colloque logement des jeunes cdh
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12 avril 2014TRANSCRIPT
L’ ACCÈS DES JEUNES AU LOGEMENT
COLLOQUEdes Jeunes cdH
Samedi 12 avril 2014LOGEMENT
ACTES DE COLLOQUE12 AVRIL 2014
JEUNES CDH ASBL
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TABLE DES MATIERES
Introduction .......................................................................................................................... 3
Le premier logement locatif ................................................................................................... 4
Présentation de l’atelier et de l’intervenante ........................................................................ 4
Le BAROMÈTRE diversité logement – Emmanuelle Devillé ................................................... 5
Discrimination dans le logement : les bases légales ........................................................................ 5
MESURE des discriminations : Méthodologie ................................................................................. 5
Résultats .......................................................................................................................................... 6
Motifs de discrimination et stratégie des locataires ....................................................................... 8
Conclusion ....................................................................................................................................... 9
Questions-Reponses ............................................................................................................. 10
Contexte et programme du cdH pour les élections de mai 2014 ........................................ 11
Le logement locatif en Belgique : Quelques chiffres ..................................................................... 11
Propositions du programme du cdH .............................................................................................. 12
Discussion ............................................................................................................................. 16
Conclusion ............................................................................................................................ 19
Les alternatives au logement traditionnel ......................................................... 20
Présentation de l’atelier et de l’intervenante ...................................................................... 20
Le logement kangourou – Françoise Brichaux ..................................................................... 21
Des personnes âgées de plus en plus nombreuses ....................................................................... 21
Quels lieux de vies pour ces personnes ? ...................................................................................... 21
Le logement kangourou ................................................................................................................. 22
Situation actuelle ........................................................................................................................... 26
Discussion ............................................................................................................................. 27
Le Logement TREMPLIN ........................................................................................................ 29
Le logement TREMPLIN : kesako ? ................................................................................................. 29
Du côté des communes ................................................................................................................. 29
Du côté des jeunes......................................................................................................................... 29
Le logement Tremplin, concrètement… ........................................................................................ 30
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Propositions ................................................................................................................................... 31
Accès à la propriété .......................................................................................... 32
Présentation de l’atelier et de l’intervenant ........................................................................ 32
ABOLITION DU LOCARIAT – José Garcia ............................................................................... 33
Plaidoyer : pour l’abolition du locariat et du bailleurisme ............................................................ 33
Changer de système : Le droit à la propriete pour tous ................................................................ 35
Contexte et programme du cdH ........................................................................................... 36
Les jeunes et l’accès à la propriété en chiffres .............................................................................. 36
Programme du cdH ........................................................................................................................ 37
Discussion ............................................................................................................................. 39
Conclusion ........................................................................................................ 42
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INTRODUCTION
Le 20 février 2014, le Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances présentait à la presse les premiers résultats du baromètre de la diversité logement. Ceux-ci mettaient en lumière l’existence d’inégalités face à l’accès au logement, notamment pour les chômeurs et les étrangers1. Ce baromètre a mis en évidence que se loger n’est pas chose facile pour une part de la population, dont font partie les jeunes en sortie d’études qui veulent s’intégrer au marché du travail2. Ce constat a touché les Jeunes cdH et les a questionnés sur le droit au logement et son accessibilité chez les jeunes : les propriétaires et agents immobiliers discriminent-ils les jeunes sur base de leur âge, de leur statut socio-économique ou de leur origine ? Existe-t-il des alternatives au logement unifamilial traditionnel ? Doit-on encourager l’accès à la propriété dès le plus jeune âge ? Si oui, comment ?
Pour répondre à toutes ces questions et afin d’approfondir cette problématique, les Jeunes cdH ont organisé, le 12 avril 2014, un colloque intitulé « Le logement et les jeunes ». Durant celui-ci, la réflexion s’est articulée autour de trois thématiques :
- l’accès au premier logement locatif, - les solutions alternatives de logement, - l’accès à la propriété.
Chacun de ces sujets a été abordé au cours d’un séminaire de deux heures, au cours duquel les participants (jeunes et moins jeunes) ont pu rencontrer et débattre avec un intervenant, spécialiste du domaine.
Les présents actes ont pour objectif de synthétiser les conclusions qui sont ressorties de chacun de ces ateliers. Dans un premier temps, nous présenterons brièvement l’ensemble des ateliers et les intervenants qui y ont pris part et nous exposerons, atelier par atelier, le fil rouge de la discussion et ses conclusions. Enfin, nous conclurons en évoquant les pistes de propositions et d’actions évoquées pour apporter des solutions à la problématique.
1AN. H. (2014, 20 février). « Appartements à louer », sauf aux chômeurs et aux étrangers. La Libre.be. En ligne : http://www.lalibre.be/actu/belgique/appartement-a-louer-sauf-aux-chomeurs-et-aux-etrangers-530645ed35708d729d7d3f19 2 Site des Jeunes cdH (2014, 24 février). Bravo/Zéro du 24 février. En ligne : http://jeunescdh.be/articles/262, consulté le 14 avril 2014.
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LE PREMIER LOGEMENT LOCATIF
PRESENTATION DE L’ATELIER ET DE L’INTERVENANTE
Lors de leur entrée sur le marché de l’emploi, nombreux sont les jeunes qui, par obligation ou par choix, quittent la maison familiale pour louer une chambre ou un appartement. Oui, mais… louer un appartement quand on a la vingtaine, facile à dire, mais à faire ? Combien de jeunes peuvent se targuer d’avoir pu louer un appartement sans aucune difficulté ?
L’étude récente du Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances – « Le baromètre de la diversité Logement »3 a mis en évidence que les pratiques de « dissuasion des indésirables » étaient courantes dans le secteur immobilier. Les discriminations liées à l’origine, mais aussi au profil socio-économique et à l’âge sont donc encore malheureusement trop présentes lors de la recherche d’un logement.
Pour présenter la question des discriminations à l’accès au logement locatif, Emmanuelle Devillé, collaboratrice scientifique au Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances, a exposé le contexte actuel de discriminations liées à l’accès à la location. Un bref aperçu statistique du contexte actuel du logement locatif et les propositions du cdH concernant cette question ont été ensuite présentés.
La deuxième heure a été consacrée à une discussion entre les participants et l’intervenante qui avait pour objectif de dégager des propositions visant à réduire les discriminations liées au logement locatif.
Emmanuelle Devillé
Licenciée en sociologie, détentrice d’un master en politique sociale et d’un DES d’études européennes, Emmanuelle Devillé est, depuis 2000, collaboratrice scientifique au Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Elle est spécialisée dans l’étude des discriminations liées à l’accès au logement et à l’enseignement.
Le centre interfédéral pour l’égalité des chances publie annuellement son « Baromètre de la diversité ». En 2014, celui-ci porte sur le logement. Emmanuelle Devillé est une des coauteurs de cette étude.
3 Centre interfédéral pour l’Egalité des Chances, Baromètre pour le logement (2014). En ligne, http://www.diversite.be/barometre-de-la-diversite-logement-0 , consulté le 9 octobre 2014
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LE BAROMÈTRE DIVERSITÉ LOGEMENT – EMMANUELLE DEVILLÉ
DISCRIMINATION DANS LE LOGEMENT : LES BASES LÉGALES
La lutte contre la discrimination est encadrée par le droit, tant européen que belge. Ce dernier a traduit des directives européennes de lutte contre le racisme et les discriminations par deux lois fédérales en 2003 et 20074. Ces lois définissent différents critères de discrimination : - Nationalité, prétendue race, couleur de peau, ascendance, origine nationale ou
ethnique ; - Handicap, l’état de santé actuel ou futur, caractéristiques physiques ou génétiques ; - Âge, orientation sexuelle, conviction religieuse ou philosophique, conviction
politique, conviction syndicale ; - État civil, naissance, fortune, origine sociale ; - Sexe et critères apparentés (grossesse, accouchement, etc.) ; - Langue.
Elles définissent également des comportements interdits : - Discrimination directe : dans une situation comparable, une personne est traitée de
manière moins favorable qu’une autre ; - Refus d’aménagements raisonnables pour une personne avec un handicap ; - Discrimination indirecte : disposition, critère ou pratique apparemment neutre
susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes ou catégories de personnes ;
- Injonction à discriminer ; - Harcèlement.
MESURE DES DISCRIMINATIONS : MÉTHODOLOGIE
Le baromètre de la diversité logement a été élaboré par le Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances en collaboration avec la Ministre Fédérale de l’Egalité des Chances, les Ministres Régionaux de l’Emploi et l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes. Il est constitué de deux volets : le logement privé et le logement public. Le colloque actuel portant sur le logement privé, seul ce volet est présenté ici.
Trois instruments de mesures structurelles ont été utilisés : celui du comportement (c’est-à-dire mesure du degré de discrimination), celui des attitudes (mesure du degré de tolérance) et celui de la participation réelle (mesure du degré de participation).
Pour mener à bien cette étude, sept enquêtes différentes ont été menées. Méthodologie et opérationnalisation de celles-ci sont décrites dans le tableau n°1 ci-dessous.
4 Loi du 10 mai 2007 adaptant le code judiciaire à la législation tendant à lutter contre les discriminations et réprimant certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. Elle remplace la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un centre pour l’égalité des chances et de lutte contre le racisme.
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Tableau 1. Méthodologie – Baromètre de la diversité Logement / Volet logement privé
Source : PowerPoint de présentation « Baromètre de la diversité logement » — Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances
RÉSULTATS
Seuls les résultats les plus prégnants ont été présentés5.
SCREENING DES ANNONCES
Le tableau n°2 détaille les formules « discriminatoires » les plus fréquentes qui se retrouvent dans les petites annonces. Tant pour le critère du niveau socio-économique que pour celui de l’âge, on observe différents types de formules : de la discrimination directe, telle que « pas de chômeurs » à l’indirecte, comme par exemple « conviendra à une jeune fille ».
5 Les résultats complets sont disponibles en ligne : http://www.diversite.be/barometre-de-la-diversite-logement-0
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Tableau n°2. Synthèse résultat screening annonces
Source : PowerPoint de présentation « Baromètre de la diversité logement » — Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances
PRISE DE CONTACT
Dans cette phase, les chercheurs se sont fait passer, auprès d’agences immobilières ou de propriétaires, pour des personnes étrangères, handicapées (malvoyants), touchant le revenu d’intégration sociale/des indemnités d’incapacités de travail ou pour une mère célibataire, dans des contacts par mail ou téléphone. Ils ont ainsi répertorié les comportements discriminatoires qui émanaient des réponses de leurs interlocuteurs.
Sur l’ensemble de leur contact téléphonique, ils ont relevé6 :
- 17 % de discriminations liées au niveau de revenus des femmes (12,4 % liées au niveau de revenu hommes et femmes confondues)
- 13,8 % de discriminations basées sur des critères raciaux des hommes - 5,5 % de discriminations liées au statut marital des mères
Sur l’ensemble des contacts par mail, ils ont relevé :
- 13,5 % de discriminations liées au niveau de revenus des hommes - 12,7 % de discriminations envers les hommes basées sur des critères raciaux - 7,2 % de discriminations liées au handicap - 6,1 % de discriminations liées au statut marital des mères
6 Seuls les résultats significatifs sont repris ici
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RÔLE DES AGENTS IMMOBILIERS
Pour cette phase, les chercheurs se sont fait passer pour des propriétaires cherchant à louer leurs biens. Dans la conversation, ils demandaient s’il était possible « d’éviter les étrangers ou les chômeurs ». Ce type de propos est prohibé par la loi du 10 mai 2007, luttant contre les discriminations. Le tableau n°3 détaille les réponses des agents immobiliers. Notons que 61,3 % des agents ont répondu directement qu’il était « possible d’éviter les chômeurs », ils sont 42,3 % à avoir répondu affirmativement pour « éviter les étrangers ».
Tableau n°3. Détails des réponses des agents immobiliers
Source : PowerPoint de présentation « Baromètre de la diversité logement » — Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances
MOTIFS DE DISCRIMINATION ET STRATÉGIE DE S LOCATAIRES
MOTIFS DE DISCRIMINATION
Certains locataires sont donc victimes de discrimination. Quelles raisons poussent les propriétaires à poser des comportements discriminatoires envers certains groupes ? L’étude a mis en évidence une motivation principale des propriétaires à discriminer : la crainte du loyer impayé. Cette crainte se justifie d’ailleurs : si la discrimination sur la fortune est interdite, il est légitime qu’un propriétaire se soucie de la hauteur des revenus en fonction du loyer qu’il demande. La seconde justification porte, elle, sur la crainte des dégâts locatifs. La discrimination associée à cette crainte apparait comme moins légitime que la première : elle se base sur des stéréotypes bien ancrés.
