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COMMISSION SPÉCIALE SUR LES DROITS DES ENFANTS ET LA PROTECTION DE LA JEUNESSE SOUS LA PRÉSIDENCE DE Mme RÉGINE LAURENT, Présidente M. ANDRÉ LEBON, Vice-président M. MICHEL RIVARD, Vice-président Mme HÉLÈNE DAVID, Commissaire M. ANDRÉS FONTECILLA, Commissaire M. GILLES FORTIN, Commissaire M. JEAN-SIMON GOSSELIN, Commissaire Mme LESLEY HILL, Commissaire Mme LISE LAVALLÉE, Commissaire M. JEAN-MARC POTVIN, Commissaire Mme LORRAINE RICHARD, Commissaire Mme DANIELLE TREMBLAY, Commissaire AUDIENCE TENUE AU 500, BOUL. RENÉ-LÉVESQUE OUEST MONTRÉAL (QUÉBEC) Montréal, le 6 novembre 2019 Volume 5 ROSA FANIZZI & NICOLAS PROVENCHER Sténographes officiels

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COMMISSION SPÉCIALE SUR LES DROITS DES ENFANTS ET LA PROTECTION DE LA JEUNESSE

SOUS LA PRÉSIDENCE DE Mme RÉGINE LAURENT, PrésidenteM. ANDRÉ LEBON, Vice-présidentM. MICHEL RIVARD, Vice-présidentMme HÉLÈNE DAVID, CommissaireM. ANDRÉS FONTECILLA, CommissaireM. GILLES FORTIN, CommissaireM. JEAN-SIMON GOSSELIN, CommissaireMme LESLEY HILL, CommissaireMme LISE LAVALLÉE, CommissaireM. JEAN-MARC POTVIN, CommissaireMme LORRAINE RICHARD, CommissaireMme DANIELLE TREMBLAY, Commissaire

AUDIENCE TENUE AU500, BOUL. RENÉ-LÉVESQUE OUESTMONTRÉAL (QUÉBEC)

Montréal, le 6 novembre 2019

Volume 5

ROSA FANIZZI & NICOLAS PROVENCHERSténographes officiels

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 2 -

TABLE DES MATIÈRES

PAGE

PRÉLIMINAIRES 3

DÉCLIC 4

BENOIT BERNIER

ORDONNANCE DE HUIS CLOS 68

REGROUPEMENT DES MAISONS POUR FEMMES VICTIMES

DE VIOLENCE CONJUGALE 70

CHANTAL ARSENEAULT

LOUISE RIENDEAU

HÉLÈNE DÉNOMMÉ 150

ORDONNANCE DE HUIS CLOS 222

_____________________________________________

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 3 -

PRÉLIMINAIRES

1 EN L'AN DEUX MILLE DIX-NEUF (2019), ce sixième (6e)

2 jour du mois de novembre :

3

PRÉLIMINAIRES4

5

6 LA PRÉSIDENTE :

7 Merci, bonjour. Bon matin tout le monde. Alors,

8 nous débutons notre journée avec monsieur Benoit

9 Bernier, qui est directeur du développement de

10 Déclic, qui est un organisme périscolaire qui offre

11 des services d’intervention spécialisés aux jeunes

12 adultes en difficulté qui souhaitent effectuer un

13 retour à l’école, et monsieur Bernier est aussi

14 père de deux jumeaux, adoptés dans le cadre du

15 programme Banque mixte, c’est bien ça?

16 M. BENOIT BERNIER :

17 Oui.

18 LA PRÉSIDENTE :

19 Alors, son témoignage va porter notamment sur la

20 façon... sur la scolarisation des jeunes qui ont eu

21 un parcours en Protection de la jeunesse et des

22 mesures de soutien et de transition aussi vers la

23 vie adulte. Avant de vous laisser la parole,

24 Monsieur Bernier, je vais demander au greffier de

25 vous assermenter.

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DéclicCSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 4 -

DÉCLIC1

2

BENOIT BERNIER,3

4 (Sous serment)

5

6 LA PRÉSIDENTE :

7 Alors, la parole est à vous, Monsieur Bernier. On a

8 soixante minutes (60 min) prévues ensemble. On vous

9 suggère une quinzaine de minutes de présentation et

10 ensuite échanges avec les commissaires.

11 M. BENOIT BERNIER :

12 Merci.

13 LA PRÉSIDENTE :

14 Ça vous va?

15 M. BENOIT BERNIER :

16 Oui, tout à fait.

17 LA PRÉSIDENTE :

18 La parole est à vous.

19 M. BENOIT BERNIER :

20 Merci. Bien, Madame Laurent, Mesdames et Messieurs

21 les Commissaires, bonjour et merci d’accueillir

22 aujourd’hui mon témoignage. On m’a invité à

23 participer aux audiences de cette Commission pour

24 que je vous parle de situations dont je suis témoin

25 dans mon contexte professionnel et dans ma pratique

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 5 -

Déclic

1 depuis plus de vingt-cinq (25) ans. Je suis

2 cofondateur et directeur chez Déclic, mais je suis

3 d’abord et avant tout un intervenant en réinsertion

4 scolaire et sociale, un professionnel du

5 raccrochage scolaire. Mon témoignage aujourd’hui

6 portera en grande partie sur l’éducation et la

7 scolarisation des jeunes adultes en grande

8 difficulté issus des centres jeunesse.

9 Au cours des vingt-cinq (25) dernières

10 années, mon équipe et moi avons eu le privilège

11 d’accueillir des centaines de jeunes adultes en

12 grande difficulté, des personnes fragiles, mais

13 combien magnifiques, qui ont choisir de nous faire

14 confiance et que nous avons accompagnées à travers

15 les démarches socio-psycho-pédagogiques nécessaires

16 à leur retour à l’école et à leur insertion

17 sociale.

18 Déclic est un organisme périscolaire qui

19 offre gratuitement des soins de santé mentale, de

20 l’intervention spécialisée en psycho-pédagogie et

21 de l’accompagnement psychosocial. Nous travaillons

22 dans une approche globale qui considère toutes les

23 dimensions de la vie et du développement des jeunes

24 adultes que nous aidons.

25 Nous services s’adressent à des jeunes

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 6 -

Déclic

1 adultes âgés de seize (16) à vingt-cinq (25) ans.

2 Des personnes qui doivent fréquenter les centres

3 d’éducation des adultes pour terminer leur parcours

4 secondaire, mais qui peinent à s’y insérer en

5 raison des importants défis psychosociaux et

6 psychologiques qu’ils portent souvent depuis

7 l’enfance.

8 Nous estimons que cinquante pour cent

9 (50 %) des jeunes adultes qui font des demandes de

10 service chez Déclic reçoivent ou ont reçu des

11 services des centres jeunesse de Montréal. Pour

12 vous aider à mieux comprendre notre contexte

13 d’intervention et bien situer les enjeux

14 systémiques auxquels les jeunes doivent faire face,

15 je vais d’abord tracer un portrait sommaire.

16 Nous travaillons sur le terrain de

17 l’éducation au secteur de la formation générale des

18 adultes. Nos interventions tentent de palier un

19 manque important dans notre système d’éducation

20 dans ce secteur d’enseignement qui possède des

21 règles et un encadrement distinct du secteur des

22 jeunes. Par exemple, le régime pédagogique de la

23 formation générale des adultes ne prévoit pas le

24 financement de services complémentaires pouvant

25 répondre spécifiquement aux difficultés et aux

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 7 -

Déclic

1 troubles d’adaptation et d’apprentissage des

2 élèves. La formation générale des adultes mise

3 généralement sur une approche d’apprentissage

4 individualisée, voire autodidacte. L’élève y

5 apprend dans des cahiers. Il doit réaliser ses

6 apprentissages dans un contexte où, pour les

7 matières de base, il n’y a pas ou encore très peu

8 d’enseignement en groupe. Il doit gérer ses

9 apprentissages de manière autonome et peut référer

10 à l’enseignement s’il éprouve des difficultés. La

11 FGA, la Formation générale des adultes, considère

12 conceptuellement parlant ces apprenants comme des

13 personnes autonomes et organisées.

14 La FGA ne dénombre pas les élèves qui

15 présentent des troubles d’adaptation et

16 d’apprentissage qui s’y inscrivent. Aucune

17 statistique n’est disponible ou accessible à cet

18 égard ni au ministère de l’Éducation ni dans les

19 commissions scolaires. L’élève y est admis sur la

20 base de ses derniers résultats scolaires. Les

21 centres d’éducation des adultes n’ont pas d’accès

22 direct au dossier scolaire du secteur des jeunes.

23 On ne considère plus vraiment ces particularités ou

24 ces besoins spécifiques. C’est à l’élève qu’incombe

25 la tâche de s’adapter aux besoins de ce dispositif

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Déclic

1 d’apprentissage autonome. Un secteur où on ne

2 retrouve habituellement pas de professionnels des

3 domaines de la psychologie, de la psychoéducation

4 ou du travail social.

5 Je vous rappelle que ces services ne sont

6 pas financés par le régime pédagogique de la

7 formation générale des adultes. En deux mille dix-

8 huit-deux mille dix-neuf (2018-2019), selon la

9 banque de données des statistiques officielles sur

10 le Québec, il y avait à Montréal un peu plus de

11 cinquante mille personnes (50 000) qui

12 fréquentaient les centres d’éducation des adultes

13 du secteur de la FGA. Si on considère qu’il y avait

14 environ cent mille (100 000) élèves au secondaire

15 au secteur des jeunes pour la même année de

16 référence, on peut dire que cinquante pour cent

17 (50 %) des personnes inscrites dans des activités

18 de formation de niveau secondaire fréquentent un

19 centre d’éducation des adultes dans la région de

20 Montréal.

21 Les centres d’éducation des adultes sont

22 des écoles de raccrocheurs. Ces écoles continuent

23 d’opérer avec des approches pédagogiques remises en

24 question par plusieurs chercheurs en éducation. Ces

25 derniers questionnent l’utilisation unique de la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 9 -

Déclic

1 méthode individualisée, qui ne conviendrait pas aux

2 élèves en difficulté d’adaptation et

3 d’apprentissage. Certes, cette méthode modulaire et

4 économique donne des apparences de flexibilité et

5 d’adaptabilité, mais elle est diamétralement

6 opposée aux méthodes actives et explicites qui sont

7 fortement recommandées par les pédagogues en regard

8 des besoins particuliers des élèves qui présentent

9 des troubles d’adaptation et d’apprentissage.

10 Vous aurez compris que des élèves en grande

11 difficulté qui arrivent tout droit des centres

12 jeunesse, il y en a beaucoup dans les centres

13 d’éducation des adultes à Montréal, et je suppose

14 que la situation est la même pour l’ensemble des

15 régions.

16 Les élèves que nous accueillons chez Déclic

17 ont pour la plupart tenté un ou plusieurs retours

18 en formation dans un centre d’éducation des adultes

19 et ont à chaque fois renforcé... renoncé à leur

20 projet parce qu’ils ne réussissaient pas à

21 fonctionner dans les conditions pédagogiques en

22 place.

23 Les jeunes issus des centres jeunesse y

24 vivent ainsi des expérience similaires. Pour bien

25 comprendre ce qu’ils y vivent, il est important

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 10 -

Déclic

1 d’énoncer certains éléments caractéristiques de

2 leur parcours et de leur profil d’apprenant. Ces

3 élèves se présentent à nous à leur sortie des

4 centres jeunesse avec beaucoup de retard scolaire.

5 À dix-huit (18) ans, il n’est pas rare de constater

6 un retard de trois ou quatre ans. Alors qu’ils

7 devraient théoriquement avoir terminé les études

8 secondaires, leur bulletin scolaire les situe donc

9 au niveau d’un secondaire I ou d’un secondaire II.

10 Si quelques-uns nous arrivent avec des diagnostics

11 de trouble déficitaire de l’attention avec

12 hyperactivité, le TDAH, beaucoup plus rares sont

13 ceux qui sont au clair avec les enjeux et défis

14 d’apprentissage que l’on observe chez eux lorsqu’on

15 leur propose des activités impliquant la lecture et

16 l’écriture.

17 On observe alors et souvent de grandes

18 difficulté a lire, à écrire et à compter. Des

19 compétences langagières et un niveau de littéracie

20 que l’on estime à peu près au niveau de la fin du

21 primaire. Mais comment cela est-il possible dans le

22 cas de jeunes qui ont passé leur vie en centre

23 jeunesse, qui ont été hébergés depuis plus de dix

24 (10) ans? Aurions-nous omis de porter attention à

25 ces difficultés pourtant déterminantes au regard du

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 11 -

Déclic

1 développement global de ces jeunes? Avons-nous bien

2 compris que ces troubles et défis importants

3 affectent directement le développement global et

4 l’atteinte de l’autonomie? Le système serait-il

5 ignorant ou négligent à cet égard? Malheureusement,

6 notre expérience des vingt-cinq (25) dernières

7 années auprès des jeunes adultes en fin de parcours

8 en centre jeunesse nous force à croire qu’il en est

9 ainsi.

10 Cette lacune organisationnelle ne peut plus

11 être ignorée dans une société comme le Québec, où

12 l’éducation et la scolarisation, voire la

13 diplomation, sont les marqueurs de compétences

14 valorisées et recherchées. L’éducation qui, selon

15 nous, demeure le vecteur le plus puissant de

16 transformation personnelle et d’insertion sociale,

17 est un peu ignorée.

18 Dans le même ordre d’idée, en regard des

19 lacunes de ce système de protection de la jeunesse,

20 je joins ma voix à celle d’Annie, de Samuel, de

21 Camille, de Nicolas, de Jean-Claude, de Kevin, de

22 Geneviève, de Jessica, de Marcel et à celle

23 d’Émilie, ces personnes extraordinaires qui sont

24 venues témoigner devant vous ici pour le groupe

25 EDJeP. Je joins ma voix à la leur pour dénoncer les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 12 -

Déclic

1 conditions inhumaines et indignes dans lesquelles

2 sont abandonnés les jeunes adultes qui, à l’âge de

3 dix-huit (18) ans, doivent quitter le giron des

4 centres jeunesse.

5 Les professionnels de Déclic doivent

6 régulièrement faire face aux catastrophes

7 engendrées par la fin abrupte et désorganisée du

8 parcours et du suivi des jeunes hébergés en centre

9 jeunesse, qui se retrouvent dans de telles

10 situations.

11 Nous pouvons témoigner de la situation

12 déroutante de Nathan qui, à l’âge de dix-huit (18)

13 ans, s’est vu reconduire par son intervenante de

14 suivi chez l’ancien conjoint de sa mère, qui était

15 un vendeur, un consommateur de drogues dures, un

16 individu connu de la justice. Nous pouvons

17 témoigner de la situation très inquiétante de

18 Mélanie, qu’on a tout simplement abandonnée aux

19 mains de son chum, son conjoint, une personne

20 soupçonnée par l’équipe d’intervention des centres

21 jeunesse de proxénétisme à son endroit.

22 Il nous faut dénoncer l’inacceptable,

23 l’incohérente situation de Simon qui, comme

24 plusieurs jeunes en fin de parcours dans les

25 centres jeunesse, a dû se tourner vers un Auberge

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 13 -

Déclic

1 du coeur et recourir à l’aide sociale, en plus de

2 vivre une rupture thérapeutique définitive qui l’a

3 coupé du suivi en psychothérapie, qui l’aidait à

4 composer avec son trouble de la personnalité et sa

5 toxicomanie.

6 Nul besoin de vous dire que dans de telles

7 conditions, ces trois jeunes ont interrompu les

8 efforts entrepris et que leur projet de réinsertion

9 scolaire a été transformé en projet de survie.

10 Inévitablement, la problématique de ces jeunes

11 adultes s’est complexifiée, et bien que nous ayons

12 toujours des liens avec ces personnes, les

13 conditions actuelles dans lesquelles elles vivent

14 et survivent ne leur permettent plus d’envisager un

15 projet de scolarisation dans des horizons

16 prochains.

17 Les histoires de vie dont témoignent nos

18 jeunes adultes font ressortir un évident manque

19 d’intérêt et de considération pour l’éducation et

20 la scolarisation de la part des centres jeunesse.

21 Je pourrais vous parler de toutes ces histoires de

22 jeunes qui vivent dans des familles d’accueil, qui

23 ne valorisent pas, qui ne soutiennent pas la

24 scolarisation des enfants qu’ils hébergent. Je

25 pourrais vous parler de toutes ces histoires de

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Déclic

1 jeunes hébergés en centre d’accueil, qui vivent

2 sensiblement la même situation en raison de la

3 grande mobilité et de l’instabilité du personnel.

4 Il faut certainement évoquer le cursus

5 scolaire incomplet lorsque la scolarisation

6 s’effectue en institution et les accomodements et

7 les modifications de contenu qui, parfois

8 nécessaires, mais tellement dommage, limitent les

9 apprentissages et provoquent des retards scolaires.

10 Il y a bien évidemment l’absence et le

11 manque d’accès du soutien professionnel en

12 neuropsychologie, en psychopédagogie ou en

13 orthopédagogie. L’absence d’évaluation des troubles

14 d’apprentissage, le manque d’accès à des ressources

15 d’adaptation scolaire, l’orientation vers des

16 parcours de formation semi-spécialisés pour des

17 motifs plus administratifs que pédagogiques.

18 Je pourrais aussi vous parler de toutes ces

19 histoires de jeunes que le système n’a pas su

20 repérer, ces jeunes qui sont passés inaperçus, les

21 signalements non retenus, qui sont tombés dans les

22 craques du système. Toutes ces histoires de jeunes

23 adultes qui portent en eux un fardeau, des

24 expériences d’abus, de la négligence, de la

25 maltraitance, qui auraient certainement justifié

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 15 -

Déclic

1 une intervention de la DPJ.

2 Des jeunes dont le développement a été

3 interrompu, des jeunes qui ont grandi dans des

4 conditions pénibles et qui se sont, malgré tout,

5 construits à travers l’insécurité et l’absence

6 cruelle de bienveillance. Des histoires de jeunes

7 qui finissent par croire que leur traumatisme et

8 leur parcours de vie n’ont rien d’inhabituel. Des

9 jeunes qui, aujourd’hui, risquent à leur tour de

10 reproduire ces cycles de violence et d’agir avec

11 leurs propres enfants de la même manière que l’on a

12 agi avec eux. Parce que ça aussi, c’est une

13 éventualité trop souvent rencontrée chez les jeunes

14 adultes que l’on accueille chez Déclic.

15 Les constats sont faciles à faire. Les

16 jeunes en provenance des centres jeunesse qui

17 viennent chercher de l’aide chez Déclic sont mal en

18 point et abandonnés à leur sort. Ils souhaitent

19 plus que tout reprendre les études, mais les enjeux

20 socio-psycho-pédagogiques qui se dressent sur leur

21 route sont trop importants pour espérer une

22 réussite scolaire au secteur de la formation

23 générale des adultes. L’état de survie dans lequel

24 ils sont plongés la plupart du temps à la sortie

25 des centres jeunesse ne les rend pas disponibles à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 16 -

Déclic

1 l’apprentissage.

2 Au sujet des fins de parcours dans les

3 centres jeunesse pour les jeunes qui atteignent

4 l’âge de dix-huit (18) ans, il me faut donc

5 convenir de la médiocrité et du caractère abject

6 des processus mis en place pour supporter

7 l’autonomie. Aider les jeunes adultes à développer

8 de l’autonomie, est-ce que ça se résume à éduquer

9 et à entraîner les jeunes à l’utilisation de

10 ressources d’urgence et de dernier recours? La

11 rupture de service, les retours aux environnements

12 toxiques, le vide, est-ce là ce que l’on a de mieux

13 à offrir à des personnes que l’on sait fragiles,

14 malades ou sous-scolarisées?

15 Analogiquement parlant, pour faire image,

16 pourrions-nous donner à un patient diabétique la

17 moitié de la dose d’insuline nécessaire au maintien

18 de son état de santé? Est-il décent et acceptable

19 qu’en guise de cadeau de déport on offre à ces

20 jeunes une boîte à outils pour gérer la misère?

21 Est-ce que c’est ça, le Québec fou de ses enfants

22 dont on rêvait il n’y a pas si longtemps?

23 J’ai eu la grande joie d’adopter deux

24 magnifiques enfants avec l’aide des services des

25 centres jeunesse. Une démarche accomplie dans le

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 17 -

Déclic

1 bonheur et pour laquelle, moi et mon conjoint,

2 avons réclamé, mais obtenu un accompagnement

3 extraordinaire. Nos enfants ont souffert de grande

4 négligence et de maltraitance. Ils avaient trois

5 ans quand nous sommes devenus une famille. Pour

6 supporter leur développement, les services publics

7 de santé de l’Hôpital Sainte-Justine nous ont

8 offert un accompagnement sans faille.

9 Psychoéducateurs, orthophonistes, ergothérapeutes,

10 psychopédagogues neuropsychologues, psychologues,

11 psychiatres, des intervenants qui, de manière

12 soutenue, concomitante et intensive, ont aidé mes

13 enfants à grandir et ont aidé mes enfants à se

14 défaire des torts qu’ils avaient subis.

15 Tous les deux ont des diagnostics de

16 trouble de l’attachement, de dyslexie, de

17 dysorthographie, de dyscalculie. Ils souffrent

18 également d’un trouble déficitaire de l’attention

19 avec hyperactivité et opposition. Des traumatismes

20 liés à leur petite enfance.

21 En regard de ces profils complexes, ils ont

22 aussi pu bénéficier d’une école spécialisée en

23 adaptation scolaire, une école privée

24 subventionnée, qui leur a enfin permis d’apprendre

25 à lire, à écrire, à compter et à tisser des liens

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 18 -

Déclic

1 d’amitié. Ils poursuivent aujourd’hui leur parcours

2 dans une autre école secondaire du même type, où

3 ils peuvent poursuivre leurs études dans un

4 programme régulier, mais adapté. Mes enfants sont

5 fantastiques, heureux, épanouis, brillants, les

6 plus beaux, les plus fins; ce sont les miens.

7 Si je partage rapidement avec vous ma

8 situation de vie c’est d’abord pour souligner que

9 tout n’est pas perdu dans notre système imparfait.

10 Je vous parle de mes enfants et des soins

11 extraordinaires qu’ils ont reçus, de l’accès à des

12 ressources pédagogiques spécialisées dont ils ont

13 pu bénéficier, en étant très conscient que s’ils

14 s’étaient retrouvés en situation d’hébergement en

15 centre jeunesse, leur parcours aurait été

16 probablement très, très différent.

17 Contrairement aux jeunes en situation

18 d’hébergement, l’accompagnement et le support que

19 nous offrons à nos enfants ne s’interrompra pas à

20 l’âge de dix-huit (18) ans. Ils n’auront pas à

21 subvenir à leurs besoins tout en poursuivant un

22 projet d’études. Ils ne vivront pas d’insécurité

23 alimentaire ou d’instabilité au niveau du logement.

24 Nous couvrirons tous les frais liés aux soins de

25 santé mentale et physique. En plus de notre support

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 19 -

Déclic

1 et de notre amour inconditionnel, nous leur

2 fournirons des opportunités d’exploration et de

3 développement personnel multiples.

4 Contrairement aux jeunes adultes qui sont

5 lâchés dans la vie... dans le vide, excusez-moi,

6 rendus au bout de leur parcours dans les centres

7 jeunesse, leur sécurité et les conditions

8 nécessaires à la poursuite de leur développement

9 sont assurées. Ils pourront choisir d’être et de

10 devenir ce qu’ils désireront.

11 Il n’est pas vrai qu’à dix-huit (18) ans,

12 le développement de ces personnes est terminé et

13 que l’autonomie complète est possible. Les

14 traumatismes vécus ont occasionné différents

15 retards de développement et ont contribué à

16 l’émergence de différentes difficultés : les

17 troubles associés au comportement, à la santé

18 mentale et à l’apprentissage. Ces jeunes ont besoin

19 de nous, les aînés de leur village, pour instaurer

20 la bienveillance qui manque cruellement au Système

21 de protection de la jeunesse. Ils ont besoin de

22 soins de santé, ils ont besoin d’accompagnement

23 professionnel et d’un milieu de vie sécurisant et

24 adapté à leur réalité pour continuer à se

25 développer. Ils ont également besoin que l’on

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Déclic

1 assure leur scolarisation et que l’on soutienne,

2 par des moyens adaptés à... adaptés, leur accès à

3 des programmes de formation qualifiant de niveau

4 post-secondaire. Merci.

5 LA PRÉSIDENTE :

6 Merci, Monsieur Bernier. On n’en doute pas, vos

7 jumeaux sont les plus beaux enfants. Merci pour

8 votre témoignage. On va entamer la période

9 d’échange avec les commissaires en débutant avec

10 Jean-Marc Potvin.

11 M. JEAN-MARC POTVIN, commissaire :

12 Q. [1] Alors merci beaucoup, Monsieur Bernier, pour

13 votre témoignage. C’est un témoignage choc quand

14 même à la fois sur le Système de protection de la

15 jeunesse, plus particulièrement sur le passage à la

16 vie adulte. On a eu plusieurs témoignages qui vont

17 dans ce sens-là, il y a une rupture de service,

18 pour des jeunes qui ont vécu déjà beaucoup de

19 ruptures dans leur parcours. Vous nous interpellez,

20 entre autres, sur le parcours scolaire et sur

21 l’attention qu’on porte au parcours scolaire pas

22 seulement au passage de la majorité, mais bien

23 avant. Déjà dès le début de la prise en charge, un

24 peu comme si on mettait davantage l’accent sur les

25 comportements que sur le parcours scolaire, qui est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 21 -

Déclic

1 un facteur d’adaptation social très, très

2 important, qui fait partie en réalité du succès ou

3 de l’insuccès quand on s’y adresse.

4 J’aimerais peut-être voir avec vous - le

5 système est bien imparfait, comme vous l’avez

6 mentionné - ce serait quoi les modalités idéales à

7 implanter pour faire en sorte que lorsque les

8 jeunes passent à la vie adulte, qu’ils puissent se

9 raccrocher au plan scolaire, sachant ce que vous

10 nous avez dit avec les diagnostics, TDAH, les

11 jeunes qui sont en grande difficulté avec un

12 système actuellement qui s’adresse à des personnes

13 autonomes, ce que ne sont pas ces jeunes.

14 J’aimerais vous entendre davantage là-dessus.

15 R. Bon. C’est une réflexion que vous pouvez vous

16 imaginer qu’on l’a depuis longtemps, nous qui

17 travaillons dans ce système-là à l’éducation des

18 adultes. On est face à un mur, je pense,

19 actuellement. Les modifications qui seraient

20 nécessaires pour que ce système-là soit en mesure

21 d’accueillir des élèves de ce type-là, elles sont

22 immenses. Elles interpellent la méthode, elles

23 interpellent le type de professionnel qui, en ce

24 moment, sont mobilisés pédagogiquement parlant.

25 Elles interpellent le cadre réglementaire qui ne

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 22 -

Déclic

1 permet pas d’ajouter des professionnels en ce

2 moment. Elles interpellent les approches

3 pédagogiques. Je l’ai nommé tout à l’heure, vous

4 savez, c’est un peu au centre des limites en fait

5 que ce système-là présente. L’approche

6 individualisée demande des capacités en lecture, en

7 écriture, demande des capacités d’organisation.

8 Toutes les fonctions exécutives doivent être là et

9 bien là. Et je ne sais pas si quelque-uns d’entre

10 vous avez tenté l’expérience de l’apprentissage

11 autonome à distance ou tout ça, ça demande beaucoup

12 d’efforts, même aux personnes qui sont très

13 motivées et qui ont de bonnes capacités

14 d’apprentissage. Donc, ma première réponse serait :

15 il faut faire autre chose. Il faut arriver avec

16 d’autres solutions. Espérer que ce système-là

17 puisse se mobiliser et se modifier. Bien, les

18 conditions sont... en tout cas, c’est presque pour

19 moi perdu d’avance, que d’arriver à avoir un

20 système qui serait... qui répondrait à cent pour

21 cent (100 %) à ces besoins-là, même à cinquante

22 (50), pour toutes les raisons qu’on connaît au

23 niveau de l’organisation de l’enseignement, au

24 niveau des habitudes de l’organisation du travail,

25 au niveau de la force des représentations

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 23 -

Déclic

1 syndicales et tout ça. Puis je n’ai rien contre

2 tout ça, là, mais il faut être au clair. Ce serait

3 très difficile demain matin que l’éducation des

4 adultes, qui est en fait la seule voie au Québec de

5 raccrochage, puisse rencontrer les besoins et

6 attentes de jeunes comme les jeunes dont on parle

7 aujourd’hui. Il faut imaginer autre chose. Il faut

8 reprendre l’approche globale et se dire : bien là,

9 quels sont les déterminants, quels sont les

10 vecteurs qui permettent à une personne, dans ce

11 contexte-là, de réussir à l’école? Bien, les

12 besoins de base ne sont pas assurés. Et tant que

13 les besoins de base ne sont pas assurés, j’avais

14 une directrice adjointe un jour avec qui je

15 travaillais qui disait : le logement, c’est le nerf

16 de la guerre. S’il n’y a pas de stabilité à ce

17 niveau-là, si on n’a pas de sécurité, on n’a pas de

18 disponibilité pour l’apprentissage.

19 Là, je l’ai évoqué à plusieurs moments dans

20 mon témoignage, là, le jeune qui n’est pas capable

21 de se déposer puis qui a à réfléchir en continu au

22 fait d’avoir un endroit où dormir, mais aussi

23 comment payer son loyer, composer avec des

24 environnements toxiques parce qu’à un moment donné,

25 le peu d’argent qu’ils ont pour assumer leur

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 24 -

Déclic

1 survie, une grande partie passe au logement, puis

2 c’est souvent même pas suffisant. Travailler...

3 penser qu’un élève qui a un profil d’apprenant

4 complexe où il y a des troubles d’apprentissage

5 puis de le faire travailler en même temps, c’est

6 pas possible, ça. T’sais, la loi du quinze heures

7 (15 h) par semaine, c’est avec les élèves qui n’ont

8 pas de problème, là. Eux, ils sont capables

9 d’assumer peut-être un temps de travail, ça peut

10 même être positif, ça peut les aider. Mais pas avec

11 des élèves qui sont en difficulté, qui doivent

12 déployer peut-être deux fois puis trois fois plus

13 d’énergie dans le cadre de leur apprentissage à

14 l’école, c’est pas possible. Donc, il faut que

15 le... notre nouvelle solution, elle soit globale.

16 Et peut-être pas pour... et c’est pas tous les

17 jeunes qui vont être capables même à ce niveau-là

18 de l’insérer, mais il faut avoir cette offre-là, il

19 faut que ça arrive quelque part. Et il y a des

20 modèles en ce moment dans notre système.

21 Je vous ai parlé des écoles de mes enfants,

22 deux écoles en adaptation scolaire qui sont

23 financées par le public parce que c’est un

24 transfert de subvention, c’est sur la base de

25 l’élève qui fait une demande de service, la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 25 -

Déclic

1 commission scolaire qui accorde l’argent qu’elle

2 recevrait, qu’elle transfère vers l’école, tout ça.

3 Ça existe déjà. Il y a un moratoire sur ces écoles-

4 là. Malheureusement, on ne peut plus en développer,

5 des écoles d’adaptation scolaire, mais il me semble

6 que là, avec le taux de décrochage qu’on a d’une

7 part dans la société, mais avec les besoins

8 particuliers de jeunes comme ceux qui arrivent en

9 fin de parcours dans les centres jeunesse, il va

10 falloir réfléchir autrement. Nous, on y réfléchit

11 activement puis on est en discussions avec, oui, le

12 ministre de l’Éducation, oui, les... parce que ça

13 prend une approche, là, qui est beaucoup plus

14 large. Il faut arriver à ça pour... dans ma

15 perspective, avec l’expérience qu’on a sur ces

16 profils d’élèves là, les accommodements ne seront

17 pas suffisants dans les structures actuelles, il va

18 falloir faire autre chose.

19 Q. [2] C’est ça, donc ce que vous nous dites c’est que

20 c’est pas des adaptations à la formation aux

21 adultes, telle qu’elle existe actuellement, mais

22 c’est d’inventer quelque chose de nouveau, qui

23 serait quoi? Qui serait peut-être une école

24 d’adaptation scolaire pour jeunes adultes, mais

25 avec une prise en charge globale de l’ensemble des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 26 -

Déclic

1 besoins des jeunes.

2 R. Exactement, exactement. Exactement. Je pense qu’il

3 faut voir de manière globale puis il faut voir que

4 si ces jeunes-là n’ont pas d’endroit où se déposer,

5 si leur sécurité n’est pas assurée, ils ne seront

6 pas disponibles à l’apprentissage. Si on veut miser

7 sur l’éducation et la scolarisation pour aider ces

8 personnes-là à se développer, il va falloir

9 installer les bonnes conditions. En ce moment,

10 bien, c’est rien, là. Il n’y a rien qui se passe.

11 Q. [3] Donc, c’est très... ce que je comprends c’est

12 que c’est très difficile de travailler juste la

13 question des apprentissages scolaires ou du

14 raccrochage scolaire sans adresser l’ensemble des

15 besoins. C’est donc un programme plus large que ça

16 prend en définitive.

17 R. Le décrochage scolaire, c’est souvent vous...

18 excusez-moi... le décrochage scolaire c’est

19 souvent... on voit ça comme un phénomène, mais

20 c’est un symptôme de quelque chose le décrochage.

21 L’élève qui ne s’investit plus aussi ou qui ne

22 s’investit pas dans sa formation. Il y a souvent un

23 tas de choses en-dessous qui arrivent, là, puis

24 bon, c’est vrai avec les jeunes des centres

25 jeunesse, mais c’est vrai avec l’ensemble de la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 27 -

Déclic

1 population aussi. Donc, essayer de voir : est-ce

2 que c’est juste motivationnel, est-ce que si on

3 invente une structure où il y a bien, bien, bien

4 des éléments qui soutiennent la motivation... bien

5 à date, là, ce qu’on a fait dans ce sens-là ça n’a

6 pas donné des bons résultats. Mais c’est parce

7 qu’il faut travailler avec ce qu’il y a en-dessous.

8 Puis en-dessous, bien est-ce que l’élève est en

9 sécurité, est-ce que l’élève est en détresse

10 psychologique, est-ce que l’élève a des troubles

11 d’apprentissage? Je le répète, les élèves qu’on

12 reçoit souvent des centres jeunesse ont peut-être

13 déjà eu un diagnostic quand ils avaient quatre ans,

14 qui n’a jamais été réévalué. Ils ont des

15 difficultés qu’ils ne comprennent pas. Savez-vous

16 ce que ça fait quand on a une difficulté qu’on ne

17 comprend pas, sur l’estime de soi? Ça te donne

18 l’impression d’être incapable.

19 Donc, il faut revoir ces affaires-là, il

20 faut donner à ces ressources-là les moyens d’être

21 au clair avec les particularités aussi des

22 apprenants qu’ils vont accueillir, c’est

23 primordial. Puis c’est pas pour faire un

24 diagnostic, puis c’est pas pour mettre ces gens-là

25 en boîte puis décider à leur place des parcours

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 28 -

Déclic

1 qu’ils feront par la suite. Au contraire, c’est

2 pour être capable d’arriver avec les bonnes

3 ressources, les bons moyens, la bonne intensité

4 d’intervention. Et la modalité de temps, parce que

5 ça aussi on n’a pas l’air de réfléchir à ça

6 souvent. S’il y a du retard, bien, c’est parce

7 qu’il y a quelque part quelque chose qui ne

8 fonctionnait pas dans les modalités qui sont

9 prescrites, souvent.

10 Q. [4] Hier, on recevait Collin Delphine Vézina qui

11 nous parlait des traumas complexes, puis le système

12 est, semble-t-il, assez souvent en échec avec des

13 jeunes qui ont des traumas complexes. Ce n’est pas

14 le cas nécessairement de tous les jeunes, certains

15 jeunes s’en sortent bien dans le parcours. Est-ce

16 qu’il y a des liens à faire avec ce que vous nous

17 dites pour les jeunes que, vous, vous recevez?

18 R. Bien le trauma complexe c’est plusieurs... c’est le

19 la comorbidité, hein? c’est qu’il arrive souvent

20 plusieurs choses en même temps. Mais nos jeunes

21 sont des cas qui présentent beaucoup de

22 comorbidité. Donc, c’est le logement qui ne va pas

23 parce qu’on n’est pas capable de dormir au même

24 endroit plus que deux semaines. C’est

25 l’alimentation qui est déficiente, c’est la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 29 -

Déclic

1 consommation qui est gérée comme une médication.

2 C’est la rupture des liens familiaux, c’est le

3 trouble d’apprentissage, c’est l’anxiété qui,

4 évidemment, arrive en fonction de toutes ces

5 choses-là. Oui, oui, on est à la même place, on n’a

6 pas exactement les mêmes composantes, mais on est à

7 la même place, c’est de la comorbidité.

8 Q. [5] Je vous remercie beaucoup.

9 LA PRÉSIDENTE :

10 Merci. On va poursuivre avec Hélène David.

11 Mme HÉLÈNE DAVID, commissaire.

12 Q. [6] Monsieur Bernier, je suis tellement heureuse de

13 vous revoir, je déclare mon conflit d’intérêt, mais

14 je vais enlever le mot « conflit » et je vais dire

15 le mot « intérêt » à vous revoir. Là, on vous voit

16 en complet trois pièces, on vous voit dans toute

17 votre articulation intellectuelle, mais émotive et

18 humaine de ce pour quoi vous vous battez depuis des

19 années. Je le dis, j’ai visité deux fois

20 l’organisme Déclic et je vous ai vu habillé

21 autrement, mais avec la même articulation et je

22 vous ai vu en action puis j’ai vu les jeunes dans

23 cet organisme-là. Et je veux le dire publiquement,

24 que ce que vous dites c’est une fraction même de ce

25 que vous faites. Ce que vous faites est vraiment un

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 30 -

Déclic

1 travail difficile. Vous venez de parler de

2 comorbidité, j’avais un peu la même question ou le

3 même commentaire que mon collègue sur Delphine

4 Collin-Vézina. Vous avez raison. On peut appeler ça

5 trauma complexe, comorbidité, etc. Ce qu’on sait,

6 c’est que, vous, dans votre organisme, vous recevez

7 probablement les élèves ou parmi les élèves les

8 plus vulnérables, les plus multitraumatisés, les

9 plus multidysfonctionnels, puis vous dites : je

10 vais les scolariser.

11 R. Hum, hum.

12 Q. [7] C’est un défi exceptionnel, puis vous... autant

13 vous dites : j’ai eu des services exceptionnels

14 pour mes enfants, mais autant les enfants devenus

15 adultes que vous voyez, vous les avez si possible à

16 tous les jours et si possible dans un environnement

17 que j’ai vu, des classes et tout, mais très

18 adaptées à eux. Probablement que vous ne desservez

19 qu’une minime fraction des besoins de la société,

20 que ce soit à Montréal ou ailleurs. On ne pense

21 même pas à tous ceux qui n’ont pas le privilège et

22 la chance inouïe de rentrer dans l’organisme

23 Déclic. Et vous rêvez encore, c’est ça qui est

24 formidable. Vous espérez encore que, à travers la

25 bonne volonté de beaucoup de monde au Québec, vous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 31 -

Déclic

1 puissiez développer un modèle ou offrir, à travers

2 votre expertise, un modèle qu’on pourrait

3 développer de façon beaucoup plus large. Et vous

4 avez commencé à en parler avec mon collègue Jean-

5 Marc Potvin, et évidemment, on veut vous entendre

6 sur cet espoir, cette résilience que vous-même vous

7 avez à dire : on peut les aider, ces jeunes-là, on

8 doit les aider. C’est une responsabilité de

9 société.

10 Je veux vous entendre plus, parce que je

11 sais que vous êtes capable d’en dire plus sur... on

12 est ici avec des mots-clés, nous : courage et

13 audace. Alors, on veut entendre tout ce qui est

14 courageux et audacieux, et vous êtes vraiment

15 quelqu’un qui représente ça. Donc, allez plus loin,

16 de nous dire s’il vous plaît comment... vous avez

17 commencé avec monsieur Potvin, là, les modèles

18 d’école vraiment en adaptation scolaire, mais pour

19 vos jeunes à vous, multiplié par tous les jeunes

20 comme ceux qui fréquentent votre... comment, dans

21 un monde idéal, parce que je sais que vous ne vivez

22 pas sur l’or non plus, vous êtes toujours à la

23 recherche d’argent, en plus de donner tous vos

24 services, donc comment vous verriez que l’État

25 pourrait compléter sa mission post dix-huit (18)

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 32 -

Déclic

1 ans ou post seize (16) ans même?

2 R. Notre... bien, merci beaucoup pour ces beaux

3 compliments là. Je les accepte. La... la difficulté

4 qu’on rencontre quand on tente d’innover en

5 éducation, en affaires sociales, bon, c’est des...

6 c’est les structures, hein, vous savez, on se bute

7 à des règles, des encadrements, des moratoires. On

8 se bute à des habitudes qui sont très difficiles à

9 ébranler. On met sur pied, nous, depuis déjà...

10 quoi, ça fait déjà quatre ans qu’on réfléchit à

11 justement au genre de projet dont j’ai évoqué

12 certains paramètres, là. Et le niveau politique, je

13 vous dirais, ça va bien. Les gens comprennent

14 rapidement l’utilité, reconnaissent rapidement la

15 responsabilité qu’on peut avoir, collectivement,

16 par rapport à ces jeunes-là. Puis il y a quelque

17 part à un moment donné quand ça percole dans la

18 machine, que le « red tape », comme on dit en

19 anglais, arrive. Et là, ce n’est plus possible.

20 On perçoit souvent les organismes

21 communautaires, puis je pense qu’il y a des

22 intervenantes, je ne me souviens plus, Destiny

23 et...

24 Q. [8] Oui.

25 R. Ceux qui étaient là la semaine dernière, qui ont

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 33 -

Déclic

1 évoqué ça aussi comment on n’est pas toujours pris

2 au sérieux. On a l’impression que l’expertise,

3 quand elle vient... quand elle est à l’extérieur en

4 fait de l’institutionnel, c’est pas sérieux. On

5 joue. On n’a pas d’assise, on ne travaille pas de

6 manière professionnelle. Et pourtant... et

7 pourtant, chez Déclic, il n’y a que des gens

8 diplômés dans des champs professionnels comme la

9 psychoéducation, le travail social, la sexologie,

10 tout le monde, tout le monde a fait ses preuves de

11 ce côté-là. On travaille, nous, avec les cas que ce

12 système-là échappe et on ne reconnaît pas notre

13 capacité à faire autre chose. C’est très

14 particulier.

15 Donc, comment on ferait? Bien, il va

16 falloir à un moment donné que quelqu’un ait les

17 coudées franches sur la nécessité d’avoir de

18 l’ouverture sur cette expertise-là et sur accepter

19 de travailler en vraie collaboration avec le

20 milieu. Je n’aime pas dire le milieu communautaire;

21 c’est trop large pour moi. Il y a différentes

22 manières d’intervenir au niveau du milieu

23 communautaire. Pas tout le monde a la même

24 intensité et le même niveau d’intervention, mais il

25 y a un paquet d’organismes, par contre, qui se sont

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 34 -

Déclic

1 vraiment professionnalisés, c’est un gros mot, puis

2 qui offrent des services qui, de mon point de vue,

3 sont redoutablement efficaces. Surtout compte tenu

4 des conditions dans lesquelles on doit les offrir.

5 Donc, notre réflexion à nous chez Déclic pour

6 réussir avec ma collègue Sonia qui est ici, là, que

7 je vous présente, Sonia Lombard, qui est

8 cofondatrice avec moi, notre réflexion, c’est qu’il

9 est possible encore de rêver. Parce qu’on les voit,

10 les individus qui pourraient nous aider à faire ces

11 changements-là.

12 Évidement, à Déclic, on est un petit

13 organisme, on reçoit cent (100), cent cinquante

14 (150) personnes par année dans différents

15 programmes et tout ça, on n’a pas de poids

16 vraiment. On n’a pas vraiment de... on n’est pas

17 impliqués politiquement dans aucun parti, on n’a

18 pas... on n’a pas ces choses-là. Est-ce que ça a

19 joué contre nous? Peut-être. Est-ce qu’on aurait dû

20 utiliser ces canaux-là pour aller chercher de

21 l’influence pour nous aider à générer des projets

22 qui, en bout de ligne, auraient aidé les... les

23 clientèles qu’on a peut-être, mais je pense qu’il

24 faut surtout créer de l’ouverture dans les

25 structures puis... et l’audace, c’est les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 35 -

Déclic

1 politiciens, c’est... les fonctionnaires qui

2 doivent en développer, là. Puis ils doivent

3 reconnaître qu’on ne peut plus... le statu quo

4 n’est plus possible. Les limites de notre système

5 sont souvent atteintes et on se refuse à les

6 regarder. On a des réflexes, lorsqu’il arrive un

7 problème, de réfléchir en fonction des limites et

8 non plus en fonction des possibilités. Je ne sais

9 pas si vous comprenez ce que je veux dire. C’est

10 qu’on regarde un problème et on se dit : dans le

11 cadre, dans le cadre qui m’est autorisé je ne peux

12 pas agir, donc je réduis mon intervention, j’évite

13 même de considérer certaines choses.

14 Anecdote : on s’est déjà fait dire par un

15 intervenant dans une commission scolaire à qui on

16 demandait une évaluation en neuropsychologie pour

17 un élève : « Bien, vous savez, on ne le fera pas ou

18 on ne peut pas faire ça, parce que de reconnaître

19 la difficulté, ça nous obligerait à fournir des

20 services qu’on n’est pas capable d’offrir. »

21 Donc, la pensée est souvent de cet ordre-là.

22 Nos solutions, si vous voulez que je vous

23 en parle, elles sont très simples. Une école

24 d’adaptation scolaire, qui ressemblerait à ce que

25 peut faire - puis là, je vais nommer des écoles -

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 36 -

Déclic

1 Vanguard, un modèle intéressant où il y a une

2 organisation de services. C’est une école privée,

3 mais qui reçoit des subventions à travers des

4 transferts de subventions. Lucien-Guilbault, école

5 fantastique qui a des spécialités au niveau de la

6 dyspraxie, par exemple. Ces organisations scolaires

7 là fonctionnent à effectifs réduits, mobilisent des

8 approches actives en pédagogie, travaillent sur des

9 parcours individualisés qui, évidemment, sont

10 flexibles dans le temps, sont équipées de

11 professionnels comme ceux qu’ont rencontré mes

12 enfants. Donc, il y a là-dedans des psychologues,

13 des neuropsychologues, des ergothérapeutes, il y a

14 des intervenants en éducation spécialisée. Bon.

15 Évidemment, si on s’inspire de ces modèles-

16 là puis qu’on va vers autre chose pour la

17 continuité de formation avec nos jeunes qui

18 seraient en fin de parcours à la DPJ ou qui

19 seraient sortis du système, il va falloir réfléchir

20 à quelque chose qui ressemble à des besoins

21 d’adultes, parce que ce sont des jeunes adultes,

22 donc les modalités doivent changer.

23 Nous, évidemment, dans nos milieux, on est

24 habitués de composer avec... bien, des réalités

25 d’adultes, de grands enfants. Ce ne sont plus des

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Déclic

1 enfants, ce sont des grands. Et ce sont des

2 personnes qui ont d’autres types de besoins. Donc,

3 il ne faut pas répéter le système coercitif dans

4 lequel ils vivent. Il ne faut pas... si on pense à

5 des appartements, par exemple, bien pourquoi ce ne

6 serait pas plus sur le modèle de résidence

7 universitaire, mais avec des services? Où le jeune

8 va être libre, où va soutenir son développement,

9 mais on va lui offrir des opportunités, où on

10 pourrait même créer de la mixité. Notre modèle, il

11 est là-dedans, créer de la mixité avec pas

12 seulement des jeunes qui sont en difficulté, pour

13 qu’il y ait d’autres modèles. C’est ça qu’il faut

14 faire.

15 Pédagogiquement parlant, la méthode

16 individualisée, elle n’est pas à mettre aux

17 poubelles, mais elle est à utiliser parallèlement à

18 d’autres moyens. Donc, notre système il est

19 flexible, notre système il pourrait effectivement

20 devenir un modèle. Notre système, notre modèle -

21 pour ne pas le nommer - Agora, on a des chercheurs

22 qui travaillent avec nous, des gens des Sherbrooke,

23 des gens de l’UQAM, ils sont là. Là, ça nous prend

24 plus d’écoute. En fait, on en a de l’écoute. On a

25 de l’écoute des politiciens, puis là je pense qu’il

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 38 -

Déclic

1 y a des gens qui commencent à s’activer. Au moment

2 où on se parle ça grouille, là. Mais il faut que ça

3 fasse un petit peu plus que ça, là.

4 Q. [9] Merci beaucoup.

5 LA PRÉSIDENTE :

6 Merci. On poursuit avec Jean-Simon Gosselin.

7 M. JEAN-SIMON GOSSELIN, commissaire :

8 Q. [10] Merci beaucoup. C’est très intéressant. Une

9 petite question que j’aimerais que vous répondiez

10 rapidement, si vous le savez, puis c’est pas un

11 examen, là, parce que c’est le sujet de l’adoption

12 qui m’intéresse plus, là.

13 R. Oui.

14 Q. [11] Combien coûte un jeune... t’sais, on parle

15 d’un jeune au secondaire, on parle de sept (7000 $)

16 à dix mille dollars (10 000 $) par année. Alors, un

17 jeune adulte qui termine dans le régime de

18 formation générale adulte, là, l’État dépense

19 combien par étudiant? Si vous le savez, là, c’est

20 pas un piège, là.

21 R. C’est un peu moins, c’est alentour de...

22 VOIX FÉMININE NON IDENTIFIÉE :

23 C’est autour de dix mille (10 000 $) par année.

24 (Inaudible).

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 39 -

Déclic

1 JEAN-SIMON GOSSELIN, commissaire :

2 Q. [12] O.K. Donc. O.K.

3 R. C’est dans les mêmes...

4 Q. [13] Donc, l’argent est là. C’est la façon dont

5 elle est dépensée qui serait peut-être à revoir.

6 R. Non, l’argent n’est pas là.

7 Q. [14] Ah, l’argent n’est pas là.

8 R. L’argent n’est pas là. Parce que l’argent ne tient

9 pas compte des services complémentaires et des

10 services professionnels qui devraient être là.

11 Q. [15] D’accord.

12 R. Et je vais vous donner un exemple. Pour les écoles

13 d’adaptation scolaire lorsqu’on a des jeunes avec

14 des cotes ou avec des profils particuliers, ça va

15 jusqu’à vingt et un (21), vingt-deux (22), vingt-

16 trois (23), vingt-quatre mille dollars (24 000 $).

17 Puis ça, c’est dans l’ensemble des écoles

18 d’adaptation scolaire, donc parce qu’il y a une

19 série de professionnels. Voilà. Donc, nous, on...

20 l’argent n’est pas là.

21 Q. [16] Parfait. Au niveau de votre projet personnel,

22 qui est un peu comme un rayon d’espoir, là, pour

23 vos enfants, par rapport à vos enfants quelle a été

24 la trajectoire pour conduire à l’adoption, puis

25 dans cette trajectoire-là, est-ce que vous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 40 -

Déclic

1 considérez que leur intérêt, qu’est le critère que

2 tout le monde doit utiliser dans la prise de

3 décision tant des intervenants social, la DPJ que

4 le Tribunal, comment était considéré l’intérêt de

5 vos enfants dans la trajectoire vers l’adoption?

