chimie des substances naturelles

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CHIMIE DES SUBSTANCES NATURELLES COLLECTION DIRIGÉE PAR

EDGAR LEDERER PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS

DIRECTEUR DE L'INSTITUT DE CHIMIE DES SUBSTANCES NATURELLES DU C. N. R. S. (GIF-SUR-YVETTE)

ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 1287

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GUY OURISSON PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES

DE STRASBOURG

PIERRE CRABBÉ PROFESSEUR A L'INSTITUT MEURICE-CHIMI E

DE BRUXELLES

. Les triterpènes tétracycliques

AVANT-PROPOS PAR EDGAR LEDERER

HERMANN 115 BOULEVARD SAINT-GERMAIN PARIS VI

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cc 1961 HERMANN PARIS Droits réservés pour tous pays y compris J'U. R. S. S.

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AVANT-PROPOS

" There are more things in heaven and earth, Horatio, than are dreamt of in our philosophy. "

SHAKESPEARE, Hamlet.

En présentant aux lecteurs le premier volume de la nouvelle série de mono- graphies Chimie des Substances Naturelles, expliquons d'abord ce qui la ca- ractérise :

— Chaque volume est consacré à un groupe relativement étroit des substances organiques naturelles ; rédigé par un spécialiste ayant contribué au progrès des connaissances dans ce domaine, il présente de façon concise l'essentiel des réactions chimiques des substances en question ;

— chaque volume contient une partie descriptive complète et présente sous forme de catalogue tous les membres naturels du groupe. Ce catalogue comporte les principales constantes physiques et celles des principaux dérivés et permet ainsi aux chercheurs de se renseigner rapidement sur tous les membres connus de la série ;

— des problèmes biochimiques sont abordés également, notamment la biosyn- thèse, le rôle biologique des substances ; leur intérêt industriel est brièvement signalé.

Est-il besoin de justifier l'intérêt de ces monographies ? Isoler une substance naturelle est souvent délicat ; il faut la concentrer, la

purifier, alors qu'elle existe parfois à l'état de traces seulement dans la matière première ; il faut la séparer de ses « compagnons », souvent chimiquement fort voisins les uns des autres, et de ce fait très difficiles à distinguer. La Nature elle-même a posé les nombreux problèmes analytiques qui ont donné l'impul- sion au développement foudroyant des méthodes modernes de séparation : chromatographie sous toutes ses formes, électrophorèse, distribution à contre- courant, etc.

Ensuite, vient l'étude de la structure : exercice intellectuel et expérimental passionnant et souvent fort compliqué, qui a donné une impulsion très énergique au développement de la stéréochimie moderne ; où en serait l'analyse conforma- tionnelle sans les stéroïdes, les triterpènes, les sucres ? De même, les méthodes

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d'analyse physique modernes (spectrographie ultraviolette et infrarouge, ré- sonance nucléaire magnétique, spectrographie de masse) tirent leur « nourri- ture » et une grande partie de leur intérèt de l'étude des substances naturelles.

Que serait la Biochimie moderne sans le patient labeur des Organiciens ? Pourquoi, et comment la Nature produit-elle des composés aussi variés et

complexes que les caroténoïdes, les anthocyanes, les triterpènes, les macro- lides et tant d'autres substances dont beaucoup ne sont pas encore isolées et identifiées ?

De plus en plus la Biologie a besoin de connaître les structures organiques et son avenir « moléculaire » est inscrit dans la nature des choses.

La connaissance de la chimie des substances naturelles ouvre donc de vastes horizons aussi bien en Chimie analytique et organique, qu'en Biochimie et en Biologie.

La chimie des substances naturelles fournit aussi les bases d'une utilisation plus rationnelle des matières premières offertes par la Nature ; le développement récent de l'industrie des antibiotiques en est un frappant exemple ; la flore tropicale contient certainement de nombreux trésors non encore utilisés ; la chimie des Insectes, des Bactéries nous réserve sûrement d'heureuses surprises.

