chasse & biodiversitÉ

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Publication du RAssemblement pour une France sans Chasse (RAC) - www.france-sans-chasse.or - Rapport Chasse & biodiversité - Toute reproduction interdite sans autorisation - Impression sur papier recyclé 1 CHASSE & BIODIVERSITÉ Rapport du RAC sur les conséquences de la chasse sur la faune

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Publication du RAssemblement pour une France sans Chasse (RAC) - www.france-sans-chasse.or - Rapport Chasse & biodiversité - Toute reproduction interdite sans autorisation - Impression sur papier recyclé

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CHASSE &BIODIVERSITÉ

Rapport du RAC sur les conséquences de la chasse sur la faune

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Introduction

I. Le principe de la chasse, le principe de la biodiversité

1) Définition2) Le principe de biodiversité3) La biodiversité selon le monde de la chasse4) La chasse en quelques chiffres

II. Bilan de l’état de conservation des espèces chassées

1) Le « petit gibier »2) Les petits prédateurs3) Les oiseaux « d’eau, de passage et de montagne »4) Le « grand gibier » 5) Les espèces disparues de France à cause de la chasse

III. Conséquences de la chasse pour la biodiversité

1) Impacts quantitatifs sur la faunea) La mortalité, conséquences directes sur les effectifs des espècesb) Le dérangement, méfaits sur la dynamique des espèces

2) Impacts qualitatifs sur la faunea) La sélection d’animaux craintifs aux distances de fuite anormalement élevéesb) Le problème du plombc) Les lâchers d’animaux élevés

IV. Vers la mise en place d’une « chasse écologique » ? Entre oxymore et impossibilité

1) Les travaux entrepris par les chasseurs en faveur « du gibier » 2) Les chasseurs systématiquement opposés aux mesures de protection3) La chasse, inévitable pour « réguler » certaines espèces ?

Conclusion

IntroductionAu moment où les chasseurs français s’auto-désignent « lespremiers protecteurs de la nature » et cherchent à redorer leurblason (notamment en faisant participer les écoliers à desopérations médiatiques de plantations d’arbustes, d’observation dela faune voire de découvertes des pratiques de chasse), le bilandes dernières décennies pose selon nous la questionfondamentale de la compatibilité entre la poursuite de l’activité dechasse et le maintien de la biodiversité dans notre pays.

Nous dirons en préalable sous forme de boutade que « lecréateur » n’a en principe pas mis sur la terre un nombresupplémentaire d’animaux pour permettre aux chasseursd’assouvir leur passion. Le monde vivant s’équilibre naturellement ;il s’autorégule, notamment en fonction des territoires disponibles etdes ressources des milieux, dès lors que ce principe est respectépar l’homme. Ce dernier, par ses activités, a un impact trèsimportant sur les équilibres naturels, souvent préjudiciable à lafaune : agriculture intensive, coupures géographiques par les voiesautoroutières et de TGV, réseau et trafic routier, urbanisation,bétonnage et asphaltage, pollutions diverses, etc.La chasse renforce ces déséquilibres en artificialisant les espacesau profit de son activité, elle constitue une pressionsupplémentaire, l’action de trop sur une nature déjà assezéprouvée.

Nous affirmons, et démontrerons dans ce dossier, que la chasse etle piégeage sont contraires au maintien de la biodiversité,notamment car

-La chasse est responsable de l’extinction de 33% des espèces quiont disparu de la Terre. Rappelons qu’avant même que lesdiverses pollutions et que l’expansion de notre population

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menacent la biodiversité, toutes les espèces éteintes ces dernierssiècles, l’ont été par fait de chasse. -Lorsque la chasse n’est pas la cause principale de la disparitiond’une espèce, elle est un facteur aggravant qui en accélèrel’extinction.-Selon la liste rouge des espèces menacées (2008) et le rapportLefeuvre, 48% des espèces d’oiseaux chassables en France sontclassées vulnérables, en état défavorable ou en danger, etdevraient donc normalement être protégées. La chasse accentueleur régression, précipite la disparition de ces espèces et annuleles travaux de protection réalisés par les associations depréservation de la nature.-En un simple weekend de chasse en France, les chasseurs tuentenviron 300 000 oiseaux, soit autant que le nombre de victimes dunaufrage de l’Erika. Les chasseurs français, à eux seuls, tuent 25%de l’ensemble des oiseaux tués dans les 27 pays d’Europe. Ceschiffres montrent l’ampleur de cette destruction.-La chasse au « gibier d’eau » se pratiquant également la nuit,l’identification est quasi-impossible et donc des oiseaux protégés,parfois très rares, sont tués en grand nombre. De plus, chasserplus de six mois les oiseaux d’eau 24h/24 et 7j/7 empêche le reposet le nourrissage indispensables notamment lors des migrations etde l’hivernage.-Pour compenser la raréfaction des espèces chassées et avoirsuffisamment de cibles, les chasseurs lâchent dans la natureenviron 20 millions d’animaux d’élevage chaque année (lièvres,lapins, perdrix, canards, etc.). Cela crée des pollutions génétiqueset introduit dans la nature des maladies provenant d’enclos, ce quiconduit à l’élimination des souches sauvages et endémiques qui,elles seules, pourraient garantir l’avenir des espèces. Ces animauxlâchés, inadaptés aux milieux naturels, constituent des proiesfaciles.-Les prédateurs naturels considérés comme des concurrents, sontalors classés « nuisibles ». Ils sont pourchassés et détruits toutel’année (de manières souvent cruelles, par piégeage, déterrage, tirde jour comme de nuit, etc.). On assiste ainsi à une disparitionvolontaire et organisée des belettes, renards, putois, martres, etc.,

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ayant de graves conséquences sur les milieux et les équilibresnaturels.Dans ce contexte qui s’intensifie, la chasse n’est en rien unerégulation comme le prétendent les chasseurs ; sinon celle desexcès et des dérégulations qu’elle organise, notamment par cesnombreux lâchers et l’élimination systématique des petitsprédateurs.-Les dérangements occasionnés par les chasseurs sont biensouvent aussi préjudiciables que la mortalité directe due à leurs« prélèvements », d'autant plus que ceux-ci concernent égalementles espèces protégées. Des études ont montré que cela se traduiten particulier par une réduction des temps de nourrissage et derepos, des pertes d'énergie et une diminution de la reproduction,pouvant porter gravement atteinte à la dynamique des espèces.-Les chasseurs sont, en outre, responsables de plus de la moitiédes dommages illégaux constatés causés à la nature. En effetselon l'Observatoire National de la Délinquance, en 2008, 54% desinfractions classées « atteinte à la protection de la faune et de laflore » concernent la chasse.

Les chasseurs s’accaparent les espaces naturels, le mondevivant, et créent ainsi un environnement artificiel dédié à leuractivité où ils favorisent les espèces agréables à chasser etéliminent celles qu’ils jugent concurrentes ou gênantes.

La chasse contribue à la régression, voire à l’extinction desespèces naturelles et constitue de ce fait un préjudiceécologique important.Toute mesure de protection de la biodiversité sera vouée àl'échec tant que les deux conditions suivantes, nécessairesbien que souvent insuffisantes, ne seront pas réunies : laprotection des milieux et l'interdiction de la chasse.

Ce rapport développe les différents préjudices écologiques causéspar la chasse dont quelques exemples viennent d’être cités.

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I. Le principe de la chasse, le principe de la biodiversité

1) Définition

Chasse, chasser : action de poursuivre, de prendre, de tuer legibier (Larousse).Gibier : terme cynégétique désignant l’ensemble des animauxchassés.Biodiversité : diversité des espèces vivantes et de leurscaractères génétiques.

2) Le principe de biodiversité

La biodiversité, contraction de biologique et diversité, est donc ladiversité biologique. Mais encore ? Elle est bien plus que la liste etla description des espèces vivantes qui peuplent notre planète.Étudier la biodiversité, c’est chercher à mieux comprendre les lienset les interactions existant entre les espèces et leurs milieux de vie.« La biodiversité est la source première des services rendus parles écosystèmes. Elle est aussi le moteur de la résilienceécologique car c'est une ressource naturelle auto-entretenue. Ellefournit tout l'oxygène, vital, […] elle contribue à l'épuration et aucycle de l'eau, ainsi qu'aux grands cycles biogéochimiques et à larégulation climatique. » mentionne WikipédiaLa biodiversité est donc l’expression de l’équilibre naturel desmilieux. Cet équilibre favorise la diversité et l’adaptation desespèces dans le respect des règles de la chaîne de la vie.Toute intervention extérieure représente une agression à laquelleles milieux s’adaptent jusqu’à la limite du possible.La préservation de la biodiversité nécessite le respect de l’équilibreet des conditions favorables à la diversité des espèces.

3) La biodiversité selon le monde de la chasseLes chasseurs organisent les espaces naturels en faveur de leuractivité qui consiste à débusquer et tuer les animaux.

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Pour le monde de la chasse, la biodiversité est « cynégétique »,elle n’a rien de naturelle. La nature et sa biodiversité deviennent auservice du chasseur et de son activité.Force est de constater que pour les chasseurs, la biodiversité serésume à séparer grossièrement la faune en 2 catégories : - Le « gibier », espèces animales agréables à chasser. - Les « nuisibles », espèces jugées indésirables, concurrentes, àéliminer. (Parfois sous classés en « bec-droit », « puant »…)Ces notions, subjectives, erronées, sont fort éloignées d’uneapproche scientifique, respectueuse, exhaustive de la faune.Nous pouvons affirmer que lorsque le monde de la chasse évoquela biodiversité, il s’agit en fait d’un concept qui lui est propre, quenous pouvons nommer « biodiversité cynégétique », et qui ne peutêtre confondu avec la biodiversité naturelle.

