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Rapport et recommandations

LES SOLUTIONS

MERGENTES

Rapport et recommandations

LES SOLUTIONS

MERGENTES

Cette publication a t ralise par la Commission dtude sur les services de sant et les services sociaux.

Graphisme et ralisation infographique : www.farleydw.com

Le prsent document peut tre consult la section publications du site Web de la Commission dtude sur les services de sant et les services sociaux : www.cessss.gouv.qc.ca ou la section documentation sous la rubrique publications du site Web du ministre de la Sant et des Services sociaux : www.msss.gouv.qc.ca

Pour obtenir dautres exemplaires de ce document, faites parvenir votre commande par tlcopieur : par courriel : (418) 644-4574 [email protected]

ou par la poste : Ministre de la Sant et des Services sociaux Direction des communications 1075, chemin Sainte-Foy, 16e tage Qubec (Qubec) G1S 2M1Note : Le genre masculin utilis dans ce document dsigne aussi bien les femmes que les hommes.

Dpt lgal Bibliothque nationale du Qubec, 2000 Bibliothque nationale du Canada, 2000 ISBN 2-550-36958-0

Gouvernement du Qubec

Toute reproduction totale ou partielle de ce document est autorise, condition que la source soit mentionne.

Le 18 dcembre 2000 Madame Pauline Marois Ministre dtat la Sant et aux Services sociaux Gouvernement du Qubec

Madame la Ministre, Il nous fait plaisir titre de membres de la Commission dtude sur les services de sant et les services sociaux de vous transmettre notre rapport. Conformment au mandat que nous a confi le gouvernement du Qubec le 15 juin dernier, nous vous soumettons les recommandations et propositions qui se dgagent de nos travaux. Ce rapport prsente galement les faits saillants des diverses consultations ralises auprs de la population, des experts et des organisations reprsentatives du rseau. Nous vous remercions de la confiance que vous nous avez tmoigne en nous accordant ce mandat. Veuillez agrer, Madame la Ministre, lexpression de nos meilleurs sentiments.

Michel Clair Prsident

Lonard Aucoin Commissaire

Howard Bergman Commissaire

Rosette Ct Commissaire

Pierre Ippersiel Commissaire

John LeBoutillier Commissaire

Grard A. Limoges Commissaire

Hlne Rajotte Commissaire

Vicky Trpanier Commissaire

Ren Rouleau Secrtaire gnral

Table des matires abrge

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .i Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .ii PARTIE I ANALYSE ET RECOMMANDATIONS Chapitre 1 Une vision pour la prochaine dcennie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 1.1 Les finalits du systme : prvenir, gurir, soigner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 1.2 Face aux dfis : grer les transitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 1.3 Une gestion proactive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Chapitre 2 Lorganisation des services : passer laction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 2.1 Nos constats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 2.2 Les principes directeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29 2.3 Nos recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32 Annexe 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .107 Chapitre 3 Les ressources humaines : dvelopper les comptences, raviver la fiert 3.1 Nos constats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Les principes directeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Nos recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre 4 Le financement public : la performance au service de la solidarit 4.1 Nos constats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Les principes directeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Nos recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexe 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111 . . . .112 . . . .117 . . . .118

. . . . . . . . .133 . . . . . . . . .134 . . . . . . . . .138 . . . . . . . . .139 . . . . . . . . .196 . . . . . .199 . . . . . .200 . . . . . .201 . . . . . .203 . . . . . .234

Chapitre 5 La gouverne : clarifier les rles, renforcer limputabilit des dirigeants 5.1 Nos constats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Les principes directeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Nos recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Annexe 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .238 LISTE DES 36 RECOMMANDATIONS ET 59 PROPOSITIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .S.I PARTIE II SYNTHSE DES CONSULTATIONS Chapitre 1 Laudition des groupes nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .241 Chapitre 2 Les consultations auprs de la population et des groupes dans chaque rgion du Qubec . . . . . . . . . . . . . . . .265

Chapitre 3 Le vox populi et le sondage auprs de la population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .297 Chapitre 4 Les forums dexperts ---Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .401 Liste des sigles et acronymes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .402 Liste des figures, tableaux et graphiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .403 Table des matires dtaille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .404 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .321

A VA N T- P R O P O SLa Commission dtude sur les services de sant et les services sociaux a t cre le 15 juin 2000. Son mandat consistait tenir un dbat public sur les enjeux auxquels fait face le systme de sant et de services sociaux et proposer des avenues de solution pour lavenir. Pour ce faire, elle a recueilli le point de vue de la population, des partenaires du rseau, des organisations reprsentatives et des experts, principalement sur les deux thmes relatifs son mandat : le financement et lorganisation des services. Ce rapport contient deux parties et une annexe. La premire partie, regroupe sous 5 chapitres, prsente les recommandations et les propositions de la Commission. La seconde, rend compte des faits saillants des consultations effectues auprs des citoyens, des spcialistes et des groupes. Lannexe rassemble les rsums des mmoires prsents par les groupes nationaux. Tout au long de leurs travaux, les membres de la Commission ont cherch couvrir, partir dune grille danalyse large spectre, lensemble des problmatiques. Toutefois, ils sont conscients que certaines clientles ou thmatiques nont pu tre traites leur mrite, compte tenu du temps limit et des choix faits par la Commission. Les commissaires tiennent remercier tous ceux qui ont particip aux consultations organises partout au Qubec; dautant plus que celles-ci se sont droules sur une priode trs courte. Ils ont t impressionns par le niveau des rflexions, la qualit des interventions et la volont ferme de tous les acteurs de contribuer lamlioration de nos services sociaux et de sant. Ils veulent galement remercier les nombreux collaborateurs qui ont rpondu leurs demandes avec autant denthousiasme.

i

Introduction

INTRODUCTION

Les dfis des temps modernes sont innombrables pour lhumanit. Souvent dapparence insurmontables dans les pays pauvres, souvent exaltants dans les pays dvelopps. Lamlioration de la sant du monde est un de ces dfis qui se pose partout : dans tous les pays, toutes les villes, les campagnes et les villages de la plante. Prvenir, gurir, soigner ! La sant pour tous ! Sans discrimination ! Une utopie autant quun objectif essentiel, fondement de la solidarit humaine. Les pays dvelopps ont depuis longtemps chapp au fatalisme des pidmies et de la maladie. Les sciences de la sant y ont connu un essor fulgurant. La force de la connaissance et celle des moyens conomiques se sont allies pour repousser toujours plus loin les frontires de la vulnrabilit humaine. Les pouvoirs publics sont passs de lhygine publique au dploiement de systmes de sant trs labors devenus la plus grande organisation civile dans tous les pays dvelopps. Les citoyens prennent de plus en plus le contrle de leur sant et veulent vivre mieux, le plus longtemps possible. Au cours des 50 dernires annes, la grande majorit des pays dvelopps se sont donn des systmes de sant et de services sociaux dont le financement public est prpondrant. Une seule exception demeure : les tats-Unis dAmrique. peu prs toutes les autres socits ont choisi, avec diverses variantes, de mutualiser le risque de la maladie par le biais dun financement public. Les valeurs humaines sur lesquelles sappuient tous ces systmes de soins de sant sont les mmes partout : la solidarit, lquit et la compassion. Le profil de ces systmes peut varier mais leurs assises sont les mmes.DES DFIS UNIVERSELS

Les problmes et les dfis qui assaillent les fondements de ces systmes sont, eux aussi, semblables partout. Quelle est la finalit du systme ? Y a-t-il une limite aux ressources que la socit peut y investir ? Comment faire des choix ? Comment maximiser les avantages, pour la socit et les individus, de largent disponible ? Comment prserver les valeurs qui forment lassise de tout cet difice socital ? Les sources de toutes ces questions ne sont pas uniques, mais lune se dgage assez nettement. Elle se situe la jonction de lvolution fulgurante de la connaissance et deii

la possibilit, limite, doffrir tous, tous les moyens disponibles que permet la science. Une sorte de rupture ou de confrontation est en vue : loffre de la science est telle quelle pousse leur limite les valeurs de solidarit et dquit. En dautres mots, la multiplication des possibilits dinterventions, de plus en plus coteuses, est confronte aux limites de la volont ou de la capacit financire de la collectivit. Accepter que les ressources de toute socit ont des limites conduit la ncessit de chercher les meilleurs rsultats et donc faire des choix tous les niveaux dun systme de sant. Jusqu maintenant, aucune socit na encore trouv lquilibre parfait entre lobligation de faire des choix et de performer dune part, et celle, dautre part, dassurer un accs quitable tous les services de sant possibles. Toutes cherchent leur voie. Ces dfis ne sont pas que fondamentaux, ils sont aussi dordre structurel, organisationnel, managrial et financier. Au cours des 15 dernires annes, la plupart des pays dvelopps ont entrepris de revoir la gouverne de leur systme, tous en volution rapide. De la Sude la Nouvelle-Zlande, de la Hongrie au Royaume-Uni, la remise en question de lorganisation des services est, pour ainsi dire, universelle. Dans cet effort dadaptation, lchelle de la plante, chacun profite de lexprience des autres. Lvolution de ces normes ensembles de services en mutation prsente aussi des enjeux managriaux sans prcdent, la base comme au sommet. Le niveau de financement aussi bien que les sources et les modes dallocation des ressources sont partout rviss et adapts dans un mme souci de cohrence avec les objectifs de sant et de bien-tre de la population dune part, et de comptitivit globale de la nation, dautre part. Le Qubec ne fait donc pas face un dfi singulier. Il est particulier notre contexte mais universel dans sa dfinition.

