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Comment les plates-formes multifonctionnelles fournissent de l’énergie, créent de la richesse et libèrent les femmes dans les villages de l’Est du Burkina Faso.

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Comment les plates-formes multifonctionnelles fournissent del’énergie, créent de la richesse et libèrent les femmes dansles villages de l’Est du Burkina Faso.

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Les points de vue exprimés dans cet ouvrage sont ceux de l'auteur et ne reflètent pasnécessairement ceux des Nations Unies, y compris le PNUD, ou de ses Etats membres.

Auteur, éditeur graphiste, photographe

Souleymane Ouattara

Coordination

PREP-PNUDOdile BalizetJean Mege

CAC Tin Tua Bendi Benoît OuobaHonoré Bonkoungou

UCN BurkinaYemboado Lompo Armande Sawadogo

Avec l’inestimable contribution de :

Rosalie Ouoba Moussa DahaniOdette NassouriChristophe N. OuédraogoValérie Sorgho Ledon (dessins)

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Des moulinspas comme les autres

Comment les plates-formes multifonctionnellesfournissent de l’energie, créent de la richesse etlibèrent les femmes dans les villages de l’Est duBurkina Faso.

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remerciements

Des moulins pas comme les autres

Cet ouvrage a été écrit à plusieurs mains.Sans l’enthousiasme et la rigueur des uns et des autres, il n’au-rait pas pu aboutir.

L’auteur tient à exprimer sa reconnaissance aux populationsde Soaligou, Pièla, Gomoré, en particulier aux femmes,membres des groupements, aux animateurs, aux artisans, auxresponsables des “diémas” pour leur constante disponibilité etpour la qualité des informations fournies.

Merci à Mme Rosalie Ouoba, consultante principale, à l’équipede la CAC de Tin Tua, au secrétariat exécutif de l’association,à l’Unité de Coordination Nationale, au PNUD Burkina Faso, auPREP, au Sénégal, pour leurs conseils.

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sigles et abréviations

Des moulins pas comme les autres

AGR : Activités Génératrices de RevenusATT : Association Tin TuaCAC : Cellule d’Appui ConseilCFG : Comité Féminin de GestionEFP : Etude de Faisabilité ParticipativeFAUDEB : Projet de Gestion de la Faune de BoumoanaFICOD : Fonds d’Investissement pour le Développement

des Communes FIDA : Fonds International de Développement AgricoleOMD : Objectifs du Millénaire pour le DéveloppementPADL/KOM : Projet d’Appui au Développement Local de la

KompiengaPAMER : Projet d’Appui aux Micro Entreprises RuralesPREP : Programme Régional Energie PauvretéPTF : Plate-forme multifonctionnelleUCN : Unité de Coordination Nationale

NB : la monnaie, dont il est question dans ce manuel est le F CFA.Un euro = 655,957 F CFAUn dollar = environ 500 F CFA

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8 Des moulins pas comme les autres

Table des matières

RemerciementsSigles et abréviationsTable des matièresAvant proposPréfaceLettre de l'éditeurLe roi, sa fille et "Lafia"Quelques-uns des multiples usages de la PTFVous avez dit programme PTF ?

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La participation : plus qu'une formalité,une exigenceEncadré 1: l'EFP : du cliché au tableau debordEncadré 2 : s'accorder sur la participationpour bien la mettre en oeuvreEncadré 3 : l'EFP pas à pasEntre nous !Les acteurs s'exprimentPortrait 1 : Yelpoa Idani, transformatricede soumbala La responsabilisation : les bénéficiairesau centre, les équipes en retraitEntre nous !Les acteurs s'exprimentPortrait 2 : Médandé Lokossou, restauratrice La transparence : tout savoir pour mieuxs'engagerEntre nous !

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Première partie : les valeursLes acteurs s'exprimentPortrait 3 : Désiré Combary et YemboanoOuali, électricien et maintenancierLa valorisation des savoirs locaux :bâtir du neuf sur du vieuxEntre nousPortrait 4 : Souleymane Ouoba, soudeur

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9Des moulins pas comme les autres

Table des matières

Deuxième partie : la stratégie

Une ONG pour opérationnaliser leProgrammeEncadré 4 : quand la PTF dope les"diémas"Les acteurs s'exprimentPortrait 5 : Aldjima Lankoandé, vendeur de gas-oilLa PTF communautaire : le change-ment, une affaire de femmesPortrait 6 : le chef de village de GomoréPortrait 7 : Aïcha Namoano, meunièreLa PTF privée : une entreprisecitoyennePortrait 8 : Alain Lankoandé, exploitantvidéoLa formationr : quand le savoir libèreEncadré 5 : améliorer l'existantEntre nous !Portrait 9 : Christophe N. Ouédraogo,responsable techniqueLa progressivité : une question derythme

La confiance en soi : du doute à lacertitudeEntre nous !Les acteurs s'exprimentPortrait 10 : Dagouoba Damiba, élèvePortrait 11 : Kiwamba Lankoandé,barmanLe suivi : l'affaire de tousLes acteurs s'exprimentPortrait 12 : Samuel Lankoandé, animateurPortrait 13 : Nadiéba Mimhenmi,“kiosquier”Le partenariat : un champ en fricheEntre nous !Encadré 5. Partenariat : commentprocéder Les acteurs s'exprimentLes activités génératrices derevenus : du temps et du crédit poursortir de la pauvretéEntre nous !Les acteurs s'exprimentPortrait 14 : Djingribouga Tindano,vendeur d’eau glacéePortrait 15 : Edouard Yarga, photo-grapheLa décentralisationLes communes : chances ou risquespour les PTF ? Conclusion Le défi de l'autonomisation

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Aujourd'hui, en Afrique de l'Ouest, deuxtiers de la population vivent en zonesrurales et péri-urbaines, dont la majeu-

re partie n'a toujours pas accès aux servicesénergétiques d'éclairage, de réfrigération ou detransformation agricole indispensables à sondéveloppement économique et humain. AuBurkina Faso, près de 8 000 villages de moinsde 5 000 habitants sont privés d'accès à l'élec-tricité et aux services énergétiques modernes.

Même si aucun des OMD ne traduitspécifiquement les enjeux de l'accès aux servicesénergétiques, ces derniers constituent un élé-ment primordial pour l'atteinte des huit objec-tifs reconnus par la plupart des Etats de la pla-nète. Malgré ce consensus, cette problématiquene se reflète pas toujours comme un élémentmoteur du changement dans les stratégies deréduction de la pauvreté aux niveaux nationalet local.

Si le rôle de l'énergie pour réduire lapauvreté en Afrique n'est plus à démontrer, unequestion, plus ardue, demeure : "commentmettre en place un accès durable aux servicesénergétiques pour contribuer efficacement àréduire la pauvreté dans le contexte descontraintes énergétiques et environnementalesqui seront celles du vingt et unième siècle ? "

Il parait donc essentiel de répertorierles meilleures pratiques existantes pour d'unepart, démontrer aux décideurs la nécessité deprendre en compte cette dimension du dévelop-pement indispensable pour espérer réduiredurablement la pauvreté, d'autre part, pourleur indiquer les chemins possibles pour parve-nir concrètement à réduire la pauvreté à traversl'accès à des services énergétiques répondantaux besoins des populations, principalement enmilieu rural.

Le document que vous tenez entre lesmains vise donc à partager ce que nous consi-

dérons comme étant des pratiques innovantesau cœur de l'expérience du Burkina Faso : ils'agit du modèle de diffusion de l'approcheplates-formes multifonctionnelles animé par unacteur de la société civile, l'Association Tin Tua,Organisation Non Gouvernementale enracinéedans les dynamiques de développement local. Ils'agit aussi du système de suivi de proximité desplates-formes multifonctionnelles mis en placeen synergie avec les activités d'appui, notam-ment l’alphabétisation, que cette associationmène pour le développement économique etsocial dans l'Est et le Centre Est du BurkinaFaso.

Ce document assure la visibilité desprogrammes plates-formes. A ce titre, il consti-tue un outil de plaidoyer pour l'accès aux ser-vices énergétiques modernes en milieu rural.Ses résultats vont bien au-delà de l'expériencede Tin Tua, car pour tous les pays ayant en par-tage la plate-forme multifonctionnelle, il sym-bolise le travail de capitalisation des expériencesdes programmes plates formes pour :- analyser et partager leurs expériences et ainsidévelopper leur expertise,- rendre disponible et visible l'action des pro-grammes et leur efficacité pour la promotion del'accès à des services énergétiques modernes enmilieu rural.

Nous espérons que ce premier docu-ment de capitalisation en appellera d'autres,dans les pays où des projets plates-formes sontdéveloppés et où d'autres pratiques innovantessont expérimentées avec succès et que, toutcomme nous, vous refermerez ce document envous disant que ces plates-formes multifonction-nelles sont décidément des “Moulins pascomme les autres”.

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avant propos

Des moulins pas comme les autres

Jean BadoDirecteur national, PTF

Laurent CocheCoordonnateur, PREP

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"Des moulins pas comme les autres" !Ce titre décrit parfaitement cesdrôles de machines qui font quasi-

ment tout : moudre le grain, fournir de l'éner-gie électrique, faire fonctionner divers équipe-ments, contribuer à l'accroissement des revenusdes femmes et de leurs communautés, etc. AuBurkina, les PTF ne pouvaient trouver meilleursite d'accueil. Dans ce pays, la pauvreté estessentiellement rurale, majoritairement fémini-ne et… énergétique. La pauvreté en énergie, laplus inhibitrice des efforts de développement,renferme plusieurs facettes. Les plus connuessont la corvée de bois énergie, la recherche et lepuisage de l'eau sur de longues distances et pen-dant de longues heures, le pilage et la mouturemanuels des céréales et des oléagineux, les tra-vaux champêtres, etc. Ces occupations, toutesfaites de dépenses d'énergie humaine, ne lais-sent à la femme rurale aucune chance d'épa-nouissement économique et social.

Heureusement, les choses changent.Dans l'Est et le Centre-Est du Burkina, l'énergiefournie par les plates-formes a permis de fairereculer les limites de la pauvreté féminine etd'enregistrer des avancées spectaculaires enmatière d'alphabétisation et d’amélioration dustatut social de la femme. Quelques chiffres ren-dent compte des progrès accomplis. Les 40 PTFfonctionnelles avant 2006 ont produit des effetssensibles sur l'économie locale, parmi lesquels :- la création de 249 emplois ruraux directsrémunérés dont 186 pour les femmes membresdes comités féminins de gestion, 35 meunièreset meuniers, 12 artisans maintenanciers et 16soudeurs ;- l'accroissement de l'accès aux services énergé-tiques modernes pour au moins 60 000 habi-tants en milieu rural ;- la production d'une recette annuelle moyennede 27 millions F ;

- le temps libéré a permis un accroissementmonétaire supplémentaire lié à la conduite desactivités génératrices de revenus et à l’inscrip-tion massive des femmes dans les centres d'al-phabétisation. Celles-ci enregistrent un taux desuccès nettement plus élevé dans les villagesbénéficiaires de PTF.

Cette formidable aventure humaine,dont rend compte de façon vivante et plaisantece manuel de capitalisation, témoigne aussi dela dynamique de collaboration qui a existéentre l'ONG Tin Tua et tous les acteurs de la"filière énergie" : - au niveau local : les femmes dans les villages,les artisans, les élus locaux et les autoritéslocales, les associations, les ONG, les projets etprogrammes d'une part et les acteurs terrain del'autre, notamment l'équipe de la Celluled'Appui Conseil, les “diémas” de Tin Tua ; - au niveau national : le Programme NationalBurkina ;- au niveau régional : le Programme RégionalEnergie pour la lutte contre la Pauvreté et leréseau des professionnels des programmesplates-formes du Mali, du Ghana et du Sénégal.

Tous ont compris l'enjeu de ce travailet se sont investis pour passer de « l'expérienceà la connaissance partageable ». En effet, lacapitalisation et la valorisation de l'expériencede Tin Tua et de sa Cellule d'Appui Conseilpart du principe que toute expérience peut etdoit être réfléchie, enrichie, documentée et dif-fusée sur des supports adaptés à son partage.Bonne lecture !

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préface

Des moulins pas comme les autres

Bendi Benoît OuobaSecrétaire exécutif, Tin Tua

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12 Des moulins pas comme les autres

u'est-ce qui distingue le Program-me des plates-formes multifonc-tionnelles (PTFM) dans l'Est duBurkina d'un projet classique ?

L'approche participative ? De plus en plusd'organisations y recourent. La priorité accor-dée aux femmes ? La prise en compte dugenre est une exigence de l'heure. Les compé-tences de l'équipe du projet, à savoir la Celluled'appui conseil (CAC) ? De telles qualitéspeuvent se retrouver chez d'autres agents dedéveloppement. Le choix d’une ONG pour lamise en oeuvre ? Le recours à des ONG oubureaux d'études comme structures por-teuses ne fait plus tâche dans le paysage dudéveloppement.

Le succès du Programme PTF dansl’Est du Burkina, repose sur des principes, deséléments de stratégie, principalement la for-mation, le suivi et des activités auxquels il fautajouter la notoriété, les compétences, l'expé-rience et le dispositif d'intervention de l'asso-ciation Tin Tua, l’ONG hôte de la CAC.

Contrairement aux “projets moulins”traditionnels visant uniquement la rentabilitééconomique ou l'allègement des tâches desfemmes, le programme plates-formes multi-fonctionnelles innove par sa vision : assurer lafourniture d’énergie via de petites entreprisesrurales basées en grande partie sur la profes-sionnalisation des femmes, désormais techni-ciennes et gestionnaires aguerries, respectéesdans leurs communautés.

Autres facteurs explicatifs du suc-cès : le suivi rapproché et en cascade quifacilite l'acquisition et le maintien d'apti-tudes nouvelles chez les membres descomités féminins de gestion (CFG) et dugroupement et l'approche pédagogiquebasée sur l'acquisition progressive desconnaissances et leur diffusion lors dessessions d'auto-analyse, des bilans, des ren-contres de restitution, etc.

Ce subtil mélange de principes etd'outils qui interagissent les uns sur les autrescrée les conditions d'un changement en pro-fondeur. Il permet de transformer l'opacitétrès courante dans les groupements, en trans-parence. Il assure la participation de tous etresponsabilise les bénéficiaires, crée desconditions pour entreprendre des activitésnouvelles, améliorer son quotidien…

Peut-on transposer dans d'autresrégions, d'autres pays cette expérience nova-trice ? C'est le pari des initiateurs de cet exer-cice de capitalisation, qui voudraient, à tra-vers l'histoire des PTF racontée par lesacteurs et actrices de ce Programme dansl'Est du Burkina, témoigner d'une extraordi-naire aventure humaine, avec ses succès, seséchecs, ses doutes, etc.

LETTRE DE L’ÉDITEUR

Lutter contre la pauvreté : une affaire de savoir-faire et de savoir-être

Il est possiblepour desfemmes ruralesdémunies etmarginaliséesde prendre leurdestin en main,moyennant desressources, uneorganisation etune approcheappropriées.

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il était une fois...

Des moulins pas comme les autres

Un roi avait une fille, qu'il aimaitpar-dessus tout. Mais il n'étaitpas heureux. Dans son royaume,les femmes comptaient pour

moins que rien. Dès qu'elles savaient mar-cher, elles devaient travailler du matin ausoir et toute leur vie durant. Cultiver, allerchercher l'eau, le bois, etc. : la journée suffi-sait à peine à leurs corvées. Pendant cetemps, les garçons organisaient des tour-nois de lutte, des soirées de balafon, brefprenaient du bon temps. Ainsi se déroulaitla vie à “Gnièssoumasso” jusqu'au jour où leroi reçut la visite d'un ami au curieux sur-nom : “l’homme aux yeux ouverts”.

A “Gnièssoumasso”, on a coutumede dire : “il faut vendre sa maladie pour entrouver le remède”. C'est ce que fit le roi. Ilexposa son problème à son ami. Celui-cil’écouta attentivement puis secoua la tête. Ildit au roi : « ô roi, ton pouvoir est grand,mais ton coeur l'est davantage. Le sort desplus malheureux te préoccupe, alors, je vaist'aider ».- Comment ? s'empressa de demander lesouverain.

Son ami lui expliqua qu'il existait unfétiche appelé “Lafia”. Il soulage, rend heu-reux comme son nom l'indique. “Si vousarrivez à trouver “Lafia” pour votre fille, savie et la vôtre vont changer”. Sans laisser letemps au roi de fermer sa bouche grandeouverte d’étonnement, il poursuivit : « Lemaître de “Lafia” se trouve à mille lieues

d'ici dans une contrée, appelée Nègèdougouou le pays du fer. Envoie lui un messager ».

Le roi fit mieux. Il organisa uneexpédition. Comme celle-ci devait durerdes jours, en homme prévoyant, il fit desprovisions et prit quelques présents. Aprèsavoir traversé des contrées désertiques, lasavane où gambadent les biches insou-ciantes et les lions aux aguets, des forêts quiempêchent de voir le soleil, il arriva avec sadélégation à Négèdougou. Dès qu'ils virentde loin les premières cases, ils durent seboucher les oreilles tant le bruit qu'ilsentendaient était assourdissant. « 1 000 for-gerons doivent certainement se déchaînersur leurs enclumes », dit le roi à son pale-frenier. Il n'avait pas tort. Arrivés au village,ils virent sur la grande place, des maîtres dufeu, tout en sueur, qui soufflaient,

Le roi, sa fille et “Lafia”

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il était une fois...

Des moulins pas comme les autres

cognaient, limaient. Pendant des jours, ilsadmirèrent le travail des forgerons.Certains fabriquaient de grandes cuvettesappelées à recevoir le grain à moudre.D'autres confectionnaient des moteurs oudes planches en fer sur lesquelles on vissaitle moulin et d'autres appareils.

Après une semaine passée àNégèdougou, le roi prit congé de ses hôtes.De retour chez lui à “Gnièssoumasso”, ce futla fête. Il remit solennellement “Lafia” à safille adorée, qui avait mis en place un grou-pe de femmes, appelée “ton” ou “entraide”.Au fil des saisons, les gens virent tout ce que“Lafia” pouvait faire : moudre le grain,apporter de l'eau jusque dans les cases sansse courber pour la tirer d'un puits, éclairerles rues et les maisons, faire gagner de l'ar-gent, etc. Bref le roi retrouva le sourire etavec lui sa fille et toutes les femmes du vil-lage. Leurs maris les écoutaient, les respec-taient.

Mais ce bonheur mettait en rogneune vieille femme et son époux, opposés àtout changement dans le village. Nuitam-ment, ils allaient de case en case et disaientaux hommes : « Ouvrez les yeux. Vosfemmes sont entrain de vous commander.Elles ne vous respectent plus parce qu'ellesgagnent de l'argent. N'oubliez pas, ce sontdes singes de deux villages, celui de leursparents et le nôtre. Elles vont détruire nostraditions si on les laisse faire ».

Au fil des jours, les maris changè-rent d'attitudes envers leurs épouses, lesempêchant d'aller aux réunions, aux forma-tions. Ils les faisaient suivre partout.

Le roi souffrait profondément del'attitude de ses sujets. Mais c'était un

homme bon et il se garda de toute décisionblessante. Il fit venir sa fille et un vieux sagepour leur demander conseil. Après de longsconciliabules, la solution fut trouvée. Lafille du roi prépara un bon plat de “to”, unmets à base de farine de petit mil, accompa-gnée d'une sauce gombo à la pintade. Elleglissa aussi dans un sac, qu'elle tenait déli-catement à l'épaule, une mystérieuse bouleblanche.

La maison de la vieille femme et deson mari était à l'orée du village, plongéedans l'obscurité. La fille du roi frappa à laporte, en réalité une palissade usagée, quin'assurait aucune intimité aux occupants dela cabane. Le couple fut surpris d'une visiteaussi tardive. La fille du roi avait-elle à peinedéballé son plat que les deux calomniateursse jetèrent sur le repas qu'ils dévorèrentaussitôt. Quand ils reprirent leurs esprits, lafemme dit : « ma fille, je n'ai jamais mangéun tô pareil, comment as-tu fait ? » - c'est le mil écrasé par « Lafia ».

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il était une fois...

Des moulins pas comme les autres

Sans attendre que les deux vieux nese remettent de leurs émotions, la fille duroi sortit la boule transparente de son sac etl'accrocha à une poutre. Aussitôt, la petitepièce s'illumina comme par enchantement.Sachant que les occupants de la masureallaient crier à la sorcellerie, la fille du roi lesdevança. « Ça aussi, c'est “Lafia” ».

Depuis ce jour, le vieil homme et safemme se rendent chaque matin rendreleurs hommages à “Lafia”. Personne ne peutmieux en parler qu'eux. C'est pourquoidepuis que le roi a décidé d'en doter lesautres villes du royaume, le vieil homme etsa femme font partie de la suite royale.Avant toute implantation, ils implorent lesmânes des ancêtres pour le succès de“Lafia”. Ils ont juré de consacrer le restant deleurs jours à ce combat, avec la ferveur denouveaux convertis, hier ennemis jurés de“Lafia”.

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les multiples usages de la PTF

Des moulins pas comme les autres

Quelques-uns des multiples usages de la plate-forme multitonctionnelle

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vous avez dit programme PTF ?

Vous avez dit Programme PTF ? L'essentiel de ce qu'il faut savoir sur le Programme des plates-formes

multifonctionnelles de lutte contre la pauvreté. En 6 questions.

Qu'est-ce que le ProgrammePTFM/LCP ?

Le Programme National Plates-FormesMultifonctionnelles pour la Lutte Contre laPauvreté, en abrégé PTFM/LCP, est uneinitiative du gouvernement burkinabé, sou-tenue par le Programme des Nations Uniespour le Développement (PNUD).

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Quels sont les objectifs duProgramme ?

D'une durée de 5 ans (2004-2009) et d’uncoût de dix millions de dollars US, leProgramme PTFM/LCP vise à réduire lapauvreté en zone rurale, conformément auxObjectifs du Millénaire pour le Dévelop-pement (OMD), en privilégiant uneapproche participative basée sur le renfor-cement des capacités.

2

Dans quelles zones le Programmeintervient-il au Burkina ?

Le Programme s'exécute dans les régions dela Boucle du Mouhoun, du Centre Ouest,de l'Est et du Centre Est et du Nord.

3

Quels sont les acteurs et leursrôles ?

Le gouvernement burkinabé, le PNUD,AARHUS UNITED, la Coopération luxem-bourgeoise et la Fondation Shell financentle programme.

Le ministère de l'Economie et duDéveloppement assure la tutelle duProgramme. Le PNUD appuie le gouverne-ment dans la mise en oeuvre duProgramme, la mobilisation de partenariatset de ressources, la valorisation des résul-tats et des impacts.

L'Unité de Coordination Nationale(UCN) coordonne et gère le Programme,anime les groupes d'apprentissage, fournit

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Régions d’exécution duProgramme au Burkina

Des moulins pas comme les autres

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Les consultants indépendants réalisentles études de faisabilité.

Le Programme Régional Énergie Pauvreté(PREP), basé à Dakar, au Sénégal, apporteun appui technique et mobilise les res-sources additionnelles. Il assure le renforce-ment des capacités et appuie la recherchede partenaires.

18

Quelles sont les principales étapesde l'implantation du ProgrammePTFM/LCP au Burkina ?

2000-2004 : phase pilote dans la régionde l’Est avec l’ONG Tin Tua ; Octobre - novembre 2002 : formulation

du Programme national PTF ; Décembre 2004 : mise en place de la

coordination nationale du programme etdémarrage des activités du programmenational ; Octobre 2005 : lancement officiel du

programme, à Fada ; Février 2007 : inauguration du réseau

d'adduction d'eau simplifié de Soaligou parle ministère de l'Économie et duDéveloppement (MEDEV).

5

Qu’envisage de faire le Program-me dans le futur ?

A ce jour, 120 PTF ont été déjà installées. LeProgramme envisage d’en installer 280 dansle futur pour atteindre l’objectif fixé de 400entreprises PTF dont 165 avec réseau d'eauet/ou d'éclairage dans les 4 zones d'inter-vention du pays.

La CAC de la zone de l'Est prévoitl'implantation, sur la période du program-me, de 170 plates-formes dont 10 avecréseau d'eau et/ou d'éclairage.

6

services et appui conseils stratégiques,mobilise les fonds, etc. Les ONG abritent les cellules d'appui

conseil. Dans la région de l'Est du Burkina,l'Association Tin Tua (développons nousnous-mêmes) opérationalise le programme.L’association a implanté les PTF pendant laphase pilote 2002. Elle exécute, depuisdécembre 2004, le programme dans sa zoned'intervention.

Les Cellules d'Appui Conseil (CAC) sontles bras techniques d'exécution des activitéssur le terrain.

Les organisations de base initient le pro-cessus d'acquisition d'une plate-forme, par-ticipent à son financement et en assurent lagestion.

Les artisans constructeurs, installateurset maintenanciers interviennent à lademande pour construire des châssis, ins-taller les équipements et assurer la mainte-nance.

Les fournisseurs assurent l'approvision-nement en équipements et en pièces déta-chées de qualité et aux coûts du marché.

vous avez dit programme PTF ?

Les plates-formesaméliorent lesconditions de viedans les villages.

Des moulins pas comme les autres

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19Des moulins pas comme les autres

Nos valeurs

Première partie

Les valeurs sur lesquelles se fonde notre intervention

La PARTICIPATION : plus qu’une formalité, une exigence Encadré 1 : l'EFP : du cliché

au tableau de bord Encadré 2 : s’accorder sur la partici-

pation pour bien la mettre en oeuvre Encadré 3 : l'EFP pas à pas Entre nous Les acteurs s’expriment Portrait 1 : Idani Yelpoa, transforma

trice de soumbala La RESPONSABILISATION : les bénéficiaires au centre, les équipes en retrait Entre nous

Les acteurs s’expriment Portrait 2 : Médandé Lokossou,

restauratrice La TRANSPARENCE : tout savoir pour mieux s’engager

Entre nous ! Les acteurs s’expriment Portrait 3 : Désiré Combary

et Yemboano Ouali, électricien et maintenancierLa VALORISATION DES SAVOIRS LOCAUX : bâtir du neuf sur du vieux

Entre nous Portrait 4 : Souleymane Ouoba,

soudeur

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LA PARTICIPATION, UNE EXIGENCE

Plus qu’une formalité,une exigence !Des projets qui s'autoproclament participatifs, il en existe une multitude. Mais lesont-ils vraiment ? Que dire des PTF dans l'Est du Burkina ? Leur taux élevé deréussite (69 sur 71 fonctionnent), les outils utilisés pour leur mise en œuvre,principalement l'étude de faisabilité participative, suggère leur réelle appropria-tion par les populations.

Marginalisées par lepassé, les femmes fontdésormais l’objet d’uneattention accrue de lapart des structures dedéveloppement.

APièla, un village de l'Est duBurkina, tout le monde connaîtl'histoire de ces moulins à grains,hors service, à peine installés. En

1998, le ”diéma”, démembrement de Tin Tua

LA PARTICIPATION

Des moulins pas comme les autres

au niveau départemental, introduit unerequête de moulin pour les femmes. UneONG finance l'équipement que le villageaccueille dans l'enthousiasme. Quelquesmois plus tard, ces moulins, tant désirés,sont hors d'usage. Un responsable du”diéma” attr ibue cet échec à l 'ap-proche “paquet cadeau” de l 'ONGbienfaitr ice . « Tout le monde voulaitutiliser la machine, mais personne ne sesentait concerné par son bon fonctionne-ment. Dès la première panne, tout s'estarrêté », analyse-t-il.

Quelques années plus tard, nou-veaux “moulins” mais démarche différen-te. Avec les plates-formes multifonction-nelles, il ne s'agit plus seulement d'allégerles tâches des femmes pour les faire pas-ser de la meule en pierre au moulin àmoteur mais aussi et surtout de produirede l'énergie, de créer de la richesse defaçon pérenne. L'approche participativedoit aider les femmes, premières bénéfi-

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LA PARTICIPATION, UNE EXIGENCE

ciaires des nouveaux équipements, à rele-ver ces défis. Le Programme PTF en faitune conditionnalité.

Travailler avec les femmes sans exclure les hommes

Longtemps marginalisées par les structuresde développement, qui ne considèrent queles chefs de ménage, à savoir les hommes,comme des productifs dignes d'être formés,les femmes rurales dans l'Est du Burkina,comme ailleurs dans le pays, sont démunieset manquent de connaissances et d'apti-tudes. Elles sont parmi les plus pauvres.Comment les aider à s'en sortir en leurconfiant la gestion des PTF sans les fairedouter de leurs propres compétences etsans dresser les hommes contre elles ? « Siles hommes, les coutumiers… n'adhèrentpas à la plate forme, s'ils ne participent pasà sa venue dans le village, on peut être sûrqu'il y aura des difficultés. Il suffit que quel-qu'un dise que la farine sent le gasoil et qu'ilpréfère la farine qui vient du mortier, c'estterminé. Ça fera combien de clients enmoins ? La participation commence parl'adhésion de tous à la venue de l'outil PTFdans le village », explique Moussa Dahani,responsable du suivi évaluation à la celluled'appui conseil, la CAC, de Tin Tua. Un res-ponsable de “diéma” explique très bien cettevolonté de faire de la PTF l'affaire de tous :« Habituellement, quand un projet s'instal-le, il concerne un groupe. Or le programmePTF intéresse toute la population. Lesautres travaillent avec un groupe-cible bienprécis, alors que la PTF profite à tout le

monde ». La “cible” du projet étant la com-munauté appelée à bénéficier des servicesde la plate-forme, à quoi bon installer deséquipements et constater que les gens leurtournent le dos ? Bref qu'ils ne servent pas àgrand chose ? Comme ces dispensaires ousalles de réunion flambant neufs que per-sonne ne fréquente.

Equiper les femmes sans associerles hommes, c'est courir le risque de voir lesmaris gérer le projet à la place de leursépouses. Honoré Bonkoungou, le coordon-nateur de la Cellule d'appui conseil,explique : « La participation s'impose en rai-son du statut de la femme qui prend partpour la première fois à une dynamique de cetype. Il faut donc êtreattentif à préserver lacohésion sociale ».

Par ailleurs, leprojet, prévu pourdurer cinq ans, devraprendre fin en 2009.La participation pré-pare ce retrait, en per-mettant aux commu-nautés de s'approprierles plates-formes pouren assurer la pérenni-sation.

Il existe d'in-nombrables bonnesraisons d'espérer laparticipation des com-munautés aux projets,mais le vrai déficonsiste à l'enclen-cher tout en laissantl'initiative aux popu-

Associer la femme, lamettre en première ligneexige beaucoup de tact.

Des moulins pas comme les autres

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lations. Peu de projets réussissent ce tour deforce. Pour y parvenir, le Programme PTFutilise plusieurs outils, le plus importantétant l'étude de faisabilité participative ouEFP.

Participer oui, faire participer non

L'étude de faisabilité participative, faite enaccord avec les populations désirant bénéfi-cier de la PTF, permet de mieux connaîtrela réalité du terrain et donc la capacité duvillage à prendre en charge l'équipement.Contrairement à la sensibilisation, dont se

contentent beaucoup d'intervenants et quipermet à la population d'exprimer unbesoin, l'EFP approfondit les questions. Lebesoin de PTF est-il réel ? Les modules peu-vent-ils vraiment résoudre les problèmesqu'ils sont censés régler ?

Pour garantir la crédibilité desréponses à ces questions, le Programmeprocède par étapes : l'information sur l'exis-tence des PTF et leurs conditions d'acquisi-tion, la demande rédigée par le groupementféminin qui la soumet au bureau du ”diéma”,la mise à disposition d'une personne res-source pour la pré étude. L'étude de faisabi-lité participative établit alors la preuve de larentabilité de l'outil et et détermine le degréd'implication actuelle et à venir des com-munautés.

Autant de précautions ne mettentpas à l'abri de l'échec, mais elles augmententles chances de succès, comparativement àdes projets qui se contentent de faire lesétudes et qui décident de donner ou pas le“paquet cadeau”. Samuel Lankoandé, ani-mateur, à Pama, admet, en homme d'expé-rience, la pertinence de l'EFP. « Elle permetau projet de rentrer dans un village avecconfiance et courage, parce que nous avonsdes informations sur tout ce qui se passedans ce village avant l'implantation de laPTF ».

La collecte des données pour ali-menter l'étude de faisabilité participativepasse par diverses étapes, dont la détermi-nation des critères de prospérité par lespopulations qui définissent ce qu'ellesentendent par “très riche”, “riche”, “moyen-nement riche” et “pauvre”. Par exemple êtretrès riche, c'est avoir du bétail, une parcelle

LA PARTICIPATION, UNE EXIGENCE

L’EFP : du cliché au tableau de bord

Destiné à recueillir la situation de référence du village deman-deur de PTF pour analyser la faisabilité sociale et écono-

mique et même technique de la PTF, l’EFP joue de plus en plusle rôle de tableau de bord de la PTF. L’étude permet en effet derecueillir des informations sur le niveau de conduite des AGR,l’alphabétisation, etc. Cette ligne de base sert à mesurer leschangements qui s’opèrent et à estimer la contribution de laPTFdans les changements produits.

Ce souci de suivi peut aussi s’étendre à la faisabilitéfinancière. Le Programme utilise un logiciel très élaboré d’analy-se financière. Il permet une fois par trimestre d’expliquer d’éven-tuels écarts et de développer des stratégies commerciales adé-quates.

Un autre changement concerne le captage des informa-tions relatives au niveau d’utilisation des types d’énergies telsque le bois de chauffe, le pétrole, etc. dans le village pourconnaître les changements induits par la PTF.