4) La chasse en quelques chiffresLa chasse est une activité de loisir, un plaisir, une « passion » pourenviron 950 000 d’individus qui représentent 1,2% de la populationfrançaise. Elle se pratique à pied, à l’affût, avec un arc ou un fusil,à courre sur terre et sous terre (déterrage), etc.L’animal est un « objet » de convoitise, au service d’une activitéludique.La moyenne d’âge des chasseurs, en augmentation régulière,serait actuellement d’environ 58 ans.Les périodes de chasse en France sont les plus longues del’Europe. La chasse aux oiseaux d’eau se pratique de début août àfévrier. L’ouverture générale a lieu en septembre et la fermeturegénérale est le dernier jour de février. Le piégeage est pratiquétoute l’année. D’autres modes de chasse (déterrage, etc.) sontégalement autorisés hors de l’ouverture générale.

En France, 91 espèces sont chassées, soit un record en Europe.La dernière enquête de l'Office National de la Chasse et de laFaune Sauvage (ONCFS) sur l'évaluation du nombre d'animauxtués annuellement par les chasseurs date de la saison de chassede 1998/1999. Elle fut effectuée auprès de 105 126chasseurs et concerne 39 des 91 espèces chassables. Nousdisposons des chiffres pour les espèces suivantes :

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Espèce Nombre d’individus tués annuellementLe pigeon ramier 5 169 000Les faisans 5 061 054Les grives 4 537 960La perdrix rouge 1 731 693Le canard colvert 1 561 150La perdrix grise 1 500 000La bécasse des bois 1 168 290Le merle noir 984 820Le sanglier 522 345Le chevreuil 501 345La caille des blés 341 130Le cerf 45 137

On estime à 40 millions le nombre d’animaux tués annuellement par leschasseurs/piégeurs. A cela, s’ajoutent environ 8 millions d’animaux blessésnon retrouvés (généralement non recherchés) voués à la mort. Au total,chaque année en France, près de 50 millions d’animaux sauvages sont tuéspar les chasseurs ! Il s’agit donc d’une mortalité d’origine artificielle, causéeintentionnellement et à des fins ludiques de surcroit, d’une ampleurinégalée.

II. Bilan de l’état de conservation des espèces chassées

1) Le « petit gibier »Par « petit gibier », les chasseurs désignent les espèceschassables de petite taille peuplant la campagne. Il s’agitprincipalement des perdrix, cailles, faisans, lapins et lièvres.Leurs populations ont nettement diminué ces dernières décennies,suite à la suppression des haies, à l’utilisation massive depesticides et au développement du trafic routier. Cependant,mentionnons que si les chasseurs avaient su limiter leurs« prélèvements » après le remembrement, lors de l’invention ducongélateur et en voyant les populations s’affaiblir, la situation deces espèces serait moins alarmante.

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« Il semble que cette dernière (la chasse) intervienne commeélément déterminant lorsque la population est fragilisée par uneautre cause. Force est en effet, de constater que la pression dechasse ne s'est pas toujours adaptée assez rapidement auxévolutions régressives locales et a accéléré le phénomène. »indiquent P. Havet et F. Biadi, dans la publication intituléeRéintroductions et soutiens de populations d'espèces de petitgibier, ONCFS.

Les populations sauvages étantinsuffisantes pour permettre auxchasseurs de chasser, environ 20millions d’animaux sont chaqueannée élevés (ou importés despays de l’Est) puis relâchés dansla nature afin de servir de « ciblesvivantes » pour garantir les« tableaux » de chasse. Il existe àcet effet le Syndicat National desProducteur de Gibier de Chasse.Selon les chiffres officiels du

S.N.P.G.C, sont annuellement élevés en France : 14 millions defaisans, 5 millions de perdrix, 1 million de canards colverts, 120 000

lièvres, 10 000 lapins de garenne. Il existe deux types de lâchers : leslâchers de tir et les lâchers de repeuplement. Dans le cas despremiers, les animaux sont lâchés dans la nature quelques joursavant la partie de chasse ou préalablement placés dans des cagespour être libérés quelques minutes avant le son début. Pour lesseconds, les animaux sont lâchés au printemps. Ainsi, beaucoupde perdrix, de lièvres et la quasi-totalité des faisans tués par leschasseurs proviennent d’élevages. Ces animaux, inadaptés à la vieen liberté, sont incapables de se nourrir naturellement, ni de seprotéger contre les prédateurs. Nous développerons plus tard lesconséquences écologiques de cette pratique désastreuse.

2) Les petits prédateursOn qualifie de « petits prédateurs » les carnivores de petite taille,par opposition aux grands prédateurs (ours, loup, lynx). Il s’agit

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Plusieurs millions de perdrix rouge sontlâchées dans la nature annuellementpour servir de cibles.

notamment du renard roux, de la fouine, du putois, de la martredes pins et de la belette.Les populations sauvages des espèces de la catégorie « petitgibier » se raréfiant et les animaux lâchés étant peu craintifs, leschasseurs considèrent les petits carnivores comme desconcurrents gênants.Un chasseur, interrogé dans le film Classé Nuisible, indiquait àpropos du renard : « Tout ce qu'il prend, le chasseur ne l'a plus.C'est ça qu'est le problème ». La lecture de blogs et de forums dechasseurs confirme leur haine des prédateurs qu’ils considèrentcomme des ennemis à abattre.Renards, martre, putois, beletes sont alors systématiuement détruits,par piégeage, déterrage, tir au fusil,etc. Ils sont d’ailleurs, à lademande des chasseurs, classés« nuisibles », ce qui permet depouvoir les éliminer toute l’année.Loin d’une prétenduesurpopulation de ces espècescomme l’indiquent certainsarticles, nous assistons à ladisparition volontaire et organiséedes petits prédateurs qui ontpourtant, au contraire, un rôleessentiel à jouer dans l’écosystème. B. Brosset, directeur derecherche au CNRS, indique que « la prédation joue un rôleimportant dans la composition, la structure et la dynamique desécosystèmes, et on considère qu’un milieu naturel équilibrécomprend à la fois de nombreuses espèces proies et denombreuses espèces prédatrices ». En éliminant les animauxfaibles, déficients ou malades, les prédateurs assainissent lespopulations de leurs proies et évitent ainsi la propagationd'épidémies. Ces espèces, garantes du bon équilibre desécosystèmes, sont, de plus, de précieuses alliées des agriculteurs :« On connaît le régime alimentaire de ces petits mustélidés. Ilcomporte 60 à 80 % de petits rongeurs, redoutés des agriculteurspour les dégâts qu’ils commettent aux cultures et aux herbages »,

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Les prédateurs et en particuliers lesrenards, jugés concurrents, sontsystématiquement détruits.

mentionnent J-P. Raffin, Laboratoire d’écologie, et J-C. Lefeuvre,Laboratoire d’évolution des systèmes naturels. Des étudesmontrent que le renard notamment se nourrit de plusieurs milliersde campagnols par an.Pourtant, les scientifiques ont à de nombreuses reprises indiquéaux chasseurs que détruire les prédateurs naturels, outre lepréjudice écologique que cela occasionne, ne protège en rien lespopulations de « petit gibier ». Un rapport du Muséum Nationald'Histoire Naturelle rappelle que « la limitation de ces prédateursne semble pas jouer un rôle prépondérant dans l'évolution despopulations de gibier ». Une note de l’Office National des Forêtsportant sur l’élimination des prédateurs indique que « l’efficacité estillusoire ».Mais qu’importe l’avis des scientifiques et naturalistes, les petitsprédateurs, et en particulier le renard, constituent des boucsémissaires parfaits. Contre toute logique, plutôt que de cesser dechasser le « petit gibier » dont les populations sauvages se sonteffondrées, le chasseur préfèrera attribuer cette raréfaction à laprésence des petits carnivores. Il suffit de feuilleter au rayonpresse une revue sur la chasse pour inévitablement trouver unarticle intitulé du type « Moins de prédateurs = plus de gibier. Nosconseils pour les éliminer ».

3) Les oiseaux « d’eau, de passage et de montagne »La notion d’oiseaux « d’eau, de passage et de montagne »concerne les 53 d’espèces d’oiseaux chassables en France autresque celles fréquentant la campagne (perdrix, faisans, etc).Il s’agit donc en particulier des limicoles, canards, oies, grives,pigeon ramier et tourterelles, gélinotte et tétras.Les pollutions, la réduction des espaces humides, l’intensificationdes pratiques agricoles, la raréfaction de la nourriture, ledéveloppement des activités humaines notamment des stations desports d’hiver, le changement climatique et, bien sûr, la pression dela chasse, constituent autant de facteurs provoquant la diminutiondes effectifs de ces espèces.29 d’entre elles sont d’ailleurs classées vulnérables, en étatdéfavorable ou en danger sur le Rapport Lefeuvre (étude élaborée

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par des ornithologues du Muséum National d’Histoire Naturelle, duC.N.R.S et de l’O.N.C.F.S.) ou sur la liste rouge des espècesmenacées en France (Muséum National d’Histoire Naturelle etComité français de l’UICN, 2008). Ainsi, plus de la moitié de cesespèces oiseaux chassées devraient, en toute logique, ne plus êtrechassées puisqu’elles sont en régression.Les oiseaux d’eau sont chassés le jour mais aussi la nuit, ce quiempêche le repos et le nourrissage pourtant indispensablesnotamment lors des migrations et de l’hivernage.

