie de uo*i.. n"o.i.Jlm" pas lesamoureux. (Il crie en- se le,?ant l,entrejambe)-Latifa

reviens j'ai les mêmes à la maison -'-" -r''

(Coup de poing)

T'es malade ? eu'est-ce qui te prend

C'est ma soeur.

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Page 26: Compte-rendu du stage

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Jean-Luc Lagarce Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne

Les solitaires intempestifs Extraits

La fête des fiançailles se passe en famille, dans une intimité rigoureuse.(…) Le fiancé apporte lui-même la bague. Il a consulté discrètement pour savoir quelle est la pierre favorite de la jeune fille, car il ne doit pas acheter cet anneau au hasard. Il y a des fiancées qui ont peur des perles, parce qu’elles s’imaginent qu’elles présagent des larmes. C’est crétin, mais on ne peut commencer dès le jour des fiançailles à le dire. Quelle qu’elle soit, de toute manière, la bague doit être bien accueillie, c’est le moins qu’on puisse espérer. La jeune fille s’émerveille et s’exclame : « Ah… » La bague est glissée au doigt de la jeune fille (au quatrième de la main gauche) par le fiancé, qui arrivera avant tous les autres invités. (…)Ils sont traités comme les héros du jour car ils le sont. Ils ont en face d’eux le père et la mère de la jeune fille, le père du fiancé est auprès de la maîtresse de maison, la mère de la jeune fille, si on a bien voulu suivre, sa mère auprès du maître de la maison, le père de la fiancée, je n’insiste pas, c’est clair. (…) Au dîner - qui est indispensable – les fiancés sont placés à côté l’un de l’autre, au milieu de la table, au milieu du plan de table. (…) Le menu de ce dîner doit être relativement simple. Les fiançailles sont déclarées solennellement au dessert. C’est une surprise pour l’ensemble des invités. Personne ne s’y attendait et tout le monde pousse là encore une légère exclamation de surprise ravie : « Ah… » Si la réception est une soirée dansante, la cérémonie de déclaration a lieu vers minuit. Les invités, tous les invités, font leurs souhaits de bonheur aux fiancés. (…) Dans la soirée qui suit, sans isoler les fiancés, on s’arrange pour qu’ils puissent causer sans être entendus. On agira de même jusqu’au mariage. On ne les laisse jamais seuls ; mais on n’affecte pas de monter la garde autour de cet amour désormais permis. On surveille, car surveillance est nécessaire, mais on surveille avec délicate discrétion. (…)Le mariage civil précède le mariage religieux. (…) Il est inutile de donner ici la façon dont se célèbre le mariage civil. (…) Ce n’est pas difficile, et c’est très rapide. Les mariés n’ont qu’à répondre un oui intelligible à la question sacramentelle « prenez-vous pour époux ?... » ou « prenez-vous pour épouse ?... » Oui et c’est tout, réglé. La mariée signe la première l’acte de mariage et ensuite elle passe la plume au marié, qui la salue et lui dit, d’un air heureux, obligatoire, et avec un sourire, c’est le moins qu’il puisse faire : « Merci, Madame . » Il est le premier à lui donner ce titre, c’est très amusant. Le mariage religieux Le mariage religieux se célèbre le matin, en général ; il a plus de pompe en cette partie de la journée, à cause de la messe. Tout le monde est beaucoup plus en forme, on vient juste de se lever, on a bonne mine. (…) Les mariés écoutent, assis, l’allocution que le prêtre leur adresse. Celui-ci parle debout sur les marches de l’autel, mais, bien évidemment, il s’approche des époux pour les unir. Le marié et la mariée se lèvent

