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N°55 - mai 2008 - LE MAGAZINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE - www.terra-economica.info Les paysans font du blé Merci la mondialisation Tout louer, rien à jeter Pneus, moquettes, imprimantes… La mer est-elle l’avenir de la Terre ?

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Les paysans font du bléMerci la mondialisation

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La mer est- elle l’avenir de la Terre ?

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Ont participé à ce numéro (ordre alphabétique inversé) : Camille Saïsset, Judith Rueff, Jacques Rougerie (Une), Charlie Pegg, Candice Moors, Karine Le Loët, Solenne Legeay, Antoine Heulard, Arnaud

Gonzague, Gaw, Javotte Boutillier, Caroline Boudet, Natacha Lorit, Anne Bate, Vincent Baillais, Matthieu Auzanneau, Louise Allavoine, Toad, Cire, Steven Burke, Adrien Albert, Sipa, Rea, Luce, Lieu-dit, Argos – Direction artistique : Denis Esnault – Responsable de l’édition : Karen Bastien – Directeur de la rédaction : David Solon – Responsable des systèmes d’information : Gregory Fabre – Directrice commerciale : Kadija Nemri – Conseiller abonnement : Baptiste Brelet – Assistantes commerciales : Véronique Frappreau et Elodie Nicou – Directeur de la publication : Walter Bouvais. Terra Economica est édité par la maison Terra Economica, SAS au capital de 137 233 euros – RCS Nantes 451 683 718 – Siège social : 42 rue La Tour d’Auvergne, 44 200 Nantes – Principaux associés : Walter Bouvais (président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SAS – Cofondateur : Mathieu Ollivier – Dépôt légal : à parution – Numéro ISSN : 1766-4667 – Commission paritaire : 1011 C 84334 – Numéro Cnil : 1012873 – Impression : Goubault imprimeur, 8 rue de Thessalie, BP 4429, 44244 La Chapelle-sur-Erdre cedex.Lisez-nous, abonnez-vous sur notre site Internet : www.terra-economica.info/abo, par courriel : [email protected] ou en nous appelant au 02 40 47 42 66. Ce magazine est imprimé sur papier écologique (ARCTIC Matt paper en 90g/m² pour l’intérieur et 150g/m² pour la couverture) avec des encres végétales.

4-5 BREVES 6-7 L’OBJET Le four à micro-ondes 8-9 LE MARKETING EXPLIQUÉ À MA MERE Quand les marques changent de nom10-12 PERSONA GRATA Tony Allan, le savant qui met l’eau à la bouche14-25 DOSSIER La mer est-elle l’avenir de la Terre ? 26-28 L’ÉCONOMIE EXPLIQUÉE À MON PÈREVotre avenir sur www.louer.com29 ZOOM « Tree drawing » 30-34 REPORTAGE Le Gers récolte enfin du blé 35 LU D’AILLEURS

36-37 ILS CHANGENT LE MONDE Quatre étoiles, zéro émission38-39 ENRICHISSEZ-VOUS Natures virtuelles40-41 EN DIRECT DE WWW.PLANETE-TERRA.FR

42 LE FEUILLETON Métropole position (9e épisode)

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sommaire

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Dans le moucheron, tout est bon ! C’est pourquoi l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) encourage la consommation d’insectes. Coccinelles, scarabées, fourmis, abeilles, guêpes, sauterelles, criquets, papillons, teignes... Ces petites bêtes, qui font souvent partie du menu quotidien de peuples d’Afrique et d’Asie, contiendraient autant de protéines que la viande

Ford en fait des caisses Vous connaissiez les réunions Tupperware. Eh bien, il existe désormais les réunions Ford. Le constructeur automobile s’invite dans les salons des familles américaines à l’occasion des « Ford Big Drive House Party ». En résumé, des soirées où des propriétaires de voitures de la marque invitent des amis, des collègues de bureaux, des cousins, des nièces... Le maximum de monde pour parler Ford Focus, Ford Mondeo ou encore Ford Ka. Les spécialistes appellent cela le « marketing expérientiel » ou comment transformer des clients en commerciaux.

La faim a de l’avenirLes Objectifs du Millénaire fixés par les Nations unies sont encore loin. Le premier d’entre eux – la réduction de moitié de la faim et de la pauvreté dans le monde d’ici à 2015 – ne sera pas atteint par plusieurs pays africains. La faute au ralentissement de la croissance mondiale et à la hausse du prix des produits alimentaires. « Nous entrons dans une nouvelle ère marquée par la faim et la pauvreté », a affirmé la directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM).

ou le poisson. Et non seulement elles possèdent des qualités nutritionnelles exceptionnelles, mais en plus leur récolte crée de l’emploi dans les pays en développement. Elle demande peu d’investissements et s’écoule facilement sur les marchés locaux. S’enfiler un insecte n’est a priori pas très ragoûtant. Et pourtant, ce petit croustillant...David Solon

1 428 dollarsLe montant maximum de l’amende pouvant être infligée aux commerçants chinois s’ils distribuent gratuitement des sacs plastique à leurs clients. Ce projet de mesure imaginé par le ministère chinois du Commerce vise à lutter contre la « pollution blanche » dans le pays.

Des enveloppes de déchetsAux Etats-Unis, on peut mettre son vieux lecteur MP3 ou sa caméra numérique usagée dans une enveloppe et les poster gratuitement. Les services postaux américains ont en effet lancé le programme « Mail Back » dans dix villes pilotes, dont Washington, Chicago et Los Angeles. L’idée : acheminer tous les petits appareils électroniques, mais aussi les cartouches d’encre vides, jusqu’aux entrepôts de Clover Technologies Group, une compagnie de recyclage. La Poste américaine conforte ainsi son image verte et fait gagner de l’argent. L’an dernier, elle a annoncé que ses programmes de recyclage et de prévention avaient permis de générer près de 8 millions de dollars d’économies. Anne Bate

Mangez des insectes

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Passe au vert !

Les Français restent attachés à leurs cocons Les Français peuvent – vraiment – mieux faire. La conclusion de l’étude menée par le Crédoc sur les comportements des ménages en matière d’économies d’énergie est sans appel. Les pratiques de nos concitoyens,

« en dépit d’une sensibilité écologique croissante, ne sont pas encore orientés vers des pratiques économes ». D’ailleurs, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie n’y va pas par quatre chemins puisqu’il a baptisé son rapport Pour les ménages, la recherche du confort prime encore sur les 

économies d’énergie. L’étude illustre son propos par deux exemples. Entre 1982 et 2003, la température moyenne des habitations est passée de 19 à 21° C. Et entre 1973 et 2003, la consommation d’électricité par mètre carré a progressé de 85 % ! Charlie Pegg

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C’est prouvé, les embouteillages

accentuent la pollution. Alors, pour trouver un moyen d’infléchir les pics d’ozone liés au trafic urbain, des chercheurs de l’Université technique de Berlin (TU-Berlin) se sont penchés sur les bouchons. Plusieurs études ont montré qu’une conduite souple et sans ralentissement, à l’opposé de l’accordéon, pouvait diminuer la consommation de carburant des voitures jusqu’à

50 %. Dès lors, il suffirait de ne trouver sur sa route que des feux verts pour réduire ses émissions de CO

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comment s’il vous plaît ? Les chercheurs allemands ont eu l’idée d’utiliser les systèmes de navigation embarqués pour repérer et éviter les points d’encombrement liés aux feux rouges. Un seul problème : les GPS sont encore incapables de distinguer les bouchons dus aux feux de signalisation du reste des embouteillages.Louise Allavoine

En Inde, le Net monte dans le train Une vie sans e-mail ne sera bientôt plus qu’un mauvais rêve sur Terre. Deux étudiants indiens viennent de

trouver une ingénieuse solution pour amener le Web dans les lieux les plus reculés de leur pays : des micro-ordinateurs de transmission compacts embarqués dans les bus et les trains. Quand le véhicule s’arrête, une connexion s’établit avec les kiosques Internet qui fleurissent partout dans les campagnes. Encore à l’état de test, ce dispositif, baptisé Kranti (Kiosks in Rural Areas Network and Telecommunication Infrastructure) n’apporte pas de connexion en continu, mais il automatise le transfert de courriers. Autre atout, son coût dérisoire : le prix moyen d’accès devrait être d’environ une roupie par mois et par habitant.A.B.

“ Au rythme actuel, toutes les forêts du Nigéria auront disparu en 2020. ” KABIRU YAMMAMA, directeur du Conseil national de conservation des forêts du Nigeria (NFCCN), inquiet face à l’abattage sauvage et à la désertification.

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Le four à micro-ondes

Le roi de la cuisson ultrarapide, symbole des petits plats congelés, se recycle. Mais un petit peu seulement. PAR LOUISE ALLAVOINE

ui ne possède pas encore un « micro-ondes » dans un coin de sa cuisine aujourd’hui ? A peine 2 ménages sur 10. Dire qu’en 1985 les propriétaires du four à grande vitesse

n’étaient que 4 %. De révolution ménagère, il s’est converti en outil de première nécessité. « Moulinex libère la femme », scande la marque historique du micro-ondes dans l’Hexagone. Plus le temps de fai-re la popote quand on travaille. Or, le four à micro-ondes réchauffe vite, très vite même, et ne nécessite qu’un minimum de manipulations et d’ustensiles. En outre, il consomme moins d’énergie que son cousin le four électrique. Un bon point. Avec lui, vive le congelé, vive le tout-préparé et vive… l’em-ballage. Moins un point. ci

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D’ailleurs, comment se jette l’appareil phare de l’ère du jetable ? Quand il rend sa dernière onde au bout d’une dizaine d’années, file-t-il à la poubelle ? Pas si vite. Les déchets d’équipements électriques et élec-troniques – D3E en abrégé – doivent être recyclés. Bruxelles l’exige. En 2006, la France a donc mis en place une filière agréée. Aux fabricants de l’organiser. Ils se sont regroupés au sein de quatre éco-organis-mes chargés de retraiter les produits : Eco-systèmes, Ecologic, ERP et Recyclum. Qui paye ces structures ? Le consommateur qui, à chaque nouvel achat d’élec-troménager, débourse une écoparticipation. Pour un four à micro-ondes, comptez 2 euros. Qui collecte les appareils ? Le magasin, qui a pour obligation de re-prendre votre vieil appareil contre l’achat d’un nou-veau. C’est le principe du « un pour un ».Cette filière fonctionne depuis le 15 novembre 2006. Aujourd’hui, 10 300 points de collecte sont opérationnels, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Bilan : en

l’objet

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2007, avec 2,4 kg collectés par habitant, on est loin des 4 kg espérés. La filière mise en place ne dessert, en outre, que 38 millions de Français, soit 60 % de la population.L’Ademe espère que tous les Français seront « couverts » à la fin 2009. D’ici là, au mieux, les vieux appareils électroménagers patientent au fond du garage. Au pire, ils viennent s’échouer dans la nature, dans des décharges, ou brûlent dans les incinérateurs. « Et les nombreuses substances toxi-ques contenues dans les fumées passent, en majorité, au travers des filtres des cheminées », déplore Hélène Bourges, du Centre national d’information indé-pendante sur les déchets (Cniid).

Aluminium, plastiques et aciers Le four à micro-ondes appartient au flux « gros électroménager hors froid », comme on dit dans le jargon. C’est Eco-systèmes, le plus important des quatre éco-organismes (73 % des parts de marché), qui a la charge de retraiter cette famille de déchets.

4 fabricants – Whirlpool, Samsung, LG et Brandt – se partagent le marché français.

2 millions de micro-ondes ont été vendus en 2007dans l’Hexagone.

En 2007, le chiffre d’affaires du secteur s’est élevé à 203 millions d’euros en France.

L’organisme Eco-systèmes : www.eco-systemes.com/home.html

La fiche du réseau Eco-consommation sur le four à micro-ondes :www.ecoconso.be/spip.php?article69

Le Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipement ménager :www.gifam.fr

Pour aller plus loin

Sur Internet, découvrez le nouvel épisode de la série de dessins animés de Terra Economica qui dit tout sur le salon de jardin en teck (en coproduction avec Télénantes et Six Monstres) :

www.planete-terra.fr (rubrique Environnement)

« Les apprentis z’écolos » et le salon de jardin en teck

Il faut d’abord dépolluer l’appareil en extrayant les matériaux dangereux (condensateurs, câbles). Puis séparer et broyer les matières : « ferreux d’un côté, non ferreux de l’autre », détaille l’éco-organisme. Le micro-ondes n’appartient pas à la catégorie la plus polluante. « Les plus dangereux pour la santé et pour l’environnement sont les réfrigérateurs, qui contien-nent des gaz CFC, et les écrans, qui sont composés de poudres électroluminescentes », indique Eco-systè-mes. Seulement, le four à micro-ondes contient de nombreux matériaux, notamment de l’aluminium, des plastiques et des aciers inoxydables issus de res-sources non renouvelables. Lors de la fabrication, ces derniers doivent être acheminées jusqu’aux lieux de production, pour la plupart délocalisés en Chine. Et une fois assemblés, les micro-ondes parcourent encore des milliers de kilomètres avant de pouvoir trôner en rayons. « Nous favorisons des modes de transport moins polluants, comme le transport mari-time », défend le fabricant américain Whirlpool, qui détient 12,7 % des parts du marchés du micro-ondes en France. Quant à la composition des produits, la marque affirme « travailler en amont dès la concep-tion, pour limiter le nombre de matériaux, favoriser la recyclabilité de [ses] produits et optimiser l’usage de l’appareil ». —

Pas d’ondes de choc sur la santéLe four à micro-ondes est-il inoffensif ? Depuis sa mise sur le marché au début des années 1980, il affronte des détracteurs. Selon le docteur Alain Scohy, on peut observer des fuites après trois à quatre heures cumulées d’utilisation qui « peuvent générer à la longue des troubles de la vue, de l’appareil génital et du cœur ». Il s’appuie sur des travaux sur les ondes radioélectriques du professeur Luis Miro du CHU de Nîmes. Pourtant, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) a conclu, en 1999, que « le four à micro-ondes est un appareil sûr (...) au regard, notamment, des radiations ionisantes ». Pour le réseau belge Eco-consommation, les « risques liés aux ondes sont quasi inexistants pour un four en bon état ». Il conseille seulement de veiller à la bonne étanchéité de son four. Anne-Frédérique Gautier, du groupe Whirlpool, s’étonne qu’on puisse encore se poser la question : « Des études scientifiques ont depuis longtemps démontré son innocuité pour la santé. »

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A vos marques ? Prêts ? RENOMMEZ !