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LA PARTICIPATION, UNE EXIGENCE

Des moulins pas comme les autres

viabilisée etc. Les familles sont classées àpartir de ces catégories sur la fiche prépara-toire de collecte de données qui liste tousles ménages. Ce classement fait en publicpeut frustrer, comme l'explique Samuel.« Vous savez, la pauvreté, c'est quelquechose de secret, dont on a presquehonte. On n'a pas besoin d'avoir beau-coup de gens, parce que ça entraîne desconflits. Il n'est pas rare d'entendre desgens se plaindre parce qu'on les ditpauvres ».

Depuis lors, il existe un autre systè-me de classement qui concilie respect despopulations et fiabilité des informations. Laconnaissance du niveau de prospérité desménages se fait avec les leaders du village(notables, chefs de quartier, délégué du vil-lage ou encore les conseillers communaux).Leur bonne connaissance du village et deses habitants leur permet de procéder auclassement de façon fiable.

Une autre adaptation concerne lacarte sociale. Cet outil permet de connaîtrela situation géographique du village, sespoints de repère, ses différentes infrastruc-tures. La carte sociale permet aussi de loca-liser là où il y a le plus d'organisations et lessièges des groupements. Consigner toutesces informations avec un marqueur sur dupapier ne va pas toujours de soi. Pour yremédier, certains animateurs préfèrent lefaire au sol. Ils font appel à deux ou troispersonnes ressources, de préférence scola-risées ou alphabétisées qu'ils assistent. Avecl'aide de la population, ils parviennent àmatérialiser les quatre coins cardinaux.Outre l'ingéniosité de la démarche, les tra-cés sur le sol permettent de ne pas être han-

dicapé par le manque de papier ou de mar-queur.

Eviter les frustrations et innovertechniquement permet la participation activede la population. « Leur implication nousaide à améliorer la qualité de nos résultats.Parce que s'ils font l'exercice, ça nous garan-tit de meilleurs résultats que si nous le fai-sions à leur place. Peut-être que d'autres vont

S’accorder sur la participation pour bien lamettre en œuvre

Définir la participation dans de nombreuses langues nationalesn’est pas chose aisée. Des responsables de “diéma” et de

PTF interrogés sur la question assimilent la participation au res-pect des conditions à remplir et la démarche à suivre pour bénéfi-cier d’une PTF. Certains parlent d’engagement de la communau-té ou du promoteur privé pour « justifier et soutenir sa demandeet apporter leur quote-part en travail et en argent et l’effort àconsentir à cette fin ». D’autres considèrent la participationcomme un “secours, un soutien” dont ils pourraient bénéficierdans leur travail. La participation suggère aussi la notion d’asso-ciation, mettre la main à la pâte. Bref, la participation est davanta-ge perçue comme capacité à défendre un dossier, engagement ouassistance. Quelques proverbes l’illustrent. « Si on te lave le dos,il faut te laver le visage » ou « Pour porter un canari, il faut d’abordle soulever pour qu’il atteigne le genou, avant que les autres net’aident à le poser sur la tête ».

La notion de participation est certes compliquée à traduireen gulmancema, en mooré, en fulfuldé… Mais son importance com-mande d’en définir les contours avec les communautés pourqu’elles en comprennent la spécificité dans le cadre des PTF. Toutesleurs actions doivent en être imprégnées pour leur permettre dejuger des manquements à la participation de la part des équipesd’appui.

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LA PARTICIPATION, UNE EXIGENCE

somnoler et se réveiller en sursaut pour don-ner des informations erronées que tu vasmatérialiser. Mais s'ils sont dans l'exercice, çapermet de travailler activement ».

Jusqu'où peut aller une étude de fai-sabilité participative ? L'accès à l'informa-tion peut butter contre des obstacles inat-tendus. Pour dresser le profil historique duvillage, il faut parfois s'attendre à dessilences gênés ou des refus polis ou fermessurtout quand il s'agit d'évoquer des guerresou des mésententes entre voisins ou encorelorsque des luttes pour la chefferie oppo-sent certaines familles. « Il faut être discret

sur certains aspects, notamment ce qui atrait à la chefferie et aux relations entre vil-lages », conseille Moussa Dahani. Commentsavoir dans ces conditions si le village d'àcôté peut être un client potentiel ou unadversaire irréductible qui préfèrera faire 2km supplémentaires pour aller moudre songrain ailleurs ?

Les résultats de l'approche partici-pative en confirment la pertinence. Partout,dans les 71 villages propriétaires de PTF, lespopulations ont apporté leur quote-part aufinancement des plates-formes et construitles bâtiments pour abriter les équipe-

1 - Le “diéma” informe le chef,les notables, les personnes lea-ders les groupements deman-deurs et les différentes associa-tions du village 2 - Les acteurs stratégiquesinforment à leur tour la popula-tion de l'arrivée d'une équipe quiviendra s'entretenir avec ellependant 2 ou 3 jours avant l'im-plantation éventuelle de la PTF.Le lieu et la date de l'assembléevillageoise sont arrêtés. 3 - A son arrivée, l'équipe,constituée du consultant et desanimateurs, se présente chez lechef de village,

4 - Avant la réunion, les anima-teurs et le consultant se rencon-trent pour identifier les différentsoutils qu'ils comptent utiliser. Ilsprocèdent à la répartition destâches. 5 - Le lendemain, la sessioncommence par la présentation dela communauté aux membres del'équipe chargée de l'étude etinversement. Après le rappel desobjectifs de l'étude, il arrive quela population manifeste sonapprobation par des applaudis-sements ou des cris. L'étudepeut alors commencer. Elle peutse faire en assemblée ou sous-

groupes. Les travaux prennentfin généralement entre 13H et14H et se poursuivent le lende-main. 6 - Le consultant et le ou les ani-mateurs font le point des infor-mations collectées qu'ils complè-tent en cas de besoin. Les résul-tats sont alors consignés sur unefiche synoptique. 7 - Une fois la collecte de don-nées terminée, l'équipe consacreune journée à leur exploitation.Elle procède aux premiers calculspour lister les différentes presta-tions de service retenues par lapopulation. Sur la base de cesestimations saisonnières etannuelles, l'équipe fait un rap-prochement pour s'assurer queles 300 heures de fonctionne-ment de la PTF sont atteintes. Sioui, l’une des conditions de laréussite existe. Mais si un modu-

le fonctionne avec moins de 300heures, sa rentabilté est compro-mise. Auquel cas l'outil n'est pasproposé, même s'il a été choisi. 8 - Le consultant et les anima-teurs informent la population desrésultats du dépouillement. Sil'étude est concluante, le villagedoit contribuer à hauteur de 15 à25 % du coût total. Le villagedonne son accord ou se dit inca-pable de mobiliser les 400 000 à500 000 F demandés. 9 - Dans l'hypothèse où le villages'engage, l'équipe l'aide à faireun programme d'activités. Lapopulation indique la date àlaquelle la construction du localva prendre fin, la mise en placedu comité de gestion, etc. Toutesces informations sont consignéesdans un rapport déposé par leconsultant à la CAC avec laquelleil est sous contrat.

L'EFP pas à pasFaire une EFP passe par diverses étapes que l’équipe deconsultants et d’animateurs doit maîtriser. La démarche s’ap-parente à celle à laquelle recourent de nombreux animateurs,qui associent le maximum de personnes à l’exercice. C’estl’EFP pas à pas.

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LA PARTICIPATION, UNE EXIGENCE

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ments… Les hommes font des briques etconstruisent le local. La construction d'unabri conditionne l'implantation de la PTF.Car il prouve l’engagement de la commu-nauté.

La participation entraîne l'adhésionet donc l'appropriation. « Quand c'est parti-

cipatif, on est soi même convaincu que c'estce qu'il faut pour améliorer ses conditionsde vie. On participe à l'atteinte de sonmieux-être. Ce n'est pas quelqu'un d'autrequi vient le faire à ta place », dit Dahani quiprécise : « la participation permet la maîtri-se endogène du développement ».

Cher ami Sachez-le : il existe autant de façons defaire de la participation que d'orga-nismes d'appui. En tant qu'agent de laCAC, appelé à travailler dans les vil-lages, vous devez mettre les populationsau centre des décisions. Ainsi, vousassurerez non seulement le succès duprojet et donc de votre intervention,mais vous préparerez aussi le retrait duprogramme. L'agent que vous êtes nerestera pas indéfiniment dans le villa-ge. Il faut donc favoriser la participa-tion de la population pour lui per-mettre d'être autonome dans un délairaisonnable.

L’aide à la participation com-

munautaire n'est pas unesimple question de volonté,aussi forte soit-elle. Il fauten maîtriser quelquesoutils. C'est pourquoi il est important dedémarrer votre intervention par uneétude et une connaissance du milieu.Cela permet de connaître les autres orga-nismes de développement, leursdémarches, l'histoire du développementdans la zone, etc. Les données ainsirecueillies aident à prendre les bonnesdécisions en fonction de la zone d'inter-vention où on exerce. D'une région àl'autre du Burkina, voire dans une mêmerégion, les modes d'intervention peuventdifférer.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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Les acteurs s’expriment

La PTF permet aux femmesde gagner du temps et del’argent. Elles peuvent ainsiparticiper à la vie du village.Vous savez celui qui n’a pasd’argent ne peut rien dire.Mais quand toi aussi tu metsquelque chose dans lepanier, tu as le droit desavoir ce qu’on fait avec. Etc’est ce que les femmesfont.Notre groupement compte75 femmes. Chacune paie500 F comme frais d’adhé-sion. Cet argent établit unlien entre nous. Il nous apermis de nous entendre.Chacune donne un peu deson argent, c’est sûr qu’elleva chercher à dire son motsur la gestion et donc toutcela fait vivre le groupe-ment, car il y a la participa-tion active de toutes lesfemmes.

A l’installation de la PTF, ilfallait faire les travaux d’en-duit extérieur. Les femmesse sont mobilisées. Ellessont sorties nombreuses et letravail a été fait. Lors d’unerencontre, les femmes ontsuggéré que l’épargne de laPTF permette d’acheter etde stocker des céréalesqu’elles pourraient revendrepour en tirer un bénéfice. Cefut un succès.

La participation permet deresponsabiliser les gens afind’assurer la pérennité duprogramme. C’est ce qui faitqu’il est rare de voir unePTF qui ne marche pas bien.Avec ce processus de parti-cipation, les gens sontconscients qu’il faut qu’ilentretiennent bien la PTF,pour que les autres ne lesaccusent pas d’incompéten-ce. Ça permet aux membresdu groupement de savoirque l’activité leur appartientvraiment. Même pour le“diéma”, c’est pareil. Il fautassurer un bon suivi pouréviter l’échec.

Dés la pré-étude, lesfemmes discutent avec letechnicien de certains cri-tères. L’EFP par exemplepermet de connaître leschances de succès de laPTF. Rien que l’étude deshabitudes alimentairesindique s’il faut y implanterla PTF ou pas. La participa-tion de la femme dans leprocessus est très importantedans la réussite de l’activitéPTF.Si les femmes ne participentpas, il y a des risques, parceque ce sont elles qui utili-sent plus la PTF que leshommes. On ne peut doncpas définir les services, lesmodules et les AGR à déve-lopper sans elles. Ce sontelles qui les utilisent. Quandon dit qu’une PTF marche,c’est parce qu’elles partici-pent et c’est ce qui expliquela réussite du Programme.

Lankoandé Kokoro, vendeuse de soumbala,Soaligou

Laali Lankoandé, Soaligou

C’est grâce aux conseilsprodigués et aux formationsque la participation estdevenue réalité.

Damiba Lamoussa, Soaligou

Moussa Dahani, CAC - Tin Tua

Odette Nassouri, CAC - Tin Tua

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Aquarante huit ans, dont une ving-taine dans la fabrication dusoumbala, un additif alimentaire,

issu des graines de néré fermenté, YelpoaIdani n’a rien perdu de son entrain. Laforte odeur du produit peut rebuter lenon initié, pas les connaisseurs. Des ama-teurs viennent parfois de très loin pourfaire le plein de ces grosses boules noires,dont il suffit d’une seule pincée pour rele-ver le goût des mets. Les atouts deYelpoa ? L’hygiène, le soin apporté auchoix des matières premières et lebouche à oreille. Pendant longtemps, celasuffisait à son bonheur. Mais une ques-tion la hantait : comment satisfaire uneclientèle de plus en plus nombreuse sanssacrifier la qualité tout en exerçant aumieux ses tâches domestiques ? « Si lecommerce doit tuer la vie au foyer, ça aussi çane va pas », dit-elle.

Il y a quatre ans, avec l’installa-tion de la PTF à Gomoré, son village,Yelpoa voit son rêve se réaliser. Elle peutnon seulement s’adonner à son activité,mais aussi prendre soin de son mari, deses enfants, participer à la vie de son vil-

lage. De deux assiettées de graines néré,l’équivalent de 10 kg par semaine, elleproduit cinq assiettées. Car elle disposede plus de temps. Sa vie a changé du toutau tout. Elle qui se levait aux aurorespour aller chercher le bois en priant dene pas ramasser par mégarde un serpentdans l’obscurité, prend désormais son

yelpoa idani

Acheter sa liberté grâce à son travail

Naturellement enjouée, Yelpoa Idani ne manque pas d’atouts pour le commerce. Qualitédu produit, sens de l’accueil du client font de son “soumbala”, l’un des produits d’as-saisonnement les plus recherchés de la région de Gomoré. Pour cette femme, comme desmilliers d’autres, les teuf teuf de la plate forme sont la plus mélodieuse des musiques.

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laYelpoa Idani

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yelpoa idani

Des moulins pas comme les autres

temps. « Je me lève tard et me couche tôt »,résume-t-elle, avant d’ajouter : « je neveille pas toute la nuit pour pousser le boispour faire cuire le néré ». Il faut dire quel’amande de néré est recouverte d’uneécorce dure qui en allonge la cuisson.

Difficile de soutenir que Yelpoa avraiment gagné du temps sur la cuisson,même si elle en est personnellementconvaincue. Par contre, nul ne peutcontester qu’elle consacre moins detemps au pilage. Piler les graines de nérédemande beaucoup d’efforts et prendénormément de temps. Il n’existe pasd’appareil adapté pour éviter cette corvéeaux femmes. Avec le moulin à sa porte,Yelpoa peut faire décortiquer et moudreses graines de néré. C’est ce gain detemps qui lui permet de mieux s’occuperde la cuisson. « La cuisson va plus vite et lesoir, je suis libre. Le lendemain, je me conten-te de laver et ça va », dit-elle. « Plus impor-tant, ajoute-t-elle, mon corps lui aussi serepose ».

Si les activités de Mme Idani sesont ainsi développées, elle le doit à laplate-forme et aussi à Tin Tua. Fin 2004,un crédit de 50 000 F lui permet de lan-cer ses activités pour de bon. Avec cetargent, elle achète plus de graines denéré pour faire face à la forte demande.L’animatrice de Tin Tua apporte sonappui pour une bonne utilisation du cré-dit. « C’est pour éviter que les fonds ne soientdétournés à d’autres fins », explique latechnicienne. Yelpoa ne se sent pas

concernée par une telle mise en garde.Elle a épongé son crédit et a introduit undossier pour obtenir un prêt de 100 000 F.

Avec 7 500 F par semaine, l’équi-valent de 15 dollars, Yelpoa ne figure passur la liste des gens les plus riches de sonvillage. Mais elle se dit comblée quandelle voit comment ces modestes gains ontchangé sa vie. Elle prend soin de sesenfants, aide son mari à entretenir lafamille, paye la scolarité des enfants…

Son époux ne s’en plaint pas. « Lapauvreté crée la bagarre. Car il faut toujoursquémander pour la moindre chose. Et ça finitpar énerver. Maintenant que je gagne un peu,je ne dérange plus mon mari », expliqueYelpoa. Epouse attentionnée, il lui arrivede faire des cadeaux à son mari : unepaire de chaussures, de la cola, des bro-chettes de bœuf de retour du marché.Elle se confectionne quelques tenues.

Une animatrice de Tin Tua ladécrit comme une femme dévouée à lacause de sa communauté. « Elle joue lerôle de conseillère dans le groupe et aplanitles problèmes ». Une sorte de “Mme bonsoffices” qui essaie d’anticiper les pro-blèmes. Par exemple, elle veillera à ceque les visiteurs de la PTF aillent pré-senter leurs hommages au chef de villa-ge. Elle rend aussi compte à ce dernierafin qu’il ne se sente pas marginalisé. LaPTF doit certes améliorer le statut desfemmes, mais elle ne doit pas bouleverserl’ordre social.

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la responsabilisation

Des moulins pas comme les autres

AGomoré, Pièla ou dans les villagesoù sont implantées les PTF, n'estpas présidente de comité fémininde gestion qui veut. Cette règle

vaut pour chaque poste au sein du bureau.Le choix des membres du CFG relève de laresponsabilité des populations qui définis-sent les critères d'éligibilité de leurs diri-geants, chargés à leur tour de recruter lesmeuniers, les maintenanciers, etc. Ainsi,une présidente doit être alphabétisée,capable de travailler en équipe, disponible. Tindano Namoussa, réunissait ces condi-tions. Elle dirige le CFG de Soaligou. Cettemère de famille, qui est aussi membre de lachorale de son village, prend son rôle trèsau sérieux. « Ce n'est pas comme d'habitu-de où on peinait à trouver des gens pour

Les bénéficiaires au centre,les équipes en retrait

LA RESPONSABILISATION

En théorie, rien de plus simple que le transfert de droits, de devoirs et d'avan-tages aux communautés pour mettre en œuvre, voire pérenniser un projet dedéveloppement. Dans les faits, la responsabilisation des “bénéficiaires” ne vapas de soi. Elle exige de venir à bout de l'esprit d'assistanat, et, en ce qui concer-ne les femmes, du manque de confiance. Comment le programme PTF surmonte-t-il ces écueils ? En reconnaissant les capacités des femmes, en admettant leurs"erreurs de jeunesse", en les encourageant et en leur venant en aide en cas debesoin. Outre l'approche participative, divers outils concourent à responsabiliserles femmes : le protocole d'exploitation, le contrat de suivi, la revue, etc.

L’animateur : il se tientau courant, rassure lesfemmes, les met enconfiance.

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la responsabilisation

Des moulins pas comme les autres

assumer des respon-sabilités dans nosgroupements. Désor-mais, il y a des volon-taires et nous choisis-sons nos dirigeants ».

La responsabilisa-tion va de pair avecl'engagement, celuid'exécuter les tâchespour le bon fonction-nement des équipe-ments et de mobiliserles membres du grou-pement et la popula-tion pour la bonnemarche de la PTF.Moussa Dahani décritainsi le bon respon-sable : « C'est quel-qu'un qui essaie derésoudre les pro-

blèmes qui se posent et qui fait la promo-tion de l'activité. Contraire-ment à ceux quidisent : “les PTF, on vous flatte, ça ne vautrien” ».

Responsable par obligation

Rendre compte caractérise aussi un bonresponsable. « On admet qu'on est comp-table de ce qu'on fait vis-à-vis des autres,qu'il peut y avoir des sanctions et desrécompenses », explique Honoré Bonkoun-gou, le coordinateur de la CAC. Analysantle couple femmes-responsabilisation,Odette Nassouri, chargée des AGR à laCAC, insiste sur « l'appropriation de l'outilpar la femme. Elle sent que l'outil lui appar-

tient et elle se dit qu'il faut que ça puissemarcher pour donner une bonne image àl'extérieur. L'image est très importante pourla femme Elle se donne corps et âme pourréussir et ça favorise la réussite. Et si çamarche ainsi, les femmes ne restent plus àl'écart pour d'autres activités. Avant il yavait des femmes qui ne s'exprimaient pas,mais avec la PTF et les visites qu'on leurrend, elles sont devenues très dégourdies etmotivées. Elles n'ont plus de gêne à s'expri-mer devant un étranger ».

Assumer ses responsabilités c'estaussi accepter de les partager. La monopoli-sation du pouvoir ne tente personne, en rai-son de la multitude des tâches à exécuter etde l'approche participative adoptée. « Seule, onne peut pas tout faire, il faut responsabiliser lesautres, sinon, on ne s'en sort pas », admetMme Tindano Namoussa.

Les meunières, les maintenancières,les caissières… indispensables à la bonnemarche de la PTF prennent leur rôle très ausérieux et l'assument dans l'intérêt du grou-pe à qui elles doivent rendre compte. Celaaméliore la transparence et l'efficacité. Leprésident du « diéma » de Pièla insiste luiaussi sur la nécessité de déléguer certainestâches. « Si toutes les femmes doiventprendre une décision sur telle ou telle diffi-culté, ce n'est pas possible. Par exemple, unefemme vient écraser son mil. Elle conteste laquantité de farine écrasée. Du coup cela créeun différend entre le meunier ou la meuniè-re et la cliente. Il est évident que le groupe-ment ne peut pas se réunir pour tranchercette question. Il faut donc responsabiliserquelqu'un pour y faire face ». La mêmeobservation vaut pour les pannes. La meu-

Le partage des responsa-bilités : une réalité dansde nombreux groupe-ments. Les leaders entémoignent à la radio.

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la responsabilisation

Des moulins pas comme les autres

nière ou les femmes de jour s'empressentalors d'appeler l'artisan. Celui-ci leurindique la nature de la panne et se fait four-nir le nécessaire pour la réparation. « C'estplus opérationnel qu'un grand groupe. Lebureau du groupement coordonne les acti-vités de développement du groupement. Sesresponsables représentent le groupementdevant l'administration. Mais de façon spé-cifique, pour responsabiliser davantage lesmembres, il leur est confié des tâches. Lorsdes restitutions, les membres du CFGvoient qui a pu remplir correctement sestâches. Ils épaulent ceux qui éprouvent desdifficultés », explique le président.

La responsabilité concerne aussi letransfert des compétences des membres del'équipe du CFG aux autres membres dugroupement. Le CFG forme le maximum deses membres à maîtriser la mouture, lebroyage… Cela permet une meilleure répar-tition des rôles et une pérennisation desactions. Le renforcement des compé-tences permet de mieux assumer sesresponsabilités en ayant confiance ensoi. « Quelqu'un qui se retrouve dans l'uni-té et qui ne s'en sort pas dire un jour, il dira,‘je n'en peux plus. Je n'arrive pas à remplircorrectement les tâches qu'on me confie.Quelqu'un d'autre peut le faire. Je laissetomber’. Alors que s'il y a le renforcementde compétences, la personne peut réussir ets'engager vraiment », constate la présidentedu groupement de Gomoré.

Protocoles, contrats, revues

Divers outils permettent de faire de la res-ponsabilité une réalité. Il s'agit, entre autres,

des protocoles, contrats et revue d'une partet de l'aide à l'émergence de l'esprit coopé-ratif d'autre part.

Le protocole d'exploitation lie legroupement villageois féminin (GVF), ATTet le “diéma” tandis que le contrat de suividéfinit les relations entre le CFG et la CACvia le “diéma”. Il a été adopté récemment en2006 dans le cadre du suivi dégressif. Le protocole d'exploitation définit les

tâches du Programme PTF depuis l'étude defaisabilité, l'acquisition de modules, leurinstallation, la formation des membres duCFG, le suivi. Le groupement s'engage poursa part à recevoir et exploiter la PTF demanière durable et continue, à participer àtoutes les sessions de formation. Lescharges d'exploitation incombent à la struc-ture bénéficiaire, qui ne doit pas attendreun soutien quelconque pour y faire face. Dela même façon, l'utilisation des bénéficespour des équipements complémentaires(nouveaux modules) ou activités socio-éco-nomiques relève de la seule responsabilitédu groupement. La CAC s'engage, quant àelle, à fournir régulièrement des conseilstechniques, économiques, à mettre les CFGen contact avec les artisans, le dépôt-venteet avec des partenaires en matière d'alpha-bétisation, de crédit, etc. Les protocoles,rédigés en français, sont en phase de tra-duction. Les contrats de suivi le sont déjà pour

permettre aux CFG, au “diéma” d'en disposer. Si le protocole définit le cadre géné-

ral du partenariat entre le programme etATT et ses démembrements, le contrat desuivi permet, quant à lui, de doter le grou-pement d'un conseiller financier pour assu-

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32 Des moulins pas comme les autres

rer l'appui-conseil rapproché. Cet appui seveut dégressif pour davantage responsabili-ser et rendre autonomes les femmes. Il édic-te quelques critères d'autonomie. Parexemple, au bout de deux ans, les femmesdoivent être capables de faire l'entretienquotidien, les réparations et de responsabi-liser deux d'entre elles pour maîtriser ledémarrage de la PTF. Le CFG doit pouvoirplanifier et animer des réunions pério-diques sans appui externe et organiser régu-lièrement des élections pour renouveler sesinstances. Ces indications aident le comitéféminin de gestion à connaître ses respon-sabilités sur les plans technique, socio-éco-nomique et pour la mise en oeuvre desAGR.

La revue renseigne sur l'évolution de laPTF et la capacité des femmes à prendre desinitiatives en toute autonomie. La revueregroupe le CFG, les membres du groupe-ment, les personnes leaders et les diffé-rentes associations intervenant dans le vil-lage. L'animateur est au centre du dispositif.Programmées au début une fois par semai-ne, ses visites sont espacées en fonction de lamaîtrise des outils par le CFG : une fois tousles deux mois par exemple. Au bout d'un an,la revue évalue l'autonomie de la CFG etcelle de la PTF sur les plans organisationnel,social et économique ainsi que la contribu-tion de la PTF à la réduction de la pauvreté.Une mesure qui se fait à partir d'une lignede base donnée par l'EFP. « Le suivi ne sera

pas éternel. Au boutde 2 ans, le CFG doitdevenir autonome.La revue nous per-mettra de voir lespoints à renforcerdans ce processusd'évolution », ditSamuel Lankoandé,animateur à Pama.Evaluer le niveaud'autonomie aide lesanimateurs et laCAC à prendre lesmesures idoinespour venir en aideaux “canards boi-teux”.

Ainsi, la revue per-met à l'animateur,l'accompagnateur leplus proche du CFG,

La responsabilisation

Cher ami, L’histoire se passe à Kantchari, dansl’Est du Burkina. Avant la mise en placedu CFG, une femme de bonne volonté,munie de cahiers, consignait tout.Quand les cinq outils de gestion, dontle remplissage relevait de plusieurs per-sonnes, fut mis en place, la “pionnière”les confisqua, refusant de se faire aiderpar les autres femmes. Elle ne voulaitcéder ce “privilège” à personne. Il afallu du temps aux autres membrespour la raisonner et l’amener à accep-ter le partage de responsabilités.

Une présidente de CFG avaitrecruté un petit meunier. N’étant plusà la tête du groupement, elle s’en alla

avec « son » meunier. Lesdémarches entreprisespour faire revenir le jeuneshomme n’aboutirent pas. Ilfallut former un autre meunier. Aprèsen avoir trouvé un de façon consensuel-le, les membres du CFG mirent leurscompétences en commun pour le for-mer. Aujourd’hui, la PTF fonctionnenormalement.

Sans interférer dans la vie dugroupement, l’agent doit veiller à éviterce genre de situation ou la résoudre aumieux si elle survient. Son sens de l’ob-servation et ses conseils doivent l’aider àréussir sa mission.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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la responsabilisation

Des moulins pas comme les autres

de savoir quoi renforcer et comment : appuiconseil ou formation par exemple. Cet outild'information permanente permet aussi à laCAC de savoir quasiment en temps réel lenombre de PTF qui pourront se passer desuivi et dans quel délai. La revue permetaussi de se faire une idée de la contributionréelle de la PTF à la vie socio-économiquedu village et de la capacité du CFG à réglerles conflits et développer des initiatives auprofit de ses membres et de la communau-té. Ces critères, contenus dans le contrat,sont évalués une fois tous les six mois par laCAC. Il ne s'agit donc pas de simples pres-criptions, mais de défis que les femmes, la“diéma”, la CAC et Tin Tua doivent releverensemble.

En définitive, toute l'approche enmatière de responsabilisation des femmesrepose sur le partage des rôles et responsa-bilités au sein du CFG, l'entraide entre desacteurs proches et lointains.

La responsabilisation des femmess'exprime également à travers les partena-riats noués avec d'autres groupements,d'autres structures de développement, lacapacité à négocier les prestations avec lesartisans ou d'autres prestataires.

Limiter le pouvoir personnel et lesdérives autoritaires

La responsabilisation n'est pas une simpleexigence administrative, elle conditionne lasurvie des groupements, qui exercent pardéfinition des activités dont le succèsdépend de l'engagement de chaquemembre. La responsabilisation ne va pas desoi. Il faut la construire et la consolider. Au

Burkina, il existe des textes régissant la viedes groupements, notamment la loi 14, l'ar-rêté 10, à faire connaître par les respon-sables de CFG. Cette tâche incombe au“diéma”, qui aide le CFG, à élaborer ses sta-tuts et règlement intérieur. La connaissancede ces textes peut limiter la tentation decertains responsables d'exercer tout le pou-voir, de vouloir tout contrôler.

Une bonne structuration du CFGs'avère déterminante pour le partage desresponsabilités et le succès de la PTF. C'estla raison de la forte implication du “diéma”dans le nouveau système de suivi. Ainsi, dèsl'identification du demandeur, le démem-brement de Tin Tua procède à l'analyse deson fonctionnement qu'il doit améliorer, encas de besoin, avant de formuler sa requêtepour l'installation d'une PTF.

Une telle approche est essentielle,car un groupement villageois mal organisé,ignorant tout des principes coopératifs nepeut pas remplir les conditions d'une vieassociative réussie : organiser des réunions,rendre compte, développer la transparence,sanctionner, etc.

Mais que faire, là où il n'y a pas de“diéma” ? Les animateurs de l'ONG peuventassurer ce renforcement organisationnel.

La traduction en langues nationalesdes documents pour en faciliter l'exploita-tion par les membres du CFG s'avère néces-saire. Comment parler de responsabilité sitoute la documentation disponible est inex-ploitable ? A défaut de tout traduire, l'ac-cent pourrait être mis sur la traduction desprotocoles, des contrats, des différentsoutils de restitution, voire des modules deformation.

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la responsabilisation

Des moulins pas comme les autres

Les acteurs s’expriment

La responsabilisation, c’est la prise de décision. Ce sont lesbénéficiaires qui prennent la décision d’acquérir l’unité PTF ensoumettant une requête. Quand ils ont la PTF, ils décident del’usage qu’ils vont en faire et comment assurer la pérennisationde l’outil. Ils bénéficient des retombées directes et sont forméspour gérer l’outil après notre retrait.

La responsabilisation garantit la pérennisation. Dans les vil-lages, il existe des infrastructures que personne n’utilise : c’estle cas d’une étable d’embouche dans un village de la région. Oravec la PTF, les gens sont responsables. Ils formulent leurrequête et ils sont porteurs du projet. L’exécution relève d’eux.Ils prennent les décisions. Ce qui prouve que nous n’avons pascréé ce besoin de façon artificielle. Les communautés l’ontexprimé. Elles vont s’investir, avec notre aide, à le satisfairegrâce à la PTF, dont elles s’engagent à assurer une bonne ges-tion. Le CFG, mis en place, est responsable de la bonne gestion del’unité. Ce comité relève du groupement, il n’est pas créé exnihilo. Tout cela permet d’assurer une bonne responsabilisationpour pérenniser l’activité.

Honoré Bonkoungou, CAC - Tin Tua

Moussa Dahani, CAC - Tin Tua

L'existence d'une documentationdans les langues locales peut grandementaméliorer la responsabilisation des bénéfi-

ciaires. Toutefois, cela devra se faire avec lespremiers concernés et s'assurer que lesmessages et les outils leur conviennent.

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Médandé Lokossou

Des moulins pas comme les autres

Arrivée à Piéla en 2005, MmeLokossou gère son restaurant enrendant grâce aux dieux de

l’éclairage sans lesquels elle dit ne pou-voir rien faire. « A Piéla, la lumière, c’est lavie. Sans lumière, c’est une ville morte. Rienne marche. La vie devient morose ». Le jourde marché, le plus bruyant de la semai-ne, tout s’arrête quasiment avec le cou-cher du soleil. De quoi frustrerLokossou, si débordante d’énergie etâpre au gain. « Sans lumière, les gens nesortent pas, les clients ne viennent pas. Unefois que c’est sombre, tout est calme, exacte-ment comme dans un petit village quoi. Jesuis obligée de fermer. Mais quand y a lalumière jusqu’à 22 H, ça bouge », explique-t-elle. Le réveillon dernier, la ville futinondée de lumière jusqu’à 3 H. Personnene ferma l’œil.

L’électricité semble avoir un pou-voir d’attraction sur la clientèle quiaccourt de jour comme de nuit. Le res-taurant accueille davantage de clients lanuit pour manger bien sûr, mais aussi àcause de la lumière. Dans la journée,

Mme Lokossou accueille uniquement lesrésidents de Piéla. Mais la nuit, son éta-blissement est pris d’assaut par les voya-geurs de passage, les chauffeurs, lesconvoyeurs et les apprentis, bref par lesroutiers. « S’il y a la lumière, ils se sententà Ouaga. Donc, ils descendent et mangent.C’est pourquoi mon restaurant marche bien »,explique-t-elle.

Plus de distraction et de plaisir

L’éclairage ne permet pas seulement àMme Lokossou de développer son négo-ce. Il agrémente aussi sa vie quotidienne.Grande cinéphile, la restauratrice fré-quente assidûment le vidéo-club de Piéla.Ses économies en prennent un coup. Maiselle ne se plaint pas. « La lumière permetaussi de vivre à l’aise, de se promener et de sedistraire aussi. Donc, même s’il n’y a pas declients, on peut rester longtemps dehors. Jegagne assez pour laisser mes enfants recevoirla clientèle et aller au vidéo-club. Mais s’iln’y a pas de lumière, le vidéo-club ne peut pasmarcher. Et il n’y a pas de distraction ».