En ce qui concerne les oiseaux depassage, la directive européenne(09147) interdit la chasse de cesespèces lors de la migrationprénuptiale (vers les lieux dereproduction au Nord). La Francene respecte pas cette directive(de nombreux arrêtés illégauxfurent annulés) ; les chasseurschassent les canards, oies etgrives en février lors de lamigration de retour. On a vu

certaines fédérations de chasseurs du nord de la Franceencourager leurs adhérents à chasser après la fermeture. Lestravaux de protection de ces espèces entrepris dans d’autres payseuropéens sont réduits à néant par les chasseurs français.Les espèces montagnardes (gélinotte des bois, lagopède alpin,perdrix bartavelle, tétras lyre, grand tétras) sont gravementmenacées. Une fois de plus, en les chassant, les chasseurscompromettent les actions de préservation réalisées par lesassociations de protection de la nature qui tentent de protéger lesderniers individus. Dans le bulletin de novembre 2008 de CPNT(parti politique des chasseurs), on trouve un article intitulé « Legrand tétras : une belle victoire pour la chasse ! » où les chasseursse félicitent d’avoir fait rejeter une proposition des écologistesconsistant à mettre en place un moratoire pour cette espèce envoie d’extinction en France. C’est la logique « tant qu’il en reste, on

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Malgré la baisse des leurs effectifs, lesgrives font partie des espèces les pluschassées en France.

en tue, et si l’espèce est condamnée à disparaître, autant enprofiter ».

4) Le « grand gibier »Le terme « grand gibier » désigne les animaux de la grande faune,c’est-à-dire notamment les chevreuils, cerfs et sangliers.Parmi les espèces chassables, ce sont celles ayant le meilleur étatde conservation.En ce iui concerne les oiseaux d’eau et migrateurs ainsi iue les espècesde la catégorie « pett gibier », le chasseur n’a, selon lui, peu de raisonsde se limiter. En efet, les premiers ne font iue passer et les secondss’élèvent et se lâchent facilement. En revanche, la situaton difère pourle « grand gibier ». Chasser intensivement les cerfs, chevreuils etsangliers revient àcomprometre lesprochaines saisons dechasse. D’ailleurs, à lafin des années 1960, lespopulatons de cesespèces étaient trèsfaibles en raison de lapression élevée de lachasse.Les chasseurscomprirent qu’ilsavaient tout intérêt à développer les populations de ces espèces età fixer les animaux sur leurs territoires de chasse. Plusieursdispositifs furent donc instaurés pour limiter les « prélèvements »,sédentariser les animaux et augmenter leurs populations.A partir des années 1970, ont été mis en place les plans de chassepour le « grand gibier », c'est-à-dire des quotas. De son propreaveu, la Fédération Nationale des Chasseurs a indiqué que « cetoutil s'est révélé des plus efficaces pour développer lespopulations » et « a permis un formidable essor des populations decervidés ».

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Les chasseurs ont organisé le développement despopulations de sangliers, notamment par de nombreuxlâchers d’individus élevés et le dépôt de nourriture(maïs, pommes, etc.).

Dans le même temps, des cerfs, issus d’élevages, capturés dansdes parcs ou importés, ont été lâchés dans des zones où lespopulations de cette espèce étaient faibles voire inexistantes. Lessangliers ont également été lâchés dans la nature en grandnombre. Afin d’obtenir une espèce beaucoup plus prolifique, deschasseurs croisèrent des sangliers avec des cochons de ferme,produisant des « cochongliers » (ce qui représente une véritablepollution génétique).Enfin, d’importantes quantités de maïs et de pommes (parfois demelons) ont été déposées dans la nature afin de nourrir lesanimaux, de les maintenir sur les territoires et les rendre plusrésistants.Ces trois mesures ont provoqué un accroissement des populationsde cerfs, chevreuils et sangliers. Les lâchers d’animaux de cesespèces ont ensuite été stoppés (à l’exception des lâchers illégauxde sangliers).Actuellement, pour maintenir les populations de ces espèces etpour fixer les animaux sur les territoires de chasse, les chasseurscontinuent d’utiliser l’agrainage (dépôt de maïs et autres fruits), deleur mettre à disposition des blocs de sel, d’enduire des troncsd’arbres de goudron, etc.Récemment, Le Chasseur Français indiquait à sa une : « Sangliers: gardez-les chez vous pour mieux les chasser demain ».Ces dernières années, la chasse du « gros gibier » s’est amplifiée,que ce soit par l’arrivée de chasseurs fortunés désireux de tirer« leur » cerf/sanglier (c’est tout un aspect symbolique…) ou denombreux chasseurs qui se sont orientés vers ces espèces,trouvant cette chasse plus « virile » car plus agressive ou lassés detuer des animaux lâchés.Par ailleurs, voyant leur activité de plus en plus critiquée, leschasseurs ont profité de l’augmentation des populations cesespèces pour introduire l’argument très à la mode de« régulation ». Tel le pompier pyromane, le chasseur prétendchasser pour limiter les populations des espèces dont il favoriselui-même le développement ! Nous reviendrons, à la fin dudocument, sur ce fallacieux prétexte.

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5) Les espèces disparues de France à cause de lachasse

Nous venons d’aborder l’état de conservation des espècesactuellement chassables en France. La plupart ont des effectifs enrégression. Certaines ont quasiment disparu de France (putois,belette, grand tétras…). D’autres, vulnérables et de plus en plusconvoitées, sont en voie d’être en situation préoccupante (labécasse notamment). La chasse, lorsqu’elle n’est pas la causeprincipale de leur raréfaction, constitue un facteur aggravant quiprécipite leur disparition.Dans le monde, 33% des espèces qui se sont éteintes l’ont été parfait de chasse.Évoiuons maintenant les espèces iui ont totalement ou partellementdisparu de France ces derniers siècles. C’est le cas du bouiuetn, de laloutre, du castor, du phoiue veau-marin, de l’ours, du loup, du lynx, dugrand hamster, de nombreux rapaces, etc. Un retour naturel (par les

frontères) ou des réintroductonsont permis à plusieurs d’entreelles de réapparaître en France.

Le bouquetin des Alpes amanqué d’être éradiqué par lachasse. Nous devons lasauvegarde de l’espèce au roid’Italie Victor Emmanuel II, quiconstatant qu’il ne restaitpratiquement plus de bouquetins,fit placer, en 1856, quelques

couples dans ses réserves de Valsavaranche. C’est dans lesannées 1940 que des bouquetins arrivèrent d’Italie (Parc du GrandParadis) dans les Alpes. Des réintroductions confortèrent ce retournaturel (notons que des chasseurs n’hésitèrent pas à en tuer, ycompris un équipé d’une balise Argos très visible). Actuellementl’espèce commence à retrouver des effectifs corrects. Le comble,que demandent les fédérations de chasse ? L’inscription dubouquetin dans la liste des espèces chassables ! Il existait des

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Le bouquetin des Alpes est une espècequi a failli disparaître à cause de lachasse.

bouquetins dans les Pyrénées, l’Ibex des Pyrénées qui, lui aussidécimé par les chasseurs, s’est éteint en 1996, le nombred’individus restant étant trop faible.Castor, loutre et phoque veau-marin furent également victimesd’une chasse intensive. Des retours naturels et/ou desréintroductions ont permis à ces espèces de réapparaître enFrance bien que les populations restent faibles.Les loups et les lynx ont également été éliminés par les chasseurs.Ceux-ci sont revenus naturellement par les frontières et quelqueslâchers de lynx furent réalisés. Les populations de ces deuxespèces restent très faibles, insuffisantes pour garantir leur avenir.Les ours ont été chassés jusqu’à la protection intégrale de l’espèceau début des années 1980 suite au constat qu’il n’en restaitpresque plus, mais cela n’empêche manifestement pas leschasseurs de tuer les derniers individus.Le grand hamster, espèce quasiment éteinte, fut énormémentpiégé jusqu’en 1993, date à laquelle il fut inscrit, mais lui aussi bientrop tardivement, dans la liste des espèces protégées.Force est de constater que toutes les espèces qui ont ou avaientdisparu de France ces derniers siècles, avant que les diversespollutions, l’agriculture intensive et les activités humainesmenacent la biodiversité, l’ont été du fait de la chasse.

