chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf ·...

23
1 Laurent Delmas, Jean-Claude Lamy, Larousse du Cinéma, Larousse 2005, 336 pages Chapitre 2 : lâge dor des studios

Upload: others

Post on 05-Aug-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

1

Laurent Delmas, Jean-Claude Lamy, Larousse du Cinéma,

Larousse 2005, 336 pages

Chapitre 2 : l’âge d’or des studios

Page 2: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

2

1. L’avènement du parlant

Pour Mary Pickford : « ajouter du son au cinéma c’est comme mettre du rouge à lèvres à la Vénus de

Milo ». Certains, en pariant sur le parlant contribuent pourtant à révolutionner l’industrie

cinématographique.

Dans les années 20, la radio devient un média de plus en plus populaire, pourtant le cinéma continue

d’ignorer le son. Seuls la Warner et la Fox cherche à s’y intéresser, sans disposer des vastes moyens de

studios comme la Paramount ou la MGM.

En 1924, Warner adapte le son en développant un système de synchronisation : le Vitaphone. En

1926, la société adapte Don Juan, premier long métrage de Alan Crosland. Les salles n’étant pas

équipées, les profits du film restent médiocres. L’endettement de la Warner atteint un niveau critique.

Chez la Fox, on mise sur le développement du Movietone, un système capable d’imprimer le son

directement sur la pellicule, évitant ainsi les problèmes de synchronisation. En mai 1927, on enregistre

le départ de Lindbergh à destination de Paris. Le soir même, le film est diffusé devant 6000 spectateurs.

Devant ce succès, la Fox envie des opérateurs dans le monde entier pour filmer des images d’actualité.

Il faut attendre le 6 octobre 1927, avec l’avant-première du Chanteur de Jazz de Crosland, pour que

l’industrie comprenne le caractère inéluctable du parlant. « Attendez ! Attendez ! Vous n’avez encore

rien entendu ! » D’Al Jolson. Il s’agit du pari le plus fou des frères Warner, c’est la réussite ou la

faillite. En 1928, la compagnie adapte le procédé du Movietone, et se convertit totalement au parlant.

Du jour au lendemain, tout bascule : des anciens sont remplacés par des metteurs en scène issus du

théâtre, tels George Cukor ou Rouben Mamoulian. La grille des genres est elle-même bouleversée : le

film à grand spectacle, le burlesque déclinent, la comédie musicale, le film de gangsters, la screwball

comedy font leur apparition. Les studios s’équipent, les coûts de production deviennent plus

conséquents. Les salles elles aussi doivent s’équiper et les plus modestes doivent fermer leurs portes.

Page 3: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

3

Au final, on constate un renforcement des majors, et accentue la domination du cinéma américain à

l’étranger, la barrière des langues étant écartée dès 1932 avec le doublage des films.

2. Le règne des producteurs

Dans les années 20, la figure du producteur devient centrale. Surnommés les « moguls » du nom des

tyrans qui dominèrent jadis l’Inde, ils s’emparent du pouvoir au détriment des créatifs.

Chaque film est perçu comme un produit vendu en portant la marque du studio. La MGM est la

première a inauguré ce système, sous l’impulsion de Louis B.Mayer et Irving Thalberg. Le studio

mise sur une stratégie coûteuse de films glamour destinés à alimenter un réseau de salles limité mais

prestigieux. Thalberg se trouve ainsi au centre du processus de création, au détriment des réalisateurs

autrefois tout-puissants.

La logique de partage du travail est poussée à l’extrême. Des départements sont créés pour chaque

étape de la production. Thalberg instaure le système des previews afin de tester les films avant leur

sortie en salle, histoire de les peaufiner en fonction des réactions du public.

La grande parade de King Vidor est la première production issue de ce système. Film de guerre qui

remporte un succès immédiat. D’autres films suivront autour de Lilian Gish, Joan Crawford, Greta

Garbo. La MGM gagne le titre de « Tiffany » des majors, en 1932, avec Grand Hôtel d’Edmund

Goulding, interprétée par les plus grandes stars du studio, marque l’apogée de l’ère Thalberg. Pendant

ces années, la Paramount est la seule rivale grâce à son réseau de salles. Le studio abrite des

réalisateurs prestigieux comme Cecil B.De Mille ou Joseph Von Sternberg. Les autres studios

s’adaptent au système : la Warner sous l’impulsion de Darryl Zanuck, s’affirme dans la production de

films sombres, à connotation sociale. Chez Universal, avec Carl Laemmle Jr, on se réoriente vers le

fantastique, faute de stars et de moyens.

Page 4: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

4

Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe, Hollywood crée un système

d’autocélébration sous l’impulsion du réalisateur Fred Niblo et du producteur Louis B.Mayer.

Première cérémonie des Oscars en 1929. Les ailes avec Gary Cooper est désigné meilleur film. Frank

Borzage est promu meilleur réalisateur et Janet Gaynor, premier prix d’interprétation féminine. Un prix

spécial est remis à Chaplin, première récompense de sa carrière.

Fin du pouvoir des réalisateurs du muet : Erich Von Stroheim dans Folies de femmes, 1921, tourné

pour Universal, entre en conflit avec Stroheim, auquel il livre un montage de 7 heures. Ce dernier

aboutit à une version de 2 heures. Le film est un échec sans appel.

3. Le star-system

Au fondement du pouvoir des stars : leur popularité.

Dès les années 10, les sociétés de production comprennent l’intérêt des têtes d’affiche. Ils débauchent

avec des moyens considérables d’abord les personnalités du music-hall. Adolph Zuckor, quand il

produit la Reine Elizabeth, engage-t-il Sarah Bernhardt, actrice de théâtre mondialement connue.

Grâce aux bénéfices, il fonde la Famous Players Pictures.