La chimie des substances naturelles présente ainsi à chaque chercheur, suivant son tempérament, des problèmes attrayants : le pur esprit sera intéressé par la structure des pigments naturels ; le philanthrope cherchera davantage des substances ayant des vertus médicinales ; l'amateur de parfums essaiera d'ana- lyser les délicieuses odeurs produites par les roses, le jasmin, l'ambre gris...

La nouvelle série s'adresse ainsi non seulement au spécialiste des substances naturelles mais à tous les organiciens, biochimistes, biologistes, pharmaciens, etc...

Signalons, enfin, que la plupart des volumes de la présente série paraîtra également en langue anglaise. La plus large diffusion internationale est donc assurée à ces ouvrages.

Voici les volumes en préparation : J. ASSELINEAU, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Tou-

louse : Les lipides bactériens. Th. POSTERNAK, Professeur à la Faculté des Sciences de Genève : Les cy-

clitols. M. PRIVAT DE GARILHE, Maître de Recherches au C. N. R. S., Paris : Les

nucléases et la détermination des structures des acides nucléiques. R. GOUT AREL, Maître de Recherches au C. N. R. S., Institut de Chimie des

Substances Naturelles, Gif : Les alcaloïdes stéroïdiques des Apocynacées. F. SORM, Directeur de l'Institut de Chimie de l'Académie des Sciences

de Tchécoslovaquie : Les guaianolides. L. SZABO, Maître de Recherches au C. N. R. S., Paris : Phosphates de sucres.

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L. MESTER, Maître de Recherches au C. N. R. S., Institut de Chimie des Substances Naturelles, Gif : Aminosucres et autres dérivés azotés des sucres.

LE VAN THOI, Doyen de la Faculté des Sciences de Saïgon : Les diterpènes tricycliques.

L. FowDEN, University College London, Department of Botany : Natural aminoacids.

M. VISCONTINI, Professeur à l'Université de Zurich : Les ptérines. M. CHIURDOGLU, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles : Les sesqui-

terpènes. EDGAR LEDERER

Paris, le 2 mai 1961

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« Elle est bien belle, votre planète. Est-ce qu'il y a des océans ? — Je ne puis pas le savoir, dit le géographe. — Ah ! (Le petit prince était déçu.) Et des montagnes ? — Je ne puis pas le savoir, dit le géographe. — Et des villes et des fleuves et des déserts ? — Je ne puis pas le savoir non plus, dit le géographe. — Mais vous êtes géographe ! — C'est exact, dit le géographe, mais je ne suis pas explorateur. »

SAINT-EXUPÉRY, Le Petit Prince.

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TABLE DES MATIÈRES

Pages INTRODUCTION 11

CHAPITRE I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES TRITERPÈNES TÉTRACYCLIQUES ....... 13 Nomenclature, représentation 14 État naturel et isolement 16

CHAPITRE II. RÉACTIONS DES TRITERPÈNES TÉTRACYCLIQUES 19 Stéréochimie des triterpènes tétracycliques 19 1. Réactions du cycle A 23 Relations des alcools et cétones en C-3 26 Bromuration des 3-cétones 28 Formation des alcoylidènes 3-cétones 30 Déshydratations des dérivés 3-hydroxy 31 Autres contractions de cycles 33 4-méthyl stéroïdes 33 Ouverture du cycle A en 3:4 35 « Elimination » du groupe gem-Me2 en C-4 36 2. Réactions des cycles B et C 39 Isomérisations des dérivés monoéthyléniques 40 Ouverture des dérivés cyclopropaniques 43 Oxydation dans les cycles B et C — série de l'onocérine 45 Oxydation dans les autres séries 47 Déshydrogénation sélective 47 Cas des 8-ènes et des 7,9(ll)-diènes 49 Réduction des produits d'oxydation 50 Autres réactions des produits d'oxydation 54 Cas des 7-ènes 58 Cas des 12-hydroxy-8-ènes 60 Cas des cucurbitacines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