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alors et l’époux prend dans sa main droite la main droite de l’épouse, ce qui oblige la jeune fille à se contorsionner un peu, mais cela ne durera qu’un court moment. Aux questions que l’on sait : « Prenez-vous pour femme … ? etc. », Ils répondent : « Oui. » Ils ne désunissent pas leurs mains pour s’agenouiller sous la bénédiction du prêtre et l’aspersion, car aspersion. Si on a bien voulu s’exercer chez soi, s’agenouiller à deux en se tenant main droite dans main droite, sous aspersion d’eau, n’est pas si difficile. On ne se marie qu’une fois et tout n’est jamais que question de volonté. (…) Le bal est ouvert par la mariée avec l’invité auquel on désire témoigner le plus de déférence. Le second quadrille ou la seconde valse appartient au mari, le mari de la mariée, le marié. Après, elle envoie inviter de sa part les danseurs qu’elle veut pour partenaires dans les quadrilles qui suivent. Pour les valses, et d’une manière plus large, pour toutes les danses qui encouragent au rapprochement physique, elle se réserve pour son mari et les hommes de sa parenté. (…) On célèbre les noces d’or après cinquante années d’heureuse union. N’aurait-elle pas été heureuse, cinquante années, on célèbre tout de même. (…) La fête est la même que celle des noces d’argent. Mais avec une intimité plus grande, pour ménager les héros du jour, car ils le sont, dont la vie est devenue fragile. On prend garde à ne pas transformer ce jour de fête en jour de deuil. Chacun leur a apporté son présent, jusqu’à l’arrière-petit-fils de deux mois, qui tient une fleur, pour eux, entre ses petits doigts inconscients. Le grand repas est suivi d’un bal ou d’une sauterie. Les deux aïeuls l’ouvrent avec deux de leurs petits-enfants s’ils peuvent. S’ils ne peuvent pas danser, ils regardent. C’est bien. La fête ne se prolonge jamais au-delà de minuit. Alors, laissés à eux-mêmes, abandonnés, car abandon, on ne va pas se raconter d’histoire, les deux époux tombent dans les bras l’un de l’autre, et se promettent que, s’ils recommençaient la vie, ils se choisiraient encore, des choses comme cela qu’on dit et qu’on croit. Et ensuite, à peu près ainsi que cela se termine.

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-- Non mais, pourquoi il ne dit rien, celui-là

- Cest vraiDis quelque chose

'. Parce que Pourquoi tu es là, sinon

- Oui

- Hein

Dis quelque choseParce que pourquoi tu ne parles pas, sinon

-ouaisSinon, hein

- Eh bien dis.-Pourquoi ça.Hein

- ll y en a. ils se taisentOuais, il y en a, ils se plantent là et ils s9 taisent

-- Bon, et on est tombé sur un de ceuxlà.- Bravo

On a gagné le gros lot

Page 34: Compte-rendu du stage

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Page 37: Compte-rendu du stage

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Page 38: Compte-rendu du stage

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,,1* :e.rig a été écrit dans le cadre d,un projet intituté . Mon:l:aê g.: v|!!e " 1r11sr1r6 et mis en cauvre par Anne Courel etitLie :'=.srlpe de la compagnie Ariadne de Bourgoin_Jallieu.;.- s-=.c. très grand merci à Anne pour cette bette, très beilea'!'Êriirr€i. et pour tout te resfe aussi merci infiniment. Uni:;'ârrd. lres gTand merci à Atice Herbutot qui porte si bien son

*: :irs ceux qui ont pafticipé cl'une manière ou d'une autre à:r=::; r;s{e aventure humaine et artistique.!{rr-s;el.ir ÿ6lOne, merCi pOUr tout. . .

§}ÀNS LE SENS CONTRAIREAU SENS DU VENT

*.;§'Ê,- Je marchais.-is n'rarchais dans le sens inverse au sens du matin'.*@ f'narchais sur le chemin.*efu:i que je prenais deux fois par jour.ü{rrq fois par semaine depuis quatre mois.{fuatre mois que nous habitions ici.*r: s'habitue très vite, trop vite peut-être, à suivreTe>r,.ls les jours le même chemin.re chemin des écoliers. Chaque écolier a sonp,r*pre chemin.Celui qui part de la porle de son école et mène àb porte de sa maison.Dans les écoles je n'étais qu'un oiseau depa.ssage.Ët notre maison n'était que provisoire. Commetoutes les maisons que nous avions habitées3llsqu'à présent.Notre maison avait la taille d'une maisonnette.Une seule pièce à vivre. Froide et humide. Noushabitions un Frigidaire.Une maisonnette presque centenaire. Le blancde façade était devenu gris verdâtre, le rouge desbriques noir de crasse.Une pauvre bicoque aux veines apparentes, percéedu toit et de partout, généreuse en courants d'air

et accueillant avec bon cceur les brouillardsmatinaux.{Jne vieille carcasse qui tremblait de tous sesvieux os au moindre coup de vent ou au moindrepassage d'un camion.Le bois de la charpente avait moisi, les boiseriesdes fenêtres étaient poreuses et le plâtre desmurs s'effritait du simple fait qu'une minute venaitde s'écouler.Une maisonnette en ruine. Presque. Une petitevieitle qui était poussière et à la poussière n'allaitpas tarder à retourner.Ce jour devait être un jour comme tous les autres.Une croix de plus sur un calendrier.Je marchais sur le chemin du retour, surprise dep+uvoir poser encore un pied droit après l'autre :

le gauche.J'avais laissé mille deux cents traces de mon pas.