Le culte de la déesse électricité Le restaurant de Lokossou Médandé prospère la nuit grâce à l’éclairage fourniepar la PTF. D’origine béninoise, Mme Lokossou séduit par sa coquetterie.Survoltée dès la nuit tombée, elle surprend sa clientèle par sa rapidité et son effi-cacité.

Méd

andé

Lok

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stau

ratr

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Seul inconvénient avec cettelumière devenue indispensable : les cou-pures. Lokousso explique : « Souvent, onpeut faire 2 ou 3 jours sans lumière et puis çapeut s’allumer entre 19H30 et dès 20 H, çapeut se couper parce que la machine ne marchepas bien. En plus, le temps d’éclairage est trèsréduit ».

La restauratrice accro à la lumiè-re accepterait volontiers une augmenta-

tion de prix pour ne plus être sevrée desa “drogue”. Un relèvement des tarifsde 25 F par ampoule ne la rebuteraitpas. Elle se dit prête à payer 125 F parampoule et par soirée. Que des clients enviennent à suggérer une augmentationde 25 % des tarifs, constitue bien la preu-ve que le service correspond à une vraiedemande.

Médandé Lokossou

Médandé Lokossou

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La transparence

Des moulins pas comme les autres

Dans les PTF, ces moulins pascomme les autres, tout se faitautrement. Nous sommes àSoaligou. Dès l’entrée du local

abritant la PTF, un grand tableau attire l’at-tention du visiteur. La caissière y consigneau jour le jour les quantités de mil, maïs,d’arachide décortiquées, moulues, etc. Yfigurent aussi les diverses prestations etleurs montants respectifs. C’est un livreouvert en permanence que chacun peutparcourir à sa guise.

Laali Thombiano est meunière à laPTF de Soaligou. Elle remplit chaque jour letableau. « Au début, ce n’était pas facile dese plier à cet exercice, mais avec le tempsl’habitude s’est installée et tout se passebien maintenant », dit-elle.

Si la transparence est souhaitablepour toute activité, elle s’impose, lorsqu’il

est question d’argent. Promouvoir la trans-parence permet aux femmes d’être aumême niveau d’information sur les entréeset sorties de fonds.

Affairisme, népotisme, opacité

La transparence constitue aussi une répon-se aux dysfonctionnements des groupe-ments villageois. A Nabéogo, un village à 9km de Mani, dans l’Est du Burkina, l’im-plantation des premières PTF remonte à1993. La présidente du CFG décidait detout : fixation des prix, remplacement despièces défectueuses et surtout redistribu-tion du crédit collectif. Après affectationfictive des montants aux membres du grou-pement, les fonds étaient redistribués auxcommerçants, moyennant intérêt. Mêmeles montants étaient falsifiés : les 500 000 F

Tout savoir pour mieux s’engager

LA TRANSPARENCE

Elle favorise la mobilisation des membres du CFG, du groupement, voire de lacommunauté. Bénéficiaires et équipe du Programme PTF sur le terrain insistentsur le rôle important de la transparence dans le succès des plates-formes. L’accèsà l’information sur les activités passées, présentes et à venir concourt grande-ment à en faire une réalité. Des outils (réunions, tableaux, fiches diverses …)permettent de l’obtenir. La transparence suscite l’adhésion aux activités, unemobilisation plus forte. Elle assure la participation.

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reçus devenaient 200 000 F lors du compterendu aux autres membres du groupement.Les adhérentes n’y comprenaient absolu-ment rien. Elles ne mesurèrent l’ampleurdes dégâts qu’à la mort de la présidente.Pour ne rien arranger, le fils de l’ex diri-geante, propulsé meunier par sa mère, s’ap-propria l’équipement qu’il utilisait pourbroyer les cailloux à la recherche de l’or. Ilmit ainsi hors d’usage tous les équipements.La PTF a été délocalisée, mais elle n’est pasencore fonctionnelle.

Très souvent, dans les villages, l’ini-tiateur d’un groupement d’agriculteurs,d’éleveurs, de femmes, de jeunes, etc. déci-de de tout, se croit seul capable de tout faireet ne rend compte à personne. Et cela entoute impunité. Personne n’ose se plaindre

ouvertement encore moins intenter un pro-cès au dirigeant indélicat ou autoritaire.

Mobiliser, une question d’image

Assurer la transparence au sein du CFG etdu groupement permet de mobiliser toutela communauté autour de l’outil, pas seule-ment les premiers bénéficiaires. « Une PTFqui a des difficultés liées à un manque detransparence entre les bénéficiaires, quelclient va y aller pour demander des ser-vices ? », demande Christine Lankoandé.Elle poursuit : « Nous femmes, nous pou-vons ne pas nous entendre, mais il faut qu’ily ait de la transparence. Si les scissionsprennent le pas sur les activités habituellesdu CFG, la clientèle va diminuer. Les genspréféreront aller ailleurs, là où il y a la paixpas là où les gens ne s’entendent pas ».

La transparence peut aussi amélio-rer l’image des gestionnaires dans leur com-munauté. A Gomoré, les femmes quiexploitent la PTF sont perçues comme desexpertes en gestion financière. Quand l’as-semblée villageoise traite de questions degestion, elle s’adresse à elles, parce qu’ellesont fait leurs preuves. Leur savoir-faire etleur savoir-être, autrement dit leur honnê-teté, leur rigueur plaident pour elles etexpliquent cette marque de considération. La transparence crée ou renforce l’intérêtet favorise la mobilisation autour de l’outil.« Même s’il y a des difficultés, les gens vontse mobiliser pour y apporter des solutions,car on sait exactement comment ça fonc-tionne. Il n’y a pas d’opacité », remarquel’animateur du “diéma” de Pièla, NouadiéMichel, qui indique que la transparence

La transparence

Soaligou. La meunièreexplique les comptes de

sa PTF. Ce tableau estexposé au regard de

tous.

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La transparence

Des moulins pas comme les autres

doit aussi et surtout s’étendre à la redistri-bution des bénéfices. Autrement, il craintque les frustrations démobilisent certainsadhérents.

Comment faire passer l’idée detransparence là où perdurent les pratiquesd’opacité ou d’absence de contrôle ? Denombreux agents de développement le fontintuitivement. Mais ils gagneraient à s’ins-pirer de la pratique de la CAC de l’Est. Ici,tout commence par la sensibilisation desbénéficiaires sur la notion de bien commu-nautaire. « Quand on est en face d’un biencommunautaire, il y a des dispositions àprendre. Il faut rendre compte aux autresde son exploitation. Ils vous ont confié unemission, il faut que les gens puissent savoirque l’outil que vous avez acquis contribue àcréer de la richesse, à fournir de l’énergie etque les dispositions sont prises pour qu’ilfonctionne de façon pérenne », expliqueMoussa Dahani.

La transparence, ça se pratique

Passée cette étape, il s’agira de consi-gner les entrées et sorties de fonds pour lesachats de gasoil, pièces etc. et en rendrecompte efficacement. Le tableau que remplitquotidiennement Mme Thombiano, la meu-nière, permet ainsi d’avoir la situation de l’ex-ploitation de la PTF. Les diverses fiches decrédit et de dépenses bien remplies fontl’objet de vérifications pour s’assurer deleur conformité avec les opérations réali-sées. « Depuis que nous avons les fiches derecettes par exemple, on note ce qu’on gagneau jour le jour, les dépenses aussi. Et tout esttransparent », dit Mme Thombiano.

Pour Marie-Claire Ouoba, anima-trice à Kantchari, « la transparence inciteles femmes à travailler, car elles savent cequ’elles gagnent dans le mois. Toutes lesactivités du mois sont mentionnées sur letableau et les fiches : nombre d’assiettéesécrasées, argent collecté… Tout le mondeconnaît ce qui se passe dans la PTF et çaencourage les femmes à travailler sansarrière-pensée ».

Prix consensuels, forte mobilisation

La transparence permet de disposer desbilans financiers. Elle facilite le recueil dessuggestions et idées des autres membres dugroupement pour améliorer la gestion etaider à surmonter les difficultés. Unexemple pour comprendre : avec les fluc-tuations du prix du carburant, le CFG ne

Les radios locales per-mettent d’enseigner lanotion de bien commu-nautaire. Ici, radioBuayaba, de Diapaga.

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quitte pas des yeux son chiffre d’affairesmensuel. Il note la forte augmentation desdépenses. Il constate que le prix du carbu-rant a augmenté, pas celui de la mouture. Lecarburant a pour ainsi dire siphonné lebénéfice. Les membres peuvent alors dire :« pourquoi ne pas ajouter 5 F au prix de lamouture ? ». Le CFG seul ne peut pasprendre cette décision, aussi justifiée soit-elle, sans susciter des plaintes. Mais si lesclientes, informées et sensibilisées, adhè-rent à l’idée, le risque de rejet sera moindre.Les clientes ne refuseront pas de faire lesacrifice sous prétexte que l’argent ira dansla poche de la présidente ou de la trésorière,comme c’est souvent le cas dans d’autresorganisations.

Marie-Claire, animatrice à Kant-chari, insiste sur un des effets de la transpa-rence, à savoir, la mobilisation, si importan-te pour la vie des organisations en milieurural. Elle explique : « Avant, les activitésne marchaient pas. Les femmes ne sortaientpas pour les réunions, faute de transparen-ce. Maintenant que tout est clair, si onconvoque une réunion, les femmes sortent.Si on veut faire une dépense, il faut que toutle groupement soit d’accord, sinon l’argentne sort pas ».

Outre la mobilisation des membres,la transparence favorise l’entente, laconfiance au sein du groupe. Ainsi, lors desrestitutions à Soaligou, les membres dugroupement prennent connaissance desmontants figurant sur le tableau, les ficheset les cahiers de gestion avant que l’argentsoit déposé à la Caisse populaire. Lesretraits nécessitent jusqu’à trois signatures :celles de la présidente, de la trésorière et de

Sagesse du terroir« Au clair delune, on ne peutpas attraper unlapin ».Décodage : toutle monde voitclair : le lapincomme le chas-seur. Autrementdit, lesmembres dugroupementsont aussi bieninformés queceux qui détien-nent les cahiersde gestion.

la secrétaire. « Du coup, les gens ontconfiance dans la gestion », dit la présiden-te du groupement de Soaligou.

Les coupeurs de route, ennemis del’information pour tous

Comparativement à d’autres groupementsvillageois minés par le favoritisme, lesdétournements, etc., les CFG constituentdes modèles de vertu. Mais comment fairejouer la transparence au village, où la soli-darité prend souvent le pas sur les principesde bonne gestion ? Comment doit se com-porter une trésorière dont le parent maladevient demander de l’aide ? Que faire face àun notable ? « La transparence permet pré-cisément d’éviter ce genre de problème. Cartout le monde sait combien il y a en caisse.De plus, les comptes rendus sont réguliers.Le moindre mouvement dans l’utilisationdes fonds apparaît sur-le-champ »,rétorque Namoussa Tindano, la présidentedu groupement de Soaligou. Elle n’a pastort. La trésorière ne peut faire un prêt sansconsulter les membres du CFG. De plus,tout se décide en public. Après chaque ren-contre mensuelle de restitution, les adhé-rentes tranchent. Faut-il déposer l’argent àla banque ? Si oui, quel montant ? Combiengarder pour le gasoil ? Le moindre écartdans les comptes apparaît lors de la restitu-tion.

Dans l’Est du Burkina, la transpa-rence a un seul ennemi : l’insécurité. Pourne pas éveiller l’attention des coupeurs deroute sur les fonds dont elles disposent, leséquipes qui faisaient des restitutions lors

La transparence

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La transparence

Des moulins pas comme les autres

des assemblées villageoises y ont renon-cé. « Certes, on veut de la transparence,mais si le coupeur de route a lui aussiaccès à l’information, le jour où vouspartez pour déposer l’argent en banque,

il vous attaque. On l’a suspendu àl’échelle village pour le ramener àl’échelle PTF », dit Thombiano, celle-la même qui note au jour le jour lesmontants perçus.

Cher ami, Si la transparence permet aux bénéfi-ciaires de bien gérer et pérenniser leuroutil, elle s’avère tout aussi nécessairepour vous, agent de la PTF. Faute detransparence, vous pouvez perdre votrecrédibilité. Pour éviter cette situationfâcheuse, vous devez sans cesse infor-mer votre public sur la démarche duprogramme et travailler à sa mise enœuvre, non l’inverse. Le sentimentalis-me ou les accointances ne doivent pasprendre le pas sur les principes et ladémarche du projet, au risque de dérou-ter vos interlocuteurs. L’information surles moyens dont dispose le Programme

s’avère aussi essentiellepour éviter de susciter defaux espoirs.

Un projet opaque ne peut pasassurer la mobilisation des populationsautour de son action. L’existence destructures respectant les principescoopératifs constitue un atout pourvous. En effet, là où existent de telsgroupements, la tâche de l’équipe d’ap-pui conseil s’en trouve facilitée.L’information sur le contenu de chaqueétape de la mise en oeuvre de la PTFpermet aux groupements demandeursde prendre la bonne décision.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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42 Des moulins pas comme les autres

Les acteurs s’expriment

Enseigner la notion de biencommunautaire, rendrecompte aux autres membresou restituer : la transparence maintient laclientèle, amène la commu-nauté à s’engager, améliorele statut des femmes.

Actuellement, il y a desgroupements où lesmembres refusent de payerles cotisations, parce qu’ilsne savent pas où va l’argent.C’est pourquoi nous mettonsl’accent sur la sensibilisa-tion, le suivi par les anima-teurs, la bonne tenue descahiers de gestion. Du coup,les gens cotisent parce qu’ilssavent comment leur argentest utilisé.

Avant, les dépenses se fai-saient au hasard, on ne véri-fiait rien. Mais avec la PTF,nous les animateurs, nousavons été formés. On serend une fois par semaine àla PTF pour voir ce qui s’ypasse. C’est ce que fait aussile CFG. Il se réunit réguliè-rement pour voir ce qui sepasse de positif ou de néga-tif. Nous avons des outils desuivi, une trésorière, unecaissière et le meunier aussisont là. Le soir, les comptesse font ensemble et chacunnote. Une fois par mois, onréunit les membres du grou-pement pour le compte-rendu. Chacun apporte sesnotes et on vérifie. En cas deperte d’argent, on sait oùsituer la faute et le fautif oula fautive doit rembourser.Avant, quand quelqu’unnous disait avoir payé telleou telle chose pour le grou-pement, il ne fournissaitaucune preuve. Maintenant,on exige un reçu.

Avant, on avait un moulintraditionnel qui n’a pas véri-tablement fonctionné. Avecla PTF, on a mis à notre dis-position des outils qui nouspermettent de gérer de façontransparente la PTF. Cellesqui détiennent l’argent nepeuvent pas l’utiliser à leurguise sans le consentementdes autres. De même, ausein de la PTF, les mesu-reuses notent sur un ticket leprix de chaque bol decéréales à moudre que lameunière collecte. Le soir,on procède au rapproche-ment entre le nombre de tic-kets de la meunière et lemontant encaissé par la cais-sière. En fait, la transparen-ce commence à partir de cemoment-là et ça nous suitpartout. Par ailleurs, le faitque le conseiller financiervienne fréquemment pourvoir comment ça fonctionneinduit une certaine transpa-rence. Cela explique le bonfonctionnement des PTF.

Namoussa Tindano, prési-dente, CFG, Soaligou

Michel Nouadié, animateur, Pièla

Marie-Claire Ouoba, animatrice, Kantchari

Nassouri Poyenli, membreCFG, Haaba

Odette Nassouri, CAC/ TinTuaLa femme a honte quand onparle de vol. C’est la hontede toute la famille et dumari. La femme fait toutpour éviter le “comporte-ment douteux” dans le grou-pe. Si on leur confie une res-ponsabilité, elles s’engagentà fond pour donner unebonne image d’elles-mêmes.

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Désiré Combary et Yemboano Ouali

Des moulins pas comme les autres

Tous deux sont jeunes. L’un a étu-dié à Cuba et l’autre sort du lycéetechnique de Ouagadougou, la

capitale du Burkina. Leur diplôme enpoche, ils s’installent à Fada, convaincusde pouvoir améliorer l’offre de servicesen matière d’électricité et de mécaniquedans leur ville natale. Quand YemboanoOuali, le mécano, pose les rails et procè-de au réglage d’une plate-forme,

Combary, l’électricien, se joint à lui etprocède au câblage du bâtiment et à laconnexion à l’alternateur.

A leur actif, l’installation d’unequarantaine de plates-formes. Cela repré-sente des commandes en plus. Mais au-delà, les deux artisans apprécient l’expé-rience acquise grâce aux PTF. Combaryreconnaît volontiers l’appui dont il abénéficié. Il se rappelle surtout son voya-

Un tandem qui fonctionneIls ne sont pas associés, mais tout le laisserait croire. A Fada, leurs locaux sejouxtent et ils coordonnent leur travail au quotidien. Désiré Combary et YemboanoOuali installent et dépannent les plates-formes. Un appui sans lequel de nom-breuses machines gérées par les CFG seraient immobilisées. Leurs autres clientsde la ville profitent eux aussi de leur nouveau savoir-faire.

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Désiré Combary

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44 Des moulins pas comme les autres

Désiré Combary et Yemboano Ouali

ge d’études, en mars 2003, au Mali. « J’yai découvert beaucoup de choses, à commencerpar le réseau optimisé ». Un château d’eaualimenté par l’alternateur de la plate-forme dessert le village, qu’éclaire aussila plate-forme.

Mais plus que le service offertaux communautés rurales, l’équilibre desphases retient l’attention du technicien.Il s’en explique : « Habituellement, noustravaillons plus en monophasé qu’en triphasé.Mais le voyage d’études m’a permis de mieuxme perfectionner sur le terrain ». La maîtri-se technique des trois phases apprise surles bancs mais pas toujours appliquée estessentielle. Elle permet de répartir defaçon équilibrée l’électricité à ses mul-tiples utilisateurs : les ménages pour

l’éclairage, les soudeurs pour leurs tra-vaux, etc. « Autrement, s’il y a une lignesurchargée, cela crée des problèmes ».

Face à une demande en constanteaugmentation et à la diversification desbesoins en électricité, le triphasé, oùhabituellement les électriciens locauxmanquent de compétences, montera enpuissance. Sa maîtrise constitue donc unatout de taille. Son nouveau savoir enpoche, Désiré Comabry envisage l’avenirsereinement. « Personne ne peut me retirercette expérience. Ça m’a forgé l’esprit et çam’aide à supporter les temps durs ».

Combary reconnaît aussi qued’artisan volant, il est parvenu à s’im-planter. « J’ai mon atelier qui est là, doncj’évolue avec ma petite unité entreprise etje m’en sors ».

Yemboano Ouali, le mécano s’oc-cupe du dépôt vente de Fada. On y trou-ve surtout des pièces détachées pourassurer un bon service après-vente desPTF.

Tout comme Combary, Oualin’est pas salarié de Tin Tua. Le dépôt-vente lui appartiendra dès qu’il aura finide rembourser le prêt que le Programmelui a consenti. Egalement formé à la ges-tion, il ne cache pas son bonheur : « Çam’a beaucoup rapporté parce qu’au momentoù je n’avais rien à faire, on m’a confié undépôt, et j’arrive à satisfaire mes besoins ».

M. et Mme Ouali. Cejeune couple, installé àFada, assure la fournitu-re de pièces de rechangedes PTF. Ici, le dépôt-vente de Fada.

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la valorisation des savoirs locaux

Des moulins pas comme les autres

Kantchari, ville à la frontièreBurkina-Niger est connue pour lesens élevé des affaires de ses habi-tants. Les femmes y excellent dans

le commerce. Elles sont aussi très imagina-tives. Il y a deux ans, elles mettaient enplace au sein du CFG, un crédit interne. Leurépargne de 900 000 F leur permet de faire desprêts aux membres, jusqu’à 50 000 F, avecun intérêt symbolique d’environ 2 %. Cetteinitiative à première vue banale, devientinédite lorsque les femmes se dotent d’unoutil de suivi : un simple cahier d’écolierdans lequel elles mentionnent le nom del’emprunteuse, le montant, les échéances deremboursement, etc.

Les femmes qui placent ainsil’épargne de la PTF se gardent bien de lefaire savoir aux agents de la CAC, jusqu’aujour où cela apparaît dans un rapport. A lagrande surprise des femmes, les agents de laCAC les félicitent. Ils leur proposent d’en

faire bénéficier les autres CFG. Car la mêmepratique existait ailleurs, mais sans le cahierde suivi.

Lors d’un atelier de partage, lesfemmes de Kantchari présentent leur outil.

Bâtir le neuf sur du vieuxLA VALORISATION DES SAVOIRS LOCAUX

Deux approches coexistent en matière d’éducation : l’une consiste à faire tablerase des connaissances des apprenants, l’autre à les reconnaître. C’est cettedeuxième option que privilégie le programme PTF dans la région de l’Est. Leséquipes s’appuient sur les connaissances et pratiques existantes, aussi rudimen-taires soient-elles. Repérées tout à fait par hasard au départ, les initiatives déve-loppées par les femmes émergent désormais lors des rencontres inter PTF oud’ateliers de partage.

Reconnaître les savoirslocaux pour mieux lesvaloriser

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la valorisation des savoirs locaux

Des moulins pas comme les autres

L’accueil fut enthousiaste. Car ce tableau desuivi répondait à un vrai besoin.

De tels outils et initiatives doiventsans doute exister ailleurs, mais combiensont enregistrés et promus, faute d’intérêtdes techniciens ou de dispositif pour lesrévéler ?

Un regard neuf sur les pratiqueslocales

Reconnaître et valoriser le savoir chez lesfemmes n’est pas chose courante dans lemonde du développement. La raison ? Lesfemmes ne disposeraient pas de connais-sances, car elles sont les moins alphabéti-sées, les moins formées aux techniquesagricoles et de gestion, etc. C’est une visionen partie vraie, mais erronée. En effet,depuis la mise en place des groupements, àl’inspiration des services techniques de

l’Etat, des projets et des ONG, les femmess’associent pour mener des activités lucra-tives. A travers l’exploitation d’un champcollectif, la fabrication du savon, du beurrede karité, la teinture, le tissage, etc. ellesproduisent, commercialisent, font desbénéfices qu’elles réinvestissent pour déve-lopper leurs activités. Même les groupe-ments qui ne disposent que de faiblessommes en caisse ou qui cotisent de petitsmontant (100 F par mois par exemple)connaissent le montant de leurs avoirs. Latrésorière peut être analphabète, mais ellemémorisera ce que chaque membre auraversé. Cela constitue déjà une base de dis-cussion sur ses acquis et la possibilité de lesaméliorer. A l’agent CAC d’animer la cause-rie en posant quelques questions du genre :ne serait-il pas plus intéressant d’identifierceux qui cotisent, ont déjà cotisé ou vont lefaire le mois prochain ? Si on fait desdépenses et pour éviter d’oublier, ne serait-il pas utile de le noter quelque part ? Celapeut susciter la réflexion sur la nécessitéd’écrire pour ne pas oublier, pour pouvoirrendre compte.

La même démarche peut aider à lamise en place du CFG. Il ne s’agit pas dedécréter, de venir imposer sa solution, maisde se référer aux pratiques en matière d’or-ganisation de ses interlocutrices. Commentle groupement fonctionne-t-il ? Qui rédigeles procès verbaux de réunion ou les corres-pondances, les classe, etc. ? Qui s’occupedes finances ? L’exercice consiste à mettreen évidence la façon dont le groupementprend soin des équipements qu’il possède.L’exemple du point d’eau, un bien commu-nautaire, peut aider à comprendre. Sachant

La culture permetd’établir le lien entrel’ancien et le nouveau.

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la valorisation des savoirs locaux

Des moulins pas comme les autres

que pour assurer l’hygiène, la gestion et ledépannage de l’ouvrage en cas de besoin, ilne faut pas attendre l’appui du service oul’ONG l’ayant fourni, que faire ? « Il fautconfier cette tâche à un groupe », répon-dront sans doute les femmes. Vient alors laquestion centrale : « Pour la PTF qui arri-ve, est-ce qu’il ne serait pas intéressant queles femmes s’organisent pour en assurerl’exploitation ? ».

Le programme s’appuie ainsi sur ceque les femmes savent en matière de parta-ge des responsabilités dans le groupementpour constituer l’organe dirigeant. « On afait voir que pour cette activité également, ilfaut adopter une démarche similaire. Mêmesi les activités sont très limitées, il y a unintérêt commun, un objectif commun quiles pousse à se mettre ensemble. Alors, ons’appuie sur ça », explique Moussa Dahani.Du coup, les gens se reconnaissent dansl’outil qu’ils auront à gérer. Le contraire,c’est-à-dire la mise de côté des connais-sances existantes, peut créer de la frustra-tion et hypothéquer la mise en œuvre de laPTF.

Les femmes utilisent aussi desoutils de suivi et de contrôle, aussi rudi-mentaires soient-ils. A l’agent de la CAC deleur faire mettre en évidence le lien entre cequ’elles savent et font déjà et la gestion de laPTF. Le technicien doit aussi les rassurersur l’appui dont elles pourront bénéficierpour adapter ces façons de faire et outilsaux nouveaux objectifs, à savoir produire del’énergie et de la richesse de façon pérenneen développant une micro entreprise rurale,en l’occurrence la PTF.

Outre l’approche, basée sur l’obser-vation et le dialogue, le Programme PTFutilise les rencontres inter-PTF, un espaced’échanges d’idées et d’informations pourrévéler les compétences. Le niveau des ges-tionnaires différant d’une plate-forme à uneautre, ces rencontres permettent à celles quiaccusent un retard de s’inspirer de ce quefont leurs devancières dans un langage àleur portée. Ainsi le message passe mieux.

Le succès de ces réunions est telque les CFG y financent la participation deleurs membres, à raison de trois parComité. Les représentantes doivent rem-plir au moins une condition : s’engager àrestituer. « Nous veillons à une bonne res-titution. Nous demandons aux membresqui n’ont pas participé de nous faire lepoint, afin que nous puissions amender encas de besoin », dit l’animateur de Soaligou.

Reconnaître pour stimuler

La valorisation des savoirs locaux passe parle partage d’expériences entre femmes etdonc l’adaptation des formations à leur pro-fil. Cela leur permet d’avoir confiance enelles-mêmes. Comme l’explique OdetteNassouri. « La reconnaissance de leurscompétences est très importante pour lesfemmes. Elles se disent qu’elles ne sont pasnulles et qu’elles ont des compétences àvaloriser. Par exemple lors de certaines for-mations, on vient avec des formules toutesfaites à transmettre. Mais à notre surprise,ce sont les femmes qui font des proposi-tions à partir de leurs expériences. Prenonsl’exemple du beurre de karité : les femmesproposent des techniques et on se rend

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la valorisation des savoirs locaux

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compte qu’avec leur expérience, leur pro-position est fondée. On procède à ce recueilde bonnes pratiques avant la formation.Cela leur fait plaisir et elles cherchent à sevaloriser davantage ».

Se référer aux connaissances et pra-tiques des femmes pour leur apporter denouvelles compétences ne va pas de soi. Cetravail, fait souvent de façon intuitive pour-rait être amélioré en faisant un état deslieux des connaissances, aptitudes et pra-

tiques des communautés en matière de ges-tion d’unités économiques pour non seule-ment connaître les pré-requis des groupe-ments en la matière, mais aussi moduler letransfert des connaissances. Cette recher-che, faite en début de projet, peut s’étendreà la collecte des savoirs des populations, auxpaquets techniques introduits par les ser-vices de l’Etat, les ONG, etc. Cet état deslieux permet de mener ses activités de for-mation en connaissance de cause.

Cher ami, Instaurez la confiance, pas le doute ! Même si onen rencontre de moins en moins, il existe encoredes agents de développement à l’esprit mission-naire. Ils sont convaincus, à tort ou à raison,d’avoir la solution aux problèmes des popula-tions rurales. Evitez leur excès d’optimisme etsurtout leur vision des communautés davantagebasée sur des préjugés que sur la réalité. Surtoutn’allez pas vers les gens en vous disant : « ils nesavent rien. Ils n’ont aucune expérience. Je vaisleur apporter toutes les compétences et la tech-nologie. Ils doivent m’écouter, etc. ». Bannissezune telle démarche qui confine à l’arrogance. Ilfaut effectivement admettre que chacun disposede connaissances et d’expériences à partager.Laissez les gens parler, s’exprimer, encouragezles à faire le point de leur expérience. Vous valo-risez ainsi leurs savoir-faire et ils pourront seréférer à ce qu’ils savaient et faisaient déjà. Il faut

éviter la rupture et adapter ce que lesgens savent et font déjà à vosbesoins, à savoir autonomiser lesfemmes dans la gestion de la PTF.Tous ces référents aident les femmes à gagner enassurance. La confiance en soi, on la puise dans lepassé pour construire l’avenir. Ne pas reconnaîtreles mérites de ses interlocuteurs, c’est les faire dou-ter en permanence de leurs capacités. Et cela estdommageable, surtout quand on s’adresse auxfemmes. Très souvent, elles manquent de confianceen elles, elles sont dans le doute permanent. Nel’oubliez pas !

Reconnaître et valoriser les compétencesdes femmes les aide à avoir confiance en elles, às’approprier plus facilement des nouvelles connais-sances et à assurer la mise en pratique et le suivi del’activité, dont elles ont plus de chance d’avoir lamaîtrise technique et organisationnelle.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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Souleymane Ouoba,

Des moulins pas comme les autres

Dans son atelier de Fada, coincéentre débits de boisson etgrillades en plein air, Souley-

mane Ouoba lime et ajuste. Le prototypesur lequel il travaille en ce momentn’existe nulle part au Burkina. C’est unedécortiqueuse d’arachide motorisée etmanuelle à la fois. En l’état, la machinepourrait déjà servir, mais l’associationTin Tua, à l’initiative de sa fabrication,pense qu’elle peut être améliorée.

Jamais rebuté parl’effort, SouleymaneOuoba prend note. Ilcompte accroître lenombre de rouesdentées de la machi-ne et ralentir lavitesse de décortica-ge pour éviter lebroyage des grainesd’arachide. Le volu-me de l’entonnoiraugmentera aussipour recevoir le plusde cacahuètes à

décortiquer. Une grille astucieusementplacée sous le déversoir permettra deséparer les graines des coques.

Quand ce prototype sera prêt, ilsoulagera de nombreux producteurs ettransformatrices d’arachide dans l’Estdu Burkina et sans doute ailleurs dansle pays. Le gain de temps sera considé-rable : le décorticage d’un sac de 20 kgne devrait pas excéder 5 à 10 mn, au lieu

Un inventeur de génieIl a tout du chercheur : la persévérance, la ténacité et l’amour du travail bien fait.Le jour où les transformatrices d’arachide du Gourma ne s’écorcheront plus lesmains à force de piler, elles le devront sans doute à Souleymane Ouoba. Cet inven-teur s’apprête à mettre au point une décortiqueuse d’arachide mixte, c’est-à-diremotorisée et manuelle.

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Souleymane Ouoba

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Souleymane Ouoba

Des moulins pas comme les autres

d’une heure à la manivelle et davantage àla main. Finies aussi les longues filesd’attente ! « Les gens ne perdront pas tropde temps à faire la queue. Ils pourronts’adonner à d’autres travaux. Et puis c’estmoins fatigant et ça coûte moins cher », ditl’inventeur, premier promoteur de sonproduit.

La décortiqueuse mixte est cen-sée constituer un module de la PTF. Ellesera donc alimentée par l’énergie produi-te par le générateur. Mais Tin Tuacomme Ouoba n’ignorent rien des réali-tés du terrain. Manque de carburant oupanne, la décortiqueuse peut resterimmobilisé. Que faire ? C’est pour évitercet arrêt de la machine qu’elle a étéconçue pour fonctionner sans énergie.Même en cas de panne moteur, elle peutfonctionner. Le meunier installe alors lamanivelle et enlève la courroie pour évi-ter qu’elle ne blesse les clients.

La formation de SouleymaneOuoba date de 2004. Depuis lors, il alivré 20 châssis au Programme. L’hom-me admet que ces commandes amélio-rent son chiffre d’affaires et sa vie. Duvélo sans frein de ses débuts, il rouledésormais en moto. Il s’est également

équipé, agrandissant son parc de“machines outils”. Mais tout ceci n’estrien comparativement aux nouvellescompétences et façons de faire acquisgrâce au Programme PTF. La rigueurexigée lors de la formation reste sonmeilleur souvenir, même si au début iln’en voyait pas l’utilité. « Pour quelqu’unqui n’est pas rigoureux dans son travail, c’esttrès dangereux », dit-il. Il comprendmieux pourquoi les formateurs s’attar-daient sur les calculs, insistaient sur lasolidité des matériaux, bref se souciaientde sécurité et de fiabilité. « Quand onfinit, on voit que c’est du bon travail et ça faitplaisir. Pendant le transport, en cas de chute,ça ne se gâte pas parce que c’est bien solide etc’est bien fait. Même après le travail, si on estfatigué, on est satisfait de la qualité du tra-vail. Et quand on livre, on ne craint rienparce que la qualité y est ».

En attendant le lancement officielde son prototype, Souleymane Ouobaplanche déjà sur un nouveau projet : lamise au point d’une broyeuse d’amandede karité. De quoi émoustiller cet inven-teur qui ne s’épanouit qu’en relevant denouveaux défis.

