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Page 1: COLLEGE AU CINEMA 2012 / 2013 - Ciné 32 · PDF filenageur de La leçon de ... les astuces et les trucages du cinéaste-magicien ... EN CHEMIN de Mikhail Kobakhidzé / France / 2002

IMAGINAIRE EN COURTS Programme de six courts-métrages I 1h04 I France

Ce programme de courts-métrages, proposé pour la

première année dans le cadre de Collège au cinéma,

est définitivement placé sous le signe du mensonge,

de l’esbroufe et de l’illusion. Chacun des six films

révèle le pouvoir mystificateur et enchanteur du

septième art, art du trucage et du leurre.

La Lettre , premier court-métrage de Michel Gondry,

nous plonge, dans une succession de trompe-l’œil,

au cœur des songes de Stéphane, un jeune

amoureux transi. Le regard de Jonas, apprenti

nageur de La leçon de natation transforme une

simple piscine municipale en lieu fantasmagorique peuplé de créatures étranges. Les effets

spéciaux de Carlitopolis rendent hommage à Méliès, le magicien du cinéma des origines, tandis

que les images convexes de Stretching réinventent, par le biais de l’illusion optique et de la

pixilation1, un autre rapport au temps et à l’espace. Plus loin, c’est au tour d’Emilie Muller , une

jeune actrice époustouflante, de bluffer spectateur et metteur en scène. Décidément, les matières

et les personnages n’en finissent pas de nous duper. Le héros de En chemin en fera l’étrange

expérience, avant de se dépouiller d’encombrants objets grâce à des trucages visuels d’une

grande simplicité poétique.

CARLITOPOLIS de Luis Nieto / France / 2006 / 3’27

Un jeune étudiant présente son projet de fin d’études devant un

jury. Une petite souris de laboratoire appelée Carlito lui sert de

cobaye. Au-dessus de lui, un écran témoin renvoie l’image de

ses expériences.

Le cinéma, un art de l’illusion

Voici une extravagante simulation d’une expérience scientifique qui

tourne au cartoon burlesque. Avec son lot de sadisme et sa réinterprétation absurde des lois de la

physique, comment ne pas songer à Tex Avery ? Tout comme l’univers de l’animateur, dans lequel

les toons subissent les plus incroyables déformations, Carlitopolis glisse irrésistiblement du

rationalisme le plus strict (plan séquence, fixité du cadre, personnage statique plongé dans un décor

minimaliste) à la fantaisie la plus folle, faisant subir au corps d’un pauvre animal les plus incroyables

déformations. La petite souris se dédouble, gonfle, dégonfle, explose et crame sous le regard

imperturbable d’un scientifique fou, dont la monotonie du ton et la précision des gestes participent au

burlesque de la scène.

1 Prise de vue image par image utilisée dans les films d’animation

L’homme a la tête de caoutchouc, George Mélies, 190 1

COLLEGE AU CINEMA 2012 / 2013

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Si le style du cartoonist texan est bien présent, Carlitopolis est aussi un hommage explicite au plus

grand des magiciens, Georges Méliès. Explicite dans le choix du lieu de tournage (le cinéma Le

Méliès à Montreuil, ville où le cinéaste construisit son premier studio) et dans les effets spéciaux qui

convoquent, à l’ère numérique, les astuces et les trucages du cinéaste-magicien : montage cut pour

les apparitions et les disparitions, dédoublement, abus de fumées et autres artifices opaques. En

1901, grâce à l’effet de surimpression, George Mélies se dédoublait dans une expérience qui voyait

sa tête gonfler et dégonfler (L’Homme à la tète de caoutchouc). L’outil change, le plaisir de la

prestidigitation, lui, reste le même.

EMILIE MULLER de Yvon Marciano / France / 1993 / 19’55 Une jeune comédienne passe un bout d’essai devant un

metteur en scène. Celui-ci lui demande de vider son sac et

d’improviser un commentaire sur tout ce qu’il contient.

Elle s’exécute dans un numéro étourdissant.

Le cinéma, un art du mensonge et de la séduction.

« Vous aimez séduire ? ». « Franchement je ne crois pas » répond Emilie Muller. Séduire, mentir,

enchanter, c’est pourtant bel et bien ce que cette actrice s’emploie à faire, sans que, jusqu’au bout,

ni le metteur en scène qui la filme, ni le spectateur qui la regarde ne soupçonnent son jeu.