Milte deux cents traces invisibles aux yeux deceluiou celle qui ne regarde pas.Mille deux cents traces invisibles aux yeux decelui cu celle qui lève la tête quand il ou ellemarche et profite de la perspective offerte par lepaysage.

"Voir I'horizon est un privilège», âurâit pu dire lataupe. *C'estvrai,,, âur'âit pu lui répondre I'autruche'Je me sentais très proche de la taupe et trèsproche de l'autruche.

Mille deux cents traces invisibles sur I'asphalte.Derrière moi.Je marchais sur le chemin dans le sens contraireau sens du vent.Je marchais ce jour-là, comme tous les autresjours, tête baissée, emmitouflée, camouflée dansune vieille veste parka militaire beaueoup tropgrande pour moi, beaucoup trop verte pour moiqui aimais tant le jaune. Celui des tournesols.Celui des pissenlits.

LE pÈRE.- Moi j'aime le jaune des coquelicots.

ALrcE.- Aurait pu dire mon père.

LE pÈRE.- Si tu veux marcher un jour, cherched'abord la verticale. Si par bonheur tu la trouves,accepte-la et marche. Sinon pourquoi tant d'ef-forts pour rester éveillé?

ÀLreE.- Je marchais donc au rythme résigné decelui ou celle qui a depuis longtemps renoncé àcontredire le naturel du mouvement,Les garçons, eux, en petites bandes de garçons,marchaient en file indienne sur le bord en granitdu trottoir. lls se seruaient de leurs bras pour teniren équilibre, fermaient les yeux par instants pourcompliquer le jeu et marchaient à reculons ; cer-tains marchaient à reculons les yeux fermés ; lesplus doués, ils n'étaient pas nombreux, couraientsur l'arête du trottoir à reculons les yeux fermésles mains dans les poches.

Page 39: Compte-rendu du stage

Ci-:aque exploit était salué - comme on salue un

exploit depuis la nuit des temps - par des cris dejoie et des hourras de victoire du champion.Chaque chute était savourée silencieusement- cornme on savoure silencieusement les chutesdes autres depuis la nuit des temps - par les

adversaires du moment.Les filies étaient regroupées en petites bandes de

fittes et regardaient les garçons et se disaient,dans le creux des oreilles, toutes sorles dechoses mystérieuses dont raffolent les filles.&,!oi je frôlais les murs, abÎmant mes ongles àforce de les frotter sur le crépi des maisons, jefrô§ais les murs pour ne pas me faire remarquer'rcur ê?e transparente comme l'eau claire, pour.?e pas prendre trop de place sur ce trottoir qui

fte m'appartenait pas vraiment.

LÂ irÈEE.- Alice ! Alice ! Dépêche-toi!

el.lc€.- Je reconnus tout de suite sa voix et levai

ies yeux.**,ta mère était à contre-courant, luttant contre les

vagues, ballottée sans répit par le flux continu demes compagnons d'infortune soulagés d'êtreen*n libres et heureux de sentir à nouveau l'airfrais sur leurs yeux fatigués par la journée-

LA rvtÈFÊ.- Alice I Alice I Plus vite ! Dépêche-toi!

ALrcE.- Elle faisait des signes, bras en I'air, commeune nageuse imprudente qui prend tout à coupconscience qu'il y a un risque de noyade' Elle

prenait une respiration, sortait la tête de la foulecomme on sort la tête de I'eau, scrutait l'horizonespérant me voir et se mettait à crier mon nomcomme on appelle à I'aide,

rA MÈRE.- Alice! Alice! Alice!

*:-cel- ll faisait froid pour la saison ce jour-là.

La pluie, en vieille actrice cabotine, pensait à tortqu'elle passionnait encore les foules.Froid, pluvieux et triste gris.

r-E pÈHE.- Comme il fait froid, pluvieux et tristegris dans toutes les villes du nord de l'Europeoccidentale.

ÂLrcË.- Disait mon père.Le soleil se faisait attendre comme une petiteprincesse capricieuse se laisse désirer le jour dubal des promises.

!A MÈHE.- Alice !

ALrcE.- ll me restait cent cinquante pas avant de larejoindre.

LA MÈRE.- Alice ! Vite ! Presse I Vite ! Vite ma chérie !

ot"r.- La pauvreté rend animal. Mes parents

étaient comme des fauves qui cherchent toute la

§r-.rrnée de quoi manger pour le soir.

J'imagine que la tendresse est un luxe dont onpeut jouir quand le gîte et le couvert ne sont plus

u* problème.

