chapitre 1: l’œuvre de luc : caractéristiques et problématiques - luc et les...
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Chapitre 1: L’œuvre de Luc : caractéristiques et
problématiques
L’évangile de Luc est l’évangile de la prière
Introduction
Quatre remarques :
� Alors que Matthieu et Marc semblent se concentrer sur la vie de Jésus, Luc divise son œuvre
en 2 tomes : l’Evangile et les Actes des Apôtres ; il distingue ainsi le temps de Jésus et le temps
des débuts de l’Eglise. Tous les critiques admettent que le 3ème
Evangile et les Actes sont
l’œuvre d’un même auteur. Cette conception est fondée sur :
- le lien des 2 prologues : il commence les 2 œuvres par une dédicace où il précise la
méthode employée
- l’homogénéité de la langue et de la pensée
- la construction symétrique et contrastée des 2 ouvrages
La construction des évangiles :
- tout commence à Jérusalem (Zacharie est dans le Temple)
- on part de Galilée pour monter à Jérusalem, lieu de la Passion
- toutes les apparitions de Jésus ont lieu à Jérusalem
- Pâques devient l’élément central
- l’évangile se termine dans le Temple (c.a.d. là où il avait commencé) où les apôtres prient et
louent le Seigneur.
Les Actes des Apôtres commencent à Jérusalem (Pentecôte) et, en passant par la Samarie et la
Judée, on arrive à l’extrémité des nations (= Rome)
Signification : comme Jésus l’a dit, la Bonne Nouvelle est apportée aux nations.
Nous n’avons aucune copie de l’œuvre de Luc dans sa totalité. On a très tôt séparé les Actes
des Evangiles :
- pour des raisons doctrinales : on a reconnu à l’Evangile une autorité plus grande qu’aux
Actes
- pour des raisons liturgiques : les textes que l’on garde sont ceux qu’on lit dans la liturgie
Il ne faut pas séparer les Actes des Evangiles. Au 2ème
siècle, il faudra qu’Irénée de Lyon use de
son autorité pour que les Actes soient réintégrés dans le canon des Ecritures. On rattache les
Actes aux Evangiles, avant les Epîtres pauliniennes.
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� Deuxième originalité de Luc : quand Marc, ch. 1 v. 1, définit son projet littéraire, il dit qu’il
« écrit un évangile ». Luc, quand il décrit son genre littéraire, ne dit pas qu’il écrit un évangile,
mais il déclare avoir fait un récit des évènements décrits pas Dieu.
� Troisième originalité : Luc est le plus grec des auteurs du N.T. Il y a chez lui une grande
délicatesse et culture dans la langue
� Quatrième caractéristique : La délicatesse caractérise Luc.
- On la trouve dans la manière dont il parle des disciples : il gomme les faiblesses et les
manquements (par ex : à la Passion, les disciples s’endorment « de tristesse »)
- Il décrit Jésus comme celui qui vient manifester la tendresse du Père. Il est l’Evangiles de la
mansuétude
Cette délicatesse n’a rien de mièvre. La manière dont Luc décrit la tendresse de Dieu est
inséparable de l’exigence, de la radicalité de vie pour suivre le Christ.
Enfin, Luc a une vision très négative de l’argent : « vous ne pouvez servir Dieu et l’argent ».
1. – Auteur, destinataires, date, lieu
1.1. – L’auteur
A la différence des autres, l’auteur se manifeste dans le prologue. On le retrouve dans les 2
prologues avec le « je », et dans les Actes où apparaît « nous ». Celui qui écrit fait partie des
acteurs (Ac 16, 10 et sv ; 20, 6-15 ; 21, 1-18 ; 27, 1).
On pense que l’auteur a été un compagnon de Paul. Certains le contestent aujourd’hui.
1.1.1. – Le témoignage de la Tradition
- Irénée de Lyon dans son livre « contre les hérésies », s’arrête sur l’origine de l’œuvre de
Luc. Il revient sur l’unité et l’intégrité de l’œuvre. il insiste sur le fait que Luc a été
compagnon de Paul et sur l’unité entre eux.
- Le canon de Muratori date de la fin du 2ème
siècle. C’est une liste de livres du N.T. trouvée à
Milan, mais sans doute utilisée par les chrétiens de Rome. Muratori est le nom de
l’archéologue qui l’a trouvé. Il est affirmé qu’il n’a pas été témoin oculaire, mais qu’il l’a
reçu de Paul.
Les premiers chrétiens fondent l’autorité des évangiles sur le fait qu’ils ont été écrits soit
par des témoins oculaires, soit par des personnes qui l’ont reçu de témoins oculaires.
- Tertullien au 3ème
siècle prend la défense du 3ème
évangile contre Marcion. Il souligne que
l’autorité de Luc vient de son lien à Paul. Il dit que Luc n’est pas un apôtre, mais un homme
apostolique.
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- Origène dans un commentaire de Matthieu, parle de Luc. Il écrit : « … et le 3ème
(évangile)
est l’évangile selon Luc, celui qui a été loué par Paul et composé pour les croyants venus de
la gentilité ».
- Eusèbe de Césarée dit que
- pour l’Evangile, Luc a écrit d’après la Tradiiton
- pour les Actes, il a été témoin lui-même
- Les prologues anti-marcionites : disent que Luc a écrit pour des chrétiens d’origine grecque.
De manière unanime, la Tradition identifie l’auteur du 3ème
Evangile et des Actes avec Luc,
compagnon de Paul. On n’a pas beaucoup de détails autobiographiques sur lui. C’est à partir du
4ème
siècle, qu’on s’intéresse à son autobiographie. D’après Grégoire de Naziance, Luc aurait été
martyrisé. Il aurait fait partie des 72 disciples. Il aurait été compagnon de Chléophas
(compagnon d’Emmaüs). Il aurait été médecin et originaire d’Antioche.
1.1.2. – La critique interne
� Luc n’était pas palestinien (il ne connaît pas la Palestine). Lorsqu’il décrit Nazareth, il dit
que la ville est construite sur une montagne. Or Nazareth était dans le creux de la
montagne.
Autres exemples :
- il dit qu’il faut traverser la Samarie, puis le Galilée pour aller à Jérusalem : c’est faux
- pour lui, les toits auraient été en tuiles : c’est faux
- les crues des rivières, la technique des semailles témoignent d’une tradition gréco-
romaine
- Luc s’interdit d’appeler le lac de Tibériade « mer », ce qui est contraire aux gens du
pays.
� Luc est un homme cultivé qui connaissait la culture grecque. La langue est souple, le
vocabulaire varié. Il évite les mots à consonance sémitique tels que : Golgotha, « talita
koumi », rabbi …).
Il a fait de bonnes études et il est versé dans la rhétorique et l’exégèse. C’est peut-être à
cause de cela qu’on a dit que Luc était médecin.
� Luc n’était sans doute pas juif. Pourquoi ? Il donne peu d’importance à la Loi. Il n’hésite pas
à la qualifier de « coutume nationale » (Ac 21,21) et il met même des paroles dans la
bouche des apôtres disant que la Loi n’était plus praticable (Ac 15,10). Il faisait donc sans
doute partie des « craignant-Dieu ».
En conclusion : la question du lien entre Paul et Luc : la Tradition est unanime pour dire que Luc
est compagnon de Paul
- Col 4,14 : « Luc, notre ami médecin »
- Philémon 1,24 : « Luc, mon collaborateur »
- 2ème
lettre à Timothée 4,11 : « Luc seul est avec moi »
Mais cela pose un problème parce que certains auteurs montrent des différences notoires
entre les Actes et les lettres de Paul. De plus on note, dans les écrits de Luc, l’absence de
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thèmes chers à Paul. Par exemple le thème de la justification par la foi, le rapport entre
l’Evangile et la Loi.
Autre différence : il y a une opposition entre l’optimisme anthropologique de Luc et la
conception paulinienne pessimiste.
Autre différence : l’itinéraire des voyages de Paul. Lorsqu’on lit les Actes, Luc semble ignorer les
grandes controverses, les heurts qui ont marqué le ministère de Paul. Par exemple : les
différends entre Pierre et Paul, les divisions de la Communauté de Corinthe, les volte-face des
Galates …
De plus, les auteurs s’étonnent que l’auteur des Actes ne mentionne pas l’activité épistolaire de
Paul.
Une question se pose : le Luc de l’Evangile et des Actes est-il le même que celui dont parle
Paul ? Face à cela, il y a 2 catégories d’auteurs :
- 1°) Ceux pour qui Luc n’a jamais été le compagnon de Paul. Pour eux, Luc est un grec
cultivé, originaire de Macédoine, auteur du 3ème
évangile et des Actes. Il a été identifié très
tardivement avec le Luc dont parle Paul, et ceci pour une raison : il fallait que ces écrits
aient une origine apostolique.
Ces auteurs vont essayer de définir le projet littéraire de Luc qui est différent de celui de
Paul. Il s’agit pour lui d’attester la vérité du christianisme, de calmer l’appréhension des
Romains devant la mission chrétienne. Les chrétiens, expulsés des synagogues, veulent
prouver qu’ils sont de bons citoyens. L’Evangile ne constitue pas un danger politique ; au
contraire, l’éthique des chrétiens ne peut apporter que du bien aux païens
C’est pourquoi Luc va s’employer à montrer comment les autorités romaines ont accueilli le
message de Pierre et de Paul. Il a le souci de défendre l’Eglise contre la polémique juive et
d’affirmer que les communautés chrétiennes sont les héritières légitimes des promesses de
l’Ecriture. Il a aussi le souci de souligner la collaboration harmonieuse entre Pierre et Paul,
et notamment la continuité entre les 12 restés à Jérusalem et les hellénistes partis en
mission. Il insiste donc sur l’harmonie de la communauté chrétienne (ce qui n’est pas la
réalité !).
- 2°) Il y a une position intermédiaire : il y a des différences entre les Actes et les lettres de
Paul, mais peut-on se résoudre à faire de l’attribution à Luc une attribution tardive ou un
genre littéraire ? Non. On pense qu’il y aurait une filiation réelle. Entre la moitié du 2ème
voyage missionnaire et la fin du 3ème
, Luc ne serait pas resté avec Paul. Mais il aurait été
avec lui avant et après. Il n’aurait donc pas été là aux moments les plus difficiles de Paul.
1.2. – Les destinataires des écrits de Luc
Il s’agit d’une œuvre à vocation universelle. Luc a le souci de souligner la dimension universelle
du salut apporté par le Messie. Il le fait dès le début (Lc 2,32). Jésus est la lumière pour la
révélation aux païens.
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De plus (Lc 3,38), la généalogie de Jésus remonte à Adam (et non à Abraham, comme dans Mt).
Autre exemple, au Ch. 3, v. 5 et 6, Luc prolonge Isaïe 40,3 : « toute chair verra le salut de Dieu ».
Sans oublier Lc 4, 26-27) : Naaman le Syrien, la veuve de Sarepta …
On note :
- le souci de Luc d’expliquer les mœurs juivess ou la topologie palestinienne
- Luc omet un certain nombre de traits qui seraient trop spécifiquement juifs (par ex. des
controverses juives, le retour d’Elie, les positions des pharisiens du chap. 19 de Mt (= Mc
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- Luc sait adapter les sources aux idées chères à la culture grecque : il souligne l’immortalité
de l’âme et reste discret sur la résurrection. Il est très sensible au beau, au bon …
⇒ Les destinataires sont des chrétiens vivant dans un contexte grec, issus du paganisme, des
païens cultivés sans doute.
1.2. – La date
- Pour certains : entre 70 et 90. Au chap. 21, on trouve une allusion à la destruction de
Jérusalem. Alors que Matthieu et Marc parlent d’un événement qui va avoir lieu, Luc parle
d’un événement qui a eu lieu.
- Certains auteurs pensent plutôt à une date postérieure à 95 parce qu’ils notent de
nombreux contacts littéraires entre l’œuvre de Luc et celle de Jean (par exemple : la pêche
miraculeuse et la promesse à Pierre, ou bien le discours après la Cène). Il y a aussi des
thèmes théologiques communs : l’exaltation dans la mort et la gloire, le don de l’Esprit
attaché à la résurrection de Jésus …
1.3. – Le lieu
On ignore où Luc a écrit. La Grèce ? Césarée ? Alexandrie ? Rome ? Tout ce que l’on sait, c’est
qu’il avait en vue des chrétiens non palestiniens. C’est un évangélisateur qui aurait peut-être
été un itinérant, occupé surtout de la fondation des communautés chrétiennes.
2. – Composition littéraire et style de Luc
2.1. – Le style
2.1.1. – Sur le plan littéraire
- Sur le plan littéraire, Luc est le plus doué des évangélistes. Il manifeste une grande fidélité
par rapport à ses sources. C’est quelqu’un qui a fait de la simplicité son but.
- Luc connaît parfaitement le grec de la Septante.
- Il varie les styles suivant les épisodes.
2.1.2. – Comme historien
C’est un historien à la manière grecque, c.a.d. que l’historicité ne veut pas dire fidélité aux
évènements.
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- Luc aime situer l’histoire du salut par rapport à l’histoire profane (Ch. 3, v. 1 et 2).
- Il a le souci de souligner la progression de l’hostilité des classes dirigeantes contre Jésus.
- Il ne craint pas de transposer des récits si cela lui paraît plus cohérent (par ex. l’appel des
disciples).
- Lorsqu’il dispose de certains chiffres, il les corrige ou il ajoute (« environ » au ch. 1, v. 56 ;
ou bien ch. 3, v. 32 ; ou ch. 9, v. 14). Il n’hésite pas à grossir les chiffres.
On remarque que près des 2/5èmes
de l’évangile de Luc ne se trouve ni chez Marc, ni chez Mt.
Par exemple : le bon Samaritain, Zachée, l’enfant prodigue, Marthe et Marie, la résurrection du
fils de la veuve de Naïn, la catéchèse sur la prière, les pèlerins d’Emmaüs.
2.2. – La composition littéraire de l’œuvre de Luc
2.2.1 – Un regard d’ensemble
- Jean Baptiste appartient à l’A.T.
- Jésus apparaît dès le début comme habité par l’Esprit Saint.
Jean Baptiste Evangile (Jésus) Actes des Apôtres (Eglise)
En Galilée / Montée / Jérusalem
Temps de la
Promesse Pâques Pentecôte
Jésus avec la force de l'Esprit Les témoins avec la force de l'Esprit
Temps de l'accomplissement de la Promesse
2.2.2. – La construction de l’Evangile
On distingue 2 structures :
1°) Une structure où il y a 5 parties :
- Les récits de l’enfance : ch. 1 et 2
- La mission de Jean Baptiste : ch. 3, v. 1 à 20
- La prédication de Jésus en Galilée : du ch. 3, v. 2 au ch. 9, v. 50
- La montée de Jésus à Jérusalem : du ch. 9, v. 51 au ch. 19, v. 28
- Jésus à Jérusalem : du ch. 19, v. 29 à la fin
2°) Une structure où il y a 4 parties :
- Une partie composée d’une introduction (prologue) avec 2 sections :
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- les récits de l’enfance : jusqu’à la fin du chap. 2
- le prélude de la mission jusqu’aux tentations de Jésus : du ch. 3, v. 1 au ch. 4,
v. 13
- La mission de Jésus en Galilée : du ch. 4, v. 14 au ch. 9, v. 50
- La montée de Jésus à Jérusalem : du ch. 9, v. 51 au ch. 19, v. 28
- Jésus à Jérusalem : du ch. 19, v. 29 à la fin
3. – Exégèse
3.1. – Le prologue de l’Evangile (Lc 1, 1-4)
Luc est le seul évangéliste qui formule son projet littéraire. Il suit l’exemple de la littérature
grecque. → il vaut conférer à ce qu’il écrit un caractère public.
