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Comité d’Éthique VR Cette charte est à destination des commanditaires, des utilisateurs, et des producteurs de contenus immersifs Charte de recommandations sur l’usage de la Réalité Virtuelle

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Page 1: Comité d’Éthique VR Charte de recommandations...Les technologies immersives regroupent plusieurs solutions techniques, dont les quatre plus développées sont : la réalité virtuelle

Comité d’Éthique VR

Cette charte est à destination des commanditaires,des utilisateurs, et des producteurs de contenus immersifs

Charte de recommandationssur l’usage de la Réalité Virtuelle

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Charte de recommandation sur l’usage de la Réalité Virtuelle - octobre 2019

Publication libre du Comité d’Ethique VR à l’initiative du GIE VR Connection 2

Dans les technologies immersives, la réalité virtuelle (VR), qui consiste à recréer un monde entièrement virtuel généré par un ordinateur et dans lequel l’utilisateur peut s’immerger complètement, est probablement celle qui provoque l’impact le plus important sur les systèmes cognitif et émotionnel de l’utilisateur.

L’immersion provoquée par le système de réalité virtuelle, en visiocasque, est telle qu’elle a prouvé son efficacité dans la thérapie contre les phobies. Mais si elle a un impact si fort sur la cognition, il appartient à la filière de s’intéresser à son encadrement.

En effet, les technologies immersives ont désormais atteint une maturité qualitative et opérationnelle suffisante pour être considérées durablement, par les industriels, dans les processus de formation, de prévention, d’apprentissage, et d’assistance au geste technique. Elles vont alors être confrontées aux contraintes de l’environnement de travail. Et pourtant, leurs effets ne sont pas encore totalement connus. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) s’est saisie du dossier pour étudier leur impact sanitaire et livrera des conclusions en 2020. Mais dès à présent, la filière réagit avec la création d’un Comité d’Ethique VR dont l’une des missions est de publier des recommandations à destination des commanditaires, des utilisateurs et des producteurs de contenus immersifs pour éviter des écueils bien connus de la profession.

Ces 22 recommandations couvrent les effets des incohérences sensorimotrices (SM), des interfaces fonctionnelles irréalistes (CG), des contenus inappropriés (CT), des états psychologiques et cognitifs inadaptés (PS), des modalités pratiques mal préparées (MP). Elles ont été élaborées par le Comité d’Ethique VR qui regroupe psychiatres, neuropsychologues, chercheurs, experts de l’immersion, producteurs de contenus immersifs, grandes entreprises dans un objectif de faire de cette charte une référence dans l’usage de la réalité virtuelle.

Ces recommandations n’ont pas l’objectif de freiner l’usage de la réalité virtuelle mais elles sont, au contraire, destinées à faire bénéficier l’écosystème des apprentissages, encore empiriques, des quelques années d’existence de cette technologie dans les jeux, les divertissements, et les simulateurs.

La charte a vocation à évoluer et à s’enrichir au gré des usages. Les retours et commentaires sont bienvenus à l’adresse [email protected]

Abstract

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Table des matièresPréambule 5Les technologies immersives 6

1. Introduction 6Les technologies immersives 6La réalité virtuelle (VR) 7La réalité virtuelle (VR) en visiocasque 7La réalité virtuelle (VR) dans le cadre de la formation et de la prévention 8

2. Les effets négatifs dus aux incohérences sensorimotrices 10Solutions pour contourner les effets négatifs des incohérences sensorimotrices surle confort de l’utilisateur 11Les trois incohérences sensorimotrices majeures 11 Inconfort SM1 : Incohérence entre vue et mouvement due à la latence d’affichage 11 Inconfort SM2 : Incohérence oculomotrice 12 Inconfort SM3 : Incohérence visuo-vestibulaire 12Les effets négatifs dus à la non-colocalisation 14 Inconfort SM4 : Incohérence de non-colocalisation 14Les effets négatifs dus à la déformation du champ visuel 14 Inconfort SM5 : Incohérence de déformation du champ visuel 14

3. Les effets négatifs dus à un interfaçage fonctionnel inadapté au schèmesensorimoteur naturel 15

Inconfort CG1 : Inadaptation à un geste fonctionnel artificiel 15

4. Les effets négatifs provoqués par le contenu 16Inconfort CT1 : Le niveau inapproprié d’immersion corporelle 16Inconfort CT2 : La suggestion inappropriée d’attention 17Inconfort CT3 : La proximité excessive 17Inconfort CT4 : La représentation inappropriée d’un humain 18Inconfort CT5 : La progression asymétrique dans les niveaux d’immersions 18Inconfort CT6 : Les transitions brusques 19Inconfort CT7 : Les environnements anxiogènes 19Inconfort CT8 : La gestion du temps 20

5. État psychologique et cognition 21Introduction 21Fonctionnement cérébral et immersion en réalité virtuelle 23PS1 : Recommandations issues de la psychologie - psychopathologie 23PS2 : Recommandations issues de la neuropsychologie 25PS3 : Recommandations générales concernant les passations pour les utilisateurs novices 26

6. Modalités pratiques et le déroulement d’une expérience, dans un cadreprofessionnel 28

MP1 : Consultation des entités institutionnelles 28MP2 : Considérations préalables au lancement d’une formation en réalité virtuelle 29MP3 : Recueil du consentement de l’utilisateur 29MP4 : Recommandations de déroulé d’une séance de formation tutorée en réalité virtuelle 30MP5 : Recommandations sur le dispositif matériel à mettre en place 31

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ANNEXES 32

Annexe - Incohérences sensorimotrices - chap. 2 33Latence d’affichage 33Incohérence oculomotrice 34Incohérence visuo-vestibulaire 35Quelques notions sur le comportement sensorimoteur humain 40Introduction à l’extéroception et la proprioception 40

Annexe - État psychologique et cognition - chap. 5 44Sentiment de présence 44Le phénomène d’illusion corporelle (et le concept d’unité d’identificationphénoménologique) 46Le phénomène dit de l’effet proteus 47Perspective neuroscientifique : que vit notre cerveau en VR ? 47Utiliser la VR pour en savoir plus sur la cognition et le cerveau 48Pour comprendre les effets possibles de la VR sur la psychologie humaine :les usages de la VR en psychothérapie pour traiter les troubles anxieux. 48Réflexions générales basées sur des études concernant les effets de la VRsur la psyché et le comportement 49

Annexe - Modalités pratiques et déroulement d’une expérience dans un cadreprofessionnel – chap. 6 51

Bibliographie 53

Vocabulaire 57

Contributeurs 60

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Préambule

Le Comité d’Éthique VR est un groupement indépendant de psychiatres, neuropsychologues, chercheurs, experts de l’immersion, producteurs de contenus immersifs, grandes entreprises*. Il est mis en place à l’initiative du GIE VR Connection, la filière française des solutions immersives, et est présidé par M. Franck Rougeau. Le comité a pour vocation de :

1 - Définir les règles à respecter et émettre des recommandations à destination des donneurs d’ordre (commanditaires, prescripteurs, ingénieurs pédagogiques, validateurs, formateurs, élèves et utilisateurs) et des producteurs de contenus, de façon à limiter les effets indésirables des expériences immersives pour les usages professionnels.

2 – Créer une sorte de PEGI VR (création du système d’évaluation, développement du lobby du label, structuration et reconnaissance du label dans la réglementation), de façon à classifier les contenus immersifs produits par les studios dans un objectif d’information de l’utilisateur grand public sur l’intensité de l’impact généré par l’expérience.

Ce document, issu des réunions mensuelles du Comité d’Éthique VR pendant un an, est son premier livrable. Il traite des recommandations sur l’usage de la Réalité Virtuelle en formation ou prévention dans un environnement professionnel. Ces recommandations couvrent essentiellement le champ opérationnel et s’inscrivent en complément des conclusions de l’étude des effets sanitaires potentiels liés à une exposition aux technologies de réalité virtuelle (VR) et de réalité augmentée (AR) que l’ANSES prévoit de publier en 2020.

* La liste des contributeurs est fournie en annexe

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1. Introduction

Les technologies immersives

Les technologies immersives regroupent plusieurs solutions techniques, dont les quatre plus développées sont : la réalité virtuelle (VR), la vidéo 360°, la réalité augmentée (AR) et la réalité mixte (MR). Ces technologies peuvent ensuite se diffuser sur plusieurs dispositifs matériels.

Réalité virtuelle(VR : Virtual Reality)

Immersion dans un monde entièrement virtuel généré par ordinateur. Il occulte

l’environnement réel autour.

Vidéo 360°

Visionner un contenu vidéo en 360°, c’est-à-dire hors de son

champ de vision initial

Réalité augmentée(AR : Augmented Reality)

Compléter une vue réelle en temps réel par une couche de données ou d’objets virtuels.

Réalité mixte(MR : Mixed Reality)

Intégrer et interagir avec des objets virtuels dans la réalité

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La réalité virtuelle (VR)

La réalité virtuelle (VR) en visiocasque

La réalité virtuelle (VR) permet en temps-réel de recréer un environnement entièrement artificiel, totalement maîtrisé par le code informatique, qui permet de jouer tous les scénarii possibles en gérant les interactions avec l’utilisateur. C’est une technologie particulièrement efficace pour un certain nombre d’applications car l’environnement virtuel va pouvoir réagir aux interactions de l’utilisateur sans la limite d’être figé comme dans un film.

Elle se caractérise, entre autres, par cinq éléments : • Interactif : l’utilisateur est acteur, il interagit avec l’environnement virtuel via l’ordinateur

(l’application / le logiciel) et des interfaces motrices (manettes, « leap motion* », pointage oculaire, etc…) ;

• Immersif : l’utilisateur est plongé dans un monde virtuel, coupé du monde extérieur ;• Visuel : par exemple, au travers d’un casque ou dans une salle équipée (simulateur) ;• Sonore : incluant des sons recréant l’environnement, ou des instructions orales

pouvant guider l’utilisateur ;• Haptique : avec quelquefois la possibilité de toucher, via des interfaces tactiles, ou de

ressentir des forces sur ses mains, via des interfaces à retour d’effort.

La VR peut se pratiquer sur différents dispositifs matériels provoquant plusieurs degrés d’immersion : les écrans de PC, de tablettes, de smartphones, les écrans projetés (salles immersives ou “Cave”), les écrans multiples avec simulateur matériel, les visiocasques avec ou sans simulateur matériel. Le dispositif étant un élément essentiel de l’immersion, les recommandations éthiques peuvent différer en fonction de celui qui est sélectionné.

La VR en visiocasque permet une immersion importante (« immersion corporelle ») car l’utilisateur peut naturellement regarder autour de lui à 360° et peut se déplacer physiquement dans l’environnement virtuel. Aussi, le visiocasque est un dispositif relativement abordable pour être considéré pour un déploiement dans un cadre industriel. Il est entendu que des accessoires complémentaires peuvent être importants dans le cadre d’une immersion plus profonde impliquant des interactions physiques avec l’environnement (siège actif, pédales, volant, boutons, …). C’est le dispositif pris comme référence dans l’élaboration de cette charte de recommandations. Mais la plupart des recommandations suivantes sont valables pour toutes applications VR, qu’elles soient lues avec ou sans visiocasque.

* Les mots en caractère gras sont définis dans l’annexe vocabulaire

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La réalité virtuelle (VR) dans le cadre de la formation et de la prévention

L’immersion et l’implication de l’utilisateur, provoquées par la VR, favorisent l’apprentissage et l’ancrage mémoriel. Les entreprises utilisent, de plus en plus, cette modalité pédagogique pour former les salariés à des gestes métiers ou prévenir et réduire l’exposition aux risques dans leur environnement de travail.

Les gains / avantages de la modalité :• Immersion à 360°, « du sol au plafond »;• Liberté du formateur sur le niveau de réalisme (environnement extrêmement réaliste ou

non, suivant les choix pédagogiques) ;• Reconstitution d’environnements spécifiques, peu accessibles, et/ou dangereux ;• Scénarisation possible et liberté du formateur sur la navigation contrainte ;• Possibilité de faire des exercices validants (avec points / récompenses / badges ...) ;• Possibilité de faire une évaluation objective et automatisée du comportement de

l’apprenant ;• Forte économie (coût immobilisation & déplacement du personnel, réduction des frais de

structure, …) ;• Logistique simplifiée pour des formations déportées hors de l’école (transport,

formateur, …) ;• Progression au rythme de l’apprenant.

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Les gains / avantages sur le plan pédagogique :• Contribue à améliorer la motivation des apprenants ;• Favorise la mémorisation des informations ;• Possibilité de rejeux pour observer et comprendre ses erreurs ;• Possibilité d’enregistrement et d’évaluation de l’activité de l’apprenant en temps-réel ou en

différé, pour le formateur ;• Possibilité d’assistance pédagogique, automatisée ou non, pour l’apprenant ;• Adapté à l’enseignement de notions abstraites par représentations ;• Adapté à des situations demandant un accès sur le terrain ;• Partie intégrante du « blended learning »;• Expérience utilisateur enrichie par rapport à une pédagogie non immersive.

Les scénariis déroulés dans une expérience VR peuvent avoir un impact variable en fonction du conditionnement de l’utilisateur, de sa préparation, du cadre dans lequel il joue l’expérience et enfin du contenu évoqué. Afin de circonscrire les recommandations aux usages les plus fréquents du marché, nous nous sommes concentrés, dans un premier temps, sur une charte de recommandations d’éthique à destination des commanditaires, des prescripteurs, des ingénieurs pédagogiques, des validateurs, des formateurs, des producteurs de contenu immersif, dans les usages de la formation professionnelle et de la prévention dans l’industrie.

L’usage des techniques de réalité virtuelle peut poser divers problèmes de confort et de santé. Ces derniers peuvent être induits par certaines catégories d’applications, créant des malaises ou vertiges et risques de chute chez les plus âgés. Ils sont principalement dus :• à des incohérences physiques, c’est-à-dire sensorimotrices ;• à un interfaçage fonctionnel inadapté au schème sensorimoteur naturel ;• à des contenus inappropriés ;• à des perturbations de l’état psychologique et cognitif du sujet par l’environnement virtuel ;• à des mises en œuvre non accompagnées ou des dispositifs technologiques non sécurisés.

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2. Les effets négatifs dus aux incohérences sensorimotrices*

«Ces incohérences sensorimotrices peuvent être, soit à l’intérieur d’un sens, soit entre plusieurs sens, soit entre sens et réponses motrices»

Indépendamment des solutions techniques exploitées, même avec un visiocasque « parfait », qui proposerait une même qualité de vision que celle du monde réel, persisteront toujours des incohérences physiques (c’est-à-dire sensorimotrices) pour certains types d’applications. Par principe, la création d’un nouveau monde artificiel implique l’existence de nouvelles règles, limites et potentialités ; dont certaines dépassent ou diffèrent sensiblement de celles du monde réel.