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STRATÉGIES DES LOCATAIRES
Face à ces comportements discriminatoires, les victimes mettent en place des stratégies individuelles. Certaines essaieront de rencontrer directement le propriétaire, afin de désamorcer les préjugés. D’autres repèreront les quartiers où il est impossible de louer et les quartiers où les probabilités d’obtenir une location sont plus grandes. Une autre stratégie est d’utiliser le réseau de connaissances pour obtenir un appartement en location.
CONCLUSION
Les résultats montrent que les discriminations liées au logement sont plutôt la règle que l’exception. En effet, nous retrouvons un taux significatif de comportements discriminatoires dans chaque phase. Les discriminations touchent tant les personnes d’origine étrangère que les allocataires sociaux.
Nous pouvons constater que la loi antidiscrimination n’est pas respectée, tant par les propriétaires –qui peuvent ignorer que leurs propos ou leurs actes relèvent de la discrimination, que par les agents immobiliers, qui sont au fait de la loi. Ces résultats mettent en exergue le manque de régulation du marché immobilier par les autorités : il n’existe aucun organisme de contrôle, les discriminations sont sanctionnées après dépôt d’une plainte auprès du Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances ou de la justice par la personne s’estimant victime.
À partir de ce baromètre, le Centre pour l’égalité des chances a émis quelques recommandations :
1. Réfléchir à la possibilité de confier à l’Inspection du logement la mission d’enquêter suite à une plainte individuelle de discrimination.
2. Prévoir des contrôles périodiques auprès des agents immobiliers ; 3. Adopter des mesures visant la régulation du marché :
a. Mettre sur pied un fonds central des garanties locatives ; b. Instaurer des « commissions paritaires locatives ».
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QUESTIONS-REPONSES
À l’issue de la présentation, les participants ont eu l’occasion d’adresser leurs questions à l’intervenante.
- Imaginons qu’un propriétaire privé souhaite mettre en location une chambre : est-ce toujours discriminer que de dire qu’il ne souhaite pas de domiciliation ?
Non, bien sûr. Il existe au niveau juridique un système de justification. C’est-à-dire, que dans la loi Belge, toute discrimination est interdite, sauf si elle repose sur une justification objective et raisonnable. « Une distinction directe se justifie : - lorsque la mesure prise répond à un but légitime, - les moyens de réaliser ce but sont appropriés et nécessaires7. »
Concrètement, chaque situation est étudiée au cas par cas. Le propriétaire sera, à chaque fois, invité à justifier son choix.
- Existe-t-il une commission de régulation des loyers ? Actuellement, il n’existe pas de commission de régulation des loyers. Plus globalement, on constate aujourd’hui l’absence de régulation des loyers. Fixer le prix du loyer est d’ailleurs une manière de faire de la discrimination.
- Dans vos recommandations, vous proposez que ce soit l’inspection des logements qui examine les plaintes de discrimination. Pourquoi proposer cet organisme plutôt que vous ?
Cet organisme connait le secteur, ils sont géographiquement proches, c’est donc plus facile. Les personnes seront plus rapidement mobilisables sur ces questions. De plus, de nombreuses personnes qui se sentent discriminées n’arrivent pas jusqu’au Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances, ne nous connaissant pas ou n’osant pas nous contacter. Si nous pouvions avoir des relais directs qui connaissent le secteur du logement dans leur région, sachant par exemple quel est le montant moyen des loyers pratiqués, ce serait plus facile.
- Vous avez mentionné les expériences de commission paritaire locative à Bruxelles et Charleroi : qu’est-ce qu’ont donné ces projets pilotes ?
Il n’en est rien ressorti. Les expériences pilotes ont été menées et il y a eu une évaluation, mais il n’y a pas eu de suivi politique. Les parlementaires ne se sont pas saisis du dossier. D’ailleurs, c’est peut-être le moment de ressortir des tiroirs ce dossier, afin de pouvoir s’appuyer sur ce qui a déjà été fait.
- Il y a des locataires qui sont discriminés, mais à l’inverse, il existe également des propriétaires déçus, qui font face à des loyers impayés et des dégâts locatifs importants.
En effet, tout n’est pas blanc ou noir. De manière générale, il faut éviter de tirer une conclusion générale sur un public cible.
7 La Loi antidiscrimination du 10 mai 2007 (sd). Centre interféderal pour l’égalité des chances. En ligne : http://www.diversite.be/la-loi-anti-discrimination-du-10-mai-2007#justification
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CONTEXTE ET PROGRAMME DU CDH POUR LES ELECTIONS DE MAI 2014
La présentation d’Emmanuelle Devillé portait sur les discriminations dans l’accès au logement locatif. Le thème de l’atelier est plus large, puisqu’il englobe l’ensemble des difficultés rencontrées dans l’accès des jeunes au logement locatif. Afin d’élargir la discussion, l’attachée politique des Jeunes cdH a contextualisé la problématique, avant de présenter les propositions pour améliorer l’accès des jeunes au logement, présentes dans le programme du cdH.
LE LOGEMENT LOCATIF EN BELGIQUE : QUELQUES CHIFFRES Les statistiques présentées ici sont issues de « la grande enquête Immoweb 2011’ et de l’IWEPS (Institut Wallon de l’Evaluation et de la Prospective Statistiques). En Belgique, un tiers de la population est locataire. Ils sont par contre plus de la moitié (58 %) des jeunes de moins de 30 ans à louer leur logement.
Coût mensuel du logement locatif Le montant moyen d’un loyer est de 622 €. Cependant, il existe de fortes disparités entre les provinces : de 516 € en province de Liège à 769 € dans le Brabant-Wallon. Le montant des charges mensuelles8 s’élève en moyenne à 398 €. Tout comme pour les loyers, nous pouvons observer des différences entre les provinces : de 326 € en région bruxelloise à 484 €, dans la province du Limbourg. En Belgique, les locataires dépensent donc en moyenne 1000 € par mois pour leur logement. C'est ainsi que le poste financier 'logement' représente un tiers du revenu des ménages pour près de 30 % des Belges ; pour 15 % d'entre eux, il représente même plus de la moitié de leurs revenus.
Garantie locative Le montant de la garantie locative est plafonné à : - deux mois de loyers, lorsqu'elle est versée par le locataire sur un compte bloqué ; - trois mois de loyers, lorsque c'est une garantie bancaire versée par le preneur ou
résultant d'un contrat entre le CPAS et une institution financière. La garantie locative est de 1300 € en moyenne.
Qualité du logement En moyenne, 10 % des locataires estiment que leur logement est insalubre ou devrait être rénové en profondeur.
8Les charges comprennent : les charges communes des immeubles, l’énergie, l’assurance habitation et frais de téléphonie (hors GSM).
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PROPOSITIONS DU PROGRAMME DU CDH Les propositions présentées lors de ce colloque sont issues du programme complet du cdH en vue des élections européennes, fédérales et régionales du 25 mai 2014.
Proposition 266 : Lutter contre l’inoccupation d’immeubles Le droit pour tous à un logement de qualité se heurte, dans son application effective, à un autre droit, à savoir le droit de propriété. Si le droit de propriété est important et doit naturellement être préservé, il convient toutefois de s’assurer qu’il contribue effectivement au développement humain, et non le contraire. Il faut par exemple lutter contre la rétention de terrains et de biens immobiliers, à des fins de spéculation (logements vides, logements insalubres, dents creuses, terrains inexploités, étages des commerces…), car cela raréfie l’offre de logements et tire les prix et les loyers vers le haut. Le cdH propose de : - Inciter à la transformation des bureaux vides en logement.
Les projets de reconversion méritent une attention particulière même si cela a un coût certain. Le tiers investisseur est une réponse publique à la nécessité de disposer de liquidités préalables avant de se lancer dans des travaux couteux de transformation de bureaux en logement. Le coût des travaux de transformation des bureaux en logement est financé non pas par le propriétaire des bureaux, mais par un opérateur externe, public ou privé, appelé « tiers investisseur », celui-ci est remboursé pour les années suivantes par le propriétaire ou le locataire du bâtiment qui lui cède une partie des loyers perçus à la suite de la mise en location des logements. - Intensifier la lutte contre l’inoccupation injustifiée des logements
Les propriétaires des logements vides seront encouragés à rénover et mettre leur logement en vente ou en location, en pouvant, le cas échéant, bénéficier du mécanisme de tiers investisseur.
Proposition 271 : Doubler le nombre de logements AIS À Bruxelles, il existe actuellement 3.000 logements mis en location par des agences immobilières sociales (AIS). Ce nombre s’élève à 3.503 en Wallonie. Le système des AIS consiste à mettre en location des biens immobiliers appartenant à des propriétaires privés, au bénéfice de ménages à revenus limités. Le propriétaire-bailleur accepte de fixer le loyer un peu en dessous des prix du marché. Les locataires bénéficient le cas échéant d’une aide financière qui couvre une partie du loyer à payer. La location est gérée par l’AIS. L’avantage de ce système, c’est qu’il est moins coûteux pour les pouvoirs publics que la construction de logements sociaux. Nous souhaitons doubler le nombre de logements mis en location par les AIS, à Bruxelles et en Wallonie. Le cdH propose de : - Refinancer le secteur des AIS, en fonction de ses besoins et de la croissance du
nombre de propriétaires et bailleurs qui font appel à leurs services. - Généraliser et pérenniser dans toutes les AIS, l’assurance des propriétaires contre
la « perte de loyers » et les « dégâts locatifs ». - Accorder une réduction des droits de succession lorsque le bien immobilier est mis
en location dans une agence immobilière sociale durant un minimum de 12 ans. - Étendre le mécanisme de l’allocation-loyer pour les ménages à revenus limités qui
louent un logement privé en liant l’octroi de l’allocation au respect d’une grille de
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référence et en octroyant au bailleur l’assurance perte de loyer et dégâts locatifs prévus dans le cadre des AIS.
- Inciter les pouvoirs publics à conférer du logement aux AIS. - Soutenir les partenariats public-privé en créant une cellule de soutien aux pouvoirs
locaux au sein des agences régionales de développement territorial.
Proposition 281 : Soutenir les projets de logements partagés et intergénérationnels et créer des parcelles « kangourou » pour y construire un deuxième logement
Le logement intergénérationnel et l’habitat kangourou se développent de plus en plus dans nos sociétés occidentales. Il répond à la pénurie de logements abordables pour les jeunes couples et à l’envie de personnes plus âgées de rester le plus longtemps possible dans leur logement. L’idée est donc de rassembler sous un même toit des jeunes et des aînés qui peuvent se partager des services en fonction de leurs aptitudes et de leurs possibilités. Différentes formules sont possibles: une ou plusieurs unités de logement, des espaces privatifs et collectifs plus ou moins grands, l’accueil d’une personne âgée au sein même d’une habitation ou dans une annexe construite à cet effet, l’accueil par une personne âgée d’un jeune couple à l’étage inoccupé, lui octroyant un complément à sa pension de retraite, avec ou sans le soutien d’organismes publics… Le cdH propose de : - Prévoir l’octroi de primes régionales d’aménagement (rénovation, transformation)
aux propriétaires engagés dans un projet de logement partagé, que le bien soit loué en tout ou en partie.
- Supprimer ou tempérer la majoration de 40 % du revenu cadastral lors de la mise en location d’un logement partagé ou intergénérationnel et tout au long de la vie du projet.
- Limiter l’augmentation du revenu cadastral consécutive aux travaux d’aménagement réalisés, tant que perdure le logement partagé.
- Relever les avantages fiscaux liés aux emprunts de rénovation dans le cadre d’un logement partagé.
- Poursuivre les démarches d’adaptation des normes régionales de qualité (sécurité, salubrité, habitabilité) aux logements partagés.
- Assouplir les contraintes urbanistiques, via le remplacement du permis d’urbanisme par une déclaration auprès de la commune, lors de la création d’une unité d’habitation supplémentaire au sein d’une habitation principale existante.
