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CLEFS CEA - N° 56 - HIVER 2007-2008 38 RMN, magnétisme et santé L’étude structurelle et fonctionnelle du cerveau a connu un développement fulgurant ces dernières années grâce aux méthodes d’imagerie, dont notamment l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Une véritable cartographie anatomique et fonctionnelle du cerveau a ainsi pu être dressée en visualisant ses zones actives lorsqu’elles sont sollicitées au cours de l’exécution d’une tâche donnée. Pour voir le cerveau penser et mieux comprendre les dysfonctionnements cérébraux, une des méthodes consiste à suivre en direct les modulations du débit sanguin liées à l’activité cérébrale. Il est également possible de mesurer, à l’échelle microscopique, les mouvements des molécules d’eau du cerveau et établir ainsi l’architecture fine du tissu neuronal et de ses variations. D’autres molécules d’intérêt biologique impliquées dans le métabolisme renseignent également sur les pathologies cérébrales. Le développement d’IRM à champ magnétique intense permettra d’observer le cerveau et ses pathologies avec une précision encore plus fine, à une échelle plus représentative des phénomènes qui l’animent. Comprendre le cerveau par l’ image Système IRM 3 T de NeuroSpin. Les techniques d’imagerie par résonance magnétique se révèlent particulièrement bien adaptées à l’étude non traumatique d’organes profonds, réputés difficiles d’accès, tels que le cerveau. A. Gonin/CEA ss s

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CLEFS CEA - N° 56 - HIVER 2007-200838

RMN, magnétisme et santé

L’étude structurelle et fonctionnelle du cerveau a connu un développement fulgurant ces dernières années grâce aux méthodes d’imagerie, dont notamment l’imagerie parrésonance magnétique (IRM). Une véritable cartographie anatomique et fonctionnelle ducerveau a ainsi pu être dressée en visualisant ses zones actives lorsqu’elles sont sollicitéesau cours de l’exécution d’une tâche donnée. Pour voir le cerveau penser et mieux comprendreles dysfonctionnements cérébraux, une des méthodes consiste à suivre en direct les modulations du débit sanguin liées à l’activité cérébrale. Il est également possible de mesurer, à l’échelle microscopique, les mouvements des molécules d’eau du cerveau et établir ainsi l’architecture fine du tissu neuronal et de ses variations. D’autres moléculesd’intérêt biologique impliquées dans le métabolisme renseignent également sur lespathologies cérébrales. Le développement d’IRM à champ magnétique intense permettrad’observer le cerveau et ses pathologies avec une précision encore plus fine, à une échelleplus représentative des phénomènes qui l’animent.

Comprendre le cerveaupar l’image

Système IRM 3 T de NeuroSpin. Les techniques d’imagerie par résonance magnétique se révèlent particulièrement bien adaptées à l’étude non traumatiqued’organes profonds, réputés difficiles d’accès, tels que le cerveau.

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Système IRM de 3 T du SHFJ situé à Orsay (Essonne). L’imagerie neuro-fonctionnelle détientaujourd’hui une place unique en permettant l’obtention d’informations in vivo et in situ sur lefonctionnement du cerveau, et ce, de manière non invasive.

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L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est maintenant l’outil majeur du diagnostic et du suivi thérapeutique de multiples pathologies en particuliercérébrales, à tous les âges de la vie, du fait de son innocuité, de sa facilité d’utilisation et de la précision des résultats fournis.

Les applications cliniques de l’imageriepar résonance magnétique

d’opérabilité… –, des maladies inflammatoires etinfectieuses – par l’observation de l’évolution desanomalies de la substance blanche dans la scléroseen plaques, des encéphalites du sida… –, ou du pro-nostic précoce des traumatismes crâniens graves…

Un outil de choix pour l’enfant

L’innocuité et la capacité d’adaptation de l’IRM enfont également l’outil de choix pour le diagnosticchez l’enfant dès la période prénatale. L’IRM fœtaleest systématiquement pratiquée en cas de suspiciond’anomalie à l’échographie pendant la grossesse, carelle permet une analyse plus fine du fœtus, notam-ment au niveau cérébral. Chez l’enfant, l’IRM estpratiquée en routine mais elle nécessite une parfaiteimmobilité et requiert donc une sédation chez l’en-fant non coopérant. Son apport est majeur dans tou-tes les pathologies neuropédiatriques, de la souf-france périnatale (accident pré- ou per-natal) auxmaladies génétiques du système nerveux central,comme les leucodystrophies – maladies dégénérati-ves de la substance blanche –, en passant par toutesles pathologies retrouvées chez l’adulte, mais ayantdébuté dans l’enfance.

Un besoin d’instruments plus sensibles

Il ne faut toutefois pas oublier que l’IRM peut res-ter “apparemment” normale dans nombre de patho-logies pourtant très invalidantes, telles que certainesmaladies psychiatriques (dépression, schizophrénie,

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) serévèle particulièrement bien adaptée à l’étude non

traumatique d’organes profonds, réputés difficilesd’accès, tels que le cerveau (Mémo C, Les principa-les techniques d’imagerie médicale, p.36). En effet,l’IRM anatomique (IRMa) permet d’obtenir des ima-ges en haute résolution spatiale sur l’architecture ducerveau, l’IRM de diffusion (IRMd) sur les connexionsintracérébrales, l’IRM fonctionnelle (IRMf) sur l’activité du cerveau, la spectroscopie (SRM) et l’imagerie spectroscopique (IRMs) sur les processusbiochimiques (métabolisme, neurotransmission),et l’angiographie (1) IRM (ARM) sur le système vas-culaire cérébral. Des agents de contraste, comme parexemple les chélates (2) de gadolinium, peuvent êtreemployés pour mieux visualiser et caractériser cer-taines anomalies. L’IRM à haut champ magnétique(3 T et plus) fournit des images de meilleure qualitéet plus d’informations physiologiques que les IRMstandard à 1,5 T. Quelle que soit l’intensité du champmagnétique, aucun effet indésirable sérieux n’a été mis en évidence à ce jour, après environ 25 ansd’utilisation de l’IRM en clinique (près de 8 millionsd’examens IRM sont effectués par an en Europe), àcondition toutefois que les contre-indications soientstrictement respectées, comme l’absence d’élémentsmétalliques dans le corps.

Les apports de l’IRM à l’étude du cerveau

Virtuellement, toutes les pathologies neurologiquesde l’adulte ont vu leur diagnostic révolutionné parl’avènement de l’IRM, qu’il s’agisse des maladiesneurodégénératives – par exemple, par la visualisa-tion précise de l’atrophie progressive de la partieprofonde du lobe temporal dans la maladied’Alzheimer, de certains noyaux gris centraux (3)

dans la maladie de Huntington… –, des accidentsvasculaires cérébraux – visualisés dès les premièresheures grâce à l’IRM de diffusion –, des tumeurscérébrales – par l’appréciation de leur degré d’agres-sivité, de leur sensibilité aux chimiothérapies, de leurrécidive éventuelle… –, des épilepsies – par la visua-lisation de lésions microscopiques ou de malforma-tions sous-jacentes, l’appréciation des critères

(1) Angiographie : technique d’imagerie des vaisseauxsanguins par radiographie X impliquant l’injection au sujetd’un produit de contraste.

(2) Chélate (du grec khêlê signifiant pince) : complexechimique formé par un ligand (le chélateur) et un cation(ou un atome) métallique (dit chélaté) fixé au chélateur par aumoins deux liaisons de coordination, à la manière d’une pince.

(3) Noyaux gris centraux : regroupements de substance grisesitués au plus profond du cerveau et qui gèrent certainesfonctions vitales, ainsi que la mémoire.

Image IRM du cerveau d’unefemme avec une épilepsiedepuis l’enfance liée à unemalformation vasculaire dulobe occipital droit (en blancsur l’image).

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RMN, magnétisme et santé

autisme…), voire neurologiques (maladie deParkinson, certaines épilepsies, retards mentaux…).C’est là entre autres que portent d’importants effortsde recherche, afin de développer de nouvelles métho-des d’acquisition des images – notamment avec des

imageurs à très haut champ magnétique, comme le7 T du centre NeuroSpin et à l’avenir le 11,7 T – oud’analyse à l’aide d’approches morphométriques, quiétudient les variations anatomiques cérébrales nonvisibles à l’œil nu au moyen d’algorithmes statis-tiques, tel le logiciel BrainVisa développé au CEA.Ainsi, depuis son avènement en clinique à la fin desannées 1970 (à des champs magnétiques de 0,5 T !),l’IRM n’a cessé de démontrer au fur et à mesure sonimmense potentiel pour le diagnostic et le suivi thé-rapeutique des maladies cérébrales, ce qui rend d’au-tant moins acceptable la carence massive du parcd’IRM cliniques en France à ce jour. L’améliorationdu diagnostic par l’imagerie permet une prise encharge plus précoce et plus efficace, et donc uneréduction des coûts de soins. Le défi de la médecinede demain sera de diagnostiquer toujours plus tôt,avant le début des signes cliniques, et de prévenir lasurvenue des maladies. L’imagerie y a déjà trouvéune place prépondérante, en association avec d’au-tres outils (génétiques, physiologiques…).