Ces incohérences sensorimotrices peuvent être, soit à l’intérieur d’un sens (par exemple, incohérence entre accommodation et convergence des yeux en vision stéréoscopique), soit entre plusieurs sens (par exemple, la locomotion sur un tapis roulant entraînant une incohérence entre la vision et la proprioception vestibulaire), soit entre sens et réponses motrices (souvent due à un décalage temporel entre l’action et la perception en retour de cette action). L’exemple le plus connu est le temps de latence entre le mouvement de rotation de la tête et l’affichage du point de vue correct dans le visiocasque.

Dans le monde réel, l’homme construit une représentation cohérente depuis son enfance à partir de tous les stimuli sensoriels reçus. Dans le monde virtuel, l’utilisateur cherchera en conséquence à interpréter avec cohérence ce qu’il perçoit, par rapport à son vécu dans le monde réel et malgré les incohérences sensorimotrices imposées par les techniques VR. Mais il est encore difficile actuellement de déterminer pour tous les usagers, aux comportements variables si, immergés dans tel ou tel environnement virtuel, ils arrivent à percevoir sa cohérence et à surmonter les éventuelles incohérences sensorimotrices. Certains seront plus sensibles que d’autres mais sans percevoir profondément pour quelles raisons. Si des incohérences sensorimotrices peuvent provoquer une gêne, quelquefois rédhibitoire, elles offrent aussi un résultat bénéfique quand le cerveau du sujet arrive à rendre cohérent la perception de l’activité lors de la simulation virtuelle. Un exemple classique : le sujet porte un visiocasque en restant en position fixe dans un lieu. Si le point de vue du sujet dans l’environnement virtuel se déplace en limitant les accélérations, le sujet se sent en mouvement, bien que ses systèmes vestibulaires indiquent que son corps est sans mouvement.

* Les éléments de ce chapitre sont extraits de [Fuchs 2018]

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Solutions pour contourner les effets négatifs des incohérences sensorimotrices sur le confort de l’utilisateur

Pour chacune des incohérences sensorimotrices, quatre catégories de solutions permettent de contourner les effets négatifs sur le confort de l’usager.• Atténuation de l’impact de l’incohérence sensorimotrice sur l’inconfort ou le malaise de

l’utilisateur ;• Suppression de l’incohérence sensorimotrice en modifiant le fonctionnement de l’activité

virtuelle ;• Suppression de l’incohérence sensorimotrice en modifiant le fonctionnement de l’interface

ou en rajoutant une autre interface ;• Adaptation de l’usager à l’incohérence sensorimotrice pour ne plus avoir d’inconfort ou

de malaise.Cette dernière catégorie « d’adaptation individuelle » à ces incohérences n’est pas exposée et reste un sujet de recherche actuelle.

Les trois incohérences sensorimotrices majeures

Tandis qu’une dizaine d’incohérences sensorimotrices perturbatrices sont connues, certaines sont très spécifiques (voir chapitre 6 dans [Fuchs, 2018]). Les trois plus importantes sont la latence d’affichage, l’incohérence oculomotrice et l’incohérence visuo-vestibulaire.

INCONFORT SM1 : INCOHÉRENCE ENTRE VUE ET MOUVEMENT DUE À LA LATENCE D’AFFICHAGE

Exemple explicatif : Si le temps de latence d’affichage entre tout mouvement de tête de l’observateur et l’affichage du bon point de vue correspondant au mouvement est trop important (plus de 50 millisecondes), l’environnement virtuel ne sera pas perçu immobile pour l’usager, qui le verra osciller intempestivement.

Difficulté à diminuer l’inconfort : faible.Cible : Développeurs de l’applicationBibliographie : [Fuchs, 2018], [LaValle, 2017], recommandation [Oculus]

Recommandations :Atténuation de l’impact de l’incohérence par prise en compte dans le matériel et le logiciel :

Vérifier que le matériel choisi offre un temps de latence de l’ordre de 20 millisecondes et que le programme informatique développé n’augmente pas ce temps de latence.

Suppression de l’incohérence en modifiant l’interface visuelle : Remplacer l’immersion visuelle via un visiocasque par un écran parabolique, un écran cylindrique ou avec un ensemble d’écrans plats, la tête de l’observateur devant être immobile en translation par rapport aux écrans.

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INCONFORT SM2 : INCOHÉRENCE OCULOMOTRICE

Exemple explicatif : en vision stéréoscopique, que ce soit dans un visiocasque ou tout écran stéréoscopique (Cave, cinéma en relief « 3D », etc.), une trop grande différence entre l’image de l’œil gauche et celle de l’œil droit, imposée aux observateurs, crée une fatigue oculaire, voire une impossibilité de fusionner les

deux images.Difficulté à diminuer l’inconfort : moyenne.Cible : Concepteurs et développeurs de l’application.Bibliographie : [Shibata, 2011], [Fuchs, 2018], [LaValle, 2017].

Recommandations :Atténuation de l’impact de l’incohérence par prise en compte dans le contenu :

Limiter la différence entre les images stéréoscopiques gauche et droite (disparités rétiniennes inférieures à un seuil de l’ordre de 1° à 1,5°), ce qui revient à positionner les objets virtuels dans une certaine zone par rapport à la position de l’observateur. (Cf. annexe) ;

Suppression de l’incohérence en modifiant l’interface visuelle :Afficher en vision monoscopique (même images pour les deux yeux de l’observateur, comme au cinéma classique). Ceci est à proposer systématiquement pour les quelques pourcents de la population qui ne peuvent pas voir en vision stéréoscopique ou ceux qui fusionnent les images stéréoscopiques avec un effort oculomoteur important et donc avec une fatigue oculaire.

INCONFORT SM3 : INCOHÉRENCE VISUO-VESTIBULAIRE

Exemple explicatif : L’observateur étant immobile dans la pièce réelle, tout déplacement virtuel perçu par lui, dû à la vision des mouvements de la scène observée, va créer de l’inconfort, voire des nausées (médicalement appelé cinétose), si les accélérations des mouvements virtuels sont trop fortes.

Difficulté à diminuer l’inconfort : grande.Cible : Concepteurs et développeurs de l’application.Bibliographie : [Kemeny, 2015], [Kennedy, 1993], [Kennedy, 2000], [Harm, 2002], [Stoffregen, 1991].].

Recommandations :Atténuation de l’impact de l’incohérence par prise en compte dans le contenu :

Il existe cinq solutions, les deux premières étant complémentaires et, les trois dernières, également entre elles :• Limiter les accélérations en translation et en rotation du déplacement de l’utilisateur

dans l’environnement virtuel ;• S’assurer que les trajectoires ne soient pas être trop tortueuses, donc à rayons de

courbure assez élevés ;• Diminuer le champ de vision observé par une occultation des images en vision

périphérique ;• Injecter dans les images en vision périphérique, quelques références spatiales de

l’environnement réel pour stabiliser l’utilisateur ;• Afficher des objets dans l’environnement virtuel qui soient immobiles par rapport à

l’environnement réel.

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Suppression de l’incohérence en modifiant le fonctionnement de l’activité virtuelle :Il existe deux solutions différentes :• Le déplacement réel de la personne, debout en environnement réel, est le même

géométriquement que le déplacement en environnement virtuel ;• Le déplacement en environnement virtuel se fait par téléportation d’un lieu à un autre,

l’utilisateur restant immobile dans l’environnement réel (ce mode de déplacement peut s’avérer très peu ergonomique pour certaines personnes, notamment les plus âgées qu’il est préférable d’assoir : nous n’avons pas constaté d’inconfort lié à la téléportation, mais par contre de grandes difficultés de compréhension et de manipulation)

Suppression de l’incohérence en rajoutant une interface à simulation de mouvement :Pour solliciter correctement les systèmes vestibulaires de l’utilisateur, on exploite des interfaces à simulation de mouvement (sièges, cabines, tapis roulant, etc.).

Atténuer l’impactd’une incohérence

Supprimer l’impact par modification dufonctionnement de l’activité virtuelle

Supprimer l’impact par ajout d’interface

SM1 : Incohérence due à la latence d’affichage

Diminution du temps d’exécution du logiciel ou augmentation de la puissance de calcul du dispositif

Ecrans autour de la tête sans translation

SM2 : Incohérence oculomotrice

Positionner les objets virtuels dans une certaine zone

Vision monoscopique

Futurs visiocasques à accommodation adaptative

SM3 : Incohérence visuo-vestibulaire

Limiter accélération et inclinaison Trajectoires douces Diminuer le champ de vision Traitements en vision périphérique Objets fixes / environnement réel en vision périphérique

Environnement réel et environnement virtuel géométriquement identiques Déplacement par téléportation

Interface à simulation de mouvement

Synthèse des solutions à envisager pour traiter les trois principales incohérences sensorimotrices

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Les effets négatifs dus à la non-colocalisation

La colocalisation est la superposition de la perception visuelle avec la perception proprioceptive du corps de l’usager. Concernant les mains, l’usager doit voir ses mains au même endroit qu’il les perçoit proprioceptivement, c’est-à-dire avec ses récepteurs sensoriels dans ses muscles, tendons et articulations. La non-colocalisation peut être due à des défauts techniques (capteurs imprécis) ou à un choix de faire de la téléopération : l’usager manipule des objets à distance de son corps. La non-colocalisation est donc aussi une incohérence sensorimotrice (incohérence visuo-manuelle). Celle-ci peut créer des difficultés cognitives pour manipuler des objets virtuels mais ne crée pas de malaise ou de nausée.

INCONFORT SM4 : INCOHÉRENCE DE NON-COLOCALISATION

Exemple explicatif : Un cas particulier d’erreur de colocalisation existe lors de toute visualisation des prises de vue de caméra 360°. Les prises de vue étant faites à une certaine référence de hauteur des yeux d’une personne, la restitution visuelle de la scène filmée sera faussée verticalement pour tout usager ayant une taille différente que celle prise en référence, ce qui est

perturbant : l’observateur ressent une incohérence proprioceptive, son corps étant enfoncé dans le sol ou ses pieds en l’air.

Difficulté à diminuer l’inconfort : grande.Cible : Concepteurs et développeurs de l’application

Recommandation :Atténuation de l’impact de l’incohérence par la prise en compte dans le contenu :

Traiter le sujet à la troisième personne, c’est-à-dire voir la scène sans en faire partie.

Les effets négatifs dus à la déformation du champ visuel

INCONFORT SM5 : INCOHÉRENCE DE DÉFORMATION DU CHAMP VISUEL

Exemple explicatif : Le champ visuel réel de 180° est compressé et ramené dans un champ plus étroit (celui du visiocasque).

Difficulté à diminuer l’inconfort : grande.Cible : Développeurs de l’application

Recommandation :Atténuation de l’impact de l’incohérence par la prise en compte dans le logiciel :

Diviser le champ visuel réel de 180° en plusieurs secteurs correspondants aux champs de vision des visiocasques utilisés. Par exemple, si le visiocasque ne permet de ne voir qu’un champ de 120°, l’environnement virtuel ne devrait représenter que 120° de champ de vision réel.

Les autres incohérences sensorimotrices perturbatrices sont moins fréquentes. Certaines sont dues au choix du concepteur de l’application VR de proposer une activité sensorimotrice irréaliste (applications artistiques, recherches en neurosciences, etc.), comme de se déplacer en se voyant en caméra objective (à la troisième personne), augmenter artificiellement son champ de vision (ceux des visiocasques étant limités), voler dans les airs en voyant son propre corps, etc.

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3. Les effets négatifs dus à un interfaçage fonctionnel inadapté au schème sensorimoteur naturel

Pour interagir dans un environnement virtuel (observation, manipulation, déplacement, etc.), l’utilisateur exploite des interfaces sensorielles ou motrices (de commande), telles qu’un visiocasque, des manettes, un tapis roulant, etc. Les gestes fonctionnels à mettre en œuvre font appel à deux types de processus cognitifs pour permettre une interaction et une immersion efficaces : soit un processus naturel, soit un processus métaphorique. Ces gestes fonctionnels peuvent se rapprocher des actions physiques réalisées dans le monde réel, comme marcher sur un tapis roulant, manipuler un objet. Ils peuvent être, à l’opposé, totalement artificiels, comme le fait d’indiquer avec une manette une zone où l’on veut se déplacer et s’y retrouver instantanément par une simple commande binaire sur un bouton (mécanisme de la téléportation).

INCONFORT CG1 : INADAPTATION À UN GESTE FONCTIONNEL ARTIFICIEL

Exemple explicatif : Le déplacement effectué en indiquant avec une manette une zone où l’on veut se déplacer et s’y retrouver instantanément par une simple commande binaire sur un bouton : la téléportation.

Difficulté à diminuer l’inconfort : moyenne.Cible : Développeurs de l’application et formateur.Bibliographie : [LaValle, 2017], [Fuchs, 2018]

Recommandation :Dans le cas d’un schème sensorimoteur artificiel, l’utilisateur novice exploite d’abord une ou des actions métaphoriques qu’il mettra un certain temps à assimiler par apprentissage avant qu’il devienne pour lui-même un schème sensorimoteur naturel… en environnement virtuel. Il conviendra de faire suivre un tutoriel à l’utilisateur.

Plus précisément, si le concepteur souhaite se rapprocher des actions physiques réalisées dans le monde réel, il faut invoquer la notion psychologique de schème telle que proposée par le psychologue Piaget [Piaget, 1979] : un schème est « l’organisation mentale des actions telles qu’elles se généralisent lors de la répétition de cette action en des circonstances analogiques ». Dans ce cas, l’être humain fait appel dans ses activités sensorimotrices à des automatismes qu’il a assimilés dans le monde réel depuis son enfance. A l’inverse, comme dans le cas de la téléportation, c’est via une métaphore qu’il exécute son action et non pas par une copie plus ou moins automatique d’un schème. Au lieu d’exploiter un comportement sensorimoteur et acquis de la personne, on lui propose, visuellement en général, une image symbolique de l’action ou de la perception souhaitée.

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4. Les effets négatifs provoqués par le contenu

INCONFORT CT1 : LE NIVEAU INAPPROPRIÉ D’IMMERSION CORPORELLE

Exemple explicatif : Le niveau d’immersion corporelle peut être plus ou moins fort en fonction du réalisme (déplacement, hauteur etc…) du point de vue que l’utilisateur a dans l’environnement virtuel.

