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Chapitre 3 LA PAROLE DES RESPONSABLES D’EQUIPE 122

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Chapitre 3LA PAROLE DES

RESPONSABLES D’EQUIPE

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1. LES FONCTIONS DE RESPONSABLE D’ÉQUIPE DÉFINIES PAR LE GUIDE MÉTHODOLOGIQUE DE SOLIDARCITÉ

Nous avons découpé la définition de la fonction du responsable d'équipe donnée par le guide méthodologique afin de mieux en cerner les différentes composantes. Nous les développerons au point 2.

1.1. Encadrement du groupe au quotidien"Les responsables chantier assurent l'encadrement du groupe au quotidien. Ils sont présents sur tous les chantiers et participent aux différentes formations."

Le déroulement de la semaine est prévu du lundi au vendredi - exceptionnellement le week-end - de 9 à 17 heures. La présence des volontaires n'est pas prévue le vendredi matin, moment de la réunion d'équipe.

La présence des responsables d'équipe sur les différents chantiers et aux différentes formations est prévue par le guide méthodologique pour un total d'environ 30 heures par semaine.Il reste un total de 10 heures réparti également entre les moments de réunion et les moments de logistique.

Par cette présence quotidienne, les responsables d’équipe assurent les fonctions de :

- garant du cadre- de modèle- de catalyseur de la motivation

1.1.1. Garant du cadre Solidarcité

"Ils sont également les garants du cadre Solidarcité : - non seulement d'un point de vue pratique :

- vie en groupe, - gestion de conflits, - répartition des tâches, - respect des horaires et du règlement, etc.

- mais aussi du point de vue philosophique :- logique de volontariat et de l'année citoyenne. "

1.1.2. Un modèle pour le groupe

"Par leur participation active au projet, ils sont un "modèle" pour le groupe

Bien que modèle pour le groupe, le rôle du responsable d'équipe se différencie nettement de celui des volontaires.

1.1.3. Un catalyseur de motivation

« (Par leur participation active au projet, ils) suscitent ainsi l'intérêt pour les différentes actions."

Le responsable doit motiver son équipe. Nous verrons que la question de la motivation mérite une attention particulière dans le cadre de ce projet et fait d'ailleurs l'objet d'un développement important dans le point 2.

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1.2. Au-delà de l’encadrement quotidien"Une fois l'année bien lancée, le responsable chantier doit cependant pouvoir se libérer de temps en temps des volontaires pour pouvoir se consacrer à ses autres fonctions. Dans ces moments, les jeunes se retrouvent donc seuls."

Par "autres fonctions", le guide méthodologique entend le travail concernant l'organisation et l'évaluation des chantiers ainsi que la formation et supervision des nouveaux collaborateurs.

1.2.1. L'organisation des chantiers et des formations

La présence de Simon, responsable notamment du partenariat, soulage les responsables d'une partie importante du travail en ce qui concerne les rencontres préalables avec le partenaire ainsi que l'élaboration du partenariat (définition des objectifs, moyens mis en œuvre, organisation pratique,... ).

1.2.2. Evaluation individuelle et collective des chantiers et des formations

"On le retrouve également, en collaboration avec le responsable projet, sur l'évaluation individuelle et collective des chantiers et des formations."

Nous verrons que les données ont également quelque peu changé sur ce point puisque des changements ont été initiés lors du démarrage de la troisième équipe au mois de février. Nous en reparlerons au point II.1.2.3. Formation et supervision des nouveaux collaborateurs

"Enfin, en raison de l'expansion du projet, le responsable chantier a aussi pour mission de former et de superviser au mieux ses futurs collaborateurs."

La formation et la supervision des nouveaux responsables d'équipe se font en partie par les responsables d'équipe déjà « en fonction ». Le démarrage en cours d'année de la troisième équipe a nécessité l'engagement d'une responsable d'équipe, Yannick, qui outre sa touche de féminité, apporte à l'équipe une expérience et un regard différent et complémentaire. Les trois responsables d'équipe du projet Solidarcité partagent le même souci de remplir au mieux leurs différentes missions et ne sont avares, ni de questionnements, ni de remise en question leur permettant d’affiner mutuellement leur pratique professionnelle.

2. CONTENU DONNÉ A LEURS FONCTIONS PAR LES RESPONSABLES D’ÉQUIPE

Nous n’allons pas nous lancer dans une énumération exhaustive des missions que les responsables d’équipe ont à assumer. Nous risquerions d’en oublier tant celles-ci sont nombreuses.

Nous développerons, par contre, de façon plus détaillée les missions qui requièrent, des responsables d’équipe, une énergie importante, un investissement conséquent, dans leurs missions au quotidien. Il est essentiel de souligner d’emblée que celles-ci peuvent également constituer des sources de satisfactions importantes pour les responsables d’équipe.

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Nous nous attarderons dès lors sur quelques unes des missions qui leur incombent et dont les responsables nous ont plus particulièrement parlé. Nous traiterons de la question des horaires et du règlement, de celle de la motivation, de la capacité à prendre distance et à rester objectif, de la question de l’autonomie et de la prise d’initiatives des volontaires ainsi que de la question du partenariat.

2.1. Respect des horaires et du règlement

Les responsables d'équipe veillent au respect des rendez-vous fixés aux volontaires pour démarrer les chantiers et formations. Cet aspect du travail représente une charge de travail importante pour les responsables parce que le respect des horaires n'est pas une évidence pour tous.

Le projet Solidarcité s'adresse à de jeunes adultes âgés de 17 à 25 ans. La relation que le responsable développe avec son équipe est donc bien différente de celle que pourrait établir un éducateur avec un groupe d'enfants ou d'adolescents. Le respect des horaires et par là, des rendez-vous fixés sur les lieux de chantier ou formation, ne devraient pas à priori poser problème.

Or, la réalité semble bien différente puisque - même si ce n'est pas le cas de l'ensemble des volontaires et que certain(e)s ont parfois fait preuve tout au long de leur engagement d'un zèle exceptionnel - plusieurs éprouvent des difficultés manifestes au respect des horaires. Le quart d'heure académique se transforme souvent en demi-heure voire, en retard plus conséquent.

2.1.1. Conséquences des retards ou absences :

La gestion journalière de ces "manquements" ne va pas sans poser problème dans un projet collectif et ce tant aux autres volontaires qu'à leur responsable.

Si tout retard ou absence a des implications sur le projet, ce sont en particulier les retards ou absences injustifiés et « non-prévenus » qui sont particulièrement préjudiciables parce que leur imprévisibilité les rendent difficilement gérables pour les responsables d’équipe. Les absences ou retards justifiés ont des répercussions relativement limitées sur la vie de groupe, le déroulement du programme (formation et chantier). Elles sont en principe prévisibles (sauf en cas de maladie) et le responsable peut en tenir compte dans le calendrier en prévenant par exemple à l'avance le partenaire concerné.

Les conséquences des retards et absences concernent : 1. le respect des conventions avec les partenaires,2. l’organisation des activités,3. le décalage des retardataires ou absents quant à la

contextualisation des chantiers et formations,4. la dynamique et la motivation du groupe,5. La fatigue des responsables d’équipe.

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2.1.1.1. Sur le respect des conventions avec les partenaires

Les retards et absences de certains volontaires peuvent avoir des conséquences sur le respect des conventions de partenariat. En effet, lorsque les équipes sont réduites, certains chantiers peuvent prendre du retard, d’autres peuvent devenir difficilement assumables (c’est par exemple le cas de chantiers d’animation avec des enfants ou des personnes âgées qui nécessitent la présence des volontaires pour assurer l’encadrement requis). Certains modules de formation reposent aussi sur la présence régulière de tous les volontaires et peuvent pâtir des absences ou retards de quelques-uns.

2.1.1.2. Sur l’organisation des activités

Le démarrage de certaines formations ou du module d'orientation et de détermination professionnelle de la Mission locale, requiert la présence du plus grand nombre. Il est donc dans certaines situations tout à fait impossible de démarrer à l'heure, ce qui pourrait éventuellement stimuler certain(e)s volontaires à faire un effort de ponctualité pour les prochaines fois.

2.1.1.3. Sur le décalage des retardataires ou absents quant à la contextualisation des chantiers et formations

Les responsables sont soucieux de donner sens à l'engagement volontaire des jeunes. Ce souci nécessite un rappel quasi-quotidien (dans tous les cas, en début de chantier ou de formation) du sens que revêt la formation ou le chantier, des liens à établir entre les différentes facettes et du sens de l'effort (physique ou intellectuel) qui est demandé aux jeunes.

L'arrivée au compte-goutte des jeunes empêche certain(e)s d'être présent(e)s au moment où le responsable d'équipe remet en contexte la journée dans le programme général. Si un(e) volontaire loupe systématiquement ces moments qui se situent généralement en début de journée, elle/il éprouvera des difficultés à percevoir l'intérêt de son engagement. Aux retards répétés risquent de se succéder des absences de plus en plus récurrentes entraînant un décrochage plus ou moins important du projet.

2.1.1.4. Sur la dynamique et la motivation du groupe

Ce sont bien évidemment les jeunes volontaires faisant preuve de ponctualité et de régularité qui se retrouvent le plus pénalisés par ces retards. Certains sont parfois découragés de se retrouver peu nombreux pour accomplir le travail collectif prévu pour un plus grand nombre de volontaires. D’autres ressentent une certaine injustice à respecter les contraintes horaires lorsque d’autres ne les respectent pas. Les retards et absences des uns peuvent décourager les autres à poursuivre leurs efforts de ponctualité et de présence.

2.1.1.5. Sur la fatigue des responsables d’équipe

Les absences et retards répétés et systématiques entraînent fatigue et énervement dans le chef des responsables lorsqu’ils doivent quotidiennement en assumer les conséquences et rappeler le règlement.

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2.1.2. Causes de retards ou absences

2.1.2.1. Jeunes au passé récent déstructuré

Même si cela ne concerne qu’une partie des volontaires engagés à Solidarcité, il nous semble important de signaler que pour certain(e)s volontaires, la difficulté de se lever est la seule raison de leur retard ou absence. Le parcours antérieur du volontaire avant son engagement à Solidarcité n'est pas toujours sans influence sur la difficulté rencontrée par le jeune. En effet, et pour rappel, bon nombre de volontaires ont connu une période d'inactivité - voire de glande - plus ou moins longue avant leur engagement. L'absence de contrainte horaire liée soit à l'inscription dans un processus de formation (scolaire ou autre), soit dans un engagement professionnel ne les poussait pas à se lever à une certaine heure.

Pour ces volontaires, leur présence plus ou moins régulière et "plus ou moins à heure" durant plusieurs mois constitue néanmoins un changement important et riche d'apprentissage (voir à ce propos "l'acquisition de bonnes habitudes" comme bénéfice retiré par les volontaires). Les responsables d'équipe sont conscients de l'importance de laisser du temps (temps à l'adaptation) à celles et ceux qui vivent ce "changement radical".

2.1.2.2. Jeunes aux difficultés actuelles

En outre, comme le précise la parole des volontaires, certains sont encore confrontés à des difficultés d’ordre personnel, médical, psychologique, familial, administratif qui peuvent se traduire par des retards ou des absences. Certaines de ces difficultés se justifient assez aisément. C’est le cas, par exemple des démarches

administratives. D’autres, lorsqu’elles sont de l’ordre de l’intime, sont parfois difficilement exprimables et peuvent se traduire par des absences ou retards injustifiés et imprévisibles.

2.1.2.3. Les raisons inhérentes au volontariat : un contrat moins contraignant qu’un contrat de travail ?

L'absentéisme plus ou moins important de certain(e)s volontaires pose d'une certaine façon la question de l'engagement. Le contrat qui lie les volontaires au projet est sans doute moins contraignant qu’un contrat de travail classique avec salaire à la clef.

Hormis le défraiement journalier, l’engagement volontaire ne repose sur aucun bénéfice financier. Dès lors, certains volontaires peuvent se sentir moins liés qu’ils ne le seraient par un contrat de travail classique. De même, à l’exception du brevet de secourisme et d’une attestation de participation remise à la fin du projet, une année de volontariat comme celle de Solidarcité ne délivre pas à proprement parler de diplôme qualifiant.

Au-delà de la conscience de faire œuvre utile, l’engagement repose essentiellement sur la volonté et les motivations des jeunes volontaires, ainsi que sur leur conscience de participer à une construction collective (soit le poids de leur responsabilité individuelle sur la responsabilité collective de l’équipe). De plus, leur engagement volontaire repose également sur la prise de conscience des bénéfices secondaires qu’ils peuvent retirer de cette année citoyenne.

Or, il peut arriver au cours de l’année, que cette conscience s’estompe chez certains volontaires.

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2.1.2.4. Les raisons inhérentes au projet Solidarcité

Si les absences et retards restent en définitive le propre des jeunes volontaires, les responsables d’équipe soulignent néanmoins que des raisons propres au fonctionnement même du projet Solidarcité peuvent aussi influer sur les absences et retards des volontaires. Il est en effet indéniable que la capacité à maintenir la motivation des volontaires tout au long de l’année est une dimension particulièrement importante. Nous y reviendrons plus loin.

2.1.3. Quelles attitudes adopter à l’égard des retards et des absences ?

2.1.3.1. Le règlement, son rappel et la sanction

A. Le règlement concernant les retards :

Le règlement prévoit que trois retards entraînent : une rencontre avec le coordinateur du projet, ainsi qu'une retenue du défraiement journalier.

Après cet entretien, trois nouveaux retards peuvent conduire à la rupture du contrat avec le volontaire.

B. Le règlement concernant les absences

Le règlement stipule que le volontaire ne peut s’absenter que pour des raisons extraordinaires et considère comme justifiées les absences telles que les maladies, décès et naissance dans la famille proche du volontaire ainsi que les démarches administratives exceptionnelles.

« Après une absence non justifiée par mois, le volontaire s’expose à une « remarque » de la part de l’animateur d’équipe. Si dans le courant du même mois, une nouvelle absence non justifiée est relevée, le volontaire s’expose à un éventuel « avertissement » de la part du coordinateur du projet pouvant remettre en question sa participation au projet Solidarcité. Le nombre d’absences tolérées pour les 9 mois de projet est de 40 demi-jours. Au-delà de ce nombre, la suspension de l’engagement réciproque sera prononcée. »

Il revient à chaque volontaire de signaler son absence, de prévenir son responsable d'équipe du fait qu'il ne sera pas présent ainsi que de la durée de son absence. Il s'agit du minimum pour que le responsable puisse organiser le déroulement de la journée et prévenir le partenaire de l'absence de l'un ou plusieurs volontaires.

Je pense que l’important c’est qu’il le partenaire soit toujours prévenu. Si on lui dit qu’on arrive avec 6 volontaires et bon qu’on lui a pas dit que c’était possible qu’il y en ait qui ne soient pas là, il peut peut-être avoir une mauvaise réaction et en même temps comme c’est pas justement un truc de travail, de main d’œuvre comme on disait, je pense que justement on sait qu’il y a une souplesse qui est là, et une communication aussi. Il y a pas un contrat d’engagement même si y a un engagement. On sait que l’échange est là aussi, on comprend des deux côtés que c’est pas comme ça quoi.