> Lucie Hertz-PannierInstitut d’imagerie biomédicale – NeuroSpin

Direction des sciences du vivantCEA Centre de Saclay

Image de cerveauhumain acquise avec

le système IRM de 7 T ducentre NeuroSpin. L’IRM

à très haut champmagnétique permet

d’obtenir des contrastesinaccessibles à plus bas

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L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle permet la localisation des zones cérébrales activées lors d’une tâche.

La mesure de l’augmentation locale et transitoire de débit sanguin dans les zonescérébrales activées, reflet indirect du fonctionnement des neurones, permet de produire des images avec une grande précision anatomique et temporelle.

L’imagerie par résonance magnétiquefonctionnelle sensible au débit sanguin

de l’intégralité du cerveau toutes les 1,5 à 6 secondes(correspondant à la résolution temporelle moyenneclassiquement utilisée en recherche). La localisationdes zones cérébrales activées est basée sur l’effet BOLD(Blood-Oxygen-Level Dependent), lié à l’aimantationde l’hémoglobine contenue dans les globules rou-ges du sang. L’hémoglobine se trouve sous deux for-mes. Les globules rouges oxygénés par les poumonscontiennent de l’oxyhémoglobine, molécule non activeen RMN, et les globules rouges désoxygénés par lestissus renferment de la déoxyhémoglobine, qui estdotée de propriétés paramagnétiques et est doncvisible en RMN.

L’imagerie par résonance magnétique fonction-nelle (IRMf) est une application de l’imagerie par

résonance magnétique à l’étude du fonctionnementdu cerveau (Mémo C, Les principales techniquesd’imagerie médicale, p. 36). Elle repose sur le prin-cipe selon lequel l’afflux de sang oxygéné augmentedans les zones cérébrales activées.

Mesurer l’accroissement de flux sanguin

L’IRMf consiste à alterner des périodes d’activité (parexemple, bouger les doigts de la main droite) avecdes périodes de repos, tout en acquérant des images

calcul et langage tâches visio-spatialesmouvement de la main

saisie manuellecalcul seul

attention seulesaccades seules

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Dans les zones activées par la tâche, un petit accrois-sement de la consommation d’oxygène par les neuro-nes est surcompensé par une large augmentationde flux sanguin. Il en résulte une diminution de laconcentration de déoxyhémoglobine. Vu les pro-priétés paramagnétiques de cette dernière, le signalIRM (temps de relaxation des noyaux d’hydro-gène de l’eau) s’accentue légèrement pendant lespériodes d’activation. Ce sont ces faibles augmen-tations de signal (quelques pour cent) qui sontmesurées en IRMf grâce à des séquences d’image-rie rapides dites écho-planaires. Ces faibles fluctua-tions rendent le problème de la détection/localisa-tion des activations cérébrales difficile et nécessitentdes méthodes statistiques puissantes (1) pour êtremises en évidence.

Les étapes de prétraitement des données

Les données obtenues doivent tout d’abord être pré-traitées, c’est-à-dire successivement corrigées des dis-torsions géométriques (artéfacts de susceptibilitémagnétique), du mouvement… Les images étantacquises à différents instants (série temporelle), lesujet, allongé dans le scanner, peut bouger d’unvolume à l’autre. Une étape de réalignement permetd’estimer les mouvements et d’aligner les imagesfonctionnelles entre elles, si le mouvement n’est pastrop grand. La mise en correspondance anatomo-fonctionnelle conduit ensuite à recaler chez un sujetson image anatomique sur ses données fonction-nelles. Enfin, la normalisation spatiale est la clé pourprendre en compte les variabilités cérébrales inter-individuelles et réaliser des analyses statistiques degroupe. Puisque différents sujets participent à uneexpérience, il est en effet nécessaire de plonger leur

(1) Parmi elles, la cartographie statistique paramétrique(Statistical Parametric Mapping).

(2) Paradigme expérimental : procédure méthodologique qui constitue un modèle de référence.

cerveau dans un référentiel commun. La normalisa-tion permet d’étirer l’image de chaque cerveau detelle sorte qu’il ressemble à un cerveau standard.

La modélisation du signal BOLD

Un modèle paramétrique explicatif des données estajusté en chaque voxel. Pour des raisons de simpli-cité, ce modèle est linéaire au sens où il s’agit d’unefonction linéaire vis-à-vis des paramètres à identi-fier, et décrit la variabilité des données selon troiscomposantes : les effets expérimentaux induits parla stimulation (ceux qui intéressent le médecin), leseffets confondants (par exemple des artéfacts physio-logiques) et la variabilité résiduelle (inexpliquée par le modèle et associée au bruit d’acquisition). Les effetsexpérimentaux sont définis par la convolutionde l’activité neuronale putativement évoquée par le paradigme expérimental (2), avec un filtre hémo-dynamique représentant la réponse BOLD typique. La nature exacte de cette réponse n’étant pas parfai-tement connue, un modèle moyen a été choisi empi-riquement, mais certaines approches innovantes per-mettent de l’estimer à partir des données et ainsi de prendre en compte les variabilités régionale etinterindividuelle liées à la topographie du réseaumicrovasculaire cérébral. Le modèle linéaire généralproduit une carte d’activité décrivant les régions ducerveau dans lesquelles le paradigme expérimentala engendré une augmentation significative du signalobservé (figure 1).

Figure 1. Variabilité spatiale intraindividuelle du filtrehémodynamique. En bleu, estimation régionalede ce filtre dans différentesaires auditives (gyrus de Heschl, aires primaires,secondaires et aire de Broca). En rouge, forme canoniquehabituellement considéréedans la modélisation du signal BOLD. Au centre,coupe axiale basse (z = 0 mm)montrant les activationsbilatérales à des stimulationsauditives (écoute de phrases).

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Variabilité interindividuelle. Cette image montre l’activité enregistrée chez trois sujets pour une tâche de soustraction, en surimposition sur un maillage de la surface séparant la matière grise de la matière blanche. Il est possible d’observer à la fois la variabilité des formes des différents cerveaux et la variabilité des zones activées par la tâche de soustraction. Il convient donc de chercher à comprendre ce qui est commun à ces différents sujets, en quoi la variabilité fonctionnelle est corrélée à la variabilité anatomique, et dans quelle mesure ces variabilités peuvent être appréhendées en fonction de facteurs génétiques, comportementaux ou démographiques.

L’IRMd rend aujourd’hui possible de cartographier les “autoroutes de l’information” ducerveau. Il s’agit des grands faisceaux de fibres (jaune, rouge, vert, bleu) qui permettentaux neurones de différentes régions cérébrales de communiquer.

L’analyse statistique

Enfin, il convient d’établir, au niveau de la popula-tion, quelles sont les régions du cerveau dans les-quelles une augmentation du signal est obtenue. Cetteanalyse vise à généraliser les résultats acquis sur un échantillon de dix à vingt sujets au reste d’unepopulation. Elle se heurte à la variabilité courammentobservée entre les cerveaux, à la fois anatomique etfonctionnelle. La compréhension de ces différentessources de variabilité en termes d’informations com-

portementales ou génétiques est un défi très impor-tant pour les prochaines années. En particulier, elleest essentielle pour mieux appréhender l’effet asso-cié à différentes pathologies, neurodégénératives oupsychiatriques, et donc faciliter leur diagnostic.

> Philippe Ciuciu et Bertrand Thirion * Institut d’imagerie biomédicale – NeuroSpin

Direction des sciences du vivantCEA Centre de Saclay

* et Inria Futurs Orsay

CEA

Au cours des 30 dernières années, la neuro-image-rie fonctionnelle est apparue comme une appro-

che incontournable pour étudier le cerveau, princi-palement avec la tomographie par émission depositons (TEP) et l’imagerie par résonance magné-tique (IRM) ; Mémo C, Les principales techniquesd’imagerie médicale, p. 36. Bien que ces deux moda-lités utilisent des principes physiques radicalementdifférents – détection de la radioactivité bêta + pourla première et de l’aimantation nucléaire pour laseconde – toutes deux font appel aux molécules d’eaupour donner des images de l’activation cérébrale. Cecin’est pas vraiment une surprise sachant que l’eau cons-titue 80 % du poids du cerveau et 90 % de ses molé-cules. Jusqu’à présent, l’imagerie fonctionnelle parTEP et IRM repose sur le couplage entre l’activationneuronale et le débit sanguin. Celui-ci augmente loca-lement dans les régions activées. Avec la TEP, de l’eaurendue radioactive (H2O15) à l’aide d’un cyclotron (1)

est injectée dans la circulation sanguine du volontaireou du patient examiné. Dans les régions activées parune tâche sensori-motrice ou cognitive, l’accroisse-

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La mesure du mouvement des molécules d’eau (qualifié de brownien) dans le tissucérébral permet la détection rapide de l’activation des neurones.