L E M A N D AT D E L A C O M M I S S I O N

Le mandat de la Commission portait sur lorganisation et le financement des services de sant et des services sociaux. Nous devions, cet gard, solliciter des experts nationaux et internationaux, mener des consultations auprs de groupes dintrt et de laiii

Introduction

population, notamment dans les rgions, et finalement soumettre des recommandations au gouvernement. Nous avons situ ce mandat dans un contexte de rflexion dabord qubcois, puis canadien et international. Nous lavons interprt pour lessentiel comme une occasion de proposer des moyens permettant de protger, dadapter et damliorer notre systme. Toutes nos rflexions, nos dbats, de mme que les nombreuses propositions que nous avons examines, avaient la mme finalit, de manire explicite ou implicite : assurer la prennit et ladaptation continue de notre systme aux ralits contemporaines, dans lintrt de tous et chacun. Cest le sens de notre rapport. Nous avons fait de notre mieux, avec un temps limit et des moyens modestes, pour aller au cur des enjeux, sans tabou, ni idologie. Nous avons sollicit et obtenu la confiance de tous et bnfici aussi de la gnrosit de chacun. Nous avons beaucoup cout, discut, consult en vue de rechercher dans lintelligence, louverture desprit et la volont des acteurs eux-mmes, une vision davenir pour nos services de sant et nos services sociaux laquelle pourrait adhrer lensemble du Qubec. Nous esprons que plusieurs se retrouveront dans ce que nous avons voulu dessiner et proposer comme autant de solutions mergentes, avec des racines encore jeunes, mais bien qubcoises, et inscrites dans une analyse universelle et contemporaine. Nous souhaitons aussi que les porteurs davenir que nous avons rencontrs partout au Qubec et qui nous ont clairs prendront le flambeau avec dtermination. Ce sont eux qui permettront de pousser plus loin un modle qubcois original et adapt aux diversits rgionales et culturelles.

FAIRE DES CHOIX ET PERFORMER

Nous voulons exprimer clairement tous nos concitoyens les messages essentiels que nous ont inspir nos travaux et qui sont la base de notre rapport. Le Qubec a un systme de sant et de services sociaux trs labor auquel la grande majorit des citoyens sont trs attachs et dont nous avons raison dtre fiers. Ce systme fait toutefois face des difficults majeures quil serait dangereux de sous-estimer ou de laisser perdurer. Celles-ci sont dabord organisationnelles et concernent autant les gouvernants, les gestionnaires, les professionnels et les employs que les usagers. Les citoyens doivent se proccuper avec autant de lucidit que de sensibilit de lavenir de leuriv

systme en se rappelant que tout ce quon lui demande ne vient finalement que deux. Pour assurer la prennit de notre systme, il faut dabord accepter que les ressources que la socit qubcoise, comme toutes les autres, peut consacrer la sant et aux services sociaux, sont limites. Cette acceptation conduit deux obligations indniables et indissociables : faire des choix et performer. Faire des choix : voil un devoir quon ne saurait rcuser. Dirigeants politiques, administrateurs, professionnels de la sant, citoyens, nous tions tous convaincus que la solidarit la base des systmes financs publiquement nous mettrait labri de choisir. Pourtant, il faut choisir. Les dirigeants doivent choisir le niveau limite des ressources financires, choisir les services, les technologies mdicales et les mdicaments assurs. Les administrateurs et les cliniciens doivent galement faire des choix, sinon accepter le choix des autres. Enfin, chaque citoyen doit choisir entre la solidarit, lquit et le risque du chacun pour soi. Une chose est claire : le laisser-porter et labsence de choix clairs, structurs, partags, conduisent tout droit larbitraire dans laccs aux services et leffondrement de lassise mme du systme, cest--dire des valeurs de solidarit et dquit. Ce nest pas par hasard si lOrganisation mondiale de la sant, en juin 2000, lanait le mot rationnement pour dsigner cette responsabilit de la gouverne nationale de tout pays de veiller ce que leurs ressources dont le montant est limit soient affectes des domaines considrs hautement prioritaires . Lobligation de performer est galement exigeante et non moins essentielle. Performer, ce nest pas une opration comptable. Cela signifie plutt quavec des ressources limites, la solidarit et lquit nont de sens que si lon accomplit le maximum avec largent disponible. En consquence, lorganisation des services doit tre conue pour actualiser avec efficacit et efficience les choix susmentionns. Performer exige de plus, lobligation de mesurer les rsultats obtenus, sur la base dindicateurs fiables, tant cliniques quadministratifs et financiers. Pour cela, il faudra des systmes dinformation appropris, mais surtout une culture de lexcellence qui ne craint pas les comparaisons canadiennes et internationales mais qui, bien plutt, les recherche.1

1

Organisation mondiale de la sant, Rapport sur la sant dans le monde 2000 : pour un systme de sant plus performant, Genve, 2000.

v

Introduction

LES SOLUTIONS MERGENTES

Nous proposons de faire face ces deux obligations choisir et performer avec une nouvelle vision davenir plutt quavec la nostalgie des anciens paradigmes. Nous proposons tous les acteurs une sorte de big bang dans les ides et la manire de voir, au-del des trop nombreuses ornires et illres que nous avons progressivement dveloppes. Nous savons quil faudra plusieurs annes deffort pour implanter graduellement la vision propose. Miser sur les quipes les plus volontaires, les plus prtes mettre en uvre la nouvelle approche, quelles prconisent dj, voil la stratgie que nous privilgions. Il faudra donc conserver constamment un quilibre entre la volont davancer et le souci de ne brusquer inutilement personne en dployant cette nouvelle manire de voir. Cela ncessitera une continuit et une stabilit tant dans les orientations que chez les dirigeants. Nos propositions les plus importantes touchent lorganisation des services. Nous avons voulu dpasser les clichs : le citoyen au centre du systme , largent suit le client , briser les silos pour proposer des modles concrets de rorganisation des services, plus particulirement de la 1re ligne sociale et mdicale et des dfis pour les services spcialiss pour la jeunesse ainsi que pour les tablissements hospitaliers de tous les niveaux. Ces modles sinspirent des meilleures initiatives et propositions dici mais se situent aussi dans le courant des meilleures pratiques internationales. Nous sommes profondment convaincus que ces solutions en mergence sont prfrables au statu quo. Quil sagisse des Groupes de mdecine familiale, des rseaux de services intgrs, notamment pour les personnes ges en perte dautonomie, des services homognes dans tous les CLSC, en particulier pour les jeunes, des hpitaux locaux, rgionaux et suprargionaux possdant des mandats clairs, relis entre eux par des corridors de services et des services mdicaux hirarchiss, voil autant de propositions qui se dgagent de nos consultations.

UNE GESTION PROACTIVE

Maintenant, un nouveau leitmotiv devrait rapidement simposer tout le rseau : dcider, agir, valuer, ajuster. Cest cela qui fera la diffrence entre un rseau qui tourne en rond, avec de rares projets pilotes, quon oublie finalement, et un rseau qui implante graduellement une nouvelle organisation de services.vi

Nous souhaitons vivement que lesprit, autant que le contenu de nos propositions, ax sur la reconnaissance de limportance de ressources humaines comptentes, motives et valorises par un travail sur lequel elles auront plus demprise dpassera le stade des vux pieux. Cela est valable pour tous : employs de soutien, infirmires, mdecins, travailleurs sociaux et autres professionnels. Ce que lon constate, cest que la culture du statu quo ne protge que les irritants du fonctionnement actuel. Nous croyons que la gestion est une fonction essentielle qui a t trop longtemps dvalorise dans le fonctionnement des services sociaux et de sant. Il faut rinjecter de fortes doses de management dans le systme. Aucune organisation ne peut survivre et se dvelopper sans chefs comptents, motivs par latteinte de rsultats et disposant de marges de manuvre suffisantes.

LE FINANCEMENT

Le financement de notre systme est un enjeu fondamental cause de la vulnrabilit de son assise fiscale, dans un monde de concurrence froce o le Qubec ne dicte pas les rgles. Nous faisons nanmoins le pari de maintenir une forte prpondrance fiscale au financement public de nos services. Cela exigera une grande discipline de tous les acteurs et une ouverture dautres formes de mutualisation du risque pour viter des oprations de dlestage quil faut considrer comme prvisibles en cas de difficults conomiques ou dimprvoyance sociale. Le choix des services assurs, lallocation des ressources aux rgions et aux tablissements, les modes de rmunration et de paiement des acteurs seront les cls de vote pour sortir de lancienne budgtisation, sans objectifs mesurables, et passer une gestion performante rpondant aux besoins bien rels. Si nos modes de distribution des ressources ne sont pas cohrents avec les objectifs poursuivis, nous pourrions ainsi injecter des milliards de dollars additionnels et ne jamais atteindre ces objectifs. La Commission met de lavant une stratgie englobante et audacieuse pour soutenir le financement des besoins prioritaires et ladaptation du rseau des standards de qualit et de performance levs. Nous savons que les efforts financiers exigs tant des citoyens que des gouvernements pour appuyer la triple transition dmographique, pidmiologique et technologique, au cours des prochaines annes, seront importants. Nous croyons, cet effet, que levii

Introduction

gouvernement du Canada doit reconsidrer sa participation dans le financement de cette transition et souvrir une modernisation de linterprtation des cinq principes de la Loi canadienne sur la sant.

LA GOUVERNE

Sur le plan de la gouverne du rseau, nous proposons une rvolution tranquille , dabord, en clarifiant les rles puis, en prcisant la cascade dimputabilit dun systme trois niveaux de responsabilit. Nous recommandons de bien distinguer les fonctions essentiellement politiques comme fixer les orientations, dterminer les objectifs et valuer les rsultats, de celles de la gestion des oprations. Notre vision repose sur la conviction quil est essentiel que la gouverne soit la fois visionnaire et organise tous les niveaux. Lapproche populationnelle, la revalorisation de la gestion et le rapprochement des lieux de dcision des populations touches sont autant de principes qui sous-tendent nos recommandations en matire de gouverne. La Commission propose enfin tous les dirigeants politiques, sociaux et conomiques du Qubec de sinterroger sur les meilleurs moyens mettre en uvre pour relever, dici 10 ans, les dfis poss par les dlicates et fondamentales dcisions politiques prendre et par ladministration gnrale de la plus grande organisation du Qubec. Nous leur proposons donc de rflchir la meilleure structure oprationnelle permettant de bien grer les quelque 200 milliards de dollars que les Qubcois consacreront la sant et aux services sociaux au cours des 10 prochaines annes. Cela reprsente un investissement quivalant 14 fois la Baie James. Il vaut srement la peine de sy arrter.