Disparus, L’Alsacienne et ses grandes oreilles, Raider et ses deux doigts cou-pe-faim. Tombés au champ d’honneur, Chambourcy, Bio et Wanadoo. Ces

marques ont été victimes du « rebranding ». Dif-ficile de trouver une traduction fidèle en français, alors autant laisser un professionnel expliquer ce qui se cache derrière l’anglicisme. « Le rebranding est l’opération par laquelle une marque va changer de nom, d’identité visuelle et donc, par définition, changer d’identité au sens large », explique Patrice Civanyan, directeur de Lewis Moberly France, une agence de conseil en identité de marque. Pour une entreprise, les raisons de se lancer dans ce type de « ravalement » sont nombreuses. La faute à la mondialisation, d’abord. Ce fut le cas pour nos Raider hexagonaux, baptisés Twix dans le reste du monde. Deux marques différentes pour un même produit, ce sont des coûts en plus : c’est fabriquer deux fois le même emballage avec des noms diffé-rents, c’est doubler tous les spots publicitaires…

Polyglotte à tous prix Mais ce n’est pas qu’une question d’argent. « Dans un monde où le consommateur voyage de plus en plus, les industriels ont compris l’opportunité de marques globales, reconnaissables dans tous les pays », ajoute Véronique Collange, auteure d’une thèse sur « l’impact du changement de nom de marque sur l’attitude vis-à-vis du produit ». Les fusions et acquisitions entre entreprises donnent souvent lieu à des rebrandings. L’exemple phare dans ce domaine est la naissance d’Orange. Cette marque de téléphonie existait déjà en Grande-Bre-tagne mais était totalement inconnue en France jusqu’à ce qu’elle regroupe sous son nom les dé-funts Wanadoo, maligneTV et Equant. L’objectif

Avant de s’installer dans les linéaires, les produits doivent se faire un nom. Les spécialistes du « rebranding » sont là pour faire oublier une sale histoire, un rachat ou un raté de communication.PAR CAROLINE BOUDET

le marketing expliqué à ma mère

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était alors de concentrer les différentes offres de France Télécom sous une même bannière recon-naissable mondialement. Mais le rebranding, c’est également un bon moyen de faire oublier une mauvaise image ou de faire face à des problèmes juridiques. Ainsi, le Crédit Lyon-nais, décidément trop « sali » par les scandales fi-nanciers, a été rebaptisé LCL en 2005. Et si les pots d’Activia ont remplacé ceux de Bio dans nos réfri-gérateurs, c’est tout simplement parce que Danone n’a pas eu le choix : une réglementation européenne interdit désormais l’usage de termes « généralement considérés par le consommateur comme une référence au mode de production biologique » (lire ci-contre l’histoire d’un rebranding réussi). Toiletter une marque, ce peut être enfin le dernier espoir pour sauver un produit qui ne marche pas. Patrice Civa-nyan a travaillé sur le rebranding du yaourt Double Douceur, de la marque Yoplait, qui avait effectué un démarrage calamiteux dans les linéaires. « Yo-plait était persuadé que le produit en lui-même était excellent et présentait un vrai potentiel. C’était donc du côté du marketing qu’il fallait agir », raconte-t-il. Banco pour Yoplait avec le nouveau nom Perle de Lait. « Rapidement, sans changement ni de prix ni de distribution, les ventes ont doublé », se réjouit-il.

Logiciels et sémiologues mobilisésAlors le rebranding est-il une puissante baguette magique ? On est encore loin des 100 % de réussite. Certaines marques ont connu des échecs retentis-sants. En France, Canigou n’a finalement jamais été renommé Partners, comme prévu pendant un moment. Car les habitudes des consommateurs sont tenaces. « Les Français sont très attachés à cette marque, on parle même de Canigou pour désigner les aliments pour chiens en général », explique Véroni-que Collange. Parce que, entre les marques et nous, c’est (presque) une histoire d’amour. Gagner le cœur du consommateur est donc loin d’être aisé. Première mission : trouver « le » nom qui va faire mouche. Il ne faut pas compter sur une fidélité inconditionnelle du consommateur au produit. « Si Bio était devenu Gerbi plutôt qu’Acti-via, peu importe le budget de lancement, personne ne l’aurait acheté », sourit Véronique Collange. Avant d’ajouter : « Le plus important est de trouver une vraie cohérence entre la marque et le produit,

de vérifier que le nouveau nom est plus attractif que l’ancien, et surtout de ne pas négliger le côté affec-tif. » Mais ce n’est pas tout. « Il faut aussi s’assurer que le nom est disponible, et qu’il est “ lisible ” dans d’autres langues pour ce qui concerne les marques globales », ajoute Anaezi Modu, fondatrice du site américain Brand.com, qui organise chaque année les Rebranding Awards, trophées récompensant les meilleurs changements d’identité. Logiciels recen-sant les mots dans plusieurs langues, travail avec des sémiologues… Un changement de nom mobi-lise de nombreuses ressources. Et pas uniquement financières. « Pas besoin d’être une multinationale avec un budget pharaonique pour réussir. Nous avons même distingué une athlète qui s’était “ re-brandée ” elle-même afin de trouver de nouveaux sponsors ! », précise-t-elle.Pour les vendeurs de yaourts ou de biscuits, quels résultats espérer d’une telle démarche ? A court terme, le changement de marque peut déstabiliser les ventes, mais un rebranding réussi se mesure sur le long terme, à l’augmentation du chiffre d’affai-res. Et c’est un carton plein si, au final, la marque est bien installée dans l’imaginaire des consomma-teurs. Que celui qui n’a plus jamais acheté de Twix après la mort de Raider lève la main… —

Le site des Rebranding Awards : www.rebrand.com

Le blog de Patrice Civanyan sur les marques et le branding :www.ledivandesmarques.com

Le poids des marques, la vitesse des marchés, Patrice Civanyan, Ed. Village Mondial.

Les marques, capital de l’entreprise, Jean-Noël Kapferer, Ed. Eyrolles.

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Pour aller plus loin

Retrouvez « le marketing expliqué à ma mère » sur : www.terra-economica.info

Orange a regroupé sous son nom Wanadoo, Equant et maligne TV.

Canigou n’a jamais été rebaptisé Partners car les Français y étaient trop attachés.

Double Douceur est devenu Perle de Lait et a ainsi doublé ses ventes.

Comment Bio devint Activia– Novembre 2005 : le nom Activia s’affiche en magasin, à côté de celui de Bio, avec ce slogan « Rien ne change, sauf le nom ».– Janvier 2006 : le logo « Bio devient Activia » est placardé sur tous les emballages et Danone lance une grande campagne de communication.– 1er juillet 2006 : le nom Bio disparaît totalement. Le coût de la campagne de rebranding est estimé à 9 millions d’euros pour les spots télévisés, 1 million d’euros pour l’affichage, sans compter l’organisation de plus de 1 000 animations en magasins.– 2007 : Danone France annonce une augmentation des ventes record (+ 20 %) de quatre de ses marques phares : Actimel, Taillefine, Petit Gervais et... Activia.

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Le SAVANT qui met l’eau à la bouche Cela fait vingt ans que Tony Allan calcule l’eau cachée derrière les produits de la vie quotidienne, du hamburger à la paire de chaussures. Une « eau virtuelle » qui n’intéressait que les spécialistes jusqu’à ce que les ressources planètaires s’amenuisent. Son invention lui vaut aujourd’hui tous les honneurs. PAR KARINE LE LOËT (A LONDRES) ad

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Un petit noir avalé au coin d’un comptoir. Et nous voilà empruntant 125 millilitres d’eau aux ressources naturelles

de la planète. Une broutille, croit-on. Sauf que ce café a, en réalité, nécessité 140 litres du liquide transparent avant d’atterrir au fond de notre tasse. La découverte, signée Tony Allan, scientifique environnemental, remonte à une vingtaine d’années. Elle sera récompensée en août par le très prestigieux Prix de l’eau décerné par la Fondation de l’eau à Stockholm. En attendant son couronnement, le septuagénaire continue de partager sa retraite entre le King’s College et l’Ecole des études orientales et africaines (SOAS) à Londres.Regard brillant et verbe alerte, l’homme est attablé dans une salle de cours où perce timidement le soleil londonien. Là, il revit en un tournemain la naissance de son idée, en 1988. D’abord nommée « eau intégrée », elle fut rebaptisée « eau virtuelle » quelques années plus tard. « Une appellation moins juste mais plus vendeuse », souligne Tony Allan. L’idée décolle alors. D’autant que son principe est enfantin. En bref, il ne s’agit plus de mesurer sa consommation d’eau au rythme de ses douches et de ses boissons quotidiennes, mais de prendre en compte désormais l’arrosage des vergers d’où proviennent nos fruits, l’eau consommée par des vaches promises à devenir steaks ou encore celle intégrée dans la chaîne de production de notre dernière voiture. En bref, l’eau invisible, cachée derrière le produit.

Pas une simple feuille de calculs« Chaque année, nous buvons 1 m3 d’eau [ou une tonne] par personne et utilisons 100 m3 pour les travaux domestiques divers. Mais nous consommons près de 1 000 m3 supplémentaires pendant cette même année au détour de la nourriture que nous mangeons », souligne Tony Allan. En 2002, une équipe néerlandaise dirigée par Arjen Hoekstra achève de

populariser le concept. Il traduit la théorie d’Allan en chiffres précis. Ainsi, selon ces calculs, une tasse de café exigerait 35 litres d’eau, tandis qu’un hamburger « avalerait » 2 400 litres. Même les produits éloignés des rivages de l’agriculture comme un jean ou une puce électronique se voient dotés d’un poids liquide (lire ci-dessous). Cet éventail de données permet à tout individu de calculer son empreinte en eau. De chaque côté du spectre, estime Arjen Hoekstra, se tiennent l’Américain et le Chinois moyen. Si le premier consomme 2 480 m3 d’eau par an en moyenne, le second se contente de 702 m3 pendant la même année. Mais l’idée de Tony Allan ne se limite pas à une simple feuille de calculs. Non, elle a son rôle à jouer sur la scène mondiale.Flash-back. En 1988, le concept d’eau virtuelle est né dans l’esprit du scientifique au détour d’une

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Une feuille de papier A4 (80 g/m2) : 10 litres Une pomme de terre (100 g) : 25 litresUne puce électronique (2 g) : 32 litres Une tasse de thé (250 ml) : 35 litresUne tranche de pain (30g) : 40 litresUne pomme (100 g) : 70 litresUn verre de bière (250 ml) : 75 litresUn verre de vin (125 ml) : 120 litres

Produits de la vie quotidienne

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constatation. « Tout le monde prédisait depuis longtemps qu’avec la pénurie d’eau, des conflits violents finiraient par émerger. » Certes, Israël et la Syrie se sont bien affrontés entre 1962 et 1964 pour le contrôle des eaux du Jourdain. Mais rien d’envergure. Même constat dans les autres régions du monde. « Des agriculteurs ou des villages voisins pouvaient bien s’opposer, mais aucun pays n’entrait en conflit avec un autre autour d’une histoire d’eau. »

Un verre au comptoir internationalLe scientifique se gratte la tête. Et comprend. Là où un pays manque du précieux liquide, il se sert au comptoir du commerce international… en eau virtuelle. Prenons un pays en pénurie d’eau : Israël par exemple. Plutôt que chercher à mettre la main sur les eaux du Jourdain au détriment de ses voisins, le pays peut aller pister l’eau là où

Le bassin de la Tamise concentre 17 millions d’habitants. Or, si la région devait vivre en autarcie, ses ressources en eau ne pourraient subvenir aux besoins que de 500 000 personnes.

Une tasse de café (125 ml) : 140 litres Un paquet de chips ( 200 g) : 185 litresUn verre de lait (200 ml): 200 litresUn tee-shirt en coton (250 g) : 2 000 litresUn hamburger (150 g) : 2 400 litres Une paire de chaussures (cuir de vache) : 8 000 litresUn jean (1000 g) : 10 850 litres

Empreintes nationales Etats-Unis : 2 483 m3 par habitant/an – Japon : 2 332 – Russie : 1 958 – France : 1 875 Australie : 1 393 – Brésil : 1 381 – Inde : 980 – Bangladesh : 896 – Chine : 702Source : « Water footprints of nations: Water use by people as a function of their consumption pattern », A. Y. Hoekstra et A. K. Chapagain, 2005.

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persona grata

elle se trouve : dans un épi de blé américain ou un bol de riz thaï. Ainsi, plutôt que de puiser sur ses maigres ressources pour arroser ses champs, Israël peut réserver son eau à la boisson et aux ablutions de sa population. Une leçon bien comprise par les autorités locales. « Israël était autrefois largement agricole, se souvient Tony Allan. Désormais, le pays importe à 80 % ses produits alimentaires. »

Garder les champs pour les légumesCet échange est facilité lorsque le pays est doté lui-même d’une monnaie d’échange, comme le pétrole dans les pays du Golfe, l’industrie high-tech à Singapour, les services à Londres. « Le bassin de la Tamise concentre 17 millions d’habitants. Or, si la région devait vivre en autarcie, ses ressources en eau ne pourraient subvenir aux besoins que de 500 000 personnes. » La solution ? Importer de l’eau via les aliments en payant grâce aux recettes réalisées dans le tertiaire. Certes, le schéma corrige les inégalités de ressources aux quatre coins du monde. Mais son équilibre est fragile, car l’eau pourrait bien venir à déserter la surface du globe et ne pas suffire face à une population grandissante. Tony

L’eau virtuelle contenue dans les aliments est une donnée qui varie fortement en fonction des produits et des pays. Au sein des cultures agricoles, celle du riz est la plus grosse consommatrice d’eau virtuelle avec 2 291 m3 par tonnes, pour 1 334 m3 pour le blé. L’élevage, lui, est encore plus gourmand : il faut nourrir l’animal, l’abreuver et le soigner. Résultat : une note en eau virtuelle plutôt salée. Prenons l’exemple d’un steak saignant consommé sur le Formica de notre cuisine. Avant d’atterrir dans notre assiette, il aura fallu trois ans pour que le bœuf atteigne l’âge adulte et produise environ 200 kg de viande fraîche. Durant cette période, l’animal aura consommé 1 300 kg de grains (blé, maïs, soja, avoine...) et 7 200 kg d’herbe. Or, pour cultiver ces champs, il aura fallu environ 3 millions de litres d’eau. A cela,

ajoutons les 24 000 litres d’eau lapés par le ruminant dans son abreuvoir et les 7 000 litres supplémentaires pour son entretien. Bref, pour obtenir 1 kg de bœuf, il aura fallu 15 340 litres d’eau. Une moyenne, en fait. Car le taux d’eau virtuelle contenue dans un produit change énormément d’un pays à un autre, en fonction du climat, des technologies adoptées ou de la nature des sols. Idem pour les produits industriels qui nécessitent, en moyenne, 80 litres par dollar produit dans le monde. Mais aux Etats-Unis, ce taux atteint 100 litres par dollar. En Allemagne et aux Pays-Bas, il est d’environ 50 litres. En Chine et en Inde, de 20 à 25 litres. En moyenne, l’empreinte virtuelle s’élève donc à 1 243 m3 par habitant dans le monde. En réalité, elle varie du simple au triple.

