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Construction de PER ? Contribution de l'équipe clermontoise Aux journées Ampères des 20 et 21 mai 2010 à Lyon Robert Noirfalise Comment construire des PER ? Quelles sont les méthodologies que nous mettons en œuvre pour élaborer des PER ? Telles sont les premières questions que nous avons prévues de traiter pendant ces deux journées de colloque et de débat. Pour ma part, je dirai qu'aujourd'hui je ne pourrai pas avancer de réponses certaines à ces questions car je m'interroge sur ce qu'est un PER, un parcours d'étude et de recherche, car sous ce sigle, sous cette dénomination, il y a très certainement des réalités didactiques distinctes. PER ouverts, finalisés mais aussi des variations multiples selon les places et les rôles respectifs dans l'étude et la recherche du professeur, des élèves, selon la nature de la question posée. Pour apporter des éléments de réponses aux questions posées, j'ai fait le choix d'exposer un bilan "personnel" 1 du travail que nous avons pu faire cette année dans le groupe clermontois à propos essentiellement des probabilités. 1 Un autre participant du groupe ferait sans doute un bilan différent de celui que je vais dresser. Les questions posées le sont collectivement mais les éléments de réponses retenues le sont par chacun et à ce titre peuvent être contrastées. 1

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Construction de PER ?

Contribution de l'équipe clermontoise

Aux journées Ampères des 20 et 21 mai 2010 à Lyon

Robert Noirfalise

Comment construire des PER ? Quelles sont les méthodologies que nous mettons en œuvre pour élaborer des PER ? Telles sont les premières questions que nous avons prévues de traiter pendant ces deux journées de colloque et de débat. Pour ma part, je dirai qu'aujourd'hui je ne pourrai pas avancer de réponses certaines à ces questions car je m'interroge sur ce qu'est un PER, un parcours d'étude et de recherche, car sous ce sigle, sous cette dénomination, il y a très certainement des réalités didactiques distinctes. PER ouverts, finalisés mais aussi des variations multiples selon les places et les rôles respectifs dans l'étude et la recherche du professeur, des élèves, selon la nature de la question posée.

Pour apporter des éléments de réponses aux questions posées, j'ai fait le choix d'exposer un bilan "personnel" du travail que nous avons pu faire cette année dans le groupe clermontois à propos essentiellement des probabilités.

1. Des AER vers des PER ?

Un extrait du compte rendu de notre première séance de travail de cette année :

"Le travail de Clermont jusqu'ici, avant cette année scolaire, a conduit plutôt à trouver des AER permettant d'introduire des chapitres du programme à partir d'une question le motivant. Il conviendrait maintenant d'essayer de construire des parcours d'étude et de recherche, ce qui est plus ambitieux et pour ce faire, trouver sous forme de questions génératrices d'études des jalons de tels parcours, en particulier pour le domaine de la statistique et celui des probabilités".

Pour illustrer ce que nous avions pu faire auparavant à Clermont, j'ai repris des diapos élaborées par Marie Lefevre et utilisées lors de la présentation du travail des équipes Ampères lors de la journée INRP du 12 mai à Lyon. A propos de l'enseignement des fonctions en classe de troisième, Marie a fait le choix de faire travailler ses élèves sur la variation du taux d'alcoolémie et le compte rendu en a été publié sur le site educmath. Nous avions repéré qu'il s'agissait de faire entrer les élèves dans l'étude de la variabilité, ce qui justifiait que dans les programmes, les fonctions soient associées aux statistiques. Il convenait également que soit étudiée la question de la représentation de la variabilité, avec les trois formes, graphes, tableaux, expressions algébriques et les passages de l'une à l'autre. De ce point de vue l'activité expérimentée est satisfaisante, ce d'autant plus qu'elle conduit aussi, en conformité avec le programme, à l'étude des fonctions linéaires et affines. Ceci dit c'est une première AER d'un parcours potentiel sur l'étude des fonctions. L'élaboration d'un PER exigerait que cette première activité soit suivie d'autres.

2. Un PER : Comment enseigner les probabilités ?

- Que pourrait être un scénario de PER qui fasse vivre les probabilités comme modélisant la variabilité statistique ?