CHOISIR UN PROJET

En somme, nous avons collectivement le choix. Comme dirigeant, citoyen ou dispensateur de services, nous pouvons conserver les mmes manires de voir et de penser, puis vivre dans la nostalgie dun statu quo dpass o la ralit ne sera quune suite de crises prvisibles. Nous pouvons aussi choisir de concevoir autrement lorganisation et le financement de notre systme. Nous donner collectivement une nouvelle vision, prendre les moyens de la faire grandir et nous rapproprier lvolution de notre systme. Ce projet sera exigeant pour les dirigeants politiques, les gestionnaires, les professionnels, les employs syndiqus ainsi que pour tous les citoyens.viii

Mais nous aurions alors en main un projet davenir pour notre systme. Un projet pour redonner fiert et satisfaction autant ceux pour qui existent les services qu ceux qui les dispensent. Un projet pour redonner tout son sens la solidarit sociale et au travail bien fait.

ix

PA R T I E

IET

A N A LY S E

R E C O M M A N D AT I O N S

PA R T I E

I

1

UNE VISION POUR LA PROCHAINE DCENNIE

1

PARTIE I

1 Une vision pour la prochaine dcennie

Aux yeux de la Commission, les proccupations du Qubec lgard de son systme de sant trouvent cho dans le cadre de rflexion mis de lavant par lOrganisation mondiale de la sant (OMS) dans son Rapport sur la sant dans le monde 2000 : pour un systme de sant plus performant 2. La Commission sest inspire de ce cadre danalyse pour proposer une vision pour la prochaine dcennie. Les experts rencontrs ont soulign, quappliqu un systme moderne comme celui que nous voulons pour le Qubec, le cadre de lOMS propose une perspective vraiment pertinente pour une dmarche comme la ntre. LInstitut national de sant publique du Qubec nous la dailleurs propose. Le cadre de lOMS repose sur plusieurs lments. Tout dabord, un systme de sant y est dfini comme lensemble des activits dont le but essentiel est de promouvoir, restaurer et maintenir la sant . Cette dfinition englobe les services aux individus, les activits collectives de prvention et les politiques sociales visant amliorer la sant et le bien-tre. Cest l une conception largement partage par les groupes entendus lors des consultations rgionales et des audiences nationales. Comme le souhaite la majorit des groupes et des experts rencontrs, le cadre de lOMS reconnat galement la responsabilit centrale de ltat lgard de la sant et du bientre de la population. Dans ce modle, cest le gouvernement qui est responsable de la performance densemble du systme; il doit en assumer le pilotage, notamment en ce qui concerne la conduite des actions intersectorielles, et en assurer sa viabilit. Il lui appartient den dfinir les grands paramtres et den fixer le niveau de financement, en fonction des choix politiques et sociaux quil fait ainsi que des valeurs et des attentes de la population. Le cadre de lOMS rejoint aussi plusieurs des commentaires entendus par la Commission quant aux objectifs du systme. Selon la perspective de lOMS, tout systme de sant doit en effet viser trois grands objectifs, soit : La sant : amliorer globalement la sant et le bien-tre des individus et de la population, ainsi que rduire les carts de sant et de bien-tre entre les groupes qui composent la socit;

2

Organisation mondiale de la sant, Rapport sur la sant dans le monde 2000 : pour un systme de sant plus performant, Genve, 2000.

2

La ractivit : rpondre aux attentes lgitimes des individus et des groupes, sans discrimination. Cela sexprime par le respect des personnes et de leur droit la dignit, la confidentialit et linformation ainsi que par lattention porte aux personnes, soit notamment la rapidit de la prise en charge, les dlais dattente raisonnables, la qualit de lenvironnement et la possibilit de choisir son prestataire de services; Lquit du financement : assurer une protection financire contre les cots de la mauvaise sant et rpartir quitablement le fardeau du financement et le partage des risques. Vi s e r l a p e r f o r m a n c e Lapproche de lOMS offre lintrt de lier le dbat sur le niveau de financement latteinte des objectifs globaux de sant et de bien-tre, de ractivit et dquit dans la rpartition du financement. Dans ce modle danalyse, la performance du systme se mesure dans le rapport entre latteinte de ces grands objectifs et les ressources investies : pour un niveau de ressources donn, le systme de sant est dautant plus performant que le degr datteinte des objectifs est lev. La principale proccupation des dirigeants et gestionnaires du systme est den amliorer la performance, cest--dire dobtenir les meilleurs rsultats compte tenu des ressources disponibles. Selon lOMS, la performance dun systme de sant dpend de la faon dont il sacquitte de quatre fonctions fondamentales : la prestation des services, la gestion des ressources, le financement, ladministration gnrale. En ce qui concerne la prestation des services, le choix et lorganisation des services sont dterminants. Les ressources tant limites, il faut les affecter aux interventions correspondant aux priorits tablies et reconnues efficaces et rentables. Quant lorganisation des services, lOMS favorise lintgration souple des prestataires de soins par des ententes contractuelles, plutt que par des structures hirarchiques, bureaucratiques et centralises ou des marchs non rglements. Lapproche de contrats long terme offre plus de souplesse et de meilleures possibilits dinnovation tout en per-

3

PARTIE I

1 Une vision pour la prochaine dcennie

mettant un contrle gnral des objectifs stratgiques et la protection financire des individus. Lchange dinformation scurise par les techniques modernes de communication favorise lintgration et elle prserve le respect de la confidentialit de mme que lautonomie des prestataires de soins. Pour lOMS, tout systme de sant se caractrise par une grande diversit de ressources quil faut grer adquatement : des ressources humaines parfois trs spcialises et longues former, des installations matrielles, des quipements, des fournitures, des mdicaments, de linformation et des connaissances. Il importe dassurer la qualit de ces ressources et de bien rpartir le financement entre les dpenses de fonctionnement et les investissements. Une bonne performance exige de bien planifier et dquilibrer le dosage de ces divers types de ressources selon lvolution des besoins, des attentes de la population et de la technologie disponible. On pense ici, par exemple, la rpartition gographique des mdecins, lquilibre entre le nombre de mdecins de famille et de spcialistes et la rpartition des champs de pratique entre les diverses professions de la sant et des services sociaux. Sur le plan du financement, lOMS juge essentiel de prvoir un niveau de prpaiement lev pour les services prioritaires assurs, soit par un financement public provenant des impts et des taxes, soit par une assurance obligatoire avec cotisation et prime. Cest la meilleure faon de garantir lquit et la protection contre les risques financiers lis la maladie. LOMS recommande dviter la fragmentation du financement et dintroduire des mcanismes de paiement pour les institutions et les professionnels qui incitent amliorer la qualit des services et la ractivit du systme. Elle suggre dexplorer des stratgies dachat cohrentes avec les objectifs du systme. De telles stratgies permettraient de chercher les meilleures interventions disponibles et de crer une forme de concurrence entre les prestataires au sein dun systme financ et contrl par ltat. Enfin, selon lOMS, le niveau de financement nest pas un objectif du systme de sant car fixer le niveau et les sources de financement est un choix social et politique. Une bonne administration gnrale est indispensable pour amliorer la performance dun systme de sant. Pour lOMS, cette administration gnrale relve de ltat. Le gouvernement donne une vision globale et dfinit le rle des principaux acteurs au sein du systme. Il sinspire dun scnario raliste qui tient compte des ressources et qui cherche atteindre les objectifs prvus. Il dispose dun systme dinformation comprenant des indicateurs de performance sur les fonctions cls et sur la ralisation des

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objectifs. Il a la capacit de reprer les problmes globaux du systme tout moment et dvaluer les diffrentes solutions. Il exerce son influence par des stratgies de rglementation et de sensibilisation conformes aux objectifs du systme et les applique de faon rentable. Dans lintrt de lensemble de la population, il dfinit le rle du systme et mobilise les secteurs priv et sans but lucratif vers la ralisation des objectifs. Enfin, comme le souligne Mme Gro Harlem Brundtland, directeur gnral de lOMS, dans son message dintroduction, ladministration gnrale consiste en dernier ressort superviser la totalit du systme, en vitant de faire preuve de myopie, dtroitesse de vue, voire de ccit, devant les dfaillances dun systme .FAIRE DES CHOIX : UNE NCESSIT

On dispose aujourdhui de technologies de diagnostic et de traitement de plus en plus sophistiques, que ce soit en fait dquipements ou de mdicaments. Ces technologies permettent gnralement dobtenir de meilleurs diagnostics, doffrir des traitements plus adquats, de prolonger la vie, den amliorer la qualit et, dans certains cas, de raliser des conomies. Ds que ces technologies deviennent disponibles, les professionnels et la population veulent y avoir accs. Or, ces dveloppements technologiques nont pas tous la mme efficacit. Certains cotent trs cher non seulement lachat mais aussi pour leur fonctionnement.

Une valuation rcente du Conseil dvaluation des technologies de la sant du Qubec (CETS)3 illustre de faon frappante les pressions exerces par les nouvelles technologies coteuses. Les dispositifs dassistance ventriculaires implantables (DAVI) sont des pompes miniatures implantes chez certains patients souffrant dinsuffisance cardiaque pour augmenter leur chance de survie dans lattente dune transplantation cardiaque. Selon le CETS, le cot dune transplantation cardiaque est denviron 200 000 $ si lon tient compte du cot de lappareil et de son installation et du fait que 30 % des patients ayant reu un DAVI ne survivent pas jusqu la transplantation. Chaque anne, environ 1 500 patients qubcois pourraient bnficier de cette nouvelle technologie : si limplantation des DAVI se gnralisait, il faudrait y consacrer un demi-milliard de dollars par an.

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Conseil dvaluation des technologies de la sant du Qubec (2000), Les dispositifs dassistance ventriculaires implantables : devraient-ils tre employs au Qubec ? Cas tir du mmoire prsent par lInstitut national de sant publique du Qubec. Le Conseil est devenu rcemment lAgence dvaluation des technologies et des modes dintervention en sant (AETMIS).