- Il signale les efforts de ses prédécesseurs (il dit les sources et le but)
- Il souligne le thème fondamental de son ouvrage : « les évènements accomplis parmi nous »
- Il décrit la manière dont il a travaillé : une enquête exhaustive et méticuleuse
- La dédicace est dédiée à Théophile et à un large public
- Le but : vérifier et confirmer la solidité de l’enseignement que Théophile a reçu
Etude par verset :
Verset 1 : Importance des « évènements accomplis parmi nous ». En grec, on a un passif divin. Il
se situe donc sur un plan théologique : c’est le récit d’évènements accomplis selon
le dessein de Dieu. Le temps employé est le parfait, c’est-à-dire un temps indiquant
des évènements ayant eu lieu dans le passé, mais dont les effets continuent à se
réaliser dans le présent.
Verset 2 : Importance de la Tradition. Le verset est centré sur la transmission de ceux qui ont
été témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole.
Verset 3 : A noter la place du « je ». Luc est le seul à utiliser la 1ère
personne « je » → ce qui
suit est le fruit de son travail personnel. Il admet dépendre de ceux qui étaient
avant lui. Théophile n’est pas un prénom juif. C’est un prénom grec qui a été repris
par les Juifs. On y voit, soit un personnage historique, soit tous les amis de Dieu. Les
dédicaces étaient dédiées aux mécènes qui allaient publier. Théophile était-il un
mécène ?
Verset 4 : « la solidité » → il y a un côté apologétique : il s’agit de défendre la vérité et la
solidité de ce que Théophile a reçu. Il s’agit aussi de faire de son travail d’historien
une dimension de la vérité évangélique.
En conclusion, 3 remarques :
� Le fait que l’Evangile commence par un prologue signifie que l’Evangile se fait littérature
pour la première fois dans l’Eglise.
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� Le fait de présenter l’Evangile comme une œuvre littéraire montre un effort d’inculturation,
donc d’ouverture sur le monde. Luc est en dialogue avec la culture de son époque
� Luc n’hésite pas à soumettre l’Evangile aux méthodes de l’historiographie profane → il veut
donner à ses contemporains un message qui corresponde à leur forme culturelle, mais sans
trahir le message.
3.2. – Le prologue des Actes (Ac 1, 1-3) – Les 3 premiers versets uniquement
Dans le texte grec, il y a des nuances difficiles à traduire. Pour les 3 premiers versets, on a une
seule phrase ininterrompue qui renvoie le lecteur au prologue et aux éléments essentiels de
l’Evangile.
Dans ce qui suit, on a affaire à des effets littéraires. Les versets. 4 à 8 / 9 à 14 / 15 à 26 sont
des épisodes particuliers dont le but est de brosser l’attitude du groupe apostolique en attente.
Le verset 1 du prologue rappelle littéralement la 1ère
parole, c.a.d. le 1er
livre : les Evangiles. On
a le même destinataire : Théophile, et on apprend que la 1ère
parole de Luc était consacrée à
tout ce que Jésus avait fait et enseigné depuis le commencement.
L’activité de Jésus est caractérisée par 2 verbes : « faire » et « enseigner ». (cf. « Il est « puissant
en œuvre et en parole »). Ce sont 2 aspects indissociables. Il fait (= il guérit) et il parle (= il
annonce). La parole interprète l’action, l’action confirme l’annonce de la Bonne Nouvelle.
Le commencement va de pair avec le baptême de Jean (et non avec l’enfance). C’est le
ministère public de Jésus. La fin, c’est l’Ascension : « le jour où il fut enlevé » → on retrouve la
finale de l’évangile de Luc.
L’articulation des 2 livres : l’Evangile et les Actes des Apôtres, est établie.
Il y a un lien très fort entre l’activité de Jésus et la mission des apôtres. Ceux-ci ont été choisis
par Jésus et instruits par l’Esprit Saint → il y a le souci de marquer la continuité entre la
mission de Jésus et la mission des apôtres. Jésus a été conçu du Saint Esprit. Cet Esprit est
descendu sur lui au baptême. Les apôtres, après avoir été instruits par l’Esprit Saint, vont le
recevoir à la Pentecôte ensuite.
Dans les Actes, il y a plusieurs pentecôtes : celle des apôtres, et celle des païens (10, 44-46 ;
19,6).
Verset 3 : le terme « vivant » est très important. C’est le titre que Luc donne au Ressuscité :
vivant après la Passion. En grec : « après souffrir » au sens fort du terme.
� il fait écho à l’évangile : « il fallait qu’Il souffrît ».
La mention des 40 jours pose problème car cela paraît en contradiction avec l’évangile où il n’y
a pas d’écart entre Pâques et l’Ascension. On peut y voir la dualité de 2 sources différentes.
Mais la différence des 2 récits tient à la situation particulière de ces 2 passages dans le récit
auquel ils appartiennent.
Le chapitre 24 de l’évangile de Luc est la fin d’un récit centré sur l’œuvre et la passion de Jésus
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→ l’Ascension est l’achèvement. Luc montre sur le plan théologique que c’est le même Christ
qui a vaincu la mort, que les siens ont vu vivant et qui a été enlevé au ciel.
Dans les Actes, c’est l’inverse. On est au début d’un récit qui concerne l’œuvre des apôtres
→ il s’agit de montrer qu’avant que Jésus disparaisse totalement, un temps leur a été donné
pour assimiler l’événement de la Résurrection.
Après la Résurrection
- le Christ se fait voir : c’est lui qui a l’initiative.
- c’est le Christ qui est « l’enseignant » qui leur enseigne le Royaume de Dieu (thème
important dans l’évangile de Luc)
Le Règne de Dieu est proclamé « avec assurance et sans entrave ». C’est la conclusion des
Actes. Cette conclusion n’est pas une fin abrupte. Elle correspond au Prologue avec la mention
de Paul qui proclame le Règne de Dieu, qui enseigne le Seigneur Jésus Christ et qui le fait avec
assurance et sans entrave.
« Le Seigneur » : le titre de Christ, Messie, qui était décisif pour les Juifs, est subordonné au
titre de Seigneur. Ne pas oublier aussi qu’on est à Rome, donc dans une civilisation où
l’empereur se fait vénérer comme « Seigneur » � le dernier mot de Luc montre que le vrai
Seigneur, c’est Jésus, le Christ. Luc est arrivé au terme de son projet et il peut donc arrêter son
œuvre.
L’annonce du salut, parti de Jérusalem, a atteint Rome, c.a.d. toutes les nations.
Le terme « sans entraves » signifie qu’on ne peut rien contre l’Evangile. C’est le dernier mot de
Luc.
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Chapitre 2: Les figures de Jésus
et de Jean-Baptiste
A l’inverse de l’évangile de Matthieu, Jean Baptiste occupe une place prépondérante chez Luc.
L’ensemble de Luc est construit autour des 2 figures : Jésus et Jean Baptiste, avec des scènes
qui ont un parallèle évident : mêmes mots, mêmes expressions, formes et fonctions.
1. – Les récits de l’enfance : le parallèle entre Jean Baptiste et Jésus
1.1. Les deux Annonciations (Lc 1,5-25 // 1,26-38)
Malgré leur différence : Jean Baptiste est annoncé au milieu du culte au Temple, alors que Jésus
est annoncé dans une obscure bourgade de Galilée, ces 2 récits rapportent une apparition de
l’ange Gabriel qui annonce à l’un des deux parents la naissance miraculeuse de l’enfant et qui
décrit la mission de cet enfant.
Ces récits s’inspirent du genre littéraire de l’Annonciation dans l’A.T.
Points communs :
- présentation semblable des 2 parents
- les réactions de Zacharie et de Marie à l’apparition de l’ange : tous les deux sont troublés
- Gabriel rassure
- l’annonce de la nativité est différente, mais on constate dans les 2 cas :
- l’imposition du nom
- c’est une annonce de joie
- il est dit des 2 enfants : « ils seront grands ». Pour Jean Baptiste : grand devant le
Seigneur. Pour Jésus « il sera grand » au sens absolu
- l’Esprit et la puissance agiront. Pour Jean Baptiste, c’est la puissance d’Elie, pour
Jésus, la puissance du Très Haut.
- les réactions de Zacharie et de Marie : les 2 réagissent par une question, d’incrédulité chez
Zacharie, de foi chez Marie
- La réponse de l’ange fait suite à l’interrogation et elle est introduite de la même manière.
L’incrédulité de Zacharie est opposée à la foi de Marie
- Les 2 obtiennent un signe. Pour Zacharie, le signe est un châtiment ; pour Marie, c’est la
grâce d’une révélation (v. 36)
- l’annonce de Jean se termine par la joie d’Elisabeth ; l’annonce de Jésus introduit à la scène
de la Visitation où Marie chante sa joie
Toutes ces ressemblances font ressortir l’unité divine. Il y a continuité avec l’A.T., mais il y a
supériorité de Jésus.
- Jean est présenté comme un homme consacré à Dieu (= nazir), comme un prophète qui doit
ramener les fils d’Israël à Dieu. On retrouve les termes de la mission de conversion (cf.
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mission de conversion du livre de Malachie). Il est aussi le précurseur investi de la mission
eschatologique d’Elie.
- Jésus est « grand » au sens absolu du terme. Il est l’Emmanuel = Dieu avec nous (cf. Isaïe
chapitre 7). Il est présenté dans la tradition du Roi-messie David. Il sera « Fils du Très
Haut », l’héritier du « trône de David ».
Remarque : Zacharie aurait dû savoir qu’il était possible à Dieu de donner un enfant à sa
femme. Il connaissait l’A.T. et il savait que Dieu avait permis à des femmes stériles d’enfanter.
C’est pourquoi il a été « puni ».
1.2. – Les deux naissances et circoncisions (1,57-66 // 2,1-21)
On a 2 scènes différentes :
- la naissance de Jean : il n’y a que 2 versets et l’intérêt est porté sur la révélation de son nom
au moment de la circoncision.
- pour Jésus, c’est l’inverse : le récit est centré sur la naissance. Il n’y a qu’un seul verset pour
la circoncision
Le cadre est différent :
- pour Jean Baptiste, la demeure est sacerdotale, les parents sont nombreux
- pour Jésus, la naissance est au hasard d’un voyage, la mère est seule dans une mangeoire..
Ce dénuement constitue un signe (cf. v. 12 : « vous trouverez un enfant … crèche »)
Malgré ces différences, et la pauvreté de la naissance de Jésus, on retrouve la supériorité de
Jésus qui est Sauveur : « il vous est né un Sauveur » (v. 11).
Dans les 2 cas, la naissance va de pair avec la joie mais :
- pour Jean Baptiste, elle est pour les parents et les voisins
- pour Jésus, elle est pour tout le peuple.
La réaction de ceux qui assistent à la naissance est exprimée avec les mêmes termes :
étonnement, crainte, intériorisation mais :
- pour Jean, tous ceux qui sont présents gardent ces évènements dans le cœur
- pour Jésus, seule Marie le fait.
1.3. – Les oracles prophétiques sur Jean et Jésus (1,67-79 // 2,22-39)
Il s’agit du « Benedictus » et du « Cantique de Siméon ».
Différences dans la forme et le contenu :
- le Benedictus est un hymne typiquement juif dans sa langue, dans sa forme, dans sa
pensée.
- le Cantique de Siméon a une connotation chrétienne.
Les contextes sont différents :
- le Benedictus est chanté dans la campagne de Judée
- le Cantique de Siméon est chanté dans le Temple
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Ces 2 récits ont la même fonction : présenter un oracle de prophétie qui révèle la mission à
venir de l’enfant.
Dans les 2 cas, il y a des expressions communes :
- la place de l’Esprit Saint
- la bénédiction (on bénit Dieu)
- le fait que le Seigneur a accompli sa promesse
- le salut est chanté dans les 2 cas
- il est question de délivrance (v. 38) et de paix
Mais supériorité de Jésus qui sera lumière des nations et gloire d’Israël.
1.4.- Les notices sur la jeunesse de Jean et de Jésus (1,80 // 2,40)
Parallélisme :
- Jean : « l’enfant grandissait et son esprit se développait » (v. 80)
- Jésus : « l’enfant grandissait, se développait » (v. 40)
Mais ensuite les différences apparaissent :
- Jean Baptiste va au désert
- Jésus était tout rempli de sagesse → son esprit n’a pas à se fortifier. Jésus est rempli de
l’Esprit Saint.
Pour Luc, la sagesse est le bien propre de Jésus.
De plus, « la grâce de Dieu reposait sur lui » = il a la faveur de Dieu, c.a.d. Dieu prend soin de lui.
On a aussi une différence de lieux :
- pour Jean Baptiste, c’est le désert, le lieu de sa prédication
- Jésus, au contraire, est parmi les hommes
Pour l’épisode de Jésus au Temple de Jérusalem, il n’y a pas de parallèle. Il s’agit, pour Luc, de
montrer que la 1ère
parole de Jésus est pour son Père : il reconnaît qu’il doit être « aux affaires
de son Père ». La dernière parole de Jésus (sur la Croix) est aussi pour son Père : « entre tes
mains, je remets mon esprit ».
Peut-être que Luc veut aussi faire parler Jésus avant Jean Baptiste. Jésus manifeste dès le début
la grandeur de sa sagesse qui lui permet de répondre aux docteurs de la Loi sans être passé par
l’école rabbinique.
2. – Origine et portée d’une telle construction
2.1. – Origine
Ce procédé de la mise en parallèle de 2 personnages n’est pas propre à Luc. On le retrouve
dans l’A.T. Par exemple : Moïse et Josué, Moïse et Elie , Elie et Elisée
Moïse et Josué
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- connaissent l’un et l’autre des théophanies (= manifestations de Dieu) identiques.
- ils font passer tous les deux les eaux à leur peuple miraculeusement
- il y a chez les deux une victoire qui s’accomplit par un geste miraculeux
Elie et Elisée :
- tous les deux multiplient miraculeusement l’huile de la veuve
- même résurrection du fils de leur hôtesse
- tous deux se voient conférer pour mission d’oindre des chefs païens alors qu’eux-mêmes les
considèreraient comme des ennemis du Seigneur
Ce procédé est courant. On le retrouve dans toute la littérature gréco-latine. Voir par exemple
« les vies parallèles » de Plutarque.
Luc utilise aussi dans les Actes ce procédé dans la manière dont il écrit en parallèle les
évènements relatifs à Pierre et à Paul :
- il y a 4 discours chez Pierre et chez Paul
- il y a la guérison d’un infirme chez Pierre et chez Paul
- tous deux donnent l’Esprit Saint par l’imposition des mains
- tous deux refusent d’être adorés
- tous deux n’ont ni argent, ni or
� il s’agit de montrer l’identité de mission de Pierre et de Paul, même si les destinataires ne
sont pas les mêmes puisque d’un côté ce sont les juifs, de l’autre les païens.
2.2. – Portée d’un tel procédé
En présentant de manière parallèle l’annonce et la genèse des 2 enfants, Luc veut marquer
l’unité de leur tâche et surtout montrer que c’est un même dessein de Dieu qui s’accomplit/
Le parallèle va faire ressortir la supériorité de Jésus sur Jean et la subordination du précurseur à
celui qu’il prépare.