Cette question nous a occupé une grande partie de notre temps et malgré cela nous n'avons que des éléments de réponses et il nous reste bien du travail à réaliser. On peut dire que nous avons nous même été placés en situation de PER dès lors que nous cherchions à élaborer des réponses R♡ à cette question.

Un premier élément de méthode est de rechercher des questions à fort pouvoir générateur d'études et de recherches, du moins des questions supposées telles. Une probabilité étant une mesure de grandeur, on peut s'inspirer des questions qui motivent l'étude d'autres sortes de grandeurs comme les aires. Une grande question pour les aires est de se donner les moyens de faire des comparaisons d'aires de surfaces. Appliquer au domaine des probabilités cela peut donner le schéma suivant :

Initier le parcours par des situations où il convient de comparer les issues d'une expérience aléatoire.

Q1.Y-en-a-t-il une plus probable que les autres ? Ont-elles toutes la même chance d'apparaître ? Peut-on les classer de la plus probable à la moins probable ? ( Q2.Comment se distribue les probabilités des issues d'une expérience aléatoire.

Calcul de probabilités.

Q3 Comment calculer la probabilité d'un événement ?

Q4. Comment déterminer les probabilités initiales des issues ?

Comparer des stratégies

Q5. Parmi plusieurs stratégies, y-en-a-t-il une qui optimise les chances de voir l'apparition d'un événement souhaité ?

Q6. A quoi sert le calcul des probabilités dans le monde d'aujourd'hui ?

3. Choix d'une première AER pour l'études probabilités.

Comment organiser une première rencontre avec les probabilités ? Une réponse R(, élaborée et validée par d'autres, est celle de nos collègues de Montpellier avec le lancer de deux dés et la différence des points obtenus. La question étant alors de faire un pari sur un nombre, le joueur gagnant si le nombre choisi est obtenu après le jet des deux dés.

Une réponse R♡ : Oui, c’est une situation qui permet une première rencontre fructueuse !

Pourquoi est-ce une réponse qui (me) convient ?

(Tout d'abord, parce que nous sommes bien dans une situation de comparaison : parmi les issues possibles, 0, 1, 2, 3, 4 et 5 y en a-t-il une qui a plus de chances d'apparaître ? C'est un spécimen d'un type de tâches "Etant donné un jeu avec plusieurs issues possibles, y en a-t-il une qui donne plus de chances de gagner ? " ou encore "Etant donné une expérience aléatoire avec plusieurs issues possibles, y en a-t-il une qui a plus de chances d’apparaître ?" ce qui correspond à la question Q1.

( Mais elle est surtout satisfaisante du point de vue des techniques mises en œuvre et suggérées par les élèves :

Faire des essais pour observer une distribution de fréquences : les résultats 0, 1 et 2 sont plus fréquents que 3, 4 et 5. Les élèves de Frédéric, en 1re ES, ont tout de suite utilisé leurs calculatrices pour faire des simulations, ayant déjà rencontré cette technique d'étude pour la fluctuation d'échantillonnage en seconde. En classe de 3e, comme l'équipe de Montpellier l'a montré, les élèves font des jets effectifs de dés.

Un examen des cas possibles conduit des élèves à répondre que 0 est le nombre à choisir mais les essais ne suffisent pas à conforter ce résultat, au contraire. (8 groupes d’élèves obtiennent que le "1" est plus fréquent contre 3 groupes qui obtiennent le "0").

Les élèves s'engagent vers une autre façon de faire (que par essais effectifs ou simulés) pour répondre à la question posée : Peut-on, sans faire l'expérience, en prévoir et expliquer le résultat ? Nous sommes à la porte des probabilités : il convient de la pousser. Ce que l'activité permet de faire !

· Comment savoir si c’est 1 ou 0 qui arrive le plus souvent ?

· Augmenter la taille des échantillons pour diminuer la fluctuation due à l’échantillonnage.

· A l’aide du logiciel Excel : l’enseignant réalise une simulation sur 10 000 lancers qui permet de confirmer que c’est le résultat 1 qui est le plus fréquent.Les distributions de fréquences obtenues (F9) ne correspondent pas au premier « modèle » conduisant à un calcul imaginé par les élèves.

· Une élève suggère de considérer non pas les paires mais les couples possibles : il y a cohérence entre ce nouveau modèle autorisant le calcul et les résultats expérimentaux.