Les nouvelles stars sont soumises à un véritable modèlement : William Fox avec Theodosia Goodman

en 1914. On lui invente un nouveau nom : Theda Bara, on lui invente des origines exotiques, des

aventures sulfureuses. Tout est mis en œuvre pour attribuer aux stars une « superpersonnalité ». Mary

Pickford représente ainsi aux yeux des américains l’archétype de la « femme-enfant », surnommée

« american sweetheart », Douglas Fairbanks le panache, Lilian Gish l’ingénue, Gloria Swanson, la

vamp, Rudolphe Valentino la séduction masculine…

Dans les années 20, les majors renforcent cette tendance d’idéal physique et morale, en laissant place à

une séduction davantage sexuelle. Des départements spécifiques sont créés dans les studios pour

transformer physiquement les nouveaux venus : Greta Garbo, surnommée « La divine », Marlene

Dietrich. La MGM annonce: « More stars than there in Heaven ». La Paramount tient sous contrat Gary

Page 5: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

5

Cooper, Spencer Tracy, Les Marx Brothers, et recrute les valeurs montantes européennes, telles

Maurice Chevalier. La Fox investit dans Shirley Temple. Warner dans Errol Flynn et Bette Davis.

En dépit de leur statut, ces stars sont maintenues en situation de quasi-servitude : contrats de 7 ans,

régissant aussi bien leurs obligations publicitaires que leurs conditions de vie. Seule une poignée

échappe au système : Mary Pickford, Douglas Fairbanks et Charlie Chaplin qui fondent la United

Artists en 1919.

Les photographies sont particulièrement contrôlée : aucune star n’est montrée avec un verre ou une

cigarette à la main. Les paparazzi n’existent pas encore, et il est vital de perpétuer le rêve au-delà des

écrans. En 1920, ce phénomène atteint son paroxysme avec le mariage de Mary Pickford et Douglas

Fairbanks. Lorsque Garbo et John Gilbert tombent amoureux, la MGM s’empresse de médiatiser leur

relation : l’affiche de Intrigues, 1928, leur deuxième film annonce : « Gilbert and Garbo in Love ! ».

De cette curiosité insatiable du public, naît une nouvelle catégorie de journalistes dès la fin des années

20. Ils forgent la mythologie de Hollywood, contribuent à forger ou défaire les mythes grâce à un

réseau d’informateurs. Les majors jouent le jeu, échangent services contre informations. En cas de

scandale, le studio évalue les dégâts, quitte à mettre un terme au contrat de l’acteur concerné.

En 1926, le culte de la personnalité est poussé à l’extrême lors du décès de l’acteur Rudolphe

Valentino, qui provoque une émeute à New-York. Ses fans se battent pour apercevoir la dépouille du

premier amant du monde. Douze de ses admiratrices se suicident pour le suivre dans l’au-delà.

4. Dietrich-Sternberg

Le temps d’un film, L’Ange Bleu, 1930. Marlene devient l’inoubliable Lola. En l’espace de 7 films

Dietrich devient Marlene et Sternberg son pygmalion.

Sternberg, né en Autriche, passe son enfance entre son pays natal et New-York. Il s’installe à

Hollywood en 1924 et réalise un film de gangsters, Les nuits de Chicago en 1927 qui influence

Howard Hawks dans Scarface, avant de travailler avec Chaplin. Le tournage de L’Ange Bleu à Berlin,

Page 6: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

6

constitue en fait une simple parenthèse dans sa carrière. Quant à Marlene, une autre légende soutient

qu’avant L’Ange Bleu, elle n’avait rien fait. Elle débute en fait sa carrière en 1922 et joue dans

plusieurs films allemands avant d’être remarquée par Sternberg. Cela dit, la rencontre entre ces deux

personnages va transformer autant la comédienne que le cinéma de Sternberg.

Elle le suit à Hollywood ou elle tourne Cœurs brûlés avec Gary Cooper. Quel que soit le rôle confié :

espionne dans X27, Catherine II dans L’impératrice rouge, la séduction reste son arme. Le titre de la

dernière collaboration entre la star et le cinéaste : La femme et le pantin, 1935 résume le lien entre les

deux. Sternberg fait de Marlene un corps de lumière, au visage immobile, l’audace s’exprime avec plus

de raffinement. Progressivement déçue par les rôles qu’on lui confiera par la suite, elle vient vivre à

Paris où elle meurt en 1992. De son côté, la perte de Marlene sera fatale à Sternberg. Ses films suivants

restent inaboutis. Surnagent 2 films, Shanghai Gesture et son chef-d’œuvre, Fièvre sur Anatahan,

1953, entièrement tourné au Japon avec des acteurs japonais. Il meurt en 1969, trop vite oublié.

Aller plus loin : L’Ange Bleu , produit par l’UFA, adapte un roman de Heinrich Mann, racontant

l’histoire d’un vieux professeur tombant fou amoureux d’une chanteuse de cabaret, le conduisant

jusqu’à la déchéance. Dans l’esprit des producteurs, la véritable star du film est Emil Jannings, acteur

chez Murnau et Lubitsch (Le dernier des Hommes). Dès sa sortie, le public n’aura d’yeux que pour

Lola incarnée par Marlene Dietrich.

5. Naissance du cinéma social

En 1929, la crise économique ébranle l’économie américaine. Un courant contestataire va porter à

l’écran ces tragédies humaines.

La volonté à retranscrire le réel prend toute sa force lors de la révolution bolchevique. En Allemagne,

la crise économique fait naître un courant prolétarien dominé par Murnau et Pabst. C’est la crise

Page 7: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

7

américaine de 29 qui contribue à l’émergence d’un nouveau genre : le cinéma social. Erich Von

Stroheim inaugure le genre en 1925 avec Les rapaces.