Les trois claps du film qui annoncent la mise en route de la caméra (encore en pellicule) marquent le

début des trois plans séquence dans lesquels une femme joue le rôle d’une actrice filmée lors d’un

casting. La mise en abîme est double : celle de l’écran dans l’écran (l’écran de contrôle devient

l’écran du film qui nous est projeté), celle du récit dans le récit. Les histoires et anecdotes contés par

la jeune femme ne sont pas les dévoilements intimes d’une actrice timide mais au contraire les

improvisations d’une actrice époustouflante. Un ultime coup de théâtre révèle la duplicité, ou

devrions-nous dire le talent, de la jeune actrice : ce sac n’était pas le sien.

Metteur en scène et spectateur sont bluffés ! La comédienne Emilie Muller/ Veronika Varga disparaît

du cadre et de la lumière pour se dissoudre dans l’obscurité dans un effet qui rend d’autant plus

irréelle et spectrale l’existence de ce personnage.

LA LECON DE NATATION de Danny De Vent / 2008 /

France, Belgique / 8’40 / animation papier découpé et 3D

Jonas s’apprête à suivre son premier cours de natation.

Inquiet et curieux, il découvre l’eau et la piscine municipale, ses

règles, ses bruits et ses drôles d’habitants en bonnet de

caoutchouc.

Le cinéma, un art de la sensation

En moins de dix minutes, cette leçon de vie nous fait partager le

parcours semé d’embûches d’un personnage haut comme trois pommes qui va expérimenter tout un

panel d’émotions, de la peur de l’inconnu au plaisir du jeu, avant de conquérir ce nouvel espace.

De fait, l’histoire est uniquement racontée du point de vue de l’enfant, entre inquiétude et

émerveillement. Les adultes coupés au niveau des cuisses ou du bassin, deviennent des corps

monstrueux sans tête. Lorsque Jonas, flottant sous le plongeoir, regarde le saut de l’ange au-dessus

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de sa tête, son point de vue en contre plongée doublé d’un ralenti donne la mesure de sa

fascination.

Film quasiment sans paroles (à l’exception d’un seul «maman !» au tout début), La leçon de natation

déploie un espace sonore à la mesure de l’angoisse de Jonas. On entend ainsi des voix étouffées

(rires, cris), les pas sur le carrelage, et un ensemble de bruits aquatiques (plongeons,

éclaboussures, clapotis) familiers à tous les nageurs. La bande son adopte le point de vue sonore de

Jonas avec de réguliers changements de perception auditive, dans l’eau (bruit sourd et étouffé) et

sur l’eau (l’effet d’écho), nourrissant une forte connivence entre le spectateur et l’apprenti nageur.

Par une technique d’animation mixte, savant mélange entre l’artisanat et la 3 D, la mise en scène de

Danny De Vent alimente ce sentiment d’étrangeté et d’angoisse. Pour ce faire, il s’amuse des

contrastes de texture entre la chair rose de l’enfant, tout en pastel et papier découpé, et l’univers

froid et métallique de la piscine municipale. Celle-ci est peuplée d’étranges créatures. Grands, petits,

gros ou maigres, la piscine est le lieu de découverte des corps et de leurs différences. Observant

ces morphologies et expérimentant cet élément aquatique, le petit Jonas va progressivement

transformer son regard sur ce lieu, se familiariser avec lui et ressortir grandi de cette épreuve.

EN CHEMIN de Mikhail Kobakhidzé / France / 2002 / 12’40 Sur une plage déserte, un homme sort de la mer. Il porte

plusieurs valises, un sac et un parapluie qui ralentissent sa

marche. Lorsqu’une tempête s’élève, tous ses biens

s’envolent, ainsi que ses propres vêtements et l’homme se

retrouve entièrement nu.

Le cinéma, un art poétique Costume et chapeau strict, image en noir et blanc, bande

son muette... il y a du cinéma burlesque dans ce film et du

Buster Keaton dans ce personnage, maladroit et surchargé, qui, une fois dépouillé de tout,

découvrira la beauté du monde.

On retrouve chez lui ce même rapport aux objets, démesurés, inutiles, qui entravent, empêchent, et

finissent par posséder celui qui les possède (Harold Lloyd dans Safety Last !, Monsieur Hulot dans

Mon Oncle).

