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1 Chapitre L’ Almageste de Ptolémée 1.1. La première édition imprimée de l’ 1.1. La première édition imprimée de l’ Almageste Almageste Le premier livre majeur, dans la chronologie des publications relatives à l’astronomie est sans doute l’édition d’un résumé de l’ Almageste de Ptolémée (90-168) en 1496. Cet ouvrage a été connu depuis la fin du XI e siècle par le biais de traductions arabes ou latines approximatives avant que le Cardinal Bessarion ne charge l’éminent savant George Peuerbach (1423-1461) d’établir et d’éditer le texte. Mais, à la mort de Peurbach, en 1461, seuls les quatre premiers livres étaient achevés et le travail fut terminé par Régiomontanus, un disciple de Peuerbach 1 . Johannes Müller von Königsberg (1436-1476), plus connu sous son pseudonyme Regiomontanus, a travaillé entre 1461 et 1465 chez le cardinal Bessarion, à Rome où il a écrit, par ailleurs, un traité de trigonomètrie De Triangulis omnimodis (1464). Claudius Ptolemaeus, né vers 90 en Haute-Égypte, est l’astronome, mathématicien et géographe grec qui vécut à Alexandrie, auteur du célèbre ouvrage appelé Composition (ou Syntaxe) mathématique ou Almageste qui rassemble tous les principes et démonstrations d’astronomie connus à son époque. Les dates des observations personnelles de Ptolémée consignées dans sa Syntaxe vont de 126 à 141. Il paraît avoir aussi résidé à Canope, en Égypte, où il mourut vers 168. Nous reproduisons, à la fin du présent chapitre, des biographies plus détaillées de Ptolémée et de Regiomontanus rédigées par François Arago. L’ Almageste est le seul ouvrage sur l’astronomie de l’Antiquité qui nous soit parvenu complet et c’est par lui que l’on connaît les travaux d’observa- tion de l’astronome grec Hipparque (–190-120 av. J.-C.) qui fut le premier Grec à développer des modèles quantitatifs des mouvements du Soleil et 1. Regiomontanus, Johannes, Epytoma Joannis de Monte Regio in almagestum Ptolomei, Vene- tiis : per Johannem Hamman de Landoia, 1496.

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Page 1: Chapitre - editions-ellipses.fr...Correction de parallaxe pour le Soleil et la Lune. Tables. Livre VI. Diamètres apparents du Soleil et de la Lune. Prédiction des éclipses. Tables

1Chapitre

L’ Almageste de Ptolémée

1.1. La première édition imprimée de l’1.1. La première édition imprimée de l’AlmagesteAlmageste

Le premier livre majeur, dans la chronologie des publications relatives à l’astronomie est sans doute l’édition d’un résumé de l’Almageste de Ptolémée (90-168) en 1496. Cet ouvrage a été connu depuis la fi n du XIe siècle par le biais de traductions arabes ou latines approximatives avant que le Cardinal Bessarion ne charge l’éminent savant George Peuerbach (1423-1461) d’établir et d’éditer le texte. Mais, à la mort de Peurbach, en 1461, seuls les quatre premiers livres étaient achevés et le travail fut terminé par Régiomontanus, un disciple de Peuerbach1.

Johannes Müller von Königsberg (1436-1476), plus connu sous son pseudonyme Regiomontanus, a travaillé entre 1461 et 1465 chez le cardinal Bessarion, à Rome où il a écrit, par ailleurs, un traité de trigonomètrie De Triangulis omnimodis (1464).

Claudius Ptolemaeus, né vers 90 en Haute-Égypte, est l’astronome, mathématicien et géographe grec qui vécut à Alexandrie, auteur du célèbre ouvrage appelé Composition (ou Syntaxe) mathématique ou Almageste qui rassemble tous les principes et démonstrations d’astronomie connus à son époque. Les dates des observations personnelles de Ptolémée consignées dans sa Syntaxe vont de 126 à 141. Il paraît avoir aussi résidé à Canope, en Égypte, où il mourut vers 168.