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Non, je ne téléphone pas. C’est eux qui doivent me téléphoner pour prévenir et que je puisse m’organiser avec les partenaires et dire « voilà, on sera que autant » et qu’on puisse s’organiser autrement.

C. L’application stricte de la règle et de la sanction est-elle envisageable ?

Les responsables expriment l'absence d'une position stricte concernant la gestion des retards. Concrètement, il n’est pas toujours possible d’appliquer strictement le règlement concernant les absences et retards et les sanctions prévues.

- Très pragmatiquement, un des risques - et non le moindre - d'une application à la lettre du règlement serait de terminer l'année de volontariat avec deux ou trois jeunes par équipe.- Dans certaines situations, l'absence d'un volontaire entraîne des répercussions importantes sur le déroulement des activités et l'engagement pris vis-à-vis des partenaires. C'est le cas notamment de l'encadrement des enfants dans les écoles dans le cadre de l'Opération Dring-Dring, animation durant laquelle chaque volontaire se rendait dans une école pour l'encadrement vélo d'un groupe d'enfants. Dans des situations comme celle-là, le responsable n’attend pas que les volontaires signalent une absence ou un retard possible. Il anticipera et téléphonera soit la veille, soit le matin pour s'assurer de la présence des volontaires.- Pour éviter que les retardataires ou absents ne "décrochent", les responsables prennent généralement du temps en individuel pour pallier aux conséquences des retards. La situation est, aux yeux des responsables d'équipe, quelque peu paradoxale puisque "les volontaires sont informés du fait que même s'ils sont en retard, on prendra le temps de leur donner quelques explications".

Par ailleurs, on peut se demander si la nature même de la sanction est propre à exercer une pression suffisante pour imposer le respect des contraintes horaires aux volontaires. On ne peut exclure que la sanction ultime que représente la rupture éventuelle du contrat soit à même de faire réfléchir les volontaires quant aux conséquences personnelles d’absences et retards répétés et injustifiés. Par contre, la sanction que représente la retenue du défraiement journalier semble bien mince. La nature même du volontariat interdit toute contrainte de type salarial et c’est sans doute heureux. La parole des volontaires montre bien que, si pour certains ce défraiement constitue une motivation importante, voire essentielle, ce n’est pas le cas pour l’ensemble des volontaires. Ce type de pression reste donc bien mince.Enfin, le propre d’un projet d’année citoyenne du type de Solidarcité est d’offrir un cadre plus souple que ne le sont le système scolaire ou l’emploi. A cet égard, une application trop stricte du règlement et de la sanction serait très discutable voire peu souhaitable, et risquerait à tout le moins de dénaturer le projet lui-même et les objectifs qu’il poursuit.

D. Nécessité d’une certaine tolérance : quelles limites ?

Certains retards ou absences sont davantage tolérés que d’autres. L'attitude des responsables d’équipe peut varier en fonction de la situation personnelle des volontaires. Ainsi, un(e) volontaire qui cumule son engagement volontaire avec un job en soirée ou avec la préparation d’une session d’examens bénéficiera d’une réaction plus clémente. Il en est de même pour celles et ceux qui ont de longs trajets à faire.

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Plus généralement, la question qui se pose est de trouver le juste milieu, l’équilibre idéal entre d’une part une certaine rigueur en vue de l’acquisition de bonnes habitudes, d’une certaine structuration, par les volontaires et d’autre part une certaine souplesse qui laisse le temps aux volontaires d’acquérir ces bonnes habitudes.

Un cadre trop rigide risquerait d’interrompre de façon trop précoce un processus de structuration qui peut, pour certain(e)s volontaires, nécessiter un temps plus important. A contrario, un cadre trop souple ne permettrait pas d’atteindre cet objectif de structuration et pourrait menacer le projet lui-même en rendant par exemple impossible la réalisation des chantiers.

Comme précisé précédemment, l'origine même du projet Solidarcité induit d’emblée une connotation sociale au projet. Il serait sans doute plus simple d’envisager le volontariat avec uniquement des jeunes qui nécessitent peu voire aucun accompagnement. Mais le projet serait tout à fait différent et serait sans aucun doute moins riche. Le difficile équilibre entre rigueur et souplesse est le propre d’un projet comme Solidarcité confronté, pour reprendre l’expression du projet français UnisCité, à la difficulté de « faire du social dans le social » ou, autrement dit, d’assurer l’accompagnement social de jeunes volontaires amenés à être acteurs dans le champ du travail social.

Dès lors, si le rappel de la règle et la sanction constituent des outils parmi d’autres, ils ne seront effectifs que dans une application qui laisse la place aux doutes et à l’erreur et associés à d’autres outils essentiels.

E. Sanction et rigueur : perspectives pour l’année prochaine

Des aménagements concernant la gestion des retards sont prévus pour l'année prochaine :

- Les responsables d'équipe n'auront plus à se soucier de la gestion quotidienne des retards en prenant un temps de discussion avec le retardataire chaque jour. Ce travail incombera davantage au coordinateur du projet. - De plus, une formalisation des règles concernant le respect des horaires se fera de façon plus systématique en début de projet. - Enfin, le quart d’heure académique ne sera plus de rigueur. Les rendez-vous seront plutôt fixés un quart d'heure avant le démarrage du chantier ou de la formation.

Les responsables d'équipe estiment que l'intervention de Benoît dans la gestion des retards les soulagera dans la gestion quotidienne de ceux-ci. De plus, ils pensent que sa position plus extérieure de coordinateur du projet Solidarcité donnera peut-être plus de poids à la discussion.

Avec nous, le volontaire peut avoir l'impression que la règle peut être négociable.

On peut se poser la question du rôle du coordinateur Sa fonction sera-t-elle juste une fonction de sanction ou s’inscrira-t-elle dans une perspective plus large de soutien individuel aux volontaires ?

2.1.3.2. Au-delà de la sanction : d’autres outils

A. Les retards et absences comme opportunité éducative

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Si les retards et absences peuvent être perçus comme sources de problèmes, ils peuvent aussi être considérés comme des opportunités éducatives.

a. Opportunité pour travailler la notion de responsabilité individuelle et collective.

Pour les responsables d’équipe, les retards et absences, ainsi que leurs conséquences, constituent autant d’occasions de débats, en individuel, en équipe, en inter-équipe et/ou avec les partenaires. Sans cette dimension, le respect des horaires pour le respect des horaires n'a aucun sens. L'interpellation des volontaires doit se faire dans le sens d'une réflexion portant sur les conséquences des retards pour l'équipe, pour le démarrage des chantiers ou des formations. Ces débats permettent dans un premier temps une sensibilisation aux notions de responsabilité et de solidarité et, dans un second temps, l’apprentissage pratique de ces notions.

Dans cette perspective, une réunion regroupant les trois équipes a été organisée dans le courant du mois de mai suite au constat posé par l'équipe éducative d'une baisse de motivation ainsi que d'une certaine généralisation et banalisation des retards et des absences. Pour les responsables, cette rencontre a eu des impacts positifs sur l'attitude des volontaires donnant lieu à une prise de conscience collective de l'importance des rendez-vous et du respect des horaires.

b. Opportunité pour travailler la maturation personnelle

Les absences et retards peuvent constituer autant d’indices du degré de motivation de chaque volontaire. Refléter au volontaire ses

absences et retards répétés offre l’occasion pour celui-ci de réfléchir et de se repositionner par rapport à ses motivations, à ses projets.

Pour certains, cette réflexion permet de se rendre compte que Solidarcité ne correspond plus à leurs attentes et ils décident alors de se retirer. Pour d’autres au contraire, cette réflexion permet de reclarifier leurs attentes et leurs perspectives et de renforcer encore leurs motivations et leur engagement.

On a trouvé un truc assez sympa qu’on a fait avec une volontaire avec laquelle je commençais vraiment à saturer il y a un mois et demi de ça, je commençais vraiment à avoir du mal et elle aussi avait du mal avec moi donc c’était tout le temps tendu. On lui a demandé de prendre une semaine pour relâcher la pression et moi, pour sur le terrain et pour elle, réfléchir pendant une semaine à ses motivations : est-ce qu’elle a vraiment envie de continuer ? Si elle ressent cette difficulté, si ça lui convient plus ou quoi ? Et elle est revenue vraiment en meilleure disposition. Enfin ça fait du bien à tout le monde et nous aussi, enfin ça m’a permis de relâcher cette pression et de rediscuter avec elle et de revoir le positif que je ne voyais plus, de fatigue…, enfin vraiment mon seuil de tolérance et de patience était atteint. Et donc j’ai trouvé que c’était une formule assez sympa, faire une semaine comme ça de réflexion ou ils peuvent, enfin voilà pendant une semaine ils sont un petit peu inactifs, ils loupent quelques trucs à la fois mais ça leur donne le temps de vraiment réfléchir, de mieux redémarrer.

Quoiqu’il en soit, le travail de réflexion suscité à l’occasion d’absences et retards récurrents doit permettre un enrichissement de la maturation personnelle.

B. Travailler sur l’éventualité de l’échec

Il semble que certain(e)s volontaires soient moins réceptifs au débat d’idées (voir dans la parole des volontaires la difficulté de se retrouver autour d’une table). Pour ceux-ci, il sera plus parlant de

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ressentir les conséquences du retard (par exemple un chantier qui n'aboutit pas) que d'entendre du "blabla".

A ce propos, les responsables d’équipes ne sont pas unanimes sur la question de savoir s’il est souhaitable de travailler sur l’éventualité de l’échec.

Le responsable d’équipe doit-il à tout prix pallier les conséquences des absences et retards ou ne pas pallier ces conséquences au risque de « laisser aller » le chantier à l’échec ?

Les avis des responsables d’équipe divergent sur ce point. Les éléments avancés en faveur de ce travail sur base de l’échec comme opportunité éducative considèrent celui-ci comme une source d’apprentissage. Si les volontaires arrivent progressivement à anticiper l’échec, ils s’organiseront pour l’éviter en mettant en place un « dispositif » visant la rencontre des objectifs fixés avec le partenaire.

Ce n’est pas à nous à combler l’absence des volontaires. Cela ne va pas nécessairement mener le projet à l’échec. C’est un peu parier sur le rapport de confiance avec les volontaires. Je sais qu’ils vont le faire, parier sur leur engagement volontaire.

Travailler sur l’éventualité de l’échec semble inenvisageable pour certains en raison notamment de la responsabilité de Solidarcité à l’égard du partenaire (et de la convention de partenariat à respecter). De plus, cette perspective de l’échec peut démotiver les volontaires présents qui payent alors les conséquences de l’absentéisme de certain( e)s.

La plupart du temps, ce sont souvent les mêmes qui sont présents. Pourquoi mener à l’échec ceux qui sont présents ? Cela me gêne un peu vis-à-vis des partenaires aussi.

C. Travailler sur la motivation

Enfin, maintenir la motivation des volontaires tout au long de l’année constitue sans doute la solution la plus adéquate au problème des absences et des retards. Cette dimension mérite d’être développée dans un point spécifique.

2.2. Question de la motivation

La parole des volontaires montre combien les motivations sont diverses, tant dans leurs degrés que dans leurs contenus, et combien elles varient et évoluent tout au long de l’engagement citoyen.

La nature même du volontariat repose en priorité sur la motivation des volontaires. Il s'agit là d'une question au centre des préoccupations des responsables d’équipe de Solidarcité. Mais il est important de souligner que cette question concerne plus largement l’ensemble de l'équipe éducative, puisque cette question est fréquemment abordée en réunion d'équipe. Par ailleurs, Simon, en tant que responsable de la mise sur pied des partenariats et de l'élaboration du calendrier, joue un rôle particulièrement important puisque le contenu et le rythme insufflé au projet sont deux dimensions fondamentales de la motivation.

La motivation des volontaires peut être soutenue par :

un travail sur la dynamique de groupe,

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un travail sur la motivation individuelle, un travail sur le contenu du projet, un travail sur le rythme de l’année, la motivation des responsables d’équipe

2.2.1. Travail sur la dynamique de groupe

Ce point est important dans la mesure où, au regard de la parole des volontaires, le groupe et la dimension collective de l’engagement volontaire constituent la raison même de leur engagement pour un certain nombre de volontaires et une motivation importante pour la grande majorité de ceux-ci.

La vie d'équipe est particulièrement importante, souvent riche et source de grandes satisfactions.

Quand on a fait l'opération thermos, quand on avait fini, quand on avait tout rangé, nous nous sommes retrouvés pour charger la voiture. On s'est tous retrouvés fatigués mais il y avait quelque chose comme ça, entre nous, tout le monde était content d'avoir... Enfin, avoir la satisfaction d'avoir fait ce qu'on venait de faire. On avait partagé quelque chose, une expérience. Il y avait cette sensation qu'on a quand on a partagé une expérience. Cela m'a marqué. Enfin quelque chose de fort comme ça.

Solidarcité vise au décloisonnement des publics, à la rencontre de jeunes aux parcours de vie parfois très différents. Le brassage des jeunes constitue, sans aucun doute, une grande richesse du projet et induit une dynamique particulière.

Oui c’est clair que ce n’est pas toujours évident mais c’est la dynamique de groupe… Je trouve qu’il y a quelque chose de magique de voir des jeunes qui ne se connaissaient pas à la base, qui ont des centres d’intérêt

pas toujours les mêmes, travailler ensemble, échanger, discuter… Cela créé une dynamique particulière dans laquelle je me laisse parfois un peu emporter. Je suis la dynamique, j’essaie d’être un peu complémentaire à cette dynamique ; oui c’est surtout ça. Bon le côté dynamique du calendrier, on touche à pas mal de choses, c’est un boulot assez varié, on découvre pas mal de choses ; ça aussi c’est très chouette. Mais en premier lieu, je mettrais la dynamique de groupe bien particulière à Solidarcité.

2.2.1.1. Difficultés rencontrées

La vie en équipe est généralement porteuse et source de richesses. La dynamique d'équipe est alors stimulante. Celle-ci connaît pourtant des hauts et des bas en fonction de différents facteurs qui peuvent relever du contenu du projet, de situations difficiles, de moments de conflits, de périodes de découragement ou de difficultés personnelles.

A. Absence de dynamique

Ce fût le cas en début d'année lorsque les deux équipes avaient passé le premier mois ensemble. Une dynamique commune aux deux équipes avait vu le jour. Ce fonctionnement n'a probablement pas facilité une dynamique propre à chaque équipe. Des aménagements ont déjà été imaginés pour la « rentrée prochaine » afin de privilégier plutôt des moments propres à l’équipe (par l’organisation d’une journée de team-building notamment).

Pour l'instant, la dynamique de mon équipe n'est pas encore trouvée parce que tout le monde est encore habitué au système du groupe entier. Cela commence à venir progressivement parce qu'ils sont plongés ensemble. Ils se voient de temps en temps avec l'autre équipe mais ils commencent à être ensemble, à faire leur vie ensemble. Les liens se développent autrement. Ce qu'il manque, c'est un moment où l'équipe

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aurait pu être seule, confronter à, faire un stratégo géant. Cela aurait permis de mieux redémarrer.