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3. Réactions du cycle D 63 Réactions des dérivés « iso » 63 Réactions des 17-cétones 66 4. Réactions des chaînes latérales ' 68 Dégradations systématiques 70 Corrélations-Chaînes iso-octényliques 75 Corrélations-Chaînes complexes 77 Autres réactions des chaînes latérales 80 Isomérisations 80 Réactions mettant en jeu un groupe acide 83 Chaînes latérales — dégradations globales 86 5. Réactions d'ensemble du squelette 88 Déshydrogénations 88 Spectres de masse 89

CHAPITRE III. SYNTHÈSES DE TRITERPÈNES TÉTRACYCLIQUES 91 Synthèse du lanostérol 91 Synthèse de l'onocérine 93

•CHAPITRE IV. BIOCHIMIE DES TRITERPÈNES TÉTRACYCLIQUES 99

1. Origine des triterpènes tétracycliques 99 Formation de l'isopenténol 101 Formation du squalène 103 Modifications du squalène 104 Série du dammarane 105 Série de l'euphane et du tirucallane 106 Série du lanostane 106 Série de l'onocérane 107 2. Catabolisme des triterpènes tétracycliques 108 3. Taxonomie et spécificité des triterpènes tétracycliques 110 4. Activité physiologique des triterpènes tétracycliques .................... 110

-CATALOGUE 113 ADDENDUM 162 BIBLIOGRAPHIE 171 INDEX ALPHABÉTIQUE 183

INDEX DES NOMS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

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INTRODUCTION

Les triterpènes forment un groupe de produits naturels contenant dans leur sque- lette une trentaine d'atomes de carbone, et dérivant du squalène par une variété de cyclisations et d'autres modifications.

Squalène.

Parmi ces composés surtout répandus dans le monde végétal, la famille des triter- pènes tétracycliques présente une importance particulière par son homogénéité, et surtout par ses rapports étroits avec les stéroïdes. La connaissance des struc- tures de représentants de ce groupe est cependant toute récente. Les résultats impressionnants accumulés dans ce domaine au cours des dernières années ont donc pu bénéficier largement de l'aide des techniques modernes. Certains des problèmes structuraux (par exemple le lanostérol) ont même joué un rôle direct dans l'exploitation pratique de certaines de ces méthodes.

Nous sommes redevables de l'essentiel des résultats décisifs obtenus dans ce domaine à des Écoles britanniques (Barton, Jones, Spring...) et surtout à l'École de Zurich (Ruzicka, Jeger...).

Dans le présent volume, conformément à l'esprit dont veut s'inspirer cette Collection, nous présentons d'une part un catalogue des triterpènes naturels té- tracycliques et de leurs dérivés immédiats, et d'autre part un exposé général sur la chimie de ce groupe. Des revues récentes ont été publiées. En 1950, Jeger ne pouvait donner que quelques très brèves indications sur les triterpènes tétra- cycliques, dans un article de mise au point surtout consacré aux triterpènes pentacycliques, alors mieux connus (Jeger, 1950). Et cinq ans plus tard, Jones et Halsall (1955), et Gascoigne et Simes (1955) étaient à même de donner des exposés très documentés, dont nous avons été conduits à tenir largement compte. Cependant depuis 1955, des progrès importants ont été réalisés dans la connais- sonce de certains triterpènes tétracycliques individuels, et surtout dans la

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connaissance de leurs relations, d'une part entre eux, d'autre part avec les sté- roïdes et avec ,les triterpènes pentacycliques. Il est donc maintenant possible de donner une présentation plus systématique de ce groupe. Le chapitre consacré aux « Triméthylstéroïdes » dans la récente édition du livre de Fieser et Fieser, « Steroids » (1959) constitue un modèle difficilement égalable, mais notre présen- tation se veut plus complète. Notre travail a évidemment été aidé aussi par les livres de Simonsen et Ross (1957) et de P. de Mayo (1959) et par la compilation, malheureusement déjà trop ancienne, de l'Encyclopédie Elsevier (1946 et 1952).