Professeur Tony Allan

Des Etats pas tous liquides

Israël va chercher l’eau là où elle se trouve : un épi de blé américain ou un bol de riz thaï.

Allan reste optimiste. Selon lui, fournir de l’eau aux 2 milliards de personnes supplémentaires qui devraient peupler le globe en 2025 grâce à l’eau virtuelle sera, certes difficile, mais néanmoins possible. « A moins bien sûr que l’on se mette à utiliser les champs où poussent aujourd’hui les légumes pour produire de l’énergie. Je ne vois pas comment on pourra s’en sortir si on se lance à fond dans les agrocarburants par exemple. »

Mieux vaut donc assurer ses arrières en limitant la demande. La solution ? Apprendre à utiliser l’eau plus efficacement en maîtrisant des technologies de pointe, et limiter la soif des consommateurs. « Auparavant, dans la plupart des pays, on mangeait de la viande deux à trois fois par semaine. Aujourd’hui, il n’y a pas un sandwich qui ne contienne pas un peu de viande. L’empreinte d’eau d’un Américain carnivore s’élève aujourd’hui à 5 m3 par jour : un quart de m3 est réservé à sa boisson, à ses ablutions et au nettoyage de sa maison, le reste – 4,75 m3 – vient de la totalité de la nourriture qu’il ingère et dont il n’a pas vraiment besoin. Si les gens se conduisaient mieux en tant que consommateurs, ils amélioreraient leur santé en même temps que celle de la planète. » —

71 ans, professeur au King’s college et à l’Ecole d’études orientales et africaines de l’université de Londres (SOAS). Il a imaginé l’« eau virtuelle » en 1988.Selon lui, c’est un concept « économiquement invisible et politiquement silencieux ».

DR

12 mai 2008 terra economica

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14 mai 2008 terra economica

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Le paradis sur mer ?

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dossier

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terra economica mai 2008 15

Le paradis sur mer ?

R échauffement du climat, épuisement des ressources en eau douce, en minerais et en énergie fossile, insuffisance de la production agricole, surpopulation :

l’avenir proche promet à l’humanité une kyrielle de problèmes globaux. A chacune de ces difficultés, la mer semble en mesure d’apporter des solutions. Les océans absorbent une part importante des gaz à effet de serre générés par la société : peut-on accroître la puissance de cette pompe, et que se passerait-il si elle se désamorçait ? La désalinisation de l’eau de mer pour la rendre potable est un procédé coûteux et gourmand en énergie, sera-t-elle réservée aux populations les plus riches ? Les mers abondent de minerais, mais ces derniers seront-ils techniquement exploitables ? Les sédiments océaniques regorgent d’énergies fossiles, en particulier sous le pôle Nord, mais est-il raisonnable de chercher à les extraire ? L’aquaculture est en plein essor, mais saura-t-elle maîtriser ses impacts néfastes sur les écosystèmes marins ? Les interrogations pleuvent.

7 % des poissons ont déjà disparuCar les océans sont en mauvais état. La dégradation de la biodiversité n’y est pas moins grave que sur la terre ferme. Selon la FAO, organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 25 % des espèces de poissons sont d’ores et déjà décimées et 7 % ont entièrement disparu. Or le passage de la population mondiale

La Terre est recouverte à 70 % d’océans. Un espace infini mais méconnu qui suscite aujourd’hui tous les appétits alors que nourriture, eau, énergies, matières premières commencent à manquer. La Terre sera-t-elle sauvée par la mer ? Pour le savoir, « Terra Economica » n’a pas hésité à plonger très profond. Jusqu’en 2050. PAR MATTHIEU AUZANNEAU

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16 mai 2008 terra economica

dossier

de 6 à 9 milliards d’individus avant 2030 augmentera nécessairement la demande. Plusieurs autres facteurs semblent converger vers un scénario très sombre. D’ici à 2020, 70 % de la population de la planète vivra à moins de 500 km des côtes. La montée des mers, conséquence du réchauffement de l’atmosphère, pourrait entraîner le déplacement de centaines de millions d’individus. Rien que dans le sous-continent indien, les estimations atteignent 125 millions de personnes, soit près d’un dixième de la population de l’Inde, du Pakistan et du Bangladesh. Où iront-elles ? De quoi vivront-elles ?

Organismes marins génétiquement modifiésLes dernières études sur la rapidité des changements climatiques laissent craindre une montée des eaux beaucoup plus importante que prévu. Début avril, l’équipe de James Hansen, climatologue américain de premier plan à la Nasa, a publié une analyse sur les sédiments océaniques déposés au début de l’ère glaciaire. Il conclut dans le quotidien britannique The Guardian du 7 avril : « Si la concentration de CO

2

reste trop longtemps à 440 parties par million (ppm), cela suffira probablement à faire fondre toute la glace : on parle ici d’une hausse du niveau des mers de 75 mètres. » Le pire est donc possible, et les estimations fournies par les modèles informatiques du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec) semblent être dépassées par la réalité. Mais la mer reste une mine de ressources inexploitées. Forage sous l’océan Arctique, expériences de contrôle climatique, études génétiques des organismes marins, villes flottantes, élevage intensif de poissons, etc : Terra Economica a décidé de plonger sous la surface et d’explorer quelques-uns des projets en gestation qui font peut-être de la mer l’avenir de la Terre. —

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terra economica mai 2008 17

Enfin du bon temps ! Allongé sur son transat à mémoire de forme, Krishna Gurnule goûte au luxe réservé d’ordinaire à l’élite des ingénieurs de Gazform. A

30 mètres au-dessus de sa tête, la coupole en nanoplastique fonce imperceptiblement pour adoucir la réflexion du soleil sur le bleu acier de l’océan Arctique. Au sommet de la tour Poutine 1, point culminant du plus vaste terminal pétrolier du monde, le solarium offre un large panorama sur l’embouchure du fleuve Ob, d’où s’éloignent par dizaines les supertankers, alignés comme des colonnes de fourmis. Voilà deux décennies que les pétroliers géants n’ont plus besoin qu’un brise-glace leur ouvre le passage. Les pilotes de la flotte de Gazform, le mégaconglomérat russe de l’énergie,

ont malgré tout gardé l’habitude de se suivre à la queue-leu-leu. Loin au large, les flammes recrachées par les tuyères de 10 000 plateformes offshore font croire qu’un nouveau soleil s’apprête à poindre.Quel chemin parcouru depuis qu’à l’âge de douze ans Krishna a quitté les lambeaux de son île du delta du Gange, grâce aux premières bourses dispensées par l’ONU aux « réfugiés climatiques » ! Ce programme d’aides n’a pas tenu longtemps, faute de crédits suffisants. C’est que les personnes déplacées par la montée des mers se sont chiffrées en dizaines, puis en centaines de millions. La chance a souri au jeune Bengali, devenu l’un des chimistes les plus brillants du Programme des Nations unies pour l’environnement.

La troisième guerre des PôlesKrishna Gurnule peine à l’admettre, mais vus du pôle Nord, les effets du réchauffement climatique ont quelque chose d’appréciable. 17 ° Celsius à midi et 24 heures de soleil par jour. Krishna se lève car un officier de la marine russe lui a fait signe. C’est l’heure du rendez-vous attendu depuis des semaines. Le numéro 3 de Gazform, grand maître des gisements d’hydrocarbures polaires, accepte enfin de le recevoir. A titre confidentiel, bien entendu. En traversant le solarium, le regard de Krishna s’attarde un instant. A perte de vue, la fonte du permafrost, cette terre de Sibérie que l’on croyait gelée pour l’éternité, a laissé des milliards d’auréoles vert pâle. « La couleur de la mer au-dessus des coraux », songe-t-il un instant. Comme la

Actuellement inexploités, les océans nous réservent bien des surprises. Pour en savoir plus, « Terra Economica » s’est projeté dans l’avenir. Et Krishna Gurnule, scientifique des Nations unies, nous emmène à la découverte de la prochaine bombe à carbone. UN RECIT DE MATTHIEU AUZANNEAU

F I C T I O N C L I M A T I Q U E

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Sur le fjord glacé d’Ilulissa au Groëland, site privilégié des climatologues pour l’observation de la fonte des glaciers.

Rapport de Greenpeace sur la surpêche :www.greenpea-ce.org.uk/media/reports/recipe-for-disaster

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18 mai 2008 terra economica

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banquise et le permafrost, les récifs coralliens ne sont guère plus qu’un souvenir. Krishna chasse un accès de mélancolie caractéristique de la « dépression climatique », comme l’ont baptisée les psys. Ce n’est pas le moment.Krishna prend place à bord d’un gros porteur de ravitaillement qui met le cap vers le nord. Au bout d’une demi-heure, il se pose sur l’ancienne base offshore mobile de l’armée russe, construite en 2014, juste avant la première guerre du Pôle. Des MIG 100, capables de transporter des bataillons entiers n’importe où, appontent et décollent sans cesse. Les 10 milliards de tonnes d’hydrocarbures de l’Arctique russe forment le plus vaste trésor énergétique du monde, depuis le déclin de la production pétrolière du golfe Persique en 2016. La Russie est sortie victorieuse, mais exsangue, de la troisième guerre du Pôle, face aux troupes de Blackwater. Cette armée privée avait bâti sa réputation dès les années 2000 dans l’ex-Irak, en œuvrant au service des firmes pétrolières anglo-saxonnes. Pratiquement réduites à zéro pendant les

décennies de guerre, les extractions polaires russes tournent maintenant à plein régime, histoire de rentabiliser l’investissement.

Bouchées de concombre de mer OGMKrishna pénètre dans le bureau du vice-président de Gazform, qui mâchonne tranquillement un concombre de mer OGM importé des fermes piscicoles de Crimée. Son goût douceâtre et sa haute teneur énergétique remplacent avantageusement les antiques légumes, passés de mode aux yeux des riches, et considérés comme trop chers ou trop pollués. « Zakouski !, s’exclame Evguéni Lingarov, faussement jovial. Vous en voulez, professeur ? » Krishna décline l’offre et avise l’énorme plaque de navire qui trône au fond la pièce. Le nom inscrit sur la plaque, Akademik-Fedorov, est celui du fameux bâtiment scientifique depuis lequel ont plongé les bathyscaphes Mir 1 et 2, en août 2007, afin de planter un petit drapeau russe sur le plateau continental arctique, à 4 200 mètres de profondeur. gu

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Les Maldives artificielles

ont dû étre surélevées

de 2 m pour éviter les

inondations liées au

changement climatique.

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terra economica mai 2008 19

Les deux hommes s’observent un moment, ne sachant trop quelles politesses échanger. Krishna décide d’y aller bille en tête. « Nous avons terminé la campagne d’analyse que vous nous avez autorisé à effectuer autour du pôle magnétique. La décrystalisation des hydrates de méthane a franchi tous les seuils d’alerte. » Lingarov ne peut dissimuler un frisson. Il lâche brutalement : « Mais enfin, qu’est-ce que vous voulez que Gazform y fasse ? » L’impuissance de l’un des hommes les plus puissants du monde fait naître un sourire moqueur chez Krishna, qui l’efface instantanément. L’apparatchik jette malgré lui un œil aux graphiques défilant sur le portable de l’expert de l’ONU. Deux heures plus tard, Krishna Gurnule est seul à bord d’un jet d’affaires de Spacioflot, qui repart pour le siège des Nations unies, à New Mumbai. Il le savait depuis longtemps, sa mission ne pouvait pas réussir. C’est tout juste s’il a pu arracher à son interlocuteur la vague promesse d’une « protection » pour de futures missions scientifiques. Tandis que l’avion-fusée vire à travers la ionosphère, le regard de Krishna reste fixé sur l’océan, cent kilomètres plus bas.

Semences de fer dans les océans« C’est la prochaine bombe à carbone, et ce sera sans doute la pire », murmure le docteur en chimie du climat, la tête collée au hublot. Dès les années 2000, la mort des coraux et la fonte du permafrost n’ont cessé de libérer des volumes colossaux de gaz à effet de serre : du gaz carbonique et du méthane jadis piégés par la mer et la terre. La montée des océans, dont on espérait jusqu’en 2008 qu’elle ne serait que de quelques dizaines de centimètres, dépasse désormais quatre mètres en moyenne. Elle semble ne jamais devoir ralentir. Dans les sédiments des océans, et surtout en Arctique, les cristaux d’hydrates de méthane sont capables de libérer sans doute dix fois plus de gaz carbonique que le charbon, pourtant l’énergie fossile la plus abondante sur Terre. Voilà un demi-siècle que les climatologues le redoutent, mais cette fois nous y sommes : la fonte des hydrates de méthane s’accélère à un rythme exponentiel, signe qu’elle ne s’arrêtera sans doute plus.Depuis des mois, l’ONU approche les Russes et les autres puissances qui se partagent le pôle Nord. « Il faut à tout prix convaincre tout ce petit monde de laisser les coudées franches aux contrôleurs de temps », conclut Krishna en présentant son rapport à ses supérieurs de New Mumbai, nouvelle capitale économique de l’Inde depuis que l’antique Bombay a été avalée par les flots.

Les contrôleurs de temps… Au début, les climatologues traditionnels les ont considérés avec inquiétude et condescendance. Il faut dire qu’ils commencèrent par accumuler les échecs. Mais la mer est la principale pompe à gaz carbonique de la planète, et à mesure que les effets du réchauffement du climat s’aggravaient, de plus en plus de scientifiques se mirent en quête du moyen de rendre cette pompe beaucoup plus efficace. En mars 2008, le voyage du Weatherbird II avait constitué la première tentative indépendante d’épandage de fer dans les océans, reproduite dans les années qui suivirent par des centaines d’autres missions financées par les plus grandes ONG écologistes. Le fer déversé dans la mer devait doper le plancton, pour augmenter sa capacité à absorber le gaz carbonique de l’atmosphère dissous dans l’eau. Les résultats furent décevants. On s’aperçut un peu tard que le processus biochimique de l’absorption du fer par le plancton était beaucoup trop complexe pour être efficacement exploité.