King Vidor est le premier à porter la crise à l’écran : Notre pain quotidien, 1934. Histoire d’un couple

de chômeurs montant une coopérative agricole. Ton encore assez léger. Diamétralement opposé à celui

des Raisons de la colère que John Ford adapte au cinéma. A ses yeux pas d’espoir, le système

l’emportera toujours. Charlot imagine Les temps modernes, où il exprime sa déception face à un

monde moderne en pleine mutation. Le courant social est également porté par toute une catégorie

d’émigrés, fraîchement débarqués aux Etats-Unis pour fuir le nazisme.

Le mouvement va être stoppé par le Maccarthysme dès la fin des années 40. en 1954, Le sel de la terre

de Biberman, est accusé de propagande communiste. Il constitue aujourd’hui l’un des derniers

témoignages du monde ouvrier des années 50 aux USA. La même année, Sur les quais avec Marlon

Brandon, incarne un jeune docker aux prises avec la corruption des syndicats. Elia Kazan, ayant du

dénoncer quelques uns de ses pairs semble ici se justifier.

Le néoréalisme italien reprend le flambeau de la contestation sociale avant que le free cinema

britannique ne livre à son tour son propre regard avant les événements de 1968.

6. Fritz Lang

Homme de culture, scénariste de films populaires. Réalisateur exigeant sur le plan stylistique et aux

préoccupations morales présentes, mais discrètement exposées.

Formé à la peinture et à l’architecture, il commence à travailler pour le cinéma en 1918 comme

scénariste de films fantastiques, en collaboration avec Théa von Habou, auteur de romans d’aventures,

sa partenaire dans la vie et dans ses films jusqu’en 1933. ses premières réalisations expriment son goût

pour l’exotisme, l’aventure, les thèmes macabres : Les trois lumières, 1921, marqué par

l’expressionnisme, Le docteur Mabuse, 1922, M Le maudit, 1931 (premier film parlant de Lang),

Page 8: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

8

Le testament du docteur Mabuse, 1933. Il aborde le mythe des Nibelungen en 1924, et établit les

codes de la science-fiction dans Metropolis, 1927.

Emigré aux Etats-Unis, il réalise Furie en 1926, où il évoque le lynchage. La tentation de l’irrationnel

et de l’occulte disparaissent. Il travaille plus sur les acteurs que sur les décors. Il tourne les scénarios

les plus divers, dans lesquels il impose sa personnalité face aux contraintes des studios. Il est alors

considéré comme l’un des représentants du cinéma classique hollywoodien. Les contrebandiers de

Moonfleet, mêle aventures, refus des stéréotypes, complexité des personnages et surprises dues au

montage, sens de l’espace pour un film entièrement tourné en studio, travail sur les couleurs. Lang

retrouve ainsi certains schémas de sa carrière allemande, en ce sens, le film est le fleuron de cet auteur.

7. Un cinéma social à la française

L’arrivée au pouvoir de la gauche en 1936 a pris une dimension particulière dans les milieux du

cinéma. Les films de Julien Duvivier, René Clair, Jean Renoir et Jacques Feyder sont dans l’air du

temps.

En 1932, René Clair ouvre la voie avec A nous la liberté dont Chaplin s’inspire dans Les temps

modernes. Une volonté de décrire de façon réaliste la condition ouvrière, comme Toni, réalisé en 1934,

qui décrit sans détour le problème des travailleurs immigrés.

Renoir présente La vie est à nous en avril 36, film directement commandé par le PCF à des fins de

propagande électorale. Tous les comédiens et techniciens, membres ou sympathisants du PC, ont

travaillé bénévolement et surtout anonymement, comme le montre le générique, sans oublier

l’apparition dans leur propre rôle de dirigeants communistes, dont Thorez. Alternant scène de fiction et

documentaire, le film constitue un témoignage précieux sur l’euphorie d’une époque.

La belle équipe de Duvivier est le prototype idéal du cinéma du Front Populaire (échec commercial.

Histoire de 5 ouvriers qu décident d’acheter une guinguette au bord de la Marne, met en valeur Gabin

comme acteur populaire par excellence. A noter l’hésitation de Duvivier qui filma 2 fins possibles : une

Page 9: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

9

tragique qui se termine dans le sang de la discorde, une autre optimiste avec l’inauguration de la

guinguette, effectivement retenue). Une attention particulière est portée à la jeunesse à travers des films

comme La guerre des gosses, Jacques Daroy, Les disparus de Saint-Agil de Christian Jaque, 1938.

A cette fibre sociale, il convient de rajouter une préoccupation pacifiste : La kermesse héroïque de

Jacques Feyder, 1935 ou La grande illusion de Renoir en 37.

Le retour de la droite, le renforcement des dictatures européennes, la perspective d’un conflit armé,

sonnent le glas d’un cinéma clairement ancré à gauche.

8. Le réalisme poétique

La formule est de George Sadoul, pour qualifier le cinéma français des années 30. Marcel Carné

comme chef de file, entouré de Pierre chenal, Julien Duvivier, Jacques Feyder.

Egalement appelé « fantastique social », ce courant s’inspire de la littérature (Marcel Aymé), du

cinéma allemand naturaliste. De La Rue sans nom en 1934, d’après Marcel Aymé qui en écrit le

scénario, jusqu’Aux porte de la nuit, 1946, du trio, Jacques Prévert, Marcel Carné, Joseph Kosma. Des

œuvres éloignées des salons de la bourgeoisie, les scènes, souvent nocturnes, sont situées en ville,

marquées par l’industrialisation, la misère, hantées par des marginaux ou des prolétaires. Ce réalisme

est cependant transcendé par des décors souvent imaginés par Alexandre Trauner. Le réel se fait alors

poétique.

Quai des brumes, 1938, d’après le roman de Pierre Mac-Orlan, un peintre étrange interprété par Robert

Le Vigan déclare qu’il cherche « à peindre les choses derrière les choses ». Hôtel du Nord avec Louis

Jouvet rêvant d’une partie de pêche en regardant le canal Saint-Martin. François, dans Le jour se lève,

rêve lui d’un nouveau monde. Autant d’univers ancré dans la grisaille mais dont les habitants veulent

s’évader par l’amour, le rêve ou la mort.