( L'activité autorise une équilibration mutuelle entre résultats expérimentaux et calculs :

· Le calcul permet de prévoir le résultat de la répétition de l’expérience

· La répétition de l’expérience permet de valider le calcul

(Elle illustre les définitions suivantes de ce qu'est une probabilité, définitions qui adoptent le point de vue dit fréquentiel :

Une première définition due à un auteur qui fait référence dans le domaine des statistiques appliquées à l'agronomie, Pierre Dagnelie :

La définition fréquentielle de la probabilité

Lorsqu'une expérience aléatoire a été répétée un certain nombre de fois n, on peut déterminer le nombre de réalisations de l'événement A qui y est associé, c'est à dire sa fréquence absolue nA en calculer la fréquence relative n'A=nA/n.

Si l'expérience est répétée un grand nombre de fois dans des conditions uniformes, on constate généralement que la fréquence relative a tendance à se stabiliser à la longue. Ce phénomène est connu sous nom de stabilité des fréquences ou de régularité statistique.

On peut alors postuler [c'est nous qui soulignons], pour tout événement aléatoire qui satisfait à ces conditions, l'existence d'un nombre fixe dont la fréquence relative a tendance à se rapprocher. Ce nombre est par définition la probabilité de l'événement considéré.

La probabilité ainsi définie est donc une forme idéalisée de la fréquence relative.

Une autre due à Kolmogoroff :

We apply the theory o probability to the we experiments in the following way:

1) There i s assumed a complex of conditions, C, which of any number of repetitions

[…]

4) Under certains conditions, which we shall not discuss here, we may assume that to an event A, which may or not occur, under conditions C, is assigned a real number P(A) which as the following characteristics :

a) One can be practically certain that if the complex of conditions C is repeated a large numbers of times, n, then if m is be the numbers of occurrences of event A, the ratio m/n will differ very slightly from P(A).

Note : le fait que la fréquence relative se rapproche de la probabilité est ici un postulat basé sur l'expérience, une loi physique en quelque sorte.Ce n'est pas, ce ne peut pas être, une conséquence du théorème de Bernoulli, puisque ce théorème montre qu'une fréquence tend vers une probabilité en usant de probabilité ! P((fn-p(<()→0 quand n→(. Il faut déjà savoir ce qu'est une probabilité pour écrire ce résultat. Au passage, Bernoulli à montrer ce théorème pour montrer comment obtenir des probabilités p dans des situations rencontrées par les hommes et où on ne peut user, a priori, d'arguments d'équiprobabilité comme dans les jeux de dés.

4. L'approche fréquentiste vs l'approche bayésienne :

C'est un long débat qui existe depuis longtemps et qui perdure encore aujourd'hui, débat portant sur la nature d'une probabilité. Les définitions données ci-dessus illustrent le point de vue fréquentiste. A ce point de vue s'oppose l'approche bayésienne selon laquelle une probabilité peut apparaître comme une mesure d’un degré de certitude portant sur une proposition. C'est une question abordée dans le groupe, question maintes fois posée en particulier par Frédéric Lavédrine et qui conduit à aller regarder comment les logiciens traitent de cette question : ces derniers développent des logiques possibilistes qui différent du calcul propositionnel classique, avec des valeurs de vérité affectées à des propositions mesurées par des nombres entre 0 et 1.Il y a des liens apparents avec le calcul des probabilités mais aussi des différences. Ainsi dans certains calculs, la valeur de vérité affectée à la proposition A(B avec A et B disjoints est la plus grande des valeurs de vérité affectée à A ou à B et non pas leur somme : v(A(B)=max{v(A),v(B)}.

Il nous a été difficile d'explorer cette piste, faute de documentation facilement accessible.

J'ai emprunté le schéma ci-dessus à la thèse de Pablo Carranza intitulé "la dualité de la probabilité dans l'enseignement de la statistique. Une expérience en classe de BTS".

L'emploi du terme de paradigme souligne bien le fait qu'il s'agisse de deux points de vue différents. L'opposition se trouve en particulier dans la façon de déterminer les probabilités initiales qui forment en quelque sorte les données d'un problème de probabilités, comme il y a des données dans un problème de géométrie. Nous reviendrons sur cette question.