III. Conséquences de la chasse pourla biodiversité

1) Impacts quantitatifs sur la fauneLa chasse a un impact quantitatif sur les espèces, en diminuant leseffectifs des populations principalement par la mortalité directe (les« prélèvements ») et les dérangements qu’elle provoque.

a. La mortalité, conséquences directes sur les effectifs desespèces

Ainsi que nous l’avons vu, environ 40 à 50 millions d’animaux sonttués par les chasseurs chaque année. En un simple week-end de

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chasse, les chasseurs tuent environ 300 000 oiseaux soit lenombre de victimes du naufrage de l’Erika.Des chiffres tout à fait disproportionnés par rapport aux milieux etaux espèces. Selon komitee.de et presseportal.ch « Malgré laprécarité de nombreuses espèces, plus de 100 millions d'oiseauxsauvages sont vraisemblablement tués en Europe chaque année.Cette étude sur les effets de la chasse aux oiseaux fournit lespreuves indiscutables d'une hécatombe, qui accélère ainsi labaisse des effectifs de certaines espèces. "Si vous aligniez tousles animaux tués en une année, ils couvriraient une distance de 41000 kilomètres et représenteraient un poids total de 66 000tonnes", déclare Heinz Schwarze, président du Committee againstBird crime, ce qui selon lui donne une idée de l'étendue desravages de la chasse. Pour H. Schwarze, il est inadmissible qu'uneminorité de chasseurs du dimanche mettent en danger labiodiversité commune à tous les Européens. En tête, se trouventles chasseurs français qui tuent à eux seuls plus de 25 millionsd'oiseaux ! »Par la mortalité qu’elle provoque, la chasse intervient directementsur les populations des espèces chassables en diminuant leseffectifs. Chaque animal tué constitue un reproducteur en moinspour les années suivantes. Parfois, les « prélèvements » peuventmême être supérieurs au taux de renouvellement de l’espèce. Pourcelles fragilisées par d’autres causes, comme c’est le cas pourbeaucoup du fait même du développement des activités humaines,la pression de la chasse peut s’avérer fatale, comme nous l’avonsdit.Lorsque la chasse n’est pas la cause principale de la disparitiond’une espèce, elle est un facteur particulièrement aggravant, enaccélérant la baisse des populations de l’espèce.

b. Le dérangement, méfaits sur la dynamique des espècesLes dérangements occasionnés par les chasseurs sont égalementtrès préjudiciables, d'autant qu'ils concernent également lesespèces protégées. Ils entraînent eux-aussi, de manière indirecte,une baisse des effectifs.

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Voici plusieurs exemples :- Il suffit d’imaginer un groupe de limicoles dans une zone humide.A peine se sont-ils posés dans une zone humide que, dérangés etperturbés par la présence des chasseurs et les coups de fusils, ilssont contraints à s'envoler ailleurs où la même situation sereproduira. Or en hiver, les réserves énergétiques des oiseaux sontaffaiblies, ces dérangements répétés, par les chasseurs, peuventleur être fatals. A partir du début du mois d’août, les chasseursviennent chasser dans les zones humides. Or, des espèces sonten période de nidification ou d’élevage des jeunes. Audérangement des coups de fusil, s’ajoute la présence des chiens.Ainsi, de nombreux nids ou oisillons sont détruits. Grèbes,guifettes, butors, tadornes, rousseroles et autres espècesprotégées en sont les victimes. En janvier/février, de nombreusesespèces débutent leur reproduction (hérons, grèbes, cygnes, etc.).La présence des chasseurs leur est également très néfaste.- Les chasses à courre, loin d’être écologiques comme leprétendent parfois les veneurs (depuis quand absence de fusil =chasse écologique ?), sont très perturbatrices pour les animauxsauvages. Alors que des documents et panneaux de l'ONFrecommandent d'être discrets lors de nos promenades en forêt afinde ne pas déranger la faune, les veneurs n’ont aucun scrupule àrompre cette tranquillité. Comme le nom l'indique, "chasse à cor età cri", elles sont extrêmement bruyantes et les allées-venues sanscesse de la meute, des cavaliers et des suiveurs à pied et envoiture perturbent la faune.- Les battues, également par définition très bruyantes etdérangeantes, ont elles aussi de ce point de vue un impact trèsimportant. Des espèces protégées sensibles au dérangementpeuvent être considérablement perturbées (rapaces notamment).- La « divagation » des chiens de chasse représente égalementune nuisance conséquente.Des études ont montré que ces dérangements se traduisentnotamment par une modification de la distribution géographique,des pertes d’énergie entrainant une diminution de survie, et unebaisse du succès de reproduction, donc, au final, une diminutiondes effectifs des espèces. Le rapport « Effets du dérangement par

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la chasse sur les oiseaux d’eau, 2003 », synthèse d’unesoixantaine d’études et ouvrages scientifiques, est édifiant.

Une modification de la distribution géographique et des effectifslocauxLa chasse induit une modification de la distribution géographiquedes espèces, particulièrement visible chez les oiseaux d’eau. Surles sites chassés, les densités des espèces d’oiseaux sontgénéralement 5 à 50 fois inférieures aux autres sites. Lesscientifiques Frikke et Laursen ont montré que la présence d’unseul chasseur pour 1 km de côte (ou moins de 50 coups de fusilpar heure), entraine l’abandon du site par les canards de surface.Tamissier et Saint Gérand ont observé que dans les départementsoù s’exerce la chasse de nuit des oiseaux d’eau, les effectifs decanards sont environ 10 fois inférieurs aux autres départementscôtiers.Au lac du Bourget (Savoie), « les effectifs ont augmenté d’unfacteur 2,1 pour les canards de surface et d’un facteur 5,0 pour lesfuligules en relation avec l’extension des réserves de chasse […].Sur le lac de Grand-lieu (Loire-atlantique), la fermeture provisoirede la chasse en janvier 2000 (mise en place en lien avec lesdégâts occasionnés par l’échouage du pétrolier l’Erika) s’est traduitpar un accroissement de 55 à 65% des effectifs par rapport à ceuxobservés en janvier 1998 et 1999 respectivement ; dans le mêmetemps, le nombre d’espèces est passé à 23, contre 14 et 19respectivement » indique le rapport cité précédemment. A l’inverse,nous avons donc, en période de chasse, des populations d’oiseauxaugmentant de façon significative sur les zones non chassées.Ces modifications de la distribution géographique et des effectifslocaux des populations ne sont pas sans conséquence pour lesmilieux et les espèces. Cela provoque notamment une sous-exploitation des zones chassées et, réciproquement, unesurexploitation trophique des espaces non-chassés. Lamodification de la taille des populations et la création de fortesconcentrations d’individus peut également nuire à l’espèce(apparition d’épizooties, manque de ressources, etc.).

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Des pertes d’énergieLes dérangements entrainent des pertes d’énergie. En effet, ilsdéclenchent des activités coûteuses en énergies (envols etdéplacements, surveillance, etc.) et diminuent le temps accordéaux activités permettant d’acquérir de l’énergie (repos, nourrissage,etc.).Selon ce rapport, « les fuligules milouins stationnés sur uneréserve en Irlande consacrent en moyenne 3,5 fois moins detemps diurne à l’alimentation pendant la période de chasse (autourde la réserve) que lorsque la chasse est fermée. », « la dépenseénergétique engendrée par les dérangements sur les Bernachescravants du Norfolk (GB) augmente de 11 à 38% selon les cas(Riddington et al., 1996). Les simulations indiquent uneaugmentation de l’ordre de 25% de la dépense énergétiquejournalière pour un dérangement total inférieur à 50 minutes parjour » et « chez les canards, l’accroissement de vigilance pendantle sommeil à cause des dérangements pourrait, en sus desconséquences physiologiques d’une privation de sommeil, avoirégalement un impact sur la balance énergétique. ».Les oiseaux d’eau étant également chassés la nuit, il en résulteune perte d’énergie (envol) et un manque d’acquisition d’énergie(repos et nourrissage difficile) encore plus importants.Ce même phénomène a été observé chez d’autres espècesanimales, notamment pour les cervidés où les dérangementsprovoqués par la chasse, génèrent des pertes d’énergie(déplacement, diminution du nourrissage) notamment lors deshivers rigoureux.Les pertes d’énergie, qui provoquent une diminution des réserveslipidiques et protéiniques, se traduisent par des populationsaffaiblies et une augmentation de la mortalité.

Une diminution de la reproductionLes dérangements modifient les horaires de déplacementsjournaliers de certaines espèces, mais peuvent aussi, pour lesespèces migratrices, avancer les départs des oiseaux et retarderleur arrivée. Une étude réalisée en Finlande a montré que ledérangement causé par l’ouverture de la chasse provoque un

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départ prématuré de 75% des oiseaux. A l’inverse, lors de lamigration prénuptiale, cela se traduit souvent par une arrivée plustardive sur les lieux de reproduction. Les animaux ont de moinsbonnes conditions physiologiques (diminution de la massecorporelle, graisse et muscles, liée aux pertes d’énergie), ont unstress accru et sont bien entendu moins nombreux puisque lamortalité est augmentée.En conséquence, le nombre d’individus aptes ou enclins à sereproduire diminue, et les conditions de reproduction sontdégradées (ponte tardive et moindre pour les espèces migratrices,reproducteurs fragilisés, etc.).

2) Impacts qualitatifs sur la fauneNous venons d’aborder les conséquences quantitatives de lachasse sur les espèces. Il s’agit de la diminution des effectifs despopulations, provoquée de manière directe par les« prélèvements » ou indirecte par le dérangement qui influencentla dynamique de l’espèce (mortalité importante, baisse du succèsde reproduction).Trop souvent, nous avons tendance à nous limiter à cet aspect« comptable ».Or, la chasse a également un impact négatif non négligeable sur lecomportement et l’état de santé des espèces chassées, qu’ilconviendrait de mieux prendre en compte. Ainsi, cette secondepartie sera consacrée à l’étude de l’impact qualitatif de la chasse.Nous nous limiterons aux trois principaux effets :-l’augmentation des distances de fuite et la sélection d’individusstressés,-la contamination par le saturnisme (plombs des cartouches),-les conséquences des lâchers de « gibier ».Notons qu’une population affaiblie sera notamment souvent moinsapte et encline à se reproduire, l’aspect qualitatif peut donc aussiimpacter l’aspect quantitatif.