Du plancton « bouffeur de CO2 »Puis, suivant la voie ouverte par le Nord-Américain Craig Venter, généticien mégalomane, de nouveaux laboratoires tentèrent de créer et de mettre en culture de nombreuses variétés de planctons génétiquement modifiés extrêmement fertiles, décuplant ainsi leur capacité naturelle à ingérer du gaz carbonique. Il fallut plus de trente ans pour créer ces nouveaux organismes, et s’assurer qu’ils rempliraient leur rôle sans bouleverser un peu plus les écosystèmes marins, déjà endommagés par la pêche industrielle,

Rapport 2008 du Programme des Nations unies sur l’environne-ment :www.unep.org/geo/year-book/yb2008

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20 mai 2008 terra economica

dossier

la pollution et le réchauffement général. En 2046, enfin, Krishna Gurnule eut le privilège de participer aux premières introductions de plancton transgénique aux quatre coins des mers du globe. Malgré les protestations virulentes des anti-OGM, les premiers résultats semblaient prometteurs. Mais cela ne suffirait manifestement pas à convaincre Gazform et ses concurrents de laisser des bâtiments scientifiques du monde entier s’égailler dans les eaux polaires.

Prolifération de poux de merKrishna réalise qu’il ne sauvera pas le monde aujourd’hui. Après des heures de debriefing fastidieux, il quitte enfin le siège des Nations unies. Il marche vivement dans les rues de New Mumbai, cherchant à échapper à la touffeur sur les hautes digues de la ville, bâties pour résister à l’élévation de l’océan Indien. Picorant des algues séchées, il observe à perte de vue les ouvriers aquacoles qui s’affairent sur des myriades de petites embarcations. Grâce aux progrès accomplis dans les élevages intensifs de poissons et d’algues, toutes les régions côtières du globe sont à peu près autosuffisantes en nourriture. C’était vital. L’épuisement des nappes phréatiques des zones les plus peuplées a vite fait de l’aquaculture une ressource indispensable pour l’humanité.L’effort n’a fait que se renforcer après le moratoire international sur la pêche industrielle. Le signal d’alerte fut la disparition définitive des principales espèces de requins et de thons à la fin des années 2010. Le moratoire suffit tout juste à stabiliser les populations sauvages de merlu, de cabillaud, de saumon et de morue. Certaines mers tropicales, où coraux et grands poissons prédateurs furent éradiqués, devinrent bel et bien des déserts. De nouvelles espèces commencent maintenant à coloniser à nouveau certains espaces vides : la nature n’aime pas le vide. Mais la société n’aime pas les changements brutaux, quels qu’ils soient, et dans bien des régions, les conditions de subsistances de nombreuses populations pauvrent demeurent encore aujourd’hui cauchemardesques.Rendre pérenne un développement massif de l’aquaculture avait été une tâche plus complexe que prévu. Dès 2007, la prolifération des poux des mers dans les fermes de saumon avait entraîné des dégâts terribles pour la chaîne alimentaire maritime. Les poux, d’abord hébergés dans les fermes piscicoles, décimèrent les saumons sauvages lorsqu’on se mit en tête de badigeonner leurs cousins domestiques d’antiparasites. Plus tard, la pollution endémique des

44 %sources

terrestres

33 %sources

atmosphériques

12 %sources

maritimes

Origine industrielle hydrocarbures, métaux lourds, substances chimiques, radionucléides...

Origine agricole nutriments, engrais, pesticides...

Origine ménagère déchets solides ou liquides, résidus de traitement des eaux usées, polluants contenus dans les eaux de ruissellement...

ConséquencesDepuis le début de l’ère industrielle, l’océan aurait absorbé la moitié des émissions de CO² provoquées par l'homme, entraînant une acidification de l’eau de mer.

Un grand nombre de mollusques s'en trouvent menacés, leur coquille calcaire se dissolvant dans une eau trop acide. C'est également une des menaces qui planent sur les récifs coralliens.

Toute activité humaine en mer est susceptible de générer des pollutions : navigation, extraction d'hydrocarbures, dragage, dégazage, abandon d’épaves, résidus de cargaison, de déchets...

600 000 tPlateforme Ixtoc 1juin 1979 - février 1980Golfe du Mexique

120 000 tTorrey Canyon1967, Manche

220 000 tAmoco Cadiz1978, Bretagne

180 000 tExxon Valdez1989, Alaska

37 000 tErika1999, Bretagne

3 à 4 millionsde tonnesde dégazage

par an

dont0,7 à 1,3 million

en Mer Méditerranée

Equateur

O c é a nPa ci f ique

Etats- UnisJapon

Russie

Nappede détritus

occidentale

Nappede détritusorientale

Dans le Pacifique Nord

de déchets et de débris plastiques flottent sur une étendue grande comme deux fois les Etats-Unis

Les plus grandes marées noires

POLLUTIONS

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terra economica mai 2008 21

eaux littorales par l’industrie, notamment en Chine et en Inde, créa une succession presque ininterrompue de problèmes. « Heureusement, songe Krishna, les hommes ne sont jamais aussi efficaces que lorsqu’ils prennent peur. » Depuis une décennie, le spectre d’une dégradation irréversible de la vie marine est perçu comme la calamité de trop : la toute-puissante industrie aqua-alimentaire parvient désormais à faire pression sur l’industrie chimique, qui adapte ses procédés. « On progresse ! », veut croire Krishna en finissant son sac d’algues séchées. Oubliant un instant ses angoisses sur l’avenir de la mer nourricière, Krishna Gurnule songe qu’il va pouvoir retrouver sa famille dans la nouvelle cité des mers bâtie en face de New Mumbai. Le lendemain matin, impatient, il embarque à bord d’un néo-clipper flambant neuf. En partance pour la mer de Chine, le fier trois-mâts en matériaux composites et à voiles semi-rigides doit d’abord

faire une brève escale dans la ville flottante où vivent la femme et les enfants de Krishna. Ce sera une courte croisière, mais c’est toujours un bonheur de voir l’un des plus anciens modes de transport régénéré par les technologies avancées ! Dissimulés sur la surface des mâts, des nanocapteurs véliques permettent à l’unité centrale du navire d’adapter les voiles à chaque microvariation des vents, bien mieux que ne pourrait le faire le plus attentif des régatiers. Tandis que le coursier fend les flots à plus de 25 nœuds, Krishna observe les cargos mollement tractés par d’immenses parachutes ascensionnels. Cette technique permet d’économiser un tiers du carburant jadis indispensable à leur navigation.

Marchands ambulants et taxi-vedetteLa cité des mers grandit sur l’horizon. Le néo-clipper passe au-dessus d’un immense parc d’hydroliennes, qu’on distingue dans l’eau la

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Dans le village de Munshiganj au Bangladesh. Dans cette région, l’élévation du niveau de la mer a stérilisé les sols et fait disparaître la riziculture traditionnelle.

Etat mondial de l’aquaculture par l’organisation des Nations unies pour l’alimentation :www.fao.org/docrep/009/A0699e/A0699e00.htm

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22 mai 2008 terra economica

dossier

claire par vingt mètres de fond. Puis il longe un alignement de « serpents de mer », de longues turbines électriques actionnées par la houle. Krishna Gurnule débarque enfin. Deux ans que ces missions incessantes auprès des Nations unies ne lui avaient pas donné l’occasion de revoir sa maison. Que de changements ! L’enchevêtrement des embarcations de marchands ambulants l’empêche de reconnaître les contours de la ville qu’il a vu s’élever au-dessus des flots. A mesure qu’il avance à bord de son taxi-vedette, Krishna comprend. Au polder original sur lequel s’est élevé le cœur de la ville, sont venues s’agglomérer de nouvelles structures flottantes, accueillant des pâtés de maisons bâties en alliages légers et peu coûteux. D’abord conçue comme un havre pour les nantis, la cité des mers accueille sans cesse de nouveaux arrivants, cherchant à échapper à l’engloutissement de leurs bidonvilles.

Des trillions de nanopanneaux solairesKrishna Gurnule réalise qu’une nouvelle forme de civilisation est sans doute en train d’apparaître, à mesure que des cités des mers naissent par centaines partout le long des plaines côtières submergées, à l’embouchure du Mékong, du Nil, de la Volga, du rio de La Plata, du Rhône ou de l’Hudson. Au cours de la dernière décennie sont même apparues les premières cités marines migrantes. Inspirées des bases offshore mobiles militaires, ces villes-navires apatrides se déplacent au gré des saisons pour échapper aux ouragans toujours plus fréquents, et aux soubresauts politiques d’une humanité en crise. Le taxi-vedette accoste au bout du jardin de la propriété des Gurnule. Krishna se précipite à l’intérieur, mais la maison est vide. Sur la table, un mot : « Mon chéri, quand tu rentres, prends ton masque et tes bouteilles et rejoins-nous. Nous sommes dans le potager avec les enfants. »Un mois plus tard, Krishna trépigne. En Arctique, rien n’avance. Gazform prétend avoir effectué ses propres analyses et affirme que les résultats produits par les Nations unies sur la fonte des hydrates de méthane sont très exagérés. Sur le bureau du

scientifique, le visiophone s’allume. Apparaît le visage de Mike, son ami et collègue nanochimiste. Le grand Néo-Zélandais fait résonner sa voix chaude dans le récepteur : « Namaste, mon cher Krishna. Comme tu le vois, je suis encore en mer, cette fois au large des Tonga. » Mike a fait fortune dix ans plus tôt dans la ruée vers l’or maritime, en prenant la direction scientifique de Nautilus Minerals. Lancée en 2004, cette société pionnière est aujourd’hui une firme internationale majeure avec une armada de navires miniers. Nautilus Minerals vend l’or, mais aussi le cuivre, le zinc et le plomb filtrés dans les sources hydrothermales à la jointure des plaques tectoniques du Pacifique.Un commerce toujours plus lucratif, tandis que s’épuisent l’une après l’autre les mines terrestres. « Comme tu le vois, les affaires vont toujours aussi bien, constate Mike, mais ce n’est pas pour ça que je t’appelle. Mon procédé est au point ! » Krishna demeure incrédule. Voilà vingt ans que Mike poursuit une chimère : lancer des trillions de nanopanneaux solaires dans les océans, et récupérer l’énergie sous forme de plasma pour alimenter en électricité la terre entière. « Ce n’est pas possible, bafouille Krishna, ça marche ? » Mike ne cache pas son excitation : « On dirait, oui ! Tu te rends compte : les océans emmagasinent mille fois plus d’énergie que n’en produit toute l’humanité. » Emu, Krishna s’exclame : « Tu m’embauches ? » « Tu n’as pas le mal de mer, au moins ? », répond Mike dans un sourire.—

Au cours de la dernière décennie sont apparues des cités marines migrantes, se déplaçant au gré des saisons.

Prospective de l’Ifremer sur la pisciculture marine : www.ifremer.fr/docelec/notice/2006/notice1506.htm

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terra economica mai 2008 23

Les pilules bleuesAu fond des mers reposent peut-être les futurs médicaments contre les maladies neurodégénératives, telles Alzheimer, ou le cancer. PAR NATACHA LORIT

Dénicher au fond de l’océan les remèdes de demain. L’idée est séduisante, d’autant que la faune

et la flore terrestres sont déjà largement passées sous la lentille du microscope. Laurent Meijer, chercheur au CNRS, s’intéresse, lui, à des molécules marines, notamment issues des éponges de mer. D’après ses travaux, récompensés par la Fondation de France, les propriétés de ces organismes pourraient s’avérer

bénéfiques pour le traitement de certaines tumeurs, de maladies du rein et d’Alzheimer. Mais de l’éponge à la pilule miracle, le chemin est encore long.Malgré une biodiversité formidable, le milieu marin, qui occupe 70 % de la surface de la Terre, est celui que l’on connaît le moins. « L’océan est peu exploré parce que peu accessible », souligne Laurent Meijer. Aujourd’hui, seul un antidouleur, fabriqué à partir du venin d’un coquillage,

est vendu en pharmacie. Une dizaine de molécules provenant d’algues, de coraux ou de poissons devraient arriver prochainement sur le marché. « C’est assez difficile de produire à partir de la mer, explique Georges Massiot, du centre de recherches des laboratoires Pierre Fabre. Sauf à faire de gros investissements en matière de culture. Ce que personne ne peut ou ne veut faire. »

Les éponges lâchent leur veninCompliquées à synthétiser chimiquement ou provenant d’organismes difficiles à cultiver en laboratoire, ces molécules coûtent cher à développer. Les délais de mise sur le marché – plus de dix ans – sont trop longs. Il faut tabler sur un milliard d’euros entre la découverte d’une molécule et sa mise sur le marché. « Les boîtes font leurs calculs, elles n’y vont pas », ajoute Georges Massiot. Mais les choses pourraient changer. Car, que ce soit en matière de cancérologie ou de maladies neurodégénératives, la demande de médicaments devrait quadrupler dans les prochaines décennies. S’il est difficile de déterminer la part qu’y représenteront les molécules venues de la mer, les chercheurs y voient un « espoir réel», notamment avec les bactéries marines. « On estime qu’on connaît seulement entre 0,1 % et 1 % de la biodiversité microbienne marine. Or, derrière ce monde inconnu se trouvent des choses très intéressantes », confirme Jean Guezennec, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Parmi les pistes prometteuses, les animaux fixés tels que les éponges. Celles-ci seraient devenues des proies rêvées si elles n’avaient développé des substances toxiques pour se défendre. Ces micro-organismes, « plus maîtrisables » que les « macros » selon Georges Massiot, devraient pouvoir être cultivés en laboratoire ou encore génétiquement modifiés. L’occasion finalement pour l’industrie pharmaceutique de s’offrir au passage une touche d’écologie, en donnant, selon les mots de Laurent Meijer, « un sens supplémentaire à la protection de la nature ». —th

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Recherches sur les algues à l’université américaine du Minnesota.

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24 mai 2008 terra economica

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« Avec SeaOrbiter, on explorera les fonds sous-marins 24 h / 24 »JACQUES ROUGERIE, concepteur de cet engin espéré pour 2012

Persuadé que les océans sont une piste d’avenir pour la planète, l’architecte défend depuis dix ans la conception de cette immense bouée dérivante. PAR DAVID SOLON

La mer peut-elle être considérée comme l’avenir de la Terre ?C’est une évidence ! Nous ne connaissons rien du fond des océans. Imaginez que les abysses constituent aujourd’hui plus de 70 % du monde marin. Il est temps de vraiment piquer une tête et de voir ce qui se passe sous la surface.

Mais avec les changements climatiques en cours, et l’épuisement des ressources halieutiques, n’est-il pas finalement trop tard ?Non. Vous savez, il existe deux types de réactions face à l’adversité : le renoncement et l’action. Je ne suis pas de ceux qui baissent les bras. Pendant des millénaires, l’être humain – dans sa gestion des forêts et des océans, dans ses projets d’architecture et son mode de vie – agissait pour sa descendance. En un siècle, l’humanité a oublié cette philosophie, consommant et usant la biodiversité comme si cette dernière était à jamais renouvelable. Aujourd’hui, les signaux d’alerte s’allument partout sur le globe. Certes, je ne joue pas l’autruche et je vous confirme qu’il va y avoir de la casse, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Les océans constituent sans doute une piste d’avenir pour les milliards d’individus qui peupleront

la planète dans les décennies à venir. Mais pour cela, nous devons avoir à disposition une connaissance des fonds marins suffisante, ce qui, comme je vous le disais, est encore très loin d’être le cas.