B. Dynamique négative

Le groupe peut tirer vers le haut ou vers le bas. Dans ce dernier cas de figure, le rôle du responsable d'équipe n'est pas facile. Il devra faire preuve de beaucoup de patience et prendre du temps pour la discussion pour "détricoter" ce schéma non-porteur.

Ce blocage peut être le fait d'une individualité qui décide, pour une raison ou une autre, de ne pas suivre. Les répercussions sur l'équipe peuvent être lourdes et seront fonction notamment du poids (degré d'influence) dont le jeune est capable d'user auprès de ses collègues. Ces situations peuvent être relativement fréquentes et usantes pour les responsables d'équipe.

Le côté désagréable, ce sont des schémas de comportement qui reviennent assez souvent et qui bloquent la dynamique de groupe. Par exemple, tout le monde travaille et un jeune ne veut pas travailler. Il casse la dynamique du groupe et ça, c'est le plus difficile à gérer.

C. Conflits

Des moments importants de conflits peuvent également survenir au sein des équipes. Bien qu’ils soient rares, les conflits demandent aux responsables d’équipe de faire preuve de patience, de discernement et d’énergie supplémentaire. Les conflits concernent rarement l’ensemble des volontaires. Les conflits « de personne à personne » sont généralement gérés par les volontaires en dehors des discussions d’équipe (cfr « la parole des volontaires»). Ces moments de conflits peuvent également être source de maturation pour l’équipe et les volontaires puisque leurs gestions

passent par des moments collectifs de remise en question, de questionnement et de réflexion .Les volontaires et le responsable d’équipe peuvent donc retirer certains bénéfices de ces moments conflictuels.

D. Le départ de volontaires en cours de parcours peut influer sur la dynamique d’équipe

Le départ de volontaires en cours de parcours peut être de deux types. Il peut s'agir de départ volontaire ou de situations de renvoi. Ce sont surtout ces situations qui posent questions aux responsables d'équipe ainsi qu'aux volontaires.

Ces décisions de renvoi ne tombent pas d'un coup. Généralement, elles arrivent après plusieurs moments de discussion avec le volontaire concerné. Au cours de ces discussions, le responsable d'équipe ainsi que Benoît informent le jeune qu'ils ont l'impression que le volontaire ne trouve plus d'intérêt au projet, que son engagement dans ce projet d'année citoyenne n'a plus de sens. Le volontaire est averti à plusieurs reprises et ce n'est qu'au bout de plusieurs rencontres que la décision de renvoi sera prise. Parallèlement à ces temps de discussion, le volontaire est généralement amené à prendre un temps de réflexion en se retirant temporairement du projet pour réfléchir à ses envies, ses motivations.

Le départ d'un volontaire me met assez mal à l’aise parce ce que j’ai tout le temps envie d’essayer encore, d’essayer encore, d’essayer de trouver d’autres solutions. Mais c’est vrai qu’il y a un moment où il faut savoir prendre cette position marquante parce qu’après ça devient totalement incohérent, ça passe par une oreille.

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Une situation de renvoi a suscité beaucoup d'émoi au sein de l'équipe de volontaires qui considéraient comme totalement injuste la décision prise et qui a rendu la vie du responsable (et de l’équipe) difficile pendant quelques semaines. Le renvoi du volontaire de l'autre équipe a, au contraire, engendré un sentiment de soulagement auprès de son équipe.

Ces situations de départ restent toutefois généralement "douloureuses" pour les responsables d'équipe qui, malgré les différentes tentatives, ont l'impression de vivre un échec.

Mais bon ça affecte quand même le reste du groupe et moi aussi ça me laisse pas indifférent franchement, c’est une position qui me gêne énormément enfin j’ai du mal avec ça.

2.2.1.2. Outils

A. Outils pour stimuler la dynamique

Le guide méthodologique prévoit une série d'outils (réflexion et action) pour travailler la dynamique de groupe. Il s'agit de : la semaine d'intégration et de clôture du projet, une réflexion permanente, un débriefing de la semaine lors des réunions d'évaluation, des journées de loisir durant l'année afin que le groupe puisse se

retrouver en dehors du cadre de travail, des moments de team-building

a. Semaines d’intégration et de clôture du projet

Ces moments particuliers prévus au démarrage et à la clôture de cette année citoyenne poursuivent clairement un objectif de rencontre non

seulement entre les différents volontaires et leurs équipes mais aussi avec les membres de l’équipe éducative réunis au grand complet.

Ces moments en résidentiel sont vécus comme des moments particuliers. Le caractère particulier et exceptionnel tient notamment à « l’éloignement » du milieu de vie habituel. Puisqu’à l’exception du projet international, ce sont les seuls moments prévus en résidentiel.

Les responsables d’équipe partagent l’avis des volontaires quant à l’importance de maintenir ces moments particuliers dans le calendrier. La semaine d’intégration facilite en quelque sorte le démarrage de l’année et est l’occasion de réaliser un premier chantier. La semaine de clôture est l’occasion, outre les évaluations individuelles avec les volontaires, de « marquer le coup » et de fêter la fin d’année.

b. Réflexion permanente

Ces moments de réflexion permanente sont « organisés » par le guide méthodologique sous la forme d’un débriefing quotidien. Les responsables d’équipe partagent l’avis des volontaires (cfr « la parole des volontaires ») et estiment que ces moments quotidiens ne sont pas toujours propices à la réflexion (fatigue de fin de journée notamment) et constitue en quelque sorte une « corvée » qu’ils ont décidé de ne pas maintenir systématiquement.

Toutefois, tout comme les volontaires, ils insistent sur les moments de discussion informels qui permettent de traiter de l'immédiateté d'une difficulté rencontrée et trouvent souvent davantage de sens et d’échos pour les volontaires.

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Les moments d'évaluation sont importants mais c'est vrai que ce qui se passe, c'est que systématiquement quand il y a quelque chose qui se passe, on prend le temps. S'il y a quelque chose qui se passe, on en parle. C'est plus informel. Ce temps en fin de journée n'est parfois pas nécessaire. Et puis, il y a la fatigue. Il y a des circonstances où cela ne sert même à rien de le faire. Par contre, ce sont plus des moments informels, des discussions. Oui, c'est vraiment plus informel. Ces moments d'évaluation ont un sens; c'est sûr. On n'a pas encore eu l'occasion d'en faire beaucoup malheureusement. Mais tous ceux qu'on a fait avaient un sens. Et les volontaires étaient participatifs par rapport aux évaluations. C'est un temps à part entière. On repense à ce que l'on fait, on évalue.

c. Débriefing de la semaine lors des réunions d’évaluation

Ces moments semblent constituer des outils permettant de stimuler la dynamique d’équipe dans la mesure où ils sont l’occasion de faire le bilan de la semaine et de présenter le calendrier des semaines suivantes. La découverte de nouveaux chantiers, de nouvelles formations peut, à se titre, jouer un rôle de motivation auprès des volontaires.

Ces moments sont parfois extrêmement difficiles à mener pour des raisons diverses qui tiennent tant à la fatigue qu’à l’excitation de fin de semaine, qu’à la difficulté pour les volontaires de se retrouver « assis autour d’une table ». Outre ces différents éléments, d’autres facteurs interviennent et rendent la tâche du responsable parfois très compliquée. Nous en reparlerons dans la question intitulée « Capacité à prendre distance, à rester objectif ».

d. Journées de loisirs

Outre les journées de loisirs organisées lors de la semaine de clôture ainsi que les moments de détente prévus lors des chantiers internationaux, des moments de détente, de loisirs sont imaginés afin que l’équipe de volontaires et leur responsable puisse se retrouver « en dehors du cadre de travail ».

e. Moments de team-building

Ces moments sont essentiels et permettent à l’équipe de se retrouver dans un cadre particulier, propice au travail de la dynamique et de la gestion d’équipe. Ils ont toutefois été planifiés assez tardivement pour les deux premières équipes et donneraient peut-être lieu à plus de « répercussions » s’ils étaient planifiés dans la première partie de l’année. Des adaptations sont prévues pour l’année prochaine.

f. Autres outils

Outre les outils prévus par le guide méthodologique, il semble bien que les responsables « usent » de différentes stratégies pour stimuler la dynamique de leur équipe.

Il peut s’agir d’un renvoi à la responsabilité collective ou en tout cas, de la volonté de faire prendre conscience de la responsabilité individuelle de chacun dans un fonctionnement d’équipe.

Quand j'essaie de motiver les volontaires, la responsabilité, je la reporte soit sur eux, soit sur la responsabilité qu'ils ont à l'égard de l'équipe... Ici, je me dis qu'on est tous en groupe, qu'on est tous, pas dans le même pétrin mais dans le même bain et donc s'il y'a quelqu'un qui flanche, il fait flancher les autres aussi. Je leur fais comprendre que la notion d'équipe est assez importante et que par exemple, si on fait le voyage international et qu'il y en a un qui craque ou qui fait n'importe quoi, il va mettre tout le projet de l'équipe en l'air.

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Dans certaines situations, le responsable fera usage d’une certaine forme de « chantage » pour stimuler ces troupes en leur proposant par exemple, de terminer la journée de travail avant l’heure prévue.

La manière dont les responsables veillent à organiser le travail sur le terrain contribue à certains moments à stimuler les troupes. Ils semblent privilégier une répartition des tâches par les volontaires eux-mêmes. Ils veilleront toutefois à ce que celle-ci soit égale et profitable à tous pour que chaque volontaire puisse tirer un maximum de bénéfices de chaque expérience vécue - certain(e)s ayant parfois tendance à se cantonner dans ce qu'ils connaissent, préfèrent ou dans ce qu'ils considèrent comme moins fatiguant.

B. Outils pour gérer les conflits

Comme nous l’avons vu, la vie en équipe passe inévitablement par des conflits inhérents à la vie en groupe. Les responsables d'équipe sont amenés par leur fonction à gérer ces moments parfois difficiles. Ils semblent recourir dans un premier temps au potentiel de l'équipe, aux richesses du groupe et à l'aptitude des volontaires à gérer ses conflits. Ceci n'exclut pas qu'ils puissent recourir, si la situation l'impose, à une attitude tranchante prise d'autorité.

C’est un peu plus compliqué ; disons que cela vient principalement d’eux la gestion de conflit ; moi je suis un peu un catalyseur. J’essaie de leur donner l’occasion de gérer ce conflit en créant l’espace, en donnant du temps pour qu’ils puissent le faire… Mais en général, cela vient d’eux ; je ne peux pas les forcer à avoir envie de gérer un conflit entre 2 personnes.

2.2.2. Travail sur la motivation individuelle de chaque volontaire

Le travail sur la dynamique d’équipe passe inévitablement, à certains moments, par un travail sur la motivation individuelle de chaque volontaire. Il est essentiel de préciser une nouvelle fois que celui-ci sera différent d’un volontaire à l’autre mais surtout inégal. En effet, tous ne rencontrent pas les mêmes coups de blues, les mêmes coups de déprime, les mêmes difficultés personnelles ou encore les mêmes difficultés dans la vie de groupe.

Par contre, tous les volontaires sont en demande de retours, d’encouragement, sur la manière dont se déroule leur engagement. Ils ont en tout cas, un besoin légitime, de renforcement positif pour leur permettre de se situer, pour prendre conscience des difficultés qu’ils rencontrent, de leurs points faibles et points forts ainsi que d’une mise en évidence des bénéfices qu’ils peuvent retirer de pareille expérience.

La mise en évidence de l’évolution personnelle du jeune peut se faire à différents moments mais trouvera davantage place dans les moments de rencontre en individuel. Il s’agit notamment des moments d’évaluation trimestrielle mais également de différentes occasions, plus informelles cette fois, au cours desquelles, et le responsable et le volontaire peuvent tirer profit pour, en quelque sorte, « faire le point ».

Les moments de réunion hebdomadaire avec l’ensemble des volontaires sont à priori moins propices à ce type de travail. Le responsable d’équipe pourra toutefois utiliser cet espace au renforcement individuel de l’un ou l’autre volontaire si leur évolution concerne l’ensemble de l’équipe.

2.2.3. Travail sur le contenu du projet

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Le travail sur le contenu concerne :

la diversité des formations et chantiers proposés. On sait aussi que celle-ci constitue une motivation majeure pour un grand nombre de volontaires lors de leur engagement à Solidarcité.

Le sens des formations et chantiers proposés. A la diversité s'ajoute l'importance de la remise en contexte du programme pour mieux percevoir l'utilité des formations et des chantiers, puisque cette dernière représente aussi une motivation importante aux yeux des volontaires.

2.2.3.1. Travail sur la diversité

A. La question du fil conducteur

Le lien entre les différentes facettes du calendrier n'est pas toujours perçu par les volontaires. De plus, les responsables d'équipe disent ne pas toujours avoir une connaissance suffisante des objectifs pédagogiques qui sous-tendent les chantiers et les formations rendant leur communication aux volontaires, difficile.Les équipes éprouvent alors la difficulté de voir l’articulation du calendrier comme un tout cohérent.

B. La question de l’articulation entre les formations et les chantiers

Les responsables d'équipe estiment qu'une remise en contexte du programme s’avère souvent indispensable afin que les volontaires perçoivent mieux notamment l’utilité des formations. Les bénéfices

que les jeunes pourront alors retirer de celles-ci seront alors de loin plus intéressants.

Cette remise en contexte peut se faire par le partenaire formation qui doit alors être informé des chantiers en lien avec la formation qu'il donne. Elle peut également s'envisager par la présence de Simon, responsable de l'élaboration du calendrier ou encore par le responsable d'équipe pour autant qu'il soit suffisamment informé des objectifs qui sous-tendent les chantiers et formations.

Je crois que c'est un moment qu'on doit encore retravailler. C'est vraiment ajuster les formations. Enfin que les formateurs ajustent encore plus le planning.

En général, les formations correspondent plus ou moins aux attentes des volontaires. Mais moi j’ai l’impression qu’on pourrait faire mieux au niveau du lien formation -chantier. Déjà dans le temps, soit les rapprocher parce que des fois, ben on fait un module animation donc formation, tout ce qui est technique d’animation et le chantier animation commence bien plus tard dans l’année, entre temps il y a pas mal de savoirs qui se sont érodés. Et d’un autre coté aussi quand je disais au niveau du lien formation- chantier. C’est peut-être aussi notre rôle mais ça fait encore quelque chose en plus à porter. Mais que le formateur fasse aussi le pont entre le projet qu’on a réalisé et le temps de formation. « Donc voilà ce que moi je vous apprends » entre guillemets et d’un autre coté « vous allez vous retrouver dans telles situations». Et certains chantiers avec telles conditions, y laisser déjà quelques pistes de…, pour réutiliser ce savoir. Mais quelque part c’est nous qui faisons ce lien, Pascal, moi, Yannick, on retient tout autant que les volontaires pendant les moments de formation et on essaye de voir de faire en sorte que tout est tenu en compte pendant le projet en lui-même. J’ai l’impression qu’il y aurait quelque chose de…, une dimension en plus si le formateur faisait ce pont, ce lien avec le terrain.