- Subordonner la dispense d’obtention d’un permis d’urbanisme à la condition que la subdivision du logement reste temporaire : les lieux devront être remis dans leur affectation originelle, celle d’une habitation individuelle pour un seul ménage, après une durée à fixer (10 ou 15 années, par exemple, sous réserve d’obtention d’un permis d’urbanisme en bonne et due forme).
- Élargir les prêts accordés par les Fonds du logement régionaux en dehors du cercle familial, pour englober les logements intergénérationnels.
- Prévoir une plus grande adaptabilité des maisons en fonction des différentes étapes de la vie, dès l’élaboration des plans.
- Dans les contrats de quartier à Bruxelles, permettre et imposer des projets d’habitat intergénérationnel.
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- Créer des maisons intergénérationnelles de jour avec organisation d’activités : il s’agit de favoriser une vie sociale épanouissante pour tous les seniors, avec des moments de rencontres entre jeunes et personnes âgées.
- Aménager les bâtiments communaux inoccupés tels que des anciens presbytères, bureaux ou écoles en logements « kangourou ».
- Au niveau urbanistique, la construction d’un deuxième logement à proximité d’une habitation existante est parfois inenvisageable. C’est pourquoi nous proposons :
- Dans le cadre du remembrement territorial (voir proposition 252), d’autoriser la transformation de parcelles non bâtissables en zones à bâtir, sur des surfaces réduites et à condition qu’elles soient attenantes à une parcelle bâtie détenue par un même propriétaire. Cette autorisation serait uniquement accordée en vue de la construction d’un deuxième logement pour former un ensemble « kangourou » et limitée dans le temps au maintien du caractère intergénérationnel (unité de logement « amovible »). Proposition 285 : Réformer le bail locatif pour rassurer les propriétaires et les
locataires Le succès d’un contrat de bail repose sur la bonne entente entre bailleur et locataire via le respect par chacun, de ses obligations et un équilibre entre des intérêts bien parfois divergents. Pour le propriétaire, le revenu locatif représente souvent le fruit d’un investissement, financier, mais aussi en temps et en énergie lorsqu’il fait suite à des rénovations qui ont embelli son bien. Pour le locataire, c’est l’expression d’un droit fondamental au logement, qui entend se vivre dans un cadre décent et respectueux de toutes les normes de qualité, et dans une stabilité nécessaire. Les conflits entre propriétaires et locataires, s’ils ne peuvent tous être évités, peuvent cependant être atténués par une sanction plus efficace des démarches abusives, une accélération des procédures pour faire respecter ses droits et des clarifications évitant les appréciations arbitraires. La loi de 2007 relative aux garanties locatives a montré ses limites. Cette loi permettait aux locataires de pouvoir constituer la garantie locative en une fois ou en plusieurs fois, auprès d’une institution bancaire. Les faits montrent que les banques sont réticentes à accorder cet étalement auprès de certains ménages qui ne disposent pas d’un emploi à durée indéterminée, ou d’un revenu confortable, ce qui est contraire à l’esprit de cette réforme des garanties. Un nouveau système qui mutualise les risques et offre plus de sécurité aux bailleurs et aux locataires doit être mis en place. Comment améliorer les outils pour faire face aux loyers impayés ? Le cdH propose de : - Raccourcir les délais de procédure de recouvrement des loyers impayés à 12 mois
maximum, soit la durée généralement couverte par l’assurance « loyers impayés ». - Créer un fonds de garantie locative pour faciliter la constitution de la garantie et
assurer les propriétaires contre les loyers impayés (voir proposition 286). - Encourager les propriétaires à fixer un loyer raisonnable sur base d’une grille de
références (voir proposition 274) et accorder aux locataires une allocation-loyer (voir proposition 272)
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Proposition phare 286 : Créer un fonds de garantie locative La garantie (3 mois) est bloquée auprès d’un fonds unique et peut être constituée en plusieurs fois (étalement de maximum 36 mois). La garantie locative étant bloquée sur un seul fonds, cela permet sa portabilité : un locataire quitte un logement pour en louer un autre, il ne doit pas avancer une nouvelle garantie alors qu’il n’a pas encore récupéré l’ancienne. Le fonds se porte caution, durant la période de transition pour le montant de l’ancienne garantie. Si la nouvelle garantie est plus élevée que l’ancienne, le locataire doit compléter ce montant (en un ou plusieurs versements). Si elle est moins élevée, il récupère la différence, quand l’ancienne garantie est débloquée. Si une partie ou la totalité de la garantie locative est reversée à l’ancien propriétaire bailleur (ex. : dégâts locatifs), le locataire devra constituer la nouvelle garantie locative partiellement ou entièrement. Le système permet d’étaler le versement de la caution. Le locataire, en particulier celui qui ne dispose que d’un revenu limité, ne doit donc plus avancer une somme d’argent importante en une fois. Les propriétaires bailleurs pourront également souscrire une assurance couvrant les loyers impayés et les dégâts locatifs auprès du fonds, à un prix abordable. C’est une mutualisation du risque qui peut aussi bénéficier aux locataires en rassurant le propriétaire quant au profil de risque du locataire. En agissant plus efficacement sur les impayés, les expulsions sont aussi réduites. Le Fonds sera également alimenté par une fraction des intérêts produits par les garanties. Il aura aussi pour mission de lutter contre la rétention abusive de la caution : il arrive que des propriétaires peu scrupuleux pratiquent une rétention de garantie injustifiée. Une sanction dissuasive de ces manœuvres abusives doit être prévue, en cas de conformité entre l’état des lieux d’entrée et l’état des lieux de sortie, lorsque la garantie n’est pas rendue au locataire dans un délai d’un mois. Le cdH propose de créer un fonds de garantie locative : - Le locataire peut étaler la constitution de la garantie sur plusieurs mois. - La portabilité de la garantie locative est instaurée (la garantie bloquée pour l’ancien
logement peut servir comme garantie pour le nouveau logement). - Le propriétaire bénéficie d’une assurance loyers impayés et dégâts locatifs.
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DISCUSSION
Fonds de garantie locative Une première réflexion s’est engagée sur la proposition du cdH de créer un fonds de garantie locative. Les participants se sont interrogés sur la pertinence de créer un fonds. En effet, les garanties bancaires et les garanties du CPAS (en lien avec une institution financière) ont la même finalité que ce type de fonds. Cependant, divers problèmes liés à ces deux garanties sont évoqués. Premièrement, concernant les garanties bancaires, celles-ci sont peu connues et l’information est difficile à trouver. Les banques n’en font aucune publicité. De plus, les banques auraient des « quotas » de garanties bancaires. C’est-à-dire que chaque établissement ne pourrait ouvrir qu’un nombre restreint de comptes de ce type9. Par ailleurs, certaines banques demandent le paiement de frais de dossier à l’ouverture d’une garantie bancaire, d’autres transforment cette garantie en prêt : outre le paiement des mensualités, elles requièrent le règlement d’intérêts. D’autre part, si les garanties bancaires proposées par le CPAS sont plus connues, les jeunes (futurs) locataires préféreraient ne pas avoir à la demander. En effet, la marque « CPAS » est un facteur de stigmatisation. Les propriétaires seraient plus frileux à l’idée d’accepter un locataire qui dépend du CPAS pour sa garantie locative. Quelles solutions apporter, pour que les jeunes qui n’ont pas de quoi constituer une garantie locative puissent accéder tout de même à la location ? La constitution d’un fonds de garantie pour tous est de nouveau évoquée : ce serait le meilleur moyen d’éviter les discriminations et stigmatisations possibles. Pour ce faire, ce fonds se doit d’être : - obligatoire et exclusif : ce doit être la seule possibilité de constituer une garantie
locative. S’il était rendu facultatif, le recours à un tel fonds pourrait être facteur de stigmatisation (tout comme l’emploi d’une garantie bancaire via le CPAS actuellement) ;
- mutualisé : un roulement des liquidités permettra au fonds de s’autoalimenter. Une autre difficulté est soulevée : celle des AIS (agences immobilières sociales) qui fonctionnent sur ce mode de roulement, mais qui ont régulièrement deux mois de retard dans le paiement des loyers. La crainte est de voir cette même difficulté s’étendre aux garanties locatives : voir les garanties être constituées en deux ou plusieurs mois. Il faudra donc créer un cadre pour pouvoir assurer les propriétaires que la garantie locative sera effectivement constituée, dans des délais raisonnables. Les participants ont également évoqué l’idée d’intégrer les AIS à ce fonds. Cela pourrait être une solution aux loyers arriérés : le roulement des garanties permettrait de payer les loyers à temps.
Sur l'accès des jeunes au logement L’accès au logement des jeunes est difficile : à la sortie de leurs études, il est très difficile pour eux de pouvoir constituer une garantie et de garantir aux propriétaires qu’ils pourront payer leur loyer, tant qu’ils n’ont pas de CDI ou d’emploi. Les AIS sont une solution aux
9Selon différentes sources, les banques n’encouragent pas ce type de garantie : elles n’y gagnent rien, puisque c’est un service gratuit, la gestion de ce type de garantie représente un coût administratif.
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problèmes, puisqu’elles jouent les intermédiaires entre locataires et propriétaires, donnant à ces derniers l’assurance du paiement des loyers. Cependant, le privé ne peut tout régler. Les participants constatent un manque grandissant de logements sociaux. Il y a une vingtaine d’années, les jeunes pouvaient accéder à une maison située en cité « sociale » dès la sortie de leurs études. Selon certains participants, cela pourrait être encore le cas si les autorités investissaient davantage dans les logements publics. Ils posent l’hypothèse que si les communes construisaient davantage, les étudiants pourraient bénéficier de ce type d’habitation. Partant de cette hypothèse, une question se pose : faut-il investir autant dans le logement public ou alors légiférer le logement privé afin d’investir l’argent public dans d’autres domaines prioritaires ? Les participants sont arrivés à la conclusion que logement public et privé sont complémentaires. De plus, afin d’améliorer l’accessibilité du logement, certains participants proposent de mettre en place une grille de référence des loyers. Mais un constat est posé : cette mesure est évoquée par les politiques depuis près de 10 ans10 et pourtant, aucune grille n’a vu encore le jour. Mieux vaut donc proposer des solutions innovantes, que de revenir sur des mesures qui ne voient jamais le jour. Une autre solution est évoquée : celle des logements « intergénérationnels », ou logements kangourou (voir page 22).
Sur les 'discriminations' Les résultats du « Baromètre de la diversité Logement » le montrent, les discriminations dans l’accès au logement locatif existent bel et bien. Comment prévenir et résorber ces discriminations ? Modifier ou supprimer des stéréotypes est un travail de longue haleine. L’objectif à court terme sera donc plutôt de rassurer les propriétaires par des mesures structurelles : assurance sur les loyers impayés, fonds de garanties locatives, développement des AIS, etc. Cependant la réflexion amène les participants à souligner l’importance de la discussion pour prévenir les conflits entre locataires et propriétaires. Afin de favoriser celle-ci, plusieurs pistes de solutions ont été évoquées : - la mise en place d’une charte des droits et devoirs du propriétaire et du locataire.
Une objection à cette solution est émise : elle ferait double-emploi avec le contrat de bail et le règlement d’ordre intérieur.
- Encourager le propriétaire et le locataire potentiel à se rencontrer, afin de contrer les aprioris que pourrait avoir le premier sur la façon dont le second entretiendrait le logement ou ses défauts de paiement.
Pour ce faire, plusieurs moyens pourraient être employés : 1. Une campagne d’affichage pour sensibiliser la population à la discrimination. 2. Donner aux AIS un rôle de médiation et de discussion. Cependant, cela encouragera
la discussion une fois le bail signé.
10L’expérience pilote des commissions paritaires locatives (CPL) provenait du souhait de mettre en place ce genre de mesures. En effet, les CPL avaient pour objectif de réguler le marché immobilier, via trois missions : organiser une médiation locative, mettre en place des grilles objectives de loyers et rédiger un bail type (Bernard, Dawance & Goosens, 2010. Les commissions paritaires locatives : chronique et enseignements d'une expérience-pilote fondatrice. Bruylant).
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3. Mettre en place les commissions paritaires locatives et leur donner un rôle de médiation. Cela pourrait être un lieu de rencontre entre propriétaires et locataires.
Accès au logement ?
