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MERTON ET LA SERENDIPITY : À PROPOS D'UNE PUBLICATION RÉCENTE François Chazel Ed. Sc. Humaines | Revue d'Histoire des Sciences Humaines 2006/1 - no 14 pages 209 à 217 ISSN 1622-468X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2006-1-page-209.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Chazel François, « Merton et la serendipity : à propos d'une publication récente », Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2006/1 no 14, p. 209-217. DOI : 10.3917/rhsh.014.0209 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Ed. Sc. Humaines. © Ed. Sc. Humaines. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 89.156.24.173 - 13/11/2013 12h52. © Ed. Sc. Humaines Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 89.156.24.173 - 13/11/2013 12h52. © Ed. Sc. Humaines

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  • MERTON ET LA SERENDIPITY : PROPOS D'UNE PUBLICATIONRCENTE

    Franois Chazel

    Ed. Sc. Humaines | Revue d'Histoire des Sciences Humaines

    2006/1 - no 14pages 209 217

    ISSN 1622-468X

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2006-1-page-209.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Chazel Franois, Merton et la serendipity : propos d'une publication rcente , Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2006/1 no 14, p. 209-217. DOI : 10.3917/rhsh.014.0209--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Ed. Sc. Humaines. Ed. Sc. Humaines. Tous droits rservs pour tous pays.

    La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quece soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

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  • Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2006, 14, 209-217.

    NOTE CRITIQUE

    Merton et la serendipity : propos dune publication rcente

    Franois CHAZEL

    The Travels and Adventures of Serendipity 1 offre un plaisir rare, celui de la dcouverte dun ouvrage laiss volontairement ltat de manuscrit par ses auteurs et finalement publi aprs plus de 40 ans de sommeil 2. Notre curiosit est encore aiguise par le fait quil reprsente lultime legs dun auteur majeur, Robert K. Merton, qui na eu que le temps dapprendre, avant son dcs en fvrier 2003, que les Presses de lUniversit de Princeton publieraient ce livre et auquel, tout comme sa fidle collaboratrice, Elinor Barber 3, aura t refus le plaisir dassister sa parution. Loubli prolong de ce texte 4, ainsi que les circonstances mmes de sa rsurrection , passant par une premire dition en langue italienne (Il Mulino, 2002), lui confrent une aura de mystre et invitent quiconque prtend en rendre compte sinterroger sur les raisons profondes de cette longue mise lcart mais aussi sur les motifs sans doute moins difficiles lucider de son ultime retour en grce. Ce sera donc pour nous un passage oblig que dapporter, en temps opportun, des rponses plausibles cette double interrogation.

    Cet lment de mystre est renforc par lobjet explicite du livre, savoir lhistoire dun mot, serendipity, qui nest pas simplement un terme rare mais qui a aussi gard pendant longtemps quelque chose dsotrique et porte ainsi la marque de la sophistication imaginative de son crateur, lhomme de lettres et collectionneur Horace Walpole. Compte tenu de son objet, louvrage ne pouvait manquer dtre au moins en partie une tude de smantique ; mais celle-ci est maintenant qualifie de sociologique et non plus d historique , dans la mesure o elle examine les modes selon lesquels le mot de serendipity a acquis de nouvelles significations au fur et mesure quil se diffusait en passant par diffrentes collectivits sociales : cest pratiquement le seul changement que se soient autoris les auteurs, selon la brve prface de Merton. Le sous-titre signale en mme temps que louvrage ne se limite pas cet aspect mais comporte galement une dimension de sociologie des sciences , ce qui ne saurait tonner dabord en raison du constant intrt que Merton a port cette branche de la discipline, ensuite et peut-tre surtout cause de la place quil a prcisment accorde la serendipity comme facteur heuristique dans la recherche. Ce dernier thme est coup sr dune telle importance quil ne saurait tre lud ; mais on se bornera pour le moment souligner la double insistance du sous-titre sur lorientation sociologique du propos : Merton et Barber annoncent ainsi

    1 Merton, Barber, 2004. 2 Une version plus courte de ce texte in Socital, 2005, 50. 3 Elinor Barber est en effet dcde en 1999. Elle a t notamment associe Merton pour limportant article

    consacr Sociological Ambivalence (1963) et publi sous leur double signature. 4 Merton lui-mme ny fait que deux brves allusions. La premire se trouve la fin de la longue note sur la

    serendipity que Merton a ajoute son article initial de 1948 pour sa publication in Social Theory and Social Structure (1957, Rev. Ed., Glencoe (Illinois), The Free Press, 104, note 4a) : malheureusement ce paragraphe a t omis dans la traduction franaise. La seconde, qui cite explicitement le titre de louvrage, figure la page 156, la fois dans le texte et dans une note, de MERTON, 1993 (1965).