6 R. Dans mon cas?

7 Q. [17] Dans votre cas, dans votre cas.

8 R. Dans notre cas, je pense qu’il a été très, très

9 bien considéré, qu’on l’a mise en avant. On avait

10 des intervenants sociales qui s’en sont chargé, qui

11 ont extrêmement bien travaillé. On est peut-être...

12 on était peut-être dans une situation où il y avait

13 moins de résistance de la part de la famille

14 biologique. Par contre, ça, ça interpelle... bien,

15 j’ai des amis qui ont eu des histoires moins

16 heureuses avec l’idée de conserver le lien

17 biologique à tout prix. Et ça s’est soldé quand

18 même par une adoption, mais ça a été beaucoup plus

19 long dans leur cas. Donc, pour mes enfants,

20 effectivement, on a considéré rapidement qu’il n’y

21 avait pas de retour possible. Donc, ça s’est quand

22 même « réglé », entre guillemets, assez rapidement.

23 Je ne sais pas si je réponds à votre question.

24 Q. [18] Oui. Est-ce que ça a été un consentement des

25 parents bio...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 41 -

Déclic

1 R. Oui, un consentement.

2 Q. [19] Parfait. Au niveau maintenant de votre

3 expérience comme famille d’accueil prête à

4 s’engager (inaudible) qu’on appelle dans le jargon

5 Banque mixte, là, est-ce que vous avez comme des

6 commentaires ou une réflexion là-dessus? Vous en

7 avez une extrêmement riche sur le volet scolaire,

8 mais... si vous en avez une, là, je ne veux pas...

9 c’est pas un piège, là, c’est de partager ou

10 d’avoir accès à vos réflexions.

11 R. Mon Dieu! Nous, le projet qu’on nous a... parce que

12 c’est sûr que c’est un projet d’adoption au départ,

13 hein. On vous propose quelque chose, le projet

14 qu’on nous a proposé exigeait que l’on puisse, moi

15 et mon conjoint, prendre des congés parce que les

16 enfants avaient besoins de beaucoup, beaucoup,

17 beaucoup d’attention. Ce qu’on a été capable de

18 faire.

19 Est-ce qu’il n’y a pas une réflexion à y

20 avoir justement sur la manière ou en tout cas la

21 manière d’accompagner les familles qui n’auraient

22 peut-être pas moyen de prendre des congés? Parce

23 que, moi, j’ai eu le loisir de le faire, c’est pas

24 tout le monde qui a ça. Est-ce qu’il y a une

25 modalité là-dedans qui pourrait être un peu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 42 -

Déclic

1 différente? Puis là, je parle d’augmenter mettons

2 la part du congé parental, la longueur du congé

3 parental, de venir en aide financièrement, parce

4 que c’est ça aussi le nerf de la guerre. Nous, on a

5 payé pour des services professionnels en privé

6 plein, plein, plein, plein, plein, plein en plus,

7 là, du système public, là. Bon, c’est arrivé.

8 Donc, il faut être conscient aussi du

9 niveau de besoin lorsqu’on a des enfants qui ont

10 vécu le genre de traumatisme que les miens avaient

11 vécu. Il y a pire, il y a mieux, je ne sais pas, ça

12 je ne peux pas être juge de ça, mais j’ai

13 l’impression qu’on aurait... tout le monde n’aurait

14 pas pu faire ce projet-là. Donc, mes enfants

15 auraient pu se retrouver dans le système. J’ai

16 l’impression qu’il y a quelque part une réflexion

17 sur les moyens que l’on offre aux familles banque

18 mixte et aux familles d’accueil souvent, je dois

19 vous dire aussi, pour accompagner des enfants qui

20 en portent beaucoup et qui sont des enfants qui

21 présentent de la complexité. Je pense qu’il y a une

22 réflexion à faire là-dessus, là.

23 Q. [20] Alors, on va revenir à votre champ

24 professionnel. Les écoles Vanguard, peut-être nous

25 en parler un petit peu plus. Moi, je ne connais pas

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 43 -

Déclic

1 ça du tout. C’est quoi ça?

2 R. Je peux plus vous parler de Lucien-Guilbault.

3 Vanguard, mes enfants la fréquentent, je dévoile

4 des choses, mais Lucien-Guilbault, je suis

5 administrateur encore, ils ont fréquenté Lucien-

6 Guilbault, c’est une école que je connais très

7 bien, où je participe, là, au conseil

8 d’administration.

9 Ce modèle d’école là se justifie parce

10 qu’il vient un moment où l’inclusion dans une

11 classe ordinaire n’est plus possible. Parce que le

12 niveau de besoin, par exemple les troubles

13 d’apprentissage sont trop grands ou il y a des

14 spécificités au niveau de dyslexie... pas de

15 dyslexie, mais de dyspraxie ou de dysphasie, par

16 exemple. Ou de situation d’un handicap parce qu’il

17 y en a d’autres en adaptation scolaire qui vont

18 plus loin encore, là. Peter Hall, j’entends aussi.

19 Donc, ces écoles-là sont venues au monde parce que

20 quelque part, le système public et les classes

21 ordinaires n’étaient plus capables de rencontrer

22 les besoins d’élèves. C’est un système qui demande

23 aux parents et à la commission scolaire de faire

24 une demande d’admission, il y a un examen qui est

25 fait, une analyse qui est faite des besoins de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 44 -

Déclic

1 l’enfant et on voit : est-ce qu’on est capable

2 d’aider cet enfant-là dans les conditions ou avec

3 les services qu’on a à offrir?

4 C’est des écoles qui travaillent en

5 modification et en adaptation scolaire. La nuance,

6 c’est qu’en modification, bien c’est pas... on a

7 enlevé des choses du programme, donc

8 l’apprentissage est incomplet. L’adaptation, c’est

9 qu’on donne le même programme, mais on offre des

10 mesures qui permettent à l’élève d’apprendre. Donc,

11 ça peut être toutes sortes de mesures, ça peut être

12 une mesure qui est une personne, mais ça peut être

13 aussi... donc, à travers de l’orthopédagogie, par

14 exemple, de l’enseignement stratégie

15 d’apprentissage très particulière, de l’adaptation

16 qui va jusqu’à l’ergothérapie pour les crayons,

17 comment les tenir, les outils, tout ça. Mais ça va

18 aussi dans, par exemple, l’utilisation de logiciels

19 adaptés qui viennent... des correcteurs, des

20 prédicteurs de mots, tout ça. Donc, il y a un

21 ensemble de moyens qui sont mobilisés en adaptation

22 scolaire versus la modification qui enlève un petit

23 peu des contenus. Bon.

24 Le cheminement de ces élèves-là se fait

25 habituellement un peu comme ça se fait dans des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 45 -

Déclic

1 écoles régulières - puis là, je vais parler de

2 Vanguard et de Lucien-Guilbault - c’est-à-dire

3 qu’on enseigne le programme régulier. À Vanguard,

4 c’est un programme régulier qui est adapté, donc

5 les élèves peuvent aller jusqu’au secondaire V.

6 D’ailleurs, la statistique qui est avancée par

7 cette école-là c’est que quatre-vingt pour cent

8 (80 %)... plus de quatre-vingt pour cent (80 %) des

9 élèves qui fréquentent Vanguard vont au secondaire

10 V, donc on diplôme beaucoup. Donc, les élèves qui,

11 en fait, ne fonctionnaient pas dans le système

12 régulier réussissent dans ces systèmes-là. Je vous

13 rappelle que c’est pas le même... c’est effectif

14 réduit, ce sont tous des orthopédagoges, les

15 enseignants là-dedans, donc des spécialistes de

16 l’adaptation scolaire. Ce ne sont plus des

17 enseignants de matière. Je fais une parenthèse...

18 je fais un parallèle, c’est-à-dire, avec la

19 formation générale des adultes. Dans les centres

20 d’éducation des adultes ce sont des spécialistes

21 matière, donc c’est des gens qui ont étudié pour

22 devenir professeur de français, professeur

23 d’anglais, professeur de maths, et caetera, mais ce

24 ne sont pas des spécialistes de l’adaptation

25 scolaire.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 46 -

Déclic

1 Donc, ces écoles-là mettent en fait les

2 moyens... tous les moyens nécessaires en place pour

3 rencontrer les besoins très spécifiques des élèves

4 qui ont des profils complexes, des troubles

5 d’adaptation et d’apprentissage.

6 Q. [21] Une dernière question. Il nous reste deux

7 minutes. Au niveau de... le Québec au niveau... on

8 revient aux adultes, là.

9 R. Oui.

10 Q. [22] On revient au programme, au régime pédagogique

11 de formation aux adultes, général adultes, là.

12 R. Oui, oui.

13 Q. [23] Comment se situe le Québec en regard d’autres

14 provinces au Canada? Si vous le savez toujours, là.

15 R. Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.

16 Q. [24] Bien est-ce que le Québec est comme un bon

17 élève ou un moins bon élève, si on se compare avec

18 l’Ontario, l’Alberta, d’autres provinces, là, pour

19 des programmes similaires?

20 R. Bien c’est ça, c’est qu’on a des systèmes vraiment

21 différents, puis c’est difficile à un moment donné

22 de faire des comparaisons.

23 Q. [25] Parfait.

24 R. On arrive... on a participé, ma collègue et moi, à

25 la biennale de l’éducation nouvelle en France la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 47 -

Déclic

1 semaine dernière à Poitiers, et encore une fois,

2 bien souvent, on compare des choses qui sont

3 difficiles à comparer. Parce que les contextes

4 politiques... bon, c’est encore pire avec la

5 France, là, mais je pense qu’on vit aussi un peu la

6 même difficulté avec l’Ontario ou les autres

7 provinces.

8 L’éducation des adultes ici, la manière que

9 ça s’est installé depuis les années soixante-dix

10 (70), ça ne tient pas compte des éléments de

11 difficulté, là. C’était pour répondre à des besoins

12 très, très pratique d’améliorer le niveau de

13 formation pour avoir des diplômes, pour avoir accès

14 à des corps d’emploi particuliers, tout ça. Ça

15 s’est un peu mis en place comme ça. Puis il y avait

16 l’idée de l’éducation tout au long de la vie. On ne

17 pensait pas qu’il aurait des décrocheurs en

18 quantité... comme on en retrouve aujourd’hui, là.

19 Je pense que cinquante-deux pour cent (52 %) de

20 l’effectif scolaire dans un centre d’éducation des

21 adultes en deux mille quinze (2015) était des

22 jeunes entre seize (16) et dix-neuf (19) ans, un

23 truc comme ça. Je ne suis pas certain de cette

24 stat-là. Donc, il faudrait comparer des choses qui

25 sont comparables, puis je trouve ça...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 48 -

Déclic

1 Q. [26] Parfait.

2 R. ... difficile de faire cette comparaison.

3 Q. [27] Merci beaucoup.

4 R. Merci.

5 LA PRÉSIDENTE :

6 Q. [28] Ça va. Alors, moi, j’avais deux petites

7 questions. Vous dites que Déclic reçoit à peu près

8 cent (100) à cent cinquante (150) personnes par

9 année.

10 R. Oui.

11 Q. [29] Vous êtes passé rapidement sur le financement.

12 Ma question : est-ce que le financement est un

13 enjeu? Et s’il y avait moins de problèmes de

14 financement, qu’est-ce que vous feriez de plus ou

15 de mieux s’il n’y avait pas cet enjeu de

16 financement? Et ma deuxième question : le modèle

17 Lucien-Guilbault ou Vanguard, est-ce que ça existe

18 ailleurs ou c’est juste à Montréal ou il y en a,

19 c’est déployé aussi en province?

20 R. Pour les modèles, il y en a ailleurs, il y en a à

21 Québec, il y en a dans quelques régions. C’est une

22 douzaine d’écoles, non pas partout. C’est une

23 douzaine d’écoles en tout, là, les écoles

24 d’adaptation scolaire qui fonctionnent de cette

25 manière-là.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 49 -

Déclic

1 Les moyens financiers, oui. Bien

2 évidemment, nous, on court après l’argent. C’est...

3 Sonia moi, notre job, c’est de courir après

4 l’argent pour être capable évidemment de financer

5 les psychologues consultants qu’on engage, pour

6 être capable de répondre aux besoins de projets

7 qu’on instaure en collaboration avec notre centre

8 d’éducation des adultes partenaire. C’est très

9 complexe, vous le savez. On réfère souvent... on

10 doit utiliser des programmes existants et essayer

11 de s’insérer là-dedans à travers, par exemple, un

12 programme, une mesure dédiée au niveau du ministère

13 de l’Éducation, qui permet au centre d’éducation

14 des adultes d’avoir un partenariat avec un

15 organisme communautaire. Oups, là il y a peut-être

16 une porte, on y va, on fait une demande. Il n’y a

17 rien de garanti. On nous dit oui, on nous dit non.

18 Voilà, c’est comme ça que ça fonctionne pour

19 quatre-vingt pour cent (80 %) de notre financement.

20 Après ça, bien il y a à peu près vingt pour

21 cent (20 %) effectivement qu’on va chercher dans

22 des activités de levée de fonds, donc on organise

23 des concerts, on appelle les députés, on leur

24 demande des sous, bon. Tout ce que le milieu

25 communautaire et les organismes de charité doivent

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 50 -

Déclic

1 et peuvent faire, on le fait aussi.

2 Est-ce que ça a un impact sur notre offre

3 de services? Bien tout à fait. Nous, on ne fait pas

4 de publicité. En fait, c’est du bouche à oreille.

5 Si on se mettait... comme là, la présence ici

6 aujourd’hui, là, bien là je vais avoir... le

7 téléphone va sonner. J’ai accepté une entrevue à

8 une émission de TVA il y a pas longtemps, il s’est

9 produit la même chose. Des fois on est malheureux

10 parce qu’on voudrait bien répondre à des besoins,

11 mais on n’est pas capable parce qu’on manque de

12 ressources. Parce que notre façon d’intervenir chez

13 Déclic fait en sorte que lorsqu’on ouvre un

14 dossier, on ne le ferme jamais. Donc, le jeune

15 adulte, on l’accompagne longtemps. Ça demande

16 beaucoup de ressources, effectivement.

17 Qu’est-ce qu’on ferait si on en avait plus?

18 Bien évidemment qu’on aurait des psychopédagogues

19 en quantité plus importante et qu’on serait

20 capable, entre autres, de répondre à ces enjeux-là

21 d’adaptation.

22 Mais à un moment donné, il faut que nous,

23 on se développe autrement, puis plus de ressources,

24 ça voudrait dire d’aller vers une structure qui

25 agit différemment. Donc oui, avoir plus pour palier

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 51 -

Déclic

1 aux manques du système, c’est intéressant. C’est

2 sûr que dans la perspective où on va aider plus de

3 jeunes, on pourrait même ouvrir des points de

4 service dans tous les centres d’éducation des

5 adultes, hein, ça pourrait être ça. Mais je ne

6 crois pas que c’est la solution en ce moment. Je

7 crois que, d’une part, le secteur de la FGA peut

8 modifier certaines choses, devrait modifier

9 certaines choses qui vont quand même accommoder un

10 plus grand nombre d’élèves. Peut-être pas ceux dont

11 on parle aujourd’hui, mais ceux qui sont peut-être

12 juste en difficulté et non pas en trouble pourront

13 bénéficier certainement d’ajustement. Pour Déclic,

14 le financement, ça veut dire : se développer, se

15 transformer vers un modèle qui va être beaucoup

16 plus global et qui va vraiment, vraiment pouvoir

17 accompagner les élèves tout au long de leur

18 cheminement.

19 Q. [30] Juste pour m’aider en complément, vous diriez

20 quoi en termes de temps, votre collègue et vous, de

21 temps qui est consacré à la recherche de

22 financement, grosso modo.

23 R. Oui, c’est... le temps, c’est élastique. Donc, on

24 prend le temps quand c’est nécessaire, mais je

25 dirais que si on avait à faire une (inaudible),

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 52 -

Déclic

1 quelque chose comme quarante pour cent (40 %) de

2 notre temps à nous deux.

3 Q. [31] Merci. André Lebon.

4 M. ANDRÉ LEBON, vice-président :

5 Q. [32] (Inaudible) et Madame, vingt-cinq (25) ans

6 d’engagement, là, ça force le respect, puis je vous

7 en remercie. Vous nous avez appelés à réfléchir

8 autrement, à faire autre chose. Vous avez dit : là,

9 on s’en va comme dans un mur, il faudrait réfléchir

10 « out of the box ». Moi, je vous soumets une idée.

11 Sur vingt-cinq (25) ans d’accompagnement de jeunes

12 en réadaptation, il y a une expérience que j’ai

13 vécue à Genève comme consultant des foyers de

14 réadaptation pendant trois ans. L’éducation étant

15 le nerf de la guerre, là, plus on va amener les

16 gens à devenir... les jeunes à devenir capables de

17 s’assumer. Mais on associe toujours à

18 scolarisation. J’en suis, mais en même temps dans

19 les jeunes que j’ai croisés, beaucoup avaient

20 tellement de retard, tellement d’indispositions,

21 tellement de... que la scolarisation, là, même

22 quand on les accompagnait comme il faut, ils

23 arrivaient dans un mur. Qu’on continue de les aider

24 de la meilleure façon, c’est une chose. Mais est-ce

25 qu’on pourrait ajouter le mot « qualification

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Déclic

1 professionnelle » à notre préoccupation? Est-ce

2 qu’on pourrait... parce qu’on dit toujours il faut

3 partir des forces des individus. Alors souvent, ils

4 ont des champs d’intérêt, ils ont des habiletés

5 pour des travaux manuels, etc.

6 Je vous amène donc à dire : est-ce que,

7 vous, qui êtes un concepteur, qui réfléchissez à

8 ça, qui les croisez, ces jeunes-là, est-ce qu’on

9 pourrait pas réfléchir... moi, ce que j’ai vécu,

10 là, à Genève, soixante-dix pour cent (70 %) des

11 jeunes qui étaient dans les programmes de

12 réadaptation étaient dans un programme

13 d’apprentissage de métier, d’une spécialité, que ce

14 soit plombier, boulanger, et caetera par

15 compagnonnage, cinq ans de compagnonnage. Moi, je

16 vous dis : soixante-dix pour cent (70 %) de ces

17 jeunes-là je les ai vus s’épanouir, trouver un

18 estime de soi, gagner des sous qui leur

19 permettaient de régler tous les besoins de base que

20 vous dites quand on les abandonne avec un sac vert,

21 là, puis qu’ils n’ont même pas de logement.

22 Alors ces jeunes-là, je les ai vus sortir

23 avec une capacité de se payer un loyer. Je les ai

24 vus se lever à une heure (1 h) du matin pour aller

25 travailler en apprentissage chez un boulanger et

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Déclic

1 les... à cause de cette motivation, à cause de

2 cette adéquation avec leurs besoins, les problèmes

3 de comportement étaient en régression. Alors,

4 t’sais, on dit souvent « Ils ne peuvent pas » parce

5 qu’ils ont des problèmes... bien, va chercher un

6 intérêt, une motivation, puis vous allez voir que

7 ça diminue en masse.

8 Alors moi, je vous invite à réfléchir,

9 puisque vous êtes un concepteur, vous êtes

10 préoccupé, est-ce qu’on pourrait pas introduire la

11 notion de qualification? Professionnelle, je ne

12 parle pas d’abandon de l’espoir, je ne parle pas

13 d’abandon du développement, mais de pas toujours

14 « sticker » sur la scolarisation, pour laquelle ils

15 partent avec deux prises puis des fois aucun

16 bagage, aucun intérêt. Et si vous introduisez ça

17 dans votre réflexion, moi, je pense que le Québec,

18 là, quand on veut audace et courage, là, au lieu de

19 l’apprentissage qui est tout académique pour même

20 devenir un ouvrier spécialisé, on pourrait peut-

21 être réfléchir à redevenir comme au Moyen Âge. Le

22 compagnonnage, l’apprentissage est un apprenti avec

23 un expert. En tout cas à Genève, cinq ans

24 d’apprentissage, t’as un métier. À chaque année, tu

25 doit montrer que t’as acquis tes capacités. Comment

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 55 -

Déclic

1 réagissez-vous à une sortie comme ça? Puis je

2 n’engage pas mes collègues, je ne parle pas en tant

3 que commissaire, puis je ne parle pas en tant

4 que...

5 R. Bien, je vous répondrai que vous parlez de la phase

6 2 de notre projet Agora. Bien, il fallait commencer

7 par la phase 1. Notre phase... en fait, le deuxième

8 aspect sur lequel on voudrait travailler... je vais

9 vous reprendre sur le mot « qualification » parce

10 que je ne l’aime pas. Puis je ne l’aime pas pour

11 une seule raison : c’est que dans le système

12 scolaire, la qualification est associée aux métiers

13 semi-spécialisés en ce moment. Des métiers qui ne

14 trouvent pas preneur, et une voie que j’estime être

15 une voie beaucoup plus administrative que

16 pédagogique, c’est-à-dire quand on n’est pas

17 capable, dans le système, d’aider un élève à se

18 scolariser, on l’envoie dans les métiers semi-

19 spécialisés; ça, c’est mon opinion. Voilà.

20 D’accord.

21 Donc, j’estime que le mot « qualification »

22 n’est peut-être pas une bonne idée. Je pense qu’il

23 faut effectivement arriver à modifier les

24 dispositifs d’apprentissage en formation

25 professionnelle pour arriver avec des modalités

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 56 -

Déclic

1 comme celle-là. Je pense qu’effectivement, elle

2 serait... elle serait extrêmement gagnante en

3 regard des besoins puis des particularités des

4 élèves qui ont des troubles d’adaptation et

5 d’apprentissage parce que tout à fait, ils sont

6 capables de mobiliser d’autres manières

7 d’apprendre, et souvent, c’est dans le concret. Ça,

8 on se rejoint là-dessus. Il faut être capable à ce

9 moment-là de développer cette expertise-là. Nous,

10 on en a déjà un grand bout de fait par rapport à

11 l’accompagnement, il faut que l’accompagnement

12 demeure, on ne peut pas juste penser que le

13 dispositif en soi va être suffisant pour répondre à

14 l’ensemble, ce n’est pas vrai. Mais que l’on

15 mobilise une nouvelle manière de scolariser, parce

16 que moi, je dois vous dire que c’est de la

17 scolarisation si on leur offre un diplôme

18 équivalent à la sortie de ce programme de cinq ans

19 là, par exemple. Alors qu’ils auraient le même

20 diplôme d’ébéniste que celui qui aurait fait la

21 formation dans un contexte traditionnel en centre

22 de formation. Ce serait merveilleux.

23 Ça, c’est une question à ce moment-là de

24 regard d’évaluation et de dispositif, mais il faut

25 le développer, ce dispositif-là. Il faut faire de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 57 -

Déclic

1 l’expérimental avec ça, ce qui n’est pas

2 nécessairement facile en ce moment du point de vue

3 du ministère de l’Éducation. Là, on est dans de la

4 grande, grande, grande innovation puis de la

5 grande, grande, grande audace. Il existe à Emploi

6 Québec une forme de programme qui ressemble à ça,

7 mais qui ne s’adresse pas aux élèves en difficulté

8 du tout, mais bien davantage aux personnes qui sont

9 déjà en situation de travail dans une entreprise et

10 qui veulent se qualifier dans un emploi particulier

11 peuvent recourir à ce genre de programme là. Mais

12 il faut qu’ils soient déjà en emploi et c’est pas

13 accessible aux clientèles externes.

14 Donc oui, tout à fait, puis Monsieur Lebon,

15 si vous voulez travailler avec nous là-dessus,

16 nous, on est partant. Je vous tente.

17 LA PRÉSIDENTE :

18 Q. [33] Je ne vous le prête pas tout de suite.

19 R. Après.

20 Q. [34] Patientez un peu.

21 R. On sera patient.

22 Q. [35] On en a besoin. Alors une prochaine question,

23 Michel Rivard.

24 M. MICHEL RIVARD, vice-président :

25 Non, ça va. Merci.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 58 -

Déclic

1 LA PRÉSIDENTE :

2 Ça va, d’accord. Alors, il y a Danielle Tremblay,

3 Lesly Hill, et ensuite Gilles Fortin qui se sont

4 ajoutés.

5 Mme DANIELLE TREMBLAY, commissaire :

6 Q. [36] Bonjour, Monsieur Bernier. Vous nous avez

7 parlé des jeunes... on entend souvent de ce temps-

8 ci l’importance d’agir tôt, d’agir en amont, d’agir

9 le plus tôt possible et c’est très percutant. Les

10 constats que vous faites des jeunes qui... l’état,

11 l’état personnel, l’état au niveau de la

12 scolarisation des jeunes qui vous arrivent. Quelle

13 recommandation vous auriez à nous faire? Quelle est

14 votre vision de comment on peut faire pour mieux

15 accompagner les jeunes en amont pour qu’ils

16 arrivent avec moins de problèmes, de difficultés?

17 Vos services vont demeurer tout aussi pertinents,

18 mais vous allez les prendre de moins loin ces

19 jeunes-là, avec beaucoup moins de souffrance. Leur

20 sac à dos, pour reprendre madame Collin-Vézina,

21 sera beaucoup moins lourd.

22 R. Premièrement, moi et ma collègue, on s’est toujours

23 dit que le jour où on n’aurait plus de raison

24 d’aider les jeunes, nous ferons de la confiture de

25 groseilles, il n’y a pas de problème. Maintenant,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 59 -

Déclic

1 c’est une grande question que vous me posez. Je

2 n’ai pas de solution à l’emporte-pièce, j’ai pas...

3 j’ai une réflexion sur ce que je vois, sur des

4 éléments que je comprends de l’extérieur du

5 système. Je n’ai jamais travaillé pour les centres

6 jeunesse. Courte période pendant mes études pour

7 Habitat Soleil, bon, c’étaient pas les centres

8 jeunesse, mais c’était le précurseur. Mais je ne

9 suis pas très familier avec l’ensemble des

10 processus, donc j’en ai... je les observe à travers

11 le vécu des élèves qui nous arrivent, des jeunes

12 qui nous arrivent.

13 J’ai l’impression que, première affaire, on

14 entend souvent, puis on l’a entendu aussi dans les

15 témoignages, de jeunes qui devraient être en

16 situation de protection et qui sont abordés comme

17 des contrevenants ou qui sont abordés comme des

18 personnes avec des troubles de comportement. Il y a

19 un enjeu majeur là-dessus et ça, on l’a vu souvent.

20 Il y a quelque chose qui se passe là, qui est

21 dévastateur.

22 Donc, le regard, être capable d’apprécier

23 les besoins spécifiques de chacune de ces

24 personnes-là, ce serait, d’après moi, la manière de

25 repenser une structure plus flexible. On a souvent

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 60 -

Déclic

1 l’impression, vu de l’extérieur, que c’est une

2 approche coercitive. Ça ressemble à un pénitencier,

3 des fois, ce qu’on nous décrit. C’est inquiétant.

4 Moi, ça me donne le vertige de penser que mes

5 enfants auraient pu se retrouver là. Les

6 connaissant, ça aurait été terrible, ça aurait été

7 affreux.

8 Est-ce qu’on peut modifier ces choses-là?

9 Oui. Est-ce que c’est seulement qu’une question

10 d’encadrement professionnel, de milieu de vie, de

11 regard? Je pense que c’est large, là. C’est

12 immense, je pense que refaire ses devoirs sur la

13 manière dont on accompagne ces jeunes-là, puis

14 particulièrement lorsqu’ils sont pris en charge en

15 hébergement, de un, oui, c’est urgent. De deux, ça

16 va être compliqué, puis il ne faudra pas penser

17 qu’il y a des solutions simples là-dedans parce que

18 je ne pense pas qu’il y en a. Mais il me vient à

19 l’esprit l’idée d’un modèle plus souple et du bon

20 niveau d’intervention aussi.

21 L’instabilité, on en a tellement entendu

22 parler, là, puis les jeunes qui nous disent :

23 « Moi, je me réveille le matin, c’est un nouvel

24 intervenant, je ne le connais pas et c’est cette

25 personne-là qui me donne mon emploi du temps de la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 61 -

Déclic

1 journée puis qui va m’indiquer de quelle manière je

2 vais prendre ma douche et... » Il y a quelque chose

3 là-dedans qui est difficile, là. Puis dans un

4 contexte où on n’a pas d’argent pour faire mieux,

5 je peux le comprendre. Dans un contexte où on n’a

6 pas la connaissance ou on n’a pas les compétences

7 pour former, je peux le comprendre aussi. Mais j’ai

8 l’impression que c’est pas ça. J’ai l’impression

9 qu’on est dans des habitudes. J’ai l’impression

10 qu’on marche sur le radar, qu’on ne se questionne

11 plus. Puis j’ai l’impression que même les

12 intervenants dans ce système-là, pour être capables

13 de travailler, doivent s’y faire parce que sinon

14 ils ne survivent pas. Donc, ils ne questionnent

15 peut-être plus tellement. Parce que de remettre en

16 question continuellement le système, quand on est

17 dedans, ça doit être épuisant. Donc, je n’en veux

18 pas du tout aux intervenants de la DPJ.

19 LA PRÉSIDENTE :

20 D’accord, on poursuit rapidement avec Lesly Hill et

21 ensuite Gilles Fortin.

22 Mme LESLY HILL, commissaire :

23 Q. [37] Bien merci beaucoup. C’est très intéressant,

24 la discussion depuis tantôt. Je vais aller vraiment

25 rapidement. Vous avez fait allusion aux jeunes

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 62 -

Déclic

1 d’EDJeP tantôt. Et on a des jeunes là-dedans qui

2 ont quand même accédé à des études post-secondaire

3 avec beaucoup d’efforts et de persévérance. Et

4 certains jeunes qui disaient... qui le savaient que

5 des universités existaient, mais ils ne pensaient

6 jamais que c’était pour des jeunes comme eux.

7 Donc ma question c’est vraiment : comment

8 on peut soutenir les jeunes qui passent par le

9 système de protection pour mieux diplômer, pour

10 avoir plus de jeunes qui accèdent aux études post-

11 secondaires?

12 R. Eh! là, là. C’est une autre grosse, grosse

13 question. Moi, j’ai l’impression que du point de

14 vue de l’orientation tous devraient avoir un accès

15 égal et équitable à l’ensemble des programmes. Le

16 pense que si avait une position universelle, c’est

17 de dire : on ne devrait pas choisir pour personnes

18 à aucun moment du cheminement. On devrait valoriser

19 l’ensemble des formations, qu’elles soient de

20 niveau professionnel ou qu’elles soient de niveau

21 universitaire de la même manière.

22 Il y a souvent beaucoup de préjugés là-

23 dessus. Effectivement, la connaissance même de ces

24 programmes-là, bien, elle vient souvent, de ce

25 qu’on reçoit de notre environnement. Est-ce qu’en

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 63 -

Déclic

1 situation d’hébergement, on a de beaucoup de

2 modèles... bien en fait... en fait, des gens avec

3 qui on a des filiations aussi, là. Parce que ça ne

4 suffit pas de voir un professionnel pour sentir une

5 filiation puis pour trouver ça important, ce qu’il

6 fait. Des fois, c’est le contraire. Mais de

7 personnes qui ont de la valeur, de personnes

8 signifiantes qui ont évolué dans un système

9 professionnalisant, puis peut-être qu’ils ont passé

10 par les cégeps, les universités, tout ça. Si t’es

11 pas en contact avec ces gens-là, tu ne sais pas que

12 ça existe. Une grosse école, une grosse boîte avec

13 plein de programmes dedans, ça ne dit pas grand-

14 chose.

15 Je parlais de mixité tantôt, de modèles. Je

16 pense qu’il est temps d’amener dans les centres

17 jeunesse, la communauté. Je pense qu’il est temps

18 d’ouvrir les centres jeunesse sur d’autres

19 réalités, plus citoyennes, bien entendu, mais aussi

20 sur la possibilité d’avoir possiblement des

21 stagiaires d’autres... qui viennent d’ailleurs, qui

22 ne sont pas nécessairement des gens en éducation

23 spécialisée ou en psychoéducation. Ah oui, qui sont

24 sûrement bien bons dans ce qu’ils font, là, mais

25 ils arrivent là avec une intention particulière.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 64 -

Déclic

1 Non, est-ce qu’on peut ouvrir ça? Puis est-ce qu’on

2 peut amener la vie dans les centres jeunesse? Est-

3 ce qu’on peut ouvrir ça puis est-ce qu’on peut

4 amener l’avis dans les centres jeunesse? Est-ce

5 qu’on peut amener un peu de normalité - c’est un

6 gros mot - dans les centres jeunesse, pour que les

7 modèles que l’on reçoit dans nos vie, bien les

8 jeunes aussi puissent les recevoir?

9 J’ai l’impression que ça passe par là parce

10 qu’on a souvent... t’sais, souvent on a des jeunes

11 qui veulent faire une démarche d’orientation. Puis

12 là, bien oui, oui, oui, puis là bien je ne

13 comprends pas. Puis si je me trouve quelque chose à

14 faire, je suis sûr que je vais me motiver, puis...

15 Non, non, non, c’est pas ça. C’est pas ça, c’est

16 pas là. Les modèles que tu as eus vont influencer

17 ta capacité à faire des choix, première des choses.

18 Ils vont ouvrir ou fermer ton horizon. Et la

19 démarche faite avec un orienteur, quand bien même

20 qu’il t’indique que tu devrais être

21 neurochirurgien, ça ne dit pas grand chose parce

22 que ça parle de ton potentiel. Et effectivement,

23 des jeunes avec du potentiel dans les centres

24 jeunesse, il y en a des tonnes. Il y en a des

25 tonnes. Est-ce qu’ils sont en contact? Est-ce que

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 65 -

Déclic

1 c’est valorisé? Puis est-ce qu’on peut faire une

2 valorisation simplement par de la transmission à

3 travers des petits ateliers? Moi, je ne pense pas.

4 C’est pas comme ça que ça se passe.

5 Souvent les jeunes qui passent chez nous,

6 qui finissent par avoir des aspirations post-

7 secondaires, c’est parce qu’ils ont changé de

8 réseau, ils ont changé de milieu, ils se sont

9 développés à l’extérieur de ce qu’ils connaissaient

10 jusque-là, qui était souvent très limité en termes

11 de modèle. Et c’est ça, nous, qu’on observe.

12 LA PRÉSIDENTE :

13 Merci. Gilles Fortin.

14 M. GILLES FORTIN, commissaire :

15 Q. [38] Oui, je reviens à cette douzaine d’écoles

16 spécialisées et adaptées dont vous avez parlé

17 tantôt. Elles se situent où dans le paysage ou dans

18 le réseau de l’éducation? Est-ce qu’il y a un

19 regroupement de ces écoles-là? Est-ce qu’elles sont

20 rattachées à une commission scolaire? Est-ce que

21 vous avez un lien avec le ministère de l’Éducation

22 ou si c’est tous des organismes indépendants,

23 privés qui subsistent à leur propre sueur, là,

24 de...

25 R. Bien, en fait, elles ont à peu près le même

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 66 -

Déclic

1 fonctionnement que les écoles privées, elles font

2 partie de la Fédération des écoles privées. Puis je

3 pense qu’il y a une division qui s’appelle les

4 Écoles privées en adaptation scolaires, mais je ne

5 suis pas certain, là, là-dedans. Ce sont des écoles

6 qui sont rattachées au ministère de l’Éducation,

7 comme le sont toutes les écoles privées. Donc,

8 elles sont sous la Loi de l’enseignement public,

9 mais dans le régime des écoles privées,

10 d’enseignement primaire secondaire, c’est au

11 secteur des jeunes. Il n’en existe pas au secteur

12 de la formation générale des adultes, ce n’est pas

13 permis actuellement, là, dans le régime pédagogique

14 ce n’est pas permis de le faire comme ça.

15 Il y a un modèle un peu à part, qui est

16 l’école Félix-Antoine, qui fonctionne à partir de

17 bénévolat à cent pour cent. Cette école-là aussi a

18 une particularité, mais elle est autonome et elle

19 n’est pas financée parce que les profs qui sont là

20 sont bénévoles, vous imaginez. Bon.

21 Mais pour l’ensemble des écoles en

22 adaptation scolaire, celles qui font partie du

23 réseau, elles sont tout simplement reconnues comme

24 des écoles privées. J’aime pas beaucoup ce mot-là

25 parce que la plupart d’entre elles sont gérées

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 67 -

Déclic

1 démocratiquement par des conseils d’administration.

2 Donc, de dire qu’elles sont privées, avec la

3 connotation mercantile de l’affaire, c’est pas

4 vrai, là. Elles ne sont pas là-dedans.

5 Donc, il faut comprendre qu’elles ont les

6 mêmes obligations que toutes les écoles privées,

7 elles rendent des comptes au ministère de

8 l’Éducation, mais elles ne sont pas sous les

9 commissions scolaires, bien entendu.

10 Les commissions scolaires, par exemple, je

11 prends l’école Lucien-Guilbault, je pense qu’il y a

12 sept ou huit... peut-être plus que ça, dix (10)

13 commissions scolaires, là, qui envoient des élèves

14 à cette école-là. Donc, il y a du transport qui se

15 fait même des régions périphériques à l’île de

16 Montréal vers cette école-là. Donc, c’est un statut

17 plus... c’est un statut autonome dans le système,

18 mais privé, et qui est financé par le transfert de

19 subventions. Donc, un enfant qui fréquenterait la

20 Commission scolaire de Montréal, la Commission

21 scolaire va envoyer les sous qu’elle reçoit à

22 l’école en adaptation scolaire.

23 LA PRÉSIDENTE :

24 Q. [39] Merci. Alors, merci beaucoup, Monsieur

25 Bernier, à votre collègue aussi et à l’ensemble de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 68 -

Ordonnancehuis clos

1 l’équipe pour votre persévérance.

2 R. Merci.

3 Q. [40] Et il nous reste à souhaiter vraiment la

4 réalisation de beaux rêves à vos magnifiques

5 jumeaux.

6 R. Merci beaucoup.

7 Q. [41] Merci encore d’être venu nous voir, merci.

8 R. Merci.

9

ORDONNANCE DE HUIS CLOS 10

11

12 LA PRÉSIDENTE :

13 Alors, pendant que notre témoin quitte la salle,

14 notre prochain témoin, ce sera un témoignage à huis

15 clos, donc le HC-5. Alors, les gens sont priés de

16 quitter la salle, s’il vous plaît. Je vous rappelle

17 que le huis clos, c’est conformément aux articles

18 26 à 30 de nos règles de fonctionnement, procédure

19 et de conduite, donc le pouvoir d’ordonner des

20 audiences à huis clos. Je vous rappelle aussi que

21 les notes sténographiques caviardées, une fois

22 qu’elles seront disponibles, ce sera mis sur notre

23 site Internet. Alors dix minutes (10 min) de pause,

24 le temps que notre témoin arrive. Merci.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 69 -

Ordonnancehuis clos

1 (Voir cahier huis clos)

2 ______________________

3 LA PRÉSIDENTE :

4 Merci. Bonjour, bon après-midi. Alors nous

5 accueillons maintenant madame Chantal Arseneault,

6 qui est présidente du Regroupement des maisons des

7 femmes victimes de violence conjugale et madame

8 Louise Riendeau, coresponsable des dossiers

9 politiques. Juste pour rappel, le Regroupement

10 existe depuis plus de quarante (40) ans. Il y a

11 quarante-deux (42) maisons d’hébergement à travers

12 le Québec. Et leur témoignage va nous permettre,

13 entre autres, de traiter de la formation des

14 intervenants en Protection de la jeunesse en

15 matière de violence conjugale et de la

16 collaboration souhaitée aussi entre les maisons

17 d’hébergement et la DPJ.

18 Alors je vous rappelle que nous avons à peu

19 près une heure et demie ensemble. On vous propose

20 une présentation d’une vingtaine de minutes pour

21 permettre du temps d’échange avec les commissaires.

22 Ça va?

23 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

24 Oui.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 70 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 LA PRÉSIDENTE :

2 Avant de vous céder la parole, je vais demander au

3 greffier de vous assermenter.

4

REGROUPEMENT DES MAISONS POUR FEMMES VICTIMES 5

6 DE VIOLENCE CONJUGALE

7

CHANTAL ARSENEAULT, 8

LOUISE RIENDEAU,9

10 (Sous serment)

11

12 LA PRÉSIDENTE :

13 Alors, Mesdames, la parole est à vous.

14 Mme LOUISE RIENDEAU :

15 Parfait. Bien d’abord merci de... Mesdames,

16 Messieurs les Commissaires de nous permettre de

17 vous exprimer nos préoccupations pour ce sujet si

18 important. Pour le Regroupement des maisons, la

19 Protection de la jeunesse, tout comme la police,

20 tout comme le système judiciaire sont des moyens

21 importants pour protéger les femmes et les enfants

22 victimes de violence conjugale.

23 Pour nous, dans les maisons, on nous entend

24 souvent plus parler des femmes, mais on se soucie

25 autant de la détresse des enfants que de celle de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 71 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 leur mère. Et ces enfants-là on les voit chaque

2 jour, ils ont besoin de comprendre, d’être rassuré,

3 de redevenir des enfants, sans être stressé qu’une

4 crise éclate à tout moment. Et on fait fausse route

5 aussi quand on pense qu’on peut dissocier la

6 sécurité des enfants de celle de leur mère.

7 Comme ce sujet-là est très important pour

8 nous, ça fait longtemps qu’on y réfléchit, on a

9 fait des groupes de discussion avec nos membres dès

10 deux mille dix (2010) après l’adoption de la loi en

11 deux mille sept (2007), on a organisé un colloque

12 et en deux mille onze (2011) on avait demandé au

13 ministère de la Santé et des services sociaux de

14 mettre en place un mécanisme pour améliorer la

15 protection des enfants victimes de violence

16 conjugale et favoriser la collaboration.

17 Le Ministère a effectivement mis sur pied

18 un comité de travail qui s’appelait le Comité de

19 travail pour une action concertée auprès des

20 enfants exposés à la violence conjugale et leur

21 famille. Nous avons participé activement à ces

22 travaux qui se sont déroulés de deux mille douze

23 (2012) à deux mille quatorze (2014).

24 Malheureusement, le rapport est sorti en deux mille

25 quinze (2015) en pleine réforme de la santé et des

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Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 services sociaux, et donc pour ainsi dire est resté

2 sur les tablettes.

3 Parallèlement, nous, on a travaillé à

4 équiper nos membres pour qu’ils aillent à la

5 rencontre des Services de protection de la jeunesse

6 pour proposer de la collaboration. On a aussi

7 sortir notre trousse en deux mille quinze (2015),

8 ça fait que VOUS comprendrez qu’il n’y avait plus

9 personne sur sa chaise, c’était difficile d’avoir

10 des interlocuteurs pour le faire.

11 Donc, on va aujourd’hui se partager un peu

12 la présentation. La première chose dont on va

13 parler effectivement c’est de la formation des

14 intervenants.

15 Depuis deux mille sept (2007), la Loi sur

16 la protection de la jeunesse reconnaît que

17 l’exposition à la violence conjugale est, dans le

18 cadre des traumatismes psychologiques, un motif à

19 signalement. Et selon une recherche qui a été faite

20 l’année suivante par des chercheuses du Centre

21 jeunesse de Montréal, on estimait à l’époque, donc

22 un an après... après l’adoption de la loi, qu’à peu

23 près le quart des signalements retenus étaient liés

24 à la violence conjugale. On peut penser que ces

25 chiffres-là seraient plus importants maintenant

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 73 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 puisque la loi est mieux connue, mais si on fait

2 une extrapolation avec le nombre de signalements de

3 l’année dernière, ça nous donne à peu près dix

4 mille (10 000) signalements où il y aurait de la

5 violence conjugale. Et c’est sans compter tout ceux

6 qui ne sont pas retenus parce qu’on n’a pas détecté

7 la violence conjugale.

8 Malgré ce nombre important, aucune

9 formation systématique n’a été offerte aux

10 intervenants et intervenants de la Protection de la

11 jeunesse sur la violence conjugale. Et ça, ça a des

12 conséquences graves. Au fond, on se rend compte que

13 plusieurs situations de violence conjugale ne sont

14 jamais détectées. On voit aussi que plusieurs

15 intervenants et intervenantes - et c’est pas les

16 seuls malheureusement - pensent que quand on met

17 fin à une relation on met fin à la violence. Ce qui

18 n’est pas le cas. La violence continue par la

19 suite.

20 On voit aussi que les situations de

21 violence conjugale sont souvent traitées comme des

22 conflits dans un couple, alors que c’est pas du

23 tout la même chose, on est face à un rapport de

24 pouvoir, on n’est pas face à deux personnes qui ne

25 s’entendent pas. Et ça, ça amène... c’est ça, on

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 74 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 pense que c’est des hauts conflits, c’est des

2 conflits de séparation, on appelle ça de toutes

3 sortes de façons et ça nous amène des interventions

4 souvent inadéquates, où on va favoriser de la

5 conciliation, de la médiation.

6 Je vous donne un exemple. On m’a rapporté

7 que tout dernièrement des intervenantes de la

8 Protection de la jeunesse avaient demandé à une

9 femme de venir à une rencontre avec son conjoint et

10 de lui annoncer, in situ, sans préparation, qu’elle

11 mettait fin à la relation. Ça a eu comme impact de

12 faire grimper monsieur, on peut le comprendre, et

13 de faire augmenter les risques pour la sécurité de

14 madame et pour ses enfants. Donc, il faut... il

15 faut vraiment examiner ça.

16 Quand on voit ce type d’intervention-là on

17 voit qu’au fond les gens s’attendent simplement des

18 femmes victimes de violence conjugale, comme de

19 tout autre parent, qu’elles jouent le rôle de

20 parent protecteur. Ce qu’elles font. Mais c’est

21 qu’elles ne font pas, elles ne peuvent pas faire

22 aussi bien que si elles étaient accompagnées et

23 soutenues dans les démarches qu’elles font. Et dans

24 certains cas on va court-circuiter les efforts

25 qu’elles font, on parlera tantôt du traitement des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 75 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 signalements. On va court-circuiter les efforts

2 qu’elles font pour tenter de protéger leurs

3 enfants.

4 Dans le cadre du Comité de travail pour une

5 action concertée que le Ministère avait mis en

6 place, nous avons beaucoup plaidé pour une

7 formation des intervenants. Et la réponse qu’on a

8 eue à cette époque c’était : « Ça coûte trop cher.

9 On va faire une formation en ligne qu’ils pourront

10 regarder derrière leur ordinateur ». Nous avons

11 collaboré à cette formation en ligne, elle n’est

12 toujours pas en ligne et en même temps vous

13 admettrez que pour un sujet aussi complexe, on a

14 besoin de discuter avec des formateurs, avec des

15 collègues. On ne peut pas faire ça tout seul devant

16 son ordinateur.

17 Alors pour palier à ces difficultés-là,

18 nous, on pense que l’ensemble des intervenants et

19 intervenants devraient avoir une formation de base,

20 une formation continue sur la problématique de la

21 violence conjugale, incluant la violence post-

22 séparation. On a tort de penser qu’ils arrivent au

23 travail avec un bon bagage et certaines...

24 certaines fois au cursus - on avait déjà eu

25 l’occasion d’en parler avec madame David - certains

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 76 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 cursus universitaires n’abordent que très peu la

2 question de la violence conjugale. Donc, si on ne

3 forme pas les intervenants en milieu de travail, on

4 a un problème.

5 L’autre chose, on pense qu’il faudrait

6 vraiment favoriser la participation des Services de

7 protection de la jeunesse aux tables de

8 concertation qui existent dans toutes les régions

9 sur la violence conjugale et aussi aux

10 concertations qui existent dans certaines régions

11 sur la prévention des homicides liés à la violence

12 conjugale. C’est des... c’est des occasions

13 d’échanger, de voir l’analyse des autres, de mieux

14 comprendre la problématique. Alors je laisserais la

15 parole pour la suite à madame Arseneault.

16 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

17 Je vais mer permettre d’ajouter là-dessus, à Laval

18 on a une concertation qui s’appelle A-GIR et les

19 centres jeunesse et les gens de la DPJ participent

20 aux discussions quand on... on arrive à vouloir

21 prévenir un homicide intrafamilial ou un

22 infanticide, donc... et c’est vraiment aidant quand

23 ils peuvent être là parce qu’on peut arrimer nos

24 interventions puis s’assurer de la sécurité des

25 enfants et de leur maman, qui sont effectivement

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 77 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 indissociables.

2 Donc, pour ma part, moi, je vais vous

3 entretenir sur les signalements. D’abord, les

4 signalements qui sont faits par des tierces

5 personnes, dont les policiers qui arrivent sur les

6 lieux d’une scène de violence conjugale. Souvent ce

7 qu’on s’aperçoit dans nos maisons d’hébergement

8 c’est que les intervenantes vont donner... des

9 centres jeunesse vont donner un ultimatum aux

10 femmes, donc vont dire : « Bien si tu pars pas en

11 maison d’hébergement ou si tu quittes pas ton

12 conjoint... t’as le choix de rester, mais tu vas

13 perdre tes enfants ». Ça, pour une mère, je vous le

14 dis, c’est vraiment crève-coeur.

15 Donc, cette approche-là qu’on considère

16 plus coercitive a beaucoup d’effets négatifs dans

17 la vie des mères et des enfants. D’ailleurs, bon,

18 d’abord elles craignent pour... de perdre la garde

19 de leurs enfants, mais aussi ça leur met une

20 responsabilité au niveau de la violence qu’elles

21 ont vécue. En fait, quand elles arrivent en maison

22 d’hébergement ces femmes-là me disent : « Ben

23 voyons donc, j’ai fait vivre ça à mes enfants

24 toutes ces années-là! » Et moi, je leur réponds :

25 « Il y a juste un auteur de violence dans votre

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 78 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 famille et c’est le père, c’est le conjoint ».

2 C’est donc très important de ne pas responsabiliser

3 les femmes. C’est elles qui, d’abord et avant tout,

4 même pendant l’union, protègent les enfants, agit

5 pour leur protection. Elles sont dynamiques, elles

6 ne sont pas passives à observer les situations,

7 elles sont dynamiques et les mettent à l’abri.

8 Ça met donc les femmes qui ne sont pas

9 prêtes aussi à une rupture, en situation un peu de

10 mensonge face au intervenants de la Protection de

11 la jeunesse parce que si c’est pas... si elles ne

12 sont pas prêtes, elles ne sont pas rendues là,

13 elles n’ont pas pris toute l’ampleur de l’impact

14 que la violence a dans la vie de ces enfants, bien

15 peut-être qu’elles ne réalisent pas pour le moment

16 l’importance de la rupture. Mais si on

17 l’accompagne, on regarde ses forces, si on lui fait

18 confiance dans la protection qu’elle a des enfants

19 et on travaille à partir de son moteur à elle, je

20 vous garantis que les résultats risquent d’être

21 beaucoup mieux, qu’on va arriver à une rupture qui

22 va être certainement plus progressive, mais

23 certainement plus sécuritaire pour tout le monde.

24 Plutôt que de placer les femmes devant

25 l’ultimatum, il faudrait faire l’effort de les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 79 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 écouter, d’entendre ce qu’ils ont à dire et de les

2 croire. D’ailleurs, il y a une recherche qui a été

3 menée par des gens du Centre jeunesse de Montréal,

4 qui arrive aux mêmes conclusions que nous.