2.2.3.2. Travail sur le sens

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Les responsables sont garants du cadre Solidarcité d’un point de vue philosophique. A ce titre, ils rappellent régulièrement le sens et l’utilité des activités proposées au cours de cette année pour, non seulement, permettre la remise en contexte du chantier et/ou de la formation proposé dans le contexte du programme général mais surtout pour que le jeune volontaire puisse en saisir toute sa portée même isolée du contexte plus général. Il convient alors dans certaines situations de faire appel à son imagination pour établir des passerelles avec certaines situations courantes de la vie. Celles-ci seront indispensables au jeune pour « ancrer » l’expérience vécue dans son bagage mais aussi pour en tirer un maximum de bénéfices pour la suite.

A. Rappel régulier des bénéfices que les volontaires eux-mêmes peuvent retirer des chantiers et/ou formations…

Une mise en évidence régulière des bénéfices retirés au départ des expériences vécues au cours des chantiers et formations permet de mettre en évidence, outre l’utilité du service rendu à la collectivité, une dimension primordiale de ce type d’expérience. Il convient de prendre le temps régulièrement avec les volontaires pour mettre des mots sur les expériences vécues et pour en faire l’analyse. Une analyse qui doit mettre en lumière les bénéfices retirés de pareilles expériences, même si celles-ci se sont éventuellement soldées par un échec. Dans ce cas de figure, le responsable d’équipe devra user de toute sa capacité d’analyse pour retirer les bénéfices retirés en terme d’apprentissage et en faire prendre conscience aux volontaires (cfr l’échec comme opportunité éducative).

B. Valoriser l'investissement financier consenti pour les formations auprès des volontaires

L’investissement financier consenti pour certaines formations est conséquent. Les responsables d’équipe se demandent si une certaine valorisation de cet investissement financier ne pourrait pas à certains moments intervenir comme un facteur de motivation supplémentaire pour les volontaires qui prendraient alors peut-être davantage conscience de la valeur de la formation proposée et de l’intérêt pour le jeune de l’avoir suivie « tout frais payé ».

En l’absence de rémunération dans le cadre du volontariat, il s’agit en quelque sorte de traduire certains bénéfices secondaires, en particulier ceux liés aux formations, en termes financiers, afin de refléter aux volontaires que leur engagement n’est pas totalement gratuit.

2.2.4. Travail sur le rythme : Gestion du temps et de l'énergie

2.2.4.1. L’alternance des activités au cours de l’année

Le travail sur le rythme pose la question de l'alternance soit de la manière dont se succèdent les différents moments de l'année. Alternance entre chantiers physiques et chantiers dits plus "intellectuels". Alternance entre chantiers courts et chantiers plus longs. Alternance entre les chantiers et les moments de formation.

2.2.4.2. Maintenir le rythme de travail sur les chantiers

Il s'agit également d'un élément essentiel pour le déroulement d'un chantier plus long à savoir un chantier se déroulant sur plusieurs semaines. La durée du chantier est généralement planifiée en fonction de la quantité de travail à réaliser. L'impression, souvent

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fausse, d'"avoir du temps devant soi", n'incite pas nécessairement un démarrage efficace du chantier. Il est donc essentiel que le responsable impose, dès le départ, le rythme du travail pour éviter que progressivement les volontaires se démotivent, se désinvestissent "par habitude de faire à son aise". L'impression en fin de chantier de se retrouver devant une masse considérable de travail à abattre n'est certes pas bénéfique pour l'équipe à moins de considérer cette difficulté comme une opportunité éducative propre, dans un premier temps, à susciter la réflexion de l’équipe sur la nécessité de planifier le travail et de respecter un certain rythme et, dans un second temps, à produire une réaction des volontaires et leur adaptation pratique pour des chantiers ultérieurs.

Oui franchement, c'est important de mettre un certain rythme dans les chantiers, de lancer la dynamique. Si on commence trop cool, j'ai l'impression que c'est plus dur de redémarrer. J'ai le sentiment que si on ne donne pas un certain rythme, c'est plus dur d'aller plus tard dans l'année sur un projet plus conséquent et plus exigeant.

2.2.4.3. Gérer les temps morts, les imprévus de calendrier

A certains moments, le temps est en excès et conduit à une impression de temps morts.

Certaines périodes du calendrier sont par exemple annonciatrices d'un creux. C'est le cas notamment, d’après les responsables, de la reprise au mois de janvier après l'interruption des vacances.

D’autres temps creux sont davantage liés à des modifications de calendrier qui, même si elles ne sont pas fréquentes, peuvent se produire.

Pour les responsables d'équipe, ces moments creux sont difficiles à gérer, à investir, ce qui entraîne inévitablement chez les volontaires un sentiment de perdre son temps, sentiment ne contribuant guère à la motivation de l'équipe.Ces imprévus de calendrier ont été à certains moments au premier trimestre présentés comme temps de préparation pour le projet international et, plus largement, comme des moments « libérés » pour les initiatives de volontaires. Inutile de préciser que pour les volontaires éprouvant des difficultés à prendre des initiatives, ces moments généralement peu cadrés, parce qu'improvisés, n'ont pas vraiment été productifs (voir plus loin question de l’autonomie).

2.2.5. La motivation des responsables d'équipe

L'encadrement de ces jeunes volontaires nécessite que les responsables d'équipe soient eux-mêmes extrêmement motivés. On ressent, tant dans leur discours que dans leurs actes, une motivation importante chez Yannick, Khalid et Pascal. Celle-ci semble être renforcée par la nature même du projet.

Ce qui m'a séduit, c'est le constat duquel part le projet et auquel je crois. J'apprécie énormément cette notion d'engagement volontaire; pour moi, c'est une donnée hyper importante. Cette notion d'engagement volontaire m'a semblé juste et m'a séduit. Des valeurs que je défends et auxquelles j'adhère. Cela m'a séduit de m'impliquer dans un projet qui me rencontrait...

2.2.5.1. Motivations à s’engager dans un tel projet

Outre l'engagement volontaire qui constitue manifestement aux yeux de ces travailleurs sociaux une excellente base de travail, les responsables d'équipe ont également été séduits par :

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- l'envie de développer des projets en partenariat- l'envie de travailler avec un public de jeunes adultes volontaires- la diversité du contenu du projet Solidarcité- un projet collectif laissant place à l'individualité- la connaissance antérieure du projet en tant que volontaire ou stagiaire- les valeurs défendues par Solidarcité- un projet ouvert sur le monde- une expérience de décloisonnement- etc.

Le fait de se rendre utile, d'utiliser son temps de façon constructive. La vie d'équipe aussi très enrichissante vu qu'on venait de quartiers différents, qu'on avait des mentalités et conceptions assez différentes. Quelque part, c'est une école de la vie dans le sens où l'on côtoie des gens différents et l'on apprend à gérer ces différences parce que, de temps en temps, il y a des conflits. De temps en temps, il y a des frustrations. On prend conscience de sa place dans un groupe. Ce sont tous des éléments qui apportent énormément d'un point de vue personnel, en terme de confiance en soi, de connaissance de soi. Il y a aussi le fait qu'il y a une ouverture au monde.

(Khalid, responsable d’équipe s’exprimant en tant qu’ancien volontaire)

2.2.5.2. Motivations «au quotidien»

Bien qu'elle constitue un moteur essentiel à ce type d'engagement professionnel, la motivation des responsables d'équipe a forcément varié tout au long de l'année. Les périodes de grande satisfaction ont bien évidemment alterné avec des périodes de questionnement ou de doute n'entraînant toutefois visiblement jamais une remise en question fondamentale de leur engagement.

A. Le travail avec les volontaires

Le travail avec les volontaires, via le travail d’équipe, constitue une motivation importante dans le chef des responsables.

La notion d’équipe est très importante ; je l’ai dit tout à l’heure que c’est la dynamique de groupe qui me permettait d’être là le matin. Je pense que pour la plupart des volontaires, c’est aussi cet aspect là qui est parlant ; il y a une dynamique bien particulière, un esprit d’équipe qui se construit… Je ne sais pas comment expliquer mais c’est plus cela qui fait venir que le programme que l’on propose même s’il paraît attrayant...

La notion de groupe est primordiale. Son processus est évolutif, en construction permanente ; une construction collective dans laquelle le responsable d’équipe fait en quelque sorte office de chef d’orchestre. Il doit donc en quelque sorte en assumer les difficultés rencontrées mais peut également jouir des moments de grande satisfaction.

Ces derniers temps, c’est vraiment le bonheur avec mon équipe. Autant pendant une période, c’était assez difficile… Là, il y a quelque chose qui marche vraiment bien pour le moment. Je ne saurais pas expliquer mais c’est le bonheur de voir, de comparer le début, de voir un peu l’évolutionLe côté super positif, c’est ce que je suis en train de vivre pour le moment dans l’évolution du groupe. Le côté positif, c’est de voir les volontaires malgré parfois un parcours un peu difficile, chaotique qu’on a eu ensemble, d’avoir des retours positifs. Enfin ce n’est pas toujours le genre de discours qu’ils mettent en avant. Ils soulignent plutôt quand cela va mal, quand je suis chiant ou ce genre de choses mais voilà, cela me fait plaisir d’entendre ce genre de choses, que finalement ça leur a apporté quelque chose et que j’ai pu être utile..

L’évolution de l’équipe ne fait pas perdre de vue au responsable l’évolution individuelle des jeunes volontaires qui peut être également, à certains moments, source de grandes satisfactions.

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La dimension collective est importante mais l’individuel aussi parce qu’après, ils ne seront plus en équipe, ils seront tout seul. Je les aiderais volontiers pour le projet personnel si je le peux. Tout le monde met une partie de sa personne à l’œuvre commune donc il faut quand même prendre en compte la personnalité.

B. L’épanouissement personnel et professionnel

Les responsables d’équipe trouvent un certain épanouissement dans leur travail lié, d’une part à la découverte de pratiques sociales novatrices, loin parfois de ce qu’ils ont pu apprendre « sur les bancs de l’école ». D’autre part, les responsables sont heureux d’apprendre, de découvrir de nouvelles choses qui leur permettront d’enrichir leur pratique professionnelle tout en restant fidèles à leurs valeurs personnelles.

Maintenant, je vois d’autres choses même dans ma manière de travailler. Je vois les choses autrement. Le métier d’éducateur est un métier ouvert mais lors de ma formation, on ne nous a pas montré qu’il était possible de travailler avec d’autres personnes en partenariat, qu’on pouvait aboutir à quelque chose sans que cela coûte des millions. Solidarcité est un projet avec de petits moyens et pourtant, il me semble que l’on peut aboutir à de grandes choses. Cela m’a vraiment fait changer d’optique dans mon travail.

Au niveau personnel, j’apprends tous les jours. Il y a des formations qui m’intéressent plus que d’autres, comme tout le monde. C’est vrai, cela m’apprend pas mal de choses.

J’ai l’impression que je suis moi. Je peux vraiment être moi dans mon rôle, dans mes responsabilités. C’est très épanouissant.

C. Le travail au sein de l’équipe éducative de Solidarcité Le travail au sein de l’équipe éducative de Solidarcité s’organise sur le mode de la complémentarité et de la confiance.

Travailler ensemble pour atteindre le même but. Je pense que c’est la meilleure solution pour faire des choses bien. Je trouve que l’on a une grande liberté de travail.

Les responsables estiment que la répartition des rôles et fonctions de chacun est dans l’ensemble satisfaisante et permet un travail d’équipe sur le mode de la complémentarité.

Chacun a son rôle et peut avoir son fonctionnement. Je pense que nous sommes en accord par rapport au fond, aux valeurs. A partir de là, chacun a un rôle à jouer. Il y a une bonne coopération, une ambiance qui est saine et qui porte à l’épanouissement de chacun.

Ils soulignent l’existence occasionnelle de petits malentendus mais qui semblent davantage liés à une existence relativement jeune du projet.

Les rôles sont assez clairs. Je dirais qu’il y a encore quelques malentendus. C’est un projet qui est assez jeune mais d’année en année, on sent que cela se fortifie, qu’on a un peu plus d’expérience et que l’on réagit en fonction de cette expérience.

Le fonctionnement est démocratique. Les responsables d’équipe se disent « écoutés », « entendus », ont droit à la parole. De plus, les décisions prises sont généralement le résultat d’une construction collective.

En équipe, tout le monde donne son avis. On argumente, on négocie et on aboutit à quelque chose que lorsqu’on est sûr que cela vaut la peine. On a chacun droit à la parole. Ce n’est pas parce que nous sommes sur le

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terrain que nous ne sommes pas au courant du calendrier, que l’on ne peut pas donner notre avis sur tel ou tel partenariat.

Ce cadre de travail encourageant la prise d’initiative – le droit à l’erreur étant permis – est favorable à l’émergence de questionnements et de remises en question. Ces périodes de questionnement ont été mises à profit par l'équipe éducative pour s'interroger sur différents aspects de leur travail mais également pour formuler une série de demandes dont nous reparlerons plus loin.

2.3. La capacité à prendre distance, à rester objectif

La capacité à prendre distance est une dimension importante du travail social en général et peut-être particulièrement à Solidarcité. La capacité des responsables d’équipe à garder une certaine distance vis-à-vis des volontaires et des activités permet :

de garder une certaine objectivité à l’égard des volontaires, de garantir un rôle de référent (de modèle) et de pouvoir renvoyer continuellement aux volontaires une image de leur évolution dans le projet ;

de garder une certaine lucidité à l’égard de la dynamique de groupe et de l’animation de ce dernier ;

de garder une certaine objectivité dans les moments d’évaluation ;

de garder une capacité d’innovation ; de pouvoir remplir les fonctions connexes telles que

l’organisation des chantiers, les relations avec les partenaires, de se tenir au courant des tenants et aboutissants des partenariats et plus largement des enjeux de société ;

de se ressourcer, d’éviter l’essoufflement et de nourrir leur propre motivation.

Si la capacité de prendre distance est nécessaire, elle est parfois concrètement difficile à maintenir en raison :

de la proximité avec les volontaires induite par l’encadrement quotidien du groupe,

du sentiment d’être trop pris dans les activités et les contraintes temporelles,

de la multiplicité des fonctions que les responsables ont à assumer.

2.3.1. Capacité de garder une distance et relation privilégiée avec les volontaires

Sans vraiment pouvoir parler de paradoxe, il semble important, dans le cadre d’un projet comme Solidarcité, de maintenir une relation privilégiée, continue et quotidienne avec les volontaires tout en garantissant une certaine distance. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un paradoxe, mais d’un équilibre plus ou moins précaire à garantir.

Les responsables d'équipe ont cheminé avec leur équipe durant 9 mois (5 mois pour la troisième équipe). Leur présence quotidienne aux côtés des volontaires crée naturellement une relation privilégiée avec les jeunes volontaires. Celle-ci peut être agréable à vivre et source de grandes satisfactions. Dans certaines situations exceptionnelles, cette relation privilégiée pourra être vécue comme difficile par le responsable d'équipe.

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Toujours est-il que le fait de partager ces différentes expériences parfois inoubliables, parfois conflictuelles, amène le responsable et les volontaires à développer une relation spécifique. Un "code" propre à l'équipe va s'établir. Les volontaires vont progressivement découvrir les différentes facettes de leur responsable, mettant en quelque sorte à nu, ses compétences mais aussi ses limites.