L’imagerie par résonance magnétiquede diffusion : du mouvement brownienaux images de la pensée

(1) Cyclotron : accélérateur de particules circulaire dans lequelles particules placées dans un champ magnétique sont accéléréesdans le vide par un champ électrique alternatif. Il permetnotamment la production de radioéléments (oxygène 15,carbone 11, azote 13, fluor 18) utilisés en médecine nucléaire.

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Figure 1. Principes généraux de la TEPet de l’IRM pour la neuro-imagerie fonctionnelle. À gauche, imageried’activation cérébrale avec la TEP. De l’eau radioactive(H2O15) est utilisée commetraceur pour détecterl’accroissement de débitsanguin produit parl’activation neuronale. Au milieu, imageried’activation cérébrale desrégions visuelles par IRMBOLD. L’aimantation de l’eaudans et autour des vaisseaux est modulée par le flux de globules rouges contenantde la déoxyhémoglobine(paramagnétique à cause de son atome de fer). À droite, imagerie d’activationcérébrale des régionsvisuelles par IRM de diffusion. La diminution de la diffusion de l’eau quiapparaît durant l’activationproviendrait du gonflementdes cellules activées et de l’expansion de la couched’eau liée aux membranes qui en résulte. Alors que laTEP et l’IRM BOLD utilisentsimplement l’eau commemoyen indirect pour détecterles changements de débitsanguin par le scannerd’imagerie, les changementsde propriétés de l’eaudétectés par l’IRM dediffusion pourraient être une partie intégrante du processus d’activation.

présence de certains médicaments : une région peutêtre normalement activée sans que le débit sanguinsoit augmenté, et donc sans être détectée. Par ailleurs,la précision spatiale des images d’activation cérébraleest nécessairement limitée car les vaisseaux responsa-bles du changement de débit sanguin irriguent oudrainent des régions cérébrales contenant de très gran-des quantités de neurones qui peuvent avoir diffé-rentes fonctions. De même, le temps nécessaire pourque les mécanismes physiologiques à l’origine del’accroissement de débit prennent place restreint intrin-sèquement la résolution temporelle de ces méthodes(le pic d’augmentation de débit survient plusieurssecondes après le début de l’activité neuronale).Cependant, une nouvelle approche fondamentale-ment différente est apparue récemment pour obtenirdes images de l’activité cérébrale, à partir de l’obser-vation du mouvement de diffusion moléculaire de l’eau.Il a en effet été montré que la diffusion de l’eau ralen-tissait dans les régions cérébrales activées.

L’IRM de diffusion pour sonder à l’échelle microscopique

Parmi les quatre stupéfiants articles publiés par AlbertEinstein en 1905, il en est un qui, contre toute attente,a donné naissance à une puissante méthode d’ex-ploration du cerveau humain et de son fonctionne-ment. Le phénomène de la diffusion moléculaire aété analysé et expliqué par Einstein à partir du mou-vement de marche aléatoire des molécules (appelé

ment de débit sanguin se traduit par une augmenta-tion locale de la radioactivité dans le tissu cérébral, quiest détectée par la caméra TEP. Avec l’IRM, les noyauxd’hydrogène des molécules d’eau sont aimantés parun champ magnétique intense (paramagnétismenucléaire). Dans les régions actives, l’accroissement dedébit sanguin s’accompagne d’une modification de lasaturation locale du sang en oxygène. Comme l’hémo -globine des globules rouges contient un atome de ferdont les électrons sont susceptibles de s’aimanter (para-magnétisme électronique), cela se traduit par une modi-fication très faible, mais détectable par le scanner IRM,des propriétés d’aimantation des molécules d’eau autourdes vaisseaux sanguins (méthode appelée BOLD pourBlood-Oxygen-Level Dependent). Dans les deux cas,cependant, l’eau n’est qu’un moyen indirect d’obser-ver les changements de débit sanguin local qui accom-pagnent l’activité cérébrale (figure 1).L’IRM BOLD est maintenant utilisée par des équipesdu monde entier, dont celles de NeuroSpin, pourmettre en évidence les réseaux de régions cérébralesimpliqués dans les processus cognitifs comme le lan-gage, le calcul, l’imagerie mentale, ou même la cons-cience, et comprendre le fonctionnement du cerveauou ses dysfonctionnements (figure 2). Cette méthodeprésente toutefois des limites bien connues. Bien quele principe de couplage entre activité neuronale, méta-bolisme et débit sanguin soit vérifié dans la plupartdes cas, le degré et le mécanisme de ce couplage nesont toujours pas compris. Il est même parfois mis endéfaut dans certaines conditions pathologiques ou en

CEA

activation

● accroissement de débit sanguin

● augmentation de la quantitéd’eau radioactive dans

le tissu activé

● accroissement de débitsanguin et oxygénation

● diminution de la relaxationde l’eau dans et autour des

vaisseaux

● augmentation de la taillecellulaire et de la surface

membranaire

● diminution de la diffusion de l’eau liée aux membranes

eau radioactive eau “aimantée“ eau cérébrale naturelle

repos eau radioactive

débit sanguin

hémoglobineoxygène

TEP H2O15* IRM BOLD IRM de diffusion

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RMN, magnétisme et santé

aussi mouvement brownien) qui résulte de l’énergiecinétique portée par ces molécules. La diffusion molé-culaire est un processus ubiquitaire qui se manifestepartout, y compris dans nos cellules et notre cerveau.Au milieu des années 1980, nous avons montré pourla première fois qu’il était possible d’obtenir des ima-ges du mouvement de diffusion des molécules d’eaudans le cerveau humain avec l’IRM. Pour cela, lechamp magnétique est rendu variable dans l’espace(gradient de champ) pendant un court instant. Lechangement de champ perçu par les molécules endéplacement pendant cet intervalle de temps, du faitde leur diffusion, se traduit par une petite variationde fréquence de résonance et un déphasage. La dis-tribution statistique des déphasages pour l’ensem-ble des molécules d’eau présentes au sein de chaquevolume élémentaire de l’image produit une petiteamputation du signal, qui est mesurable et reflètequantitativement le processus de diffusion.La diffusion moléculaire fait référence au mouve-ment de translation aléatoire des molécules qui résultede l’énergie thermique portée par ces molécules. Dansun milieu libre, durant un intervalle de temps donné,ces déplacements moléculaires tridimensionnelsobéissent à une loi de Gauss (2). La distance statis-tique parcourue par les molécules est liée à leur coef-ficient de diffusion. Celui-ci ne dépend que de lataille (ou masse) des molécules, de la température etde la viscosité du milieu. Par exemple, des molécu-les d’eau diffusant librement à 37 °C ont un coeffi-cient de diffusion de 3 · 10-9 m2/s, ce qui se traduitpar une distance statistique de diffusion de 17 µmen 50 millisecondes. Environ 30 % des molécules ontau moins atteint cette distance, alors que seulement5 % ont dépassé 34 µm.Le concept puissant qui se cache derrière l’IRM dediffusion (IRMd) repose donc sur le fait que les molé-cules d’eau vont sonder par leur mouvement de dif-fusion les tissus biologiques à une échelle microsco-pique, bien inférieure à l’échelle millimétrique usuelledes images IRM. En pratique, le temps de diffusionest de l’ordre de 50 à 100 millisecondes et les molé-cules d’eau diffusent dans le cerveau sur des distan-ces d’environ 1-15 µm, rebondissant ou interagis-sant avec de nombreux obstacles, comme lesmembranes cellulaires, les fibres, les organelles (3), lesmacromolécules… La distance de diffusion est ainsiréduite par rapport à la diffusion “libre” et la distri-

bution des déplacements n’est plus gaussienne. End’autres termes, alors que pour des temps de diffu-sion très courts l’effet de la viscosité locale est pré-dominant, l’effet des obstacles devient prépondérantaux temps de diffusion plus longs, ceux utilisés enIRM médicale. La modélisation exacte des mouve-ments des molécules d’eau dans les tissus fait l’objetd’intenses recherches, mais l’observation non inva-sive du mouvement de diffusion de l’eau dans les tis-sus a déjà fourni des informations très précieuses surla structure fine du tissu cérébral et son organisationdans l’espace, ainsi que lors des changements de struc-ture induits par la physiologie ou la pathologie.