Structurellement, quelles mesures peut-on prendre pour améliorer l’accessibilité des jeunes au logement locatif ? Une des dispositions proposées serait l’encouragement des « logements de société ». L’idée serait d’offrir aux entreprises un avantage fiscal, aux employés un « avantage en nature », en leur proposant un logement payé par leur société. Ce type de logement existe déjà, mais ne touche qu’un public restreint. Cette mesure a déjà été avancée pour encourager les enseignants à venir travailler à Bruxelles, en leur réservant des logements particuliers. Cependant cette mesure provoque une certaine gêne, « rappelant les cités minières du début du XXe siècle. » Dans ce cas, mieux vaut trouver le moyen de favoriser la mobilité des travailleurs, afin de redynamiser certaines villes. Une autre proposition serait d’élargir la mission de médiation « locataire-propriétaire » aux agents immobiliers privés. Ceux-ci étant actuellement des acteurs de la discrimination, comme nous l’avons vu dans la présentation d’Emmanuelle Devillé. Ou encore, un bureau de médiation indépendant d’un service public ou privé pourrait être créé, afin d’améliorer la compréhension des propriétaires quant à ce qui est ou non de la discrimination, ce qui est ou non interdit ; et pour contrer les préjugés que pourraient avoir les propriétaires sur certains groupes de la population.
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CONCLUSION Aujourd’hui, les jeunes rencontrent de nombreuses difficultés d’accès au logement : les montants des loyers et de la garantie locative étant trop élevées, mais également du fait des trop nombreuses discriminations dont ils sont victimes. La discussion sur ces difficultés a mis en évidences plusieurs pistes de solutions qui permettraient de réduire ces difficultés : - Créer un fonds de garantie locative.
- Encourager le dialogue propriétaire-locataire en :
o ajoutant la dimension de médiation aux missions des AIS, o mettant en place les commissions paritaires locatives comme lieu de
concertation, o créant un bureau de médiation indépendant d’un service public ou privé
- Mettre en place une campagne de communication pour sensibiliser la population
aux discriminations.
- Développer les mesures structurelles ‘rassurant’ le propriétaire : AIS, assurance de loyers impayés, etc.
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LES ALTERNATIVES AU LOGEMENT TRADITIONNEL
PRESENTATION DE L’ATELIER ET DE L’INTERVENANTE
Quand on parle de logement, la première image qui vient le plus fréquemment à l’esprit est une maison ou un appartement dans lequel on vit seul ou en famille. Et pour cause, ce type de logement fait norme au sein de la société. Pourtant, le logement unifamilial n’est qu’une possibilité parmi d’autres de se loger. En effet, d’autres formes se développent : la colocation, le logement kangourou, le logement tremplin, etc. Outre l’envie de tenter cette belle expérience, plus d’une personne pose le choix d’une de ces alternatives afin de faire face à la montée des loyers ou encore à la solitude. Malheureusement, à l’heure actuelle, le cadre juridique n’est pas adapté à ce type de logement : par exemple, plus d’un propriétaire insère une clause de solidarité entre locataires : si l’un part, les autres doivent payer sa part de loyer !
Le séminaire a été divisé en trois parties lors desquelles trois types d’alternatives ont été discutées. Premièrement, Françoise Brichaux, collaboratrice au Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation a présenté le logement kangourou : le contexte dans lequel il s’inscrit, ses avantages, ses modalités et les inconvénients que ce type de colocation peut engendrer. Le logement Tremplin a ensuite été présenté. Plusieurs cas pratiques, ainsi que leurs limites ont été évoqués, en vue d’établir le modèle idéal de logement Tremplin. Enfin, le manque d’encadrement légal des colocations –et les nombreux quiproquos qui en découlent – a été abordé.
Françoise Brichaux
Collaboratrice au Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation, Françoise Brichaux y est coordinatrice de la thématique logement. En décembre 2013, le CPCP a publié une analyse sur le logement kangourou11.
11 Berger, N. (2013). L’habitat kangourou, un bond en avant ? Coll. Au Quotidien, CPCP.
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LE LOGEMENT KANGOUROU – FRANÇOISE BRICHAUX
DES PERSONNES ÂGÉES DE PLUS EN PLUS NOMBREUSES
Depuis quelques années déjà, le nombre de personnes âgées est en constante évolution. D’ici 2050, notre société devra faire face au boom du troisième âge ; en effet, les projections démographiques nous apprennent qu’en 2050 : - les plus de 75 ans seront trois fois plus nombreux et les plus de 85 ans, quatre fois
plus nombreux ; - les seniors (personnes âgées de 65 ans et plus) représenteront un tiers de la
population ; - il y aura près de huit mille centenaires, soit neuf fois plus qu’aujourd’hui ; - l’espérance de vie sera de 83,3 ans pour les hommes (contre 76,7 ans en 2012) et de
89,4 ans pour les femmes (contre 83,3 ans en 2012). Cf. tableau n°4.
Tableau n°4. Hypothèses des perspectives de population 2000-2050
Source : Bureau fédéral du Plan12
La société devra donc faire face à un problème démographique de taille : gérer l’habitat de ses seniors. Or, comme pour l’ensemble des groupes d’âge, les seniors sont une population hétérogène. Différentes catégories se distinguent, qui dépendent de la situation financière, de l’état de santé, du degré de solitude, du degré de dépendance ou encore de la mobilité de chaque personne. En fonction de tout cela, ces personnes auront des besoins et des projets de vie différents, qui impliqueront des lieux et des modes de vie différents. QUELS LIEUX DE VIES POUR CES PERSONNES ? Le logement des personnes âgées est une problématique à envisager dès maintenant, afin d’être prêt pour ce boom. Pour ce faire, il faudra bien sûr accroître l’offre de logements, mais aussi envisager de diversifier l’offre de logements en fonction des besoins et de la situation de chaque personne. En effet, le cliché traditionnel qu’un senior vit à son domicile,
12 Bureau Fédéral du Plan, « Perspectives financières de la sécurité sociale 2000-2050 : le vieillissement et la viabilité du système légal des pensions », dans Planning Paper 91. Cité par Berger, N. (2013). L’habitat kangourou, un bond en avant ? Coll. Au Quotidien, CPCP.
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jusqu’au moment où il ira en maison de repos, car ne pouvant plus vivre seul – du fait de son état de santé, de ses finances ou de sa solitude – est dépassé. Avec l’évolution du nombre de personnes âgées, nous assistons à une diversification de leurs besoins, il faudra innover et promouvoir des formules d’hébergement alternatives et transitoires, plus adaptées à une partie de cette population. Si l’on écoute nos aînés, une grande majorité d’entre eux plébiscitent le choix du maintien à domicile, le plus longtemps possible. Cependant, cette solution présente plusieurs contraintes : premièrement, l’entretien du logement est une charge lourde, tant financièrement que physiquement parlant. Il arrive un temps où les personnes ne sont plus capables de l’assumer. À cela, il faut ajouter des charges énergétiques élevées. Ensuite, les seniors qui restent chez eux rencontrent fréquemment des problèmes de mobilité et d’accessibilité. Ils auront du mal à accéder aux commerces et aux lieux de vie quotidiens. Par ailleurs, un des freins majeurs à ce choix est le renforcement de l’isolement et de la solitude de ces personnes. Encourager les personnes à rester à leur domicile n’est donc pas la solution la meilleure. Alors, innovons : les seniors souhaitent vivre chez eux, aidons-les à y vivre mieux ! Pour cela, il faut repenser les logements en termes de modularité, d’adaptabilité et de proximité des services. Un hébergement modulable et adaptable est un logement facilement modifiable en fonction des périodes de vie : d’une famille avec enfants où plusieurs chambres sont nécessaires à une personne seule qui pourrait partager son espace. Ensuite, pour mieux vivre chez soi, l’offre de soins à domicile, ainsi que divers services tels que l’aide au déplacement, les aides ménagères, devront être renforcées. De plus, les structures d’accueil de jours et de nuits pourront être développées, ainsi que les centres et maisons communautaires. Mais plus que tout, il faudra oser le partage d’habitat. L’habitat partagé ? C’est le partage d’un logement adapté aux besoins des personnes, qui comprend des espaces individuels et collectifs. On distingue plusieurs types de logement, dont –sujet de l’exposé – le logement intergénérationnel. Celui-ci peut prendre deux formes : le logement kangourou et le binôme aînés-étudiants. Face au défi du vieillissement de la population, à l’isolement des personnes âgées et à l’explosion du coût du logement, l’entraide entre les générations est la solution à un avenir apaisé pour tous. LE LOGEMENT KANGOUROU
Qu’est-ce qu’un habitat kangourou ? Il s’agit d’un logement partagé en deux unités essentiellement distinctes l’une de l’autre, chacune de ces parties est réservée à des générations différentes. Cette cohabitation a pour objectif de promouvoir les échanges intergénérationnels. Les cohabitants sont liés par un contrat de location, dont le montant du loyer est « acceptable », ainsi que par une charte/convention de cohabitation sous l’auspice d’un « accompagnateur ». Pour que le logement soit dit « kangourou », il doit impliquer deux générations différentes qui se rencontrent et s’entraident. Cette cohabitation ne concerne pas les lieux de vie, mais une communauté d’intérêts et une envie de s’entraider : elle est basée sur une volonté
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mutuelle à la fois de vivre ensemble, d’entraide et de reconnaissance de chaque partie en tant que telle. Cela implique surtout une série de services mutuels tels que faire les courses, lever les volets, garder les enfants, etc. Les avantages de ce type d’habitat sont donc à la fois pratiques, mais aussi philosophiques13.
Et concrètement ? Lorsque l’on dit que la cohabitation ne concerne pas les lieux de vie, on entend que les personnes vivent sous le même toit, mais chacune a son propre « appartement ». C’est-à-dire que le domicile implique deux logements contigus et distincts, ce qui permet de préserver l’intimité de chaque « ménage ». Cette condition sine qua non au logement kangourou nécessite que les lieux soient transformés ou adaptés ; d’où l’idée de construire des maisons modulables – qui prévoient cette adaptation dans les fondations. De plus, l’un des cohabitants est propriétaire de la maison. Un contrat de bail le liera à (aux) l’autre(s) locataire(s). Ce type de location permet à chacun d’être gagnant : le locataire se loge à moindre coût, le propriétaire reçoit un revenu supplémentaire et chacune des parties peut compter sur des liens sociaux renforcés. Pratiquement, pour constituer ce type de logement, une convention de cohabitation qui prend la forme d’un « contrat moral d’assistance réciproque » doit être signée. Pour ce faire, il est nécessaire que propriétaires et locataires se rencontrent préalablement et fassent connaissance avant de s’engager. Organiser cette rencontre fait partie des missions de l’ASBL accompagnatrice. En bref, le logement kangourou14, c’est : - le volontarisme, - le maintien de l’autonomie, - l’autogestion, - la réciprocité, - la cooptation, - et les valeurs de vie.
« Il n’y a rien à perdre, il y a tout à gagner »
A la base de cette cohabitation, une idée : celle de la solidarité. Les deux parties ont toutes deux quelque chose à offrir, mais sont également en difficulté. La rencontre et l’échange entre ces personnes leur est donc bénéfique, tout en garantissant à l’une et l’autre l’autonomie, la liberté et la vie privée. Bien que le logement Kangourou soit un type de cohabitation, la relation de partage n’implique pas l’investissement de l’espace d’une partie par l’autre. Cet élément est à la base de la relation Kangourou et n’empêche en rien l’échange de services tels que définis dans la convention signée au préalable.