Cette relation privilégiée constitue un atout pour le travail des responsables d’équipe avec les volontaires. Toutefois, celle-ci peut parfois se traduire par un certain manque d’objectivité à l’égard des volontaires.

2.3.2. Capacité de garder une distance et les contraintes temporelles

C'est dans la gestion du temps et de l'énergie... C'est vraiment pour moi le truc par excellence qu'il faut arriver à régler. C'est de pouvoir vraiment suivre cette conviction jusqu'au bout et de vraiment pouvoir, au bout d'un moment, ne pas être usé. Parce qu'ici, c'est la fin de l'année et je vois que la qualité n'est pas toujours pareille. C'est un peu dommage...

Si certaines périodes (plus rares) sont caractérisées par le creux, d’autres au contraire sont caractérisées par un trop plein d’activités. Le calendrier est chargé et les tâches à assumer sont multiples. Les responsables d'équipe évoquent souvent la question du temps comme une donnée faisant défaut. Qu'il s'agisse de la mise sur pied de partenariats ou encore des moments de préparation, leur discours semble aller souvent dans le même sens.

Mais sinon ça devient de plus en plus rare qu’on se charge de partenariat ou qu’on propose des chantiers ou des projets qui nous tiennent à cœur nous en tant que responsable d’équipe ou au contraire avec l’équipe, tous ensemble « ben tiens il y a tel projet ». Et le temps manque…Oui c’est principalement le temps.

Je n’ai pas envie de dire n’importe quoi et d’avoir une vision déformée mais on n'a pas beaucoup de temps de préparation à part quand c’est de l’animation, mais sinon chantier peinture, chantier vidéo, tous les moments de formation aucun temps de préparation alors que c’est quand même…

Cette impression de courir derrière le temps entraîne inévitablement fatigue et sentiment d'épuisement. Les responsables d’équipe semblent toutefois conscients qu'une meilleure gestion du temps et de leur énergie, non seulement les soulageraient dans leur gestion quotidienne, mais semble la seule possibilité de fonctionner dans la durée.

Cela nous prend tellement fort que l'on a du mal à gérer notre investissement. J'ai cette crainte et cela m'est déjà arrivé que cela se retourne contre nous. On est tellement fatigué que cela commence à devenir lourd. Ce n'est pas durable comme ça, ce n'est pas durable. Ici, toutes les réflexions que l'on a maintenant, c'est justement pour arriver à un truc qu'on gère mieux. Je crois que je ne peux pas me dire que je n'y crois pas dans le sens où quand je vois le début et quand je vois maintenant les volontaires, il y a une évolution assez flagrante. C'est assez concret, visible. Donc je me dis que voilà cela vaut la peine de le faire.

Le manque de recul est parfois embêtant. On doit toujours faire beaucoup de chose en même temps. Ne pas avoir assez de temps pour un recul même global. Cela me pose des questions par rapport à l'objectivité que je dois avoir. Avoir un peu de temps pour m'enrichir et enrichir donc le fonctionnement sinon au bout d'un moment... De pouvoir amener des choses et je crois que c'est difficile d'amener des choses quand on est en train de faire trop de choses. Il faut toujours avoir le temps.

En raison même de la diversité des missions ainsi que de la nature même de l'encadrement, la gestion du temps ne semble pas toujours chose aisée pour les responsables d'équipe.

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La question qui se pose ici de savoir comment gérer au mieux son énergie? Comment éviter de s'éparpiller au risque de "se perdre"? Comment cerner ce qui est essentiel pour laisser un moment de côté ce qui l'est moins?

Pour l'an prochain, il faut qu'on réfléchisse au temps dont on a besoin pour mettre en place des outils. C'est une question d'espace/temps. Cela nécessite un temps que l'on n'a vraiment pas.

2.3.3. La multiplicité des fonctions à assumer

Nous avons vu que la diversité des fonctions des responsables d'équipe est importante. Bien qu'elle constitue une motivation importante et soit généralement source de satisfaction dans le travail, les responsables la considèrent également comme une source importante de fatigue.

La multiplicité des fonctions que nous avons a assumer me motive énormément. C'est génial mais cela me fatigue énormément.

Mais oui il y a cette diversité. Elle est bien présente, limite il y a des fois où c’est dur à gérer de passer d’un projet animation dans un home à un autre projet organisation d’une soirée et en même temps garder à l’œil qu’on va faire un chantier international et il y a des préparatifs inhérents à ça. S’il y a cette diversité, c’est clairement…limite ça donne un coté très dynamique, tout le temps prévoir quelque chose, enfin presque pas de temps mort, enfin c’est…

De façon isolée, les différentes missions relevant de leur fonction apparaissent comme très stimulantes, motivantes. C'est leur articulation qui est parfois difficile à gérer et entraîne, à certains moments, une impression d'épuisement, en tout cas une surcharge de travail.

C'est vraiment la combinaison de tout (gestion des conflits, gestion du matériel, partenaire, accompagnement individuel, etc.) qui est épuisant à assumer alors que soi-même, on a parfois eu du mal à se lever.

Les responsables d'équipe ont parfois l'impression de se situer au centre d'un triangle à trois pôles. Ils sont amenés à jongler avec les exigences des partenaires, les exigences des volontaires et leurs exigences personnelles. Tout l'art du "bon responsable" consisterait à trouver un juste équilibre entre ces différentes exigences.

On est au centre de pas mal d'exigences. C'est cela qui est fatiguant aussi.

En tant que chef d’équipe…mais d’une part il y a les exigences du partenaire, d’autre part les exigences de Solidarcité : par exemple, le dernier jour ranger le matériel, les exigences c’est les volontaires, il faut faire en fonction de comment ils travaillent, plus les exigences personnelles je veux que le travail soit bien fait, alors sur un chantier où ça se passe pas très bien, où les volontaires ne veulent pas y mettre du leur parce que le partenaire n’est pas très sympathique, alors on se retrouve à être derrière et à tout rattraper et ça c’est pas quelque chose que je vais aimer parce que c’est moi qui vais rattraper à la fin parce que ça n’aura pas été fait de bon cœur. Ces quatre exigences sont parfois un peu dures à gérer et il faut tout équilibrer pour que tout le monde soit satisfait. Sur trois chantiers, deux étaient bien, un moins bien dont je n’étais pas content. Mais au niveau du partenaire, c’était un peu dur.

Tributaires d’une série d’exigences et de la multiplicité des fonctions à assumer – le tout étant générateur et source de fatigue importante – les responsables se retrouvent parfois dans des situations où ils éprouvent parfois d’importantes difficultés à rester objectifs et à prendre distance.

2.3.4. La difficulté de garder une certaine distance et une certaine objectivité et ses conséquences sur les moments d’évaluation et le chantier international

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La fatigue découlant des difficultés quotidiennes rencontrées ainsi que la multiplicité des fonctions à gérer entraînent un manque de recul par rapport à la pratique. La difficulté à poser un regard critique sur l'expérience vécue est ressentie de façon assez importante par les responsables d’équipe : lors des moments d'évaluation qu'ils ont avec leur équipe, mais aussi dans des moments plus intenses tels que les chantiers

internationaux.

2.3.4.1. Difficulté de mettre à profit les temps d'évaluation

Le fait d'être plongé avec les volontaires dans un calendrier relativement chargé ainsi que d'assumer les différents "à-côtés" de la gestion immédiate du projet et le sentiment d’être « pris » dans les activités ne favorisent pas toujours la possibilité de poser un regard objectif sur le déroulement de la semaine, des chantiers et formations, les éventuels conflits ou difficultés rencontrées avec les partenaires.

Je me rends compte que mes évaluations ne sont pas optimales parce que je suis en plein dedans.

Les responsables d'équipe, toujours dans un souci de parfaire leur pratique, se montrent désireux d'alimenter les évaluations, de réflexions extérieures afin d'enrichir le contenu des discussions et de pouvoir rebondir sur certaines difficultés devenues récurrentes et finalement les transformer en richesse.

J'éprouve parfois des difficultés à rester objective, à amener une dimension extérieure indispensable. Je me sens alors frustrée de ne pas avoir un esprit dégagé qui me permet d'apporter cette objectivité.

Ces moments d'évaluation de fin de semaine sont considérés comme essentiels par les responsables d'équipe même si parfois ils les redoutent.

Le pire de toute façon, ce sont les moments d'évaluation. Par exemple, vendredi soir, ils étaient assez agités. C'est en fin de journée, ils doivent faire l'évaluation de la semaine, ils veulent partir. C'est toujours un moment... Je ne sais pas si cela vient d'eux ou de moi, de nous.

Ces moments programmés trouvent notamment leur richesse dans le recul que peuvent prendre tant les volontaires que le responsable par rapport au déroulement de la semaine leur permettant, à priori, de poser un regard critique. Cependant, lorsque la fatigue de la semaine est trop importante, il faudra que le responsable d'équipe puisse faire preuve de beaucoup de subtilités pour rendre ces moments d'évaluation le plus profitable.

2.3.4.2. Le chantier international : une expérience intense

Le chantier international est particulièrement représentatif de la difficulté à prendre du recul du fait de la gestion globale d’un projet sous toutes ses facettes et de la coexistence permanente et s’inscrivant dans la durée avec les volontaires.

Lors des chantiers internationaux, les responsables d'équipe se retrouvent seuls avec leur équipe pour une expérience s'inscrivant dans la durée - une semaine pour le projet avec le partenaire français d'UnisCité à presque trois pour le projet au Sénégal.

Les responsables sont alors chargés de la gestion du projet sous toutes ces facettes. Du transport en camionnette pour certains, à la vie en commun (logement et vie quotidienne dans un espace confiné) pour plusieurs jours. Cette vie en commun, au jour le jour, permet

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tant aux volontaires qu'aux responsables de découvrir leurs collègues sous un autre angle et permet de relativiser une série de petites difficultés vécues par l'équipe et en tout cas de poser un regard différent sur les évènements. Toutefois, cette proximité, qui se transforme en véritable promiscuité à certains moments, ne facilite pas vraiment le recul nécessaire pour juger de l'expérience et de poser un regard suffisamment critique.

Ce n'est pas toujours mal non plus d'arriver à laisser passer certaines choses plutôt que de ne rien laisser passer, à faire attention à tout. Mais c'est vrai que les petites fois où j'ai réussi à me ressourcer, pendant 20 minutes à analyser... Vu l'effet que cela avait donné, tout d'un coup on a vraiment discuté de ce qui c'était passé et paf on était reparti. Cela m’a montré l'importance d'avoir la tête claire. .Au niveau de ce que je pouvais apporter en terme de motivation, c'est clair que j'avais parfois du mal à avoir assez d'énergie à certains moments pour être motivée, pour donner une énergie. J'avais la sensation de ne pas avoir les moyens de tenir mon rôle. Dans ce sens là, c'est embêtant parce que j'y tiens, j'ai envie de bien faire ce que je fais.

Bien que l'expérience soit riche et particulièrement bénéfique pour l'ensemble des volontaires et les responsables, ces derniers émettent quelques réticences à se relancer dans pareille aventure aux mêmes conditions. Ces remarques sont entendues en réunion d'équipe et permettent progressivement d'affiner le projet éducatif tout en tenant compte de certaines contraintes.

On adapte pour l'année prochaine suite à des réflexions de cette année-ci. Comme par exemple le chantier international, on a tiré les fruits de l'expérience en disant "voilà, pour l'année prochaine, il y a des choses qu'il faut impérativement faire et ne pas faire" et puis ce sera encore pareil l'année prochaine, on réadaptera.

2.3.5. Les outils et perspectives envisageables

2.3.5.1. Par rapport à la proximité avec les volontaires

A. La question du switch

La question de la tournante des responsables a déjà été amenée lors de réflexions en réunion d'équipe. Par "switch", nous entendons la rotation des responsables d'équipe au niveau des différentes équipes de volontaires. L'intérêt que présente cette question est de travailler la faculté d'adaptation et ce tant dans le chef des volontaires que des responsables.

Switcher les responsables d'équipe? Cela pourrait être intéressant. Cela pourrait amener autre chose. L'habitude s'installe. On découvre les volontaires autrement. Ils découvrent une autre manière de voir.

Cette question n’obtient toutefois pas l'unanimité au sein de l'équipe de responsables.

C'est un peu compliqué. Il y a un code qui s'est progressivement établi. On y perd en lien privilégié et en confiance.

Par rapport au switch moi je trouve ça compliqué, déjà parce qu’il y a une relation de confiance du responsable vis-à-vis des volontaires, on commence à les connaître et même moi avant dans mon groupe avant que certaines remarques puissent passer ou certaines de mes attitudes puissent passer ou inversement que moi je puisse totalement tolérer les volontaires comme ils sont…, ben il faut quand même avoir fait du chemin ensemble pendant un petit temps et apprendre à se connaître. Alors comme ça débarquer dans un autre type de fonctionnement, des personnes de l’équipe de Pascal viennent chez moi et j’ai un autre mode de fonctionnement et une autre façon de réagir. Enfin il y aurait un décalage, j’ai l’impression et inversement, des personnes de mon groupe qui tombent dans l’équipe de Pascal il y a des trucs que je pense qu’ils vivraient assez mal.

Cette expérience a été menée d'une certaine façon lors de la réalisation des chantiers internationaux durant lesquels certain(e)s

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volontaires ont intégré une autre équipe. L'expérience ne fut pas inintéressante mais démontre effectivement qu'il n'est pas nécessairement aisé pour un volontaire de s'adapter à un fonctionnement différent.

Les responsables se montrent plus réticents quant à une éventuelle tournante au sein des équipes de volontaires, le risque étant de mettre en péril un cheminement d'équipe s'inscrivant dans la durée.

Cela fait tout de même depuis la mi-novembre que F.; est là. Il a tout de même fallu trois à quatre mois de parcours ensemble pour qu'il se fasse accepter et intégrer et que lui s'ouvre et se laisse "toucher" par le reste de l'équipe.

B. Question de la capacité de triangulation

La question de la capacité de triangulation peut être envisagée comme une piste permettant aux responsables d’équipe de maintenir une certaine distance avec le quotidien. La faculté dont dispose les responsables pour garder la plus grande objectivité dans leur pratique professionnelle pourrait reposer, en partie, sur la capacité de triangulation dont ils disposent.

Par capacité de triangulation, nous entendons la possibilité, pour les responsables d’équipe, de faire appel à une personne extérieure à certains moments clefs.Il s’agit, non seulement, des moments d’échanges formalisés avec les volontaires (réunions d’équipe et évaluation du partenariat) mais également de la présence d’une tierce personne sur les chantiers (lors de leur démarrage essentiellement).

a. Présence d’une personne extérieure lors des moments d’échanges formalisés

La présence d’une personne extérieure dans ces moments d’échanges formalisés permettrait de garantir une plus grande objectivité dans les relations avec les volontaires et dans les évaluations.

- Réunions hebdomadaires avec les volontaires

La présence d’une personne extérieure à l’équipe lors des moments de réunion constitue une première piste de réflexion même si nous sommes conscients de l’importance de la mobilisation humaine que requière pareil fonctionnement.