5 Maintenant, je vais vous parler des

6 signalements qui sont faits par les femmes et par

7 les intervenantes dans les maisons d’hébergement,

8 qui sont vraiment très malheureusement très peu

9 retenus. Parce qu’on le sait que, contrairement aux

10 abus physiques et sexuels, c’est pas un motif de

11 compromission puis en plus, quand les femmes

12 arrivent dans nos maisons bien vous comprendrez que

13 l’union conjugale est dissoute, donc on dit que les

14 enfants ne vivent plus de mauvais traitements

15 psychologiques.

16 Mais il est faux de croire, puis on l’a dit

17 tantôt, ma collègue l’a dit, que la violence

18 conjugale cesse. On le voit dans les médias, dans

19 les choses qui surviennent régulièrement. La

20 violence perdure après une séparation. Les contacts

21 avec les pères souvent perdurent, ne sont pas

22 sécurisés. On voit... on voit des pères dans des

23 échanges de garde. Les pères ont des droits de

24 visite et, malheureusement, les enfants sont

25 instrumentalisés par le père. Le dénigrement du

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 80 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 père face à la mère se fait toujours.

2 On a eu un exemple en maison d’hébergement

3 où c’était un échange de garde. Les enfants étaient

4 encore dans la voiture et monsieur frappait sur la

5 voiture pour que madame veuille bien le suivre. Les

6 enfants sont encore donc témoins de tout ça.

7 Ça fait que la violence, elle ne cesse pas.

8 Donc, l’importance aussi de la formation. Les

9 enfants sont instrumentalisés. Il faut apprendre à

10 mettre des mesures en place pour leur sécurité, les

11 visites supervisées peuvent être une bonne... une

12 bonne solution.

13 Quand les femmes et les intervenantes font

14 des signalements en maison d’hébergement, il faut

15 que les intervenantes des centres jeunesse

16 comprennent qu’on n’est pas dans un risque

17 hypothétique de mauvais traitement psychologique.

18 Ça va fort probablement arriver, on ne sait pas

19 quand, mais ça va arriver. Les femmes quand les

20 signalements ne sont pas retenus, elles se font

21 dire d’aller au Tribunal de la famille.

22 Effectivement, il faut qu’elle aille faire des

23 démarches de garde légale. Malheureusement, le

24 Tribunal de la famille prend peu en considération

25 la violence conjugale dont la femme et les enfants

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 81 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 sont victimes. Et les modalités de garde, bien ce

2 qui est souvent retenu c’est des modalités de garde

3 partagée, sans filet de sécurité pour nos enfants.

4 Vous comprendrez la responsabilité que les

5 mères... quand elles sont avec le conjoint violent,

6 elles ont le pouvoir un peu de protéger les enfants

7 parce qu’elles sont là. Imaginez une mère qui

8 envoie les enfants chez son père, puis qu’elle sait

9 très bien qu’ils vont être victimes d’un mauvais

10 traitement psychologique, qu’ils vont être victimes

11 de dénigrement, puis que si les enfants ne font pas

12 ce que papa dit, bien ils risquent d’être victimes

13 de violence. Il y a quarante pour cent (40 %)... on

14 dit qu’il y a quarante pour cent (40 %) des

15 victimes de violence des enfants exposés à la

16 violence conjugale qui sont aussi victimes directes

17 de violence physique. Bien je pense que c’est

18 important d’en tenir compte.

19 Donc, les intervenantes pourraient... dans

20 nos recommandations, c’est que les intervenantes

21 pourraient être accompagnées des centres jeunesse

22 et soutenues par une collègue qui détient une

23 expertise vraiment toute particulière en matière de

24 violence conjugale lorsqu’il est question de juger

25 de ses décisions très délicates. Et on va se le

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 82 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 dire, en instance de rupture, bien c’est des

2 risques imminents, là, au niveau d’une augmentation

3 du danger. On constate un haut roulement de

4 personnel au sein des centres jeu... dans les

5 centres jeunesse. Et donc ça, ça permettrait, j’ose

6 le croire, à maintenir une qualité de service.

7 Un autre point que je voulais m’exprimer

8 devant vous aujourd’hui c’est vous partager

9 l’expérience des maisons d’hébergement en regard

10 d’un double standard qu’on voit dans les

11 interventions qui sont faites en matière de

12 protection de la jeunesse dans les situations de

13 violence conjugale.

14 Alors que la mère est vue comme le parent

15 qui a failli à protéger ses enfants de la violence

16 conjugale, elles reçoivent, elles, l’injonction de

17 quitter leur conjoint violent. Alors que, je le

18 répète, elles ne sont toujours pas responsable de

19 la violence. Si elles-mêmes dénoncent des

20 situations de violence, bien là on arrive à douter

21 de ce qu’elle nous dit. On remet en question son

22 histoire, on essaye de voir : bien il y a-tu

23 quelque chose, elle cherche-tu à nuire au père ou

24 au conjoint?

25 On les enjoint également de favoriser les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 83 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 liens entre l’ex-conjoint et les enfants, alors que

2 vous comprendrez qu’on vient peut-être de lui

3 demander de quitter la relation pour protéger les

4 enfants de cet homme qui... maintenant elle doit

5 favoriser la relation père-enfant. Donc, les femmes

6 en fait se posent beaucoup de questions face à ce

7 paradoxe-là.

8 On les accuse ou on menace de les accuser

9 d’aliénation parentale, on leur interdit de parler

10 de la violence vécue avec les enfants et de

11 s’enquérir même de comment ça se passe dans les

12 visites avec leur papa. Ce qui fait qu’on les

13 enjoint encore dans la loi du silence. La violence

14 conjugale, hein, il y a une loi du silence qui

15 existe. Mais quand on demande à des mamans de ne

16 pas parler de ça... de comment ils vivent les

17 enfants dans le silence, bien on empêche aussi les

18 mères de protéger leur enfant, de les rassurer, de

19 les accompagner, de les écouter à travers ce

20 traumatisme-là. Donc, la loi du silence je pense

21 qu’il faudra faire des actions pour y mettre fin.

22 Autant on se concentre sur les capacités

23 parentales des mères, autant on ne s’occupe pas des

24 impacts de la violence conjugale chez les enfants.

25 C’est un traumatisme que ces enfants vivent. C’est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 84 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 un traumatisme d’être... moi, je dis tout le temps

2 en maison d’hébergement : mon premier objectif

3 c’est de permettre aux enfants de jouer sans être

4 inquiet de ce qui va se passer, sans entendre papa

5 crier ou frapper dans le mur. Et je vous dis, les

6 enfants en maison d’hébergement arrivent le

7 front... hein, quand on est stressé on a le front

8 plissé, et ils repartent de nos maisons avec un

9 front dégagé. Souvent on trouve qu’ils ont rajeuni,

10 même s’ils sont déjà très jeunes. Donc,

11 l’importance à travers tout ça de les accompagner,

12 de les écouter, de les entendre et de les croire,

13 nos enfants.

14 De plus, les pères des fois, quand les

15 mères on ne retient pas leur signalement puis qu’on

16 ne les accompagne pas, les mères vont se trouver

17 des solutions, vont vouloir avoir des services pour

18 les soins psychologiques des enfants et les pères,

19 bien ils refusent ces soins-là à leurs enfants.

20 Le comportement parental de la mère ayant

21 dénoncé une situation de violence conjugale est

22 évalué minutieusement. Alors que le signalement est

23 fait pour des mauvais traitements psychologiques,

24 bien là on va scruter à la loupe tout ce qu’elle

25 fait, ses techniques d’éducation, etc. Sans évaluer

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 85 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 et sans prendre en considération l’impact de vivre

2 de la violence conjugale aussi longtemps et

3 l’impact sur la dynamique, la relation mère-enfant.

4 Ça diminue l’estime, la confiance, il faut en

5 prendre compte dans nos... dans nos évaluations

6 qu’on fait avec les mères et les enfants.

7 Le père qui est auteur de la violence, lui,

8 devient alors un interlocuteur un peu secondaire,

9 voire même parfois absent des dossiers. Ce même

10 examen minutieux-là n’est pas toujours fait avec le

11 père. C’est pour ça qu’on parle d’un double

12 standard ici. Les mères sont souvent davantage

13 sollicitées que les pères afin de modifier leur

14 comportement parental, alors qu’elles ne sont pas à

15 l’origine de la violence. On baisse les bras devant

16 les manques de motivation des pères et encore pire,

17 des fois on les met en contact avec les enfants,

18 comme je vous expliquais tantôt, sans aucune mesure

19 de sécurité. Ça contribue à induire un sentiment de

20 - chez les enfants puis les mamans - de ne pas être

21 protégé par une instance qu’on pensait qui pouvait

22 les protéger.

23 Quand j’écrivais ces mots-là avec ma

24 collègue je me disais : bien c’est qui, qui va

25 entendre nos enfants? C’est qui, qui va les croire?

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 86 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 C’est qui, qui va les croire assez pour dire : je

2 vais tenir... je vais prendre en considération le

3 vécu de cet enfant-là, ce qu’il nous dit et le vécu

4 de cette mère-là puis de ce qu’elle nous dit pour

5 les accompagner vers un monde sécuritaire. Je pense

6 qu’il faut se poser la question.

7 Donc, ce qu’on recommande c’est que la DPJ

8 soutienne concrètement les mères victimes de

9 violence conjugale et les aide à se protéger et à

10 protéger les enfants. Puis je sais que je vais me

11 répéter, mais la sécurité de la mère et de l’enfant

12 c’est indissociable. Pour protéger les enfants, les

13 femmes ont besoin d’accompagnement, d’être crues,

14 entendues, soutenues. Si le père accepte la

15 responsabilité de ses gestes, la DPJ pourrait

16 travailler pour un contact plus sain entre le père

17 et les enfants, référer à des thérapies,

18 effectivement. En l’absence d’une telle

19 responsabilisation, bien la DPJ devrait assurer un

20 encadrement des contacts de façon sécuritaire. Il y

21 a les visites supervisées, entre autres, qui

22 existent. Ou déclarer si le père est absolument...

23 il n’a aucune reconnaissance et qu’il est

24 inadéquat, déclarer que les contacts pour un

25 certain temps minimalement ne sont pas appropriés

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 87 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 pour assurer la protection.

2 Aussi, l’usage exclusive... exclusif,

3 pardon, de l’autorité parentale devrait être

4 envisagé pour permettre aux enfants d’avoir des

5 soins et du soutien liés à la situation traumatique

6 vécue par l’exposition à toute cette violence

7 conjugale.

8 Mme LOUISE RIENDEAU :

9 Maintenant je vais vous parler de la collaboration

10 qui serait souhaitée avec... entre les maisons

11 d’hébergement et les centres jeunesse. En fait, on

12 constate une mécompréhension de notre rôle et de

13 l’encadrement juridique des maisons d’hébergement.

14 Par exemple, on a souvent des demandes de fournir

15 des informations qui sont pourtant des informations

16 confidentielles. Il y a une confusion entre une

17 maison d’hébergement qui est un organisme

18 communautaire et un établissement qui, par la loi,

19 est tenu de fournir certaines informations.

20 Et c’est pas parce qu’on ne veut pas

21 fournir ces informations-là, mais il faut savoir

22 que nos organismes sont... sont régis par la Loi de

23 protection des renseignements dans le secteur

24 privé, ont donc des devoirs de confidentialité à ce

25 niveau-là. Et que d’autre part, dans certains cas,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 88 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 partager des informations sur la vie des femmes

2 pourrait amener certaines à s’isoler et à ne pas

3 demander d’aide. Par peur de subir différentes

4 mesures au niveau de la protection de la jeunesse.

5 D’un autre côté, quand on nous demande ces

6 informations-là de façon très pressante, on a

7 souvent très peu d’informations pour juger de la

8 pertinence de ce qu’on nous demande. Et des fois

9 c’est des drôles d’informations. Comment est

10 l’ordre dans la chambre de madame? Qu’est-ce

11 qu’elle avait dans ses bagages? Je ne pense pas que

12 c’est ça qui est important pour assurer la sécurité

13 des enfants. Mais si on avait parfois plus

14 d’informations, on pourrait mieux juger de la

15 pertinence des informations qui nous sont

16 demandées.

17 Comme je l’ai dit, en deux mille onze

18 (2011) on avait demandé au Ministère de mettre sur

19 pied un groupe de travail pour faciliter le

20 travail. Et le rapport est resté sur les tablettes.

21 Il aura fallu qu’une enfant décède à Québec

22 quelques jours après que sa mère ait quitté une

23 maison pour femmes en difficulté, pour que le

24 Ministère écrive au DPJ cet été pour leur

25 demander : « Comment avez-vous donné suite au

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Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 rapport de deux mille quinze (2015)? » On est en

2 deux mille dix-neuf (2019). Donc, je pense qu’on

3 aurait pu faire des choses.

4 Comme je l’ai dit aussi, nous, on a mis

5 beaucoup d’efforts pour essayer d’aller devant les

6 DPJ, de proposer des activités de sensibilisation,

7 de faire des activités courtes, de s’adapter à leur

8 réalité et il n’y a pas eu beaucoup de suite.

9 Les maisons souhaitent collaborer au fond

10 et être associées au support qui peut être donné

11 aux femmes, aux actions qui peuvent être mises pour

12 le faire. Mais pour ça, il faut arriver à mettre en

13 place des rapports égalitaires entre partenaires,

14 qui ont chacun leur rôle et leur expertise et non

15 pas des rapports d’autorité des gens de la DPJ vers

16 les ressources. Et il faut s’assurer que le cadre

17 dans lequel on collabore va respecter la sécurité

18 et la confidentialité, en tout cas les droits des

19 femmes et des enfants.

20 Il y a des exemples possibles. Par exemple,

21 à Saint-Jean-sur-Richelieu, une de nos maisons

22 membres, la maison Hina, a participé pendant de

23 longues années, je ne sais pas si ça fonctionne

24 encore, à des espèces de tables d’orientation où on

25 décidait des interventions à faire, où on

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 90 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 réunissait tout le monde qui était autour de la

2 famille.

3 Évidemment, pour pas dévoiler des

4 informations que monsieur aurait pu utiliser par la

5 suite pour contrôler madame, ce que la maison a

6 demandé et qui a été obtenu c’est qu’elle puisse

7 participer en l’absence de monsieur. Donc, il y a

8 des aménagements possibles qui peuvent être faits

9 pour qu’on arrive à travailler ensemble.

10 Tantôt on a suggéré qu’on nomme dans

11 chacune des équipes quelqu’un qui pourrait appuyer

12 leurs collègues en ayant une expertise de la

13 violence conjugale. Cette personne-là, puis c’était

14 une des recommandations du comité avec le

15 Ministère, pourrait aussi jouer un rôle

16 d’intervenant pivot avec des organismes comme les

17 nôtres pour faciliter les communications.

18 On pense qu’il faudrait aussi mieux

19 informer les intervenants sur le rôle, le mandat,

20 l’encadrement des ressources comme les nôtres. On

21 pense qu’il faudrait aussi favoriser des formations

22 multisectorielles. Quand on participe ensemble à

23 une formation, par les échanges qui sont là, on

24 apprend à connaître l’analyse des autres, on

25 apprend à connaître leur travail, donc ça favorise

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 91 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 vraiment l’interconnaissance et le partenariat. Et

2 on pense qu’il faut aussi, dans les situations de

3 violence conjugale, privilégier d’avoir des plans

4 d’intervention différents pour le père et pour la

5 mère. On ne poursuit pas les mêmes objectifs, même

6 s’il faut que les deux parents soient associés au

7 travail.

8 Alors voilà, c’est un peu le message qu’on

9 voulait vous livrer aujourd’hui.

10 LA PRÉSIDENTE :

11 Merci, merci infiniment. Alors on va débuter la

12 période d’échange avec les commissaires en débutant

13 avec Hélène David.

14 Mme HÉLÈNE DAVID, commissaire.

15 Q. [42] Merci beaucoup. Merci d’être ici avec nous

16 pour parler de violence conjugale, qui est pas mal

17 dans les médias aussi, donc les gens se posent

18 beaucoup de questions et vous travaillez depuis

19 fort longtemps dans ce domaine-là.

20 Vous avez parlé, et vous ne serez pas

21 étonnée que je suis intéressée par la formation, on

22 en avait déjà parlé ensemble. La question de la

23 formation, elle se présente dans toutes sortes de

24 situations, mais vous semblez y mettre un accent

25 particulier comme étant un levier, un outil qui

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 92 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 vraiment favoriserait la meilleur collaboration

2 probablement. Pouvez-vous aller un peu plus loin

3 pour nous aider à voir comment, dans un monde

4 idéal, vous verriez cette formation-là, vous, qui

5 voyez beaucoup de stagiaires, de jeunes passer, là,

6 à travers le système soit communautaire ou plus

7 institutionnel?

8 Mme LOUISE RIENDEAU :

9 R. Bien écoutez, on s’en parlait en venant. Dans les

10 dernières années, le ministère de la Santé et des

11 Services sociaux, avec le CREP, qui est un Centre

12 de recherche au Saguenay-Lac-Saint-Jean, a organisé

13 une formation de deux jours dans tous les CISSS et

14 CIUSSS, incluant les gens de la Protection de la

15 jeunesse sur la prévention des homicides

16 intrafamiliaux. O.K. Et c’est un sujet qui... vous

17 savez, toutes les deux on travaille à vraiment

18 prévenir ça, c’est un sujet qui nous tient à coeur.

19 Mais si on regarde le nombre de situations

20 de violence conjugale, qui est bien plus

21 importante, heureusement, que le nombre d’homicides

22 intrafamilieux, on n’a pas vu d’efforts comme ça de

23 faits et on pense que la formation, en entrée en

24 fonction, puisque ça va faire partie des sujets sur

25 lesquels les gens vont avoir à travailler, devrait

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Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 permettre de connaître qu’est-ce que c’est. C’est

2 une problématique complexe, la violence conjugale.

3 Des fois, on ne comprend pas comment ça se fait, ça

4 dépense notre entendement qu’on pense que quelqu’un

5 puisse commettre des gestes de violence conjugale,

6 de contrôle, de domination. Et c’est pas parce

7 qu’on est intervenant qu’on comprend plus pourquoi

8 ça se passe.

9 L’autre chose qu’on ne comprend pas souvent

10 c’est : comment ça se fait qu’une femme qui vit de

11 la violence ne partira immédiatement? Donc, je

12 pense que c’est important que la formation aborde

13 qu’est-ce que c’est la violence conjugale, quels

14 sont... quels sont les impacts, les signes, quels

15 sont les défis qu’on a dans l’intervention? Quelles

16 sont les conséquences avec lesquelles il faut

17 compter quand on veut intervenir dans ces familles-

18 là? Quels sont les risques?

19 Donc, je pense qu’il faudrait vraiment une

20 formation de base qui... qui touche l’ensemble de

21 ces sujets-là et que par la suite on puisse avoir

22 au fil du temps de la formation continue. Il y a...

23 on apprend... moi, ça fait plus de vingt-cinq (25)

24 ans que je travaille au Regroupement et chaque

25 année j’apprends des nouvelles choses sur cette

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Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 problématique-là. Donc, je pense qu’il faut qu’on

2 se donne les moyens parce que c’est pas simple puis

3 parce que c’est délicat.

4 Écoutez, c’est un travail extrêmement

5 important et délicat, que les intervenants ont à

6 faire en Protection de la jeunesse face à des

7 enfants qui ne peuvent pas toujours exprimer ce

8 qu’ils ont vécu. Et parfois quand ils l’expriment,

9 on n’ose pas les croire pour leur bien. Donc, je

10 pense qu’il faut aussi, là... je ne sais pas si

11 Chantal, tu veux ajouter quelque chose comme

12 information.

13 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

14 R. Bien en fait en maison d’hébergement ce que je

15 rencontre souvent c’est - puis c’est là-dessus que,

16 moi, je pense qu’il pourrait y avoir un bon volet

17 de formation de fait - c’est à partir du moment où

18 les parents sont séparés, on ne parle plus du tout

19 de violence conjugale, on parle de haut conflit de

20 séparation. Et si on fait des actions en ce sens-là

21 en pensant que c’est un conflit entre parents, on

22 ne fait pas les bonnes actions puis on met les

23 femmes et les enfants en danger.

24 Donc oui, bien différencier, bien détecter

25 la violence. Essayer d’outiller nos intervenants à

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Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 bien déceler et à accompagner. Les femmes ne le

2 savent pas toujours qu’elle sont victimes de

3 violence conjugale. Bien il y a un intervenant qui

4 pourrait poser des questions puis être capable...

5 on l’a fait avec la grille homicidaire, on pose des

6 questions pour voir s’il y a un risque homicide.

7 Bien on pourrait faire la même chose pour la

8 violence conjugale.

9 Q. [43] Hum, hum. Hum, hum. On en parle effectivement

10 beaucoup plus en ce moment. Je le sais parce que je

11 l’ai suivi de près, « J’habite nulle part », qui

12 est une Web série sur la violence conjugale, qui

13 met les enfants au premier plan d’ailleurs de ça,

14 qui est assez instructive puis ça nous donne des

15 images aussi de ce que les enfants peuvent vivre.

16 Mais quand... je me souviens quand j’ai fait mes

17 consultations sur la violence conjugale à travers

18 le Québec et on rencontrait en consultation

19 publique comme ça beaucoup, beaucoup d’intervenants

20 et tout ça, on nous sensibilisait beaucoup,

21 évidemment, sur les nouvelles formes de violence

22 conjugale, dans les nouvelles formes de couples :

23 couple homoparental, couple transparental, couple

24 de gens souvent nouveaux arrivants qui doivent

25 s’adapter à une culture. Donc, des réalités qui

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 96 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 existaient beaucoup moins avant et il y avait

2 toujours aussi, bien que marginal, mais il y avait

3 toujours les hommes qui disaient : attention, il

4 n’y a pas que les femmes qui sont victimes de

5 violence conjugale. Je sais que vous savez tout ça,

6 là, mais c’est important pour notre discussion. Il

7 y a des hommes aussi qui sont victimes de violence

8 conjugale, donc ils levaient la main pour dire :

9 aidez-nous, nous aussi, même si on est minoritaires

10 par rapport à la quantité de femmes évidemment qui

11 sont victimes.

12 Mais comment vous composez dans votre...

13 dans vos recommandations avec toutes sortes de

14 formes maintenant de violence conjugale qui peut-

15 être étaient vraiment très, très peu présentes

16 avant ou très peu mises en évidence?

17 Mme LOUISE RIENDEAU :

18 R. Bien, moi, je vous dirais que quand on connaît bien

19 la problématique de la violence conjugale, quand on

20 est capable de différencier un conflit d’une...

21 d’une violence coercitive qui est la violence,

22 cette grille d’analyse-là va servir dans tous les

23 cas de figure.

24 Q. [44] Oui.

25 R. O.K. Parce que de la violence coercitive, c’est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 97 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 toujours la même chose. Les moyens vont changer.

2 Bien sûr, il y a vingt (20) ans on n’utilisait pas

3 les cellulaires pour harceler sa conjointe ou son

4 conjoint, mais les ingrédients de base, les effets

5 que ça procure chez les victimes d’avoir peur, de

6 perdre leur estime d’eux-mêmes sont les mêmes.

7 Q. [45] Oui.

8 R. Et quand on travaille, par exemple, en

9 prévention... en prévention des homicides, on a des

10 outils qui nous permettent effectivement de tenir

11 compte de plusieurs indicateurs, de tenir compte

12 des facteurs de protection, des facteurs

13 aggravants. Ces outils-là fonctionnent, peu importe

14 dans quel type de famille on est.

15 Q. [46] Oui, puis effectivement vous avez raison,

16 c’est... c’est... vous aviez énormément insisté sur

17 la définition de la violence conjugale dans presque

18 ce qu’on pourrait appeler l’article 1, le préambule

19 du plan d’action, qui a été d’ailleurs endossé et

20 que c’est une relation particulière de domination,

21 etc. Alors, ça peut se produire dans différentes

22 sortes de couples, mais ça se produit. C’est ça qui

23 est à la base, là, de ce que vous dites.

24 Dans ce qu’on regarde à travers le monde,

25 et vous devez suivre quand même un petit peu ce qui

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 98 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 se passe ailleurs, avez-vous des modèles

2 d’intervention, je dirais, ou de rapport avec les

3 organismes de protection de la jeunesse, parce

4 qu’il y en a un peu partout dans le monde, là, de

5 ces situations-là...

6 R. Oui.

7 Q. [47] ... qui pourrait vous inspirer, nous inspirer

8 à voir si on peut améliorer des choses. Vous nous

9 donnez toutes sortes de pistes, intervenants pivot,

10 plus de lien entre institution, mais est-ce que

11 vous aimez ça vous référer à des pratiques qui...

12 exemplaires pour vous?

13 R. Tout à fait. Écoutez, quand le Ministère a mis sur

14 pied le Comité de travail auquel on a participé,

15 nous, on avait eu connaissance de ce qui s’était

16 fait en Colombie-Britannique, où le Ministère

17 responsable de la famille avait créé un outil sur

18 les bonnes pratiques en intervention et pour nous,

19 c’était extrêmement inspirant. La loi est un peu

20 différente en Colombie-Britannique, mais on

21 trouvait que c’était inspirant et on avait même

22 demandé au gouvernement de la Colombie-Britannique

23 la permission de traduire ce document-là, qu’on a

24 déposé, mais qui a été assez rapidement balayé. Ça

25 fait que ça, je pense qu’il y en a des pratiques.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 99 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Au niveau de l’intervention auprès des

2 pères, je ne pourrais pas vous en parler en long et

3 en large, mais il y a une pratique qui nous semble

4 assez prometteuse en Ontario, qui s’appelle

5 « Caring Dads ». C’est une intervention où, au

6 fond, on adresse au niveau des pères l’impact que

7 leur violence a non pas sur la conjointe, mais sur

8 les enfants. Et c’est souvent une façon qui les

9 amène à être sensibilisé aux gestes qu’ils ont posé

10 et à dire : non, je ne veux pas que mes enfants

11 vivent ça, alors qu’est-ce que je peux faire pour

12 changer?

13 Il y a eu une tentative d’adaptation au

14 Québec, mais je pense que c’est pas très heureux.

15 Ça fait que je pense qu’on pourrait aller

16 s’inspirer. C’est un programme qui est normé, cadré

17 en Ontario, qu’on pourrait regarder.

18 Aussi, c’est pas un programme, mais il y a

19 quelques semaines j’ai eu la chance d’être

20 conférencière à la même confé... à une conférence

21 en Belgique où il y avait le juge Édouard Durand,

22 qui est un juge aux enfants. En fait, c’est

23 l’équivalent des juges au Tribunal de la jeunesse

24 qui, par le passé, a été juge aux instances

25 familiales et au pénal et qui a développé une

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 100 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 analyse de la problématique de la violence

2 conjugale et de la façon dont on doit intervenir

3 dans ces familles-là, qui est très intéressante.

4 En tout cas si jamais vous aviez envie de

5 discuter avec lui, moi, j’ai ses coordonnées et on

6 pourrait établir un contact. C’est quelqu’un de

7 très inspirant, là, il nous a livré une conférence

8 de deux heures (2 h) où il avait vraiment une

9 vision très, très nette de ce qui se fait. Ça fait

10 que ça, c’est des exemples.

11 Mais il y a aussi ici aussi des choses qui

12 peuvent être prometteuses. Une de nos maisons

13 membres, le Refuge pour femmes de l’Ouest de l’Île

14 vient de commencer à participer à un comité mis en

15 place par le Centre jeunesse Batshaw pour justement

16 apprendre à mieux travailler ensemble les questions

17 de violence conjugale. Donc, je pense que, oui, il

18 faut regarder ce qui se fait. Malheureusement, je

19 vous dirais que la méconnaissance de la

20 problématique de la violence conjugale - et c’est

21 ce que j’ai dû constater quand on était en Belgique

22 - est souvent aussi un problème au plan

23 international. Mais il y a des gens qui essayent de

24 faire des choses, effectivement.

25 Q. [48] Puis je vous rajouterais qu’il y a à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 101 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Sherbrooke un groupe pour... d’écoute et d’entraide

2 pour hommes violents et de... bon. Alors il y a des

3 choses qui existent ici...

4 R. Oui.

5 Q. [49] ... il faut tabler sur ce qui existe aussi.

6 Bien je vous remercie de toutes ces précisions-là.

7 R. Oui.

8 LA PRÉSIDENTE :

9 Merci. On va poursuivre avec Lesly Hill.

10 Mme LESLY HILL, commissaire :

11 Q. [50] Alors merci beaucoup d’avoir livré cette

12 sagesse. Je voulais aller un peu plus loin

13 justement en lien avec le système judiciaire. On a

14 parlé des intervenants en Protection de la

15 jeunesse, de l’importance de la formation et d’être

16 capable de déceler la violence conjugale. Qu’en

17 est-il des avocats, des juges, avez-vous des... des

18 observations par rapport à comment les femmes

19 peuvent être accueillies au niveau du Tribunal,

20 Chambre de la jeunesse?

21 R. Bien, moi, je vous dirais que ce que je vais dire

22 concerne tant la Chambre de la jeunesse que la

23 Chambre de la famille. Pour des raisons que je ne

24 comprends pas, on dirait que ces milieux-là sont

25 restés totalement imperméables à toute la recherche

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Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 qui s’est faite sur la conséquence... les

2 conséquences de la violence sur les enfants, sur le

3 fait que la violence persiste après la séparation

4 et qu’il faut donc en tenir compte quand on

5 prend... quand on prend des décisions.

6 Et c’est si vrai que la Loi sur divorce, je

7 m’éloigne de la famille, mais c’est le même... je

8 m’éloigne de la Protection de la jeunesse, mais

9 c’est le même problème, la Loi sur le divorce vient

10 d’être amendée pour obliger le Tribunal quand il

11 évalue quel est le meilleur intérêt de l’enfant, à

12 tenir compte de la présence de violence dans la

13 famille. Pas juste de violence physique envers

14 l’enfant, mais de violence envers la mère, envers

15 le nouveau conjoint, envers d’autres membres de la

16 famille. Et la loi prévoit aussi qu’on porte à

17 l’attention du Tribunal s’il y a des procédures

18 dans d’autres instances en Protection de la

19 jeunesse, au Criminel.

20 Parce qu’à l’heure actuelle, les tribunaux

21 ne se parlent pas. Ils travaillent de façon étanche

22 et souvent on a des situations, là... nous, on a

23 mené une recherche sur plus le traitement criminel,

24 là, de certaines situations et des femmes qui

25 auraient pu être protégées parce qu’on a imposé à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 103 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 leur conjoint des interdictions de contact, des

2 interdictions de communiquer, bien ces femmes-là

3 ont fini par ne plus dénoncer les bris de condition

4 à la police parce que les gens à la Protection de

5 la jeunesse leur disaient : « Bien écoutez, là,

6 vous ne favorisez pas tellement les liens avec le

7 père, puis si vous continuez on va penser que vous

8 faites de l’aliénation parentale ». Donc, elles

9 avaient des mécanismes pour se protéger, mais elles

10 ne peuvent pas les utiliser parce que de l’autre

11 côté elles pensent que la situation va être pire au

12 fond si on leur retire les enfants.

13 Donc, le problème dont on parle se vit au

14 niveau des intervenants, mais moi je pense qu’il se

15 vit aussi tout autant au niveau du Tribunal, où on

16 n’a pas une... on n’a pas instruit les gens sur

17 cette... ces questions-là. Puis là aussi... t’sais,

18 nous on est très heureuses du changement de la Loi

19 sur le divorce, mais on pense que pour qu’elle

20 s’applique il faudra outiller les avocats pour

21 qu’ils soient capables de soulever ces questions-

22 là, de les apporter à la connaissance du Tribunal

23 et qu’il faudra aussi, si on ne peut pas former les

24 magistrats qui sont souvent au-delà de ça, les

25 sensibiliser à cette question-là pour qu’ils

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 104 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 puissent entendre.

2 Il y a des recherches qui ont été faites,

3 qui disaient que souvent les décisions qui sont

4 prises - puis c’est au Tribunal de la famille, là,

5 mais je suis sûre que je peux faire... extrapoler

6 avec la Jeunesse - que souvent les décisions qui

7 sont prises, même en présence de violence, sont

8 davantage prises en fonction des valeurs des juges

9 qu’en fonction d’une connaissance des impacts de la

10 violence sur les enfants et sur leur mère.

11 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

12 R. Si je peux me permettre de rajouter, quand... quand

13 on reçoit le récit des femmes qui reviennent des

14 tribunaux, on parle beaucoup, beaucoup des droits

15 des parents. Moi, je me demande à quel point on met

16 au coeur des décisions le meilleur intérêt de

17 l’enfant puis la sécurité de l’enfant. C’est le

18 droit du père d’avoir des droits de visite, le

19 droit, le droit, le droit, mais le droit de

20 l’enfant là-dedans? C’est un peu le récit qu’on a,

21 les femmes, puis quand les dossiers arrivent au

22 Tribunal de la jeunesse et ce qui est amené par les

23 personnes de la DPJ, c’est des conflits de

24 séparation.

25 Vous comprendrez qu’une femme qui est déjà

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 105 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 atterrée de toute la violence qu’elle a vécue, ça

2 lui demande beaucoup de courage pour être capable

3 d’aller à l’encontre d’une position comme ça de la

4 DPJ. Ça fait que malheureusement, souvent c’est pas

5 tenu en compte, la violence conjugale.

6 Q. [51] Merci.

7 LA PRÉSIDENTE :

8 Ça va, Lesly?

9 Me LESLY HILL :

10 Oui.

11 LA PRÉSIDENTE :

12 O.K. On poursuit avec Lorraine Richard.

13 Mme LORRAINE RICHARD, commissaire :

14 Q. [52] Merci. Bonjour, Mesdames. Merci beaucoup pour

15 votre témoignage. Merci également de ce que vous

16 faites pour les femmes qui sont victimes de

17 violence conjugale, pour ces mamans. Si la

18 Commission est là, vous le savez, c’est pour les

19 enfants.

20 J’aimerais savoir, parce que vous avez

21 parlé dans votre exposé comment une maman qui vit

22 de la violence conjugale et souvent qui dit : bon,

23 j’aurais peut-être besoin de l’aide, elle va aller,

24 je ne sais pas, peut-être dans un CLSC ou demander

25 de l’aide dans l’entourage. Ils vont dire bien

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 106 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 vient dans la famille, puis envoie tes enfants à la

2 DPJ. Mais il y en a qui n’ont pas de réseau au

3 niveau de la famille. Puis quand elles arrivent...

4 vous avez mentionné que quand elles arrivent à la

5 DPJ on lui dit : les enfants vont vivre cette

6 violence-là d’une façon ou d’une autre, donc il

7 faut que tu sortes de cette maison.

8 À travers tout le Regroupement des maisons

9 de femmes au Québec qui sont victimes de violence

10 conjugale, est-ce que vous avez un genre de liste

11 d’attente? Est-ce que vous êtes capable de m’en

12 dire davantage là-dessus? Est-ce que... si vous

13 avez cette capacité d’héberger ces femmes qui en

14 ont grandement besoin.

15 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

16 R. Oui, dans les maisons d’hébergement pour

17 l’hébergement on ne tient pas de liste d’attente,

18 ça c’est sûr.

19 Q. [53] O.K.

20 R. Parce que vous imaginez que ça... les femmes, ça

21 pourrait être long. Ce qui est certain, par

22 exemple, c’est qu’on prend toujours le téléphone

23 pour répondre à chacune des demandes. Si on n’est

24 pas capable de les héberger dans le moment

25 immédiat, on fait des scénarios avec elles. Parfois

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 107 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 à Laval on a dû transférer une femme... bien lui

2 demander d’être hébergée à Joliette pour un certain

3 temps, puis quand on a eu de la place, bien elle

4 est revenue à la maison l’Esther à Laval. Donc, il

5 y a des choses comme ça qu’on peut organiser parce

6 qu’on s’entend que si les femmes font le choix de

7 rester dans leur ville, c’est aussi important de

8 respecter ces choix-là.

9 Au niveau des services à l’externe, c’est

10 sûr qu’il y a des maisons qui ont des listes

11 d’attente puis il y a des maisons qui n’en tiennent

12 pas comme il y a des maisons qui n’en ont pas mais

13 les services, on évalue chacune des demandes qui

14 rentrent avec beaucoup... beaucoup de rigueur.

15 Q. [54] Il y a quand même, je pense que une

16 quarantaine de maisons, Québec est grand, moi, je

17 viens d’un immense territoire et est-ce qu’on vous

18 a rapporté ces femmes qui doivent quitter des fois

19 le domicile conjugal mais également leur village,

20 l’endroit où elle ont vécu et où les enfants ont

21 vécu, c’est-à-dire et on ne décide pas puis on ne

22 le fait pas sur un coup de tête là qu’on décide de

23 demain, il faut... il faut quitter ce milieu qui

24 est toxique, donc c’est sortir les enfants du

25 milieu scolaire, de tout leur réseau d’amis, êtes-

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 108 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 vous capables de me dire quel impact ça peut avoir,

2 est-ce que vous l’avez vu ou qu’on vous l’a

3 raconté, que ça, sur ces jeunes enfants qu’on doit

4 retirer parce que la mère est victime au quotidien

5 ou peu importe, elle vit de la violence conjugale

6 qui est inacceptable?

7 Mme LOUISE RIENDEAU :

8 R. Oui, moi, je vous dirais qu’à la fois, parfois...

9 parfois de pouvoir quitter le milieu toxique, c’est

10 une bonne chose, d’autres fois, c’est aussi se

11 couper de notre réseau de soutien et ça, il faut en

12 tenir compte. Ça fait quand on dit, des fois, en

13 fait, vous posez la question sur les listes

14 d’attente, dans la dernière année, nos quarante-

15 trois (43) maisons membres ont refusé... ont refusé

16 un hébergement à trois mille six cents (3600)

17 femmes et on essaie, ça ne veut pas dire que ces

18 femmes-là n’ont pas trouvé une place ailleurs mais

19 c’est quand même, et des fois, effectivement, il

20 faut leur demander d’aller plus loin parce qu’il

21 n’y a pas de place. Il y a certaines régions où le

22 problème est pire que d’autres, il y a aussi les

23 grands territoires, effectivement, si on pense à

24 Côte-Nord, à l’Abitibi où les femmes doivent faire

25 plusieurs grandes distances, donc effectivement,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 109 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 d’avoir à aller plus loin, des fois est protecteur

2 mais d’autres fois fait que les femmes sont... les

3 femmes et les enfants sont coupés de leur réseau...

4 de leur réseau.

5 On fait beaucoup d’efforts par ailleurs

6 pour essayer de rejoindre les femmes en milieu

7 rural, on a parlé beaucoup des besoins spécifiques

8 des femmes immigrantes dans les dernières années

9 mais les femmes en milieu rural ou isolé ont besoin

10 qu’on fasse des efforts pour se rendre vers elles

11 et dans nos maisons, plusieurs ont développé des

12 bureaux de services externes dans d’autres

13 localités pour, effectivement, des femmes qui n’ont

14 pas de transport, qui n’ont pas de moyens de se

15 rendre ou qui ne peuvent pas quitter longtemps

16 parce que ça pourrait éveiller les soupçons du

17 conjoint, donc c’est les intervenants qui essaient

18 de se rapprocher d’elles pour, le plus possible,

19 répondre à leurs besoins.

20 Q. [55] Merci. Dernière question. Vous côtoyez ces

21 mamans avec leurs enfants, vous êtes à même de

22 constater dans quel état ils peuvent arriver chez

23 vous, est-ce que vous pouvez me dire, ma dernière

24 question, qu’est-ce que vous avez pu constater

25 comme conséquences de ce changement pour les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 110 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 enfants parce que souvent les enfants, des fois,

2 ils en sont victimes, des fois, ils se doutent

3 qu’il se passe quelque chose au niveau de leurs

4 parents, ils ne savent pas trop mais là... là, on a

5 changé de domicile, on ne couche plus dans notre

6 lit le soir, on est dans un entourage avec des gens

7 qu’on ne connaît pas, quel impact, quelles

8 conséquences que vous avez pu remarquer que ça

9 avait sur ces enfants?

10 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

11 R. Mais les enfants, c’est sûr qu’ils ont beaucoup,

12 beaucoup de conséquences. Je voulais vous

13 partage... je vais me permettre de vous partager

14 une petite tranche de vie qu’on a eue dans la

15 dernière année. Il y avait des enfants qui sont

16 arrivés en maison d’hébergement, on voyait qu’ils

17 étaient très turbulents, ils avaient de la misère à

18 respecter les limites de la mère, on comprendra que

19 l’impact du dénigrement dans le rôle de la mère a

20 souvent cet effet-là. C’est des enfants qui étaient

21 très... très actifs, qui bougeaient beaucoup dans

22 la maison et à un moment donné, on a réussi, mes

23 intervenantes ont réussi à créer des liens puis là,

24 on s’est aperçu que, oups! la maman, elle disait

25 que les enfants n’avaient rien entendu mais ils

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 111 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 avaient vu des couteaux, ils avaient entendu des

2 choses, des fois, les enfants vont dans les

3 chambres pour... qu’ils pensent protéger la maman

4 pour dire : « Ah, O.K., on n’entend rien », mais

5 ils entendent tout les enfants. Ça fait que les

6 enfants souvent là, on minimise beaucoup tout ce

7 qu’ils connaissent puis tout ce qu’ils voient, ils

8 ne sont pas capables de mettre les mots sur ce

9 qu’ils vivent, par contre.

10 Et là, donc, les Centres jeunesse

11 entrent... la DPJ entre dans la vie de madame, fait

12 des visites supervisées avec le père donc une

13 mesure qu’on dira sécuritaire et dans les visites

14 supervisées, le père, il dit aux enfants : « Je

15 l’aime votre mère, je comprends pas pourquoi

16 qu’elle m’a quitté, bien voyons donc! Dites-lui à

17 quel point je l’aime puis... » Alors dans les

18 visites, l’intervenante doit tout le temps freiner

19 mais ne jamais cesser les rencontres mais doit tout

20 le temps ramener monsieur à l’ordre, il arrive avec

21 des cadeaux à l’intention de madame, il s’occupe

22 pas tant des enfants, plus de la relation de

23 madame.

24 Madame se fait demander de ne pas parler à

25 ses enfants des visites et de ne pas parler du vécu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 112 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 de violence. Cette famille-là est restée trois mois

2 avec nous et dans les trois mois, c’était la

3 première fois en vingt-cinq (25) ans de maison

4 d’hébergement que je voyais des enfants où les

5 conséquences de la violence augmentait pendant

6 l’hébergement.

7 Moi, je trouve que, donc il y avait des...

8 ils ont agressé d’autres jeunes dans la maison, ils

9 ont fait des... bon, pousser, un petit peu

10 d’étranglement, donc il faut reprendre constamment

11 ça avec les enfants mais c’est tellement une

12 détresse profonde que ces enfants-là vivent. Quand

13 je parlais de la loi du silence, à qui ils

14 pouvaient parler ces jeunes-là? Ils n’avaient pas

15 d’accompagnement.

16 Dans les autres conséquences de violence

17 qu’on voit, c’est, bon, il y a des enfants qui

18 viennent s’assurer que dans nos caméras, il n’y a

19 pas personne alentour, la peur, la terreur. Les

20 enfants, des fois, quand ils arrivent en maison

21 d’hébergement, ils recommencent à faire pipi au

22 lit, ils reprennent la suce. Beaucoup, beaucoup de

23 jeunes ont peur « d’acting-out », excusez le terme

24 anglophone mais aussi des jeunes qui nous parlent

25 pas du tout mais quand on fait des dessins avec eux

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 113 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 autres, les dessins parlent beaucoup.

2 Il y a une grande tristesse, une grande

3 peine puis les intervenantes en maison, on essaie

4 de les accompagner le plus possible. Il faut aussi

5 avoir la liberté d’écouter et d’entendre ces

6 enfants-là par ce qu’ils nous ont à dire sans se

7 faire dire, nous aussi, comme intervenantes en

8 maison, qu’on ne doit pas leur en parler.

9 Mme LOUISE RIENDEAU :

10 R. Moi, j’ajouterais que, moi, j’ai été stagiaire en

11 maison d’hébergement en mil neuf cent quatre-vingt

12 (1980). À cette époque-là, les enfants venaient

13 avec les mères mais on travaillait surtout avec les

14 mères mais très rapidement, on s’est rendus compte

15 qu’il fallait se soucier des enfants et dès les

16 années quatre-vingt-six, quatre-vingt-sept

17 (86 - 87) au Regroupement, on a organisé des

18 formations pour qu’il y ait des intervenantes

19 jeunesse dans les maisons pour justement permettre

20 aux enfants d’exprimer ce qu’ils ont vécu, pour

21 leur donner un lieu sécuritaire où ils peuvent

22 poser des questions, où ils peuvent comprendre ce

23 qui se passe et où on peut, où ces intervenantes-là

24 ont aussi le rôle de soutenir les mères pour que

25 justement les rôles reviennent à leur place, pour

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 114 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 que les mères soient capables d’aider leurs enfants

2 au moment où elles sont en hébergement mais après,

3 quand elles quitteront. Donc, c’est essentiel,

4 effectivement, de travailler là-dessus et de

5 soutenir à la fois les mamans pour qu’elles soient

6 capables de soutenir leurs enfants.

7 Mme LORRAINE RICHARD, commissaire :

8 Merci. Merci beaucoup.

9 LA PRÉSIDENTE :

10 Alors, on poursuit avec Lise Lavallée.

11 Mme LISE LAVALLÉE, commissaire :

12 Q. [56] Merci beaucoup d’être venues nous partager

13 votre immense expérience dans le domaine de la

14 violence conjugale et je crois qu’on n’en parlera

15 jamais assez et surtout assez des dommages que ça

16 cause auprès des femmes et aussi des enfants qui

17 souvent n’ont pas de mots pour parler de ce qu’ils

18 ont vécu ou ce qu’ils ont ressenti. Moi, je vous

19 demanderais : est-ce que, selon vous, il y aurait

20 des modifications qu’on devrait apporter à la Loi

21 sur la protection de la jeunesse pour mieux

22 intervenir dans les... dans le dossier de la

23 violence conjugale?

24 Mme LOUISE RIENDEAU :

25 R. Dans le mémoire qu’on avait déposé, que j’ai relu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 115 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 parce qu’on venait ici, qu’on avait déposé au

2 moment de l’adoption de la Loi 125 qui nous a

3 amenés là en deux mille sept (2007) à une nouvelle

4 loi, nous, on proposait qu’il y ait un préambule à

5 cette loi-là pour qu’on reconnaisse dans la loi que

6 le gouvernement du Québec s’est doté depuis mil

7 neuf cent quatre-vingt-quinze (1995) d’une

8 politique d’intervention en matière de violence

9 conjugale et que ça doit guider l’ensemble des

10 interventions. On ne peut pas intervenir d’un côté

11 sur la violence conjugale et de l’autre côté en

12 protection de la jeunesse sans tenir compte de la

13 présence de ce problème-là. Et qu’on reconnaisse

14 aussi que quand on est face à de la violence

15 conjugale, il y a un auteur et une victime, on

16 n’est pas face à deux parents égalitaires dans leur

17 rôle de prendre soin de leurs enfants ou en tout

18 cas, dans leurs capacités au moment où la situation

19 est là. Ça fait que ça, je pense que c’est un

20 élément important. La politique d’intervention en

21 matière de violence conjugale puis, effectivement,

22 le dernier plan d’action qui est sorti a repris les

23 principes qu’il y avait et dans les principes, on

24 doit 1) donner priorité à la sécurité des victimes

25 et on doit aussi s’assurer de tenir compte des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 116 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 impacts de la violence sur les enfants. Ça fait que

2 moi, je pense que ça, c’est un élément.

3 Est-ce qu’il faudrait, je vous dirais que

4 je n’ai pas de réponse mais est-ce qu’il faudrait

5 pour mieux tenir compte de la présence de violence

6 conjugale et permettre aux intervenants

7 d’intervenir en violence post-séparation, ajouter,

8 comme dans le cas des sévices sexuelles et

9 physiques qu’il faut tenir compte des risques

10 importants au niveau des traumatismes

11 psychologiques? On n’a pas de réponse mais c’est

12 peut-être une question qu’il faut se poser. Par

13 ailleurs, si les gens étaient mieux formés et

14 savaient que la violence se continue, peut-être

15 qu’on n’a pas besoin d’un changement dans la loi

16 pour ça, alors moi, je pense que c’est... c’est des

17 éléments qu’il faut regarder, qu’il faut peut-être

18 aussi, faut-il prendre exemple sur la Loi sur le

19 divorce pour s’assurer qu’on s’informe de ce qui se

20 passe dans les autres tribunaux? C’est peut-être

21 une question à se poser si on réfléchit à des

22 modifications au niveau de la loi.

23 Q. [57] Et pour aller au niveau de la collaboration

24 entre les maisons d’hébergement et les services de

25 protection de la jeunesse, quels sont les freins

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 117 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 qui se présentent devant vous pour justement

2 empêcher une fluidité dans cette collaboration-là

3 qui devrait être nécessaire?

4 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

5 R. Bien je dirais que le premier frein, c’est une

6 absence d’analyse et de langage commun sur cette

7 problématique-là, si on était à la même place, ça

8 serait beaucoup plus simple de collaborer.

9 L’autre frein est le fait qu’on est souvent

10 face à une intervention d’autorité, nous ne sommes

11 pas des partenaires, nous devons répondre à, comme

12 les femmes, à des injonctions qui sont faites par

13 certains intervenants. Ça fait que je pense que ça

14 partie des choses. Donc, si on arrive à développer

15 un langage commun, si on arrive à se percevoir

16 comme des partenaires, si vous avez la chance de

17 voir nos statistiques, vous pouvez voir que dans

18 les nombreuses demandes que nous recevons, que les

19 maisons reçoivent par téléphone, par courriel, tout

20 ça, il y a un très grand nombre de professionnels

21 qui consultent les maisons, souvent pour référer

22 des femmes mais parfois pour dire : « Je suis face

23 à telle situation, qu’est-ce que je peux faire? »

24 Et ça, on est toujours prêt à mettre notre

25 expertise au service. Donc, je pense que ça aussi

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 118 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 pourrait être là.

2 On a parlé d’avoir des intervenants à

3 l’intérieur des équipes de la protection de la

4 jeunesse qui ont de l’expertise mais on peut aussi

5 collaborer à analyser des situations plus complexes

6 et à évaluer des mécanismes qui pourraient être mis

7 en place.

8 Q. [58] J’imagine aussi parce qu’on a entendu un

9 témoignage d’une personne où il y avait peut-être

10 plus de violence psychologique que de la violence

11 physique et ça, ça doit être aussi difficile à

12 comprendre parce qu’il n’y a pas de blessures à

13 notre corps mais il y a une blessure qui est tout

14 aussi importante pour la femme et pour les enfants

15 aussi, ça, j’imagine que c’est des choses sur

16 lesquelles les dommages sont aussi graves que la

17 violence physique là?