En faisant ressortir la supériorité de Jésus sur Jean, Luc n’innove pas. Il reprend quelque chose
que l’on retrouve dans les synoptiques. L’originalité de Luc, c’est de l’avoir développé selon une
construction parallèle avec une séparation nette des temps et des missions.
3. – La mission de Jean Baptiste (3,1-20)
3.1. – Séparation du temps de Jean Baptiste de celui de Jésus
Là où les autres évangélistes présentent des évènements disséminés de Jean Baptiste, Luc
présente un ensemble qui va du début de la mission de Jean Baptiste jusqu’à son
emprisonnement. Tout se termine avant le baptême de Jésus.
� Il y a séparation entre le temps de Jean Baptiste et le temps de Jésus.
3.2. – Distinction des zones géographiques et topographiques
14
A la différence de Marc et de Matthieu, Luc fait tout pour éloigner Jésus des régions où Jean
Baptiste a prêché. L’action de Jean Baptiste s’est déroulée dans la région du Jourdain, celle de
Jésus en Galilée et en Judée.
3.3. – Prédication différentes
La présentation de la prédication de Jean Baptiste n’est pas la même chez Luc et chez les autres
évangélistes.
On retrouve :
- l’appel à la conversion
- l’annonce du plus fort qui baptisera dans l’Esprit
Mais Luc accentue le caractère concret, quotidien et social de la conversion (cf. ch. 3, v. 8 et
surtout v. 10 à 14), avec la nécessité du partage (c’est très important chez Luc).
⇒ On sent chez Luc le souci de montrer que Jean n’est pas le Christ. Chez Luc, la prédication
du Royaume est réservée à Jésus (ch. 4 v. 43). Il est venu pour cela.
Conclusion
Jean Baptiste est-il un personnage du N.T. ou bien de l’A.T. ?
Pour Luc, Jean Baptiste est un personnage de l’A.T., ou du moins un personnage charnière. Le
N.T. commence avec Jésus. Voir aussi ch. 16, v. 16 : « la Loi et les prophètes vont jusqu’à Jean ».
Pour Luc, avec la venue de Jésus commence le temps du salut et l’accomplissement de la
promesse. C’est pour cela que Luc situe le baptême de Jésus au moment « où tout le peuple
était baptisé ». Jésus arrive au terme d’un mouvement qui a conduit tout le peuple à se faire
baptiser.
-=-=-=-=-=-=-
15
Note introductive
Après les récits de l’enfance, le baptême, la généalogie, les tentations de Jésus, débute la
prédication : son ministère en Galilée.
Remarque concernant la généalogie : Matthieu rattache Jésus à Abraham, c.a.d. au peuple juif.
Luc le rattache à Adam, c.a.d. à toute l’humanité : c’est le Nouvel Adam. De plus, Luc place la
généalogie après le baptême ; elle s’inscrit ainsi dans l’acte de salut.
Versets 14 et 15 : Jésus revient en Galilée … « tous disaient sa gloire ». Puis au v. 16 : « Il se
rendit à Nazareth ». Cette scène est anticipée (d’après Mc et Mt). En effet, chez Luc, Jésus n’a
encore rien fait ; il n’a pas encore de disciples. Le v. 23 mentionne des miracles à Capharnaüm,
alors qu’il n’y est pas encore allé.
Pourquoi Luc a-t-il anticipé ?
1.- La situation de la péricope
L’épisode se situe immédiatement après des versets où Luc signale le retour de Jésus en Galilée
(comme dans les synoptiques). chez Marc, ce qui suit, c’est l’appel des disciples, puis la journée
à Capharnaüm.
Luc a reçu ces versets de la Tradition. Il rappelle que c’est sous la mouvance de L’Esprit que
Jésus inaugure son ministère. (rappelle l’Esprit Saint du baptême).
Aux v. 14 et 15, Luc laisse sous-entendre que Jésus a entrepris une action de longue durée en
Galilée avant de venir à Nazareth. Mais, non seulement il ne s’attarde pas à décrire ces
activités, mais il ne précise ni le contenu, ni le lieu géographique du début de ministère de
Jésus. Jean, lui, indique le contenu : « le Royaume de Dieu est là, convertissez-vous ». Idem chez
Mc et Mt. Luc l’a gommé parce qu’il le réserve pour la suite.
Chapitre. 3 : Le ministère de Jésus en Galilée La prédication de Jésus à Nazareth (4, 16-30)
16
2. – Analyse de la péricope
Luc ne fait pas d’allusion aux disciples. Ils n’ont pas encore été choisis. L’appel n’aura lieu qu’au
ch. 5. Il y a combinaison entre « appel » et « pêche miraculeuse ».
La venue de Jésus à la synagogue de Nazareth (vv. 16-17)
Là où Mt et Mc disent que Jésus vient dans « sa patrie », Luc parle de Nazara. C’est donc plus
précis. Le mot « patrie » viendra plus tard (v. 25).
Si Mt situe cet épisode dans le cadre de la liturgie, Luc est plus précis : il s’agit du shabbat. On
est dans la synagogue et il décrit le cérémonial qui entoure la lecture de la parole
→ ce qui va se passer autour de ce livre est fondamental.
Le texte de la citation et son actualisation (v. 18-20)
Les versets 18 à 20 sont absents chez Mt et Mc. Luc reprend le texte d’Isaïe 61,1-1 en suivant le
texte de la Septante qu’il modifie sur 4 points :
- Luc coupe volontairement la citation : il s’arrête à « proclamer une année de grâce du
Seigneur ». (la suite mentionnait un jour de vengeance qui visait les païens
- Luc ne parle pas de « guérir ceux qui ont le cœur brisé ». Pourquoi ?
- Le texte de la Septante parlait « d’appeler ». Luc parle de « proclamer », terme technique
de la proclamation chrétienne
- Luc introduit dans la citation d’Isaïe, à la fin du verset 18, quelques mots empruntés à Is.
58,6 : « renvoyer les opprimés en liberté »
On peut donc dire que la citation est composite. Beaucoup la considèrent comme une
élaboration chrétienne. Elle ferait partie des « testimonia », c.a.d. des citations que les
premiers chrétiens élaboraient pour dire la foi qui était la leur.
Les 2 citations d’Isaïe (ch. 61 et 58) faisaient partie de poèmes qui, dans l’A.T. annonçaient la
restauration d’Israël. L’attente portait sur la venue d’un prophète. Tout le chapitre 61 en définit
la mission.
⇒ il s’agit, à travers ces versets, de montrer que la prédication du Christ se situe dans
l’accomplissement d’une œuvre de libération et d’affranchissement. Cf. le verset 21 : pour
Luc, en reprenant le texte d’Isaïe à son compte, Jésus se déclare comme étant le prophète
messianique annoncé par Isaïe. Il définit sa mission qui est celle d’un Messie qui est
prophète.
A noter l’insistance très forte sur « l’aujourd’hui ». Chez Luc, le terme « aujourd’hui » est le
signe de l’accomplissement divin. On le retrouve 12 fois dans l’Evangile et 7 fois dans les Actes.
- Jésus accomplit aujourd’hui des guérisons
- Zachée : « aujourd’hui, il me faut demeurer dans ta maison »
- Le bon larron : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis
17
� Pour Luc, l’attente eschatologique s’actualise en prenant corps et réalité dans la personne de
Jésus. La parole de l’Ecriture s’accomplit dans sa venue à la synagogue de Nazareth. Cette
venue marque le début effectif du ministère public de Jésus. C’est un moment clé. Ce texte
présente en filigrane ce que sera la prédication de Jésus et celle des Apôtres dans les Actes.
Cet aujourd’hui de Dieu dans le temps des hommes est un moment exceptionnel de grâce dans
le déroulement de l’histoire des hommes. Ce temps est mis en valeur par le v. 22 : « les paroles
de grâce ».
Les paroles de Jésus ne sont rien d’autre que la manifestation de la grâce que Dieu fait aux
hommes. Jésus se présente comme la parole, la grâce vivante et agissante de Dieu. Il est le don
fait aux hommes et devant lequel les hommes ont à se situer maintenant. Voir aussi Actes 14,3
; 20, 24 ; 20,32 ; « la parole de sa grâce ».
L’évangile n’a pas d’autre contenu que la grâce de Dieu. L’évangile de Luc est l’évangile de la
grâce. Jésus est la miséricorde de Dieu incarnée, la parole incarnée de la grâce de Dieu, et tout
homme doit se situer aujourd’hui par rapport à cette parole.
Les réactions de l’auditoire (v.22)
On note des différences entre Matthieu, Marc et Luc. Chez Mt et Mc, « ils étaient frappés ».
Chez Luc, il y a un accueil positif de la part des habitants et ils « rendent témoignage, et
s’étonnent ». Le verbe « s’étonner », en grec, est positif.
� réaction positive chez Luc : l’auditoire reconnaît que ce sont des paroles de grâce. Ce n’est
qu’une partie du chemin qui mène à la foi.
La réponse de Jésus (v. 21) est une mise à l’épreuve. Le problème : le lien entre les paroles de
grâce et l’origine de Jésus qui est le fils de Joseph. → dans l’évangile de Luc, il y a
reconnaissance de ce que l’enseignement de Jésus est unique et étonnant puisqu’il est le fils de
Joseph.
La réponse de Jésus (v. 23-27)
On remarque le caractère composite de cette réponse qui est un regroupement de sentences
d’origines diverses. La sévérité de Jésus contraste avec l’accueil. On s’étonne de la manière
dont Jésus provoque de manière négative l’auditoire.
Ce changement entre l’accueil initial (v. 22 : « tous rendaient témoignage ») et le final (v. 28 :
« tous furent remplis de fureur »), ne peut se comprendre qu’à travers la théologie de ces
versets. IL ne faut pas s’arrêter au psychologique.
- v. 23 : « médecin, guéris-toi toi-même ». C’est un proverbe dont Jésus se sert. De même
que le médecin, avant de guérir les autres, commence par se soigner , les juifs revendiquent
que l’activité de Jésus s’exerce d’abord en leur faveur. Or Jésus réagit en répondant qu’il
doit aller ailleurs : l’évangile doit être annoncé à tous.
- 2ème
proverbe : « aucun prophète n’est reçu dans son pays ». Il s’agit du conflit entre le
dessein de Dieu et la volonté humaine de ses auditeurs.
18
Jésus est venu proclamer une année d’accueil. Or il n’est pas accueilli par les gens de Nazareth,
parce que les siens ne sont pas capables de s'ouvrir à ce message qui est universel, et pas
seulement pour eux.
Jésus se réfère à Elie et à Elisée, c.a.d. au cas de 2 païens secourus par des Israélites. Luc
radicalise et transforme ces 2 épisodes : le secours apporté aux étrangers est mis en opposition
avec Israël, comme si Dieu avait envoyé ces prophètes aux étrangers. Elie et Elisée ont œuvré
surtout en Israël ; or Luc donne l’impression que leur mission était pour les païens. Pour
Naaman, ce n’est pas Elisée qui se rend chez lui, mais Naaman qui se rend en Israël → Luc veut
étayer sa thèse.
De plus, cela ne correspond pas au projet de Jésus qui, même s’il a un projet universel, ne se
rend pas en territoire étranger chez Luc.
L’enseignement général est une sentence. Luc veut dire : par dessein divin, Jésus ne peut pas
limiter son action à Nazareth. Sa prédication a une vocation universelle. C’est de ce dessein que
l’Eglise recevra sa mission.
La mission de Jésus se déroule en territoire juif. Sa vocation universelle sera développée par
l’Eglise → l’Eglise ne peut se limiter aux juifs, elle doit s’adresser au monde païen.
Dès le début, l’enseignement de Jésus à Nazareth devient le fondement de l’évangélisation.
Réactions finales et conclusion (v. 28-30)
La colère des auditeurs ne porte pas sur le refus de Jésus de faire des miracles à Nazareth, mais
sur son envoi aux païens.
v. 30 « passant au milieu d’eux … » : certains y voient une allusion aux Actes des Apôtres
(10,38). D’autres le rapprochent de la théologie de Jean : le temps de la Passion n’étant pas
venu, Jésus passe au milieu de ses contradicteurs parce que rien ne peut lui advenir.
Conclusion
Ce passage est un récit à caractère programmatique qui préfigure le ministère de Jésus et de
son Eglise. En reprenant Is. 61, Lc a cherché à ramasser les traits qui caractérisent l’œuvre
terrestre de Jésus qui
- est conduite par l’Esprit Saint
- apparaît comme une œuvre de proclamation liée à un salut et une libération (des maladies,
des maux physiques, des richesses, de l’égocentrisme, du péché) avec une connotation
sociale très forte.
C’est l’annonce d’une parole vivante et agissante qui se confond avec la personne de Jésus.
⇒ C’est le résumé de l’Evangile. Les hommes, en réponse, ont à se décider dans l’aujourd’hui.
En supprimant la dernière partie de la citation d’Is. 61 (jour de vengeance), Luc développe l’idée
de la bonne nouvelle du salut pour tous. Cette vision universaliste sera refusée et fera que
Jésus sera rejeté.
19
Chez Luc, c’est le rejet de l’universalisme par le peuple de Dieu qui fera que ce peuple aussi sera
rejeté. Le refus d’Israël et l’ouverture au monde païen sont anticipés par l’enseignement de
Jésus à Nazareth et par la réaction de ses auditeurs.
Chez Luc, il n’y a pas de rejet du peuple juif. C’est le peuple qui s’est coupé en refusant le
message d’accueil. La prédication était d’abord pour le peuple juif. Celui-ci ne l’ayant pas
accueillie, elle est envoyée aux païens. La prédication de l’Eglise s’enracine dans ce rejet du
message universel par les juifs.
Remarque concernant le fils prodigue : Il ne se convertit pas, mais il a faim → ce n’est pas un
modèle de conversion. Le modèle, c’est le Père qui reçoit sans calculer, qui accueille avec
miséricorde. Le fils aîné, c’est le pharisien par excellence ; il obéit à tous les commandements, il
est fidèle … Mais le message est : le Père fait bon accueil aux pécheurs. Le fis aîné aurait dû
comprendre jusqu’où va la miséricorde de Dieu, mais il se ferme.
-=-=-=-=-=-=-
20
Chapitre 4 : La Montée de Jésus à Jérusalem
(9,51 – 19,28)
Note introductive
Le souci de Luc est de montrer les racines juives du christianisme. Le message, en effet, était
d’abord pour le peuple juif. Chez Luc, il n’y a pas vraiment de rejet du peuple juif qui se montre
plutôt incapable d’accueillir la dimension universelle. Chez Matthieu, il y a substitution : les juifs
se montrant incapables d’accueillir le message, celui-ci est donné à l’Eglise. Chez Luc, on n’est
pas dans la substitution, on ne sépare pas judaïsme et christianisme : l’amour aux païens était
dans le dessein de Dieu.
Cette section constitue la partie la plus originale de l’évangile. Son originalité est liée à
l’importance :
- Mt consacre 2 chapitres
- Mc consacre 1 chapitre
- Luc consacre 10 chapitres
1. – Un voyage aux contours peu précis
- La topographie est très vague. Luc rappelle à plusieurs reprises : « Jésus fait route vers
Jérusalem ». C’est comme un refrain. Il dit aussi : « Jésus voyage », il est « en route ».