Nous reproduisons, à la fi n du présent chapitre, des biographies plus détaillées de Ptolémée et de Regiomontanus rédigées par François Arago.

L’ Almageste est le seul ouvrage sur l’astronomie de l’Antiquité qui nous soit parvenu complet et c’est par lui que l’on connaît les travaux d’observa-tion de l’astronome grec Hipparque (–190-120 av. J.-C.) qui fut le premier Grec à développer des modèles quantitatifs des mouvements du Soleil et

1. Regiomontanus, Johannes, Epytoma Joannis de Monte Regio in almagestum Ptolomei, Vene-

tiis : per Johannem Hamman de Landoia, 1496.

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de la Lune en utilisant les observations et les résultats accumulés durant les siècles précédents par les astronomes de Babylone.

Dans son traité, Ptolémée reprend les résultats et modèles d’Hipparque et établit un modèle géocentrique du système solaire qui s’imposera dans le monde occidental et arabe jusqu’au milieu du XVIe siècle. Ce modèle est basé sur une sphère d’étoiles fi xes qui tourne autour de la Terre, elle-même sphérique, en une journée. Le Soleil, la Lune et les planètes obéissent à des lois complexes d’épicycles (cercle dont le centre décrit un autre cercle et sur lequel une planète se déplace avec un mouvement uniforme). Ptolémée avait en eff et observé que les orbites de certaines planètes n’étaient pas circulaires et avait développé la théorie des épicycles pour sauver la thèse d’Aristote selon laquelle la Terre est au centre de l’Univers, le Soleil et les planètes gravitant autour d’elle selon des orbites circulaires. Aristote distinguait le monde sublunaire qui va de la Terre jusqu’à l’orbite de la Lune, du monde supralunaire allant de l’orbite de la Lune jusqu’à la sphère des étoiles fi xes constituant la limite de l’Univers. Ce monde supralunaire était considéré comme parfait, les astres y étant sphériques et les orbites circulaires, alors que le monde sublunaire était celui du changement.

L’ Almageste de Ptolémée décrit non seulement le système géocentrique de l’Antiquité mais propose également des tables donnant la position des planètes sur la sphère céleste, un catalogue d’étoiles et une liste de quarante-huit constellations2.

2. Les tables astronomiques sont des suites de valeurs numériques qui indiquent les positions et

mouvements des astres ou qui servent à les calculer. Les plus anciennes tables connues paraissent

être celles de Ptolémée publiées dans son Almageste. Rectifi ées et complétées au XIIIe siècle,

entre 1248 et 1252, sur l’ordre d’Alphonse X, roi de Castille, ces tables furent appelées Tables

Alphonsines et furent publiées à Venise en 1483.

Le nombre des tables astronomiques est, depuis, allé en croissant :

Copernic a inclus des tables dans son De Revolutionibus de 1543.

Les très célèbres Tables Rudolphines de Kepler comportant les travaux antérieurs de Tycho

Brahé parurent à Linz en 1627.

Puis parurent :

en 1630, les Tabulae astronomicae, de Christian Reinhart,

en 1645, l’Astronomia philolaica d’Ismael Boulliaud,

en 1661, les Tables Carolines de Street,

en 1665, les Tabulae novae de Riccioli,

en 1687, les Tables astronomiques de La Hire, complétées en 1702 sous le titre de Tabulae

astronomicae Ludovici magni,

en 1740, les Tables de J. Cassini incluses dans ses Eléments d’astronomie,

en 1749, les Tables de Halley,

en 1771, celles de Lalande.

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La première version arabe de l’Almageste ou Composition (Syntaxe) mathé-matique grecque a été traduite de la langue syriaque, semble-t-il, par al-Hajjaj Ibn Yusuf de Bagdad vers 830.

Une traduction latine ancienne réalisée par Gérard de Crémone a été imprimée en 1515, à Venise3. Une traduction latine a été donnée par George de Trébizonde4 (1396-1456), en 1528.