D’où l’idée développée dans le cadre du projet SeaOrbiter ?Ce projet, qui remonte à dix ans environ, est surtout le fait de l’océanographe Jacques Piccard. Il s’agit, pour être simple, d’une gigantesque bouée dérivante pouvant abriter 18 personnes. Cet équipage embarqué pourrait y réaliser de l’exploration sous-marine 24 h / 24. SeaOrbiter fait donc partie d’une constellation d’outils susceptibles de nous éclairer sur les ressources dissimulées au fond des océans.

Mais ce projet est-il illusoire ou a-t-on des chances de le voir se concrétiser ?Nous sommes sur la bonne voie. Le dossier est estimé à 35 millions d’euros. Avec l’aide de plusieurs partenaires, nous sommes parvenus à réaliser une maquette à l’échelle 1/15e. Désormais, nous sommes dans la dernière phase avant la construction – celle du financement – et nous sommes très avancés. Comme nous avons reçu le soutien de la Corée du Sud, l’idée est d’inaugurer SeaOrbiter à l’occasion de l’exposition internationale de Yeosu en 2012. Cette manifestation aura en effet pour slogan « Pour des côtes et des océans vivants : diversité des ressources et activités durables ». —

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LE SEA ORBITER mesurera environ 31 m de hauteur et 24 m de largeur pour une hauteur totale de 51 m. Cette coque en aluminium flanquée de deux moteurs électriques dérivera dans les courants du Gulf Stream puis dans l’océan Indien. Dix-huit personnes vivront à bord dont huit aquanautes qui résideront dans la partie immergée (illustration de Une).

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La marée ne ménage plus sa force Quarante ans après l’usine marémotrice de la Rance, les côtes bretonnes accueillent une hydrolienne. Le rêve d’Hervé Majastre. PAR CAMILLE SAÏSSET

«Développer des batteries au lithium pour des véhicules électriques. Aller vers un

transport propre, mais avec une électricité issue de combustibles produisant des déchets polluants, ça n’a pas de sens ! » En se promenant sur la plage, il y a dix ans de cela, Hervé Majastre prend conscience de la puissance de la marée. Si l’océan chavire les galets dans un sens comme dans l’autre, il peut aussi faire tourner une hélice, alimenter une turbine et produire de l’électricité. Ce docteur en génie des matériaux présente alors son concept d’hydrolienne au premier concours des technologies innovantes. Recalé. « Rien d’innovant à cela », s’entend-il dire. Dans une période où l’on prône la modernité, on ne va pas revenir au temps des moulins à eau ! Hervé Majastre trace malgré tout son chemin. En 1999, il dépose

un brevet et s’associe à Jean-François Daviau pour fonder la société Hydrohelix Energies, basée à Quimper. Mais le faible coût des combustibles fossiles n’incite pas au développement des énergies renouvelables. Les temps changent. Aujourd’hui, la hausse du prix du baril de pétrole engendre un mégawattheure thermique à 150 euros, soit l’équivalent du tarif réglementé du mégawattheure marin. « Dans ce contexte, les technologies matures deviennent plus chères que les technologies à développer », souligne Hervé Majastre. Il n’empêche que Hydrohelix galère alors qu’EDF apporte son soutien à deux projets d’hydroliennes au Royaume-Uni.

Dépendant de la Lune et du SoleilTout se débloque quand les fondateurs décident d’intégrer le pôle de compétitivité

Mer de Bretagne et s’entourent d’un consortium d’entreprises. Hydrohelix Energies crée alors Sabella, du nom d’un ver marin. De là émerge le premier prototype d’hydrolienne, capable de développer une puissance de 10 à 40 kW. Puis, en avril dernier, Sabella D03 est baptisée à 19 mètres de profondeur dans l’embouchure de l’Odet (Finistère). « L’hydrolienne présente l’avantage d’être liée aux astres, aux mouvements de la Lune et du Soleil. Ce qui permet d’anticiper sans se soucier d’une influence climatique de la Terre. » Certes, l’engin ne peut rivaliser avec le potentiel infini de l’éolienne. Mais bien implanté dans un cap, un raz ou un détroit, là où les courants marins s’écoulent à grande vitesse, son potentiel est grand. Hervé Majastre rêve d’en ancrer cinq d’une puissance minimale de 200 kW chacune, dans les eaux du nord Cotentin où les courants peuvent atteindre 11 nœuds. « C’est la Mecque des courants de marée européens. » —

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eaMontage de Sabella D03, immergée en avril dernierau large de la Bretagne.  

- centrale nucléaire : de 40 MW à plus de 1 450 MW- « grand éolien » : plus de 250 kW- « petit éolien » : inférieur à 36 kW- usine marémotrice de la Rance : 240 MW

Puissances multiples

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Aïe ! La photocopieuse du troisième étage est encore  en  panne.  L’homo bureauticus  com-mence à y être habitué :  il attrape son télé-phone et  compose  le numéro de  la hotline 

de Xerox. Promis, promis, un technicien va passer dans la journée pour remettre la bête sur pied. Mine de  rien,  c’est  une  petite  révolution  qui  se  joue  là. Il y a quinze ans, l’activité de Xerox consistait sur-tout à vendre des photocopieurs. Aujourd’hui, il les loue et en assure la maintenance. Cette révolution a un nom – pas follement glamour : économie de la fonctionnalité. C’est-à-dire ? « Ce n’est plus un bien que l’on vend, mais sa fonction », explique Domini-que Bourg, philosophe et directeur de l’Institut des politiques  territoriales  et  de  l’environnement  hu-main. Finalement, Xerox reste propriétaire de  son photocopieur, mais il met son usage en leasing, en échange de mensualités.

Entre Velib’ et imprimante Economiquement,  c’est  une  bonne  affaire  pour le géant de la photocopie. « A l’origine, ce système

a été pensé pour faire des économies et donc, offrir des tarifs concurrentiels. Il nous permet en outre de fidéliser notre clientèle »,  reconnaît  Christian Bourgeais, responsable qualité des services et en-vironnement de Xerox. Plus facile, en effet, de res-ter dans le giron d’une société quand celle-ci vous suit depuis longtemps. Mieux encore : ces derniè-res années, le recyclage et la réutilisation des com-posants ont fait réaliser à Xerox plus de 2 milliards de  dollars  (1,3 milliard  d’euros)  d’économie  de matières  premières.  Pas  mal  pour  une  entreprise qui en pèse 16.Selon son inventeur,  le Suisse Walter Stahel,  l’éco-nomie de la fonctionnalité a pour objectif de « créer une valeur d’usage la plus élevée possible, pendant le plus longtemps possible en consommant le moins de ressources possible ». Autant dire un rêve écolo ! L’exemple de Xerox est frappant : rien qu’en France l’an  dernier,  sur  3 millions  de  kilos  de  machines collectés,  seuls 18 % ont été envoyés à  la décharge ou  incinérés. Le  reste a  été  réutilisé ou  recyclé. Et dans son rapport annuel 2007, l’entreprise se vante d’avoir récupéré dans le monde plus de 900 000 ton-nes de matériel usagé pour en fabriquer du neuf. Ce qui  a  permis  d’épargner  plus  de  50 000 tonnes  de déchets électroniques.

700 réparateurs de pneus Aujourd’hui, des dizaines de grosses sociétés – dans la  chimie  (Dow  Chemicals),  l’énergie  (Eastern Energy), l’auto (Mobility) ou le médical (Philips) – se  sont converties à  la  fonctionnalité. « Le Velib’ à Paris, c’est aussi de la fonctionnalité ! »,  rappelle Dominique Bourg. Parmi  les pionniers, on trouve Michelin, qui gère le parc pneumatique de quel-

De plus en plus d’entreprises choisissent, non pas de vendre des biens, mais de les louer. On appelle cela l’« économie de la fonctionnalité ». Une nouvelle épatante pour la planète ? PAR ARNAUD GONZAGUE

26 mai 2008 terra economica

Votre avenir sur www.louer.com

l’économie expliquée à mon père

Rapport sur la fonctionnalité du doctorant Johan Van Niel : www.inspire-bio.org/?p=46

Concevoir une nouvelle relation à la consommation, de Nicolas Buclet :www.annales.org/re/2005/re39/buclet.pdf

Pour aller

plus loin

Le bide de la moquette Interface Inc., le géant américain de la dalle de moquette, a dû remballer son offre de location au début des années 2000. Pourquoi ? A cause d’un simple blocage culturel. Les entreprises ont trouvé incongru de ne plus être propriétaires de leurs moquettes. Et contrairement aux photocopieurs ou aux pneus, la « maintenance » des carpettes n’est pas perçue comme une priorité. Ajoutons enfin que de plus en plus de sociétés louent leurs bureaux (et les moquettes qui vont avec). Bref, le bide du carpet leasing rappelle cette évidence : tout ne se loue pas.(lire aussi le portrait d’Interface, pionnière du développement durable surwww.terra-economica.info).

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82 % des machines collectées par Xerox en France en 2007 ont été recyclées ou réutilisées.

Un pneu rechapé etrecreusé augmente dedeux fois et demiesa durée de vie.

« Le XXIe siècle, c’est à la fois l’explosion du coût des biens et la stagnation salariale. »

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28 mai 2008 terra economica

“Ce n’est pas une solution miracle”FABRICE FLIPO, explorateur de “concepts durables”Pourquoi êtes-vous si remonté contre l’économie de la fonctionnalité ?Ne tombons pas dans le panneau ! Ses défenseurs ne présentent que les cas où elle a des résultats positifs, mais ceux-ci sont marginaux, et même anecdotiques. Ils ne s’appliquent qu’à certains domaines bien précis, ils ne sont pas généralisables à l’économie dans son ensemble. Et on cache soigneusement ses ratés. Ce n’est pas nouveau : voilà des années que je n’entends que des louanges à propos de l’économie dite « de services » qui ne serait pas polluante. Cela repose sur un faux-semblant : un service, au contraire d’un bien, ne se tient pas dans la main, donc il ne pèserait rien. Cela paraît évident, mais cela 

n’empêche pas qu’il a un poids écologique, parfois plus lourd que celui d’un bien !

Par exemple ?Imaginons une économie qui serait basée sur l’intervention généralisée des techniciens de maintenance. Partout, on louerait des objets, partout, ils tomberaient en panne, partout il faudrait qu’une ou plusieurs personnes se déplacent régulièrement pour les réparer. In fine, c’est moins de matière première dépensée, en effet, mais plus de CO

2 rejeté dans l’atmosphère… 

sauf à supposer que les techniciens se déplacent à pied.

N’y a-t-il rien à sauver de l’économie

ques grosses flottes de poids lourds (270 000 vé-hicules  dans  le  monde).  Au  total,  700 personnes entretiennent les pneus et les remplacent si besoin. Cercle vertueux, là encore : quand un vendeur clas-sique a tout  intérêt à balancer  le vieux pneu pour en faire racheter un neuf, le loueur Michelin gagne à les réparer pour les redonner au client. Un pneu rechapé et recreusé plusieurs fois augmente ainsi de deux  fois  et demie  sa durée de vie – presque  sans utilisation  de  matière  première  supplémentaire. Des économies pour Michelin, mais aussi pour  le transporteur, la note de recreusage/rechapage étant bien moins salée que celle du remplacement.

Kiloutou à la mode soviétiqueLa  mouche  fonctionnalité  va-t-elle  continuer  à piquer  l’économie ?  Inéluctablement,  selon  Do-minique Bourg : « Le XXe siècle a connu deux mou-vements : la baisse du coût des matières premières et la hausse des salaires. Le XXIe amorce le mouvement exactement inverse. C’est l’explosion du coût des biens dans un contexte de stagnation salariale. » Donc, le re-cyclage et la location seront bientôt indispensables à ceux qui voudront continuer de consommer malgré 

la flambée des prix. CQFD ! Mais le modèle est enco-re fragile sur le plan économique. Imaginons que les cyclistes parisiens maltraitent les Velib’ précisément parce que ce n’est pas leur vélo : l’entreprise qui les loue  serait  vite  acculée  à  la  ruine.  « Il faut prendre garde de ne pas tomber dans le panneau de la fonction-nalité, avertit Fabrice Flipo, maître de conférence en philosophie à l’Institut national des télécommunica-tions d’Evry. Elle peut avoir quelques résultats positifs, mais ils sont marginaux. Et ceux-ci ne s’appliquent pas à tous les domaines de l’économie » (entretien ci-dessous). En effet, bien que récente, la fonctionnalité connaît déjà quelques flops (lire en page 26).Plus profondément, dans notre société de consom-mation, acheter n’est pas seulement posséder. C’est aussi  s’offrir  une  identité  sociale  et  culturelle. C’est mon bien à moi, qui n’appartient à personne d’autre…  A  quoi  ressemblerait  un  monde  trans-formé en Kiloutou géant ? « Si nous ne faisons rien pour l’anticiper, probablement à l’Union soviétique en 1950 ! », reconnaît Dominique Bourg, qui craint tout  de  même  une  uniformisation  des  modes  de distribution. Gare, donc, à ne pas faire rimer loca-tion et frustration. —

l’économie expliquée à mon père

de la fonctionnalité ?Je n’ai pas dit cela. Simplement, il faut arrêter de la brandir comme une solution miracle aux problèmes écologiques de notre planète. Michelin qui rechape ses pneus, c’est très bien. Mais cela ne change rien au fait que de plus en plus de pneus sont produits dans le monde parce qu’il y a de plus en plus d’automobiles, et parce que la société occidentale ne fait rien pour changer sa politique de transports. Nous sommes arrivés à un moment où les vrais débats, sur la croissance, sur le progrès, ne peuvent plus être évités. L’économie de la fonctionnalité laisse croire qu’on va continuer à faire plus de profits tout en consommant moins. Moi, j’appelle cela faire diversion. —

L’économie de la fonctionnalité, Dominique Bourg et Nicolas Buclet, in Futuribles, (novembre 2005).

Pour aller

plus loin

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Tim Knowles possède une forêt de dessinateurs. Il « sous-traite » en effet ses tableaux à… des arbres. Dans sa série baptisée « Oak on easel », l’artiste anglais a décidé d’utiliser les branches comme des prolongements de sa main. Après avoir attaché des crayons au bout des ramures, il laisse vaquer l’encre au rythme du vent (1). Avant les arbres, il avait « embauché » des ballons gonflés à l’hélium qui dessinaient au gré des bourrasques. Car ce Londonien poursuit un rêve : rendre l’invisible visible, donner une forme aux innombrables mouvements quotidiens de la nature. Ce sont tous les flux invisibles qui fascinent ce quadragénaire. Pour son prochain projet, il a entamé un travail avec la Poste britannique sur les boîtes à lettres, ces petits lieux qui accueillent chaque jour d’immenses flux de courriers. www.timknowles.co.uk(1) Tree Drawing, Oak on Easel #1, Stonethwaite Beck, Smithymire Island, Borrowdale, Cumbria, 1/7/2005, Ink on paper & C-Type print.