Page 10: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

10

Les villes sont le cadre de ce quotidien, parfois les colonies, dans les films de Julien Duvivier, La

Bandera, Pépé le Moko. Dans ces terres, le danger vient souvent des femmes : Gaby la parisienne sera

le rêve inachevé de Pépé. La deuxième guerre balaie ce mouvement devant d’autres réalités plus

terrifiantes.

Aller plus loin : quel statut donner Aux enfants du paradis ? Une œuvre appartenant au réalisme

poétique si on s’attache à l’affiche : Prévert, Carné, Kosma, des décors de Trauner. Quant au style,

unique, en fait définitivement une œuvre à part.

9. Jean Renoir

Au départ de sa carrière : son goût pour les trucages. Contemporain de Méliès, il naît en 1894, il est

marqué par la force réaliste et sociale de Folies de Femmes de Von Stroheim, Nana, son deuxième

film, 1926, révèle son engagement anti-bourgeois. Dans les 13 films qu’il réalise jusqu’en 1934, on en

compte 3 qui développe cette fibre sociale : La chienne, Boudu sauvé des eaux, Madame Bovary.

Le contexte politique des années 30, le pousse à s’acharner contre la bourgeoisie : Toni, 1934, Le crime

de monsieur Lange, signé par Prévert. 4 œuvres majeures d’avant-guerre amplifient cette sensibilité :

La grande illusion, La marseillaise, La bête humaine, La règle du jeu. Chaque film fait la part belle

aux rapports sociaux tout en apportant une vision critique de la société française. Il mêle adroitement

modernité et patrimoine, audace et classicisme, ce qui explique pourquoi plus tard, les Jeunes Turcs de

la Nouvelle-Vague verront en lui, le patron.

En 1940, il fuit l’Europe, et se réfugie pendant 10 ans à Hollywood, sans véritablement se plier à la

règle du jeu hollywoodien. Avec Le fleuve, 1951, le cinéaste revient à une inspiration très personnelle.

Renoir délaisse ses préoccupations sociales au profit d’une spiritualité et d’une nostalgie affichée

clairement dans French Cancan, 1955.

Page 11: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

11

Une œuvre marquée par la rébellion de la jeunesse, l’engagement de la maturité, la sagesse de la

vieillesse, des films qui fascinent par leur capacité à refléter les trois âges de sa propre vie.

Aller plus loin : sa muse, Catherine Hessling, rôle titre dans Nana, le film est un échec commercial,

mélange détonnant entre un film à grand spectacle tout entier centré sur la beauté de son actrice

principale et un film qui tire à boulets rouges sur la bourgeoisie et ses travers.

10. Raimu, Gabin, Jouvet

Si Jean Gabin est la figure emblématique du cinéma français des années trente, outre son immense

talent d’acteur, son parcours professionnel est aussi le révélateur d’une époque : Jean Moncorgé, tour à

tour cimentier, magasinier, figurant, chanteur de music-hall. Carrière en forme d’irrésistible ascension

sociale qui en fait une vedette éminemment populaire. Sa « gueule d’amour » (film de Grémillon) lui

assure les faveurs du public féminin, ses rôles de brave garçon, souvent victime des femmes ou de la

fatalité, séduisent le public masculin. Après la guerre, le personnage de Gabin s’embourgeoise, à

l’instar de l’homme lui-même : il devient alors le parrain d’un cinéma moins audacieux mais efficace

auprès du grand public.

Jouvet et Raimu, 2 personnalités opposées. Les deux viennent du théâtre, mais le premier développe

une grande austérité, alors que le second joue sur son exubérance méridionale. Quand Jouvet sublime

les dialogues de Prévert (Prévert dans Drôle de drame), de Jeanson (Hôtel du Nord), Raimu porte haut

la langue de Pagnol et Guitry (Faisons un rêve). Leur physique porte également la marque de leur

opposition : sec et au bégaiement subtilement maîtrisé, rond et avec la faconde marseillaise.

Fernandel, ou Fernand Contandin, chef de file d’une famille d’acteurs au physique ingrat, mais

incontestablement populaire. A ses côtés, trône Michel Simon, Jules Berry, Robert Le Vigan, Jean

Tissier. Autant d’individualités fortes que le cinéma magnifie dans des rôles sur mesure : Boudu pour

Marcel Simon, Le diable des Visiteurs du soir pour Jules Berry, peintre fantasque de Quai des brumes

Page 12: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

12

pour Robert le Vigan, Jean Tissier, grimé en fakir dans l’Assassin habite au 21. Tous ces acteurs, au

premier ou au second plan contribuent à souffler une grande vitalité au cinéma français.

Aller plus loin : Dans Remorques, Jean Gabin sur un scénario de Prévert, des décors de Trauner, aux

côtés de Michèle Morgan, joue avec force le rôle d’un capitaine de remorqueur de sauvetage, écartelé

entre son épouse et sa maîtresse. Le film, malgré les difficultés liées à l’entrée en guerre, se révèle un

franc succès.

11. L’âge d’or des studios

A l’aube des années trente, Hollywood atteint son âge d’or. Pourtant, les premières failles du système

apparaissent.

Malgré la crise de 29, Hollywood continue de faire rêver et la fréquentation reste stable. Dès 1932, les

difficultés financières n’épargnent pas les studios. Avec l’élection de Roosevelt, les difficultés

continuent, le nouveau gouvernement condamne les situations de monopole et autorise les

organisations syndicales. La MGM réagit en accentuant la division du travail : mise en place de petites

unités de production, indépendantes les unes des autres. Apparaissent de nouvelles stars (Clark Gable,

Spencer Tracy). Le studio se lance dans des productions moins onéreuses, comme la populaire série des

Tarzan.

Fox est le studio qui connaît le plus de difficultés : en 35, il fusionne avec la Twentieth Century. La

nouvelle société lance un nouveau procédé : le Technicolor. A cette date, la crise est surmontée, mais

la mort d’Irving Thalberg en 1936 annonce la fin d’une époque.