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a. La « sélection » d’animaux craintifs aux distances de fuiteanormalement élevées

Les espèces sauvages possèdent chacune leur distance de fuite,c'est-à-dire la distance minimum qu’elles acceptent les séparantdes individus qu’elles considèrent comme potentiellementdangereux. Ces distances sont programmées génétiquement,suivant le type de prédateurs et leur mode de chasse, le milieu oùl’espèce vit, etc. Quelques-unes montrent naturellement unecertaine tendance à la curiosité. Ainsi, craintif et sauvage ne sontpas synonyme. Beaucoup d’entre elles ont naturellement unedistance de fuite relativement faible (quelques mètres ou quelquesdizaines de mètres). Dès lors, il n’est pas difficile de comprendre leproblème se posant avec les chasseurs qui, loin de se comportercomme un prédateur naturel, utilisent des armes permettant detuer l’animal bien au-delà de sa distance normale de fuite. Parailleurs, certaines espèces intègrent fortement la relation entreprésence de l’homme et danger de mort, ce qui les amène à fuirdès la perception olfactive ou auditive de l’être humain.La chasse élimine donc progressivement les animaux ayant unedistance de fuite naturelle. Année après année, la proportiond’individus anormalement peureux et méfiants augmente. LeDocteur et naturaliste Roger Mathieu, qui s’est particulièrementintéressé à ce problème, affirme que « La chasse effectue, surtoutes les espèces, une sélection artificielle en éliminantprioritairement les individus peu sensibles à la présence humaine(très vulnérables au tir…) et en favorisant les individus trèsfarouches : ceux qui statistiquement ont une bien meilleure chanced’échapper aux chasseurs. Ce ne sont pas les animaux quisciemment « apprennent » à se méfier des hommes (explicationclassique mais généralement erronée), mais bien une sélection (iciartificielle), de type darwinien : seuls survivent les individusinapprochables au détriment du génotype calme et tolérant,progressivement éliminé par le tir. ».Ce phénomène est visible notamment chez les oiseaux d’eau etgrands ongulés (cervidés et chamois).En Suisse, dans le canton de Genève, la chasse est interditedepuis 1974 suite à un référendum populaire. La distance de fuitedes canards est généralement de quelques mètres. En France, ces

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mêmes espèces s’envolent ou s’éloignent à plus d’une centaine demètres. Idem pour les lièvres qui, dans ce canton, se laissentobserver facilement. Dans les pays où les cervidés ne sont pas oupeu chassés, il est possible de les approcher à une vingtaine outrentaine de mètres. Nous pourrions également citer le cas deshérons cendrés. En France, longtemps chassés, ils s’enfuientordinairement à 100 ou 150 m. Au Pays-Bas, où ils sont protégés,ils se laissent facilement approcher à une ou deux dizaines demètres.C’est flagrant chez le chamois : « Le fait de les chasser multipliepar 10 ou 20 les distances de fuite. Dans le massif de la Forêt deSaou (Drôme), la distance de fuite des chamois à la fin des années1970 était de moins de 30 mètres pour une majorité d’individus.Aujourd’hui, après 20 années de chasse et à l’exception d’unepartie des Trois becs

non-chassés, cette distancedépasse généralement les 150mètres. Sur les crêtes sud(entre Barry et le GrandPommerol), les chamois,subissant depuis plusieursannées une forte pression dechasse à l’approche, sontdevenus… inapprochables. »relate Roger Mathieu. Ilpoursuit en indiquant qu’« Ainsi les chasseurs

fabriquent des populations animales artificielles, fragiles, sensiblesau dérangement et aux distances de fuites anormalement élevées.On sourit en entendant les chasseurs qualifier les individus peufarouches de “dégénérés” alors qu’il s’agit précisément ducontraire. ». Il serait aussi fallacieux de prétendre qu’il s’agit d’unesélection d’animaux les plus intelligents, car si en effet certainsindividus arrivent plus ou moins à échapper aux chasseurs,l’intelligence n’a rien à voir avec la distance de fuite anormale et lacrainte inhabituelle. Bien sûr, la génétique n'explique pas tout,l'acquis joue aussi son rôle : une mère craintive apprendra à sespetits à fuir les Hommes, alors que s’ils ne sont pas chassés,

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La chasse sélectionne une population dechamois constitué d’individus stressés etanormalement farouches.

certains animaux peuvent se montrer confiants envers leshumains.Cette sélection et « fabrication » d’animaux stressés et peureuxn’est pas sans conséquence pour l’espèce. L’auteur affirme que« Cette population sélectionnée par la chasse est constituéed’individus stressés, très sensibles au dérangement. La traductionbiologique est une population fragilisée et démographiquement peudynamique. ». Cela peut également entraîner une réduction desdomaines vitaux, un décantonnement, une faiblesse physiologiqueet à terme génétique des espèces, donc notamment une moindrerésistance aux maladies. En outre, par conséquent, « ledéveloppement d'un tourisme nature peut s'avérer particulièrementnéfaste en augmentant le stress des animaux. Dans ce cas, cen'est pas l'observation par le public de la faune qui en est cause,mais la chasse qui a sélectionné une population animale trèssensible au stress ». Il conclut en indiquant qu’il s’agit d’unevéritable « manipulation génétique effectuée à l'aide du fusil... ».Enfin, les conséquences concernent également le promeneur pourqui il devient difficile d’apercevoir des animaux sauvages. RogerMathieu mentionne que « chasse et observation de la faune par legrand public ne sont pas compatibles » et qu’il faut choisir entre« Permettre au plus grand nombre d'observer dans de bonnesconditions une nature vivante non-stressée ou encourager lachasse pour satisfaire moins de 2% des citoyens ? »

b. Le problème du plombL’utilisation du plomb pour les munitions des armes des chasseursest extrêmement néfaste pour la faune. France NatureEnvironnement expliquait qu’ « en Camargue, 2 millions de plombpar hectare et par an sont déversés dans la nature. Les plombs dechasse sont ingérés par les canards à la place des gravierspermettant à leur gésier de broyer des aliments. Les canardsmeurent de saturnisme qui se traduit par des diarrhées, desamaigrissements, une paralysie, etc. ». Une maladie grave quitouche, bien entendu, les espèces protégées également.FNE poursuivait en indiquant qu’ « Il apparaît que 62 % descanards pilet et 60% de milouins sont contaminés par le

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saturnisme. Dans certains étangs, marais et prairies humides, ontrouve jusqu'à 5 millions de plombs par hectare. », chiffresmontrant l’ampleur du phénomène.

Des études avaient montré queles chasseurs diffuseraient dansla nature environ 6 000 tonnesde plomb chaque année.Les prédateurs secontamineraient en consommantdes animaux atteints et desproblèmes auraient été recenséschez les animaux domestiques(vaches notamment).C’est ainsi que les associationsde protection de la nature ont

depuis longtemps demandé d’interdire l’utilisation de plomb. Denombreux pays avaient déjà procédé à cette mesure évidente, laFrance s’est enfin décidée en 2005. L’utilisation de la grenaille deplomb est désormais interdite en zone humide, ce qui n’empêchepas quelques chasseurs de continuer à l’utiliser, ces dernierss’étant activement employés à retarder l’interdiction de ce métal.« L’acier tue moins bien que le plomb », disaient-ils.Nous pourrions également évoquer le problème des cartouchesnon ramassées. On en aperçoit ça et là dans la nature, et danscertaines régions, près des postes habituels de tir, il s’agit devéritables « tapis » de cartouches.Par ailleurs, mentionnons que l’industrie des armes estextrêmement polluante. Si le dépôt des munitions (plombs,douilles) dans la nature constitue une nuisance écologique, lafabrication des balles et cartouches est également source depollution.

c. Les lâchers d’animaux élevésAinsi que nous l’avons vu précédemment, la plupart despopulations de souches naturelles des espèces classées « petitgibier » se sont effondrées par l’effet conjugué du développementde l’agrochimie et des faits de chasse. Afin d’avoir malgré toutsuffisamment de cibles vivantes, les chasseurs procèdent à des

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Le saturnisme a fait des ravages chezles oiseaux d’eau et en particulier pourles milouins où 60% étaient contaminés.

lâchers d’animaux élevés. Près de vingt millions d’animaux élevés(perdrix, faisans, canards, lapins, lièvres, etc.) sont annuellementrelâchés dans la nature en France. Non seulement cette pratiquen’a pas eu pour effet de renforcer les effectifs des populations,mais au contraire, la pollution génétique et les maladiescontractées dans les élevages leur a porté gravement atteinte.