Difficulté à diminuer l’inconfort : grande.Cible : Concepteurs et scénariste d’expérience.

Recommandations :Les points de vue dépendent de 3 grands types d’immersion corporelle dans l’environnement virtuel : ● Omnipotente : Je me déplace sans enveloppe corporelle ni aucune contrainte de vitesse ou de gravité ;● Physique invisible : Je respecte des codes de taille, d’ampleur et de gravité probable mais je ne suis pas visible par mon environnement ni par moi-même ;● Physique présente : Je respecte des codes de taille, d’ampleur et de gravité probable et je suis visible par mon environnement qui interagit donc probablement avec moi.

Ils vivent l’expérience virtuelle du visiocasque comme réelle et « oublient » le monde tangible hors du casque.

Le contenu regroupe différentes étapes de l’élaboration de l’expérience. Contrairement au média classique, le contenu de réalité virtuelle possède une couche de réflexion supplémentaire inhérente à sa capacité immersive. Au-delà du scénario stricto sensu qui représente le déroulé de la trame narrative d’une expérience, une couche de conceptualisation est donc à envisager dans le même temps, voire en amont de l’élaboration du scénario, en fonction du ressenti ou de l’effet désiré chez l’utilisateur. Ce travail de conceptualisation prend en compte un certain nombre de paramètres qui peuvent provoquer de l’inconfort dans l’expérience à dessein ou pas.

Les études scientifiques montrent (Cf. Chap.5 : État psychologique et cognitif) que la grande majorité des sujets immergés dans un environnement virtuel immersif vivent cette expérience avec un sentiment de présence (ils vivent l’expérience virtuelle du visiocasque comme réelle et « oublient » le monde tangible hors du casque) et un engagement émotionnel plus important que pour un contenu équivalent mais non immersif. Il serait cohérent que plus l’immersion est constituée par un grand nombre de sens numérisés (toucher, retour d’effort, olfaction etc…), plus ce sentiment de présence soit consistant et stable, résistant aux fluctuations qui le caractérisent.

Certains sujets sont potentiellement moins sensibles : ceux ayant une expérience ancienne et/ou quantitativement importante des jeux vidéo, ceux ayant des profils de fonctionnement cognitifs/sensoriels particuliers (par exemple, les personnes non-sujets aux vertiges par rapport à ceux qui le sont). Néanmoins, des études doivent le confirmer.

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Le passage d’une immersion corporelle, donc d’un point de vue à un autre, peut être utilisé en cours d’expérience pour minimiser les effets traumatisants dans des expériences de sensibilisation à des risques graves. Par exemple, il est recommandé de laisser l’utilisateur à un niveau d’immersion corporelle très élevé (physique présente) jusqu’au moment de l’accident puis de le désincarner en le passant à l’immersion omnipotente pour le laisser spectateur extérieur de l’accident sans le lui faire subir.

INCONFORT CT2 : LA SUGGESTION INAPPROPRIÉE D’ATTENTION

INCONFORT CT3 : LA PROXIMITÉ EXCESSIVE

Exemple explicatif : Dans un environnement où l’utilisateur est libre de regarder où et quand il veut, la totalité de ce qui l’entoure et où le point de vue d’un réalisateur ne lui est pas imposé (film classique), les réflexes ancrés dans le cerveau reptilien sont activés pour attirer l’attention de l’utilisateur à un endroit et

Exemple explicatif : L’entrée d’une entité en mouvement (personnages, animaux, etc.) dans le cercle proche des 1m30 environ de notre point de vue corporel peut être ressentie comme menaçante et angoissante.

un moment précis de l’environnement généralement pour faire avancer la narration.

Difficulté à diminuer l’inconfort : grande.Cible : Concepteurs, développeur et scénariste d’expérience.

Difficulté à diminuer l’inconfort : faible.Cible : Concepteurs, développeur et scénariste d’expérience.

Recommandations :● Le son spatialisé permet de forcer la personne par réflexe à regarder la source sonore d’un bruit inédit par rapport à l’environnement visible ;● Le « scintillement » joue avec la luminosité d’un objet ou la couleur par rapport au reste de l’environnement et attire l’attention ;● Le « défilement » : un objet se déplaçant à une vitesse supérieure à l’environnement réaliste attirera forcément l’attention vers sa destination, d’abord, et son origine, ensuite.

Recommandations :Dans les films avec 3D précalculée, une fois une certaine zone de proximité franchie, équivalente à la “bulle” sur laquelle les images sont posées autour de notre point de vue, les représentations sont volontairement déformées pour réduire la probabilité de l’environnement ainsi que le sentiment de présence et donc l’immersion. Dans le cas d’expériences en 3D temps réel, comme toujours en réalité virtuelle, il peut être très angoissant de voir des objets « dynamiques » et non contrôlables entrer dans cette zone de 1,3m et à plus forte raison au-dessus des jambes, plus proche du point de vue et des organes vitaux dans notre inconscient. Il est donc recommandé d’éviter cette zone

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INCONFORT CT4 : LA REPRÉSENTATION INAPPROPRIÉE D’UN HUMAIN

INCONFORT CT5 : LA PROGRESSION ASYMÉTRIQUE DANS LES NIVEAUX D’IMMERSIONS

Exemple explicatif : Plus une forme humanoïde est ressemblante à un humain (ne peut pas être, dans notre mémoire collective, rapportée à autre chose de connu), plus l’empathie se fera vite et plus ce qu’il arrivera à cette forme humanoïde aura des conséquences importantes. Autrement dit, plus l’empathie est forte, plus les actions effectuées sur cet humanoïde

Exemple explicatif : On appelle niveau d’immersion les différentes couches d’environnement, imbriquées les unes dans les autres et non sur le même plan géographique (poupées russes). On entre dans un espace, puis dans un autre, situé à l’intérieur du premier, puis de nouveau dans un autre, et ainsi de suite. Une différence

auront une résonance émotionnelle forte. Ainsi, une action violente appliquée à une forme humanoïde trop réaliste pourra donc provoquer un choc émotionnel chez l’utilisateur.

Difficulté à diminuer l’inconfort : moyenne.Cible : 3D artist et scénariste d’expérience.

entre le nombre de niveaux d’entrée et de sortie peut provoquer un sentiment d’incohérence.

Difficulté à diminuer l’inconfort : moyenne.Cible : concepteur et scénariste d’expérience.

Recommandations :N’utiliser les formes humanoïdes que pour générer confort et empathie. Préférer des formes humanoïdes non organiques pour des actions violentes.

Recommandations :Pour une immersion plus efficace et confortable, il convient de progresser avec une probabilité croissante, accompagnée par des niveaux d’immersions successifs. Cela permettra au cerveau de « lâcher » petit à petit et par la même d’augmenter la probabilité dans l’immersion. Chaque descente en immersion doit être remontée, dans le sens contraire, dans les mêmes environnements pour un sentiment de cohérence et de douceur dans la sortie.

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INCONFORT CT6 : LES TRANSITIONS BRUSQUES

INCONFORT CT7 : LES ENVIRONNEMENTS ANXIOGÈNES

Exemple explicatif : Dès que la narration exige un changement d’environnement qui n’est pas justifié par un déplacement visible (de la même manière qu’une cristallisation en littérature), il y a potentiellement une

Exemple explicatif : Les environnements virtuels peuvent être anxiogènes s’ils ne respectent pas les règles probables naturelles ; éclairage irréel, immobilisme

transition brusque qui peut provoquer un inconfort.

Difficulté à diminuer l’inconfort : faible.Cible : Concepteur.

improbable, …

Difficulté à diminuer l’inconfort : faible.Cible : Concepteur.

Recommandations :Quel que soit le type de transition (déplacement, changement de niveau d’immersion, game over), il convient d’utiliser un fondu (au noir ou au blanc en fonction de l’environnement) contrôlé par l’utilisateur et, si impossible, expliqué par l’histoire. Cela permettra une transition douce. Pour obtenir un effet plus violent, il est recommandé d’utiliser le fondu enchainé, puis le « cut », puis le gel d’image (généralement utilisés en cas de « game over ») Un fondu sortant doit toujours s’accompagner d’un fondu entrant.

Recommandations :Pour créer un environnement le plus rassurant possible il convient de laisser un horizon libre ainsi qu’une lumière éclairant de manière égale (du dessus). Le changement d’environnement sans transition peut se faire de manière extrêmement simple au moment où la personne ne regarde pas (lorsque la 3D n’est pas calculée).Il doit toujours se passer quelque chose dans l’ensemble de l’environnement (extérieur) pour le rendre probable. Les codes de création graphique, réalistes ou non, se rapprochent des codes de graphisme propres aux films d’animation.

Aussi l’ensemble des recommandations ci-dessus n’ont de sens qu’en fonction d’un effet désiré pour l’expérience. Elles ne sont là que pour garantir le confort ou le renforcement d’un impact chez l’utilisateur.

Il existe deux autres éléments conditionnant le confort de l’utilisateur sur lesquels nous recommandons les pratiques suivantes :

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INCONFORT CT8 : LA GESTION DU TEMPS

Exemple explicatif : Le contrôle du temps, s’il est mal réalisé, peut causer une gêne voire une perturbation chez l’utilisateur et les effets sont encore mal connus.

Difficulté à diminuer l’inconfort : faible.Cible : Concepteur.

Recommandations :Ne pas donner, autour de l’utilisateur, de facteur de temps à moins qu’il ne soit très contrôlé (compte à rebours ou chronomètre). C’est, en effet, comme pour les rêves, un facteur de baisse de probabilité. Le contrôle du temps en réalité virtuelle peut cependant avoir des effets formidables et pédagogiques, mais il s’agit d’un domaine encore mal étudié.

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5. État psychologique et cognition

Introduction

Concepts clés issus des sciences cognitives et sollicités lors d’une immersion dans un environnement virtuel

Le concept du sentiment de présence est le phénomène central lors de l’immersion dans un environnement virtuel qui fait réagir les utilisateurs comme si le virtuel était un monde réel.

Définition de la présenceIl n’existe pas de définition consensuelle de la présence. De nombreux auteurs ont essayé de décrire la présence. D’après Lombard, la présence est « l’illusion perceptive de l’absence de médiation » (Lombard and Ditton , 1997). D’autres auteurs définissent la présence comme « un état psychologique dans lequel les objets virtuels sont expérimentés comme des objets réels » (Lee, K.M., 2004). Certains font référence à la présence comme la sensation subjective d’être là (dans l’environnement virtuel).

«L’efficacité de la thérapie par réalité virtuelle dans le traitement de l’ensemble des troubles anxieux dont notamment les phobies est établie dans la littérature scientifique.»

Une expérience (dans le monde physique ou virtuel) se caractérise, entre autres, par des perceptions. Ces dernières émanent des signaux externes (venant de l’environnement) et internes (venant du corps). Ces signaux sont traités par le système (notamment le cerveau) en tenant compte des connaissances préalables et de l’expérience antérieure de l’individu (système cognitif).

La cognition (pensée) émane de la boucle interactive perception/action. Autrement dit, la cognition naît de l’action que l’individu effectue dans l’environnement perçu. Mais aussi des modifications de l’environnement par ces actions et réciproquement des influences de l’environnement sur l’individu. C’est ce qu’on appelle la cognition incarnée.

Sur le plan de la cognition, le vécu d’une expérience en visiocasque de réalité virtuelle ne diffère donc pas significativement de celui d’une expérience dans le monde réel (excepté les incohérences sensorimotrices générées : voir chapitre 2).

C’est à ce titre que certains hôpitaux utilisent la réalité virtuelle dans la thérapie, sous la supervision généralement d’un psychiatre, contre les phobies. La réalité virtuelle est dans ce contexte utilisée pour confronter de manière progressive le patient à l’objet de sa peur, selon les principes de la thérapie cognitivo-comportementale, traitement de référence selon l’HAS (Haute Autorité de Santé). La réalité virtuelle est donc proposée comme modalité d’exposition. L’efficacité de la thérapie par réalité virtuelle dans le traitement de l’ensemble des troubles anxieux dont notamment les phobies (peur du vide, peur des araignées, peur d’être enfermé, peur de l’avion, …) est établie dans la littérature scientifique.

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Quelle que soit la définition retenue, l’essence même de la présence correspond au fait que le sujet « oublie » le monde réel hors du visiocasque. Le sujet n’oublie pas que tout est virtuel mais cela passe au second plan de sa conscience. Son cerveau est trompé, illusionné.

Les enfants ont une plus grande susceptibilité au phénomène de présence que les adultes probablement en lien avec l’immaturité cérébrale (Baumgartner, 2006, 2008), signifiant qu’ils vivent l’expérience de réalité virtuelle avec plus d’intensité.

Il existe des questionnaires d’évaluation du sentiment de présence. Quelques références sont jointes en annexe ;

Le phénomène d’illusion corporelle (et l’unité d’identification phénoménologique) est le ressenti d’incarnation physique d’un corps virtuel ou avatar. Ce phénomène peut manipuler la notion de soi, qui est modulable, plastique. L’illusion dite de la main en caoutchouc (Botvinick et collaborateurs, 1998) illustre bien cette caractéristique de l’esprit humain. L’illusion de posséder un membre ou un corps différent peut être créée par des manipulations sensorimotrices. Les illusions physiques peuvent avoir des implications pour l’unité de notre ressenti comme étant soi, le « je suis ceci ». L’esprit est inconsciemment sensible aux influences du corps et de l’environnement et se remodèle (à court et à long terme) en permanence. (Détail en annexe du chapitre 6 - sous parties 3 et 7).

Le phénomène dit d’effet Proteus est l’acquisition de traits de l’avatar par l’utilisateur et qui va influencer son comportement. C’est donc la tendance pour des utilisateurs à s’attribuer des caractéristiques, des compétences, ou l’attitude attendue de leur représentation dans un environnement virtuel [Yee and Bailenson, 2007, p. 274; Kilteni et al., 2013]. Par exemple, une étude sur la créativité a montré que des étudiants utilisant un avatar identifié comme étant un inventeur sont plus performants dans des tâches de créativité que ceux qui ont utilisé des avatars “classiques”. Et cet effet est mis en évidence pendant que les étudiants utilisent l’avatar en réalité virtuelle mais aussi après, dans une réelle salle de classe, une fois le visiocasque retiré. (Détail en annexes).