- Il y a très peu de données précises : « un village de Samaritains », « entre Samarie et
Galilée », « près de Jérusalem » …
- Certaines indications montrent que la construction de ce voyage est artificielle :
- Au ch. 10, 13-15, Jésus s’en prend aux villes de Capharnaüm et Bethsaïde, qui sont des villes
du lac de Tibériade, alors qu’il s’en est éloigné pour aller à Jérusalem
- Plus tard, Jésus pleure sur Jérusalem, alors qu’il n’y est pas encore
→ Luc ne cherche ni à localiser les faits, ni à construire l’itinéraire précis de Jésus. Il
cherche à grouper des éléments évangéliques surtout sur le plan théologique.
2. – Sens profond de ce voyage
C’est une marche vers la mort, la gloire et le jugement. Le verset 51 du chap. 9 est très
important. Deux remarques :
- la montée de Jésus à Jérusalem est un « enlèvement » qui s’accomplit. Ce mot
« enlèvement », en grec, ne se retrouve qu’ici. Il fait écho à l’enlèvement d’Elie. Pour Luc,
Jésus est le nouvel Elie → cet enlèvement désigne l’acte par lequel Jésus va rejoindre le
Père afin qu’il envoie l’Esprit. A noter que, chez Elie, l’enlèvement est suivi de la réception
de l’Esprit par Elisée.
21
- Jésus prit « résolument la route ». Il durcit son visage ; cela signifie qu’une décision
irrévocable est prise. Autre sens : chez certains prophètes, durcir le visage signifie l’annonce
d’un jugement. On le trouve chez Ez. : « Fils d’homme, durcis ton visage contre Jérusalem »
ou bien chez Jér. 3,12. → la route aboutit à un jugement que Jésus profèrera contre
Jérusalem. Ce sont les pleurs de Jésus sur Jérusalem. Voir aussi Lc 21,21-24 : Jésus demande
aux filles de Jérusalem de ne pas pleurer sur lui, mais sur Jérusalem.
C’est aussi une marche vers la mort.
3. – Un des grands lieux de la révélation de l’amour de Dieu
Ce chemin qui conduit à la mort et à la gloire de Jésus est un des hauts lieux de la révélation de
la tendresse de Dieu. Trois paraboles sont au centre de cette montée :
- la brebis perdue
- la drachme perdue
- le fils perdu
… paraboles de la joie ressentie en retrouvant ce qui était perdu. Elles nous parlent de l’accueil
et de la joie de Dieu qui se réjouit au ciel « pour un seul pécheur qui se convertit ».
� c’est le cœur du 3ème
évangile, avec comme arrière-fond les récriminations des pharisiens et
les dérives des communautés chrétiennes qui se replient sur elles-mêmes, oubliant
l’universalité du message.
Face aux murmures, il y a une invitation à communier à la joie de Dieu. Jésus est venu sauver ce
qui était perdu. Son amour est salvifique.
4. – Le lieu de l’enseignement des disciples
4.1. – Des instructions sur la vie concrète des disciples
Jésus forme ses disciples, et il leur donne des instructions sur les points fondamentaux :
Sur la prière (10,2 ; 11, 1-13 ; 18,1-8.9-14)
Il y a un lien entre la prière et la mission. L’enseignement du Notre Père (Lc 11,2-4) est suivi
d’une parabole (l’ami importun) qui débouche sur un enseignement sur l’efficacité de la prière.
Luc insiste sur une prière qui se fait persistante et sur la certitude d’être exaucé.
Avec la parabole du juge inique (chap. 18,1-8), Luc insiste sur la nécessité de prier et de ne pas
se décourager. Au chap. 21,36 on a : « veillez et priez en tous temps ».
La prière est le fruit de la foi. C’est parce que, dans la foi, j’ai la certitude d’être exaucé que je
vais prier sans cesse.
22
Dieu ne donne pas nécessairement ce que l’on demande, mais ce dont nous avons besoin. Pour
Luc, le don par excellence est le don de l’Esprit Saint. IL faut donc prier pour demander l’Esprit
Saint qui nous fera communier aux désirs de Dieu.
Luc développe ce que seront les premières communautés chrétiennes qui étaient « assidues à
la prière et à la fraction du pain ».
Parabole du pharisien et du publicain (Lc 18, 9-14) : la prière chrétienne qui naît de la foi ne
consiste pas à se glorifier devant Dieu de sa propre justice, mais à s’en remettre dans un
abandon total à Dieu qui justifie. On se reconnaît tel qu’on est devant Dieu et on s’ouvre à la
miséricorde.
Chez Luc, Jésus est constamment en prière. La prière chrétienne est persévérance ; elle se fait
dans la foi, elle appelle l’Esprit Saint et la reconnaissance de ce que l’on est dans la miséricorde
de Dieu.
Sur le renoncement (12,51-53 ; 14, 26-27)
Jésus invite la foule qui le suit à le préférer à tout.
Sur l’argent (12,13-30 ; 14,28-33 ; 16,9-13.14ss ; 18,18-30 ; 19,1-10)
Dans la parabole du riche insensé (12,16-30), Luc dénonce le danger des richesses et dit de s’en
remettre à la grâce de Dieu.
Au chap. 16,9-12, il dénonce le caractère trompeur de l’argent. Il faut se faire des amis avec
l’argent trompeur, mais on ne peut pas choisir Dieu et l’argent.
Il y a aussi le jeune homme riche et Zachée.
Il faut se garder de l’envie de posséder toujours davantage et de l’illusion de penser que
l’argent peut sauver. L’unique moyen d’utiliser les richesses, c’est de les partager.
Sur le témoignage à rendre à Jésus (12,1-12)
Il ne faut pas rougir de Jésus, mais témoigner en sachant que le témoignage conduira au juge,
mais il n’y a rien à craindre, l’Esprit Saint sera là.
Sur la vigilance à attendre son retour
Cela se résume à : « veillez et priez ».
4.2. Un enseignement sur l’aujourd’hui
L’enseignement de Luc est un enseignement sur l’urgence. Il y a des décisions à prendre
immédiatement. Il faut répondre tout de suite. Il faut aussi faire preuve de discernement.
Au chap. 14, v. 14 à 24 : les invités ne viennent pas, on fait alors appel aux pauvres.
Jésus insiste sur la nécessité de prendre immédiatement la route. Il faut se décider pour ou
contre Jésus et le suivre sans aucun retard. Lorsqu’il dit :
23
- « laissez les morts enterrer les morts », il touche là à quelque chose de sacré et veut
signifier que le Royaume passe avant toute autre obligation.
- « mettre la main à la charrue », il fait sans doute référence à Elisée. Elie ayant refusé qu’il
aille dire au revoir à son père, Elisée avait brûlé sa charrue.
- « n’échange aucun salut en chemin », il fait sans doute aussi référence à Elisée qui a reçu
pour instruction de ne saluer personne en chemin lorsqu’il va guérir le fils de la Sunnamite.
Cela signifie que l’annonce ne souffre aucun retard.
5. – Une annonce de la mission apostolique
- Dès le début du chemin, Luc dit « Il envoya des messagers » et ceux-ci entrèrent dans un
village de Samarie. Plus loin, ils est dit que Jésus passe à travers la Samarie et la Galilée.
Quelle est donc la place de la Samarie ? On la trouve au début et à la fin de l’itinéraire. Luc
n’avait-il pas l’intention de montrer la préfiguration de la mission des apôtres auprès des
païens ? Jésus a dit en effet : « vous serez mes témoins dans la Judée, la Samarie et
jusqu’aux extrémités de la terre ».
- Au chapitre 10, verset 1, on note l’envoi par Jésus de 72 disciples au début de sa route vers
Jérusalem. Le chiffre 72 a un sens particulier : il représentait en effet l’ensemble des nations
païennes. Il préfigure ainsi la mission apostolique.
- La mission n’est pas réservée aux 12 → on prépare la prédication d’Etienne, de Paul …
- La mission auprès des païens a déjà été commencée par Jésus. L’Eglise la continuera (13,22-
29).
Conclusion
Le chemin de Jésus vers Jérusalem comme chemin de tout disciple.
Tout au long de sa montée à Jérusalem, Jésus n’est jamais seul → l’itinéraire porte aussi sur
ses disciples qui sont appelés à emprunter le même chemin. Jésus fait peu de miracles (il en fait
5), mais il parle beaucoup et envoie ses disciples en mission, c.a.d. préparer la voie du Seigneur.
Il leur donne le pouvoir de faire des miracles. Il les envoie, préfigurant ainsi la mission de
l’Eglise.
La montée à Jérusalem est lieu de l’apprentissage du disciple parfait qui aura le même chemin
que Jésus. Le chemin de Jésus, comme chemin de tout disciple, est présenté :
1 comme un chemin qu’il faut prendre sans retard, immédiatement, et sans regarder en
arrière
2 comme un chemin qu’il faut prendre en se détachant de tout ce qui peut ralentir pour le
Royaume. Il y a donc mise en garde contre les richesses
24
3 comme un chemin où refus et rejets seront présents. C’est un chemin de croix à prendre
chaque jour
4 Ce chemin passe par :
- l’amour du prochain qui surpasse toute loi (voir la parabole du Samaritain)
- l’écoute de la parole de Dieu, seule chose qui soit nécessaire
-=-=-=-=-=-=-
25
Introduction
Ce qui frappe, c’est que les Béatitudes sont suivies de « malédictions » qui ne sont d’ailleurs pas
des malédictions. Il ne s’agit pas de maudire, mais de plaindre.
En effet, l’expression grecque devrait être traduite par : « malheureux êtes vous, hélas … ». Ce
n’est pas une condamnation, mais un sentiment de tristesse.
1. – Les Béatitudes selon Luc et Matthieu
On peut faire quatre remarques :
1 Il y a 2 traits particuliers :
- elles sont toutes les 4 à la 2ème
personne du pluriel, alors que chez Mt, c’est à la 3ème
personne
- l’adverbe « maintenant » intervient à 2 reprises
2 Chez Mt, on a 9 béatitudes alors que chez Lc, il n’y en a que 4. Lest trois premières se
retrouvent dans les 4 premières de Mt. Luc ignore par contre les « doux ».
Si, chez Mt, ressort la piété de ceux qui sont proclamés bienheureux, chez Luc, c’est la
situation extérieure qui apparaît.
3 On sent bien que, chez Mt et chez Lc, on a affaire à des ajouts qui sont tantôt le fait de Mt
(par exemple : « pauvres en esprit ; soif de justice), tantôt de Luc aussi (maintenant)
Mt et Lc emploient des mots différents pour la même réalité : « affligés » = « ceux qui
pleurent ». A noter que les 2 utilisent un texte qu’ils ont reçu (voir cahier évangile n° 24)
4 Aux 4 béatitudes, Luc ajoute « malheureux vous qui … ». Les plaintes répondent aux
béatitudes, sauf pour la 4ème
où la plainte est différente.
Ces 4 plaintes sont le fait de Luc :
- Luc connaît ce genre littéraire
- l’antithèse pauvre/riche est typique de Luc
Chap. 5 – Pauvreté et richesse dans l’œuvre de Luc Les Béatitudes et les plaintes (Lc 6,20-26)
26
- le parallèle entre le fait d’avoir faim et le fait d’être comblé se retrouve dans le
Magnificat
- l’expression « dire du bien » se retrouve dans d’autres endroits de Luc
Il semble peu probable que Jésus ait prononcé ces plaintes.
2. – Exégèse de Luc 6, 20-23)
2.1. – Quels destinataires ?
- Au verset 17 : on a la foule des disciples et la multitude du peuple (v. 17). Donc Jésus est
dans la plaine et il s’adresse aux foules.
- Au verset 20, l’introduction aux béatitudes s’adresse aux disciples seulement
- A la fin des béatitudes, c’est le peuple qui est destinataire.
Chez Luc, les béatitudes s’adressent directement à ceux qui sont présents et qui sont pauvres,
affamés … Les destinataires ne sont pas extérieurs, ce sont ceux qui les entendent.
A noter l’importance de la 4ème
béatitude qui fait référence aux disciples et aux chrétiens.
Certains commentaires disent que les destinataires sont les chrétiens qui sont pauvres, qui
pleurent …
2.2. – Analyse
« Pauvres et riches » : Luc nomme les pauvres sans spécifier « en esprit ». Il pense à une
pauvreté réelle et concrète. Il leur dit qu’ils sont heureux maintenant. C’est un bonheur
fondé sur une réalité présente et future : le « maintenant » est déjà transformé.
Les pauvres ne sont pas heureux à cause de leur pauvreté, mais parce qu’ils sont reconnus
comme destinataires de ce règne qui mettra fin à leur état présent..
Le Royaume de Dieu est à eux : dans l’A.T., il est dit du roi qu’il a pour première vocation de
prendre soin des pauvres parce que la royauté des hommes doit être à l’image de celle de
Dieu.
La royauté de Dieu doit rétablir les pauvres dans la dignité qui est la leur → c’est la justice
de Dieu qui éclatera. Le privilège des pauvres a son fondement en Dieu. Il ne s’agit pas
d’idéaliser la pauvreté. C’est parce que la pauvreté n’est pas normale que Dieu rétablira
dans sa justice les choses. Son amour ira vers eux.
Quand arrivera cette réhabilitation ? Est-ce à la fin du monde ? Avant ? Chez Luc, on a une
eschatologie individuelle. Ce moment de réhabilitation sera au moment de la mort (cf. la
parabole du riche Lazare et du pauvre). Voir aussi l’histoire aussi du bon larron qui envisage
le salut au moment du retour du Christ. Or c’est aujourd’hui, au moment de sa mort qu’il
est donné.
27
Chez Luc, le « maintenant », le renversement, se fera au moment de la mort. Ce
renversement de situation, définitivement accompli dans l’au-delà, deviendra effectif sur
cette terre. Luc montre que, dans les premières communautés chrétiennes, il n’y avait pas
d’indigents parce que l’Eglise est un signe eschatologique : sa vocation est de manifester ce
que sera la communauté eschatologique.
En ce qui concerne la malédiction : « malheureux, vous les riches » : cette première plainte
vise ceux qui possèdent, qui sont autosuffisants. Ils sont à plaindre parce qu’ils ont déjà
reçu ce qu’ils avaient à recevoir (16,25) : chacun a un bien à recevoir, certains le reçoivent
sur terre → les riches n’auront rien à attendre au ciel.
Les riches sont à plaindre parce qu’ils n’ont aucun bonheur à attendre dans l’au-delà. Le
danger des richesses est de faire oublier l’au-delà.
« Affamés et rassasiés » : Il s’agit ici d’une faim réelle, matérielle ; ils ont faim, ils sont
faméliques. Jésus promet le Royaume de Dieu sous l’image du banquet eschatologique.
Dans l’A.T. Dieu se présentait comme celui qui assouvissait la faim (Is. 25, 6-9).
Pour le moment, ils ont faim et la promesse est eschatologique.
La malédiction : « repus » signifie remplis, gavés. La plainte dénonce l’homme repus qui
devient insensible aux besoins des autres.
Affligés et consolés : Luc ne parle pas du deuil, mais des personnes qui vivent des
situations difficiles qui les écrasent. Jésus promet un temps de bonheur et de joie avec
action eschatologique de Dieu. On retrouve la théologie vétéro-testamentaire du Dieu qui
console, qui essuie les larmes.
La plainte : Luc affirme que « l’après » sera à l’opposé du « maintenant ».
Ces trois premières béatitudes + les plaintes forment une unité et sont dans la logique du
magnificat. Les 3 affirment que la misère présente n’est pas sans espoir. Dieu va rétablir la
justice.