Des animaux inadaptés à la vie sauvageL’élevage influe sur lecomportement des animaux. Ilinduit une perte descomportements innés par laréduction voire la disparition decaractères héréditairesnécessaires à la suivie en liberté.Les comportements acquis sontégalement perturbés : dans lanature, les jeunes apprennent parimitation à se nourrir, seméfier des différentsdangers (prédateurs,routes), etc. « Desmodifications ducomportement provoquéespar la captivité ne peuventjamais consister qu'endiminution, en atténuationdes comportementsinstinctifs », indique K.Lorentz. Ainsi, lâchésdans la nature, ces animaux s’en trouvent complètementdésorientés. Ils éprouvent des difficultés à s’alimenter et à seprotéger (routes, prédateurs…). Ils sont généralement peu enclinsà se reproduire et, le cas échéant, la reproduction se solde souventpar un échec (nid mal construit ou mal placé, etc.). En état destress, ces animaux ne peuvent s’adapter à la vie sauvage. « Dansces conditions, le gibier n'est lâché que pour satisfaire à court

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On aperçoit à la campagne lors de lapériode de chasse, sur les bords desroutes, ces animaux lâchés désorientés.

terme le chasseur. En conséquence il est fréquemment observéune baisse corrélative des populations naturelles de la mêmeespèce. » constatent P. Havet et F. Biadi, ONCFS.Par ailleurs, certains animaux élevés, provenant à l’origine depopulations sauvages géographiquement éloignées, se retrouventlâchés dans un climat et un milieu qui leur sont inadaptés. Ceci estencore plus flagrant lorsqu’il s’agit de l’espèce elle-même qui n’estpas adaptée au biotope (perdrix rouges lâchées sous les pins de laforêt landaise, faisans lâchés au milieu des vignes du midi, etc.).

Apport de maladiesLes élevages, où les animaux sont souvent très nombreux(plusieurs milliers), sont propices au développement de virus,bactéries et autres parasites. Lorsqu’ils sont lâchés dans la nature,les animaux sont quasiment tous porteurs de germes. Ainsi, desmaladies d’enclos sont introduites dans la nature et contaminentles populations sauvages déjà menacées. Beaucoup d’animauxlâchés étant importés (Europe de l’Est notamment), ce sont parfoisdes maladies exotiques qui sont véhiculées faisant des ravageschez l’espèce sauvage autochtone qui est vulnérable à la maladiejusqu’alors inconnue. A titre d'exemple, nous pourrions citer lamaladie virale hémorragique (V.H.D.), le parasite micipsellanumidica ou encore la tularémie, décimant les populationsnaturelles de lièvres.

Des pollutions génétiquesUne autre conséquence désastreuse des lâchers d’animaux est lapollution génétique, préjudiciable à l’avenir des espèces, qu’ilsoccasionnent.Au sein d’une même espèce, le patrimoine génétique varie suivantla zone géographique, les individus s’étant au fil des annéesadaptés aux conditions locales et étant soumis à la sélectionnaturelle. Ainsi, introduire des animaux provenant de populationséloignées, donc au patrimoine génétique différent, n’est pas sansconséquences :

- L’impact peut être d’ordre physiologique. A titre d’exemple,citons l’ANCER qui indique que « le croisement de mâles de

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forte corpulence originaires des pays de l'Est (où les animauxsont habituellement plus corpulents) avec des femellesd'Europe occidentale ou méridionale nettement plus petites,crée un problème physique de passage du fœtus dans le bassinqui peut se solder par de nombreuses pertes lors des mises baset avoir pour conséquence un faible taux de réussite dans lareproduction. ».-Peut également se poser un problème chromosomique. Eneffet, des individus d’une même espèce, ayant évoluéséparément (car géographiquement éloignés), peuvent avoird’importantes différences génétiques. L’ANCER poursuit enmentionnant qu’ « il semblerait que le croisement d'individusindigènes avec des individus issus de populationsgénétiquement très éloignées peut aller jusqu'à poser desproblèmes de fertilité, de viabilité des gamètes, voire de stérilitédans la deuxième génération comme c'est habituellement le casavec des croisements interspécifiques (hybrides stériles). »- En outre, une difficulté liée à l’adaptation génétique seprésente. Les individus locaux d’une espèce, ayant évoluésdans leur milieu et leur climat, se sont adaptés à leurenvironnement : à long terme, au fil des années, par sélectionnaturelle, des caractères transmis par hérédité se sont inscritsdans leurs gènes. Les animaux importés, adaptés à leur climatet milieu d’origine (cerfs d’Asie habitués aux moussons, lièvresd’Europe de l’Est, etc.) se reproduisent avec les individusautochtones, non sans problèmes : « L'hybridation entrepopulations distinctes peut parfois détruire le complexe degènes adaptés à chaque localité. Greig (1979, cité parTempleton 1986) signale qu'en Tchécoslovaquie, suite à ladisparition du bouquetin Capra ibex ibex, du fait de la chasse,on a procédé à des introductions réussies de bouquetinsprovenant de zones proches situées en Autriche.Ultérieurement, pour conforter la population installée, on aprocédé à des introductions de C. Ibex aegagrus de Turquie etde C. ibex nubiana du Mont-Sinaï. Suite aux diverseshybridations, la population s'est complètement éteinte car lesindividus étaient en rut au début de l'automne au lieu de l'hiver

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et la mise bas avait lieu en février, mois le plus froid. Cetexemple illustre le rôle joué par l'adaptation locale de différentespopulations géographiques d'une même espèce. » G. Barnaud,Introduction et réintroduction d'espèces, Muséum Nationald'Histoire Naturelle.D’autres adaptations génétiques, telles que la couleur du pelageou la corpulence, peuvent intervenir. Notons, dans ce cas, quelorsque les individus lâchés arrivent à s’acclimater, malgré lesinconvénients persistants liés à l’adaptation locale d’origine, lesproblèmes cités ci-dessus peuvent se produire lors de lareproduction avec les individus sauvages.

Généralement, les animaux lâchés sont issus, à l’origine, d'un petitnoyau initial dequelquesreproducteurs. Ils ontalors une faiblevariabilité génétique,ce qui appauvrira lepatrimoine génétiquede l’espèce. Or, lepatrimoine génétiqueest déterminant dansla survie etl’adaptation del’espèce en cas dechangement desconditions (biotope,climat, etc.) de sonenvironnement.Un autre problème grave apparaît lorsque naissent des hybridesféconds ayant un patrimoine génétique altéré suite à l’introductiond’espèces voisines. Furent en effet lâchés en France des perdrixchoukar, caille de chine, etc. En Angleterre, ce sont les cerfs sika,introduits, qui se sont reproduits avec les cerfs élaphe. Ainsi quenous l’avons évoqué plus haut, les chasseurs lâchèrent égalementdes cochongliers, croisement volontaire entre sanglier et cochon,afin d’obtenir une espèce plus prolifique. Dans nombre de

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Par l’introduction d’hybride de sanglier et cochon deferme, les chasseurs ont pollué génétiquementl’espèce.

© JM-AM Hardouin

départements, on retrouve ces animaux au pelage gris, ayantaltéré le patrimoine génétique du sanglier. Cette pollutiongénétique et le développement d’hybrides, causés par les animauxrelâchés par les chasseurs, sont un problème particulièrementinquiétant.

Une nuisance pour les espèces sauvagesLes lâchers nuisent également à d’autres espèces, chassables ouprotégées. Cette pratique peut engendrer une perturbation voire unbouleversement des écosystèmes, les animaux étantgénéralement lâchés en nombre important. En effet, ces animauxpeuvent notamment entrer en compétition avec d’autres espècesou compromettre l’avenir de leurs proies. Pour fournir deuxexemples ; l’insertion de dizaines (voire centaines) de canardscolvert sur un étang n’est pas sans conséquence pour les autresespèces d’oiseaux d’eau. Dans certains secteurs, les orvets ontdisparu suite aux lâchers massifs de faisans.Par ailleurs, les prédateurs pouvant à l’occasion se nourrird’animaux lâchés, les chasseurs les considèrent comme desconcurrents gênants. Martres, fouines, belettes, putois, et surtout,renards, sont alors systématiquement détruits, notamment parpiégeage. Afin de préserver (momentanément, jusqu’au coup defusil) ces animaux d’élevages inadaptés à la vie dans la nature, leschasseurs éliminent les prédateurs naturels qui eux ont toute leurplace dans l’écosystème ! C’est ainsi que les petits prédateursdeviennent eux aussi menacés.