18 R. Bien oui, les conséquences de la violence

19 psychologique, c’est des femmes qui sont brisées,

20 c’est des enfants qui sont brisés, hein, l’estime,

21 toute la confiance, le rapport quand on parle dans

22 les liens mère-enfant, quand on se fait dénigrer

23 tout le temps qu’on se fait dire qu’on ne dit pas

24 la bonne chose, qu’on n’aurait pas dû dire ça au

25 professeur que : « Voyons, t’as-tu vu comment tu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 119 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 t’es même habillée pour aller à la rencontre du

2 professeur », on vient qu’à douter de tout, de ce

3 qu’on fait, de ce qu’on dit, de ce qu’on est comme

4 mère. Ça fait que c’est sûr que les conséquences de

5 la violence psychologique sont importantes et qu’un

6 enfant soit témoin du dénigrement qu’un père fait à

7 sa mère, c’est aussi ça qu’il apprend là. Donc, les

8 conséquences, puis on ne le dira jamais assez, ça,

9 ça s’appelle formation, formation, formation parce

10 qu’il faut les former les intervenants à détecter

11 ça, il faut... il faut qu’ils soient capables de

12 déceler s’il y a de la violence conjugale, c’est un

13 rapport de domination, c’est un rapport de pouvoir

14 qui est là et par la violence psychologique, c’est

15 souvent là que le plus grand pouvoir il est.

16 Mme LOUISE RIENDEAU :

17 R. Puis moi, j’ajouterais qu’on parle de plus en plus

18 du contrôle coercitif pour définir la violence

19 conjugale et le contrôle coercitif, c’est la

20 privation de liberté, liberté de s’habiller,

21 liberté de parler aux gens à qui on a besoin de

22 parler et dans... on vous parlait d’une étude qui

23 avait été faite par des chercheuses du Centre

24 jeunesse, une étude qui a été pilotée par Chantal

25 Lavergne, Sonia Élie que vous allez voir demain et

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 120 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Claire Malo qui disaient qu’effectivement, dans les

2 cas où il y a de la violence physique, on va un peu

3 plus diriger les mères vers des ressources sur la

4 violence.

5 Dans les cas de violence psychologique,

6 pas... très peu, on va, là, se mettre sur des

7 mécanismes pour améliorer les capacités parentales

8 alors que ces capacités parentales-là sont souvent

9 diminuées à cause de la présence de violence. Donc,

10 on n’attaque pas le problème à la source. Donc,

11 effectivement, c’est là où on dit : il faut de la

12 formation un peu plus fine pour que les

13 intervenants soient mieux équipés pour faire leur

14 travail.

15 Q. [59] Puis, pour le... je dirais pour le bénéfice

16 des gens qui nous écoutent, parce que c’est quand

17 même un domaine assez particulier toute la question

18 de la violence conjugale, est-ce que vous voyez

19 dans les femmes qui vont dans vos maisons des

20 retours vers le conjoint à plus d’une reprise, est-

21 ce que c’est des situations qui arrivent?

22 R. Tout à fait. J’ai les statistiques pas loin, je

23 vais vous dire mais on a, à peu près, attendez,

24 près de cinquante pour cent (50 %) des femmes,

25 c’est la première fois qu’elles viennent en maison.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 121 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Deuxième fois, vingt et un pour cent (21 %); trois

2 fois et plus, vingt-quatre pour cent (24 %). Les

3 ruptures sont souvent progressives, les femmes ont

4 besoin d’aller vérifier des choses, les femmes ont

5 espoir que monsieur va changer, il faut... il faut

6 se rappeler que chaque histoire de violence

7 conjugale et c’est, je cite à peu près texto ce qui

8 était dit dans l’émission Le monstre, a commencé

9 par une histoire d’amour et que le conjoint n’est

10 pas toujours violent à tout moment. Donc, les

11 femmes ont espoir et on peut le comprendre et

12 souvent, elles vont se faire faire des promesses

13 que oui, il y aura du changement.

14 Donc, il faut qu’elles retournent vérifier,

15 notre travail c’est de les équiper pour que chaque

16 fois, elles soient un peu plus fortes et qu’elles

17 arrivent, effectivement, à échapper à la violence

18 conjugale avec leurs enfants.

19 Mme LISE LAVALLÉE :

20 Je vous remercie beaucoup.

21 LA PRÉSIDENTE :

22 Merci. Alors, on a quelques questions à l’avant.

23 Q. [60] Moi, je continue sur la collaboration des

24 maisons d’hébergement avec la DPJ. Je comprends,

25 j’ai très bien compris ce que vous avez expliqué,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 122 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 c’est vraiment d’avoir des rapports égalitaires.

2 J’ai très bien compris que c’est important de mieux

3 expliquer aux intervenants et intervenantes leur

4 rôle et de la mission des maisons, que vous

5 suggérez aussi un plan d’intervention différent

6 pour père et mère.

7 Là, où j’aimerais votre éclairage, on a eu

8 la perception à certains moments que la

9 confidentialité entre maisons d’hébergement et DPJ,

10 que ça n’a pas servi l’intérêt de l’enfant. Alors,

11 je vous ai entendu dire que les informations qui

12 vous sont demandées sont peut-être pas toujours

13 pertinentes mais moi, j’ai besoin de comprendre

14 qu’est-ce qu’on fait pour créer un lien dans

15 l’intérêt de l’enfant entre maisons d’hébergement

16 et DPJ, pour moi, ça n’a pas été clair?

17 Mme LOUISE RIENDEAU :

18 R. Bien, je vais commencer...

19 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

20 Oui. Oui.

21 R. Mme LOUISE RIENDEAU :

22 R. Moi, je dirais que d’abord, si on était centré sur

23 le problème qui est la violence conjugale dans

24 notre cas et non pas sur les capacités parentales

25 de madame, c’est beaucoup plus facile de s’asseoir

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 123 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 ensemble et de regarder avec madame c’est quoi la

2 situation. Parce que vous savez, on n’est pas

3 seulement réticentes à donner de l’information,

4 souvent, on va, quand les femmes veulent faire un

5 signalement mais dans d’autres situations, quand

6 nous sommes inquiètes de la situation, les

7 intervenantes vont faire des signalements mais

8 elles vont le faire en informant la femme qu’elles

9 vont le faire. Bon.

10 C’est sûr qu’il peut y avoir des situations

11 d’urgence où ce qui dit : c’est tellement

12 dangereux, il faut bouger, même si on n’a pas le

13 temps de parler à madame, on va y aller. Mais je

14 pense que quand on est centré sur le vrai problème

15 puis qu’on est capable de regarder ensemble puis de

16 faire équipe t’sais c’est quoi? On est capable

17 assez facilement lever la confidentialité.

18 Nos problèmes sont souvent quand on va nous

19 demander, comme je vous disais, des informations

20 qui, franchement, n’ont pas rapport ou quand on va

21 nous dire : « Il faut que vous surveillez madame,

22 que vous nous disiez, est-ce qu’elle rentre tous

23 les soirs, est-ce que... », les maisons

24 d’hébergement, ce n’est pas des prisons et je pense

25 qu’on a le même souci que les gens en protection de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 124 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 la jeunesse, c’est de protéger les enfants de ce

2 qui se passe mais je te laisserais peut-être...

3 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

4 R. Oui, puis en fait, la confidentialité, pour avoir

5 discuté dans différents situations directement avec

6 des intervenantes, en fait, la seule chose qu’on

7 demande, c’est que s’il y a des intervenants qui

8 jugent qu’il y a une compromission, si l’enfant est

9 en danger, c’est DE nous partager un minimum

10 d’informations pour qu’on puisse comprendre la

11 raison de la demande parce que sinon on est régi

12 par une autre loi puis on pourrait être poursuivi

13 aussi. Ça fait qu’avoir un peu d’informations puis

14 moi, je l’ai redit à chacune des intervenantes avec

15 qui... des intervenants avec qui j’ai parlé, un peu

16 d’informations pour qu’on puisse faire un portrait,

17 on va la lever la confidentialité s’il y a une

18 inquiétude puis on l’évalue dans un risque-

19 homicide, les maisons d’hébergement, on donne de

20 l’information quand on est inquiètes, c’est quelque

21 chose qu’on fait puis qu’on appelle puis là, je

22 dirais de l’autre côté, nos signalements sont très

23 rarement retenus. Mais oui, on est prêt à cette

24 collaboration-là.

25 Il faut comprendre aussi que tantôt, on

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 125 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 parlait des freins à la collaboration, une

2 situation qui s’est passée dans l’année à la maison

3 d’hébergement, il y avait une femme qui avait

4 laissé ses effets personnels puis nous, on

5 n’autorise jamais d’autres intervenants à venir

6 chercher les effets personnels d’une femme qui les

7 a laissés en maison et l’intervenante de la DPJ

8 nous dire : « Bien, moi, je suis comme la police,

9 ça fait que si j’arrive, vous me les donnez. » Ça

10 n’aide pas beaucoup à la collaboration.

11 Donc, je suis certaine que nos maisons puis

12 je parle vraiment au nom des quarante-trois (43)

13 maisons qui sont membres, on a fait des efforts de

14 collaboration, on veut expliquer notre rôle, nos

15 mandats, on veut entendre les intervenants nous

16 expliquer dans quel sens ils travaillent parce qu’à

17 la base, on veut tous la même chose, on veut que

18 nos enfants soient en sécurité puis pour ça, il

19 faut aussi que les mamans soient en sécurité.

20 Mme LOUISE RIENDEAU :

21 R. J’ajouterais quelque chose. Quand on travaille en

22 prévention des homicides, on est soit face à des

23 situations où il y a un danger imminent et où on

24 peut lever la confidentialité depuis la Loi 180 là

25 qui a chan... qui a régi beaucoup d’ordres

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 126 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 professionnels et différents partenaires, on peut

2 lever la confidentialité sans l’autorisation des

3 gens.

4 Quand on est face à une situation où on

5 soupçonne qu’il y a un danger, on a besoin de

6 l’autorisation des personnes pour être capable de

7 lever la confidentialité. Je vous dirais que de

8 façon générale, il est très rare que les femmes

9 nous refusent l’autorisation de lever la

10 confidentialité et si donc, elles n’ont pas peur de

11 mesures qui vont être plus coercitives qu’aidantes,

12 on va facilement avoir l’autorisation des femmes

13 pour travailler en équipe avec les gens de la

14 protection de la jeunesse.

15 Q. [61] O.K. Merci. Donc, ce que je retiens, c’est le

16 rapport égalitaire, la reconnaissance de votre

17 expertise aussi puis ce que vous allez continuer à

18 retravailler... je comprends ce que vous

19 m’expliquez là puis de différentes lois mais de mon

20 point de vue, c’est... il est où l’intérêt de

21 l’enfant? Parce que la confidentialité depuis que

22 j’ai commencé là-dedans là, je vous avoue que j’en

23 fais de l’urticaire parce que...

24 R. Oui.

25 Q. [62] ... tout le monde est confidentiel, tout le

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 127 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 monde...

2 R. Avant même les rapports d’égalité...

3 Q. [63] ... confidentiel, confidentiel puis c’est qui

4 qu’on échappe puis là, je ne dis pas ça pour vous

5 là...

6 R. Non, non.

7 Q. [64] ... c’est mon cri du coeur depuis le début sur

8 la confidentialité, les commissaires le savent là,

9 mais je comprends que c’est de travailler à des

10 rapports égalitaires, que vous soyez capables de

11 travailler ensemble parce que je ne comprends même

12 pas qu’il n’y ait pas ce travail-là fait ensemble

13 en collaboration parce que je comprends, ce sont

14 les mamans, mais les mamans, elles ont les enfants,

15 tu sais, à un moment donné là...

16 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

17 R. Mais, est-ce que je peux vous partager une autre

18 situation. En fait, en cellule de crise, quand

19 on... il y a des enfants dans... à risque

20 d’homicide, d’infanticide, il y a tout le temps les

21 gens de la DPJ et au début là des cellules de

22 crise, ils ne voulaient pas lever la

23 confidentialité même si on était là-dedans. Moi, je

24 pense que si on se permet comme intervenants de

25 DPJ, je suis inquiète, j’en donne un peu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 128 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 d’informations, ça fait que moi, j’entends votre

2 cri du coeur, j’ai le même parce que je leur

3 demande de l’information mais la même chose que si

4 je ne donne pas d’information sur un signalement,

5 ça ne sera pas retenu là, il faut aller jusqu’au

6 bout de l’action pour le meilleur intérêt de

7 l’enfant et pour sa sécurité parce que les

8 traumatismes sont vraiment trop grands. On est prêt

9 à collaborer, il faut qu’on soit prêt des deux

10 côtés, en fait.

11 Mme LOUISE RIENDEAU :

12 R. Puis, moi, je dirais que bien avant les rapports

13 égalitaires, une bonne lecture, une lecture commune

14 de la problématique va nous permettre de travailler

15 ensemble.

16 LA PRÉSIDENTE :

17 Merci. Alors, je vais passer la parole à Michel

18 Rivard.

19 M. MICHEL RIVARD, vice-président :

20 Q. [65] Merci. Alors, d’abord même si je suis juge

21 dans une vie que j’ai mis de côté, je peux dire que

22 j’ai été très perméable à votre témoignage, j’ai

23 trouvé extrêmement intéressant et je pense que

24 beaucoup de collègues juges devraient avoir une

25 formation, une présentation de votre part, je vous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 129 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 remercie, c’était très clair.

2 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

3 R. N’importe quand.

4 Q. [66] Bon. Alors, et on va s’organiser un peu plus

5 tard. Écoutez, j’ai plusieurs questions, j’avais

6 plusieurs questions pour vous, elles ont été

7 posées, effectivement, la confidentialité là,

8 madame Laurent là, moi aussi, ça me fatigue

9 beaucoup là, personne se parle puis à un moment

10 donné, on risque d’échapper des situations, moi

11 aussi là, je commence à avoir de l’urticaire moi

12 aussi là. Alors eh voilà!

13 D’abord, je voyais... je vois votre trousse

14 là, c’est peut-être un peu d’intendance, vous avez,

15 vous nous l’avez donnée, hein, la copie de cette

16 trousse-là, c’est le dernier document là...

17 R. Oui.

18 Q. [67] ... alors, on a ça puis il y a d’autres

19 documents mais aussi parce que vous parliez du

20 document de la Colombie-Britannique...

21 R. Oui.

22 Q. [68] ... traduit, je comprends qu’on l’a aussi...

23 R. Oui.

24 Q. [69] ... les démarches fondées sur les bonnes

25 pratiques...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 130 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 R. Tout à fait.

2 Q. [70] ... alors, on en prendra connaissance et ce

3 sera déposé officiellement. Madame Arseneault, à

4 deux reprises puis j’ai peut-être mal écouté ou mal

5 compris, pourquoi vos signalements ne sont pas

6 retenus souvent, moi, ce n’est pas clair dans mon

7 esprit, j’aimerais comprendre?

8 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

9 R. Mais ce qu’on nous dit, c’est que pendant que les

10 femmes sont en maison d’hébergement, elles ne sont

11 plus avec le conjoint, donc les enfants ne sont

12 plus exposés à la violence conjugale, c’est ça.

13 Mme LOUISE RIENDEAU :

14 R. Puis des fois, on nous rajoute, bien, le risque

15 qu’ils soient exposés, on ne peut pas intervenir

16 là-dessus.

17 Q. [71] Alors moi, vous y avez répondu mais est-ce que

18 ça serait dans un monde idéal, est-ce que votre

19 recommandation serait comme dans risque sérieux

20 d’abus sexuels, risque sérieux ça veut dire forte

21 probabilité, O.K., c’est ça que ça veut dire en

22 droit...

23 R. Hum, hum.

24 Q. [72] ... alors, est-ce que dans un monde idéal,

25 votre recommandation, ce serait qu’on rajoute un

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 131 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 alinéa à 38 c) qui est les mauvais... qui sont les

2 mauvais traitements psychologiques avec la LPJ puis

3 qu’on rajoute un deuxième alinéa, forte probabi...

4 risque sérieux de mauvais traitements

5 psychologiques, est-ce que ça, ça faciliterait

6 votre travail?

7 R. Fort probablement, je ne sais pas si ça peut

8 s’appliquer à l’ensemble des traumatismes

9 psychologiques mais pour la violence conjugale,

10 certainement.

11 Q. [73] Ce que vous dites, 38 c) là, il y a une liste

12 mais elle est non exhaustive, alors si on rentre

13 dans le cadre de 38 c) puis souvent, ce que les

14 intervenants disent, c’est que quand on ne sait pas

15 quelle situation, ça rentre dans quel alinéa,

16 souvent ils disent que c’est des mauvais

17 traitements psychologiques, donc c’est assez... je

18 ne dis pas que c’est fourre-tout là mais disons que

19 ça peut englober bien des situations.

20 Dernière question. Est-ce qu’il y a des

21 délais d’attente pour les maisons d’hébergement de

22 façon générale puis combien de personnes, d’enfants

23 que ça peut englober?

24 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

25 R. Bien, au travers l’année, on a accueilli deux mille

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 132 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 (2 000) enfants, je crois, et trois mille six cents

2 (3 600) femmes, deux mille...

3 Mme LOUISE RIENDEAU :

4 R. Deux mille... deux mille huit cents (2 800) femmes

5 et deux mille deux cents (2 000) enfants mais on

6 aurait... on a refusé trois mille six cents (3 600)

7 femmes et deux mille cinq cents (2 500) enfants

8 mais il faut comprendre que une... ça c’est chaque

9 maison qui recueille ses refus. Ça se peut que la

10 femme soit, au fond, acceptée ailleurs mais il

11 reste qu’il y a des régions, Montréal, Laval,

12 l’Outaouais, Lanaudière où il y a des problèmes

13 particuliers de refus et il y a certaines villes

14 dans le Québec, Baie-Comeau, autour de Saguenay où

15 il y a... où il peut manquer de places,

16 effectivement.

17 Q. [74] Alors, il y a un manque de ressources dans

18 certaines régions...

19 R. Oui.

20 Q. [75] ... puis même dans une grande région comme

21 Montréal?

22 Mme LOUISE RIENDEAU :

23 R. Oui.

24 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

25 R. Oui, tout à fait. Si je peux ajouter quelque chose,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 133 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 en fait...

2 Q. [76] Allez-y, allez-y.

3 R. ... il y a tout... tout le volet hébergement. Il y

4 a des femmes qui ont réussi à se préserver un

5 réseau aussi qui vont loger dans de la famille, de

6 la parenté, on voit ces femmes-là, on les

7 accompagne aussi en services externes. On peut même

8 parfois rencontrer les enfants, faire des

9 accompagnements mère-enfant et ces services-là ont

10 besoin aussi d’un petit coup de pouce parce qu’on

11 est vraiment dans les maisons très préoccupées par

12 l’ampleur des demandes, ce qui est une bonne chose

13 parce qu’on détient l’expertise puis qu’on peut

14 faire un accompagnement adapté à leur réalité mais

15 je pense qu’on aurait besoin d’un petit coup de

16 pouce là-aussi.

17 M. MICHEL RIVARD, commissaire :

18 Merci.

19 LA PRÉSIDENTE :

20 Alors, on passe maintenant à André Lebon.

21 M. ANDRÉ LEBON, vice-président :

22 Q. [77] D’abord merci de donner une voix à ces femmes-

23 là parce qu’on a entendu des témoignages

24 individuels mais le témoignage individuel nous met

25 bien en contact, nous connecte avec, je dirais,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 134 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 l’impuissance, le drame, et cetera, mais on n’est

2 pas une Commission qui peut arbitrer des cas

3 individuels alors le portrait collectif que vous

4 nous donnez est d’une grande importance.

5 Moi, comme Commission, on s’intéresse aux

6 enjeux systémiques, qu’est-ce qu’on pourrait, sur

7 quoi on pourrait agir pour faire que de meilleurs

8 services et faire en sorte que... que des courts-

9 circuits systémiques ne fassent pas qu’on ait des

10 rendez-vous manqués en soutien, en aide et en

11 assistance. Dans ce sens-là, vous avez dit deux

12 petites phrases qui me préoccupent beaucoup sur le

13 système. Vous avez parlé d’un rapport qui a été

14 émis, dites-moi si je me trompe, qui semblait être

15 bien construit, contenir des recommandations et des

16 énoncés intéressants, rappelez-moi l’année?

17 Mme LOUISE RIENDEAU :

18 R. Deux mille quinze (2015), en fait, ce rapport-là

19 allait peut-être pas aussi loin qu’on aurait

20 souhaité mais avait... était une bonne base, moi,

21 je pense, pour faire des changements.

22 Q. [78] J’ai-tu bien compris que c’est en juin deux

23 mille dix-neuf (2019), suite à je ne sais pas quoi,

24 que le ministère a demandé : « Où en êtes-vous? »

25 Est-ce que j’erre...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 135 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 R. Non, non.

2 Q. [79] ... ou est-ce que j’ai bien compris?

3 R. Bien, en tout cas, nous, ce qu’on a vu, c’est

4 effectivement, une lettre partant du ministère

5 demandant aux directions de la protection de la

6 jeunesse qu’est-ce qu’ils avaient fait pour mettre

7 en oeuvre ce rapport et mettre en place des

8 mécanismes de concertation avec les maisons d’aide

9 et d’hébergement.

10 Q. [80] Puisqu’on est dans le systémique, dernière

11 question. Si on fait l’autopsie de cet... de ce

12 non-suivi, vous l’expliquez comment?

13 R. Bien, écoutez, je pense qu’il y avait d’une part

14 d’autres priorités parce qu’on était à l’époque de

15 la réforme de la santé et des services sociaux et

16 d’autre part tout le monde a changé de chaise.

17 Alors, je pense que la vision du ministère

18 c’était : ça ne donne rien qu’on envoie ça parce

19 qu’on ne sait pas encore qui est responsable et

20 comme je disais, nous, quand nos maisons sont

21 allées cogner à la porte des nouveaux CISSS et des

22 nouveaux CIUSSS, on ne savait pas à qui s’adresser

23 parce qu’effectivement, les gens, ça a été long

24 dans certains endroits pour qu’on nomme les gens

25 responsables.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 136 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Il y a dans toutes les CISSS et les CIUSSS

2 des gens qui sont responsables du dossier de la

3 violence conjugale bien dans certains cas, ça ne

4 fait pas très longtemps qu’ils ont été nommés. Ça

5 fait que c’est la même chose dans d’autres

6 secteurs.

7 LA PRÉSIDENTE :

8 Ça va toujours bien, André?

9 M. ANDRÉ LEBON, vice-président :

10 De mieux en mieux.

11 LA PRÉSIDENTE :

12 De mieux en mieux. On continue avec Jean-Marc

13 Potvin.

14 M. JEAN-MARC POTVIN, commissaire :

15 Q. [81] Alors merci pour votre témoignage très

16 éclairant. Il y a deux choses qui retiennent

17 particulièrement mon attention puis sur lesquelles

18 je voudrais vous entendre davantage là. La première

19 c’est avant d’amener la première que vous avez

20 soulevée, je vous situer le contexte. C’est que

21 vous avez parlé des conflits graves de séparation,

22 vous avez parlé d’aliénation parentale, vous avez

23 parlé de séparation où après la séparation, on ne

24 parle plus de violence conjugale mais on parle

25 davantage de conflits.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 137 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Les intervenants puis semble-t-il, de plus

2 en plus sont pris dans ce genre de choses-là, il y

3 a là toute une complexité et puis une complexité

4 puis une intervention extrêmement difficile dans

5 les dynamiques qui sont difficiles à percevoir, qui

6 sont souvent sous-jacentes aux conflits. Parfois,

7 il y a des conflits réels qui ne sont pas reliés à

8 des antécédents de violence, parfois il y a des

9 conflits alimentés par la violence, vous avez

10 utilisé les termes « violence coercitive » ou

11 « contrôle coercitif », vous avez fait référence

12 aussi à des outils peut-être qui permettent de

13 différencier ça.

14 Je ne suis pas certain que ces outils-là

15 soient bien connus dans les milieux de pratique

16 puis ça me semble assez fondamental d’être capable

17 d’éclairer ce genre de dynamique-là qui sont sous-

18 jacentes aux conflits ou de bien comprendre la

19 nature des conflits parce que les positionnements

20 peuvent être forts différents puis là peut-être

21 qu’il y a de la complexité parce que c’est très

22 souterrain, dans le fond, ce qui se passe dans ce

23 genre de conflits-là, ça fait que j’aimerais ça

24 vous entendre là-dessus.

25 La deuxième chose sur laquelle j’aimerais

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 138 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 vous entendre, c’est vous avez parlé au moment où

2 une femme, par exemple, se retrouve dans un refuge,

3 dans un maison d’hébergement, souvent, en fait,

4 avant même qu’elles soient rendues là, quand le

5 signalement arrive et que l’intervenant se

6 présente, il va donner un ultimatum à la mère, soit

7 vous allez à la maison d’hébergement, soit vous

8 quittez votre mari, dans le fond, ou votre conjoint

9 ou soit on vous retire l’enfant.

10 Là, évidemment, la DPJ est soucieuse de la

11 sécurité de l’enfant dans ce contexte-là, vous avez

12 dit : « Pour les femmes, c’est un processus, ce

13 n’est pas quelque chose qui se fait comme ça, ça

14 met une pression énorme sur la femme puis ça la

15 responsabilise », c’est le même phénomène qui fait

16 que quand le sign... vous signalez alors que la

17 femme est en maison d’hébergement, on ne retient

18 pas nécessairement parce qu’on dit : « Bien, la

19 mère assume la protection de son enfant », dans le

20 fond, elle a pris les moyens.

21 Alors, il y a quelque chose dans ça aussi

22 sur comment on pourrait travailler différemment

23 ensemble, DPJ et maison d’hébergement pour être

24 davantage en alliance dans ce processus-là que

25 doivent vivre les femmes d’une part puis il y a un

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 139 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 peu de fragilité là parfois de la démarche qui peut

2 poser des enjeux de sécurité pour les enfants, en

3 fait, du point de vue de la DPJ, si la DPJ était

4 ici, ils viendrait dire : « Bien, les enfants ne

5 peut pas demeurer au domicile parce qu’il y a un

6 danger pour l’enfant là », ça fait qu’il y a une

7 décision à prendre là. Alors, comment gérer ces

8 risques-là aussi en tant que tels? Il y a plusieurs

9 questions dans ma question là.

10 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

11 R. Oui, bien, je vais commencer par le premier... au

12 niveau des conflits, les hauts conflits et la

13 violence conjugale. C’est sûr que dans notre

14 trousse, on a plein de beaux matériels, on a fait

15 au Regroupement des outils à l’intention des

16 intervenants, avec des critères bien clairs pour

17 dissocier c’est quoi un conflit de la violence

18 conjugale. On aurait pu aller le présenter si on

19 avait été capable d’entrer en relation et de, puis

20 on se disait : bien, oui, aller offrir la

21 formation, je pense qu’il y en a besoin puis les

22 outiller parce que les intervenants, ils ne le

23 savent pas, ils ne connaissent pas ça ces... ils

24 ont besoin d’accompagnement eux-autres aussi puis

25 ils ont besoin d’information. C’est vrai que des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 140 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 fois, les limites sont minces mais avec les quatre

2 critères, avec les mises en situation qu’on a mises

3 dans nos documents, rappelle-moi, Louise, comment

4 qu’il s’appelle la violence conjugale, c’est

5 plus...

6 Mme LOUISE RIENDEAU :

7 R. On a deux documents pour...

8 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

9 R. ... des repères pour mieux intervenir.

10 Mme LOUISE RIENDEAU :

11 R. Oui.

12 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

13 R. Mais en fait, c’est vraiment intéressant puis à

14 chaque fois que je l’ai présenté ce document-là, on

15 le présente aux policiers, on le présente à des

16 intervenants du CISSS, on les présente dans les

17 intervenants des ressources communautaires, c’est

18 très éclairant. Donc, oui, la formation parce qu’il

19 y a un enjeu là.

20 C’est sûr qu’à partir du moment où il y a

21 une situation qui est critique puis que les enfants

22 ont besoin maintenant de sécurité, il faut agir

23 puis ça, les maisons, on est d’accord avec ça,

24 c’est dans la façon, des fois, c’est de permettre à

25 nos intervenants de développer, c’est souvent,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 141 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 malheureusement, des très jeunes intervenants,

2 intervenantes puis qui ont peu d’expérience, ça

3 demande un doigté particulier, je pense, quand on

4 arrive là-dedans, aller chercher l’adhésion, la

5 motivation, ça se fait, ça se fait avec les femmes,

6 on le fait assez régulièrement mais on est aussi

7 d’avis qu’il faut agir pour la sécurité.

8 Mme LOUISE RIENDEAU :

9 R. Moi, j’ajouterais sur la question des conflits, la

10 question de l’aliénation parentale et de tout ça,

11 écoutez, quand on... tous les couples ont des

12 conflits et ça serait assez malsain qu’un couple

13 n’en ait jamais. Donc, c’est assez... mais

14 habituellement, quand on vit un conflit, on n’a pas

15 peur, on n’a pas peur de dire ce qu’on a à dire, on

16 n’a pas peur des conséquences de la discussion,

17 peut-être que le conjoint, il va être désagréable,

18 il va bouder, mais on n’aura pas des conséquences

19 graves. Quand on vit de la violence conjugale, on a

20 peur de ce qui va arriver, déjà c’est un indicateur

21 assez parlant, puis effectivement, il y a des

22 outils qui existent, ont dû en développer d’autres,

23 on peut aller plus loin, il faut... il faut aider

24 les gens parce que c’est vrai que c’est complexe.

25 Pour ce qui est de la question du danger

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 142 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 quand on dit : « Madame, vous devez aller en maison

2 d’hébergement », comme dit Chantal, tout est dans

3 la manière. Je pense que la première chose, c’est

4 d’évaluer avec la femme qu’est-ce qu’elle a fait à

5 venir jusqu’à maintenant pour protéger ses enfants,

6 quel scénario de sécurité, de protection, on

7 pourrait mettre en place pour l’aider à les

8 protéger encore mieux? Parce que des fois, partir,

9 c’est se mettre plus en danger ou c’est laisser les

10 enfants, comme on disait, seuls avec le père, qui

11 vont être plus en danger.

12 Donc, à partir du moment où se met dans

13 cette posture-là avec les femmes, c’est beaucoup

14 plus facile de les amener à demander de l’aide.

15 Plusieurs, même si, pour nous, ça semble

16 incompréhensible, beaucoup de femmes ne savent pas

17 qu’il y a des maisons d’hébergement, beaucoup de

18 femmes pensent que c’est des prisons où on va les

19 obliger à divorcer, ce n’est pas ça mais je pense

20 qu’il faut... il faut se donner la peine

21 d’accompagner et de partir des forces que les

22 femmes ont parce qu’en violence conjugale, en

23 général, comme on disait, elles se sont beaucoup

24 activées pour se protéger et pour protéger les

25 enfants.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 143 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Si on construit à partir de ça, c’est bien

2 plus facile d’amener la femme à consulter, aller

3 chercher de l’aide et à cheminer vers une sortie de

4 la violence...

5 Q. [82] Ces scénarios-là de protection, par exemple,

6 est-ce qu’ils sont élaborés en concertation avec la

7 DPJ ou est-ce que ça devrait se faire davantage?

8 R. Il pourrait l’être car en général, en tout cas,

9 dans les maisons, on en fait toujours avec les

10 femmes ou quand une femme décide de retourner avec

11 son conjoint et tout ça, on va faire des scénarios

12 mais il pourrait l’être, tout à fait, plus... plus

13 fait.

14 M. JEAN-MARIE POTVIN, commissaire :

15 Merci.

16 LA PRÉSIDENTE :

17 Merci.

18 Q. [83] Avant de passer la parole à Jean-Simon

19 Gosselin, vous avez dit tantôt, Michel Rivard a

20 fait référence au document que vous nous avez

21 apporté, qui va être déposé et suite à la question

22 que soulevait André Lebon, on a ... on a la lettre,

23 effectivement, vous l’avez déposée. Alors, c’est

24 une lettre qui parle de la recommandation de la

25 Commission des droits de la personne et des droits

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 144 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 de la jeunesse qui a émis cette recommandation en

2 deux mille quinze (2015), suite au décès d’une

3 petite fille de trois ans...

4 Mme LOUISE RIENDEAU :

5 R. La Commission a émis ça cette année.

6 Q. [84] Le décès, par exemple, c’était deux mille

7 quinze (2015), c’est ce qu’on comprend mais

8 l’information qu’on a, c’est que ça vient quand

9 même d’une recommandation de l’hiver deux mille

10 quinze (2015). Alors, à l’hiver deux mille quinze

11 (2015), la Commission des droits de la personne et

12 des droits de la jeunesse demandait déjà que le

13 ministère de la Santé et services sociaux s’assure

14 de faire une collaboration, de faciliter les choses

15 entre DPJ et les maisons d’hébergement dans toutes

16 les régions du Québec...

17 R. Mais en tout cas...

18 Q. [85] ... et vous êtes encore aujourd’hui en train

19 de nous parler de, on est en deux mille dix-neuf

20 (2019)...

21 R. Oui.

22 Q. [86] ... en train de nous parler d’une meilleure

23 collaboration...

24 R. Oui.

25 Q. [87] ... il s’est passé quoi entre deux mille

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 145 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 quinze (2015) et deux mille dix-neuf (2019)?

2 R. Ça... je vous dirais que ça peut dépendre des

3 régions. Il y a des régions où les gens se sont

4 parlés. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, la

5 maison La Chambrée a réussi à aller rencontrer de

6 façon régulière le Centre jeunesse mais ce n’est

7 pas une pratique qui a pu se mettre en place dans

8 toutes les régions du Québec.

9 LA PRÉSIDENTE :

10 Merci pour la précision, on continue avec Jean-

11 Simon Gosselin

12 M. JEAN-SIMON GOSSELIN, commissaire :

13 Q. [88] Oui - je pense je vais mettre un tape dessus.

14 Je m’excuse. - Il y a une politique sur

15 l’intervention depuis vingt-cinq (25) ans, c’est ça

16 que vous avez dit? Est-ce qu’il y a des données

17 fiables sur la prévalence de la violence dans les

18 couples? Je comprends, comme vous l’avez si bien

19 dit là, des discussions, est-ce que...

20 Mme LOUISE RIENDEAU :

21 R. Malheureusement, non, parce qu’il y a toutes sortes

22 de données. En fait, il y a Statistique Canada qui

23 fait des données autodéclarées mais qui sont assez

24 contestées tant par le milieu de la recherche que

25 par les groupes comme les nôtres parce que ça

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 146 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 laisse croire qu’il y a autant de violence exercée

2 à l’endroit des hommes qu’à l’endroit des femmes,

3 ce qui n’est pas le cas puis quand on... quand on

4 fait une lecture fine de ces statistiques-là, on

5 voit que les femmes sont davantage victimes de

6 crimes graves, séquestration, agressions sexuelles,

7 qu’elles ont davantage de conséquences, donc ça

8 confirme le fait qu’on ne peut pas penser qu’il y a

9 une symétrie.

10 Au Québec, les statistiques avec lesquelles

11 on travaille de façon générale sont les

12 statistiques du ministère de la Sécurité publique

13 qui demande à l’ensemble des services de police de

14 déclarer combien d’interventions ils ont faits en

15 violence conjugale mais et on est rendu, les

16 dernières statistiques auxquelles on a accès datent

17 de deux mille quinze (2015), on est dans ça à dix-

18 neuf mille (19 000) plaintes pour violence

19 conjugale. Mais il faut voir que ça ne représente

20 pas l’ensemble de la situation parce que la

21 violence conjugale est un crime qui est sous-

22 dénoncé, on parle d’à peu près trente, trente-cinq

23 pour cent (30 - 35 %) des situations qui pourraient

24 amener à une accusation là, donc on ne parle pas de

25 la violence psychologique, qui sont dénoncés. Donc,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 147 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 c’est très difficile.

2 Nous, on n’a pas nécessairement le

3 sentiment qu’il y en a plus ou qu’il y en a moins.

4 Ce qu’on sait et qui est une bonne nouvelle, c’est

5 que les jeunes femmes sont nombreuses à aller à la

6 police et c’est que nous, on voit qu’elles nous

7 demandent de l’aide beaucoup plus rapidement.

8 Dans les années quatre-vingt (80), les

9 femmes pouvaient endurer la violence pendant quinze

10 (15) ans, vingt (20) ans, trente (30) ans. Je

11 regardais... je regardais nos statistiques, au

12 fond, on a à peu près cinquante-cinq pour cent

13 (55 %) des femmes qui nous demandent de l’aide dans

14 les cinq premières années de l’union, alors ça,

15 c’est une bonne nouvelle.

16 Q. [89] Une dernière question. C’est très... très

17 intéressant ce que vous nous dites mais quelle est

18 l’offre pour les auteurs de cette violence-là,

19 l’offre de service d’aide, si vous êtes au fait de

20 ça?

21 R. Bien, il existe à travers le Québec une... je crois

22 que c’est une trentaine d’organisations qui

23 interviennent auprès des conjoints ayant des

24 comportements violents. Peu interviennent dans la

25 perspective paternelle dont je parlais là avec le

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 148 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 programme « Caring Dads » mais il existe quand même

2 une trentaine d’organisations et normalement, les

3 services de premières lignes du réseau de la santé

4 et des services sociaux pourraient offrir ces

5 services-là.

6 Là aussi, parfois, le problème qu’on a,

7 c’est un manque de formation, de savoir-faire. On

8 se retrouve parfois avec des intervenants et des

9 intervenantes qui eux-mêmes ont peur des conjoints

10 qui ont des comportements violents. Donc il faut

11 les outiller, il faut les supporter dans ce

12 travail-là.

13 M. JEAN-SIMON GOSSELIN, commissaire :

14 Merci...

15 R. Mais je pense que les groupes conjoints violents

16 peuvent le faire.

17 M. JEAN-SIMON GOSSELIN, commissaire :

18 Merci.

19 LA PRÉSIDENTE :

20 Ça va. Alors, voilà! Merci, merci infiniment,

21 Mesdames, pour votre témoignage, ça a été clair,

22 structuré, je pense que ça nous donne beaucoup de

23 réflexions et de débats entre nous. Merci beaucoup

24 et continuez votre excellent travail. Merci.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 149 -

Regroupement des maisonspour femmes victimes

de violence conjugale

1 Mme LOUISE RIENDEAU :

2 Ça nous a fait plaisir.

3 Mme CHANTAL ARSENEAULT :

4 Merci beaucoup.

5 LA PRÉSIDENTE :

6 Alors, nous allons ajourer dix minutes (10 min) le

7 temps d’installer l’autre témoin. Merci

8 SUSPENSION DE L’AUDIENCE

9 REPRISE DE L’AUDIENCE

10 _____________________

11 LA PRÉSIDENTE :

12 Merci. Alors, on accueille maintenant madame Hélène

13 Dénommé, qui a travaillé pendant trente (30) ans

14 pour les Services de protection de la jeunesse et

15 qui travaille depuis peu pour les services en

16 première ligne des CISSS. Son témoignage devrait

17 nous permettre notamment de traiter des conditions

18 de pratique et de la charge de travail des

19 intervenants et intervenantes en Protection de la

20 jeunesse, de même que leur impact sur le devenir de

21 nos jeunes. Alors, Madame Denommé, on a à peu près

22 une heure (1 h) ensemble. On vous a suggéré une

23 présentation d’une quinzaine de minutes. Ensuite,

24 discussion avec les commissaires.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 150 -

Hélène Denommée

1 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

2 Parfait.

3 LA PRÉSIDENTE :

4 Avant de demander au greffier de vous faire

5 témoigner, je veux vous dire un grand, grand merci.

6 Vous cassez la glace comme intervenante. Je

7 souhaite ardemment que des intervenants et

8 intervenantes soient nombreuses à venir nous parler

9 à la Commission. Nous avons fait le choix de donner

10 la parole aux jeunes dans nos premières audiences.

11 La Commission ne saurait terminer ses travaux sans

12 entendre les intervenants et intervenantes qui sont

13 sur le terrain, qui accompagnent les jeunes, qui

14 accompagnent les familles. Alors, je souhaite

15 qu’au-delà des messages qui vous incitent à

16 l’omerta, que vous aurez le courage professionnel

17 de venir nous parler. Encore merci, Madame Dénommé,

18 et je vais demander au greffier de vous

19 assermenter.

20 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

21 Merci.

22

HÉLÈNE DÉNOMMÉ,23

24 (Sous serment)

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 151 -

Hélène Denommée

1 LA PRÉSIDENTE :

2 Merci. La parole est à vous.

3 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

4 Je suis contente de casser la glace, finalement.

5 Puis j’avais hâte, effectivement, de venir. Je vous

6 dirais que comme à chaque fois qu’un intervenant

7 social passe au Tribunal on plaide dans notre tête

8 finalement la veille du Tribunal. Ça fait que je

9 vous dirais que ça fait à peu près deux semaines

10 que je vous parle dans ma tête, je ne suis plus

11 capable, j’ai... Comme contente de vous parler en

12 vrai puis qu’on finisse, d’une certaine manière.

13 J’ai moi-même beaucoup posé de questions à

14 des intervenants dans mon milieu pour savoir

15 qu’est-ce qui faisait que... j’étais comme étonnée.

16 De un, les intervenants avaient l’impression qu’ils

17 n’avaient pas le droit de venir témoigner. Alors

18 que pour moi, je me disais : bien non, c’est une

19 place justement où on a quelque chose à dire et il

20 faut le dire. On veut que des choses changent, mais

21 je pense qu’il y a une partie où les intervenants

22 sociaux, on est un peu... on travaille dans l’ombre

23 ou on n’aime pas trop ça, on n’est pas des

24 revendicateurs au niveau syndical. C’est pas nous

25 autres qui va sortir sur la rue, c’est pas très...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 152 -

Hélène Denommée

1 bon. Ça fait que je me demande s’il n’y a pas une

2 réserve par rapport à ça. Mais oui, dans mon

3 milieu, je me suis fait dire à un moment donné :

4 « T’as-tu parlé à ton syndicat avant d’y aller? »

5 Puis là, je me disais : je ne sais pas pourquoi. Il

6 me semble que j’ai pas à parler à mon syndicat pour

7 ça, mais bref, effectivement, il y a comme une peur

8 de.

9 Peut-être que je viens puis je brise la

10 glace parce que je m’en vais bientôt à la retraite,

11 ça fait que je vais être... je vais être correcte

12 par rapport à ça. Mais en quelque part, je pense

13 que les intervenants ont peur pour rien, parce que

14 j’ai pas senti de la part des chefs de service une

15 crainte à ce que je vienne parler de ce qui se

16 passe, dans le fond, dans le milieu.

17 Première chose que je voulais parler,

18 évidemment, c’est la charge de cas, la charge de

19 travail, les conditions de pratique. C’est sûr que

20 les Laurentides, on est une région pauvre. On était

21 déjà pauvres. À un moment donné, ils ont fait plein

22 de coupures, puis après, on est devenus encore plus

23 pauvres, puis là, il y a eu la réforme Barrette, ça

24 fait que je pense qu’on s’est appauvris

25 constamment.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 153 -

Hélène Denommée

1 Juste comme exemple de l’impact que ça a pu

2 avoir chez les enfants c’est sûr qu’au niveau...

3 j’ai travaillé pendant cinq ans à l’accès à

4 l’hébergement. Puis à l’hébergement, dans le fond,

5 il n’y a pas beaucoup de places en réadaptation, ça

6 fait que c’est sûr que quand il y avait des

7 demandes d’hébergement, il fallait tout faire,

8 évidemment, je vous dirais pour ne pas faire entrer

9 les jeunes en réadaptation. C’est sûr qu’il faut

10 toujours réfléchir quand il y a un placement,

11 retrait du milieu familial. Il ne faut pas faire un

12 placement pour faire un placement. Ça fait que

13 c’est sûr qu’on questionnait ça, mais hormis ça, on

14 le questionnait beaucoup, beaucoup, beaucoup pour

15 arriver à faire en sorte qu’il y ait moins

16 d’enfants qui soient placés parce qu’à un moment

17 donné, on n’en avait pas, de places.

18 Il y a des enfants, à un moment donné,

19 qu’on a été obligé d’aller confier dans des foyers

20 de groupe ou des familles d’accueil à Joliette,

21 dans Lanaudière, à l’Outaouais. Il y a une jeune

22 qu’on a envoyée à un moment donné en encadrement

23 intensif à deux reprises sur la Côte-Nord. On a des

24 jeunes qu’on envoyé en encadrement intensif aussi

25 dans l’Outaouais. Par manque d’hébergement, par

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 154 -

Hélène Denommée

1 manque de place; c’est comme un peu fou. Ça fait

2 que donc je me dis que c’était pas la meilleure

3 façon de faire, mais à un moment donné, on n’avait

4 pas de moyens.

5 Pendant la semaine de relâche, on essayait

6 de faire en sorte que mettons des enfants qui sont

7 partis pendant une semaine de temps en vacances en

8 congé chez leurs parents, bien, dans le fond, on

9 essayait de mettre un autre enfant sur le lit de ce

10 jeune-là pendant qu’il est parti, parce qu’à

11 travers ça, on sait qu’il y a un autre enfant qui

12 va repartir le mercredi, ça fait qu’il va pouvoir

13 prendre sa place. Ça fait que c’était comme si on

14 essayait d’inventer n’importe quoi pour subvenir,

15 dans le fond. Mais je sais que ça a eu comme...

16 c’est pas évident, dans le fond, comme contexte. Ce

17 que je veux dire, c’est que je pense que dans les

18 Laurentides, effectivement, ils ont eu besoin... on

19 aurait eu besoin d’avoir plus de place en

20 hébergement, en foyer de groupe puis en famille

21 d’accueil.

22 Puis on avait aussi, à un moment donné, un

23 manque d’intervenants, qui fait que... ou un manque

24 d’argent, je dirais. Il y a eu une décision de

25 faire en sorte que des intervenants qui évaluaient

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 155 -

Hélène Denommée

1 des familles d’accueil puissent s’en aller, ces

2 intervenants-là, aller faire des expertises

3 psycholégales au lieu que ce soit donné à des gens

4 extérieurs, parce que ça coûte des sous. Ça fait

5 que ça a fait qu’à un moment donné, pendant

6 longtemps, il n’y a plus de recrutement de famille

7 d’accueil. Ça fait que comprenez-vous que c’est

8 comme si on était en manque d’argent, puis en étant

9 en manque d’argent, bien finalement, je pense que

10 la direction essaye de tirer tout ce qu’elle peut,

11 mais bon.

12 Il y a eu aussi dernièrement, par manque de

13 budget, des abolitions d’éducateurs en externe. Ça

14 s’est soldé... quand je parle à mon ancienne équipe

15 à l’accès à l’hébergement, ce qu’ils me disent,

16 c’est que c’est sûr que ça a eu un impact sur les

17 placements. Il y a eu tout à coup plus de

18 placements. Et là, les Laurentides ont dû... ils

19 ont créé deux nouvelles unités, ils ont même à un

20 moment donné pris les bureaux d’administration

21 d’Uberdo pour en faire des chambres en mettant des

22 lits superposés. Ça fait que c’est comme si tout

23 ça, c’est des impacts de... ils ont coupé des

24 postes d’éducateurs spécialisés, ça fait que dans

25 le fond, ils coupent à des endroits, mais ça re-

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Hélène Denommée

1 pète ailleurs, ça fait que c’est pas mieux.

2 Ça fait que bref c’est sûr que je vous

3 dirais que la première recommandation, c’est :

4 pouvons-nos donner de l’argent aux Laurentides?, je

5 vous dirais. Puis moi, il y a quelque chose que je

6 ne comprends pas au niveau politique, là. Je ne

7 sais pas qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné,

8 dans les Laurentides ils n’arrêtent pas de nous

9 dire qu’on est une région où il y a de plus en plus

10 de familles, de plus en plus d’enfants, de plus en

11 plus de jeunes, mais que le budget ne vient pas

12 avec. Mais alors qu’il y a d’autres régions où en

13 Montérégie, il y a de moins en moins d’enfants,

14 mais ils ont toujours le même budget ou même à

15 Montréal. Ça, c’est quelque chose au niveau de

16 l’équité que moi, je ne comprends pas au niveau

17 politique. Mais bonm ça a quand même un impact sur

18 les enfants.

19 Quand on est devenu un CISSS, dans le fond,

20 c’est comme si la pauvreté dans les Laurentides est

21 de toutes les organisations. Alors quand tout à

22 coup, on est devenu un grand CISSS, les gens qui

23 travaillaient pour les DITSADP, là, déficience

24 intellectuelle, troubles du spectre de l’autisme et

25 même ceux en pédopsychiatrie disaient : « Yé! On va

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 157 -

Hélène Denommée

1 avoir accès à des unités d’hébergement en centre de

2 réadaptation. » Ce qu’on a essayé de faire. On a

3 essayé de les dépanner, on a essayé de... on

4 faisait des fois des moments d’arrêt d’agir avec

5 des jeunes TSA qui pétaient dans leur famille ou

6 dans les foyers de groupe, puis on faisait des

7 petits cinq jours de stabilisation en centre

8 d’accueil. On essayait de les aider. Il y a

9 certains jeunes TSA qu’on a hébergés, qu’on a été

10 capable parce qu’ils étaient à un niveau quand même

11 de fonctionnement adéquat.

12 Mais c’est arrivé qu’à un moment donné, on

13 n’a comme pas le choix, puis on est comme poussé

14 par les différentes directions en disant : il faut

15 placer un jeune. On a placé... il y a eu un jeune

16 TSA qui a été placé dans une unité. On trouvait ça

17 inadéquat, mais bon, il a été placé dans une unité

18 avec des délinquants. Alors le... dans une unité de

19 délinquants fugueurs. C’était une unité ouverte,

20 c’était pas une unité fermée, mais il y avait

21 beaucoup de fugueurs dans la gang. Alors, les

22 fugueurs sont partis en gang à un moment donné avec

23 le TSA parce que c’était juste drôle de l’amener

24 avec eux, je ne le sais pas, ils l’ont amené avec

25 eux. Puis à un moment donné, en cours de route,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 158 -

Hélène Denommée

1 pendant la fugue, il s’est avéré être un poids

2 lourd pour eux autres, ça fait que finalement ils

3 l’ont... ils l’ont dompé dans le bois et le jeune a

4 été retrouvé deux jours plus tard par les

5 policiers. Parce qu’une fois que la gang est

6 partie, lui, il a arrêté là. Il n’a plus bougé. Il

7 a attendu qu’on aille le chercher.

8 Ça fait que c’est plein de situations où je

9 me dis : ça n’a pas de sens, ça n’a pas de sens

10 qu’on soit rendu là, mais c’est ça, la réalité, du

11 fait qu’on a trop de dossiers, pas assez

12 d’hébergement et tout.

13 Il y a une image que je veux amener. À un

14 moment donné, il y a une psychologue qui me disait

15 que travailler au Protection de la jeunesse, c’est

16 comme - vous allez trouver ça drôle comme

17 comparatif, mais quand même... - c’est comme si on

18 est des chasseurs de mammouths, dans la mesure où

19 c’est comme... toutes les personnes qui travaillent

20 pour la Protection de la jeunesse, il y a quelque

21 chose où on le fait pour les enfants, puis il y a

22 quelque chose aussi... je pense qu’on aime cette

23 espèce d’adrénaline là un peu loufoque de : tu ne

24 sais si pas si tu vas t’en aller, tu vas cogner à

25 une parte, tu sais pas qu’est-ce qui va se passer

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 159 -

Hélène Denommée

1 en arrière, bon. Puis d’autres fois il faut que

2 t’ailles au Tribunal pour débattre d’un point pour

3 la vie d’un enfant. Puis il y a quelque chose est

4 de l’adrénaline là-dedans, qui est l’fun. Ça fait

5 que c’est pour ça qu’elle parlait de chasseur de

6 mammouths, parce que quand t’as tué un mammouth,

7 t’es assez content.