La présence d’une personne extérieure à l’équipe mais faisant partie intégrante du projet Solidarcité permettrait de mettre un peu de distance entre les volontaires et le responsable mais surtout de relativiser l’expérience vécue pour en retirer les plus riches enseignements. Ces moments pourraient être de plus courte durée soit une utilisation optimale du temps pour un meilleur « rendement » des volontaires, ce qui se traduirait notamment par une faculté de concentration plus importante.

- Evaluations avec les partenaires

A propos des évaluations, différents aménagements (lors du démarrage de la troisième équipe) ont été réalisés suite aux difficultés rencontrées par les deux premières équipes. Un de ces aménagements consiste notamment en la présence de Simon lors des évaluations avec les partenaires. Il faudrait voir, dans quelle mesure, il est possible de généraliser sa présence lors des évaluations avec les deux autres équipes.

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La présence de Simon permet d'avoir ce regard extérieur et semble assez logique dans la mesure où, ayant mis le partenariat en place, il a l'occasion de voir comment il a abouti.

b. Présence d’une tierce personne sur les chantiers

Les responsables d’équipe ont manifesté le souhait d’une plus grande présence de leurs collègues sur certains chantiers. Cette présence leur permettrait non seulement, de prendre du temps pour souffler mais aussi et surtout, d’avoir un regard critique sur leur pratique. Un regard plus distancié devant leur permettre d’évoluer dans leur pratique.

De plus, la disponibilité des partenaires connaît certaines limites. De plus, le lien entre les formations suivies, préparant les jeunes aux chantiers n’est pas toujours facilement perçu. Mais c’est surtout la « transposition » des acquis des formations sur les lieux de chantiers qui ne constitue pas toujours une évidence pour les volontaires qui éprouvent parfois quelques difficultés à les mettre en application.

La présence d’une personne extérieure à l’équipe mais aussi au partenaire, nous pensons éventuellement à d’anciens professionnels à la retraite, pourrait apporter bénévolement une dimension supplémentaire à la formation des volontaires et par là, optimaliser les bénéfices que les jeunes pourraient retirer de l’expérience vécue. De plus, et ce n’est pas le moindre, la présence d’une tierce personne, permettrait aux responsables d’équipe, de prendre un peu de recul par rapport au chantier proprement dit (son déroulement sous toutes ses formes) pour se consacrer davantage à la gestion de son équipe sous toutes ses facettes (motivation, gestion des éventuelles difficultés, des conflits, disponibilité plus grande pour

répondre aux questions des volontaires ou aux difficultés personnelles qu’ils rencontrent).

Cette piste n’est pas nécessairement facile à mettre sur pied mais permettrait également de nourrir ce projet d’année citoyenne d’une dimension supplémentaire soit de la rencontre inter-générationnelle dans sa facette apprentissage. De plus, comme le mentionne un responsable d’équipe, le temps que Solidarcité devrait consacrer à la recherche de ces bénévoles serait relativement conséquent dans la mesure où le projet n’est pas encore fort connu. Une plus grande connaissance du projet à l’extérieur permettrait peut-être à des anciens professionnels et de proposer spontanément leurs services dans un cadre bénévole.

C’est vrai que si Solidarcité était plus reconnu, ce serait plus facile de trouver des professionnels qui seraient d’accord de passer une ou deux matinées à apprendre aux jeunes. Il y a un créneau qu’on n’a pas exploité. Ce serait de rechercher des pensionnés, de professions diverses qui seraient d’accord d’apprendre aux jeunes, de transmettre leurs connaissances. Je suis certain qu’il y aurait plein de monde qui serait intéressé par un tel projet.

2.3.5.2. Par rapport à la possibilité d’extériorité

A. Besoin de questionner sa pratique professionnelle

Nous avons pu constater, tout au long de ce projet de recherche-action, l’intérêt manifesté par les responsables d’équipe de questionner leur pratique professionnelle, de tirer les enseignements des expériences vécues, de parfaire leurs outils et d’en tester de nouveaux, d’échanger leurs expériences pour nourrir celles des autres, de partager les difficultés rencontrées, non pas pour se

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lamenter sur leur propre sort, mais au contraire pour enrichir les pratiques futures.

Le travail de supervision récemment mis en place offre un espace de réflexion précieux pour l’ensemble de l’équipe éducative et permet très certainement aux responsables d’équipe de questionner et de se questionner sur leur pratique professionnelle.

B. Besoin de se former

Les responsables ont précisé à de nombreuses reprises qu'il est essentiel de tenir compte de leur fatigue ou éventuelle démotivation comme éléments ayant forcément un impact sur la motivation de leur équipe. Plusieurs facteurs interagissent donc et il semble essentiel de trouver un bon équilibre qui prend en compte ses différentes réalités (celles qui viennent des volontaires et celles qui viennent des responsables d'équipe) plutôt que de se limiter à une application stricte du règlement.Conscients de leurs limites, les responsables d’équipe expriment le désir de se former. Ces souhaits de formation ne sont forcément pas identiques pour les trois responsables d’équipe puisqu’ils varient notamment en fonction de leur formation préalable. Toutefois, ils semblent unanimement désireux de disposer de plus d’outils leur permettant de travailler sur la dynamique d’équipe.

La motivation, cela se communique énormément. Je suis encore en recherche. Je compte me former pour travailler de façon pertinente sur cette motivation. Comment la relancer ? Comment la susciter ? Je n’ai pas beaucoup d’expériences, d’outils à ce niveau.

Le désir d’acquérir de nouveaux outils va de pair avec le désir de pouvoir prendre distance, de pouvoir prendre du recul dans leur

pratique professionnelle, dimension essentielle de leur travail de responsable d’équipe.

C. Besoin de se ressourcer

Les responsables manifestent le besoin de se ressourcer à certaines périodes au cours des neufs mois prévus avec les volontaires. Avoir la possibilité de prendre quelques jours de congé à certaines périodes du calendrier permettrait peut-être de garantir un travail plus efficient tout au long de l’année , la fatigue tant morale que physique constituant, en quelque sorte, un frein à un rendement optimal.

Le coté désagréable du travail en tant que responsable d'équipe, c’est que c’est épuisant vraiment, ben j’essaye, comment dire, de sensibiliser de plus en plus l’importance de faire une pause, je sais pas Carnaval, Pâques ou quoi, que nous aussi on ait une semaine, parce que même à Noël on a eu deux jours Pascal et moi et ça commence à vraiment être très très dur physiquement.

La possibilité de libérer les responsables d’équipe de leur charge d’encadrement quotidien n’est envisageable qu’à la seule condition de travailler sur la capacité des équipes à se prendre en charge.

D. Plus grande disponibilité horaire par une plus grande autonomie des équipes

Le guide méthodologique prévoit que le responsable puisse à certains moments laisser les volontaires seuls pour se consacrer à ses autres missions. La possibilité de dégager du temps de l’encadrement quotidien de l’équipe doit être planifiée, afin qu’elle puisse d’une part être la plus profitable possible aux volontaires (en terme d’une autonomie accrue pour eux) et d’autre part, permettre aux

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responsables de se consacrer « l’esprit dégagé » des préoccupations quotidiennes à leurs autres fonctions.

Cette question de l’autonomie et de la capacité des volontaires à prendre des initiatives fait d’ailleurs l’objet du point suivant.

2.4. Autonomie et prise d'initiatives

Un des objectifs poursuivis par le projet Solidarcité est de promouvoir l’autonomie et la prise d’initiative des volontaires dans l’optique d’encourager les jeunes volontaires à passer de la position de « sujet d’action sociale » à celle «d’acteur».

2.4.1. Les possibilités offertes

La possibilité de prendre des initiatives existe à Solidarcité sous différentes formes. Il s’agit de : La possibilité d’initier des chantiers et/ou formations et de

prendre une part active dans la préparation de ceux-ci, le relais volontaire, les volontaires seuls sur les chantiers

2.4.1.1. Possibilité d’initier des chantiers et/ou formations et de prendre une part active dans la préparation de ceux-ci.

Le guide méthodologique prévoit la possibilité pour les volontaires d'initier individuellement ou collectivement un chantier et/ou une formation. Les propositions en terme d’organisation de journées pédagogiques et/ou de la suggestion de thèmes à aborder sont également les bienvenues.

Les responsables peuvent également inviter les volontaires à participer aux prises de décisions relatives à la préparation de chantiers ou de formations ainsi qu’aux différentes étapes de construction d’un projet.Il serait, à ce titre, sans doute bénéfique pour l’ensemble des volontaires que le calendrier planifie un moment de formation (en début d’année) à la mise sur pied de partenariat et à la façon dont se construit un projet. 2.4.1.2. Le relais-volontaire

Des espaces de participation ont été imaginés en cours d'année pour placer les jeunes volontaires dans une position d'acteur au sein même de Solidarcité. Il s'agit notamment de la fonction de relais-volontaire qui a été mis en place au sein des deux premières équipes à la fin du premier trimestre.

La fonction de ce relais est de permettre au groupe de volontaires de se prendre en charge de manière plus autonome et d'assumer une responsabilité collective.

Note de Solidarcité (décembre 02)

Dans ce cadre, une participation régulière des relais-volontaires à certains moments des réunions de l'équipe éducative avait été prévue sous forme de tournante. Nous vous renvoyons au rapport intermédiaire ainsi qu’à la brochure intitulée « La parole des volontaires » qui développent davantage ce point.

2.4.1.3. Les volontaires seuls

Laisser les volontaires seuls sur un chantier… Il s’agit là de la possibilité dont dispose le responsable d’équipe pour dégager du

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temps de l’encadrement quotidien de son équipe et se consacrer à ses autres fonctions. Il convient donc au responsable d’équipe de « choisir » en quelque sorte les moments les plus opportuns (et nous verrons qu’ils ne sont pas si nombreux que ça) pour laisser les volontaires seuls sur un chantier et faire en sorte que cette expérience soit une expérience constructive, un apprentissage à l’autonomie plutôt qu’une expérience vécue, par les volontaires, comme un abandon de leur responsable.

Même si ces moments sont rares, ils existent. Le responsable d’équipe savoure alors ce moment extrême de satisfaction.

Le meilleur moment, c'était une journée où j'ai bien ressenti vraiment l'idéal que l'on recherchait. C'était une journée où on n'a quasi rien besoin de dire. Déjà ils étaient dans l'habitude du chantier, ils savaient ce qu'il y avait à faire mais ils s'installaient, ils échangeaient pour dire "il faut faire ça, comment on va procéder?". C'était vraiment une journée où je suis juste là, je n'aurais pas été là, cela aurait été pareil. Enfin, ils auraient fait leur boulot tout seul. C'était vraiment une bonne journée où t'es vraiment content qu'ils agissent comme cela. Mais bon, si ce n'est qu'une journée où s'est arrivé...

2.4.2. Les difficultés rencontrées

2.4.2.1. Le manque d’initiative

Le fait que l'on se repose sur le responsable est le côté qui m'a le plus fatigué. Les volontaires ne prennent pas beaucoup d'initiatives et nous prennent parfois pour "papa-maman". Je l'ai ressenti pas mal au Sénégal mais je l'ai également vécu souvent sur les chantiers.

Nous avons déjà abordé la question précédemment (parole des volontaires). Ce faible degré d'autonomie de certain(e)s volontaires présente un caractère épuisant pour les responsables dans la gestion quotidienne de leur équipe. Il est toutefois important de rappeler que

cette capacité de prendre des initiatives varie d’un volontaire à l’autre et qu’il semble, au vu du discours de certain(e )s volontaires que l’envie de se laisser « prendre en charge » par le projet prend parfois le dessus.

C’est fatiguant pour le chef d’équipe de répéter 100 fois la même chose et de s’entendre encore dire qu’est-ce qu’on fait demain ? Le minimum syndical, c’est de savoir le lieu l’endroit et l’horaire. Mais dans l’ensemble, je crois que les jeunes se reposent sur nous et ne veulent pas nécessairement savoir ce qui se fait le lendemain.

Les différentes raisons évoquées par les volontaires dans le peu de place qu'ils ont pris dans le processus de construction de leur année citoyenne (à savoir par rapport aux propositions de chantiers, de formations ou d'autres moments) dénoncent : un manque de temps, un manque de motivation (personnelle ou de groupe), la difficulté de décider ensemble, leur manque de connaissance (du secteur) et/ou d'expérience et la

nécessité d'un accompagnement.

A. Par rapport à la possibilité d’initier un chantier et/ou une formation et de prendre une part active dans la préparation de ceux-ci

Nous avons vu (cfr « La parole des volontaires ») que cette possibilité n’avait été que très faiblement exploitée par les volontaires puisque, seule une jeune a proposé et initié un chantier au cours de cette année. Il s’agissait toutefois d’un chantier en résidentiel conséquent dans le travail à réaliser et la richesse de l’échange. La même équipe a pris une part importante dans la mise

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sur pied, la préparation et la réalisation du chantier international au Sénégal.L’autre équipe qui a démarré au mois d’octobre a éprouvé toutefois de grandes difficultés à mettre à profit les temps de préparation en vue de la recherche de partenaires et la récolte de fonds permettant la réalisation du projet.,

B. Par rapport au relais-volontaire

En ce qui concerne le relais-volontaire, l'initiative n'a pas abouti sans que l'on sache trop bien pourquoi. Très rapidement, les volontaires n'y ont plus participé. Vu le programme chargé des réunions du vendredi matin, l'équipe éducative ne s'est pas trop "formalisée" sur l'absence des relais-volontaires puisque, quelque part (au niveau du gain de temps), elle y trouvait son compte.

Pour l'espace de participation, cela s'est cassé la gueule sans que l'on sache plus trop comment et pourquoi.

Il reste néanmoins que l’idée mérite d’être exploitée. L’équipe éducative travaille à la concrétisation de celle-ci pour la rentrée prochaine.

2.4.2.2. Moments où les volontaires sont seuls

A. Moments en creux, peu formalisés et peu programmés

La possibilité de laisser les volontaires seuls sur les chantiers semble avoir été utilisée très peu de façon programmée, planifiée dans le temps, préparée avec les volontaires. Lorsque les responsables y ont recouru, c'était souvent "par dépit" de ne pouvoir faire autrement soit

parce qu'ils étaient malades, soit parce qu'ils devaient impérativement se rendre disponibles pour autre chose.

Oui j’ai tenté l’expérience, un jour où j’ai…, mais c’est franchement je vais te dire par dépit que j'ai laissé mon équipe seule. C’est arrivé deux fois, trois fois et je ne les ai pas laissés totalement seuls. Il y a deux fois sur les trois où j’étais malade donc j’ai été avec eux sur le chantier, j’ai lancé la journée et je suis parti au bout d’un moment parce que ça n’allait plus. Mais faut quand même avoir confiance, quand même pour partir comme ça, franchement j’aurais encore pu tenir et supporter…, pour rester là enfin pour qu’il n’y ait pas d’accident ou que quelque chose qui aille mal. Mais non je commence à avoir confiance dans mon équipe. Je peux me permettre de les lâcher quand je sens que moi je vais vraiment pas bien. Je peux me reposer sur eux et je crois qu’il commence à le ressentir. Mais ça reste vraiment quelque chose de pas choisi, pas anticipé, pas dire « ah la semaine prochaine moi je vous laisse seul sur les projets, je crois que vous en êtes capables », c’est vraiment presque accidentellement.