Avec la crise, les studios ont découvert la rentabilité de projets peu coûteux. Ils délaissent les films de

prestige pour des formules moins créatives mais moins risquées. Chez la MGM, les films avec Mickey

Rooney dans le rôle de Andy Hardy se révèlent supérieurs à des productions comme Le magicien d’Oz

de Victor Fleming. La frilosité des studios face aux projets ambitieux avec la lourdeur du système : en

Page 13: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

13

1927, il faut 7 producteurs délégués à la MGM pour produire 45 films. En 1941, il lui en faut 40 pour

assurer la production de 48 longs-métrages.

Un homme comme David O. Selznick va s’affirmer en-dehors des studios. En 1935, il quitte la MGM

et fonde sa propre maison de production. L’année suivante, il lance la production d’Autant en emporte

le vent de Victor Fleming. A sa sortie, le film est un succès, couronné par 10 oscars. Hollywood entre

sereinement dans la seconde guerre en pensant que tout va bien. Les profits cumulés des 8 plus gros

producteurs battent tous les records. Pourtant, une redistribution des cartes est en cours.

12. Quand Hollywood se censure

L’Amérique puritaine des années 20 considèrent Hollywood comme une nouvelle Babylone. Les

studios acceptent la mise en place d’un code de production, le code Hays. Ce dernier change le visage

du cinéma américain.

Campagne de presse face aux scandales provoqués par des excès de stars. En 1927, un code de bonne

conduite vient combler un vide juridique. Avec le parlant, le phénomène de gêne s’accentue avec des

jeux de séduction abondamment traités. Les rôles féminins se complexifient, gagnent en réalisme.

En 1930, Norma Shearer joue le rôle d’une femme divorcée. Une nouvelle génération d’actrices, menée

par Joan Crawford, Jean Harlow, impose l’image de la séductrice. Mae West complète cette évolution

en affirmant une orientation clairement sexuelle.

Cette évolution n’est pas du goût de tout le monde, an 1934, un comité d’évêques catholiques crée la

Légion de la décence. Elle fédère 11 millions de personnes. Un ordre de boycott est lancé contre

Hollywood. En juin 1934, le manque à gagner est de 15 millions d’entrées.

Le code est donc réformé en 1934. Son principe est d’appliquer une censure préalable, chaque scénario

doit obtenir le sceau de la MPPDA (organisme de censure fédérale). En cas de désaccord, des

modifications sont suggérées et leur application soigneusement contrôlée. Cette censure s’étend à tous

les domaines, puisque Betty Boop est rappelée à l’ordre en 1935.

Page 14: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

14

Les studios rentrent dans l’ordre, mais les créatifs arrivent à contourner cet obstacle : dans Les

Enchaînés, Hitchcock détourne la duré maximale des baisers attribué par le code de censure, à savoir 3

secondes, en répétant ce geste 13 fois. Certains réalisateurs engagent une lutte ouverte, tel Howard

Hughes avec Le Banni, 1943, autour de la sculpturale Jane Russell. Peu à peu, en lien avec les attentes

du public qui attend des sujets plus adultes, le code tombe dans la désuétude.

Aller plus loin : d’après les articles du code, il est interdit de « susciter de la sympathie pour le

criminel », de « décrire explicitement des meurtres » ; il devra « exalter le caractère sacré du mariage »,

il ne décrira pas « l’adultère », il s’abstiendra de montrer « des baisers trop passionnés, des postures

suggestives », et bannira toute nudité, même enfantine, toute représentation d’un accouchement, toute

évocation de maladies vénériennes…

13. Hollywood fait un rêve

Le burlesque meurt avec le muet, la comédie renaît sous de nouvelles formes : la Screwball Comedy,

comédie sophistiquée, dont Capra en est le maître.

Capra accepte un contrat chez Columbia, il s’y distingue par un sens inné du populaire, réalise une

douzaine de long-métrages muets, puis parlants. Là se mettent en place les éléments définitifs de son

style : le naturel et le rythme. La blonde platine, 1931, il triomphe en 1934 avec New-York-Miami en

exploitant un coup du sort : la MGM voulant punir son acteur vedette, Clark Gable pour son insolence

en l’envoyant tourner ce film douteux. Claudette Bernard joue le principal rôle féminin. Le film est un

succès, oscar du meilleur film, meilleur acteur, meilleure actrice.

La Screwball Comedy désigne des comédies sophistiquées, chargées de rebondissements imprévisibles

et improbables ou tout est permis. Les relations entre les hommes et les femmes, entre jeux de

séduction et guerre en dentelles, sont chargées de sous-entendus destinés à égarer la censure. D’autres

réalisateurs s’y investissent : Howard Hawks (L’impossible monsieur Bébé, 1938), George Cukor.

Page 15: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

15

Capra fait évoluer son style dans des propos plus personnels : Mr Smith au sénat, 1929, L’homme de

la rue, 1941, gardent les traits de la Screwball Comedy, en abordant des sujets plus dramatiques.

Certains associeront ces thématiques à la philosophie du New Deal. Bref retour à la comédie pure avec

Arsenic et vielles dentelles, 1944, Capra réitère avec La vie est belle, 1946, fable humaniste sur un

homme sauvé du suicide par son ange gardien. Un idéalisme qui a aussi fait l’objet de critiques à

l’encontre du réalisateur.

Aller plus loin : Cary Grant, avec son physique élégant et son passé de mime, s’impose comme l’un des

acteurs les plus populaires de la comédie américaine.