"jarr:ais un baiser sur l'une de mes joues pour

célébrer un nouveau jour qui se lève, jamais une

rnai* passée lentement dans mes cheveux pour

adaucir u*e peine, ou sur un genou pour faire

*u*ïier ie début d'hématome après la chute de

vé,b. Poudant mes parents m'aimaient, je n'en ai

janrais douté.Fas dans les mots. Pas dans les gestes' Leur

âJ'î1*t,lr se situait autre part' Autre part sans savoir

ry; et sa*s que je puisse l'expliquer.

r.* **Èrae.- Alice I

*eiæ-- Nous étions des gens discrets par habitude

et pârobiigation.

L.e r*ÈE=-* Ma chérie I Ma chérie ! Ma chérie ! Ma

s?:érie 1

ài-rc;.- Nous étions des gens discrets à de rares

excepëons Près.

r-l i*ÈxE.- Ma chérie !

ÂL1cÉ.- Elle ne m'appelait jamais ma chérie et il

iallait qu'elle le fasse ici.

L.a MÈaE.- Ma chérie ! Alice ! Ma chérie !

ÀLrcE.- La timidité est une maladie génétique ethéréditaire transmise de génération en géné-ration dans ma famille.

LÀ MÈFrË.- Ma chérie ! Ma chérie !

*LrcË.- Je n'étais pas timide, j'étais solitaire ce qui

*'est pas pareil il faut bien l'admettre' J'étaisobservatrice du monde dans lequel je vivais'

,.i'étais une solitaire heureuse et volontaire'

La, MÈRE.- Alice !

ÀLrcE.- Du moins j'essayais de m'en persuader'

LA MÈRE.- Ma chérie ! Ma chérie !

ALrcE.- C'est parce que les autres étaient comme

ils étaient que j'étais comme j'étais'

LA MÈRE.- Alice !

ALrcÊ.- C'était ma phrase, je la répétais en

boucle pour me motiver, dans les couloirs de

l'établissement, quand j'étais seule (ce qui arrivait

régulièrement).

.

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Page 40: Compte-rendu du stage

C'est parce que les autres sont comme ils sontque je suis comme je suis.i-oin de tout et de tous, je la criais à pleinsp"$rJ*lons, le soir je la répétais toujours et encorep*ur tenter d'oublier une journée de plus - unecrcix de plus sur le calendrier - à ne parler àær§nnnê

'ü"est parce que les autres sont comme ils sont:ue.'e suis comme je suis.À ne pas confondre avec : c'est parce que je suiso*rTlrne je suis que les autres sont comme ilssc{-rt. Ce quin'est pas pareil, ilfaut bien I'admettre.

LÂ .*ÈeE.- Ma chérie !

ÀLrc,E- Elte me condamnait à l'isolement en m'ap-pelant ma chérie devant tout le monde.

r-ê rvtÈRE.- Alice I Ma chérie I

ÂLrcE.- Je prenais à l'instant pour six mois fermesupplémentaires. Je plongeais pour six nouveauxmois de cantine en quarantaine.

.-a MÈRE.- Alice ! Ma chérie ! Viens vite !

AucE.- Je pressais le pas, impatiente de mettre finà cette situation gênante, ma mère était devenuele centre d'intérêt de tout le convoi scoiaire. Elle

était le point de mire de tous les regards, elle

serait dès demain le sujet de toutes les conver-

sations, ce serait à qui l'imiterait le mieux, ce

serait à qui me verrait le premier à l'intercours etm'appellerait, devant tout le monde, ma chérie'

Ma chérie qui deviendrait à coup sûr mon petit

surnom. Un diminutif qui serait bien difficile àaccepter.

LA MÈRE.- Ma chérie ! Alice I Dépêche-toi un peu !

.a,LrcE.- Je pressais le pas, impatiente de connaître

la raison de sa présence ici et de ses appels

répétés, me préparant à la mauvaise nouvellequ'elle allait m'annoncer.

GARÇoN r.- Hé la fille à la caPuche !

cAFrçoN a.- C'est ta mère là-bas?

GAFrÇoN s.- Évidemment que c'est sa mère.

cAFrÇoN a.* Elle hurle comme un goret ta mère'

GARÇoN.r.- Un goret qu'on égorge sa mère' Zouiel'

GARçoN z.- Elle est bizarre ta mère.

GARÇoN a.- Elle est bizarre mds elle est super-belle'

GÀRÇoN s.- Toi petit chaperon vert t'es juste bizarre'

eAFrçoH r.- Ta mère est belle. Pas toi. pas trop.

eAFiçoN e.- T'es juste bizarre.

&n-rce.- C'est parce que les autres sont comme ils§ûT-Tt que je suis comme je suis.

ûÀrnçBèr e.- C'est toi Alice alors?

*xrcær s.* Évidemment que c'est elle Alice.