13 Berger, N. (2013). L’habitat kangourou, un bond en avant ? Coll. Au Quotidien, CPCP 14 Pour plus d’information sur le sujet : l’habitat kangourou, un bond en avant ? CPCP – collection Au Quotidien. En ligne : http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/aisbl-generations/documents/DocPart_Habit_HabitatKangourouBondEnAvant_2013.pdf
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Constituer un logement kangourou présente beaucoup d’avantages, tant pour les jeunes que pour les personnes âgées. D’une part, pour ces dernières, cela offre la possibilité de rester chez elles, dans leur cadre de vie et leur quartier. De plus, ces personnes préservent leur autonomie tout en rompant la solitude. Côtoyer des jeunes au quotidien leur permet d’améliorer leur sentiment d’utilité via l’échange des savoirs, d’expériences et de services. Enfin, héberger un jeune sous son toit permet à ces personnes de continuer à entretenir leur domicile à moindre coût, ainsi qu’à réduire les coûts des services qui sont induits par le maintien à domicile de personnes âgées. D’autre part, choisir le logement kangourou permet aux jeunes couples et aux familles de se loger à moindre coût. Cette solution leur offre également la possibilité de se situer dans un échange de services, ainsi que de reconstituer la solidarité et l’échange entre générations. Le logement Kangourou a également comme avantage non-négligeable de renforcer le lien social. Dans le contexte actuel d’individualisation de la société, il est important de considérer le renforcement des relations humaines comme un point essentiel de toute initiative. Si les préjugés entre générations vont bon trains, il semble primordial de réduire ce fossé. Recréer un lien entre les générations est essentiel pour en finir de ces stéréotypes sur le jeunisme et l’âgisme. Le logement Kangourou permet à chacune des générations de mieux se comprendre, mais aussi d’apprendre l’une de l’autre. Ce type d’habitat permet de rendre notre société plus humaine en récréant ce lien qui s’estompe. Nous l’avons vu, l’exclusion sociale due à la vieillesse augmente. La solitude et le manque d’offres d’activités adaptées peuvent être à l’origine d’un repli des personnes âgées sur elles-mêmes. Même si peu contraignants, les logements Kangourou vont constituer une activité créant un lien social. Cette activité permet à la personne isolée de se sentir utile et de compter dans la vie d’une autre personne. Ces services sont donc à la base d’une responsabilisation des personnes âges : une certaine dépendance entre les parties du logement kangourou va s’installer. Le sentiment d’exclusion sociétale s’estompera également : la personne aura une place et un rôle dans cette société.
Et pourtant, les craintes subsistent… Malgré ces avantages, ce concept a des difficultés à s’imposer, il suscite des interrogations et des craintes de plusieurs types : - ouvrir son habitation à des inconnus ne va pas de soi, cela peut faire peur ;
- l’habitation n’est pas toujours adaptée dès le départ : il est souvent difficile d’imaginer deux ménages pouvant vivre là où un seul vivait auparavant. « Vais-je pouvoir conserver mon confort ? Ma tranquillité ? A quel point ma vie peut être chamboulée ? » Ce sont autant de questionnement qui seront accentués par les stéréotypes dont sont généralement victimes les jeunes ;
- il n’existe pas de véritable cadre qui structure la constitution du logement kangourou : des ASBL existent, mais ne sont pas toujours connues du grand public et n’offrent pas une standardisation de la relation. Il faudra donc que les personnes âgées prennent l’initiative, ce qui peut être plus compliqué ;
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- divers problèmes d’ordre juridique se posent. Par exemple, le paiement des allocations chômage sont divisées par deux, dès que le demandeur vit avec une autre personne à la même adresse ; la colocation n’existant pas aux yeux du droit ;
- certaines communes montrent des réticences à la constitution de ce type de logement, qui ne cadre pas vraiment avec leur politique d’urbanisme ;
- le logement nécessite l’adaptation du domicile, au minimum pour l’obtention du permis de location et le certificat PEB. La modification de son logement, les démarches et frais y afférant constituent le principal frein à l’habitat kangourou. Néanmoins, de plus en plus de constructeurs sont sensibilisés à la nécessaire modularité des logements, qui permet de s’adapter aux exigences de la société contemporaine. Dès lors, dans le futur, nous pouvons espérer que les travaux à effectuer pour modifier son domicile seront moins importants.
Nous constatons que le développement des logements kangourou nécessite un cadre structurant et une clarification des relations entre les co-contractants. Pour ce faire une des propositions est de proposer aux deux parties, la présence d’un tiers. En effet, pour le privé, se lancer et gérer seul ce type de projet peut faire peur. La présence d’un tiers, que ce soit une association ou une institution publique (telle qu’une AIS), est souhaitable pour servir de caution et éviter les dérapages. Ce tiers aura un rôle d’intermédiaire, d’encadreur et de facilitateur.
Triangulation : exemple d’une ASBL de gestion Afin d’illustrer le rôle que pourrait avoir un tiers dans le logement kangourou, prenons pour exemple l’ASBL GLG (Gestion Logement Gouvy). Cette ASBL s’est donnée pour mission de répondre à la demande de logements à prix modéré, au-delà des offres de l’AIS, du CPAS et des habitations sociales. Elle cible principalement deux publics : les jeunes qui cherchent à louer dans la commune de Gouvy et les personnes âgées qui éprouvent des difficultés à assurer l’entretien de bâtiments devenus inadaptés – car trop grand, trop d’espaces verts, etc. GLG s’adresse aux propriétaires qui souhaitent se décharger, totalement ou partiellement, des problèmes de gestion et de risque locatif. Son ambition est de mettre en relations propriétaires et locataires, afin de constituer des logements kangourou, logement dont elle assumera la gestion. Ainsi, cette ASBL a trois missions : - Information de la population, toutes générations confondues, afin de stimuler
l’intérêt pour ce type d’habitat. En effet, lorsque l’on cherche une solution à la solitude et à l’explosion des prix du logement locatif, l’habitat kangourou n’est pas la première réponse à laquelle on pense. De plus, comme cela a été mentionné précédemment, les stéréotypes que chacune des générations a sur l’autre est un des freins du développement de ce type d’habitation. Il est important que l’acteur tiers puisse travailler à les déconstruire.
- Gestion de dossiers : cela consiste à recevoir et analyser les différentes candidatures. Il s’agit également de pouvoir présenter aux parties potentielles un cadre flexible dans lequel la relation peut évoluer.
- Accompagnateur des binômes créés durant leur mise en place et dans le quotidien. Servant d’organe centralisateur, cette ASBL a également pour mission de mettre en avant les bonnes pratiques et de conseiller les acteurs en fonction de leurs attentes et de leur personnalité. Une fois la convention établie, GLG est au service des co-
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contractants : elle s’assure de la satisfaction de chacun dans la relation ‘kangourou’. En cas de relation conflictuelle, elle jouera le rôle de facilitateur de la relation et de médiateur.
GLG met donc en relation un candidat propriétaire-senior et un candidat-locataire, jeune. Elle accompagne le binôme dans son installation et le rencontre afin d’évaluer le projet. SITUATION ACTUELLE
La situation actuelle ne pousse pas la population à cohabiter dans des logements kangourou, principalement pour deux raisons. La première est l’absence de cadre juridique. Celle-ci fait craindre aux propriétaires une augmentation du revenu cadastral et du précompte immobilier. De plus, la différence qui existe actuellement entre un cohabitant et une personne isolée empêche plus d’un potentiel locataire de franchir le pas. La seconde raison est une absence de volonté politique. Premièrement, on peut observer des réticences dans certaines communes : celles-ci émettraient des difficultés à fournir le permis d’urbanisme pour ces logements kangourou. De plus, nous l’avons vu, pour développer le logement kangourou, il est indispensable de faire évoluer la législation. Or, pour l’instant, les associations ayant interpellé des politiques n’ont obtenu que peu de réponses. Les parlementaires traînent à s’emparer de cette question. Néanmoins, le parlement Bruxellois a appelé en 2013, par le biais d’une résolution, à la mise en place : - d’un label « logement intergénérationnel » permettant de reconnaître les habitats
différenciés ; - d’un règlement régional d’urbanisme facilitant la délivrance d’un permis
d’urbanisme pour ce type de logement ; - d’une révision de la législation sociale concernant la notion de cohabitation ; - d’un soutien aux associations de ce secteur ; - d’un soutien financier aux AIS prenant en charge la mixité des âges.
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DISCUSSION
Questions et discussions se sont mêlées durant les deux heures de présentation.
Limites Les participants se questionnent sur une possible généralisation de ce type de logement. Pour eux, la demande se limite aux villes à forte présence étudiante. Ils se posent la question d’étendre le système aux jeunes travailleurs. Pour Françoise Brichaux, le premier public cible étant les jeunes couples et familles plutôt que les étudiants, la formule peut se généraliser. En ce qui concerne les étudiants, des formules de logements intergénérationnels commencent également à voir le jour : la personne âgée met à disposition une chambre pour l’étudiant, pour un loyer raisonnable. L’ASBL « Un toit deux âges » par exemple, organise ce type de logement15. Dans l’idée de généraliser cette forme de logement, il faut donc distinguer : - l’habitat kangourou traditionnel : une personne âgée et un jeune couple qui vivent
sous un même toit, comme cela a été décrit précédemment. - L’habitat kangourou « étudiant » : il s’agit d’une variante, qui par exemple existe à
Gand grâce à l’ASBL « un toit deux âges ». Ce modèle est très répandu en Espagne16.
Les jeunes constatent que ce type de logement est intéressant, mais qu’il relève actuellement du second choix. Le premier choix des jeunes couples ou familles serait de louer leur propre appartement, c’est seulement dans le cas où ils ne pourraient pas financièrement louer leur logement qu’ils se tourneront vers les possibilités telles que le logement kangourou. Le développement de ce type de logement nécessite donc un changement des mentalités et des habitudes de vie.
Évolutions Le développement de ce type de logement nécessite quelques adaptations. D’une part, il faudrait que les politiques aient la volonté d’avancer sur ce terrain. Dans ce cas, ils pourront mettre en place un système d’accompagnement social. Celui-ci aurait pour mission d’informer la population, d’aider à la constitution des binômes, d’assurer la médiation des litiges, etc. Cet organe pourrait faire partie d’une institution plus large telle qu’un « service logement », qui serait créé dans chaque commune. De plus, une seconde politique incitative pourrait être la création d’une prime « kangourou ». Cette prime aurait pour objectif d’aider les personnes à adapter leur domicile au logement kangourou. Attention, cette idée est différente du « prêt intergénérationnel17 ». En effet, celui-ci n’est valable que pour les enfants qui souhaitent accueillir un parent ou une personne âgée ; ici, les acteurs sont inversés : la prime serait offerte aux personnes âgées qui souhaitent accueillir un jeune couple ou une famille.
15 Pour plus d’informations : http://www.1toit2ages.be/fr/accueil 16 Question Santé-be, 2007. 17 Le prêt intergénérationnel est un mécanisme d’aide aux familles qui leur permet d’obtenir un prêt hypothécaire à taux réduits pour le financement de travaux destinés à l’accueil d’un ou de plusieurs parents âgés d’au moins 60 ans. Pour plus d’informations : http://www.flw.be/index.php/prets-aux-parents-ages
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D’autre part, il est nécessaire de revoir le cadre juridique tant au niveau régional que fédéral. En effet, ce type de logement n’est pas prévu dans le droit. Il est notamment important d’en venir à l’individualisation des droits, afin que le choix d’un habitat partagé n’aille pas de pair avec une perte des revenus de remplacement. Par ailleurs, les contraintes administratives liées à la location d’un logement sont aujourd’hui très importantes et découragent plus d’une personne. Dans le cadre de logement intergénérationnel, ces contraintes pourraient être réduites.
Solutions ?
Plusieurs idées ont été émises afin de développer ce type de logement : 1. Mise en place d’institutions d’encadrement des logements kangourou
Celles-ci permettraient de rendre l’accès à ce type de logement plus aisé. Ces institutions auraient un rôle d’entremetteur et de médiateur entre les deux parties. Elles auraient également un rôle d’information et de sensibilisation à la thématique du logement intergénérationnel.
2. Création d’un label Dans l’exposé, une des explications aux difficultés de développement du logement kangourou était la crainte des personnes à vivre avec une autre personne « inconnue ». Créer un label de qualité attribué aux institutions qui organisent le logement kangourou, permettrait de rassurer les acteurs, de promouvoir le logement et de valoriser les ASBL compétentes.
3. Soutenir le secteur de la construction Une autre idée était d’encourager le secteur du bâtiment, via des aides qui pourraient prendre différentes formes, à construire des logements « modulables ». C’est-à-dire des habitations dont les fondations sont prévues pour adapter le logement et les pièces en fonction des périodes de vie.
4. Primes Une dernière piste a été de proposer d’injecter certaines primes dévolues à la rénovation énergétique dans la création de logements intergénérationnels, dans le cadre de logements qui ne sont pas modulables.
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LE LOGEMENT TREMPLIN
LE LOGEMENT TREMPLIN : KESAKO ?