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Au moment de ltude du CETS, au moins trois implantations de DAVI avaient t ralises sans quune dcision formelle dinclure ou non cette intervention parmi les prestations assures ait t prise. Les technologies sont disponibles, les indications mdicales sont claires et il nexiste aucune directive spcifiant si le service est assur ou non. Chose certaine cependant, la gnralisation du DAVI aurait un impact majeur sur les dpenses de sant et les ressources qui y seraient consacres ne seraient pas disponibles pour des interventions peut-tre plus efficaces, touchant un plus grand nombre de personnes. Par exemple, selon le mmoire de lInstitut national de sant publique du Qubec, le CETS estime quavec la technique du DAVI, il en cote, selon les applications, de 50 000 $ 186 000 $ pour ajouter une anne de vie. Par comparaison, le rapport cot-efficacit du dpistage du cancer du sein a t valu environ 5 000 $ par anne de vie ajoute. Dans un contexte de ressources financires limites, ce genre de situation pose de douloureux choix thiques.

Pour lOMS, il devient donc important de reconnatre que tout systme doit rationner : mme dans les pays riches, aucun systme de sant ne permet de rpondre tous les besoins; il faut donc soigneusement choisir les services assurer en priorit, sans quoi ce qui sera fait risque dtre diffrent de ce que lon doit raisonnablement considrer comme le plus important . 4 En dautres termes, tablir des priorits devient invitable : si des services doivent tre dispenss tous, tous les services ne peuvent tre dispenss. Ltat a donc la responsabilit de mettre en place les mcanismes dcisionnels permettant de faire de tels choix. Dans cet esprit, un nouvel universalisme est promouvoir selon lOMS : on doit dispenser tous ceux qui en ont besoin des soins essentiels de haute qualit, en fonction de critres defficacit, de cot et dacceptabilit sociale. On doit fixer un ordre de priorit des interventions en respectant le principe thique selon lequel il peut tre ncessaire et efficace de rationner les services, mais quil est inadmissible dexclure des groupes entiers de la population. Lapproche propose ne se rduit aucunement une dsassurance technique de services ne visant qu rduire les cots. Ce qui est propos ici, cest de dfinir, partir de priorits sociales , des services offrir en fonction dun objectif, celui doptimiser

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Organisation mondiale de la sant, Rapport sur la sant dans le monde 2000 : pour un systme de sant plus performant, Genve, 2000, p.58.

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leffet sur la sant de la population, en tenant compte des indications cliniques et des ressources disponibles mais aussi des objectifs dquit, des dimensions thiques et des autres priorits que se donne la socit. Sachant que la demande de la population porte gnralement sur des interventions cliniques et non sur des activits de prvention, lune des principales tches des responsables du choix des services prioritaires consiste tablir un quilibre entre les activits de sant publique axes sur toute une population et les activits cliniques destines des individus.

1.1 LES FINALITS DU SYSTME : PRVENIR,GURIR, SOIGNER

Les Qubcois considrent gnralement la sant comme une richesse individuelle et collective. Attachs cette valeur, ils voient gnralement les dpenses de sant comme un investissement qui contribue tant au bien-tre personnel quau dveloppement collectif et la prosprit de la socit. Ils sont aussi solidaires pour assurer de faon quitable leffort ncessaire pour soutenir cet investissement. Cette conviction, maintes fois entendue lors des consultations rgionales et des audiences nationales, montre bien la responsabilit partage de ltat et des individus lgard de la sant et du bien-tre. Elle rsume aussi avec justesse la double raison dtre du systme de sant et de services sociaux : dune part, permettre chaque personne et la collectivit de se dvelopper et de jouir le plus longtemps possible de sa sant et, dautre part, assumer collectivement les risques de maladie, daccident ou de problme psychosocial encourus par chaque citoyen tout au long de sa vie.1.1.1 UN INVESTISSEMENT DANS LA SANT

Le lien entre la sant et les conditions de vie nest plus dmontrer. Nous savons aujourdhui quil est possible, voire ncessaire, dagir collectivement sur les grands dterminants de la sant, notamment sur les habitudes de vie, lducation, lemploi, le revenu et lenvironnement. Cest ltat quil revient damorcer les activits de

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prvention, de protection et de promotion de la sant et de mettre en place les conditions susceptibles de dvelopper la capacit des individus et des collectivits se prendre en charge. Dans ce domaine, les interventions collectives de prvention de mme que les pratiques prventives intgres la pratique clinique se rvlent souvent efficaces et rentables. Ainsi, les interventions contre les risques infectieux, environnementaux et occupationnels ainsi que celles visant modifier des habitudes de vie ou des conditions de vie nuisibles la sant peuvent contribuer directement amliorer ltat de sant des individus et de la collectivit et rduire les ingalits de sant que lon constate encore parmi la population qubcoise. Convaincue de la ncessit de soutenir le dveloppement du potentiel-sant de la population, la Commission considre quil faut prvoir des modes dorganisation et de financement appropris en vue de favoriser lintgration des activits de prvention et de promotion de la sant comme une priorit dans lensemble des services offerts par ltat.1.1.2 UNE PROTECTION CONTRE LA MALADIE

Tout en reconnaissant la ncessit dlargir la place de la prvention, la plupart des Qubcois veulent dabord tre assurs de recevoir, pour eux-mmes et pour leurs proches, les meilleurs soins et services possibles en cas de maladies, daccidents ou de problmes psychosociaux. Pour des raisons historiques, notre systme a jusquici privilgi les services mdicalement requis et dispenss lhpital . Avec larrive de nouvelles technologies et de nouvelles approches cliniques qui ont entran le dveloppement des services ambulatoires et lintgration sociale, plusieurs responsabilits auparavant assumes par lhpital ou le centre daccueil sont aujourdhui transfres vers dautres tablissements, vers la famille, vers la communaut et ses organismes. Ces transformations sont encore rcentes et il existe encore insuffisamment de mcanismes ou de ressources pour soutenir les personnes et les groupes qui assument ces responsabilits. Cest donc parfois lorganisation mme du systme de sant et de services sociaux qui devient source diniquit puisque des services qui taient assurs quand lhpital ou le centre daccueil les dispensait ne le sont plus quand cest la communaut ou la famille qui le fait.

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Force est aussi de constater que la notion du mdicalement requis qui sert toujours de base au financement du rgime de sant canadien, offre peu de rponse aux besoins des personnes et des groupes confronts des problmes sociaux comme la violence familiale, la toxicomanie, litinrance et lisolement social. On sait pourtant que ces problmes ont des consquences souvent dramatiques sur la sant physique et mentale de ceux qui y sont confronts. Comment faire en sorte, ds lors, que les services qui seraient par ailleurs socialement requis et prioritaires, reoivent lattention et les ressources quils mritent dans un modle fond sur le mdicalement requis ? cette question sajoute celle, de plus en plus proccupante, des services de diagnostic ou de traitement technologiquement requis . lvidence, les perces technologiques des dernires annes contribuent sauver ou allonger la vie et en amliorer la qualit. Chaque anne, les progrs technologiques, dont les nouveaux mdicaments, offrent en outre de nouvelles possibilits de diagnostic ou dintervention qui suscitent lespoir chez plusieurs. Largement mdiatises, ces nouveauts en viennent tre perues comme des services de sant courants: les reprsentations et les pressions faites pour les inclure dans le panier de services assurs sont normes. Un nombre croissant de citoyens, bien au fait de leur tat de sant, tient aussi aujourdhui prendre eux-mmes les dcisions qui concernent leur sant et leur bien-tre. Ils veulent avoir accs une information pertinente et de qualit leur permettant de faire des choix clairs et de recevoir des services correspondant leurs valeurs et leurs attentes. Dans les socits de consommation, comme la ntre, on constate galement que les services de sant sont frquemment perus comme des commodits , cest--dire comme des biens de consommation parmi dautres. Si un service est jug utile et quil est disponible, plusieurs tiennent pouvoir y avoir accs, sans dlai, quitte en assumer les cots directement. En somme, de plus en plus de citoyens veulent dcider eux-mmes des enjeux qui touchent leur sant. Ils veulent le meilleur service, au bon moment et au meilleur cot.1.1.3 PRVENIR, GURIR, SOIGNER

De lavis de la Commission, ladaptation du systme de soins de sant et de services sociaux implique de cibler, pour lensemble de la population, des objectifs pertinents

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tablis en fonction de ltat de sant de celle-ci. Selon cette approche, illustre la figure 1, la population qubcoise se partage, comme toute autre, en trois grands groupes5 : les personnes percevant leur sant comme trs bonne ou excellente, les personnes percevant leur sant comme bonne et celles qui la peroivent comme moyenne ou mauvaise.

FIGURE 1 Lobjectif prioritaire des interventions selon ltat de sant peru par la population

Source : Rapport annuel 1999 sur la sant de la population montralaise. Prvenir, gurir, soigner : les dfis dune socit vieillissante, Direction de la sant publique, Rgie rgionale de la sant et des services sociaux de MontralCentre, Montral, 1999.

Dans le premier groupe, auquel appartient plus de la moiti de la population, lobjectif prioritaire est de prvenir , cest--dire de prserver et, si possible, daccrotre le potentiel-sant des personnes qui en font partie. ce jour, on constate quil nexiste pas suffisamment dinterventions prventives systmatiques destines ce groupe et que les efforts du Qubec lgard des dterminants de la sant sont moins intenses que dans dautres socits dveloppes. Le deuxime groupe, qui reprsente un peu plus du tiers de la population, comprend les personnes qui prsentent des problmes aigus rversibles, des problmes chroniques, des facteurs de risque ou dautres problmes de sant pour lesquels il existe des traitements efficaces. lgard de ce groupe, lobjectif prioritaire est de gurir , cest--dire de mettre en uvre les moyens curatifs appropris afin de matriser les facteurs de risque et, le cas chant, dintervenir prcocement dans lvolution de la maladie afin den retarder

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Rapport annuel 1999 sur la sant de la population montralaise. Prvenir, gurir, soigner : les dfis dune socit vieillissante, Direction de la sant publique, Rgie rgionale de la sant et des services sociaux de Montral-Centre, Montral, 1999.

