SYNTHÈSE

Journée organisée avec le soutien de la Sofi a et du Centre Français d’exploitation du droit de Copie

La lecture et l’écriture numérique à l’écoleLa lecture numérique occupe une place prépondérante dans le quotidien des jeunes. Les professionnels agissant en milieu scolaire témoignent de l’intérêt des ateliers couplant écriture et lecture numérique pour stimuler le rapport des élèves à l’écrit. Des enseignants témoignent. Retour d’expériences…

Claire Augé Enseignante de Lettres au lycée Charlie-Chaplin, académie de Lyon

Magali Brunel Maître de conférence hdr en didactique de la littératureà l’Université de Nice Sophia Antipolis – line/inspe

Élisabeth Demolombe Médiatrice numérique à la médiathèque de Mauguio Carnon

Anne Girard Documentaliste au Collège de l’Étang de l’Or de Mauguio Carnon

Carole Guérin-Callebout Inspectrice pédagogique régionale de Lettres,académie de Rouen

modération Natacha Lefauconnier Journaliste éducation et culture

les atouts du numérique pour favoriser l’accès à la lecture

LES ASSISES du LIVRE NUMÉRIQUE

paris, 5 novembre 2019

COMMENT LIRONS-NOUS DEMAIN ?

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Pourquoi travailler le numérique avec les élèves ?

La médiathèque Mauguio Carnon a mis en place des services numériques dès 2012 pour accompagner l’évolution des pratiques. Élisabeth Demolombe pré-cise qu’au cœur de ces services, la médiation permet de proposer de nouvelles expériences de lecture et de développer des compétences.

Anne Girard ajoute que le numérique est une entrée parmi d’autres pour faire lire et découvrir le plaisir de la lecture.

Alors que les adolescents passent 8 heures de leurs loisirs par semaine devant les écrans, contre 3 heures devant les supports papier, Magali Brunel considère que faire vivre aux élèves des activités numériques représente un enjeu majeur pour l’école.

Natacha Lefauconnier souligne qu’utiliser des outils numériques n’est en rien synonyme d’amu-sement ou de moindre exigence de la part du corps enseignant. Claire Augé en convient, précisant que le numérique peut être utilisé pour faire lire des œuvres très difficiles. En outre, l’amusement se dissipe sou-vent très vite.

Carole Guérin-Callebout confirme que même si l’on met souvent en avant l’aspect ludique des outils numériques, ceux-ci permettent d’amener les élèves vers des œuvres exigeantes.

La plateforme Glose

Cette plateforme de lecture numérique permet d’écrire des commentaires dans les marges, y compris sous la forme d’émoticônes, pour une lecture collaborative et pensée entre pairs. Claire Augé insiste sur le caractère collectif de cette lecture, laquelle est pourtant souvent présentée comme un acte individuel. Mettre en avant cette dimension permet aux élèves de renouer avec

le plaisir de la lecture. Il s’agit aussi de les amener à prendre conscience que même s’ils ne comprennent pas tout du texte, ils sont capables d’en commenter cer-tains passages. Le rôle de l’enseignant consiste à accom-pagner les élèves, sur le plan technique mais aussi et surtout dans la lecture et l’écriture – puisque ce travail s’effectue uniquement en cours. L’outil permet aussi de suivre les élèves et de récupérer toutes les données de la classe, ce qui facilite l’évaluation.

Sur le plan pratique, les élèves qui l’acceptent sont invités à utiliser leur propre smartphone, car le nombre de salles informatiques du collège est limité.

Enfin, Glose peut aussi être utilisé pour des disserta-tions ou des commentaires de texte.

L’interdisciplinarité au service de la production numérique

Anne Girard et Élisabeth Demolombe proposent des projets de productions numériques, en lien avec des professeurs de différentes disciplines, pour faire découvrir la lecture numérique au travers de la fabri-cation : navigation hypertextuelle, interactivité, nar-ration multimédia, etc.

Le projet « Fan Fiction Friot » s’inspire de la pra-tique de réappropriation de mangas ou de séries de jeux vidéo : deux fanfictions ont été inventées par des élèves de 5e à partir du recueil de nouvelles Jours de collège de Bernard Friot. Ces récits hypermédia ont ensuite été découpés en séquences, dont le support est une image avec des liens vers des textes narra-tifs, des dialogues enregistrés, des vidéos… L’interac-tivité permet de suivre l’histoire de manière linéaire ou d’activer tel ou tel média suivant un chemin librement choisi, donc personnalisé. Les images ont été conçues en cours d’arts plastiques et les dialo-gues ont été écrits au cdi et enregistrés en cours de musique. Ce type de projet aide à comprendre l’écri-

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Magali Brunel.

Elisabeth Demolombe et Anne Girard.

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ture multimédia et la lecture numérique, mais aussi à s’engager dans les textes – la motivation et le plaisir de lire étant fondamentaux. Il permet aussi d’associer l’oral à l’écrit et de travailler la structure des histoires, l’objectif étant de mettre les élèves en situation de création, mais aussi de comprendre que le numérique n’est pas que drôle.

Un projet de science-fiction a également été éla-boré en lien avec le professeur de technologie puisque les élèves ont fait de la programmation html à partir d’un texte Word. Chaque nouvelle est une page Web avec une mise en page spécifique, et toutes ces pages ont été regroupées pour faire un livre sous forme de site. Dans le cadre d’un travail en binôme, les élèves ont été invités à créer des mots-clés pour naviguer d’une nouvelle à l’autre, ce qui a aussi permis de faire un nuage de tags.