*ânsÇ*lr{ z.* Hé Alice, t'es bavarde comme une&erie tornbale ma parole.

L,ê àiæ.- Alice!

§*æon.r.- Pas comme ta mère.

t:eryür.i e.- Alice il y a ta mère quifait le goret.

L* l*ÈRE"- Ma chérie ! Vite ! Viens voir !

§âr*Ç{}ùr g.- C'est bien ce que je disais, elle estblzarre sa mère. Ma chérie! Viens ma chérie! pluswlte ma chérie ! Allez ma chérie I plus vite ! plusvite i

êt-icÊ.- Dejar que caiga la lluvia sobre uno. Todoacaba secândose.

êÂFrÇcN.r.- Elle a un drôle d'accent sa mère.

GÂ,rçor.r z.- Tu viens d'où Alice?

GÀRÇoN s.- T'es pas d'ici avec l'accent qu'elle a tarnère.Et toi Alice t'as un accent? Parle pour voir. S'il teplail ma chérie ! Chérie ! Chérie ! Chérie ! Chérie !

Pade pour qu'on sache si t'as un accent. Chérie !

thérie ! Chérie ! Chérie !

ÂLlcE.- Ser siempre el mismo. Ser siempre yo. AFesar suyo. A pesar tuyo. Ser siempre el mismoa pesar mio.

âÂr*ÇoN r.- Tu sais pas parler.Ol; tu as honte de ton accent? Chérie! Zouic!Chérie! Zouic! Zouic! Le goret qu'on égorge!Zouic! Zouicl Chérie. Alice! Ma chériechérie.

Àr-lcE.- Porque los demâs son como son, yo soycomo soy.

caFrÇoN r.- Chériechériechériechériechériechérie.

FLoRENcE.- Tais-toi.

aLicE.- Au début, j'ai cru que c'était moi qui avaisdit : "Tais-toi. " J'ai cru que c'était mon poing quiavait frappé le garçon.Que c'était par l'action de mon poing que cecorps de garçon se tordait de douleur sur le sol.

GARçoN 2 Er caRÇoN e.- Du sang I De la chique !

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Page 41: Compte-rendu du stage

rhlrc=.- J'ai cru que c'était moi quiferrnen:e*t, un bras derrière le dos,contre I'arête du trottoir.

(iÂI?çssr 3 ÊT GÂFlçOr{ 4.-

*n-aa§-- J"si cru que c'était moi qui, le relevant d'un§§§te rapide. l'avais collé contre la grille d'une

§rk@** â sr sirrrçsnr e.- Des mollards ! De la chique !

*à.æ.- Lui coinçant la tête entre deux barreaux,æur *'ob{tger à dire pardon.

r{3{:8§.* Drj sang de la chique et deS mollards ! Dusang de la chique et des mollards!

;r*r.- ..j'ai cru. Au début.

?Gir§.- Du sang de la chique et des mollards !

âric=.- C'était une voix de fille, un poing de fillernais ce n'était ni ma voix ni mon poing.

rc;s-- Du sang! De la chique!

r.-s..ELcE.- Bande de minables !

roùs-- Du sang de la chique et des mollards ! Dusang de |a chique et des mollards ! Du sang de la

Âr-!eE.- Elie ne m'appelait plus ma chérie. Nousétions seules et elle ne m'appelait plus ma chérie!Qu'est-ce qui est incroyable maman?

Lq *xÊRÊ.- To* père.

rl.rea,* .ie ne rnangerais pas à la cantine avec lafilleFT*rence comn.te la ülle de tout à l'heure. Mes§üeffieË ÉkierTt cornrne mes maisons : provisoires.&;-est-c* qu'il a mon père maman?

r-n rÂÊsÉ"- To* père a trouvé du boulot. Nouspart+rls dès demain.

*LrcË.* Guand rnon père lrouvait du boulot, nouspan-fuorrs touj*urs dès le lendemain.

?. }}-*-{JL8§= PLÜS À TEONESSE INDIQUÉE

,ri-*§€"- uqprès avoir été livreur de matelas, boxeur,**ménagei.ar. palefrenier, figurant dans des films,h*mme-sandwich et Père Noël dans les ruesd'une grande ville, artisan menuisier, artisan bou-*,anger, a*tieart charcutier, affûteur de couteaux,rer*pailleur de chaises, rnagnétiseur charlatan,pionrbier-zi*gueur. équarrisseur, croque-mort,ve*deur de téléphones, vendeur de chaussonsorthopédiqlJes. pompiste, éleveur de moutons,

chique et des mollards ! Du sang de la chique etdes mollards!