Après une description générale des corps qui nous intéressent, nous exposerons le principe des méthodes utilisées pour la détermination chimique de leur struc- ture et de leur stéréochimie, en essayant de présenter ces méthodes sous une forme plus rationnelle et plus permanente peut-être que celle qui découle d'un simple exposé historique. Ce travail prendra donc la forme d'une discussion du comportement chimique des divers groupements structuraux rencontrés dans cette famille. Nous décrivons ensuite les synthèses totales ou partielles de triter- pènes tétracycliques. Nous conclurons cette première partie par un résumé des théories biogénétiques, et de leurs confirmations expérimentales. Cette première partie devrait pouvoir être utilisée dans les cours de Chimie organique appro- fondie ou de troisième cycle comme exemple d'application des méthodes mo- dernes de notre science.

La seconde partie du volume est constituée par le catalogue que nous avons mentionné plus haut, et comprend aussi quelques exemples de spectres d'absorp- tion et de dispersion rotatoire caractéristiques.

La préparation de ce livre a été grandement facilitée par l'amabilité de nombreux collègues qui ont bien voulu nous fournir des tirés à part, et des informations non encore publiés. Nous en les remercions, ainsi que nos amis MM. J. Jacques et J. Levisalles, qui ont lu le manuscrit et ont pu en éliminer quelques obscurités et quelques erreurs.

Enfin, l'un des auteurs (P. C.) tient à remercier de sa compréhension la Direction de Syntex S. A., Mexico ; la majeure partie de sa contribution à cet ouvrage a été préparée pendant son séjour dans les services de recherches de cette firme.

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CHAPITRE I

Présentation générale des triterpènes tétracycliques

Il existe deux grandes classes de triterpènes tétracycliques.

Les plus nombreux (groupe I) comprennent un squelette cyclopentanophé- nanthrénique analogue à celui des stéroïdes, diversement substitué. Les types les plus importants dérivent du lanostérol (1) du tirucallol (2), de l'euphol (3) et des dammarène-diols (4a et 4b). Les variantes les plus nombreuses sont celles qui découlent des modifications suivantes :

1) La chaîne latérale attachée au squelette peut être plus ou moins saturée ou oxydée (présence de fonctions alcool, cétone ou acide) ou comprendre un nombre plus grand ou plus petit d'atomes de carbone.

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2) Le système cyclique peut comprendre d'autres groupements fonctionnels et parfois plus de doubles liaisons.

3) Le cycle A peut être modifié par l'absence de l'un des groupes méthyles, ou encore par coupure.

4) Enfin, une cyclisation supplémentaire peut être présente sous forme d'un cyclo- propane.

Bien que dans les deux derniers cas, on ait à faire respectivement à des composés tri- ou penta- cycliques, leur parenté avec les triterpènes tétracycliques sensu stricto est si étroite qu'il serait inconcevable d'en dissocier l'étude.

5a 5b

Une seconde classe de triterpènes tétracycliques (groupe II) est pour l'instant représentée par deux produits naturels seulement, les oc- et g- onocérines (5a et 5b). Bien que les onocérines soient étroitement apparentées aux triterpènes pentacycliques, nous les avons incluses dans notre étude, mais la part qui leur est faite, presque entièrement séparée, est modeste.

Les triterpènes, et notamment les triterpènes tétracycliques, constituent l'un des groupes de produits naturels désignés sous le nom de « Polyprénoïdes » — qui sont formés par l'union de plusieurs unités isopréniques comme nous le verrons dans le chapitre IV.

NOMENCLATURE. REPRÉSENTATION

La grande analogie structurale des triterpènes tétracycliques et des stéroïdes (p. ex. le cholestérol, 6) ne s'est révélée qu'après la détermination complète de la

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structure du lanostérol et celle des configurations absolues des stéroïdes et des triterpènes.