Notons déjà au passage à propos de ces questions rencontrées dans notre propre parcours qu'on peut anticiper qu'il faudrait bien aussi que les élèves les rencontrent ! A moins bien sûr de vouloir édulcorer l'étude du domaine des probabilités, ce qui nous emble guère compatible avec ce que nous voulons faire.

5. Un autre jeu de questions dans le cadre d'une approche fréquentiste :

Nous avons donc postulé l'existence d'un nombre que nous appelons probabilité :

"L'existence d'un nombre fixe dont la fréquence relative a tendance à se rapprocher. Ce nombre est par définition la probabilité de l'événement considéré."

En suivant ce qui a été fait dans la première AER, on peut alors se poser les deux questions suivantesQa : Comment déterminer ce nombre ?

Qb : Comment répéter, simuler un grand nombre de fois une expérience aléatoire donnée ?

La première de ces questions Qa augure un parcours d'étude fait d'élaboration de techniques de calculs de probabilités. Nous avons là une grande question qui relancera l'étude en de maintes occasions, au fil des chapitres consacrés aux probabilités dans les manuels scolaires.

Cette question appelle la suivante :

Qa1 " Comment déterminer les probabilités initiales des issues d'une expérience aléatoire ?"

Au moins dans un premier temps d'un parcours d'étude sur les probabilités, les exercices proposés se fondent sur l'équiprobabilité des issues élémentaires. Mais alors se pose cette question : "Comment savoir si des issues sont équiprobables ?" L'erreur de D'Alembert à propos du lancer de pièces (Croix ou Pile à l'époque), ou l'erreur commise par les élèves qui mobilisent, lors du jet de deux dés, les paires de résultats et les pensent équiprobables sont là pour nous rappeler que le problème n'est pas si anodin que cela. Or, force est de constater que souvent, trop souvent peut-être, ce problème n'est pas vraiment évoqué dans les textes usuels d'exercices et se trouve résolu, comme allant de soi en utilisant des mots comme "On tire au hasard…On jette deux dés…"

A ce propos, on peut évoquer, comme le fait Dagnelie, les résultats obtenus par Kelly en 1945 lequel s'est essayé à jeter 10 000 fois une pièce de monnaie :

Nombre de jets

10

100

500

1000

2000

4000

6000

8000

10 000

Fréquence de face

0,400

0,440

0,510

0,502

0,506

0,507

0,502

0,504

0,507

Peut-on être sûr à la vue de ces résultats qu'il y ait équiprobabilité entre Pile et Face ? La probabilité d'avoir face n'est-elle pas légèrement supérieure à celle d'avoir Pile ? Ce qui pourrait s'expliquer par le fait qu'une pièce n'est pas rigoureusement symétrique. Mais, de plus peut-on affirmer qu'il s'agisse bien de la répétition de la même expérience ? La pièce ne s'est-elle pas quelque peu usée au fil des jets ?

On peut faire une analogie avec la géométrie. Dans ce domaine, on travaille avec des figures qui ont, en hypothèses, certaines propriétés. Un triangle donné sur une feuille de papier est-il rectangle : une vérification expérimentale peut nous le laisser supposer. En hypothèse, on travaillera comme si il l'était. De même, en probabilité…on posera en hypothèse que certaines issues sont équiprobables ! Si d'aventure, une répétition d'expérience vient alors à contredire des résultats obtenus par le calcul à partir des hypothèses faites, alors on pourra s'interroger sur la validité des hypothèses ! Comme l'illustre bien ce qui s'est produit lors de la première activité décrite ci dessus, lorsque les élèves ont postulé à l'équiprobabilité des paires.

Une autre façon de procéder sera d'avoir à sa disposition des situations aléatoires de référence et des lois associées, comme loi uniforme, lois binomiales, loi de Gauss, loi exponentielle… Bien souvent, les manuels de probabilités nous invitent à la découverte d'une telle liste de lois. Certaines de ces lois supposent la détermination de paramètres, lesquels sont estimés à partir de quelques données expérimentales. On peut aussi citer la loi du (2, laquelle peut servir à contrôler l'adéquation de données empiriques avec une loi donnée, question qui est abordée dans les programmes actuels en Terminales S et ES.