Pour résumer, les populations sauvages de lièvres, lapins, perdrix,faisans, canards et autres espèces chassables étant en régression,le chasseur procède à des lâchers « de gibier » pour continuer dechasser ces espèces et garantir son tableau de chasse. Cesanimaux d’élevages, inadaptés à la vie en liberté, ne renforcentpas les populations naturelles mais, au contraire, leur nuisent et lesaffaiblissent (maladies, pollutions génétiques…). Pour limiter lespertes, le chasseur éliminera les prédateurs. L’année suivante, ilrelâchera de nouveau des animaux élevés afin d’assurer sa saisonde chasse, et probablement en quantité plus importante car les

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populations sauvages ont continué de diminuer. Il accusera alors ledernier renard survivant sur le territoire et ne tardera pas à le tuer.Etc. Etc. Ainsi, ces dernières décennies, les chasseurs ont mis enplace et entretiennent un véritable cercle vicieux catastrophiquepour la faune.Les lâchers « de gibier » constituant l’un des fléaux de la chasse,plusieurs associations de protection de la nature demandent leurinterdiction. Mais la plupart des chasseurs, et notamment lesdirigeants du monde de la chasse, ne sont pas du même avis,estimant qu’il leur est nécessaire d’avoir recours aux lâchers et queles interdire reviendrait à condamner la chasse, car faute de ciblesà placer au bout de fusil, plus de chasseurs…

IV. Vers la mise en place d’une «chasse écologique » ? Entre oxymoreet impossibilité

1) Les travaux entrepris par les chasseurs en faveur« du gibier »

Ces dernières années, les chasseurs ont voulu montrer qu’ilsmènent des actions en faveur de la biodiversité. Il s’agit de lacréation ou de l’entretien d’un point d’eau ou, plus généralement,de la plantation d’une haie. Quasi-systématiquement, les médias ysont conviés et nous voyons se multiplier des articles intitulés« Les chasseurs préservent la nature ».Les chasseurs deviennent-ils de véritables écologistes ? Répondre‘oui’ à la hâte serait bien naïf, il convient de s’interroger sur lesmotivations de ces actions et leur portée face aux divers préjudicesécologiques de la chasse. Sachant leur activité de plus en plus contestée, les chasseurs ontrecherché plusieurs pistes pour poursuivre et justifier leur loisir.Voyant se développer des notions telles que « écologie »,« développement durable » et « biodiversité », ils ont compris que

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prétendre s’inscrire dans cette logique pourrait leur être bénéfiqueet intéressant pour perpétuer la chasse.Or, l’écologie et la protection de la biodiversité ne sont pas unemode. C’est une nécessité qui s’impose, elle requiert de véritablesmutations en profondeur dans nos comportements et le refus desactions paravents de type « greenwashing » des lobbiesantinature. Une voiture, bien que produisant pourtant quelquesgrammes de moins de co2 que le modèle concurrent, ne peut êtrequalifiée d’écologique. De même, la chasse, quand bien même deschasseurs réaliseraient quelques actions satellites en faveur de lanature, reste une activité préjudiciable à la faune donc non-écologique. Ainsi, nous venons d’aborder la motivation première deces actions fort médiatiques qui est de redorer leur blason et derevêtir du qualificatif « d’écologique » cette activité qui ne l’est pas.Les réunions entre responsables du monde de la chasse ou desdocuments internes de stratégie des chasseurs l’expliquent bien.En outre, les chasseurs sont incités à réaliser ce type de travauxpar une autre motivation. Dans un journal, à l’occasion d’unepublicité d’une fédération de chasseurs en novembre 2009, nousavons pu lire : « Enfin, pour pouvoir chasser, [le chasseur] aabsolument besoin d'une nature en bon état. Sinon, pas de milieuxaccueillants et donc, pas de gibier. ». Un président d'uneFédération régionale des chasseurs confiait à la presse enseptembre 2010 : « C'est nous, les chasseurs, qui entretenons lemieux nos forêts et nos plaines pour la chasse ; c'est nous quisommes tous les jours sur le terrain, et, pour nous, c'est unegrande fierté que de faire cela par amour de la chasse. ». Voilà quiexpose clairement pour quel autre motif les chasseurs s’intéressentà la préservation des espaces naturels ! Ainsi, et là encore lespublications des chasseurs l’indiquent bien ; le but de ces actionsest de favoriser le développement de leurs cibles afin de pouvoirmieux les chasser. Ces actions, orientées et visant quelquesespèces particulières, n’ont souvent aucun intérêt pour la majoritédes espèces qui sont du reste ignorées.Nous sommes donc bien éloignés de la motivation des écologisteset des naturalistes qui protègent les espaces naturels et l’ensemble

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de la biodiversité dans le seul intérêt de la sauvegarde desespèces et de la nature.Notons que les associations de protection de la nature proposent,entre autres, des actions similaires. Les chasseurs qui défendentl’intérêt de leur activité ne peuvent pas prétendre les remplacer.Nul besoin d’un fusil ou d’un piège pour accomplir ces travaux. Ilne s’agit donc pas de chasse, mais bien d’actions satellites,réalisées de plus par une minorité de chasseurs.Enfin et surtout, bien qu’utiles pour la faune, mentionnons que leurapport positif est négligeable face aux préjudices nombreux etimportants de la chasse, qui sont bien loin d’être ainsi« compensés ».

2) Les chasseurs systématiquement opposés auxmesures de protection

Certains indiiuent iu’il serait peut-être possible de metre en place une« chasse écologiiue ». Nous avons montré iue la chasse n’est pas et nesera jamais écologique dans la mesure où elle nuit inévitablement

et gravement à la faunenotamment en causant la mortd’individus et en affaiblissant lespopulations. Par « chasseécologique » (oxymore !), ilsaimeraient que la chasse soitconsidérée comme une action àcaractère écologique, ou laisserpenser qu’elle ne puisse êtrepratiquée sans nuire à labiodiversité.

Des chasseurs, conscients des dommages écologiques de lachasse et notamment de certains modes de chasseparticulièrement néfastes, ont crée l’ANCER : AssociationNationale pour une Chasse Ecologiquement Responsable. Cetteassociation propose quelques mesures permettant de réduirel’impact écologique de la chasse. Son nombre d’adhérents,quelques centaines sur l’ensemble des 1,2 millions de chasseurs,montre bien qu’il s’agit d’une pensée ultra-minoritaire chez les

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L’un des innombrables panneauxindiquant l’interdiction de chasserperforés par des plombs et des balles.

chasseurs. D’ailleurs, des chasseurs avaient mis en place unepétition contre cette association, signée entre autre par unetrentaine de présidents de fédérations départementales dechasseurs. Les discours et les souhaits des dirigeants du mondede la chasse sont effectivement en flagrante opposition avec lepoint de vue de l’ANCER. Peu de chasseurs sont prêts à se limiterpour amoindrir leur préjudice. Au contraire, les demandes deschasseurs, et notamment de leur parti politique, vont toutes dans lemême sens : faciliter l’exercice de la chasse, leur donner plus dedroits, augmenter les espèces et espaces chassables, allonger lesdurées des périodes de chasse, légaliser de nouveaux modes dechasse, etc.Ainsi, non seulement la plupart des chasseurs n’acceptent pas lamoindre restriction, mais, à l’inverse, le lobby chasse fait preuved’une importante énergie pour allonger la pratique de la chasse.Notons que chez une proportion importante de chasseurs, la hainede « l’écolo » est viscérale.Nous ne pouvons nous retenir de citer une phrase prononcée parun président d’une fédération départementale de chasseurs, qui endit long sur la mentalité et l’intérêt écologique de nombre dechasseurs : « Entre un agriculteur qui empoisonne sa terre, cultiveintensément, pollue mais tolère la chasse chez lui et un agriculteurqui préserve l’environnement, produit sain mais interdit la chassesur son fonds, je préfère le premier. »Dès que la mise en place d’une mesure de protection d’une espèceest proposée, si petite soit-elle, elle provoque systématiquementune levée de boucliers des chasseurs. Nous avons évoqué leproblème du grand tétras, espèce pratiquement éteinte en France,qui continue d’être chassée, malgré les propositions de moratoire.De même, les lâchers « de gibier de tir », le classement« nuisible » de certaines espèces ou encore la chasse aux oiseauxmigrateurs lors de leur remontée en février vers les lieux denidification, devraient depuis longtemps être arrêtés tant celarelève du bon sens. Mais cela perdure suite à la pression effarantedont les chasseurs font preuve.Lors de la création de Parc nationaux, dont on ne peut maintenantnier leur intérêt et leur richesse écologique, les chasseurs sont

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© RAC-ES

parmi les premiers opposants. Dès qu’un projet de création d’unParc Naturel voit le jour, les chasseurs s’y opposenténergiquement. Par exemple, le projet de la création d’un ParcNaturel Régional en Sologne fut abandonné suite à la pression deschasseurs et des grands propriétaires (souvent chasseurs).Actuellement, la création du Parc Régional des Baronniesprovençales doit faire face à l’opposition des chasseurs locaux.Idem pour les projets de création du Parc National des Calanqueset du Parc National des zones humides dans le Jura, où leschasseurs s’y opposent vigoureusement. On pourrait aussiévoquer la position des chasseurs par rapport aux zones Natura2000.Ainsi, d’une manière générale, toute mesure de protection d’uneespèce ou d’un territoire impactant, même faiblement, la pratiquede la chasse, déclenche la colère des chasseurs qui s’emploientactivement à son abandon.Quand il arrive qu’une mesure de protection d’une espèce soitenfin mise en place (souvent bien trop tardivement), force est deconstater qu’elle ne sera généralement pas ou peu respectée, etcouramment retirée rapidement suite à la pression des chasseurs.Ceux qui ont cru à la possibilité d’instaurer une chasse diteécologiquement supportable et qui se sont investis dans cettedémarche ont fait le même constat : c’est une utopie, non pastechniquement ou juridiquement, mais bien à cause des principauxconcernés ; une majorité de chasseurs dont la mentalité ne semblepas changer.

3) La chasse, inévitable pour « réguler » certainesespèces ?