Le logement Tremplin a pour objectif de favoriser l’accès à la propriété pour les plus jeunes. Cette initiative mise en place par certaines communes belges est encore trop peu connue du grand public. Le principe du logement Tremplin ? Offrir aux jeunes qui ont un projet d’achat ou de construction dans la commune, la possibilité de disposer d’un logement à loyer modéré, dans l’attente de la concrétisation de leur projet. Le logement Tremplin s’inscrit dans le cadre du Programme communal de développement rural. Il est généralement mis en place dans des communes rurales, dont le principal défi est de conserver une population de jeunes ménages assurant la pérennité de la commune. Pour accéder à ce type de logements, une série de conditions sont généralement fixées, parmi lesquelles le critère de l’âge (<35 ans) et les revenus (modestes). Ce type d’initiatives, qui mérite d’être plus connues, a déjà séduit plusieurs communes rurales et rencontre un véritable succès dans certains endroits.
DU CÔTÉ DES COMMUNES
Le logement Tremplin est mis en place dans les communes qui font le constat d’une diminution de leur dynamique locale. En effet, le vieillissement de leur population a des impacts sur l’organisation communale et peut avoir à terme des conséquences sur le développement économique de la commune. Dès lors, l’intégration de l’ensemble des catégories générationnelles, culturelles et sociales est nécessaire.
Les causes de ce vieillissement de la population sont diverses et liées à l’attractivité de la commune. Les départs peuvent être liés aux études, à l’emploi, aux mariages, aux prix moyens des loyers dans la commune, etc. Mais aussi, à la difficulté de trouver un logement adapté à la fois à ses besoins et au mode de vie actuel. C’est sur ce point précis que les communes peuvent agir pour endiguer le départ des jeunes.
Des jeunes ménages, des familles monoparentales ou des personnes isolées recherchent des logements de taille plus petite que la moyenne. Or, ceux-ci sont rares en zones rurales. Dès lors, cette offre de logement doit être mise en place par les communes mais les raisons budgétaires ne permettent pas d’étoffer indéfiniment les logements mis à disposition. Afin que l’offre réponde à la demande, l’une des solutions consiste à favoriser la rotation des personnes occupant le logement. Comment ? En permettant l’accès à la propriété, tel que le permet le concept du logement Tremplin. A cet effet, les baux des logements Tremplin sont à durée limitée.
DU CÔTÉ DES JEUNES
Aujourd’hui, en Belgique, le coût du logement est de plus en plus élevé. Il devient donc difficile pour les jeunes d’accéder à la location et plus encore à la propriété. Il est nécessaire de pouvoir disposer de temps et de revenus pour constituer une épargne suffisamment importante, compte tenu de la situation des marchés immobiliers.
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Et pourtant, le besoin et l’envie d’indépendance vis-à-vis du cocon familial incite les jeunes à quitter celui-ci pour s’installer dans leur propre logement. On l’imagine bien, il est compliqué pour un jeune d’épargner dans l’objectif d’acheter un bien, tout en payant un loyer. S’ajoute à ces difficultés, les exigences des institutions bancaires. Dans le contexte actuel de crise économique, celles-ci augmentent au point qu’il est de plus en plus difficile pour un jeune de les rencontrer. Pour obtenir un prêt, il devra notamment avoir un apport personnel important, afin que le montant des mensualités soit acceptable.
Comment faciliter alors l’accès à la propriété ? Le logement Tremplin est une des solutions : il offre aux jeunes la possibilité d’avoir un logement à loyer modéré afin de se constituer une épargne qui leur permettra d’acheter leur propre habitation.
LE LOGEMENT TREMPLIN , CONCRÈTEMENT…
Généralement, le public ciblé par ce type de logement est âgé de 18 à 30 ans et perçoit des revenus dits « modestes ». Par exemple, la commune de Perwez exige que les revenus annuels du ménage soient compris entre 23.400€ et 51.300€ pour un couple et 31.200 € pour une personne seule18. Cette même commune demande qu’une des personnes du ménage ait été domiciliée depuis au moins 15 ans dans la commune ou y travaille. Il n’y a pas de règles strictes, chaque commune pose les conditions qu’elle estime répondre au mieux à la situation locale. Le montant du loyer de ce type de logement varie en fonction de la taille et du nombre de chambres. Il est de 650 € dans la commune de Perwez, qui nous sert ici d’exemple phare. Outre le loyer modéré, les ménages disposent d’une réduction de loyer s’ils font construire ou achètent une habitation dans la commune. Cette ristourne varie de 25% à 50% du loyer, selon le nombre d’années d’occupation : 50% lors des deux premières années, 40% après quatre ans d’occupation et 25% après six ans.
L’octroi d’un logement Tremplin est décidé par un Comité d’Attribution et d’Accompagnement des Logements Tremplin. Celui-ci est composé de représentants : - de la commune ; - de la Fondation rurale de Wallonie ; - du Comité local de développement rural ; - du CPAS.
L’accord de ce Comité dépend de critères objectifs, dont nous avons donné quelques exemples. Cet accord est scellé par la signature d’une charte définissant le logement Tremplin et encadrant les droits et devoirs des parties. Cette charte revient notamment sur l’obligation pour le jeune ménage d’entreprendre activement les démarches d’accès à la propriété. Elle revient également sur le rôle de suivi du CAALT et sur la communication proactive des ménages vers ce Comité.
18 Ce seuil est augmenté de 2500 € pour chaque enfant à charge.
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PROPOSITIONS
L’initiative du logement Tremplin est séduisante à plus d’un titre. Dès lors, il serait intéressant de l’étendre. Les Jeunes ont proposé des pistes d’action qui permettraient de la développer.
1. Il serait intéressant que chaque ville puisse proposer ce type de logement. L’offre varierait en fonction des nécessités rencontrées ou non par les communes. A cet effet, la Région Wallonne se doit de coordonner les actions des communes en leur fournissant les outils et organes nécessaires à la bonne mise en œuvre de ce vaste programme.
2. Afin d’éviter que le projet d’achat facilité par le logement Tremplin n’aboutisse pas, comme c’est parfois le cas, il semble opportun que la charte signée par les deux parties revête un caractère contraignant. En effet, le loyer modéré constitue un avantage financier non-négligeable pour le jeune ménage, mais aussi un coût pour la commune : il est essentiel que celui-ci poursuive son projet d’accès à la propriété au sein de la commune qui lui offre ce loyer modéré. Il faut donc instaurer un cadre contraignant et sensibiliser les jeunes sur leurs devoirs afférant à l’accès aux logements Tremplin.
3. Ce type de logement devrait pouvoir s’inscrire à l’avenir dans le cadre de
réhabilitation de sites ou de bâtiments.
4. Informer le public cible sur ce programme est essentiel. Bien peu de jeunes aujourd’hui connaissent cette possibilité. Il faudrait améliorer la communication au niveau régional, afin d’en garantir l’efficience et l’efficacité.
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ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ PRESENTATION DE L’ATELIER ET DE L’INTERVENANT
Nombreux sont ceux qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement rapidement. Lorsqu’on interviewe des personnes dans la rue, à la question « quelle est la période de vie idéale pour acheter son logement ? », la réponse la plus récurrente est « le plus rapidement possible, dès qu’on a un travail stable ». Les raisons invoquées le plus fréquemment sont « d’arrêter d’avoir l’impression de perdre son argent tous les mois en payant son loyer » et « de s’assurer un logement de qualité et un bon niveau de vie lors de sa pension ». Pourtant, dans le contexte actuel, devenir propriétaire devient de plus en plus compliqué. En effet, en 2011, seuls 25 % des jeunes de moins de 30 ans étaient capables de contracter un emprunt pour acheter une maison.
Dans ce contexte, différentes questions se posent. La première est celle de savoir si l’accès à la propriété doit être une fin en soi. José Garcia, secrétaire général du syndicat national des locataires, a exposé son point de vue sur ce sujet. Il a ensuite présenté un système imaginé par le syndicat national des locataires afin que tout un chacun puisse devenir propriétaire. S’en est suivi une discussion sur le système proposé et les possibilités d’accès à la propriété pour les jeunes. Quelques chiffres sur l’accès à la propriété et les propositions humanistes ont ensuite été présentés. Une discussion autour de ces propositions et de la spéculation immobilière a nourri la seconde heure de réflexion.
José Garcia
José Garcia est engagé depuis près de quarante ans dans la défense des droits des locataires en Belgique. Il est actuellement secrétaire général du Syndicat National des Locataires. Ce syndicat est une organisation pluraliste fondée dans les années 70 par un groupe de locataires et de travailleurs sociaux. Il agit tant au niveau individuel via des permanences juridiques proposées aux locataires qu’au niveau politique, via des actions de lobbying. Dernièrement, par exemple, ce syndicat a présenté une liste virtuelle pour les élections 2014 « qui défend le droit au logement », afin d’asseoir sa légitimité auprès des politiques.
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ABOLITION DU LOCARIAT – JOSÉ GARCIA La présentation se base sur un plaidoyer écrit par M. Garcia en mai 2012, qui est repris ci-dessous.