Le phénomène d’inhibition cognitive ou celui d’état de sidération psychique peut subvenir lors d’une expérience en réalité virtuelle et ralentir ou annuler des réflexes positifs de préservation de soi. Par exemple, il peut engendrer une difficulté à s’extraire de l’environnement virtuel (retrait du visiocasque ou mise en pause du contenu), lors de scènes virtuelles vécues comme trop intenses ou émotionnellement choquantes.

Les phénomènes qui présentent des analogies avec l’hypnose. L’état psychologique observé au cours d’une immersion en Réalité Virtuelle présente trois analogies notables avec les états d’hypnose ou de transe hypnotique légère ; la dissociation, l’absorption cognitive et la distorsion spatio-temporelle, décrits en annexes.

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Fonctionnement cérébral et immersion en réalité virtuelle

De nombreux travaux sont en cours pour comprendre les effets d’une immersion sur les structures cérébrales. Mais peu de recommandations officielles sont déjà disponibles.

Néanmoins, diverses études s’appuyant sur des techniques de mesure et d’observation en neurosciences telles que l’EEG, l’IRM et d’autres pratiquées sur des animaux, sont proposées en annexes.

Recommandations ou points de vigilancesLe but n’est pas de contre-indiquer l’utilisation de la réalité virtuelle dans les cas évoqués ci-après mais d’apporter une attention particulière à des catégories de population susceptibles de subir un impact plus fort et des effets persistants de leur expérience en réalité virtuelle.

En effet, il n’existe à ce jour pas de recommandations officielles des pouvoirs publics mais des rapports sont à l’étude et en cours de rédaction.

Il est important de préciser que les connaissances scientifiques dans ce domaine sont largement incomplètes et/ou sont à confirmer par des études supplémentaires.

Selon Madary et Metzinger (2016) la réalité virtuelle “manipule les mécanismes psychologiques impliqués dans l’expérience de ce qu’est la réalité” et « qui créent notre sentiment de réalité, d’être en contact immédiat avec notre corps et notre environnement ». Ces auteurs recommandent donc un principe de précaution, s’agissant des types de contenus, de la durée de l’immersion et de la répétition de celle-ci, le temps que les études scientifiques viennent enrichir notre connaissance concernant l’impact des technologies immersives sur l’esprit.

Des travaux sont attendus sur des questions telles que :• Certains environnements de réalité virtuelle sont-ils davantage perturbants/

engendreraient-ils de plus grands risques de perturbations que d’autres ?• La durée d’exposition apporte-t-elle un plus grand risque pour le sujet ?

Madary et Metsinger insistent donc sur la nécessité de mesurer les risques à long terme de l’utilisation de la réalité virtuelle sur la population, en tenant compte de ses éventuelles spécificités (enfants, séniors, sujets fragiles).

Néanmoins, ces études longitudinales (évaluations répétées du même groupe sur une longue période de temps) sont compliquées à mener eu égard à la faible population des utilisateurs.

Ces auteurs recommandent, donc, de communiquer aux participants le fait que nos connaissances sont incomplètes à ce jour concernant l’impact et/ou les effets éventuellement persistants des immersions longues et/ou répétées.

PS1 : RECOMMANDATIONS ISSUES DE LA PSYCHOLOGIE - PSYCHOPATHOLOGIE

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S’agissant des sujets ayant des antécédents de pathologies psychiques ou des fragilités

Globalement, toute pathologie de l’utilisateur, affectant l’une ou plusieurs des dimensions psychologiques telles que la conscience, l’identité et la mémoire, doit mener à une grande vigilance quant aux contenus de l’immersion qui lui seront proposés mais aussi relativement à la durée et la répétition de celle-ci.

Il est recommandé d’apporter une attention particulière aux personnes atteintes des troubles suivants (dans la mesure où ce ne sont pas les troubles à traiter) :

Troubles anxieux : phobies, – TSPT - Trouble de Stress Post-Traumatique• Éviter de confronter le sujet à son stimulus phobique ou anxiogène de façon non

contrôlée ;• Prévoir une procédure d’interruption et sortie d’immersion, en anticipation des cas où

le sujet était ignorant de sa difficulté.

Il est en effet possible d’induire chez le sujet des reviviscences d’un traumatisme vécu dans le passé, au même titre que le ferait un stimulus réel.Ces précautions sont importantes pour le comité, bien qu’il n’existe pas à ce jour, à notre connaissance, d’études ayant rapporté un traumatisme significatif induit par une expérience vécue en réalité virtuelle.

Troubles psychiatriques : schizophrénie, troubles dissociatifs, états limites, paranoïa, syndrome de déréalisation-dépersonnalisation.

Le syndrome de déréalisation-dépersonnalisation est un exemple de trouble dissociatif caractérisé par une sensation persistante ou récurrente de détachement de son propre corps ou de ses propres processus mentaux par une sensation d’être un observateur extérieur de sa propre vie (dépersonnalisation), et/ou par une sensation de détachement de son environnement.

S’agissant des contenus à valence négative, telle que documentée par le PEGI

Pour éviter une influence persistante sur la psyché des utilisateurs, il convient d’être vigilant vis à vis des contenus immersifs qui encouragent, renforcent des traits de personnalité aversifs, nuisibles tels que ceux dits « de la triade noire » (Paulhus et Williams, 2002) : narcissisme, machiavélisme et psychopathie, auxquels certains auteurs ajoutent le sadisme.

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Il est recommandé de porter une vigilance particulière aux personnes atteintes des troubles suivants :

Epilepsie : contre-indication totale du fait de la proximité avec un écran

Troubles attentionnels : certaines expériences en réalité virtuelle peuvent engendrer une surcharge attentionnelle (ou charge mentale excessive). Ce phénomène peut intervenir lorsque l’on demande à l’utilisateur de faire beaucoup de choses simultanément et/ou qu’il reçoit beaucoup d’informations qui arrivent en même temps (faire plusieurs choses en même temps) ou bien à la suite mais sans répit possible ou bien avec un répit insuffisant.

Apraxie : toute atteinte des praxies peut engendrer des difficultés lors de l’utilisation des manettes, boutons etc.

Troubles de la coordination oculo-motrice : la réalisation des gestes demandés doit être à la portée du participant.

Troubles de l’équilibre : certaines maladies ou atteintes neurologiques peuvent entraîner des troubles de l’équilibre. De plus, les participants très jeunes ou âgés disposent de capacités d’équilibre amoindries. Afin d’éviter une chute, il est nécessaire de s’assurer que le contenu est adapté et/ou d’être particulièrement vigilant en cas de participation à une expérience en réalité virtuelle entraînant une incohérence sensori-motrice (voir chapitre 3).

PS2 : RECOMMANDATIONS ISSUES DE LA NEUROPSYCHOLOGIE

Neuro-développement : les enfants sont particulièrement sensibles au sentiment de présence ressenti lors d’une expérience en réalité virtuelle. En effet la zone du cerveau, pressentie pour réguler ce sentiment chez l’adulte (dans le cortex préfrontal), n’est pas encore suffisamment mature pour assurer pleinement sa fonction chez l’enfant. Cette zone n’achève sa complète maturation qu’autour de 24-25 ans en moyenne. Une attention toute particulière doit donc être portée à l’âge de l’utilisateur. Les principaux constructeurs de matériel VR déconseillent d’ailleurs l’usage de la VR en dessous de 12-13 ans [Oculus]. Maladies neurodégénératives : certaines maladies neurodégénératives peuvent entraîner des troubles psychologiques et/ou neuropsychologiques décrits plus haut. Il faut donc s’assurer que le contenu proposé ne mette pas le participant en difficulté.

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Il est recommandé d’accompagner l’immersion du sujet par la présence continue d’une personne encadrante qui ne prend pas part à l’immersion. Ses objectifs sont les suivants : • assurer la sécurisation du périmètre d’immersion vis à vis d’intrusions extérieures ou

de sortie de ce périmètre par le sujet ; • rassurer psychologiquement l’intéressé et ce faisant, favoriser le phénomène de

présence et donc le bon déroulement de l’expérience ; • repérer un éventuel inconfort physique ou psychique qui deviendrait excessif chez le

sujet et ainsi accompagner la personne à sortir de l’expérience ;• assurer le respect du protocole de sortie de la VR établi lors de l’introduction.

De façon générale lors d’une première immersion :

1 - Il est recommandé de mener un entretien individuel (2 à 8 minutes). Un questionnaire préalable peut aider à raccourcir ce temps d’entretien mais ne saurait le remplacer. Idéalement et en suspendant la question de la faisabilité (matérielle, temporelle) de cette entrevue, notamment en entreprise, le recours à un entretien individuel avec chaque sujet est conseillé pour établir un profil de participant dans le but de lui recommander ou non la participation à l’expérience virtuelle.Les objectifs principaux de cet entretien seraient, donc, de mettre à jour auprès du sujet :• des antécédents de mal des transports afin d’éviter des vécus trop intenses de cinétose. • la présence ou des antécédents de difficultés de coordination visuo-vestibulaire, de

troubles de l’équilibre, de troubles de l’oreille interne.• des difficultés de visionnage de 3D au cinéma. Le cas échéant, doit lui être conseillé

un test de vision stéréoscopique, le test de Wirth, qui permet de mesurer l’acuité de la vision binoculaire stéréoscopique. En cas de difficultés, l’expérience avec la vision monoscopique pourra être proposée à l’utilisateur.

2 - Il est recommandé d’introduire puis de clore l’immersion en VR d’une brève introduction puis d’un debriefing (2 à 5 minutes) :En introduction :• informer le sujet des grandes lignes de l’expérience. Ceci à plus forte raison si

l’expérience immersive contient des scènes qui pourraient être problématiques : scènes à charges émotionnelles importantes, scènes en hauteur, risque potentiel de chute, risque corporel, actions ou événements pouvant susciter des émotions de nature ou d’intensité particulière. Dans ce dernier cas, explorer si le lieu virtuel est analogue aux yeux de la personne à un lieu réel qui a été source de souffrance, de traumatisme ou encore source de phobie (par exemple : la mer – noyade).

• favoriser une immersion davantage pensée et anticipée, notamment en créant :• un sentiment de familiarité permettant à l’expérience d’être mieux acceptée par le

sujet ;• un sentiment de sécurité chez le sujet en lui garantissant la présence continue

d’un accompagnateur, en lui proposant un protocole de sortie de la VR adapté aux préférences du sujet : enlever le casque, s’asseoir sur le sol, faire un signe de la main, sollicitation vocale.

PS3 : RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES CONCERNANT LES PASSATIONS POUR LES UTILISATEURS NOVICES

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Au debriefing : • recueillir des éléments de vécu notables, plus spécialement le ou les moments

d’inconforts ;• favoriser un retour à l’environnement réel plus graduel ; • construire du sens en faisant faire des liens à l’utilisateur, entre le virtuel et le réel. Par

exemple, surtout pour les premières immersions, et auprès des utilisateurs de moins de 12-13 ans, il peut être utile d’interroger le sujet sur ce qui est notable, surprenant, les différences et les points communs entre réel et virtuel ou encore le faire verbaliser sur ses ressentis.

3 - L’immersion d’enfants et adolescents mineurs doit se faire avec l’accord préalable des parents. Celle d’enfants de moins de 8-10 ans doit se faire avec une vigilance particulière, leur expérience des contenus et stimuli virtuels étant vécu avec davantage d’intensité (Cf. partie 6-3 et Annexe). Il est recommandé d’apporter à la phase de debriefing un temps significatif ainsi qu’un soin particulier concernant le sens et la recontextualisation que prend, pour eux, leur expérience subjective en VR. Tout cela de préférence avec des professionnels formés à l’encadrement des enfants de ces âges.

4 - Il est recommandé de limiter le temps d’immersion continue, avant une pause, à 10-15 minutes pour les novices.

Concernant les personnes qui ont été repérées comme sensibles lors de l’introduction ou l’entretien préalable et/ou qui montrent des réactions significatives (émotionnelles et/ou physiques) durant les premières secondes/minutes d’immersion, il est recommandé de courtes pauses de quelques secondes consistant en un soulèvement du visiocasque pour reprendre un bref contact visuel avec le réel. A réitérer et espacer graduellement dans le temps et ceci 1 à 3 fois jusqu’à ce que le sujet se sente habitué à l’expérience.

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6. Modalités pratiques et déroulement d’une expérience, dans un cadre professionnel

Les formations professionnelles en réalité virtuelle sont de deux types :● Tutorée : l’apprenant est accompagné par un formateur.● Autonome : l’apprenant est seul (tant sur le lieu de travail que potentiellement à son domicile).

La navigation au sein de l’expérience peut être, également, de deux types :● Libre : l’apprenant évolue sans contrainte de temps ni de choix dans le déplacement.● Contrainte : l’apprenant peut avoir un temps limité, et surtout doit suivre un parcours prédéfini et valider un certain nombre de « spots » à consulter.

Il n’existe pas de texte dans le Code du travail qui concerne l’utilisation de la réalité virtuelle au sein de l’entreprise. Par contre les entités suivantes semblent pertinentes à être consultées en amont d’une mise en production de formation en VR.

Pour un certain nombre de domaines d’activités, il est souhaitable de consulter les autorités de tutelle nationale ou internationale qui peuvent émettre des recommandations métier. Ex. nucléaire, armement, aérien (DGAC/EASA/IATA), banque, finance, assurance...

Il est, par ailleurs, recommandé de consulter la médecine du travail, notamment dans l’analyse des antécédents et de la sensibilité personnelle de l’apprenant.

Il est recommandé de consulter les organisations du personnel dans la mesure où la formation en réalité virtuelle se généralise au sein de l’entreprise ou d’une catégorie d’employés.

Enfin, en cas d’enregistrement de données à caractère personnel comme les antécédents et la sensibilité individuelle de l’apprenant, les performances obtenues lors de l’expérience et les effets consécutifs, il peut être recommandé de consulter l’IT.

MP1 : CONSULTATION DES ENTITÉS INSTITUTIONNELLES

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• Prévoir un tutoriel et d’éventuelles difficultés qui risquent de freiner l’apprentissage ou rallonger le temps de la formation (notamment, familiarisation nécessaire pour la partie haptique -toucher-) ;

• Réfléchir au réel besoin de faire vivre des expériences traumatisantes (mort de l’apprenant, saut dans le vide, …) compte tenu de la cible des apprenants et/ou de l’intérêt pédagogique ;

• Élaborer une formation de secours en cas de panne informatique ou de refus de l’apprenant d’utiliser le dispositif ;

• Mettre à jour les produits : parfois fréquente dans certains domaines. Prévoir un système de distribution et de gestion de contenu ;

• Mettre en place un dispositif de validation ou d’évaluation de l’apprenant ;• Former les formateurs sur le contenu en réalité virtuelle, sur le matériel, sur les

formulaires d’antécédents et de sensibilité personnelle.