La non-planification de ces moments entraîne souvent un sentiment de culpabilité chez les responsables qui peuvent alors avoir l'impression de "faillir" quelque part à leurs missions.

B. Peu de possibilités réelles existent

Pour les responsables d'équipe, même si elle existe, la possibilité de laisser les volontaires seuls est loin d'être toujours réalisable dans la mesure où leur présence est souvent requise par le partenaire. C’est notamment le cas des chantiers d’animation.

C’est vrai qu’on en a beaucoup parlé mais honnêtement, déjà tout ce qui est chantier animation c’est pratiquement impossible de les laisser seuls parce que le partenaire demande quand même une personne responsable de référence. Comme il y a une certaine responsabilité, on prend un groupe d’enfants ou de personnes âgées en charge donc là c’est plus compliqué mais… pour ce qui est des chantiers peinture ou ce genre de

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chose-là on essaye de se libérer ne fusse qu’une journée mais pour les volontaires pour qu’ils puissent travailler entre eux puis on fait un débriefing pour voir comment ils l’ont vécu et nous pour pouvoir travailler sur autre chose. Mais ça c’est pas beaucoup présenté honnêtement, enfin on en a beaucoup parlé mais on a pas trouvé l’opportunité de le faire parce que…, comme je t’ai dit il y a deux chantiers peinture sur l’année et c’est ceux où on peut vraiment se permettre de partir ou à la limite il faudrait anticiper avec le partenaire et envisager une présence peut-être plus importante du partenaire à ces moments là.

Il s’agit donc d’une éventualité qu’il semble essentiel d’aborder avec les partenaires au moment des premières rencontres pour que cet apprentissage à l’autonomie puisse se réaliser dans les meilleures conditions et avec les meilleures chances de réussite.

La question de l’accompagnement à l’autonomie doit permettre de rebondir et de mettre à profit ces différents moments qui, bien que parfois difficiles à gérer, constituent autant d’opportunités éducatives pour les responsables d’équipe

2.4.3. Perspectives :

2.4.3.1. Question de l’accompagnement

Cette difficulté récurrente rencontrée par les responsables dans leur mission d'encadrement d'une équipe de volontaires pose la question des limites de l'accompagnement éducatif soit des limites entre la "prise en charge éducative" et le travail vers l'autonomie.

Il ne suffit pas que les volontaires sachent qu'ils disposent de la possibilité de prendre des initiatives et de participer activement à la construction de leur année citoyenne. La prise d'initiative ne se

décrète pas. Elle a beau être clairement formulée, la faculté de prendre des initiatives s'apprend. Pour certain(e)s, elle n'est pas difficile puisqu'ils y ont été baignés depuis leur plus tendre enfance (par l'éducation familiale, scolaire ou autre). Pour un grand nombre, la prise d'initiative semble difficile voire impossible comme si elle était réservée aux autres.

Que ce soit par manque d'habitude, de confiance en soi, par peur de l'échec ou par manque de sollicitation, un accompagnement éducatif de ces jeunes adultes doit leur permettre progressivement de "se risquer" dans pareille aventure mais surtout de savoir comment utiliser les espaces de participation prévus.

On avait imaginé une série de choses pour qu'ils puissent prendre les choses en main. Cela n'a pas porté ses fruits peut-être par manque d'accompagnement.

A. Accompagner vers l’autonomie, une surcharge de travail pour les responsables d’équipe ?

Un responsable d'équipe estime que cette possibilité qui existe pour le volontaire d'initier un chantier entraînerait une surcharge de travail importante. Cette appréhension tient probablement à l’inconnue que représente ce type d’accompagnement. Celle-ci pourrait probablement être « contrecarrée » si une série d’outils étaient dégagés et disponibles pour ce type d’accompagnement bien spécifique.

C’est possible pour un volontaire de proposer un chantier sans que ce soit une surcharge de travail. Moi j’ai l’impression que si…, enfin moi j’avais annoncé la couleur très tôt dans l’année à mon équipe et ils en parlent encore d’autant plus qu’ils ont vu l’autre équipe partir et tout. Et se disent « Mais allez, faut vraiment surtout qu’on a la possibilité de faire un projet et tout. Peut-être essayer de se mettre d’accord, mais moi

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j’ai l’impression ça me donnerait une surcharge de travail de piloter, enfin qu’on ait une réunion « toi t’es pas d’accord avec ça et toi tu es…, » comment dire, accompagner les négociations et en même temps faire relais pour la communication téléphonique. Ou…, mais j’ai l’impression que ce serait compliqué dans mon équipe mais sinon dans l’absolu je crois que c’est une bonne chose et c’est un sacrifice entre guillemets à faire de notre part parce que c’est aussi une expérience de pouvoir construire tout un projet, de l’imaginer, de se rendre compte de toutes les étapes préliminaires pour le mettre sur pied, donc moi je suis assez favorable à ça. Même si j’ai l’impression que c’est quand même du travail en plus.

Les points suivants constituent autant d’outils dont certains sont déjà mis en pratique dans les faits mais restent peu formalisés et davantage de l’ordre de l’expérience. Une meilleure formalisation de ces outils permettrait de se doter d’une ligne de conduite plus claire pour accompagner les jeunes volontaires vers plus d’autonomie.

L’accompagnement devrait s’envisager de façon méthodique au travers d’une série de pistes qui doivent permettre, en quelque sorte, de formaliser un outil. Il s’agit de la question de la structuration et du sens à apporter aux temps de préparation, du balisage, de la pondération de l’accompagnement en fonction des capacités collectives et individuelles de chacun des volontaires, du travail sur les modalités de décision collective ainsi que du respect d’un apprentissage progressif à l’autonomie.

a. Structurer les temps de préparation et leur donner du sens

Les temps de préparation structurés doivent être planifiés dans le calendrier et envisagés au même titre que les formations. Les temps de préparation pourraient davantage être structurés ou présentés comme une formation à l’élaboration et à la conduite de projet. Ceci

aurait pour effet de mettre davantage en évidence les bénéfices personnels que chaque volontaire peut retirer de ces temps de préparation quant à la conduite de ses propres projets présents ou à venir. La présence d'une personne extérieure peut dans certains cas être indispensable. Il peut éventuellement s’agir d’un membre de l’équipe éducative qui cheminerait de façon plus spécifique dans cet apprentissage un peu particulier.

b. Baliser - échéancier

Cet accompagnement peut s'imaginer au travers de balises, de repères qui doivent permettre aux volontaires de savoir vers quoi ils évoluent, de savoir qu'ils ne font pas fausse route.

Il faut laisser place à l'initiative mais il y a quand même un tronc, un balisage qui permet de savoir où l'on va.

Retenons pour illustration, l’exemple d’une des équipes qui a notamment éprouvé pas mal de difficultés à mettre à profit les temps de préparation dans le cadre de la possibilité du projet international qui leur était offert, notamment par la difficulté de prendre les décisions nécessaires aux moments voulus.

Il faut baliser un minimum, ne pas leur donner toutes les cartes en main. Mon équipe aurait eu besoin pour le projet international d'un échéancier.

c. Pondérer l’accompagnement en fonction des capacités collectives et individuelles

L'accompagnement nécessaire pour amener un projet à sa réalisation, sera bien évidemment différent en fonction des équipes mais surtout en fonction de l'équilibre - ou non - au sein de ces équipes entre jeunes "habitués" à la prise d'initiative et les autres.

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La prise d'initiative est présente dans le sens où d’une part moi je sais que ça m’est déjà arrivé 2-3 fois de me dire « ben je dois partir absolument donc je les laisse sur le chantier et je sais qu’ils sont responsables ». Ils font le chantier, ils n’ont pas toujours besoin que je sois là et je n’ai pas envie d’être là non plus pour leur dire tout ce qu’il y a à faire. J’essaye d’un maximum pousser à ce que l’initiative soit là. Elle est présente mais pour certain plus que d’autres évidement. Y en a qui se repose sur les autres, y en a qui se repose sur moi. Mais la majorité est responsable en tout cas. Et ceux qui étaient beaucoup plus en dehors au début, s’impliquent beaucoup plus qu’avant. Y a une évolution. C’est un peu dès le départ, moi j’avais pas envie de les assister parce que ça allait à l’encontre de mes objectifs donc c’est un peu systématiquement une décharge de responsabilité tout le temps pour ne pas qu’ils se reposent sur moi.

Un accompagnement trop important d’une équipe de volontaires – ou non adapté aux capacités individuelles et collectives du groupe – risque de produire l’effet inverse que celui escompté en entraînant progressivement une déresponsabilisation de certain(e)s ou de l’ensemble de l’équipe. Il appartient donc au responsable de « jauger » en quelque sorte des capacités de prise d’autonomie de son équipe.

Même s’il semble difficile de parier d’avance sur la capacité d’initiative des jeunes, certaines questions pourraient être posées aux futurs volontaires lors de l’entretien « d’embauche ». Celles-ci pourraient en « dire plus long » sur les expériences passées du jeune (participation à des mouvements de jeunesse ou autres et à quel titre, délégué de classe, initiative déjà prise, projet déjà réalisé, fonctionnement familial,…) et donneraient quelques informations supplémentaires sur le « degré d’autonomie » de ce dernier, non pas comme critère de sélection (ne retenir que les plus autonomes), mais pour mieux constituer les équipes et jauger les degrés d’accompagnement nécessaire et d’autonomie envisageable.

d. Travail sur les modalités de décision collective

Cet accompagnement peut s'envisager comme un processus progressif, évolutif qui passe généralement, dans un tout premier temps, par la difficulté pour l'équipe à se mettre d'accord. Cette prise de décision collective constitue pourtant une étape essentielle à toute réalisation collective.

Enfin quoique ces derniers temps ça va mais au niveau de se mettre d’accord (sur un chantier choisi par l'équipe) dans mon équipe c’est pas toujours évident.

Le responsable peut profiter de ces moments pour travailler, au travers d’un apprentissage actif, les modalités de décision démocratique ainsi que des questions de suffrage, compromis, unanimité, etc..

e. Respecter une progression vers l’autonomie

Le cheminement vers la concrétisation du projet peut être lent, doit être encouragé et éventuellement individualisé. Le fait d'être encouragé et la réussite des "petites choses" donne confiance au jeune (et à l’équipe) qui va se sentir progressivement plus apte à poursuivre et viser plus loin.

Mais d’aboutir à quelque chose de concret et dire « Mais allez, chapeau les gars, c’est votre projet. Vous avez réussi l’initier, à tout faire du début à la fin, et c’est pas n’importe quoi » enfin c’est quelque chose d’assez conséquent, c’est une sacrée expérience et puis ça l’est mais en situation de prendre contact avec des personnes, de représenter le projet, enfin d’être mis dans une position de responsable notamment. Non , moi je crois que c’est assez riche d’autant plus que de temps en temps j’essaye de faire ça de façon informelle quand par exemple on a une animation vélo avec la « Gerbe » J’essaye vraiment de mettre les volontaires, tour

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à tour, dans une position de responsable. « Tiens prend le téléphone, essaye de te renseigner pour ça, ça, ça »mais sans lui dire « il faut que tu dises ça comme ça, que tu présentes ça comme ça », tu gères le bazar, et je te fais confiance, je regarde même plus. Et je ressens qu’ils aiment bien ça de temps en temps mais pas trop forcer, faut pas trop insister, faut pas trop attendre d’eux mais une fois qu’on leur laisse carte blanche… Même une volontaire qui est d’un naturel très timide et tout et qui rechigne à chaque fois de téléphoner pour demander des renseignements ou ce genre de choses. Je la sens revenir avec un sentiment de fierté quand elle a toutes les informations, qu’elle me dit « voilà, voilà ce que j’ai eu ».

Le fait que le responsable d'équipe leur ait fait confiance et qu'il accepte leur droit à l'erreur, offre progressivement aux volontaires la possibilité de réussir. Le jeune en tirera satisfaction et fierté et se sentira progressivement plus apte à prendre des initiatives et à être autonome.

Enfin ça c’est qu’un petit exemple, pour d’autres trucs aussi, je ressens quand ils sont mis dans une position de responsabilité et qu’ils ont, qu’ils s’y sont sentis bien, qu’ils ont l’impression d’avoir réussi. Ils sont contents, ils se sentent vraiment devenir mature, adulte.

Le responsable d’équipe devra toutefois veiller à encourager celles et ceux pour qui la question de l’autonomie n’est pas problématique afin d’éviter que ces dernièr(e)s se découragent en raison de la lenteur du processus. Tout en veillant au cheminement collectif de l’équipe de volontaires, le responsable devra se montrer particulièrement attentif aux différentes individualités de son équipe.2.4.3.2. Formaliser les moments où les volontaires sont seuls

Il semble essentiel que les moments durant lesquels les jeunes sont « laissés seuls » sur un chantier ou lors d’un temps de formation soient énoncés comme tels. La formalisation de ces moments dans

le calendrier doit permettre aux jeunes d’anticiper ceux-ci et de leur offrir l’occasion d’en tirer le meilleur profit.

Il faut à tout prix éviter que les volontaires vivent l’impression qu’il s’agit d’un manquement, d’un arrangement de dernières minutes devant permettre à leur responsable de souffler, de faire un break alors qu’eux doivent assumer, seuls, la bonne réalisation du chantier.

2.4.3.3. « Formaliser et structurer les temps morts »

Ce point peut sembler quelque peu étonnant. Toutefois, la formalisation des temps morts peut éventuellement se faire par une lecture anticipée du calendrier avec les volontaires. Celle-ci devrait éventuellement leur permettre de mieux gérer leur énergie et de mieux la répartir dans le temps - un chantier exigeant étant généralement suivi de périodes de moindre intensité.

Toutefois, les « vrais » temps morts sont généralement liés à un partenariat qui ne voit pas le jour ou qui n’aboutit pas. Ils peuvent être dans certains cas être prévisibles tandis que dans certaines situations exceptionnelles, ils relèvent essentiellement du partenaire. Ils sont donc bien souvent totalement imprévisibles.

La formalisation de ces temps morts, qui passe notamment par une meilleure connaissance des partenaires devrait aussi permettre aux responsables d’équipe de les exploiter de manière à ce qu’ils puissent les utiliser comme moments d’impulsion laissant place à l’initiative.

2.5. Le partenariat

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Le travail en partenariat constitue non seulement, une véritable richesse mais est, en quelque sorte, l’essence même d’un projet de service à la collectivité. En outre, les responsables d’équipe ont souligné à plusieurs reprises l’importance du travail en partenariat comme élément étant source d’apprentissage et de découverte. On sait que ces différents facteurs interviennent dans leur motivation à assumer l’encadrement quotidien de leur équipe.

Nous traiterons dans ce point ce que les responsables d’équipe nous disent à propos du partenariat. Les points de vue des volontaires et des partenaires sur la question du partenariat étant abordés ailleurs.

2.5.1. La convention de partenariat

La convention de partenariat concerne moins immédiatement les responsables d’équipe dans la mesure où la nouvelle fonction de Simon les a dispensé en quelque sorte de cet aspect du travail cette année.

