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Comment je suis devenu fréquentable

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Peter Kassovitz

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Peter Kassovitz

roman

Cent Mille Milliards

Comment je suis devenu fréquentable

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© Peter Kassovitz et Cent Mille Milliards, 2021.

Les ouvrages édités par Cent Mille Milliards sont imprimés à la demande

par un établissement certifié Imprim’Vert sur papier labellisé FSC.

L’expédition en librairie est aussitôt faite par Hachette Livre Distribution.

L'impression à la demande est un choix technologique et pratique

(zéro retour, zéro stock, zéro pilon, zéro indisponibilité)

et un atout essentiel pour la protection de l’environnement

grâce à sa faible empreinte carbone.

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Première partie

Comment j’ai creusé ma tombe

L’escorte déroula la capote avec la dextérité d’une pro-fessionnelle et demanda si elle devait enlever sa robe.

« Ce ne sera pas nécessaire, répondis-je, penchez- vous, relevez votre jupe. Voilà. Parfait. »

Elle assuma sans fausse pudeur son statut de prolé-taire obligée de vendre sa force de travail, empochant tout de même le salaire supérieur d’un cadre supérieur. Elle m’abandonna l’usufruit de son corps, gardant le suprême pouvoir de me mépriser voire m’humilier. Manifestant une indifférence aristocratique, elle se concentra sur l’écran géant qui nous faisait face et sur lequel défilaient

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en boucle les meilleurs buts de la future star de ma petite entreprise.

« Il est beau, observa-t-elle, qui est-ce ?— Mon assurance vie pour mes vieux jours, répondis-

je, présumant que nous partagions le même sens de l’humour crapoteux.

— Mais encore ?— Pour tout vous dire, Vlad est le meilleur buteur

de la Champions League et nous sommes en train de négocier son transfert. »

Comme s’il avait deviné qu’une beauté exotique l’observait, Vlad marqua un but d’anthologie dans un retourné magnifié par le ralenti. Comblé, je fus secoué de spasmes, gémissant comiquement.

« Désolé, bredouillais-je, car j’avais des manières (ou ce qu’on appelle “la classe” chez les footeux) à défaut de persévérance (ce qu’on appelle “éjaculateur précoce” chez les sexologues), précisant aussitôt que l’extrême brièveté de la prestation ne changeait rien au prix déjà négocié.

— C’est de l’argent gâché » répliqua la jeune femme, qui n’avait rien à m’envier dans le domaine de l’humour lourdingue et de la goujaterie machiste.

Mais elle sut cependant montrer une certaine déli-catesse, ne cherchant pas à m’humilier comme l’auraient fait beaucoup de femmes que je connais. Je lui en sus gré. J’ai toujours été précoce, dans les affaires comme dans le sexe. Loin de penser que cette disposition pouvait faire de moi un primate ridicule, je l’ai toujours brandie comme un étendard me distinguant des tâcherons du

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sexe dégoulinants de bons sentiments. Mon paradigme en somme, que je résumerais en paraphrasant le regretté président Kennedy : je ne suis pas là pour vous servir, mais pour me servir.

Au moment où j’entreprends le récit des évènements inspirés d’une histoire vraie, la mienne (bien que je préfère la formule de Vian « cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée »), dont l’épisode de l’escorte est le préambule et qui ne pren-dra son sens que dans le dernier chapitre, je me pose deux questions. Pourquoi livrer, dès la première page, cet épisode navrant et pourquoi lui donner cette forme solennelle en la conjuguant au passé simple ? Je peux répondre facilement à la première parce que je tiens à donner la preuve que rien ne sera camouflé des noirceurs de mon « âme » (si tant est qu’une chose qui prétend à l’immortalité existe seulement). Quant à la deuxième question, elle ne peut avoir de réponse. Elle relève de la liberté de l’artiste, ce qui en France est un des piliers du droit de l’homme, l’autre étant les droits d’auteur. Voilà. Reprenons donc la narration en suivant la chronologie.

JOUR 1.12 h 30.