MP2 : CONSIDÉRATIONS PRÉALABLES AU LANCEMENT D’UNE FORMATION EN RÉALITÉ VIRTUELLE

Il est important d’informer l’utilisateur de ce qui va se passer pendant l’expérience et de lui demander son consentement à participer à l’expérience. L’utilisateur n’a pas à se justifier s’il refuse de participer à l’expérience. Il est donc indispensable de conserver des méthodes pédagogiques moins immersives lorsque les formations s’adressent à un large public et que la probabilité d’être confronté à un refus subsiste.

MP3 : RECUEIL DU CONSENTEMENT DE L’UTILISATEUR

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1. Accueil par le formateur, signature feuille de présence, présentation du lieu, des consignes d’évacuation, éteindre le portable, …Présentation des objectifs, du contenu, de la durée, …

3. Présentation du dispositif technique VR (matériel, manettes, sanglage du visiocasque, réglage de la vision, où se positionner, …).

4. Vérification des antécédents et de la sensibilité personnelle de l’apprenant :a. Soit ce profil est connu en amont (par exemple demande en prérequis du stage d’avoir rempli les questionnaires).b. Soit le questionnaire est fait sur place (le matériel + temps nécessaire). Cela peut être le cas d’un personnel effectuant sa reprise après une longue période d’absence, un nouvel embauché. ….

5. « Prise en main » : Dans le cadre d’un tutoriel, un avatar présente la manipulation des manettes ou comment passer d’un point à un autre (exemple : regard fixe quelques secondes sur une mire), des conseils de déplacement, un petit test (inviter l’apprenant à avancer, passer d’un endroit à un autre, saisir un objet, valider une question, tourner la tête autour de soi pour explorer l’intégralité de la sphère, …). Durée d’environ 2 minutes.

6. « Le cours » : le produit de formation en lui-même. La durée maximale doit tenir compte de la fatigue de l’apprenant et est un point de vigilance. Celle-ci peut varier de 10 minutes à 1 heure en fonction du contenu exposé et de la typologie des apprenants. L’apprenant vit l’expérience / l’immersion sous la supervision et surveillance du formateur (conseil de navigation, comment passer au point suivant, …).

7. « Sas de décompression » : formation achevée, l’avatar apparaît à nouveau. Il reprécise qu’il s’agissait d’un environnement virtuel, que ce qui a été vécu n’était pas réel, ... Il invite à retirer le casque lentement et attendre quelques secondes avant de se déplacer et/ou se lever de son siège.

8. L’apprenant décrit son expérience (choix, comportement, évolution, réponse aux questions éventuelles, difficultés, ...). Il faut qu’il aborde la partie formation (ce qu’il en retient, son apprentissage) et technique (utilisation du matériel, évolution dans la VR, ressenti corporel, vertige ou pas, autres sensations, …).

9. Le formateur aborde à son tour ces deux dimensions (pédagogique et technique). Il doit insister sur le fait qu’il s’agit bien d’une expérience virtuelle mais réaliste, donc pertinente au niveau pédagogique. Le cas échéant, il doit faire remonter les problèmes techniques (concepteur, prestataire, chef de projet, …) ou pédagogiques (chef de projet, prescripteur, ingénieur pédagogique, …).

MP4 : RECOMMANDATIONS DE DÉROULÉ D’UNE SÉANCE DE FORMATION TUTORÉE EN RÉALITÉ VIRTUELLE

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● Lieu :○ Salle dédiée ;○ Espace suffisant pour se mouvoir ;○ Chaise spécifique si nécessaire ;○ Aération / ventilation (pour le matériel + les apprenants) ;○ Salle avec fenêtre (réduire la sensation d’étouffement + un retour à la réalité en regardant au loin) – Attention cependant aux capteurs infrarouges utilisés en VR et très perturbés par les vitres ;○ Dispositif de chargement (caisson spécial ou multiprises) ;○ Armoire forte de rangement (matériel coûteux).

● Matériel :○ Installation / réglage des capteurs (si dispositif) ;○ Positionnement des câbles si casque relié à un PC ;○ Poids du matériel (si visiocasque VR relié à un PC dans un sac à dos) ;○ Recharge des casques (autonomie souvent limitée) ;○ Casque pouvant être utilisé avec des lunettes ? Ou disposant d’un réglage ;○ Rechange de casque.

● Informatique :○ Capacités des serveurs et du réseau informatique (car produits «lourds») ;○ PC dédié (type « gamer ») tant pour la carte graphique que le processeur ;○ Intégration au LMS (Learning Management System) ;○ Remontée / traçabilité du parcours effectué ;○ Possibilité pour le formateur de voir / projeter ce que l’apprenant réalise.

● Hygiène :○ Désinfection / nettoyage du matériel ;○ Protection tissu jetable ; ○ Les contraintes du Code du Travail.

MP5 : RECOMMANDATIONS SUR LE DISPOSITIF MATÉRIEL À METTRE EN PLACE

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ANNEXES

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Annexe - Incohérences sensorimotrices - chap. 2 *

Atténuation de l’impact de l’incohérence s-m

Il s’agit du problème spécifique de tout visiocasque engendré par la latence entre le mouvement de tête de l’observateur et l’affichage correct du point de vue. Depuis cinq ans environ, grâce aux développements des visiocasques low-cost, la plupart des constructeurs arrivent à atteindre un temps de latence de l’ordre de 20 millisecondes atténuant alors les impacts sanitaires de cette incohérence. Il faut donc vérifier que le matériel choisi offre un temps de latence de cet ordre et que le programme informatique développé n’augmente pas ce temps de latence avec notamment des calculs trop longs des images à afficher dans le visiocasque.

Suppression de l’incohérence en modifiant l’interface visuelle

Pour ne plus avoir de temps de latence, à la condition que la tête ne se déplace pas ou presque pas en translation, il est conseillé de ne plus utiliser un visiocasque mais d’afficher les images de l’environnement virtuel sur un ou des écrans fixes par rapport à l’environnement réel. Pour garder la fonctionnalité d’immersion du regard, les écrans doivent entourer suffisamment la tête de l’utilisateur. Cela est rendu possible avec un écran parabolique, un écran cylindrique ou avec trois écrans plats en forme de U, entourant la tête de l’observateur. Dans ce cas-là, les images sont calculées indépendamment de la rotation de la tête : elles seront correctes si la tête reste toujours immobile ou presque en translation, ce qui est souvent le cas quand la personne est assise face au dispositif d’affichage. Il n’est donc plus nécessaire de mesurer la rotation de la tête et l’incohérence est supprimée. De plus, les images peuvent être de meilleure qualité car le nombre de pixels affichés peut être très élevé. Cette solution peut donc être intéressante pour certaines applications pour lesquelles la tête est relativement fixe en position, tout en ayant la liberté de tourner la tête pour observer à moins de 360°.

* Les éléments de ce chapitre sont extraits de [Fuchs 2018]

Latence d’affichage

Figure 2 – Suppression de la latence d’un usager en immersion visuelle grâce à un écran cylindrique

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Atténuation de l’impact de l’incohérence s-m

Par la diminution des disparités rétiniennes (c’est-à-dire le décalage des points de vue des images droite et gauche), il est possible d’aider le cerveau de l’observateur à fusionner les images stéréoscopiques avec moins de fatigue oculaire. Il y a plusieurs façons de diminuer l’incohérence « accommodation – vergence », la principale étant de limiter les disparités rétiniennes au-dessous d’un certain seuil. Une première méthode est de fixer le seuil à une valeur précise et définitive durant toute l’application VR (1,5° à 1°). Mais comme on sait que la facilité de fusion dépend aussi du temps d’observation des disparités rétiniennes, d’autres méthodes plus fines peuvent être employées, comme par exemple le contrôle de ce temps d’observation et de l’intensité de ces disparités.

La méthode principale consiste donc à limiter les disparités rétiniennes supérieures à un seuil de l’ordre de 1° à 1,5°. Par exemple, pour le visiocasque DK2 Rift d’Oculus, la distance d’accommodation (voir vocabulaire) à l’écran est de 1,3 mètre environ. Cette entreprise conseille que les objets soient positionnés entre 0,75 et 3,5 mètres, ce qui permet de limiter les disparités rétiniennes. Comme l’écran virtuel est à 1,3 m, un objet à 0,75 m impliquera une disparité rétinienne de 1,05°. Avec un même calcul* , on a pour un objet à 3,5 m une disparité rétinienne de 0,9°. Cette entreprise recommande donc de limiter les disparités rétiniennes à 1° environ ce qui est une limite satisfaisante quand on s’adresse à un large public. Par comparaison, pour le cinéma en relief (3Ds), la disparité rétinienne pour les spectateurs des premiers rangs, qui sont les plus exposés à l’incohérence, est de l’ordre de moitié environ, car la durée d’exposition a également une grande influence sur l’observateur.

Incohérences oculomotrices

Figure 3 – La zone d’affichage recommandée pour une vision stéréoscopique avec le visiocasque Oculus

* Voir les calculs dans [Fuchs, 2016].

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Ce principe d’une limitation de la zone d’observation, bornée à l’avant et à l’arrière de l’écran, doit être bien connu par tout concepteur exploitant la vision stéréoscopique dans des applications VR, avec ou sans visiocasque.

Suppression de l’incohérence en modifiant le fonctionnement de l’activité virtuelle

Dans ce cas, il suffit tout simplement d’utiliser la vision monoscopique, c’est-à-dire d’afficher la même image pour les deux yeux de l’observateur, comme au cinéma classique. Ceci est à proposer systématiquement pour les quelques pourcents de la population qui ne peuvent voir en vision stéréoscopique ou qui fusionnent les images stéréoscopiques avec un effort oculomoteur important et donc avec une fatigue oculaire. Cette absence ou cette difficulté de vision stéréoscopique peut être détectée par de simples tests, comme celui de Wirth* .Il est à noter que l’absence de vision stéréoscopique n’est pas cruciale. En effet, les indices monoculaires de perception de la profondeur, particulièrement la parallaxe de mouvement, une fonctionnalité nouvelle procurée par les visiocasques, permettent de mieux percevoir en trois dimensions. En conséquence, les concepteurs doivent systématiquement prévoir l’option « visualisation monoscopique » dans tout visiocasque. Rappelons que la vision monoscopique est toujours proposée pour la visualisation des films au cinéma, en parallèle aux films dits en « 3D ».

Suppression de l’incohérence en modifiant l’interface

Pour avoir une vision identique à la vision naturelle, il serait intéressant de pouvoir changer la distance d’accommodation en chaque pixel du visiocasque, en fonction des distances de la scène virtuelle. On pourrait alors mettre en place une accommodation adaptative, permettant d’afficher chaque pixel avec une focale adaptée à la distance de profondeur, dans l’objectif de supprimer la fatigue visuelle associée au phénomène de conflit d’accommodation-vergence. Néanmoins, ce mécanisme n’est pas prévu dans les visiocasques actuels, car il reste trop complexe à mettre en œuvre optiquement. Certaines lunettes de Réalité Augmentée, telles que la « Magic Leap », permettent, cependant,de supprimer techniquement cette incohérence accommodation – vergence.

Atténuation de l’impact de l’incohérence s-m

Il y a cinq solutions différentes pour éviter de trop solliciter les systèmes vestibulaires, les deux premières étant complémentaires, de même que les trois dernières entre elles :• Il conviendrait de limiter les accélérations en translation et en rotation ainsi que les

inclinaisons des mouvements de la caméra virtuelle (le point de vue de la personne en environnement virtuel) filmant la scène virtuelle (solution S1 détaillée en infra) ;

• Il faudrait concevoir un environnement virtuel tel que les trajectoires de la caméra virtuelle ne soient pas trop tortueuses. Autrement dit, il est recommandé d’utiliser des rayons de courbure assez élevés, ce qui limitera les accélérations centripètes,

Incohérence visuo-vestibulaire

* https://www.distrimed.com/product_info.php?products_id=6761

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normales à la trajectoire (solution S2 détaillée en infra) ;• Il peut être envisagé de diminuer le champ de vision observé, en occultant des

images en vision périphérique. En effet, la perception du mouvement est plus sensible à la périphérie du champ visuel, détectant les flux optiques dus aux mouvements de vection et aux mouvements des objets dans la scène. Notons néanmoins que, la plupart des visiocasques ont actuellement un champ de vision assez restreint. Cette solution va cependant à l’encontre de l’immersion visuelle (la solution S3 est détaillée dans [Fuchs, 2016]) ;

• Il est envisageable d’atténuer l’incohérence en injectant, dans les images en vision périphérique, quelques références spatiales de l’environnement réel pour stabiliser l’utilisateur. Il a été, en effet, observé que si l’utilisateur regarde l’environnement virtuel via un simple écran plat et non avec un visiocasque, sa vision périphérique observant l’environnement réel, même inconsciemment, le stabilise et lui évite de l’inconfort et des malaises. Dans l’expérience de visiocasque, la présente solution peut donc être utile afin de diminuer les flux optiques en vision périphérique. Il faut bien sûr que le visiocasque ait un champ de vision assez large, d’au moins 100°, pour ne pas perturber la vision centrale. Ces inclusions artificielles et non réalistes peuvent éventuellement déranger la perception visuelle de l’observateur. Néanmoins, àpriori, cette gêne sera limitée car ces images se situent en vision périphérique (la solution S4 est détaillée dans [Fuchs, 2016]) ;

• Il est également possible d’atténuer l’incohérence en utilisant des objets dans l’environnement virtuel qui soient immobiles par rapport à l’environnement réel, quand l’utilisateur est, lui-même, aussiimmobile en environnement réel. L’exemple classique est celui du simulateur statique de conduite : le conducteur est bien stabilisé s’il a en vision périphérique la vue de l’habitacle de la voiture, celui-ci étant immobile en environnement réel (Figure 4 ; S5) ;

Figure 4 – Lors d’une conduite virtuelle, l’usager voit à travers son visiocasque la planche de bord fixe par rapport à l’espace

réel et donc par rapport à son corps

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La solution S1 détaillée :Le choix se porte sur la limitation des accélérations et des inclinaisons de la tête pour limiter l’incohérence visuo-vestibulaire. Les règles pour limiter les perturbations de cette incohérence ont déjà été très bien étudiées dans les simulateurs de transport. Ce n’est pas l’intensité des vitesses qui joue un rôle important dans le mal du simulateur (motion sickness), mais les intensités et les variations d’accélération, notamment levecteur d’à-coup (ou jerk en anglais), qui correspond à des brusques secousses. La durée des accélérations a aussi une influence : il est préférable qu’elle soit courte, ce qui est compréhensible, puisque la durée de l’incohérence s’en trouve alors simultanément réduite. Il est donc nécessaire d’adapter autant que possible la programmation afin que les durées d’accélération soient courtes et que leur fréquence d’apparition soit faible. Si c’est l’utilisateur qui est maître, librement et totalement, de ses déplacements, des contraintes ne sont pas envisageables. En revanche, en contrôlant partiellement les mouvements de l’utilisateur, il devient possible de limiter les signaux de commande de l’utilisateur pour son déplacement, de telle sorte que ce dernier ne puisse pas générer des accélérations trop fortes. Par exemple, la relation entre le signal de commande et la valeur d’accélération, au lieu d’être linéaire, est donc non linéaire et limitée asymptotiquement. On peut aussi imposer la forme des courbures de la trajectoire commandée par l’utilisateur, en exigeant des rayons de courbure suffisamment grands pour limiter les grandes accélérations.