Une autre édition due à Regiomontanus5 a paru en 1543. Le texte a été publié en grec par Th éon6 avec ses commentaires, à Bâle, en 1538. Cette édition est restée la seule jusqu’à celle de Halma7. Ce dernier a également donné en 1813-1816, une traduction en français de l’Almageste8, basée sur l’étude des manuscrits des bibliothèques de Paris, Venise, Florence et du Vatican. Elle comporte de très importantes notes de l’astronome Delambre. Une traduction moderne en anglais a été donnée en 19989.

1.2. Sommaire de l’1.2. Sommaire de l’AlmagesteAlmageste

Livre I. Exposé du système géocentrique ; trigonométrie ; mesure de l’obliquité de l’écliptique ; tables de déclinaison et d’ascension droite pour les points de l’écliptique.

Livre II. Th éorie des climats, défi nis par la durée du plus long jour de l’année ; hauteur du pôle ; tables d’ascension oblique ; détermination des heures temporaires.

Livre III. De la grandeur de l’année. Table du mouvement moyen du Soleil. Anomalie apparente du Soleil. Tables. Distinction du temps vrai et du temps moyen.

3. Almagestu[m] Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini Astronomo[rum] principis : Opus ingens

ac nobile omnes Celoru[m] motus continens. Felicibus Astris eat in luce[m]. Venetiae Liechtens-

tein, 1515.

4. Almagestum seu magnae constructionis mathematicæ opus plane divinum latina donatum

lingua ab G. Trapezuntio. Per Lucam Gauricum recognitum, Florence, 1528.

5. Regiomontanus, Epitome, in Cl. Ptolemæi Magnam compositionem, continens propositiones

et annotationes, quibus totum Almagestum dilucida et breui doctrina declaratur et exponitur

Basileae,1543.

6. Kl. Ptolemaiou Megales syntaxeos bibl. ig : Claudii Ptolemaei Magnae constructionis, id est

Perfectae cœlestium motuum pertractationis, lib. XIII. Th eonos Alexandreos Eis ta hauta [i.e. auta]

hypomnematon bibl. ia : Th eonis Alexandrini In eosdem commentariorum lib. XI. Basileae apud

Ioannem Walderum, 1538.

7. Commentaire de Th éon d’Alexandrie sur le livre III de l’« Almageste » de Ptolémée. (Suivi

des) Tables manuelles des mouvemens des astres, [Claude Ptolémée] ; trad. du grec par M. l’abbé

Halma, Paris, Bobée, 1822.

8. Composition mathématique de Claude Ptolémée, traduction de M. Halma, Paris, H. Grand,

1813-1816.

9. Ptolemy’s Almagest, Princeton University Press, 1998.

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Livre IV. Th éorie de la Lune. Périodes lunaires, détermination des mou-vements moyens de longitude, d’anomalie et de latitude, pour la Lune, et du mouvement des nœuds. Tables. Anomalie d’excentricité.

Livre V. De la construction de l’astrolabe. Seconde anomalie de la Lune. Correction de parallaxe pour le Soleil et la Lune. Tables.

Livre VI. Diamètres apparents du Soleil et de la Lune. Prédiction des éclipses. Tables.

Livre VII. Précession des équinoxes. Catalogue des étoiles de l’hémis-phère boréal.

Livre VIII. Catalogue des étoiles de l’hémisphère austral. Levers et couchers des fi xes.

Livre IX. Préliminaires de la théorie des planètes et théorie de Mer-cure.

Livre X. Th éorie de Vénus et de Mars.

Livre XI. Th éorie de Jupiter et de Saturne. Tables d’équations des pla-nètes en longitude.

Livre XII. Calcul des rétrogradations, stations et digressions10.

Livre XIII. Mouvement des planètes en latitude ; prévision de leurs phases d’apparition et de disparition. Tables.