6. Un parcours avec des rencontres de techniques de calculs de probabilité ?

Ce sont de telles rencontres que l'on trouve dans de nombreux manuels. Par exemple, dans le Terracher de 1e S, la partie TD du chapitre consacré aux probabilités commence ainsi : "Il s’agit d’envisager certaines techniques graphiques (schémas, arbres) permettant de dénombrer méthodiquement les issues d’une expérience aléatoire. Dans le cas d’épreuves répétées, nous dégagerons un principe de comptage basé sur un arbre, le principe multiplicatif".

Ces techniques avec des arbres, tableaux rectangulaires sont relativement élémentaires, au sens où les technologies utiles pour les justifier nous semblent être accessibles dès le collège

On peut aussi en trouver qui s'appuient pour un essentiel sur le calcul des proportions ou des pourcentages. En voici un exemple emprunté à Gnedenko et Khintchine (1969) « une introduction aux probabilités » Dunod.

"Enoncé. Un tireur fait mouche dans 80% des cas ; un autre, dans les mêmes conditions, atteint le but dans 70% des cas. On demande quelle est la probabilité pour que le but soit touché si les deux tireurs le visent simultanément (Le but est atteint s'il l'est par une ou deux balles).

Solution – Admettons que les tireurs effectuent 100 tirs couplés. Lors de 80 de ces tirs environ, le but sera atteint par le premier tireur. Restent 20 tirs environ qui sont manqués en ce qui le concerne. Mais nous savons que le second tireur fait mouche en moyenne 70 fois sur 100, c'est à dire 7 fois sur 10. Nous pouvons donc escompter que, sur les 20 tirs où le premier manque le but, il l'atteindra, lui, 14 fois environ. Par conséquent sur 100 tirs couplés, le but sera atteint approximativement 80+14= 94 fois. La probabilité pour que le but soit atteint en cas de tirs simultané de nos deux tireurs est donc de l'ordre de 94%, ou 0,94."

7. Pourquoi calculer des probabilités ?

Si donc on peut s'attendre à rencontrer dans un parcours d'étude et de recherche à propos des probabilités, de nombreuses techniques de calcul, on peut, on doit aussi se demander "Pourquoi calculer des probabilités ?"

Une réponse à cette question est la suivante et, en cela, nous rejoignons ce qu'avait déjà pu dire l'an dernier nos collègues de Montpellier :

→Les hommes font usage des probabilités comme outil rationnel de prise de décision dans des situations incertaines.

"L'art de conjecturer ou la stochastique, se définit pour nous comme l'art de mesurer aussi exactement que possible les probabilités des choses. Le but est que dans nos jugements ou nos actions nous puissions toujours choisir ou suivre le parti que nous aurons découvert comme meilleur, plus sûr ou mieux réfléchi. C'est en cela que réside toute la sagesse du philosophe et toute la sagacité du politique"

Jacques Bernoulli

In Ars Conjectandi

Pour répondre à cette question, nous ne pouvons rester sous le seul giron des mathématiques et il convient sans doute d'examiner quelles sont les secteurs d'activités humaines où on utilise des probabilités comme aide à la prise de décision et comment on le fait. Les usages de probabilités diffèrent d'un domaine social d'activités à un autre. A titre d'exemple, les niveaux de risques acceptés lors de tests d'hypothèses sont bien différents si l'on est dans le secteur d'études en psychologie ou dans le domaine de la sécurité nucléaire : 5% est acceptable dans le premier alors que l'on travaille avec des risques de 10-6 ou 10-8 dans le second.

On peut citer comme secteurs d'activités sociales où l'on rencontre un usage du calcul des probabilités les suivants :

· Les jeux de hasard

· Comparer des stratégies : La santé et les vaccins

· Les assurances (rente viagère et table de mortalité)

· Les sondages

· Recherches de causes : tel résultat et-il imputable au hasard ?

On peut illustrer le dernier point cité, avec les exemples suivants :

· Enquêtes policières (exemples empruntés au rapport de la commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques sous la direction de J.P. Kahane " l'enseignement des sciences mathématiques" Ed Odile Jacob, pp59 et 60)

Situation 1 : Dix suspects d'un délit commis par une seule personne sont proposés à l'identification par quatre témoins. Chaque témoin désigne un suspect comme étant le coupable, sans connaître le choix des autres témoins. Un des suspects est désigné deux fois. Est-ce que cela constitue une lourde charge contre lui ?