A travers l’évocation du projet de Dieu, les béatitudes nous placent devant l’exigence éthique :
- soit de ne pas désespérer
- soit de ne pas vouloir assurer uniquement par soi-même son propre avenir
- soit de s’ouvrir concrètement et matériellement à une relation nouvelle avec Dieu et avec
les pauvres.
A noter que, pour Luc, le renversement pauvre/riche se fait au moment de la mort (voir
parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare).
Méprisés et honorés : cette dernière béatitudes surprend
- la situation du destinataire est plus largement développée
- cette béatitude est renforcée par un double impératif : « réjouissez-vous … exultez … »
- la formulation est plus concrète, plus descriptive. On a en transparence l’expérience de
l’église primitive. Les destinataires sont les chrétiens en butte au rejet, aux insultes
28
- le rapport de cette béatitude au présent et au futur est différent : le bonheur promis
dépend du moment où commence la persécution.
Les sévices que subissent les chrétiens ont 4 éléments :
- la « haine », terme de l’A.T. qui indique ce qui s’oppose au peuple de Dieu, aux justes. C’est
le sort normal du chrétien d’être haï
- « expulser » : sens d’exclusion. Dans le monde biblique, ce terme peut avoir un sens culturel
(on est exclu du culte = excommunication). Cette expulsion a ici aussi une connotation
sociale. En tant que chrétien, on peut être exclu de la société.
- « les insultes » : dans l’A.T., il s’agit des adversaires d’Israël, de ceux qui restent fidèles à la
loi. Voir aussi dans le N.T. : 1Pi 4,14 ou Rm 15,3. On retrouve cet élément d’insulte pour
Elisabeth à propos de la stérilité.
- « rejettera votre nom comme mauvais ». Chez Mt, c’est la calomnie. Chez Luc, le verbe n’est
pas clair. Il peut signifier diffamer, lancer des accusations, mais c’est plutôt rejeter votre
nom comme mauvais.
Quand on parle du « nom », il peut s’agir du nom propre de chacun, mais aussi du nom de
chrétien (cf. Pi 4,16 et Jc 2,7)
« A cause du Fils de l’Homme ». C’est cela qui provoque rejet, expulsion …
La réponse de Jésus : « Réjouissez-vous … » est une invitation à bondir, à danser de joie.
Pourquoi ? Parce que Dieu donnera une récompense abondante dans le Ciel.
Les plaintes : le 4ème
« malheureux » étonne parce qu’il ne correspond pas à la béatitude
opposée. La 4ème
béatitude faisait mention de 4 sévices (voir ci-dessus). La plainte n’est pas
l’opposé. En effet, la béatitude disait « heureux les persécutés ». On attendait : « malheureux
les persécuteurs. Or c’est : « malheureux ceux qui disent du bien ».
La 4ème
plainte compare les éloges que l’on dit aux malheureux aux éloges adressés aux faux
prophètes. La béatitude des « persécutés » insistait sur le futur, le 4ème
« malheureux »
n’annonce aucun châtiment. Ceux que le monde adule connaîtront le sort des faux prophètes.
Pour comprendre cette parole, on a plusieurs hypothèses :
- Luc ne vise pas ici des personnes dignes d’éloge, mais des chrétiens qui se laissent aduler,
qui sont à la recherche de l’estime générale et qui n’hésitent pas à s’abaisser (cf. Ga 1, 10)
- Il pourrait y avoir une allusion à une situation précise de la communauté chrétienne dans
ses rapports avec le judaïsme, dans sa tendance à pactiser
- Il peut s’agir d’un problème interne à l’Eglise, des personnes qui sont de faux docteurs
- Luc aurait en vue l’existence chrétienne avec le souci de montrer que la Vérité se trouve
auprès de ceux qui sont rejetés au nom du Christ.
La situation normale du chrétien, c’est d’être rejeté. « De la même façon, les Pères agissaient
envers les prophètes » → les chrétiens ne font rien d’autre que de partager le sort des
prophètes.
3. – Luc face à la richesse et aux honneurs
29
3.1. – Les richesses
C’est un thème important chez Luc. Il y a à la fois mise en garde et rappel d’une nécessité.
Trois avertissements ou mises en garde
� La richesse empêche de voir plus loin que la vie présente ; elle rend l’homme incapable de
se préoccuper de la vie éternelle parce que le riche est comme hypnotisé par ses biens et
donc incapable de comprendre où est son intérêt.
L’argent est trompeur. Voir les chapitres 12 à 16, et plus particulièrement la conclusion de
la parabole du riche qui construit des greniers et meurt de suite (ch. 12, v. 21).
On finit par être possédé par ce que l’on possède, on se trompe de sécurité. Il y a une
invitation à ne pas se faire du souci et à s’en remettre à Dieu
� La richesse enferme l’homme sur lui-même et empêche de voir ceux qui manquent du
nécessaire. Voir la parabole du riche et du pauvre Lazare (16, 19-31).
Luc ne dit pas que la richesse est mauvaise, mais le riche ne voit plus le pauvre à sa porte.
� La richesse tend à prendre dans le cœur de l’homme une place qui revient à Dieu seul ; il
devient une idole. « Mammon » est une personnification de l’argent.
Le rapport à l’argent n’est pas de l’ordre de l’éthique mais de la foi, c.a.d. : « en quoi est-ce
que je mets ma sécurité » ? C’est une question de choix radical qui me touche dans ma
propre sécurité et dans mes capacités de me recevoir de Dieu.
Une seule nécessité : se dépouiller et partager
Que faire de ses biens ? Les biens véritables sont ceux que la mort ne pourra détruire.
Avec les biens que nous avons, il faut s’assurer des amitiés utiles pour la vie future, → faire un
lieu de fraternité et de communion en partageant, en donnant à ceux qui ont besoin et qui ne
rendront pas, et en se faisant des amis pour la vie future (cf. le gérant : « faites vous des amis
avec l’argent trompeur »). Jésus montre que, dans le peu de temps qu’il avait, il a su assurer
son futur.
L’argent n’est pas mauvais ; c’est la place qu’on lui donne qui importe.
30
Luc insiste sur la nécessité de tout vendre, de tout partager :
Au chapitre 6, v. 35, il est dit qu’il faut donner même à ceux qui ne rendront pas.
� L’idéal proposé par Luc n’est pas un idéal de pauvreté, mais de partage, de dépouillement
pour un partage nécessaire.
Les fruits de la conversion se manifestent dans le partage.
Autres textes : Ac 2, 44-45 et 4, 34-35 : on a une description idyllique de la communauté
chrétienne qui se caractérise par la mise en commun des biens, le partage fraternel et le souci
qu’il n’y ait pas de pauvres.
⇒ On ne méprise pas les richesses, mais on fait en sorte que tout concourre au bien de tous.
3.2. – Les honneurs
En bon Grec, Luc est sensible à la considération, aux marques d’estime. Exemples :
- Au ch. 22, v. 24 sv, il es question du souci des honneurs
- Dans la parabole du festin, on voit ceux qui cherchent les places d’honneur
- Au ch. 16, v. 3, il note la honte, la peur de mendier du gérant
Lorsqu’il s’agit de l’idéal de la vie chrétienne, Luc propose celui de la dernière place et des
humiliations. L’homme grec a pour idéal de s’attirer la bonne opinion des autres, Ce n’est plus
valable pour le chrétien : pour lui, ce qui est important, c’est ce qui peut le rapprocher de son
Seigneur, y compris l’humiliation qui le rapproche du crucifié et lui donne de prendre part à sa
passion.
Au chap. 5, v. 41 des Actes, les apôtres sont tout heureux d’avoir été trouvé dignes d’être
outragés pour le Christ.
Chez Matthieu « Vends ce que tu as » « Donne à celui qui te demande » « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre » Pour l’appel des disciples : « Laissant leur filet, ils le suivirent » (idem chez Mc)
Chez Luc « Vends tout ce que tu as » « Donne à chaque fois à tout homme qui te demande » « Vendez ce qui vous appartient, donnez-le aux pauvres » « Laissant tout, ils le suivirent » Pour l’appel de Lévi : « quittant tout, il le suivit »
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Conclusion
Les béatitudes et la venue du Règne de Dieu
Nous ferons 3 remarques :
� Les béatitudes de Luc sont à comprendre dans l’annonce de la proximité de la venue du
Règne de Dieu et à partir des oracles d’Isaïe 61 « le Seigneur m’a envoyé … » que l’on
retrouve en Lc 4, 17-18.
Dans les béatitudes, Jésus se présente comme le messager de joie qui proclame que
l’intervention de Dieu en faveur des pauvres, des affligés … est imminente. Son ministère
est le prélude de l’avènement de son règne.
� Jésus se démarque d’une certaine spiritualisation de la pauvreté. Dans les derniers siècles
avant J.C., la notion de pauvreté avait été spiritualisée. Le pauvre = l’humble, le pieux qui
ne réagit pas à la violence, qui attend la venue de Dieu.
Pour Luc, Jésus n’adresse pas ses béatitudes à un groupe privilégié ou à des pauvres au
sens spirituel, mais à des pauvres matériellement, choisis parce que leur condition sociale
les désigne à la sollicitude de Dieu.
� Le Royaume de Dieu est présenté comme un don qui va de pair avec l’action de Dieu
intervenant pour faire droit au pauvre. Cette intervention, qui est à venir (eschatologique),
est déjà présente à travers le Christ et le témoignage de l’Eglise → les béatitudes disent
que le processus eschatologique est déjà commencé. Jésus proclame comme une réalité ce
qui est attendu.
Jésus se présente chez Luc comme celui qui peut déclencher le renversement des situations
annoncées par le Magnificat : « Il a renvoyé les riches les mains vides … ».
Les béatitudes et l’existence du chrétien
� Dès maintenant, nous avons part, même dans les situations dramatiques, à la réalité
eschatologique
� Les béatitudes résonnent comme un enseignement sur l’existence du chrétien et sur la vie
de l’Eglise :
- il y a nécessité pour le chrétien de passer par les tribulations pour entrer dans le Royayme
de Dieu
- il est dans la nature et la vocation du chrétien de prendre sa croix chaque jour
- la place du chrétien (comme Simon de Cyrène) est derrière Jésus
- La croix n’est pas exceptionnelle, elle fait partie de la vie du chrétien
�
ce n’est pas la présence de la croix qui doit nous étonner, mais son absence nous inquiéter.
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-=-=-=-=-=-=-
La relation à l’argent est un critère fondamental chez Luc
33
Chapitre 6 : Les Actes des Apôtres
Auteur, Editions, Structure, questions
1. Evangile selon Saint Luc et Actes des Apôtres : unité et séparation
1.1. Une même œuvre = unité
Jusqu’à la fin du siècle dernier, l’évangile de Luc et les Actes des Apôtres étaient considérés
comme 2 livres séparés d’un même auteur. Depuis 1927, on parle d’un livre en 2 tomes.
Facteurs d’unité :
Unité du style, du vocabulaire : on retrouve les mêmes expressions, la même façon
d’écrire.
Unité de la pensée théologique. Les grands thèmes traités dans ces 2 œuvres le sont de la
même manière :
- importance du dessein de Dieu
- importance de l’Esprit Saint
- importance du Salut
- être disciple, qu’est-ce que cela veut dire
- la mission : l’évangile est missionnaire mais c’est l’affaire de l’Eglise
Unité narrative : les 2 œuvres correspondent au même projet
- dans le prologue des Actes (1,1-3), l’auteur conçoit les actes comme la suite de l’évangile
- le récit des Actes et le récit du 3ème
évangile sont construits sur une présentation parallèle
des Apôtres et de Jésus. Il situe Pierre et Paul en parallèle avec Jésus. Par exemple :
- Pierre et Jésus commencent leur ministère par un discours inaugural. Le discours de
Pierre à la suite de la Pentecôte inaugure l’accomplissement des prophéties
- Pierre et Paul font les mêmes miracles que Jésus ; ils guérissent les malades,
ressuscitent les morts au nom du Christ → on a les mêmes signes
- On a les mêmes conflits avec les chefs du judaïsme. La dernière partie de l’évangile et
les Actes présentent le voyage de Jésus et de Paul à Jérusalem. Il y a une même
montée à Jérusalem où on retrouve des accusations et un procès
- la conclusion des œuvres : les 2 se terminent par le rejet des envoyés,
l’accomplissement des Ecritures et l’ouverture à toutes les Nations.
34
Le parallèle vaut pour Jésus et les Apôtres, mais aussi pour les Apôtres entre eux. Les ministères
de Pierre et de Paul, bien que différents, ont des points communs (voir tableau p. 4)
⇒ ce qui est en jeu, c’est l’unité de l’annonce chrétienne.
Pour Luc, Pierre est le premier à évangéliser et Paul se rend toujours d’abord à la synagogue.
L’arrivée du Règne de Dieu est l’essentiel de la prédication.
Tout concourt à souligner l’unité radicale entre le temps de Jésus et le temps de l’Eglise. Il y a
continuité entre le groupe des 12 choisis par Jésus et les 12 de l’Eglise. A noter que la défection
de Judas a été comblée très rapidement par l’élection d’une nouvelle personne : Matthias, qui
reforme ainsi le groupe.
1.2. Les aléas d’une séparation
Aucun manuscrit connu ne transmet les Actes à la suite de l’évangile.
Dès le 2ème
siècle, on a détaché les Actes de l’évangile parce qu’on a rattaché l’évangile de Luc
aux 3 autres.
Pour des raisons pratiques et doctrinales, on a donné une place importante aux 4 évangiles.
C’est vers 1080 qu’Irénée de Lyon a redonné aux Actes une importance canonique.
2. Le titre
On ne connaît pas le titre original de l’œuvre de Luc. Les manuscrits portent les noms suivants :
- Actes d’Apôtres
- Les Actes des Apôtres
- Actes des Saints Apôtres
- Actes des Saints Apôtres par Luc l’Evangéliste
Ces titres remontent aux 2ème
ou 3ème
siècle. Ils risquent de faire oublier l’importance de l’Esprit
Saint qui est le principe de l’évangélisation et non les Apôtres. Il y a aussi d’autres personnes
que les Apôtres qui évangélisent. Par ex. : l’évangélisation d’Antioche par des chrétiens. C’est
ensuite seulement que Jérusalem envoie des apôtres.
Le titre a été donné pour s’opposer à des écrits apocryphes. D’autre part, le genre littéraire
existait ; il existait par exemple les « Actes d’Hannibal ». mais les Actes des Apôtres ne sont en
rien semblables aux Actes connus dans le monde hellénistique.
3. Le texte
La transmission du texte des Actes est un cas unique dans le N.T. Pour les autres livres, le
nombre des variantes textuelles importantes est faible. Pour les Actes, il y a 2 traditions
textuelles qui ont des différences significatives
35
3.1. Le texte courant et le texte « occidental »
Le texte des Actes est parvenu sous 2 recensions :
3.1.1. Le texte courant
On l’appelle aussi texte alexandrin ou oriental. Il a 2 versions
- la version syrienne (ou Antiochienne)
- la version égyptienne (ou Alexandrine)
3.1.2. Le texte occidental
On le retrouve chez les Pères latins. Ecrit vers le milieu du 2ème
siècle, il est bilingue (grec et
latin). Il est gardé actuellement à Cambridge.