10. Lorsqu’un astre tourne autour d’un autre, la distance dont on le voit s’éloigner s’appelle

digression ou élongation.

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Le système de sphères de Ptolémée est fi guré ci-dessous :

Avant d’analyser l’Almageste, il est utile de rappeler que dans ce texte le mot inégalité ou anomalie dans le mouvement d’un corps céleste est relatif à tout écart à une vitesse constante. Les équations sont, par ailleurs, les quantités par lesquelles on tient compte des inégalités du mouvement des planètes ou des astres. On suppose initialement les mouvements uniformes et on corrige ensuite cette supposition par une quantité proportionnelle à l’inégalité et cette quantité, avec son signe, est appelée équation. Lorsque le mouvement est troublé par plusieurs causes, on utilise autant d’équations que la planète ou l’astre a d’inégalités.

Les premiers chapitres du Livre I résument les hypothèses prises en compte. Nous donnons ci-dessous des extraits du texte de Ptolémée dans la traduction de l’abbé Halma de 181311 :

11. Composition mathématique de Claude Ptolémée, traduction de M. Halma, Paris, H. Grand,

tome I, 1813.

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L’ Almageste de Ptolémée

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1.3. Extraits de l’1.3. Extraits de l’AlmagesteAlmageste

Chapitre I : De l’ordre des théorèmes.Nous commencerons cet ouvrage par considérer d’abord la rela-

tion de la terre, en général avec tout le ciel ; ensuite, entrant dans les détails, nous parlerons premièrement de la situation du cercle oblique et de la position des lieux de cette partie de la terre que nous habitons, ainsi que des différences qui existent entre les uns et les autres, par les diverses inclinai sons de leurs horizons respectifs ; car ces préliminaires faciliteront les recherches qui suivront. En second lieu, nous consi dérerons le mouvement du soleil, celui de la lune et toutes leurs circonstances. Car, sans cette connaissance préalable, il serait impossible d’appuyer sur une méthode certaine la théorie des étoiles. Puis, continuant sur ce plan, pour terminer par les étoiles, nous exposerons d’abord la sphère de celles qu’on appelle fi xes ; ensuite viendront les cinq astres qu’on nomme planètes. Nous entreprendrons d’expliquer chacune de ces choses, en posant pour principes et pour bases de ce que nous voulons trouver, ce qui est évident, réel et certain, tant dans les phénomènes, que dans les observations anciennes et modernes, et en déduisant de ces conceptions leurs conséquences […].

Avant tout, il faut admettre générale ment que le ciel est de forme sphérique, et qu’il se meut à la manière d’une sphère ; que la terre, par sa fi gure, prise dans la totalité de ses parties, est sensiblement un sphé-roïde. Qu’elle est au milieu de tout le ciel, comme dans un centre ; et que, par sa grandeur et sa distance relati vement à la sphère des étoiles fi xes, elle n’est qu’un point sans mouvement et sans déplacement. Nous allons parcourir briè vement chacune de ces assertions pour les rendre plus présentes à l’esprit.

Chapitre II : Le ciel se meut sphériquement.L’observation a sans doute suffi aux anciens pour leur donner les

premières idées sur ces objets. Ils voyaient, en effet, le soleil, la lune et les étoiles transportés d’orient en occident, dans des cercles toujours parallèles entr’eux, com mencer par se lever d’en bas, comme de terre ; et, parvenus peu à peu en haut, redescendre d’une manière semblable, s’abaisser et fi nir par disparaître comme tombant sur terre ; et, après quelque temps de disparition, se montrer de nou veau, comme se levant d’un autre point, et se couchant de même, en observant exactement les vicissitudes réglées qui ra mènent généralement et les mêmes temps et les mêmes lieux des levers et des cou chers.

La révolution circulaire des étoiles tou jours visibles, contribua le plus à l’idée de sphéricité dont on eut bientôt acquis la certitude, en voyant, surtout, que cette révolution se fait en tournant au tour d’un centre unique et