FLoFTENcE.- Allez maintenant tout le monde dégage.

ÀLrcE.- Le groupe de filles s'était dispersé commeu* vol de petits moineaux effrayés par le simplecraquement d'une branche. Le groupe degarçons avait suivi le mouvement sans plusattendre, laissant le malheureux à son triste sort.

F!-o.ENcE.- Toi aussi tu dégages. ll est pas prêt dete parler mais à vrai dire tu perds pas grand-chose. ïoi c'est Alice. Moi c'est Florence. Flo-rence comme la ville. On se voit demain. Onmânge ensemble.

Âx-rce.- La fille Florence avait déjà disparu. Jen'avais vu que son ombre sur le sol. ll ne restaitplus que du sang rouge sur du bitume gris.

u sang, du bitume, un reste d'ombre et man:ère^Ma mère qui avait déjà oubliéi"avait tout simplement pas vu.

ou ne

ra MÈHE.- Tu peux pas venir plus vitet'appelle I

quand je

Désolée.

LÀ MÈnË.- Alice ! C'est incroyable !

rnaraîcher, bûcheron, testeur de médicaments,cobaye humain pour des expériences scienti-§ques, coursier, concierge, caissier, chauffeur det=xi. réparateur de cycles.Mon père allait ramasser des noisettes dans leLat-et-Garonne.Cornme à chaque fois, nous étions partis endouce, dans la nuit, comme des voleurs, laissanties clefs dans la boîte aux lettres de la maison-nette, oubliant au passage, comme à chaque fois,de payer le loyer du dernier mois écoulé.*N'habite plus à I'adresse indiquée", telle seraitnstre épitaphe sur notre caveau de famille.tomme à chaque fois, nous avions abandonnéguelques éléments de notre décor.

Ls PÈRE.- Y a pas moyen.

ÂLrcE.- Avait coutume de dire mon père en refer-rnant non sans difficultés (mais en exagérant, je lesoupçonne, un peu le mouvement) le coffre denotre vieille Mercedes break.

L= pÈRE.- Ça sert à rien d'insister. J'ai tout bienrangé pourtant. Pas perdu de place. Y a pasmoyen. Va le dire à ta mère. Y a pas moyen d'enrajouter.

ÀLrcE.- Cette fois-ci, il nous fallut abandonner aubon plaisir des passants charognards un petit

le tenaisnez cassé

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Page 42: Compte-rendu du stage

escabeau, trois grosses boîtes de boutons' une

pefle. deux annuaires et quelques reproductions

d'estamPes jaPonaises.

LÀ ts{ÈRE.- C'est une voiture qui rétrécit c'est pas

p*ssible.

ÂL!sË-- Avait dit ma mère, comme à chaque fois

quand elle rnontalt à l'avar:t du véhicule tandis

que ]e trûü\rais u*e place minuscule entre les

cou:rertr.nes et ies ca:tgns'La *'4ercedes était cha"gée à b{*c'A î'avant Tes p;'t>visicn§ : pctnnxes de terre et

autres légt*rnes ir-rvend*ç ran:assés à la fin des

lnarchés, {e rn*,inrire navet devait trouver sa

o,ta§:e. i€ls Ciarü,tle§ arraier:t !a leu Cans la bOîte à

geflt§. ies p*ir*aux da;:s lâ vde-pcches cÔté pas-

À"g*0. deux gros Pe§rûns ssus le siège avant

coicucteur :-â î"erSer:e ie peu d* mobilier qu'il

fi&L;§ re,§iari *es prê**dests denrénagements'gr;r i*s cctgs'igc ca;'ses crve!'sÊs' sur le toit les

*ais§ê§ d* M;g €t æ "Ét€-fte.rts

attachées avec

*e tâ §i$:{@*fiü€eÊ. dêff1à'r'e *ans {a remorque du

eqlis tte'c*a*.tr'agÊ @;r I'kl'er Mèrne en été on

*'ifiï*âS&"t çe taq;î*: M6§ {i€ chariffage qu'on ne

i:,r{dait,ia';ræ" t*r::lryr:r rr&re b"*truait qu'il ne faisait

1a.:.,a'§ ætë, rî'fie* $e!§ h{i$Êf du beis'

i*" *""**n* tm*cftaaer-ti r sc* et ce qu'ii restait des

.êr:'§r.l3Ëffi,nig c'arncs'i**a* pilj§ grand-chose

æCü5 $æeF-C€ 3Ê(a

!:'ri

niir

6:.

f.fj:i.riI

:

r-A MÈFE.- Cette Mercedes est un vrai tape-cul'

âr-*cE.- Avait dit ma mère, comme à chaque fois' à

ia première ornière rencontrée sur la route' et

*":on père, comme à chaque fois' avait défendu

sa voiture.