Des applications cliniques majeures

L’application la plus importante et la plus spectacu-laire de l’IRMd a été jusqu’ici l’ischémie (4) cérébraleà la phase aiguë (figure 3). Il a en effet été découvertque la diffusion de l’eau ralentissait immédiatementaprès le début de cette ischémie (produite par exem-ple par la migration d’un caillot sanguin dans uneartère cérébrale), alors que les neurones commencentà souffrir puis à mourir de cette interruption de cir-culation sanguine locale. L’IRMd est la seule méthodepermettant aujourd’hui d’identifier l’ischémie aiguëet d’en préciser l’étendue et la localisation. Avec cetteinformation, certains patients peuvent maintenantrecevoir en urgence un traitement approprié dès lespremières heures, alors que l’état du tissu cérébral estencore réversible, leur évitant de lourdes séquellesdéfinitives (hémiplégie, perte de la parole…).Une autre découverte a été que la diffusion de l’eaudans le cerveau était anisotrope. Dans la matièreblanche, la diffusion de l’eau varie selon la directionde sa mesure. La matière blanche est faite des pro-longements axonaux des neurones organisés en fais-ceaux de fibres myélinisées parallèles. La diffusionde l’eau est plus rapide dans la direction des fibresque dans la direction perpendiculaire. Cette pro-

Figure 2. L’imagerie cérébrale

confirme l’hypothèse d’uneperception subliminale

des mots. En combinantl’IRM fonctionnelle et

l’électroencéphalographie,on peut montrer

qu’un sous-ensemble desrégions impliquées lors du processus de lectureconscient est aussi actif

de manière inconscientelors de la présentationsubliminale des mots. S.

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-CEA

(2) Loi de Gauss : loi normale que suit, en probabilité, ladistribution d’une variable aléatoire et dont la représentationdessine une courbe en cloche (courbe de Gauss).

(3) Organelle : terme général désignant une structure spécialiséedélimitée par une membrane dans le cytoplasme des celluleseucaryotes.

(4) Ischémie : diminution d'apport sanguin artériel à un organeentraînant une baisse de l'oxygénation de ses tissus.

mots visibles mots masqués

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priété est exploitée depuis quelques années pourdéterminer l’orientation dans l’espace des faisceauxde fibres constituant la matière blanche et révéler enquelque sorte le “câblage” cérébral (technique duTenseur de Diffusion ou DTI). Pour la première fois,il devient réalisable de voir en trois dimensions leréseau de connexion entre les aires cérébrales chezun individu donné, et non de manière statistique(figure 3). Cette possibilité est en train de révolu-tionner les neurosciences et commence à être utili-sée pour étudier certaines pathologies qui pourraientêtre liées à des anomalies dans les connexions céré-brales, comme la schizophrénie.Une autre application clinique potentielle impor-tante est la détection et le suivi thérapeutique du can-cer (figure 3). Là encore la diffusion de l’eau est réduitedans les lésions cancéreuses ou les métastases. L’IRMdest en cours de validation comme méthode alterna-tive à la TEP-FDG (fluorodéoxyglucose, “faux” sucreradioactif capté et accumulé par les cellules en hyper-activité) qui permet de détecter les lésions cancé-reuses par leur caractère hypermétabolique. L’IRMdserait plus directe car le ralentissement de la diffu-sion est sans doute provoqué par la proliférationcellulaire et par l’augmentation de la densité de mem-branes. Côté thérapie, l’IRMd permet de voir aprèsquelques jours, au lieu de semaines ou de mois, l’effi-cacité ou non du traitement anticancéreux (la dif-fusion de l’eau réaugmente dans les parties tumo-rales sensibles au traitement), faisant gagner un tempstrès précieux au cas où celui-ci doit être changé dufait de son inefficacité.

Diffusion de l’eau et activation cérébrale

Le caractère non gaussien de la diffusion de l’eau dansles tissus biologiques, comme le cerveau, provientclairement des interactions entre l’eau et les consti-tuants des cellules, cytoplasme et membrane. À lalumière des connaissances récentes sur la physique

de l’eau et de sa diffusion, en particulier dans les tis-sus biologiques, le nouveau modèle proposé fait étatde deux pools d’eau. Le premier à diffusion “rapide”(70 % de l’eau, environ 2,5 fois plus lente que la dif-fusion de l’eau libre) correspondrait à l’eau de baseen échange rapide avec l’eau d’hydratation des pro-téines et des macromolécules. Le second de diffusion“lente” (30 % de l’eau, environ 10 fois plus lente quela diffusion de l’eau libre) proviendrait d’une couched’eau très structurée le long de la surface des mem-branes. Cette structuration de l’eau est induite par ladistribution spatiale des charges électriques à la sur-face des protéines de membranes et du cytosque-lette (5) qui y est rattaché. Elle s’accompagne d’unediminution de densité et de mobilité. Comme le rap-port surface/volume de la plupart des cellules est élevé,il n’est pas étonnant que toute augmentation de volume(gonflement) ou de densité (prolifération) cellulaireentraîne un accroissement sensible du pool d’eau liéaux membranes, et donc un abaissement du coeffi-cient de diffusion global mesuré.Le petit ralentissement de la diffusion de l’eau, observé durant l’activation cérébrale, prend place plu-sieurs secondes avant la réponse vasculaire détectéepar la méthode IRM BOLD. Il peut être décrit en ter-mes d’une transition de phase des molécules d’eauentre le pool à diffusion “rapide” et le pool à diffusion“lente”. Cette transition de phase pourrait traduireune expansion de la surface membranaire, et donc ungonflement des cellules quand elles sont activées(figure 1). De nombreux travaux reposant en parti-culier sur des méthodes d’imagerie optique ont eneffet montré que le gonflement cellulaire était une desréponses physiologiques associées à l’activation neuro-nale, synchrone avec le pic du potentiel d’action.Ce mécanisme de diffusion, qui reste à valider, mar-querait un tournant important vis-à-vis des appro-

Figure 3. À gauche, IRMd et ischémie cérébrale aiguë. La région avec un haut signalprésente un ralentissementde la diffusion de l’eau qui résulte de l’arrêtcirculatoire et de l’œdèmecytotoxique (gonflementcellulaire) consécutif. Au milieu, IRMd et cancer. Les régions en couleurreprésentent celles où ladiffusion de l’eau est ralentie.Elles ont été identifiéescomme contenant descellules cancéreuses (lésionsprimaires ou métastases). À droite, IRMd et tractographiecérébrale. La diffusion del’eau dans la matière blancheest anisotrope. La directiondans laquelle la diffusion est la plus rapide donne la direction des fibres point par point dans l’image. À l’aide de logiciels de post-traitement, ces pointspeuvent être reliés entre euxpour produire des images en couleurs représentant la topographie des faisceauxde matière blanche.

(5) Cytosquelette : structure du cytoplasme d'une cellule,formée de polymères biologiques, qui lui confère ses propriétésmécaniques.

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RMN, magnétisme et santé

Apparue dans la foulée de la découverte du phéno-mène de résonance magnétique nucléaire RMN

il y a 60 ans, la spectroscopie par résonance magné-tique nucléaire (SRM) s’est révélée une technique phy-sico-chimique d’analyse unique pour la caractérisationde composés ch imiques in vitro. Depuis une vingtained’années, la SRM est utilisée pour l’exploration des tis-sus biologiques in vivo (Mémo C, Les principales tech-niques d’imagerie médicale, p.36). Elle offre la possi-bilité de mesurer le métabolisme énergétique cérébral.

Les noyaux d’intérêt biologique

Les principaux noyaux d’intérêt biologique détecta-bles par RMN sont ceux d’hydrogène 1H, c’est-à-direles protons, de phosphore 31 31P et de carbone 13 13C.La RMN du 1H bénéficie d’une sensibilité relativementélevée et permet la mesure de 5 à 15 métabolites dansle cerveau humain, en fonction des performances dusystème RMN utilisé. Parmi ces métabolites, il convient

Les apports de la spectroscopie RMN à l’étude du métabolisme cérébralSi, contrairement à l’IRM, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire(SRM) in vivo n’est pas encore couramment utilisée en routine clinique, en partie àcause de sa sensibilité limitée, elle s’impose néanmoins comme un outil de rechercheclinique particulièrement prometteur pour comprendre la régulation du métabolismeénergétique cérébral.

La SRM, qui analyse les molécules impliquées dans la chimie du cerveau, est un outilprometteur pour dépister plus précocement les pathologies cérébrales.

Figure 1. Marquage du

métabolisme oxydatifcérébral obtenu par

perfusion de glucose 13C.À gauche, le 13C estincorporé depuis le

glucose sanguin jusquedans le glutamate Glu.

À droite, détection RMNdu marquage des

4e et 3e atomes decarbone du glutamate

dans le cerveau derongeur au cours de la

perfusion de glucose 13Cde 90 minutes.

CEA

ches TEP ou IRM classiques car, plus intimement etdirectement lié à l’activation neuronale, il offre poten-tiellement une meilleure résolution spatiale et tem-porelle. Mais cette approche va conceptuellementencore au-delà. En effet, par contraste avec les appro-ches classiques qui reposent sur des changements arti-ficiels des propriétés physiques de l’eau (radioactivité,aimantation) nécessaires pour une détection par TEPou IRM, la nouvelle approche basée sur la diffusionde l’eau utilise simplement l’IRM pour révéler deschangements intrinsèques des propriétés de l’eau durantl’activation cérébrale. L’eau n’est certainement pas unacteur passif de la physiologie cellulaire. Ces change-ments pourraient être une partie intégrante des méca-

nismes d’activation, l’équilibre et les mouvements del’eau ayant sans aucun doute un rôle central dans laphysiologie cérébrale et les interactions avec les évé-nements membranaires. Il existe en effet une littéra-ture abondante et récente sur les propriétés physiquesde l’eau dans les tissus biologiques et les événementscellulaires qui accompagnent l’activation cérébrale,mais elle n’est pas toujours bien connue.