Réponse : Imaginons la situation la plus absurde qui soit, chaque témoin désigne un suspect au hasard , les choix étant indépendant. Dans ce cas, on a une probabilité 0,504 que les quatre témoins désignent des suspects différents et donc une probabilité de 0,496 qu'au moins un suspect soit désigné au moins deux fois. Il paraît difficile alors qu'un événement que le hasard seul produirait presque une fois sur deux soit une charge.

Situation 2 : Dans une procédure d'identification, parmi les dix personnes que voient les quatre témoins, un seul est suspect. Deux témoins désignent le vrai suspect. Est-ce que cela constitue une charge contre lui ?

Réponse : si les témoins désignaient au hasard et de façon indépendante une personne la probabilité que deux d'entre elles désignent le vrai suspect est de 0,0486 (et de 0,0523 que deux au moins le désignent).

Une simulation avec Excel confirme les résultats annoncés.

· Un exercice proposé par Frédéric Lavédrine à des élèves de 1eES.

La simulation permet de se rendre compte que si les lancers sont faits au hasard (c'est l'hypothèse testée) alors le fait d'avoir dix faces consécutivement n'est pas si rare que cela. Le problème se pose ici de déterminer par le calcul la probabilité d'un tel événement. Une technique qui autorise un tel calcul utilise un graphe que l'on peut apparenter à une chaîne de Markov.

8. En conclusion de notre travail sur les probabilités.

Nous avons donc débuté l'étude de la question, "Que pourrait être un scénario de PER qui fasse vivre les probabilités comme modélisant la variabilité statistique ?".

Nous avons quelques éléments de réponses : il conviendrait que les élèves, dans un PER, puissent rencontrer, eux aussi, quelques unes des questions que notre étude nous a fait aborder.

· Qu'est-ce qu'une probabilité ? Qu'est ce que le hasard ?

· Comment calculer une probabilité ? Les techniques de calcul sont multiples, sans oublier la question portant sur la détermination des probabilités initiales.

· A quoi sert un calcul de probabilités ? Quels types de décisions, en quelles pratiques sociales, les hommes font-ils intervenir des calculs de probabilités ?

9. Une tension entre PER ouvert et fermé ?

Se demander ce que peut-être un PER, conduit à s'interroger aussi sur les missions de l'école.

Comme le dit Y. Chevallard ""c'est une ardente obligation d'une démocratie accomplie, où chaque citoyen ou collectif de citoyens doit pouvoir enquêter sur toute question qui lui plaira…en usant notamment d'un équipement praxéologique de base dont la formulation scolaire l'aura doté."

En cette phrase se profile deux missions pour l'école. L'une est de former les futurs citoyens aux démarches d'enquêtes : il convient donc de faire que les élèves puissent en sortant de l'école avoir un équipement praxéologique autorisant l'enquête et pour cela contribuer par l'entraînement à la formation de cet équipement ; Les PER ouverts sont sans doute un moyen adéquat pour cela. Mais, une démarche d'enquête suppose l'accès à des textes, à des médias, qu'il faut pouvoir lire, comprendre au moins partiellement, et à ce titre il convient que l'élève ait un équipement praxéologique de base, celui là même que des PER fermés, peut-on penser, contribuent à développer.

Il y a tension entre ces deux missions :

· Entraîner à l’enquête, à l’élaboration de réponses R♡ à des questions Q.

· Munir d’un équipement praxéologique de base permettant l’étude de réponses R(.

Il y a tension, car la première mission nous invite à imaginer un citoyen autonome, la seconde appelant davantage l'assujettissement à des façons de penser le monde élaborées par d'autres.

Comment résoudre cette tension ? Il conviendrait selon moi d'y voir plus clair. Peut-être que la question est en soi mal posée. Pour avancer il conviendrait, sans doute, "d'outiller l'étude des praxéologies de l'étude".

On peut le faire avec le modèle des quatre t, la notion d'organisation praxéologique. J'avais déjà, dans un court texte que j'avais envoyé à quelques uns d'entre vous, évoqué cette question de la manière suivante :

Une tâche problématique étant donnée :

Quelles techniques d’entrée dans la tâche ?