L= pÈRE.- C'est pas de sa faute je te dis'

LÀ MÈRE.- C'est qui alors?

r-e pÈne.- C'est pas la voiture je te dis'

LA MÈRE.- C'est qui alors?

LË PÈRE,* La route'

L.a MÈRE.- La route?

LE pÈRE.- C'est la route qu'est mauvaise'

LA MÈFE.- C'est pas nous c'est les autres'

LE pÈHÉ.- C'est la route qu'est mauvaise je te dis'

LA MÈPE.- Quand tu dis ça'

LE PÈRE.- C'est Pas la voiture'

LA MÈRE.- T'as tout dit'

LE pÈRE.- Faudrait faire quelque chose'

LE PÈRE.- C'est la pluie.LA MÈFE.- C'est sûr.

LE PÈRE.- C'est évident.

LA MÈFE.- Changer de voiture.

t-E pÈFE.- C'est pas certain. Faudrait peut-êtrechanger de route.

LÀ rdÈRË.- C'est pas croyable d'entendre Ça'

L€ FÈrË.- Quoi ?

LÂ eÂÈs=.- Vaut rnieux ètre sourd que d'écouter ça.

Ls PËr}É.* §u*i?

i-i& §Ère-* &* s'entâ{'}d pas par{er c'est pas possible.

LË ËÊrî§.* C'est pas pesslble de conduire et depader à ia fois.

r-e r*ÊnÉ.* C'e§ k faute au r§oteur.

LË F**s.- G'est {a fan:te à ia pluie sur les carreaux.

LA *§àsÈ*- C'est la faute au moteur. Fait le bruit d'unanrior:.

LE pÈF€"- C'est pas le moteur je te dis.

L.ê r*ÈË€-- C'est Pa§ nous.

LA r$ÈRE.- C'est les autres.

1= pÈRE.- Faudrait faire quelque chose.

LÀ MÈRE.- C'est sûr.

LE PËRE-- C'est ceftain.

LA MÈHE.- Faudrait changer de.

LE PÈRE.- Pluie.

LA MÈRE.- Pardon.

LE pÈRE.- Faudrait changer de pluie.

LA MÈRE.- Vaut mieux être sourd que d'entendreÇ4.

LE pÈRE.- Je vais te dire à qui la faute.

LA MÈRE.- Dis toujours.

LE pÈRE.- C'est la faute à pas de chance et puisc'est tout.

ALrcE.- Mes parents ne se disputaient jamais. llsfaisaient semblant de se contredire pour sedivertir mutuellement. * Pour vraiment se disputer,ilfaut avoir vraiment le temps, vraiment de I'argent

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Page 43: Compte-rendu du stage

et yraiment rien d,autre à penser ni à faire,, disaitsol-ivent ma mère.Mai je riais. J,aimais bien ces voyages. J,étaistriste de nature mais je riais souvent.

'*Â ü+ÈâE.- Tu rattrapes le temps perdu ?

ÀL*c=.- Dès que je riais ma mère me disait :

r-Â àrÈRÊ.- Tu rattrapes le temps perdu ?

û-Ë FÈRE.- Tu rattrapes le temps perdu ou tu prendsde l'avance?

ÀLrcE"- Ajoutait systématiquement mon père.

LÂ r"rÈp€.- Elle rattrape le temps perdu je te dis.

r-E pÈR=.- Elle prend de l,avance sur ce qui l,attend.

r.,A *!ÈBE.- Quand elle était bébé elle pleurait tout leternps.

LE pÈfiE.- Faut dire je la comprends, C,était pas unbac jour le jour de sa naissance.

*!lê=.- C'est grave d'avoir notre accent maman?

1-Â â.ÈâE.- Non, c,est circonflexe, celui qui met sonchapeau sur la tête.

Âilc€.- Maman. J,ai plus cinq ans.

{:.il ryrÈÊÊ_- Et moi j,en ai presque quafante.

**-;eE.- C'est grave d,avoir notre accent maman?

l.À É.ÈRE.- C'est I'accent de tes ancêtres et c,est çatre plus important.