Césaire passe la tête par la porte et annonce, sans s’étonner le moins du monde de me voir le pantalon sur les genoux :

« C’est l’heure mon pote. Il attend notre appel. »On s’installe devant le Mac, il lance WhatsApp et je

lui envoie une bourrade virile :« Regarde et apprends ! Je vais me payer le Russkof ! »

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À cinq mille kilomètres à l’est, Gogol enfourne une immense bouchée de son sandwich smoked meat- cornichon et pointe un doigt plein de graisse, néanmoins menaçant, sur nous.

« Chelsea intéressé aussi. Moi pas idiot.— Bonjour mon ami. Rien ne justifie votre méfiance,

vous n’aurez jamais une aussi bonne offre que Madrid et pour aller à Madrid il faut passer par Transfoot le bien nommé. »

Césaire, qui connaît la musique, tapote sur le clavier et le contrat apparaît sur l’écran.

« Voyez l’alinéa 3/B, vous empochez 800 000 dollars, c’est-à-dire 650 400 euros au cours de Londres, avec un bonus de 0,2 % si vous vous faites payer à Hong Kong.

— Toi petit génie, tu embrouilles, qu’est-ce que tu fais de 6 % sur les réclames ?

— Je m’excuse de vous demander pardon, mais vous manquez de vitamine D, nous avons dealé 4 % sur Adidas, dont 2 % de rétrocommission pour ma pomme ! »

Une blonde apparaît derrière Gogol et commence à masser sa nuque de taureau avec ses ongles rouges qui rappellent la place qu’on aperçoit par leur fenêtre et les cartons rouges de notre profession. Gogol en profite pour prendre un temps de réflexion. Ce n’est pas le moment de se tromper.

« Ok, fait-il enfin, avalant une autre bouchée. D’accord pour total, mais tu payes à la signature, tu sais où. »

Nous exécutons un petit numéro de claquette avec Césaire (coup d’œil excédé, sourire entendu et soupir) pour bien faire passer le message au Russe, « t’en fais

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pas tovarisch, on connaît les codes, même si on prend les choses avec philosophie », et je conclus sur une menace déguisée en trait d’humour :

« On finira tous par choper un carton rouge avec vos magouilles aux Bahamas, mais je vous aime trop. It’s a deal… Je vous envoie le contrat par WeTransfer. Vous faites signer Vlad, vous demandez à la jolie masseuse que j’aperçois derrière vous de scanner, renvoyer, et tout le monde est content.

— Tu n’as pas appris la galanterie quand tu es petit, s’indigne Gogol. Pourquoi tu appelles masseuse ma collaboratrice ? Elle a un nom ! Tatiana. Et elle a plus de diplômes que vous deux ensemble. »

Césaire me fait signe, attention terrain glissant. Ces Slaves sont très chatouilleux sur les histoires d’honneur. J’avale la méchanceté que j’avais au bout de la langue et la remplace par un « ne vous fâchez pas camarade, just joking », neutre, efficace. Mais Gogol a senti l’odeur du sang et il n’est pas près de lâcher.

« Vlad, il a dignité, il ne signe pas avec inconnu.— Quel inconnu ? Je le connais en long et en large, au

ralenti ou en accéléré…— Ça, ce n’est pas connaître ! Il faut rompre le pain

les yeux dans les yeux si tu veux faire alliance. »Un ange passe. Craignant que je ne réponde aux

directs de Gogol par un coup bas, Césaire me fait sa tête « sois pas idiot » et j’obéis avec un soupir :

« Si je vous dis qu’on vous réserve la suite royale au Hilton et que la Limo vous attendra à Roissy, ça vous convient ? »

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La grimace de Gogol se transforme en un sourire authentique :

« Now you are talking » lance-t-il.En un claquement de doigts, Tatiana, diplômée des

meilleures universités, fait apparaître un seau à glace avec une bouteille de Vodka, tandis que de notre côté Joyce sort le champagne et remplit les coupes.