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    leur lecteur que, si lobjet trait est la fois inattendu et non-conventionnel, louvrage sinscrit nanmoins - pour lessentiel dans un cadre disciplinaire dtermin.

    Il faut se garder den conclure que le livre ne tient pas compte, dans sa facture comme dans sa dmarche, de la spcificit de son objet : pour suivre le terme de serendipity dans la multiplicit de ses rceptions, les auteurs font appel lrudition la plus diverse, mobilise sans pdantisme, et nous entranent le long dun itinraire singulier, dont lusuel expos scientifique, la fois rigoureux et linaire, ne pourrait explorer les ramifications complexes et les dtours, voire mme les retours en arrire. Un tel itinraire, sur lequel nous aurons loccasion de revenir, parat en tout cas bien correspondre ce terme trange de serendipity,forg artificiellement par Horace Walpole alors quil venait de rsoudre une nigme en matire darmes vnitiennes, du type de celles auxquelles il aimait se confronter en tant que collectionneur rudit. Rappelons, titre de premier essai de clarification, les termes mmes dont il sest servi dans sa lettre Horace Mann du 28 janvier 1754 : Cette dcouverte, je lai faite grce un talisman, que M. Chute appelle sortes Walpolianae, laide duquel je trouve tout ce que je dsire, pointe nomme , dans quelque direction que je cherche. (Une telle) dcouverte, coup sr, est presque de ce type, que je nomme Serendipity, un mot trs expressif que, nayant rien de plus important vous dire, jentreprendrai de vous expliquer : vous le comprendrez mieux par sa drivation que par sa dfinition. Jai lu il y a quelque temps un conte de fes idiot, qui sappelle Les trois princes de Serendip : alors que leurs Seigneuries voyageaient, elles faisaient sans cesse des dcouvertes, par accident et sagacit, de faits quelles ne cherchaient pas : par exemple, lune dentre elles dcouvrit quune mule borgne de lil droit avait suivi rcemment la mme route, parce que lherbe avait t mange uniquement sur le ct gauche, alors quelle y tait plus maigre que sur le ct droit maintenant comprenez-vous ce quest la Serendipity ? Un des cas les plus remarquables de cette sagacit accidentelle (car vous devez observer quaucune dcouverte dune chose que vous recherchez relve de cette description) a t , ajoute encore Walpole, le fait de Lord Shaftesbury qui, loccasion dun dner chez Lord Chancelier Clarendon, devina lexistence du mariage entre le Duc dYork et Mrs Hyde partir des gards que sa propre mre tmoignait celle-ci (1-2).

    Cette longue, mais notre sens indispensable, citation appelle des prcisions de deux ordres distincts. La premire concerne le conte de fes qui aurait t traduit du persan en franais, puis du franais en anglais et qui parut en tout cas dans cette langue en 1722 sous le titre The Travels and Adventures of Three Princes of Serendip (dans la continuit duquel Merton et Barber se sont inscrits en reprenant les deux premiers termes pour leur propre titre) ; quant aux trois princes, ce sont les fils de Jafer, le philosophe-roi de Serendip ou plutt de Serendib, cest--dire du Sri-Lanka actuel. Au cours de leurs voyages, les jeunes princes firent preuve de leurs dons dobservation ; et Walpole se rfre explicitement au premier pisode de leurs aventures, ceci prs quil substitue un animal plus familier la mule un autre plus exotique, le chameau. La seconde porte sur la caractrisation quHorace Walpole propose du terme mme quil a forg, serendipity : ainsi que le signalent les deux auteurs, elle nest pas dpourvue dambigut. Les exemples censs aider clarifier le sens de la notion ne sont pas en effet concordants entre eux : si Walpole tait, pour sa part, en qute dinformations pertinentes pour rsoudre son nigme et a eu la chance de tomber sur elles lorsquil ne les attendait pas, les trois princes se sont en fait contents dobserver ; et, de son ct, Lord Shaftesbury navait pas dobjet de recherche en tte, mme sil a effectivement dcouvert les liens secrets unissant le duc dYork et Anne Hyde. Walpole ne nous dit rien non plus du degr de connaissance pralable sur lobjet de la dcouverte quimplique la serendipity ; et ainsi, les parts respectives de