8 Sauf que ce qu’elle disait, c’était : votre

9 problème, c’est que vous n’êtes pas capable, comme

10 les chasseurs de... ou vous n’avez pas le temps,

11 là. En fait, ce qu’elle disait c’est : les

12 chasseurs de mammouths, ils se préparent à une

13 chasse, ils se préparent, ils la planifient, ils

14 s’en vont à la chasse. Puis une fois qu’ils ont tué

15 le mammouth, bien, ils se ramènent au village, puis

16 alentour du feu, ils vont rejaser pendant une

17 soirée, deux soirées, trois soirées, de la chasse

18 au mammouth. Ah, puis moi, je l’ai vu de même, puis

19 quand il est apparu par là, puis toi tu l’as vu,

20 puis ta-ta-ta. Ça fait qu’ils font des

21 « debriefing » constamment. Puis elle, elle disait

22 dans le fond : à la Protection de la jeunesse, vous

23 êtes toujours en train de vivre des moment

24 « heavy » parce que c’est « heavy », c’est

25 stressant. On a beau aimer l’adrénaline, c’est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 160 -

Hélène Denommée

1 épuisant au niveau de l’énergie, quand même. Ça

2 fait qu’elle disait : « Vous vivez tout ça, puis

3 vous redescendez pas. Vous faites pas le

4 debreifing, vous ne vous assoyez pas, vous ne

5 faites pas... » On fête le mammouth qu’on a tué

6 alentour du feu puis on n’en parle pas, puis le

7 lendemain, bien, tu repars sur un autre dossier.

8 Puis effectivement, ce cycle-là, je me dis,

9 il y a quelque chose d’inhumain là-dedans. Il y a

10 quelque chose de difficile, puis je pense qu’à un

11 moment donné, peut-être que la direction ne le

12 comprend pas tout le temps parce qu’on est tout le

13 temps là-dedans. Mais il y a quelque chose, il faut

14 que ce soit... il faut qu’on ait du temps pour

15 vivre les choses puis les faire bien aussi. Parce

16 qu’à un moment donné je pense qu’à la Protection de

17 la jeunesse on est des gens qui opèrent, je pense

18 qu’on est assez efficaces. C’est comme on gère des

19 grosses situations. Mais des fois, je pense qu’il

20 va falloir qu’on se donne un frein, qu’on

21 ralentisse, qu’on soit capable de se dire : on

22 peut-tu y penser un petit peu plus avant de se

23 « pitcher »? On peut-tu avoir le temps de

24 réfléchir, d’en parler avec d’autres avant de

25 partir à la chasse au mammouth ou avant d’aller

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 161 -

Hélène Denommée

1 faire une intervention? Puis une fois qu’on a fait

2 l’intervention, on peut-tu s’arrêter puis en parler

3 avant de passer à une autre intervention? Ce

4 rythme-là, je pense que c’est infernal.

5 Je trouve ça fou d’entendre les

6 intervenants, puis on aime tous notre job, là, puis

7 on la fait, puis je pense qu’on la fait bien, là,

8 mais d’entendre des intervenants qui... à chaque

9 fois qu’ils reviennent de vacances vont dire : « A

10 matin, ça ne me tentait pas, j’avais comme mal au

11 coeur; hier, j’avais le stress de même ». T’sais,

12 comme si tout à coup, quand les personnes partent

13 en vacances pendant un mois, ils se déposent. Puis

14 là, tout à coup, quand ils reviennent, ils

15 réalisent. Mais après trois jours, tu rembarques

16 dans le « beat », là. Mais c’est comme un peu fou,

17 quand même. Ça fait que ça, je trouve que c’est à

18 prendre en considération, ce mammouth-là.

19 Alors là, je vais y aller n’importe

20 comment. J’essaye de suivre ma feuille, mais c’est

21 pas clair que ça va y aller de même, là. C’est bon,

22 c’est bon. Ça, c’est une autre chose. C’est sûr que

23 dans le grand CISSS on est arrivé à une

24 centralisation des services. C’est sûr que c’est

25 une question d’économie, de dire maintenant toutes

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 162 -

Hélène Denommée

1 les ressources informatiques, toutes les

2 ressources... mais bon. Je peux quand même vous

3 dire que ça fait trois semaines et demie... non,

4 cinq semaines que je suis arrivée au CLSC. J’ai pas

5 de bureau, j’ai pas de téléphone, j’ai pas

6 d’ordinateur. Je parle à du monde au téléphone en

7 leur disant : « Bien, rappelez-moi, je ne sais pas

8 trop dans quel numéro ». Ça, ça fait partie des

9 centrations, et je vous dirais que les deux

10 premières semaines arrivées au CLSC, j’ai passé

11 combien d’heures à entendre une musique d’ascenseur

12 parce que j’appelais à l’informatique pour peut-

13 être que le laptop puisse marcher, pour qu’au moins

14 quand je sois sur un autre ordinateur, je puisse

15 avoir l’icône qui va me donner accès au travail que

16 j’ai à faire au CLSC. Puis après ça, de pouvoir

17 avoir le système informatique dans lequel je vais

18 rentrer mes données. Ça fait que bref... puis

19 chaque affaire est compartimentée, là. C’est comme

20 t’appelles pour le laptop, c’est une chose. Tu dis

21 que t’es pas « plogué » sur une imprimante, c’est

22 une autre affaire. Il faut que tu rappelles à une

23 autre place puis que t’ailles de la musac pendant

24 une demi-heure avant... Mais tu dis : je suis

25 payée, moi, là, mais bon. Est-ce que c’est une

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 163 -

Hélène Denommée

1 économie? J’ai comme des doutes là-dessus.

2 Puis ça, ça vient me faire dire des fois :

3 c’est rendu bien trop gros. À un moment donné je

4 trouve que c’est devenu des espèces d’équipes qui

5 sont... ou des organisations qui ne sont plus à la

6 grandeur humaine. Et ça, je trouve que ça n’a plus

7 de sens, tu t’adresses à sait-plus-qui, puis là,

8 elle, elle fait juste telle section, puis l’autre

9 fait juste telle section.

10 Et ça, je vous dirais qu’on le voit aussi

11 au niveau des services. C’est fou comment d’arriver

12 au CLSC, j’ai réalisé plein de choses. Moi, la

13 Protection de la jeunesse, au signalement, je ne

14 comprenais pas qu’on avait plein de dossiers ou

15 plein de signalements qui arrivaient par le CLSC.

16 Je me disais : comment ça qu’ils signalent? Puis

17 des fois, ils signalent des situations où les

18 parents sont... t’sais, ils vont le dire, là : les

19 parents ont besoin d’aide. Puis des fois, ce qu’ils

20 disaient, c’était : bien nous, on ne pouvait plus,

21 là, c’est trop gros. Ils avaient l’impression que

22 quand la situation est pesante ou elle est lourde,

23 que dans le fond, eux ne sont pas capables puis

24 que, nous, la Protection de la jeunesse, on est des

25 spécialistes au niveau de la jeunesse, alors que je

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 164 -

Hélène Denommée

1 me disais : bien, j’ai pas plus de moyens que toi,

2 là, comme intervenante. Puis oui, je vais faire de

3 quoi, mais c’est comme... t’es mon équivalent, là.

4 Mais souvent, pour eux, c’était comme :

5 bien non, la Protection de la jeunesse, vous avez

6 une panoplie de services, vous avez plus accès aux

7 psychologues, aux pédopsychiatres, aux ci, aux ça.

8 Puis moi c’était comme : bien non, pas plus, pas

9 moins. Ça fait que j’ai l’impression que le CLSC

10 des fois ils nous connaissent mal, ils connaissent

11 mal la Protection de la jeunesse, puis ils pensent

12 qu’un gros dossier, une situation lourde, ça veut

13 dire que, nous, on est plus spécialistes. Je ne

14 suis pas plus formée, je ne suis pas plus

15 spécialiste, puis je vous dirais que même le

16 constat de... je pense qu’on l’est moins,

17 finalement, ça fait cinq semaines que je suis dans

18 un CLSC et je n’ai jamais eu autant de rencontres

19 de discussion de cas, d’organismes qui viennent

20 nous parler d’un service qu’ils offrent ou même des

21 mini-formations. J’en ai plus en cinq semaines que

22 dans ma dernière année à la Protection de la

23 jeunesse. Ça fait que je me dis : ils sont formés,

24 ils sont vraiment formés. Des personnes qui

25 viendrait parler, comme tantôt, de la violence

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 165 -

Hélène Denommée

1 conjugale, oui, on l’a déjà eu à la Protection de

2 la jeunesse, mais eux autres, ils vont l’avoir, on

3 dirait, bien avant. On a eu quelqu’un qui est venu

4 nous parler de la diversité de genre pour savoir

5 intervenir auprès de cette clientèle-là. On a eu la

6 Fondation Marie-Vincent, qui est venue parler des

7 comportements sexuels problématiques. On a eu deux

8 avant-midis de discussion de cas entre les

9 intervenants, qui parlent, qui discutent d’un cas

10 pour avoir l’avis des autres. Un partage. On a eu

11 un après-midi de temps avec la pédopsychiatre de

12 notre région pour parler des... parce que je suis

13 en santé mentale au niveau du CLSC, qui est venue

14 parler un peu, on a fait deux discussions de cas,

15 avec une vision d’un pédopsychiatre. Mais bref en

16 cinq semaines, là, je me disais : mon Dieu! J’ai eu

17 de la... il y a eu de la place, il y a eu de la

18 formation, il y a eu un endroit où les gens se

19 déposent ou parlent et décortiquent des situations,

20 puis que là, tout le monde peut amener un peu :

21 qu’est-ce que, moi, je ferais dans ta situation ou

22 je ne sais pas quoi. Puis je me dis : la Protection

23 de la jeunesse, là, nous autres, là, on chasse des

24 mammouths, là, puis on n’a même pas ça. Je ne

25 comprends pas. Il y a quelque chose qui... c’est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 166 -

Hélène Denommée

1 une aberration pour moi, là. Ça fait que je trouve

2 que le CLSC, finalement, ils travaillent bien, ils

3 prennent le temps de bien travailler, ils prennent

4 le temps de penser à leur interventions, mais en

5 même temps, est-ce que c’est la cause et l’effet?

6 Je ne le sais pas. Mais quand un parent arrive pour

7 avoir de l’aide au niveau de jeunesse en

8 difficulté, il peut attendre. Si on parle d’un

9 enfant de zéro-cinq (0-5) ans, la famille peut

10 attendre six mois avant d’avoir des services du

11 CLSC. Si c’est un enfant de six-douze (6-12) ans,

12 la famille peut entendre de douze (12) à dix-huit

13 (18) mois. Puis si c’est un adolescent, bien c’est

14 variable. Ce qu’on me disait, c’est que ça peut

15 être de six mois jusqu’à dix-huit (18) mois parce

16 que les adolescents, il restent moins longtemps.

17 Après trois rencontres, s’ils ne sont pas venus,

18 c’est fini. Ça fait qu’il y a comme un roulement à

19 ce niveau-là. Puis...

20 L’autre chose aussi au niveau des parents,

21 ce que je trouve, quand je parle à des parents au

22 niveau de la santé mentale, eux autres ont attendu

23 mettons même huit mois. Puis moi, aux dix (10)

24 mois. Puis moi, je suis là juste pour faire une

25 prééval au niveau des services santé mentale,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 167 -

Hélène Denommée

1 centre jeunesse. Ça fait qu’ils viennent me

2 rencontrer pour que je fasse une espèce de

3 préévaluation, collecte de données et savoir après

4 si, dans le fond, on réfère vraiment vers la pédo,

5 vers les services de santé mentale ou vers Jeunesse

6 en difficulté. Ça fait que je fais comme un triage,

7 dans le fond.

8 Mais eux, ce qu’ils me disent souvent,

9 c’est qu’ils attendent. Ils ont attendu des fois

10 dix (10) mois avant d’arriver à la prééval, puis

11 après je ne le sais pas combien de temps qu’ils

12 vont attendre. Peut-être six mois, peut-être plus.

13 Dans mon équipe, ceux qui travaillent, les

14 psychoéducatrices puis les travailleurs sociaux qui

15 travaillent en santé mentale, des fois ils ont des

16 dossiers que ça fait de douze (12) à dix-huit (18)

17 mois qu’ils sont en attente. On parle de jeunes qui

18 ont des troubles en santé mentale.

19 Ça fait que là, quand moi je vois ça, je me

20 dis : O.K. Je comprends, là, le CLSC qui signale,

21 parce qu’à un moment donné, ils ne savent plus quoi

22 faire non plus. Puis je comprends que les parents

23 eux autres mêmes, finalement, se signalent. Parce

24 que ça, c’est l’autre chose que je ne comprenais

25 pas quand j’étais à l’évaluation. Je me disais :

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 168 -

Hélène Denommée

1 comment ça que c’est des parents qui se signalent

2 eux autres mêmes? Ça fait que s’ils se signalent,

3 c’est donc qu’ils veulent des services. C’est pas

4 des parents qui veulent ignorer la souffrance de

5 leur enfant, c’est des parents qui en veulent, de

6 l’aide. Ça fait que je me disais : comment ça

7 qu’ils se signalent? Ça marche pas. Mais parce que

8 des fois, ils ont attendu bien que trop longtemps,

9 ça n’a pas de sens. Puis... ou bien donc oui, ils

10 ont eu un épisode de service. Parce que tu peux

11 attendre de douze (12) à dix-huit (18) mois, puis

12 finalement, tu te fais dire que tu vas en épisode

13 de dix (10) à douze (12) rencontres. Il y a des

14 parents au CLSC qui me disaient : bien oui, mais

15 dix (10) rencontres... ils ont comme même pas...

16 pas qu’ils n’ont pas le goût d’investir, mais c’est

17 comme s’ils se disent : bien ça va donner quoi, là,

18 dix (10) rencontres? Déjà en partant, ils ont

19 l’impression qu’ils se font dire qu’il y a une fin

20 qui est trop courte puis que ça ne satisfait pas,

21 puis je comprends. Puis à la rigueur, je me disais

22 même : bien pourquoi on leur dit? T’sais, on le

23 sait qu’à un moment donné, quand tu donnes un

24 service intensif à quelqu’un, ça se peut qu’après

25 trois mois, il n’en ait plus besoin, mais t’es pas

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 169 -

Hélène Denommée

1 obligé de leur dire d’avance. Mais bon, ça, c’est

2 une autre affaire. Mais ça, je pense que ça parle

3 de : il y a trop de dossiers, pas assez

4 d’intervenants, ça fait que dans le fond, on

5 limite, on cadre en disant : bien, on va donner ce

6 qu’on peut, ce sera dix (10) rencontres puis

7 après...

8 Ça fait que donc, c’est pour ça que

9 finalement, je peux comprendre maintenant pourquoi

10 les parents arrivent en bout de ligne à la

11 Protection de la jeunesse à se signaler eux autres

12 mêmes parce qu’ils veulent avoir de l’aide. Ça fait

13 qu’ils cognent aux portes qu’ils peuvent.

14 Sauf que dans ma tête à moi, je me disais :

15 la Protection de la jeunesse, on n’est pas un

16 service, c’est pas : on vient demander. On ne vient

17 pas cogner pour avoir de l’aide, il y a quelque

18 chose qui ne marche pas dans la séquence, à mon

19 sens à moi. Ça fait que donc c’est peut-être pas

20 surprenant qu’on arrive avec des taux de haut

21 signalement pas possibles. À mon sens, ça fait...

22 c’est comme une suite logique. J’ai l’impression

23 qu’il y a comme quelque chose qu’il faudrait mettre

24 dans la première ligne puis on ne se retrouverait

25 pas à la Protection de la jeunesse avec des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 170 -

Hélène Denommée

1 situations aussi détériorées en bout de ligne.

2 L’autre chose qui m’a comme un peu étonnée

3 quand je suis arrivée au CLSCC, c’est de rencontrer

4 des parents que ça faisait dix (10) mois qu’ils

5 attendaient mettons pour faire la prééval en santé

6 mentale. -Puis finalement, les parents qui

7 finissent par dire : bien entretemps, je suis allé

8 chercher une évaluation neuro en privé. Entre-

9 temps, bien le jeune a eu au moins des rencontres

10 chez une psychologue en privé. Puis je suis allé

11 chercher tel atelier en privé pour les troubles

12 anxieux, puis... Ça fait que finalement, à un

13 moment donné, je me disais : là, c’est vrai qu’on

14 s’en vient dans un système de... un système social

15 à deux vitesses. Ceux qui ont de l’argent, ils vont

16 avoir les services, puis les autres bien : attends,

17 là, si tu veux te faire opérer pour un genou, tu

18 vas attendre deux ans ,puis sinon, bien, il faut

19 que tu payes; c’est à peu près la même affaire. Ça

20 fait que me dis : on est rendus là au niveau des

21 services, ça fait que c’est pas surprenant que ça

22 pète en quelque part, à mon avis, là.

23 À la Protection de la jeunesse, vu le trop

24 grand nombre - ça. c’était inévitable - je me suis

25 retrouvée à aller évaluer des situations où les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 171 -

Hélène Denommée

1 parents me disaient : « Ben là, ça remonte à quand,

2 ce que tu me racontes là? » Puis là tu fais :

3 « Bien oui, le signalement date de huit mois ».

4 C’est un peu malaisant, c’est un peu gênant. Mais

5 il faut l’évaluer. Et évidemment, après ça, on

6 évalue ce qui se passe, là, mais les faits pourquoi

7 j’arrive, c’est souvent des situations qui peuvent

8 dater de six à huit mois. Des fois dix (10) mois,

9 quand on parle d’un jeune qui est juste en... bien,

10 qui est juste... qui est en non-scolarisation,

11 alors que ça se peut qu’un jeune ne va pas à

12 l’école puis qu’il y a quelque chose d’en arrière

13 de ça, dans le fond. Mais par priorité, je peux

14 comprendre que les signalements... le monde vont

15 aller évaluer les situations de bébé, les

16 situations où c’est des mères toxicomanes avec des

17 enfants. Ça fait que tout ça fait en sorte que les

18 adolescents sont poussés un peu en arrière.

19 Puis quand je parlais du système où, dans

20 le fond, les parents demandent de l’aide puis

21 aboutissent à la Protection de la jeunesse, ça fait

22 aussi que quand on arrive dans le dossier où la

23 situation est détériorée, bien là, on vit aussi une

24 pression du parent qui fait : « Bien là, place-le,

25 agis! Go! » Parce qu’il n’en peu plus depuis un

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Hélène Denommée

1 bout, là, mais après c’est comme il te met une

2 pression supplémentaire d’agir. Puis encore là, je

3 pense qu’on est du monde efficace puis qui opère,

4 mais... ça fait que là tu vas vite, tu y vas,

5 « let’s go », t’sais, tu fonces, mais des fois...

6 Wow! C’est sombre. C’est comme s’il faut essayer de

7 ralentir le système, il faut même essayer de

8 ralentir les parents en disant : oui, on vous

9 entends, on va faire de quoi, mais on va prendre le

10 temps de faire la bonne affaire.

11 Ça fait que donc, ma première

12 recommandation, ce serait de prendre conscience de

13 la difficulté du travail de la Protection de la

14 jeunesse, puis évidemment d’alléger les charges de

15 cas pour qu’on arrive à faire du travail de

16 qualité. Et surtout de permettre du temps de

17 réflexion et de « debriefing ». Il faut vraiment

18 qu’on réfléchisse... on réfléchit à ce qu’on fait,

19 je ne suis pas en train de dire qu’on fait

20 n’importe quoi, là, mais qu’on aille plus de temps

21 pour réfléchir, pour se questionner et de

22 « debriefer » pour être capable de dire qu’est-ce

23 qui vient de faire.

24 Je pense à une... dans nos petits caucus,

25 nos petites réunions que j’avais à la Protection de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 173 -

Hélène Denommée

1 la jeunesse quand j’étais à Laval, une jeune

2 intervenante qui arrivait puis qui disait : « Moi,

3 depuis que je suis arrivée ici, j’arrête pas de

4 faire des placements ». Puis elle parle de ça de

5 même, là, mais t’sais finalement... mais t’sais, on

6 a quinze minutes (15 min) en équipe. Puis elle

7 parle de ça puis elle disait... elle disait

8 qu’après, elle avait placé avec une autre personne,

9 il y avait cinq enfants à déplacer, puis elle

10 disait : quand j’ai amené la petite fille dans

11 l’auto, puis elle a dit de partir pour aller la

12 placer, puis de voir la petite fille les deux mains

13 dans la vitre, qui braillait, qui était en

14 détresse, qui capotait. Elle, elle disait « My

15 God! » Mais, t’sais, après là c’est un caucus de

16 quinze minutes (15 min), là. Après, elle est partie

17 puis tout le monde retourne courir leur mammouth.

18 T’sais, je repensais après chez nous, puis je me

19 disais : ça n’a pas de sens. Ça n’a pas de sens

20 qu’on laisse du monde vivre des affaires de même.

21 Puis présentement, les vieux comme moi, qui s’en

22 vont à la retraite, on est une gang, là, qui sont

23 déjà... Il y a déjà beaucoup de chefs de service et

24 d’intervenants qui sont partis. Il y en qui s’en

25 viennent, il y a comme une « batch », là, dans le

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 174 -

Hélène Denommée

1 fond, qui s’en vont à la retraite, puis c’est des

2 jeunes. Et ça, je me dis : ils sont super

3 compétents, ils veulent, ils sont volontaire. Ils

4 sont vraiment « cute », là, mais je me dis : ça va

5 être quelque chose, parce qu’on se retrouve dans

6 une situation où c’est lourd, il y a beaucoup de

7 dossiers, c’est « heavy », il me semble que les

8 situations sont de pire en pire. On a de la santé

9 mentale beaucoup, beaucoup au niveau de la

10 Protection de la jeunesse. Puis je me dis c’est les

11 petites jeunes qui arrivent puis qui ont toutes à

12 vivre ça puis je me dis : mon Dieu! Il faut

13 absolument les « coacher », les aider, les

14 supporter. Voilà.

15 Et mon autre... parce que là j’ai parti du

16 coq à l’âne encore. Dans mon autre recommandation

17 c’est que, dans le fond, les budgets correspondent

18 à la population et leurs besoins. Que le budget va

19 en fonction de : s’il y a plus de familles dans les

20 Laurentides, il faudrait peut-être qu’il y ait plus

21 d’argent dans les Laurentides. Puis si à un moment

22 donné, il y a moins de familles dans les

23 Laurentides, bien, il y aura moins d’argent dans

24 les Laurentides. Moi, je me dis : il faut juste que

25 ce soit cohérent, là.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 175 -

Hélène Denommée

1 Le fait que le CISSS ouvre ses portes

2 aussi, je me dis : il va y avoir quelque chose qui

3 va... Bien, chez nous, dans les Laurentides, le

4 fait qu’on s’est regroupé en CISSS, le syndicat et

5 l’employeur ont décidé que finalement, on peut

6 appliquer partout. Bien ce qui est une super bonne

7 chose pour les intervenants. Je pense que ça nous

8 permet de dire : ah tiens, je vais aller, comme

9 moi, expérimenter le CLSC. Mais veut, veut pas, là,

10 ça fait un mouvement de personnel assez important,

11 et c’est pas tout parce qu’il y en a qui continuent

12 beaucoup à « triper » sur la Protection de la

13 jeunesse. Mais il y en a qui se sentaient un peu

14 genre : le bateau coule, partons avant que ça

15 coule, là. Il y a comme quelque chose où on a le

16 goût de vivre quelque chose d’un peu plus sain, je

17 dirais. Puis de fait, c’est une différence

18 frappante, marquante, je ne sais pas comment dire

19 ça. C’est comme si de ne plus être là, je me dis :

20 comment ça que pendant trente (30) ans, j’ai vécu

21 ça? Il y a quelque chose de... il y a quelque chose

22 de... te coucher en paix, te réveiller... pas te

23 réveiller en plein milieu de la nuit pour te dire :

24 ah oui, j’ai oublié de faire telle affaire, il faut

25 que j’appelle... ah, merde, j’ai pas fait ça. Ah

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 176 -

Hélène Denommée

1 oui, mon jeune, il faut pas que j’oublie, il est

2 placé... ah oui, j’ai pas fait telle affaire. C’est

3 comme te coucher en paix, dormir en paix puis te

4 réveiller le matin pour dire : je vais aller

5 travailler, puis c’est agréable, puis c’est très

6 clinique et c’est plaisant puis on a le temps de

7 faire les choses, bref.

8 Ça fait que ça, c’était conditions de

9 pratique, même si j’ai tout mêlé là-dedans. Au

10 niveau formation, encadrement et soutien clinique,

11 soutien clinique j’en ai parlé un peu,

12 qu’effectivement on va en avoir besoin, grandement

13 besoin avec les jeunes intervenants aussi. Je

14 trouve que quand j’ai commencé à la Protection de

15 la jeunesse, il y avait... il y avait les clients,

16 les enfants, les familles. Après, il y avait les

17 intervenants. C’est comme si nous, les

18 intervenants, on est centrés sur les familles et

19 les enfants et j’avais l’impression - bien, pas

20 j’avais l’impression, c’était comme ça que je le

21 vivais - au-dessus de moi, tout ce qui était au-

22 dessus de moi c’était pour m’aider à faire ma job.

23 Tout le reste, là, c’était un support, une

24 organisation, des facilitateurs, tout au-dessus de

25 moi.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 177 -

Hélène Denommée

1 Aujourd’hui, je ne sais pas qu’est-ce qui

2 se passe, mais... puis j’ai de la misère à dire :

3 où c’est que ça a dérapé, là, mais je trouve qu’il

4 y a : les enfants, les familles, les intervenants,

5 puis il y a... l’autre bord, là, je ne le sais pas,

6 il y a les gestionnaires, il y a la direction, il y

7 a... puis ils sont pris dans plein d’affaires,

8 probablement qu’ils ont leurs propres angoisses,

9 puis ils ont de la misère à dormir la nuit, j’en

10 doute pas, mais ils sont complètement en train de

11 gérer je ne sais pas quoi, puis ils ne sont pas là

12 pour nous.

13 Puis là-dedans, il y a des coordonnateurs

14 cliniques, mais les coordonnateurs cliniques, je

15 vous dirais qu’il y a certains coordonnateurs qui

16 sont du côté... qui font la pyramide, là : famille,

17 intervenants, coordonnateur, puis il y en a

18 d’autres qui sont un peu à mi-chemin, puis il y en

19 a d’autres qui sont un peu dans la gestion. Ce que

20 fait que, pour moi, à un moment donné je me

21 disais : bien, un coordonnateur, c’est pas

22 quelqu’un qui est supposé de quand je suis rendue à

23 avoir un nouveau dossier, que c’est qui me donne un

24 dossier. Ce n’est pas supposé d’être lui qui me

25 parle de la charge de cas, là. Pas à ce niveau-là.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 178 -

Hélène Denommée

1 C’est supposé... pour moi, un coordonnateur, c’est

2 quelqu’un qui met l’espace et le lieu pour dire :

3 on va se sentir bien de dire moi, je suis pris avec

4 une famille, puis je ne sais drôlement pas quoi

5 faire avec. Puis on va en discuter ensemble. C’est

6 ça, un coordonnateur.

7 Mais là, on dirait qu’on est sur deux

8 mondes différents. Puis ils sont pris dans plein

9 d’affaires, tellement que c’est un exemple, mais je

10 trouvais que cet exemple-là était parlant. À un

11 moment donné dans le lot qu’on a beaucoup, beaucoup

12 de signalements, notre gestionnaire puis notre

13 coordonnateur qui nous dit : « Là, vous venez tout

14 le temps nous voir pour plein d’affaires », puis on

15 est une grosse équipe, là, on est à peu près une

16 trentaine. « Vous venez beaucoup nous voir, puis

17 c’est comme trop, puis on n’a pas le temps, puis

18 des fois, vous venez puis c’est pas vraiment une

19 urgence. Ça fait que là, on va céduler les

20 affaires, nos portes vont rester fermées, puis la

21 gestionnaire sa porte va être ouverte de neuf

22 heures (9 h) à neuf heures et demie (9 h 30), si on

23 a des questions. Puis la coordo de quatre (4 h) à

24 quatre et demie (4 h 30), puis le reste, dérangez-

25 nous pas. » Puis si vous ne savez pas, ça se

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 179 -

Hélène Denommée

1 voulait une blague, mais bon. À mon sens, de

2 mauvais goût. « Puis si, dans le fond, vous venez

3 nous déranger il faut que ce soit vraiment pour une

4 urgence, puis si c’est pas vraiment une urgence,

5 bien on va vous donner un dossier de plus. » Bon,

6 une blague, mais on s’entend que ça parle, ça parle

7 de quelque chose qui est comme... Et ça, pour moi,

8 là, c’est là que je vous dis : je ne sais pas où ça

9 a dérapé, là, mais ça, pour moi, ça a fait : bien

10 on est où? On est où? Eh, on fait des... c’est

11 « heavy », ce qu’on fait, puis là on est en train

12 de se dire : pour moi, là, le gestionnaire, la

13 porte est ouverte, je le sais qu’elle gère plein

14 d’affaires, là. Mais ta priorité, là, c’est supposé

15 d’être moi. Parce que, moi, ma priorité, c’est les

16 enfants. Ça fait qu’il y a comme un lien direct. Et

17 je me dis : ce n’est plus là, la porte est fermée,

18 là, c’est comme... En tout cas, pour moi, ça

19 n’avait pas de sens.

20 Ça fait que je trouve qu’on est rendu

21 vraiment à deux mondes différents. Puis même qu’à

22 un moment donné, dans le fond - ça, je ne l’avais

23 pas « catché » au début, là - mais quand on est à

24 l’évaluation, on fait cinquante-deux (52) dossiers

25 par année. C’est ça, cinquante-deux (52) dossiers

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 180 -

Hélène Denommée

1 par année, qui équivaut à peu près à vingt-huit

2 heures (28 h) ou vingt-neuf heures (29 h) éval,

3 qu’on est supposé de faire. Ça, c’est comme un

4 barème provincial.

5 Mais à un moment donné, on s’est fait dire

6 que, bien, nous, il fallait faire plus que

7 cinquante-deux (52) dossiers pour absorber la

8 charge de cas de notre coordonnateur. Alors, si on

9 a un coordonnateur, bien je paye pour. Puis là je

10 me disais : bien c’est quoi ça? Pourquoi c’est...

11 moi, je paye pour ça, là. Riez pas, c’est pas drôle

12 pantoute! Je ris, là. Mais c’est quelque chose,

13 c’est... Non, ça me va que vous riiez.

14 LA PRÉSIDENTE :

15 Q. [90] Non, je ris jaune... je ris jaune parce que je

16 ne sais pas comment quelqu’un a pu, avec le

17 sérieux, vous dire ça, là.

18 R. Oui.

19 Q. [91] J’essayais d’imaginer la scène, là. C’est mon

20 côté...

21 R. Oui, oui. Non, mais je...

22 Q. [92] ... pas fine.

23 R. ... je suis très, très contente que vous riiez

24 parce qu’effectivement, je trouve que ça n’a pas de

25 sens, ça n’a pas de sens. Puis, t’sais, je vous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 181 -

Hélène Denommée

1 dirais c’est pas... je ne pense pas que c’est de la

2 mauvaise volonté, mais ça parle. Juste d’avoir

3 entendu ça tu fais : bien, on est là, là? Je ne le

4 sais pas. Ça fait que donc on paye pour notre

5 coordonnateur.

6 Puis même qu’à un moment donné, après, il y

7 a eu un changement de coordonnateur. En tout cas,

8 bref, il y avait des... des entrevues parce que la

9 coordonnatrice est partie ailleurs, puis donc il

10 fallait avoir un autre coordonnateur. Et la

11 gestionnaire qui nous dit : bien, moi, je vais...

12 il va y avoir des entrevues, mais moi c’est sûr que

13 je veux nommer une coordonnatrice ou un

14 coordonnateur qui va devenir le gestionnaire plus

15 tard. Et pour moi, juste ça aussi, c’est une phrase

16 qui ne marchait pas. Je me disais : un bon

17 coordonnateur, un bon clinicien, là, ça ne veut pas

18 dire que c’est un gestionnaire. C’est deux

19 personnalités différentes. Puis ça n’a pas de sens

20 que le coordonnateur finalement gère la liste

21 d’attente, gère ces cas-là, donne des dossiers à

22 des intervenants, c’est au chef à faire ça, c’est

23 pas à elle.

24 Puis finalement aussi, je pense qu’ils sont

25 tellement pris dans n’importe quoi qu’à un moment

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 182 -

Hélène Denommée

1 donné aussi, il y a... je trouvais que les

2 coordonnateurs étaient dans des zones de contrôle :

3 je regarde tes dossiers, je lis les suivis

4 d’activités, je « checke » voir si t’as mis la

5 virgule à la même place. Là, je me dis : il me

6 semble qu’on a d’autres choses à faire que ça. Je

7 te change trois-quatre phrases dans ton rapport, je

8 ne l’ai pas mis à la bonne place mettons, ça se

9 peut. Ça se peut bien, là, que j’aie mis une

10 information sur un parent dans le mauvais chapitre.

11 « So what », là, selon moi, mais bon.

12 Ça fait que bref, à un moment donné, tu te

13 dis : voyons, ils sont centrés sur plein d’affaires

14 que j’ai l’impression qu’on n’est pas centrés sur

15 la bonne affaire. Là-dedans, il y l’approche Lean

16 aussi qui est arrivée, et ça aussi, c’est quelque

17 chose qui était comme un peu... je pense que ça se

18 veut, la pensée Lean, de pouvoir dire : il y a un

19 processus. Là, on part du point A au point B puis

20 on fait comme si on est le parent, là. Ça fait que

21 donc, c’est correct, on dit : qu’est-ce que le

22 parent vit au fur et à mesure, puis on va enlever

23 les étapes qui sont superflues. Ça va. Sauf

24 qu’après, bien, veut veut pas, les gestionnaires

25 ont utilisé les indicateurs de l’approche Lean un

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 183 -

Hélène Denommée

1 peu pour une reddition de compte. C’est là que ça

2 s’est mis peut-être, je dirais, à déraper. Puis au

3 début, dans le fond, on est vingt (20), après ça

4 vingt-huit (28), après ça trente (30) dans le

5 bureau de la chef à mettre nos indicateurs sur le

6 tableau. Il faut que tu mettes : « Bon. Cette

7 semaine as-tu pris un dossier? La semaine passée,

8 est-ce que tu as dit que tu prenais un dossier?

9 Puis si tu as dit que tu le prenais, est-ce que

10 cette semaine... Ce que tu as dit que tu ferais la

11 semaine passée, est-ce que tu l’as fait? Et cette

12 semaine, qu’est-ce que tu vas faire? »

13 Ça fait qu’au début, c’était sur des

14 tableaux, ça nous faisait qu’on voyait comme

15 équipes où est-ce qu’on s’en va. Après, on s’est

16 mis à faire des caucus en simili... en plus petits

17 groupes parce que trente (30) personnes, dans un

18 bureau, debout, à parler des indicateurs, ça

19 n’avait comme peut-être pas de sens.

20 Puis je pense que le souhait, c’était qu’on

21 puisse dire : En petites équipes, on va parler un

22 peu plus clinique. Mais finalement, ce n’est pas ça

23 qui se passait, c’était... on s’assoyait, huit, dix

24 (10) personnes puis là, dans le fond, chacun avait

25 rempli ses petits tableaux puis là, une après

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 184 -

Hélène Denommée

1 l’autre, dans le fond, on se faisait dire : « Bon,

2 toi, est-ce que tu prends un dossier, cette

3 semaine? Non? Pourquoi? La semaine passée, tu en

4 as-tu pris? Hum... tu n’en pas pris, cette semaine,

5 tu n’en prends pas d’autres. Et là, la semaine

6 passée tu avais dit que tu faisais un rapport, tu

7 devais rédiger un rapport. Est-ce que tu l’as

8 rédigé? Non? Pourquoi? »

9 C’est vrai que les indicateurs, il y a

10 quelque choses d’intéressant sur ta méthode de

11 travail, mais sauf que vu de même, c’était très

12 jugeant, très blessant, très... Attends-là, je ne

13 me pogne pas le beigne là. Puis là, tu entends tout

14 le monde de faire dire ça un peu à tour de rôle

15 puis tout le monde vit un espèce de malaise.

16 Cette période-là, je vous dirais qu’il y a

17 beaucoup de personnes qui sont tombées en maladie,

18 dans cette période-là, qui sont partis, qui ont

19 fait : « Je n’en peux plus. » Puis ça se

20 comprenait. Puis même si après, ils

21 disaient : « Non, non, on ne fait pas ça pour vous

22 blâmer. »

23 Mais tu es comme... à chaque fois, tu te

24 sens mal. Puis là, ce qu’il y avait, en plus, c’est

25 qu’admettons, tu as dit : Cette semaine, j’en

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 185 -

Hélène Denommée

1 prends un dossier puis tu... Parce que les caucus

2 se font le mardi. Ça fait que si toi, tu as

3 dit : Cette semaine, je prends un dossier. Tu le

4 prends le lundi, tu vas voir ta coordo, la

5 gestionnaire, tu prends ton dossier, celui que tu

6 veux, tout ça.

7 Ça fait que là, ça va, tu as pris ton

8 dossier. Mais là, après quand on faisait le caucus

9 là, la coordo nous disait : « Bon, là, cette

10 semaine, il y a une adolescente en crise suicidaire

11 difficile, il faut vraiment la prendre, c’est

12 « toutché », c’est... elle a vraiment besoin

13 d’aide, c’est urgent.

14 Là, on a tous pris les dossiers qu’on avait

15 à prendre. On a tous dit qu’on en a jusqu’à là.

16 Puis là, elle te décrit la situation puis là, tu

17 « feel » super « cheap ». Puis là, c’est... Comme

18 moi, j’avais une collègue à côté de moi

19 complètement débordée, qui capotait puis qui finit

20 par dire : « Bien, je vais le prendre. »

21 Puis là, tu es là, tu la regardes : Bien,

22 voyons, non... Tu n’en peux plus, ça te sort par

23 les oreilles. Mais c’est comme si, à un moment

24 donné, elle dit : « Oui, mais là, pauvre jeune

25 là... »

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 186 -

Hélène Denommée

1 C’est comme, « tuff » ça. Puis je vous

2 dirais que moi, je me sentais, plus ancienne, plus

3 sénior, plus capable de me dire : Non. Non, non, je

4 n’’embarque pas là-dedans là. Moi, j’ai pris un

5 dossier, il est tout aussi urgent que l’autre là.

6 Ce n’est pas parce qu’on va me mettre un autre...

7 Non, je n’y vais pas. Je ne vais pas embarquer dans

8 ces affaires-là, mais les petites jeunes... tu veux

9 bien faire, tu veux...

10 Ça fait que tu dis oui, tu en prends

11 d’autres, puis tu en prends d’autres puis... en

12 tout cas, bref, je me dis : Ils vont sûrement s’en

13 aller ailleurs à un moment donné. Et c’est ça qui

14 est triste parce que toutes ces situations-là de la

15 Protection de la jeunesse, demandent une stabilité,

16 vont demander à ce que les intervenants soient là

17 longtemps puis qu’on ne bouge pas trop. C’est

18 important.

19 Mais là, ça va bouger de tous bords, tous

20 côtés, ça n’est pas vivable, ça fait que... Puis en

21 même temps, il y a des situations au CLSC que je me

22 dis : Elles sont tout aussi lourdes sauf que les

23 parents sont volontaires. Puis dix (10) rencontres,

24 des fois, moi, je me dis : Ce n’est peut-être pas

25 assez. C’est sûr qu’ils se disent toujours :

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 187 -

Hélène Denommée

1 « C’est dix (10) rencontre, on réévalue après. »

2 Mais bon, ça, c’est une autre affaire.

3 Dans mon contrat de supervision... Ça, je

4 trouve que ça fait partie de l’encadrement là, mais

5 ça, je vous dirais que c’est très inégal. Il y a

6 des intervenants qui me disaient qu’ils le

7 faisaient à chaque année. Moi, depuis dix (10)ans,

8 je pense que je l’ai fait trois fois. Puis je me

9 dis : Ça aussi ça parle.

10 Notre contrat de supervision, c’est un

11 contrat où, dans le fond, une fois par année on

12 s’arrête pour dire : Moi, je suis rendue où comme

13 intervenante? Et je me place où dans qu’est-ce que

14 j’ai maintenant de nouveau à apprendre puis dans

15 qu’est-ce que je dois aller développer puis voir

16 même quelles formations je devrais aller chercher.

17 C’est comme un peu notre plan

18 d’intervention professionnelle. Puis ça, il y a des

19 équipes qui le font à chaque année. Puis il y a

20 d’autres intervenants qui me disaient... Quand je

21 leur en parlais, ils me disaient : « Ah! Oui, mon

22 Dieu, ça me dit de quoi ça! Ça fait longtemps ça!

23 Bien, oui, on faisait ça dans le temps. »

24 Ça fait qu’il y en que ça a été abandonné,

25 d’autres pas. Puis je me dis : Bien, ça, c’est

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Hélène Denommée

1 parlant. Ça veut dire qu’il y a moins la volonté de

2 dire : On s’assoit avec l’intervenant : « Tu es

3 rendu où, toi? Comment tu vis ta job? Qu’est-ce que

4 tu veux travailler cette année? Comment tu te sens?

5 Tu as-tu le goût de développer d’autres choses?

6 Par exemple, je me rappelle, vlà longtemps,

7 à un moment donné là, quand on faisait des contrats

8 de supervision. Moi, je travaillais beaucoup au

9 niveau de l’évaluation à évaluer les signalements

10 d’adolescents. J’aimais ça l’adolescence. Puis à un

11 moment donné, ma chef de service m’avait dit... Il

12 y en avait une qui tripait sur l’enfance, les zéro,

13 cinq ans, puis elle avait dit : « On va... vous

14 allez changer de place pour aller plus loin. »

15 Puis c’était d’un commun accord qu’on a

16 fait : O.K., c’est le fun, je vais développer

17 d’autres choses puis ça m’a amenée ailleurs, ça m’a

18 fait apprendre quelque chose. Mais ça, le fait que

19 notre contrat de supervision soit plus ou moins

20 respecté dans l’ensemble des Centres Jeunesse, je

21 trouve que c’est parlant ça.

22 Est-ce qu’on se préoccupe de nous, d’où

23 est-ce qu’on est rendu? Puis pour moi là, il y a

24 comme un lien direct de... La qualité de

25 l’investissement, du support, qu’on va recevoir

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 189 -

Hélène Denommée

1 comme intervenants, ça va se refléter sur la

2 qualité et l’investissement du support qu’on va

3 donner aux familles.

4 Moi, pour moi, c’est clair. C’est comme un

5 modèle là. Tu as quelqu’un qui prend soin de toi,

6 ça t’apprend encore mieux à prendre soin de. Tu as

7 quelqu’un qui t’écoute, ça t’aide encore bien plus

8 à savoir écouter l’autre. Ça fait que c’est comme

9 un peu tout ça.

10 Puis, présentement, j’ai l’impression que

11 dans la Protection de la Jeunesse, il y a quelque

12 chose qui va tellement trop vite que... Les coordo

13 n’écoutent pas, dans la mesure où c’est comme... Tu

14 vas, admettons, tu vas parler d’une situation :

15 « J’ai besoin de parler d’une situation. » Ah! Oui,

16 O.K., c’est de l’abus physique, c’est telle

17 affaire, ta, ta, ta.

18 Puis là, c’est comme... comme s’il y a une

19 recette : « Bien, ça va au tribunal, fait telle

20 affaire. » T’sais, ils opèrent, sauf qu’en même

21 temps, des fois, quand je regardais les jeunes

22 intervenants, je me disais : Bien, ils arrivent

23 d’une intervention là...

24 Admettons, une jeune intervenante elle me

25 parlait de : « Je suis allée voir une mère

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 190 -

Hélène Denommée

1 toxicomane, elle est un peu TPL... patati...

2 patata... » Je le sais ce qu’elle va me raconter

3 là, que la madame, elle a fait un show de boucane,

4 puis qu’elle a faite telle affaire. Bon, tu le

5 sais, à un moment donné, vers quoi, peut-être, que

6 ça va s’en aller, mais je me disais : Elle veut le

7 raconter, c’est correct, comme les mammouths là.

8 Puis on s’entend là, les chasseurs, ils

9 vont te raconter leurs périodes de chasses mille

10 fois, puis à un moment donné, le mammouth, il est

11 plus gros là, puis le mammouth était plus proche,

12 puis le mammouth était plus... bon. Peu importe,

13 mais je me dis : Ils ont besoin de ça. Ça fait

14 qu’en tous cas, ça, ce bout-là, je trouve que...

15 T’sais, quand je vous dis : Je trouve

16 qu’effectivement qu’il y a quelque chose qui opère,

17 mais qu’on oublie. On oublie l’individu qui est

18 derrière ça, qui a vécu ça. Comme l’intervenante

19 là, qui a l’enfant qui est dans la vitre, puis

20 qu’elle est traumatisée par rapport à ça là. Ça

21 fait que... Euh...

22 Bon, c’est sûr qu’il faut avoir des

23 réunions avec des discussions de cas. Il y en qui

24 se le font, c’est vrai. Il y a des équipes, à un

25 moment donné, qui en sont venus à se dire : « Ce

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 191 -

Hélène Denommée

1 n’est pas présent, mais on va le faire. » Ça fait

2 qu’il y a des équipes à l’application des mesures

3 zéro, cinq ans qui ont décidé de dire : Peut-être

4 qu’il n’y a pas de réunions officielles pour faire

5 ça, mais on va se rassemble, une fois par mois puis

6 on va parler des dossiers.

7 Il y a une équipe qui travaille au niveau

8 des évaluations en familles d’accueil puis les

9 expertises. Ils sont peu, puis il sont quatre, puis

10 ils ont dit : Bien, on s’assoit les quatre ensemble

11 puis on se le met à notre agenda. Peu importe à

12 quelque part, si ce n’est pas fait... si ce n’est

13 pas mis dans le temps.

14 Ce qui est un peu « totché », c’est que

15 parallèlement à ça, après, bien, euh... tu vas te

16 faire dire peut-être que tu as été moins performant

17 parce que tu as perdu du temps à faire ça, mais

18 bref, ils se le donnent, mais je trouve ça fou

19 « qu’on se le donne ». Il y a un bout où ça ne

20 marche pas là.

21 Donc, dans mes recommandations... hein...

22 J’ai l’impression de dire plein d’affaires pour

23 finalement arriver à des affaires bizarres... Que

24 la centration, dans le fond, promise des

25 coordonnateurs et dirigeants soit le support à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 192 -

Hélène Denommée

1 l’intervenant.

2 Dans le fond, nous devrions tellement être

3 juste leur priorité, comme on doit tellement être

4 la priorité de ces familles-là. Les coordos

5 devraient, selon moi, relever d’une entité

6 complètement différente, exemple : la Direction des

7 services professionnels pour éviter le glissement

8 vers une coordination de gestion plutôt que

9 clinique.

10 Ce que je veux dire, c’est qu’il y a eu un

11 temps, à un moment donné, où c’était la Direction

12 des services professionnels qui engageait les

13 spécialistes en activités cliniques, comme ils le

14 disaient. Sauf que ce bout-là, là où ça n’a pas

15 marché, c’est qu’ils prenaient du monde juste en

16 ancienneté et pas nécessairement en compétence.

17 Ça fait que ça, ça a dérivé vers,

18 finalement des cliniciens qui n’étaient pas

19 nécessairement... qui pouvaient être de très

20 bons... C’étaient des intervenants seniors, mais

21 qui n’avaient peut-être pas le charisme, le

22 leadership, pour finalement jouer ce rôle-là.

23 Ça fait que, donc, c’est pour ça qu’après,

24 les chefs de services ont dit : « Nous allons

25 nommer, nous-mêmes, nos coordos. » Ils ont nommé

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 193 -

Hélène Denommée

1 leurs coordos, mais pour moi, ça, c’est comme un

2 danger de glissement vers... Finalement, la coordo

3 devient une mini-gestionnaire, une simili

4 gestionnaire.

5 Pour moi, la coordination clinique, ça

6 devrait être complètement une direction à part qui

7 fait que, dans le fond, moi... Admettons, je relève

8 de l’équipe de Deux-Montagnes comme coordonnatrice,

9 admettons, mais moi, mon équipe de travail, est

10 ailleurs pour que je puisse réfléchir ailleurs sur

11 comment aider cette équipe-là, comment aider

12 cliniquement cette équipe-là à évoluer puis à

13 avancer, mais pas une gestionnaire...

14 Pas la gestionnaire de cette équipe-là,

15 évidemment, il va falloir que je travaille en

16 « team » avec elle. Mais il faut que ça soit

17 complètement... Moi, je pense, distants l’un de

18 l’autre. Et donc, comme je le disais, je trouve que

19 la reconnaissance de notre travail passe par le

20 soutien clinique.

21 C’est particulier que... On fait une job

22 où... Ce n’est pas bien vu, hein, de travailler à

23 la Protection de la Jeunesse, évidemment, pour les

24 clients là. Quand on cogne chez eux, ils ne sont

25 pas contents. Même la population générale, t’sais,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 194 -

Hélène Denommée

1 va dire : « Hein? Elle travaille à la Protection de

2 la Jeunesse, ouach, ça doit être tellement

3 « tuff ».

4 Alors que je me dis : Bien, il me semble

5 que ça devrait être un honneur de travailler à la

6 Protection de la Jeunesse. Ça devrait être... le

7 monde devrait... la société devrait être

8 contente : « Ah! Oui? Tu fais ça? » Un peu comme

9 les policiers là, je ne sais pas, ou les pompiers

10 là. Je ne sais pas pourquoi on n’est pas vu de

11 même.

12 Mais ce que je trouve pire, c’est... Quand

13 j’ai entendu le témoignage de Nicolas Zorn qui est

14 venu. C’est vrai ce qu’il dit que le salaire d’un

15 intervenant c’est quand, tout à coup, tu as un

16 jeune qui t’a retrouvé sur Facebook plus tard, puis

17 qu’il te raconte que finalement, ce qu’il a fait

18 puis qu’est-ce qui est arrivé de sa vie puis

19 tout... puis tu es comme... Ou bien non, qui vient,

20 effectivement, te présenter ses enfants, puis

21 bon...

22 C’est vrai que c’est la consécration, mais

23 quand même, quand il a dit ça, ça m’a percutée

24 aussi parce que je me disais : Bien, comment ça que

25 la consécration, ça ne vient pas de mon

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 195 -

Hélène Denommée

1 organisation? Comment ça que je ne me sens pas de

2 même? Comment je me sens quand un jeune

3 m’interpelle puis me retrouve après tant de temps

4 puis il me parle de ce que j’ai apporté, alors que

5 je ne le savais même pas tant parce

6 qu’effectivement, on sème des graines puis on ne

7 sait pas où ça va arriver.

8 Mais je me dis que c’est parce que je

9 devais sentir ça aussi de mon organisation. Je

10 devrais sentir que tout le monde au-dessus de moi

11 est fier de moi, mais non... pas tant. Puis l’autre

12 chose, c’est qu’on va être fier de moi... bien

13 « fier »... On va être content puis on va me

14 dire : « Bien, c’est le fun, tu es rendue à vingt-

15 huit (28) heures éval ou tu es à trente (30) heures

16 éval, ou tu as fait... »

17 Ça, c’est des nombres. J’ai tellement

18 l’impression que c’est des indicateurs de quantités

19 puis pas de qualité. Puis je me dis : Il me semble

20 que ça fait longtemps que... T’sais, de te faire

21 dire : Quelle belle intervention! Quelle belle

22 façon que tu as emmené la famille plus loin. C’est

23 le fun comment tu as abordé le parent.