En revanche, il est préférable que les accélérations soient imposées par l’utilisateur car celui-ci peut anticiper sa réaction et donc être moins sujet au mal du simulateur. Les valeurs acceptables d’accélération sont de l’ordre de 2 m/s² pour un mouvement de translation durant quelques secondes et de 2 °/s² pour un mouvement de rotation*.

Il est aussi recommandé de limiter les variations rapides d’accélération, (brusques secousses ou à-coup), difficilement supportables par beaucoup de personnes. Par exemple, il faut éviter de vouloir rendre très réaliste la descente rapide d’un escalier par un mouvement de vection avec des à-coups à chaque marche. Il est préférable que la trajectoire soit purement rectiligne à vitesse constante.

La solution S2 détaillée :Cette solution intervient dans la situation où la trajectoire est déterminée par le concepteur de l’application VR, avec l’usager qui commande ou non sa vitesse de déplacement. Toute trajectoire prédéfinie a une influence sur les accélérations subies par l’usager dès que la trajectoire n’est plus rectiligne. On rappelle que dans un mouvement circulaire, l’accélération centripète, normale à la trajectoire, est inversement proportionnelle au rayon de courbure et proportionnelle au carré de la vitesse tangentielle. Lorsque que l’on prend un virage en voiture, plus le virage est serré, de rayon de courbure petit, plus l’accélération subie est importante. Si la trajectoire n’est pas plane, ni sur une surface (en 2D) ni dans l’espace (en 3D), le problème de limitation des accélérations est plus délicat à gérer. Dès qu’il y a un virage, il y a une accélération en rotation. Pour atténuer les accélérations en rotation, il faut des trajectoires dont les rayons de courbures soient relativement grands et pour éviter les à-coups, il est souhaitable d’avoir un rayon de courbure qui s’établisse progressivement. Cette problématique de la forme des trajectoires sans secousse date de plus d’un siècle, depuis les premières constructions de voies ferrées et ensuite de celles des routes et

* “How to Avoid Simulation Sickness in Virtual Environments during User Displacement” A. Kemeny, F. Colombet, T. Denoual, Proc. SPIE 9392, The Engineering Reality of Virtual Reality 2015, 939206 (March 30, 2015)

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autoroutes : on évoque alors les arcs de clothoïdes*. Il faut donc que le concepteur de l’application trace les trajectoires imposées à l’utilisateur, de façon identique, qu’il s’agisse de trajectoires 2D ou 3D. Ce principe a été étudié partiellement pour les routes à virages, pour le confort des passagers des véhicules. Une relation a, en effet, été établie entre l’inclinaison du devers du virage, le rayon de courbure et la vitesse pour maximiser le confort. Il faut avoir le même souci en réalité virtuelle si l’on veut avoir des trajectoires « douces », c’est-à-dire « secouant visuellement » peu l’usager.

Figure 5 - Les voies ferrées en forme d’arc de clothoïde pour éviter les trop fortes accélérations en rotation

* L’ingénieur Talbot en 1890 a établi les équations sur la forme que doivent avoir les rails d’une ligne de chemin de fer au début d’une courbure de la voie pour éliminer les à-coups d’accélération : des arcs de clothoïdes, dont le rayon de courbure varie progressivement. Pour la même raison, on tourne le volant d’une voiture progressivement à l’amorce d’un virage. http://ressources.univ-lemans.fr/AccesLibre/UM/Pedago/physique/02/meca/clotho.html

Si les trajectoires à emprunter dépendent de la géométrie de l’environnement virtuel, il faut bien étudier cette dernière pour éviter le plus possible les rotations et plus généralement les accélérations intempestives et atténuer l’incohérence visuo-vestibulaire.

Suppression de l’incohérence en modifiant le fonctionnement de l’activité virtuelle

Il existe deux solutions différentes :

• soit le déplacement réel de la personne, debout en environnement réel, est le même géométriquement que le déplacement en environnement virtuel. Les trajectoires et les vitesses en environnement virtuel et en environnement réel sont toujours les mêmes. Dans ce cas, les deux environnements, le réel et le virtuel doivent être de mêmes dimensions, géométriquement identiques. En exemple, si l’environnement réel est une pièce de dimensions standard où l’utilisateur est debout, et dans laquelle il peut se déplacer, le déplacement dans l’environnement virtuel devra être identique et limité par les dimensions de la pièce. Cela implique une cohérence entre les stimuli de la vision, ceux des systèmes vestibulaires mais aussi ceux des autres stimuli proprioceptifs (récepteurs musculaires, tendineux et articulaires), les gestes étant identiques en environnement réel et en environnement virtuel. La représentation visuelle de l’environnement virtuel comporte en général l’avatar colocalisé (ou au minimum les mains ou les manettes de commandes, si l’utilisateur n’a pas besoin de regarder tout son corps) pour aider l’utilisateur à mieux s’immerger corporellement et aisément manipuler des objets ;

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Figure 6 - Les deux environnements, le réel et le virtuel géométriquement identiques, suppriment l’incohérence visuo-vestibulaire, copyright photo HTC Vive

• soit le déplacement en environnement virtuel se fait par téléportation d’un lieu à un autre, l’usager restant immobile dans l’environnement réel. La téléportation se fait par l’usager qui pointe avec une manette l’endroit où il veut être déplacé. Ce déplacement irréaliste se produit instantanément, évitant toute incohérence visuo-vestibulaire.

Suppression de l’incohérence en rajoutant / modifiant les interfaces

Si on veut solliciter correctement les systèmes vestibulaires de l’utilisateur avec un déplacement virtuel quelconque, il faut agir sur les accélérations et les inclinaisons de la tête. Cela impose, en simulation de transport comme dans les applications VR, d’agir sur le corps de la personne avec des interfaces à simulation de mouvement. Cette solution demande un investissement en matériel plus ou moins important, allant du fauteuil ayant des mouvements d’inclinaison à la cabine de simulateur de transport.

Si le déplacement virtuel correspond à une marche, il est possible d’utiliser une interface de commande par tapis 1D ou 2D. Avec une telle interface, les organes proprioceptifs des muscles, des tendons et des articulations sont correctement stimulés pour diminuer les incohérences. Les systèmes vestibulaires, eux, ne sont pas correctement sollicités mais les accélérations de translation sont faibles puisque l’utilisateur marche.

Figure 7 - Déplacement par interface de stimulation de mouvement de Renault

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Figure 8 – Déplacement par tapis roulant 1D

Si le déplacement virtuel correspond à une marche, il est possible d’utiliser une interface de commande par tapis 1D ou 2D. Avec une telle interface, les organes proprioceptifs des muscles, des tendons et des articulations sont correctement stimulés pour diminuer les incohérences. Les systèmes vestibulaires, eux, ne sont pas correctement sollicités mais les accélérations de translation sont faibles puisque l’utilisateur marche.

Depuis quelques années, on sait, en informatique, simuler des phénomènes physiques (optique, mécanique, etc.), suffisamment rapidement, en temps réel, pour créer des environnements artificiels dans lesquels on peut y agir physiquement. Mais pour l’usager, que cela implique-t-il de se retrouver dans un espace simulé, artificiel ? Quels comportements peut-il avoir dans un tel environnement qui est loin d’être une copie du monde réel ? S’il faut connaître les bases de la physique et de l’informatique, il est tout aussi crucial d’avoir des notions de physiologie, de sciences cognitives, de psychologie pour comprendre les potentialités de la réalité virtuelle et les problèmes qui en découlent. Comment l’usager va-t-il pouvoir réaliser ses activités dans un tel environnement dans le but de se former, se soigner, se distraire, etc. ? Comment l’artiste peut-il lui procurer des émotions ? Les comportements sensorimoteurs, cognitifs et émotionnels sont fortement liés et dépendent des possibilités techniques. La technologie propose et le comportement humain impose… au grand dam des doux rêveurs.

Pour expliciter la finalité et les définitions de la réalité virtuelle, nous faisons toujours référence aux activités sensorimotrices et cognitives que l’usager peut accomplir. Il est donc important de bien comprendre en premier le comportement sensorimoteur de l’être humain dans le monde réel, plus complexe qu’il n’y paraît. Toutes les notions, sur les sens et les actions motrices, développées dans cette annexe sont indispensables pour analyser convenablement le domaine VR.

L’homme est au centre de l’application VR. Celui-ci étant immergé dans un espace artificiel, il doit pouvoir l’observer par ses « sens extéroceptifs ». L’extéroception regroupe tous les stimuli sensoriels provenant du monde extérieur au corps, qui vont permettre d’observer le monde environnant l’individu. A l’inverse, la somesthésie concerne l’intéroception et la

Quelques notions sur le comportement sensorimoteur humain

Introduction à l’extéroception et la proprioception

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proprioception. L’intéroception regroupe les stimuli mécaniques ou chimiques provenant de l’intérieur du corps (des organes, des tissus…), dont la douleur, sans incidence notable dans le domaine de la réalité virtuelle. Nous n’en ferons plus mention. Plus importante, la proprioception regroupe les « sens proprioceptifs » qui renseignent la position et les mouvements du corps et de ses membres par rapport à l’environnement extérieur.

La réception d’un stimulus sensoriel est le point de départ du transfert de l’information dans l’organisme par les voies nerveuses. Le message nerveux afférent provenant du récepteur sensoriel est véhiculé vers le Système Nerveux Central (SNC), composé du cerveau, cervelet, tronc cérébral et moelle spinale, plus communément appelée moelle épinière. Après intégration et traitement de l’information dans ces centres, ceux-ci transmettent le message nerveux afférent aux organes effecteurs (muscles squelettiques, muscles oculaires, muscles des cordes vocales, etc.). Ceux-ci réalisent le comportement moteur, se traduisant par des mouvements, sauf pour le cas particulier des muscles des cordes vocales permettant la parole.

Tout influx sensitif naît au sein de récepteurs spécialisés. Ils peuvent être classés en deux

Remarques• Suivant certaines terminologies de physiologie, la distinction peut être faite

entre la proprioception qui concernerait seulement la position du corps et de ses membres par rapport à l’environnement et la kinesthésie qui concernerait les mouvements du corps et de ses membres par rapport à l’environnement. Nous ne faisons pas cette distinction pour simplifier nos explications et nous ne parlerons que de proprioception ;

• Si beaucoup de personnes ne connaissent pas ou peu la proprioception, en ne retenant que les « cinq organes sensoriels extéroceptifs », c’est en grande partie parce que nous avons recours aux sens proprioceptifs sans en avoir conscience ;

Figure 2.1 – Les catégories sensorielles humaines

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* En courant ou en marchant d’innombrables stimuli arrivent aux centres nerveux par différents canaux sensoriels : la vision (1), l’ouïe (2), l’odorat (3), le toucher « thermique » (4), détectant les variations de température, le toucher « mécanique » (5) avec les pressions plantaires aux pieds, la proprioception musculo-tendineuse (6) informant les efforts sur les muscles et les tendons, le positionnement du corps par des récepteurs au niveau des articulations (7) et la détermination du mouvement de la tête par les mesures d’accélérations (8) via les systèmes vestibulaires.** En réalité virtuelle, l’haptique englobe le toucher et la proprioception musculo-tendineuse. Les interfaces haptiques sont composées des interfaces tactiles et des interfaces à retour d’effort

groupes. Les uns, répartis dans tout notre organisme, renseignent sur l’état du corps et sur sa sensibilité générale. D’autres, spécifiques à un sens, sont situés dans l’organe sensoriel correspondant. Ce sont par exemple le cas des photorécepteurs de la rétine pour la vue. Il y a donc cinq organes sensoriels spécifiques mais finalement, plus que cinq sens avec tous les récepteurs proprioceptifs, qui sont plus que nécessaires* . Et le toucher est-il un simple sens ou deux sens, car il détecte deux phénomènes différents : mécaniques et thermiques ? Il est plus important de connaitre exactement le fonctionnement de tous les sens. Nul ne doit ignorer le comportement sensorimoteur de l’être humain pour l’immerger dans un environnement virtuel.

Une distinction peut être établie pour les extérocepteurs : certains discernent à distance l’environnement (vision, ouïe et odorat), tandis que d’autres sont des récepteurs de contact. Cette distinction n’est pas anodine en VR et a un impact sur la technologie des interfaces : pour réaliser des stimulations tactiles sur les mains ou autres parties du corps, il faut obligatoirement s’équiper de dispositifs, une contrainte ergonomique dont on souhaiterait être dispensé.

Une autre distinction doit être aussi notée pour les extérocepteurs : certains récepteurs sensoriels sont stimulés par des phénomènes physiques (mécanique, optique ou thermique), modélisables numériquement, tandis que d’autres (odorat et gout) sont stimulés par des phénomènes chimiques, donc non modélisables numériquement. Ceci implique que la simulation des odeurs, notamment, pose une très forte contrainte technique en VR car il faut avoir matériellement toutes les odeurs souhaitées à disposition, tout en sachant que l’être humain peut détecter plusieurs milliards d’odeurs d’après certains experts. En revanche, il est aisé d’envoyer des odeurs réelles, chacune stockée dans une capsule, vers les narines de l’usager, soit par une interface olfactive portée, soit par une tour d’odeurs posée proche de l’individu, si celui-ci est assis. Mais hors de question de transmettre à distance des odeurs via Internet ! Il faut obligatoirement les odeurs proches de l’ordinateur. Rappelons que l’on ne transmet pas les images à distance, mais seulement les bits de leur modélisation numérique. Inutile de dire, comme déjà entendu : « demain, on simulera les odeurs numérisables grâce aux progrès techniques ».