> Denis Le Bihan Membre de l’Institut

Institut d’imagerie biomédicale – NeuroSpinDirection des sciences du vivant

CEA Centre de Saclay

CEA

glucose 13C1

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Glu 13C413C3

13C4 13C3

cycle de Krebs

2,5 2,0 1,5 1,0 2,5 2,0 1,5 1,0 ppm

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de citer le N-acétyl-aspartate, la créatine, la choline,mais aussi certains neurotransmetteurs et acides ami-nés (glutamate, GABA, aspartate, glutamine). La RMNdu 31P autorise la détection d’un nombre plus limitéde métabolites, 3 à 5 selon le système employé. Sonintérêt tient au fait que les molécules détectées en 31Psont directement impliquées dans le métabolisme éner-gétique cellulaire (ATP, Pi, PCr)(1).

La mesure du métabolisme énergétiquecérébral

Au-delà de la quantification des métabolites, la SRMoffre la possibilité de mesurer la vitesse de synthèse oude dégradation de certains métabolites. Il existe deuxapproches pour cette mesure dynamique : le marquageisotopique au 13C et le transfert de saturation en 31P.Le marquage isotopique au 13C permet notamment demesurer la vitesse du cycle de Krebs(2) (VKrebs) in vivo.Le glucose marqué au 13C est le précurseur de choixpour les mesures cérébrales, puisqu’il contribue à envi-ron 90 % du métabolisme oxydatif cérébral. Le mar-quage isotopique est obtenu par perfusion intravei-neuse de glucose 13C. L’incorporation du 13C dans lesintermédiaires les plus concentrés du cycle de Krebs, enparticulier le glutamate Glu, peut être détectée par SRMdu 13C (figure 1). La cinétique d’incorporation du 13Cpermet de calculer la vitesse du cycle de Krebs. L’utilisationde substrats alternatifs, comme l’acétate marqué au 13C,autorise la mesure d’autres voies métaboliques céré-brales (figure 2).Les flux métaboliques in vivo sont également acces-sibles en RMN du 31P par la technique de “transfertd’aimantation”. Il s’agit ici de détecter le transfert del’aimantation du 31P entre le substrat et le produitd’une réaction chimique. Appliquée à la réactionPi��ATP, la méthode consiste à irradier sélectivementle 31P terminal de l’ATP. Sous l’effet de l’échange chi-mique, cette irradiation entraîne une atténuation del’aimantation du Pi. La mesure de cette atténuationconduit au taux de synthèse d’ATP.

Un outil pour l’étude des pathologiescérébrales

La mesure de flux métaboliques in vivo appliquée à lapathologie peut renseigner sur la présence d’une alté-ration du métabolisme énergétique, le degré d’altéra-

tion et son évolution temporelle. Au-delà des infor-mations sur les mécanismes biochimiques sous-jacentsà la pathologie, la mesure de flux métaboliques parRMN pourrait constituer un outil de suivi et d’éva-luation thérapeutique. La maladie de Huntington–maladie neurodégénérative héréditaire caractériséepar des mouvements anormaux– a fait l’objet de nom-breuses études par SRM, menées conjointement parle CEA et le CNRS (URA 2210). Des modèles animauxde cette maladie ont été développés puis étudiés parRMN du 13C et du 31P. Ensuite, des groupes de patientsont été étudiés, levant une partie du voile sur les méca-nismes sous-jacents à la dégénérescence.Les techniques RMN et les applications présentées icin’illustrent que partiellement le potentiel de la SRM.Dans les années à venir, le développement de systèmesRMN à champ magnétique intense autorisera une loca-lisation plus fine des mesures spectroscopiques, per-mettant l’acquisition de véritables “IRM métaboliques”.

> Vincent Lebon Institut d’imagerie biomédicale – NeuroSpin

Direction des sciences du vivantCEA Centre de Saclay

Figure 2. Spectres RMN 13C du cerveau humain acquis au cours de perfusions d’acétate 13C et deglucose 13C. La région d’intérêt dans laquelle les spectres ont été enregistrés est délimitéesur l’image RMN du cerveau obtenue au cours du même protocole (rectangle blanc). La perfusion d’acétate 13C (spectre du haut) se traduit par un enrichissement de la glutamine(Gln 13C4) supérieur à celui du glutamate (Glu 13C4). En revanche, la perfusion de glucose 13Centraîne un enrichissement plus important du glutamate. La glutamine étant compartimentéedans les astrocytes (3), le marquage préférentiel de la glutamine obtenu par perfusiond’acétate 13C illustre l’oxydation préférentielle de ce substrat par les astrocytes.

(1) ATP (adénosine-tri-phosphate) : molécule qui assure le transfert de l’énergie des molécules “combustibles” auxfonctions cellulaires.Pi (phosphate inorganique) : forme ionisée de l’acidephosphorique qui intervient dans les processus énergétiquescellulaires.PCr (phosphoryl-créatine) : molécule qui joue le rôle de “tampon” énergétique dans le système ATP.

(2) Cycle de Krebs : étape finale du catabolisme oxydatif(ensemble des réactions enzymatiques permettant ladégradation de larges molécules organiques – glucides, lipideset protéines – accompagnée d’une libération d’énergie sous forme d’ATP) qui a lieu dans les mitochondries chez les eucaryotes et assure la plus grande part des besoinsénergétiques de la cellule.

(3) Astrocytes : cellules gliales (cellules du système nerveux centralautres que les neurones et pouvant se reproduire par mitose) qui jouent un rôle actif dans le métabolisme et l’alimentation englucose des neurones (astrocytes de type I) ou dans la propagationdu signal nerveux en agissant sur la dispersion et la recapture des neurotransmetteurs (astrocytes de type II).

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perfusion d’acétate 13C

perfusion de glucose 13C

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L’imagerie médicale est une méthodeunique permettant de visualiser des pro-cessus biologiques au sein même desorganismes vivants, de manière non inva-sive. Elle est essentielle à la compréhen-sion de leur physiologie et de leurs patho-logies afin de mieux les diagnostiquer, lespronostiquer et les soigner. L’imagerieconstitue donc un outil d’investigation dechoix de plusieurs champs de la méde-cine et de la biologie.Initiée avec la radiographie par rayons X,l’imagerie médicale a bénéficié de la décou-verte de la radioactivité artificielle et destechniques de détection associées pour sedévelopper. Par la suite, la découverte dela résonance magnétique nucléaire (RMN)puis des aimants supraconducteurs a per-mis des avancées technologiques signifi-catives dans le domaine de l’imagerie parrésonance magnétique (IRM).

Parmi les principales méthodes d’image-rie dynamique du cerveau humain, l’élec -troencéphalographie (EEG) permet demesurer l’activité électrique du cerveau,provoquée par le courant généré dans lesneurones, à l’aide d’électrodes placéessur le cuir chevelu (le scalp). Elle rensei-gne sur l’activité neurophysiologique ducerveau au cours du temps et en parti-culier du cortex cérébral, soit dans un butdiagnostique en neurologie, soit dans larecherche en neurosciences cognitives.La magnétoencéphalographie (MEG)enregistre les champs magnétiquesinduits par les courants générés par lesneurones au moyen de capteurs posi-tionnés à proximité de la tête. Employéedans un but clinique en neurologie,notamment pour le cas de l’épilepsie,ainsi que dans la recherche en neuro-sciences cognitives, cette technique

autorise également l’étude de maladiesdéveloppementales (dyslexie), psychia-triques (schizophrénie) et neurodégéné-ratives (Parkinson, Alzheimer).La tomographie par émission de posi-tons (TEP) consiste à administrer par voieintraveineuse une molécule marquée avecun isotope radioactif afin de suivre, pardétection externe, le fonctionnement nor-mal ou pathologique d’un organe. Lestraceurs radioactifs présentent lesmêmes propriétés physico-chimiquesque leurs homologues non radioactifs sice n’est qu’ils possèdent la particularitéd’émettre un rayonnement. Ils serventdonc de balise pour suivre, à l’aide d’ou-tils de détection appropriés, le chemine-ment d’une molécule préalablement mar-quée dans l’organisme. Les valeurs ainsirecueillies sont ensuite analysées ettransformées à l’aide d’un modèle mathé-matique afin de permettre la recons-truction à l’écran d’une image représen-tant la position du radiotraceur dansl’organisme. La TEP est aujourd’hui lar-gement utilisée pour des études physio-logiques et physiopathologiques de lacognition et du comportement, ainsi quepour l’étude de différentes pathologiesaffectant le système nerveux centraltelles que l’épilepsie, l’ischémie céré-brale, les accidents vasculaires cérébrauxet les maladies neurodégénératives(Parkinson, Huntington…).L’imagerie par résonance magnétiquenucléaire (IRM) est une méthode d’ima-

Les principales techniques d’imagerie médicaleCMÉMO

Image en TEP. Les positons émis par les traceurs radioactifs préalablement injectés au patient sontdétectés par la caméra TEP, ce qui permet, après analyse informatique, de reconstituer une image en 3D de l’organe étudié.