On note :
- une tendance à l’allongement avec près de 400 additions ( → il est plus long que le texte
courant)
- une tendance à renforcer la place prééminente de Pierre
- une tendance à accabler le peuple juif
- une insistance sur le rôle de l’Esprit Saint
3.2. – Divergences
les variantes touchent le fonds et la théologie. (voir tableaux en parallèle pages 2 et 3)
3.3 – Hypothèses récentes
- Delbelque : « Les 2 Actes des Apôtres », 1986
- Boisnard et Lamouille : « Les Actes des 2 Apôtres » ; 1990
Ces auteurs ont la même conclusion : les caractéristiques du style de Luc se retrouvent dans les
deux versions. → Delbelque conclut à l’unité d’auteur.
Luc écrit un premier ouvrage pendant la captivité de Paul à Rome (vers 60 à 63), un texte bref,
puis il produit une édition remaniée après la mort de Paul (pour mettre en valeur Paul et la
conformité de sa vie avec celle de Jésus).
Boisnard et Lamouille proposent 3 phases dans la rédaction :
- vers 60-61, un texte disparu où la théologie de base est le retour de Jésus pour restaurer la
royauté d’Israël
- vers 80, Luc reprend ce texte et on a le texte occidental qui met l’accent sur l’ouverture aux
païens
- vers 80-90, un auteur ajoute ou supprime des passages, et on a le texte alexandrin.
Avant l’étude de ces auteurs, on considérait le texte occidental comme secondaire.
Maintenant, les 2 textes sont importants.
36
4. – Principes d’organisation et plan du livre
Comme pour beaucoup de livres bibliques, il y a beaucoup de plans possibles.
4.1. Un principe théologique : l’expansion missionnaire
Dans une histoire guidée par l’Esprit Saint, Luc met en relief l’expansion universelle de la Bonne
Nouvelle, parmi les Juifs d’abord, parmi les païens ensuite. L’évangile est porté aux Nations, de
Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre. Il y a donc 2 grandes parties : une partie tournée
vers Jérusalem, une autre orientée vers les païens, les grecs.
Une question : la césure doit-elle être avec les voyages de Paul, ou bien avec l’assemblée de
Jérusalem (15, 30-35). Les deux sont possibles .
4.2. – Un principe géographique
Luc relève avec soin les étapes géographiques de la prédication chrétienne :
- ch.1, v. 8 : Jérusalem, la Judée, la Samarie, jusqu’aux confins de la terre
- ch. 9, v. 31 : Judée, Galilée, Samarie,
- ch. 23, v. 11 : on retrouve les mêmes références : Jérusalem puis Rome
Certains auteurs proposent un plan plus large en 5 parties :
- Jérusalem (8,3)
- Samarie et les régions côtières (11,18)
- Antioche (15,35)
- La Mer Egée (19,21)
- De Jérusalem à Rome (28,31)
4.3. – Des personnages : Pierre, Paul, Etienne, Jean, Philippe …
On distingue le cycle de Pierre (du ch. 1 au ch. 12) et le cycle de Paul (du ch.13 au ch. 28). Mais
c’est trop simpliste, parce que Paul est présent dans le 1er
cycle et inversement.
Certains auteurs constatent le présence de plusieurs personnages et divisent l’œuvre d’après
des regroupements autour de ces personnages.
4.4. – Principes stylistiques
Luc s’inspire de modèles littéraires existants déjà. Il construit son œuvre autour de règles qui
font pénétrer dans sa pensée théologique. (Voir n° 118 de Lectio Divina, Article sur les Actes, p.
24 à 36).
Par exemple, on trouve le procédé de l’entrelacement : la fin du développement annonce
l’étape suivante qui, elle, reprend au début l’étape précédente → on a 4 parties :
- ch. 1 → ch. 8, v. 1
37
- ch. 8, v. 2 → ch. 15, v. 35
- ch. 1, v. 36 → ch. 19, v. 40
- ch. 20, v. 1 → ch. 28, v. 31
5. – Le dessein de Luc
Les avis sont partagés :
- pour certains, il s’agit de réagir à la gnose
- pour d’autres, il aurait écrit pour défendre Paul
- pour d’autres, il aurait écrit dans un but polémique, contre les « judaïsants »
- pour d’autres, il aurait écrit pour dissuader les païens de persécuter les chrétiens
- pour d’autres, il aurait écrit dans un but de réconciliation. Pour faire une synthèse entre la
position de Pierre (pro-juifs)= et celle de Paul, il présente Pierre et Paul comme 2 héros de
la foi.
De nos jours, cette position est rejetée, mais on reconnaît aujourd’hui une unité entre Pierre et
Paul.
5.1. – But apologétique
On a 2 thèses :
- les actes ont été écrits pour convaincre Rome de reconnaître le christianisme comme
religion officielle
- Luc veut faire l’apologie de Rome auprès des chrétiens et les inviter à être de bons citoyens.
Il veut montrer que les chrétiens ne sont pas politiquement dangereux ; il y a aussi une
image bienveillante des Romains.
Mais cette visée apologétique n’est pas première
5.2. – Visée première : elle est à la fois pastorale et missionnaire
(cf. le prologue).
Il faut :
- renforcer la foi des disciples. Le ch. 1, v. 8 indique la mission et présente les grandes étapes
de l’expansion de la foi
- montrer que l’ouverture aux païens est l’œuvre de l’Esprit
S’il y a une visée historique (montrer la naissance de l’Eglise), théologique (l’ouverture aux
Nations), pastorale et apologétique (la place des chrétiens dans le monde et dans le salut de
Dieu), Luc cherche à montrer la solidité du salut tel qu’il est donné par l’Eglise ; c’est un salut
qui s’inscrit dans une unité fondamentale.
L’œuvre de Luc vise des croyants qu’il faut affermir dans leur foi, quitte à leur suggérer des
actes de prudence (25,8).
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Luc va dévoiler l’enracinement de ce salut qu’il s’agit de confirmer à travers :
- le motif scripturaire. L’ouverture du salut à tous était annoncé par les Ecritures. L’A.T. a un
rôle fondamental dans les Actes
- le lien à la Loi et aux prescriptions. On voit Paul pratiquer la Loi : il prie au Temple, il
circoncit Timothée, il rappelle sa fidélité à la Loi.
Qu’est-ce qui est en jeu ? Pour Luc, l’avenir est dans la gentilité, mais celle-ci puise ses lettres
de noblesse dans le passé d’Israël et dans la première mission de la communauté juive.
L’unité et l’actualité du salut se manifestent dans l’insistance de Luc sur l’unité de la
communauté primitive (Ac 4,32), au risque de minimiser certaines frictions.
Le nivellement des données historiques est le reflet de sa conviction que les chrétiens sont les
dépositaires du salut, et qu’ils le seront d’autant plus s’ils font corps avec la communauté juiive.
⇒ L’objectif est de montrer la solidité et l’unicité du salut.
Conclusion
Le livre des Actes est un livre d’histoire qui porte essentiellement sur la diffusion de la Bonne
Nouvelle et sur son expansion chez les païens dans ligne des histoires bibliques.
� C’est une histoire religieuse.
Même si Luc s’inspire de modèles hellénistiques, son œuvre se démarque des œuvres grecques.
Luc, en effet, sort d’un monde hellénistique auquel il appartient pour proposer une histoire
religieuse où il montre comment, à travers l’histoire de l’Eglise, c’est Dieu qui agit par l’Esprit
Saint.
-=-=-=-=-=-=-=-
39
Chapitre 7 : Le récit de Pentecôte (2,1-41)
Introduction
Evènement de Pentecôte et Ascension du Christ. La Pentecôte est inséparable de
l’Ascension ; c’est l’autre face d’un même événement.
C’est dans un même mouvement que Jésus est exalté à la droite du Père pour recevoir
l’Esprit Saint,qu’il répand conformément à la promesse du début des Actes (1,8)
La tradition chrétienne a tellement bien compris l’unité Ascension/Pentecôte que, jusqu’au
4ème
siècle, on commémorait l’Ascension l’après-midi du jour de Pentecôte sur le Mont des
Oliviers.
La fête de la Pentecôte juive avait des racines très lointaines. Sa première origine serait la
« fête de la moisson » (fête des blés ou des Semaines). Elle était célébrée 7 semaines après
l’offrande de la 1ère
gerbe d’orge (cf. Lévitique 23,15-21). C’était une fête agricole où on
venait remercier Dieu pour le bienfait des récoltes.
Cette fête va se voir associée au souvenir de la sortie d’Egypte. On compte 7 semaines à
partir de shabbat qui suit la Pâque. Les 50 jours sont la continuation de la fête qui se clôt
par une montée au Temple de Jérusalem.
Aux abords de l’ère chrétienne, la fête de la Pentecôte juive va s’enrichir : on va célébrer
l’arrivée des Israélites au pied du Sinaï et la montée de Moïse pour recevoir la Loi. C’est
ainsi que dans les milieux pharisiens, la Pentecôte finira par commémorer le don de la Loi,
don qui marque la naissance du Peuple de Dieu. Or c’est à la Pentecôte que naît l’Eglise.
Ces éléments éclairent le récit de Pentecôte.
Analyse du récit d’Actes 2,1-41
1°) Un récit bien délimité
Les limites de ce récit sont indiquées par une précision d’ordre chronologique :
- ch. 2, v. 1 : « quand le jour de la Pentecôte arriva .. »
- ch. 2, v. 41 : « il y eut 3000 personnes ce jour-là »
Ce passage manifeste le changement radical entre le début du texte ( = groupe restreint des
12), et la fin ( = l’Eglise est née et elle compte déjà environ 3000 personnes)
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Le chapitre 2 s’achève sur un sommaire qui concerne l’Eglise naissante (v. 42 à 47).
Quatre parties
� L’événement (1-4) qui porte sur le don de l’Esprit aux apôtres avec le phénomène qui
l’accompagne (diversité des langues)
� L’événement tel qu’il est constaté par ceux qui regardent (5-13), des juifs de partout qui se
posent des questions quant aux causes du phénomène
� L’événement interprété (14-36) = le discours de Pierre. C’est la partie la plus importante qui
a 4 points :
- Pierre montre que le phénomène de la diversité des langues vient du don de
l’Esprit promis(14-21)
- Dans un 2ème
temps qui semble ne pas avoir de relation avec le 1er
, Pierre montre
comment Dieu a ressuscité Jésus 22-32)
- Le passage suivant (33-35) vient nouer les affirmations précédentes : l’Esprit vient
de Jésus que Dieu a ressuscité
- La proclamation finale (36)
� L’effet produit (37-41) qui est la naissance de l’Eglise avec les premières conversions
La venue de l’Esprit (2,1-4)
« Alors que s’accomplissait le jour de la Pentecôte »
Par de très courtes annotations, ce 1er
tableau situe l’événement :
- c’est le jour de la Pentecôte juive
- tous sont réunis dans une maison, à Jérusalem
On a les mêmes éléments que pour le don de la Thora
Le texte grec parle d’un accomplissement comme la B.J. : « alors que s’accomplissait le jour
de la Pentecôte ». Il y a 4 interprétations possibles :
- alors que s’achevait le jour de Pentecôte. Mais cette interprétation est mauvaise,
parce qu’il est 9 heures du matin.
- cela fait référence à une période qui s’achevait par la fête de Pentecôte
- l’accomplissement serait celui de la Pentecôte juive
- il y aurait accomplissement de la promesse divine
« Ils étaient tous réunis »
Une question se pose : qui étaient ces « tous » ? Les 120 personnes du v. 15 ? Autre
interprétation : « tous » renverrait aux Apôtres auxquels on adjoint quelques femmes dont
Marie et les frères de Jésus (1,14).
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Luc n’est pas explicite volontairement. Le verset 1,26 fait référence aux 11 apôtres
auxquels Matthias s’est adjoint. Au verset 2,37, ils demandent « à Pierre et aux 11
apôtres ».
� « tous » : seraient plutôt les douze apôtres auxquels est fait le don de l’Esprit (cf. chap.
1, versets 5 et 8)
Les 12 Apôtres renvoient aux 12 tribus d’Israël.
L’événement de la Pentecôte a lieu après l’élection de Matthias ; le groupe des 12 est
reconstitué
« Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent »
Le terme grec « = tout à coup » est employé seulement 2 fois dans le N.T.. Luc ne
parle pas de vent, mais de « bruit » comme un violent coup de vent. Flavius Josèphe fait
aussi référence à du vent pour les évènements du Sinaï. De même, la maison est « toute
remplie », comme le Sinaï, dans l’Exode, fumait « tout entier ».
« comme des langues de feu »
Après l’effet sonore, on a l’effet visuel : les langues de feu. Le texte grec est plus précis et
dit que les langues « furent vues », comme le Christ après la Résurrection : on ne le voit, il
se laisse voir ; c’est lui qui a l’initiative. Il s’agit donc d’une apparition surnaturelle où l’objet
se rend visible ou est rendu visible par Dieu.
La vision a pour objet des langues comme du feu. Le feu a un rôle fondamental dans la
théophanie du Sinaï. A noter que les langues ne sont pas de feu, mais qu’elles ont
l’apparence du feu.
Ces langues se partagent ; on retrouve ici un autre élément de l’A.T.. Selon la Tradition
rabbinique, la voie de Dieu se serait partagée en 7 voix ou en 70 langues, selon les textes.
(voir Midrash Rabba, Exode 5,9). Le chiffre 70 représente l’ensemble de l’Univers puisqu’il
est dit que l’univers est constitué de 70 nations.
« Il s’en posa une sur chacun d’eux » : en grec, le verbe « posa », sans complément, dont le
sens est « s’établir » → dire que les langues s’établissent signifie qu’il y a prise de
possession des 12.
« Ils se mirent à parler en d’autres langues »
Il y a 2 interprétations :
- les discours prononcés par les apôtres sous l’Esprit Saint relèvent de la
glossolalie, du don des langues = des sons qui n’ont pas de sens dans le langage
humain
- les apôtres se sont exprimés en des langues étrangères qui sont celles des
peuples dans l’assistance
42
L’expression grecque fait allusion à la glossolalie (10, 44-46 ; 19,6). Mais Luc ajoute une
expression « d’autres langues » si bien qu’il s’agit peut-être d’autre chose que de la glossolalie.
« La foule se rassembla et fut en plein désarroi » (2,5-13)
Du v. 5 au v. 13, il s’agit de noter les effets sur tous les juifs qui sont là, en résidence à
Jérusalem. Tous sont juifs et ont entendu le bruit. Ils sont en plein désarroi parce que chacun
les entendait parler sa propre langue.
On assiste à un miracle des langues. On peut faire 2 hypothèses :
- les partisans du don des langues insistent sur le fait que le miracle est de l’ordre de
« l’entendre. » Chacun aurait entendu les propos inintelligibles dans sa propre langue, sous
l’œuvre de l’Esprit.
- Les autres disent que le miracle vient du fait que des Galiléens, qui parlent une autre langue
que la leur, sont rendus capables par l’Esprit Saint de parler aux autres dans la langue qui
est la leur.
Suit une liste de peuples. Ce sont tous des Juifs pieux (v. 5) qui viennent de toutes les nations,
et qui résident à Jérusalem. Ce seraient alors des Juifs qui seraient venus se fixer, par piété, à
Jérusalem. C’est à eux qu’est adressé, pour la 1ère
fois, le message.
La liste n’est pas exhaustive, mais ces Juifs viennent de « toutes » les nations. Luc cite des
peuples du contour de la Méditerranée et aussi des peuples marginaux (lointains). Cela signifie
que l’univers tout entier est là.
Le rassemblement des Juifs dispersés à Jérusalem fait partie de l’annonce des prophètes. Les
Parthes, les Mèdes … sont réellement venus au Temple. La liste est curieuse. Luc choisit des
petites contrées pour montrer que c’est l’univers qui est là. Cela évoque l’eschatologie juive : le
rassemblement de toutes les nations à Jérusalem (cf. Malachie).