Faute d’arriver à convaincre de s’adonner à une activité par soncôté attirant et agréable, il faut au moins la justifier par un prétenduaspect de nécessité. Tel est le raisonnement tenu par leschasseurs ces dernières années : comprenant que peu depersonne sont enclines à aller tuer des animaux en guise dedistraction, ils s’emploient alors à présenter la chasse commeindispensable. Afin d’obtenir la caution de la population, leschasseurs tentent de faire passer leur loisir pour un impératif de

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service public, se prétendant nécessaire à l’équilibre de la faune.Ainsi, le chasseur n’irait pas chasser par plaisir, mais par nécessité(c’est pratiquement une corvée…) afin de « réguler » la fauneenvahissante et menaçante.La chasse serait-elle un « mal nécessaire » ? La faune doit-elleêtre « régulée » et la chasse serait-elle donc inévitable ?Comme le démontrent les Parcs Nationaux et les autres zonessans chasse, la faune s’équilibre naturellement depuis des milliersd’années. Les animaux sauvages adaptent leurs populations et sereproduisent principalement en fonction des territoires disponibleset des ressources (nourriture) à disposition. En principe, lorsquel’Homme ne perturbe pas les écosystèmes, une espèce ne devientjamais en surpopulation, dans le sens où ses effectifs seraient audessus des capacités d'accueil du milieu.En lâchant dans la nature des millions d’animaux élevés chaqueannée afin d’assurer leurs tableaux de chasse, qui peut croire queles chasseurs font œuvre de régulation ?En réalité, nous l’avons vu, loin de devoir être « régulées », la plupart desespèces chassables ont, au contraire, des efectfs en régression. Leschasseurs prétextent une prolifératon des petts-prédateurs (renards,etc.) et des espèces « grand gibier ». Préconiser, comme soluton, de tuer

des individus c'est, outre lesproblèmes éthiiues de cetemesure, s'ataiuer à la conséiuenceet non à la cause (lâchers,nourrissage, etc.). Mais étudionsle cas de ces espèces.Ainsi que nous l’avons évoqué,les renards et autres petits-prédateurs sont considéréscomme des concurrents par leschasseurs. Ces espèces, qui euxsont des régulateurs naturels, ne

peuvent être en surpopulation, car les prédateurs ajustent leurdensité en fonction des proies disponibles et ne sont jamais tropnombreux. « En 2001, des chercheurs de l'Université de Bristol ontnotamment saisi une opportunité pour mesurer l'impact de l'arrêt

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Renardeau mis à mort par noyade lorsd’un déterrage, mode de chasseparticulièrement cruel et néfaste.

de la chasse sur les populations de renards. Ainsi, un protocole dedécompte des déjections de renards a permis de comparer ladensité des populations avant et après la période d'interdiction dela chasse. Et il a été ainsi démontré que, contrairement auxproclamations du lobby cynégétique, l'arrêt de la chasse n'avaitpas été suivi d'une augmentation des populations de renards. »indique le Dr J.P. Richier. D’autres études l’ont confirmé, lesespèces et en particulier les prédateurs adaptent la proportion defemelles gestantes et le nombre de petits par portées suivant lesressources et territoires disponibles. Etant systématiquementéliminés par les chasseurs, les petits prédateurs n’arrivent plus àcompenser cette mortalité artificielle et nous assistons, loin de leurprétendue « pullulation », à leur disparition.Pour le « grand gibier », nous l’avons expliqué, ces dernièresdécennies les chasseurs ont favorisé la présence de ces espèces.Ce, principalement par des lâchers d’animaux, du nourrissage, etc.Ainsi, les chasseurs se présentent actuellement comme des« sauveurs » en limitant les populations des espèces dont ilsprovoquent eux-mêmes le développement ! Hypocrite, fallacieux,ce prétexte de « régulation » est une véritable imposture. Sil’espèce est abondante, c’est que la nourriture l’est aussi.Interdisons l’agrainage et clôturons les champs de maïs (filsélectriques) où les sangliers se nourrissent, c’est la seule solutionefficace et pacifique pour que l’espèce s’autorégule tout enéliminant les dégâts aux cultures.Par ailleurs, en cas de nécessité, il existe de multiples alternativespacifiques et surtout, efficaces et durables : tout d’abord arrêter lenourrissage et les lâchers ainsi que protéger les prédateurs etfavoriser leur présence, développer les corridors biologiques, puisdéplacer des individus « en surplus » dans des zones de faibledensité, récupérer des œufs, etc. Si elles se révèlent insuffisantes,d’autres mesures spécifiques pourraient être prises et réalisées pardes gardes de la faune. En effet, nous préconisons de confier lafaune et les espaces naturels à des fonctionnaires formés etresponsables, au sein d’instances départementales ou régionales,dont la mission serait de créer les conditions d’une cohabitation

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pacifique et harmonieuse entre les animaux sauvages et l'Homme,fondée sur la prévention et la protection.

ConclusionLa chasse, activité de divertissement et de loisir consistant à tuerdes animaux sauvages, n’est pas sans conséquence pour labiodiversité.Elle a un impact quantitatif sur les populations des espèces, endiminuant les effectifs des espèces chassées par la mortalitédirecte qu’elle occasionne. Le dérangement, provoqué par lachasse, entraîne indirectement une baisse des populations car ilcause une modification de la distribution géographique desespèces, des pertes d’énergie provoquant une diminution desurvie, ainsi qu’une baisse du succès de reproduction.En modifiant le comportement et l’état de santé des animauxchassés, elle a aussi un impact qualitatif non négligeable sur lafaune. Elle sélectionne pour certaines espèces, au fil des années,une population d’animaux craintifs, aux distances de fuiteanormalement élevés. Ces animaux, sensibles au dérangement,forment une population fragilisée et démographiquement peudynamique. Par ailleurs, les plombs des cartouches ont provoquéle saturnisme, maladie ayant contaminé jusqu’à plus de 60 %des individus de certaines espèces. La plupart des espèceschassables étant en régression, environ 20 millions d’animaux sontannuellement lâchés dans la nature par les chasseurs afin degarantir un tableau de chasse suffisant. Cette pratique désastreuseaffaiblie les dernières populations naturelles notamment parl’apport de maladies, perturbe les écosystèmes et cause unepollution génétique de la faune, préoccupante.S’il existe des pratiques particulièrement néfastes (chasse de nuitdes oiseaux d’eau, destruction des espèces classées à tort« nuisibles », chasse des oiseaux migrateurs lors de la migrationprénuptiale, etc.), toute forme de chasse nuit inévitablement à lafaune dans la mesure où elle constitue une agression directe,causant notamment la mort d’individus.Certains ont réfléchi à la mise en place d’une chasse« écologiquement supportable », dans le sens où le préjudice

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écologique qu’elle occasionne, diminué par l’instauration de fortesrestrictions et la réduction draconienne des espèces chassables,devienne acceptable. Mais systématiquement les chasseurss’opposent énergiquement à la moindre mesure de protection de lafaune et des espaces naturels, si peu contraignante soit-elle. Nonseulement les dirigeants du monde de la chasse sont défavorablesà la réduction de leur loisir mais, à l’inverse, ils font preuve d’unepression effarante pour faire aboutir leurs demandes qui vonttoutes dans le même sens : faciliter l’exercice de la chasse, donnerplus de droits aux chasseurs, augmenter les espèces et espaceschassables, allonger les durées des périodes de chasse, légaliserde nouveaux modes de chasse, etc. Ainsi, en raison ducomportement, des souhaits et de la mentalité d’une majorité dechasseurs (qui ne fait d’ailleurs pas mystère de sa haine desécologistes), la mise en place d’une chasse « écologiquementsupportable » en France est une utopie.

En outre, l'écologie, qui est indissociable de l'éthique, implique unenouvelle approche du vivant. Elle nécessite de considérer lesanimaux comme des êtres sensibles dignes de respect et elle sedoit de condamner les pratiques violentes et irrespectueuses de lavie, telles que la chasse.

La biodiversité, menacée comme elle ne le fut jamais, nécessitel’instauration de mesures de protection à la hauteur de l’enjeu. Ellerequiert un changement de notre comportement et l’abandon desactivités qui lui sont particulièrement néfastes. La chasse, par lepréjudice écologique important qu’elle occasionne, est contraire aumaintien de la biodiversité et empêche la protection efficace de lafaune. Toute mesure de protection de la biodiversité sera vouée àl'échec tant que les deux conditions suivantes ne seront pasréunies : la protection des milieux et l'interdiction de la chasse.Ainsi, il devient indispensable d’interdire la chasse et de confier lafaune et les espaces naturels à des fonctionnaires responsables etcompétents, au sein d’une instance départementale ou régionalechargée d’établir les conditions d’une cohabitation pacifique etharmonieuse entre la faune sauvage, la nature et l'Homme. Il sera

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alors possible de mettre en place, efficacement, les mesures deprotection qui pourraient permettre la pérennité de la biodiversité.

Bibliographie :

Effets du dérangement par la chasse sur les oiseaux d’eau, Revued’écologie, 2003Gibier de Tir : étude d'un mal qui gangrène la Chasse française,ANCERComment la pression de la chasse fabrique une faunegénétiquement modifiée, Roger Mathieu, ASPAS, 2009Chasse et protection de la nature : bilan de vingt années passéesau front, Roger Mathieu, 2004Réintroductions et soutiens de populations d'espèces de petitgibier, P. Havet et F. Biadi, ONCFSLe saturnisme et les munitions de substitution, Jean-FrançoisPopoff, 2004Enquête de l’ONCFS sur le nombre d’animaux tués à la chasse,cahiers techniques n°251, août-sept 2000

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Photographies : © JM-AM Hardouin, François Darlot, EtienneSpataro et RAC

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