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51Des moulins pas comme les autres

la stratégie

Deuxième partie : la stratégie

Les axes sur lesquels se fonde notre intervention

Une ONG pour opérationnaliser le programme Encadré 4 : quand la PTF, dope les “diémas” Les acteurs s’expriment Portrait 5 : Aldjima Lankoandé,

vendeur de gas-oilLa PTF COMMUNAUTAIRE : le changement,

une affaire de femmes Portrait 6 : le chef de village de Gomoré Portrait 7 : Aïcha Namoano, meunière La PTF PRIVÉE : une entreprise citoyenne Portrait 8 : Alain Lankoandé, exploitant vidéo La FORMATION : quand le savoir libère Encadré 5 : améliorer l’existant Entre nous ! Portrait 9 : Christophe N. Ouédraogo,

responsable techniqueLa PROGRESSIVITÉ : une question de rythmeLa CONFIANCE EN SOI : du doute

à la certitude Entre nous ! Les acteurs s’expriment Portait 10 : Dagouoba Damiba, élève Portrait 11 : Kiwamba Lankoandé, barman

Le SUIVI, l’affaire de tous Les acteurs s’expriment Portrait : le kiosquier Portrait 12 : Samuel Lankoandé, animateur Portrait 13 : Nadiéba Mimhenmi, “kiosquier”

Le PARTENARIAT, un champ en friche Entre nous ! Encadré 5 : partenariat : comment procéder Les acteurs s’expriment

Les ACTIVITÉS GÉNÉRATRICES DE REVENUS : du temps et du crédit pour sortir de la pauvreté Entre nous Les acteurs s’expriment Portrait 14 : Djingribouga Tindano,

vendeur d’eau glacée Portrait 15 : Edouard Yarga, photographe La DÉCENTRALISATION

Les communes : chances ou risques pourles PTF ?

CONCLUSIONLe défi de l'autonomisation

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52 Des moulins pas comme les autres

En Afrique, la pratique a un nom : leconfiage. Elle consiste à envoyer unenfant chez son oncle, sa tante outout autre parent pour parfaire son

éducation. Même s’il est admis que l’enfantainsi confié ne manquera de rien, il nerejoint pas sa nouvelle demeure les mainsvides. Il a un minimum de provisions dansson paquetage. Ses parents lui donnent éga-lement des conseils pour l’aider à bienséjourner dans sa nouvelle famille.L’hébergement du Programme PTF par l’as-sociation Tin Tua s’apparente par bien desaspects à ce confiage à l’africaine. Dans lerôle du parent : l’UCN, représentant le gou-vernement burkinabé. Dans celui du tuteur :l’association Tin Tua. Objectif : assurer la

une ONG pour opérationnalise r le programme

Les secrets d’un “portage” réussi

UNE ONG POUR METTRE EN OEUVRE LE PROGRAMME

Les locaux de la CAC atte-nants au siège de Tin Tuaà Fada : centre névral-gique du Programme.

Comme son nom l'indique, l'Unité de Coordination nationale (UCN) coordonne leProgramme à l'échelle nationale. Des ONG ou associations de développement etnon des bureaux d'études, comme c'est souvent le cas, assurent sa mise en oeuvresur le terrain. L'association Tin Tua joue ce rôle dans l'Est du Burkina. Cette ONG,spécialisée en alphabétisation et autopromotion paysanne, est la toute premièreà avoir expérimenté cette formule au sein du réseau PTF en Afrique de l'Ouest. Lesrésultats obtenus prouvent la pertinence de cette option. Mais la formule exige del'ONG “porteuse” des efforts organisationnels, notamment un dispositif d’ani-mation, dont le maintien ne va pas de soi.

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une ONG pour opérationnalise r le programme

Des moulins pas comme les autres

pérennité des activités pour éviter qu’à lafin du projet, tout s’arrête faute de suivi,malgré les millions dollars investis.

Cette formule constitue aussi unchoix stratégique dicté par l’histoire. AuMali, où démarre le programme PTF,l’UCN assure tout : la coordination, la miseen œuvre. Elle dispose d’équipes autonomeschargées d’exécuter le programme sur leterrain. Ce système, s’il présente des avan-tages, n’est pas sans risques, le principalétant que le projet ne survive pas au retraitdes équipes techniques.

A l’implantation du ProgrammePTF, au Burkina, le pays expérimente uneautre formule. L’UCN existe certes, maiselle ne gère plus directement des équipesd’intervention sur le terrain. Cette tâcheincombe au Projet d’Appui aux InitiativesCommunautaires de Base (PAICB), ratta-chée à la direction régionale du ministèrede l’Économie et du Développement. LeProgramme couvre uniquement l’Est dupays. Le PAICB fait alors appel à Tin Tua,spécialisée en alphabétisation, pour renfor-cer le niveau des femmes gestionnaires desPTF. Quand le PAICB prend fin, l’UCNconfie à Tin Tua le soin de suivre les unitésimplantées et d’assurer leur pérennité.L’ONG signe à cet effet un mémorandumen août 2003.

La mise en place de la CAC s’inscritdans cette démarche. La Cellule est héber-gée par Tin Tua sur la base d’une conven-tion liant l’ONG à l’Unité de coordinationnationale qui lui transfère les ressources etles compétences. Dès lors, l’ONG engage saresponsabilité. Elle recrute directementl’équipe de la CAC, appelée à se fondre gra-

duellement en son sein, tout en lui accor-dant une autonomie de gestion pour menerà bien ses activités.

Savoir-faire et savoir-être

Dans le monde du développement, de tellesformules de “portage” ou sous-traitanceexistent, toutes différentes les unes desautres. En quoi la stratégie adoptée parl’UCN diffère-t-elle des autres ? Autrementdit, quel doit être le profil de l’ONG appeléeà héberger le programme ?

Outre sa présence effective dans larégion, sa connaissance et sa reconnaissan-ce par les populations, les autorités, l’ONGdoit disposer de compétences, d’un savoir-faire. L’expérience de Tin Tua en alphabéti-sation et son engagement en faveur desfemmes, avec des moulins installés de sapropre initiative, ont sans doute plaidé en safaveur. « On n’imagine pas une PTF géréepar des femmes non alphabétisées. L’UCNn’apporte pas de moyens pour le faire.Quand l’organisation ne dispose pas detelles compétences, cela entraîne un sur-coût qui la pénalise dès le départ »,remarque Honoré Bonkoungou. Les com-pétences peuvent cependant différer selonles zones. Mais la PTF étant destinée enpriorité aux femmes, une expérience enmatière d’appui à ce public constitue unatout de taille.

La crédibilité de la structure comp-te aussi, comme l’explique Benoît Ouoba,secrétaire exécutif de Tin Tua. « Il faut quece soit une structure en laquelle on peutfaire confiance. Parce qu’il est questiond’argent, de gros investissements ».

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54 Des moulins pas comme les autres

L’envergure de l’ONG et sa présen-ce effective sur le terrain importent aussi.Un excès de centralisation constitue unhandicap. « Vous pouvez avoir des plates-formes très éloignées. Si vous devez suivredes activités à partir du siège, cela risque deposer problème. Il faut une décentralisationet une responsabilisation effectives », pour-suit Ouoba. Une décentralisation effective,cela veut dire disposer d’animateurs à lacharge de l’ONG et d’une structurationallant du chef-lieu jusque dans les moindreshameaux. L’ONG ou l’association qui neremplit pas ces conditions se contentera deconfiner les PTF dans un rayon limité et

donc de compro-mettre le développe-ment du Programme.Autre solution : tenterde se déployer etprendre en charge lescoûts supplémen-taires en recrutant denouveaux anima-teurs. Mais avecquelles ressourcessachant que leProgramme ne finan-ce pas ce genre defrais ?

L’approche d’inter-vention de Tin Tuafavorise la responsa-bilisation des bénéfi-ciaires. Tout part de labase. Il existe desgroupements dans lesvillages. Les unions degroupements forment

les “diémas”, leviers du développement àl’échelle locale. Un tel système permet auxbénéficiaires de s’autonomiser dans la ges-tion des unités.

Gagnant gagnant

Si le “contrat” liant l’ONG et le ProgrammePTF/LCP marche si bien, la principale rai-son tient aux avantages qu’en tirent les deuxparties, à savoir Tin Tua d’une part et leProgramme national PTF de l’autre.

Pouvoir s’appuyer sur un partenaireexpérimenté et connaissant la zone d’inter-vention évite au Programme de faire le dia-gnostic de sa zone d’intervention, exercicequi peut prendre du temps et aux résultatssouvent aléatoires. « Il n’est pas sûr quedans son diagnostic, le projet puisse cernerles vrais problèmes. Venant nouvellement,rien ne garantit qu’il puisse connaître lesbonnes portes d’entrée et disposer d’infor-mations de première main. Or avec l’ONG,dès le départ, le Programme disposera detoutes ces données et sera opérationnel. Cequi lui fera gagner en temps et en efficacité.De la même façon, le Programme pourraprofiter des relations de partenariat dututeur et de sa notoriété, de son dispositif etde son personnel », dit Bonkoungou.L’équipe de la CAC a ainsi bénéficié desrelations de Tin Tua avec les caisses popu-laires pour faciliter l’obtention du crédit parles femmes.

Ce capital confiance accumulé parl’ONG facilite aussi l’identification desbénéficiaires. « Il ne s’agit pas de commu-nautés qu’on découvre simplement aumoment de l’étude de faisabilité. Ce sont

une ONG pour opérationnalise r le programme

Tin Tua, une ONG connueet reconnue dans sa zoned’intervention. Un atoutpour le Programme. Ici,les femmes en formationde fabrication de beurrede karité, à Pièla.

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une ONG pour opérationnalise r le programme

Des moulins pas comme les autres

des communautés déjà connues et l’étudeapporte un regard extérieur et un peu cri-tique à ce qu’on connaît déjà », dit M.Ouoba. Puis il ajoute : « Dans une perspec-tive aussi de durabilité, une fois que le pro-jet changera de forme ou prendra fin, onpourra toujours être là. Puisqu’on était làavant, on est là pendant, et on devrait resteraussi sous une forme qui reste à trouver,mais on doit rester. De plus, ce n’est pasl’ONG mais les structures de base que nousorganisons qui poursuivent les activités ».

Les techniciens de la CAC tirenteux aussi profit de la situation. Mêmeétrangers à la région, il suffit qu’ils soientintroduits comme agents de l’ONG etdonc de Tin Tua pour que les portes s’ou-vrent. « Il n’y a plus la méfiance dontsouffre la personne qui arrive pour la pre-mière fois dans une région. L’agent repré-sente un partenaire connu. On l’écoute, onpeut lui faire confiance. Même quand ildemande de payer des contributions finan-cières, les gens le font sans hésiter, parcequ’ils ont confiance en la structure. Ilssavent qu’on ne va pas détourner leurargent », explique M. Ouoba.

La présence des PTF renforcecertes les capacités de l’équipe de la CACdonc des groupements de Tin Tua, maiselle augmente aussi la notoriété et l’assisede l’ONG. « La PTF offre vraiment duconcret, avec beaucoup de possibilités,qui permettent justement aux acteurs etaux bénéficiaires de Tin Tua de changerde niveau de vie. Il y a une forte recon-naissance qui fait que l’ONG est encoremieux assise sur le terrain », constate M.Bonkoungou. Autre avantage : l’ONG peut

se déployer dans d’autres zones, profitantde l’extension du programme PTF. Tin Tuapar exemple a étendu son rayon d’action à larégion du centre-est.

Par ailleurs, les groupements et les“diémas” qui développaient des AGR par lepassé bénéficient d’une nouvelle dyna-mique, grâce au renforcement de leurscapacités et de leur mode de fonctionne-ment. Les activités de la CAC accroissent lacohésion des groupements, des unions. « Çacontribue à renforcer l’organisation en toutcas à donner plus de crédibilité, de visibilitéet de force à l’association. Donc au plan ins-titutionnel aussi, ça contribue à renforcer lastructure », reconnaît M. Ouoba.

Plus important, les membres desgroupements peuvent appliquer lesconnaissances acquises dans les centresd’alphabétisation et passer ainsi de la théo-rie à l’application effective du savoir. Unbon moyen de maintenir les acquis de l’al-phabétisation consiste à les utiliser dans la

Quand l’ONG disposed’outils de communica-tion et d’un dispositiforganisationnel fonction-nel, cela aide grande-ment.

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une ONG pour opérationnalise r le programme

Des moulins pas comme les autres

gestion des unités économiques. Pour M.Ouoba, un expert internationalementreconnu dans ce domaine, cet apport de laPTF est déterminant dans le maintien del’alphabétisation. « Les gens tiennent descahiers et font des comptes-rendus, donc çales amène à écrire, à calculer, faire de la ges-tion, et à rendre compte. Et ça c’est trèsimportant pour le maintien et même ledéveloppement des acquis de l’alphabétisa-tion. Donc pour nous c’est un plus parceque nous y voyons la concrétisation, l’ex-ploitation des acquis que les gens font. Et iln’y a rien de tel. Parce que sans matérielconcret sur lequel on utilise les acquis del’alphabétisation, ces acquis se perdent trèsrapidement. En fait, l’alphabétisation c’estle contraire d’une pile bien connue. Celle-cine s’use que si l’on s’en sert tandis que l’al-phabétisation ne s’use que si on ne s’en sertpas ». C’est pourquoi Tin Tua fait de la pro-motion des activités génératrices de reve-nus une de ses priorités. Non seulement,elles permettent d’améliorer les conditionsde vie des populations, mais elles facilitentaussi l’introduction dans la gestion de la lec-ture, de l’écriture et du calcul appris dansles centres d’alphabétisation.

Relations de surface et identitébrouillée

La formule du confiage malgré ses avan-tages n’en pose pas moins des problèmes etexige beaucoup de l’ONG. Celle-ci doits’engager par conviction et pas seulementpar intérêt, pour éviter ce que M.Bonkoungou appelle des “relations de sur-

face” en opposition aux “relations vraies”qu’il décrit ainsi : « Si l’ONG est convain-cue et cherche justement à se développer etbénéficie de cette opportunité, on se rendcompte qu’avec le peu de moyens dont elleva disposer, elle pourra produire des résul-tats qui vont au-delà des attentes ».

Le système de par sa nouveautépeut dérouter. Le statut de l’équipe de laCAC peut susciter des interrogations ausein de l’ONG. Bonkoungou l’admet volon-tiers. Mais il se veut rassurant : « Nous onse retrouve. En tant que membre de la CAC,on comprend exactement comment le sys-tème doit fonctionner. Mais pour ceux quinous entourent par exemple au sein del’ONG, il n’est pas évident que les gens sen-tent notre intégration totale. Ils ne nousvoient que comme des répondants del’UCN et donc des acteurs à part. ça peuteffectivement arriver. Nous en tant queCAC, on connaît notre place. On sait qu’onest là juste pour une période transitoire ».

Si dans l’idéal, la formule prévoitune intégration des agents à l’équipe del’ONG, la fin du projet suscite de multiplesinterrogations. « Qui va payer les droitsquand on prend soin de dire aucune indem-nité, aucune assurance… donc la négationsur toute la ligne ? », demande M. Ouoba,qui suggère que cette question fasse l’objetd’un examen approfondi «pour éviter queça ne pose problème un jour aux ONG,parce que les conflits du travail sont trèssévèrement sanctionnés surtout quand lesgens pensent que les ONG ont l’argent »,explique-t-il.

La posture des agents de la CACn’est pas toujours facile à tenir. Si par intérêt

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une ONG pour opérationnalise r le programme

Des moulins pas comme les autres

bien compris, ils se disent que tôt ou tard,ils sont appelés à partir, ils peuvent créerdes barrières pour se rendre indispensables.« Si c’est le cas, ça sera vraiment domma-ge », dit Bonkoungou, qui conseille : « Ilfaut des acteurs honnêtes qui travaillent àvouloir assurer la relève ». Autrement dit, ilfaut transférer le maximum de compé-tences aux communautés et à l’ONG et évi-ter la rétention d’information et de compé-tences.

Le dispositif de par sa complexité etson désir de gagner en efficacité favorise lescontacts directs entre agents de l’UCN etceux de la CAC, donnant l’impression demarginaliser l’ONG hébergeant le Program-me. « Cela peut se comprendre. Mais il fautsavoir mettre la forme. Et l’information quin’est pas venue en descendant, qu’elle puis-se au moins en repartant suivre le canalqu’il faut », analyse et conseille M. Ouoba.

L’ONG idéale n’existe pas. En dépitd’une tradition en appui au développementpar les organisations de la société civile auBurkina, il en existe très peu ayant l’enver-gure de Tin Tua. Le niveau de vie coopéra-tive est inégal selon les régions. Les zonesd’intervention limitées parfois à quelquesvillages ou départements et les équipesd’animation réduites ne facilitent pas tou-jours la mise en œuvre effective duProgramme. Comment concilier ces limitesavec la non prise en compte par l’UCN duvolet animation ? S’appuyer sur des ONGremplissant les conditions requises ? C’estdu coup renoncer à étendre le programme àl’échelle nationale. Pour améliorer le niveaud’intervention de l’agence, l’appui pour lerecrutement d’animateurs supplémentaires

devrait contribuer à la bonne exécution duProgramme.

Tin Tua, une ONG ausavoir-faire reconnu enalphabétisation. Visited’officiels : le ministrechargé de l’enseignementde base et le gouverneurde la région, au premierplan, en compagnie de M.Ouoba.

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58 Des moulins pas comme les autres

Les organisations faîtières etmême les simples groupementscraignent par-dessus tout l’inacti-

vité, facteur de démobilisation de leursmembres et donc d’éclatement. De cepoint de vue, la PTF constitue unechance pour les “diémas”. « Même sielle n’est pas la première, elle sera ladeuxième », admet le président de la“diéma” de Pièla. « Tous les groupe-ments, poursuit-il, souhaitent avoir laPTF, comme en attestent leursdemandes déposées à la “diéma” ».

A l’origine de cet engoue-ment, la capacité de la PTF à faciliterla conduite d’activités indispensablesau développement du village et de seshabitants. Ceux-ci en sont redevablesau “diéma” et à Tin Tua qui gagnent encrédibilité, en visibilité et en capacitiéde mobilisation.

Le programme PTF s’appuieaussi sur les animateurs des “diémas”qu’il dote de compétences. Les comi-tés de sélection, structures inconnuespar le passé, et désormais adoptéespar les “diémas”, permettent à ceux-cide définir de meilleurs critères de per-formance pour les groupements dési-reux d’obtenir une PTF. Les “diémas”s’inspirent de ce système pour établir àleur tour des critères et des conditionsd’adhésion des groupements. L’unionaméliore ainsi le recrutement de sesmembres, plus responsabilisés dèsleur adhésion. En effet, les groupe-ments défendent leur dossier d’ad-hésion pour mériter d’être retenus.« Cette connaissance a été très béné-fique pour nous-mêmes en tant que“diéma” », reconnaît le président du“diéma” de Pièla. Il explique : « Avant,il suffisait qu’un groupement veuilleadhérer et l’animateur se contentait de

lui indiquer les conditions à remplir.Maintenant, il y a des fiches. On discu-te avec le groupement afin de voir s’ilpeut remplir les conditions. Celadevient valable pour toutes les activi-tés, pas seulement pour l’adhésion ».

Les “diémas” n’ouvrent leursportes qu’aux groupements méritants.« Si un groupement remplit ces condi-tions, ça veut dire qu’en plus des for-mations et sensibilisations de la PTF, ildoit bien fonctionner, parce qu’il a déjàune base. Même pour les groupe-ments qui ne pourront pas être rete-nus, ils sont dorénavant informés descritères de sélection et vont tendredésormais vers cela pour les pro-chaines sélections. Si un groupementn’a pas été retenu pour insuffisanced’alphabétisation, il demandera uncentre d’alphabétisation pour pouvoirremplir cette condition », analyse leprésident.

Le “diéma” applique les cri-tères de choix des groupements àd’autres activités, notamment le crédit.La structure départementale aide sesgroupements membres à obtenir lecrédit à la Caisse populaire. Les grou-pements doivent remplir des critèrespour garantir le bon remboursementdu crédit. «Certes, avant, le systèmede crédit fonctionnait bien. Mais enl’absence de ces critères, on n’avaitpas de base pour bien connaître lespotentialités des groupements », dit leprésident. Par le passé, les analysesde dossiers restaient superficielles. Ilsuffisait que le groupement donne laliste des membres candidats au créditet les montants demandés. L’ani-mateur les acheminait à la Caissepopulaire, qui accordait les prêts, carle “diéma” apportait à défaut de cau-

tion financière, sa caution morale. Lesemprunteurs de circonstance étaientlégion et ceux qui s’inscrivaientn’étaient pas toujours les demandeurs.« Mais maintenant qu’on a les critères,l’animateur s’entretient avec lesmembres du groupement pour bien lesconnaître et bien connaître ce qu’ilsvont mener comme activité. Chacunémarge. Avant, l’animateur seul faisaitle suivi, mais avec ce nouveau suivi,un dirigeant s’en charge au sein dugroupement. Même le diéma peut fairele suivi en allant discuter souvent avecle groupement », indique MichelNouaidié, l’animateur du diéma dePiéla.

Des critères de performanceprécis permettent aussi de départagerles groupements, lors de l’attributionde certains appuis, par exemple lesfonds de roulement pour la commer-cialisation des céréales. Plusieursgroupements peuvent se porter candi-dats. Comment les départager entoute transparence, c’est-à-dire sansdiscrimination, source de démobilisa-tion ? En recourant aux critères, le“diéma” connaît ceux qui peuventmener l’activité.

L’expérience de la PTF a per-mis au “diéma” de renforcer son systè-me de contrôle. Même si l’animateurfait le tour des groupements pour col-lecter des informations crédibles, il nepeut à lui seul être juge et partie. C’estpourquoi le “diéma” fait des recoupe-ments pour confirmer ou infirmer lesrésultats de l’animateur. « Au niveaudu diéma, nous analysons les donnéesde l’animateur, qui devient observa-teur. Et ça permet d’établir un systèmede contrôle. Donc, l’animateur fait lapré étude et après le “diéma” part deces résultats pour faire un contrôle afinde sélectionner le groupement qui vabénéficier de la PTF », explique leprésident du “diéma”.

Quand la PTF dope les “diémas”Personne ne s’aviserait de contester la capacité de la PTF à assurer la cré-dibilité, la visibilité de Tin Tua. Mais sait-on que les “diémas” gagnent, euxaussi, reconnaissance et notoriété grâce aux plates-formes ? Bref la PTFredonne du tonus aux “diémas”.

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59Des moulins pas comme les autres

Les acteurs s’expriment

Outre les conditions à rem-plir, le premier responsabledoit être à l’écoute de la CACqui a besoin de son interven-tion pour faire face à unemultitudes de problèmesqu’elle ne peut résoudre.Mais il ne faudrait pas que lepersonnel de la CAC ait l’im-pression de mendier cet appuiqui doit être naturel sans êtreencombrant. Chacun doitassumer ses fonctions et êtredisponible. Le responsable del’ONG doit être ouvert. Ilpeut et doit chercher à com-prendre les initiatives prisespar l’équipe de la CAC sanspour autant les décourager.La marge de manœuvre doitêtre contrôlée. Si les genssentent qu’il n’y a rien au-dessus d’eux, cela peut êtredangereux, parce la tentationest grande d’aller au-delà deson mandat. Le responsable dela CAC doit se considérercomme un responsable de ser-vice de la structure.

Il ne s’agit pas d’un projetautonome comme ceux quenous avons connus. Il s’ap-puie sur la dynamique desONG locales. Il doit s’infil-trer partout pour bien fonc-tionner. S’il agit en satelliteou bien, s’il gravite seule-ment autour de l’ONG, c’estl’échec. En utilisant lesdémembrements, le pro-gramme peut couler dansbeaucoup de canaux, jus-qu’à atteindre les bénéfi-ciaires et passer par cesmêmes canaux pouratteindre les responsables duprojet.

Nous percevons la PTFcomme une activité de l’as-sociation Tin Tua. Ladémarche d’acquisition del’équipement est différente.Ailleurs, on se contente dedéposer un dossier et onattend la suite. Avec le sys-tème PTF, le processus estplus long. Les populationsdoivent vraiment manifes-ter leur intérêt, les techni-ciens doivent donner leuravis, etc. C’est vraiment unprocessus de responsabili-sation des “diémas” quenous expérimentons avecles PTF.

Benoît Ouoba, secrétaireexécutif, Tin Tua

Moussa Dahani, CAC/ Tin Tua

Yamidié Lankoandé, président, “diéma” dePièla

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Aldjima Lankoandé

Des moulins pas comme les autres

Huiler les rouagesSituée à moins de 200 mètres de la PTF de Soaligou, la boutique de AldjimaLankoandé attire les femmes et les jeunes filles du village. La proximité de laplate-forme augmente le pouvoir d’attraction du magasin. Pour que ses affairesprospèrent, Aldjima participe à l’entretien des machines en fournissant du carbu-rant de qualité.

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Assis devant sa boutique,Aldjima Lankoandé saluejoyeusement toutes les fem-mes qui vont moudre leurs

céréales à la PTF de Soaligou. Ce sontses clientes. Ce jeune rapatrié de laCôte d’Ivoire, où il était berger, s’estlancé dans le commerce à son retour aubercail. « Mon commerce se passe très

bien, grâce au moulin qui est là à côté. Lefait que les femmes viennent à la mouture,fait que ma boutique est très bien animée.Quand elles viennent, elles en profitentpour acheter les condiments pour leursauce et c’est ainsi que ma boutiquemarche. S’il n’y avait pas la plate-forme,moins de femmes allaient se rassembler etmême, peut être que personne n’allait pla-ner ici, et donc ce n’était pas évident que jepuisse avoir de la clientèle ».

A Soaligou, la boutique deAldjima fait office de marché du villa-ge où femmes et jeunes filles affluent.Pour raccourcir les distances, ellesfont moudre leurs céréales à la PTF ets’approvisionnent en condiments dansla boutique de Aldjima. « Il n’y a pas demarché nulle part dans ce village. Avecl’implantation de la PTF ici, on en a pro-fité pour en faire une sorte de marché, lesoir c’est le lieu le plus ambiant du village.Tout ça grâce à la plate-forme. Toutes lesfemmes du village passent par ici, etpresque toutes sont mes clientes », dit

Aldjima Lankoandé

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Aldjima Lankoandé

Des moulins pas comme les autres

Aldjima, qui connaît chacune par sonprénom.

Plus de bénéfices

Marié et père d’un garçonnet de 5 ans,Aldjima dit ne pas souffrir pour l’en-tretien de sa famille. Le bénéfice de saboutique lui permet de bien nourrir etvêtir les siens. Il prend en charge lascolarité et les fournitures de sesjeunes frères grâce à sa boutique. « Jesuis marié et j’ai un enfant qui ne part pasencore à l’école ; mais j’arrive à nourrirma femme et mon enfant, j’ai même 2frères qui vivent avec nous. Je paie lesfournitures scolaires de mes frères et siquelqu’un dans la famille a un besoinpressant d’argent, il n’a pas besoin d’allervoir d’autres membres de la famille, moi-même, je règle ».

Pour maintenir ce niveau de vie,ce commerçant futé sait qu’il lui fautavant tout entretenir ce qui fait pros-

pérer ses affaires : la PTF. Il s’estengagé à procurer au quotidien du car-burant de qualité pour faire tourner lamachine : « Puisque moi et la PTF, onse complète. Je fournis le carburant quipermet de faire marcher la plate-forme. Jefais en sorte que l’activité de la PTFmarche bien. Donc avec ça, les femmesn’ont pas besoin d’aller chercher le carbu-rant ailleurs ».

Le carburant en effet est tou-jours disponible et de qualité. Pouréviter que les meunières ne remettenten cause la qualité du produit, Aldjimapasse toujours le gasoil réservé à laPTF au tamis. Il l’exhibe fièrementdevant tous les visiteurs pour témoi-gner de ses efforts à fournir des pro-duits de qualité. « Je fais tout cela pourla PTF, parce que j’ai besoin d’énergie.Avec la PTF et avec l’ambiance qu’il y atout autour, je peux développer d’autresactivités ».

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La ptf communautaire

Des moulins pas comme les autres

Gomoré. Le village oùtout a commencé.Sept ans après soninstallation, la pre-

mière PTF montre des signes defatigue. Un homme rentre de laville et rejoint les femmes enconversation avec un groupe devisiteurs, parmi lesquels la res-ponsable d’Ingénieurs SansFrontières, une ONG canadien-ne, dont le siège pour l’Afriquede l’Ouest se trouve au Ghana.La CAC de Tin Tua accueilleune volontaire de l’ONG. Saresponsable, venue en missionde supervision, veut se faire uneidée du mode de fonctionne-ment des PTF en discutant avecles femmes. L’homme adosse sabicyclette au figuier géant etsort de sa besace deux gros pla-

teaux et des petites pièces bien emballéesdans un carton. Les femmes applaudissent àtout rompre. Une fois de plus, elles vien-nent d’éloigner le spectre des années sans“moulins”. L’une d’elles, Yelpoa Idani, rap-pelle : « Avant la PTF, transformer descéréales prenait beaucoup de temps. Parexemple, il fallait préparer avant d’allerrejoindre les autres au champ et cela prenaitbeaucoup de temps ». Pire, les mères char-geaient leurs enfants, qui allaient à l’écoledans la ville de Fada toute proche, depaniers de grains à déposer au moulin avantde se rendre en classe. Au retour, ils pas-saient chercher la farine pour la ramener àla maison.

Du temps à volonté

Désormais, plus personne ne transforme lesenfants en coursiers et les femmes toutcomme les hommes se réjouissent du gain

Le changement, une affaire de femmesLA PTF COMMUNAUTAIRE

Des femmes “entrepreneurs” qui s’associent pour exploiter un champ collectif, unmoulin à grains ou fabriquer du savon … il en existe dans de nombreux villagesdu Burkina. La PTF communautaire se distingue nettement de ces initiatives. Elleassure divers services (eau, éclairage, etc.) à l’ensemble de la population et passeulement aux femmes. Les formations reçues renforcent la cohésion au sein desgroupements et améliorent la transparence dans la gestion. Bref, la PTF commu-nautaire permet de concilier lutte contre la pauvreté, scolarisation des filles etparticipation des femmes aux prises de décision.

La corvée de la meuletraditionnelle, unlointain souvenir.

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La ptf communautaire

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de temps qu’assure la PTF. Désormais, lesfemmes peuvent faire la cuisine, aller auchamp à temps et mener d’autres activitésdomestiques. Elles travaillent mieux et seréjouissent d’une meilleure ambiance ausein du ménage, car le repas est prêt àtemps. « On peut travailler dans la tran-quillité sans se dire : “je fais ceci, ça vaprendre beaucoup de temps, alors qu’il y ad’autres travaux et on va traîner avec uneseule activité”. Il y avait cette angoisse per-manente. Avec la PTF, c’est moins de stresspour la charge de travail et on peut mieuxs’organiser pour travailler », expliqueYelpoa. Les hommes se réjouissent de cegain de temps. Yacouba Manli est agricul-teur et éleveur. Il fait de l’embouche ovine,autrement dit de l’engraissement d’animauxqu’il destine à la vente. « Les femmes déga-gent plus de temps. Pour l’embouche ovine,parfois, j’ai besoin de l’eau pour abreuver lesanimaux. Si ma femme fait la cuisine parexemple, je ne vais pas la déranger et l’autreactivité ne pourra pas bien se conduire.C’est donc un grand changement.Désormais à part le soumbala, les femmesne se fatiguent plus à piler des céréales aumortier », dit-il. Que les femmes dégagentdu temps récupéré par les hommes peutlaisser songeur sur les vrais bénéficiairesdes PTF. Mais pour Mani, c’est toute lafamille qui profite des retombées de lavente des moutons. « Quand la femmecherche l’eau pour abreuver les animaux,quand il les vend, il achète des pagnes et deschaussures pour elle ». Un de ses parentsconstate : « Par le passé, les femmes allaientdans les moulins traditionnels pourmoudre. Désormais, grâce aux formations,

elles manipulent les machines et en assu-rent l’entretien. Autrefois, on disait queseuls les hommes pouvaient faire ce travail,pas les femmes. C’est un grand changementy compris pour le village ».

Les hommes font aussi la part deschoses entre un simple moulin et la PTF. Ilsprécisent volontiers que « ces deux types nesont pas les mêmes. Pour la PTF, il y a plu-sieurs équipements et l’alternateur permetd’avoir l’éclairage à l’intérieur et à l’exté-rieur. Il y a la charge de batterie. Ce n’estpas le cas du moulin traditionnel qui ne faitque la mouture », dit M. Mani.

Des revenus substantiels

A Gomoré aussi, le temps c’est de l’argent.Mais encore faut-il disposer d’un fondspour se lancer dans des activités qui rap-

Le local abritant la PTF àGomoré est aussi pourles femmes un lieu derencontre, de partaged’idées et d’expériences.

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La ptf communautaire

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portent. La PTF permet de dégager dutemps tout en facilitant l’accès au crédit. Lesfemmes peuvent ainsi mener des activitésgénératrices de revenus. Ouédraogo Awadit avoir bénéficié du crédit obtenu au nomdu groupement pour faire du petit com-merce. « Avec les bénéfices, je paie une par-tie de la scolarité des enfants et des soins desanté. Le montant de ma contribution auxdépenses du ménage atteint 20 à 25 000 F.Pour la scolarité, je m’occupe de l’achat desfournitures et mon mari des frais d’inscrip-tion ». Par le passé, c’est le mari qui s’occu-pait de tout. Elle a pris le relais et depuis lecours moyen deuxième année jusqu’en qua-trième, elle achète les fournitures de l’en-fant.