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    laccident et de la sagacit restent indfinies. Cest prcisment de ces ambiguts quont jou, plus ou moins consciemment, les utilisateurs ultrieurs du terme et lhistoire de la notion sen est trouve, de ce fait, certes complique mais aussi enrichie.

    Le mot de serendipity va au pralable connatre une longue clipse. Conformment aux dernires volonts de Walpole, sa correspondance devait attendre un certain nombre dannes avant dtre rendue publique ; et ldition elle-mme, confie Lord Dover, en prit encore quelques autres, tant et si bien que les trois volumes rassemblant les lettres adresses par Walpole Horace Mann de 1741 1760 ne parurent en dfinitive quen 1833. De surcrot, le climat dopinion , en cette premire phase de lpoque victorienne, ntait gure favorable un personnage comme Walpole qui, selon le cruel jugement de Thomas Macaulay, tait afflig dune sorte de perversion du jugement en vertu de laquelle tout ce qui tait petit lui paraissait grand et, linverse, tout ce qui tait grand lui semblait petit. Les affaires srieuses ntaient, ses yeux, que bagatelles et les bagatelles en revanche constituaient pour lui les affaires srieuses . Dans un tel contexte, il ne pouvait tre question de serendipity : le mot comme la notion furent ignors. Il fallut attendre la formation progressive dun nouveau climat dopinion, amorce dans la dernire phase de lpoque victorienne et arrive terme dans la priode edwardienne, la fois plus esthtisante et plus sceptique : cette redfinition des critres dapprciation saccompagna dune reconsidration de Walpole et de son univers intellectuel, qui, son tour, facilita peut-tre ici sommes-nous moins prudent que nos auteurs qui choisissent de ne pas trancher entre la concidence et la consquence lemprunt, et mme ladoption, du terme de serendipity par quelques esprits cultivs.

    Ce quil convient en tout cas de noter, cest que ce processus de diffusion limite partit des cercles littraires et quil concerna plus spcifiquement des collectionneurs tels que des bibliophiles et des amateurs dobjets anciens ; les hommes de science ny prirent aucune part. Il est vrai quEdward Solly, le premier utilisateur du terme depuis Walpole, avait dabord entrepris avec succs une carrire de chimiste mais ce sont les ressources emmagasines dans sa riche bibliothque qui lui permirent deux reprises, en 1875 et en 1878, de rappeler la cration du terme par Walpole et de prciser sa signification ou plutt lune de ses significations dans la revue Notes and Queries, destine des rudits dans le domaine des humanits, amateurs comme professionnels. Et cest en se rfrant spcifiquement la chance de tomber sur le document littraire que lon dsire que lessayiste Andrew Lang voqua le plaisir de lexercice de la serendipity dans son livre de 1881 intitul justement The Library.

    Le terme et la notion de serendipity restrent lapanage des littraires jusquau milieu des annes 1930. Il vaut la peine de signaler que Notes and Queries contribua la diffusion du terme travers son change caractristique de questions et de rponses pendant une cinquantaine dannes dans le milieu restreint des collectionneurs. Et lon relvera que la premire Serendipity Shop ouverte au dbut du vingtime sicle avait pour objet essentiel le commerce de livres rares. Pour autant, de 1900 1930 le terme ne resta plus confin au cercle troit des rudits mais la sphre des utilisateurs slargit pour atteindre dautres groupes du monde littraire, comme des auteurs douvrages plus populaires, moins sotriques, ainsi que les fabricants de dictionnaires, cest--dire dun type de production intellectuelle qui permet au moins en principe de juger de la lgitimit dun mot ou de tel ou tel de ses usages et didentifier son mode de formation. Il nest donc pas surprenant que Merton et Barber aient dcid de consacrer tout un chapitre (le chapitre 6) Dictionaries and 'Serendipity' . De la subtile analyse et confrontation de diffrentes dfinitions qui est propose nous ne pourrons retenir ici que deux rsultats significatifs : la plupart des grands dictionnaires ont introduit le terme de serendipity peu prs la mme