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la progression et de rduire le risque de complications. Les changements de comportement et un recours optimal des traitements curatifs reprsentent ici les principales stratgies. Des approches de radaptation psychosociale ou physique offrent galement un grand intrt dans la mesure o elles permettent souvent une rcupration importante sinon complte de lautonomie des personnes. Dans le troisime groupe, qui reprsente 11 % de la population, soigner est lobjectif prioritaire. Les personnes qui font partie de ce groupe prsentent une sant dtriore qui saccompagne dun dficit ou dune incapacit gnralement irrversible. Dans de telles situations, les approches thrapeutiques visent non pas la disparition du problme mais plutt lamlioration de la capacit composer avec le problme, vivre une vie satisfaisante malgr celui-ci. Les services requis font appel des interventions gnralement faible intensit technologique : ici, la qualit de la relation entre le soignant et la personne soigne revt une importance primordiale. Bien que cette faon de schmatiser ne doive pas faire oublier que des interventions visant prvenir, gurir et soigner sont ralises auprs de chaque groupe, le modle offre lavantage de clarifier les objectifs prioritaires privilgier selon ltat de sant de la population. Il montre galement quun certain quilibre est rechercher entre prvenir, gurir et soigner. Au Qubec et ailleurs dans le monde, lexprience montre quun tel quilibre est difficile atteindre. Ainsi, on assiste souvent une rduction des activits de prvention lorsque saccrot la pression pour intensifier les activits visant gurir et soigner. Et quel est le juste quilibre des interventions visant gurir ? Sous-utiliser des technologies utiles auprs de certaines personnes qui en ont besoin ou surutiliser des interventions curatives auprs de personnes souffrant de conditions irrversibles ou incurables. Ces deux dcisions constituent des enjeux de taille pour les cliniciens comme pour les gestionnaires. Comment, enfin, rpondre adquatement lobjectif de soigner ? Lapproche institutionnelle privilgie au Qubec depuis des dcennies jusqu tout rcemment a dautant retard la mise en place de ressources communautaires plus prs du milieu de vie des personnes en perte dautonomie. Il reste donc beaucoup faire dans le domaine des soins et des services domicile afin de favoriser les meilleures pratiques de prise en charge des personnes dont la sant sest gravement dtriore ou qui sont en fin de vie.

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1.2 FACE AUX DFIS : GRER LES TRANSITIONSLe secteur de la sant et des services sociaux sera confront des dfis majeurs au cours des prochaines dcennies. De lavis de la Commission, ladoption dune approche de gestion prventive est la seule qui permette de faire face aux transitions sociodmographique, pidmiologique et technologique qui samorcent.1.2.1 LA TRANSITION SOCIODMOGRAPHIQUE

La modification rapide de la composition de la population constitue le premier dfi du systme de sant et de services sociaux. De 1996 2021, on prvoit que le nombre des 0-14 ans diminuera de 20 %, celui des 15-64 ans ne bougera pas, tandis que les 65 ans et plus crotront de 92 %. Ne serait-ce de ce phnomne, la population du Qubec aurait dj commenc diminuer. Un examen plus dtaill nous rvle que la population des 65-74 ans augmentera dun peu plus de 80 %, celle des 75-84 ans, denviron 90 % et celle des 85 ans et plus, dau-del de 150 %6 (graphique 1). Cette volution dmographique aura, selon toute vraisemblance, un impact substantiel tant sur les valeurs de la socit que sur lorganisation et la prestation des services. Cela est particulirement vrai dans le domaine des services hospitaliers. Lanalyse des profils de consommation actuels des 65-74 ans et des 75-84 ans dmontre une surreprsentation de ces groupes pour les taux de journes dhospitalisation en soins physiques de courte dure.7 Sur les plans social et conomique, tout indique que les ingalits sociales et la pauvret, qui touchent directement les femmes chefs de famille monoparentale et leurs enfants, persisteront et continueront dinfluer fortement sur la demande de services. Les ralits changeantes des dynamiques familiales et communautaires confronteront le rseau des situations nouvelles, pour lesquelles il faudra trouver des solutions toutes aussi nouvelles.

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Institut de la statistique du Qubec, Perspectives dmographiques des rgions administratives et des MRC 1996-2021, Qubec, 2000. Roy, D., Choinire, R., Lessard, D., volution des besoins de la population et implications pour le systme de sant. Prsentation de la Confrence des rgies rgionales de la sant et des services sociaux du Qubec Sant publique, septembre 2000.

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GRAPHIQUE 1 Taux daccroissement de la population selon lge, Qubec, 1996-2021% 160 140 120 100 80 60 40 20 0 -20 -40 0-5 ans 6-14 ans 15-17 18-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75-84 85 ans Total ans ans ans ans ans ans ans ans et plus

Source :

volution des besoins de la population et implications pour le systme de sant. Prsentation de la Confrence des rgies rgionales de la sant et des services sociaux du Qubec Sant publique, septembre 2000.

Faire face la transition sociodmographique exigera une grande souplesse de la part du systme de sant et de services sociaux et de ses partenaires, surtout lchelon des autorits locales et rgionales qui devront percevoir les besoins changeants de la population. Pour ce faire, il faudra amliorer la capacit du systme dapprhender et de capter les besoins mergents des personnes et des collectivits, tout autant que sa capacit dy rpondre.1.2.2 LA TRANSITION PIDMIOLOGIQUE

Dune situation marque par la forte prpondrance des maladies infectieuses jusquau milieu des annes 1940, le Qubec est pass une priode o les maladies vasculaires, les traumatismes et les maladies respiratoires constituent les grands flaux, avec le cancer qui prend graduellement de limportance et le sida apparu au dbut des annes 1980. Aujourdhui, les diffrentes formes de cancer, le diabte et les problmes ostoarticulaires constituent des sources importantes de morbidit et de mortalit et, par ailleurs, les problmes de violence, le suicide, les troubles dadaptation, souvent lis au stress, sont la hausse, de mme que les troubles mentaux. Tout indique que cette transition pidmiologique se poursuivra au moins jusqu 2020

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quand sajouteront les problmes de sant propres une population statistiquement vieillissante, notamment les troubles cognitifs, les maladies neuro-dgnratives et le cumul, chez des personnes ges frles, de divers problmes de sant concomitants ainsi que les problmes lis la perte dautonomie et lincapacit. On assiste dailleurs dj une forte croissance de la prvalence et du nombre de personnes atteintes dincapacit au Qubec8. Cette progression marque est surtout attribuable la hausse de lesprance de vie. Toutefois les annes de survie sans incapacit ne semblent pas augmenter au mme rythme. Sachant que lincapacit est un facteur fortement associ lutilisation des services de sant, on comprend limpact majeur que pourrait avoir cette tendance sur le systme de sant et de services sociaux. Les donnes sur les dterminants de la sant sont tout aussi inquitantes. Comme on le sait, le Qubec se situe en tte des provinces canadiennes pour le tabagisme (graphique 2). Le facteur tabac explique dailleurs lui seul une large part du fardeau accru dincapacit observable au Qubec au cours de la dernire dcennie.

GRAPHIQUE 2 Proportion de fumeurs actuels, selon la province, Canada, 1996-1997Qubec le-du-Prince-douard Nouvelle-cosse Terre-Neuve Saskatchewan Canada Alberta Nouveau-Brunswick Manitoba Ontario Col.-Britannique 0 Source : 5 10 15 20 25 30 35 %

volution des besoins de la population et implications pour le systme de sant. Prsentation de la Confrence des rgies rgionales de la sant et des services sociaux du Qubec Sant publique, septembre 2000.

Autre fait troublant : le nombre croissant de personnes qui prsentent un excs de poids.8 De 1987 1998, le nombre de personnes avec incapacit est pass de 550 000 750 000 au Qubec, soit une hausse de 40 % en une dcennie. Source : Roy, D., Choinire, R., Lessard, R. volution des besoins de la population et implications pour le systme de sant. Prsentation de la Confrence des rgies rgionales de la sant et des services sociaux du Qubec Sant publique, 1er septembre 2000.

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Avec plus de 35 % de la population ge de 45 64 ans ayant un excs de poids, il faut sattendre une hausse notable des problmes chroniques de sant associs lobsit, notamment le diabte et les problmes cardiaques. Lvolution de la population prsentant un excs de poids entre 1987 et 1998 est prsent au graphique 3.Cette tendance est dautant plus proccupante que la population qubcoise est, dans lensemble, sdentaire.

GRAPHIQUE 3 Proportion de la population prsentant un excs de poids, selon lge, Qubec, 1987, 1992-1993 et 199840 35 30 25 20 15 10 5 0 15-24 ans 25-44 ans 45-64 ans 65 ans et + 1987 1992-1993 1998

Groupes dges Source : volution des besoins de la population et implications pour le systme de sant. Prsentation de la Confrence des rgies rgionales de la sant et des services sociaux du Qubec Sant publique, septembre 2000.