Abiba Nongnaba vend du soumbala.Avant, elle ne faisait que deux assiettées etmaintenant, elle en fait 20, voire 30. Elle peutalors gagner 4 000 F de bénéfices pour

chaque opération, au lieu de 200 à 500 F parle passé. Cette année, elle a pu acheter neufpagnes pour faire trois ensembles pour elle-même et deux tenues scolaires pour sesenfants.

Plus on est riche, plus on est écouté

Traoré Fatoumata, prématurémentvieillie par les épreuves de la vie, tient sonenfant convalescent sur ses genoux. Ellerentre de l’hôpital où le petit malade avaitété admis. Pour faire face aux soins qui ontnécessité une perfusion de sang et de gluco-se, elle a aidé son mari à payer les 23 500 Fd’ordonnances et de soins. C’est grâce à soncrédit de 20 000 F, qu’elle a fait fructifier,qu’elle a pu faire face aux soins de sonenfant.

Mme Dahani fait du dolo, la bièrede mil local. Grâce au gain de temps, elle

Gomoré. Les documents de ges-tion facilitent un bonsuivi des comptes etinculquent aux gestion-naires la notion de trans-parence (photo degauche). Quand la femme contri-bue aux dépenses duménage, la bonne enten-te est au rendez vou.(photo de droite).

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La ptf communautaire

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crédit. Les formations reçues et la bonnegestion qui les caractérisent en font desemprunteuses fiables.

Lorsque les femmes disposent demoyens, elles contribuent aux frais duménage, aux dépenses de la collectivité. AGomoré, si le forage fonctionne, on le doit

fabrique du soumbala et du tô local, unepâte à base de mil, qu’elle vend au marché.Isolées, peu de ces femmes auraient puaccéder au crédit, sauf à se faire aider par unproche ou à s’adresser à un usurier. Grâce àla PTF communautaire, elles disposentd’une garantie auprès des organismes de

vie et cela leur donne une position parti-culière. Je suis chef, c’est vrai. Mais c’estune femme qui m’a mis au monde».

Une telle ouverture d’esprit n’estpas le fait du hasard. Soldat à l’époque colo-niale, le chef a visité de nombreux pays :Côte-d’Ivoire, Libéria, Algérie, Guinée, Niger,Sénégal, etc. « J’ai beaucoup voyagé, jesuis allé à l’aventure à 20 ans et j’y suisresté 21 ans. J’ai vu comment lesfemmes travaillent sous d’autres cieux etcomment le femmes et les hommes peu-vent se soutenir mutuellement »,explique-t-il.

Pour autant, cet avant-gardisteest-il prêt à faire entrer les femmes dansle conseil villageois ? La question l’amu-se, mais sa réponse tout en nuances, estsans équivoque. « Le modèle traditionnelreflète la façon dont nos grands parents,nos aïeux avaient organisé la vie au villa-ge. Une femme peut jouer le rôle de griot-te au sein du conseil, mais il lui sera diffi-cile d’occuper un rang au sein d’uneassemblée décisionnelle. Voyez-vous,tout cela est lié à une famille, à un ligna-ge. Le modèle tel que conçu ne fait pasde place aux femmes. Sans doute celasera-t-il possible dans le futur ».Pourquoi pas ? Son exemple devrait ins-pirer ses successeurs.

Son analyse de la situation desfemmes est pour le moins surprenantevenant d’un notable. « Les femmes tra-vaillent plus que les hommes. C’est parceque Dieu a donné une position d’autoritéà l’homme, autrement la femme surpassede loin l’homme. Les femmes donnent la

Comme chaquevendredi, lechef de Go-

moré rentre de Fadaoù il est allé présenterses hommages au roides Gulimanceba,l’ethnie majoritaire del’Est du Burkina. Cesformalités tradition-nelles accomplies, ils’installe sur sa chaiselongue et se rappelle lepassé. « Avant, lesfemmes devaient fairele décorticage, la mou-ture, chercher l’eau. Elles y passaient toutleur temps. Maintenant, on est soulagé carles femmes peuvent venir déposer leur mil,aller au champ et venir chercher la farineau retour. C’est pourquoi j’ai donné monaval au projet », dit-il, parlant de l’installa-tion de la PTF.

LE CHEF DE VILLAGE DE GOMORÉ

« Je suis chef, il est vrai. Mais c’est une femme qui m’a misau monde»

A Gomoré, les femmes ne font rien sans en référer au chef. Celui-ci le leur rendbien. Cet ancien combattant, qui se laisse volontiers appeler l’ami des femmes, faitpreuve d’une ouverture d’esprit dans un milieu où le statut de la femme évoluemais très lentement.

Le chef de Gomoré

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La ptf communautaire

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aux femmes. Elles ont versé 10 000 F pourpermettre de dépanner l’ouvrage. Lacontribution de 750 F par an et par ména-ge pour l’entretien du point d’eau n’ayantpas été versée, les femmes ont dû casserleur tirelire commune. Pour éviter pareillesituation, elles proposent que l’eau puisseêtre vendue à 5 F les 40 litres et que la coti-sation par ménage soit portée à 1 000 F.L’application de cette décision devrait per-mettre de disposer de fonds pour faire faceà d’éventuelles pannes. Un tel engagementleur apporte respect et reconnaissanceaussi bien en famille qu’au-delà. « Quandje donne mon point de vue à l’intérieur duménage, il est pris en compte. Plus on estriche, plus on est écouté », dit AïchaNamouano, une des meunières. Cetteconsidération va au-delà du cercle familialpour s’étendre à la place du village. Par lepassé, les femmes ne prenaient pas part auxrencontres qui se tenaient chez le chef.Désormais, le chef du village les invite ycompris pour discuter de questions poli-tiques. Du coup, les femmes rêvent de seprésenter aux élections communales. Ellesenvisagent d’y présenter la présidente duCFG au poste de conseiller.

Outils de transparence

La transparence assure la survie des grou-pements. Les femmes disposent d’outils degestion qui leur permettent de noter toutesles recettes qu’elles gagnent et toutes lesdépenses qu’elles effectuent. « Le fait d’uti-liser des outils, ça nous permet de connaîtrele nombre de litres de gasoil consommé, deconnaître le montant des recettes, des béné-

fices. Le fait de pouvoir le dire à toutes lesautres femmes, ça donne plus de courage etça renforce la solidarité autour de la gestionde l’outil », dit l’une des caissières, fière deprésenter ses cahiers bien remplis. La prési-dente de la CFG reconnaît ce changementet le met sur le compte de la formation et dela restitution. Elle rappelle aussi l’importan-ce de l’alphabétisation : tous les membressavent lire et écrire. « ça a changé en pro-fondeur notre organisation », reconnaît-elle.

Surmonter les obstacles

A Gomoré, la PTF rend service au village,mais elle appartient au groupement“Tamanli”, autrement dit la joie. Ce groupe-ment comprend une vingtaine de membres,dont certaines forment le CFG, organisa-tion chargée de la gestion au quotidien de laPTF. Le groupement date de 1987 et necomprend que des femmes. DjafouanKouanda, sa présidente, explique : « leshommes ne veulent pas se mélanger avecnous, nous aussi on ne veut pas nous mélan-ger avec eux », dit-elle en plaisantant.

La causerie sous le figuier a pris finet les femmes, rassemblées dans le localabritant la PTF suivent du regard le meu-nier et un autre homme en sueur démonterles meules pour installer les nouvellespièces. Une fois de plus, grâce à leur organi-sation, les femmes évitent au village derenouer avec un passé sans moulin.

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aîcha namoano

Des moulins pas comme les autres

Chaque fois qu’Aïcha assure le ser-vice à la plate-forme, elle fait lesmêmes gestes. Elle commence par

le balayage de la maisonnette, le nettoya-ge des équipements, le contrôle des fuitesd’eau ou d’huile, la vérification de tous lesniveaux d’eau, d’huile et de gasoil qu’ellecomplète, s’il le faut. Puis elle graisse lesparties recommandées. Une fois lemoteur en marche, elle procède à la véri-fication du bon fonctionnement du refroi-dissement en examinant la températuredes conduits de refroidissement. Elles’assure aussi du bon fonctionnement dumoteur rien qu’en tendant l’oreille. Lemoteur chauffe-t-il trop ? Son bruit est-ilirrégulier ? Si oui, elle arrête tout et encherche la cause, se fait aider par le meu-nier ou l’artisan. Tout se passe-t-il pourle mieux ? Elle peut alors commencer lamouture.

Cela fait deux ans qu’Aïcha qui neconnaissait rien à l’utilisation d’un mou-lin est devenue une experte. Elle peutarrêter le moteur, serrer les écrous etexécuter quelques menues tâches dont

elle ne serait pas crue capable aupara-vant. Le groupe de meunières comprendtrois femmes, épaulées par un meunier.Une mesureuse et une caissière viennentcompléter l’équipe.

A Gomoré, les meunières ne sontpas salariées, mais elles ont des privi-

« On ne peut pas me retirer ma sagesse »

Jeune femme frêle, elle n’arrive pas encore à tourner à toute vitesse la lourdemanivelle de la PTF pour démarrer l’engin. Mais elle ne désespère pas d’y parve-nir un jour. En attendant, Aïcha Namoano, meunière non salariée à Gomoré, restefidèle au poste. Ses motivations ? Les connaissances acquises, ce qu’elle appellela “sagesse” et les services rendus à la communauté.

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Aïcha Namoano

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aîcha namoano

Des moulins pas comme les autres

lèges. Aïcha Namoano et ses collèguesont le droit de faire moudre gratuitementleurs céréales, à raison de deux assiettéesquand elles assurent le service. Elles éco-nomisent à l’occasion le prix de la mou-ture, soit 100 F.

Mais Aïcha a d’autres motifs desatisfaction. « Je suis utile à la communau-té. Cela me donne le courage et je demandeencore des formations. Nous nous respectonsdans le groupement. Les hommes aussi sonttrès fiers de nous. Une femme qui sedébrouille, l’homme sait qu’il peut comptersur elle le jour où il est coincé ».

Aïcha Namoano motive son enga-gement comme meunière par la peurd’un retour à la situation d’antan. « Parle passé, rappelle-t-elle, nos mamans se fati-guaient à cause de la mouture ». En cestemps-là, les élèves allaient à l’école,

chargé(e)s de deux assiettées à trois demil ou de maïs à déposer au moulin àFada, avant de rejoindre la classe. Lesenfants n’avaient pas de bons résulatsscolaires. « Certains jours de pluie, il étaitdifficile de traverser le bas-fonds. Parfois,l’eau emportait toute la farine », se rappel-lent les habitants de Gomoré. Désormais,même en saison pluvieuse, les femmesvont cultiver dans leur champ avant derejoindre celui du mari. Elles déposent legrain à la plate-forme et récupèrent lafarine à leur retour.

La vie de meunière n’est cepen-dant pas de tout repos. Le démarrage dumoteur reste un objectif à atteindre. « Jen’ai pas encore réussi à le faire. Car quand ontourne la manivelle rapidement , il faut bas-culer ensuite le décompresseur vers la gauchepour que ça démarre. Si tu ne peux pas conju-guer les deux mouvements : tourner la mani-velle rapidement et basculer le décompresseur,ça ne marche pas », explique-t-elle.

Aïcha, la meunière, ne se découra-ge pas pour autant. Elle conseille auxfemmes et aux filles de prendre part à lavie des groupements. « Car on peut t’ap-porter comme tu peux apporter. C’est grâce àces associations que la femme est libre, qu’il n’ya plus de mariage forcé », dit-elle. Véritableboulimique de savoir, elle ne tarit pasd’éloges sur les formations : « On ne mepaie pas pour faire ce travail. Mais j’ai eu lasagesse et je la garde en moi-même ». Uneautre façon de dire que personne ne peutlui retirer les connaissances acquises.

Démarrer le moteur exigeforce et technique. AïchaNamoano ne désespèrepas de réussir un jour.

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la ptf privée

Des moulins pas comme les autres

La trentaine à peine, TembendiYarga, vit à Pièla, à 105 km de Fada.Ce jeune homme fait partie du clubtrès fermé des promoteurs et pro-

motrices privé(e)s de PTF. Toute la zone del’Est en compte seulement 14. A l’image deces hommes et femmes, M. Yarga gère unePTF depuis 2000.

Outre la soudure, l’éclairage, le lava-ge d’engins (vélos, motos, autos), la vente deboissons fraîches, son entreprise assure lamouture et le décortiquage. Sa plus grandefierté reste cependant l’éclairage, qui a per-mis à son village de prendre des airs de ville,dès la nuit tombée. En raison de la faiblecapacité du générateur, le service d’éclairagese limite au marché et au centre de santé.Tembendi établit des factures payables tousles dix jours. Le barème : 100 F par ampou-le et par soirée. Le centre de santé bénéficied’un tarif “social” forfaitaire.

M. Yarga reconnaît volontiersbien gagner sa vie. Même si en bon com-merçant, il reste discret sur ses revenus,il admet que la PTF a transformé son

existence. « Maintenant à Piéla, si je disque je n’ai pas de l’argent, personne ne peutme croire. Parce que je suis le seul à menercette activité nouvelle dans cette zone »,dit-il. Rien que l’éclairage peut rapporter150 000 F sur les 250 000 F mensuels dechiffre d’affaires.

Une entreprise citoyenneLA PTF PRIVÉE

Se soucier de ses intérêts sans oublier ceux de la communauté ! Telle pourrait êtrela devise des promoteurs et promotrices privées de PTF. Financée par la fondationShell, cette formule consiste à confier la gestion des plates-formes à des indivi-dus et pas seulement à la communauté. Elle permet certes l’épanouissement del’entrepreneur, mais elle renforce aussi le tissu économique du village et assurela longévité de la plate-forme.

Yarga Timbendi

Session d’échanges d’ex-périences entre anima-teurs et promoteurs ausiège de Tin Tua.

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la ptf privée

Des moulins pas comme les autres

Tembendi Yargas’empresse d’ajouterque les populationsde Pièla peuvent,elles aussi, rendregrâce à la PTF. Lesnouveaux servicesofferts, notammentl’éclairage, la soudu-re, la charge de batte-rie correspondent àune vraie demande.Les clients ne par-courent plus les 120km les séparant dePouytenga, un bourgcommerçant, pourrecharger leurs batte-ries. Les forgerons

peuvent eux aussi faire souder désormaisleurs outils sur place. Les femmes fontdécortiquer le maïs qu’elles commerciali-sent au lieu de le piler comme par le passé.

Tester la gestion par les privés

Hormis les projets destinés à l’émergenced’entrepreneurs ruraux, il existe peud’exemples d’initiatives de financementdirects de promoteurs ruraux. Si TembendiYarga et les autres promoteurs et promotricessont à la tête de micro-entreprises rurales, ilsle doivent à la Fondation Shell, qui finance enpartie le Programme PTF. Parallèlement àl’option communautaire, il s’agissait de facili-ter l’acquisition de PTF par des privés, appe-lés à rendre service à la communauté.

La formule séduit. Mais devenirpromoteur d’une PTF privée n’est pas une

simple question de volonté et d’argent.D’autres considérations entrent en ligne decompte : participation du candidat(e) à desactions de développement du village, bonnemoralité, capacité financière, garantie depossession des droits fonciers du terraind’implantation de la PTF, capacité desfemmes à payer les services, etc. Bref, unpromoteur de PTF n’est pas un simple capi-taliste, mais un capitaliste doublé d’un agentde développement. « Une telle personnepeut nous permettre d’atteindre nos objec-tifs, plus que quelqu’un qui n’a qu’un butcommercial », explique Moussa Dahani.M. Yarga répond précisément à cette défini-tion. Superviseur d’alphabétisation, il prendpart très tôt aux activités de Tin Tua dans sazone, avant de se lancer dans l’emboucheovine. Il parvient à se constituer un petitfonds et développe son commerce. La pos-sibilité d’acquérir la PTF lui apparaît claire-ment après une visite à l’unité installée àSoaligou. Pourquoi ne pas en installer une àPièla, le gros bourg voisin, pense-t-il ?

Obtenir une PTF privée obéit à uneprocédure complexe. Tout commence parune demande déposée par le promoteurauprès du “diéma”, qui l’examine et la trans-met au comité d’analyse et de sélection.Celui-ci fonde sa décision sur la taille de lalocalité du promoteur. Sont en effet privilé-giés les villages importants (au moins 7 000habitants) et ne disposant pas d’énergie. Lepromoteur doit aussi obtenir la caution dela communauté, appelée à payer ses ser-vices.

Passées ces différentes étapes, lepromoteur doit payer une contribution.Pour Tembendi, elle se montait à 600 000 F.

Machine à laver paraspersion, PTF Pièla. Lespromoteurs privés nemanquent pas d’initiative.

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la ptf privée

Des moulins pas comme les autres

Somme qu’il prend sur ses économies. Ilconstruit aussi un local, une autre conditionpour bénéficier de l’unité. Quatre à cinqmois plus tard, le nouvel entrepreneurprend possession de son équipement. Ilemploie un meunier, un maintenancier.Tous bénéficient de l’appui d’une équipeconstituée d’un animateur, d’un artisan etde la CAC. Commence le plus dur : attirerla clientèle, développer son affaire sansoublier sa contribution au développementcommunautaire. Le businessman assurequasi gratuitement l’éclairage du centre desanté. De plus, il arrive que Yarga soit solli-cité par le village pour résoudre toute sortede problèmes. « Ça peut être une contribu-tion financière, des conseils ou faire jouermes relations aussi pour résoudre les pro-blèmes. Je fais tout ça », dit ce promoteurplein d’entrain. Il a ainsi financé, à hauteurde 5 000 F, l’achat par un groupement dejeunes de pelles et de râteaux.

Aider les autres sans couler soimême

L’homme réalise non seulement de bonnesaffaires, mais il n’oublie pas la vocationsociale de la PTF, différente, du moulin àgrains classique. Mais à trop vouloir privilé-gier le social, ne risque-t-il pas la faillite ?

Comme lui, de nombreux promo-teurs dans les villages doivent trouver lejuste milieu entre le développement deleurs affaires et la solidarité qu’imposent lesliens de parenté qu’ils entretiennent quasi-ment avec tout le monde. Réussir cet exer-cice d’équilibrisme ne va pas de soi. M.

Yarga étonne par sa vision carrée en lamatière. « En affaire, on ne parle pas d’ami-tié ou de parenté. C’est une activité qui nouspermet de chercher l’argent, donc jecherche de l’argent. Je n’ai pas besoin d’ami-tié ni de parenté pour ça. Tout le mondepaie le même prix. Si certains ont desbesoins parce que nous sommes amis ouparents, ils peuvent venir me voir. Si je peuxfaire quelque chose pour eux, je le fais. Maisça ne rentre pas dans le cadre de mon acti-vité ».

Cette rigueur dans la gestion, cettebarrière dressée entre sentiments et affairesse retrouvent chez nombre de commer-çants, parfois décriés pour leur insensibili-té. Mais l’attitude des promoteurs et pro-motrices privées s’explique aussi par l’appuien gestion et en suivi du Programme. Eneffet, privé(e)s ou communautaires, les ges-tionnaires des PTF bénéficient toutes d’un

Privée ou communautai-re, la PTF met l’accentsur la qualité du service.

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la ptf privée

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appui en gestion, garant de leur durabilité.Une bonne partie de ce suivi consiste àfournir un appui-conseil en gestion et mar-keting.

Outre la bonne gestion, le succèsréside aussi dans l’accueil de la clientèle et lerespect. « Si le client demande un service, ilfaut l’écouter, le comprendre et lui dire clai-rement ce qu’il y a sans lui mentir. Et puisaussi entre clients et promoteurs et il fautfaire attention pour qu’il n’y ait pas delongues discussions », dit M. Yarga. Ilconseille aux meuniers, d’écouter calme-ment le client même si ce dernier a tort,puis de l’en informer pour lui permettre detout arranger.

Mais la négociation vient durementà bout de certains problèmes, notammentles contestations sur la consommationd’électricité, en l’absence de compteurspour la vérification. Certains clients tententde minorer leur facture prétextant n’avoirpas allumé d’ampoule tel ou tel jour. « Celapeut arriver et il faut tout de suite le signa-ler surtout si c’est à cause d’une panne »,conseille Tembendi Yarga. Mais il ne trouvenulle excuse à ceux qui au bout des dixjours réglementaires ne parviennent pas àpayer leur facture.

La diversité des activités et surtoutle système de facturation complique le tra-vail de l’animateur qui assure le suivi. Lerèglement des factures d’électricité tous lesdix jours constitue un motif de tensionentre le promoteur et la clientèle. Lesplaintes de certains abonnés, voire leur

refus de payer et les interminables négocia-tions pour s’accorder sur un prix ne facili-tent pas le suivi. « Pour mon travail ça peutdonner l’impression qu’il y a eu des fondsqui se sont dissipés je ne sais pas où », ditMichel Nouadié l’animateur. Les paiementsà cheval sur deux mois constituent aussi unsujet de préoccupation, sachant que le suiviest mensuel.

Pannes coûteuses

En plus des mauvais payeurs, les promo-teurs se plaignent des pannes qui « pren-nent tout l’argent que nous gagnons ».Les nombreux investissements à faire limi-tent M. Yarga dans ses projets. Il voudraitacquérir un moteur plus puissant pour pou-voir faire face à la demande grandissanted’électricité. Avec le développement de laculture de l’arachide à Pièla, les besoins endécorticage s’accroissent sans espoir depouvoir faire face à la demande dans l’im-médiat.

Après des années d’utilisation,l’équipement nécessite davantage de main-tenance, vu la fréquence des pannes.L’augmentation du prix du gas-oil obligeaussi à une révision régulière des tarifs desprestations, pas toujours bien comprise parla clientèle.

Mais l’homme ne manque ni d’ima-gination, ni de ressources. Sa foi dans laPTF devait lui permettre de venir à bout deces “ratés” qui jalonnent le parcours de toutentrepreneur digne de ce nom.

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alain lankoandé

Des moulins pas comme les autres

Dans une vaste cour aménagée ensalle de cinéma, Alain Lankoandéjongle avec une télécommande. Il

charge et remplace les CD selon les goûtsde ses clients. Au marché de Piéla, levidéo-club d’Alain Lankoandé est lepoint de rencontre des jeunes du village.Entre deux projections, ils discutent desdernières nou-velles de la cité etpronos t iquentsur la pluviomé-trie. Ce jeunehomme, d’à peine20 ans, dit faireœuvre utile enapportant la dis-traction dans unvillage plongépendant long-temps dans l’en-nui. « Lorsque jeloue ou que j’achèteles cassettes vidéo,je sais que je per-

mets aux jeunes de se distraire en visionnantles films après les durs labeurs des champs ».De jour comme de nuit, Alain Lankoandéarrive à réunir 30 à 40 jeunes dans sonvidéo-club, la version moderne de l’arbreà palabres à Pièla. « Mon vidéo-club est unlieu de distraction pour le village, mais aussiun lieu de rencontre. Les jeunes partagent les

Image et son, trait d’union des jeunesDistraction, échange de conseils et d’informations… le vidéo-club de AlainLankoandé, à Piéla, exerce un fort attrait sur les jeunes. Le projectionniste se ditfier d’égayer les mornes soirées des habitants, tout en leur offrant un cadred’échanges d’idées sur la vie de la communauté.

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Petits et grands venusfaire le plein d’émotions.

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alain lankoandé

Des moulins pas comme les autres

idées ici. Cela est très important pour le vil-lage ».

Une fenêtre ouverte sur le monde

L’idée d’offrir des loisirs aux jeunes deson âge trottait dans la tête d’Alaindepuis longtemps. Mais elle est devenueréalité grâce à la plate-forme. Au vrom-bissement du groupe électrogène qui ali-mentait le poste téléviseur, a succédél’énergie fournie par la PTF. Chaque soir,le club s’éclaire et les cinéphiles peuventsuivre tranquillement leur film. Alain a

ainsi vu le nombre de ses clients aug-menter. « Avec la PTF, les clients viennentencore plus nombreux de jour comme de nuit.Je peux en une séance avoir 50 personnes. Lesaffaires marchent », reconnaît-il.

Grâce aux bénéfices engrangés,ce jeune homme méthodique a clôturéson vidéo-club en banco. En 2005, il aacheté deux vélos et des fournitures sco-laires pour ses jeunes frères qui vont àl’école. Le vidéo-club n’agrémente passeulement la vie de ses clients, il amélio-re aussi celle de la famille du projection-niste.

Alain Lankoandé

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la formation

Des moulins pas comme les autres

C’est l’histoire de deux ignorants,défendant chacun une position,sans pouvoir l’argumenter. ManoMarielle, du village de Tougnoabou,

aime la raconter pour montrer le cheminparcouru par les femmes depuis l’installa-tion de la PTF. « Par le passé, lorsqu’on serendait au moulin pour faire moudre noscéréales, nous discutions les prix. Si le meu-nier disait 50 F, nous rétorquions 15 F. Luine savait pas pourquoi il fixait un tel mon-tant et nous aussi nous n’avions aucunebase pour faire notre proposition ». Lesdeux protagonistes finissaient par s’en-tendre, autrement dit, la femme acceptait leprix fixé par le meunier.

Dans de nombreux villages duBurkina, les meuniers imposent toujoursleurs prix, pas à Tougnoabou et dans les

Quand le savoir libèreLA FORMATION

Des groupements mieux organisés, plus performants, des femmes assurant, àl’étonnement général, la mouture, le décorticage, la gestion d’unités écono-miques … A l’évidence, la formation assure en grande partie le succès des PTF. Ilexiste trois types de formation : organisationnelle, technique et économique. Lapremière porte principalement sur l’acquisition de connaissances et pratiques surles rôles et tâches du CFG, la tenue des outils de gestion. La seconde concerne laconnaissance de la “machine”, son démarrage, sa maintenance, sa sécurité, lesservices rendus, tels que la mouture, le décorticage. La troisième permet d’ou-tiller les femmes en capacités théoriques et pratiques dans la conduite des acti-vités génératrices de revenus (formation à l’extraction d’huile, à la fabrication desavon, etc.).

Session de formation à lafabrication du beurre dekarité, organisée par lacellule AGR, à Pièla, pourles femmes de la provin-ce de la Gnagna.

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la formation

Des moulins pas comme les autres

autres hameaux de l’Est dotés en PTF. SiMarielle et les autres femmes de ces villagesse sont “affranchies” des meuniers, elles ledoivent en grande partie à la formationqu’elles ont reçue. « Non seulement, noussavons comment déterminer les prix, maisnous connaissons aussi le moulin. On peutdécrire le moteur central, ses différentesparties. On en connaît le fonctionnement,la quantité de gas-oil que le moteur peutconsommer en une heure. Cela nous adonné une autre vision et révolutionnénotre pensée », dit Marielle.

Des groupements fonctionnels, desmembres performants

Outiller les femmes en compétences condi-tionne le bon fonctionnement des PTF,mais il ne peut assurer leur pérennité. Poury parvenir, il faut aussi des groupementsfonctionnels et d’autres sources de revenusque la PTF. Les trois types de formation, àsavoir organisationnelle, technique et éco-nomique mises en place par le Programmevisent précisément à relever ces défis.

La formation organisationnelleIl existe un guide sur la gestion opérationnel-le destiné au formateur et deux modules :l’un sur les rôles et tâches d’un CFG, l’autresur la tenue des outils de gestion. Le guiderenseigne sur la mission globale du CFG etles rôles et tâches de chaque membre duComité. Il permet le bon fonctionnement etla meilleure exploitation de la PTF.

Les femmes disposent de cinqfiches pour consigner les informations leur

permettant de gérer au quotidien et suivreleur outil de production. Sur la fiche demaintenance, sont consignés la date, lanature de la panne et les artisans ayanteffectué les réparations et les pièces utili-sées à cet effet. Une deuxième fiche indiquele temps de fonctionnement de la PTF :heure de début et de fin. Les caissières rem-plissent une fiche unique pour connaître aujour le jour le nombre de clientes et la recet-te par module. Deux fiches permettent à latrésorière de consigner d’une part lesentrées et sorties d’argent et d’autre part lesmouvements sur le compte de la PTF :dépôt, retrait, solde.

La formation techniqueLà aussi, il existe un guide du formateur etdes modules pour l’exploitation et la main-tenance des équipements et la sécurité. L’undes modules outille les femmes pour assu-rer les services de qualité en mouture,décorticage, broyage, etc. Le second type deformation porte sur la maintenance et lasécurité : les femmes apprennent à assurerl’entretien quotidien de la PTF et à détecterles anomalies du moteur ou des équipe-ments. En insistant sur la sécurité, leProgramme veut amener les exploitantes dela plate-forme à prendre conscience de sonimportance et à adopter les mesures quis’imposent pour éviter les accidents.

La formation économiqueCe type de formation constitue une répon-se à la demande des femmes de développerdes activités génératrices de revenus.L’acquisition des aptitudes peut concernerla fabrication du beurre de karité, de savon,

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la formation

Des moulins pas comme les autres

etc. Pour assurer ces formations, leProgramme fait appel à des personnes res-sources, dont il ne dispose pas dans sonéquipe.

La démarche de formation : partirde l’existant et concevoir des outilsadaptés

Comment produire des outils de formationadaptés pour les femmes rurales et mettreen place des structures de gestion fonction-nelles ? Certainement pas en venant pla-

quer des modules ou des approches péda-gogiques “prêt-à-porter”. La confection desoutils se fonde sur les observations desfemmes, qu’il a fallu adapter, en les tradui-sant en langue locale avec les bénéficiaires.La mise en route de la formation obéit àcertaines conditions.

AVANTs’assurer que le CFG est fonctionnel. Inutile

d’assurer une formation pour la forme. Sansun CFG fonctionnel, les chances de réussirsont faibles ;

identifier tous ceux qui vont participer à

1 - Elaborer un plan participatif de formation.Il faut rappeler que le programme a démarréavec des modules conçus au Mali. Bienqu’ayant fait la preuve de leur utilité, ceux-ciauraient été sans doute plus performants, sileur implantation avait obéi à une démarcheparticipative. Le Programme peut néan-moins faire une halte avec les bénéficiairespour une analyse globale de tous les outilsde formation pour élaborer a posteriori unplan participatif de formation. 2 - Valoriser les compétences locales en uti-lisant les femmes qui ont acquis de l’expé-rience sur les plans théorique et pratique,avec l’avantage de bien faire passer le mes-sage. Ainsi d’anciennes gestionnaires expé-rimentées des PTF, reconnues par leurscommunautés et la CAC pourraient formerles nouvelles gestionnaires. 3 - Introduire des supports audiovisuels deformation. Ces outils favorisent les échanges.

Ils suscitent le débat, mais sont pour lemoment inexistants. Ces supports audiovi-suels devront être accompagnés de fichestechniques pour en assurer une bonneexploitation.4 - Traduire systématiquement tous les outilsde formation dans la principale langue d’al-phabétisation de la zone pour remettre dessupports adaptés aux apprenantes en lieu etplace des simples notes qu’elles prennent etdont la fiabilité peut être sujette à caution. 5 - Faire de la restitution une pratique systé-matique à l’issue de la formation pour per-mettre à toutes les participantes de repartiravec le même message et de pouvoir le res-tituer dans les meilleures conditions pos-sibles (délai raisonnable, capacité à susciterles échanges autour du sujet restitué, etc.)6 - Organiser des jeux-concours radiopho-niques pour tester le niveau de connais-sances afin d’adapter les modules aux béné-ficiaires. Cette approche ludique crée unesprit de compétition qui stimule la participa-tion.

Améliorer l’existantSix conditions doivent être réuniespour réussir son plan de formation.

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la formation

Des moulins pas comme les autres

la formation, avec l’appui de l’animateur quiconnaît bien le groupe ;

élaborer des critères de choix des lieux etdu nombre de personnes à former : regrou-pement des CFG géographiquementproches (dans un même “diéma”). Lenombre de femmes ne doit pas excéder laquarantaine pour disposer d’une masse cri-tique tout en assurant une formation dequalité.

PENDANTla formation doit se dérouler en langue

locale pour que les participants puissent enmaîtriser le contenu ;

procéder au partage des expériences desgroupements et procéder à leur approfon-

dissement. Les expé-riences doivent êtreconsignées sur untableau. Confier cela àune des participantes.Objectif : amener lesfemmes à reconnaîtreleurs mérites. « Si ons’appuie sur ce qu’ellesont, cela assure lapérennité. On s’adapteà leur niveau deconnaissance », expli-que un formateur.

évaluer. Cette acti-vité ne consiste pas àfaire remplir par legroupe des fiches ougrilles d’évaluationclassiques. Elle metles apprenant(e)s ensituation de forma-

teurs et formatrices. Les évaluateurs peu-vent alors se rendre compte si l’enseigne-ment dispensé et les gestes appris ont étémaîtrisés.

APRÈSrestituer la formation aux autres

membres pour en assurer une large diffu-sion ;

charger l’animateur d’assurer le suivi pourl’application des connaissances ;

mettre à la disposition de la CAC les don-nées recueillies par l’animateur. Cela per-met de noter les changements, s’il y a lieu,de savoir si les nouvelles méthodes sontappliquées et de se faire une idée de l’effetde la formation. Des visites d’échanges interPTF peuvent aussi être organisées là où lesformations sont le mieux appliquées.