Ce rassemblement est d’autant moins neutre qu’il évoque les heures initiales de l’humanité :
Babel. Les peuples parlaient la même langue et il y a eu division des langues → ils ne
pouvaient plus se comprendre.
⇒ La Pentecôte renvoie à l’eschatologie comme :
- rassemblement de toutes les nations
- nouvelle création : Pentecôte, c’est l’anti-Babel.
Les Versets 12 et 13 portent sur la manière dont l’événement est accueilli par ceux qui sont
présents. L’étonnement, puis l’émerveillement font place à la perplexité qui débouche sur :
- une question : qu’est-ce que cela veut dire ?
- la moquerie, qui est négatrice de sens. Cette négation correspond à Is 28,7.
C’est dans ce contexte que Pierre prend la parole. Il s’adresse aux Juifs et certains se
convertissent (= le salut passe par le peuple juif).
43
Conclusion
Nous ferons 5 remarques :
� Ministère de Jésus, ministère de l’Eglise.
Lors de son baptême, Jésus a reçu l’Esprit Saint. C’est fort de ce don qu’il est parti en
mission, et l’Esprit va l’accompagner tout au long de sa mission. De même les apôtres
reçoivent le baptême dans l’Esprit Saint avant le départ en mission.
� Pentecôte rappelle le baptême au Jourdain. Le ministère de Jésus et celui des apôtres
commencent avec l’Esprit Saint.
� Pentecôte juive et Pentecôte chrétienne.
Le récit tel que Luc l’a rédigé, ne se comprend qu’à la lumière de la fête juive de Pentecôte.
La descente de l’Esprit Saint sur les apôtres évoque les évènements au Sinaï. Ce
rapprochement révèle un aspect fondamental du mystère chrétien : l’Alliance qui était
fondée sur la Loi mosaïque est remplacée par une alliance nouvelle basée sur la présence
de l’Esprit Saint dans les cœurs.
� L’alliance nouvelle n’est plus liée à des commandements extérieurs, mais à une
transformation intérieure opérée par l’Esprit Saint qui inspire une attitude filiale.
� L’envoi de l’Esprit Saint se substitue à la Loi.
� L’église est née universelle
Le mystère de Pentecôte concerne toutes les nations. Luc souligne dans le début le
caractère universel de la mission de l’Eglise. Pour le moment, on est à Jérusalem, mais où
sont rassemblés des juifs de toutes les nations.
C’est parce qu’elle est née universelle, qu’elle n’a pas d’autres limites dans le monde. Il y a
d’autres Pentecôtes dans le texte de Luc (voir au chap. 10 la Pentecôte des païens).
� La place centrale de l’Esprit Saint qu’on retrouve dans l’œuvre de l’Eglise. A travers le récit
de Pentecôte, Luc révèle qu’il y a inséparablement Jésus et l’Esprit Saint au rassemblement
et au départ de l’Eglise. Cela signifie que :
- ce n’est pas une œuvre humaine
- l’Eglise doit s’ouvrir à l’Esprit Saint pour lutter contre la tentation, l’exclusivisme. Pierre fera
cette expérience de l’ouverture de l’Esprit Saint au ch. 10 : à Césarée, l’Esprit Saint est aussi
sur les païens
- C’est l’Esprit Saint qui a l’initiative et qui conduit
A noter l’importance de l’Esprit Saint au Concile de Jérusalem.
Le miracle des langues
On note l’importance de ce miracle à la Pentecôte. Le miracle de la Pentecôte ne rend pas
aux hommes la langue unique qu’ils avaient perdue à Babel. C’est chacun qui, dans sa propre
langue, est capable d’entendre ce que l’Esprit Saint a à lui dire.
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Chapitre 8 : La communauté primitive
( Ac 2, 42-47 )
1. – Les sommaires des Actes
Quatre remarques :
- Il y a 3 sommaires dans les 5 premiers chapitres des Actes : 2, 42-47 ; 4, 32-35 ; et 5, 12-14.
A ces sommaires, il faut ajouter des citations sur la situation des communautés primitives :
6,1 ; 6,7 ; 9,31 ; 12,24 ; 16,5 ; 19,20. Il y a aussi des informations sur des groupes
particuliers.
- Ces sommaires jouent un double rôle :
- Offrir une vue générale de la vie de la communauté de Jérusalem. Par leur
insistance sur tel point précis, ils offrent une théologie de l’Eglise
- Opérer des transitions et relier entre eux des ensembles narratifs autonomes. Ils
annoncent et préparent ce qui va suivre.
- Si on prête attention au contenu de ces sommaires, on remarque que les mêmes points se
retrouvent : la communion fraternelle, la fraction du pain, les prières …
- Le premier sommaire contient en condensé les termes fondamentaux des autres
sommaires. Il est une sorte de sommaire des sommaires, 7 éléments s’y trouvent.
2 – Analyse des Actes (2,42-47)
Remarque générale : on trouve dans les v. 42 à 47 deux types de renseignements :
- sur les éléments constitutifs de la vie communautaire
- sur le rayonnement extérieur de la communauté (par ex : « la crainte gagnait tout le
monde »), sur les signes qu’ils accomplissaient, l’accroissement numérique …
Nous allons traiter essentiellement le 1er
point qui représente les 4 persévérances de la vie
chrétienne.
1°) - Persévérance dans l’enseignement (didaché) des apôtres
Le mot « didaché » désignera ensuite l’enseignement des baptisés. Ici, il s’agit d’un
enseignement qui vise autant la prédication extérieure que la prédication intérieure à la
communauté.
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Dans le 2ème
sommaire, on précise le terme essentiel : le témoignage, c’est le kérygme.
A noter la place et le rôle unique des 12 qui est l’enseignement. La foi de l’Eglise naît et
s’approfondit en référence au groupe unique de ceux qui ont été témoins directs de la vie et de
l’enseignement du Seigneur. Matthias a aussi été choisi parmi les témoins du Christ. Ce sont les
douze qui interviendront pour l’élection des 7 diacres.
2°) – Persévérance dans la communion
a) Le mot « koinonia ».
Il n’est pas fréquent dans le N.T. On peut lui trouver 4 interprétations :
- Il s’agit d’une communion de pensée (cette possibilité est réductrice)
- Il s’agit d’une communion liturgique. Le sommaire a les 4 éléments de l’assemblée
liturgique : l’enseignement,, la communion, la fraction du pain et la prière.
- Il s’agit d’une communion hiérarchique, d’une communion de foi avec l’enseignement des
apôtres
- Autre hypothèse : il s’agit d’une communion de biens. Ceci pour 2 raisons :
- le mot koinonia est utilisé ailleurs en rapport avec le partage des biens matériels
- Luc éclaire le sens de ce mot lorsqu’il précise, dans les v. 44 et 45, que les croyants
avaient tout en commun.
La koinonia est plus qu’une communion morale. Elle évoque un véritable partage.
b) « Ils mettaient tout en commun ». (2,44 ; 4,32)
Quelle est la nature de ce partage, de cette communion ? Le partage, la mise en commun fait
partie de l’idéal grec, dans la mesure où l’âge d’or de l’humanité est présent sous la forme d’un
temps où on ne connaissait pas la propriété privée.
En écrivant ceci, Luc rappelle l’idéal de l’amitié chez les Grecs. Il n’y a pas d’amitié sans partage.
Aristote dit que l’amitié consiste en la mise en commun de ce qu’on a. Luc souligne ainsi que
c’est en tant que croyant que l’homme réalise cet idéal.
c) « Ils vendaient leurs propriétés » (2,45 ; 4, 34-35)
On voit la différence entre 4,37 et 5,1-11 : Ananias pouvait garder le prix de son champs. Le
péché est dans le mensonge.
� il n’était pas nécessaire que les chrétiens se défassent de leurs biens. Le procédé va se
généraliser à partir d’exemples tels que Barnabé, Ananie et Saphire parce que, pour Luc, le
début de la communauté représente l’idéal grec accompli en Jésus Christ.
d) « il n’y avait pas d’indigent »
Cette formule renvoie au Deutéronome :
- c’est une recommandation (et une menace)
- la tradition juive fait de cette recommandation une promesse qui deviendra attente
- cette promesse va avoir une résonance eschatologique.
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Luc veut montrer que la communauté chrétienne réalise la communauté messianique des
derniers temps → c’est donner à l’Eglise une lourde responsabilité. C’est dans la mesure où
elle n’aura plus de pauvres qu’elle attestera l’avènement du Royaume.
Conclusion : c’est une communauté idéale.
L’idéal, c’est que tous aient ce dont ils ont besoin et que ceux qui ne l’ont pas puisent compter
sur la générosité des autres.
D’abord spirituelle, la koinonia demande à être incarnée, à être transposée sur le partage des
biens matériels.
→ il ne s’agit pas de se détacher des biens matériels parce qu’ils sont mauvais ou par idéal
ascétique. C’est la réalité d’un partage à mettre en œuvre.
→ Il n’y a pas idéal de pauvreté : si on partage, ce n’est pas pour être pauvre, mais pour qu’il
n’y ait plus de pauvres.
La communion dans la foi débouche sur la communion de biens ; l’ouverture à Dieu entraîne le
partage. Le fondement est la foi, la relation à Dieu, l’être même de Dieu.
3°) Persévérance dans la fraction du pain
La fraction apparaît 3 fois dans les Actes : ici (2,47), puis au début et à la fin du dernier voyage
de Paul (20,7 et 11, et 27,35).
Il s’agit d’un des pôles de persévérance. Au v. 46 du chap. 2, la fraction semble en opposition
avec l’assiduité au Temple.
a) – Nature de la fraction du pain
C’est une allusion à l’eucharistie. Le geste de Jésus (à Emmaüs) qui rompt le pain évoque la
multiplication des pains et la dernière cène.
b) – Fréquence
On ne la connaît pas. Le texte est vague. St Paul ; « le 1er
jour de la semaine »
c) – Le lieu
(v. 46). Il y a une distinction entre le Temple où on se réunit pour la prière et la maison pour la
fraction du pain : c’est la maison des chrétiens.
d) – L’esprit : allégresse et simplicité du cœur
- Allégresse . le mot grec « allégresse » a une résonance cultuelle liturgique et une
connotation eschatologique.
L’idéal n’est pas la pauvreté, c’est qu’il n’y ait plus de pauvres
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- Simplicité du cœur : la simplicité est une réponse à certains abus lors des premiers repas
eucharistiques. Un certain manque de qualité des relations fraternelles peut empêcher que
l’eucharistie soit reçue dans la vérité.
4°) Persévérance dans les prières
Le pluriel : les prières, tranche avec la prière dont parle Luc (1,14 ou 6,4). Les prières feraient
référence aux prières liturgiques juives. Cf. : « chaque jour, ils se rendaient assidûment au
Temple ». Voir aussi : 3,1 et 16,16.
Cette fidélité aux heures des prières juives n’exclue pas d’autres lieux et temps de prière qui
sont un élément constitutif de l’Eglise (8,15 ; 10,9 ; 13,3). La prière précède la Pentecôte,
l’envoi en mission.
A noter l’importance de la prière. Dans l’évangile, Luc nous montrait Jésus en prière.
→ La prière accompagnait les moments clés de la vie de Jésus
→ La prière accompagne les moments clés de la vie de l’Eglise
Si les premiers chrétiens fréquentent le Temple, celui-ci est le lieu de la prière et il n’est plus
celui du sacrifice → IL y a continuité et différence : on le retrouve au sein même de la
communauté primitive.
Conclusion
Nous ferons 4 remarques :
� Luc fait une représentation idéale. Il nous dit l’idéal que doit être la communauté, idéal
encore plus marqué lorsqu’il s’agit du rapport aux richesses. Luc montre que, dès sa
naissance, la communauté a saisi comment se situer par rapport aux richesses. Dans des
conditions différentes de celle des disciples, l’Eglise de Jérusalem répond aux exigences de
l’enseignement du Christ :
- en se libérant de la séduction des richesses
- en pratiquant le partage
- la foi chrétienne donne le rapport juste à l’argent
� Luc nous dit le succès de la communauté primitive qui jouit de la faveur du peuple. Le
peuple adhère, mais il y a opposition des autorités (du sanhédrin). Luc souligne le contraste
entre l’attitude favorable du peuple et l’attitude défavorable des autorités. C’était pareil
pour le Christ.
� La mention du succès dans la 1ère
partie des Actes revient comme un refrain. Le succès
évident s’accompagne de chiffres étonnants qui ne peuvent empêcher d’être méfiant
(2,41 ; 4,4 ; 8,14 ; 9,35 ; 9,42 …).
Le succès est dû à plusieurs choses :
- aux miracles et prodiges accomplis par les apôtres
- au rayonnement de la communauté
� C’est la qualité du témoignage donné par leur propre vie qui est aussi la base du succès. A la
source de tout cela, il y a le Seigneur. Miracles, témoignages sont importants, mais c’est le
Seigneur qui fait.
49
La place du salut est déterminante ; le salut n’a pas d’autre fondement que le Christ..
Les fondements de toute communauté sont :
- le partage
- la communion
- la fraction du pain
- le souci de la prière
Tout cela a un seul objectif : la mission est première.
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50
Chapitre 9 : L’élection des Sept
( Ac 6, 1-7 )
1 – Quand tout se dégrade
Les sommaires donnaient une image idéale. Avec Ananie, on avait vu que la communauté
première connaissait le péché. A partir du chapitre 6, des tensions touchent l’Eglise à l ’intérieur
d’elle-même. Il y a aussi des tensions extérieures (voir la mort d’Etienne) ; l’Eglise se verra
persécutée et devra se disperser.
Il y a des conflits à Antioche sur l’attitude à adopter vis-à-vis des païens.
Les conflits nous révèlent :
- les questions pastorales posées à la communauté
- la nature des différents membres de la communauté
- la place particulière des 12 avec la question des responsabilités
- le manière dont la communauté a résolu ses conflits
2 – Analyse de Actes 6,1-7
2.1 – Une péricope clairement délimitée
Il est question de l’accroissement de la communauté dont les membres sont appelés « les
disciples ». Le récit évolue en 4 étapes :
- le problème est posé : « les hellénistes …. »
- une solution est proposée
- la solution est adoptée et mise en œuvre
- le refrain final qui reprend le début
Le conflit a quelque chose à voir avec la croissance.
Mis à part le refrain final, on passe alternativement de la mention de la communauté aux 12.
2.2 – La situation de la communauté (6,1)
« en ces jours-là ». Il n’y a pas de connotation temporelle. Il s’agit de relier avec le fait qu’il
s’agit de l’histoire de l’Eglise.
« le nombre des disciples augmentait ». Le nombre important des conversions de juifs fait
partie d’un refrain de Luc (cf. 21,20 : « des milliers de juifs »). Certains voient un lien avec le
texte de Dt 2,9-10.
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« les hellénistes se mirent à récriminer contre les hébreux ». Le terme grec parle de
« murmure », ce qui rappelle l’exode (16.7). Ce murmure provient d’une partie de la
communauté.