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    priode, depuis le Century Dictionary en 1909 et lOxford English Dictionary en 1912-1913 ; en revanche le terme ne figurait pas dans les dictionnaires abrgs avant ldition de 1951 du Concise Oxford English Dictionary. On a ainsi une double indication relative, dune part la diffusion de son emploi, dautre part aux limites manifestes de cette diffusion vers un public plus large.

    On ne compte en effet que 135 utilisateurs du mot de serendipity pendant les quelques quatre vingt annes qui se sont coules depuis la rapparition du terme dans Notes and Queries jusqu la rdaction du prsent ouvrage. On peut nanmoins distinguer parmi eux des types bien distincts, la fois par leurs caractristiques sociales et intellectuelles et leur adoption plus ou moins rapide de la notion. Du ct des littraires, Merton et Barber mentionnent dans cet ordre les collectionneurs, les crivains (avec une rfrence plus marque aux essayistes) et enfin lensemble des spcialistes et des lexico-graphistes. Ils soulignent que les collectionneurs taient justement prdisposs par leur proximit avec une certaine forme de serendipity (cest une de leurs caractristiques et privilges que de faire des trouvailles , surtout si leurs objets dintrt sont varis) adopter les premiers un terme qui leur paraissait correspondre une part heureuse de leurs expriences. bien des gards, les savants taient, avec eux, les plus mme de rencontrer, mme si cest sous dautres formes, la serendipity. Et pourtant lusage de ce mot ne commena se rpandre parmi eux que dans les annes 1930. Plus encore, il se fit par la mdiation de savants dune grande culture littraire qui transposrent le mot dans le langage des sciences : de faon significative, ils sont dsigns, en tant que groupe, comme des humanistes engags dans la recherche mdicale (The medical humanists). Peut-tre vaut-il la peine de sattarder quelque peu sur lhomme qui joua dans cette greffe le rle central, savoir Walter B. Cannon, et ce dautant plus que le physiologiste amricain, qui effectua toute sa carrire la Harvard Medecine School, est, pour dautres raisons, loin dtre un inconnu pour les sciences sociales. Il a, en effet, non seulement forg le terme dhomostasie mais en a, dans le prolongement de Claude Bernard, formul la thorie, en vertu de laquelle des mcanismes fonctionnels tendent assurer un tat dquilibre en protgeant le corps contre les variations perturbatrices du milieu extrieur. ce titre, sa contribution a t juge essentielle la fois par Parsons et par Merton lui-mme : Cannon fournirait ainsi un modle labor d analyse fonctionnelle (fonctionnaliste) dont la sociologie devrait leurs yeux sinspirer, mme sil na pas su lui-mme Merton le souligne avec fermet dans Social Theory and Social Structure rsister la tentation de formuler des analogies organicistes dans lpilogue The Wisdom of the Body 5. Or cest le mme chercheur qui a introduit officiellement la notion de serendipity dans les milieux scientifiques en 1940, avec la publication de sa confrence sur The Role of Chance in Discovery (Scientific Monthly), et qui a largi son espace de diffusion, en reprenant, sous une forme presque inchange mais avec le titre loquent, Gains from Serendipity , le texte de cette confrence dans le chapitre 6 de son ouvrage The Way of an Investigator(1945). Merton et Barber font par ailleurs remarquer que ce terme, si rarement employ alors, tait en quelque sorte devenu, dans le cadre de la Harvard Medecine School, une

    5 Dans la traduction franaise de Social Theory and Social Structure parue sous le titre lments de thorie et

    de mthode sociologique (1965, Paris, Plon) le passage essentiel relatif Cannon se trouve aux pages 98-99. Il souvre sur cette apprciation : Considrons brivement la logique opratoire en physiologie selon Cannon, pour y chercher un modle de mthode qui puisse tre adapt la sociologie, mais sans adopter comme lui desparalllismes regrettables entre la structure des organismes biologiques et la socit (soulign par nous). Dans la note 51 qui accompagne la phrase cite Merton critique svrement les analogies striles contenues dans lpilogue du livre de Cannon (437-438).