« Nasdovie, lance Gogol en levant son verre.— Prostate ! » répliquons-nous en chœur, en faisant

tinter nos verres contre l’écran avant de les vider cul sec. Le Russe ajoute alors une petite note personnelle à la cérémonie en lançant son verre derrière son épaule, dans la meilleure tradition de son pays d’ivrognes.

14h00. Gogol et sa blonde se dissolvent dans le cyberespace

avec un élégant chuintement et je me tourne vers le fils d’esclave qui a troqué ses chaussures à crampons pour un plat de lentilles :

« Vous avez le cul bordé de nouilles d’être associé à un génie des affaires. »

Césaire se montre moins enthousiaste.« Qui tue le lion en mange, dit-il. Du coup, les autres

sont mangés…— Arrête de le jouer petit bras. Gogol arrive avec son

poulain, signe et aussitôt nous sommes riches ! Je veux dire encore plus riches ! »

Et c’est là, au moment même où je me déclare maître de mon destin, que mon père débarque, ou plus précisé-ment que l’on débarque mon père qui va me prouver le

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contraire. Le fait qu’il arrive dans une camionnette de messagerie n’enlève rien à l’importance du moment. Joyce annonce à l’interphone, de sa voix de chanteuse de blues :

« Tu as une recommandée. Faut signer perso. »La messagère des dieux en uniforme Fedex, dont les

boutons ne tiennent que par miracle, attend au secréta-riat, surveillant jalousement un gros carton.

« Keskesékesa ?— C’est comme au poker, il faut payer pour voir. Ça

fera cent cinquante euros.— Et qui me dit que ça les vaut ?— C’est à vous de voir.— Allez, vivons dangereusement » dis-je, ignorant à

quel point je me montrais prophétique.Joyce pêche dans son classeur la carte destinée aux

menues dépenses. L’employée Fedex en profite pour lou-cher sur le porte-documents où s’alignent comme des petits soldats les diverses cartes des diverses banques, mais se retient de faire un commentaire sur les « y’en a qui ne s’emmerdent pas ». Puis elle nous abandonne sans regret le carton portant sur son flanc des inscriptions avec des idéogrammes chinois.

« On a quelqu’un en Chine ?— On avait un pongiste, mais tu l’as viré parce qu’il

n’était que deuxième aux jeux de Pékin » soupire Césaire en levant les yeux au ciel.

Joyce prend une paire de ciseaux et pousse son gros ventre de femme enceinte, tel un brise-glace, vers le carton. Je l’arrête d’un geste :

« Gaffe ! Et si c’est une bombe !?

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— C’est ça… Ta parano a encore frappé…— Parano ? Il y a des gens qui me détestent partout,

c’est même à ça qu’on me reconnaît. »L’occasion est trop belle. Césaire fait la démons-

tration de sa supériorité morale, exigeant que sa sœur, Joyce donc, qui porte son neveu, s’abrite derrière la porte blindée du palier tandis qu’il se positionne face au colis, prêt à se faire exploser pour connaître son secret. Je n’ai pas le courage d’être lâche et me contente de serrer les fesses en attendant la déflagration. Elle n’arrive pas. Je me suis déconsidéré en pure perte.

Nous débarrassons les multiples couches de plas-tique à bulles et dégageons, comme un sculpteur ferait naître un buste d’une motte d’argile, une urne funéraire. Chaussant ses petites lunettes rondes, Césaire déchiffre la plaque vissée sur le socle :

« El-mer Kron-stein 1938-2018… Tu connais ?— Un nom comme ça, je m’en souviendrais » dis-je,

haussant les épaules pour me donner contenance.Une enveloppe à en-tête du Funeral home Shanghaï

est récupérée par Joyce qui la passe au destinataire. J’imagine que sur mon visage, portant d’habitude les marques d’une détermination sans faille, s’inscrit une forme de désarroi, troublant mes collaborateurs. Césaire m’interroge du regard, mais je ne peux rien pour lui. Je passe ma veste, lance un « salut, à demain, je serai là pour les Russkofs » et les laisse sur leur faim. J’ai d’autres priorités que m’occuper de leurs états d’âme.