Sur le plan psychosocial, les changements relatifs au style de vie et la structure familiale pourraient avoir un impact sur le soutien social dont bnficient les Qubcois. Si lon considre les tendances observes au cours des dernires annes, il est prvisible que de plus en plus de personnes vivront seules chez elles, ce qui pourrait se traduire par des besoins daide accrus de la part des intervenants du systme de sant. Bien quil soit difficilement quantifiable, le stress rsultant des difficults dadaptation aux nouveaux modes dorganisation de la vie en socit et des nouveaux modes de travail soulve dautres incertitudes. Les troubles lis au stress et la sant mentale sont devenus la premire cause dabsentisme pour maladie. Par ailleurs, les changements environnementaux, notamment le risque de dtrioration de la qualit de lair, pourraient affecter les villes dune certaine taille. Une population vieillissante sera plus vulnrable aux changements apprhends. Par ailleurs, ses besoins en matire de logement devront aussi tre considrs de mme que le rle primordial du cadre de vie, qui dtermine la capacit des ans conserver leur autonomie et un mode de vie actif et qui, dans les faits, sont essentiels pour rduire les incapacits.15

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Mme sils ne reprsentent plus une cause de mortalit aussi grande quauparavant, il faut prvoir que les agresseurs biologiques, et les maladies transmissibles dont ils sont la cause, continueront dexercer une influence prpondrante. Cest le cas, par exemple, de lhpatite C dont lincidence et le fardeau pour la socit avaient jusqu rcemment t largement sous-valus et du sida qui devient progressivement une maladie chronique grce aux nouvelles thrapies. Il est galement probable que le phnomne des souches bactriennes rsistantes aux antibiotiques se poursuive et mme saccentue. Heureusement, toutefois, de nouvelles prparations vaccinales devraient permettre dimmuniser les populations vulnrables. Relever le dfi de la transition pidmiologique exigera donc ladoption dobjectifs clairs de lutte contre les principaux problmes sociaux et de sant. Des programmes spcifiques, sappuyant sur les connaissances les plus rcentes et toute lexpertise disponible, semblent en effet le meilleur moyen de faire face aux dfis.1.2.3 LA TRANSITION TECHNOLOGIQUE

Les perces technologiques, dont la mise au point de nouveaux mdicaments, prsentent sans conteste un fort potentiel de bnfices pour la sant. Paralllement toutefois, lexplosion technologique risque de compromettre la capacit de ltat den financer les cots. Leffet conjugu de lvolution des besoins et de la croissance des possibilits diagnostiques et thrapeutiques a dailleurs dj des impacts sur la sant financire du systme de sant et de services sociaux. Les donnes disponibles confirment une hausse constante de la consommation de mdicaments, et ce, pour toutes les catgories dge de 25 100 ans. Cette utilisation plus frquente de la mdication explique une bonne part de la croissance des cots enregistre au chapitre des mdicaments, qui atteint environ 15 % par an. Dans certains cas, un nouveau mdicament saccompagne de rels bnfices pour la sant; dans dautres, ils ne sont pas significatifs. Il faudra mener de srieuses analyses cotsbnfices avant dinclure de nouveaux produits au formulaire des mdicaments assurs, ce qui entranera de grands dveloppements dans le domaine de la pharmaco-conomie dici 10 ans. Les perces technologiques touchent aussi les quipements diagnostiques, et en particulier les techniques dimagerie mdicale. Au Qubec, lAgence dvaluation des

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technologies et des modes dinterventions en sant (AETMIS), est notamment charge dtudier les nouvelles technologies et de faire des recommandations quant leur pertinence et leur efficacit. Une meilleure planification densemble amliorerait aussi grandement limpact des dcisions et des investissements relatifs au parc technologique. Par ailleurs, les technologies de linformation et des tlcommunications se dveloppent un rythme acclr et transforment en profondeur le fonctionnement des organisations. Ces technologies permettent aux professionnels dchanger, en temps rel et distance, de linformation clinique et davoir accs des connaissances nouvelles. Elles offrent la possibilit damliorer lvaluation des services en mettant en relation des donnes cliniques, financires et oprationnelles. Ce sont aussi des outils modernes daide la dcision, tant cliniques que de gestion. Ces technologies prsentent un potentiel lev damlioration de la productivit de nos organisations mais elles exigent des investissements majeurs en matire dinfrastructure et dapplication. Dans un contexte de ressources limites, le systme de sant et de services sociaux se trouve ainsi confront, dun ct, une forte demande pour de nouvelles technologies toujours plus coteuses et de lautre, des besoins croissants pour des services autres que curatifs, dont les interventions sur les dterminants de la sant, les services sociaux, lhbergement et les soins domicile. Faire face la transition technologique exigera de faire des choix. Ces choix devront non seulement viser maximiser leffet des interventions sur la sant des individus et de la collectivit mais aussi contribuer atteindre les objectifs de sant et dquit du systme.

1.3 UNE GESTION PROACTIVE

Les dfis des transitions sociodmographique, pidmiologique et technologique qui se posent actuellement au Qubec sont majeurs. Ils exigent danalyser les problmes et leurs causes, dvaluer les enjeux et les risques, de faire des choix parmi des solutions possibles, donc de prendre des dcisions, de passer laction, dvaluer les rsultats et dadapter les actions en consquence. Ce sont l des responsabilits de gestion. Notre systme de sant et de services sociaux doit se donner une vision commune de la gestion. Cette vision doit tre partage par les professionnels, les gestionnaires et ltat payeurassureur. Tous ont des choix faire, des dcisions autant politiques, cliniques que17

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de gestion doivent tre prises quotidiennement. Dans notre domaine, ces dcisions sont parfois complexes et incertaines. Les dcideurs ont besoin doutils daide la dcision, chacun leur niveau. Cest le rle des gestionnaires de fournir ce cadre et ces outils pour faire les meilleurs choix possibles. La Commission propose une approche de gestion autour des grands objectifs de prvenir, gurir, soigner. Cette approche de gestion prventive sinspire du cycle classique de gestion. Elle est illustre dans la figure 2.

FIGURE 2 Objectif damlioration continue

Source : Rapport annuel 1999 sur la sant de la population montralaise. Prvenir, gurir, soigner : les dfis dune socit vieillissante, Direction de la sant publique, Rgie rgionale de la sant et des services sociaux de MontralCentre, Montral, 1999.

Centre sur les objectifs de sant et de services sociaux, cette approche sinscrit dans une logique damlioration continue. Elle procde en squence : lanalyse des problmes et de leurs causes, lidentification des interventions disponibles, le dploiement dinterventions efficaces et le suivi systmatique de leurs rsultats. Elle sapplique chaque palier du systme : local, rgional et national aussi bien que dans le cadre des relations entre les professionnels et les personnes qui les consultent. Cette approche repose, chaque tape, sur une gestion de linformation et sur des donnes probantes. Pour la dcision clinique, ce sera lhistoire de cas et les examens ncessaires pour prciser le diagnostic, le choix de lintervention thrapeutique fonde

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sur les rsultats de recherche ou lexprience, et un suivi clinique appropri. Pour la dcision administrative, il faudra des tudes et des analyses, et dvelopper des systmes dinformation et des indicateurs. En ce qui concerne le choix des politiques publiques, les informations sur les rapports avantages-cots seront croises avec dautres choix politiques et soupeses la lumire des valeurs et des orientations quant aux grands enjeux sociaux. La gestion prventive est base sur une approche de gestion anticipative et proactive, qui favorise la prise de dcision fonde sur les meilleures connaissances dans une optique defficacit pour le plus grand nombre, au meilleur cot possible, et permettant de protger la prennit des autres investissements sociaux essentiels au dveloppement de la socit. Elle vise, en somme, dvelopper et conserver le potentiel de sant et de bien-tre des personnes et des communauts. Comme on le verra plus loin, les recommandations de la Commission sinspirent directement de cette approche de gestion prventive. Lavenir de notre systme de sant et de services sociaux repose sur les choix que nous faisons aujourdhui : pour nous, il ne fait aucun doute que ladoption de ce modle, tous les niveaux dcisionnels du rseau, peut contribuer rehausser la performance globale du systme et faire face aux grandes transitions auxquelles il sera confront.

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PA R T I E

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L O R G A N I S AT I O N DES SERVICES : PA S S E R L A C T I O N

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PARTIE I

2 Lorganisation des services : passer laction

2 . 1 N O S C O N S TAT S2.1.1 UNE RALIT COMPLEXE, DIVERSIFIE ET E N C O N S TA N T E V O L U T I O N

Lorganisation des services de sant et des services sociaux est une ralit complexe, diversifie et en constante volution. Cette ralit prsente les mmes dfis dans tous les pays industrialiss, comme lont dmontr les forums dexperts organiss par la Commission. Les services de sant Le dveloppement de nouvelles technologies et de nouveaux mdicaments, lacquisition de nouvelles connaissances et la spcialisation des professions permettent de gurir plus rapidement les personnes atteintes de maladies aigus et de mieux soigner les personnes atteintes de maladies chroniques. prsent, pour certaines interventions chirurgicales, on sjourne moins longtemps lhpital. Par ailleurs, plusieurs maladies chroniques sont en croissance, comme les cancers, linsuffisance cardiaque, linsuffisance pulmonaire, la maladie dAlzheimer, la perte dautonomie chez les personnes ges et certains troubles mentaux svres et persistants. Elles requirent une intensit et une diversit plus grandes de services mdicaux et sociaux et ncessitent un suivi constant et lexpertise complmentaire de nombreux professionnels, de plusieurs tablissements et dorganismes communautaires. Cette faon doffrir des services exige plus de participation du patient lui-mme, de sa famille et de sa communaut. Si lon vit plus longtemps quavant en meilleure sant, on vit aussi plus longtemps avec des incapacits. On demeure aussi le plus longtemps possible dans la communaut. Cest ce que la population souhaite, condition que les services requis et les ressources ncessaires soient disponibles. Enfin, les liens entre la sant des individus et leurs comportements, leurs conditions socioconomiques et certains facteurs environnementaux sont de plus en plus documents. De l limportance de mesures individuelles et collectives mieux cibles et mieux intgres de promotion, de protection de la sant et de prvention des maladies et des traumatismes.