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Dépression mélancolique. Fusion d’imagesen TEP mesurant l’activité énergétiquerégionale avec l’image en IRMa du cerveaud’un patient. Les zones hypoactivées sontdétectées individuellement.

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gerie fonctionnelle d’investigation in vivonon traumatique. Capable d’étudier destissus dits mous, tels que le cerveau, lamoelle épinière, les muscles, elle permetd’en connaître la structure anatomique,mais également d’en suivre le fonctionne-ment ou le métabolisme. Il s’agit dans lepremier cas d’une IRM anatomique (IRMa),dans le deuxième d’une IRM fonctionnelle(IRMf) et dans le troisième de la spectros-copie IRM (SRM).L’IRM utilise le phénomène de la RMN,technique de spectroscopie découverteen 1946 qui tire profit des propriétésmagnétiques des noyaux atomiques.Certains noyaux, ceux d’hydrogène parexemple, sont dotés d’un petit momentmagnétique ou spin. La RMN consiste àdétecter les variations de l’aimantationdes noyaux atomiques sous l’action d’unchamp magnétique extrêmement puis-sant et d’une onde électromagnétiqueexcitatrice. Lors de l’application d’uneonde électromagnétique de fréquenceadaptée, la fréquence de résonance, cesnoyaux changent d’orientation puis émet-

tent des signaux en retrouvant leur posi-tion d’origine. Avec les progrès de l’in-formatique et des champs magnétiques,la RMN est passée de la physique de lamatière condensée à l’analyse chimiquepuis à la biologie structurale, et plusrécemment à l’imagerie médicale.L’IRM anatomique. L’IRM offre la possibilité de visualiser l’anatomie d’organes profondset opaques. En observant,sous l’effet d’un champmagnétique intense, larésonance des noyauxd’hydrogène, présentsen abondance dansl’eau et les graisses des tissus biologiques,cette technique permeten particulier de visua-liser le cerveau en cou-pes montrant les détailsdes structures cérébrales(matière grise, matièreblanche) avec une précisionmillimétrique. Cette image-

rie “anatomique” est utilisée par les radio-logues pour la détection et la localisationde lésions cérébrales.L’IRM fonctionnelle. Plus récemment,grâce à la vitesse d’acquisition et de trai-tement de données, l’IRM est aussi deve-nue “fonctionnelle”, révélant l’activité desdifférentes structures qui composent notrecerveau. Quand nous parlons, lisons, bou-geons, pensons…, certaines aires de notrecerveau s’activent. Cette activation desneurones se traduit par une augmentationdu débit sanguin local dans les régionscérébrales concernées. C’est cette aug-mentation locale et transitoire de débit san-guin, et non directement l’activité desneurones, qui peut être détectée par l’IRMfdu fait de l’aimantation de l’hémoglobinecontenue dans les globules rouges.L’IRM de diffusion (IRMd). C’est un outilpuissant pour mesurer, à l’échelle micro-scopique, les mouvements des moléculesd’eau et établir ainsi l’architecture fine dutissu neuronal et de ses variations. Elleoffre une mesure plus directe que lesméthodes d’imagerie classiquement uti-lisées. Elle permet de sonder la structuredes tissus à une échelle bien plus fine quela résolution des images IRM et se révèleplus rapide.La spectroscopie par résonance magné-tique nucléaire (SRM) complète cette palettede technologies en fournissant une méthodenon invasive d’étude de la biochimie et dumétabolisme du système nerveux central.Elle permet la quantification précise de plu-sieurs dizaines de molécules et est baséesur le même principe que l’IRM.

Image acquise avec le système IRM de 3 T du SHFJ situé à Orsay (Essonne). Cette technique permetune analyse très fine des lésions infectieuses ou inflammatoires, des anomalies des vaisseaux, ainsique des tumeurs.

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L’IRMd permet le diagnostic très précoce de certainespathologies et la visualisation des faisceaux de fibres (matièreblanche) qui relient les différentes régions cérébrales.

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Un peu d’histoireDes trains qui “volent“ en lévitationmagnétique au-dessus de leur voie, leproblème du stockage de l’électricité enfinrésolu grâce à d’énormes bobines magné-tiques, un appareillage électrotechniqueet des câbles de transport électrique quine présentent plus de pertes, des champsmagnétiques pour explorer le corpshumain et en livrer des images toujoursplus précises : la supraconductivité n’acessé de faire rêver depuis qu’en 1911, leNéerlandais Heike Kammerlingh-Onnesa découvert la propriété extraordinairequ’ont les matériaux supraconducteursde présenter, en dessous d’une tempé-rature qualifiée de température critique(qui dépend de la masse isotopique), unerésistance électrique si faible qu’elle n’estpas mesurable. Il fut récompensé par leprix Nobel de physique en 1913.Outre une résistance nulle et uneconductivité électrique sans entrave,les supraconducteurs découverts parKammerlingh-Onnes (ils seront plus tardqualifiés de type I) possèdent une autrepropriété remarquable qui se mani-feste par l’effet Meissner, découvert en

1933 par le chercheur allemand WalterMeissner et son compatriote RobertOchsenfeld. Ils offrent un diamagnétismeparfait (si on néglige la longueur de péné-tration de London (1)), c’est-à-dire que lechamp magnétique en est totalementexpulsé tant que le champ est inférieurau champ critique alors qu’un matériauparfaitement conducteur devrait présen-ter un champ égal au champ appliqué.Là réside la deuxième barrière qui limiteencore l’application des supraconduc-teurs: au-dessus d’un champ magnétiquecritique, la supraconductivité disparaît.Les physiciens ont longtemps cru qu’iln’existait qu’un type de supraconducti-vité et que les anomalies magnétiquesconstatées dans certains échantillonsn’étaient dues qu’à la présence d’impu-retés. Mais dès les années 50, le RusseVitaly L. Ginzburg émettait l’idée, avecson compatriote Lev Davidovitch Landau,

qu’il existait en fait deux types de supra-conducteurs.Ce n’est qu’en 1957 que le Russo-Améri -cain Alexei A. Abrikosov identifia la supra-conductivité de type II, présentant uneaimantation complètement différentecaractérisée par l’état mixte et autori-sant la supraconductivité en présence dechamps magnétiques très élevés. De fait,les supraconducteurs de ce type n’obéis-sent pas à l’effet Meissner. Les travauxd’Abrikosov lui vaudront en 2003 le prixNobel de physique avec Ginzburg etl’Anglo-Américain Anthony J. Leggett. Et ce n’est qu’en cette même année 1957que les Américains John Bardeen, LeonN. Cooper et John R. Schrieffer purentproposer une théorie de la supracon-ductivité, distinguée par le prix Nobel dephysique en 1972. D’après la théorie BCS(initiales de leurs noms), les électrons sedéplacent par paires de Cooper (deuxélectrons de spins opposés) en formantdes bosons (de spin nul), condensés dansun seul état quantique, sous l’effet dephonons, phénomène vibratoire égale-ment quantique. Cette interaction entreélectrons et phonons est à l’origine de la

Supraconductivité et supraconducteursBMÉMO

Un des principaux domaines d’application de la supraconductivité est l’imagerie médicale. Ici, l’imageur par résonance magnétique de 3 teslas du SHFJsitué à Orsay (Essonne).

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(1) En 1935, Fritz et Heinz London introduisirentune autre explication de l’effet Meissner enémettant l’idée que le champ magnétique décroîtà partir de la surface du supraconducteur sur une longueur caractéristique λL appelée longueurde pénétration.

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résistivité et de la supraconductivité.Attirés par le passage très rapide d’unélectron (106 m/s), les ions se déplacentet génèrent une zone électriquement posi-tive qui le demeure après ce passage, per-mettant l’attraction d’un nouvel électronqui s’apparie au premier en dépit de larépulsion coulombienne. Cette configura-tion ne résiste toutefois pas à l’agitationthermique, ce qui explique pourquoi la tem-pérature est l’ennemie du phénomène desupraconductivité.La théorie BCS, valable pour les supra-conducteurs dits conventionnels, ne per-mettait d’ailleurs pas d’envisager l’appa-rition de la supraconductivité à destempératures relativement élevées, c’est-à-dire supérieures à celle de l’azote liquide(77 K, soit - 196 °C), a fortiori à la tempé-rature ambiante. Ce palier des 77 K futatteint avec des composés tels que Y-Ba-Cu-O (les records sont actuellement del’ordre de 165 K, à pression élevée, et de138 K, soit - 135 °C, à pression normale).L’Allemand Johannes Georg Bednorz et leSuisse Karl Alexander Müller se virentdécerner en 1987 le prix Nobel pour ladécouverte des supraconducteurs nonconventionnels sous forme de matériaux àstructure pérovskite de cuivre à base de lan-thane qui présentent une supraconducti-vité à une température de 35 K (-238 °C).En remplaçant le lanthane par de l’yttrium,en particulier dans l’YBa2Cu3O7, il a été parla suite possible d’augmenter sensible-ment la température critique et de déve-lopper la famille des cuprates, supracon-ducteurs efficaces mais difficiles à mettreen œuvre pratiquement pour l’électro-technique dans la mesure où ce sont descéramiques. Les supraconducteurs à hautetempérature critique sont tous des supra-conducteurs de type II.