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    sorte de mot de passe , constituant la fois un signe didentification et un symbole de reconnaissance mutuelle.

    Ce nest pas pourtant par une transmission de Cannon Merton qui avait pourtant fait ses tudes Harvard que la serendipity atteignit enfin les spcialistes de sciences sociales (social scientists) : ce fut plutt le fruit dune redcouverte partir dune exploration, et non pas dune simple consultation, des ressources de lOxford English Dictionary, comme Merton lui-mme le rappelle longuement et non sans motion dans son Afterword .

    Ladoption de la notion de serendipity ne se limite pas pourtant aux milieux scientifiques tourns, quelle que soit la discipline, vers la recherche fondamentale ; elle survient galement, mais avec un lger dcalage mme si lon relve une premire rfrence la serendipity dans un article de 1940 dans le monde de la recherche applique, soucieux avant tout de lutilit des dcouvertes ; et il est piquant de noter que son introduction dans ces rseaux spcifiques ne doit absolument rien Cannon ni non plus, ce qui tait davantage prvisible, Merton mais est entirement imputable au premier directeur des laboratoires de recherche de General Electric, Willis Whitney. Tout en restant limite, la diffusion du terme avait dsormais atteint une pluralit de groupes diffrencis et elle tait suffisamment tendue pour que la serendipity ft son entre dans le vocabulaire de ceux qui crivent sur la science (science writers), quil sagisse de journalistes spcialiss, dhistoriens, voire de savants eux-mmes dans leurs efforts de vulgarisation.

    On pourrait sattendre ici ce que les auteurs procdassent immdiatement un examen du rle jou par la serendipity dans les sciences : ctait une voie apparemment tentante pour Merton, compte tenu la fois de son insistance sur la serendipity dans le cadre de sa propre discipline et de son constant intrt pour la sociologie des sciences. Mais tel nest pas le chemin choisi par nos auteurs. Ils voquent dabord les dimensions morales sous-jacentes la serendipity ; tout comme le malheur inattendu, son contraire, la chance et, en loccurrence, laccident heureux demandent tre expliqus et, si possible, justifis, en particulier dans le domaine scientifique. Et cest ce problme qui les guide tout au long de leur analyse de la porte variable attribue dans lactivit scientifique la serendipity :le rle de celle-ci sera en effet dautant plus aisment admis quelle apparatra comme vritablement justifie.

    Certes, les savants nont pas eu besoin du terme de serendipity pour reconnatre lexistence de dcouvertes non-anticipes ; mais ils ont, dune manire significative, diverg dans leur faon den rendre compte : alors que Robert Hooke, le grand adversaire de Newton, considre dans la Prface ses Lectiones cutlerianae (1679) que, comparable au vent, LEsprit dInvention souffle l o et quand il lui plat , Pasteur, pour sa part, sexprimant en tant que Doyen de la nouvelle Facult des Sciences de Lille (1854), prend soin de prciser que le hasard ne favorise que les esprits prpars . Se trouve ainsi pose avec acuit la question des mrites propres du savant qui exploite un accident heureux . Elle est, semble-t-il, clairement tranche par Cannon pour lequel la serendipity nchoit qu lesprit prpar ; mais, comme le notent avec ironie Merton et Barber, Cannon se contredit en affirmant qu la diffrence des grandes dcouvertes (de Bernard ou de Pasteur) les siennes ne seraient dues qu un incident fortuit . cette premire question en est associe une autre, relative au dveloppement des sciences : la dpendance lgard de la serendipity constitue-t-elle un indice dune science la progression incertaine ou, au contraire, une caractristique insparable de ses succs ? Et sur ce plan sopposent aux positions frileuses, comme celle de Riemer dplorant que la faible coordination des

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    recherches sociologiques conduise sen remettre la seule serendipity 6, des dfenseurs enthousiastes de la serendipity , tels quIrving Langmuir un des personnages marquants du livre 7 qui y voit lart de profiter doccurrences inattendues , la liant ainsi intrinsquement la crativit.