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Les services sociaux Les problmes sociaux, auxquels la population accorde de plus en plus dimportance, croissent en nombre et en acuit : dtresse psychologique et suicide chez les jeunes, problmes de sant mentale, de toxicomanie et dalcoolisme, isolement des ans, violence familiale, itinrance. Soulignons aussi la pauvret et ses rpercussions dramatiques sur la sant. Quil nous suffise de rappeler les faits suivants que nous ont prsents les directeurs de sant publique: Le lien entre pauvret, sous-scolarisation et mauvaise sant est reconnu. La population des quartiers dfavoriss vit en moyenne 10 ans de moins que celle des quartiers favoriss dans la rgion de Montral-Centre. Pour le Qubec, cette diffrence est de 6 ans. Les femmes chefs de famille monoparentale et leurs enfants se sont appauvris9. Le nouveau visage de la pauvret, cest souvent le chmage, lemploi prcaire, la monoparentalit. Les adolescentes enceintes sont de plus en plus jeunes et proviennent souvent de milieux dfavoriss. Il faut toutefois noter que le revenu des personnes seules et des personnes ges sest amlior de faon sensible.2.1.2 DES PROBLMES MAJEURS DACCESSIBILIT, D E C O N T I N U I T E T D E C O O R D I N AT I O N Un accs et une continuit dficients pour le citoyen

Le citoyen trouve difficilement un mdecin de famille qui accepte de le prendre en charge. Il ne sait pas exactement quels services de sant et services sociaux offre le CLSC. Quand il a un problme de sant, il tente de prendre rendez-vous avec un mdecin. Il se prsente, soit une clinique sans rendez-vous, chez un omnipraticien ou un spcialiste, soit lhpital, o il sait que lurgence est ouverte 24 heures par jour, 7 jours par semaine et quil y a toujours des mdecins. Il attendra souvent plusieurs heures avant den voir un. Il aura fort possiblement des problmes daccs aux examens diagnostiques de

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Morin, C et Mayer, F. (2000), Le faible revenu aprs impt au Qubec : tat de situation et tendances rcentes.

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laboratoire et surtout dimagerie mdicale. Sil doit tre hospitalis de faon lective, son nom figurera sur lune des nombreuses listes dattente. Sil doit tre hospitalis depuis lurgence, il pourra attendre 48 heures ou plus sur une civire parce que de nombreux lits sont occups par des patients qui attendent une place dhbergement ailleurs. Enfin, sil est bout de patience, il appellera un journaliste. Si le citoyen se prsente au CLSC pour un problme mdical, la rponse dpendra du territoire o il habite. Dans certains CLSC, des mdecins offrent des services mdicaux courants de 1re ligne, ailleurs les mdecins ne participent qu des programmes spcifiques. Quant aux services domicile, le citoyen a limpression que les priorits de clientle varient selon le CLSC et selon les crises dans le rseau, et quant aux services sociaux courants, ils sont offerts de faon ingale dans les CLSC. Enfin, le citoyen a eu limpression, au cours des annes, que les CLSC ont t aux prises avec des divergences idologiques internes et des conflits de priorits qui, ajouts aux problmes de financement, ont ralenti leur dveloppement. Pour le citoyen, la question se pose encore : pourquoi ny a-t-il pas une base commune de services efficaces et efficients dans les CLSC qui respecte aussi les particularits locales ? En fait de continuit des services, le citoyen a limpression quon se relance la balle, et que la balle, cest lui. Autant il est gnralement trs satisfait des soins et services individuels reus, autant il dplore de faire les frais de la fragmentation et de la confusion du systme de sant. Il ne comprend pas quil doive faire lui-mme le lien entre les divers professionnels qui soccupent de son cas. Il accepte mal quon lui donne des rendez-vous tals sur quatre jours pour quatre examens diagnostiques lors dun mme pisode de soins. Il est fatigu de devoir raconter la mme histoire diffrents professionnels et aussi dapporter chaque fois ses mdicaments parce que linformation ne circule pas entre eux. Il est angoiss parce quil craint que cette fragmentation nuise sa gurison ou sa radaptation.Un accs et une continuit dficients pour les professionnels de la sant

Les professionnels de la sant dplorent, eux aussi, cette situation et les problmes daccessibilit aux quipements diagnostiques et de traitement. Lomnipraticien a souvent de la difficult avoir accs aux plateaux techniques spcialiss, surtout en imagerie mdicale, et aux consultations de spcialistes. Il passe plusieurs heures tenter

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de fixer des rendez-vous pour ses patients.

Le retour de linformation relative aux

examens et la consultation est trs lent. La salle durgence de lhpital devient alors la voie la plus efficace et la plus simple davoir accs aux consultations et aux examens spcialiss, ce qui contribue engorger les urgences. Quant aux spcialistes, leur accs au bloc opratoire et aux quipements surspcialiss est limit, surtout pour les cas lectifs, ce qui se traduit par des longues listes dattente pour leurs patients. Quand ils sont bout de patience, ils convoquent une confrence de presse. Face la continuit des soins, les mdecins, les infirmires et les autres professionnels de la sant dplorent eux aussi la fragmentation. Ils se sentent souvent prisonniers des silos quils ont contribu btir avec leurs syndicats, leurs associations professionnelles et les gestionnaires. Ils ont limpression de ne plus avoir de pouvoir , de capacit dagir titre de cliniciens. Enfin, de plus en plus de mdecins ainsi que leurs fdrations professionnelles reconnaissent que le paiement lacte ne favorise ni une relle prise en charge de patients avec des pathologies complexes, ni un travail interdisciplinaire efficace. cause des problmes dorganisation, de rpartition des effectifs et de mode de rmunration, certains spcialistes dispensent trop de services de 1re ligne et certains omnipraticiens, trop de servcies de 2e ligne.Une organisation de services des annes 1970

Notre organisation de services, en termes de modalits dorganisation du travail, dallocation budgtaire et dadministration, reflte la ralit des annes 70. Encore aujourdhui, on valorise trop la pratique professionnelle individuelle, lautonomie juridique et budgtaire de chaque tablissement, le fonctionnement en silos qui fait en sorte que chaque service, dpartement ou tablissement peut fonctionner indpendamment des autres. Chacun est incit protger son champ de pratique, sa juridiction, son budget. De plus, lhpital est, dans les faits, le lieu ultime de la rsolution des problmes mdicaux et sociaux, en raison de son accessibilit 24 heures par jour, 7 jours par semaine et de sa disponibilit en mdecins. Cest la perception, non seulement du rseau mais de la population en gnral. Il sensuit, selon plusieurs tudes, une trop forte utilisation de journes dhospitalisation non pertinentes du point de vue clinique et financier. Cette situation pouvait se tolrer quand on avait plus dargent et que la grande majorit des interventions, moins complexes, pouvaient tre menes au sein dune mme institution. Ce nest plus le cas aujourdhui. Aucun tablissement ne fait tout. Il faut donc savoir qui fait quoi et comment avoir accs aux divers services : tablissements,

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cabinets de professionnels, organismes communautaires.

De plus, les pratiques Lorganisation du

professionnelles, quelles soient mdicales ou sociales, ncessitent un travail interdisciplinaire, une communication et lchange dinformation. systme de sant doit donc sadapter.Des ajustements significatifs mais incomplets

Notre systme de services de sant et de services sociaux a fait des pas significatifs pour faire face ces nouvelles ralits, surtout en matire de structures dorganisation. On a diminu le nombre dhpitaux et fusionn certains tablissements. Le dveloppement technologique a permis de transformer certaines pratiques : rduction de la dure de sjour et du nombre de lits de courte dure en hpital, augmentation de la chirurgie dun jour et expansion, bien que limite, du soutien domicile. Certaines activits ont t dplaces des hpitaux vers les CLSC, les centres dhbergement, les cabinets de mdecins, les organismes communautaires et la famille. On observe la mme tendance dans le domaine des services sociaux : rduction de linstitutionnalisation, dplacement dactivits vers la famille, la communaut et ses organismes. Toutefois, lorganisation des services na pas pu sadapter de faon dynamique et adquate ces transformations. Elle les a plutt subies. Dautant plus quelle a d faire face des contraintes budgtaires majeures, concentres dans le temps, et une perte dexpertise par suite de la mise la retraite massive de milliers de professionnels. Il en rsulte aujourdhui une organisation en difficult qui connat des problmes croissants daccessibilit et de continuit.

UNE VISION : DABORD, UN MDECIN DE FAMILLE

Mme si le diagnostic est svre, le pronostic nous donne de lespoir. Plusieurs pistes damlioration de lorganisation des services nous ont t prsentes lors des forums dexperts et lors des consultations rgionales et nationales. Dans un systme amlior de sant et de services sociaux, quoi devrais-je mattendre, comme citoyen, client et contribuable? Je choisirais dabord mon mdecin de famille. Cest lui qui maiderait faire les choix en rapport avec ma sant et mes problmes de sant. Mon mdecin de

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famille saurait qui je suis. Il connatrait mes antcdents personnels et familiaux, mes habitudes de vie, mes problmes de sant, mes problmes sociaux et ma faon dy faire face. Il exercerait en cabinet ou en CLSC, peu importe, condition quil prenne le temps de mcouter et de me comprendre. Il ferait partie dune quipe de 8 10 mdecins de famille pratiquant une mdecine de groupe. Cette quipe comprendrait quelques infirmires qui seraient impliques dans des activits dducation et de promotion de la sant et dans la prise en charge de problmes. Elles accompliraient des tches complmentaires celles du mdecin et assureraient un rle de coordination avec les autres professionnels. Cette quipe aurait accs, par entente de services, aux professionnels du CLSC : les autres infirmires, le travailleur social, le psychologue, la dittiste, lergothrapeute, la physiothrapeute. Elle aurait aussi accs aux divers programmes du CLSC, par exemple le maintien domicile, les cours prnataux. Mon mdecin de famille, en collaboration avec linfirmire de son quipe, saurait quand et vers qui morienter pour dautres services mdicaux et sociaux selon mes besoins. Il connatrait bien le rseau de professionnels, dtablissements et dorganismes susceptibles de maider maintenir ma sant physique, psychologique et sociale. Il entretiendrait des liens privilgis avec des mdecins spcialistes, avec qui il discuterait, si mon tat de sant devient plus complexe. Il me dirigerait vers ces spcialistes, en cabinet ou lhpital, si mon tat requiert des examens diagnostiques ou des traitements plus pousss. Jaurais accs ces examens et ces traitements dans un dlai raisonnable. Mon mdecin de famille resterait en contact avec le spcialiste et continuerait me suivre mon retour la maison. Il en serait de mme pour certains programmes spcialiss, par exemple pour linsuffisance cardiaque ou pour les personnes ges en perte dautonomie. Mon mdecin de famille, ou encore linfirmire de son quipe, tablirait des liens avec les professionnels de ces programmes, sil y a lieu, afin de sassurer de la continuit de mes soins. Mon mdecin de famille collaborerait avec plusieurs autres mdecins de famille de son groupe ou dautres groupes du territoire, afin dtre assez nombreux pour assurer une disponibilit de garde 24 heures par jour, 7 jours par semaine, que ce soit en CLSC, en polyclinique ou encore lurgence de lhpital local, selon le cas. Jaurais toujours accs lurgence de lhpital, sil le faut, mais lurgence ne serait plus la principale voie daccs au rseau de soins. Avec les autres mdecins de famille du