24 T’sais, je ne le sais pas, mais on peut-tu

25 se faire dire quelque chose d’autres que : Tu es à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 196 -

Hélène Denommée

1 trente (30) heures évalx, bravo, d’accord.

2 Puis l’autre chose que je ne comprends pas

3 de ces indicateurs-là, puis je trouve que c’est un

4 biais aussi là, quoique le trente (30) heures éval

5 c’est un indicateur provincial. On ne dénonce pas

6 puis on ne dévalorise pas ceux qui sont à quinze

7 (15) heures éval.

8 Et ça, je me dis : Ça, ça me cause un

9 problème parce que c’est sûr que comme

10 gestionnaire, j’ai quelqu’un là, qui opère là.

11 Elle, elle fait quinze (15) heures éval. Bien, moi,

12 il me semble que je me dirais : Bien, je ne sais

13 pas là, as-tu réfléchi? C’est-tu trop vite?

14 T’sais, c’est correct, on se donne un... Le

15 trente (30) heures éval, j’ai toujours trouvé ça

16 correct dans la mesure où c’est important que le

17 parent, quand tu arrives dans la familles là, ça ne

18 prenne pas trois mois que tu prennes ta décision.

19 Lui, il veut savoir qu’est-ce qui va arriver avec

20 la Protection de la Jeunesse.

21 Ça fait que c’est correct qu’il y ait des

22 délais là, ça je le comprends. Puis c’est correct

23 que tu n’as pas d’affaires à être à cent (100)

24 heures éval, mais quinze (15) heures éval, moi

25 aussi... moi, ça me cause problème. Mais ça n’a pas

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 197 -

Hélène Denommée

1 de l’air parce qu’après ça, bien, la cheffe est

2 contente de dire qu’elle a une bonne note, elle a

3 une bonne cote après.

4 Donc, si je reviens... parce que là, je

5 suis partie encore ailleurs. Si je reviens à mes

6 recommandations, on a besoin de temps pour

7 réfléchir, on a besoin de temps pour « débreefer »

8 puis surtout, aussi, je pense, on doit créer des

9 équipes à dimensions humaines parce qu’à un moment

10 donné, les équipes sont tellement grandes.

11 Quand tu es trente (30) à un moment donné,

12 c’est comme... c’est moins propice au partage.

13 C’est propice à des cliques, c’est propice à...

14 mais c’est moins propice au partage.

15 Bon, l’approche lignes, j’en ai parlée. Nos

16 indicateurs de l’approche lignes, c’est... Quand on

17 ouvre un dossier, on a quatorze (14) jours avant de

18 prendre une décision. Une fois qu’on a pris notre

19 décision, on a cinq jours pour rédiger le rapport.

20 Donc, évidemment, ça veut dire que quand on statue

21 sur la compromission, euh... on n’a pas le temps de

22 faire quinze (15) rencontres là.

23 Tu as rencontré le jeune une fois, tu as

24 rencontré les parents une fois, tu as parlé aux

25 profs une fois, tu as parlé à la garderie une fois,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 198 -

Hélène Denommée

1 c’est beau. T’sais, ou tu as parlé aux policiers,

2 admettons, dépendamment des situations puis tu es

3 prête.

4 C’est comme si tu as pris une photo, puis

5 cette photo-là, tu statues sur cette photo-là.

6 Après, tu vas faire plus de rencontres, évidemment,

7 pour arriver à l’orientation finale. Ça se peut

8 même que dans ton rapport d’orientation, il y a eu

9 d’autres choses qui est ressorti puis finalement,

10 tu vas sortir un autre alinéa. C’est possible, mais

11 c’est quand même court comme délais pour arriver à

12 évaluer la compromission d’un enfant.

13 L’autre chose que je trouvais, au niveau de

14 l’approche lignes, je sais que ça se veut une

15 gestion participative, mais on se fait dire le

16 nombre total de dossiers en attente. Puis je le

17 sais que c’est pour dire : « Mon Dieu, ça évolue. »

18 Sauf, que c’est parce que ça n’évolue pas là.

19 On est comme un petit peu toujours dans la

20 « chnout ». Ça fait que c’est comme... Moi, je

21 trouvais ça lourd, à un moment donné. Je me

22 disais : Pourquoi les gestionnaires, ils nous

23 disent : « Là, on a deux cent douze (212) dossiers

24 s’en attente. Là, on est rendu à deux cent

25 cinquante (250) dossiers en attente. Là, on est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 199 -

Hélène Denommée

1 rendu à cent quatre-vingt (180). Hey, je me

2 disais : C’est...

3 Là, moi, il y a un bout où je me disais :

4 Toi, tu es la gestionnaire, tu es payée pour ça là.

5 Je ne sais pas pourquoi je porte ce poids-là. C’est

6 un peu « too much ». Puis, t’sais, à la rigueur, si

7 ça serait parce qu’on vit des périodes d’accalmie,

8 bien peut-être qu’on a besoin de le savoir qu’on

9 est dans une période d’accalmie.

10 Mais je vous dirais que depuis... je ne

11 sais pas, j’ai l’impression que depuis six, sept

12 ans, on n’en vit plus de périodes d’accalmie.

13 T’sais, avant, à un moment donné, on faisait des

14 « sprints » là, d’évaluations parce qu’à un moment

15 donné, c’est... bon, mais tu as une période où

16 après, tu as une vitesse de croisière un peu plus

17 normale, quoique c’est toujours infernal, mais un

18 peu plus normal, mais là, c’est tout le temps dans

19 le « sprint » et ça n’a pas de sens.

20 Puis c’est la même affaire pour la

21 réadaptation. Avant, il y avait des moments

22 d’accalmie, mais là ils sont en surnombres, des

23 fois des unités de douze (12), ils sont treize

24 (13). Puis il n’y a plus de moment où finalement,

25 ils sont juste huit, tout à coup, parce que c’est

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 200 -

Hélène Denommée

1 l’été. Ça va être douze (12) puis treize (13) non

2 stop là. Il y a quelque chose qui...

3 L’autre chose, c’était... Bien, dans le

4 fond, je ne sais pas si c’est important de parler

5 des mesures volontaires versus le Tribunal. Il y a

6 eu, à un moment donné, avec la Loi, des espèces de

7 formules de judiciarisation qui étaient des

8 alternatives au Tribunal, dans le fond, mais que

9 chez nous, ça ne s’est pas vraiment fait, il y en a

10 eu très peu là, ça pourrait se compter sur les

11 doigts d’une main.

12 Les conférences de règlements à l’amiable,

13 j’ai rarement entendu quelqu’un parler de ça, ça ne

14 s’est pas vraiment mis en application et les délais

15 judiciaires sont immensément longs. Dès qu’on

16 sort... En fait, on n’est jamais capable, même si,

17 admettons, je suis rendue à passer au Tribunal

18 puis, dans le fond, ce n’est pas une urgence dans

19 les quarante-huit (48) heures, mais je peux passer

20 dans deux ou trois semaines, ça serait correct.

21 Mais oui, il faut passer au Tribunal.

22 Il n’y a pas moyen, même si mes rapports

23 sont faits, que je passe au fond. C’est sûr que je

24 vais passer par un provisoire puis après ça, six à

25 huit mois ou dix mois avant que je repasse au fond,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 201 -

Hélène Denommée

1 ce qui emmènent des parents dans un laps de temps

2 sans intervention, évidemment.

3 Puis ça, c’est l’autre affaire, c’est qu’à

4 chaque fois qu’il y a des laps de temps là, que ça

5 soit au CLSC ou ailleurs, je me dis : C’est parce

6 qu’on n’intervient tellement pas dans le moment

7 opportun là, alors qu’on le sait que cliniquement,

8 c’est comme...

9 Il y a un momentum, à un moment donné, dans

10 les affaires qui se passent, qui fait que tu peux

11 créer un changement plus facilement, puis ça, on le

12 manque constamment, ce momentum-là.

13 Et à cause de la surcharge de tous, il n’y

14 a pas de transfert personnalisé. Ce qui fait que

15 dans le fond, même si je dis, à l’application des

16 mesures : Je m’en vais au Tribunal, au fond, pour

17 ce dossier-là, ils ont tous les rapports. Je leur

18 ai dit d’avance, il vont avoir le fond puis tout

19 ça. J’arrive au fond, il n’y a pas personnes à

20 l’application des mesures. Ça fait que finalement,

21 tu clos ton dossier avec les parents en

22 disant : Bien, voici la carte d’affaires de... et

23 le numéro de téléphone de la chef de service,

24 appelez l’application des mesures parce que je ne

25 peux pas vous dire c’est qui votre intervenant et

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 202 -

Hélène Denommée

1 je ne pourrai pas vous dire dans combien temps

2 qu’il va arriver.

3 Ça fait qu’il y a comme un petit... wuu

4 wuu... il y a comme une zone entre les deux.

5 Habituellement, ça ne prend quand même pas trop de

6 temps. Ils sont quand même bons là, au niveau de

7 l’application des mesures, pour y aller.

8 Là, il faut-tu que j’arrête? L’autre, elle

9 est là : « Oui »... excusez.

10 LA PRÉSIDENTE :

11 Écoutez. On vous écoute avec beaucoup d’appétit,

12 mais il nous reste...

13 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

14 Moi, je me dépêchais quand elle me faisait signe

15 là.

16 LA PRÉSIDENTE :

17 Il nous reste à peu près vingt (20) minutes

18 ensemble...

19 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

20 Excusez.

21 LA PRÉSIDENTE :

22 ... pour échanger avec les commissaires.

23 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

24 O.K., parfait. Désolée, trop de choses à dire. Ah!

25 Vous voulez que je conclus ou non?

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 203 -

Hélène Denommée

1 LA PRÉSIDENTE :

2 Si vous avez des éléments...

3 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

4 Bien...

5 LA PRÉSIDENTE :

6 Oui, allez-y.

7 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

8 Je vais regarder vite, vite là...

9 LA PRÉSIDENTE :

10 Oui, oui.

11 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

12 ... mais je pense que ça...

13 LA PRÉSIDENTE :

14 Mais de toute façon, soyez bien à l’aise...

15 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

16 Ça a fait le tour.

17 LA PRÉSIDENTE :

18 ... parce que lors d’une réponse à un

19 questionnement, vous pourrez ajouter des

20 éléments...

21 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

22 Oui.

23 LA PRÉSIDENTE :

24 ... qu’on a manqués. Alors...

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 204 -

Hélène Denommée

1 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

2 Il y avait juste...

3 LA PRÉSIDENTE :

4 ... oui, allez-y.

5 Mme HÉLÈNE DÉNOMMÉ :

6 Peut-être juste une affaire que je voulais

7 rajouter. L’objectif du CISSS, c’était un objectif

8 qui est brillant, selon moi, de dire :

9 « Maintenant, on va devenir un grand CISSS et donc

10 l’enfant qu’on a devant nous est un enfant du

11 CISSS, mettons-nous tous au service de cet enfant-

12 là peu importe que toi, tu travailles DI, TSA, DP

13 ou toi tu travailles en pédopsychiatrie ou toi, tu

14 es dans les Centres jeunesse. C’est ça le but. En

15 tout cas, c’est de même que je l’avais compris.

16 Ça là, c’est super. Je trouve que c’est

17 louable au boutte, mais présentement, on est de

18 plus en plus... Je ne sais pas pourquoi, il me

19 semble qu’avant, on travaillait en collaboration et

20 là, c’est de plus en plus en silo.

21 Il n’y a tellement pas de personnel et trop

22 de dossiers qui fait que... Moi, là, je travaille

23 en santé mentale, au CLSC, et si, finalement, dans

24 la patente : « Ah! Il y a quelqu’un qui avait un

25 soupçon de TSA. » Ça fait que là, écoute, on va

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 205 -

Hélène Denommée

1 pitcher ça à l’équipe de TSA.

2 Je suis devenue, je trouve... puis je pense

3 que c’est de même dans tous les services, Jeunesse

4 en difficulté me disent la même affaire, ceux qui

5 travaillent en ortho, c’est la même affaire. Si ce

6 n’est plus un problème de langage, ils vont pitcher

7 ça ailleurs. On ne travaille plus en collaboration.

8 S’il y a un intervenant qui est là, en

9 orthophonie, il n’y a pas d’autres intervenants qui

10 vont entrer en jeu. La Protection de la Jeunesse

11 est là, personne ne va rentrer en jeu. Il y a

12 quelqu’un, un DI, un TSA, personne ne va entrer en

13 jeu, même si c’est juste pour dix (10) ou douze

14 (12) rencontres.

15 C’est comme si : « Ouf! Il y a un

16 intervenant » puis « Oh! La dynamique centrale est

17 plus quelque chose qui ne nous appartient pas. »

18 C’est comme : « Go, je fais une passe à l’autre. »

19 Moi, je trouve que ma job est devenue... de

20 plus en plus, je suis un gardien de but puis il ne

21 faut pas que ma rondelle, elle rentre dans le

22 filet. C’est fou là, c’est... des familles... bref.

23 Merci, c’était ma conclusion.

24 LA PRÉSIDENTE :

25 C’est une belle façon de conclure, Madame Dénommé.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 206 -

Hélène Denommée

1 Alors, merci de votre intervention. Alors, je

2 rappelle aux commissaires qu’il nous reste à peu

3 près, un peu plus d’une quinzaine de minutes

4 d’interventions. On commence avec Lesley Hill.

5 Mme LESLEY HILL, commissaire :

6 Bien, merci beaucoup de votre témoignage. J’aurais

7 un million de questions, mais je vais me conserver

8 à une seulement parce que je veux que les autres

9 puissent parler aussi.

10 Puis c’est quelque chose, laquelle vous

11 n’avez pas parlé jusqu’à maintenant. Donc, je

12 voudrais vous entendre sur le travail clinico-

13 administratif, soit application des mesures ou même

14 en première ligne ou... Est-ce que, depuis les

15 trente (30) ans que vous êtes en fonction, vous

16 avez vu des changements en lien avec les exigences

17 administratives demandées aux intervenants?

18 R. Bien, c’est sûr que le... Au début, début, je vous

19 dirais qu’on faisait nos notes manuscrites là. Ça

20 fait qu’on remonte à loin là. Il y avait même des

21 rapports qu’on faisait avec des stencils là, trois

22 copies. Quand on faisait des rapports de fermeture

23 à l’application des mesures.

24 Mais c’est sûr que l’arrivée de PIGE a fait

25 qu’on passe beaucoup de temps devant l’ordinateur,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 207 -

Hélène Denommée

1 évidemment. Beaucoup de temps à rentrer des données

2 qui vont être utiles, à un moment donné, pour les

3 recherches et savoirs, mais c’est quand même

4 beaucoup de temps.

5 En même temps, il y a eu, à un moment

6 donné, aussi... Je ne sais pas si c’était dans

7 l’approche-ligne qu’ils ont comme épuré des choses,

8 mais à l’évaluation, orientation, ils ont décidé de

9 faire un rapport de fermeture beaucoup plus

10 succinct.

11 Maintenant, les agentes administratives

12 font tout le début des rapports aussi, quand on

13 parle de tout l’historique là, des signalements,

14 tout ça. Ça fait que c’est sûr qu’il y a des choses

15 qui se sont améliorées pour dire : À un moment

16 donné, il faut qu’il y ait des choses qui soient un

17 plus données aux agentes administratives, et ça,

18 c’est vraiment super bien.

19 Quand je suis arrivée au CLSC, je suis

20 comme un petit peu tombée en bas de ma chaise,

21 j’étais comme... j’avais à évaluer des dossiers,

22 O.K., pour des pré-éval, mais c’est la secrétaire

23 qui prend mes rendez-vous, c’est la secrétaire qui

24 monte le dossier puis elle me l’amène. Puis quand

25 on dit « monter le dossier » là, ça veut dire

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 208 -

Hélène Denommée

1 qu’elle a appelé des parents, elle leur a envoyé

2 des formulaires à faire remplir aux professeurs.

3 Elle leur a demandé s’il y avait des évaluations en

4 neuro ou en psycho, ou en je ne sais pas quoi.

5 Ce qui fait que, quand moi, mon rendez-vous

6 est pris là, j’ai le dossier, je n’ai pas besoin de

7 faire aucune démarche, je lis tout ça là, puis

8 après je rencontre le client. Je me disais : My

9 God! J’étais comme bien... bien impressionnée. Je

10 trouvais que c’était comme super à ce niveau-là.

11 Et je vous dirais, ils ne cassent pas le

12 bicycle sur qu’est-ce qu’on marque dans PIGE, dans

13 le... Bien, eux-autres, ce n’est pas PIGE, c’est

14 SIQC-PLUS là. Mais dans l’ordinateur, tu marques...

15 Tu as fait une rencontre pré-éval en santé mentale,

16 tu marques ta recommandation, mais il n’y a pas

17 d’affaires à expliquer en long et en large.

18 À la Protection de la Jeunesse, j’avais

19 l’impression qu’à un moment donné, il fallait

20 expliquer en long puis en large, puis on pouvait

21 être lu et un peu commenté sur qu’est-ce qu’on

22 marque. Mais, en même temps, tu te dis : Bien, je

23 ne sais pas pourquoi je marque tout en long et en

24 large, je vais faire un rapport, ça va tout être

25 marqué en long et en large. Au CLSC, c’est un peu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 209 -

Hélène Denommée

1 leur philosophie de dire : « Tu vas faire un

2 rapport, voir « Rapport ». »

3 Ça fait que ça, ils ont comme simplifié

4 certaines étapes, mais oui, il y a beaucoup de

5 bureaucratie. T’sais, il faut toujours remplir les

6 SSP, qu’ils appellent là, pour... Bien, je pense

7 que vous savez c’est quoi les SSP? Ça fait que dans

8 le fond, ça, on fait ça, mais tous les intervenants

9 se disent : « Hou Hou... à quoi ça sert? C’est un

10 outil clinique oui puis non. » On a l’impression de

11 le faire pour le faire.

12 Ça fait que oui, il y a énormément de temps

13 à passer à l’ordinateur, c’est clair.

14 Q. [93] Merci.

15 R. Puis même que... Bien, si je peux continuer. À un

16 moment donné, quand j’ai... J’ai été un moment en

17 remplacement d’un spécialiste en activités

18 cliniques pour la DSP, puis on se posait même la

19 question, on se disait : Comment ça se fait qu’ils

20 passent tant de temps derrière l’ordinateur?

21 Puis, aussi, ce qu’on avait l’impression,

22 c’est qu’à un moment donné, les intervenants sont

23 bien derrière l’ordinateur. Ça fait que ça, ça nous

24 a questionné. On se disait : C’est comme si...

25 C’est rushant des fois là, sortir puis aller voir

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 210 -

Hélène Denommée

1 des familles puis vivre ça. Puis à un moment donné

2 là, c’est comme si je me dis : Bien, il y a

3 beaucoup de bureaucratie puis en même temps, des

4 fois là, probablement... parce que tu ne peux pas

5 être autour du feu à parler du mammouth, bien tu

6 dis : Je vais être au moins en arrière de

7 l’ordinateur pour me donner un « break », je ne le

8 sais pas.

9 Mais on dirait que finalement, c’est un

10 cercle vicieux là. Ça sert finalement, je ne sais

11 pas comment, mais ça sert.

12 Q. [94] Hum, hum.

13 R. Ce qui fait que le monde sort moins, je ne le sais

14 pas.

15 Mme LESLEY HILL :

16 Merci.

17 LA PRÉSIDENTE :

18 Alors, on continue avec Andrés Fontecilla.

19 M. ANDRÉS FONTECILLA, commissaire :

20 Bonjour Madame, merci de votre témoignage. On a

21 l’impression de rentrer un peu dans l’intimité du

22 système, on en a bien besoin.

23 Q. [95] Écoutez, deux questions rapides. On nous a

24 signalés que l’étape de l’évaluation, orientation

25 était cruciale dans le processus. Est-ce que vous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 211 -

Hélène Denommée

1 croyez que les attentes aux standards pour cette

2 tâche-là, devraient être différents? Et pourquoi?

3 R. Au niveau des intervenants?

4 Q. [96] Oui.

5 R. Au niveau de la profession des intervenants?

6 Q. [97] C’est ça, voilà.

7 R. Bien, en fait, souvent ceux qui travaillent

8 l’évaluation, orientation c’est... il faut avoir

9 une certaine ancienneté, je vous dirais, pour avoir

10 le poste parce que finalement, c’est comme il faut

11 que tu aies été à l’application des mesures ou ça

12 fait longtemps que tu travailles à la Protection de

13 la Jeunesse pour avoir ces postes-là. C’est rare

14 qu’une jeune a un poste directement à l’évaluation.

15 Ça fait que c’est souvent des intervenants qui ont

16 roulé leur bosse un peu, avant.

17 En même temps, tu as des toutes nouvelles

18 toutes fraîches qui vont arriver, par contre, pour

19 les remplacements puis les surcroîts. C’est tous

20 des travailleurs sociaux où des ARH parce qu’il n’y

21 a pas ça au CLSC, au CLSC, c’est tous des

22 travailleurs sociaux, mais à l’évaluation, il y a

23 du monde qui ont des BAC en crimino... il y a du

24 monde... Moi, j’ai un BAC en psychologie. Il y en a

25 qui ont des BAC en psychoéducation.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 212 -

Hélène Denommée

1 Moi, je pense que c’est bien parce que ça

2 crée un espèce de multi... je ne m’en souviens plus

3 du terme, mais en tout cas, bref, on devient... on

4 pense différemment. Mais je ne pense pas qu’il y a

5 besoin d’y avoir une expertise quelconque. Je pense

6 qu’effectivement, juste être bien encadrés puis

7 être intervenant social. Je n’ai pas l’impression

8 que ça prendre quelque chose de plus particulier.

9 Q. [98] Concernant les taux de roulements, vous en

10 avez fait mention là. Qu’est-ce qu’on pourrait

11 faire pour les diminuer, selon vous?

12 R. Bien, moi, je pense que si on croit à la mission

13 puis on croit en notre organisation puis on a

14 l’impression d’être valorisé puis d’être considéré,

15 on va rester. Je pense qu’à un moment donné, c’est

16 ça qui fait...

17 Puis l’espèce d’esprit de petite équipe.

18 Moi, je pense qu’à un moment donné, quand... Avant,

19 quand je travaillais en réadaptation à Marie-

20 Vincent, puis le Centre d’accueil Marie-Vincent,

21 c’était comme une famille, c’est une entité, ça se

22 tenait. Puis il y a quelque chose, on serait resté

23 là tout le monde, pendant trente (30) ans là, je

24 pense.

25 Ça fait qu’il y a quelque chose où ça prend

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 213 -

Hélène Denommée

1 ça. C’est comme un travail difficile, ça fait qu’il

2 faut que ça soit une équipe à dimension, selon moi,

3 humaine, puis qu’on se tienne, puis qu’on soit

4 supporté, puis qu’on soit valorisé, puis qu’on soit

5 un peu le centre de l’organisation. Puis ça, je

6 pense que ça va marcher.

7 J’ai travaillé... Quand j’ai travaillé à

8 l’évaluation, orientation, à un moment donné j’ai

9 travaillé au bureau de Lachute. Puis Lachute,

10 c’était un projet-pilote qui était dans un hôpital,

11 on était dans l’hôpital, puis dans le fond, on

12 travaillait avec le CLSC. On était une mini-équipe.

13 À l’évaluation, on était trois puis à un moment

14 donné, on était deux. Puis à l’application des

15 mesures, ils étaient huit, admettons.

16 C’était une petite, petite équipe, puis on

17 travaillait avec un CLSC petit puis on travaillait

18 avec la pédo qui était en bas, mais c’était un

19 petit hôpital, Lachute. Mais c’est, comme si,

20 finalement, on se connaissait tout puis on

21 connaissait tous les clients puis on connaissait

22 les quartiers puis on...

23 Puis même qu’à un moment donné, on était

24 capable de se dire : Il faudrait... Il y avait

25 certaines familles qu’on connaissait là, cousins,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 214 -

Hélène Denommée

1 cousines. On était capable de faire un génogramme

2 complet de deux grandes familles à Lachute.

3 Mais ça là, on se tenait. On serait tous

4 restés là pendant longtemps là. Mais à un moment

5 donné, je ne sais pas, je pense que ça devient

6 trop, il y a trop de monde. Ça fait qu’on finit par

7 se déplacer, je ne sais pas.

8 Puis, en même temps, je trouve que ça fait

9 partie de la beauté de travailler à la Protection

10 de la Jeunesse là. Tu peux dire... parce que moi,

11 c’est un peu ce que j’ai fait. Tu peux travailler

12 pendant cinq ans à l’application des mesures. Tu

13 travailles, après ça, pendant cinq ans à

14 l’évaluation.

15 À un moment donné, je me suis retrouvée à

16 remplacer un réviseur pendant six mois, qui était

17 parti en différé. Après, j’ai remplacé, pendant

18 deux ans, des spécialistes en... Bien, c’est

19 intéressant, tu touches à d’autres affaires. Ça

20 fait que ça, c’était intéressant.

21 Mais oui, ça fait qu’il y a un mouvement,

22 admettons, pour l’application des mesures,

23 évidemment. À l’éval, c’est moins... T’sais, il y a

24 quand même un début, une fin, ça fait que c’est

25 moins... On ne change pas en cours d’éval, souvent

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 215 -

Hélène Denommée

1 là.

2 LA PRÉSIDENTE :

3 Merci. Pour le temps qu’il nous reste, avec Jean-

4 Marc Potvin.

5 M. JEAN-MARC POTVIN, commissaire :

6 Alors, je vais me limiter aussi à une question. Je

7 pense que je crois me souvenir de cette époque-là,

8 à Saint-Eustache et Lachute, où il y avait de très

9 petites équipes.

10 Vous avez mentionné quelque chose qui

11 retient mon attention. Vous avez dit : « Avant, là,

12 au-dessus de moi, tout me supportait, tout

13 supportait mon travail. » Puis vous avez

14 dit : « Maintenant là, ils ne sont pas là pour

15 nous. Ils sont très occupés là, mais on ne sent pas

16 qu’ils sont là pour nous. »

17 R. C’est ça.

18 Q. [99] J’aimerais ça, mieux comprendre ça puis est-ce

19 qu’on doit voir là un lien avec la réforme de deux

20 mille quinze (2015)?

21 R. Oui, il y a eu... mais même avant que Barrette

22 arrive, il y a eu..

23 Q. [100] Hum, hum.

24 R. ... à un moment donné une... c’était quasiment un

25 pool là, ce n’était pas drôle là. Ils ont fait un

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 216 -

Hélène Denommée

1 génogramme en mettant des trous, en disant : « Ça,

2 c’est des chefs de services, on en enlève. Les

3 autres, c’est des trous. Ils étaient comme mis en

4 ballottage.

5 Puis on se disait : Mon Dieu! Mon chef de

6 service va changer ou mon chef de service va avoir

7 deux équipes puis tout ça. C’était vraiment comme

8 un ballottage. Puis à travers ça, à un moment

9 donné, on a été surpris... Même aussi, quand le

10 CISSS a amené une réorganisation aussi, des chefs.

11 Il y a beaucoup de monde qui a été,

12 malheureusement, surpris de qui sont restés, qui

13 ont été nommés, comme s’il y a eu, peut-être une

14 tangente de vouloir aller chercher des dirigeants

15 gestionnaires moins cliniciens, puis du monde qui

16 sont un peu « oui, Boss ». T’sais, genre, qui ne

17 viendront pas... les marginal, oublie-ça là.

18 Alors que je trouve que dans cette job-là,

19 là, du monde créatif, du monde marginal, du monde

20 qui ont d’autres idées, du monde qui sont des

21 cliniciens un peu... hi... hi... pétés... ça en

22 prend, ça en prend parce que les situations sont

23 tellement complexes, il n’y a rien de même.

24 Ça fait qu’il faut se dire : On a une

25 situation qui est un peu loufoque, puis il faut

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 217 -

Hélène Denommée

1 essayer de trouver comment on va travailler là-

2 dedans. Ça fait que j’ai l’impression qu’il y a eu

3 une ligne, en tout cas, de direction, qui a été

4 beaucoup aux gestionnaires.

5 Là, il y a une relève qui s’en vient parce

6 qu’il y a beaucoup de gestionnaires qui s’en vont.

7 J’espère que ça va changer quelque chose puis qu’on

8 va retrouver quelque chose d’un peu plus clinique,

9 un peu plus terrain. Ça, je pense que ça serait

10 important.

11 Q. [101] Est-ce que la réforme a eu un impact sur

12 l’encadrement, le soutien des intervenants?

13 R. Bien, les personnes... Bien, t’sais, si un

14 gestionnaire avec trente (30) personnes, elle n’est

15 pas très présente puis elle a des réunions au siège

16 social, oui, ils ont mis une coordonnatrice, mais

17 qui fait comme une simili gestion. Ça fait que oui,

18 ça a changé le soutien, moi, je trouve. Je trouve

19 que ce n’est pas là, ce n’est pas présent puis même

20 quand on l’appelle.

21 On a eu, à un moment donné, une situation,

22 c’est super malheureux, en encadrement intensif,

23 d’un jeune qui s’est suicidé suite à une rencontre

24 en encadrement intensif.

25 Puis après, deux, trois mois après, on a eu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 218 -

Hélène Denommée

1 une situation avec un autre jeune en encadrement

2 intensif, qui était similaire au même jeune. Moi,

3 la chef de service et l’équipe de réadaptation, qui

4 ont... On a tous vécu le suicide de ce jeune-là.

5 À un moment donné, on ne savait plus, on se

6 disait : O.K., il y a un autre jeune qui arrive en

7 encadrement intensif, trente (30) jours plus tard,

8 il faut prendre une décision. On ne le savait pas

9 quelle décision prendre. On était comme... un peu

10 pris en disant...

11 On n’est pas capable de se décoller de ça,

12 c’est... Puis on a alerté, autant la chef de

13 service de réadapt, alerté la réadapt. Moi,

14 j’alertais, j’étais au siège social, j’alertais les

15 directeurs du siège social pour dire un peu : On

16 veut que quelqu’un réfléchisse avec nous là. On est

17 trop collé, c’est trop « too much ».

18 Puis finalement, le temps file, le temps

19 file, le temps file, puis on arrive à l’avant-

20 veille ou à la veille, il me semble, de la

21 rencontre avec le jeune en encadrement intensif.

22 Puis on se reparle moi puis la chef de service, en

23 réadapt en se disant : Bien, fuck, on fait quoi? Où

24 est-ce qu’on s’en va? Puis il n’y a pas personne

25 qui a voulu s’asseoir avec nous. Ça fait que je

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 219 -

Hélène Denommée

1 retourne dans les corridors à cogner, cogner, mais

2 O.K., ils sont pris dans d’autres choses, je ne

3 sais pas quoi. Puis là, il y en a un, un des

4 gestionnaires qui me dit : « Oui, oui, c’est vrai,

5 tu m’en avais parlé. Demain là, quand ça va se

6 passer, appelez-moi là, en mains libres là, s’il y

7 a un bogue. »

8 C’était comme si... Après, on s’est dit :

9 Ce n’est pas ça, qu’est-ce qu’ils n’ont pas

10 entendu? C’est dans tout ça où tu dis : Ça n’a pas

11 de sens là. Puis on s’entend que ce n’était pas une

12 demande d’aide pour des cors aux pieds, bordel là,

13 c’est une demande d’aide sur : Hey, on est trop

14 collé sur une situation grave face à un autre jeune

15 qui... on ne veut pas qui se suicide, évidemment

16 là.

17 Ça fait qu’on est comme : C’est quoi la

18 bonne décision? C’est quoi la... T’sais, on voulait

19 juste avoir un recul. Puis on a cogné aux portes.

20 Ce n’est pas parce qu’on ne l’avait pas demandé là,

21 on ne l’a pas eue. On l’a fait tout seul la

22 rencontre, on a dit : O.K. let’s go, on va... Puis

23 on s’est donné du temps de plus avant de faire la

24 rencontre, avec le jeune et la famille pour se

25 dire : Attend là, on va se ressaisir, on va se

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 220 -

Hélène Denommée

1 refaire une tête puis on va faire quelque chose,

2 mais ce n’est pas là.

3 Ça fait que c’est comme je me dis : Il y a

4 comme quelque chose de ne pas installée. Puis même

5 quand on cogne, ce n’est pas là. Ça fait que là...

6 En tout cas, je trouve ça un petit peu... triste et

7 dommage.

8 Me JEAN-PHILIPPE FORTIN :

9 Merci.

10 LA PRÉSIDENTE :

11 Merci beaucoup. Merci Madame Dénommé pour... C’est

12 comme si... je vous écoutais parler là, puis

13 j’avais l’impression que je me promenais avec vous,

14 dans certains endroits et je n’ai pas pu m’empêcher

15 de réagir parce que...

16 Je vous entendais, puis ce sont les

17 stratégies, malheureusement, que j’ai vues

18 appliquer dans la santé, t’sais. La charge sur

19 l’équipe...

20 R. Oui.

21 Q. [102] La standardisation puis... on travaille avec

22 des humains. Euh... la pression sur les individus.

23 Qui va prendre ce dossier en plus? T’sais... euh...

24 R. Hum, hum.

25 Q. [103] Tout le monde a l’air « cheap », mais... Je

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 221 -

Hélène Denommée

1 l’ai dit, d’entrée de jeu, merci d’avoir cassé la

2 glace pour les intervenantes et intervenants. Et je

3 le répète : C’est extrêmement important qu’on

4 entende votre voix, des voix comme la vôtre.

5 Là, vous nous avez parlé de ce que vous

6 connaissez le plus, comme professionnelle, mais

7 aussi dans les Laurentides. Alors, on va espérer

8 que vos consoeurs et confrères de partout au Québec

9 vont venir nous parler, qu’on ait un portrait

10 global.

11 Merci infiniment et...

12 R. Merci.

13 Q. [104] ... bon retour dans les Laurentides.

14 R. Merci.

15 LA PRÉSIDENTE :

16 Merci beaucoup.

17 Me JEAN-PHILIPPE FORTIN :

18 Merci.

19 LA PRÉSIDENTE :

20 Alors pendant que notre témoin quitte la salle, je

21 vous annonce que le prochain témoin sera entendu à

22 huis-clos. A nous reprenons nos travaux à dix-huit

23 heures trente (18 h 30) avec un témoin à huis-clos.

24 Merci.

25 SUSPENSION DE L’AUDIENCE

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 222 -

1 REPRISE DE L’AUDIENCE

2 _____________________

3

ORDONNANCE DE HUIS CLOS4

5

6 (Voir cahier huis clos)

7 _______________________

8

9

10 AJOURNEMENT DE L’AUDIENCE

11 _________________________

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5 - 223 -

1 SERMENT D’OFFICE

2

3 Nous, soussignées, ROSA FANIZZI et NICOLAS

4 PROVENCHER, sténographes officiels, dûment

5 assermentés, certifions sous notre serment d'office

6 que les pages qui précèdent sont et contiennent la

7 transcription fidèle et exacte des notes

8 recueillies au moyen de l’enregistrement numérique,

9 le tout hors de notre contrôle et au meilleur de la

10 qualité dudit enregistrement, le tout, conformément

11 à la Loi.

12 Et nous avons signé,

13

14

15

16 _____________________________

17 ROSA FANIZZI 18

19

20

21

22

23 _____________________________

24 NICOLAS PROVENCHER

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 2 -

TABLE DES MATIÈRES

PAGE

PRÉLIMINAIRES 3

4

38

_______________

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 3 -

PRÉLIMINAIRES

1 EN L'AN DEUX MILLE DIX-NEUF (2019), ce sixième (6e)

2 jour du mois de novembre :

3

PRÉLIMINAIRES4

5

6 LA PRÉSIDENTE :

7 Merci. Alors, je vous rappelle que nous sommes à

8 huis clos, je rappelle à la technique de s’assurer

9 d’aucune diffusion. Merci.

10 Alors, nous recevons madame ,

11 bienvenue, officiellement, et vous allez nous

12 livrer un témoignage à titre personnel. Vous avez

13 reçu et recevez toujours des services de la

14 Protection de la jeunesse pour vos enfants. Je vous

15 rappelle qu’on a à peu près une heure (1 h)

16 ensemble, on vous suggère peut-être une quinzaine

17 de minutes pour présenter votre situation et

18 laisser du temps pour des discussions avec les

19 commissaires.

20 Avant de vous laisser la parole, je vais

21 demander au greffier de vous assermenter, s’il vous

22 plaît.

23 ___________

24

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 4 -

1

2 (Sous serment)

3

4 LA PRÉSIDENTE :

5 Alors, la parole est à vous, Madame .

6 Mme :

7 Merci, Madame Laurent. Bonjour, Madame la

8 Présidente, Messieurs, Mesdames les Commissaires.

9 Je veux d’abord vous remercier de me permettre de

10 me présenter, de présenter mon témoignage

11 aujourd’hui, ce n’est pas facile pour moi, mais je

12 tenais à le faire non pas pour moi seulement, mais

13 pour toutes les femmes ou les familles qui vivent

14 des situations comparables à la mienne.

15 Je vous ai rencontrés pour la plupart

16 d’entre vous dans le cadre de mes anciennes

17 fonctions comme .

18

19

20

21 Mon objectif, en fait, aujourd’hui, c’est

22 de témoigner toute l’incompréhension, le manque de

23 formation, de connaissances des intervenants de la

24 DPJ quel que soit leur statut à l’égard de la

25 violence conjugale, de la violence conjugale post-

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 5 -

1 séparation. Ça touche également les avocats et les

2 juges des tribunaux du Québec.

3 Je reçois des services de la DPJ depuis

4 plus de trois ans maintenant, et j’ai constaté avec

5 effroi que la violence conjugale, ça ne fait pas du

6 tout partie du vocabulaire de la DPJ et ça, peu

7 importe le niveau de responsabilité. On parle

8 plutôt de conflits sévères de séparation ou encore

9 d’aliénation parentale.

10 La violence conjugale pourtant c’est un

11 fléau qui est vraiment présent dans notre société

12 et ces mots « violence » semblent très difficiles à

13 dire, à nommer, on va parler plutôt de drame

14 familial, tantôt de conflit familial, mais trop

15 rarement de violence conjugale.

16 Avant d’avoir recours aux services de la

17 DPJ, ça faisait déjà près de dix (10) ans que

18 j’étais séparée du père de mes enfants. La violence

19 conjugale, vous savez, ça commence toujours par une

20 histoire d’amour, au fond. C’était un homme

21 charmant, érudit, très cultivé et c’était vraiment

22 quelqu’un pour qui j’avais beaucoup de respect,

23 mais la violence, c’est quoi au fond, c’est du

24 contrôle, que ce soit psychologique, sexuel,

25 économique ou physique, ça touche n’importe qui, je

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 6 -

1 ne pensais pas que ça allait me toucher, je suis

2 une femme intelligente, je suis scolarisée, mais ça

3 touche n’importe qui, il n’y a personne qui est

4 l’abri de ça.

5 Pour ma part, ça s’est installé de façon

6 insidieuse, on ne s’en rend même pas compte, on

7 doute de soi, on se fait traiter de folle, de

8 paranoïaque, de tout exagérer, de faire honte, de

9 faire l’amour avec son travail, on est de plus en

10 plus isolé des amis, de la famille et j’en passe.

11 Ce sont les autres qui parfois te font des

12 remarques, mais tu veux pas les voir jusqu’au jour

13 où ça devient tellement invivable qu’il a fallu

14 mettre un terme à cette relation-là, j’étais morte

15 à trente-cinq (35) ans. J’ai cru naïvement que me

16 séparer allait mettre fin à cette violence

17 psychologique insoutenable, bien ce n’est pas le

18 cas.

19 L’arrivée de la DPJ dans la famille s’est

20 faite récemment, comme je le disais, il y a un peu

21 plus de trois. J’ai eu recours aux services de la

22 DPJ pour la première fois après avoir fait

23 plusieurs signalements en deux mille quinze (2015),

24 deux mille seize (2016), mais aussi après avoir

25 cogné aux portes de différents services. Ma fille

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 7 -

1 est très vulnérable, a un trouble du langage

2 sévère, a eu un diagnostic récent de trouble du

3 spectre de l’autisme, elle était très vulnérable,

4 donc j’ai fait des demandes à l’aide à l’école, le

5 CLSC, une travailleuse de rue, l’organisme la CLES,

6 concertation de luttes contre l’exploitation

7 sexuelle, le centre

8 , je craignais vraiment

9 pour la sécurité de ma fille, elle fuguait de

10 l’école, elle ne revenait pas aux heures entendues,

11 changeait de comportement, elle consommait de la

12 drogue. Je me sentais toute seule, tout le temps,

13 pourtant je suis une femme outillée, j’étais une

14 , je savais où cogner, je savais comment

15 demander de l’aide. Pendant ce temps, le père

16 s’opposait à tout ce que j’essayais de mettre en

17 place depuis le début de notre séparation. Je

18 disais : « A », il disait : « B ».

19 Lors d’un autre signalement qu’une fois de

20 plus n’a pas été retenu, j’ai demandé à l’homme au

21 bout du fil comment je pouvais protéger mes enfants

22 de la situation. Il m’a conseillé de faire une

23 demande de garde, ce que j’ai fait, mais quand

24 arrive la DPJ, bien tout tombe.

25 Lorsque ma fille a obtenu les services

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 8 -

1 d’une travailleuse sociale pour les jeunes en

2 difficulté, elle a sous-estimé, comme beaucoup

3 d’autres, la violence psychologique que ma fille

4 subissait de son père. Un jour, ma fille m’a

5 demandé si c’était vrai que j’étais une malade,

6 mais ça, c’est un commentaire dénigrant parmi tant

7 d’autres que j’ai pu subir de la part du père.

8 Le temps, malheureusement, m’a donné raison

9 en ce qui concerne les craintes que j’avais. Ma

10 fille a disparu pendant

11 , elle avait

12 ans. L’école n’a pas voulu la

13 scolariser jusqu’à la fin des classes, elle a

14 échoué son secondaire . On a changé ma fille

15 d’école, il y avait un programme de langage, le

16 père était en désaccord, on propose pas de

17 solutions. Le même manège a continué, j’avais dit à

18 l’école tout ce que je craignais encore. Alors, le

19 même manège a continué, mauvaises fréquentations,

20 drogues, fugues, c’était invivable,

21

22

23 . Je faisais, à ce moment-là,

24 partie du

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 9 -

1 ,

2 . Le père n’a jamais travaillé dans le

3 même sens que moi ou c’était le silence complet à

4 mes courriels, il y avait aucune cohérence

5 parentale.

6 Quand ma fille a fugué une fois de trop,

7 j’étais aux soins intensifs, j’ai eu une

8 , je suis passée à deux doigts de

9 mourir, j’ai été hospitalisée ,

10 . Quand j’ai appelé la

11 travailleuse sociale , elle

12 m’a encouragée à faire un autre signalement, j’ai

13 dit : « Ça sert à quoi de faire un signalement, je

14 n’ai jamais été entendue jusqu’à maintenant, il n’y

15 a personne qui me croit. » L’école en avait fait

16 un, je serais entendue cette fois-là, m’a-t-elle

17 dit. Ma fille habitait avec son père depuis

18 lorsqu’elle a fugué à nouveau, elle a

19 préféré vivre avec son père parce qu’elle me

20 trouvait trop sévère, que je ne comprenais rien

21 dans la vie des adolescents, ce que renforçait le

22 papa. L’école ne voulait plus la scolariser, le

23 père a choisi de l’envoyer chez la grand-mère

24 paternelle, ce à quoi j’étais en désaccord,

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 10 -

1

2 . Le père m’a mise

3 responsable de cette fugue, que toute cette

4 situation était de ma faute, a, une fois

5 de plus, échoué son secondaire .

6 Le signalement a finalement été retenu et

7 c’est à partir de ce moment-là que le cauchemar a

8 commencé, en fait, un autre cauchemar. D’abord, une

9 évaluation avec une seule travailleuse sociale,

10 mais mon erreur, c’est d’avoir accepté de la voir

11 lorsque j’étais sous la morphine encore, pour moi,

12 c’était important de la voir, j’étais comme

13 pressée, je voulais qu’il y ait quelque chose qui

14 se passe, je n’avais rien à cacher, j’étais

15 transparente, pourquoi j’aurais peur de la DPJ? Je

16 lui ai dit que je consulte une psychologue depuis

17 près de vingt (20) ans, que j’ai vécu de la

18 violence conjugale, maintenant de la violence post-

19 séparation par l’intermédiaire des enfants, mes

20 désaccords à l’effet que ma fille vive chez la

21 grand-mère paternelle, mes interventions depuis des

22 années auprès de ma fille qui a un trouble sévère

23 du langage et qui a aussi obtenu plus tard un

24 diagnostic de trouble de TSA, le père qui me met

25 des bâtons dans les roues pour toutes les mesures à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 11 -

1 prendre pour ma fille, le manque de communication

2 et le fait qu’il m’isole en prenant à partie à ma

3 mère, à ma soeur, comme il l’a fait pendant notre

4 relation.

5 Lorsque j’ai parlé des sévices psychologues

6 que mes enfants subissaient, j’ai aussi signalé mon

7 fils, quelle erreur j’ai commise. Je regrette

8 aujourd’hui d’avoir fait ce signalement-là, quand

9 je vois des parents, je leur dis : « Faites-le pas

10 le signalement, allez cogner à des portes, mais

11 faites surtout pas ça, vous allez le regretter,

12 moi, c’est mon plus grand regret. » Cette

13 travailleuse sociale a produit un rapport qui,

14 aujourd’hui, affecte encore tout le dossier avec

15 mon fils, ma fille a bientôt , elle

16 n’est plus avec la DPJ. Je suis perçue comme une

17 mère ayant de graves difficultés psychologiques.

18 Cette travailleuse sociale a écrit que je devais

19 voir un psychologue, alors que je lui ai dit que

20 j’en voyais une pour pouvoir demeurer

21 fonctionnelle. Elle a même avancé par téléphone que

22 j’avais un trouble de personnalité limite,

23 imaginez, c’est une travailleuse sociale, elle n’a

24 pas le droit de dire ça. Je l’ai dénoncée au

25 téléphone, j’ai dit : « Ma foi, j’ai peut-être mal

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 12 -

1 compris, vous êtes une psychologue, une

2 psychiatre? » Là, elle a dit : « Non. » J’ai dit :

3 « Vous avez pas le droit d’avancer un tel

4 diagnostic. » C’est ce que le père disait depuis de

5 nombreuses années que j’avais un trouble de

6 personnalité limite, c’est un billet favorable à

7 l’endroit du père et ça prend des effets chez tous

8 les intervenants et même à la cour, rien sur la

9 santé psychologique du père, jamais. C’est comme si

10 quand on est émotif, qu’on exprime une colère, qui

11 je dirais même en politique encore, Madame David,

12 les femmes sont folles, pourquoi? On a le droit

13 d’exprimer une colère.

14 La DPJ a finalement favorisé le placement

15 chez la grand-mère paternelle malgré mon

16 opposition, j’ai tenté à plusieurs reprises de leur

17 raconter l’histoire de cette femme qui a empêché

18 son fils de voir son père, je ne lui faisais pas

19 confiance, j’ai repris contact avec le grand-père

20 paternel que je ne voyais plus depuis dix (10) ans,

21 avec qui j’avais une belle relation. Le grand-père

22 a préféré couper les ponts avec moi, il craignait

23 que son fils l’empêche de voir mes enfants. Il a

24 lui-même travaillé à la

25 , il a fait beaucoup de . Je

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 13 -

1 lui a dit que la DPJ allait placer ma fille chez la

2 grand-mère, il m’a rappelé quelques jours plus tard

3 pour m’informer qu’elle allait se proposer comme

4 famille de proximité. La Cour et la DPJ ont refusé

5 cette option malgré l’historique de la grand-mère.

6 Avec les délais de la cour, ma fille habitait

7 depuis déjà six mois chez la grand-mère paternelle,

8 mais pendant deux ans, plus de deux ans, j’ai

9 pratiquement jamais vu ma fille. La grand-mère a

10 tout fait pour exercer un contrôle pour que je sois

11 le moins de contacts possible avec elle. Il n’y a

12 rien qui a été véritablement mis en place pour que

13 mon lien avec ma fille soit maintenu, ils ne sont

14 pas morts mes enfants, mais je n’avais plus accès à

15 eux, en fait, à ma fille.

16 Une intervenante dans , à ce

17 moment-là, a même avancé que j’étais envahissante,

18 que j’appelais ma fille constamment alors que

19 c’était complètement faux, ma fille m’appelait en

20 cachette. J’ai dû montrer mes appels en temps pour

21 qu’elle me croie. Jamais les intervenantes, peu

22 importe qu’ils soient m’ont crue. J’ai démontré que

23 la grand-mère ce qu’elle disait sur moi, c’était de

24 la pure invention, que le père mentait à mon égard,

25 la TS qui s’occupait de ma fille s’est rendue

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 14 -

1 compte qu’il y avait, effectivement, de la violence

2 psychologique.

3 Elle allait avoir dix-huit (18) ans dans

4 six (6) mois, j’ai demandé au réviseur qu’un juge

5 puisse la sortir de chez la grand-mère, car je

6 crains qu’elle soit incapable de le faire elle-même

7 une fois majeure, elle a peur de son père, elle

8 avait peur de sa grand-mère. Rien n’est fait, il

9 m’a dit de faire confiance en la vie, que tout se

10 réglera. Pendant tout ce temps où elle habite chez

11 sa grand-mère, ma fille n’est pas scolarisée et ce,

12 même si je disais aux intervenants que la loi

13 n’était pas respectée.

14 Mon fils, dans tout ça, mais depuis la

15 dernière année, il consomme de la drogue, a des

16 résultats scolaires catastrophiques, il est de plus

17 en plus frondeur avec moi, est violent verbalement

18 et parfois physiquement à mon endroit. J’ai levé,

19 pourtant, tous les drapeaux rouges auprès du

20 travailleur social et de l’éducateur au dossier.

21 L’éducateur qui me renvoie à l’école, l’école qui

22 me renvoie au CLSC, le CLSC qui me renvoie à la

23 DPJ, ça rend fou, je leur demande de l’aide, rien,

24 je reste seule avec tout ça. Parfois, on renvoie

25 mon fils alors que je demande : « Mais, on peut-tu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 15 -

1 faire un retour ensemble, au moins, à la maison? »

2 Rien. Là, mon fils est rendu violent avec moi,

3 c’est tellement difficile à concevoir puis je lis

4 des études où bien quand il y a de la violence

5 conjugale, ce n’est pas rare de voir qu’un enfant

6 va se retourner contre le parent violenté, mais

7 c’est ça qui se passe. Il s’est tellement fait dire

8 que toute la situation familiale repose sur ma

9 faute, qu’il éprouve une grande colère envers moi,

10 le père est même allé dire aux intervenants que ma

11 relation avec mon fils était mauvaise, il l’avait

12 fait aussi pour ma fille, le même scénario qui se

13 répète, je le dis aux intervenants, ils ne veulent

14 pas voir clair. Je revis le même cauchemar qu’avec

15 ma fille. Je suis une forte impuissante, une colère

16 vraiment immense envers ce système qui n’a pas

17 réussi à protéger ma fille et de la protéger de la

18 violence du père puis ils ne protègent pas plus mon

19 fils.