Le magnétisme étrange des supraconducteurs de type IIEn présence d’un champ magnétique, lessupraconducteurs de type II offrent un dia-magnétisme parfait jusqu’au champ Hc1 demanière comparable aux supraconduc-teurs de type I. À partir de Hc1, le supra-conducteur de type II est dans l’état mixtequi autorise une pénétration partielle duchamp jusqu’au champ Hc2 (figure 1) etdonc une supraconductivité à haut champ.L’état mixte se présente comme unensemble de cœurs à l’état normal quiemplissent le matériau supraconducteurà partir de Hc1, chacun contenant un quan-tum de flux (2,07 · 10-15 weber) et entouréd’un vortex de courants supraconducteurs(figure 2). Lorsque le champ magnétiqueaugmente, le réseau se densifie jusqu’àcombler complètement le matériau supra-conducteur à Hc2.La distinction entre les deux types de supra-conductivité est très liée à la notion de lon-gueur de cohérence � et à la notion de pro-

fondeur de pénétration �L, qui caractéri-sent l’interface entre une région normaleet une région supraconductrice. � repré-sente la variation spatiale de l’état supra-conducteur (densité d’électrons supracon-ducteurs) et �L la longueur de pénétrationde London du champ magnétique. Le rap-port de ces deux longueurs caractéristiques,appelé paramètre de Ginzburg-Landau etnoté � (� = �L/�) détermine le type de supra-conductivité. Si �<�2/2, le supraconducteurest de type I, si �>�2/2, le supraconducteurest de type II.À l’interface, la pénétration du champmagnétique, définie par �L, correspond àune augmentation de l’énergie libre dansle matériau supraconducteur, tandis quela constitution de l’état supraconducteur,caractérisée par la longueur de cohérence,se rapporte à une diminution de l’énergielibre. Le bilan énergétique de l’interfacedépend du rapport �. Dans le cas des supra-conducteurs de type II, l’état mixte résulte

Décoration magnétique de la surface d’un supraconducteur dans l’état mixte.

Figure 2. Schéma d’un vortex mettant en évidence la longueur de cohérence et la profondeur de pénétration.

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Figure 1. Induction moyenne dans des supraconducteurs de type I et de type II en fonction du champ extérieur.

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champ extérieur

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conducteur

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Hc2Hc1

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zone supraconductrice

courantssupraconducteurstourbillonnaires

Happliqué

zonesupraconductrice

λL

B

inductionzone

supraconductrice

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donc de la création d’un grand nombred’interfaces. Chaque interface corresponden effet à un bilan négatif d’énergiequi rend énergétiquement favorablela supraconductivité au-delà de Hc1

(tableau).

Les applicationsDu point de vue des applications, lasupraconductivité de type I ne présentepas grand intérêt. La température cri-tique, qui limite donc les applicationsde la supraconductivité, est malheu-reusement très faible dans le cas desdeux supraconducteurs qui autorisentaujourd’hui des applications concrètes :le niobium-titane NbTi (9,2 K) –les pre-miers câbles supraconducteurs en alliageniobium-titane sont apparus au débutdes années soixante– et le niobium-étainNb3Sn (18 K). La mise en œuvre de leursupraconductivité nécessite une réfri-gération à la température de l’hélium

liquide (4,2 K) (2), température qui a cons-titué le premier jalon vers la tempéra-ture ambiante, véritable Graal de lasupraconductivité.Si les supraconducteurs de type II peu-vent supporter des champs magnétiquestrès élevés, ils sont également capablesde transporter des densités de courantimpressionnantes, jusqu’à une valeurelle aussi critique, fonction du champmagnétique (figure 3) : les premiersaimants supraconducteurs vont ainsiapparaître. Dans ces conditions, les den-sités de courant possibles sont très gran-des devant celles qui sont réalisablesdans l’électrotechnique domestique ouindustrielle (de l’ordre de 10 A/mm2).Depuis les années soixante-dix, le CEAs’intéresse essentiellement aux appli-cations liées à la production de champsmagnétiques permanents intensesdans des grands volumes (confinementmagnétique de plasmas de fusion, phy-sique des particules, imagerie médicale).

Ce sont en fait les applications large-ment dominantes des supraconducteursde type II, essentiellement le NbTi (3).Dans ce cas, la supraconductivité per-met d’économiser une puissance élec-trique considérable, même en prenanten compte le rendement cryogénique desinstallations, qui fait qu’un watt dissipéà 4,2 K nécessite de dépenser au mini-mum 300 W à la température ambiantepour les installations industrielles detrès grande puissance.Certains chercheurs dans le mondeentier rêvent toujours d’une supracon-ductivité à température ambiante, maisla supraconductivité appliquée sembleencore liée pour longtemps à la réfri-gération à très basse température.

BMÉMO

(2) Il faudrait en fait faire remonter l’histoire de la supraconductivité à William Ramsay qui,en 1895, fut le premier à isoler l’hélium. Que serait en effet la supraconductivité sans l’hélium qui est le vecteur de laréfrigération à très basse température?Rappelons que Kammerlingh-Onnes finit par liquéfier l’hélium en 1908 après les tentatives infructueuses de James Dewar à la fin du dix-neuvième siècle, ouvrant la voie à la découverte de la supraconductivité.

(3) Sa production est de l’ordre de 1500 à 2000 tonnes par an.

La découverte de la supraconductivité à haute température critique a rendupossible la vision directe à l’air libre d’unemanifestation de la supraconductivité qui est celle de l’aimant flottant au-dessus d’une pastille d’YBaCuO refroidie à l’azoteliquide et qui est maintenant bien connue.

LEG

Gre

nobl

e

Tableau. Les caractéristiques de quelques supraconducteurs de type I et de type II. μ0 · Hc1 et μ0 · Hc2 représentent les inductions magnétiques, μ0 étant la perméabilité magnétique du vide (et du matériau dans le cas présent).

matériau � (μm) �L (μm) � Tc (K) μ0 · Hc1 (teslas) μ0 · Hc2 (teslas)0 K 0 K 0 K 0 K

type I Al 1,36 0,05 0,04 1,18 0,010 5Pb 0,083 0,037 0,5 7,18 0,080 3

type II NbTi 0,005 0,3 60 9,25 0,01 14Nb3Sn 0,003 6 0,065 18 18 0,017 25,5

YBaCuO plan 0,003 plan 0,8 � 300 93 140axe c 0,000 6 axe c 0,2

Suite de la page 17

Figure 3. Densités de courant critique caractéristiques en fonction du champ magnétique à 4,2 K pour les deux matériaux supraconducteurs les plus utilisés, notamment pour la fabricationd’aimants supraconducteurs.

dens

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champ magnétique (teslas)

10000

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100

100 5 10 15 20

niobium-étain

niobium-titane

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Le magnétisme trouve essentiellementson origine dans les propriétés des

électrons telles qu’elles sont expliquéespar la physique quantique. Leur état quan-tique de spin est responsable d’une pre-mière partie du magnétisme (magnétismede spin). Une deuxième partie est imputa-ble au mouvement orbital des électronsautour du noyau de l’atome (magnétismeorbital) et également au magnétisme dunoyau lui-même (magnétisme nucléaire),notamment mis à profit dans les techniquesd’imagerie médicale par résonance magné-tique nucléaire. Le magnétisme est doncproduit par des charges électriques enmouvement. La force agissant sur ces char-ges, dite force de Lorentz, traduit la pré-sence d’un champ magnétique.L’électron possède un moment magné-tique élémentaire (le quantum magnétiqueétant le magnéton imaginé par Bohr) quipeut être associé à l’image de son mouve-ment de rotation du spin sur lui-mêmedans un sens ou dans l’autre, orienté versle haut ou vers le bas. Le nombre quantiquede spin (un des quatre nombres qui “quan-tifient” les propriétés de l’électron) est égalà 1/2 (+ 1/2 ou - 1/2). Une paire d’électronsne peut occuper la même orbitale que sil’un et l’autre sont de moments magné-tiques opposés. Chaque atome peut être assimilé à un petitaimant porteur d’un moment magnétiqueélémentaire. Le spin du noyau (neutron etprotonont eux-mêmes un spin demi-entier)est demi-entier si le nombre de masse estimpair ; nul si le nombre de masse et lacharge sont pairs, et entier si le nombrede masse est pair et la charge impaire.De nombreux moments magnétiques peu-vent, à une échelle plus importante, cons-tituer des domaines magnétiques danslesquels tous ces moments sont orientés