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territoire, mon mdecin pourrait faire des hospitalisations (surtout en rgion priphrique et loigne), participer certains programmes du CLSC ou suivre des patients au centre dhbergement et de soins de longue dure. Il serait membre dun dpartement local ou rgional de mdecine gnrale qui aurait le mandat dvaluer la qualit des services que lui et ses collgues offrent. Mon mdecin de famille, de mme que les autres professionnels de la sant, aurait accs aux donnes de mon dossier mdical informatis, avec mon autorisation. Ce dossier confidentiel constituerait loutil principal pour assurer la continuit des services que je reois, quel que soit le professionnel rencontr. Ce lien lectronique serait particulirement prcieux avec le pharmacien, afin de rduire les erreurs de prescription et les risques vitables lis une mauvaise utilisation des mdicaments. Il mviterait aussi de passer des tests de laboratoire ou des examens de radiologie en double, comme cest souvent le cas, puisquil aurait accs sur-le-champ aux plus rcents rsultats. Mon mdecin, linfirmire, ou dautres professionnels de lquipe ou du CLSC, me donneraient les informations pertinentes sur ma situation particulire de sant. Ils sassureraient que je bnficie des plus rcentes mises jour en termes doutils de promotion de la sant ou de prvention de la maladie. Ils me renseigneraient sur les divers moyens diagnostiques et thrapeutiques qui soffrent moi et mindiqueraient les avantages et inconvnients de chacun pour que, ensemble, nous prenions la dcision la plus claire pour moi. Bref, selon cette vision, jaurais choisi mon mdecin de famille et il maurait choisi. On aurait conclu ensemble une entente : nous serions partenaires, avec son quipe, pour ma sant. Pas ncessairement pour la vie entire, mais pour une priode dtermine, au bout de laquelle nous referions le point. Cest cette entente de partenariat qui dterminerait une partie de la rmunration verse mon mdecin de famille et son quipe, somme qui serait aussi dfinie en fonction de mes caractristiques personnelles et de mes besoins de sant. Mon CLSC me serait aussi accessible pour des besoins de nature psychosociale. Que je sois aux prises avec une situation de stress cause dun problme grave li mon emploi ou que ma famille soit secoue parce quun de nos adolescents a des

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problmes de consommation de drogue, je serais assur de trouver, dans mon CLSC, un psychologue ou un travailleur social qui nous aide bien valuer la situation et trouver des solutions. Ces solutions seraient mises en place, soit par lquipe de base du CLSC, soit en collaboration avec des ressources plus spcialises et des organismes communautaires. Cest galement mon CLSC que je madresserais si mes parents gs avaient besoin daide pour faire face une perte dautonomie passagre ou permanente. Je saurais quune quipe de professionnels, en collaboration avec leur mdecin de famille, valuerait la situation, mappuierait dans la recherche de solutions et ferait le lien avec les diffrents intervenants tels le cabinet de mdecins, lhpital, le CHSLD, les ressources prives dhbergement. Je sais bien que les personnes les plus vulnrables ou les plus isoles nont pas toujours le rflexe de se prsenter au CLSC, mais mon CLSC mettrait sur pied des programmes spcifiques pour rejoindre et prendre en charge ces personnes, en collaboration avec les mdecins de famille, les organismes communautaires et les autres intervenants du rseau de services. En rsum, je connatrais bien les services de mon CLSC et je pourrais y recourir en tant assur quil est financ sur la base dun per capita ajust aux besoins de la population du territoire 10.

2.2 LES PRINCIPES DIRECTEURSCette vision despoir est-elle utopique? notions de base : Une relation de confiance entre un citoyen et un professionnel de la sant ou des services sociaux qui travaille au sein dune quipe; Une quipe de professionnels qui assume une responsabilit globale pour une clientle ou une population. Nous pensons au contraire quelle est

fondamentale et quelle constitue le grand dfi des annes venir. Il faut revenir deux

10 Adaptation dun article du Dr Denis Roy, publi dans Le Devoir du 10 novembre 2000, sous le titre Le point de dpart : un bon mdecin de famille .

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Nous devons donner ces professionnels des responsabilits, des conditions et des moyens pour quils puissent raliser cette vision et travailler amliorer la sant des individus et de la population. Nous sommes rsolument optimistes parce que, au-del des diffrences exprimes lors des consultations, il se dgage de rels points de convergence sur lorganisation des services. Nous en ferons nos principes directeurs pour appuyer nos recommandations.

1) Une organisation qui rponde la fois aux besoins des individus et ceux dune population toutes les tapes de la vie : La primaut du citoyen comme expert de sa propre sant, avec ses droits et ses devoirs; Limportance des caractristiques dmographiques, sociosanitaires et socioconomiques de la population.

2) Une organisation efficace et efficiente qui vise la fois la qualit des soins et des services et lexcellence des rsultats, et qui intgre : La promotion et la protection de la sant; La prvention de la maladie et des problmes sociaux; La prestation de services de sant et de services sociaux.

3) Une nouvelle dynamique de gestion centre sur les rsultats atteindre plutt que sur la protection des silos professionnels, institutionnels, budgtaires ou syndicaux : La flexibilit et la souplesse dans le partage des responsabilits professionnelles et des tches de mme que dans lorganisation du travail; Lutilisation dincitations, dententes contractuelles, plutt que de directives et de rglements.

4) La primaut du travail des cliniciens, la ncessit de leur redonner la responsabilit, le pouvoir et les moyens dagir, et aussi la possibilit de les valuer sur les rsultats :

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La valorisation de la comptence, de la crativit et de linitiative; La responsabilit clinique et financire dcentralise et confie des quipes de cliniciens.

5) Limportance des services intgrs de 1re ligne mdicale et sociale comme assise du systme de sant : Lattention porte aux besoins des individus et aux caractristiques de la population desservie; La valorisation de la prise en charge clinique et de la gestion de la continuit des services; Des liens fonctionnels avec la 2e et la 3e ligne.

6) Une organisation efficace et efficiente de services sociaux en CLSC : Des services psychosociaux de base dans chaque CLSC; Une offre de services spcifiques pour certains groupes plus vulnrables; Des liens fonctionnels avec les services de sant et les organismes communautaires.

7) Des professionnels utiliss en fonction de leur expertise spcifique et de leur capacit travailler en interdiciplinarit : Des mdecins de famille et des mdecins spcialistes intgrs fonctionnellement dans le rseau; Des infirmires et des pharmaciens reconnus comme des partenaires cliniques essentiels; Des professionnels psychosociaux et du secteur de la radaptation reconnus pour leur contribution propre.

8) Une complmentarit et des corridors de services entre les tablissements locaux et les tablissements rgionaux et nationaux : La dcentralisation des services de base et la centralisation des services surspcialiss et des technologies de pointe;

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Des contrats de services entre les tablissements, avec obligations mutuelles; La fluidit dans la circulation des patients, des professionnels et de linformation.

9) Une culture de linnovation, de la recherche et de lvaluation : Lvaluation continue de la qualit et de la continuit des services, de la satisfaction de la clientle, des rsultats sur la sant et de lutilisation des ressources; La curiosit de chercher des solutions nouvelles, de voir ce qui se fait au Qubec et ailleurs; Dcider, agir, valuer, ajuster, dcider, agir, valuer, ajuster ...

2 . 3 N O S R E C O M M A N D AT I O N S

Nous avons regroup nos recommandations sur lorganisation des services autour de huit grands thmes comprenant une ou deux recommandations globales (R) et des propositions plus concrtes (P). Lurgence de prvenir; Des services sociaux et mdicaux de 1re ligne : assise du systme de sant et de services sociaux; Une offre de services de base pour les jeunes et les familles; Des rseaux de services intgrs pour des clientles spcifiques; Une organisation cohrente des services spcialiss mdicaux et hospitaliers; Plus de responsabilits et dimputabilit aux mdecins et aux infirmires; Une rpartition plus adquate des mdecins; Des systmes dinformation clinique et de gestion efficaces et scuriss.

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2.3.1 LURGENCE DE PRVENIR

R-1 Nous recommandons :

Que la prvention constitue llment central dune politique qubcoise de la sant et du bien-tre. lappui de cette recommandation, 8 propositions. La politique de sant et du bien-tre doit tre porteuse de la vision qui orientera toutes les actions en matire de sant et de services sociaux. Vritable instrument dintgration de la vision et des valeurs de la socit qubcoise, de ses choix et des orientations quelle souhaite donner au systme de sant, cette politique doit devenir loutil de base pour le gouvernement du Qubec et pour tous les intervenants et gestionnaires du rseau de la sant et des services sociaux. Ils doivent sen faire les porteurs et la promouvoir auprs dautres acteurs provenant dautres secteurs dactivits afin que tous se lapproprient et quelle transcende les actions interministrielles. Une politique de la sant et du bien-tre renouvele devrait sarticuler autour de la prvention de la maladie et des problmes sociaux ainsi quautour de la promotion et de la protection de la sant. Nous avons vu, au chapitre prcdent, que la sant est le bien le plus prcieux de lhumain et que lobjectif premier dun systme de sant est damliorer la sant des individus et des populations. Nous savons que la sant des individus et des populations peut tre affecte par des facteurs et prdispositions gntiques, les habitudes de vie, les conditions socioconomiques et environnementales, de mme que par les systmes de soins de sant et de services sociaux. Il ne suffit donc pas de sassurer de la qualit et de laccessibilit au systme de soins, mais il faut aussi sattaquer aux causes affectant la sant. Les soins et les services sont essentiels mais, si lon veut agir sur les causes des problmes, il faut commencer par les autres dterminants. Par exemple, de nouveaux virus ou de nouvelles bactries menacent la sant des popula