Avant 1952, les formules partielles utilisées suivaient la convention adoptée jusqu'alors pour les triterpènes pentacycliques, c'est-à-dire celle que schématise- la formule 7. Depuis, plusieurs systèmes de nomenclature et de numérotation ont été proposés et utilisés. Tous se fondent sur les principes adoptés pour la nomenclature des stéroïdes (Mathieu et Petit, 1956) et ils diffèrent surtout par le choix des squelettes de base (Mathieu et Ourisson, 1958, ou Allard et Ourisson, 1957). Tous les triterpènes tétracycliques du groupe I pourraient être désignés en principe en utilisant un seul squelette de base, le lanostane, pour lequel on expliciterait la stéréochimie et la numérotation représentées par (8) *, et de façon plus condensée par (9).

8

9

Comme dans les stéroïdes, les substituants situés du même côté du squelette- polycyclique que le groupe méthyle C-19 (en C-10) sont dits �, et les autres oc. Les liaisons [3 sont renforcées ; les liaisons IX sont pointillées, ou simplement en,

* Les numéros 28 et 29 sont réservés pour les atomes de carbone surnuméraires éventuels de la chaîne ; cette convention n'a pas toujours été observée (cf. Allard et Ourisson, 1957).

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trait fin. Nous ne représenterons généralement pas les atomes d'hydrogène portés par les atomes de carbone du squelette ; ils sont supposés C'l aux jonctions de cycle, sauf si un point noir est indiqué (p. ex. en C-8, sur la formule 9) pour expliciter une liaison C-H (3. Le symbolisme du point noir est utilisé ici unique- ment pour représenter un atome d'hydrogène en position p. Dans tous les autres cas, la liaison elle-même est renforcée.

Sauf pour l'établissement de Tables ou d'Index (Mathieu et Ourisson, 1958), l'utilisation systématique et exclusive de noms en « lanostane » pour les repré- sentants du groupe I est cependant malcommode en raison de la nécessité de multiplier des préfixes modifiants (p. ex. pour l'hydrocarbure correspondant à 4a : 18nor 8(3-méthyl-20aH-lanostane). Il devient alors plus recommandable d'uti- liser quelques autres squelettes fondamentaux : lanostane (9), euphane (10) et dammarane (11), et onocérane (12) pour le groupe II. Pour les triterpènes natu- rels eux-mêmes, une nomenclature triviale est inévitable — notamment avant l'établissement définitif de la structure — mais son extension sous forme semi-sys- tématique pour des dérivés éloignés (« déhydrodihydroeuphol ») devrait être abandonnée dès que cela est rendu possible par l'avancement du travail struc- tural.

10 11

12

ÉTAT NATUREL ET ISOLEMENT

Les triterpènes pentacycliques sont souvent présents dans les végétaux sous forme de saponines ; ils y sont liés à un reste glucidique qui les rend hydrosolubles et dont ils sont séparés par hydrolyse acide ou enzymatique.

Un seul cas semblable a été signalé fparmi les triterpènes tétracycliques ; les principes amers de nombreuses cucurbitacées sont pour la plupart des gluco-

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sides de diverses « cucurbitacines », facilement libérées par hydrolyse spontanée sous l'action d'une glucosidase très active, l'élatérase (Berg, 1912 ; Enslin, Rehm et Rivett, 1957). Cependant certaines cucurbitacines (A, C et F) sont apparem- ment présentes initialement sous forme d'aglucone. Il est possible que d'autres cas semblables aient été ainsi dissimulés par l'existence de glucosidases insoup- çonnées. Il est remarquable toutefois que, comme dans le cas des saponines tri- terpéniques pentacycliques ou des saponines stéroïdes (Fieser et Fieser, 1959, p. 810) et des glucosides stéroïdes cardioactifs (Fieser et Fieser, 1959, p. 727), les seuls cas connus de glucosides triterpéniques tétracycliques soient relatifs à des produits « anormalement » riches en fonctions oxygénées.