dans la même direction. Ces régions del’espace sont séparées entre elles par desparois. Rassemblés, ces domaines peu-vent eux-mêmes constituer un aimant àl’échelle macroscopique (figure E1).De l’organisation de ces constituants élé-mentaires dépend la manifestation de dif-férents types de magnétisme, associés tra-ditionnellement à trois grandes famillesde matériaux: ferromagnétiques, parama-gnétiques et diamagnétiques. Tous les matériaux qui ne sont pas dia-magnétiques sont par définition parama-gnétiques, dans la mesure où leur sus-ceptibilité magnétique est positive, maiscette susceptibilité est particulièrementélevée dans les ferromagnétiques, qui cons-tituent donc en eux-mêmes une famille.1. Les matériaux ferromagnétiques sontconstitués de petits domaines à l’intérieurdesquels les atomes, présentant uneaimantation parallèle, tendent à s’alignercomme autant de dipôles élémentairesdans la direction d’un champ magnétiqueextérieur. Les moments magnétiques dechaque atome peuvent s’aligner sponta-nément dans ces domaines, même en l’ab-sence de champ extérieur. En présenced’un tel champ, les parois se déplacent ettendent à renforcer le champ appliqué. Sicelui-ci dépasse une certaine valeur, leprincipal domaine orienté dans la direc-tion du champ tendra à occuper tout levolume du matériau. Si le champ diminue,les parois se déplacent, mais pas de façonsymétrique, une partie du mouvement“aller” des parois étant irréversible: il sub-siste donc une magnétisation rémanente,importante dans les aimants proprementdits ou la magnétite naturelle. L’ensemble du processus constitue un cycled’hystérésis, la relation du champ induitau champ extérieur dessinant une boucle

ou courbe d’hystérésis dont la surface repré-sente l’énergie perdue dans la partie irré-versible de ce processus (figure E2). Pourannuler le champ induit, il faut appliquerun champ coercitif: les matériaux avec les-quels les aimants permanents artificielssont réalisés présentent une valeur élevéede champ coercitif. En général, le moment magnétique totaldes matériaux ferromagnétiques est nul,les différents domaines ayant des orien-tations différentes. Le ferromagnétismedisparaît si on dépasse une certaine tem-pérature appelée point de Curie.Le couplage collectif des spins entre cen-tres métalliques du matériau ou d’un com-plexe de métaux de transition explique lespropriétés magnétiques du matériau, lesmoments de tous les spins se trouvant tousorientés de manière identique. Les matériaux dont les atomes sont éloi-gnés les uns des autres dans leur structurecristalline favorisent un alignement de cesaimants élémentaires par couplage. Le fer,mais aussi le cobalt, le nickel et leurs allia-ges, en particulier les aciers, et certains deleurs composés appartiennent à cette caté-gorie caractérisée par une susceptibilitémagnétique positive et très élevée, ainsi que,

Les différentes formes de magnétismeAMÉMO

Figure E2. L’induction B d’un matériau magnétique par une bobine n’est pas proportionnelle à l’excitation magnétique (champ H). Si la première aimantation dessine une courbe de type OsS en bleu sur la figure,elle manifeste à partir de s une saturation.L’induction n’est conservée qu’en partie si le champ tend vers zéro ; cette inductionrémanente ne peut être annulée que par une inversion du champ magnétique jusqu’àune valeur de champ “coercitif”. Le cycled’hystérésis traduit des pertes “par frottement”entre les domaines magnétiques. Ces pertessont représentées par la surface que délimitentles courbes d’aimantation et de désaimantation.

Figure E1.Les moments magnétiques élémentaires sont de même sens dans les substancesferromagnétiques (a), de sens opposés mais de somme nulle dans les antiferromagnétiques (b) et de sens opposé et de grandeur différente dans les ferrimagnétiques (c).

a b c

B

O

S

H

S’

s

+BR

-BR

-HS -HC

+HC +HS

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plus faiblement, certains métaux de la familledes terres rares, quelques alliages dont lesmailles sont grandes et certaines combinai-sons d’éléments n’appartenant pas eux-mêmes à cette famille.Dans les matériaux ferrimagnétiques, lesdomaines magnétiques constituent desensembles pouvant être alignés dans dessens opposés (anti-parallèles), mais leurmoment magnétique résultant diffère dezéro alors que le champ extérieur est nul(exemples de la magnétite, de l’ilménite oudes oxydes de fer). Le ferrimagnétisme s’ob-serve dans des matériaux comportant deuxtypes d’atomes se comportant comme desaimants de force différente et orientés ensens contraire. Si la somme des momentsparallèles et anti-parallèles est nulle, il s’a-git d’anti-ferromagnétisme (exemple duchrome ou de l’hématite). En effet, si les ato-mes sont plus rapprochés, la disposition laplus stable est celle d’aimants antiparallè-les, chacun compensant en quelque sorteson voisin (figure E1). 2. Les matériaux paramagnétiques pré-sentent un comportement de même natureque les ferromagnétiques, bien que beau-coup moins intense (leur susceptibilitémagnétique est positive mais très faible, del’ordre de 10- 3). Chaque atome d’un tel maté-riau a un moment magnétique non-nul. Sousl’action d’un champ extérieur, les momentsmagnétiques s’orientent et augmentent cechamp, qui décroît cependant avec la tem-pérature, l’agitation thermique désorientantles dipôles élémentaires. Les matériauxparamagnétiques perdent leur aimantationdès qu’ils ne sont plus soumis au champmagnétique. La plupart des métaux, y com-pris des alliages d’éléments ferromagné-tiques, font partie de cette famille, ainsi quedes minéraux comme la pegmatite. 3. Les matériaux diamagnétiques présen-

tent une susceptibilité magnétique néga-tive et extrêmement faible (de l’ordre de 10-5). La magnétisation induite par un champmagnétique s’opère dans la direction oppo-sée à ce dernier : ils ont donc tendance às’éloigner le long de ses lignes de champvers les zones de faible champ. Un diama-gnétique parfait offrirait une résistancemaximale au passage du champ magné-tique et présenterait une perméabilité nulle.Les métaux comme l’argent, l’or, le cuivre,le mercure ou le plomb, le quartz, le gra-phite, les gaz rares ainsi qu’une grandemajorité des composés organiques se ran-gent dans cette catégorie.En fait, tous les corps présentent peu ouprou ce phénomène de diamagnétisme,imputable à la déformation des orbitalesélectroniques des atomes sous l’action d’unchamp extérieur, phénomène réversibleavec la disparation du champ extérieur.Comme Michael Faraday l’a montré en sontemps, toute substance est donc plus oumoins “magnétisable” pour autant qu’ellesoit placée dans un champ magnétique suf-fisamment intense.

L’électromagnétismeC’est le Danois Hans Christian Ørsted, pro-fesseur à l’Université de Copenhague qui, lepremier, a fait autour de1820 le lien entreles deux domaines jusqu’alors complète-ment séparés de l’électricité et du magné-tisme. Il a mis en évidence la déviation del’aiguille d’une boussole à proximité d’un filparcouru par un courant électrique, avantque Faraday n’énonce la loi qui porte sonnom: le champ magnétique produit est d’au-tant plus fort que l’intensité du courant estimportante. La discipline qui étudie leschamps magnétiques statiques (ne dépen-dant pas du temps) est la magnétostatique.Le champ magnétique forme, avec le champ

électrique, les deux composantes de l’électromagnétisme. Des ondes peuventse propager librement dans l’espace, etdans la plupart des matériaux, dans tousles domaines de longueur d’onde (ondesradio, micro-ondes, infrarouge, visible,ultraviolet, rayons X et rayons gamma). Leschamps électromagnétiques sont donc unecombinaison de champs de force élec-triques et magnétiques naturelle (le champmagnétique terrestre) ou non (de bassesfréquences comme les lignes et les câbla-ges électriques, ou de plus haute fréquencecomme les ondes radio (téléphone cellu-laire compris) ou de télévision.Mathématiquement, les lois de base del’électromagnétisme sont résumées dansles quatre équations de Maxwell (ou deMaxwell-Lorentz) qui permettent dedécrire l’ensemble des phénomènesélectro magnétiques de manière cohérente,de l’élec trostatique et la magnétostatiqueà la propagation des ondes. James ClerkMaxwell les a formulées en 1873, trente-deux ans avant qu’Albert Einstein ne placela théorie de l’électromagnétisme dans lecadre de la relativité restreinte, qui expli-quait ses incompatibilités avec les lois dela physique classique.

Stoi

ber

Pro

duct

ions

, Mün

chen

Arrivée à la gare routière de Long Yang, à Shanghai (Chine), d’un train à sustentation magnétique du type Transrapid, d’origine allemande, mis en service en 2004 pour relier la ville

à l’aéroport international de Pudong.

Vue de détail des aimants pour le guidage et la propulsion du train.