New-York-Miami raconte les péripéties d’une riche héritière décidée à épouser un play-boy contre la

volonté de son père. Séquestrée à Miami, elle s’enfuit en bus pour rejoindre son amoureux à New-

York. Dans le bus elle fait la rencontre d’un journaliste sans le sou qui tente de l’utiliser pour faire le

scoop de sa vie. Ils finissent par tomber amoureux l’un de l’autre. Le film sort discrètement sur les

écran en 1935, puis gagne rapidement les faveurs du public, accumulant les plus prestigieuses

récompenses. Un succès qui s’explique par ses personnages, résolument modernes, qui remettent en

cause les frontières entre les classes sociale et les sexes, une pensée résolument ancrée dans la société

américaine secouée par la crise de 29.

14. Le burlesque parlant

Les comiques prennent avec succès le relais du muet, écartant les stars de la période précédente, du

moins celles qui ne savent pas utiliser leur voix.

En 1930, avec la dépression, Hollywood multiplie les efforts pour attirer de nouveau les spectateurs

dans les salles, notamment en les faisant rire.

Page 16: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

16

Nombre de nouveaux artistes viennent du music-hall : Three Stooges, le grand W.C Fields, Abbott et

Costello. Ces acteurs écrivent leurs propres textes, jouent leur rôle. Les Marx Brothers avec leur

spectacle, The coconuts et Animals Crackers, triomphant à Broadway, sont engagés par la Paramount

pour le jouer face à la caméra, sous la direction d’un réalisateur. Stan Laurel et Oliver Hardy, qui

avaient commencé leur carrière chacun de leur côté au temps du muet, sont réunis sous la coupe de Léo

Mac Carey. Il réalise Big Business en 1929, modèle du genre où prolifère le slowburn : gags à

« réaction lente » (gag grossier appliqué à des situations scabreuses). La soupe aux canards, dernier

film réunissant les 4 frères Marx, où l’on se joue du pouvoir politique, la guerre et l’argent.

Les comédies populaires montrent des personnages ordinaires, pris dans un engrenage qu’eux-mêmes

ont mis en marche. Ils se retrouvent dans des situations impossibles dont ils ne peuvent sortir sans

aggraver la situation. L’intrigue est secondaire, elle parle souvent de déboires liés à l’argent, au statut

social. L’arrivée de la télévision offrira aux acteurs une tribune sur mesure : Les Marx, Abbott et

Costello, Bob Hope y auront des émissions régulières.

15. Les grands films d’aventure

Le cinéma d’aventure des années trente privilégie le grand spectacle, sur terre comme sur mer.

Drame au fond des mers, à La conquête de l’air de Zecca, 1901, ou Voyage dans la lune de Méliès,

1902, montrent bien que dès le départ le cinématographe se confond totalement avec le cinéma

d’aventures. Le genre s’installe définitivement dans le cœur du public. En 1924, Raoul Walsh réalise

Le voleur de Bagdad avec Douglas Fairbanks.

L’aventure passe par l’exotisme : Trader Horn, 1930. La légende veut que c’est en voyant ce film

qu’Hemingway soit tombé amoureux de l’Afrique. La MGM avait mobilisé les grands moyens, 7 mois

de tournage qui avait requis 200 techniciens et 100 véhicules. 2 ans plus tard, le réalisateur, Woody

S.Van Dyke retournait en Afrique et tournait le premier Tarzan avec Johnny Weissmuller. D’autres

Page 17: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

17

décors servirent aux films d’aventure : l’Inde pour Les trois lanciers du Bengale d’Henry Hathaway,

1935, la Polynésie, l’Egypte…

Les films font la part belle aux aventures maritimes : Douglas Fairbanks devenait ainsi le Pirate noir

d’Albert Parker, Charles Laughton et Clark Gable donnèrent une version des révoltés du Bounty en

1935, Errol Flynn et Capitaine Blood.

16. De Frankenstein à King Kong

Sous l’influence de l’expressionnisme allemand et de la crise économique, le cinéma hollywoodien

engendre une inoubliable galerie de monstres.

Le fantastique est pratiquement né avec le cinéma. Le fantastique est né en Allemagne, en Amérique au

temps du muet (Le fantôme de l’opéra, 1925), c’est au seuil du parlant, grâce au succès de Dracula de

Tod Browning en 1931 qu’il atteint sa maturité. Avec la crise, le fantastique devient le reflet d’un

monde angoissé, qui repousse les règles et les limites. L’Homme ne maîtrise plus (l’Homme invisible

de James Whale, 1933), ne contrôle plus les créatures qu’il capture (King Kong, 1933) ou qu’il conçoit

(Frankenstein, James Whale, 1931, Les poupées du diable, 1936 par Tod Browning, auteur de Freaks,

1932) l’époque est celle de tous les dérèglements (Double assassinat de la rue Morgue avec Bela

Lugosi, 1932). Dans un monde en proie au doute, il est logique que les morts viennent troubler la

sphère du vivant (La momie de Karl Freund avec Boris Karloff, 1932). En quelques années, le

fantastique a été le creuset de toutes les peurs. La suite n’a fait que reproduire autrement tout ce qui a

été conçu à cette époque.

17. Le cinéma d’animation

Walter Elias Disney à 21 ans lorsqu’il fonde Laugh O’Gram, son premier studio d’animation à

Kansas City. Le manque de débouchés le conduit bientôt à la faillite. Arrivé à Los Angeles et crée le

Page 18: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

18

Disney Brothers Studio. La chance sourit avec la série Oswald le chanceux, 1925, puis avec la création

de Mickey Mouse dans Steamboat Willie, 1928, premier court métrage animé sonore.

En 1932, la société s’assure l’exclusivité du Technicolor pour Fleurs et arbres et remporte un oscar.

En 1933, immense succès des Trois petits cochons. Le studio s’agrandit. Blanche neige et les 7 nains,

1937, premier long métrage d’animation. En 1941, une école d’art est créée pour former les animateurs

aux méthodes maison. La guerre ne ralentit pas la production : Pinocchio, 1940, Fantasia, 1940,

Dumbo, 1941, Bambi, 1942. Malgré des succès commerciaux inégaux, la maison Disney s’impose

comme une référence absolue.