CFG mieux organisés, techniciennesconfirmées

La formation socio-organisationnelle portesur les rôles et tâches du CFG, la tenue desoutils de gestion. Résultat attendu ? UnCFG mieux organisé que les techniciens duprogramme décrivent ainsi : « il exécutebien ses rôles et tâches pour assurer la ren-tabilité de la PTF, pour l’énergie et luttercontre la pauvreté. Il tient correctement sesoutils, fait des rencontres de restitution,développe une vision commune, des straté-gies pour mieux rentabiliser la PTF, arrive àtransférer les compétences aux autresmembres du groupement villageois. Il déve-loppe des relations de partenariat avec lesinstitutions financières. Sa fiche de suivi

Des femmes alphabétisées, condition nécessaire pourune bonne maîtrise de lagestion des PTF.Démonstration lors de lacélébration de la Journéede l’alphabétisation àFada

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la formation

Des moulins pas comme les autres

permet de voir les mouvements en banque,bref d’assurer un bon suivi financier et derendre les groupements villageois plus cré-dibles ».

La formation technique dispenséesur l’exploitation des modules de la PTF, lasécurité et la maintenance, permet auxfemmes de bien exploiter les modules. Lesfemmes peuvent faire démarrer la PTF pourmoudre, décortiquer, etc. Elles appliquentles mesures de sécurité : par exempleempêcher les enfants de s’approcher desappareils, éviter certains accoutrements à“risque” comme les grands boubous. Danscertains cas, par souci de sécurité, certainesmeunières interdisent que les clientes vien-nent s’agglutiner dans le local de la PTF.

Pour la maintenance, les femmes saventcomment procéder quotidiennement augraissage des pièces mobiles, contrôler lesniveaux de carburant, d’huile et le systèmede refroidissement, etc. Elles arrivent enécoutant les bruits du moteur, à détecter lesanomalies. Dans ce cas, elles arrêtent lemoteur et font appel à l’artisan maintenan-cier.

Les trois clefs du succès

La formation ne produit son plein effet quesi certaines conditions sont réunies.L’exécution du programme dans l’Est duBurkina enseigne que trois sont détermi-nantes : l’alphabétisation, des outils adap-

Cher ami,Les femmes ne sont pas des élèvescomme les autres. Pour les former,sachez être à l’écoute !

Il n’y a pas si longtemps, cer-tains maris n’autorisaient pas leursépouses à aller aux réunions encoremoins à des formations. Désormais, lesfemmes peuvent participer aux ren-contres des groupements. Elles les diri-gent. Les PTF n’ont plus de secrets pourelles. Mais certaines manquent de l’es-sentiel : la confiance en soi. Assurerune bonne formation ne suffit pas, ilfaut amener les femmes à pouvoircompter sur elles-mêmes.

Un artisan s’étaitrendu dans une PTF à lademande des femmes pourun dépannage. Les femmesavaient conclu à une défaillance du cul-buteur. Les hommes mettaient en causele pot d’échappement. Les femmes aban-donnèrent leur hypothèse pour épousercelle des hommes. L’artisan s’acharnaalors sur le pot, sans succès. La panne sesituait effectivement au niveau du culbu-teur. Et l’artisan de conclure : « Ellessavaient où était la panne, mais comme iln’y avait personne pour les encourager… ».Sachez encourager les femmes, car savoiret manquer de confiance en soi, c’est pireque d’ignorer.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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la formation

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tés et une démarche appropriée. Desfemmes déjà alphabétisées constituent unatout de taille pour réussir la formation. En

Une femme meunière,cela n’existait pas par lepassé.

effet, elles disposent de plus d’aptitudespour prendre des notes pendant les sessionset assurer une meilleure restitution deretour dans leur village. M. Bonkoungouinsiste sur l’importance de l’alphabétisation :« L’alphabétisation, c’est vraiment le moteur.Tout ce qu’on a pu enregistrer comme succèss’explique par le fait que les gens étaient for-més et aptes à recevoir le message.L’alphabétisation, ce n’est pas seulement laformation. Elle permet l’ouverture et laconfiance en soi… ».

La méthodologie de la formation aégalement son importance. Elle doit êtrecaractérisée par la flexibilité, favoriser lesdébats, attirer l’attention sur les notionsimportantes à retenir. Enfin, l’existence d’unmodule de formation adapté (messages etsupports) aide grandement à assurer unebonne formation.

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Plus à l’aise au contact des machinesque dans son bureau, ChristopheOuédraogo mérite bien le titre de

“super docteur” des plates-formes. Ilcoordonne une équipe de 13 artisans dont11 mécaniciens et deux électriciens. Cesont les “docteurs moulins”, parfois d’an-ciens réparateurs de bicyclettes qu’il aformés pour en faire ses auxiliaires sur leterrain. Ceux-ci forment à leur tour lesfemmes à la gestion technique opération-nelle et assurent la maintenance et lesréparations. Ils font sa fierté. A raisond’un artisan pour 10 plates-formes, cha-cun intervient dans un rayon de 30 km àpartir de son chef-lieu de diéma. Les“docteurs moulins” font la fierté deOuédraogo. « Ils sont autonomes et sedébrouillent très bien. Cela permet deréduire les coûts de réparation », dit-il.Les artisans, dotés d’outils de mesure et declefs diverses font les installations et lesréparations.

Depuis 2003 que Christophe

« La connaissance se transfère, maisle développement se négocie » Au sein de l’équipe de la CAC de Tin Tua, c’est le moins loquace. Mais sur lesplates-formes, leur maintenance, la supervision des artisans, l’estimation descoûts de réparation, Christophe Ouédraogo, responsable technique à la CAC, peutsoutenir longtemps la conversation.

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Christopthe N. Ouédraogo

Des moulins pas comme les autres

Christohpe N. Ouédraogo

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occupe ce poste, lui le technicien à lavision carrée porte un autre regard sur lemonde et les êtres. Titulaire d’un CAP enmécanique auto, un BEP en maintenanceautomobile, il a exercé comme ensei-gnant dans ces matières en Côte d’Ivoireet à Fada. Désormais, c’est lui quiapprend. Parlant du développement, ildéclare : « on ne l’impose pas, ça senégocie ». Et pour cause. Lorsque le pro-gramme décide d’expérimenter la main-tenance préventive, peu de gens pariaientsur le succès d’une telle option. Commenten effet convaincre des femmes de “répa-rer” ce qui n’était pas encore “gâté” ?Ouédraogo et son équipe rencontrentalors les femmes. Ils prennent le tempsqu’il faut pour discuter avec elles, s’assu-rer qu’elles comprennent la nécessité de

payer le service, de changer certainespièces, même non abîmées à intervallesréguliers ? « On leur a expliqué pourquoiil fallait procéder ainsi. Nous avons dûêtre patients pour qu’on puisse s’accor-der. Le développement ça ne s’impose pasça se négocie. C’est la grande leçon queje tire de cette approche ».

Parallèlement à la découverte dumonde du développement, notre techni-cien améliore ses performances aucontact de ses collègues du siège. Il lereconnaît volontiers. « Mon niveau s’estélevé grâce aux contacts avec des ingé-nieurs. On requiert mon avis pour élabo-rer des termes de référence et des docu-ments d’experts… ça me fait un “plus”personnel », dit Christophe Ouédraogo,le technicien-développeur.

Christopthe N. Ouédraogo

Des moulins pas comme les autres

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la progressivité

Des moulins pas comme les autres

«L’approche progressiveconsiste à aller parétapes et à passer à l’éta-pe suivante après l’assi-

milation de l’étape précédente. Il faut avoirune échelle de progression et amener les gensà changer au fur et à mesure », résumeHonoré Bonkoungou. « Là où nous appor-tons la PTF, on veut amener les gens à évo-luer dans la maîtrise des outils et desméthodes. Cela implique d’aller progressive-ment », complète Moussa Dahani.

La progressivité touche à tout,depuis les activités de renforcementorganisationnel et de formation, jus-qu’aux équipements, dont l’installationse fait de manière progressive. « On faitattention à l’assimilation par les gens avantde continuer », explique M. Bonkoungou.

L’approche progressive n’est pasune coquetterie pédagogique. Elle s’im-pose, vu l’hétérogénéité du niveau dupublic à former et la nécessité d’une réel-

le responsabilisation des bénéficiaires.Elle commande d’aller non seulementpas à pas, mais de le faire au rythme de lamajorité des apprenants. Cette approcheexige une capacité d’écoute et d’observa-tion, qui ne sont pas toujours compa-tibles avec les pratiques habituelles desagents de développement. Mais bienconduite, elle permet d’assurer une réellemaîtrise technique, sociale, organisation-nelle de la PTF.

Autre avantage : elle permet deformer le plus de femmes, notammentcelles du CFG et même du groupement.L’indisponibilité d’un individu ne pénali-se pas tout le groupe. Chaque élément est“interchangeable”. Aller au rythme dumeilleur et assurer sa seule formationpour mettre en œuvre les activités, c’estcourir le risque que tout s’arrête s’il estdéfaillant ou quitte le village. « Il ne fautpas que le processus soit pris en otage par un seulindividu », explique M. Bonkoungou.

Trouver le bon tempo pour ne pas distancer les femmes et parvenir à respecter lecalendrier d’exécution du programme. L’approche progressive permet d’aller aurythme des acteurs. Mais concorde-t-elle avec les exigences du Programme enterme de résultats attendus et de délais à respecter ? Concilier ces deux objectifs,contradictoires en apparence, conditionne le succès de tout projet. Comment laPTF dans l’Est procède-t-elle ?

LA PROGRESSIVITÉ

Une question de rythme

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la confiance en soi

Des moulins pas comme les autres

Elancée et toujours souriante,Namoussa Tindano, n’a riend’une révolutionnaire. Maisdans son milieu, elle pourrait

passer pour telle. Le seul fait de rappelerle sort fait aux femmes par le passé l’au-rait, il n’y a pas si longtemps, mis au ban

de sa communauté. « Avant la PTF,quand un partenaire ou un appui quel-conque arrivait au village, on informaitles hommes qui nous informaient à leurtour ».

Aujourd’hui, les choses se sontinversées. « Maintenant nous sommes lespremières interlocutrices. Et quand il y aquelque chose, nous sommes souvent lespremières informées ». Cette reconnais-sance rend service aux femmes.Convaincus de leurs compétences, lesresponsables du village les font venir à lamoindre immobilisation de la PTF pourcomprendre ce qui se passe. Elles expli-quent alors la nature de la panne, lesmesures envisagées pour la réparer. « Celaétablit le dialogue avec les notables du vil-lage. C’est un grand changement que noussaluons », explique Mme Tindano.

Les femmes s’expriment au seindes instances d’animation de la vie au vil-lage. Très peu de décisions importantes seprennent sans requérir leur avis.

Participer aux prises de décision, vaincre la peur, acquérir de la confiance en soiet s’ouvrir aux autres… Les femmes, hier incapables de prendre la parole enpublic, défendent leurs positions et leurs intérêts. A l’origine de cette “émanci-pation” : la formation, l’appui des hommes, notamment des notables, la recon-naissance des mérites des femmes par la communauté, etc.

Namoussa Tindano, présidente du CFG de

Soaligou

Du doute à la certitudeLA CONFIANCE EN SOI

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la confiance en soi

Des moulins pas comme les autres

Ce changement, Tindano Namoussal’attribue à l’arrivée de la PTF. Celle-ci aaccru la considération des femmes auprèsdes notables et des autres habitants du vil-lage. Soaligou qui peinait à trouver del’eau dispose d’un réseau d’eau alimentépar la PTF. Ce changement, attribué auxfemmes, fait de celles-ci des personnesécoutées et davantage considérées.

Du temps et du pragmatisme

Aider les femmes à ne plus douterd’elles-mêmes demande du temps et dupragmatisme. La CAC insiste auprès desformateurs pour qu’ils mettent lesfemmes en situation face à la machine,afin qu’elles prennent de l’assurance lorsde l’exécution des tâches. Les formateursrestent deux à trois jours pour rassurer lesapprenantes. Ils reconnaissent aussi leurpotentiel auquel ils ajoutent des compé-tences techniques.

Les visites techniques et lesvoyages d’études, le partage d’expé-riences renforcent aussi la confiance ensoi des femmes.

Les compétences acquises enmatière de gestion opérationnelle, d’orga-nisation, de négociation permettent auxfemmes de repousser leurs propreslimites.

Les responsabilités acquises dansles groupements, lors des rencontresd’échanges par exemple aident lesfemmes à mieux assumer leurs responsa-

bilités, à se libérer. Elles se découvrent denouvelles capacités.

Les sensibilisations, la créationd’emplois pour les femmes et leur res-ponsabilisation comptent pour beaucoupdans l’acquisition de la confiance en soi.Un animateur de Soaligou explique com-ment. « Au village il y a peu d’emplois endehors de l’appui apporté par les projetsaux femmes. Si ça continue, les gens vontconstater que ce sont les femmes qui peu-vent développer le village. Cela poussera

Gomoré. La confianceen soi se cultive etse transmet.

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la confiance en soi

Des moulins pas comme les autres

les hommes à écouter les femmes. Auniveau des PTF, ça marche, puisque pouravoir une plate-forme, il faut être ungroupement féminin. A Soaligou, les

femmes gèrent, les hommes suivent. C’estce qui peut apporter le changement ».

Certains attribuent aussi cetteconfiance en soi des femmes aux reli-gions. Dans les églises, les chants et lesdanses libèrent les fidèles. Les femmesdéclament des versets devant l’assistance.Bref, elles apprennent à surmonter lagêne.

Construire la confiance

La confiance se construit. Toute la com-munauté, de la cellule familiale auconseil de village, doit y apporter sa pier-re. Pour anéantir le sentiment d’incapaci-té et de peur qui peut parfois paralyser,

Cher ami Amener les femmes à avoir confiance enelles peut paraître a priori simple, maisil ne faut pas négliger la difficulté de latâche. Celle-ci requiert de la volonté.L’agent peut se retrouver face à un murd’indifférence. A l’implantation desPTF, nombre de gens, à commencer parles femmes elles-mêmes, doutaientqu’une des leurs puisse offrir des ser-vices de mouture corrects. Une femmemeunière ça n’existait pas. Quand il estquestion de technique, les groupementspensent spontanément à un homme.L’appropriation de l’outil par lesfemmes se fera au fil du temps grâce àl’appui dont elles bénéficient.

Désormais, ellesrecourent très peu auxhommes, sauf pour alleracheter du carburant dansune autre localité.

La réussite est au bout de la per-sévérance. Il est donc important que lesanimateurs sensibilisent les femmes surl’outil PTF qui leur appartient, et sur lanécessité de se l’approprier complète-ment. Pour cela, les formations clas-siques doivent faire place au regroupe-ment dans une PTF pour pratiquer l’acti-vité avec l’appui d’un artisan. Cela per-met aux membres du CFG de constaterqu’il s’agit de technologies simples qu’ellespeuvent maîtriser.

Les travaux de construc-tion du château d’eau deSoaligou. Cet ouvrage ali-menté par la PTF varéduire la corvée d’eau.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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la confiance en soi

Des moulins pas comme les autres

les proches et l’équipe de la CAC jouentun rôle de premier plan. « Il faut pousserles femmes à démarrer elles-mêmes lamachine et à se surpasser », rappelle unresponsable de “diéma”. Un artisanconseille : « Il faut laisser les femmestravailler de façon autonome. Elles peu-vent alors avoir confiance en elle. Il fautleur faire comprendre qu’elles ne peuventpas faire un travail sans “gâter” quelquechose. On ne peut pas travailler avec unemachine sans avoir une panne. Cela vales rassurer et elles auront confiance enelles-mêmes ».

Le rôle du formateur est doncessentiel. Il doit être respectueux de lapersonne formée et connaître ses fai-blesses pour ne pas créer des situations oùelle perd ses ressources à la moindrecontrariété.

Bien que le Programme PTF n’or-ganise pas de sessions de formation surl’estime de soi, il privilégie les cours

techniques où les femmes sont en situa-tion. C’est le cas lors de la mise en placedu CFG ou au cours de la défense desprojets de développement.

Les partages d’expériences per-mettent aussi aux hommes de connaîtreles bonnes pratiques d’autres villages quiont permis la participation des femmes etdonc de s’en inspirer.

Pour que les femmes soient res-ponsables de la PTF, certains vont jus-qu’à suggérer : « il faut dire clairementaux femmes que si elles n’arrivent pas àbien gérer la PTF, on va l’amenerailleurs et là elles vont bien s’y mettre ».Cela aurait pour effet de doper la volontédes femmes et de les amener à se surpas-ser.

La valorisation des compétencescrée la confiance chez les femmes. Ellecrée les conditions favorables au désird’en apprendre plus, d’accroître ses per-formances.

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88 Des moulins pas comme les autres

Les acteurs s’expriment

Le mode de fonctionnementde la PTF nous a ouvert l’es-prit. Il y a un CFG composéd’une présidente, d’une cais-sière, de deux meunières etd’une secrétaire trésorière.Cela permet de connaître lenombre de clients qui vien-nent pour le service de mou-ture par exemple, les mon-tants engrangés, la recette dela journée… Cette organisation a changénotre mentalité. Par le passé,nous avions un moulin, maisce fut l’échec. Les meu-nières indiquaient le montanten caisse sans justification.Personne ne pouvait contes-ter ce qu’elles disaient.

La première fois que j’ai vuune femme démarrer la PTFà Soaligou je ne m’en reve-nais pas, puisque je n’avaisjamais vu ça. Je me suisdemandé qui le lui avaitappris. Au début, personnen’y croyait, mais avec laformation et l’appui des ani-mateurs, les femmes ont pudémarrer un moulin et lefaire fonctionner Les hommes font de moinsen moins de différence entrece qu’ils peuvent faire et ceque peut faire une femme.Tout le monde peut démar-rer la machine et voir ce quine va pas. Tout le mondepeut enlever les meules pourles faire aiguiser.

On travaille toute la journéeà la PTF et après, chaquemembre de la CFG remplitses outils de gestion. A lamaison, lorsqu’un de mesenfants ou mon mari medemande ce que je fais, je lelui explique. Le simple faitde remplir les outils de ges-tion accroît la considérationque les membres de mafamille me témoignent.

La formation a beaucoupcontribué au changement,car elle nous a permis decomprendre l’importancede la concertation au seindu groupement. Pour touteaction qu’on veut entre-prendre, on échanged’abord. La prise de déci-sion implique tout lemonde. Du coup, tout lemonde s’engage et on exé-cute l’activité.

Taboudou Timimba,Kogoudou

Yarga Timbendi, Pièla Marielle, Mano, Tougnoabou Laali Lankoandé, Pièla

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Dagouoba Damiba

Des moulins pas comme les autres

Le courage de Dagouoba est admi-rable. Malgré l’extrême pauvretéde ses parents, une année blanche

passée aux côtés de sa mère malade às’occuper des travaux ménagers et de sesfrères, elle persiste à terminer son cur-sus. Elève et agricultrice, elle entretientun lopin de terre dont les revenus l’ai-dent à assurer sa scolarité. L’année der-nière, elle a récolté cinq sacs d’arachide.

Dagouoba veut devenir « docteurpour soigner les gens ». Elle veut aussiavoir beaucoup d’argent pour aider sesparents. Elle semble bien partie, car elleest troisième de sa classe.

Cette jeune fille qui dit apprécierl’obéissance, l’amour du travail, prendaussi du bon temps. Elle joue au ballon lesamedi soir et occupe le poste d’avant-centre dans l’équipe de l’école. Elle aimeaussi la lecture « parce que ça peut m’aiderdans mes études », dit-elle. Son maître lacite en exemple. « Elle s’est toujours sur-passée. Et elle ne laisse rien apparaître de ses

problèmes. Elle apaise aussi les tensions entreles élèves. Elle fait preuve de maturité ».

Si Dagouoba peut caresser le rêvede réussir à l’école, elle le doit avant tout

Plus qu’assidue, tenaceEn d’autres temps, elle serait sans doute mariée ou occupée à aider ses parentsau champ. A 18 ans, Dagouoba Damiba fréquente le CM2, à l’école de Soaligou, unhameau perdu de l’Est du Burkina. Elle prépare le certificat d’études primaires etrêve d’aller au collège à Piela. Si ces projets aboutissent, elle le devra en grandepartie à sa mère, convaincue que la réussite des filles passe par l’école. L’histoirede Dagouoba n’a rien d’inhabituel dans l’Est du Burkina. Où parfois les enfants,pour de multiples raisons, vont très tard à l’école. Faut-il pour autant leur en fer-mer les portes ?

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eDagouoba Damiba

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Dagouoba Damiba

Des moulins pas comme les autres

à sa mère mais aussi à une politiquevolontariste du gouvernement burkinabérelayée par des organismes de développe-ment.

Sa maman reste le premier sou-tien de Dagouoba. Elle paie sa scolarité,le père assurant celle des garçons. Lamère n’arrête jamais de prodiguer desconseils à sa fille. « N’abandonne jamaisl’école parce que tu deviendras comme moi :pauvre et malade. Par contre, si tu persévères,tu pourras aider ta famille un jour ».Dagouoba ne va pas chercher l’eau ou lebois, sauf si elle est inoccupée. La jeune

fille explique l’attitude de sa mère parson ardent désir de la voir réussir.

Certes la PTF ne saurait justifierà elle seule l’accroissement du taux descolarisation des filles à Soaligou, maiselle y contribue. La mère de Dagouobaexplique comment : « Quand on revientdu champ, on ne se fatigue plus pour piler lemil. Pas besoin de faire appel aux enfants.Mais le plus important, ce sont les sessions decauseries et d’éducation qui nous ouvrent lesyeux. Et cela nous permet de libérer nos fillespour qu’elles partent à l’école ».

L’effort en faveur de la scolarisa-tion résulte d’une volonté politiqueaccompagnée sur le terrain par lesacteurs du développement. Tin Tua s’estrésolument engagé sur cette voie. Lesconseillers de l’association sensibilisentsans cesse les familles pour envoyer leursfilles à l’école quel que soit leur âge. Ce quiexplique que Dagouoba soit au primaire,tandis qu’ailleurs certains de ses petitscamarades entrent à l’université.

Mais ce n’est pas le moindre desmérites de cette jeune fille de persévérersur la voie qu’elle s’est choisie. Mais ellepeut compter sur sa mère pour l’épaulerdans son long combat pour un avenirmeilleur.

La mère de Dagouoba.Changer le destin de sa

fille coûte que coûte.

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91Des moulins pas comme les autres

kiwamba Lankoandé

Soif de lumièreDe 8 H à 22 H, les clients peuvent trinquer et deviser gaiement à la buvette deKiwamba Lankoandé. Le barman ne fait pas seulement de bonnes affaires, iln’achète quasiment plus de pétrole. Car ses enfants, apparemment insensibles aubruit ambiant, profitent de l’éclairage pour étudier.

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dé,b

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anInstallé au bord de la principale voie dePiéla, Kiwamba accueille dans sa buvet-te les habitants de ce gros village et les

étrangers de passage. Le tenancier astu-cieux, rompu à l’art du marketing, empileles caisses de bouteilles devant son établis-sement pour attirer les clients. Cette tech-nique, efficace la journée, ne l’est plus lanuit. En effet, avant que la PTF ne fournissel’éclairage, la buvette, si animée et bourdon-nante dans la journée, sombrait dans lesilence, la nuit venue. « Sans la PTF, dans lasoirée, même si je reste tard la nuit, lesclients ne sortent pas. J’ai à peine 10 clientsla nuit. » Mais depuis l’implantation de laPTF, le nombre des clients a doublé.Kiwamba Lankoandé vit dans sa buvetteune ambiance de jour de fête chaque nuit. Ilconfie fièrement : « Avec l’éclairage, J’aiplus de 20 clients la nuit. Je ne sens plus ladifférence entre le jour et la nuit ».

Faire étudier ses enfants

Kiwamba Lankoandé profite doublementde la PTF. La nuit, insensibles au bruit desclients, ses enfants profitent de l’éclairagede la buvette pour étudier. Kiwamba estcontent d’éviter à ses enfants les mauxd’yeux qu’entraîne souvent la lecture à la

lampe-tempête « La nuit, les enfants for-ment des groupes de travail pour s’expli-quer les leçons, faire des exercices etapprendre à lire ensemble. Cela est ungrand avantage pour leurs études et leursanté ».

Avec l’énergie de la PTF, la buvettede Kiwamba fonctionne jusqu’à 22 H. Ilpeut accueillir 50 clients par jour et l’éclai-rage aide à l’éducation de ses enfants.Aujourd’hui, Kiwamba en veut plus. Ilcaresse le rêve de voir le nombre de sesclients tripler et sa buvette fonctionner 24heures sur 24.

Kiwamba Lankoandé

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Le suivi

Des moulins pas comme les autres

Le dispositif peut dérouter par sacomplexité, mais il suffit de com-prendre les rôles des uns et desautres pour en reconnaître la perti-

nence. Le système de suivi s’appuie sur deuxpiliers : l’un politique, le “diéma”, en liendirect avec les bénéficiaires, et l’autre tech-

nique, la CAC. La Cellule travaille en étroi-te collaboration avec l’animateur de TinTua, qui accompagne le CFG pour atteindreles objectifs du Programme. A chacund’exercer au mieux son rôle !

Les responsables du “diéma” ren-contrent les femmes pour échanger sur lavie de la plate-forme. Il ne leur appartientpas de dire que tel document a été bien oumal rempli. Ce rôle revient à l’animateur, aucœur du dispositif. Le suivi rapproché,qu’assure l’animateur, vise principalementle renforcement des compétences tech-niques et la mise en relation avec les arti-sans et les prestataires.

L’animateur collecte aussi les don-nées dans les PTF, les achemine au “diéma”pour visa avant transmission à la CAC.Celle-ci n’assure pas de suivi quotidien,mais général. La CAC produit un rapporttransmis au secrétariat exécutif de Tin Tua,qui le fait parvenir à la coordination natio-nale. « C’est vraiment une chaîne », s’ex-clame enthousiaste, Moussa Dahani, res-

L’affaire de tous

LE SUIVI

Suivre, s’assurer que les activités se déroulent comme prévu et aider à surmon-ter les difficultés qui jalonnent le chemin : peu de projets dérogent à cette règle.Le programme PTF se distingue en assurant non seulement un suivi rapprochémais aussi en se dotant d’instruments de mesure de l’autonomie pour alléger sondispositif de suivi. En deux ans, un délai relativement court, de nombreux CFGs’autonomisent.

Les nombreuses ren-contres entre le person-nel de la CAC et lesmembres des groupe-ments facilitent le suiviet rassurent les femmes.

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Le suivi

Des moulins pas comme les autres

ponsable du suivi. Ayant eu à exercer lesmêmes fonctions par le passé dans d’autresprojets, il connaît les limites des systèmesclassiques et apprécie mieux ce qu’il consi-dère comme les points forts du suivi, ver-sion PTF. « S’il y a plusieurs suivis sur uneactivité, ça encourage davantage que si on aaffaire à une seule personne qui passe unefois par mois, ou moins. Souvent, c’est uneseule visite l’an et c’est fini. Si le suivi est faitpar plusieurs personnes, le bénéficiaireapprend beaucoup de choses », dit-il.

En attente d’appui

A titre d’illustration, en juillet 2006, un pro-moteur reçoit, comme c’est souvent le cas,la visite d’un agent de la CAC, venu livrerdes vis pour la maintenance et des pièces àchanger une fois tous les six mois. Après ledépart de l’agent de la CAC, les respon-sables du “diéma” sont venus s’assurer quetout se passait bien. Les autres membres desCFG ont été invités à venir au chef-lieu s’ap-provisionner en vis. Un artisan résidant auchef-lieu a assuré l’appui aux PTF dans lesvillages.

L’appui de proximité permet à l’ani-mateur, lors de ses tournées régulières, demettre en évidence les difficultés de rem-plissage des fiches ou des documents. S’ilparvient à les corriger, l’agent de la CACtrouvera les fiches propres et bien remplies.Il encouragera les femmes pour la qualité deleur travail. Celles-ci comprendront l’im-portance de l’appui-conseil apporté parl’animateur. Et du coup, elles accepterontmieux ses conseils. Bref, chaque maillon dela chaîne aura bien fonctionné.

L’histoire dudéveloppement four-mille d’exemples deréalisations inache-vées faute de suivi. Unagent technique citele cas du logementd’un enseignant dontla construction a durédeux ans. Le suivi sefaisait depuis lacapitale. Et l’agentde constater : « Ona fait une année sansjamais terminer celogement. Alors quesi l’appui-conseil étaitplus proche celaaurait facilité la res-ponsabilisation et laparticipation. L’ab-sence finit par émous-ser l’enthousiasmedes gens. Quand onvient, on ne trouvepersonne. Il faut cou-rir par-ci par-là pour les attraper et ce n’estplus une bonne mobilisation ».

Mentalité d’assistée, manque deconfiance en soi : il arrive que certainesfemmes renoncent à exploiter un moulinpour le remettre aux hommes. Ce fut le casà une quarantaine de km de Piéla. En 1999,les femmes de ce village reçoivent un mou-lin flambant neuf. Elles sont formées pourl’exploiter. Tant que les responsables du“diéma” se rendaient sur les lieux une foispar mois pour s’assurer du bon fonctionne-ment de l’équipement, tout marchait bien.

Des artisans “volants”pour dépanner à lademande.

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Le suivi

Des moulins pas comme les autres

Après une interruption de quatre mois, lesvisiteurs constatent que le moulin nemarche plus. Ce que les femmes confirmenten leur expliquant que cela dure depuis dessemaines. Elles attendaient tranquillementqu’ils viennent le réparer. Ce qui fut fait etles activités reprirent. Faute d’un suivi régu-lier, les difficultés recommencèrent. Lesfemmes reconnaissent volontiers que lemoulin les aide et allége leurs tâches ména-gères, mais elles se disent incapables de legérer. Elles proposent de le louer à unhomme. Les responsables du “diéma” refu-sent. Le moulin est immobilisé un andurant. Puis en désespoir de cause, ilsacceptent de confier la gérance à un homme

proposé par les femmes elles-mêmes.Curieusement, le moulin fonctionne encoreaujourd’hui.

Suivi lourd ? Pas vraiment ?

De toute évidence, la proximité et la régula-rité de l’appui-conseil aident les femmes àmieux assumer leurs responsabilités. Pourautant, le système de la PTF n’est-il pas troplourd ? « Non », répond le président du“diéma” de Piéla. « Ce n’est pas lourd. C’estune organisation interne au niveau “diéma”.En fait, c’est une activité qui entre dans lecadre des tâches du “diéma”. Donc chacunest obligé de suivre. Quand le diéma cite sesactivités, si la PTF n’est pas en premièreposition, elle vient en deuxième position.C’est pourquoi, ce n’est pas une charge ».

Le président rappelle que les tâchessont bien réparties. L’animateur donne desconseils que viennent renforcer et complé-ter les responsables et les agents CAC. « Lesuivi augmente les motivations des bénéfi-ciaires », estime le président qui poursuit :« C’est comme une formation. Apprendreaux femmes comment moudre le mil, c’estune formation. Si vous vous contentez devenir enseigner cela une fois tous les sixmois, elles finiront par se décourager ».

Un suivi de qualité, prin-cipal atout duProgramme et gage dedurabilité.

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95Des moulins pas comme les autres

Les acteurs s’expriment

Merci à la CAC ! Même sion réveille ses agents àminuit, pour leur faire partd’un problème, le lendemainmatin, ils nous apportent lasolution. Pour que la CACsoit efficace, elle doit êtredisponible. Ensuite, il y a lesartisans. Si nous avons despannes, la PTF ne peut pasêtre fermée pendant un àdeux jours avant que l’arti-san arrive. Quel que soit leproblème, si les animateursn’arrivent pas à résoudre, sion fait appel à la CAC, ontrouve la solution.

C’est grâce au suivi que lesfemmes ont pu renforcerleurs capacités techniquesde gestion de la PTF. Pourdémarrer le moulin, lesfemmes apprennent petit àpetit et finissent par réussir.Pour moi, une PTF commu-nautaire, c’est comme unâne qui laboure. Si on attèlela charrue sans diriger l’âne,il va et s’arrête où il veut.Mais si tu le diriges bien audébut, chaque jour il faitbien son travail. Si le suivin’est pas bien fait pour queça aille loin, ça va s’arrêter.

Avant l’implantation desPTF, il existait des moulinssimples, mais sans suivi.Trois de ces moulins instal-lés entre 1992 et 1998, dansles villages du “diéma” dePiéla, sont tous tombés enfaillite, faute de suivi. Lesgens n’étaient pas formés etils devaient se débrouillertout seuls. Mais avec l’arri-vée de la PTF, comme il y aplusieurs suivis, on constatequ’il y a beaucoup de chan-gements.

Le suivi permet de bienfaire fonctionner la PTF. Sivous arrivez dans la PTF,vous verrez que ce sont lesfemmes qui font moudre legrain et ça c’est rare. Si legas-oil manque, une femmeprend son vélo pour allerchercher. Aiguiser lesmeules ? C’est encore lesfemmes. Tout ça c’est lerésultat du suivi et de lasensibilisation, l’appui del’animateur, du “diéma” etde la CAC. Sinon, ellesn’auraient pas pu le faire.En tout cas, il aurait falluplus de temps.Si les femmes bénéficientd’une formation et d’un bonsuivi, leur moulin marchemieux que celui deshommes. Mais tant qu’ellesn’ont pas de suivi, jamaiselles ne pourront faire mar-cher le moulin.Il y a aussi une répartitiondes rôles, entre animateurs,“diéma” et CAC pouratteindre un objectif com-mun.