PLAIDOYER : POUR L’ABOLITION DU LOCARIAT ET DU BAILLEURISME
Pour l’abolition du locariat et du bailleurisme mai 2012
Les loyers dans les grandes villes de notre pays atteignent aujourd’hui des niveaux historiques. Ces hausses extravagantes sont notamment liées à l’accroissement démographique, à la multiplication des ménages monoparentaux, au peu de rendement des investissements financiers…
Paradoxalement, une métropole comme Bruxelles n’a pas encore atteint son point de saturation. Premier bassin d’emplois du pays, nombre de locataires et d’allocataires sociaux préfèrent en effet y résider –quitte à acquitter des loyers de plus en plus «insupportables». Conséquence : l’explosion des arriérés de loyer et les risques de perte du logement que cela entraine. Dans ce contexte, une question devrait frapper l’esprit commun : à quoi peut encore servir le bailleurisme si, avec 650 à 700 euros par mois, un locataire est obligé de louer un appartement 2 chambres –alors que la même somme lui permettrait d’assurer le remboursement mensuel d’un prêt hypothécaire pour l’acquisition d’un appartement aux mêmes caractéristiques ? Pourquoi l’acquéreur potentiel serait-il solvable en tant que locataire, mais pas au titre d’acquéreur de son logement (alors que la banque qui octroie un prêt… conserve le droit, en cas d’impécuniosité du gageur, de faire vendre le bien pour récupérer sa mise) ? En tout état de cause, la situation de l’organisme financier est donc bien plus sécurisée que celle d’un bailleur. Il n'y a qu'à comparer le nombre d'arriérés locatifs au nombre d'impayé bancaire. Et pourtant, les bailleurs ne s'essoufflent pas, preuve qu'ils sont capables d'avoir un comportement plus téméraire que les institutions de crédit –puisqu'à montant égal, ils prennent nettement plus de risques. On le voit la solvabilité est donc en réalité un faux problème, car, acculé à devoir se trouver un toit, n'importe quel ménage est obligé d'accepter les conditions financières du marché pour s'en offrir un, ni plus ni moins. D'autre part, dans notre pays, l'État (mu par une logique de stabilisation méritocratique des «ménages fiscaux») est généreux et large avec les personnes qui peuvent faire, voire osent faire le pas. C’est prouvé : la déductibilité des intérêts hypothécaires, plafonnée à un certain montant et permise pour un seul logement, apporte une bouffée d'oxygène précieuse aux classes moyennes. Cet avantage est non seulement conséquent, mais surtout récurrent et irréversible (sauf achat d'un deuxième bien). Il faut y adjoindre les primes à la rénovation et les primes Energie. Ainsi, les acquéreurs se voient récompensés pour leur prise de risque, voire félicités par l'État. Une politique du «deux poids, deux mesures» puisque les classes les plus défavorisées sont, elles, poussées d'instinct à une prise de risque maximum (par ailleurs disproportionnée par rapport à leurs revenus). D’autant qu’elles ne jouissent d'aucun
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allègement fiscal –sauf déduction possible d’une partie du précompte immobilier sur le loyer à payer, une réduction que peut obtenir l’occupant père de famille pour son bailleur. Conclusions : si l’accès à la propriété et la location sont les deux manières de pouvoir concrétiser le droit constitutionnel à un logement décent, pourquoi faut-il deux situations avec des niveaux de protection de ce droit très différents ? Comment justifier la coexistence de deux sphères d’interactions ? Pourquoi, en toute logique, ne pas supprimer le statut de locataire et par voie de conséquence celui de bailleur ? Bien sûr, des exceptions devront être maintenues tels les logements étudiants, de transit, etc. Mais pourquoi ne pas envisager une société de propriétaires où chacun serait bien chez lui, au-delà des disparités socio-économiques ? Nous mettrions ainsi fin à l’inégalité du risque financier et social encouru par les uns et les autres. Évidemment, il y aurait levée en masse de boucliers : les banques (même protégées par la garantie) y trouveraient mille choses à redire ; les bailleurs d'aujourd'hui s'insurgeraient contre une manœuvre de type «collectiviste» ou prétendument «communiste». Alors que cette politique n'est en rien collectiviste, elle permettait au contraire de conforter la propriété privée en l'élargissant à presque tout un chacun, l'État y trouverait son compte à tous les niveaux (précompte immobilier, droits d'enregistrement, droits de succession), les assurances également, sans parler du secteur de la construction. Bref : que des avantages. Sauf à vouloir absolument garder, par principe, l'inégalité entre les gens ou à vouloir encore profiter de ces distorsions pour spéculer. Car il est vrai que, pour les banques, le prêt hypothécaire à l'adresse des particuliers ne représente plus qu'une part négligeable de leur chiffre d'affaire (si elles le développent encore, c’est comme «produit d'appel»). Les bailleurs, surtout les multibailleurs, eux-mêmes multipropriétaires, s'opposeront de toutes leurs forces à ces mesures qui leur enlèveraient «le pain de la bouche» –eux qui se sont fait une spécialité de spéculer sur l'offre et la demande, jouant sur tous les tableaux, peu taxés et fort libres de fixer leurs propres prix et critères. Par effet collatéral, ces groupes sociaux et corporations ne manqueraient pas de communiquer bruyamment leur mécontentement au personnel politique en place, le menaçant d'effondrement économique, de fuites de capitaux, de régression philosophique, et tutti quanti… Tiraillés entre deux mondes (classes moyennes et milieux populaires) et deux logiques (celle des capitaux et celle des revenus), les édiles auraient bien du mal à trancher. On le voit, cela ne sera pas simple. Mais créer un tel système constituerait une véritable révolution philosophique et financière, qui serait des plus bénéfiques pour les générations à venir. Rien n’empêche de rêver ! José Garcia — Secrétaire Général du SL
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CHANGER DE SYSTÈME : LE DROIT À LA PROPRIETE POUR TOUS
En Belgique, il y a plus de propriétaires que de locataires. Pourtant, il y a plus de locataires que de bailleurs. En effet, il existe deux types de propriétaires : ceux qui occupent le bien pour y vivre et ceux qui le louent. Or, dans notre société, un des objectifs de la population est de devenir propriétaire. Pour la majorité de la population, posséder sa maison en propre permet de garantir son avenir. Tout un chacun ayant besoin d’un logement durant l’ensemble de sa vie. Le logement est un besoin indispensable. Dès lors, il semble indispensable de changer le paradigme de la garantie du droit au logement. En effet, puisque c’est un besoin, pourquoi ne pas mettre en place un système qui permettrait aux jeunes de toutes catégories sociales d’accéder au logement ? Nous pourrions créer un système d’aide à l’accès à la propriété pour les jeunes : dès que le jeune veut quitter son domicile parental, on lui propose une aide pour acheter son premier bien. Ainsi, en mettant en place ce système d’aide, on pourrait permettre à chacun d’accéder à un logement et remplir ainsi un besoin fondamental. Il ne faut pas confondre le système que nous proposons avec celui des « subprimes » où les banques prêtaient à n’importe qui, sans garantie. Ici, il s’agit d’une aide provenant des pouvoirs publics. Ainsi, même si la banque venait à faire faillite, le prêt et le logement seraient garantis. Concrètement, le système prendrait la forme d’un prêt garanti. Le remboursement de ce prêt serait calculé en fonction du revenu. Il serait donc ouvert à tous, y compris aux bénéficiaires du revenu d’intégration. Il n’y a que très peu de risques d’arriérés de paiement, puisqu’il est rarissime que des personnes touchent un revenu plus bas que le montant d’intégration. Si on calcule le montant en fonction de cela, chacun pourra honorer le remboursement hypothécaire, alors quel problème ? Aucun, si nous réfléchissons bien l’adaptabilité du système de prêts hypothécaires aux revenus. La mise en place d’une telle mesure permettra d’offrir à tous le même droit au logement, quels que soient les revenus de la personne. Pourquoi vouloir changer le système et les politiques ? Car nous partons d’un constat : malgré toutes les politiques et mesures prises en faveur de l’accès au logement ces dernières années, la situation des personnes les plus précaires est très difficile. Les loyers des logements locatifs sont très élevés, toutes les tentatives de régulation faites ces dernières années ont échoué. Dans le même temps, les mesures prises en faveur de l’accès à la propriété ne permettent pas aux plus pauvres d’y accéder. En effet, ces mesures prennent la forme, le plus souvent, de déductions fiscales ; déductions qui ne profitent qu’à certaines catégories de revenus, les ménages les plus pauvres n’étant pas soumis à l’impôt sur le revenu.
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CONTEXTE ET PROGRAMME DU CDH
LES JEUNES ET L’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ EN CHIFFRES19
Nous l’avons vu, l’accès au logement est un besoin fondamental tout au long de la vie. Posséder son appartement ou sa maison permet à de nombreux Belges de s’assurer qu’ils auront un endroit où vivre pour leurs vieux jours, quels que soient leurs revenus. Ainsi, nombreux sont les citoyens qui souhaitent devenir propriétaires. 68 % des Belges sont d’ailleurs propriétaires, ils sont déjà 41 % chez les moins de 30 ans à avoir acquis leur logement. En Belgique, l’âge moyen d’achat de son habitation est de 31 ans. Il est légèrement plus bas chez les francophones : 29,78 ans en Wallonie, 30,3 ans à Bruxelles. Depuis quelques années, cette moyenne a tendance à augmenter. En effet, acheter signifie souvent emprunter, et donc avoir une capacité d’emprunt suffisante. Or, actuellement, seuls 29 % des moins de 30 ans se verront accorder un prêt par leur banque, ils seront 38 % chez les 30-40 ans. De plus, nous pouvons constater que plus l’acheteur est jeune, plus la période de remboursement sera grande : alors que l’étalement moyen est de 25 ans chez les 30-40 ans, il sera de 30 ans, chez les moins de 30 ans. Enfin, lorsqu’on emprunte, il est demandé un apport personnel minimum. Actuellement, les jeunes apportent en moyenne 10 à 20 % du prix d’achat. Dans 37 % des cas, les parents aident à la constitution de cet apport personnel, cette aide constituant en général moins de 10 % du prix d’achat.
19 Les statistiques présentées ici sont issues de ‘la grande enquête Immoweb 2011’ et de l’IWEPS (Institut Wallon de l’Evaluation et de la Prospective Statistiques).
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PROGRAMME DU CDH Les propositions présentées lors de ce colloque sont issues du programme complet du cdH en vue des élections européennes, fédérales et régionales du 25 mai 2014.
Proposition 201 : Faciliter l’accès au logement Pouvoir devenir propriétaire de son logement est une priorité pour de nombreuses personnes. C’est également un des meilleurs moyens de s’assurer un niveau de vie décent lorsque l’on est pensionné. La déduction fiscale des crédits contractés pour l’achat d’une habitation est la principale aide fiscale favorisant cet accès à la propriété. Or cette compétence est désormais transférée aux Régions. Il reviendra aux régions d’élaborer leur propre politique en matière d’habitation. Pour le cdH, il est important de préserver ce système, le cdH propose de : - confirmer le maintien de la déductibilité des prêts hypothécaires ; - instaurer un avantage fiscal pour orienter l’épargne vers l’investissement immobilier
(voir proposition 254); - permettre l’étalement du paiement des droits d’enregistrement pour la première
habitation (voir proposition 268) ; - instaurer la portabilité des droits d'enregistrement pour déménager sans frais (voir
proposition 275) ; - relever les avantages fiscaux liés aux emprunts de rénovation dans le cadre d’un
logement partagé (voir proposition 281). - réduire les droits de successions sur le logement que les héritiers acceptent de
confier à une agence immobilière sociale (AIS) durant minimum 12 ans (proposition 271).
Proposition phare 267 : Permettre aux jeunes de devenir propriétaires en payant
moins cher : la formule « J » Pour aider les jeunes à trouver un logement qui correspond à leur budget et à leur souhait, nous proposons de lancer la formule « J ». Celle-ci permet aux jeunes ménages de n'emprunter à la banque que le prix des briques, pas celui du terrain. La formule « J » prévoit de reporter l'acquisition du terrain, avec droits d’enregistrement réduits à plus tard. Le jeune devient propriétaire du bâtiment, déjà construit ou à construire, mais pas encore du terrain, selon le principe du droit de superficie. Le terrain est mis en location, sur base d’un leasing (minimum 15 ans) ou d’une emphytéose (minimum 27 ans). Le loyer à payer par le jeune sera réduit. Au terme du leasing ou de l’emphytéose, la personne aura le choix entre racheter le terrain pour en devenir pleinement propriétaire, revendre son habitation ou reconduire le leasing ou l’emphytéose. Des agences régionales de développement territoriales (voir proposition 253) seront chargées d’acquérir des terrains non bâtis ou bâtis ainsi que des immeubles. Elles pourront viabiliser les terrains, rénover des immeubles existants ou encore bâtir sur les terrains acquis, avant de mettre en vente le droit de superficie ou l’emphytéose. 10 % des terrains à bâtir doivent être réservés à la formule J. Afin de financer cette formule « J », une partie de l’épargne des Belges sera orientée vers le secteur de la construction et du logement et une taxe sera imputée au secteur de la finance afin de compenser les risques qu’il ne prend plus. L’étalement des droits d’enregistrement, du coût de l’inscription hypothécaire et des frais de notaire prendra la forme d’un prêt à
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taux réduits. Un certificat "fonds propres" permettra d'assimiler ces interventions aux fonds propres et ainsi "rassurer" le banquier privé pour qu’il accorde un taux avantageux. Les jeunes qui souhaitent construire eux-mêmes leur habitation, devront toutefois respecter un cahier des charges afin d’optimiser la performance énergétique du bâtiment et de garantir l’adaptabilité de l’habitation, en fonction du cycle de la vie. Le cdH veut réserver 10 % des terrains à bâtir ou déjà bâtis à la formule « J » : - Le jeune devient pleinement propriétaire du bâtiment, mais pas encore du terrain.
Le coût est donc réduit, car il ne faut payer que la construction. - Le terrain est mis en location, sous la forme d’un leasing (15 ans minimum) ou d’une
emphytéose (27 ans minimum). Le montant du loyer est limité. - Au terme du leasing ou de l’emphytéose, la personne peut soit racheter le terrain
(avec droits d’enregistrement réduits), soit revendre son habitation, soit reconduire l’emphytéose.
Par ailleurs, le cdH propose de maintenir et d’amplifier le bonus-logement pour permettre aux jeunes ménages de bénéficier, le cas échéant si certaines conditions de revenus maximaux à définir sont rencontrées, des réductions fiscales sur toute la durée du remboursement. Le bonus-logement permet à celles et ceux qui souscrivent un emprunt hypothécaire de déduire de leurs impôts le remboursement des intérêts et d’une partie du capital de cet emprunt – ainsi que les primes de l’assurance solde restant dû. À Bruxelles, le cdH propose également d’accorder une exonération pour une période déterminée (10 ans) du précompte immobilier pour toute acquisition d’un premier logement dans lequel le ménage s’installe et se domicilie.