Les frères Fleischer créent Betty Boop en 1930. en 1933, ils adaptent la bande-dessinée Popeye, dont

la popularité égale celle de Mickey. Ils sortent Les voyages de Gulliver, 2ème long métrage

d’animation américain, 1939.

Fin des années 30, la réaction à Disney vient des cartoons. Tex Avery lance l’offensive en 1936 à la

Warner. Ton neuf et décapant, style bourré de jeux de mots et de références. Le succès est total : Daffy

Duck, Elmer Fudd, Bugs Bunny… en 1942, Tex Avery rejoint la MGM grâce à Tom and Jerry, créés

en 1940 par Hannah et Barbera. C’est l’apothéose. En 1946, Jerry dansera même avec Gene Kelly dans

Escale à Hollywood. En 1942, avec The Blitz Wolf, Tex Avery crée le grand méchant loup, l’accueil est

exceptionnel.

Le secteur subit de plein fouet les bouleversements de l’après-guerre. Les budgets de production

chutent avec la fin des compléments de programmes. Disney réagit en se concentrant sur les long-

métrages et en diversifiant ses activités vers la télévision et les parcs d’attraction. Il meurt en 1966.

Aller plus loin : avec Blanche-neige, Disney révolutionne les standards de l’animation. La structure

narrative est proche du cinéma réel. Pour la première fois, les chansons ne se contentent pas d’illustrer

l’action mais intègrent une fonction narrative. Le film est l’aboutissement de recherches engagées

depuis plusieurs années : le feu, les nuages, l’air sont ainsi animés par une équipe de 56 techniciens.

Page 19: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

19

Parfois des méthodes expérimentales très surprenantes : les joues rosées de Blanche-Neige sont

réalisées avec du véritable fard posé sur le cellulo.

18. Du film criminel au film noir

1929, la crise ébranle l’Amérique, avec l’ascension des gangsters et de la violence qui en découle.

L’opinion est inquiète et Hollywood ne tarde pas à s’emparer du sujet.

Le film criminel existe dès le début du XXè siècle. Dans les années 30, une poignée de films le remet

au goût du jour en redéfinissant ses codes. Darryl Zanuck à la Warner donne le ton. Le studio vient

d’initier la révolution du parlant et est à la recherche d’une identité. En 1931, il sort Le petit César, qui

raconte l’ascension et la chute d’un gangster. Univers masculin et brutal, fixe les lois du genre. Elle

dévoile la violence de la vie urbaine. L’utilisation du son, un univers visuel très stylisé rajoutent au

réalisme. Scarface d’Howard Hughes, 1932, achève d’imposer le genre. L’opinion est choquée mais

le public plébiscite ces nouvelles productions.

J.Edgar Hoover dénonce ces films « qui glorifient les délinquants plutôt que les policiers ». En 1934, le

code Hays établit des règles précises. Avec Les Hors-la-loi, la Warner déjoue la censure en adoptant le

point de vue de la loi. Début d’un nouveau cycle avec les mêmes acteurs qui prêtés leur image aux

truands, jouant désormais des agents du gouvernement.

A la fin des années 30, le gangster est montré comme un homme à la dérive, bouc émissaire d’une

société en crise. La mort de John Dillinger, l’arrestation d’Al Capone, l’abolition de la prohibition

marquent la fin d’une époque. Mais le genre ne disparaît pas pour autant.

L’entrée dans la guerre réactive les peurs des américains. Le film criminel évolue. Avec Le faucon

maltais, 1943, de John Huston, le film décrit un univers trouble, propre au film noir dont il dresse le

portrait : menace diffuse, corruption générale. Le détective ne peut se fier à personne. Le film, très

esthétique, utilise toutes les nuances du noir et blanc. Il consacre l’image du privé et la figure de la

femme fatale.

Page 20: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

20

Le film noir fait école : Hitchcock, Fritz Lang, Otto Preminger, ou Howard Hawks. Peu à peu le genre

élargit ses thèmes de prédilection en traitant des crimes commis par l’américain moyen.

19. Femmes fatales

Le film noir ouvre l’ère de la femme fatale. Depuis la période « pré-code » jamais les héroïnes d’ont

été aussi fascinantes et maléfiques.

Au début des années 40, le film noir envahit Hollywood. Contrairement aux héroïnes méritantes et

positives de la Grande dépression, les nouvelles séductrices se révèlent vénéneuses. Elles participent

pleinement à l’atmosphère trouble et paranoïaque du genre, entraînant le héros vers la tentation ou la

corruption.

Ce pouvoir d’attraction est révélé par un détail physique : mèche blonde, jambes fuselées de Lana

Turner. Iconographie explicitement sexuelle. Elégance sexie, maquillage intense, bijoux voyants, la

cigarette et ses traînées de fumée. La réalisation accentue son charisme : fluidité des mouvements de

caméra, angles de prise de vue, photographie contrastée à l’extrême. Face à elle, le héros n’a d’autre

choix que de succomber. Le récit, tourné en caméra subjective ou commentée en voix off par le

personnage masculin, suit le processus inéluctable de cet envoûtement.

Mais la vamp est aussi victime de ses obsessions. Sa quête l’amène à sa propre déchéance. La femme

fatale reflète les évolutions de la femme au sein de la société traditionnelle. En tant que telle, elle doit

être punie. Parfois, la femme fatale est sauvée (Rita Hayworth dans Gilda, 1946). Mais le plus souvent,

la pécheresse connaît un destin tragique : dans La dame de Shanghai, Orson Welles, 1948, Elsa

Bannister (Rita Hayworth) la scène finale se déroule dans la galerie des glaces du Luna-Park de

Chinatown. Sa nature meurtrière est mise à nu. Elle meurt abattue par le mari qu’elle voulait tuer.

Symboles de l’interdit de la société américaine de l’après-guerre, leur destruction est en effet

inéluctable.