· Refuser d'exécuter la tâche. Comme a pu le faire X. Darcos invité à cela sur Canal Plus.

· Faire faire le problème par un tiers qu‘on juge plus compétent.

· Se désintéresser du problème et en nier la problématicité pour soi.

· Faire semblant de s'y intéresser et entreprendre un calcul sans contrôle sur celui-ci.

· Mobiliser effectivement une OM permettant la résolution du problème.

· Rechercher des informations, des données relatives à la question posée.. Des réponses R(,etc.

[Technologie, théorie] de la praxéologie que nous cherchons à décrire.

Ainsi un élève peut s'engager dans un travail mathématique proposé par son professeur :

· Parce que c'est ainsi : il a intériorisé l'obligation du travail scolaire

· Il peut travailler car il en perçoit l'utilité scolaire pour se construire un avenir

· Le sujet proposé l'intéresse en soi

· Il peut aussi ne pas s'engager :

· Car il sait que le professeur ou un de ses camarades va donner rapidement la solution du problème posé

· Faire semblant de chercher car il convient de sauver les apparences et d'apparaître conforme à ce qu'exige le professeur

· De toute façon, il n'a jamais réussi et cela ne sert à rien qu'il essaie.

Penser l'étude en de tels termes est un travail qui reste à faire. J'ai évoqué l'entrée dans une tâche mais on peut aussi s'interroger sur les praxéologies qui vont faire que, oui ou non, le sujet va poursuivre l'étude d'une question, sur les choix qu'il peut-être amené à faire…

Notons au passage que si nous intégrons dans [technologie, théorie] de telles raisons de faire ou ne pas faire, nous avons là surement une façon d'intégrer "attitudes", "sentiments" comme des déterminants de l'action.

10. Une autre conclusion :

 C'est aussi une conclusion qui découle du travail réalisé dans le groupe clermontois cette année.

· QFPGER (question à fort pouvoir générateur d'études et de recherches) : OUI pour « motiver » l’étude permettant la formation d’un équipement praxéologique de base

· MAIS, des questions d’apparence anodine peuvent susciter l’engagement d’élèves dans un vrai PER (pour eux) ouvert.

Pour illustrer le deuxième point de cette conclusion, voici quelques questions qui ne sont pas a priori des grandes questions permettant de finaliser un PER, parfois anodines d'apparences et que nous avons rencontrées cette année.

· Qu’est ce qu’une phrase longue ? Nous avons débuté une enquête auprès de nos collègues de français, ce qui nous a permis d'apprendre que, selon eux, ce n'est pas le nombre de mots dans une phrase qui la fait longue mais le nombre de propositions et la façon dont celles-ci sont organisées. "Comment word 2007 repère-t-il de telles phrases ?" est aussi une question que nous nous sommes posée.

· Est-il vrai que les hommes préfèrent les rectangles dont le format est celui de la divine proportion ?

· A propos des jeux de hasard : Pourquoi les gens jouent-ils ? Une émission de France 3 consacrée aux jeux de hasard nous a montré qu'enquêter sur les jeux de hasard peut certes conduire à des calculs de probabilités mais aussi ouvrir des questions appartenant à bien d'autres domaines que les mathématiques : l'économie, le marché financier, des jeux existant sur le marché, l'addiction aux jeux de certains de nos contemporains, sujet qui fait appel à des aspects juridiques et psychologiques

· Est-il vrai qu’il y a plus de garçons que de filles à la naissance et si oui pourquoi ?

· Le lancer de trois dés à 12 faces pour traiter de l’inégalité triangulaire en cinquième. Un professeur de cinquième (Geneviève Lequang en l'occurrence) propose à ses élèves de lancer trois dés à douze faces. Avec les nombres obtenus, il demande à l'élève alors s'il peut construire ou non un triangle dont les côtés ont pour mesures en cm les nombres trouvés. La question du professeur est alors la suivante : les trois cas de constructions, possible, un triangle aplati et impossible, apparaitront-ils sachant qu'il y a 25 élèves dans la classe. Il ne peut en être certain mais y-a-t-il de fortes chances que cela se réalise ou non ?

· Comment calculer la probabilité d’obtenir au moins 10 faces consécutives en lançant 50 fois une pièce de monnaie.