Marie-Claire Ouoba, animatrice, Kantchari

Yarga Timbendi, promoteur prrivé

Yamidié Lankoandé, président, “diéma” dePièla

Michel Nouaidié, animateur, Pièla

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Samuel lankoandé

Des moulins pas comme les autres

AKalmama, un village de la zonede Pama, dans l’Est du Burkina,Samuel Lankoandé ne passe pas

inaperçu. De loin, les ronflements de samoto, son unique moyen de déplacement,annoncent son arrivée. Une fois parsemaine, il vient aider les membres ducomité féminin de gestion à bien exercerleurs tâches. Aujourd’hui, il rend visiteau groupement “lagamtaba”, composé de80 femmes, dont 17 savent lire et écrire.Il vient s’assurer que les femmes maîtri-sent les techniques de restitution men-suelle des données. Ce jour-là, le groupe-ment tient sa réunion de restitution. Ils’installe dans un coin et observe. Carcela fait déjà quelques mois qu’il a incul-qué aux femmes les rudiments en lamatière. Normalement, elles devraientpouvoir se passer de lui. Samuel prendnote de leurs lacunes et réussites. Il saitainsi sur quoi mettre l’accent lors de saprochaine mission de suivi. A la fin de lasession, premier bilan : les femmes pen-sent s’être bien acquittées de leurs

tâches. Lui n’est pas de cet avis. « Ellesoublient de mentionner l’heure de démarrageou d’arrêt de la PTF de façon systématique.Ce qui complique le suivi. Car sans cela, il estquasiment impossible de calculer le temps defonctionnement du moteur pendant la jour-née. Elles ont donc un problème de remplissa-ge de cette fiche. Mais elles n’en ont rien ditpendant la restitution », résume-t-il. Maisce que Samuel a peut-être oublié, c’estque les femmes se sont bien appropriéesleurs outils de gestion et n’ont retenuque les outils strictement utiles pourelles.

N’est pas animateur qui veut.Apprendre à des femmes qui n’ont jamaisgéré une unité économique à le faire neva pas de soi. Lankoandé reconnaît quec’est « un lourd travail pour l’animateur,car il faut commencer à la base : qu’est-cequ’un bien public, comment le gérer, qu’est-ceque ça peut rapporter ? ». Ces conditionsremplies, les femmes se montrent assi-dues et appliquées. Certaines arrivent àdémarrer la plate-forme, font correcte-

Les yeux et les oreilles du Projet au villageDe la disponibilité à revendre, une bonne dose de moralité, des connaissancestechniques… Autant de qualités qui font de l’animateur, le meilleur ambassadeurdu projet auprès des populations. Samuel Lankoandé, exerce ce métier depuis unebonne dizaine d’années. Il mérite le titre de “représentant permanent”.

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Samuel Lankoandé

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Samuel lankoandé

Des moulins pas comme les autres

ment la mouture. Elles prennent partaux rencontres.

La personnalité de l’animateurconstitue une des clefs du succès. SamuelLankoandé décrit l’animateur modèle ences termes : « il doit être physiquementapte et avoir un bon caractère. Il doit avoir lesens de l’accueil, faire preuve de patience,s’exprimer clairement, être compétent et fairepasser le message. Il doit prendre garde à ceque les hommes ne détournent pas l’équipe-ment ». Samuel insiste sur un autre pointrarement abordé : le comportement. Ildéconseille aux animateurs de s’intéres-ser de trop près aux femmes. « ça peutcréer des conflits et ça peut empêcher l’anima-teur de pouvoir mettre pied dans le village »,explique cet amateur de sport, qui s’estprésenté en mai dernier aux électionslégislatives dans sa zone. « Vu les pro-blèmes que vit ma province, je veux me battreet l’amener sur la voie du développement »,explique ce candidat malheureux à ladéputation.

Communiquer avec lesfemmes : un art qu’ilfaut maîtriser pourfaciliter l’adoption desmessages.

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98 Des moulins pas comme les autres

C’est une modeste cabane en boisqui ne paie pas de mine. Maispour les habitants de Piéla, c’est

la référence en matière de restaurationrapide. Les clients y affluent et M.Nadiéba sert riz, café, sandwiches etomelette sans désemparer. Quasimentseul aux fourneaux, le “kiosquier” fait lanavette à longueur de journée entre le

marché de Piéla et son fastfood pours’approvisionner en huile, additifs ali-mentaires et autres ingrédients. Des occu-pations journalières combien épuisantespour le kiosquier passionné qui n’arrivaitpourtant pas à satisfaire ses clients dusoir.

Ce n’est plus le cas depuis l’arri-vée de la PTF à Piéla. Depuis cinq ans,Nadiéba Mimhenmi dispose de plus detemps pour accueillir ses clients pour ledîner. Si par le passé il préparait le rizune fois dans la journée, désormais, ilsert le repas jusqu’à 22 heures sans inter-ruption. « J’arrive à satisfaire mieux mesclients la nuit, j’ai le temps de bien prépareret je me sens bien dans le travail, parce que jene le fais plus à la hâte, je prends mon tempspour bien faire » Nadiéba réorganise sontravail. « Ce temps que j’ai grâce à la PTF,je l’utilise pour rentabiliser mon commerce.

Quand l’éclairage aiguise l’appétit des affairesNadiéba Mimhenni rêve de nourrir tout Piéla avec son kiosque. Il sert le petit-déjeuner et le déjeuner. Avec l’éclairage, ses clients ne dîneront plus dans l’obs-curité. Nadiéba gère mieux son temps à la satisfaction de sa clientèle.

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Nadiéba Mimhenmi

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Nadiéba mimhenmi

Des moulins pas comme les autres

Par exemple, avant c’était le jour que je fai-sais tout le travail. Des fois, je ne finissais pastôt. Maintenant, je fais la moitié de mon tra-vail la nuit. J’égorge les poulets et j’apprêtela viande, pafois dure à cuire. Du coup, lematin la sauce devient facile à faire ».

Longtemps limité dans ses ambi-tions, faute de temps et d’éclairage,Nadiéba arrivait difficilement à organiserson travail et à satisfaire sa clientèle. « Lesoir, j’étais obligé de fermer, malgré l’affluen-

ce de la clientèle. Je ne peux pas travaillerdans le noir et sans éclairage ».

L’éclairage a donc été à l’originedu gain de temps de M. Nadiéba. En arri-vant à coordonner ainsi son travail, lekiosquier rêve d’étendre ses activités envendant la sucrerie et l’eau glacée. Pourun homme d’affaires à l’appétit aussivorace, un tel projet ne devait pas tarderà se réaliser.

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le partenariat

Des moulins pas comme les autres

La concurrence, l’affaire des seulesentreprises privées ? Pas vraiment.Le monde du développement four-mille d’exemples où chaque projet

veut tirer la couverture à soi. Dans un villa-ge de la Gnagna, une province de l’Est duBurkina, un organisme avait construit uneécole de trois classes et deux logementspour les maîtres. L’année d’après, un pro-gramme d’envergure nationale édifiait troisautres classes. A la fin des travaux, le direc-teur de l’école se retrouvait avec quatrelogements. Que dire aussi des conditionschangeantes, selon l’intervenant, des tauxde crédit ou de contribution pour l’alphabé-tisation ? Tandis que certains projetsdemandent une contribution, fut-elle sym-bolique (cahier et ardoise), pour que l’ap-prenant prouve son intérêt et son engage-ment, ailleurs, tout est gratuit. De la nourri-ture et des “per diem” sont même servis.

Ces approches différentes finissent pardérouter la population, qui ne manque pasd’en tirer profit, jouant les organismes d’ap-pui les uns contre les autres. Ces deuxexemples prouvent que l’absence de parte-nariat occasionne du gaspillage de res-sources et peut durablement hypothéquerle développement.

Investissements programmés

M. Ouga Yaméogo, le responsable infra-structure du Projet Fonds d’autopromotion(PFA), un projet financé par la GTZ, etintervenant dans la région de l’Est, est fami-lier de ces problèmes. Il les attribue à l’in-existence d’un esprit de partenariat dans lemonde du développement, mais pas seule-ment. Les procédures des bailleurs defonds, les décisions imposées de la capitale,l’absence de coordination réelle des activi-

Un champ en fricheLE PARTENARIAT

Toujours proclamé, rarement mis en œuvre, le partenariat exige que les deux par-ties y croient, entrent en dialogue et persévèrent dans l’effort. Il faut aussi sur-monter la réticence, supposée ou réelle, des bailleurs de fonds aux procéduresdifférentes et tous soucieux de la visibilité de leur intervention. A qui attribueren effet les bénéfices des résultats issus du partenariat ? Le Programme PTF dansl’Est du Burkina joue à fond la carte du partenariat. Il parvient ainsi à faire finan-cer des équipements et des locaux pour abriter les PTF, facilite l’accès au créditdes femmes. Lui-même recourt à d’autres structures ou projets pour assurer cer-taines prestations (installation de réseau d’eau, formation, etc.).

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le partenariat

Des moulins pas comme les autres

tés de développement à l’échelle localeexpliquent aussi cette situation. « Chaquebailleur a ses conditions que ni les agentsterrain, ni le gouvernement ne peuventchanger, s’ils veulent bénéficier des fonds.Ce qui explique que lorsqu’on va sur le ter-rain, tel partenaire aide les populations avectelles conditions et tel autre avec d’autresconditions ». M. Yaméogo poursuit : « Jeme suis rendu compte que les responsablesdes services déconcentrés ne sont pas infor-més. Chacun voulant présenter des résul-tats, mènera son activité tout simplementparce que c’était programmé. Il y a aussi unproblème de coordination du développe-ment à l’échelle nationale ». Et le techni-cien de citer l’exemple des centres de santéet de promotion sociale (CSPS) construitspar le Projet Fonds d’autopromotion (PFA)dans les villages. Le programme a dûbatailler pour éviter la construction d’undeuxième CSPS dans le même village. « Nousavons bénéficié de la compréhension dudirecteur régional de la santé pour que cedeuxième CSPS ne soit pas construit de force.Il y a donc un problème de coordination surle terrain », explique M. Yaméogo.

Des abris pour les PTF

Le PFA ne se contente pas de déplorer lesdégâts qu’entraîne la concurrence entreintervenants sur le terrain. Il donnel’exemple en s’engageant concrètement. LeProgramme a financé trois abris PTF à hau-teur de 15 millions F à Bogninga, Kongloré,Kogouli. Il s’agit de bâtiments en matériauxdéfinitifs. Le Projet de gestion de la faune deBoumoana (FAUDEB), une ONG, et le

Projet d’Appui aux Micro EntreprisesRurales (PAMER) financé par le gouverne-ment burkinabé et le FIDA ont égalementinvesti 3 millions F chacun, le premier dansla construction d’un local, le second dansl’achat d’un moteur et d’une décortiqueuse.Un organisme de développement local, lePADL KOM, a permis à deux groupements,ceux de Kpankpaga et Karmama d’avoir uncrédit de 800 000 F, grâce à son fonds denantissement.

Comment expliquer ce type d’ap-pui, plutôt rare, surtout lorsqu’il s’agit d’en-gagements financiers aussi importants ?Deux conditions doivent être réunies :intervenir dans les mêmes villages etconnaître les conditions respectives dechaque partenaire. Ainsi, les responsablesdu PFA savent que le Programme PTF fai-sait obligation aux communautés deconstruire l’abri avant d’assurer l’alphabéti-

La PTF de Kongloré, fruitde l’entente entre TinTua et le PFA, un projetde la GTZ.

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le partenariat

Des moulins pas comme les autres

sation et d’apporter l’équipement. Mais larequête doit venir des populations qui enjustifient le bien-fondé. Un autre élément àconsidérer : le partenariat déjà expérimentépar le passé entre le PFA et Tin Tua pour laconstruction de banques de céréales. « Celanous a conforté à continuer dans la collabora-tion », admet M. Yaméogo.

La contribution du PFA s’appuieaussi sur des bases solides, notammentl’étude de faisabilité menée par leProgramme PTF. L’EFP fournit des infor-mations techniques de qualité sur la renta-bilité de l’unité économique.

La complémentarité entre Tin Tuaet le PFA porte aussi sur le renforcementdes capacités mené par les deux institu-tions. « La formation apportée par les PTFa aussi pesé dans la décision d’engagementdu PFA. Nous avons été convaincus que sion prenait un engagement financier, il avaitdes chances de durer et de se pérenniser.Ces garanties-là sont importantes, pour quele partenariat se matérialise », dit M.Yaméogo.

Le cas du FAUDEB, une ONGd’éducation environnementale, donne unautre aperçu de la façon dont le Programme

Cher ami, Un partenariat réussi passe pardiverses étapes et attitudes : - reconnaître l’importance dupartenariat, autrement dit avoirl’esprit de partenariat. Il existeune tradition de partenariat chezTin Tua en matière d’alphabéti-sation. Cet atout a permis d’ou-vrir des portes. En clair, la struc-ture hébergeant le programmedoit avoir une culture du parte-nariat ;- bien connaître le partenaire etinversement ; - arriver à faire comprendre lesobjectifs du programme en met-tant l’accent sur sa valeur ajou-tée. Il s’agit de développer un bonplaidoyer en faveur du partena-

riat. Il est relativement facile dedémontrer que si les populationsrurales ne peuvent pas dégager dutemps à consacrer à d’autres acti-vités, toutes les initiatives à leurendroit dépasseront rarement lestade de l’intention. Commentfaire des fosses fumières si letemps manque pour apprendre àles confectionner et ensuite lesconstruire et les entretenir ? Unesynergie d’action s’impose pour ledéveloppement local, voire dupays ;- l’existence de cadres de concer-tation, la formalisation et le res-pect des engagements par lasignature d’un protocole ;- la coordination des actions,pour éviter l’éparpillement des

interventions - l’engagement despopulations. Ellesdoivent être capa-bles de présenter un cahier de ges-tion et accepter les observations.Elles doivent aussi participer auxréunions programmées ;- une concertation depuis laconception, jusqu’à la réalisation,et même après par la mise à dis-position des rapports aux parte-naires. Cela peut accroître le sen-timent de considération vis-à-visde la CAC ;- le besoin d’assurer la visibilité dupartenariat auprès des donateurs,etc. ; - le partage des fruits du partena-riat.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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le partenariat

Des moulins pas comme les autres

PTF noue les relations de partenariat sur leterrain. Le FAUDEB aide les populations àaugmenter et diversifier leurs sources derevenus. Dans un de ses villages d’interven-tion, les femmes collectaient les amandes dekarité mais ne disposaient pas de l’équipe-ment approprié pour extraire le beurre.L’ONG, qui n’intervient pas sur ce créneau,n’avait pas les moyens de faire face à lademande soumise par les femmes. Commel’explique M. Moumouni Lankoandé, res-ponsable du FAUDEB. « Quand on a apprisqu’au niveau de Tin Tua cela se faisait, on aorienté le groupement féminin qui nousacculait à cause du matériel, vers la PTF » .

Le FAUDEB rédige la demande.Suite à cette manifestation d’intérêt, l’équi-pe de la PTF rencontre les femmes à deuxou trois reprises en l’absence du FAUDEB.Les femmes mobilisent alors les fonds pourla PTF. « Après, il fallait un bâtiment pourinstaller le matériel. Et les femmes n’ont pashésité à venir nous voir et on les a accom-pagné. Puis, Tin Tua est venue installertrois équipements ». Là aussi, la demandeest partie des populations. Elle s’est égale-ment basée sur une approche privilégiéepar la structure partenaire, à savoir le cofi-nancement. Cette stratégie consiste à faireappel à une structure locale pour financeren partie une activité ou des équipements.

Femmes soudées et soulagées

Un bon partenariat est mutuellement avan-tageux. Si le Programme PTF bénéficie d’in-vestissements aussi importants pourétendre ses activités, les structures qui l’ap-puient admettent, elles aussi, gagner dans

l’opération en réalisant leurs objectifs dedéveloppement. « Avec Tin Tua, nous avonsla satisfaction que les populations sontconvaincues que nous travaillons ensemblepour elles. Les femmes peuvent venir se ren-seigner soit chez nous, soit chez Tin Tua. Ducoup, les populations savent que nos objec-tifs ne sont pas concurrentiels », dit M.Yaméogo. Mais, ce qui importe le plus, cesont les retombées directes. Le partenariatcontribue au mieux-être des populationspar la fourniture d’énergie, l’allègement destravaux domestiques, l’accroissement des

Ouga Yaméogo

Moumouni Lankoandé

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le partenariat

Des moulins pas comme les autres

revenus monétaires… Les partenaires deTin Tua constatent qu’avec l’arrivée de laPTF, les femmes sont “plus soudées”, carelles disposent d’un équipement ou d’unlocal à gérer ensemble. « Cela nous a aidépour notre salle polyvalente dont on n’étaitpas sûr de pouvoir payer l’éclairage. Parailleurs, notre objectif étant d’augmenterles sources de revenus des populations,voilà qu’avec la PTF, les femmes sont soula-gées et gagnent plus », dit le responsable duFAUDEB.

Certes, la période creuse de ramas-sage de noix de karité ralentit l’activité, maisil suffit que celle-ci reprenne pour que lescharges de carburant soient amorties et queles bénéfices augmentent.

La CAC et le FAUDEB vont plusloin : les deux équipes s’informent mutuel-lement de leurs déplacements respectifs surle terrain et font coïncider leurs réunions lemême jour. Pourquoi faire autrement lors-qu’on s’adresse au même groupe ?

Le prix des efforts et de l’engagement

« Notre programme est transversal. Iltouche à plusieurs axes. On ne peut pas toutmaîtriser. Le partenariat s’impose à nous »,explique Honoré Bonkoungou. L’équiperecourt à diverses compétences. Elle a ainsisigné des protocoles d’accord, dont un avecla direction régionale de l’hydraulique del’Est pour l’installation du réseau d’eau, laformation des membres du comité de ges-tion des points d’eau.

En dépit d’une ébauche d’approche

1 - S'insérer dans ledispositif de concerta-tion au niveau local.Tout commence par larencontre avec le secré-tariat permanent duCadre de concertationrégional, hébergé par ladirection de l'Economieet du Développement,pour faire part de savolonté de prendre partaux rencontres. La pré-sidence, à savoir legouvernorat, reçoit éga-lement la visite du coor-donnateur de la CAC. 2 - Cofinancer la tenued'une session pour pré-senter ses activités enfaisant inscrire à l'ordredu jour le Programmenational PTF. Le jour dela session, l'équipe pré-sente le Programme :objectifs, stratégie,outils, moyens. A cetterencontre, les membresde la Cellule insistentaussi sur le fait que leprogramme compte surl'appui des autresacteurs, ces devancierssur le terrain, pouratteindre ses objectifs.

Les réactions du publicpermettent d'approfon-dir la présentation duProgramme. Le prési-dent et le secrétairepermanent conseillentalors de toucher tel outel acteur pour créerdes synergies pour ledéveloppement de laprovince ou de larégion. Dès lors, l'équi-pe dispose d'assezd'éléments pour se faireune idée globale desdifférents acteurs. Ellepeut alors prendre descontacts pour desvisites et des échangesciblés avec des orga-nismes d'appui, dontl'aide est déterminantepour la réussite du pro-gramme PTF. 3 - Organiser desvisites ciblées. Lesvisites personnaliséesaux membres du cadreconstituent un autremoyen d'approfondir laconnaissance mutuelle.Ces rencontres sontprécédées par la diffu-sion de dépliants, d'af-fiches, d'articles dans

“Labaali”, le bulletin deTin Tua et d'émissionsde radio sur le program-me PTF. Lors de ceséchanges ciblés, le pro-gramme est présentéune fois de plus à toutle personnel de la struc-ture accueillante. Laquasi totalité de l'équipede la CAC se déplacepour lui permettre d'êtresuffisamment impré-gnée des réalités dupartenaire potentiel. Surplace, les deux équipesdéterminent lesdomaines de collabora-tion : sera-t-il questionde construction d'abrisdans des villages d'in-tervention communs, laCAC apportant alorsson savoir-faire ?Quelles autres formespourrait prendre le par-tenariat ? De là nais-sent diverses initiativestelles que celles misesen œuvre avec l'appuidu PFA, du FAUDEB,du PAMER, du PADLetc.

Partenariat : comment procéderPour faire du partenariat une réalité, le Programme PTFdéveloppe des outils et une démarche.

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le partenariat

Des moulins pas comme les autres

et des bons résultats affichés, conforter lesacquis du partenariat et lui donner un coupde fouet passe par l’élaboration d’une réellestratégie de partenariat. Elle suppléeraitl’approche au coup par coup qui caractérisel’actuelle démarche. Elle permettra de défi-nir de façon claire les objectifs du partena-

riat et aidera à développer une méthodolo-gie et des outils pour sa réussite. Il s’avèreégalement impératif de produire un docu-ment sur les résultats du partenariat, sesexigences et limites pour une large diffu-sion.

Les acteurs s’exprimentOdette Nassouri, CAC - Tin TuaNous approchons les partenaires au développement de la localité pourbénéficier de leur expérience. J’ai demandé aux animateurs de noussignaler toutes les opportunités pour prendre attache et parler de la PTFet des activités que nous développons. Cela nous permet d’envisagerl’appui qu’ils peuvent nous apporter, en tout cas la synergie pour déve-lopper nos activités. À Diapaga, j’ai déposé plusieurs demandes pourappuyer le groupement en maraîcheculture et embouche. Un de nosgroupements a pu défendre son dossier qui est passé pour l’emboucheporcine et ce groupement sera formé. Il aura un fonds de roulement pourdévelopper l’activité.

Tindano Namoussa, SoaligouAvant la PTF, nous ne pouvions pas échanger avec les partenaires. Maismaintenant, dès que nous avons l’information, nous nous déplaçonspour de plus amples informations. Même au niveau du village, les par-tenaires viennent nous poser des questions, il est très aisé pour nous deleur dire ce que nous attendons pour le village.

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Les activités génératrices de revenus

Des moulins pas comme les autres

Animatrice à Kantchari, Marie-Claire Ouoba est bien placéepour témoigner de la révolutionintroduite par les PTF en matière

d’AGR. Cette jeune femme rappelle le che-min parcouru par son groupement, chiffresà l’appui. « Avant la PTF, nos crédits à lacaisse populaire ne dépassaient pas 500 000 F.Chaque femme recevait 25 000 F au plus. Dequoi payer deux à trois sacs de mil pour fairele mil germé pour le dolo. Maintenant, lesfemmes arrivent à prendre 10 sacs voire 20pour les revendre ».

Marie-Claire raconte l’histoired’une femme à qui le groupement a octroyéun crédit de 200 000 F. Elle a acheté unevingtaine de sacs de mil, gardés en magasinet deux fûts de haricot de 50 litres.

Outre la vente de céréales, très ren-table dans la région, les membres du grou-pement pratiquent aussi l’embouche. Oùobtiennent-elles les fonds de départ ? Unefois de plus auprès du groupement et enpuisant dans la caisse de la PTF. AKantchari, cette nouvelle activité prend del’essor. « Avant on ne payait pas de bétailpour l’embouche, mais avec la PTF, cer-taines femmes acquièrent des moutons etjusqu’à trois à quatre bœufs. Elles achètentles aliments et les médicaments et entre-tiennent très bien le bétail qu’elles reven-dent. Ça paie bien », dit Marie-Claire. Unmouton bien engraissé peut rapporter ledouble de son prix au bout de six mois.

A Kantchari, le dolo ou bière de milétanche la soif et stimule la discussion. La

Du temps et du crédit pour sortir de la pauvreté

LES ACTIVITÉS GÉNÉRATRICES DE REVENUS

Sans crédit, pas d’investissement. Et où une femme n’offrant aucune garantiepeut-elle espérer bénéficier d’un emprunt ? Certainement pas dans les institu-tions financières classiques, dont elle remplit rarement les conditions. La PTFs’est imposée comme la “banque” des femmes. Grâce aux bénéfices qu’elle génè-re, la plate-forme permet non seulement aux membres des groupements de sefaire du crédit en interne à des conditions douces mais aussi de disposer de tempspour mener à bien leurs activités génératrices de revenus (AGR). Vente de dolo,engraissement de moutons et de bœufs, fabrication de savon et de beurre de kari-té, vente de céréales… les sources de revenus abondent.

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Les activités génératrices de revenus

Des moulins pas comme les autres

préparation du dolo incombe aux femmes.Dans les ménages polygames, les épousescotisaient pour acheter et préparer le dolo àtour de rôle. Désormais, les femmes dugroupement s’endettent et achètent indivi-duellement leur mil qu’elles font germer.Elles gagnent plus, car elles ne sont plusobligées d’aller s’approvisionner au prix fortauprès d’un commerçant. Financièrementautonomes, les femmes peuvent acheterplus de mil et préparer leur dolo à toutmoment.

Dans d’autres PTF, les bénéficesgénérés par le crédit permettent de satisfai-re les besoins de la famille, comme l’ex-plique Tindano Rachel. « Avec les bénéficesque je gagne, j’arrive à habiller les enfants,et à m’habiller moi-même. Je garde marécolte de la campagne hivernale que j’utili-se seulement pour la consommation fami-liale. Avec la vente du beurre de karité, jegagne de quoi acheter des habits et payer lascolarité de mes enfants ».

Besoins primaires insatisfaits

Dans la région de l’Est du Burkina, commeailleurs dans le pays, les femmes éprouventde nombreux besoins qu’elles ne peuventsatisfaire faute de moyens. Odette Nassouri,responsable des AGR au sein de la CAC,décrit la situation. « On sent vraiment lebesoin financier au sein des groupements.Les femmes n’ont pas d’activités qu’ellesmènent et qui puissent leur procurer desrevenus. Hormis les récoltes de leurs par-celles, elles n’ont plus autre chose qui puis-se les aider à subvenir à leurs besoins. Onessaie donc d’appuyer les femmes qui sont

organisées en groupements pour qu’ellesdéveloppent des activités qui les aident àlutter contre la pauvreté ».

La lutte des femmes pour briser lecercle vicieux de la pauvreté témoigne ausside leur volonté d’indépendance financièrevis-à-vis de leurs maris et parents. « En fait,

Du choix de l’activité àsa gestion, l’aide desanimateurs et anima-trices est essentielle.

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Les activités génératrices de revenus

Des moulins pas comme les autres

explique Mme Nassouri, si la femme estsoumise, c’est parce qu’elle est dépendantefinancièrement à 100 % des autres ». Orelle doit assumer de nombreuses responsa-bilités. Outre l’éducation des enfants qu’elledoit assurer, surtout dans les foyers poly-games où l’homme ne peut pas satisfaire lesbesoins de tous, elle doit assurer l’achat devêtements, l’alimentation de la famille, lessoins, etc. Le statut de femme mariée mul-tiplie les responsabilités comme l’expliqueMarielle. « Quand on est jeune fille, on n’apas besoin de travailler pour gagner de l’ar-gent parce qu’il y a des gens pour s’occuperde vous. Mais maintenant que je suismariée, il faut que j’arrive à subvenir moi-même à mes besoins et à ceux de mesenfants ».

Marielle pratique l’embouchedepuis 25 ans. Mariée et mère de septenfants, la PTF lui a permis de donner del’essor à l’activité qu’elle maîtrisait sans pou-voir la développer.

La PTF, une entreprise rurale entièrement féminine

Si la PTF offre de telles possibilités de chan-gement, c’est parce qu’elle est avant toutune unité économique qui permet de fairedu bénéfice. Elle a totalement changé lafaçon de constituer un capital comme l’ex-plique Marielle. « Avant la PTF, nousdevions faire des cotisations. Après lesrécoltes, chaque femme apportait uneassiettée ou une tine de mil, de maïs oud’arachide. On les vendait pour avoir lecapital financier du groupement. Mais avec

la plate-forme, ce n’est plus le cas. Les ser-vices rendus rapportent de l’argent quiappartient à toutes les femmes ».

En déposant cette épargne enbanque comme apport personnel, le goupe-ment remplit une des conditions des insti-tutions financières, à savoir une quote-partde 20 à 30 % en fonction du crédit deman-dé. Peu de groupements “traditionnels”peuvent remplir ces conditions. Marie-Claire soutient que la PTF favorise l’accèsde plus de femmes aux AGR. « Avant laPTF, le groupement n’avait pas assez defonds pour faire le travail. Nous avons eu unmoulin qui datait de plus de trois ans, maisce moulin n’était pas rentable pour mauvai-se gestion. Depuis l’arrivée de la PTF, avecles conseils qu’on donne aux membres, ellesarrivent à bien gérer leurs gains et l’argentrentre. Cette année, la PTF de Kantchari afait un bénéfice de 1 million de francs alorsque durant les trois ans où on a fonctionnéavec un moulin traditionnel, on ne pouvaitmême pas compter 100 000 F. Le bénéficeque nous avons eu avec l’arrivée de la PTF,nous a aidé à faire beaucoup de choses. Parexemple, nous avons prélevé 300 000 F pourpour financer nous-mêmes une formationen embouche que personne ne voulaitprendre en charge ».

Tindano Namoussa présidente etcoordonnatrice des activités du CFG deSoaligou ajoute : « Quand la PTF est arri-vée, elle a contribué au bon fonctionne-ment du groupement. Par le passé, trèspeu de femmes du groupement obtenaientle crédit et le montant était vraiment infi-me. Mais avec la PTF, on a pu avoir unemarge bénéficiaire importante qu’on utili-

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Les activités génératrices de revenus

Des moulins pas comme les autres

se comme garantie et caution bancairepour avoir suffisamment de crédit pourtoutes les femmes ».

Du temps à revendre

La PTF permet aussi aux femmes de déga-ger du temps pour mener leurs activitéshabituelles, les développer, voire s’adonnerà de nouvelles activités. Cette sorte defièvre d’entreprendre semble contagieuse etde nombreuses femmes se lancent dans lesaffaires, aussi modestes soient-elles. Desfemmes qui ne pouvaient gérer des sommesde 25 000 F découvrent des nouvellesopportunités et en viennent à demander ledouble sinon le triple des montants qu’ellessollicitaient par le passé. Laali Lankoandédonne son exemple. « Avec la PTF, on peutarriver à bien faire son travail. Je peux faci-lement transformer mes céréales, les fairemoudre. Cela facilite nos travaux et nouspermet d’engranger des bénéfices. Je gagneplus de temps. Avant la PTF, comme ils’agissait de transformer les céréales à lameule traditionnelle ou avec le mortier, jen’avais pas suffisamment de temps pourfaire le maraîchage. J’exploitais alors deuxplanches de légumes. Maintenant que j’aiplus de temps, je fais les travaux ménagersle matin et après je m’occupe du maraîcha-ge. J’exploite six planches en ce moment ».

La PTF allège les tâches ménagèresdes femmes et permet aux femmes de pra-tiquer de l’embouche ou de prendre descours d’alphabétisation. Marielle Mano, deMani, témoigne : « Avant pour pratiquerl’embouche, il fallait d’abord faire les tra-vaux ménagers avant de pouvoir puiser

l’eau pour les animaux ou leur donner àmanger. Mais avec la PTF, ces tâches ména-gères ont été allégées un peu et donc on apu dégager plus de temps pour mieux exer-cer l’embouche. Le temps dégagé nous per-met de fréquenter les centres d’alphabétisa-tion, chose impossible avant ».

Bonne image, meilleure considération

En moins de dix ans d’intervention dans larégion de l’Est, les PTF ont permis à descentaines, voire des milliers de femmes,membres des groupements, d’entreprendreet d’améliorer leurs conditions de vie et par-fois de donner un sens à leur existence. Atravers rencontres, partages d’expériences,voyages d’études, elles développent des qua-lités, notamment la soif d’entreprendre etde croire en soi peu développée chez les

Les produits maraîcherspour enrichir l’alimenta-tion familiale et se fairede l’argent.

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Les activités génératrices de revenus

Des moulins pas comme les autres

femmes non membres des groupements.Les AGR accroissent aussi la considérationque leur témoigne la société. De plus enplus de femmes restées à l’écart veulent sejoindre au mouvement. Car elles enconnaissent les avantages. Contibutionsfinancières lors des accouchements, desbaptêmes et mariages, crédits… les femmess’entraident. Bref, le crédit renforce la cohé-sion du groupe, comme l’explique ChristineLankoandé : « Le crédit favorise la cohé-sion et la vie communautaire est plus inté-ressante. Avec le crédit, on se rassemble, on

s’assoit et on décide combien chacun peutavoir, en fonction du montant dont nousdisposons. On échange donc et le crédit estpartagé de façon consensuelle. De ce pointde vue, le crédit apporte la cohésion dans legroupe ».

Les femmes aident aussi le village àhonorer ses engagements financiers : parexemple la quote-part du groupement pourla construction d’un local communautaire.« S’il y a une décision importante à prendreet qui nécessite une sortie d’argent, on faitappel aux femmes qui peuvent sauver l’hon-

Cher ami,Accéder au crédit, en faire un bonusage, mener des AGR et réussir nese font pas aussi simplement, sur-tout pour des femmes dont certainesse lancent pour la première fois dansles affaires. Sachez d’abord décelerleur volonté d’accéder au crédit pourles aider à réaliser leur rêve.

La formation à leur dispen-ser doit porter aussi bien sur l’im-portance du crédit que sur sa bonnegestion. Responsabiliser les membresdu groupement est tout aussi impor-tant. Les femmes au sein des groupe-ments doivent s’astreindre à une cer-taine discipline. Encouragez toutescelles qui veulent du crédit à décrireleur activité en faisant ressortir lastratégie qu’elles utiliseront pourrentabiliser leur affaire. Chaquenouvelle investisseuse doit obtenir lacaution du groupe. Un jury peut être

mis en place pour accorder ou nonle crédit. La demandeuse du créditdéfendra donc pied à pied son dos-sier, prouvant par là son engage-ment à mener à bien son activité.Après quoi, vous pouvez vous reti-rer, mais pas totalement.