Page 21: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

21

20. Les couples immortels

La vie privée des stars enflamme l’imagination, surtout si l’écran propose un écrin à leurs amours.

Fred Astaire et Ginger Rogers ont personnifié mieux que quiconque cette perfection amoureuse.

Romance discrète à l’écran, partenaire de 10 comédies musicales entre 1933 et 1949 (Le danseur du

Dessus), romance qui ne se poursuivait pas en-dehors des plateaux. Ils restent pour les spectateurs,

l’image du couple par excellence.

Spencer Tracy et Catherine Hepburn, réunis dans La femme de l’année, 1942. Coup de foudre

immédiat. Leur histoire ne fut jamais la proie des amateurs de scandales, même si à l’origine Spencer

Tracy avait 7 ans de plus et était déjà marié.

Clark Gable et Carole Lombard, ils se marient en 1939 et n’avaient tourné qu’un film ensemble. Lui

était en train de s’immortaliser dans le rôle de Rhett Butler, elle était la blonde la plus sophistiquée et la

plus drôle d’Hollywood. Elle mourût dans le crash de son avion alors qu’elle participait à l’effort de

guerre. Un amour qui ressemble de fait à une tragédie authentique.

Le denier couple mythique se rencontre en 1945. Elle avait 20 et lui 25 ans de plus ! Coup de foudre

sur Le port de l’angoisse quand Humphrey Bogart enserre la taille de Lauren Bacall. Suivront 12

années de vie commune stoppées par la mort de l’acteur en 1957.

21. L’essor du cinéma britannique

A la fin des années 30, le cinéma britannique décide de résister à l’hégémonie Hollywoodienne avec de

nouveaux talents comme Hitchcock, Alexander Korda, Michael Powell, Carol Reed.

23 films en 1924, 128 en 1929. Que s’est-il passé entre-temps ? La loi : le Cinematograph Film Act

institue une politique de quotas.

Hitchcock filme Le locataire en 1926, inspiré de l’histoire de Jack l’éventreur. L’homme qui en savait

trop, 1934, première version d’un film dont il fera lui-même un remake aux Etats-Unis en 1956. Les

Page 22: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

22

trente-neuf marches, en 1935… cette période britannique s’achève en 1940, quand le producteur

Selznick remarque Hitchcock.

Le renouveau du cinéma britannique passe également par le recours à des cinéastes européens : René

Clair, Fantômes à vendre, Alexander Korda, Hongrois, il réalise La vie privée d’Henri VIII, 1933,

interprété par un jeune acteur, Charles Laughton. Avec ce film, le cinéma britannique renoue avec le

succès international.

Ce volontarisme, parfois critiqué car le recours à des cinéastes étrangers lui fait perdre sa spécificité,

permet toutefois au cinéma britannique de se hisser à la deuxième place mondiale en 1937.

Lors de cette période, naissance d’une école documentaire. Le critique John Grierson en est à la tête,

s’inspirant de l’avant-garde française que des russes Dziga Vertov et Eisenstein. Son unique

documentaire, Drifters, consacré à la pêche au hareng, lance un mouvement qui privilégie les

interrogations formelles au détriment des réalités que l’on montre. L’américain Robert Flaherty,

invité par Grierson, fait évoluer la technique du documentaire vers plus d’humanité et de sensibilité

sociale : L’homme d’Aran, 1934. Les documentaristes britanniques disent alors partir à la « conquête

de l’objectivité ».

22. Le cinéma des dictateurs

Leni Riefenstahl et Hitler, le mélo et Mussolini, le réalisme socialiste et Staline : 3 pays et 3 dictatures,

3 façons d’instrumentaliser le cinéma à des fins de propagande.

Les points communs : ils répondent à des slogans ouvertement partisans. Toutefois, ni Hitler, ni

Mussolini ne jugèrent utiles de nationaliser l’industrie cinématographique, pas plus qu’ils n’empêchent

la production de films de divertissement.

C’est sous la férule mussolinienne que fut créer la Mostra, le festival de Venise en 1932, et en 1937, les

studios de Cinecitta, le Hollywood italien. Manifestations qui assurent le rayonnement de l’Italie et

permettent d’attirer des créateurs européens : Max Ophuls, Jean Renoir.

Page 23: Chapitre 2 : l âge d or des studioshistoirepontus.i.h.f.unblog.fr/files/2010/10/chapitre2.pdf · 2010-10-18 · 4 Aller plus loin : tandis que le système des studios s’installe,

23

Dès 1933, avec l’aryanisation du cinéma allemand, des réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs

juifs sont évincés sans provoquer guère de remous : Fritz Lang, Max Ophuls, Robert Siodmak, Billy

Wilder. Peu de films ont été des films de propagande. Sur 1100 films produits durant la période nazie,

une centaine environ se révèlent clairement marqués par l’idéologie hitlérienne. A ces films, s’ajoutent

des documentaires : Le triomphe de la volonté, 1935.

A la fin des années 20, on note un durcissement du régime stalinien vers le totalitarisme. Le temps des

avant-gardes et des audaces formelles est terminé. Le film, La ligne générale, d’Eisenstein, 1929,

caractérise le mieux cette évolution. On y voit la célébration d’un Kolkhoze et la célébration du travail.

Les autorités apprécient les films historiques à grand spectacle qui retracent la chanson de geste de la

révolution d’Octobre. Mikhaïl Romm tourne Lénine en Octobre, Efim Dzigan tourne Les marins de

Cronstadt.

Aller plus loin : quand sort Chtchors d’Alexandre Dovjenko, 1939, le succès est immense, y compris

en Europe et aux Etats-Unis. Le propos est ouvertement politique : l’histoire d’un instituteur qui lutte

contre les allemands, puis contre les troupes ukrainiennes opposées à la révolution. Le lyrisme des

images et leur beauté plastique permettent cependant d’aller au-delà. Le cinéma soviétique est ainsi

fait : partisan et artistique à la fois.