    On comprend que ce dbat puisse se poursuivre sur le terrain de lorganisation de la recherche scientifique, laquelle est consacr le chapitre suivant ; et lon nest pas surpris dy retrouver, pour une part, les mmes acteurs : ainsi Langmuir plaida pour une dfinition souple et globale des objectifs de recherche, qui soit de nature prserver la libert dinvestigation du savant. Dune manire gnrale, plus lon accordera dimportance la serendipity, plus lon tendra dfendre lide quil convient de la cultiver par un mode dorganisation flexible.

    Il nous parat cependant indispensable de revenir sur la dernire section du chapitre IX,dans laquelle est rappele la contribution spcifique de Merton lanalyse du phnomne de serendipity. Citations lappui, les auteurs la prsentent comme un effort pour dgager les tapes conceptuelles sous-jacentes au processus de la dcouverte accidentelle. Cest la raison pour laquelle, nous semble-t-il, Merton avait cru devoir parler dune configuration de recherche impliquant la serendipity ( serendipity pattern ) et conduisant de lobservation de donnes inattendues, aberrantes (anomalous) et dune porte stratgique (strategic) lextension de la thorie ou son dveloppement dans de nouvelles directions 8.

    Revu la lumire de louvrage de 1958, lapport propre de Merton au dbat, souvent normatif, autour de la serendipity parat consister en son essai (et son souci) de clarification analytique. On est ainsi conduit se demander ce que Merton peut ajouter de neuf dans son Afterword appel, dune manire paradoxale, dans la mesure o il a t rdig plus de quarante ans aprs la mise en sommeil du manuscrit, tenir lieu de conclusion louvrage inachev qui se terminait en quelque sorte en peau de chagrin, sous la forme de deux brves Notes .

    Cet pilogue a dabord une dimension autobiographique, souligne dans son titre ( Autobiographic Reflections on The Travels and Adventures of Serendipity ) ; comme nous lavons dj signal, Merton y voque et il ne pouvait manquer de le faire sa propre rencontre avec le mot de serendipity et ses consquences bnfiques (serendipitous).Il y examine galement, dans la continuit directe de louvrage de 1958, la reconnaissance progressive du mot, qui seffectue, dans les dictionnaires de langue anglaise, selon une logique de simplification et donc de signification appauvrie, ou qui en fait un mot demprunt dans le cadre des dictionnaires bilingues. Si prcieuses que soient ces indications, elles ne permettent pas de rendre compte, dans toute sa complexit, du processus de diffusion du terme, qui obit cest le phnomne empiriquement nouveau une double trajectoire. Dune part, le terme cesse peu peu de relever du langage sotrique pour entrer dans lunivers de la langue commune et devenir mme un qualificatif

    6 RIEMER, 1953. 7 Irving Langmuir a effectu une grande partie de sa carrire dans le cadre du laboratoire de recherche de

    General Electric, dont il prendra la direction la suite de Willis Whitney. Ses travaux relvent la fois de la chimie (Prix Nobel, 1932) et de la physique. Il a t notamment linitiateur de linjection diodure dargent et de neige carbonique dans les nuages pour dclencher la pluie ; et cest au dbut dune prsentation de ces recherches devant la National Academy of Sciences (1947) quil voqua la question de la serendipity, sur laquelle il devait revenir plusieurs reprises dans des confrences ultrieures.

    8 Ces points sont dvelopps par Merton dans la premire section, justement consacre la serendipity , de son texte, Lapport de la recherche empirique la thorie sociologique (traduction franaise, 47-51 et 429-431 pour les notes). On regrettera que de lexpression serendipity pattern nait t retenu que le premier terme : la traduction a laiss ainsi chapper un aspect important de lanalyse de Merton.