Zoom sur « Tree drawing »

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30 mai 2008 terra economica

Par  ici,  la  campagne  ondule.  Des  va-gues  douces,  brunes,  châtain,  vert fluo  quand  le  soleil  descend.  Tout là-bas,  au  sud,  les  Pyrénées  héris-sent une  ligne grise. Entre Toulouse et  les Landes,  le Gers (1) vit douce-

ment. Par ici, les agriculteurs n’ont pas honte de se dire paysans. Ils ont beau être de moins en moins nombreux dans les fermes en pierre jaune, ceux qui restent  sont  fiers  de  leur  métier.  Et  avec  des  prix agricoles en plein boom, 2007 fut une année faste. « On ne peut pas se plaindre, on vit bien. » Thierry Ciapa, petite quarantaine, yeux bleus et teint hâlé, fait tourner une exploitation de 80 vaches laitières avec sa femme et son frère. Si le prix du lait grimpe, celui des céréales explose (+ 46 % pour la tonne de blé tendre, + 85 % pour le blé dur). Et les bénéfices de la famille enflent. « Mais nous n’avons pas de pro-jet pharaonique, nous allons en profiter pour investir dans du matériel qui améliorera notre confort de tra-vail, explique-t-il. Le plus important, c’est de rester autonomes, pas de faire du rendement à tout crin. »

Bon père de famille ou courtier sur le Net ?Gérard  Daries,  vaste  bonhomme  de  45 ans,  cultive du blé, du maïs, du tournesol – les trois grandes cé-réales  du  coin –,  un  peu  d’ail  et,  pour  la  première fois, du colza. En contrat avec Monsanto, précise-t-il. Donc, à un prix fixé à l’avance et non modifiable en fonction du cours. « C’est une sécurité pour le produc-teur, mais je risque d’y perdre », soupire le gaillard. En 2007, ceux qui n’ont pas pu attendre  la hausse des prix en stockant leurs céréales pour vendre au plus 

Dans le département le plus agricole de France, l’explosion des prix mondiaux des céréales et du lait est un soulagement pour les agriculteurs. Eux qui sont souvent obligés de cumuler deux métiers pour conserver leurs exploitations. PAR JUDITH RUEFF / JAVOTTE BOUTILLIER (COLLECTIF LUCE)

Le Gers récolte enfin du blé

haut ont vu l’aubaine leur passer sous le nez. Man-que  de  trésorie,  de  silos,  ou  bien  peur  de  voir  les prix rechuter, beaucoup s’en sont mordu les doigts. « Moi, je gère en père de famille, s’excuse presque Gé-rard Daries. Je me fixe un prix et quand je suis content, je vends. »  Pour  profiter  de  la  culbute  des  cours,  il faut être, explique-t-on, « un peu assis ». C’est-à-dire être en mesure d’attendre  l’automne pour céder sa récolte. C’est le cas de Christophe Dabadie, avec qui, en  bon  voisin,  Gérard  Daries  partage  le  matériel. Lui a gardé son blé dur et l’a vendu à 400 euros par tonne. Le maïs a bondi à 500 euros et  le  tournesol a atteint des pics à 600 euros la tonne en décembre. Son bénéfice a doublé. « ça a été une année choc : on ne s’y attendait pas. Les rendements n’étaient pourtant pas au mieux à cause du manque d’eau. On va voir comment ça évolue, même si l’année 2008 s’annonce bonne. On nous propose déjà des contrats à des prix très intéressants sur le tournesol. » L’homme  préfère suivre les courbes mondiales sur le Net, écouter les courtiers et se faire son idée du marché. Après des années de vaches maigres et de soutien européen – subventions et système des prix garan-tis –,  l’horizon  se  profile  désormais  plus  gras.  La tonne de lait valait 384 euros cet hiver, 8 % de plus qu’en 2006 (lire aussi Terra Economica, avril 2008). Et  les  quotas  laitiers  pourraient  s’évaporer  en 2013. En outre, la jachère – imposée en 1992 par la politique agricole commune sur 15 % des terres en culture – n’est plus obligatoire, même si les primes continuent  d’être  versées  à  ceux  qui  laissent  des friches. Signe que le prix du marché est redevenu suffisant pour faire vivre ces hommes. re

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5 000 euros pour un hectareEncore  faut-il  posséder  une  surface  suffisante. Depuis  une  quinzaine  d’années,  les  exploitations se  sont agrandies au  fur et à mesure des départs : elles sont passées de 46 à 65 hectares en moyenne. Mais  pour  nourrir  une  famille,  il  faut  bien  une centaine  d’hectares,  et  le  prix  de  la  terre  ne  cesse de grimper  lui aussi. L’hectare affiche aujourd’hui 5 000 euros au compteur, mais il peut atteindre jus-qu’à 8 000 euros en Lomagne, la partie la plus fertile à  l’est du Gers. Pour  faire bouillir  la marmite,  les épouses  partent  travailler  à  l’extérieur  et  l’exploi-tant doit parfois jongler avec un deuxième métier. A  l’heure actuelle,  la moitié des 10 000 chefs d’ex-ploitation du département le sont à temps partiel.Les  paysans  gersois  se  réjouissent  donc,  avec  re-

tenue cependant. « Les cours des céréales montent, mais tout le reste suit : le gasoil, les engrais, les trai-tements »,  constate-on  de  ferme  en  ferme.  Pour le  moment,  le  compte  est  bon,  mais  ensuite ?  Il se  murmure  qu’après  quelques  bonnes  années, la  chute  pourrait  être  raide.  Les  producteurs  de viande font déjà les frais de ces prix qui donnent bonne  mine  à  leurs  collègues,  céréaliculteurs  et éleveurs laitiers. Les industriels ne passent plus de contrat avec les éleveurs. Le prix du lait en poudre pour nourrir les bêtes a pris 40 %. Du coup, mieux vaut aller acheter la viande ailleurs. En Argentine par exemple. Pas  l’idéal  en  termes de développe-ment durable. —

(1) Le titre de « département le plus agricole de France » lui revient, avec 19 % de sa population active dans le secteur primaire (4,3 % en moyenne en France).

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32 mai 2008 terra economica

Propriétaire à Solomiac d’un troupeau de 37 laitières, il produit, avec sa femme et son fils, 260 000 litres de lait par an.« Le lait manque partout. Il n’y a pas de raison de garder les quotas après 2013, non ? On a fait le double d’argent par rapport à l’an passé sur les céréales, mais nous restons quand même prudents. Le prix du carburant a pris 15 % et l’engrais a doublé depuis août. Si les prix agricoles 

“ On commence juste à prendredes congés ”

se maintiennent à ce niveau, on pourra installer notre fils si on trouve des terres en fermage. Acheter est devenu presque impossible. Il y avait 30 hectares à vendre à une vingtaine de kilomètres, le gars en voulait 7 000 euros l’hectare, je lui ai dit : “ Tu me prends pour un Américain ? ”Tant que les cours céréaliers seront aussi attractifs, les candidats à la traite ne vont pas se bousculer. Les jeunes préfèrent conduire un tracteur que d’être au cul des vaches matin et soir, 365 jours par an. Nous, on commence tout juste à prendre des congés, maintenant que le fils peut s’occuper des bêtes avec le grand-père. Ici, il n’y a que deux jeunes qui veulent reprendre l’exploitation de leurs parents. Dans notre coin, il n’y a presque plus d’éleveurs laitiers, ils ont arrêté les uns 

Patrice Broc, 45 ans, 160 hectares

Chinois et Indiens bousculent nos assiettesEn 2007, la conjoncture agricole s’est retournée comme une crêpe. Après une époque de montagnes de blé et de beurre invendues, nous voilà presque en pénurie de blé, de tournesol et de lait. La consommation mondiale progresse, les Chinois et les Indiens changent de régime alimentaire : la demande de pain, d’huile, de viande et de laitages explose. Dans les rayons, c’est donc la valse des étiquettes : globalement, la hausse des cours agricoles a atteint 12 % en un an. En France, les prix en magasin ont, eux, gonflé de 11,5 % à 18,2 %, selon le ministère de l’Economie.La part des matières premières agricoles dans un produit consommable varie. Il est, par exemple, presque négligeable pour une baguette : le blé représente entre 4 % et 8 % de son prix. Mais pour un yaourt, le lait pèse pour 30 % du prix. Et de 40 % à 60 % pour un fromage. Quant aux pâtes, le blé dur compte pour la moitié de leur tarif. Le coût des salaires et surtout de l’énergie – notamment du gasoil qui concentre 15 % des charges d’une exploitation –, la part des emballages (plastique, carton) et celle des transports ont un impact au moins aussi important que celui des produits agricoles.Enfin, entre le coût de revient et l’étiquette, à l’autre bout de la chaîne, le prix du produit subit bien des aléas. Exemple : la viande. Nourris aux céréales et à la poudre de lait, vaches, veaux et cochons reviennent cher aux éleveurs cette année. Trop chers, ils se vendent mal... et les prix à l’achat chutent. Le producteur est perdant. Mais au rayon boucherie, le steak et la côte de porc ne baissent pas. Le consommateur paie donc indirectemment la hausse du prix des aliments pour le bétail.

reportage

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après les autres, les prix étaient trop bas. On leur disait de faire attention, que ça allait manquer, mais on ne nous écoute pas… Or monter un troupeau laitier, ça ne se fait pas du jour au lendemain. C’est un gros investissement car les génisses sont très chères, entre 1 500 et 2 000 euros par tête, et il faut du temps. »

“ Les prix font le yoyo ”Cédric Martin, 26 ans, 34 hectares.

« J’ai emprunté 100 000 euros pour m’installer en 2006, à un taux de 1 % en tant que jeune agriculteur. Je pense qu’il s’agit du montant minimum pour démarrer. Je travaille en “ intégration ” avec l’entreprise Bridel, c’est-à dire qu’on me fournit les veaux à un mois et je les livre à six mois. L’année dernière, le nombre de bêtes a commencé à chuter en raison de l’explosion du prix de la nourriture pour le bétail. Elle a pris 40 %. En ce début d’année, je n’ai plus de veaux. J’ai dû prendre un job de chauffeur de camions pour m’assurer un revenu. Mais dites-moi ce que je dois faire ? Arrêter ? Attendre que l’activité reparte ? J’ai fait une très bonne année sur le blé et le tournesol comme 

tout le monde, mais je n’ai pas assez de terres pour en vivre correctement. Les prix font le yoyo. Je ne ne sais pas où on va. Par-dessus le marché, on nous réclame des mises aux normes absurdes dans les étables. Par exemple, on m’impose l’installation de lavabos à pédale. C’est dingue car ce type d’équipements n’existe même pas dans les hôpitaux !Heureusement, il y a l’entraide familiale. Mes parents et mes grands-parents me donnent un coup de main pendant que je fais mes 35 heures comme salarié. Et sans le bénéfice de leur expérience, je n’aurais jamais pu y arriver. Pour l’instant, je continue pour entretenir un patrimoine sentimental. »

“Je ne sais pas où on va. Mais je continue pour entretenir un patrimoine sentimental.”

Il élève des veaux en batterie à Monfort.

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34 mai 2008 terra economica

Il élève 150 brebis et travaille en agriculture bio à Pessoulens, avec sa sœur à mi-temps et son père.« Nous sommes passés au bio au début des années 2000. A l’époque, il existait des aides intéressantes pour se convertir et nous pensons que c’est l’avenir. On revient au travail du sol comme au temps des grands-parents, sauf qu’on a beaucoup mécanisé depuis. Il existe de nouveaux outils : la herse-trille pour arracher les mauvaises herbes, le déchaumeur qui remplace les pesticides. Nous n’utilisons plus d’engrais, hormis le fumier et les engrais organiques. On obtient des rendements très intéressants, proches de ceux des agriculteurs en conventionnel pour certaines cultures comme le tournesol ou l’orge. Notre point faible, c’est le carburant : on doit passer plus souvent dans les champs, et on consomme donc plus de gasoil.Pour les agneaux, j’essaye de travailler en direct avec les bouchers de la région. Mais mes marges sont petites. Pour faire de l’élevage à viande il faut être extrêmement motivé, ne pas compter  les heures. Au final, c’est beaucoup moins rentable que la céréaliculture. Nous voulons être indépendants vis-à-vis du système, c’est pour cette raison que nous sommes passés au bio. Nous limitons au maximum les achats extérieurs. Par exemple, nous faisons nous-mêmes nos semences. On sème de la luzerne qui apporte de l’azote au sol et sert d’alimentation aux brebis. C’est du bio intensif, mais nous restons des marginaux par ici. »

Il élève 80 vaches laitières, avec sa femme et son frère, à Castelnau d’Arbieu. « Je fais un peu de tout, surtout des céréales, du blé, du tournesol, de l’orge, du soja, du maïs-semence. 2007 a été une superbe année. Le blé dur, par exemple, je l’ai vendu deux fois plus cher que l’année précédente. J’ai commercialisé le blé tendre un peu tôt, j’aurais dû attendre. Avec 65 hectares, on ne peut pas faire vivre une famille, payer le matériel, la maison et tout. En 2002, les prix étaient tellement bas que je me suis même demandé si je n’allais pas tout arrêter. 

“ Je suis inquiet  : l’eau manque ”

“ La viandeest moinsrentable que les céréales ”Jean-Marie Aoueillé, 31 ans, 185 hectares.

Mais depuis j’ai trouvé un travail de conducteur de bus scolaire. J’aime bien et ça ne me prend que trois heures par jour. Le matin, ce n’est pas trop gênant, mais par contre à 16 h 30, c’est plus compliqué, il faut tout arrêter. Heureusement, avec mes voisins, on se relaie pendant les moissons, on s’entraide. Aujourd’hui, avec de tels prix, je pourrais cesser mon activité à l’extérieur, mais demain ? Moi, ce qui m’inquiète le plus, c’est l’eau. Il n’y en a plus. Il n’a plu qu’au mois de mars et il n’y a pas trop de neige dans les Pyrénées non plus. La situation empire tous les ans. Regardez ces mottes grosses comme des têtes, il va falloir passer dans les champs pour casser tout cela avant de semer, la pluie n’a pas fait son travail. Or sans eau, les rendements baissent. Et si elle continue à manquer, on aura bien le prix mais pas le produit. »

Gérard Daries, 45 ans, 65 hectares.

reportage

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L’Afrique du Sudsur un fil électrique

Chine : le mal de têtedes cols blancs En Chine, mieux vaut être un migrant venu des campagnes qu’un col blanc travaillant en ville, en tout cas sur le plan psychologique. Selon une enquête récente, 69 % des migrants interrogés – la plupart des travailleurs dans le

bâtiment, l’industrie et la restauration – jugent leur vie satisfaisante. D’après le site Internet Chine-informations, plus de la moitié des cols blancs estiment, en revanche, souffrir de problèmes psychologiques. Tout n’est pas rose pour autant. L’étude précise en effet que l’état de santé physique des travailleurs

Après la fuite des cerveaux, la « fuite de carbone » menace.