Quelques triterpènes tétracycliques ont été obtenus à partir des fractionsinsa- ponifiables de certaines graisses : lanostérol et ses compagnons, du suint de mouton (Schulze, 1872, 1873), butyrospermol du beurre de Karité (beurre de shé), (Heilbron, Moffet et Spring, 1934) ; le citrostadiénol (Mazur, Weizmann et Sondheimer, 1958a et b) et le lophénol (Djerassi, Krakower, Lemin, Liu, Mills et Villotti, 1958 ; Wells et Neiderhiser, 1957) sont d'autres exemples semblables. Il est clair que l'isolement de composés à partir de fractions soumises à un traite-

; ment alcalin n'indique rien sur la nature du produit natif : le traitement alcalin a pu provoquer notamment la saponification de fonctions esters. Par exemple, le bois vermoulu d'Eucalyptus regnans, infesté par le champignon Polyporus anthra- cophilus, contient l'acide acétyléburicoïque (Gascoigne et coll. 1950 ; Lahey et Strasser, 1951). Cependant le même champignon, cultivé sur milieu artificiel, donne l'acide éburicoïque lui-même (Kariyone et Kurano, 1940). Un autre exemple d'ester naturel est celui du férulate de cycloarténol, qui est l'orizanol-A (Shimizu et coll., 1957 ; Ohta et Shimizu, 1957) ; de même, l'acide pachymique est l'acétate en 3 de l'acide polyporénique B (Shibata, Natori et coll., 1958). Il est probable que d'autres triterpènes tétracycliques sont en fait présents sous forme d'esters ou de mélanges d'esters. Une étude provoquée par la rédaction du présent chapitre l'a confirmé dans le cas du lophénol, qui existe à l'état naturel sous forme de mélange complexe d'esters (Crabbé, 1959a).

Cependant, il a été très généralement possible d'obtenir les triterpènes tétra- cycliques par simple extraction des matières premières, souvent végétales, qui les contiennent. C'est le cas des nombreux composants de ce groupe qui ont été isolés de résines, d'oléo-résines, de latex : « euphorbium » ou latex d'euphorbe, opium, élémi de Manille, dammar et gurjun, par exemple. L'extraction par sol- vants a aussi été mise à profit pour l'isolement des acides triterpéniques produits par de nombreux champignons attaquant le bois, soit à partir de ces champignons de récolte ou du bois vermoulu infesté, soit à partir du mycélium cultivé sur milieu synthétique. Ce dernier cas est évidemment le plus favorable à l'obtention des composés marqués par incorporation de précurseurs — par exemple d'acé- tate — radioactifs.

Exceptionnellement, un constituant peut prédominer dans le mélange obtenu au point de rendre quasi-immédiate son obtention à l'état pur ; par exemple, le diptérocarpol cristallise spontanément des oléo-résines de nombreuses espèces

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de Dipterocarpus (van Itallie, 1912 ; Crabbé, Ourisson et Takahashi, 1958). Dans la plupart des cas cependant, la purification est fort laborieuse, et elle n'a souvent été rendue possible que par une utilisation systématique de méthodes chromato- graphiques raffinées (Mills et Werner, 1955 ; Dupont, Julia et Wragg, 1951). Une forme d'hétérogénéité fréquente et gênante existe dans le cas du lanostérol et de nombreux triterpènes apparentés, où les dérivés déshydrogénés (14) accom-

13 14

pagnent habituellement les composés du type (13). La présence des diènes conju- gués (14) est aisément décelable par leur absorption très caractéristique dans l'ultra-violet (spectre à trois bandes vers 240 mpi), mais la séparation complète est d'autant plus laborieuse que les composés déshydrogénés (14) sont produits plus ou moins rapidement par autoxydation des composés du type (13). Il est pro- bable d'ailleurs qu'ils constituent en fait souvent des artefacts dus au mode d'iso- lement. Dans le cas du lanostérol, des dérivés où la chaîne latérale est en outre hydrogénée viennent compliquer encore l'isolement à partir du suint de la laine de mouton (Lederer et Tchen, 1944 ; Lederer et Mercier, 1948; Lewis, McGhie, 1956).