· etc

� Un autre participant du groupe ferait sans doute un bilan différent de celui que je vais dresser. Les questions posées le sont collectivement mais les éléments de réponses retenues le sont par chacun et à ce titre peuvent être contrastées.

� Pablo Carranza(2009) la dualité de la probabilité dans l'enseignement de la statistique. Une expérience en classe de BTS Université de Paris VII.

� Cette erreur, rappelons le est la suivante : Lors de l'expérience constant à lancer deux fois une pièce de monnaie, D'Alembert voyait trois issues possibles, deux Croix, deux Piles et un Croix et un Pile, issues qu'il pensait être équiprobables.

� Dagnelie, opus cité pp141/142

1

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Le problème :

Vous produisez une émission dont le thème est le paranormal. Vous recevez chaque semaine des personnes prétendant avoir des dons particuliers. La semaine dernière, l’un des candidats persuadé de posséder un pouvoir de charmer les serpents a fini à l’hôpital. Cette semaine un « medium » vous assure pouvoir contrôler par la force de son esprit les lancers de pièces des téléspectateurs. Il vous assure que si les téléspectateurs font l’expérience de lancer 50 fois une pièce équilibrée, un grand nombre d’entre eux verront apparaitre dix faces consécutives. Méfiant de par vos expériences précédentes vous lui dites accepter de lui verser son cachet si au moins 10 000 téléspectateurs signalent l’évènement. Votre émission a une audience de 7 millions de téléspectateurs. A votre avis le « medium » acceptera –t il de passer à votre émission sous vos conditions ?

Lors du lancer de 50 fois une pièce équilibrée, quelle est la probabilité d’obtenir au moins 10 faces

qui se suivent ?

Technique à l’aide d’une simulation de l’expérience Première tâche : simuler le lancer d’une pièce.

On code 0 pour pile et 1 pour face.

On tape dans la cellule A1 =ent(alea()*2)

Deuxième tâche : simuler 50 lancers

On étire la cellule A1 sur 50 lignes

Troisième tâche repérer quand on a 10 fois 1 qui se suivent.

Dans la cellule B10 : on écrit =produit (A1 :A10)

Si le résultat est 1, on a obtenu 10 faces consécutives aux dix premiers lancers.

Si le résultat est 0 ce n’est pas le cas.

On tire la cellule B10 jusqu’à B50.

On fait la somme des cellules de B10 à B50 en B51.

Le résultat nous donne le nombre de fois où on a 10 faces consécutifs.

.Quatrième tâche Répèter 10 000 fois l’expérience en stockant le nombre de la cellule B51.

On fabrique une macro.

Entrer le nom de votre macro :

Puis appuyer sur créer.

Entre la ligne 1 : sub……

Et la ligne end sub……

For i = 1 To 10000 Calculate Cells(52 + i, 1) = Cells(51, 2) Next i

Fermer l’éditeur visual basic et cliquer sur ok.

Vous pouvez dessiner une forme en insérant une forme .

En cliquant droit sur la forme vous choisissez affecter une macro.

En cliquant sur la forme vous déclenchez le programme.

Bilan à ce stade vous avez : lancer 10 000 fois l’expérience de lancer 50 fois la pièce et récupérer le

résultat comptant le nombre de fois où une série de 10 faces consécutives apparait.

Vous avez 10 000 nombres :

0 signifie que « 10 faces consécutives » n’est pas apparu.

Autre nombre que 0 :« 10 faces consécutives » apparu .

Cinquième tâche : dénombrer combien de fois l’évènement est apparu.

En B1 et B2 :

pas dix faces consécutives

10 faces consécutives En C1 : =NB.SI(A53:A10052;0)

En C2 =10 000-C1

En D1 et D2 vous pouvez écrire un tableau de proportions qui estiment la probabilité cherchée. En

déclenchant la macro, on peut visualiser la fluctuation due à l’échantillonage.

Technique 2 : A l’aide des graphes probabilistes et Excel. On peut considérer que lors du lancer de 50 pièces la pièce peut être dans les états suivants :

0 pour pile

1 pour face après pile

2 pour face après 1 F

3 pour face après 2F

Etc. jusqu’à 10.

Le graphe probabiliste suivant modélise la situation :