Continuez d’assurer unsuivi très rapproché. Ce suivi per-met d’enseigner l’importance del’épargne pour devenir autonome etmener les activités sans crédit. Dèslors, les groupements peuvent fairedes crédits internes avec leurspropres ressources. Là démarre lavraie autonomie économique.

Bref, apprenez aux mem-bres des groupements à se responsa-biliser, transférez-leur des compé-tences, en assurant le suivi et la par-ticipation et en encourageant undéveloppement de l’épargne, indis-pensable à leur autonomie.

Utilisez la mêmedémarche pour lesAGR. Ici aussi, lerenforcement descompétences s’impose pour éviter demener les activités de façonbrouillonne et déposer son bilan.Premier conseil : éviter d’imposerune activité à un groupement. Uneétude peut permettre d’identifier lesAGR rentables dans le milieu, avecl’aide des groupements. La recherchede débouchés pour la commerciali-sation ne doit pas être négligée, bienau contraire. Les AGR identifiées, ilfaut assurer la formation techniquepour pouvoir exercer les activités.C’est seulement après qu’intervien-nent le crédit et le suivi. Pour conclu-re, organisez des partages d’expé-riences et des voyages d’études.

Entre nous ! Lettre à l’agent CAC

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Les activités génératrices de revenus

Des moulins pas comme les autres

neur du village », dit Odette Nassouri. Lespartis politiques, soucieux de s’appuyer surles groupes organisés, voient dans ces grou-pements un tremplin pour toucher lesautres femmes, voire le village.

Conditions favorables au dévelop-pement de l’esprit d’entreprise

Là où les femmes prennent des initiatives, ilexiste des facteurs favorisants, au nombredesquels les critères d’attribution du crédit,l’entente entre les membres et la positiongéographique. L’attribution du crédit moti-ve les femmes, comme l’explique TindanoRachel : « On discute ensemble dans legroupement pour voir comment il fautattribuer les crédits. On choisit aussi lesactivités les plus rentables. C’est comme çaqu’on prend les décisions. En procédantainsi, chacune peut rentabiliser son activitéet on arrive même à rembourser avantterme ».

La fonctionnalité a également sonimportance. Il ne faut pas laisser la plate-forme fermée longtemps, conseille Marie-Claire de Kantchari. Par exemple, la plate-forme de Bassiéri a connu six mois de fonc-tionnement avec de multiples pannes quiont sérieusement entamé ses bénéfices etterni son image. La PTF n’arrivait pas àoffrir une farine fine recherchée par laclientèle. Cela a engendré la fuite des clientsvers les autres moulins du village quioffraient des services de qualité.

La position géographique a égale-ment son importance. Par exemple àSoaligou, la PTF a été installée près d’unevoie très passante. Les femmes ont engagédes démarches pour avoir du crédit auprèsdes caisses populaires pour commercialiserde l’eau fraîche, la glace et tirer ainsi profitde leur bon emplacement.

Outre ce besoin des membres eux-mêmes de créer de nouvelles activités, quisont le résultat de l’observation (proximitéd’une rue très fréquentée, donc clientèlepotentielle), la stratégie de fidélisation de laclientèle se base aussi sur le sens de l’accueilvoire la compassion. Certains groupementsfont du crédit pour la mouture en s’entou-rant de précautions. D’autres vendent descondiments pour attirer les femmes. L’idéeest d’éviter qu’elles quittent la PTF pouraller chercher ailleurs les condiments.

Dans certaines localités, la moutureest gratuite pour les personnes âgées. Cettevolonté de faire de la PTF une entreprisecitoyenne va au-delà de la simple aideapportée aux plus démuni(e)s. S’assurer lesoutien des notables aide à surmonter cer-tains écueils. Ainsi, les membres du CFGfont des comptes-rendus au chef du villagede retour des rencontres. L’informationtouche aussi les notables, les autoritésadministratives, les institutions de finance-ment, etc.

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112 Des moulins pas comme les autres

Les acteurs s’expriment

Chaque fois que j’ai achetéles noix pour les concasseret en faire du beurre, j’airéalisé des bénéfices. Maispour cette campagne-ci, j’aieu des maux de cœur, je n’aipas pu extraire le beurre. J’aidonc revendu les noixconcassées. J’ai dû mecontenter d’un bénéfice de10 000 F. Habituellement,quand j’arrive à extraire lebeurre de karité, mon bénéfi-ce atteint 15 000 F pour uncrédit de 50 000 F.

Nous devons ce que noussommes aujourd’hui à laPTF et à l’association TinTua. Avant, les femmesn’avaient aucune organisa-tion. Elles ne pouvaient passe rencontrer pour discuterdes affaires qui les concer-nent, a fortiori mener uneactivité génératrice de reve-nus. Mais maintenant, noussommes dans des groupe-ments qui nous permettentd’obtenir du crédit et de lefaire fructifier. Ces ren-contres nous permettentaussi d’avoir un espritouvert sur les possibilités dese faire de l’argent. Certes,je fabriquais du savon avantla PTF, mais maintenant,avec le crédit qu’on gagnebeaucoup de choses ontchangé. Je gagne plus et jesais comment m’y prendrepour faire fuctifier mesaffaires.

J’ai deux enfants. Un seulva à l’école pour le moment.Les bénéfices qu’on retirede nos activités nous serventà acheter les condiments etles habits pour les enfants,les médicaments. Celles quigagnent beaucoup payent lascolarité de leurs enfants aucollège d’enseignementgénéral.

C’est grâce à la PTF que j’aientrepris la vente d’arachi-de, sinon je passais le clairde mon temps dans lestâches ménagères. J’ai obte-nu le crédit grâce au groupe-ment. Toute seule je n’auraispas réussi.La campagne écoulée,j’avais pris un crédit de 50 000 F qui m’a rapporté20 000 F de bénéfice.Maintenant, j’ai pris un cré-dit de 100 000. J’espèreavoir 40 000 F de bénéfice. Cet argent me permettrad’aider mon mari à payer lascolarité de mes deuxenfants : l’un fait l’écoleprimaire et l’autre va fré-quenter le collège de Pièlacette année.

Alima Dahani, fabricante de beurre de karité, Gomoré

Christine Lankoandé, fabricante de savon, Pièla

Kokoro Lankoandé,“emboucheuse” de petitsruminants, alphabétiseur,Soaligou

Malata Dayamba, vendeuse d’arachide,Soaligou

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113Des moulins pas comme les autres

Djingribouga Tindano

De jour comme de nuit, la bou-tique de Djingribouga est facile-ment reconnaissable au grand

congélateur exposé à l’entrée et surlequel s’affichent les réclames desgrandes brasseries. Djingri, comme onl’appelle familièrement au marché dePiéla, vient d’ajouter la vente d’eau gla-cée à ses prestations. Il doit cette diversi-fication à la PTF qui lui fournit aussi dela lumière « L’éclairage nous rend beaucoupde services », dit-il. « La lumière me permetde travailler de jour comme de nuit. Jeconsacre la journée au commerce général et lanuit à l’eau ». Ce bourreau du travailconsacre la soirée à attacher les sachetsd’eau. La journée, il saute dans le premiercamion pour aller s’approvisionner enmarchandises à Pouytenga ou à Fada à150 km environ. Dingri dit gagner dou-blement en tirant profit de l’éclairagedans ce grand village qui se développe etvit plus intensément depuis l’installationde la PTF. « Durant la saison sèche lademande est très forte, parce que Piéla est ungrand village, ce n’est pas comme les villages

environnants. Ici, les gens achètent. Il suffitde proposer. L’éclairage aide aussi à la vente.C’est parce que les gens voient le frigo la nuitqu’ils viennent demander l’eau fraîche. Lanuit, je vends beaucoup plus que le jour. Sanséclairage, je ne pouvais rien vendre la nuit »,reconnaît-il.

Si certains clients de la PTF n’ar-rivent pas à honorer leurs factures, teln’est pas le cas de Djingri. Grâce à labonne marche de son commerce, il règleses factures rubis sur l’ongle. L’homme

Un chiffre d’affaires qui coule de sourceIl était commerçant d’articles divers. Depuis l’installation de la PTF, TindanoDjingribouga vend de l’eau glacée. De quoi diversifier ses revenus et maintenir saclientèle tard le soir grâce à l’éclairage, lui aussi fourni par la PTF.

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Djingribouga Tindano

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Djingribouga Tindano

Des moulins pas comme les autres

reste cependant discret sur son bénéfi-ce : « Vraiment chez moi, ça va, Je suisaussi satisfait de la facturation, parce quej’ai mon compte, sinon j’allais arrêterdepuis longtemps. Mais cela fait cinq ansque je continue. Donc ça veut dire que çamarche et que je gagne ».

Tout en restant reconnaissant à laPTF qui lui permet d’étendre ses activi-tés, Djigribouga déplore les coupures

intempestives de courant : « Le problèmeavec la PTF, ce sont les coupures. On peutattacher beaucoup de sachets d’eau, mais en casde coupure, ça ne se glace pas et ça ne se vendpas ». Il souhaite qu’à l’avenir, les techni-ciens puissent venir à bout de ces cou-pures, surtout durant la saison sèche où lavente d’eau fraîche attire la clientèle.

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edouard yarga

Cela fait trois ans qu’EdouardYarga est photographe à Piéla,son village natal. « Durant mes

deux premières années d’exercice, je considèreque je n’avais même pas commencé à tra-vailler. Si on me supprime l’éclairage, je nepourrai plus exercer mon métier, parce que laphoto c’est avant tout la lumière. Le jour oùil y a coupure de courant par exemple, jeferme et je m’en vais ». Sourire aux lèvreset le regard pétillant, Edouard Yarga necache pas son bonheur. Ce jeune hommede 18 ans est connu de tout Piéla, depuisque ses clients ont commencé à apprécierla qualité et la beauté de ses photos. Sonstudio, une maisonnette en banco, nedésemplit jamais. Depuis l’installationde la PTF, Edouard n’utilise plus unelampe-tempête pour éclairer ses sujets.« Les images n’étaient pas aussi claires que jevoulais, mais je me débrouillais quand même.Maintenant tout a changé ». Adieu lalampe-tempête et l’odeur âcre de fuméeet de pétrole. Désormais des ampoulesquatre tubes inondent le studio de lumiè-re. « J’arrive à faire de meilleures photos.

Parce qu’il y a des types d’ampoules que j’uti-lise pour faire la photo, dites ampoules 4 tubesque je ne pouvais utiliser sans électricité ».

La PTF, ne permet pas seulementl’éclairage intérieur. Les néons au fron-ton du studio attirent la clientèle. « Cela

Le flash d’un parcoursInstallé comme photographe depuis trois ans, Edouard Yarga profite de l’éclaira-ge de la PTF depuis seulement une année. Mais déjà, il produit de meilleures pho-tos. Pour celui qui immortalise les grands moments et les grands hommes dePiéla, la photo ne peut s’exercer sans lumière. Les deux années passées dans lenoir furent une période de tâtonnements.

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Edouard Yarga

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edouard yarga

est utile, car si la devanture n’est pas éclairéela nuit, les gens pensent que c’est fermé et ilsne viennent pas », explique Edouard.

L’éclairage a transformé la viedu photographe. Mais l’artiste peine àhonorer ses factures. La raison ? La sai-son. « Pendant l’hivernage, il n’y a pasbeaucoup de clients. Une pellicule peut traînerdans l’appareil pendant plus de deuxsemaines. Il faut attendre les fêtes pour avoirle maximum de clients ». Edouard Yarga

déplore aussi le mauvais branchement dugroupe électrogène qui occasionne lescoupures intempestives de courant. Touten s’engageant à honorer ses factures, lejeune photographe prie les propriétairesde la PTF et les mécaniciens de ne paslaisser les machines entre les mains desapprentis. Son métier et toute sa viedépendent d’un approvisionnement dequalité en courant.

Des moulins pas comme les autres

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117Des moulins pas comme les autres

Bottou. 200 km de Fada, dans l’Estdu Burkina, à la frontière du Niger.En ce mois d’avril 2007, le Burkinavit au rythme de la campagne pour

les législatives. Les affiches des partis poli-tiques sont placardées partout, y comprissur les troncs des baobabs. Sur la grandeplace du village, située à côté de la préfectu-re, c’est la foule des grands jours. Hommes,femmes, enfants, jeunes et vieux prennent

place à l’ombre des neems géants. En face, ledéputé de la région, le nouveau maire…Pourtant, il ne s’agit pas d’un meeting poli-tique. La coordonnatrice nationale du pro-gramme PTF, le secrétaire exécutif de TinTua, deux consultants, auteurs de l’étude defaisabilité participative et d’autres membresde l’UCN et de la CAC prennent égalementpart à la rencontre. Mais ce n’est pas nonplus une restitution ordinaire. A l’ordre du

La décentralisation

Les communes : chances ourisques pour les PTF ?

LA DÉCENTRALISATION

La communalisation dite intégrale est en marche au Burkina. Depuis les électionsmunicipales de 2006, le pays compte 49 communes urbaines et 302 communesrurales. De nombreux maires fraîchement élus veulent marquer leur mandat enfrappant un grand coup. Nombreux sont ceux qui rêvent de doter leur localité dedispensaires, d’écoles et de… PTF. A la CAC de Tin Tua, les demandes affluent :près de 630 moins de deux mois après la prise de fonction des maires. Ce désirde plates-formes témoigne de l’espoir que suscitent ces équipements, mais ilsoulève de nombreuses questions. Les visées électoralistes ne risquent-elles pasde prendre le dessus sur les principes de transparence, d’équité des PTF et leurvocation sociale ? Les communes désargentées ne vont-elles pas surtaxer lesseules micro-entreprises viables de leur localité et les asphyxier ? Comment trai-ter avec ces nouveaux acteurs, à savoir les responsables municipaux, qualifiésd’incontournables par tous et d’incommodes voire de menaçants par certains ?Avec la décentralisation, s’ouvre une nouvelle page de l’histoire des PTF avec à laclef de nombreux défis mais aussi des opportunités à saisir.

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La décentralisation

Des moulins pas comme les autres

jour : un sujet en apparence anodin, maishautement sensible, voire explosif : l’im-plantation de la PTF avec réseau d’électrici-té de Bottou. La rencontre, minutieusementorganisée, vise précisément à désamorcerce que d’aucuns qualifient volontiers debombe. De quoi s’agit-il ? L’histoire com-mence en 2006, à la veille des électionsmunicipales. Le parti majoritaire accusel’opposition d’être entrée prématurémenten campagne en faisant courir le bruit qu’el-le « amènerait l’électricité à Bottou ». Enréaction, le parti majoritaire lance lui aussisa campagne. Objectif : démontrer qu’ils’agit d’un financement public et non decelui d’un parti ou d’un individu. Précisionutile : comme dans beaucoup d’autreschefs-lieux de départements, Bottou comp-

te une section active de ATT, assimilée àl’opposition. La tension monte et l’affaireparvient jusqu’au sommet de l’Etat. Il faut ymettre bon ordre.

Cette division cache des dissensionsplus profondes : la guerre larvée entre lequartier du maire et celui du chef, tous deuxpouvant prétendre à la chefferie. « En fait,la chefferie balance entre les deux. Etchaque camp pensait que là où la mairieallait partir, le “bonnet” [symbole de la chef-ferie, ndlr] irait là-bas aussi. En fait, on amélangé le débat de la coutume avec ledébat politique », explique un connaisseurde l’histoire locale. Il poursuit : « Voussavez dans les villages, il y a souvent dessubtilités. Pour les comprendre, il fautremonter aux ancêtres. Quand quelqu’un

parle, il y a ce qu’il dit et il y a cequ’il ne dit pas. Les non dits peu-vent avoir des conséquencesqu’on n’imagine pas ».

Il faudra le sens de respon-sabilité du député, du secrétaireexécutif de ATT, du maire et lesbons offices de la coordonnatricede l’UCN pour apaiser la tension.L’exercice d’équilibrisme auquels’adonnent ces leaders d’opinionréunis sur la grande place deBottou consiste à afficher leuraccord parfait en évitant de don-ner raison à un camp contrel’autre. C’est pourquoi même si lesdissensions restent encore viva-ces, chacun les met en sourdineau profit de la restitution desrésultats de l’étude de faisabilitéparticipative. Les consultants pré-

S’engager ensemble pourtrouver une solution delarge consensus au risquede récupération politiquedes PTF.

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sentent leurs conclusions. Ils donnent leprofil des ménages solvables, le coût du kwhet font diverses simulations d’utilisation deséquipements et de développement de laPTF sans oublier les modes de gestion. Lesdébats ne concerneront que ces points et lelieu d’implantation du local, sans oublierune forte incitation à la solidarité et à l’en-tente entre tous les fils de Bottou.

La ruée sur les PTF

L’exemple, extrême certes, de Bottoumontre que la PTF constitue un véritableenjeu de pouvoir. De nombreux respon-sables municipaux, à peine installés, inci-tent les populations à soumettre desrequêtes à la CAC. Dans la région de l’Est,une trentaine de demandes sont ainsi par-venues de la commune de la PamaKompiemga et autant de pour celle deKigba. Bogandé à elle seule a acheminé 53demandes. Une telle ruée est inhabi-tuelle. « Ce sont des mandats électifs. Ilfaut qu’ils aient des résultats et quand il y ades opportunités, ils courent les chercher.Ça va s’accentuer. La tendance ce sera defaire les PTF avec réseau d’éclairage »,explique et prédit Honoré Bonkoungou, lecoordonnateur de la CAC de Tin Tua. Lesfaits semblent lui donner raison. LompoPamba est maire de Bottou, depuis mai 2006.Sa commune compte 24 villages reconnusadministrativement et 60 en incluant leshameaux de culture. Pour lui, l’énergie appor-te le changement. « Aujourd’hui, à Diapaga[86 km, de Bottou, ndlr], on constate ungrand changement. A l’époque, on ne trou-vait personne dehors à partir de 21 H. On

dormait le ventre vide. Mais aujourd’hui,jusqu’à minuit, la ville vit ». La disponibili-té de la bière fraîche et les loisirs tardifsexpliqueraient-ils à eux seuls cet engoue-ment des maires pour l’électricité ? « Cen’est pas seulement rester tard, boire labière fraîche. Cela, il faut le considérercomme l’ambiance d’une civilisation, dit lemaire de Bottou. Mais quand on parle dedéveloppement, il faut que ce soit pour toutle peuple. Cela va créer un pôle écono-mique. Il y aura de nouvelles activités. Lasoudure, va se développer et il y aurad’autres types d’apprentissages grâce àl’électricité. Actuellement, dans les bou-tiques, on n’a pas d’eau fraîche. On pourraproduire de la glace, l’envoyer dans lespetits marchés et s’il y a manifestation, lesgens ne vont pas souffrir de soif. Ça peutêtre une source de revenus pour la commu-ne. Il faut posséder des potentialités quivont attirer les voisins vers vous. Soit des

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La coordonnatrice del’UCN, Mme TapsobaIsabelle examine l’em-placement du local de laPTF en compagnie dumaire de Bottou et dudéputé de la région.

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voisins communaux ou bien des voisins endehors de la frontière. On est à 9 km aunord ouest et 5 km au nord du Niger. Tousces gens font leur marché ici, y compris lesfonctionnaires ».

M. Abel Lompo est le député de larégion. Lui aussi prenait part à la rencontrede Bottou, dont il était l’un des principauxanimateurs. Il insiste sur le fait que l’im-plantation de la PTF permettra de dévelop-per de petits métiers comme la vidéo et lecinéma qui vont retenir les jeunes dans lescampagnes. « Ce sont ces jeunes quiconstituent la main-d’œuvre pour l’agricul-ture. Actuellement, ils courent vers la villeoù il y a la lumière, où il y a la télé, où il y ales films pornos… », constate-t-il. Le mairerenchérit : « c’est à partir de l’énergie queles ruraux aspirent à l’urbanisme. Ils sontmystifiés par la ville ».

La culture locale devrait aussi béné-ficier des bienfaits de la fée électricité. Lestroupes musicales et de danse, nombreusesdans la région, pourront organiser des soi-rées culturelles sans crainte d’écourter leursprestations faute de courant, à cause despannes des groupes électrogènes. « Quandil y aura de l’énergie pour deux heures, troisheures et que les enfants peuvent occuperdes pistes de danse à la mairie ou ailleurs, çafait des retombées pour la commune », ditle député.

Partenaires incontournables

Savoir quel statut auront les communes àcôté des partenaires traditionnels du pro-gramme PTF, à savoir les groupements defemmes et les promoteurs ou promotrices

privées ne fait pas encore l’objet d’un débatofficiel. Mais beaucoup pensent que lescommunes constituent de nouveaux parte-naires auquel le Programme PTF devaitaccorder une place de choix. Ils font valoirque les chefs-lieux de communes sont despôles d’animation de développement. « Neserait-il pas judicieux de prendre en comp-te de façon spécifique cette donnée, en ins-tallant une PTF qui comprend tous lesmodules et qui peut servir de vitrine ? »,demande Ousmane Bawa, directeur provin-cial de l’Economie et du Développement dela Kompienga. Il constate que les com-munes présentent l’avantage de regrouperau sein de leurs conseils les responsables degroupements et les leaders communau-taires et rappelle que la communalisationintégrale va de pair avec la politique d’élec-trification rurale conduite par le gouverne-ment. Opter pour les communes permet-trait d’être en phase avec le programme offi-ciel. « Cela accroîtra aussi la visibilité duProgramme PTF et facilitera les négocia-tions sur des aspects liés aux taxes, à l’em-placement du local, etc. », prédit-il.

M. Bonkoungou constate pour sapart que l’une des limites de l’électrifica-tion rurale tient à la dispersion de l’habi-tat. « Avec la communalisation, les gensseront de plus en plus appelés à seconcentrer sur l’espace loti. Ça va doncfaciliter l’accès à la clientèle ». Il fautpréciser que selon la loi, l’avis de la com-mune est requis pour l’aménagement desréseaux électriques.

Un interlocuteur privilégié. La communalisa-tion intégrale apparaît comme une chance

Abel Lompo, député

Pamba Lompo, maire de Bottou

Ousmane Bawa, directeur provincial del’Economie et duDéveloppement de laKompienga

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pour les acteurs du développement, princi-palement pour les PTF. « Avec la décentra-lisation, de nombreuses opportunités s’ou-vrent. Car l’espace départemental devenuespace communal sera mieux géré et onpeut espérer une bonne fonctionnalité desPTF à travers les plans communaux dedéveloppement, qui prendront en compte lafourniture de services énergétiques »,explique Mme Isabelle Tapsoba, la coor-donnatrice de l’UCN.

Bref, de plus en plus, les organismesd’appui s’adresseront à cet interlocuteurprivilégié, qui pilote le développement localet qui dispose d’un mandat électif, doncd’une légitimité. La synergie tant recher-chée entre les acteurs du développement etrarement obtenue pourrait devenir réalité.Car tous les intervenants doivent servir lesdesseins du plan de développement com-munal. En retour, les organismes d’appuipourraient bénéficier du soutien des muni-cipalités. Celui-ci pourrait prendre plu-sieurs formes : mobilisation des commu-nautés, représentation, imposition “intelli-gente” des PTF par exemple pour assurerleur survie, etc. La PTF peut profiter del’appui de la commune en cas de pannes. ATibga, une commune de la région de l’Est, lamunicipalité sensibilise le groupement aubon fonctionnement de la PTF. Mieux, lacommune pousse à la mise en place d’unatelier de soudure. « Dans l’espace d’ha-bitation, il y a le développement des activi-tés génératrices et le conseil voit commentrendre cet espace viable. Si le conseil estdynamique, toutes les PTF seront vrai-ment très fonctionnelles », prédit M.Bonkoungou.

La capacité des communes à toucherdavantage de villages pourrait égalementaider la CAC à opérer des choix plus judi-cieux de ses “bénéficiaires”. Théoriquement,la zone d’intervention des ONG pourraits’étendre à l’ensemble des régions, voire dupays. « Comment changer d’échellepour répondre à cette demande expo-nentielle ? Le gouvernement veut desPTF dans les 8 000 villages et pour celail faut mobiliser les fonds et faire deschoix », constate la coordonnatrice del’UCN. En clair, les communes disposentde ressources comme le fonds permanentd’investissement des communes, leursmoyens propres ou ceux issus des jume-lages, de la coopération etc. Comment entirer profit en installant les PTF dans les vil-lages voire dans les communes et en évitantque les groupements de femmes ne soientoubliés ? Les autorités nationales devraientpouvoir apporter des réponses adéquates à

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Le secrétaire exécutif del’ATT (1er plan àgauche), avec à sescôtés, le préfet deBottou. Ne négliger per-sonne dans la recherchede solutions.

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ces questions, surtout quand on sait que lesconseils villageois de développement quiagissent localement ne comptent pas tou-jours des femmes en nombre suffisant pourinfluencer les décisions.

Dérives et compagnie

Mais cette opportunité peut s’avérer unécueil. Des voix s’élèvent pour faire remar-quer que la PTF ayant fait ses preuves, onpourrait assister à des tentatives de récupé-ration politique au profit d’un groupe pourson maintien au pouvoir. A Bottou, ce futune tentative, mais ailleurs, dans le nord duBurkina, la récupération fut effective. M.Benoît Ouoba, le secrétaire exécutif deATT, craint par dessus tout ce risque. « Jevois beaucoup plus les problèmes parce que

c’est un outil très populaire. Entre les mainsd’un politicien, on court tous les risques.Des gens qui promettent et qui n’ont rien àdonner, s’ils peuvent désormais le faire, lesimplantations ne se feront pas là où l’étudedira que c’est rentable mais là où ça lesarrange. Ils vont demander pour eux-mêmes, pour des villages bien précis. Or onne peut pas les associer à moitié ».

De nombreuses communes man-quent cruellement des moyens. Les PTFpourraient constituer un moyen d’enrichis-sement d’élus mal informés. Contenter uneclientèle politique en vue de sa réélectionpourrait constituer aussi un autre argumentà l’origine d’une mauvaise affectation desPTF. Les mandats électifs ne sont pas sansavantages. « Ils ont besoin de fairequelques réalisations pour pouvoir préparer

Le comité de gestion,constitué des représen-tants de tout le villageprésenté officiellementaux populations.

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les prochaines élections pour pouvoir conti-nuer à garder leurs privilèges », analyse M.Ouoba. Dénonçant les petits cadeaux dontbénéficient les élus, un observateur sarcas-tique déclare : « quand on voit le tas deplumes de pintades devant chez le maire, onse croirait chez un grilleur de poulets. Cen’est pas rien et il y a le nom, la réputationliés à la fonction ». On soupçonne certainsmaires d’avoir privilégié les demandes enprovenance des zones où ils ont engrangé leplus de voix. « Avec les conseils monoco-lores, les arbitrages pourraient se faire defaçon orientée au bénéfice d’un seul groupe.Le risque aussi est de voir le programmedénaturé et perdre la rigueur de ladémarche. Même si l’étude de faisabilité estnégative, on dira qu’il faut l’implanter »,craint M. Ouoba. Les analystes rappellentégalement que la loi fait obligation aux col-lectivités de générer leurs propres res-sources, notamment celles issues des diffé-rentes taxes. Les nouvelles entreprises éner-gétiques seront frappées par ces impôts,avec des risques d’asphyxie économique.

Informer pour réussir

Des conseils municipaux marginalisés ?Personne ne le souhaite, bien au contraire.Mais associer les élus passe par certainspréalables. « On veut leur accompagne-ment, mais il faut que ça réponde aux sou-cis des populations », souhaite M.Bonkoungou. Sa méfiance s’explique. Dansl’Est du Burkina, un fonds d’appui des com-munes a confié au conseil municipal lemandat d’examiner, sélectionner et achemi-ner les demandes des villages. Les requêtes

de certains villages ne sont jamais parve-nues à l’organisme d’appui. « On a intérêt àles associer mais on doit aussi faire en sortequ’une fois associés, ils jouent un rôle qui nemette pas en péril l’activité », conseilleBenoît Ouoba.

Pour éviter les malentendus, sou-vent à l’origine de tensions, les uns et lesautres suggèrent d’informer les élus surleurs rôles et attributions, favoriser le parte-nariat avec les ONG hébergeant les PTF,éviter de faire des communes des conces-sionnaires pour éviter le mélange desgenres, etc. Certaines ONG comme ATTs’adaptent déjà au nouveau contexte.L’organisation dispose d’une “cellule décen-tralisation” pour développer des servicesd’appui aux communes. Ainsi tous les rap-ports produits par les “diémas” sont systé-matiquement déposés à la mairie. Tin Tuacompte faire plus. « On va anticiper, on vales former. Cela accroîtra nos chances denous entendre sur certains plans. On a déjàcommencé bien avant les élections c’est

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Partisan de l’autopromo-tion paysanne, ATT sou-tient les initiatives enfaveur de la formationdes femmes pour amélio-rer leur niveau deconnaissance en décen-tralisation.

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nous qui avions organisé les conférencesdépartementales et provinciales. On va pro-poser des modules de formation pour lesconseillers », dit M. Ouoba. Outre la for-mation de ces nouveaux responsables, dontde beaucoup sont analphabètes, Tin Tuacompte mettre à leur disposition sa troupede théâtre pour sensibiliser la population.Les locaux de l’association pourraient“dépanner” des mairies qui ne disposeraientpas d’une salle de réunion ou d’un bureau.

Ce processus de dialogue avec lescommunes permettra de donner l’informa-tion juste aux responsables municipaux, defaire part des attentes du Programme et derecueillir en retour les leurs. Dans cetteapproche gagnant gagnant, les communesne devront pas donner des ordres mais col-laborer. « Si nous ne faisons pas ce travaild’information et de formation, c’est nous-mêmes qui sommes en danger. Ils ne pour-ront pas continuer à supporter qu’en tantqu’autorité, il y ait des structures qui nesont pas gouvernementales qui ont autant

de moyens et qui les narguent », analyseBenoît Ouoba, très au fait de la situation surle terrain. Comme le secrétaire exécutif deTin Tua, Mme Tapsoba pense qu’il faut tra-vailler à rassurer les communes en leur fai-sant comprendre que les femmes consti-tuent la force motrice de la PTF. Elle admettoutefois qu’il faut faire des conces-sions. « Le programme doit diversifier sesformules, pourquoi pas des PTF commu-nales pour développer des services, l’activi-té économique… ça permet au programmede renforcer sa légitimité. Si on veut capterles fonds des communes, elles ne vont pasaccepter que tout soit pour les femmes ».M. Bonkoungou propose simplement queles communes aillent mobiliser les fonds etque le Programme les accompagne techni-quement.

Au Burkina, un vaste chantiers’ouvre pour le Programme PTF avec lacommunalisation intégrale. Chance oumenace ? Réponse dans les mois à venir.

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conclusion

Des moyens, un dispositif d’appui, une démarche, des outils, l’engagementdes populations… permettent au Programme PTF d’afficher des résultatsprobants. Qu’en sera-t-il à la fin du Programme, c’est-à-dire en l’absencede certains de ces piliers qui soutiennent l’édifice ? Si l’approche dite

dégressive, autrement le retrait progressif, prépare en théorie les communautés à s’ap-proprier toute la dynamique, la capacité des ONG à assumer leur mandat constitue unréel sujet de préoccupation.

Avec l’extension, en 2006, du Programme à d’autres régions du pays, il appa-raît clairement que les “opérateurs” n’ont ni les mêmes capacités ni la même culture enmatière de développement que Tin Tua, dont l’exemple devrait inspirer les autresONG.

Plus que jamais, les initiateurs du Programme devront faire davantage preuvede flexibilité, d’adaptation aux réalités locales et accepter d’apporter des appuis pourrenforcer les partenaires dans le besoin pour qu’ils puissent réussir leur mission afin depermettre aux communautés de prendre le relais le moment venu. Dans certaines ONG,les équipes d’animation étoffées, indispensables à la réussite du Programme, fontdéfaut. Faire preuve de réalisme en se limitant à la zone d’intervention du partenairepourrait n’avoir aucun impact significatif. Vouloir aller au-delà sans y mettre lesmoyens c’est courir à l’échec. Un Programme PTF ambitieux ne peut faire l’économied’un appui réel aux ONG notamment pour le renforcement de leur dispositif d’anima-tion sur le terrain.

Le défi de l’autonomisation et de la pérennisation

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Le PNUD est le réseau mondial de développement dont dispose le système desNations Unies. Il prône le changement, et relie les pays aux connaissances, expé-riences et ressources dont leurs populations ont besoin pour améliorer leur vie.Nous sommes présents sur le terrain dans 166 pays, les aidant à identifier leurspropres solutions aux défis nationaux et mondiaux auxquels ils sont confrontésen matière de développement. Pour renforcer leurs capacités, ces pays peuvents'appuyer à tout moment sur le personnel du PNUD et son large éventail de par-tenaires.

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Programme Régional Energie-PauvretéProgramme des Nations Unies pour le Développement Bureau de DakarBP, 154, Dakar, SénégalTel : (221) 867 27 90Fax : (221) 867 22 55Courriel : [email protected]/energy

Association Tin TuaBP 167 Fada N’GourmaBurkina FasoTel. + 226 40 77 01 26 Fax : 226 40 77 02 08Courriel : [email protected] : www.tintua.org

Programme National PTFM/LCP11 BP 1972 Ouagadougou 11Burkina FasoTel. + 226 50 30 57 35 / 40Fax : 226 50 30 57 48Courriel : [email protected]

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Programme des Nations Unies pour le Développement Burkina FasoRue Maurice BishopImmeuble des Nations Unies01 BP 575 Ouagadougou 01Tel : (226) 50 30 67 62/63/64Fax : (226) 50 30 31 04 70Courriel : [email protected]