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    la mode. Ainsi le film de Peter Chelsom, une aimable comdie sortie en 2001, sintitule Serendipity, sans doute pour suggrer que la destine de John Cusack et de Kate Beckinsale, appels se retrouver longtemps aprs leur premire et brve rencontre, est place sous les auspices de la serendipity ; et il est amusant de relever que la boutique portant ce nom na plus le moindre rapport avec les livres rares mais se trouve tre un caf-ptisserie, cest--dire un lieu ordinaire de la vie sociale. Il est peine besoin de souligner que cette vogue saccompagne dun affadissement de la signification du terme, dsormais employ de faon lche dans une multiplicit dacceptions, comportant toujours cependant une connotation positive, voire hdoniste. Dautre part, ce mme mot continue faire partie du langage savant : plus encore, son usage tend se rpandre dans le monde de la science, comme le montrent les donnes de Jstor sur 170 revues scientifiques ou universitaires (de 11 emplois pour la dcennie 1940 on passe au chiffre de 236 pour les seules annes 1990 1996). Lattention porte au phnomne de la serendipity dans une perspective sociologique (ou informe par la sociologie) a permis de dgager une dimension proprement psychosociale de la serendipity : Merton sestime de ce fait fond, lorsquil envisage la serendipity dans cette seconde trajectoire, la prsenter comme un concept pistmologique (de nature) psychosociale (psychosociological epistemic concept).

    On touche ici en mme temps la nouveaut proprement analytique de cet Afterword . Cest, en effet, une saisie plus complte de la serendipity que conduit la prise en compte de cette dimension psycho-sociale : elle contribue mettre en vidence linfluence de micro-environnements socio-cognitifs sur la production scientifique et, en particulier, sur sa forme accomplie, savoir la dcouverte. La carrire de Thomas Kuhn en offre, aux yeux de Merton, deux exemples saillants : dabord la libert institutionnalise dont jouissaient les jeunes doctorants brillants choisis pour faire partie de lHarvard Society of Fellows a permis au jeune Kuhn de redfinir ses priorits de recherche et dabandonner la physique pour la philosophie et lhistoire des sciences ; ensuite son passage par le Center for Advanced Study in the Behavioral Sciences (Palo Alto, Californie) a t dcisif pour son laboration des concepts de paradigme et de changement de paradigme partir de sa prise de conscience que, contrairement aux spcialistes de sciences sociales dont il avait pu observer de prs les dsaccords fondamentaux dans le cadre du Centre, les praticiens des sciences dures poursuivent leurs recherches sans sinterroger de faon permanente sur les fondements de leur discipline. On pourrait dire que ce sont l des faits connus, puisque Kuhn lui-mme les voque au dbut de sa Prface La structure des rvolutions scientifiques ; pour sa part, Merton reprend largement dans cette section de son pilogue des dveloppements dun de ses textes antrieurs, en loccurrence Sociology of Science : An Episodic Memoir 9. Mais il tire de cet exemple une conclusion thoriquement significative : le cheminement mme de Kuhn invite reconnatre, ct de dcouvertes qui sont le pur produit de la serendipity(fully serendipitous), des moments marqus par la serendipity (serendipitous moments) dans une recherche en cours, qui reprsentent une tape dcisive pour la solution du problme pos au dpart. En tout cas, que lon ait faire lun ou lautre mode, le sociologue doit prter attention aux micro-environnements propices, cest--dire ce que Merton appelle des centres de serendipity institutionnaliss : ils accroissent, en effet, les occasions (opportunities) de faire des dcouvertes et telle est bien la caractristique premire de la serendipity 10.

    9 MERTON, 1979. 10 Merton se reconnat pleinement dans cette affirmation de John Ziman, cite lavant-dernire page de

    l Afterword : Le point essentiel est que la serendipity ne produit pas par elle-mme de dcouvertes : elle cre plutt des occasions de les faire . La proposition est tire du livre de ZIMAN, 2000.