C’est du moins ce que craignent les syndicats européens. Selon eux, les industries polluantes pourraient être tentées de délocaliser pour échapper aux nouvelles normes antipollution. La chancelière allemande Angela Merkel s’est elle-même inquiétée de ce risque lors du sommet social tripartite à la mi-mars. Mais José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a calmé les esprits en approuvant le principe de mesures contre le dumping environnemental. « Nos industries ne doivent pas quitter l’Europe pour aller polluer ailleurs, en emportant leurs emplois avec elles », a-t-il déclaré. Mais il faudra attendre 2009, voire 2012, pour qu’un système précis soit mis en place. L.A.

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Crise énergétique oblige, l’Afrique du Sud va 

multiplier par deux les tarifs de l’électricité dans les deux années à venir. L’explication des autorités est simple : les infrastructures sont à la fois obsolètes et insuffisantes. Pas le choix, il faudra gonfler les factures et engager la construction de nouvelles centrales nucléaires. Selon le site de Jeune Afrique, 

la société Eskom, qui produit environ 95 % de l’électricité nationale, projette de dépenser 44,1 milliards de dollars sur les cinq prochaines années et 167 milliards de dollars jusqu’à 2025 afin de renforcer sa capacité de production.  Aujourd’hui, près de 90 % de l’énergie électrique du pays provient du charbon.D.S. www.jeuneafrique.com

gros mot“ Fuite de carbone ”

migrants est préoccupant : 90 % des répondants reconnaissent être atteints de maladies dont ils ne savaient rien auparavant. La Chine compte actuellement environ 200 millions de travailleurs migrants.Charlie Peggwww.chine-informations.com

Dieu est mon banquier Prie mon fils, et de l’argent, on te prêtera. Voilà la nouvelle stratégie des organisations religieuses, évangélistes notamment, pour

attirer le fidèle au Niger, relate l’agence de presse belge IPS. Elles proposent à leurs ouailles de leur prêter de l’argent sans intérêts pour les aider à monter leur entreprise. Le Nigérien Jerry Odey a ainsi reçu 1 800 euros remboursables sur dix-huit mois pour ouvrir son atelier de couture. A qui doit-il sa réussite ? « A mon Eglise Christ Embassy », répond-il enthousiaste. Jelilat Rasheed est passée, elle, en cinq mois, de mendiante à vendeuse grâce à l’organisation islamique Nasfat. Maintenant, « ça roule bien pour moi et ma foi en est fortifiée ! » Certaines églises se lancent désormais dans des séminaires de formation à la création d’entreprises. Charity is business.Louise Allavoinewww.ipsnouvelles.be

lu d’ailleurs

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36 mai 2008 terra economica

LE COUPLE. Bertram et Astrid Späth ont bataillé pendant vingt ans pour transformer leur hôtel de standing en havre écologique. PAR ANTOINE HEULARD (A FRIBOURG)

Quatre étoiles zéro émission

u début, on a dû œuvrer en cachette. » Bertram Späth se souvient avec amusement de ses premiers pas dans l’hôtellerie. « C’était en 1985. Avec ma femme on venait

de racheter le Victoria avec l’intention d’y appliquer nos idées. » Le Victoria ? Un hôtel chic au centre de Fribourg, dans le sud-est de l’Allemagne. Contre l’avis de leur entourage et de leur banque, le couple se lance alors le défi de conjuguer standing et développement durable. « A l’époque, l’environnement c’était antimarketing, raconte t-il. L’écologie ça voulait dire la révolution, les épinards… Rien à voir donc avec un hôtel quatre étoiles et les préoccupations de la clientèle visée. »

Pour ne pas effrayer les touristes, Bertram et Astrid transforment progressivement le fonctionnement de leur établissement. Par touches homéopathiques. « On a commencé par de petites choses, comme le buffet du petit déjeuner : avant, les confitures, le beurre ou le sucre étaient présentés sous forme de portions individuelles, ce qui multipliait le déchets. » Les époux Späth mettent fin à ce système et se fournissent depuis auprès des producteurs bios de la région. Les deux propriétaires s’attachent ensuite à un plus gros chantier : les économies d’énergie. Ampoules à basse consommation, isolation thermique renforcée, 

détecteurs de présence pour limiter l’utilisation des lampes : rien n’est laissé au hasard. Autre innovation : les machines à laver sont reliées au réseau d’eau chaude et n’utilisent plus leurs résistances, gourmandes en électricité. 

600 000 euros investis et une pluie de trophées Mises bout à bout, ces mesures donnent rapidement des résultats : le Victoria nouvelle formule consomme 15 à 30 % d’énergie en moins. Et sans conséquence sur le bien-être des clients. « Une personne qui paie 200 euros pour sa chambre ne peut pas accepter d’avoir de l’eau froide dans sa douche, commente Bertram Späth. Nous savions que notre entreprise ne pourrait fonctionner qu’à condition de maintenir un haut niveau de confort. » Pour rendre l’engagement écolo le moins contraignant possible, l’ensemble du personnel met donc la main à la pâte. Les femmes de chambres sont, par exemple, chargées d’éteindre les téléviseurs restés en veille ou de trier les déchets des clients qui n’ont qu’une seule poubelle à leur disposition. Mais la grande fierté des propriétaires est située au sous-sol du bâtiment. Derrière une lourde porte en bois : une chaudière jaune, conçue sur mesure et alimentée par des copeaux de bois, qui produit 90 % de l’eau chaude et du chauffage de l’établissement. « Le bois provient des déchets

L’hôtel Victoria nouvelle formule consomme 15 % à 30 % d’énergie en moins.

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ils changent le monde

Les Späth ont racheté l’établissement de Fribourg en 1985.

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terra economica mai 2008 37

Retrouvez tous les acteurs qui « changent le monde » sur 

www.terra-economica.info (rubrique Ils changent le monde)

d’une scierie voisine, explique Bertram Späth. Et les cendres sont réutilisées comme fertilisants par les agriculteurs de la région. » Pour compléter le tout, le couple a installé des panneaux photovoltaïques sur le toit de l’hôtel et investi dans un parc éolien. « Nous avons aussi opté pour un fournisseur d’électricité verte », précise-t-il. Au total, les époux Späth ont investi près de 600 000 euros pour faire de leur établissement le premier hôtel « zéro émission » du monde. Leur initiative qui avait commencé en catimini fait désormais figure d’exemple. Energy Globe Award, Environnement Award… les distinctions pleuvent. Et aujourd’hui, Bertram Späth raconte son histoire à des journalistes ou des groupes de curieux débarquant du monde entier. « Des Japonais ont écrit un livre sur nous et demain j’ai rendez-vous avec une télé coréenne. En une une dizaine d’années, la situation s’est complètement inversée », conclut-il. — www.hotel-victoria.de

La contre-attaque des plantes vertes

Une gerbera pour lutter contre les nuisances des produits d’entretien, 

un azalée pour contrer les effets de l’ammoniaque, des chrysanthèmes pour neutraliser les pollutions provoquées par les peintures et les solvants. L’association Plant’airpur, créée en 2000 dans le Maine-et-Loire, bataille pour faire connaître le pouvoir de purification de l’air contenu dans les plantes. « Tout est parti d’enquêtes de la Nasa, l’agence spatiale américaine, qui réfléchissait au moyen d’assainir l’air des stations orbitales », raconte Geneviève Chaudet, paysagiste d’intérieur et fondatrice de l’association. Cette dernière est aujourd’hui à la tête du projet Phyt’air, mené avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), la faculté de pharmacie de Lille et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). L’idée est ambitieuse : recenser les propriétés épuratrices des plantes afin de construire 

Producteur d’assiettes vertes

Près de 26 000 repas par jour. ça dépote chez Restoria, une entreprise de restauration collective basée à 

Saint-Barthélemy-d’Anjou (Maine-et-Loire). Elle alimente des restaurants d’entreprise, des cantines scolaires et du médico-social, et a pris le temps de réfléchir à l’impact environnemental de son activité. On n’y choisit que des produits issus de l’agriculture biologique, des légumes et des fruits de saison. Le futur bâtiment qui va abriter la cuisine sera exemplaire : pompe à chaleur, toit tapissé de panneaux solaires, certification ISO14 001, orientation validée pour favoriser les économies d’énergie. Mieux, les clients de l’entreprise vont recevoir un guide des bonnes pratiques environnementales, histoire d’essaimer encore et encore. D. S.www.restoria.fr

L’ENTREPRISE

une panoplie de parades aux pollutions de l’intérieur. Car les agressions ne manquent pas : tabac, colles du parquet, peintures, parfums d’ambiance. Or les plantes absorbent les polluants via leurs feuilles et rejettent de la vapeur d’eau qui humidifie la pièce et participe à l’amélioration de l’air ambiant. Pour mener à bien sa mission de sensibilisation, Plant’airpur s’est entourée de représentants de toute la famille de l’horticulture. La demande va désormais croissante autant chez les particuliers que chez les professionnels, notamment les architectes. « Le végétal a un rôle à jouer à l’intérieur comme à l’extérieur des habitations », conclut Geneviève Chaudet.  D. S.www.plantairpur.fr

L’ASSOCIATION. L’intérieur des maisons affiche complet côté polluants. La faute aux solvants, peintures et produits d’entretien, dénonce Plant’airpur qui brandit ses armes fatales : chrysanthèmes, azalée ou encore gerbera.

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38 mai 2008 terra economica

Naturesvirtuelles

et non de l’interactif. Tout l’inverse des jeux vidéo, qui doivent éviter le contemplatif », explique Didier Quentin,  responsable  pédagogique  à  SupinfoGa-me.  A  noter  pour  les  adultes  l’exception  de  Life Simulation, qui propose de prendre  la  tête d’une expédition scientifique devant reboiser les régions les plus sinistrées du globe. Et pour les enfants, A la poursuite des biotrafiquants», où, membre d’une ONG, vous partez en mission sur les points chauds écologiques de la planète.

Les fleurs de CapucineAlors la défense de la nature ne serait-elle pas assez fun pour séduire les fans de jeux vidéos ? « Non, c’est une thématique qui imprègne petit à petit les univers de jeux. Car c’est une réalité dans laquelle vit la jeune génération de game designers », ajoute Didier Quen-tin. Dans Capucine, l’un des derniers projets d’étu-diants, une enfant, fleurs de lumière à la main, doit redonner vie à un environnement moribond et dé-bloquer des sources d’eau. « L’antagonisme vie/mort reste un indémodable, quel que soit son domaine d’expression », conclut Didier Quentin. —KAREN BASTIEN

ZappingSondage de convictions« Top modèle » ? Non, ce n’est pas un concours de mannequins. Mais un quiz proposé par le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) afin de mieux cerner le type de développement éco-nomique que vous soutenez. Pour vous, le TGV, c’est « génial car c’est rapide et on arrive direct en centre-ville », c’est « jamais de la vie ! Je ne veux pas soutenir le lobby de l’énergie nucléaire », c’est « pratique, c’est un service public ! », ou c’est « plus écologique que la voiture ou l’avion ! » Téléphone portable, attitude vis-à-vis des SDF, shopping, changement de boulot... Une manière ludique de se remettre en cause.www.ccfd.asso.fr/top-modele/quizz.php

Scientifiques échaudésCes périodes de chaud-froid vous turlupinent ? Jetez un coup d’œil au blog Climat de TV5. Des courbes et des graphiques dans tous les sens, des textes un peu longs, mais une réelle volonté d’informer sur le cli-mat. Derrière le clavier, des chercheurs du laboratoire de météorologie dynamique de l’Institut Pierre-Simon Laplace. Les débats s’échauffent parfois contre les « sceptiques du climat », ironiquement surnommés les « chevaliers de l’ordre de la Terre plate ». http://blogs.tv5.org/climats

Dégommer un adversaire, attaquer une ville, tout ceci est possible en jeu vidéo. Mais pas encore défendre la planète.

La pression monte sur Philippe Le Gonnidec. Le  directeur  de  la  société  de  multimédia Quark & Plug-ins s’est lancé dans un chan-

tier pharaonique :  créer un Second Life du déve-loppement  durable.  SOS-21  est  en  effet  annoncé comme  un  monde  virtuel,  gratuit  et  pour  toute la famille, où chacun serait évalué en fonction de ses émissions de CO

2. Serez-vous alors un Toumaï, 

c’est-à-dire  un  citoyen  protecteur  et  actif,  ou  un Piraniak, un consommateur-gaspilleur précipitant la planète vers sa perte ? Encore un peu de patien-ce avant de  le dire,  car  le  lancement du  jeu est  à nouveau reporté. La faute à une énorme masse de contenus pédagogiques à gérer, confie Philippe Le Gonnidec sur son site.C’est que SOS-21 essuie les plâtres dans un secteur du  jeu  vidéo  qui  ne  s’est  jamais  passionné  pour les  combats  verts.  Derrière  les  consoles,  ce  qui passionne c’est plutôt « la Bourse, le sport et la ba-garre », reconnaît-on chez Sony, le concepteur des Playstation. « Et puis, quand on veut faire passer un message, le risque est grand de passer par du narratif su

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Le jeu SOS-21 :www.sos-21.com

SupinfoGame, école dédiée aux jeux vidéo :www.supinfogame.fr

Le projet Capucine :www.capucinethegame.com

Pour aller

plus loin

enrichissez-vous

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Yannick Roudaut – L’ALTER-ENTREPRISE, QUAND LES ACTIONNAIRES ET LES SALARIES RECLAMENT UN NOUVEAU MODELE. Dunod, 224 pp., 22 euros.