Redonner du sens à la lecture : le projet « écrire dans les textes »

Les études montrent que les élèves progressent très peu en écriture entre la 6e et la 3e. En outre, les élèves, en particulier ceux qui sont en difficulté scolaire, se démobilisent dans leur rapport à l’écrit. Pour Magali Brunel et Carole Guérin-Callebout, il s’agissait donc d’amener les élèves à déjouer leur représentation négative de l’écrit en fin de collège.

En l’occurrence, le protocole du projet « écrire dans les textes » s’est déroulé en trois étapes : proposer sur écran un texte que les élèves ont étudié en lecture et dans lequel ils peuvent intervenir de façon créative ; projeter leurs travaux pour réfléchir collectivement à l’intention et au dialogue établi avec l’auteur ; réécrire le texte. L’outil était très simple, puisqu’il s’agissait d’un traitement de texte. Pour autant, les opérations créatives d’intervention, de manipulation, de fabrica-tion et de réinvention des textes n’étaient pas aisées à mettre en œuvre.

Ce projet a permis de désacraliser le texte d’un auteur, sans pour autant en perdre le sens et tout en respectant le projet original de l’auteur. En effet, l’objectif était de travailler sur la singularité du texte. Lors des entretiens menés par Magali Brunel à la fin du projet, les élèves ont déclaré avoir apprécié ne pas utiliser la feuille et le stylo, la rapidité d’exécution ainsi que la correction automatique des fautes.

Claire Augé évoque une expérience consistant à demander aux élèves de peindre le portrait de celui qui dit « j’adore lire ». En général, il est toujours repré-senté comme un loser, qui reste seul à la récréation. Mais avec le numérique, la lecture devient une acti-vité partagée, faite sur un support – le téléphone – dans lequel tous se reconnaissent. Le livre prend alors une place centrale au sein du cours. Par ailleurs, au-delà de la nouveauté, les élèves apprécient la rituali-sation.

Anne Girard ajoute que les expériences de lecture numérique mettent aussi en valeur les élèves qui ne sont pas nécessairement bons en français. Une com-plémentarité intéressante est souvent créée au sein du groupe.

Pour Carole Guérin-Callebout, cela permet aussi de transformer les représentations de l’activité sco-laire : plus que devenir lecteur, il s’agit de développer une posture d’auteur ou de co-auteur. L’intérêt de la médiation numérique serait donc d’inciter les élèves à sortir de leur représentation des activités scolaires comme gratuites et vides de sens.

Pour quels effets ?

Magali Brunel insiste sur l’importance de la mesure de l’efficacité des protocoles, en comparant les pro-ductions de début et de fin d’année, mais aussi celles de différentes classes. Les entretiens menés en fin de projet permettent aussi d’identifier les points sur lesquels les élèves ont eux-mêmes conscience de

Natacha Lefauconnier.

Carole Guérin-Callebout et Claire Augé.

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leurs progrès et de vérifier qu’ils ont compris ce que signifie être auteur, en se positionnant eux-mêmes comme tel.

Carole Guérin-Callebout ajoute que le projet « écrire dans les textes » s’est déroulé tout au long de l’année, durant laquelle les résultats de la classe se sont améliorés. Les élèves ont d’ailleurs tous réussi leur Brevet des collèges. En zone d’éducation prioritaire, passer avec succès l’épreuve de français est un vrai challenge et donne envie de poursuivre une scolarité plus longue, ce qui n’est pas toujours le cas au départ.

Anne Girard observe que ses élèves ont tout de suite compris que le projet serait valorisant et y ont adhéré. Or l’évaluation réside déjà dans le niveau d’adhésion.

Pour l’enseignant, oser s’exposer et lâcher prise requiert une forme d’audace. L’accompagnement de l’établissement est donc indispensable. Élisabeth

Demolombe suggère en outre de travailler en équipe projet, pour se rassurer mais aussi pour assurer une complémentarité des compétences et cumuler de l’expérience.

Claire Augé confirme que l’outil Glose suscite d’abord l’appréhension, car il implique de lâcher les supports d’enseignement traditionnels et d’accepter le smartphone des élèves sur la table. l

les assises du livre numrique

prsidente Virginie Clayssencharge de mission Flore Piacentino

communication Véronique Stéphan et Camille Gauthierlogistique Prescillia Osmani

synthses Florence Berthezène/Voyelles rédactionphotos Romàn Pons Prades maquette Alain de Pommereau

Les synthèses écrites ainsi que des photos et vidéos de la rencontre sont disponibles sur le site

Internet du sne. www.sne.fr rubrique agenda

La commission numérique du sne promeut le développement de standards pour la profession, assure un suivi des réformes aux niveaux français et européen et participe à la mise en place de projets innovants avec les institutions partenaires du sne. Elle organise une fois par an les Assises du livre numérique.

Le Syndicat national de l’édition (sne) est l’organe professionnel représentatif des éditeurs français. Avec plus de 720 adhérents, il défend la liberté de publier, le droit d’auteur, le prix unique du livre, la diversité culturelle et l’idée que l’action collective permet de construire l’avenir de l’édition. Il contribue à la promotion du livre et de la lecture. Il est présidé par Vincent Montagne et dirigé par Pierre Dutilleul.