Usant d’une large palette symbolique (le décor vide, l’homme seul, le soleil et les nuages), En

chemin offre une leçon de vie où l’absurdité de la condition humaine (un homme enchaîné à des

objets inutiles) trouve sa réponse, lumineuse, dans le dernier plan du film.

Après avoir perdu ses biens et ses habits, l’homme nu renaît libéré, habillé de blanc, regard tourné

vers le soleil, capable enfin d’entendre le chant des oiseaux. La simplicité des trucages (ventilateurs

et fil de pêche transparent), les apparitions surréalistes (un âne volant !), l’absence de dialogue, la

durée des plans, la langueur et la mélancolie de la partition de Chopin, sont les matériaux d’une

mise en scène qui révèle la puissance onirique du cinéma et sa capacité à poétiser le monde.

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LA LETTRE de Michel Gondry / France / 1998 / 13’27 Une nuit, à dix jours du réveillon de l’an 2000, Stéphane

agrandit le portrait d’Aurélie, sa copine de classe dont il est

amoureux. Son grand frère, qui le croise dans le couloir,

décide de lui donner quelques conseils pour se déclarer.

Inquiet, Stéphane s’endort et vit en rêve un réveillon

catastrophique. Au réveil, il n’a qu’une hâte, récupérer la

lettre qu’Aurélie lui a écrite.

Le cinéma, entre rêve et récit autobiographique

Tout comme dans La leçon de natation, La lettre s’amuse à représenter l’espace mental de son

personnage principal, mais avec d’autres outils : à la fois la surimpression et la pixilation (en post

production) et des trucages directement sur le plateau de tournage. Explosion, fumée, maquette et

jeux d’échelle…tels sont les jouets de Michel Gondry. Photographe amateur, Stéphane se rêve en

appareil photo géant tandis que sa douce Aurélie, insaisissable, reste une image en négatif. On

retrouve ici encore un hommage à la prestidigitation et aux effets optiques.

A cet art de l’illusion, le cinéaste ajoute un certain goût pour les récits enchâssés, structure qu’il

exploitera par la suite dans ses longs-métrages (Eternal sunshine of the spotless mind en 2004, La

science des rêves en 2006, Soyez sympa, rembobinez en 2010).

Cette narration en forme de poupée gigogne (le récit dans le récit, le rêve dans la réalité, le rêve

dans le rêve) plonge le spectateur au cœur de l’inconscient de Stéphane. Ce personnage semble

nourri, comme dans presque tous les films du cinéaste, d’une grande part autobiographique…avec

une forte prédilection pour le dépit amoureux ! Humilié à deux reprises (dans son rêve et lors de la

lecture de la lettre d’Aurélie qui lui avoue « avoir un faible pour son frère »), Stéphane finira par se

débarrasser des portraits de son icône pour retourner, seul, à sa triste réalité.

STRETCHING de François Vogel / France / 2009 / 4’20

Un homme en short fait sa gymnastique dans les rues de

New York. Tandis qu’il fait ses exercices d’étirements, le

décor change, s’anime, comme si la ville elle-même et son

architecture entraient dans la danse.

Le cinéma, un jeu de déformation

Dernier film du programme Imaginaire en courts, Stretchnig en est une parfaite conclusion : on y

retrouve l’attirance pour la prestidigitation et le trompe l’œil de Georges Mélies, la simplicité des

effets et l’économie de moyens de Michel Gondry (pixilation d’images reflétées dans une boule de

noël), un penchant pour la déformation des corps et des matières très cartoon et la matière poétique

du film de Mikhail Kobakhidzé, le tout placé sous le signe du cinéma d’avant garde de Dziga Vertov.

Composé comme une toile abstraite en mouvement, Stretching est une expérience de cinéma

totalement sensorielle, qui capte le pouls d’une ville frénétique (New York, Manhattan) et invente une

nouvelle architecture, convexe et déformée. Ces jeux optiques sont démultipliés par un incroyable

travail rythmique. Les milliers de photos prises en 3 jours par François Vogel se succèdent en un

montage saccadé, propre à l’animation en prise de vue réelle, avec ses temps de pauses et ses

accélérations fulgurantes. Comme un écho à la respiration et au bouillonnement d’une ville qui ne

dort jamais, 24h sont réduites à 4 minutes tandis que la dissonance du montage et de la bande son

(ritournelle électronique, bruitages urbains) accentuent la sensation de vertige.