Gibson suggère que la sensibilité au mouvement ne dépend pas que de récepteurs proprioceptifs spécialisés. Les yeux, les oreilles ou la peau peuvent détecter le mouvement d’un individu aussi bien que les évènements extérieurs. Par ailleurs, les mains peuvent percevoir « haptiquement ** » notre environnement extérieur proche (extéroception), grâce à nos récepteurs tactiles, musculaires, tendineux et articulaires. C’est ce que nous faisons dans le noir par exemple. Le poids et l’inertie d’un objet sont connus (extéroception) grâce aux récepteurs musculaires et tendineux. Inversement, notre système visuel détecte les flux optiques en vision périphérique lorsque notre corps se déplace (proprioception), ce qui est très intéressant à exploiter en réalité virtuelle. Ainsi, la proprioception, considérée comme le moyen d’obtenir des informations sur nos propres mouvements, ne dépend pas

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nécessairement que des propriocepteurs. Et l’extéroception, considérée comme le moyen d’obtenir des informations sur les évènements extérieurs, ne dépend pas nécessairement que des extérocepteurs. Nous verrons par la suite que cet imbroglio sensoriel pose des problèmes d’incohérences sensorimotrices mais apporte aussi bien des avantages en réalité virtuelle… pour ceux qui savent les maîtriser.

Figure 2.2 - Schéma simplifié de l’extéroception et de la proprioceptionEn gris, des récepteurs proprioceptifs exploités pour l’extéroception et inversement

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Annexe - État psychologique et cognition - chap. 5

Questionnaires pour mesurer le sentiment de présence des sujets

Il existe plusieurs questionnaires validés de présence.

Witmer et collaborateurs dans leur « Questionnaire sur l’Etat de Présence », proposent quatre facteurs : l’engagement, l’immersion, la fidélité sensorielle et la qualité de l’interface (Witmer et al., 2005). L’engagement est défini par un état psychologique résultant de la focalisation de l’attention sur un ensemble de stimuli en lien avec des activités ou des événements.L’immersion correspond à un état psychologique caractérisé par la perception de soi comme enveloppé par, inclus dans et en interaction avec un environnement qui procure un flot continu de stimuli et d’expériences. La qualité de l’interface fait référence au contrôle du dispositif par le sujet au cours de la réalisation d’une tâche.

Schubert et colaborateurs quant à eux, identifient trois facteurs principaux dans « l’ Igroup Presence Questionnaire » : la présence spatiale, l’engagement et le réalisme (Schubert, Friedmann, Regenbrecht, 2001). La présence spatiale correspond à la possibilité d’agir dans l’environnement virtuel. Le réalisme fait référence à la comparaison entre le monde virtuel et le monde réel.

Dans l’ITC-Sense of Presence Inventory (Independant Television Commission), en plus des dimensions décrites par Schubert, les effets négatifs sont considérés comme un facteur de présence (Lessiter, Freedman, Keogh, 2001).

Slater et al. proposent aussi un questionnaire de présence composé de six questions non regroupées en facteur (Slater, Steed, McCarthy, Maringelli, 1998).

Le RJPQ (Reality Judgement and Presence Questionnaire) met en évidence trois facteurs principaux de la présence : le jugement par rapport à la réalité, la correspondance interne/externe (interaction) et l’attention/absorption (Banos et al., 2000).

L’étude de Schuemie et collaborateurs (2001) évoque toutes les acceptions de ce concept à travers une revue de la littérature. Les différentes théories sur les fonctions cognitives supposées soutenir ce processus y sont abordés. L’auteur fait aussi le lien avec les émotions que l’on ressent en réalité virtuelle et leur impact sur le sentiment de présence.

Sentiment de présence

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Sentiment de présence et analogies avec les états d’hypnose Selon Bahman Ajang (2019), psychologue cognitiviste et hypnothérapeute, on retrouve chez de nombreux sujets évoquant un sentiment de présence significatif en VR, trois effets communs avec la transe hypnotique : • Dissociation. Notion de premier plan et d’arrière-plan de la conscience. Au premier plan,

le sujet traite en priorité les informations issues du virtuel, réagit à ces stimuli et « oublie » ceux du réel, le réel passant au second plan. Le sujet ne réagit pas à la réalité hors du visiocasque ou y réagit avec délai. Cette dissociation persiste mais est moins nette dans les cas de ‹ présence simultanée › ou ‹ double présence › où la personne interagit de façon simultanée avec le réel et le virtuel. Par exemple, elle réagit aux stimuli virtuels tout en discutant avec une personne du monde réel qui l’entoure, cette dernière sans visiocasque.

• Absorption cognitive. Un état alliant une immersion et une concentration importante, du plaisir, un sentiment de présence ou de contrôle de l’interaction ainsi qu’une curiosité sensorielle et cognitive.

• Distorsion de la perception temporelle. Le sujet évalue la durée de son immersion de façon significativement plus longue (ou plus courte) qu’elle ne l’a été en réalité - exemple : il évalue son temps d’immersion à 10 minutes alors qu’il a été de 20 minutes.

Sentiment de présence et structures cérébrales impliquées

Deux études de Baumgartner et collaborateurs, publiées en 2006 et 2008, ont été menées en IRMf (Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle) et EEG (Électroencéphalographie) sur le sentiment de présence avec une attention sur l’âge des participants

Ces deux études présentées ici mettent en évidence deux stratégies cérébrales en réaction à l’exposition à des environnements virtuels stressants. Ces stratégies impliquent deux structures cérébrales du cortex préfrontal : • Cortex préfrontal dorsolatéral droit : contrôle le sentiment de présence en diminuant

l’activation de la voie visuelle dorsale responsable des processus égocentrés (i.e. où suis-je en ce moment en fonction de ce que je vois)

• Cortex préfrontal dorsolatéral gauche : contrôle le sentiment de présence en augmentant l’activation d’une large zone cérébrale du cortex préfrontal médial, zone impliquée dans les pensées auto-orientées et indépendantes des stimuli présents (i.e. où suis-je en fonction de ce que je sais).

Or ces deux zones ne sont pas encore matures chez l’enfant, donc ces processus ne sont pas mis en place de manière aussi efficace. Par conséquent, les enfants ont une plus grande susceptibilité au sentiment de présence que les adultes, signifiant qu’ils présentent davantage de difficultés que les adultes à réguler leurs réactions et émotions face au virtuel, le vivant plus intensément.

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L’illusion de la main en caoutchouc est l’illusion de posséder un membre ou un corps différent. Elle est aussi appelée paradigme de l’illusion de la propriété corporelle (Botvinick et Cohen, 1998) et peut être créée par des manipulations sensorimotrices. Elle a été utilisée pour comprendre la cognition corporelle, les préjugés et les troubles liés à la perception du corps, comme les membres fantômes. Plusieurs études décrivent comment la perspective à la première personne combinée à la synchronisation visuo-tactile et visuomotrice peut donner l’impression d’avoir une main de couleur ou de taille différente ou même une main supplémentaire. À l’aide de la VR, les chercheurs ont élargi cette technique pour créer des illusions de propriété du corps entier, aussi appelées VR incarnée, qui peuvent donner aux utilisateurs l’impression que leur corps est un mannequin en plastique, une petite poupée ou un corps invisible. En plus de la stimulation visuo-tactile ou visuo-moteur, des stimuli comme l’audio 3d et le biofeedback peuvent aussi induire des expériences de propriété corporelle. Pour créer ces illusions, les stimuli des différents sens doivent être synchronisés. (Voir l’article de synthèse dans Bertrand et al. 2018).

L’unité d’identification phénoménologique

Les illusions physiques peuvent avoir des implications profondes sur le contenu conscient que l’on vit comme étant soi (ou ‘modèle de soi phénoménal’ selon Metzinger). L’esprit est inconsciemment sensible aux influences du corps et de l’environnement et se remodèle (à court et à long terme) en permanence. La notion d’unité de ces expériences est appelée par les philosophes Madary et Metzinger (2016) «unité d’identification phénoménal» et il correspond à ce que nous ressentons, résumerions par «je suis ceci». Cette unité, qui peut être différente de l’image consciente du corps ou d’une de ses parties, est dynamique et hautement variable. Enfin, elle est affectée dans les environnements VR car cette technologie, selon les auteurs précédemment cités, « manipule les mécanismes psychologiques impliqués dans notre expérience de ce qu’est la réalité ». Des études expérimentales confirment que les illusions sensorimotrices peuvent moduler l’unité d’identification phénoménale, ce qui rend par exemple les individus plus empathiques sur les plans physique, cognitif, émotionnel et comportemental à l’égard de groupes socio-éthniques différents du leur. En voici quelques exemples : voir un corps à la peau plus foncée peut stimuler le mimétisme automatique (Hasler et al., 2017) qui est en relation avec l’empathie (Chartrand et Bargh, 1999). Dans un contexte non social, le fait d’avoir un avatar à la peau foncée peut également réduire les biais négatifs implicites des participants (Peck et al. 2013), même une semaine après l’intervention (Banakouf et al., 2016). Le fait de se mettre à la place d’une personne qui devient sans-abri a amené les usagers à adopter un comportement altruiste plus durable (Herrera et al, 2018).

Le phénomène d’illusion corporelle (et le concept d’unité d’identification phénoménologique)

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Il s’agit de la tendance pour des utilisateurs de s’attribuer des caractéristiques, des compétences, ou l’attitude attendue de leur représentation dans un environnement virtuel (Yee and Bailenson, 2007, p. 274 ; Kilteni et al., 2013). Par exemple, une étude sur la créativité a montré que des étudiants utilisant un avatar identifié comme étant un inventeur sont plus performants dans des tâches de créativité que ceux qui ont utilisé des avatars “classiques”. Et cet effet est mis en évidence pendant que les étudiants utilisent l’avatar en réalité virtuelle mais aussi après, dans une réelle salle de classe, une fois le visiocasque retiré.

L’effet proteus est observé dans les jeux vidéo, les environnements virtuels et en particulier dans la VR, et il peut expliquer certains changements positifs et négatifs dans le comportement cognitif et émotionnel. Une brève explication du mécanisme est que les stéréotypes représentés par un avatar - soit à partir de leurs attributs (ex. : un grand avatar VR), soit à partir des préjugés propres à l’utilisateur (ex. : croire que les personnes de grande taille sont plus confiantes) - influencent le comportement des utilisateurs (ex. : avoir davantage confiance en un avatar de grande taille). Les avatars VR peuvent influencer les comportements ou les prédispositions des utilisateurs, selon des dynamiques qui peuvent y compris persister après l’expérience VR. La recherche scientifique a fourni des exemples intéressants (voir partie 7 en infra)

L’intensité de la réponse de l’effet proteus est liée à l’intensité de l’incarnation d’un avatar par l’utilisateur. C’est pourquoi l’aspect multisensoriel des expériences de VR est intrinsèquement un facteur d’augmentation de l’effet proteus (Mandary et Metzenger, 2016). Il a ainsi le potentiel de stimuler le comportement prosocial même longtemps après l’intervention de la VR (Herrera et al, 2018), mais il peut aussi stimuler les pensées et les comportements agressifs (Yang et al. 2014). C’est la raison pour laquelle la conception des expériences de VR et de ses avatars implique une grande responsabilité éthique du fait des conséquences possibles en termes d’impact sur le libre-arbitre, voire de manipulation de l’usager.

Il est important de noter que les études en imagerie cérébrale sont très limitées en réalité virtuelle car le port d’un visiocasque de réalité virtuelle n’est pas compatible avec toutes les techniques d’imageries. Cependant, les résultats des travaux réalisés sur animaux ou avec d’autres matériels de VR sont extrapolables dans le but d’avoir une idée, même partielle, sur ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous vivons une expérience en réalité virtuelle.

Le phénomène dit de l’effet proteus

Perspective neuroscientifique : que vit notre cerveau en VR ?

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Activité électrique de l’hippocampe chez le rat

Etude de Aghajan et collaborateurs (2015)Un groupe de chercheurs étudiant la cognition chez le rat a voulu évaluer la pertinence de la VR pour enrichir leurs outils de recherche à l’avenir.Des rats ont été immergés dans un dispositif VR spécifiquement élaboré. Un environnement virtuel, visuellement très analogue à l’environnement réel habituel des rats a été conçu. L’activité électrique des neurones de l’hippocampe a été mesuré par EEG caractérisant un rôle dans la cognition spatiale et la mémorisation chez le rat aussi bien que chez l’homme.

Résultats :- la moitié des neurones de l’hippocampe déchargeaient de façon chaotique tandis que l’autre moitié des neurones étaient éteintes.Ces résultats sont surprenants selon les auteurs.

Commentaires d’un auteur de l’étude : « Le système cartographique du rat était totalement désactivé »

« Les réseaux d’activation neuronaux d’une part dans le réel et d’autre part en VR sont très différents. Nous avons besoin de davantage pleinement comprendre comment le cerveau affecte le cerveau ».

« La VR devient de plus en plus réaliste et la réponse du cerveau d’un sujet qui y est exposé ressemble de plus en plus à l’activité cérébrale d’un sujet se déplaçant dans le monde réel”

Revues de la littérature

Viaud-Delmon et collaborateurs en 2007 soulignent l’implication des concepts d’interaction et de simulation en réalité virtuelle comme étant centraux pour décrire les possibilités qu’offre la VR dans l’étude de la cognition humaine.

Smith et collaborateurs proposent une revue de la littérature très complète en 2019 sur les effets des caractéristiques technologiques de la réalité virtuelle sur la mémoire.

Powers et collaborateurs en 2008 proposent une méta-analyse de 2008 qui reprend les résultats de treize articles sur les effets des thérapies d’exposition en réalité virtuelle dans le cas de troubles anxieux (i.e. en apprendre plus sur les araignées et apprendre à s’en approcher et les observer lorsqu’on est arachnophobe).Non seulement ce type de thérapie est efficace mais les résultats ne sont pas différents des

Utiliser la VR pour en savoir plus sur la cognition et le cerveau

Pour comprendre les effets possibles de la VR sur la psychologie humaine : les usages de la VR en psychothérapie pour traiter les troubles anxieux.

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thérapies plus classiques d’exposition dites In Vivo, c’est à dire dans l’environnement réel.

Stein et collaborateurs proposent une méta-analyse en 2019, reprenant les résultats de trente études sur les thérapies d’exposition en réalité virtuelle pour les troubles anxieux, les syndromes de stress post-traumatique et les accès de panique.Ici aussi, les résultats sont sans équivoque sur l’efficacité de ce type de thérapie et la comparaison avec les méthodes in vivo, ne montre pas de différence.