20 Dans les faits, la coparentalité est

21 maintenant devenue une norme depuis quelques

22 années, peu importe la situation, les intervenants

23 sont dans une position où ils protègent le droit du

24 père à l’enfant et non pas l’intérêt de l’enfant et

25 de le protéger de la violence du père. On parle

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 16 -

1 toujours de conflits de séparation alors qu’il

2 s’agit, dans les faits, de violence post-

3 séparation. Les intervenants souhaitent depuis le

4 départ que les deux parents se rencontrent, la juge

5 a même fortement suggéré une thérapie familiale en

6 avril dernier. J’ai approché un organisme, ,

7 c’est un intervenant qui me l’avait proposé, un

8 intervenant que j’avais trouvé plein de bon sens,

9 c’était le seul depuis trois ans, il est resté deux

10 semaines. Jamais le père a voulu collaborer ou y

11 participer comme il n’avait pas bien collaboré non

12 plus en médiation familiale à deux reprises, bien

13 avant l’arrivée de la DPJ. À chaque fois, ces

14 rencontres-là étaient d’une violence vraiment

15 extrême.

16 Quand une femme ou des enfants ont des

17 ecchymoses sur le corps, est-ce qu’on demande à la

18 victime de communiquer avec celui ou celle qui l’a

19 violentée? Dans le cas de la violence

20 psychologique, les ecchymoses ne se voient pas,

21 mais les marques sont profondes dans le cerveau.

22 Pourquoi alors demander à la victime de communiquer

23 avec celui qui l’a violentée? Les manifestations

24 post-traumatiques sont bel et bien présentes,

25 dépression, anxiété, insomnie, cauchemars, pensées

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 17 -

1 suicidaires, c’est ce que les études scientifiques

2 démontrent. Je fais des cauchemars à répétition, je

3 suis très anxieuse. Depuis l’arrivée de la DPJ, que

4 les intervenants ont pour objectif que les parents

5 communiquent. Ma psychologue a dû intervenir au

6 début des services, ses suggestions n’ont pas été

7 retenues. Elle a tenté d’expliquer qu’on ne peut

8 pas parler de conflits sévères de séparation

9 lorsqu’un couple est séparé depuis plus de dix (10)

10 ans et que la colère du père demeure vive. Pourtant

11 les preuves de violence se sont succédé, le père a

12 fait des crises à répétition aux enfants lorsque

13 ceux-ci allaient voir, par exemple, leur grand-père

14 paternel, que les enfants revenaient chez moi.

15 Lorsque ma fille a voulu partir en appartement

16 supervisé, qu’il a sorti ma fille de force de

17 l’appartement supervisé pendant les vacances des

18 intervenantes pour la ramener chez la grand-mère

19 paternelle, qu’il a tout fait pour que ma fille ne

20 voie plus sa travailleuse sociale, une fois majeure

21 parce qu’elle a reconnu cette violence de la part

22 du père, que le père a même forcé ma fille à signer

23 des documents pour qu’elle ne voie plus sa

24 travailleuse sociale et sa médecin de famille, il a

25 même été suggéré à ma fille de voir une avocate. Il

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1 les menaçait de plus voir mes enfants s’il trouvait

2 qu’ils étaient dans la gang à maman, quelle gang?

3 Parce que la gang, c’était aussi la DPJ dans sa

4 tête. Et quand je raconte ça aux intervenants et

5 même à la juge dans le dossier de mon fils, rien

6 n’est pris en compte, on parle encore de conflits

7 sévères de séparation, les faits, on les met de

8 côté.

9 Quand on se retrouve dans une situation où

10 personne te croit, que le système ne protège pas

11 tes enfants, qu’on t’accuse d’aliénation parentale,

12 que la violence conjugale post-séparation ne soit

13 pas reconnue au final, qu’est-ce qui se passe?

14 Bien, le système permet à des pères d’être dans la

15 toute-puissance.

16 J’aimerais vous dire que mon cas est isolé,

17 mais il ne l’est pas. Depuis que je suis prise dans

18 le système, j’essaie de trouver des réponses à mes

19 questions, de faire du sens avec cette réalité. Je

20 m’implique dans le

21 depuis près de ans, depuis plus de ans

22 maintenant. Je participe à ou à des

23 sur la violence conjugale et

24 la violence séparation. J’ai assisté à

25 qui portait le titre

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1

2 , ça a mis des mots sur

3 mes doutes, mes souffrances, mon isolement, mes

4 incompréhensions face à la DPJ, ma grande

5 impuissance, ma colère. J’ai pu constater que

6 j’étais loin d’être la seule à vivre ces injustices

7 de la part de la DPJ parce qu’au fond, on se pense

8 toute seule quand on vit ça puis on ne s’en vante

9 pas, on ne veut pas le dire puis j’étais aussi dans

10 un milieu où il faut être forte, j’avais honte,

11 pourquoi moi? D’autres mères vivent la même

12 situation que moi et mes enfants. J’ai lu beaucoup

13 d’études afin de mieux comprendre ce que je vis,

14 j’ai tenté de partager ces études avec les

15 intervenants de la DPJ à mon dossier pour qu’ils

16 cessent de me parler de conflits sévères de

17 séparation. Je m’excuse, je ne vois plus rien...

18 Alors, je disais, chaque fois j’ai voulu dénoncer,

19 critiquer et même soulever des questions sur les

20 intérêts de mes enfants, les intervenants m’ont

21 taxé de parent non collaborant, ils n’aiment pas

22 les parents étudiés, qui posent des questions

23 dérangeantes.

24 Dans le cadre de mon travail, j’en ai

25 rencontré des gens, j’ai même contacté un avocat

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1 spécialisé en droit de la famille qui est intervenu

2 il me dit : « , t’es

3 faite, pourquoi tu m’as pas appelé avant? Je

4 t’aurais dit quoi dire puis ne pas dire, il dit,

5 t’es vraiment faites. » Je vous dirais que ça m’a

6 complètement mis à terre.

7 Dans un conflit de séparation, les

8 partenaires sont sur un même pied d’égalité, aucun

9 n’a peur de l’autre. Dans les cas comme le mien,

10 quand tu arrives à la DPJ, ce sont des cas de

11 violence conjugale, des fausses allégations de

12 violence, il y en a très peu selon les études que

13 j’ai consultées. Les intervenants prennent la

14 position antivictimaire. Dû au manque de formation,

15 ils ne sont pas en mesure de reconnaître la bonne

16 victime, ils adoptent une position qui reconnaît la

17 détresse des hommes. On excuse un acte violent même

18 à l’endroit des enfants. En fait, la DPJ a envenimé

19 une situation familiale empreinte de violence au

20 lieu de l’apaiser ou de la faire cesser. Les

21 ordonnances de la cour n’ont pas été suivies.

22 Lorsque je démontrais le non-respect de

23 l’ordonnance de la part du père, on me suggérait de

24 faire appel à la cour. Pourquoi, eux, les

25 intervenants ne le faisaient pas? Est-ce normal

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1 quand on est victime de faire toutes ces

2 recherches, est-ce que c’est normal toute cette

3 violence de la DPJ sur les femmes et par extension

4 les enfants? Les types de mesures en place sont

5 catastrophiques et détruisent le lien avec le

6 parent protecteur au lieu de maintenir le lien

7 sain, il est détruit par de mauvaises décisions de

8 l’intervenant, et ce, jusqu’au juge, la violence

9 est plus vive que jamais, elle est destructrice.

10 Je suis une maman incapable de protéger mes

11 enfants et cela parce que la DPJ accorde encore une

12 trop grande importance à la présence d’aliénation

13 parentale, une prétention du pédopsychiatre

14 américain Richard Gardner qui est vivement

15 contestée par de nombreux spécialistes et

16 chercheurs dans le monde. D’ailleurs, en France,

17 c’est maintenant proscrit de présenter une preuve

18 d’aliénation parentale devant la Cour, vous pourrez

19 le constater dans un des documents que j’ai

20 déposés.

21 Je ne vois pas mon fils depuis le début de

22 à la suite d’un épisode d’intoxication

23 et violence de mon fils à mon endroit. Il est placé

24 en foyer de groupe depuis . Le père a vu

25 mon garçon trois fins de semaine de suite. La juge

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1 a mis la faute sur les deux parents. Depuis, les

2 intervenants, ils n’ont rien fait pour rétablir mon

3 lien avec mon fils. Je les ai vus un mois après la

4 décision de la Cour, il faut dire que j’étais

5 épuisée de la situation, que je le suis encore et

6 que j’ai demandé à ce que mon fils ne vienne pas

7 chez moi pour une période, que je ne veux plus

8 vivre toute cette violence à mon endroit qu’elle

9 vienne de mon fils ou du père.

10 L’éducateur a tenté de faire de la

11 médiation entre moi et mon fils vers la fin

12 , ce qui demeure choquant, pourquoi il ne

13 l’a fait pas fait quand je levais les drapeaux

14 rouges et que je demandais de l’aide, pourquoi là?

15 J’ai dit : « C’est trop peu, trop tard, voyons! »

16 C’est ridicule de faire cet exercice-là maintenant.

17 Mon fils est persuadé que ce placement est

18 entièrement de ma faute, ce que le père renforce.

19 La psychologue qui a fait l’évaluation

20 psychologique de mon garçon, ordonnée par la cour,

21 a parlé de ma position victimaire, de ma mauvaise

22 relation avec mon fils. Je n’ai même pas eu accès à

23 son rapport devant la cour, je ne l’ai pas

24 toujours. Or, en échangeant avec d’autres femmes

25 sur un groupe privé, je me suis rendue compte que

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 23 -

1 je n’étais même pas la seule avoir eu affaire avec

2 ce psychologue. Dans tous les cas, c’est joué avec

3 une prise de position où la femme est fautive et

4 dans une position victimaire et puis la DPJ a

5 souvent recours à lui.

6 En résumé, toute cette histoire, c’est un

7 véritable gâchis psychologique. C’est trop tard

8 pour moi et mes enfants, le mal est fait. J’espère

9 de tout coeur qu’avec la Commission, la violence

10 faite aux femmes soit réellement reconnue, que

11 c’est une réalité qui, malheureusement, nuit aux

12 enfants même si la mère veut les protéger de cette

13 violence familiale. Sans cette reconnaissance, un

14 trop grand nombre d’enfants continueront de

15 souffrir. La violence faite aux femmes est un grave

16 problème de société qui perdure dans le temps, ce

17 déni doit cesser.

18 J’ai plusieurs recommandations à vous

19 faire. Tout d’abord, les évaluations devraient être

20 faites avec deux intervenants expérimentés et

21 formés en matière de violence conjugale, idéalement

22 un psychologue et un travailleur social. J’ai

23 pourtant demandé à maintes reprises qu’il y ait des

24 psychologues. Jamais j’en ai vu un.

25 Que les intervenants soient imputables lors

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 24 -

1 de leurs décisions, c’est ressorti récemment lors

2 d’un Comité de direction à la DPJ

3 .

4 Que les intervenants soient mieux formés en

5 matière de violence conjugale. D’ailleurs,

,

7 ,

8 à l’époque, m’a avoué qu’il y avait très

9 peu de formation en matière de violence conjugale.

10 Qu’il y ait une équipe spécialisée pour

11 traiter des cas de violence conjugale.

12 Que la DPJ consulte les études récentes en

13 matière de violence conjugale.

14 Qu’une équipe judiciaire soit également

15 formée en matière de violence conjugale.

16 Que l’on accepte de réelles preuves en

17 cour, non pas des preuves à partir d’évaluations

18 souvent subjectives.

19 Qu’il y ait un intervenant pivot pour faire

20 le pont entre tous les services, que ce soit

21 l’école, le CLSC, divers intervenants de la DPJ.

22 Que la DPJ collabore avec les regroupements

23 des maisons pour femmes victimes de violence

24 conjugale.

25 Qu’il y ait moins de roulement de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 25 -

1 personnel, et ce, en assurant une formation

2 continue.

3 Et finalement, qu’il y ait une création

4 d’un groupe de surveillance permanent sur les

5 pratiques de la DPJ pour ne pas que tout ça soit

6 tabletté puis que ça reste, au fond, qu’il y ait

7 quand même toujours des gens pour surveiller,

8 critiquer, lever les drapeaux rouges.

9 Je vous ai laissé à l’appui de mon

10 témoignage plusieurs documents, ce qui m’a inspiré

11 depuis la dernière année et voilà!

12 LA PRÉSIDENTE :

13 Merci, . Vous êtes vraiment rendue au

14 bout, on a vraiment senti tout ce que ça vous

15 demandait, ce que ça vous a demandé.

16 Mme :

17 Ce n’est pas facile.

18 LA PRÉSIDENTE :

19 C’est clair, nous l’avons senti, croyez-moi. Par

20 respect pour vous, on va essayer de se limiter à

21 quelques questions peut-être sur les

22 recommandations que vous nous suggérez en termes de

23 compréhension. Merci infiniment. Alors, on va

24 débuter les échanges avec Gilles Fortin.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 26 -

1 M. GILLES FORTIN, commissaire :

2 Q. [1] Merci d’abord de vous être donné tout ce mal.

3 Je comprends que ça fait mal de parler de tout ça

4 et je comprends très bien. Vous avez...

5 R. On fait mal, mais c’est vraiment important, pas

6 juste pour moi, je le fais vraiment dans un

7 objectif...

8 Q. [2] ... et...

9 R. ... que ça aille mieux.

10 Q. [3] ... je pense qu’on apprécie votre générosité à

11 cet égard-là, effectivement. Je suis tout à fait

12 d’accord avec vous qu’en matière de violence, les

13 bleus ne sont qu’une pointe de l’iceberg en termes

14 de niveau de douleur, c’est toute la douleur

15 psychologique qui est en dessous, qui est souvent

16 la plus importante et la plus difficile à mesurer

17 et là-dessus, je suis de tout coeur avec vous.

18 Je comprends que ce parcours a été semé

19 d’incompréhension surtout. Vous nous avez parlé

20 beaucoup de ce qui s’est passé à la DPJ, qui est un

21 parcours très malheureux, à ce que je comprends, à

22 vos yeux. J’aimerais vous amener peut-être sur la

23 première ligne, avant la DPJ, parce que vous savez

24 cette Commission-ci, ce n’est pas juste pour la

25 DPJ...

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1 R. Mais non.

2 Q. [4] ... mais c’est tous les services à l’enfance

3 que l’on veut regarder, enfance et à la famille.

4 Qu’est-ce qui aurait pu, est-ce qu’il y a quelque

5 chose, à votre avis, qui aurait pu se faire avant

6 que vous soyez contrainte d’en arriver à faire

7 appel à la DPJ? Je parle première ligne, que ce

8 soit le médecin de famille, que ce soit CLCS?

9 R. Écoutez, avant d’arriver à la DPJ, là, c’est qu’on

10 a tout essayé. J’ai vraiment cogné à toutes les

11 portes. Comme je vous disais, bien je suis une

12 et j’ai été pendant vingt-

13 cinq (25) ans, je sais où aller cogner, je sais qui

14 appeler, j’ai vraiment appelé partout.

15 Q. [5] O.K.

16 R. J’en ai parlé à ma médecin de famille. Pour elle,

17 ce qu’elle me disait : « Mais, c’est complètement

18 inhumain ce que tu vis depuis des années », mais au

19 fond, tu sais, j’ai eu peur, moi, de demander une

20 garde complète de la part de mes enfants parce que,

21 bon, j’ai été isolée d’une part de mon ex-belle-

22 famille, du papa, du grand-père de mes enfants, ils

23 étaient à la DPJ puis j’étais tellement persuadée

24 qu’ils allaient croire le père, qu’ils allaient me

25 traiter de folle, j’avais peur de faire une demande

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 28 -

1 de garde complète, mais si c’était à refaire puis

2 c’est ce que je disais aux intervenants, je

3 l’aurais fait bien avant.

4 C’est fou, mais je ne pouvais même pas

5 nommer que c’était de la violence que je vivais.

6 C’est une fois que j’ai été séparée, que ma

7 psychologue m’a fait travailler puis m’a fait

8 rendre compte, parce que c’est difficile à

9 admettre, hein...

10 Q. [6] C’est difficile, oui.

11 R. ... c’est très difficile, tu veux pas le voir puis

12 c’était un rêve de famille que j’avais au départ.

13 Alors, oui, j’ai cogné à toutes les portes, mais je

14 sentais de l’impuissance. C’est comme si les gens

15 ne savaient pas trop où m’envoyer. Il y a une

16 psychoéducatrice à l’école de ma fille à qui

17 j’avais partagé un courriel du père, elle a dit :

18 « Ça n’a pas de bon sens, il va falloir que tu

19 fasses un appel à la DPJ. » J’ai dit : « Oui, mais,

20 pourquoi? Est-ce qu’ils vont vraiment... », elle-

21 même le voyait, elle disait que allait

22 être en danger, elle se mettait en danger, mais ça,

23 j’étais consciente. Puis pour faire valoir mes

24 inquiétudes puis à l’effet qu’elle était

25 probablement en train d’être recrutée, je suis

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 29 -

1 allée même rencontrer une travailleuse de rue qui

2 est considérée comme la

3

4

5 ... mais c’est une femme qui

6 me disait : « Bien, vous avez raison », tout était

7 en place pour que l’enfant soit recrutée. Mais j’ai

8 cogné à toutes les portes, mais j’ai senti de

9 l’impuissance, ils ne savaient pas où m’envoyer

10 finalement ou quand je parlais de ce que je

11 vivais : « Bien, non, c’est pas possible, votre

12 enfant ne semble pas vivre de la peur. » Je dis :

13 « Bien, non, mais c’est ça, elle ne vous dira pas

14 la vérité nécessairement, elle est super

15 influençable, elle a peur de son père. » Ça fait

16 que ça, il y avait un, en fait, une incompréhension

17 à la base même en première ligne, j’ai même appelé

18 la un moment donné, parce que ma fille m’a

19 lancé un verre par la tête, mon fils avait eu

20 tellement peur, elle s’était fâchée, mais

21 évidemment, moi, je ne savais pas qu’elle prenait

22 autant de drogues là, à ce moment-là, mais ça rend

23 agressif, ils sont venus dans la nuit puis ils

24 m’ont dit : « Bien, écoutez, vous avez beaucoup de

25 services, bon, on ne retiendra pas un signalement

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1 nécessairement pour la DPJ ».

2 Puis c’est aussi pour ça que la DPJ ne

3 retenait pas les signalements parce qu’ils

4 considéraient que j’avais déjà, disons, des

5 services, que j’avais une psychologue, que ma fille

6 avait une travailleuse sociale, qu’il y avait des

7 services à l’école, c’est souvent pour cette

8 raison-là qu’on ne retenait pas les signalements.

9 Puis même qu’en

10 lorsque je l’ai retrouvée en pleine nuit et bon,

11 évidemment, il faut aller à l’hôpital quand

12 l’enfant, on soupçonne qu’elle a peut-être été

13 violée ou très, très intoxiquée, ça, ça a été

14 épouvantable cet épisode-là, bon, ils sont obligés

15 de faire un signalement à la DPJ. Bien, l’homme qui

16 m’a rappelée par la suite, bien ils m’ont dit la

17 même chose : « On retiendra pas le signalement. »

18 Écoutez, ce n’est pas parce que je n’avais

19 pas confiance en la DPJ, à ce moment-là, je criais

20 à l’aide, j’avais besoin d’aide. C’est que tu te

21 sens tellement seule, tu te sens seule puis

22 impuissante puis, « ben, crime » je suis une femme

23 scolarisée, qui est capable de défoncer des portes,

24 cogner puis même là, j’avais l’impression que

25 personne pouvait vraiment m’aider, c’est de

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1 l’impuissance que je sens chez les gens et peut-

2 être un manque de formation aussi.

3 LA PRÉSIDENTE :

4 Avais-tu prévu d’autres questions, Gilles?

5 M. GILLES FORTIN, commissaire :

6 Merci.

7 LA PRÉSIDENTE :

8 Ça va?

9 M. GILLES FORTIN, commissaire :

10 Ça va, merci.

11 LA PRÉSIDENTE :

12 D’accord. Alors, on va continuer avec Andrés

13 Fontecilla.

14 M. ANDRÉS FONTECILLA, commissaire :

15 Q. [7] Bonjour, Madame.

16 R. Bonjours.

17 Q. [8] Merci d’être ici, on sent la détresse dans

18 votre propos. Évidemment, vous avez eu un parcours

19 très cahoteux, le moins qu’on puisse dire. Écoutez,

20 j’aimerais vous entendre sur la question de la

21 violence conjugale et la reconnaissance par la DPJ

22 de cette réalité-là. Donc, vous introduisez le

23 concept de violence post-séparation. Effectivement,

24 comme ça, dans l’immédiat, on pourrait dire : bon,

25 vingt (20) ans après une séparation, ça pourrait

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 32 -

1 être voir, constater une situation de violence soit

2 psychologique ou physique, ça peut.. À premier

3 abord, il faut comprendre, mais j’aimerais vous

4 entendre davantage sur votre réflexion, votre

5 pensée sur le comment mieux outiller les

6 intervenants/intervenantes de la DPJ sur la

7 question de la violence conjugale tout court, la

8 violence envers les femmes parce que vous semblez

9 dire qu’il n’y a pas de reconnaissance de cette

10 situation-là alors qu’effectivement, ça existe,

11 comment outiller les gens qui travaillent à la DPJ

12 sur cette réalité-là?

13 R. Bien, d’abord, il faut nommer le mot. Il y a eu un

14 rapport qui vous avez dans les documents que je

15 vous ai déposés de madame Malo qui a été fait en

16 deux mille treize (2013) par la DPJ. On parlait, à

17 ce moment-là, d’aliénation parentale ou conflits

18 sévères de séparation, comment faire la distinction

19 entre les deux. On nomme même pas dans ce rapport-

20 là, on ne parle même pas de violence, mais on parle

21 de Richard Gardner, par exemple. Ça, je trouve ça

22 hyper préoccupant...

23 Q. [9] Qui est?

24 R. Richard Gardner, c’est le pédopsychiatre dont je

25 parlais dans mon témoignage et à qui on accorde une

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 33 -

1 grande importance, pas juste ici au Québec, mais

2 partout dans le monde, il y a eu beaucoup de pères

3 militants qui sont inspirés de ses dires parce que,

4 dans le fond, ce que je lisais de Richard Gardner,

5 c’est que l’aliénation parentale, c’est un mal de

6 mère, M-È-R-E. Alors, quand on parle d’aliénation

7 parentale, bon, c’est un conflit, hein, entre les

8 deux parents. C’est qu’un parent va parler en mal

9 de l’autre, mais jamais on nomme la violence

10 conjugale, c’est ça, pour moi, le problème

11 fondamental. Pendant qu’on parle d’aliénation

12 parentale et de conflits sévères de séparation, on

13 n’est pas au coeur du problème, on ne veut pas le

14 voir. Un conflit de séparation, c’est des pierres

15 qu’on se lance au départ, j’en connais plein, moi,

16 de couples, qui sont séparés puis qui fonctionnent

17 super bien puis je leur dis tout le temps : « Vous

18 êtes donc bien chanceux, j’aimerais tellement ça

19 pouvoir vivre ce que vous vivez », je vois ces

20 parents-là en rencontres de parents, c’est jamais

21 arrivé, il a toujours dit qu’il ne voulait pas se

22 présenter en même temps que moi. Alors, il fait

23 croire que c’est moi qui n’est pas correcte. Ça

24 fait que vous voyez, ça sème tout le temps le doute

25 auprès des intervenants, que ce soit à l’école, il

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 34 -

1 est toujours en train de semer le doute, c’est moi,

2 la pas correcte, c’est moi qui pose problème. Ça

3 fait qu’au fond, le coeur du problème, c’est nommer

4 ce que c’est. Il n’a pas tué mes enfants, mais en

5 faisant en sorte de mentir à la DPJ puis de faire

6 en sorte que je vois moins mes enfants, ça me tue

7 ça aussi puis il le sait.

8 LA PRÉSIDENTE :

9 Ça va, Andrés?

10 M. ANDRÉS FONTECILLA, commissaire :

11 Oui.

12 LA PRÉSIDENTE :

13 O.K. On va poursuivre avec une dernière question

14 avec Danielle Tremblay.

15 Mme DANIELLE TREMBLAY, commissaire :

16 Q. [10] Bonjour, Madame .

17 R. Bonjour.

18 Q. [11] Écoutez, je salue votre courage de venir

19 partager avec nous votre cri du coeur, hein, pour

20 nous partager votre histoire douloureuse puis dans

21 l’optique de ce que vous dites, hein, de faire

22 avancer, faire évoluer les choses. Vous nous avez

23 mentionné dans vos recommandations que vous nous

24 recommandez que dans des situations similaires à la

25 vôtre, que ce soit une équipe de deux

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1 intervenants...

2 R. Hum, hum.

3 Q. [12] ... composée d’un psychologue et d’un ou d’une

4 travailleuse sociale...

5 R. D’un ou...

6 Q. [13] ... quels avantages vous verriez à ce duo-là?

7 R. Bien, d’abord, quand on fait équipe, bien peut-être

8 que la perception d’un ne va pas être la même

9 perception que l’autre, au moins, il y a un échange

10 entre les deux, alors qu’un seul intervenant ou une

11 intervenante, bien il y a le risque du piège ou

12 elle a peut-être manqué quelque chose ou il y a un

13 manque de recul, alors qu’un échange en équipe

14 pourrait être propice à une réflexion et discuter,

15 débattre et avoir une équipe multidisciplinaire,

16 bien au moins, il y a une compréhension, par

17 exemple, de la détresse peut-être que vit le

18 parent. En ayant un psychologue, bien il y a une

19 meilleure compréhension aussi de la souffrance

20 humaine, le travailleur social n’a pas la même

21 expertise. Moi, c’est aussi ça que je dénonce, je

22 trouve qu’il y a trop de travailleurs sociaux.

23 Quand il y a... ils ont une formation qui est

24 correcte là, c’est tout à fait louable, mais un

25 psychologue, au moins, il va aller beaucoup plus

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1 loin, va aller chercher, ils ont fait des études

2 poussées pour comprendre la détresse humaine puis

3 comprendre les mécanismes, le travailleur social

4 n’a pas ça.

5 Puis par ailleurs, il y a de moins en moins

6 de travailleurs sociaux, c’est des techniciens,

7 celle qui est avec moi en ce moi en ce moment est

8 toute jeune, écoutez, je me demande si elle

9 n’habite pas chez ses parents pour vous dire, mais

10 elle est technicienne la travailleuse sociale là,

11 pour moi, elle n’est crédible à mes yeux, c’est une

12 enfant que j’ai face à moi.

13 Q. [14] Donc, vous souhaitez une meilleure formation,

14 un meilleur soutien.

15 R. Une meilleure formation, un meilleur soutien

16 puis...

17 Q. [15] Et des regards différents?

18 R. Des regards différents puis vraiment d’avoir une

19 expérience, on n’envoie pas les gens de moins

20 trente (30) ans faire une évaluation qui est hyper

21 cruciale pour la suite des choses, qui est vraiment

22 cruciale pour la suite des choses parce que, comme

23 je vous disais, ça suit son cours puis là, les

24 intervenants changent leurs rapports puis là, ils

25 font la même lecture puis on tourne en rond, mais

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1 ça là, c’est catastrophique, quand ça commence mal,

2 ça continue mal.

3 Q. [16] Merci beaucoup.

4 LA PRÉSIDENTE :

5 Merci. Encore une fois, merci, Madame , on

6 sent, des fois, on dit, ça prend tout le petit

7 change, on comprend que ça a pris tout votre petit

8 change pour venir témoigner et vous l’avez dit, ce

9 n’est pas juste pour vous, mais c’est pour...

10 Mme :

11 Non.

12 LA PRÉSIDENTE :

13 ... c’est pour les autres, on vous remercie

14 infiniment et je vais vous souhaiter de prendre

15 soin de vous et merci encore d’être venue

16 témoigner. Je vous remercie.

17 Mme :

18 Merci.

19 LA PRÉSIDENTE :

20 Alors, nous étions à huis clos, le temps que notre

21 témoin quitte et nous pourrons lever le huis clos

22 pour reprendre nos travaux à quatorze heures

23 (14 h). Merci.

24 SUSPENSION DE L’AUDIENCE

25 REPRISE DE L’AUDIENCE

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 38 -

1 LA PRÉSIDENTE :

2 et et ils ont été famille d’accueil de

3 type Banque mixte. Ils vont témoigner de quelques

4 enjeux liés à l’adoption de leurs deux enfants.

5 Alors on a une soixantaine de minutes ensemble.

6 Comme suggéré, peut-être quinze minutes (15 min) de

7 présentation et ensuite le temps d’échange avec les

8 commissaires pour le reste du temps qu’il nous

9 reste... qu’on aura ensemble.

10 Avant de vous laisser la parole, je vais

11 demander au greffier de vous assermenter.

12

,13

14 ,

15 (Sous serment)

16

17 LA PRÉSIDENTE :

18 Alors je vous laisse la parole. Moi, je pose la

19 question la plus importante : ils ont quel âge les

20 enfants? On a-tu des photos? On est à huis clos, on

21 peut se permettre, on veut voir, on veut voir.

22 M. :

23 On a plein de photos sur nos téléphones, ça va nous

24 faire plaisir.

25

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1 LA PRÉSIDENTE :

2 On veut voir les petites faces, là. Bon. Alors

3 désolée. Trêve de distraction, je vous laisse la

4 parole. À vous.

5 M. :

6 Je peux vous le dire tout de suite, alors notre

7 garçon a cinq ans et notre petite fille aura trois

8 ans très bientôt. Alors c’est ça, comme vous

9 disiez, nous on est famille Banque mixte. Ça fait

10 onze (11) ans qu’on est en couple, et moi.

11 Et on est un couple qui a toujours voulu adopter,

12 avoir des enfants. Et pour nous, la Banque mixte

13 c’était vraiment... c’était la voie privilégiée.

14 Alors nous, on a notre petit garçon qui est

15 arrivé... bien maintenant qui est rendu grand, qui

16 est arrivé à l’âge de dix (10) mois, après avoir

17 vécu dans environ cinq foyers avant d’arriver chez

18 nous. Et puis on a une petite fille qui est arrivée

19 après cinq jours, donc qu’on est allés en fait

20 chercher directement à l’hôpital. C’est des frères

21 et soeurs biologiques, ils ont les mêmes parents

22 biologiques, donc... donc cinq ans et trois ans

23 aujourd’hui, puis bon notre garçon, lui,

24 aujourd’hui, vit quand même des enjeux au niveau de

25 l’attachement. Alors c’est un petit garçon qui a

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1 besoin de beaucoup de... beaucoup d’attention,

2 beaucoup de soins.

3 Puis pour nous, bien c’était important de

4 venir témoigner pour vous parler de la réalité des

5 familles Banque mixte. C’est un... il y a beaucoup

6 d’enfants qui passent par ce programme-là, qui est

7 quand même soit dit en passant aussi un bon

8 programme. C’est sûr qu’on vient vous parler un peu

9 de certaines choses qui... qui... certains accrocs

10 qu’il y a dans le programme, mais qui est quand

11 même quelque chose de bien. Puis ce qu’on a vécu

12 qu’on veut vous partager c’est quelque... c’est des

13 choses qu’on... on côtoie beaucoup d’autres

14 familles Banque mixte, on a un large réseau d’amis

15 qui ont passé aussi par ce processus-là puis c’est

16 des choses que... des lacunes qu’on constate et que

17 plusieurs autres familles d’accueil qu’on connaît

18 ont constaté. Et bon, donc pour nous c’est ça, on

19 voulait vous partager notre témoignage.

20 M. :

21 Oui. Ça fait qu’il y a deux... dans le fond, il y a

22 deux choses qu’on vient dire aujourd’hui. Il y en a

23 une c’est sur le... parfois des... un peu... une

24 perception de notre part en tout cas que les...

25 qu’il y a des décisions qui ne sont pas toujours

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1 prises dans l’intérêt de l’enfant, qui sont parfois

2 prises dans l’intérêt peut-être de... du système ou

3 dans l’intérêt des parents biologiques aussi, c’est

4 normal, mais parfois qui sont pris au détriment de

5 l’intérêt de l’enfant, puis on a quelques exemples

6 à donner là-dessus.

7 Puis l’autre c’est sur l’aspect un peu d’un

8 certain arbitraire des intervenants qu’on a senti

9 dans les cinq intervenants avec qui on a travaillé,

10 là, pendant les... dans le fond les années où on a

11 été famille d’accueil, maintenant on est... les

12 deux sont adoptés puis on n’est plus famille

13 d’accueil, on n’est plus avec la DPJ, on n’a plus

14 de contact, tout ça, depuis en fait,

15 là, que a été adoptée. Ça fait que

16 c’est un peu ça qu’on... c’est un peu ça qu’on

17 vient... qu’on vient dire. Donc, la première chose,

18 décision pas toujours dans l’intérêt de l’enfant.

19 On pourrait en parler longtemps, plein d’exemples,

20 mais grosso modo, bon, nous, on a eu un enfant qui

21 est arrivé à dix (10) mois. On était la cinquième

22 famille en fait. Il était passé par quatre...

23 quatre foyers avant. Ses parents biologiques,

24 grands-parents, grands-parents, famille d’accueil

25 de transition, puis ensuite arrivé chez nous à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 42 -

1 l’âge de dix (10) mois, séparé de son frère à l’âge

2 de dix (10) mois aussi, il a été avec son frère

3 biologique dans les quatre endroits où il a été

4 avant d’arriver chez nous.

5 Puis le... dans le fond, une des choses

6 qu’on se dit depuis le début, parce qu’aujourd’hui

7 on a un enfant qui a des enjeux d’attachement. On

8 le sait objectivement, là, il y a des

9 professionnels qui nous le confirment de plus en

10 plus. Ça se vit dans... ça se vit au quotidien, il

11 a besoin de beaucoup de services. Puis dans le fond

12 le passage dans la famille d’accueil de transition,

13 qui a duré six mois avant qu’il arrive chez nous,

14 peut-être qu’il aurait pu être évité si, nous,

15 on... dans le fond on aurait été prêt à prendre

16 plus de risque. T’sais, à ce moment-là il était en

17 famille de transition parce que peut-être que le

18 dossier n’était pas aussi clair, peut-être qu’il y

19 aurait une plus forte possibilité de retour. Bon.

20 Mais en même temps, nous, on aurait été prêts à

21 prendre le risque.

22 Puis dans le fond, pour nous économiser ce

23 risque-là, bien on a fait vivre à l’enfant une

24 séparation qui a été plus tard, une séparation de

25 son frère, séparation de... encore d’un autre

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1 foyer, là. Ça fait que ça c’était une des choses où

2 on s’est dit : bien la décision, elle a été

3 prise... t’sais, dans ce contexte-là peut-être pour

4 protéger la DPJ, protéger des intervenants ou je ne

5 sais pas trop quoi, plutôt que pour protéger

6 notre... notre coco .

7 L’autre... l’autre élément c’est... bon, au

8 bout de... est arrivé au mois de . Au

9 mois de on a prononcé un... une

10 admissibilité à la... non. Un placement en

11 majorité. Donc, ça faisait déjà un an qu’il était

12 retiré de son milieu biologique, donc en ,

13 , début on a eu un placement en

14 majorité, donc c’est un projet de vie permanent

15 pour lui. Mais il a maintenu des contacts pendant

16 encore plusieurs mois, là, jusqu’en juin de l’année

17 d’après, contacts qui étaient très difficiles, qui

18 étaient toujours de plus en plus difficiles. Perte

19 d’appétit, perte de... troubles de sommeil,

20 terreurs nocturnes qui pouvaient durer deux, trois,

21 quatre jours jusqu’à ce qu’à un moment donné...

22 puis nous autres on avait l’impression, bien on

23 disait : bien pourquoi on n’arrête pas? Pourquoi on

24 n’arrête pas ces contacts-là? C’est clairement pas

25 dans son intérêt. Puis on nous disait : bien soyez

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 44 -

1 patients, puis il faut monter un dossier, puis...

2 Jusqu’à ce qu’un jour un... ça a été la DPJ qui a

3 amené un psychiatre pour faire évaluer, que là

4 c’était vraiment pas bon que ces visites-là

5 continuent. Puis là, le Tribunal, en urgence, puis

6 là les contacts ont été arrêtés.

7 Ça fait que, nous, ce qu’on dit dans un

8 contexte comme celui-là, qui est assez fréquent,

9 là, qui semble assez fréquent, quand le projet de

10 vie est clair, que l’enfant est placé jusqu’à ses

11 dix-huit (18) ans, la démonstration devrait être

12 que c’est dans son intérêt de maintenir des

13 contacts et non... au lieu de faire la

14 démonstration qu’il faut arrêter les contacts.

15 T’sais, c’est d’inverser un peu le... l’approche,

16 là, de dire : bien par défaut, les contacts

17 arrêtent quand le projet de vie est permanent. Puis

18 si on démontre que c’est dans l’intérêt de tout le

19 monde, bien là c’est correct, on continue. Mais...

20 ça fait que c’est un peu ça. Même chose pour les...

21 les droits médicaux, quitter le pays, des choses

22 comme ça, là.

23 M. :

24 Je vais juste me permettre de dire quelque chose.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 45 -

1 M. :

2 Oui.

3 M. :

4 Parce qu’on s’en est parlé un peu tantôt. T’sais,

5 dans le fond quand on dit de l’inverser c’est de ne

6 pas attendre d’avoir... d’être obligé de faire la

7 démonstration que l’enfant, ça le traumatise de

8 conserver des contacts.

9 M. :

10 Parce que dans notre cas c’était un peu ça. Il

11 fallait... il a fallu... on avait l’impression

12 qu’il fallait se rendre jusqu’à... là, c’est clair

13 que c’est pas bon pour lui, là, puis... mais

14 combien de visites ont été... t’sais, combien de

15 visites inutiles on a eues, là, avec... La même

16 chose les vaccins, on ne pouvait pas le faire

17 vacciner puis on allait... parfois on est allé en

18 urgence avec lui pour une... une laryngite puis,

19 bon, on arrive puis là bien : « Pourquoi il n’est

20 pas vacciné? Pourquoi il n’a pas eu... » Puis là

21 bien nous on dit : « Bien on aimerait ben ça,

22 mais... » Pourtant, on est dans un... il était

23 placé à majorité, il avait son projet de vie

24 permanent, mais l’autorité médicale on ne l’avait

25 pas encore. Ça fait que c’est un peu ça. L’autre

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 46 -

1 point c’était sur l’arbitraire des...

2 M. :

3 Oui, bien on a vécu... bon, on a connu beaucoup de

4 travailleurs sociaux et puis, bon, il y avait

5 beaucoup de disparités d’un travailleur social à

6 l’autre. Mais une chose qui était permanent qu’on a

7 vécue c’est qu’il y avait une peur que la

8 décision... que les recommandations de la DPJ

9 qu’ils fassent ne soient pas retenues par un juge.

10 Alors il y avait toujours un peu cette... cette

11 idée qu’il faut bâtir un dossier béton pour

12 s’assurer que jamais un juge pourrait venir à

13 l’encontre dans la recommandation de la DPJ. Et

14 c’est toujours... on se faisait souvent dire : bien

15 il ne faut pas être pris en défaut. On ne veut pas

16 être pris en défaut. Mais à un moment donné être

17 pris en défaut ça va jusqu’où et est-ce que c’est

18 dans l’intérêt de l’enfant?

19 Puis là, bien on a vécu beaucoup de

20 disparités d’un intervenant à l’autre sur qu’est-ce

21 que c’est qu’être pris en défaut ou pas. Dans le

22 cas de notre garçon, comme en a parlé, on

23 a vécu des visites qui ont été très longues, on

24 nous a même demandé de participer à ces visites-là.

25 Ça s’est reviré contre nous. Notre enfant avait

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 47 -

1 d’énormes réactions, il s’est même mis par moment à

2 se taper la tête sur les murs ou même avoir des

3 réactions un peu violentes avec nous. Et puis quand

4 il y a eu un changement d’intervenant dans notre

5 dossier, qui a réalisé que ça ne se passait pas

6 bien, bon. Elle a agi, heureusement, puis bon

7 finalement il y a des budgets qui ont été débloqués

8 pour venir... pour une évaluation par un psychiatre

9 rapidement. Mais ce qu’elle nous a dit à la fin,

10 elle dit : mais vous avez été trop patient. Vous

11 auriez peut-être dû sonner la... vous auriez peut-

12 être dû sonner la cloche avant ça.

13 M. :

14 Alors que l’autre intervenant nous disait : « Il

15 faut que vous soyez patients ».

16 M. :

17 Patients.

18 M. :

19 Il faut qu’on monte le dossier. C’est ça.

20 M.

21 Donc... t’sais, là, t’sais, on est comme mal... on

22 s’est retrouvé mal conseillé puis ça a été au

23 détriment de l’enfant, qui a vécu des situations

24 vraiment pas agréables. Puis on ne sait pas dans

25 quelle mesure aujourd’hui ça a encore des impacts

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 48 -

1 sur tous les troubles d’attachement qui... qu’il a.

2 M. :

3 Puis on ne le saura jamais.

4 M.

5 Non, c’est ça.

6 M. :

7 Puis on ne le saura jamais finalement l’impact que

8 cette période-là où on l’amenait à la visite, puis

9 on était là, puis on l’amenait là-dedans, il ne se

10 sentait pas bien. On ne saura jamais l’impact que

11 ça a eu sur lui. Ce qu’on sait c’est qu’à un moment

12 donné ça a été fini parce que c’était trop

13 difficile pour lui. Puis ce qu’on sait aussi, c’est

14 qu’on est convaincus que ça n’aurait pas duré aussi

15 longtemps... ça n’aurait pas dû durer aussi

16 longtemps.

17 M. :

18 Puis bon, bien il y a de l’arbitraire un peu d’un

19 intervenant à l’autre, on l’a vécu parce qu’on a eu

20 deux enfants puis bon en parlant aussi avec

21 d’autres couples qui ont eu des enfants Banque

22 mixte. T’sais, il s’est passé des trucs un peu

23 spéciaux comme... bon, pour notre premier garçon

24 admettons bien on se chargeait de prendre les

25 rendez-vous médicaux. Bien à la convenance de

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 49 -

1 l’horaire de vie de notre garçon, qui avait des

2 siestes le matin, soit l’après-midi. La nourriture,

3 le lieu de déplacement et le nombre de visites et

4 notre horaire personnel à nous aussi. Donc... et

5 j’ai... on le disait à l’intervenante, à la

6 travailleuse sociale, qui informait la mère

7 biologique et qui se présentait au rendez-vous.

8 M. :

9 Qui se présentait au rendez-vous, puis

10 l’intervenante n’était pas au rendez-vous.

11 M. :

12 Oui. Et ça, on...

13 M. :

14 On allait chez le médecin avec la mère biologique

15 puis pas d’intervenante.

16 M. :

17 Pas d’intervenante.

18 M. :

19 Non.

20 M. :

21 Alors qu’avec notre deuxième, bien il y avait

22 toujours un intervenant présent dans les rendez-

23 vous médicaux et par contre, je n’avais pas... on

24 n’avait pas le droit de prendre le rendez-vous nous

25 autres mêmes. Il fallait attendre que les parents

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 50 -

1 biologiques prennent un rendez-vous médicaux (sic),

2 qu’ils soient relancés, qu’ils aient toutes les

3 occasions d’avoir été relancés pour qu’un rendez-

4 vous médical se prenne. Bien...

5 M. :

6 Ce qui fait que notre fille...

7 M. :

8 Oui.

9 M. :

10 Qui est en bonne santé, c’est pas grave finalement,

11 mais notre fille son rendez-vous de dix-huit (18)

12 mois, parce qu’il faut aller voir le médecin assez

13 régulièrement au début, ça fait que son rendez-vous

14 de dix-huit (18) mois, finalement elle avait deux

15 ans.

16 M. :

17 Hum.

18 M. :

19 C’est ça. Puis parce qu’on attendait la...

20 M. :

21 Puis bon bien c’est pas... je comprends que c’est

22 pas dramatique, mais en même temps bien ça n’allait

23 pas toujours à la convenance de l’enfant et de la

24 famille biologique de prendre un rendez-vous dans

25 un hôpital peut-être très loin en banlieue à trois

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 51 -

1 heures et demie (3 h 30) de l’après-midi pendant sa

2 sieste. Alors... ou elle se retrouve... et elle se

3 retrouvait notamment seule avec une travailleuse

4 sociale et une mère biologique qu’elle connaissait

5 à peine, en l’absence de nous parce que c’est un

6 placement confidentiel. Donc...

7 Aussi ce qui était aussi un peu spécial

8 c’est que... dans cette situation-là, c’est qu’on

9 n’avait pas... étant donné que c’était un placement

10 confidentiel, bien on n’avait pas le droit

11 d’assister aux rendez-vous médicaux de notre

12 enfant, alors que c’est nous qui s’en occupait à

13 temps plein.

14 Une autre disparité. Bien je dis... on

15 avait dit ce que ça a amené comme effet, qu’il y

16 avait des travailleurs sociaux qui étaient présents

17 pour notre deuxième pendant les rendez-vous

18 médicaux, mais pas pendant notre première. Bien

19 pendant... pendant notre premier enfant, lors d’un

20 rendez-vous médical la mère biologique s’est

21 présentée avec le père biologique au rendez-vous

22 médical. Mais le père biologique était interdit de

23 contact envers l’enfant et en l’absence de

24 travailleur social, bien il y avait... c’est nous

25 qui devait finalement avoir à gérer cette

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 52 -

1 situation-là. C’est assez... c’est assez

2 particulier. Bon.

3 Autre disparité, je vais finir avec ça.

4 Pour les procédures pour mettons l’inscription à la

5 garderie, bon. Pour notre premier enfant, bien on a

6 fait les démarches nous autres mêmes et pour notre

7 deuxième enfant bien on a fait les démarches, mais

8 après ça on s’est fait reprocher d’avoir fait des

9 démarches pour inscrire notre enfant parce que ça

10 devait être la responsabilité des parents

11 biologiques, alors que... bien s’ils faisaient les

12 démarches eux autres mêmes, bien... personne

13 n’était au courant de qui on était, alors que

14 c’était confidentiel.

15 M. :

16 Parce qu’il y avait un... parce que l’intervenante

17 nous a dit... cette intervenante-là nous a dit :

18 ah, il y a un juge qui à un moment donné... qui a

19 dit : est-ce que la mère a signé le papier de la

20 garderie? Ça fait que là faites... envoyez-nous un

21 formulaire vierge de la garderie, puis en tout cas.

22 Ça fait que c’est là qu’on se disait : mais elle,

23 elle nous demande ça; l’autre nous ne le demande

24 pas. C’est un peu ça le... Ça fait que grosso modo

25 c’est ça, mais... puis pour revenir sur ce que tu

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 53 -

1 disais au début en terminant, il reste qu’on a une

2 belle expérience, t’sais, ultimement, on est bien

3 contents de notre vie de famille puis... mais il y

4 a peut–être des choses à améliorer dans le...

5 mettons à la marge. Puis on est conscients que

6 notre témoignage n’est pas aussi spectaculaire que

7 des enfants... nos enfants ont finalement... ils

8 vont bien, puis ils ont ce qu’ils ce qu’il faut

9 puis tout ça, mais il reste qu’il y a beaucoup

10 d’enfants qui passent par là, puis peut-être que

11 ces cas-là on en entend moins parler, mais pourtant

12 ils ont besoin qu’on s’occupe d’eux aussi bien, là.

13 LA PRÉSIDENTE :

14 Ça va?

15 M. :

16 Oui.

17 LA PRÉSIDENTE :

18 O.K. Merci beaucoup. Pour vous, votre témoignage

19 n’est peut-être pas spectaculaire, mais pour nous

20 il est tout aussi important. Puis quand je vous

21 vois sourire puis que je vous crois quand vous nous

22 dites que les enfants vont bien, je n’ai aucun

23 doute, c’est une belle histoire, puis ça nous fait

24 du bien aussi à nous d’entendre des belles

25 histoires puis des enfants qui vont bien. Alors

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1 c’est tout aussi important. Donc, on va passer à la

2 période d’échanges avec les commissaires en

3 débutant avec Lesly Hill.

4 Mme LESLY HILL, commissaire :

5 Q. [17] Alors merci beaucoup. Donc, merci beaucoup de

6 vous déplacer. Je suis d’accord avec madame Laurent

7 que ce n’est pas du tout banal quand on entend que

8 deux petits enfants ont trouvé des parents qui les

9 aiment et ils vont avoir un bel avenir, donc

10 c’est... c’est très rassurant, c’est une belle

11 histoire et je vous remercie de le raconter. J’ai

12 quelques petites questions quand même pour vous

13 parce que je comprends que même si l’histoire est

14 belle, le processus pour y arriver c’était peut-

15 être moins facile. Puis la première question c’est

16 en lien avec la famille d’accueil de transition

17 parce que je comprends que le petit, il était avec

18 ses parents, ses grands-parents. Après ça, il a

19 passé six mois, quand même six mois c’est long pour

20 un bébé de dix (10) mois, dans une famille

21 d’accueil de transition. Puis je vous ai entendu

22 dire : en quelque part, ils ne voulaient pas... en

23 fait, je l’ai écrit en quelque part ce que vous

24 avez dit, mais on voulait protéger la DPJ, protéger

25 les futurs parents adoptifs, mais est-ce que vous

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1 avez été consultés sur votre capacité de prendre un

2 risque puis de prendre un enfant, même si on n’est

3 pas certain qu’il va être adoptable?

4 M. :

5 R. Non. En fait, on a... on nous a appelés

6 en nous disant : « On a un

7 enfant pour vous, qui va avoir dix (10) mois

8 bientôt ». Puis, bon, après il est arrivé, on est

9 allé le rencontrer puis une semaine plus tard il

10 vivait chez nous. Donc... alors qu’il a été placé

11 dans la famille de transition . Donc

12 non, on n’a pas été impliqués là-dedans.

13 Par contre... puis quand tu t’impliques

14 dans la Banque mixte, si je peux me permettre

15 d’élaborer un peu, quand tu t’impliques dans la

16 Banque mixte, tu sais qu’il y a un risque de

17 retour, mais que les... bon, les chances de retour

18 sont faibles.

19 Q. [18] Hum, hum.

20 R. Puis là, bien probablement que pour s’assurer que

21 les chances de retour soient faibles, des cas comme

22 notre garçon quand il avait six mois, ce qu’on...

23 bien on ne le sait pas, là, c’est ce qu’on déduit,

24 mais les... le cas ne se qualifiait pas pour la

25 Banque mixte quand il avait six mois, mais là les

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1 choses se sont clarifiées par la suite pour toutes

2 sortes de raisons. Puis là, les chances de retour

3 étaient assez faibles pour qu’on l’envoie en Banque

4 mixte, puis là on l’a pris.

5 Alors que, nous, on nous aurait dit : bien

6 c’est soixante-dix pour cent (70 %) de chances de

7 retour... trente pour cent (30 %) de chances de

8 retour, alors que la Banque mixte on nous dit :

9 bon, on a entre quatre-vingt-dix (90 %) et quatre-

10 vingt-quinze pour cent (95 %) mettons de chances...

11 On l’aurait pris à soixante-dix (70 %)... t’sais,

12 je veux dire le risque on aurait vécu avec puis ça

13 aurait évité à une... un foyer de plus. Il

14 aurait eu la séparation avec son frère à six mois

15 plutôt que dix (10) mois. On l’a vue la différence

16 quand notre petite fille est arrivée entre six mois

17 puis dix (10) mois, là, le lien qu’elle avait avec

18 son frère c’est pas le même à six mois qu’à dix

19 (10) mois, là.

20 Q. [19] Hum, hum.

21 R. C’est ça. Je ne sais pas si ça répond à votre

22 question.