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16h00.Une longue ligne de nécessiteux s’impatiente devant

le comptoir où officie Véra, car avec (ou malgré) son élégant casque de cheveux blancs aux reflets argentés et son accent de Neuilly, elle bénéficie d’une grande cote d’amour chez les pauvres du quartier. SDF, clochards classiques, migrants et filles-mères passent devant elle et chaque colis alimentaire est agrémenté d’une parole et/ou d’un sourire d’encouragement.

« Ça va mieux, Madame Faudel ? Le petit a vu le médecin ? Bonjour Jeannot, vous n’êtes pas passé la semaine dernière ! Monsieur Dias, votre dame a reçu la réponse du DAL ? »

Comment fait-elle pour retenir tous ces noms ? Elle se tourne déjà vers le suivant, réarmant son regard “chaleur humaine”, qui s’assombrit aussitôt qu’il rencontre le mien :

« Monsieur le directeur, qu’est-ce qui nous vaut ? lance-t-elle, sans chercher à masquer le sarcasme. Nous avons du couscous aujourd’hui, ça vous dit ?

— Je te remercie, je n’ai pas d’appétit » répliquai-je avec un mélange de rancœur et de gêne, avant de planter l’urne sur le comptoir.

Tout le monde alentour se fige à la vue de l’objet incongru et guette la réaction de leur bienfaitrice. Ils n’ont pas longtemps à attendre :

« C’est quoi cette horreur ?— Tu veux plutôt dire QUI est-ce ? »Je marque un temps, portant le suspense à l’incan-

descence avant de tendre la missive accompagnant le cadeau-surprise :

« Je t’ai amené le mode d’emploi. »

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Elle comprend dès la première minute qu’on ne joue pas pour des haricots, mais elle veut gagner du temps afin d’élaborer une stratégie de contre-attaque. Chaussant ses demi-lunes, elle se met à lire à haute voix, comme si elle devait prouver à ses pauvres qu’ils ne sont pas moins importants à ses yeux que le trouble-fête arrogant. Les nécessiteux apprendront donc en même temps que la mère du destinataire que le res-ponsable de cette farce macabre n’est autre que l’auteur de ses jours :

« Mon petit, lit-elle avec un léger dégoût dans la voix, je souhaite être enterré selon notre rituel, dans la tombe de ton grand-père, qui repose dans le cime-tière juif de Budapest. Parcelle 15b, allée 8, rangée 5. Je souhaite qu’une petite formation joue Let’s Dance de Benny Goodman. Je te remercie d’avance d’accomplir ton devoir de fils. Adieu. Post-scriptum : j’ai préféré me faire incinérer, au moins j’ai chaud. »

Elle plie la missive méthodiquement et se mouche.« Quel salaud ! »J’adopte de mon côté la stratégie de so what factuel,

dénué d’affect, peut-être pour ne pas pleurer.« Pour ton information, “papa” est arrivé de Chine

ce matin par Fedex. »Cela déclenche quelques rires timides dans le public

et une réaction inattendue de ma mère.« Qu’est-ce qu’il foutait en Chine ? Sûrement à sauter

des petites Chinoises… »

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Je me retiens de la frapper et me contente de poser la question, la seule qui à mes yeux nécessite une réponse :

« Pourquoi tu m’as toujours dit qu’il était mort quand j’étais encore dans ton ventre ? »

Elle prend la fuite à la manière des moineaux, qui se réfugient au milieu d’un troupeau de moutons pour échapper au faucon, comme si elle pouvait se dissoudre dans l’anonymat.

« Au suivant, lance-t-elle. Bonjour, Monsieur Burstein, on vous a préparé votre colis végétarien, je vais vous le chercher. »

Je l’attrape par le bras, à défaut de la tenir par l’amour maternel, et la traîne à l’écart, provoquant un murmure de réprobation. Elle adresse un geste d’apaisement à son fan-club et me sauve du lynchage :

« Je t’appelle ce soir » tente-t-elle sur un ton raisonnable.