Un certain nombre d’études, qui doivent néanmoins pour la plupart se voir encore confirmées, convergent vers les conclusions suivantes A et B :

A : les réactions émotionnelles et comportementales des sujets en VR sont très analogues à l’expérience équivalente dans la réalité (voir exemple 1 ci-après). Les résultats obtenus depuis une dizaine d’année sur les patients dans des thérapies utilisant la VR vont également dans ce sens, comme l’illustrent les exemples de traitements des troubles anxieux de la partie 4 précédente.

Exemple : peur du vide ou vertige, Source : Meehan et al., 2002>> Des sujets sont immergés dans un environnement virtuel représentant une maison à deux étages. Le sol d’une pièce comporte un trou béant sur la pièce du dessous. Ils doivent jeter un sac de sable sur une cible placée en dessous en se rapprochant du bord, ce dernier étant matérialisé par un rebord en bois de 4 cm de hauteur existant dans le monde ‘réel’ de l’environnement expérimental.Résultats : la majorité des sujets ont des réactions émotionnelles de peur, d’intensité moyenne à forte et objectivées par l’accélération du rythme cardiaque et l’activité électrodermale (sueur).

B : Les actions menées et les stimulis expérienciés en VR peuvent avoir des effets significatifs en termes de changement de comportement des sujets une fois de retour au monde réel :

Exemple 1Source : Hershfield et al. , 2011>> Des sujets sont immergés dans un environnement virtuel ayant pour objectif de les sensibiliser à la problématique de leur retraite. Après leur immersion, les sujets dont l’avatar a été ‘vieilli’ par morphing (ils se voyaient dans le miroir) ont agi dans le sens d’allouer une somme plus importante à leur retraite, ceci de façon significativement plus importante que les sujets immergés mais non ‘vieillis’.

Réflexions générales basées sur des études concernant les effets de la VR sur la psyché et le comportement

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Exemple 2Source : Ahn et al., 2014>> 3 conditions expérimentales visant à promouvoir un comportement écologique relativement à la consommation de papier : écrit, vidéo et VR où le sujet coupe un arbre.Résultats : les sujets en condition ‘VR’ persistent, une semaine après, à consommer 20% de papier en moins, ce score étant significativement plus important que les deux autres modalités.

Autres exemples fournis par la recherche scientifique :

- Capacités cognitives : les participants qui ont incarné un avatar en VR de quelqu’un ressemblant à Albert Einstein se sont montrés plus performants dans les tâches cognitives après expérience (Banakou, Sameer-Kishore, Slater, 2018). - Capacités d’auto-conseil : les participants à l’avatar de quelqu’un comme Sigmund Freud ont montré une meilleure performance en auto-conseil que les participants qui incarnent un avatar d’eux-mêmes (Osimo et al. 2015). - Comportement et intention altruistes : se placer dans la perspective d’un super-héros aidant les citoyens rend les usagers plus altruistes (Rosenberg et al., 2013). D’autres études ont aussi montré qu’après une série d’interventions de VR, les participants s’engagent dans une action plus altruiste, même à leurs propres dépens (Herrera et al, 2018).- Prédisposition antisociale : les participants se mettent dans la peau d’un méchant, ce qui les rend moins altruistes et plus antisociaux (Yoon et Vargas, 2014).- Renforcement des stéréotypes négatifs : l’incarnation d’un avatar à la peau foncé dans un jeu violent (sans VR) a rendu les joueurs plus agressifs pendant le jeu et a renforcé, après le jeu, les stéréotypes de ces derniers selon lesquels les individus avec peau foncé sont violents (Yang et al. 2014)

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Annexe - Modalités pratiques et déroulement d’une expérience dans un cadre professionnel – chap. 6

Mandary et Metzenger (2016), ont proposé la première ébauche de code d’éthique concernant la VR dans un article de référence. Ils y soulèvent des questions d’impacts et d’effets négatifs potentiels sur les sujets et font des recommandations de bonnes pratiques concernant l’usage de la VR, d’une part à l’attention des scientifiques et d’autre part à l’attention des particuliers. Les auteurs, chercheurs en philosophie, abordent des concepts qu’ils estiment fondamentaux (concept d’unité d’identification phénoménale - voir Annexe - chapitre 5 -2), citent des études illustrant la plasticité de l’esprit humain et des effets psychologiques persis-tants chez les utilisateurs après avoir quitté les environnements virtuels. Ils discutent des risques et des recommandations aux chercheurs sous six thèmes, et des recommandations pour les utilisateurs de la VR sous quatre thèmes, résumés ci-après.

Les questions d’éthiques soulevées par la VR et les recomman-dations et bonnes pratiques pour les scientifiques et les particuliers

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Filmographie

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Ajang, B., VR/AR, influence, impact et questions éthiques, conférence au salon Virtuality, 2018 : https://youtu.be/sSCFHDRWuOU

Webographie

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L’Observatoire Mes datas et moi - https://www.mesdatasetmoi-observatoire.fr/auteur/emilie-bahman

Panorama de la VR par le CNRS, mars 2019 - https://lejournal.cnrs.fr/dossiers/ou-en-est-la-realite-virtuelle

Panorama de la VR - FuturMag d’Arte - 2017 - https://youtu.be/guHt8dcCi-U

Rétrospective Laval Virtual 1999 à 2018 - https://youtu.be/-jL167G5FMk

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Vocabulaire

Accommodation : mécanisme oculaire. En effet, l’œil possède le pouvoir d’accommoder automatiquement (inconsciemment) : sous l’action des muscles ciliaires, la puissance du cristallin varie et permet une mise au point sur la rétine pour voir des objets proches ou éloignés.

Blended learning ou formation mixte associe une formation présentielle à une formation à distance (e-learning).

CAVE (cave automatic virtual environment) : Ensemble de grands écrans (de 3 à 6 et de dimensions 2 à 4 mètres en général) entourant l’utilisateur pour l’immerger visuellement.

Cinétose : Mal des transports pouvant causer des nausées. La sensibilité à la cinétose est très variable d’un individu à l’autre. Elle dépend notamment de l’âge, de l’ethnie, du genre et de l‘état de santé général de l’individu.• âge : important entre 2 et 12 ans, diminuant ensuite jusqu’à 21 puis augmentant

rapidement après 50 ans• genre : les femmes y sont plus sensibles que les hommes • ethnie : les populations chinoises y seraient plus sensibles

Colocalisation : Superposition de la perception visuelle avec la perception proprioceptive du corps de l’usager en environnement virtuel. Elle n’est pas obligatoire en VR. Par exemple, on peut observer et manipuler virtuellement devant soi son corps (avatar) qui est donc perçu comme décalé visuellement par rapport à sa perception proprioceptive.

Disparité rétinienne : Mesure angulaire du décalage des rayons lumineux arrivant sur les rétines des yeux, provenant des deux images stéréoscopiques droite et gauche, pour un même point observé. Voir détails dans [Fuchs, 2018].

Extéroception : Ensemble des stimuli sensoriels provenant du monde extérieur au corps, qui vont permettre d’observer le monde environnant l’individu.

Immersion : Capacités techniques du système pour stimuler les sens humains, permettant de créer un sentiment de présence dans l’environnement artificiel perçu par l’utilisateur. Cet environnement virtuel est interactif quand l’utilisateur peut agir (virtuellement) sur cet environnement via ses actions motrices. Les sens stimulés virtuellement sont plus ou moins nombreux, en fonction des besoins de l’application et sous la contrainte de critères techno-économiques.

Immersion corporelle (proprioceptive) : Perception par l’utilisateur que son corps est bien inclus dans l’environnement virtuel et la perception des mouvements du corps dans cet environnement.

Incohérence sensorimotrice (physique) : Réaction due à la réception par le cerveau de stimuli sensoriels, suite à une action motrice, qui n’est pas cohérente. Par exemple, la

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locomotion sur un tapis roulant entraîne une incohérence entre l’action de marcher et les stimuli provenant des systèmes vestibulaires et du système visuel qui ne détectent pas de déplacement du corps du marcheur.

Kinesthésie : Perception du mouvement du corps dans l’espace (qu’il soit réel ou virtuel). Remarque : pour simplifier les termes en VR, on utilise le terme « Proprioception » englobant aussi la kinesthésie.

Latence d’affichage (ou latence) : Décalage temporel entre le mouvement de rotation de la tête et l’affichage du point de vue correct dans le visiocasque.

Leap motion : Dispositif à faible coût pour détecter en temps-réel les mouvements des doigts des deux mains.

Parallaxe de mouvement : Un des indices visuels de perception de la profondeur d’un objet observé. Cet indice se base sur la différence de déplacement apparent des objets proches et des objets lointains pendant les mouvements de l’observateur ou inversement du mouvement de l’objet observé.

Proprioception : Perception de son corps.

Praxie : Ensemble des fonctions de coordination et d’adaptation de mouvements volontaires dans le but d’accomplir une tâche donnée.

Récepteurs musculaires et tendineux : Informent le cerveau des efforts dans les muscles et les tendons.

Récepteurs articulaires : Informent le cerveau des orientations des membres par rapport au corps.

Schème : Proposée par le psychologue Piaget : c’est un « geste automatique », réalisé inconsciemment, lié à un processus mental, qui se généralise lors de la répétition en des circonstances analogiques. Exemple de la préhension d’un objet : on tend plus ou moins le bras ou on ouvre plus ou moins la main selon l’éloignement et la taille de l’objet. Quel que soit l’objet, il s’agit toujours du même schème de préhension. On fait varier ici seulement des paramètres sensori-moteurs sur un même schème. Comme Piaget l’a énoncé, l’intelligence sensori-motrice parvient à résoudre un ensemble de problèmes d’action (atteindre des objets, etc.), en construisant un système complexe de schèmes d’assimilation, et à organiser le réel selon un ensemble de règles spatio-temporelles et causales. D’où notre postulat fondamental en réalité virtuelle : Dans un environnement virtuel interactif, la personne exploite la même démarche que dans un monde réel, pour organiser le virtuel selon un ensemble de règles spatiotemporelles et causales.

Notons que le schème est reproductible, assimilateur (il s’applique à des situations nouvelles), a une finalité, est utilisé et assimilé inconsciemment.

Sentiment de présence : Corrélat subjectif de l’immersion, expérience d’une personne immergée dans un environnement virtuel qui réagit à cet environnement comme s’il était réel.

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Pour illustrer immersion et sentiment de présence :Dans le film Matrix (Wachowski, 1999), Néo vit dans la matrice et il n’est pas question de sentiment de présence car l’immersion est parfaite. Ceci jusqu’à ce qu’il soit témoin de « bugs dans la matrice » et dès lors il expérimente un sentiment de présence dans cette matrice : il sait qu’elle n’est pas la réalité mais il s’y sent présent et interagit avec elle comme si elle était vraie.

Systèmes vestibulaires. Inclus dans les deux oreilles internes, ils informent le cerveau du mouvement et de l’orientation de la tête, en mesurant les inclinaisons et les accélérations de la tête. C’est la proprioception vestibulaire.

Vergence (ou convergence) : Les muscles des globes orbitaux permettent d’orienter les deux yeux en les faisant converger vers le point de l’espace observé. Comme l’accommodation, la vergence des yeux se fait inconsciemment. En vision naturelle, il y a une relation entre vergence et accommodation des yeux, en fonction de la distance des yeux à l’objet observé.

Vection : Sensation de déplacement du corps de l’observateur d’origine visuelle, détectant les flux optiques en vision périphérique.

Vision stéréoscopique : Affichage de deux images légèrement différentes devant les deux yeux de l’observateur. Les deux images stéréoscopiques sont similaires à la vision naturelle, mais non parfaitement identiques, la distance d’accommodation étant fixe pour tout point des images stéréoscopiques.

Vision monoscopique : Affichage de deux images identiques devant les deux yeux de l’observateur. Rappelons que c’est possible dans tout visiocasque et que la vision monoscopique permet de percevoir en 3 dimensions tout espace réel (fermez un œil!), ou virtuel, comme au cinéma classique (dit faussement « 2D »).

Téléportation : Le déplacement dans l’environnement virtuel se réalise par téléportation quand l’usager désigne avec une manette le lieu où il veut se téléporter et par un ordre binaire, il se téléporte. C’est dans ce cas, via une métaphore qu’il exécute son action et non pas par une copie plus ou moins réaliste du schème de la marche.

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Contributeurs

Président du Comité d’Ethique VR

Franck Rougeau, Co-fondateur du GIE VR Connection, [email protected]

Coordinateurs thématiques

Parties 2 & 3Philippe Fuchs, Ancien professeur de réalité virtuelle à Mines ParisTech, [email protected]

Partie 4Yann Toullec, Co-fondateur du GIE VR Connection, [email protected]

Partie 5Bahman Ajang, Psychologue cognitiviste spécialiste des nouvelles technologies – conférencier - cabinet Ajang de psychologie et consulting, [email protected]

Partie 6Alexandre Chiriac, Responsable Digital Learning & Innovation du Personnel Navigant – société Air France, [email protected]

Contributeurs

Samuel Benveniste, Directeur technique du Broca Living Lab (www.brocalivinglab.org) et chercheur associé au Centre de Recherche en Informatique de Mines ParisTech,[email protected]

Philippe Bertrand, Doctorant à Université de Paris, LaPEA; Chercheur responsable du VR-Fontiers-Lab aux CRI-Paris; Artiste, chercheur principal et co-fondateur Banotherlab,[email protected]

Vincent Bourrel, Responsable administratif et financier de l’association Laval Virtual,[email protected]

Lenaïc Cadet, Doctorante en Psychologie Cognitive au laboratoire d’Étude des Mécanismes Cognitifs de Lyon 2 – Psychologue spécialisée en neuropsychologie,[email protected]

Denis Clément, Responsable Développement Formation et Innovation à Air France Industries, [email protected]

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Dr Laurence Hugonot-Diener, Psycho-gériatre Hôpital Broca Aphp Paris, et Hôptal Henry Dunant de la croix rouge et psycho-gériatre du réseau M2A centre et Sud, [email protected]

Fanny Levy, Psychiatre à la Pitié Salpétrière, Paris & Co fondatrice, présidente de la société MyReVe, [email protected]

Valérie Moniod, Responsable département Innovation à la Direction Formation & Profes-sionnalisation du groupe EDF, [email protected]

Naomi Roth, Professeure au Centre de Recherche Interdisciplinaire, programmatrice de la Mostra VR pour la Biennale de Venise, consultante et conférencière internationale, [email protected]