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    Il nous reste au terme de cette prsentation, tenter de rpondre lnigme que constitue ltrange destin de ce livre : pourquoi Merton et Elinor Barber ont-ils renonc le publier ? Et pourquoi sy sont-ils finalement et si tardivement rsolus ? En rponse la premire question, certains ont cru pouvoir invoquer largument la fois commode et us de lopposition entre lessai (suppos brillant) et louvrage conventionnel de sociologie (enferm dans un prtendu positivisme et donc ennuyeux) : Merton aurait t conduit sacrifier lessai consacr la serendipity pour ne pas tre accus de transgresser ouvertement les recommandations formules dans Social Theory and Social Structure.Linconvnient de cette thse caricaturale cest que Merton a prcisment insist sur la serendipity dans son ouvrage le plus classique et quil a toujours t sensible, mme sil nemploie pas ce langage, lcart entre la logique de la dcouverte dont relve, entre autres, la serendipity et celle de la justification laquelle se conforme lexposition des rsultats dans un article scientifique. Il parat donc plus raisonnable de se rallier, comme le fait Merton lui-mme dans son Afterword , la suggestion formule par James L. Schulman dans sa substantielle Introduction selon laquelle la recherche entreprise sur la serendipity naurait constitu quune prparation au livre publi par Merton en 1965 sous le titre On the Shoulders of Giants 11. Rappelons que dans cet ouvrage Merton retrace lhistoire de laphorisme : If I have seen further, it is by standing on the shoulders of giants en remontant de Newton auquel on en attribue parfois la paternit Bernard de Chartres, philosophe du XIIe sicle, dont le disciple, Jean de Salisbury, nous a rapport la formule : Nous sommes des nains juchs sur les paules de gants ; nous voyons plus queux et plus loin . Cest une histoire complexe, faite de mdiations, de dformations, doublis et de redcouvertes que nous conte Merton : le livre obit ainsi une dmarche la fois subtile et sinueuse, que Merton justifie ds le sous-titre (A Shandean Postcript) par lillustre prcdent de Tristram Shandy dans lequel Laurence Sterne donne libre cours sa fantaisie et son humour 12. Ce thme invitait, tout autant que celui de la serendipity, traiter de ce qui touche lesprit de la dcouverte ; et il se prtait peut-tre encore plus aborder les deux questions centrales que se posait alors Merton du point de vue de la sociologie des sciences, savoir celles conjointes de la priorit dans linnovation scientifique et des dcouvertes multiples, vritablement indpendantes 13.Comme de surcrot la rdaction de ce second livre a t lobjet dun fort investissement affectif Merton nhsita pas le qualifier de fils prodigue de (son) esprit dans la Prface la rdition de 1985 , on peut comprendre pourquoi louvrage sur la serendipityest alors rest ltat de manuscrit. Le tmoignage dintrt de la part des ditrices italiennes dIl Mulino dans les annes 1990 pour un texte qui risquait dtre compltement oubli tait en revanche de nature appeler une rponse positive des auteurs : Merton y vit certainement un signe supplmentaire de reconnaissance internationale pour son uvre, signe auquel son ge mme le rendait sans doute encore plus sensible. Quoiquil en soit, il prit alors avec Elinor Barber une dcision qui la fois satisfait notre curiosit et nous claire sur cet ensemble de processus mal connus auxquels sapplique le terme de serendipity.

    Franois CHAZELUniversit Paris IV-Sorbonne, UFR des Sciences Humaines Appliques, France

    [email protected]

    11 MERTON, 1993 (1965). 12 STERNE, 1980 (1759-1767). 13 Ces deux questions ont t abordes et traites par MERTON dans deux articles importants : 1957 et 1961.

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    Bibliographie

    MERTON R.K., 1957, Priorities in Scientific Discovery : A Chapter in the Sociology of Science, American Sociological Review, 22, 635-659.

    MERTON R.K., 1961, Singletons and Multiples in Scientific Discovery : A Chapter in the Sociology of Science, Proceedings of the American Philosophical Society, 105, 470-486.

    MERTON R.K., 1979, Sociology of Science : An Episodic Memoir, Carbondale, Southern Illinois University Press.

    MERTON R.K., 1993 (1965), On the Shoulders of Giants : A Shandean Postcript, Chicago, University of Chicago Press.

    MERTON R.K., BARBER E., 2004, The Travels and Adventures of Serendipity : A Study in SociologicalSemantics and the Sociology of Science, Princeton, Princeton University Press (introduction de SCHULMAN J.L.).

    RIEMER S., 1953, Empirical Training and Sociological Thought, American Journal of Sociology, 59. STERNE L., 1980 (1759-1767), The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman, New York,

    Norton.ZIMAN J., 2000, Real Science : What it is and what it means, New York, Cambridge University Press.

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