3, MI-FEMME MI.LÉZARD

À!-àc!.- Mon père, comme d'autres pères, récol_tait; ma mère, comme d,autres mères, emballaitla. récolte dans des sachets prévus à cet effet.D'autres pères chargeaient lesdits sachets dans.des camions, et d,autres mères comptaient ceque chargeaient les pères dans ces camions. Les*amions étaient conduits par des hommes qui nesavaient pas comment avoir une femme ou quin'avaient pas le droit d,en avoir une. Du moins,*'est ce gu'on m,avait fait croire.Et les enfants, comme tous les enfants, allaient àl'école, rentraient de l,école, jouaient aux billes età chat perché, oubliaient de faire leurs devoirs,avaient faim, avaient soif, avaient peur du noir,avaient trop chaud, avaient trop froid, criaient tout'fe temps et couraient paftout jusqu,à dormirdebout, ivres de fatigue, mais déjà impatients decommencer la journée du lendemain.

Page 44: Compte-rendu du stage

llËt rnuraV€L ea /EN §r,"br*H*_TABLEAU 4

Chez Habilis.

HABrLrs.- Ma crevette !

KrNoË.- Mon papa!

YAË1.* Ça sent bizarre chez vous.

KrNoË.- J'ai fait un civet de lapin.

GAËraN.* OUaWh !

HABrLrs.- Tout s'est bien passé, mon cæur depalmier? De nouvelles commandes?

xrNoË.- Plein t Des chevaux de Camargue, un liondu Kenya, un hareng de la Baltique, un sanglierdes Ardennes.--

HABrLrs.- La routine.

KrNoË.- Et pas mal de nouveautés : un chameaudu Périgord, un caméléon du euébec, uncochon d'lnde du Val-d'Oise, un rossignol mila-nais, un chien andalou... (elle tombe sur Gaëtan)

HABrLrs.- Je te présente Gaëtan et Yaël Tautavel,nos invités.

KrNoË.- Enchantée, Gaëtan.

oaËrlrr.r.- Oui,

vagr-.- Pareil.

HABrLrs.- Et ma fille, ma princesse, Kinoë.

vaer--- Bien. Maintenant que tout le monde seconnaît, il faudrait peut-être voir à se mettre auboulot. On ya aux animaux?

KrNoÊ.- Tu restes longtemps combien ?

cAËraN.- Plus ou moins.

xrrvoe.- PluS.

vaer--- Moi et mon frère on a une semaine pourtout stocker là et là, alors plus tôt on s'y met, plustôt on pourra rentrer chez nous. Gaëtan ! Dis !

carralr.- Oui.

vaËr-.- ïu m'écoutes?

GAËTAN.- OUi.

vnar-.- T'es sûr?

caËrarv.- Oui.

I

.

t

l:

I

I

yAËL.- Tu pues t'es groS t'es moche.

GAËTAN.- Oui.

yAË1.- ll m'entend plus. Ça doit être le voyage,ça me I'a tout désactivé. C,est qu'il est fragilemon grand frère.

HABrLrs.- Viens, Yaë|. Laissons-les discuter.

varr.- Mais ils disent rien !

HABrLrs.- ll y a des choses qui se disent au_detàdes mots.

yAËL.- N'empêche gue si je le ramène à mamère tout vidé comme tata Jacgueline, c,est bibiqui va se faire enguirlander, c,est prévisible !

HABrLrs.- Chuttt ! Regarde.

YAËL.- Quoi ?

HABrLrs.- L'amour qui apparaît.

vaË1.- L'amour? Où ça?

HABTLTô.- Juste là.

yAË1.- Là, de I'amour en ptein au milieu de mavieille crotte et de votre cæur de palmier? Saufvotre respect, monsieur Habilis, si le voyage

vous fatigue aussi, on peut décaler les animaux !

De I'amour, vous me faites rigoler. lls s'étaientjamais vus y a cinq minutes !

HABrLrs.- ll suffit d'un regard. C'est imprévisibleI'amour, on ne sait ni où, ni sur qui il va tomber.

vaer-.- C'est pas passé loin alors.

lrABrr-rs.- Mais quand il est là, il faut faire de laplace pour qu'il pousse en paix.

yaËL.- lls peuvent quand même pas s'aimer là, àpeine arrivés, sous nos yeux ! lls sont pas mariéset mon frère, il s'est même pas lavé les mains !

HABrLrs.- Viens, Yaë|.

vaer-.* Gaëtan, écoute ton frère ! On est pas làpour embêter ces braves gens. lls nous invitent,c'est déjà beau, c'est pas pour leur faire I'amouren arrivant ! Sans même enlever tes chaussuresmême qu'elles sont pleines de sable ! Alorsarrête de faire le malin, planté là comme unpoireau à fixer la princesse, cnest très malpoli.Gaëtan, je te cause ! Et tes conventions? Va telaver les mains et mettre tes pantoufles !

Excusez-le, monsieur Habilis. Depuis la mort denotre papa, je l'ai jamais vu comme ça. llspeuvent rester longtemps dans les yeux cornmedeux andouilles de bananes?