près avoir refermé L’Alter-entreprise de Yannick 

Roudaut, on se surprend à penser à Robida. Albert Robida était ce dessinateur génial de la fin du XIXe siècle, qui se piquait de représenter l’an 2000. Dans ses gravures, les vélos volent, mais ce sont des vélocipèdes de la Belle Epoque ; les villes ont un design futuriste, mais les femmes sont chapeaux bouffants. Relire Robida, c’est constater l’impossibilité de se détacher de son temps malgré l’imagination. On conseille vivement aux historiens de l’an 2100 de se pencher sur L’Alter-entreprise. Ils y trouveront un spécimen typique de ces dizaines d’ouvrages consacrés à la responsabilité socio-environnementale (RSE), cette éthique que la société a commencé à réclamer aux entreprises à l’aube du XXIe siècle. Ce livre est construit comme tous ses comparses : d’abord, le constat que l’« ultracapitalisme » actuel, avec ses excès de spéculation, 

son court-termisme et ses scandales, fonce à sa perte ; ensuite, l’annonce qu’un contre-feu se met en place chez les actionnaires, les investisseurs, les ONG, les consommateurs et même les salariés. Et que l’avènement d’un capitalisme responsable, respectueux des hommes et de l’environnement, est « inexorable ». « Le temps où le dividende ne suffira plus n’a jamais été aussi proche… », prédit l’auteur.On aimerait le croire. Mais il est très possible qu’il s’agisse d’un vélocipède volant de Robida. Car, depuis dix ans que la RSE fait les beaux jours des colloques, des revues et des études, le moins qu’on puisse dire est qu’elle reste à l’état de belle idée. Combien pèsent les « fonds éthiques » et l’« épargne solidaire » ? Rien, ou presque.  Quelles sont les victoires de l’« actionnariat socialement engagé » ? Quasi inexistantes. Quid de l’« écoconception » des objets qui mêle performance, prix et écologie ? Il reste encore confiné à une poignée de firmes.Tout est question de génération, martèle Yannick Roudaut en leitmotiv. Les vieux pédégés, les vieux actionnaires, les vieux cadres ne comprennent rien à la RSE, mais l’arrivée des nouvelles générations va casser la baraque. Les historiens constateront cette autre réalité : toutes les splendeurs du monde à venir sont donc sur les épaules d’une génération précarisée, stagifiée et sous-payée. N’est-ce pas une manière de délester, au passage, leurs aînés de leurs responsabilités ? —ARNAUD GONZAGUE

Boîtes à fantasmes 

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La Terre sous tous les angles« L’art vit du temps qu’il traverse et de son actualité. Il est sou-vent précurseur des influences à venir. » C’est avec cette certi-tude que COAA (Création et orga-nisation d’actions artistiques)

organise le premier Festival de l’image environnementale, du 15 au 21 mai, à Paris. Performances en direct, projection de documentaires, discusssions en duplex avec Al Gore et Leonardo DiCaprio, accueil de groupes scolaires, l’évène-ment se veut hétéroclite à l’image des œuvres présentées : photographies, installations, vidéos, arts numériques. www.fiie.fr

Internet soit loué !Une caverne d’Ali Baba remplie d’objets à usage ponctuel, c’est le concept du site de location Zilok. Genre : un violon d’étude, une perceuse, une bétonnière, une boîte pour transporter le chat, un cuiseur-vapeur, une canne à pêche... En somme, le b.a-ba de l’économie de la fonctionnalité à partir d’un euro par jour (lire aussi en pages 26-28).http://fr.zilok.com

Dubaï, ville « gonflée aux stéroïdes »Mike Davis s’était fait mondialement connaî-tre avec le livre City of Quartz, qui dévoilait Los Angeles en « symbole de l’enfer d’un capitalisme postmoderne ». L’anthropolo-gue remet ça avec Dubaï, « oasis de libre entreprise, sans impôts, sans syndicats et sans partis d’opposition ». La ville qui n’a vu s’élever son premier édifice en béton qu’en 1956 compte désormais 600 gratte-ciel et centres commerciaux. Pour l’Américain, Du-

baï – le plus pauvre en brut des sept Emirats – est celui qui prépare le mieux l’imminente époque de l’après-pétrole. En effet, « vers 2010, la totalité du PIB du Dubaï proviendra d’ac-tivités non pétrolières comme la finance et le tourisme ».« Le stade Dubaï du capitalisme », Mike Davis, éd. Les Prairies

ordinaires, coll. Penser/Croiser (2007).

Courants d’idées Des tonnes d’idées et des débats hétéroclites en libre accès. C’est sur La vie des idées, un nouveau site qui propose actuel-lement aussi bien un dossier sur « la nature : à qui appartient-elle ? » qu’un débat sur la nécessité d’une réforme du Smic ou sur l’avenir du mouvement altermondialiste.www.laviedesidees.fr

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40 mai 2008 terra economica

en direct de www.planete-terra.fr

A fond les avions Un avion Air France au départ de l’aéroport londonien d’Heathrow s’envolant vers Los Angeles. On n’avait jamais vu ça. C’est désormais possible grâce à l’entrée en vigueur de l’accord « open skies » (ou « ciel ouvert »). Auparavant, les compagnies naviguant vers le Nouveau Monde étaient contraintes de prendre le départ depuis les tarmacs de leur pays. Aujourd’hui, elles sont libres d’aller décoller d’ailleurs. Il s’agit d’un changement de poids pour un marché qui voit transiter chaque année près de 50 millions de passagers au-dessus de l’Atlantique. Et avec la libéralisation du ciel, pointe déjà la baisse des prix. Pour les passagers, les économies réalisées pourraient atteindre 12 milliards d’euros au cours des cinq premières années, s’est ainsi félicité Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports. Mais selon Transport and Environnement, une organisation bruxelloise, l’accord pourrait être aussi responsable de 3,5 millions de tonnes supplémentaires de CO

2 déversées chaque année dans l’atmosphère. Le trafic aérien dégage

aujourd’hui 2,5 % des émissions de CO2 de l’industrie mondiale, soit l’équivalent

de la pollution générée par un pays comme la France.KARINE LE LOËT

Le CO2 , version carte météoAprès trois années d’études, les scientifiques de l’université de Brême (Allemagne) sont parvenus à évaluer et à différencier les émissions de gaz d’origine humaine de celles d’origine naturelle. Grâce au capteur Sciamachy présent sur un satellite de l’Agence spatiale européenne, de nouvelles cartes se dessinent avec une grande précision. Balayant la planète en seulement six jours, ce capteur a permis de révéler la répartition globale des principaux gaz à effet de serre. Ces données pourraient servir à contrôler l’application par les Etats des traités internationaux, comme le protocole de Kyoto.

Blanche-Neige était-elle écolo ? Blanche-Neige n’était pas blanche mais verte. Car Walt Disney était un militant écologiste convaincu. C’est, en substance, la thèse du docteur David Whitley, de l’Université de Cambridge (Grande-Bretagne). Dans son livre The idea of Nature in Disney animation, il assure que les personnages Disney – de Blanche-Neige en 1937 à Nemo en 2003 – ont éveillé chez des générations d’enfants « une conscience des questions environnementales ». Le désormais mythique Bambi, réalisé en 1942, aurait, selon lui, inspiré leur vocation à de nombreux militants écologistes.

Chèques en bois bénéficiairesTout service mérite salaire. La capture du carbone, la régulation climatique et le maintien de la biodiversité, aussi. Fin mars, l’entreprise londonienne Canopy Capital a signé un accord avec le Centre international d’Iwakrama de Guyane. Ce contrat attribue une valeur financière à cette forêt tropicale de 370 000 hectares. Canopy Capital versera désormais une somme annuelle aux autorités locales et, en échange, fera valoir les services rendus par la forêt. Avec cet argent, les populations locales pourront résister aux offres de gros industriels, intéressés par l’exploitation des zones boisées.

Sur Planète Terra, on refait le monde... version développement durable. Pour devenir Planète reporter, une simple inscription en ligne suffit. Et chaque mois, retrouvez les meilleures contributions dans ces pages.

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La Grande-Bretagne redescend à la mine A l’heure où les sirènes du changement climatique crient « urgence », le gouvernement britannique projette de construire une nouvelle centrale au charbon, la première depuis vingt-quatre ans. Cette « technologie à charbon propre » vise à capturer le dioxyde de carbone produit lors de la combustion du charbon et à l’enfouir sous terre. Sauf que « le charbon propre, ça n’existera pas avant une dizaine d’années. ça n’a jamais été appliqué à grande échelle », critique Jim Footner, de Greenpeace. Si la construction de Kingsnorth venait à être validée, d’autres lui succéderaient certainement. Car dans les tuyaux du gouvernement, 7 usines attendent l’aval des autorités locales. K.L.L.

Ma machine à laver fait aussi WC Votre machine à laver prend trop de place dans votre petit appartement ? Pourquoi alors ne pas la stocker au-dessus des toilettes ? Grâce au Washup, cette question quelque peu saugrenue prend tout son sens. Cet appareil deux en un, inventé par Sevin Coskun, relie astucieusement lave-linge et toilettes et donne une double vie à l’eau : cette dernière nettoie le linge, puis est réutilisée lorsque l’on tire la chasse d’eau (environ 10 litres d’eau à chaque tirage). Partant de ce même constat d’une surconsommation et d’un gaspillage de l’eau, une équipe australienne a élaboré le lavabo-toilette. Reste à transformer le lave-vaisselle en arroseur de jardin.SOLENNE LEGEAY

“ Je pense que l’influence des semenciers est trop forte sur ce dossier. ” 

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Super héros, super écolo

Avec le capitaine Krabs, Patrick l’étoile de mer et Carlo le calamar, Bob l’éponge voit la mer se vider. Rencontre imaginaire.

Planète Terra : A quand remonte votre prise de conscience écologique et citoyenne ?

Bob l’éponge : Quand mes potes les poissons ont cessé de me mettre la tête au carré (rires). Non, sérieusement, c’est justement quand les poissons ont commencé à se faire rares. J’ai alors levé la tête et je me suis rendu compte que le trafic de gros chalutiers de pêche était devenu super important. C’est bien simple, certains

jours, on ne voit même plus la couleur du ciel tellement le trafic est dense. Sans parler des filets qui chopent tout ce qui dépasse des massifs coralliens, sans aucun discernement.L’état de la planète vous préoccupe-t-il ?Vous m’auriez demandé « l’état de la Terre », je ne sais pas comme j’habite sous l’eau. Mais si vous dites « planète », alors oui, je me sens concerné. Etant une éponge à vaisselle qui a retrouvé son milieu naturel, je sens bien que je suis un privilégié. Et vous, qu’avez-vous concrètement changé dans votre quotidien ?J’ai arrêté de prendre mon bain avec du savon moussant. J’ai eu du mal à m’y mettre parce que l’eau salée, j’aimais bien la parfumer avec du sent-bon au chèvrefeuille. Mais quand je me suis rendu compte avec quoi était fait ce produit, j’ai stoppé les frais. Et puis, j’ai complètement arrêté les lingettes depuis que mon pote Dudu, le dauphin, a manqué de s’étouffer avec. RECuEILLI PAR CANDICE MOORS

Fiche d’identité Nom : Sponge Bob Squarepants. Prénom : Bob. Age : naissance à la télé Nickelodeon le 17 juillet 1999. Nationalité : américaine (créé par Stephen Hillenburg). Couleur : jaune avec des trous verts. Profession : comédien. Ville : Bikini Bottom, océan Pacifique.BO

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BERNARD ACCOYER, président de l’Assemblée nationale, à l’occasion du débat sur le texte de loi sur les OGM adopté le 9 avril avec seulement 21 voix d’écart.

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42 mai 2008 terra economica

feuilleton

Pour retrouver les épisodes précédents et participer à l’écriture de la suite, rendez-vous

sur : www.planete-terra.fr (rubrique environnement) co

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(Episode 9) Fred est décidé à sortir le grand jeu de-vant Marc qui ne comprend décidément rien à sa  théorie des pixels.  Il déplie de son  sac  son  nouvel  écran  d’ordinateur souple  et  installe  le  capteur  mobile d’énergie solaire pour l’alimenter en di-rect. « Voilà, ce que tu vois  là, c’est une vue générale de la ville de Rennes !–  Non,  tu  rigoles.  Cet  assemblage  de pixels  colorés.  On  dirait  plutôt  Space Invaders, ce jeu du XXe siècle, tu te sou-viens ?–  En  apparence,  on  peut  avoir  cette impression  de  déjà-vu.  Mais  je  te  jure que c’est Rennes : c’est le résultat de ma modélisation. 

– Et comment ça se lit ? –  Plus  c’est  rouge,  plus  c’est  chaud.Classique !  Regarde,  on  visualise  très bien les îlots de chaleur urbains, ces zo-nes de ville qui, sans présence de végé-tation ni d’eau, sont de véritables pièges à chaleur. »Une  sirène  interrompt  brutalement leur  conversation.  Ce  sont  les  robots-nettoyeurs  qui  débarquent  pour  une urgence.  Un  passant  vient  en  effet  de laisser tomber par terre sa bouteille de soda à  l’algue douce. Avec ce soleil,  les bris de verre sont devenus des armes à départ  de  feu  en  puissance.  La  rue  re-trouve peu à peu son calme, le sol est à nouveau immaculé. « C’est donc avec cela que tu vas gagner 

le concours de la ville durable ?– Non, mais c’est un outil inédit qui va m’y aider. Avec lui, je vais pouvoir pren-dre en compte le territoire sur lequel je bâtis. Fini les bâtiments conçus dans les bureaux  d’architectes  de  façon  décon-nectée de la réalité.–  Tu  déterres  enfin  la  hache  de  guerre contre tes confrères…– Disons qu’en prenant de la hauteur, je vois des choses qui leur passent au-des-sus de la tête. Regarde ce plan : il est évi-dent que l’avenir est dans les bidonvilles climatiques. Ces banlieues où rien n’est fait depuis des années car, obsédés par le zéro transport, nous avons tout misé sur des villes de tours. Les riches ont la fraîcheur artificielle,  les pauvres ont  la chaleur naturelle. Les révoltes urbaines vont se multiplier, c’est une évidence. –  Et  avec  tes  maisons,  tu  vas  sauver  le monde ? lança Marc. – L’objectif de ce  concours n’est-il pas de se pencher sur le cas des réfugiés cli-matiques ? Les as-tu déjà vus s’entassant dans les hangars d’animaux en batterie pour profiter de  la climatisation ? Moi oui. Et regarde ce “ forçat du cagnard ” devant toi. Il n’a pas pu refuser ce bou-lot :  tondre  la  pelouse  publique  alors qu’il  fait  au  moins  42° C,  ça  ne  te  fait rien ? s’énerva Fred. – Oui, bien sûr. Mais  je  reste dubitatif quant à  l’impact d’une nouvelle forme d’habitat sur les problèmes du monde, s’excusa Marc. – Tu as tort. Aristote affirmait déjà que : “ les  hommes  se  rassemblent  dans  les villes pour vivre. Ils y restent ensemble pour jouir de la vie ”. Et je suis persua-dé que l’habitat peut aider à réduire la “fracture climatique ”. »(à suivre)

KAREN BASTIEN, en collaboration avec l’association d’architectes « ET ALORS ? » (www.etalors.eu)

Fred a tout perdu. Tout son crédit de droits à polluer. Le jeune et brillant architecte découvre ce qu’est une vie sans quota de CO2. Pour s’en sortir, il doit réaliser un gros coup lors du 25e Concours international de la ville durable. Bienvenue en 2078.

Métropole position

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