Dans les cas de ce genre, il est certainement préférable, pour entreprendre un travail préparatif, d'opérer au départ sans séparation du mélange, et de la rame- ner par une suite aussi courte que possible d'étapes à un produit homogène ; par exemple, la plupart des oxydants permettent le passage de l'éthylénique (13) au diène (14) ou à certains de ses produits d'oxydation plus poussée (p. 47 à 54) ; une hydrogénation préalable permet d'uniformiser la chaîne latérale.

Dans ce que nous avons appelé le groupe I, seules les structures du lanostérol et de l'euphol ont dû être déterminées directement et entièrement ; seule celle du lanostérol a jusqu'ici été confirmée par synthèse (Woodward et coll., 1957 et parradiocristallographie (Fridrichson et Mathieson, 1953 ; Curtis, Fridrichson et Mathieson, 1951), et sa connaissance a efficacement guidé la détermi- nation de la structure de l'euphol. Dans tous les autres cas, des corrélations ont été établies avec l'un ou l'autre de ces corps de base ou avec certains de leurs produits de dégradation. Malgré ce rôle historique prépondérant du lanostérol et de l'euphol nous avons présenté dans le catalogue les différents individus de ce groupe 1 suivant un ordre fondé le plus possible sur les relations biogénétiques que nous décrivons plus loin.

Les onocérines sont isolées par extraction et fractionnement à partir des racines d'Ononis spinosa. Leur structure a été déterminée intégralement et confirmée par synthèse totale.

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CHAPITRE II

Réactions des triterpènes tétracycliques

En gros, le squelette des triterpènes tétracycliques comprend quatre régions réac- tionnelles distinctes, qui sont plus ou moins indépendantes les unes des autres : le cycle A, les cycles B et C, le cycle D, et la chaîne latérale. Bien sûr, certaines réactions font intervenir plusieurs de ces régions en même temps, mais il sera commode de diviser de cette façon notre étude de la réactivité chimique des tri- terpènes tétracycliques, en précisant ensuite notre exposé par la description des réactions intéressant une portion plus étendue de la molécule, ou même l'ensemble de la molécule. Toutes les réactions que nous décrivons n'ont pas été réalisées avec tous les triterpènes tétracycliques, ni même dans toutes les séries. Parfois les éléments structuraux nécessaires sont absents, et de plus, bien souvent, l'établissement de la structure, but habituel des travaux entrepris, a été obtenu sans avoir recours aux expériences correspondantes. Le lecteur pourra aisément se rendre compte par lui-même de la possibilité — ou de l'impossibilité — de généraliser telle ou telle des réactions décrites ci-dessous dans un cas particulier donné.

REMARQUES SUR LA STÉRÉOCHIMIE DES TRITERPÈNES TÉTRACYCLIQUES

Le système typique des triterpènes tétracycliques comprend quatre (onocérane) ou trois cycles à six chaînons. Dans chacun de ces cycles s'appliquent les règles habituelles de la stéréochimie cyclohexanique ; l'analyse des conformations en est aisée d'après les généralités que résument de nombreuses mises au point (Barton, 1950, 1953 ; Barton et Cookson, 1956 ; Klyne, 1954). Rappelons sim- plement ici quelques données de base.

La forme la plus fréquente pour un cycle à six chaînons est la forme chaise (1) ; elle est habituellement beaucoup plus stable que la forme flexible, dont les con- formations bateaux (2) et les conformations croisées (3) sont les composantes res-

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections

de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.