Proposition 268 : Etaler les droits d’enregistrement sur 5 à 10 ans sur la première habitation
Pour un bien situé en Wallonie d’une valeur de 175.000 euros, les droits d’enregistrements peuvent s’élever à 22.000 euros et les autres frais (notaires, inscription hypothécaire…) à 3.500 euros. À Bruxelles, les droits seraient alors de 14.000 euros. Il faut donc encore débourser 14.000 à 25.000 euros, le plus souvent en apport personnel, parce que le secteur bancaire refuse aujourd’hui de couvrir ces frais. Afin de réduire les barrières à la propriété, notamment pour les jeunes, le cdH propose de permettre un étalement du paiement des droits d’enregistrement sur 5 à 10 ans. L’étalement lève un obstacle majeur de l’accès à la propriété : devoir débourser plusieurs milliers d’euros d’impôt au moment de l’achat. Il permettra également aux candidats acquéreurs qui le peuvent et le souhaitent, d’utiliser leur épargne comme apport en capital pour financer une partie de la valeur vénale du bien immobilier, et réduire le montant de l’emprunt, la quotité20 et donc le taux d’intérêt proposé et les mensualités à payer durant plusieurs années. Le cdH propose de permettre l’étalement des droits d’enregistrement. Cette proposition permet les avantages suivants : - Pas de grosse somme à payer au moment de l’achat de son logement, mais des
droits d’enregistrement à verser chaque mois pendant 5 à 10 ans. - Si l’emprunteur décide d’utiliser le montant équivalent aux droits d’enregistrement
qu’il aurait dû payer pour réduire le capital à emprunter auprès de sa banque, il bénéficiera d’un taux d’intérêt plus avantageux et devra moins rembourser chaque mois à la banque.
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- Une mensualité totale (remboursement du crédit et droits étalés à verser pendant 5 à 10 ans) qui, durant les premières années, ne dépasse que de quelques euros la mensualité que l’emprunteur aurait dû rembourser à la banque sans étalement. Cela revient donc presqu’à supprimer les droits d’enregistrement, du point de vue de l’emprunteur !
DISCUSSION Lors de cet atelier, la discussion a pris la forme de questions-réponses entre les participants, ainsi qu’avec M. Garcia.
Le système d’accès au logement pour tous est intéressant. Cependant, dans le système économique actuel, ce sont les banques qui fixent les conditions d’accès aux crédits et ne l’accordent pas en dessous d’un certain revenu.
L’idée du système présenté plus haut serait de reprendre les « prêts hypothécaire du crédit social20 ». C’est-à-dire que l’établissement prêteur ne serait plusune institution bancaire privée mais deviendrait un organisme officiel soutenu par le gouvernement wallon. Le problème soulevé par ce système est que l’octroi d’un tel prêt est conditionné à l’achat du premier bien, ce qui rend la mobilité difficile. De plus, les besoins évoluent avec le temps : si le jeune travailleur n’a d’abord besoin que d’un studio, ce sera d’un appartement ou d’une maison avec plusieurs chambres quelques années plus tard, lorsqu’il fondera une famille. Il faudrait donc alors prévoir une portabilité21 de la mesure. Ou par exemple, pourquoi ne pas offrir un taux préférentiel aux jeunes qui vendent leur premier bien pour s’en acheter un plus grand ? Une autre question laissée sans réponse sur ce système est le coût pour l’État qu’engendre ce type de système.
Aujourd’hui, pour accéder à un prêt, les banques demandent à l’emprunteur un apport personnel important…
En effet, les jeunes qui entrent sur le marché du travail n’ont souvent pas ce capital. Il faut un certain temps pour créer cette épargne. Ce serait donc aux parents d’offrir cet apport. Or ils n’ont pas forcément cet argent, que ce soit parce qu’ils perçoivent un salaire très bas ou parce qu’ils ont une famille nombreuse… La capacité d’emprunt des jeunes est donc assez faible, ce qui entrave l’accès à la propriété.
La formule J : une vraie bonne idée ? Le cdH propose dans son programme la formule « J »: le jeune achète les murs et loue le terrain, sous forme de leasing ou d’emphytéose. Cette proposition a fait l’objet de plusieurs questions et réflexions.
20 Pour plus d’informations sur le crédit social : http://www.swcs.be/nos-prets/nos-formules-de-prets (Wallonie) et http://www.fondsdulogement.be/fr/credits-hypothecaires (Bruxelles) 21 Par portabilité de la mesure, on entend la possibilité pour un jeune de pouvoir jouir de ce type de prêt lorsqu’il change de logement : s’il revend son studio pour acheter un appartement, le prêt pour celui-ci serait du même type
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Premièrement, la formule propose que le terrain soit loué sous forme de leasing ou d’emphytéose. Ce dernier type de bail pose question. En effet, actuellement dans le droit belge, à la clôture du bail emphytéotique, le terrain et l’ensemble du bâti construit sur celui-ci revient au propriétaire du terrain22. L’emphytéote (locataire du terrain) ne reçoit aucune plus-value sur ses investissements, la maison construite appartiendra donc au propriétaire. Cela pose donc un vrai problème : si le droit n’est pas modifié, le jeune investira sans être certain de pouvoir revendre sa maison ou acheter le terrain à la fin du bail. Ensuite, un second obstacle a été mis à jour, d’ordre psychologique cette fois-ci : les citoyens, jeunes et moins jeunes aspirent avant tout à être « plein propriétaire ». Plusieurs participants ont émis des doutes quant à l’attractivité d’une telle mesure. Ils pensent que l’idée de devoir louer le terrain sur lequel est construite la maison dissuadera les citoyens de choisir ce genre de formule, les futurs-acquéreurs préférant être propriétaire de l’ensemble du domaine : terrain et bâti. Cependant, d’autres répondent que cette formule répond au besoin de logement et au désir d’être propriétaire des personnes qui n’ont pas la capacité d’emprunter le prix d’un terrain et d’un logement.
Une autre solution… les logements Tremplin Pour répondre à ce besoin de logement, une alternative à la formule « J » pourrait être le développement des logements Tremplin. Ceux-ci sont venus du souhait de communes délaissées par les jeunes de les attirer : pour ce faire les communes proposent un logement pour un loyer réduit au jeune couple, en échange celui-ci s’engage à construire une maison sur le territoire de la commune dans les cinq ans à venir. Formule « J » ou logements Tremplin permettraient aux jeunes d’accéder à la propriété, dès leur entrée sur le marché du travail. Mais pourquoi vouloir devenir propriétaires si tôt ? Deux raisons ont été évoquées, la première rejoint les discussions précédentes : la volonté d’assurer sa fin de vie, acheter sa maison étant la garantie d’avoir un toit sous lequel vivre, une fois l’âge de la pension venu. La seconde est le sentiment que beaucoup de locataires ont de perdre de l’argent, lorsqu’ils paient leur loyer. Rembourser un emprunt, c’est investir son argent, alors que payer un loyer, ce serait « enrichir » une tierce personne, perdre de l’argent donc.
Accomplir le besoin de logement… pour la marge ? Les réflexions durant ce colloque le montrent : il existe une multitude de solutions pour accomplir le besoin de logement. Mais il faut éviter que ces solutions ne concernent que la marge. C’est-à-dire que les conditions d’octroi d’aide, ou d’attribution d’un logement « tremplin/kangourou (etc.) soient si strictes que peu de personnes s’y retrouvent. Mais comment ne pas se limiter à la marge ? Certains pensent qu’il faut prendre des mesures qui « imposent » les choses, d’autres pensent qu’il faut élargir les critères d’admissibilité. Pour tous, la volonté première est que chacun puisse accéder à un logement, la manière pour y arriver fait débat.
22 Si vous souhaitez une clarification sur le bail emphytéotique : http://www.avocats-legalex-namur.be/droit-biens/emphytheose-superficie.html
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Nombreux sont les jeunes qui achètent une vieille maison pour la rénover. Cependant, par manque d’argent, ils vivent souvent dans les travaux durant plusieurs années. Comment pourrait-on les aider ?
Actuellement, la législation prévoit un bail « pour réhabilitation »23 : en échange de l’exécution de travaux, le propriétaire s’engage à ne pas faire payer de loyer (ou à le diminuer) durant un temps fixé. Nous pourrions imaginer la même chose pour l’achat de maisons à rénover. Cependant, l’expérience des baux n’est pas très concluante : très peu de jeunes ont choisi ce bail et parmi ceux qui en ont signé un, seuls 1 ou 2 % ont abouti. Les autres ont abandonné pour une série de raisons parmi lesquelles la nécessité d’être expérimenté dans la rénovation avant de se lancer dans un tel projet. Mais peut-être que l’investissement dans ces travaux serait plus grand si les jeunes qui s’y engagent avaient la possibilité d’acheter le bien à la suite des rénovations ? Pour les inciter et les aider à investir dans ce genre de formule, ne pourrait-on pas proposer une réduction de TVA sur l’achat des matériaux (ou autres) ? Il existe déjà à Bruxelles une prime à la rénovation. Pourquoi ne pas déjà l’évaluer en vue de l’améliorer et de l’élargir à la Région Wallonne ?
Bruxelles : logements vides et inoccupés Dans les centres urbains, on observe de plus en plus de logements inoccupés, à Bruxelles, il y en a actuellement près de 20 000 dont 5000 sont totalement salubres. Ces logements appartiennent à des propriétaires qui les ont achetés par spéculation : la zone est amenée à voir ses prix doublés ou triplés dans les années à venir par exemple, ou par des propriétaires qui craignent les locataires. La priorité dans ces zones est d’une part de lutter contre la spéculation et d’autre part d’inciter les propriétaires à mettre en location leur bien. Les AIS peuvent jouer le rôle de garant pour les propriétaires qui craignent les arriérés de loyers et les dégâts locatifs.
Reconversion de logement ? À Bruxelles, il y a près de 200 000 m² de bureaux inoccupés. Alors que les prix des logements augmentent, pourquoi ne pas reconvertir ces bureaux en logement ? Une des idées évoquées est celle d’offrir une réduction fiscale aux propriétaires qui reconvertissent les bureaux en logement à louer. De plus, nous pourrions imaginer des politiques qui promeuvent la reconversion de logement. Par exemple, elles pourraient encourager la construction de logements dont les fondations prévoient la modularité (l’ajout de mur par exemple). Par ailleurs, ces politiques pourraient également être liées au réaménagement du territoire, par exemple en réhabilitant d’anciens chancres industriels. Cependant, ces remaniements ont des limites : la création de logements dans des endroits désertés a un coût qui peut être très important, notamment en équipement ou dans la remise aux normes (par exemple, avant de réinvestir d’anciennes usines, il faut s’assurer qu’il n’y ait pas d’amiante dans la construction).
23Les locataires souhaitent ou acceptent parfois d'effectuer de petits ou de grands travaux dans le bien loué. De tels travaux améliorent non seulement les conditions de vie du locataire mais s'avèrent également utiles pour l'état général de l'habitation. A cet effet, un contrat spécial a été créé : le bail de rénovation. (http://www.belgium.be/fr/logement/location/bail/bail_de_renovation/)
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CONCLUSION
En guise de conclusion, établissons la synthèse des orientations évoquées et des propositions exprimées durant les trois ateliers :
Atelier 1. Le premier logement locatif
Faciliter l’accès pour tous
Constitution d’un fonds de garantie locative (anonyme et obligatoire)
Instaurer une grille de référence pour les loyers
Lutter contre les discriminations
Encourager le dialogue entre propriétaire et locataire
Mettre en place une campagne de sensibilisation de la population
Élargir le rôle des AIS à la médiation Créer des commissions paritaires locatives ; élargir leur mission à la
médiation Créer un bureau de médiation indépendant
Atelier 2. Les alternatives au logement
Développer le logement kangourou
Mettre en place des institutions officielles encadrant le logement intergénérationnel
Créer un label de qualité « logement kangourou »
Encourager le secteur de la construction à bâtir des logements modulables
Injecter les primes de la rénovation énergétique dans la création de logements
intergénérationnels
Développer le logement Tremplin
Développement de l’offre dans chaque commune
Coordination de l’offre par la Région Wallonne
Mise en place d’une charte à caractère contraignant
Informer la population de l’existence de ce type de logements
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Atelier 3. Accès à la propriété
Améliorer l’accès à la propriété des jeunes
Développer la formule J (après avoir réglé le problème de l’emphytéose)
Promouvoir les logements tremplin auprès des communes et de la population
Développer les aides à la rénovation : bail de réhabilitation avec possibilité d’achat à
la clé ; prime à la rénovation ; …
Reconvertir les logements
Encourager les propriétaires de bureaux vides à les reconvertir en logements, via
des réductions fiscales Encourager les constructions de logements dont les fondations prévoient la modularité
du logement
Jeunes cdH asblRue des Deux Eglises,41
1000 Bruxelles