Je dois à la vérité que j’admire son sang-froid et la rapidité avec laquelle elle adapte sa stratégie aux circonstances.

Je baisse la voix, au grand regret de ses protégés :« Allez, déballe ! Ou je…— Tu frapperais ta mère ?— Teste-moi, tu verras bien. »J’assure ma prise, espérant lui faire passer l’envie de

plaisanter. S’ensuit un silence très parlant. La pantomime nous suffit. Elle secoue la tête, lève les yeux au ciel et souffre en silence. Je fais mon pitbull au bord de la crise de nerfs et montre mes muscles. Et ainsi de suite… C’est elle qui craque la première.

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« C’est difficile d’en parler…— Il ne manquerait plus que ce soit facile.— Pour moi, il était mort, alors pour toi aussi. Ne

regrette rien. Il était beau, mais une vraie planche pourrie. J’ai même déchiré ses photos, c’est dire…

— Tu aurais au moins pu m’avertir que je suis juif.— Pourquoi ? Ce n’est pas contagieux… Je n’ai jamais

parlé parce qu’il y avait déjà cette violence en toi, ajou-ta-t-elle avec douceur. J’avais peur que tu ne la tournes contre toi-même.

— Touchant cette prévenance. Mais j’ai l’âge de voter depuis quinze ans. Tu attendais quoi ?

— J’attendais que tu ailles au bout de ta thérapie. »Soudain, je m’entends hurler :« Ce n’était pas ma thérapie, mais la tienne ! Tu

conspirais avec cette folle pour négocier une bonne conscience ! »

Je sens qu’elle prépare l’argument qui tue, alors quand elle prend une grande inspiration, tel le buteur au moment du tir au but, je la stoppe, levant la main, comme je l’ai vu faire au cinéma par un chasseur qui arrête d’un geste la charge d’un éléphant en furie, quitte à me priver d’informations peut-être capitales.

« Finalement, je ne tiens pas à savoir ce qu’il a fait ou ce qu’il n’a pas fait, s’il était beau ou moche ou s’il allait à la messe. Tout ce que je veux, c’est que tu assumes ce que tu as fait ou pas fait.

— Tu ne peux pas me punir pour ce que je N’AI PAS fait ! » raisonne-t-elle.

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Je décèle enfin dans sa voix un soupçon de fragilité et je m’engouffre dans la brèche :

« Tu es encore jalouse ! J’y crois pas ! »Elle le prend en plein estomac et je la sens vacil-

ler. Sans l’arrivée de la cavalerie légère, annoncée par la sonnerie de mon portable, elle était bonne pour la casse. Mais il y a un dieu pour les menteuses. Je lui fais signe de se taire en posant un doigt sur sa bouche et décroche :

« Holà señor ! J’allais justement vous appeler, mais là je suis en rendez-vous…

— Si tu oses raccrocher, tu vas être sorry, lâche Marquez avec l’accent rocailleux des Asturies. La fabri-cation de 10 000 maillots avec nom de Vlad est lancée ! Je donne garantie personnelle au staff du Réal pour plan média, je loue le Prado pour conférence de presse et deal toujours pas signé ? »

Un coup d’œil du côté de Véra confirme qu’elle laisse traîner une oreille. Tant pis, j’improvise, appliquant la stratégie d’épouillage du fort au faible :

« Sorry, pardon, mea culpa ! C’est vrai, j’ai traîné les pieds avec Moscou, mais pour obtenir un meilleur deal pour le Réal. Gogol cherche à monter les enchères avant la fin du Mercato. Je suis en ce moment même au Luxembourg pour empêcher la manœuvre. Du coup, Gogol rapplique à Paris avec son poulain pour finaliser l’accord tripartite sous la haute autorité de la FIFA…

— Cuidado, Gogol es oune ladrón. La réputation de la casa Marquez est importante nous ne faisons pas plaisanterie avec question d’honneur.