23 Q. [20] Donc, il faudrait peut-être repenser le

24 recours aux familles d’accueil de banque mixtes

25 pour intervenir le plus tôt possible.

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1 R. Peut-être faire vivre plus de risque. Les adultes

2 on est plus capable de vivre avec le traumatisme

3 d’avoir perdu son enfant dans un processus comme

4 celui-là, que... qu’un bébé de six mois, là.

5 Q. [21] Avez-vous été entendus au Tribunal? Avez-vous

6 été impliqués dans le processus judiciaire? Pouvez-

7 vous parler un peu de votre expérience de ce côté-

8 là?

9 R. En fait, principalement bien... je ne souviens plus

10 ce que t’as témoigné pour notre fille.

11 M. :

12 Toi, t’as témoigné pour , oui.

13 M. :

14 Pour notre garçon. Principalement témoigner pour

15 toute la... la fin des contacts avec les parents

16 biologiques pour... on a témoigné beaucoup des

17 réactions de notre enfant à la maison. Comment se

18 déroulaient les rencontres et comment... comment

19 étaient ses réactions suite aux rencontres. Donc,

20 on a eu évidemment à aller témoigner en Cour de ça.

21 M. :

22 Oui, puis ensuite au moment de l’adoption, au

23 niveau du placement majorité on témoigne... on

24 s’est vraiment séparé ça. , il a fait les

25 témoignages dans le premier puis moi j’ai fait les

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 58 -

1 témoignages pour la deuxième. Mais c’étaient un peu

2 les mêmes questions. Il faut que tu témoignes aussi

3 de... t’sais, ton désir de... que ce soit un projet

4 de vie. Il disait... pour le placement en majorité,

5 là, il disait : jusqu’à dix-huit (18) ans et plus

6 si affinités, là. Ça fait que de témoigner un peu

7 de ça, témoigner de l’attachement qu’on a, de la

8 réaction de l’arrivée de l’enfant chez nous, tout

9 ça.

10 Mme LESLY HULL, commissaire :

11 Q. [22] Puis votre expérience au niveau de ces

12 témoignages-là est-ce que c’est favorable,

13 difficile, avez-vous été entendus?

14 M. :

15 R. Bien c’est sûr que finalement au bout du compte les

16 résultats ont toujours été positifs. T’sais, les

17 décisions lorsqu’elles sont finalement prises,

18 elles ont été positives dans notre cas, hein.

19 M. :

20 R. Oui, puis même les intervenants, les avocats, on

21 nous prépare bien, on...

22 Q. [23] O.K.

23 R. Les intervenants, notre intervenante à nous, nous

24 offrait d’être présente. T’sais, les... il faut le

25 dire, là, les cinq intervenants qu’on a eus, malgré

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 59 -

1 l’arbitraire, malgré plein de choses, c’étaient des

2 gens plein de bonne volonté, qui ont toujours été

3 gentils avec nous puis dans des périodes des fois

4 difficiles, toujours très professionnels. Vraiment

5 rien à dire de ce côté-là. C’est juste des fois tu

6 te disais : bien le jugement de l’un n’est pas le

7 même que le jugement de l’autre, là, mais... mais

8 sinon... Non, ça là-dessus, moi, je me suis

9 senti... en tout cas quand je suis allé témoigner

10 pour... pour ... puis on était présents tous

11 les deux à chaque fois, là, on se sentait quand

12 même bien encadrés, là.

13 M. :

14 R. Hum, hum.

15 Q. [24] Parfait. Puis peut-être une dernière petite

16 question. J’ai entendu que vous avez eu à gérer des

17 contacts quand même avec les parents biologiques ou

18 même des rendez-vous, il n’y avait pas

19 d’intervenant qui se présentait. Comment pensez-

20 vous que les contacts doivent être gérés ou c’est

21 quoi vos recommandations à cet effet?

22 M. :

23 R. Ça ne devrait jamais se passer, que des parents...

24 bien des parents famille d’accueil se retrouvent

25 tout seul dans un cabinet de médecin avec des

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 60 -

1 parents biologique sans intervenant. Ça ne devrait

2 jamais se passer. C’est pas compliqué. Tu te fais

3 demander par le médecin... je ne sais pas, moi,

4 est-ce que... « Est-ce que , il dit des

5 mots? » La mère biologique répond « oui, il dit

6 deux cents (200) mots, puis ». T’sais, il dit ça,

7 puis il dit ça. Puis là le médecin se retourne :

8 « Est-ce que c’est vrai? » Puis tu dis : « Bien

9 non, il dit vingt-cinq (25) mots, puis il ne dit

10 pas « mommy I love you », là, t’sais.

11 Q. [25] Hum, hum.

12 R. Ça fait que ça ne devrait jamais arriver des choses

13 comme ça, des rendez-vous pour choisir des lunettes

14 tout seul ou à l’optométriste, pas d’intervenant,

15 ça ne devrait jamais arriver des choses comme ça.

16 Q. [26] Hum, hum.

17 M. :

18 R. Puis ça crée plein de situations où est-ce que tu

19 sais pas comment réagir, comme la fois où est-ce

20 que le père biologique s’est présenté ou au

21 début...

22 M. :

23 R. Nous, on ne savait pas de quoi il avait l’air.

24 C’est lui qui se doutait...

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 61 -

1 M. :

2 R. T’sais...

3 M. :

4 R. Ah, je pense que... puis il l’a pris en photo en

5 secret puis il l’a envoyé à l’intervenante. Elle a

6 dit : « Ah mon Dieu, c’est le père, t’sais ».

7 M. :

8 R. Ça fait que... puis des situations bizarres où la

9 mère biologique, je me souviens, elle m’a déjà

10 demandé un lift. Là, c’est comme bien... elle dit :

11 « Ah, bien t’sais j’habite loin puis... » Là,

12 j’étais comme... bien je ne veux pas avoir à gérer

13 le transport de... des parents biologiques. Moi, je

14 suis en rendez-vous médical pour le garçon, je ne

15 suis pas là pour offrir des services. Ça fait que,

16 t’sais, c’est ça, ça met plein de situations très

17 malaisantes.

18 Q. [27] Je vous remercie. Je vais laisser mes

19 collègues intervenir, mais j’ai envie de dire merci

20 d’avoir persévéré.

21 LA PRÉSIDENTE :

22 Oui. Alors on poursuit avec Lise Lavallée.

23 Mme LISE LAVALLÉE, commissaire :

24 Q. [28] Merci pour ce témoignage-là parce que je pense

25 qu’effectivement il y a deux enfants qui ont la

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 62 -

1 chance d’avoir des parents aimants et soutenants,

2 puis qui... qui se sont sauvés de peut-être un

3 parcours un peu plus difficile. Donc, c’est très

4 rassurant, donc votre témoignage effectivement il

5 est très à-propos puis c’est important qu’on

6 entende des gens comme vous aussi qui vit... qui

7 avez vécu le processus de l’adoption. Quand vous

8 avez adopté votre premier enfant est-ce que vous

9 vous êtes senti assez soutenu suite à l’adoption ou

10 pas vraiment? Ou... puis sinon qu’est-ce que vous

11 auriez souhaité avoir, là, comme soutien ou comme

12 service après?

13 M. :

14 R. Moi, je dirais oui. Après l’adoption, bien on a le

15 soutien financier qui continue pendant deux-trois

16 ans. Ça, c’est bien parce qu’il reste qu’il y a des

17 services qu’on va chercher au privé, là, en ce

18 moment. T’sais, a besoin d’ergothérapie,

19 d’orthophonie, de psychologue, de... à l’école,

20 psychoéducateur, orthopédagogue. En tout cas, il y

21 a tout un... il y a plein de professionnels autour

22 de lui. Puis il y a des services qu’on va chercher

23 au privé parce que... puis ça, bien le financement

24 ça aide. On avait une bonne relation avec notre

25 intervenante à nous, puis donc c’est... d’ailleurs,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 63 -

1 elle nous a invités à témoigner à une rencontre

2 d’information sur la Banque mixte puis... puis ça

3 nous fait plaisir d’y aller, puis elle nous a

4 référé des formations, des conférences, elle nous a

5 référé une psychologue, une professionnelle qu’elle

6 nous a aidé à trouver. Mais on a l’impression que

7 c’est parce que... elle le fait parce qu’on...

8 t’sais, c’est pas nécessaire...

9 LA PRÉSIDENTE :

10 C’est pas un service essentiel.

11 R. On n’a pas l’impression que c’est un droit, là,

12 t’sais. On a l’impression que c’est plus un service

13 qu’elle nous rend.

14 Mme LISE LAVALLÉE, commissaire :

15 Q. [29] Mais compte tenu que votre plus vieux avait

16 des... une problématique peut-être différente de la

17 petite dernière, là, donc avec le trouble de

18 l’attachement est-ce qu’on vous a accompagné un peu

19 là-dedans pour essayer de comprendre puis de savoir

20 comment agir avec...

21 M. :

22 R. Non, puis... non, puis pas plus avant qu’après, là,

23 je dirais. T’sais, c’est...

24 M. :

25 R. Bien c’est sûr qu’au début quand on s’implique dans

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 64 -

1 le processus, on nous en parle. C’est quoi les

2 réalités des enfants Banque mixte, c’est quoi les

3 enjeux qu’ils vont vivre plus tard et tout et tout.

4 Une fois que le processus est fini, t’sais, tous

5 les enjeux ne ressortent pas. Ils sont ressortis

6 beaucoup après l’adoption.

7 M. :

8 Oui.

9 M. :

10 R. Une fois qu’il a été adopté. Et au moment où est-ce

11 que finalement les services ne sont plus là.

12 M. :

13 R. Puis c’est difficile. T’sais, là nous autres on est

14 là puis on est souriants, puis on a une date à

15 soir, là, nos parents gardent les enfants, puis

16 « by the way », on s’en va au restaurant après.

17 Mais... mais c’est difficile, c’est difficile pour

18 un couple, c’est difficile... c’est difficile de...

19 t’as un enfant qui a des troubles de l’attachement,

20 c’est difficile. Puis nous autres... c’est ça. Ça

21 fait que... puis on va chercher des services, on

22 fait ce qu’on peut, mais il n’y a pas... puis on

23 a... c’est sûr, on demande de... on va dire : tu

24 aurais pas un psychologue à nous référer? Mais,

25 t’sais, c’est pas... il n’a y a pas quelque chose

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 65 -

1 qui nous arrive, bon, t’sais... Il n’y a pas un

2 chemin qu’on suit, là, il n’y a pas un encadrement

3 ou... c’est nous autres, on est... on est tout

4 seul. En quelque part...

5 M. :

6 R. Nos lectures, nos références.

7 M. :

8 R. Oui, c’est ça. En quelque part on est content de ne

9 plus être dans le système depuis qu’ils sont

10 adoptés. T’sais, on est... c’est l’fun, c’est nos

11 enfants, comme n’importe qui d’autre, puis on est

12 fiers de ça. Ils portent notre nom de famille, ils

13 s’appellent puis on est contents de

14 ça, mais c’est pas là qu’on va chercher nos

15 services. Ils nous ont aidé pour l’orthophonie, les

16 services d’orthophonie. Ça a été plus facile, on

17 est allés à l’Institut Raymond-Dewar. Chapeau

18 d’ailleurs! Si vous voulez passer le mot.

19 M. :

20 R. Mais il n’était pas... ils n’étaient pas adoptés

21 encore.

22 M. :

23 R. Mais non, non, mais c’est ça. Mais à ce moment-là

24 ils n’étaient pas adoptés, puis ils nous ont... ils

25 nous ont bien fait... ils nous aidés à rentrer là.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 66 -

1 Probablement qu’on est entré à Raymond-Dewar six

2 mois un an plus vite que si on n’avait pas eu la

3 référence, là, de la DPJ. Mais c’est nous autres,

4 là, qui poussent, là, puis c’est vraiment nous

5 autres les moteurs, mais en se disant : on est les

6 parents puis on fait ce qu’il faut.

7 Q. [30] Puis tout à l’heure vous avez parlé que, dans

8 le fond, quand vous avez témoigné de ce que vous

9 avez vécu, d’autres couples comme vous avaient vécu

10 sensiblement la même chose. Donc, c’est des

11 histoires qui se répètent. Pour des... des

12 personnes qui voudraient embarquer dans cette

13 aventure-là, donc devenir une famille d’accueil

14 Banque mixte, qu’est-ce que vous leur donneriez

15 comme conseil ou qu’est-ce que vous auriez envie de

16 leur dire?

17 M. :

18 R. On le fait beaucoup, parce qu’on a été les premiers

19 dans notre entourage, là, proche puis là maintenant

20 on a cousine, ami, en tout cas il y a plusieurs, ça

21 fait qu’on l’a fait beaucoup, là.

22 M. :

23 R. Bien premièrement, tout le positif qu’il y a

24 derrière ça, c’est sûr, on est heureux, on a des

25 beaux enfants, ça a comblé notre vie, ça nous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 67 -

1 apporte beaucoup, ils nous apportent beaucoup. Mais

2 aussi d’être prêt à travailler avec une machine

3 lourde, avec une machine parfois incohérente, avec

4 des messages parfois contradictoires d’un

5 intervenant à l’autre, donc de vivre beaucoup

6 d’incertitude puis de finalement... au bout du

7 compte tu te sens aussi un peu tout seul parce que

8 tu ne sais plus qui te dit la bonne information. Et

9 un conseil qu’on a à donner c’est : bien aidez-vous

10 en vous parlant. Rencontre d’autres familles Banque

11 mixte, regarde comment eux ça se passe parce que

12 c’est pas toujours géré pareil d’une famille à

13 l’autre. Puis il y avait un petit discours qui

14 revenait, c’est : ah, mais vous savez, chaque cas

15 est particulier, donc on ne peut pas les comparer.

16 Mais il y a des choses qui se comparent malgré

17 tout. C’est un peu une façon facile de s’en laver

18 les mains. Chaque cas est différent. Il y a aussi

19 des choses qui peuvent être plus normées.

20 Q. [31] Je trouve ça intéressant ce que vous dites,

21 parce que je me demande, est-ce qu’il y a un

22 regroupement de familles Banque mixte ou de

23 familles qui ont adopté qui peut justement aider

24 d’autres personnes qui veulent adopter à être

25 soutenues? Est-ce que vous avez...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 68 -

1 M. :

2 R. Bien, nous, on a trouvé notre réseau. Il y a une

3 page Facebook qui existe, puis on dit aux gens de

4 ne pas y aller parce que c’est les pires cas, là.

5 Ça fait peur. T’sais, il y en a qui disent, ah, ça

6 m’intéresse. On dit, bien, va pas sur la page

7 Facebook. Ça, c’est un des conseils qu’on donne

8 parce que... Non, mais c’est vrai parce que c’est

9 les cas... T’sais, nous, on ne va pas là pour dire,

10 ah, mon garçon a réussi à rentrer le carré dans le

11 trou, t’sais. Mais, nous, on s’est fait un réseau.

12 Bon. Les familles homoparentales. Nous, on est allé

13 dans ce réseau-là aussi. Il y a beaucoup de couples

14 de gars qui passent par la Banque mixte. Puis c’est

15 très le fun de partager notre expérience là-dedans.

16 D’ailleurs aussi on voulait dire aussi que sur le

17 fait qu’on était un couple homoparental, jamais on

18 a senti d’homophobie ou de manifestation comme quoi

19 on était un couple différent, jamais, jamais,

20 d’aucun intervenant de l’évaluation à toutes les...

21 T’sais, dans les séances d’information. Même on

22 nous a invités, nous, comme couple à venir

23 témoigner comme témoins à une séance d’information.

24 Puis ça, là, vraiment, chapeau aussi... T’sais, on

25 se dit l’adoption au Québec est légale depuis deux

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 69 -

1 mille quatre (2004), je pense, quelque chose comme

2 ça pour les couples de même sexe. Ce n’est pas si

3 loin. Puis pourtant, en quelques années, d’avoir

4 réussi, t’sais, pour nous, de façon aussi

5 institutionnelle, là, à ce qu’on se sente tout à

6 fait normal, ça, là, chapeau. Mais nous autres,

7 c’est clair que le réseau au moment de

8 l’évaluation, on était stressés. Puis, là, on a

9 parlé à des amis qui étaient passés par là. Puis

10 c’est le fun de pouvoir avoir un réseau comme ça.

11 Mais il n’y a pas, à notre connaissance, il n’y a

12 pas rien de... C’est des trucs qui s’organisent.

13 M. :

14 R. Ad hoc.

15 M. :

16 R. Comme on peut. On est chanceux.

17 M. :

18 R. C’est sûr qu’il y a un syndicat, là, mais on n’a

19 jamais vraiment eu affaire avec eux.

20 M. :

21 R. C’est vrai, l’ADREQ.

22 M. :

23 R. Mais non, on n’a pas eu trop, trop affaire à eux.

24 M. :

25 R. Non.

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 70 -

1 Q. [32] Je vous remercie beaucoup.

2 LA PRÉSIDENTE :

3 Merci. On va poursuivre avec Gilles Fortin.

4 M. GILLES FORTIN, commissaire :

5 Q. [33] Merci d’être là. C’est encore une fois

6 agréable de rencontrer des gens qui ont des belles

7 histoires et des enfants qui vont bien. Je veux

8 revenir sur cette incohérence ou arbitraire entre

9 les intervenants. Qu’est-ce que vous pensez

10 qu’on... Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour palier

11 à ce problème?

12 M. :

13 R. Bien, une des choses, je pense, le résultat, c’est

14 qu’on a l’impression qu’à un moment donné il y a

15 des juges qui peuvent accorder une importance aux

16 liens biologiques, qui est plus importante que la

17 réalité, là. Puis quand on est... J’ai noté, une

18 des intervenantes à un moment donné qui nous a dit

19 que ça lui est arrivé à elle d’arriver devant un

20 juge, que la recommandation de la DPJ, c’était de

21 maintenir le placement dans la famille Banque

22 mixte, puis que le juge dit non, ça va être le lien

23 biologique. Puis ils ont peur de ça. C’est clair.

24 Malgré toute la bonne volonté, ils ont peur que ça

25 arrive. Ils ont peur qu’un juge dise, bien, le lien

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 71 -

1 biologique est important, puis... Le lien

2 biologique, là, nous autres, là, avec nos enfants,

3 là, il n’est pas là, on n’a pas de lien biologique

4 puis c’est nos enfants, puis ça a été... Pour nous

5 peut-être... Il y a des juges pour qui c’est plus

6 important que ça devrait. Je ne sais pas comment...

7 Moi, je ne suis pas avocat ou légal. Mais on a

8 l’impression qu’il y a une source du problème qui

9 est là.

10 M. :

11 R. L’impression que, en fait, bon, cette importance

12 qui est accordée au droit des parents biologiques

13 d’avoir toutes les chances de pouvoir récupérer la

14 garde des enfants, ça place les intervenants dans

15 une situation où ils doivent bâtir un dossier

16 parfait. Puis à force de vouloir être parfait, on

17 multiplie les décisions anecdotiques ou même les

18 décisions qui peuvent être à l’encontre du besoin

19 actuel de l’enfant.

20 M. :

21 R. Puis j’ajouterais. Même après le placement

22 majorité, donc après qu’un juge ait dit, on a

23 maintenant un projet de vie, là, permanent, même

24 après ça, on continue de travailler pour monter un

25 dossier pour éviter le retour. T’sais, pour nous,

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 72 -

1 c’est un peu contradictoire. T’sais, notre garçon,

2 il est arrivé, il avait dix (10) mois en Il a

3 été placé à majorité en . Ça n’a pas été

4 long, là, quelques mois. Mais ça a pris encore,

5 t’sais, une autre année avant que les contacts

6 arrêtent, avant qu’il soit déclaré admissible à

7 l’adoption encore longtemps. Puis pendant tout ce

8 temps-là, on ne prenait pas de chance, on n’avait

9 pas le droit de faire vacciner, on n’avait pas le

10 droit de... Puis tu dis, c’est toujours pour monter

11 un dossier pour éviter que quelqu’un dise, il faut

12 maintenir un lien biologique, là.

13 M. :

14 R. À tout prix.

15 M. :

16 R. Oui. C’est ça.

17 Q. [34] Au fond, vous nous dites que l’incohérence des

18 interventions, l’arbitraire d’un intervenant à

19 l’autre vous semblait être motivé par la peur que

20 le projet d’adoption échoue devant le juge?

21 M. :

22 R. C’est clairement un facteur. C’est clairement un

23 facteur. Oui. Puis je dirais...

24 M. :

25 R. Nommément mentionné, là, directement...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 73 -

1 M. :

2 R. Quand je dis l’exemple...

3 M. :

4 R. Il ne faut pas se faire prendre en défaut.

5 M. :

6 R. Ça m’est arrivé qu’un juge renverse la... T’sais.

7 Bon. Veuille maintenir le lien biologique. Puis,

8 moi, je dirais, l’autre facteur peut-être, c’est...

9 T’sais, à un moment donné, nous autres, une des

10 raisons pour lesquelles on allait chez le médecin

11 sans l’intervenante, c’est parce qu’elle avait

12 d’autres rendez-vous en même temps. Puis, là, on

13 voulait prendre le rendez-vous au moment où. Ça

14 fait qu’on avait des intervenants qui ont

15 d’autres... t’sais, qui ont d’autres rendez-vous,

16 qui ont d’autres...

17 M. :

18 R. Ils sont occupés.

19 M. :

20 R. Ils sont occupés. Ils sont très occupés. Puis même

21 s’ils sont fins puis qu’ils veulent faire, tu sens

22 qu’ils sont occupés. Puis peut-être que, là-dedans,

23 des fois, ça fait qu’ils prennent peut-être pas

24 tout le temps. Je ne sais pas s’il y a des normes

25 ou des « check list » ou des choses. Mais peut-être

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 74 -

1 que, des fois... Ça peut être un facteur aussi.

2 Q. [35] Au fond il y a des attributs parentaux qui ne

3 vous ont pas été accordés tant que l’adoption n’a

4 pas été prononcée?

5 M. :

6 R. Tant qu’ils ne sont pas admissibles à l’adoption.

7 Q. [36] C’est admissible, oui. C’est ça. Est-ce que...

8 Je reviens encore à ma question de tantôt. Oui, je

9 comprends que c’est la crainte de. Qu’est-ce qu’on

10 peut faire pour régler ça? Est-ce que vous aviez le

11 sentiment que vous auriez pu vous... je ne sais

12 pas, vous adresser à quelqu’un quelque part?

13 M. :

14 R. C’est difficile comme famille Banque mixte parce

15 qu’on est en position de faiblesse à quelque part.

16 M. :

17 R. On est une ressource.

18 M. :

19 R. Oui, on est une ressource de type familial RTF.

20 M. :

21 R. On est un foyer d’accueil. C’est ça, on est un RTF

22 (une ressource de type familial).

23 M. :

24 R. Puis on est bien « drivé » au départ quand on

25 embarque dans ce processus-là. On se l’est fait

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 75 -

1 dire. On garde le profil bas. C’est nous les

2 spécialistes. Alors... Je ne sais pas comment...

3 Q. [37] Je ne veux pas vous mettre des mots dans la

4 bouche, mais avez-vous l’impression que si vous

5 aviez manifesté trop de hâte à avoir tous les

6 attributs parentaux à l’égard des enfants que vous

7 avez adoptés qu’on aurait pu... que ça aurait pu

8 mettre en jeu le projet?

9 M. :

10 R. Bien oui.

11 M. :

12 R. Oui.

13 Q. [38] De faire échouer?

14 M. :

15 R. On n’a pas de droit.

16 M. :

17 R. Il faut le dire, pour notre deuxième, on a été un

18 petit peu plus... On a été échaudé de notre

19 première expérience, on va se le dire. Ça fait

20 qu’on était un peu plus... Bien, là, on

21 « challengait » plus les décisions qui avaient

22 l’air arbitraire ou qu’on voyait carrément qu’elles

23 étaient complètement différentes de notre...

24 M. :

25 R. Oui. Je vais donner un exemple, parce qu’on est à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 76 -

1 huis clos. O.K.

2 Q. [39] Il y a des avantages.

3 R. Puis c’est un exemple un peu « nono » là, mais...

4 J’ai parlé tantôt du rendez-vous médical de dix-

5 huit (18) mois qui ne se prenait pas. Elle a dix-

6 huit (18) mois le . Puis rendez-

7 vous médical? On demande l’intervenante. Puis le

8 rendez-vous médical? Ah, j’ai demandé puis ça ne se

9 prend pas, ça ne se prend pas, ça ne se prend pas,

10 ça ne se prend pas. Finalement, le rendez-vous

11 médical était rendu au mois de . Moi, au

12 mois je suis allé chez le médecin. J’ai dit

13 qu’elle avait la diarrhée. Puis rendu dans le

14 bureau du médecin, j’ai dit : Bon, fais donc son

15 rendez-vous de dix-huit (18) mois. Elle a pris la

16 mesure, le périmètre crânien, elle a écouté. Tout

17 est beau, tout est normal. J’ai dit : « Merci

18 beaucoup, médecin. » Parce qu’on a le droit d’aller

19 en urgence si elle est malade. Ça fait que tu dis,

20 c’est beau, je vais y aller en urgence, elle a la

21 diarrhée. Elle n’avait pas la diarrhée, là, mais...

22 Ça fait que, moi, j’étais rassuré. J’ai arrêté

23 d’achaler l’intervenante. Mais, ça, on n’aurait pas

24 fait ça avec le premier. Mais oui, tu as une

25 crainte que...

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 77 -

1 M. :

2 R. On se l’est fait dire aussi.

3 M. :

4 R. Bien oui, c’est ça.

5 M. :

6 R. On s’est fait dire...

7 M. :

8 R. Nous et d’autres.

9 M. :

10 R. ... qu’on était un peu trop insistant.

11 M. :

12 R. Oui, oui.

13 M. :

14 R. Bien, là, il faut que les choses se fassent, puis

15 on est en train de bâtir le dossier, Monsieur

16 , Monsieur . Puis on veut s’assurer

17 que tout fonctionne jusqu’au jugement. Puis,

18 t’sais, on s’est fait dire à un moment donné de

19 prendre notre gaz égal.

20 M. :

21 R. Oui.

22 Q. [40] Je ne veux pas aller trop loin. Puis dites-moi

23 si ma question est trop personnelle. Mais vous

24 viviez ça comment comme parents qui souhaitez...

25 Comment émotivement.

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1 R. C’est du gros stress. Ça a des impacts partout dans

2 ta vie personnelle comme individu, comme couple, au

3 niveau du travail, tu te concentres moins, tu es

4 moins bon. C’est du... Oui. Il y a des périodes

5 où... Les périodes où était en crise, puis

6 on avait l’impression de le perdre pendant quatre

7 jours, ce n’était plus le même petit garçon après

8 les visites. C’est dur à vivre. C’est stressant.

9 Puis tu ne veux pas... T’sais, là, le petit capote.

10 Ah, bien, là, pourquoi tu lui as donné des

11 carottes? Puis, là, on se chicane parce que,

12 t’sais... Puis, là, c’est le stress parce que tu as

13 un petit qui fait des réactions, puis tu ne sais

14 pas comment gérer la réaction. Notre garçon, il

15 fait des crises encore aujourd’hui qui peuvent

16 durer quarante-cinq (45) minutes, une heure. Il

17 fait une crise. Puis on attend que ça passe. Ça

18 peut arriver dans la rue; ça peut arriver dans la

19 maison; ça peut arriver... C’est difficile.

20 M. :

21 R. Mais, t’sais, sinon en général, dans un processus,

22 on ne pouvait pas vraiment dire, bien, on va monter

23 plus haut, on n’est pas d’accord avec ce que

24 l’intervenante dit. On est un peu pris pour dealer

25 avec la personne parce que tu veux qu’elle continue

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 79 -

1 à travailler pour toi, puis qu’elle travaille pour

2 le bien de l’enfant.

3 M. :

4 R. Oui. Puis le système est bien fait dans le sens

5 que, nous, on a notre intervenante, les enfants ont

6 leurs intervenants. Notre intervenante nous

7 écoutait bien. C’est arrivé qu’elle nous informe

8 qu’il y avait eu une réunion, t’sais, à plus haut

9 niveau, bon, pour discuter de certaines choses.

10 Donc, parfois, t’sais... Puis elle nous demandait.

11 Des fois, on le voyait puis : Bon. Comment vous

12 allez? Ça fait qu’on a ça, t’sais. Mais c’est ça,

13 on n’a pas... Peut-être qu’on aurait pu, mais on

14 n’a pas été plus haut. On n’a pas...

15 Q. [41] Et durant tout le parcours, cette

16 intervenante-là a été la même ou si vous...

17 R. Elle a changé. Non, ça a été... Au début il y en a

18 eu un. Puis après ça, il y en a eu un...

19 Q. [42] On parle de l’intervenante de famille

20 d’accueil.

21 R. Notre intervenante. Au début, c’était un monsieur

22 qui a été là mettons six, huit mois. Puis après ça,

23 ça a été l’autre qui est resté avec nous jusqu’à la

24 fin.

25

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1 M. :

2 R. Je peux me permettre puisqu’on est à huis clos.

3 Notre intervenante a su qu’on participait à la

4 Commission puis elle nous a dit : « Est-ce que vous

5 allez en parler de l’arbitraire d’un intervenant à

6 l’autre? »

7 M. :

8 R. Oui, parce qu’on a vécu, oui, c’est ça, on a vécu

9 des choses.

10 M. :

11 R. Elle, elle a vu, t’sais, comment ça s’est passé

12 d’un enfant à l’autre.

13 LA PRÉSIDENTE :

14 Merci.

15 M. GILLES FORTIN :

16 Merci.

17 LA PRÉSIDENTE :

18 Alors dans l’ordre, dans le temps qu’il nous

19 reste : Jean-Marc Potvin; André Lebon; Hélène

20 David; Jean-Simon Gosselin; et Danielle Tremblay.

21 O.K. Je ne t’avais pas vu. Michel.

22 M. JEAN-MARC POTVIN, commissaire :

23 Q. [43] Merci beaucoup pour votre témoignage. Pour

24 moi, votre témoignage, il est très, très précieux.

25 Parce que quand même , vous l’avez pris à

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 81 -

1 l’âge de dix (10) mois puis déjà il avait eu un

2 parcours qui a porté atteinte, dans le fond,

3 jusqu’à un certain point à son développement. Puis

4 vous êtes en train de rattraper ça avec lui. Il est

5 dans un foyer aimant, puis c’est extraordinaire

6 pour lui comme pour sa soeur. Moi, je me pose

7 toujours la question, comment on peut éviter

8 d’hypothéquer des enfants en petite enfance comme

9 ça. Ce que vous appelez l’arbitraire des

10 intervenants, en réalité, ils poursuivaient le même

11 projet. Mais il y en a qui étaient beaucoup plus

12 prudents, plus craintifs, d’autres plus audacieux

13 ou peut-être qu’il y avait plus de sécurité aussi.

14 Ça fait que peut-être qu’il y a un facteur

15 d’expérience. C’est une de mes questions.

16 Ma question principale, c’est que, vous

17 l’avez dit, les intervenantes doivent monter un

18 dossier. Et puis le fardeau de la preuve, il est

19 assez lourd pour le DPJ, hein. Le concept de

20 famille d’accueil Banque mixte, bien, c’est né dans

21 les années quatre-vingt (80) à Montréal, au Centre

22 jeunesse de Montréal. C’est un concept qui a été

23 fortement contesté à l’origine parce que le DPJ se

24 faisait accuser de jouer sur deux tableaux puis de

25 ne pas vraiment vouloir aider les parents

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 82 -

1 biologiques et de plutôt planifier en secret

2 l’adoption.

3 Donc, plusieurs projets ont avorté. Ce qui

4 a amené une gestion de risque très, très serrée,

5 pour dire, non, non, il faut vraiment tout mettre

6 en oeuvre pour démontrer qu’on essaie vraiment

7 d’aider les parents biologiques. Puis quelque part,

8 c’est eux qui doivent faire la démonstration qu’ils

9 ne sont pas au rendez-vous puis, de fait, ils

10 abandonnent l’enfant, qu’ils abandonnent de fait

11 l’enfant comme tel. Ça fait que de là les contacts.

12 Les intervenants probablement savent bien que les

13 contacts ne sont pas dans l’intérêt de l’enfant,

14 mais ils les font quand même parce qu’il faut

15 qu’ils démontrent que ça ne marche pas. Qui paie la

16 note? Souvent, c’est l’enfant.

17 Ça fait que ma question, c’est... Puis je

18 sais que vous n’êtes pas des spécialistes de ça.

19 Est-ce que le cadre légal est approprié dans des

20 circonstances comme ça? Quand on sait dès le

21 départ, là, qu’il n’y a à peu près pas de chance

22 que le parent puisse assumer?

23 M. :

24 R. D’abord, je pense que vous résumez très bien

25 notre... En tout cas, moi, je me reconnais dans ce

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 83 -

1 que vous dites. Je pense que...

2 M. :

3 R. Oui, oui.

4 M. :

5 R. Puis c’est sûr, on reconnaît que les... Bon. Les

6 parents biologiques ont des droits aussi, là. Mais

7 avec ce qu’on sait sur l’attachement... Avec ce

8 qu’on savait dans les années quatre-vingt (80) puis

9 ce qu’on sait aujourd’hui sur l’attachement, je

10 pense que c’est correct de se questionner sur

11 certaines choses. Puis, moi, je pense qu’une fois

12 que le projet de vie est prononcé, t’sais, une fois

13 que... il y a un délai d’un an pour des enfants de

14 moins de deux ans, si je ne me trompe pas. Quand le

15 délai est passé, là, le projet de vie permanent,

16 c’est ça qui devrait être la priorité. Puis à ce

17 moment-là, les visites, si elles ne sont pas bonnes

18 pour l’enfant puis que l’intervenant le sait, ça ne

19 devrait pas... par défaut, ça ne devrait pas

20 exister. Puis si on veut maintenir des contacts...

21 Moi, là, quand on s’est engagé dans la

22 démarche de Banque mixte, un cas d’une mère

23 handicapée intellectuelle qui a un enfant, ils nous

24 demandaient : « Est-ce que vous accepteriez de

25 maintenir des contacts à vie? » On disait : « Bien

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 84 -

1 certain. » Ce n’est pas le même projet, là, ce

2 n’est pas de la négligence, c’est d’autre chose. Ça

3 fait qu’il y a des cas où tu peux facilement

4 démontrer que le contact est bénéficiaire pour...

5 est profitable pour l’enfant. Mais la grosse

6 majorité des cas, ce n’est pas ça, là. La grosse

7 majorité, c’est de la négligence. Puis dans notre

8 cas, c’était ça.

9 M. :

10 R. Puis des traumatismes.

11 M. :

12 R. Témoins de violence, un milieu pas bon pour des

13 enfants, déménagements à répétition. T’sais. Bon.

14 Bien, là, là c’est le droit de l’enfant qui devrait

15 prendre le dessus. Une fois que le projet est

16 prononcé, une fois qu’on a dit, il est placé à

17 majorité, là. Puis prouve que l’autorité médicale

18 devrait être préservée chez la mère biologique,

19 prouve que les visites devraient être maintenues.

20 Mais, par défaut... Donc, là, tu inverses la

21 preuve. Ça, pour moi, ce serait un changement

22 positif par rapport à la loi des années quatre-

23 vingt (80).

24 Q. [44] Merci.

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 85 -

1 LA PRÉSIDENTE :

2 André Lebon.

3 M. ANDRÉ LEBON, vice-président :

4 Bien, d’abord, il faut que j’avoue que, pour moi,

5 la présence de , c’est extrêmement émouvant

6 de constater qu’il est en amour, qu’ils forment un

7 couple puis qu’ils ont une famille. Vous

8 caviarderez ça, là.

9 M. :

10 R. Non, pas obligé.

11 M. ANDRÉ LEBON, vice-président :

12 Mais ça prend toute une dimension. Puis, moi, ma

13 question, je pense que, dans ta dernière

14 intervention, , ce que vous avez dit, dans

15 l’inversement du fardeau de la preuve à partir du

16 moment où il y a... Je pense qu’on doit prendre

17 acte de ça, là. Nous, depuis qu’on discute

18 ensemble, on est très soucieux de l’intérêt de

19 l’enfant. Puis on est conscient... Puis je pense

20 que Jean-Marc a bien expliqué ce qui est derrière

21 le fameux fardeau de la preuve. C’est-à-dire qu’il

22 faut avoir fait la preuve que les parents se sont

23 comme délestés de leur rôle de responsabilité. Mais

24 il y a toujours une maudite limite.

25 J’écoutais votre histoire puis je me

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 86 -

1 disais, ça a juste pas de bon sens, à partir d’un

2 moment où la consécration de ça, qu’on s’en va vers

3 un projet de vie, écoute, là, tu l’as dit

4 spontanément, t’sais, c’est-à-dire à partir de là,

5 il devrait y avoir des découlant assez clairs. Ça

6 fait que, moi, je nous invite à prendre acte de

7 votre témoignage et de vos suggestions. Alors, je

8 mets de côté le côté émotif, mais je pense qu’au

9 plan objectif, c’est toute une démonstration, en

10 plus d’être tout un cadeau que vous avez fait à des

11 enfants.

12 LA PRÉSIDENTE :

13 Merci. Hélène David.

14 Mme HÉLÈNE DAVID, commissaire :

15 Bien, André se permet d’être caviardé et puis de

16 dire des choses. Alors moi aussi, je pense que

17 j’aimerais bien ça aller souper avec vous autres

18 après.

19 DISCUSSION HORS DOSSIER

20 Mme HÉLÈNE DAVID, commissaire :

21 Non, non, mais j’allais dire, même, je pense que je

22 ne serais pas la seule à avoir cet... J’ai

23 l’impression que je peux parler au nom des

24 collègues parce que... Mais après André, j’ai dit,

25 ah, je peux me permettre. C’est-à-dire que vous

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 87 -

1 êtes très attachants, parce que vous êtes

2 infiniment bons. Vraiment, je ne pensais jamais

3 employer ce mot-là un jour. Vous êtes infiniment

4 bons. C’est-à-dire que vous avez passé des choses,

5 moi, que je trouve vraiment difficiles. Puis ce

6 n’est pas fini. On dit que vous avez des beaux

7 enfants qui vont bien.

8 Eh, je connais bien des parents biologiques

9 qui ont eu deux, trois, quatre enfants, puis qu’ils

10 n’arrêteraient pas de dire comment c’est difficile

11 avec leur à eux autres, là, puis que c’est

12 terriblement exigent. Vous autres, vous en parlez

13 puis, oui, il est difficile puis, des fois, je ne

14 sais pas lequel est et lequel... Non, alors

15 , qui dit, quand même ça a été difficile,

16 difficile pour le couple, difficile pour le

17 travail, difficile. Et c’est encore difficile. Avec

18 tout ce que vous décrivez des professionnels un

19 après les autres que vous voyez en concomitance

20 ou... C’est un contrat que vous avez pour mener cet

21 enfant-là à une autonomie puis à un bonheur, puis

22 et caetera.

23 Moi, je suis extrêmement, puis je pense, je

24 parle au nom des collègues aussi, admirative devant

25 votre bonté naturelle. Oui, vous dites, ça me donne

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1 une famille. Mais ça vous donne une famille en

2 passant par la Banque mixte où, moi, je ne suis pas

3 du milieu directement de la DPJ, et ça j’avoue que,

4 là je commence à comprendre le vocabulaire. Puis

5 Jean-Marc a fait une démonstration. Là, j’ai

6 compris, là, comment ça marche. Puis honnêtement,

7 André, j’endosse tout à fait ce qu’il dit. Même les

8 sacres qui vont avec. On peut les prendre. Quand il

9 dit « ça n’a pas de maudit bon sens ». Alors

10 effectivement.

11 Et vous faites des recommandations très,

12 très claires. Mais, moi, qui a toujours été

13 psychologue dans ma vie puis qui ai enseigné ça la

14 notion d’attachement, tant et plus, c’est énorme ce

15 qu’on fait vivre à des bébés surtout, , zéro

16 à dix (10) mois, plus ce que ça vous fait vivre,

17 plus... Et, là, j’ai compris qu’il fallait tout

18 faire ça pour prouver le fardeau de la preuve que,

19 avec l’historique. Mais là là, c’était les années

20 quatre-vingt (80). Peut-être que, nous, on a tout

21 un fardeau, nous, de réfléchir à la question. Parce

22 que tout ce temps-là, ce n’est pas l’intérêt de

23 l’enfant. Ce n’est pas l’intérêt de l’enfant. C’est

24 le dossier béton pour le...

25 Alors, je pense qu’on a besoin de... Puis

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1 on peut comprendre, dans les années quatre-vingt

2 (80), les centres jeunesse et tout ça, qui dit,

3 O.K., on va peut-être pouvoir les mettre en

4 adoption. En tout cas, je pense qu’on a une belle

5 réflexion à se faire et que vous nous invitez à ça

6 beaucoup. Puis que grâce à votre témoignage, nous,

7 peut-être plus les... ceux qui ne viennent pas

8 directement du milieu de protection de la jeunesse,

9 on comprend un petit peu mieux.

10 Mais, moi, je voulais surtout vous dire

11 que, oui, ça a l’air que ces enfants-là ont une

12 chance inouïe d’être tombés sur vous, et que vous

13 êtes vraiment des gens qui... ils ne pourraient pas

14 être mieux placés malgré tout ce qui s’est passé

15 pour avoir tout ce qu’il faut dans la vie, pour

16 essayer d’avoir le meilleur d’eux-mêmes, disons ça.

17 On fait tous ce qu’on peut avec nos enfants. Puis

18 les enfants se débrouillent aussi avec les talents

19 puis les écorchures de la vie qu’ils ont. Mais ils

20 auront pas mal moins d’écorchures grâce à vous.

21 Alors merci beaucoup pour cette si grande bonté.

22 LA PRÉSIDENTE :

23 Jean-Simon Gosselin.

24 M. JEAN-SIMON GOSSELIN, commissaire :

25 Q. [45] En fait ce que vous avez vécu dans le

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1 processus après que le premier et deuxième enfants

2 soient arrivés, il y a beaucoup de familles

3 d’accueil qui le vivent aussi, et peut-être même

4 encore plus compliqués que ce que vous avez vécu,

5 pour avoir été longtemps avocat DPJ, avoir fait

6 beaucoup d’admissibilités à l’adoption. Un

7 commentaire puis après, j’aurai une question dans

8 un autre registre qui... pas les enfants, mais qui

9 est avant. C’est sûr que la réforme du droit de la

10 famille avec les caractéristiques dont a parlé

11 monsieur Potvin date de quatre-vingt-quatre (84).

12 On est peut-être mûrs pour une mise à jour. Parce

13 que le litige entre la parenté biologique et la

14 parenté psychologique, que c’est assez clair pour

15 vous, puis peut-être ici. Mais ce n’est pas clair

16 partout au Québec, ça, vous savez.

17 Ma question est sur avant. Le processus

18 pour être reconnu famille d’accueil Banque mixte,

19 je comprends que, sur le fait, vous étiez un couple

20 d’hommes, là-dessus vous avez un... C’est un

21 parcours impeccable des intervenants. Mais la

22 durée, le processus en soi, qu’est-ce que vous avez

23 à nous dire en quelques phrases, comment vous avez

24 trouvé ça cette évaluation-là pour aboutir ou pour

25 obtenir l’accréditation?

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1 M. :

2 R. Bien, nous, ça a été un exercice quand même positif

3 de couple, parce que, nous autres, ça nous a fait

4 beaucoup travailler sur nous autres mêmes, à

5 réfléchir à pourquoi on veut des enfants, qu’est-ce

6 que chacun on apporte à l’autre. Donc, ça nous a

7 permis vraiment de se faire une grosse

8 introspection de couple. C’est vraiment, c’est un

9 exercice qu’on a apprécié.

10 M. :

11 R. Positif.

12 M. :

13 R. Positif. Bon. C’est sûr que le... Bon. Encore une

14 fois, d’une famille à l’autre, ça a été vécu

15 différemment. Il y en a qui ont eu des processus

16 plus, peut-être plus long au niveau des

17 évaluations. C’était une période stressante, mais

18 on est bien contents somme toute du résultat.

19 M. :

20 R. Oui.

21 M. :

22 R. Puis l’attente, ça a été... Bon. On nous avait dit

23 deux, trois... Combien on nous avait dit à

24 l’origine?

25

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CSDEPJ6 novembre 2019Volume 5, huis clos - 92 -

1 M. :

2 R. Oui, il y a eu des délais différents de ce qu’on

3 nous a dit. Mais grosso modo, c’était pas mal

4 positif. Moi, j’allais juste dire, puis on sent

5 aussi qu’il y a un sérieux là-dedans, puis, t’sais,

6 des bonnes questions. Tu ne peux pas passer à

7 travers ça en racontant des histoires.

8 M. :

9 R. Non.

10 M. :

11 R. Puis on se disait, bon, il reste que c’est l’État

12 qui confie la garde d’un enfant à des gens chez

13 eux, t’sais, tout le temps sans surveillance. Ça

14 fait que ça prend un processus quand même assez,

15 assez complet, là. Puis, ça, là-dessus, nous

16 autres, vraiment, nous n’avons rien à dire là-

17 dessus.

18 M. :

19 R. Ils nous ont analysés sur toutes les coutures.

20 M. :

21 R. Oui, oui. Ils nous connaissent. Puis l’autre volet

22 aussi que, des fois, on a entendu souvent, parce

23 qu’il faut aller chercher sa certification de

24 premiers soins qui doit être à jour tout le temps.

25 Puis, ça, il y a beaucoup de gens à qui on le dit

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1 dans notre entourage, des amis qui ont des enfants,

2 t’sais, leurs enfants biologiques qui nous disent,

3 hey, t’sais, vous êtes obligés d’être des meilleurs

4 parents que n’importe qui, t’sais, ou des enfants

5 dans une chambre de huit pieds par dix pieds avec

6 une fenêtre. Alors qu’on a des amis, nous autres on

7 vit , des amis, des fois, deux

8 enfants dans une chambre qui ne fait pas huit pieds

9 par... T’sais! Ça fait que, ça, non, moi, les

10 exigences, les attentes, là-dessus, on a

11 l’impression que c’est bien fait, que c’est

12 correct. On nous demande d’avoir un plan

13 d’évacuation de la maison, les batteries des

14 détecteurs de fumée, l’extincteur de fumée qui

15 n’est pas... T’sais! Non, vraiment...

16 M. :

17 R. J’aimerais ça dire un petit quelque chose, parce

18 qu’on n’a pas eu... ça ne s’est pas présenté. Mais,

19 t’sais, dans toutes les réflexions, on n’a pas

20 parlé de la durée du congé parental pour les

21 familles adoptives. Qui est peut-être quelque chose

22 aussi à repenser. Bon. Évidemment, nous, on n’avait

23 pas droit au congé maternel. On n’a pas le droit

24 non plus au congé paternel. Donc, on avait le congé

25 pour adoption.

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1 M. :

2 R. De trente-sept (37) semaines.

3 M. :

4 R. De trente-sept (37) semaines. Quand le congé se

5 terminait, on avait encore des visites avec les

6 parents biologiques. On avait encore des suivis

7 avec les travailleurs sociaux à la maison.

8 M. :

9 R. On n’a pas de contrôle sur les heures de rendez-

10 vous.

11 M. :

12 R. Pas de contrôle sur les heures. C’est très

13 difficile. On est des personnes relativement

14 chanceuses. On a des bons emplois. On a vécu malgré

15 tout des difficultés liées à l’emploi quand même,

16 des départs, congés, ça affecte quand même une

17 carrière, mais aussi d’avoir à s’absenter

18 fréquemment. Alors que le projet de vie, lui, de

19 l’enfant, tu l’as à temps plein, mais tu as encore

20 un million de personnes à rencontrer. Puis en plus,

21 bien, des enfants qui ont des vécus, des séquelles,

22 des troubles qui exigent beaucoup d’investissement.

23 Le congé, il finit vite.

24 M. :

25 R. a commencé la garderie, ça faisait six, sept

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1 mois qu’il était arrivé chez nous. Puis à

2 l’âge de neuf mois, elle a commencé la garderie.

3 LA PRÉSIDENTE :

4 Alors, dernière intervention rapidement, Michel

5 Rivard.

6 M. MICHEL RIVARD, vice-président :

7 Ça va être très court. Parce qu’on est à huis clos,

8 messieurs. Moi aussi, j’ai été procureur du DPJ

9 pendant vingt-cinq (25) ans. Ça ne paraît pas, je

10 le sais. Mais j’ai fait... Donc, j’ai vu les deux

11 côtés de la médaille. J’ai vu des familles où on

12 retirait les enfants, puis on se battait pour avoir

13 un hébergement jusqu’à majorité. Mais j’avais le

14 bonheur d’avoir des familles comme vous devant moi

15 lorsqu’on était rendu à l’admissibilité à

16 l’adoption. C’est moi qui recevais ces couples-là

17 dans mon bureau. Je peux vous dire, c’est ça la

18 tranche de vie puis ce n’est pas une question,

19 c’était ma paie, c’était mes plus beaux moments

20 d’avoir des familles comme vous devant moi. Puis je

21 me disais, on offre à ces enfants-là une

22 renaissance. C’est une renaissance l’adoption. Il

23 faut penser à ça, hein. Parce qu’il y a un nouveau

24 certificat de naissance. Vous en avez eu un pour

25 et .

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1 Alors, vous avez offert une renaissance à

2 et . Alors, moi, je vous en remercie.

3 Vous m’avez fait revivre ces moments-là. Puis,

4 écoutez, je suis très touché. Je n’avais pas

5 l’émotion d’André, mais ça m’a fait vivre des

6 émotions à l’intérieur. Merci pour ces deux

7 enfants-là. Puis je suis sûr qu’ils vous

8 ressemblent. Moi, souvent, on me montrait des

9 photos d’enfants puis on disait, mon Dieu, ils

10 ressemblent au couple. Puis à un moment donné...

11 Donc, on va demander des preuves après les

12 audiences. Mais je vous en remercie, messieurs.

13 LA PRÉSIDENTE :

14 Merci encore. Je continue sur la lancée de Michel

15 Rivard. Il y a des gens qui ont adopté, qui ont une

16 philosophie, ils disent, ce n’est pas les parents

17 qui choisissent les enfants, ce sont les enfants

18 qui choisissent les parents. Alors tant mieux pour

19 et , ils ont fait un excellent choix.

20 Quand ils seront grands, capables de comprendre,

21 vous leur direz. Et sur ce je vous souhaite bon

22 resto. Sauvez-vous avant qu’Hélène David vous

23 suive. Merci infiniment. Un grand, grand merci pour

24 votre témoignage. Merci beaucoup.

25

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1 M. :

2 Merci.

3 M. :

4 Merci.

5

6 AJOURNEMENT DE L’AUDIENCE

7 _________________________

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1 SERMENT D’OFFICE

2

3 Nous, soussignées, ROSA FANIZZI, et DIANE

4 BEAUCHAMP, sténographes officielles, dûment

5 assermentées, certifions sous notre serment

6 d'office que les pages qui précèdent sont et

7 contiennent la transcription fidèle et exacte des

8 notes recueillies au moyen de l’enregistrement

9 numérique, le tout hors de notre contrôle et au

10 meilleur de la qualité dudit enregistrement, le

11 tout, conformément à la Loi.

12 Et nous avons signé,

13

14

15

16 _____________________________

17 ROSA FANIZZI 18

19

20

21

22

23 _____________________________

24 DIANE BEAUCHAMP