Les responsables d’équipe sont toutefois bien conscients de l’importance de cette convention qui, quand elle est bien établie, facilite grandement la réalisation du chantier (matériel disponible dans les délais souhaités, accueil et présentation du partenaire satisfaisants, etc.). Les retours qu’ils peuvent donc faire à Simon sont dès lors essentiels puisqu’ils permettront progressivement d’ajuster la convention afin de parfaire les futures collaborations.

La convention de partenariat permet quand même de se protéger, de fixer des objectifs, de clarifier sur les capacités de tout le monde, ce qu’il y a à faire en combien de temps etc. tout est prévu tout a été discuté donc ça c’est un cadre obligatoire, même à améliorer quoi, on parle encore d’améliorer la convention, au niveau matériel et tout ça.

On a encore beaucoup de choses à réfléchir et à améliorer pour que cela se passe de mieux en mieux avec les partenaires.

Il reste toutefois indispensable pour les responsables d'équipe de disposer de suffisamment d'informations sur le partenariat à venir afin d'en informer les volontaires et de donner sens au chantier ou formation à venir en faisant les liens nécessaires.

A priori, c'est Simon qui a toutes les informations, qui présente le projet Solidarcité, qui tape la convention de partenariat et qui nous donne ensuite les informations. Quand on débarque sur un chantier, on ne connaît pas le partenaire sauf au travers de infos de Simon ou par les dépliants qu'on a reçus. Nous nous demandions si, pour les gros chantiers, une rencontre préalable avec le partenaire et Simon est envisageable.

La convention de partenariat prévoit un moment d’évaluation avec le partenaire. Ici aussi, les données ont quelque peu changé puisque l’évaluation s'envisage actuellement de façon collective avec les volontaires. L’évaluation avec les partenaires trouve donc place dans les missions relevant de l'encadrement du groupe par le responsable d’équipe de façon plus générale. Lors de ces moments d’évaluation, Simon est également présent, ce qui permet au responsable d’équipe de jouir de l’apport d’une personne extérieure à l’équipe et de son regard critique.

On fait les évaluations tout le temps ensemble ; cela provoque un climat d'échange car chaque volontaire dit son point de vue personnel. Il y a un côté peut-être moins anonyme mais en même temps, à chaque fois, on peut discuter. Chacun peut s'exprimer. Cela a mis aussi un climat de respect et d'écoute dans les approches personnelles. C'est aussi quelque chose qui a changé par rapport aux équipes précédentes.

2.5.2. Les difficultés rencontrées

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2.5.2.1. L’image première que se font les partenaires chantiers des volontaires

Bien que la présentation faite par Simon aux partenaires insiste tout particulièrement sur la question du brassage et de la diversité (en soulignant qu’une grande partie des volontaires sont des jeunes qui se sont inscrits dans une démarche positive d’engagement volontaire), les partenaires ont, bien souvent, une image stigmatisée des jeunes volontaires avant leur arrivée sur les lieux de chantiers. Cette image figée, comme tout stigmate, renvoie à deux « catégories de population ».

Il s’agit d’une part, de jeunes en décrochage et/ou connaissant un parcours nécessairement problématique.

Je pense que quand on prépare les chantiers, on insiste sur ce point car c'est systématiquement ce que les partenaires font. C'est de se dire "voilà, il y a des jeunes qui vont débarquer chez moi. C'est quoi ces jeunes qui sont tous justement des jeunes à problèmes, qui ont fait des conneries, qui glandent. Ce n'est pas systématique mais c'est quand même souvent. Le travail dans la longévité, c'est de se dire "non, ce ne sont pas tous des jeunes à problèmes. Ce sont des jeunes qui sont motivés, qui ont envie de s'engager. Il y a des gens qui stigmatisent assez rapidement ; dans la rencontre avec les partenaires, certains ont du mal à comprendre qu'ici ce ne sont pas des jeunes qui sont en décrochage.

D’autre part, de jeunes engagés dans un processus de réinsertion socio-professionnelle.

J’ai remarqué souvent que s’il y a des petites réparations… il y a plein de nos gars qui savent maçonner, plafonner, enfin vraiment des gros travaux qui je pense…oui des fois les partenaires ils croient que c’est de la réinsertion professionnelle et que à la base il y a des jeunes qui ont des formations pour des gros chantiers et alors que c’est seulement des volontaires et ceux là, ils m’énervent il y en a qui ont vraiment un

décalage. Ils voient vraiment la réinsertion professionnelle et pas des volontaires. Mais c’était vraiment pour refaire des gros trucs.

Lors de la première rencontre, le partenaire est bien souvent pris entre différentes images clichées qui se bousculent dans sa tête et desquelles vont dépendre, non seulement l’accueil réservé aux volontaires mais surtout la considération que les partenaires accorderont aux jeunes volontaires.

Les attentes du partenaire seront « ajustées » en fonction de l’idée qu’il se fait de ces jeunes. Ceux qui imaginent les jeunes volontaires dans un processus de réinsertion socio-professionnelle s’attendent généralement à voir une équipe essentiellement masculine ; de jeunes habitués à réaliser des travaux lourds et physiquement exigeants. Ils peuvent alors être très surpris de rencontrer une équipe de volontaires très diversifiée, mixte, de jeunes au profil très différent. Certain(e)s de ces jeunes n’ont jamais réalisé le moindre travail manuel avant leur arrivée à Solidarcité.

Il y a quand même une bonne présentation de Solidarcité mais que les gens voient ce que c’est à peu près théoriquement mais pratiquement quand ils voient les jeunes, ils sont… mais vous êtes huit, et il y a des filles….voilées ? Et ils voient un volontaire particulièrement mal à l’aise et ils voient comme ça une équipe très hétéroclite débarquer.

Ceux qui s’imaginent rencontrer un public composé essentiellement de jeunes en décrochage, de jeunes « en difficulté » seront parfois tentés de développer une attitude de réticence et de méfiance.

Le responsable jouera donc un rôle important lors des premières rencontres entre l’équipe et le partenaire et fera en sorte que le chantier puisse démarrer sur d’excellentes bases.

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2.5.2.2. Temps de préparation des chantiers et formations

Les responsables estiment qu’ils ne disposent pas toujours du temps nécessaire pour préparer, comme ils le souhaitent, les chantiers et les formations. Les conséquences liées au manque de préparation se manifestent généralement par une connaissance insuffisante du partenaire avec lequel il faut fonctionner pour une très courte (parfois une demi-journée) à une longue période (plusieurs semaines).

Une rencontre préalable des responsables d’équipe avec les partenaires, surtout ceux avec lesquels les équipes sont amenées à fonctionner dans la durée, permettrait d’avoir une meilleure connaissance des objectifs de l’association, des « enjeux » du chantier et de la formation mais aussi des petites règles de vie qui faciliteront le quotidien. De plus, le responsable sera plus à même de faire les éventuels liens avec le reste du calendrier s’il est suffisamment informé de la « teneur » du partenariat. Cette rencontre pour même s’envisager dans certains cas avec les jeunes volontaires.

Mais que les partenaires rencontrent les jeunes avant là je suis tout à fait pour.

Dans le cas plus particulier des formations, une rencontre avec le formateur permettrait de discuter des attentes que le partenaire a à l’égard du responsable d’équipe. Sont-elles de l’ordre de la participation active au même titre que les volontaires, d’une place de co-formateur ou encore d’un rôle de « chargé du maintien de l’ordre » ? Doit-il, en cas de conflit, se charger de sa gestion ?

Même les moments de formation ce serait bien de rencontrer le partenaire qu’on voit si on est co-formateur, s il préfère qu’on soit présent, là comme garde fou. Est-ce qu’on peut se libérer enfin s’accorder sur des règles…, ça m’est arrivé des incohérences comme ça

avec un formateur qui était assez souple et tout et moi je savais pas où était sa limite et je voyais des fois les volontaires qui en abusaient enfin dans leur comportement, alors j’élevais un peu la voix ou j’essayais de recadrer. Et lui qui me disait « mais non, moi ça me dérange pas », enfin tu vois se mettre d’accord vraiment devant les volontaires et ça faisait vraiment…, ça décrédibilisait un peu. Et donc ça je me dis que c’est tout un travail à faire avant d’entamer une formation, se mettre d‘accord sur les règles de vie, sur mon rôle, enfin ce qu’il attend de moi et moi ce que je pense que les volontaires aimeraient gagner de cette formation. Mais en général le formateur le fait aussi avec les volontaires « savoir quelles sont les attentes du jour ». Mais qu’il y a un travail préparatoire à ce niveau là. Sinon c’est vraiment rare le temps qu’on a pour préparer des trucs. D’ailleurs c’est le sujet d’une discussion du jeudi 27 mars avec Yannick et Pascal : savoir pour l’année prochaine plus ou moins combien de temps on doit réserver avant les chantiers, « Est-ce que c’est une demi journée, une journée ? ». Que Simon puisse anticiper ça dans le calendrier. Mais on se rend compte que c’est une donnée vraiment importante.

Le fait de clarifier les rôles et fonctions de chacun doivent faire l’objet d’une discussion avant le début de la formation pour permettre, tant au formateur qu’au responsable d’équipe de consacrer toute leur attention aux jeunes volontaires.

2.5.2.3. Attitudes des volontaires pouvant témoigner d'un certain manque de respect

Une difficulté rencontrée occasionnellement par les responsables d'équipe concerne l'attitude des jeunes volontaires. Les volontaires ont, à certains moments, fait preuve d'un comportement donnant l'impression d'attitudes "je m'en foutiste". C'est le cas surtout de temps de formation ou de moments où les volontaires se retrouvent autour d'une table. La présence de personnes extérieures (partenaires de formation ou autre) met le responsable d'équipe, à certains

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moments, mal à l'aise. Leur malaise peut s'expliquer par le fait qu'ils sont garants des valeurs de Solidarcité, dans lesquelles on retrouve inévitablement le respect.

Disons qu'il y a des petites choses, des moments où j'ai pu... Des moments où tu es en train de faire quelque chose, une formation par exemple. Je sentais une inattention un peu, pas généralisée mais une inattention. Cela m'a fait drôle; j'en ai parlé après avec eux parce que je trouvais que c'était une forme d'irrespect vis-à-vis du formateur. J'étais un peu choquée sur le moment même. Cela m'a dérangée un peu mais en même temps, c'est normal aussi.

Le module d’orientation et de détermination professionnelle mis en place avec la Mission locale de Bruxelles est un module exigeant qui requiert une réelle participation des jeunes. Il ne suffit donc pas de faire acte de présence. Il est indispensable que les volontaires participent, réfléchissent et se livrent quelque peu aux autres. Pour certains volontaires, ce module ne convient pas parce qu’ils ne sont pas du tout dans une optique de recherche d’emploi ou de formation. L’impression donnée par ces jeunes sera alors celle de jeunes très peu motivés par leur avenir.

Ce sont des jeunes qui ne veulent pas absolument trouver un travail, un boulot. Pour la personne de la mission locale, les volontaires n'étaient pas motivés. ... Et en même temps, ceux qui ont envie de faire une formation, elle arrive vraiment bien à les aiguiller. C'est assez systématique ; quand les gens ont envie de trouver un travail, une fonction, ils trouveront vite des gens pour les aiguiller. Tandis que les gens qui sont tout à fait dans une autre conception de la vie... C'est justement important qu'ils s'y retrouvent aussi. C'est quelque chose à travailler je pense.

Pour les responsable d’équipe, ce module d’orientation est une facette essentielle dans le cadre de cette année citoyenne puisqu’il représente, en quelque sorte, à lui tout seul la facette « maturation

personnelle ». Il est donc essentiel de faire comprendre aux volontaires les enjeux d’un tel module en les amenant à y participer de façon concrète et active.

Toutefois, l’idée de rencontre individuelle pourrait peut-être pour certain(e)s leur permettre de tirer davantage de bénéfices de ce module en les mettant dans un contexte plus « rassurant ».

C’est une chose qu’on estime importante et que je fais un parallèle avec le fait de savoir ou pas savoir ce qu’on fait le lendemain, c'est-à-dire on va à la mission locale mais oui ce n’est pas notre avenir, on sait pas ce qu’on va faire le lendemain alors l’après Solidarcité ?Je ne sais pas s’ils ont bien compris que les exercices vont les aider à trouver un métier ou à découvrir leurs qualités ou leur potentiel. Certains savent déjà ce qu’ils vont faire après mais un jeune qui a eu des échecs scolaires ou autre, ne comprend pas en quoi ça va l’aider à trouver le métier qu’il a envie de faire. Pour certains, c’est plus difficile. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui les préoccupe.Je pense que s’il y avait une approche plus individuelle, ce serait plus performant. D’un côté, c’est bien de partager ses expériences, d’un autre côté certains sont effrayés de voir la quantité de choses déjà réalisées par les autres. Ce serait mieux d’avoir des faces à faces individuels.

2.5.2.4. Situations de partenariat déficients

Certains au début sont un peu surpris mais dans l’ensemble ils comprennent quand même l’enjeu. Les partenaires vraiment ils s’investissent, on sent qu’ils ont lu des rapports d’activités. Il y en a qui posent des questions, qui trouvent ça chouette. D’autres par contre quand on débarque, ils disent : » ben c’est là bas démerdez vous », comme si ils nous indiquaient la machine à café « ben, c’est là bas ». Quand c’est comme ça, cela annonce que ce ne sera pas un chantier terrible.

Il est important de préciser que ces situations sont rares. Toutefois, il arrive qu'un partenaire ne soit pas à la hauteur des attentes de

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Solidarcité et ne respecte pas la convention de partenariat établie. Ces situations exceptionnelles sont difficiles à gérer pour les responsables d'équipe parce qu'elles entraînent inévitablement découragement, démotivation et démobilisation des volontaires sur les chantiers.

Il est essentiel que le partenaire valorise le travail réalisé par les jeunes ainsi que leur démarche de volontariat. L’investissement des jeunes sera plus important s’ils ressentent cette valorisation. Les volontaires seront alors plus aptes à entendre des critiques sur le travail valorisé et le rôle du responsable sera alors forcément facilité.

C’est vrai que si le partenaire ne valorise pas alors ils vont un peu bâcler le travail et nous, il faut qu’on soit derrière pour rattraper le coup. Mais si le partenaire est très ouvert, ou fait très attention aux volontaires alors il n’y a pas de problème, il pourra faire autant de critiques positives que négatives.

La non-reconnaissance du travail réalisé par les volontaires entraînera non seulement une grande démotivation mais mettra en péril la nature même du projet Solidarcité. Il sera difficile pour le responsable de « récupérer la sauce » auprès des volontaires quand ces derniers estiment, à juste titre, avoir été exploités et pris pour de la main d’œuvre bon marché.

C’est vachement important ça si un partenaire ne fait pas très attention à eux …j’ai remarqué ça avec le groupe de l’année dernière, si le partenaire n’est pas souvent là, s’il ne valorise pas les volontaires. C’est vrai que bon, ils prennent ça comme si on les avait exploités. Ils vont mal réagir quoi, ils vont dire : « ouais, ce chantier là on a pas aimé ». Ce n’était pas terrible même si on pense que ce chantier était vraiment bien. Mais si on a un partenaire, qui est tout le temps là, qui fait attention à eux, qui leur offre des repas, alors là ils trouvent que c’est un super chantier, si on ne les valorise pas alors ils ne sont plus tellement motivés.

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