Qui sont ces hébreux ? C’est la seule fois que ce mot vient dans les Actes. Les hellénistes ,
n’apparaissent qu’une autre fois. Le mot « hébreux » est absent, mais Paul l’emploie 3 fois
pour parler de lui-même, par exemple :
- « de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d'Hébreux » (Ph 3,5)
- « Ils sont Hébreux? Moi aussi. Ils sont Israélites? Moi aussi. Ils sont postérité
d'Abraham? Moi aussi. » (2 Co 11,22)
Hébreux désigne quelqu’un né en Palestine et helléniste quelqu’un né dans la diaspora. Or
Paul est né dans la diaspora. On fait actuellement l’hypothèse suivante : la distinction est
une distinction linguistique. Hébreu signifie juif parlant araméen, et helléniste signifie juif
parlant grec (= né dans la diaspora ou dans des villes juives parlant grec). Paul, qui est né
dans la diaspora, revendique son titre d’hébreu, donc il parle araméen.
« parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien ». On peut faire 3
remarques :
- Les veuves ont une place très importante dans l’A.T.. Elles se situent au premier rang des
faibles avec les enfants et les étrangers. La Loi prévoyait des mesures en faveur des veuves
(Dt 14,29 ; Dt 24,19-21 …). La communauté chrétienne va s’inscrire dans cette longue
tradition biblique (voir Jc 1,27 ou 1 Tim 5,3). Dans l’œuvre de Luc aussi, les veuves ont une
place particulière : la veuve de Sarepta, la veuve de Naïm, l’obole de la veuve au Temple,
Anne la prophétesse …
� On voit le souci de Luc de bannir de la communauté chrétienne toute forme d’indigence.
� Dans tous les cas, on devait prendre soin des veuves. C’est un devoir essentiel.
- « le service quotidien » mot « diaconat » qui réapparaît dans l’assistance matérielle (11,29 ;
12,25). Luc fait allusion :
- à un service quotidien d’entraide = distribution des repas
- en grec, l’expression « servir aux tables » renvoie au comptoir ou à la table de
change, c.a.d. la banque. Il s’agirait alors d’un service de bienfaisance : distribution
d’argent et non de nourriture.
- Le conflit a pour origine une question d’entraide. Il cache un conflit plus grave qui pourrait
avoir pour origine la coexistence difficile de 2 mentalités différentes. Cela touche en réalité
la religion, la relation à Dieu et aux institutions.
Etienne se montrera plus critique que les juifs envers la Loi et le Temple → il y aurait
derrière un débat théologique (voir cahier évangile n° 60 p. 10).
Les auteurs qui ne partagent pas cette conception disent :
- Etienne n’était pas porte-parole des hellénistes
- Il semblerait que seuls les hellénistes ont été persécutés. Or ce n’est pas dit
- Ceux qui vont s’opposer à Etienne sont plus hellénistes qu’hébreux
52
2.3. – Une proposition de solution
On note l’initiative et l’autorité des 12. Ce sont eux qui convoquent l’Assemblée, qui proposent
et motivent une solution, qui suggèrent la procédure à suivre, qui entérinent le choix de la
communauté (c’est elle qui choisit).
Ils répondent à un problème concret par une solution concrète. Tout en sauvegardant l’unité,
ils reconnaissent la diversité de la communauté.
Il y a un contraste entre « servir aux tables » et « servir la parole »
Le service de la Parole
Quelques références : - « les auditeurs de la parole » (4,4)
- « dire ta parole » (4,29)
- « annoncer la parole » (4,31)
Il s’agit d’une parole adressée à des non-chrétiens, donc du service de l’évangélisation, de
l’enseignement qui se situe dans le cadre de la mission reçue du Christ lui-même.
Le 1er
service des 12 est celui de l’annonce de l’évangile, de la foi. Ce premier service ne laisse
pas les 12 indifférents aux questions pratiques : le service des pauvres.
Le service des pauvres
Les 12 choisissent 7 hommes. C’est le chiffre parfait qui apparaît souvent. Cela évoque une
fonction administrative. En effet, à l’ère chrétienne, la ville et la communauté juive étaient
gouvernées par 7 hommes.
Ils demandent que ces hommes aient 2 qualités fondamentales :
- des hommes de bonne réputation aux yeux de la communauté chrétienne
- des hommes remplis d’Esprit et de sagesse
Leur tâche étant matérielle, on aurait attendu des qualités de bons gestionnaires. Mais les
qualités demandées sont plutôt de l’ordre du discernement, de la prophétie.
Philippe et Etienne ne feront jamais la tâche pour laquelle ils ont été élus.
A noter le rôle fondamental de l’Esprit. Les hommes choisis doivent avoir l’Esprit Saint qui est le
moteur de la vie missionnaire.
Les Apôtres ont une autre priorité : la prière, le service de la prière. Pour certains, il s’agit de la
présidence de la prière, c.a.d. l’animation de la vie liturgique de la communauté. Le mot
« prière » est au singulier. Il a donc un sens non technique. C’est le rappel d’une priorité dans
l’Eglise : la prière à assurer, quelle que soit la tâche à accomplir.
⇒ il n’y a rien sans la prière.
2.4. – Adoption et mise en œuvre de la solution
- C’est la communauté qui choisit : elle est renvoyée à sa propre responsabilité
- Le premier des 7 est Etienne, et il est le seul à être gratifié d’un commentaire : « plein de foi
et d’Esprit Saint ». Mis à part lui et Philippe, on ne connaît pas les autres..
53
- Aucun des 7 n’est présenté dans la fonction pour laquelle ils ont été élus. Quand on parle
d’eux, ils font autre chose : « ils prêchent ».
- On les présente aux apôtres qui « prièrent et leur imposèrent les mains ». Le
fonctionnement est ecclésial. La communauté choisit puis elle s’en remet aux apôtres qui
prient.
⇒ A noter le rôle fondamental de la prière. Dans l’évangile aussi, on voit Jésus passer la nuit
en prière avant de choisir les 12.
⇒ Importance aussi de l’imposition des mains : c’est la transmission d’une charge qui était,
jusqu’à présent, le rôle des apôtres.
Il n’y a pas, dans ce texte, l’origine de l’ordination diaconale. C’est faire trop dire au texte. De
plus, on ne verra jamais les 7 dans ce rôle.
2.5. – Le refrain final : « La parole de Dieu croissait … »
Importance des verbes « croissait » et « augmentait » qui rappellent la croissance du peuple
de Dieu.
Il y a un crescendo caractéristique des Actes des Apôtres :
- ch. 4 : 5 000 hommes
- ch. 5 : une multitude d’hommes et de femmes
- ch. 6 : une multitude de prêtres
C’est une manière pour Luc de montrer que le christianisme n’est pas incompatible avec le
service du Temple. Il est accomplissement.
Conclusion : des questions … des réponses ?
- 1ère
question : La cohérence du texte porte sur l’opposition des hellénistes et des hébreux.
Comment concilier le fait que l’opposition vient de ce que les hellénistes se plaignent que
leurs veuves sont délaissées par les hébreux ? Les hommes choisis sont tous des hellénistes.
- Autre question : Etienne et Philippe n’exercent pas le ministère d’assistance caritative pour
lequel ils ont été choisis. Ils apparaissent comme des prédicateurs. Comment comprendre
qu’ils ne soient jamais question des 7 dans le reste des Actes ?
- Peut-on voir dans l’élection des 7 le fondement de l’élection diaconale ?
- Il y a là un enseignement sur la manière de régler les conflits, de subvenir aux nouveaux
besoins de l’Eglise. Conformément à l’idéal de communion qu’il préconise, Luc montre :
- que les besoins de l’Eglise demandent la création de ministères nouveaux et la
nécessité de confier ces ministères à d’autres personnes que les apôtres
- que ce changement s’opère dans le dialogue. Il y a souci d’équité, souci de
sauvegarder l’unité malgré la diversité de la communauté
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- le refus de se laisser enfermer dans le dilemme : ou bien l’évangélisation, ou bien
le service des pauvres. Les deux vont ensemble. Pour les 12, aucune des 2 tâches
ne peut être sacrifiée.
L’idéal de Luc :
- une communauté unie où il n’y a pas de pauvres. En effet, comment la communauté
pourrait-elle être signe si elle ne vit pas la communion au sein d’elle-même ?
- on ne peut choisir entre la prière et le témoignage. Il ne peut y avoir de témoignage qui ne
s’enracine dans la prière.
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55
Chapitre 10 : L’Assemblée de Jérusalem
( Ac 15)
Petite note introductive (15, 1-6)
Certains appellent cette Assemblée : le Concile de Jérusalem. C’est impropre. En Ac. 6, l’Eglise
de Jérusalem était confrontée à un problème concret : la distribution aux veuves. Ici, le
problème est différent et très clair : faut-il obliger les païens qui se convertissent à la
circoncision et à la Loi ?
Les païens ont déjà leur place dans la Communauté chrétienne (cf. épisode de Corneille). La
véritable question est donc celle du salut : que faut-il faire pour être sauvé ?
⇒ « si vous n’acceptez pas d’être circoncis… vous ne pourrez pas être sauvé » (v. 1).
1. – L’intervention de Pierre (15, 7-11.12)
Le rappel de l’œuvre de Dieu (vv. 7-9). Pierre rappelle la conversion des premiers païens à
Césarée maritime. Il rappelle comment sa mission auprès des païens s’inscrit dans l’élection
des païens : « c’est par un choix de Dieu … »
Pierre invite les auditeurs à voir la portée de l’événement. Au v. 8 : « Dieu leur a donné
l’Esprit Saint comme à nous » � Dieu leur a purifié le cœur. L’Esprit Saint qui vient sur eux
signifie que leurs péchés ont été pardonnés.
Une proclamation prophétique (vv. 10-12). Puisque Dieu a accordé le salut à des païens
qui n’observaient pas la loi, celle-ci n’est pas nécessaire au salut. Donc, seule la grâce suffit.
Au v. 12, on voit Paul et Barnabé intervenir.
2. – L’intervention de Jacques (15,13-21)
« ce qui concorde avec les paroles des Prophètes » (v. 15). Au v. 14, on trouve : « Dès le
début … ». Cela signifie dès le début de l’Eglise. Jacques part aussi de l’événement de
Césarée. Mais là où Pierre avait insisté sur la nouveauté du don de l’Esprit Saint, Jacques
souligne la continuité du dessein de Dieu. Ce qui s’est passé au début est dans le dessein de
Dieu. Il parle de « peuple ». Il y a une différence entre le peuple et la nation :
- « nation » renvoie à l’appartenance ethnique
- « peuple » souligne l’appartenance au Seigneur
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Cela signifie que, des nations païennes, Dieu a fait son peuple qui, comme le peuple d’Israël,
a reçu la grâce du Seigneur. Le rassemblement ne vient pas de la race, mais de l’élection.
La citation d’Amos est la traduction de la Septante qui infléchit le texte vers l’universalité
(par rapport au texte hébreu). Le peuple païen a reçu la même vocation que le peuple juif.
Les nations païennes se sont vues reconnaître, par grâce, comme un peuple de Dieu. L’objet
de la recherche, c’est le Seigneur (v. 17).
« il ne faut pas tracasser ceux des païens qui se convertissent .. » (v. 19). Dieu leur a
ouvert la porte gratuitement. Il ne faut donc pas leur imposer la Loi.
« écrivons-leur seulement … » (v. 20). Jacques se réfère à ce que les rabbins appellent les
commandements noachiques, c.a.d. les commandements naturels à observer par tout
homme. C’est à partir de l’observation de ces prescriptions que les juifs jugeaient les non-
juifs qui vivaient sur leur territoire. Il y avait 7 commandements d’après le « Livre des
Jubilés ». Jacques en retient 4 :
- s’abstenir des souillures des idoles
- s’abstenir de l’immoralité
- s’abstenir de la viande étouffée
- s’abstenir du sang
Ces prescriptions (alimentaires et sexuelles) viennent du Lévitique (ch. 17 et 18). Elles étaient
prescrites pour le peuple d’Israël et pour les étrangers résidant parmi eux.
Comment comprendre que Jacques se réfère à ces prescriptions alors qu’on vient de dire que la
Loi n’est plus nécessaire ? Il s’agit pour Jacques (= Luc) de permettre la coexistence entre les
chrétiens d’origine juive attachés aux pratiques de la Loi et les chrétiens d’origine païenne, et
ceci pour assurer l’unité dans la reconnaissance de la diversité.
� La religion juive bénéficiait d’une reconnaissance légale dans l’empire romain. Les juifs
avaient quelques privilèges. Les chrétiens d’origine juive pouvaient prétendre à cette
reconnaissance. Mais la question se posait pour les chrétiens d’origine païenne. En leur
imposant quelques règles, on faisait de ces chrétiens un peuple associé, avec le statut de
« craignant-Dieu ».
� On est face à une apologie bi-directionnelle
→ dans le sens du judaïsme : il s’agit de montrer comment le christianisme est dans la
continuité du judaïsme
→ dans le sens de l’empire romain : en insistant sur les liens qui unissent christianisme
et judaïsme, on montre que l’empire n’a rien à craindre des chrétiens
3. – L’envoi des messagers (15, 22-35)
« alors, il sembla (bon) aux apôtres et aux anciens … » (v. 22). Cette expression est
typique de la promulgation d’un décret.
La proclamation orale l’emporte sur l’écrit → la lettre n’a force de Loi qui si elle est
communiquée de vive voix.
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« décidèrent de choisir quelques-uns d’entre eux … » (v. 22). Deux hommes sont choisis :
Jude et Silas. Ce sont des hommes :
- en vue parmi les frères = des responsables
- qui ont livré leur vie pour Jésus Christ
- qui sont des prophètes, c.a.d. capables d’affermir leurs frères
« il sembla (bon) à l’Esprit Saint et à nous » (v. 28). A noter l’importance capitale de
l’Esprit Saint. Le témoignage des apôtres est garanti par le don de l’Esprit Saint. C’est le
même Esprit Saint qui préside au service de la communion.
« pas d’autres charges que celles-ci qui sont indispensables » (vv. 28-29). Le texte
occidental ajoute la « règle d’or » : « tout ce que vous ne voulez pas qu’il vous arrive, ne
le faites pas à autrui ». Cette règle existait déjà dans le rabbinisme.
la « joie » et la « paix » retrouvées (vv. 31-35). Ce sont les fruits de l’Esprit Saint. Luc
confirme que l’Esprit Saint est à l’origine de la décision qui a été prise.
On est passé du conflit à la communion
Conclusion
� Dieu se dit dans l’histoire. Il n’est question ni de vision, ni d’ange, ni de phénomènes
spirituels, mais d’une communauté qui cherche où Dieu l’appelle dans la situation qui est la
sienne. On voit comment, à travers un événement et la parole de Dieu, se produit
l’ouverture aux païens.
Ce sont des évènements concrets relus à la lumière de la parole de Dieu qui vont amener la
communauté à voir l’œuvre de salut. L’événement ouvre à l’approfondissement de la parole
de Dieu ; il devient lui-même porteur de la parole de Dieu.
� La vérité de l’évangile dans la diversité des situations. Si la communauté arrive à un
accord, elle le fait dans le souci de la vérité de l’évangile (c.a.d. la gratuité du salut), mais
aussi dans le souci de respecter les traditions des nouveaux groupes.
- les juifs chrétiens gardent la circoncision et la Loi
- les païens ne sont pas tenus à la Loi
� chacun, dans sa façon de vivre, respectera la vérité essentielle de la foi : c’est
par la grâce du Seigneur Jésus Christ qu’on est sauvé. Il y a diversité des
attitudes, mais la foi est la même.
� La fécondité des médiations. Des chrétiens dispersés ont osé des pratiques nouvelles, c.a.d.
ils ont accepté des païens non circoncis. L’Eglise d’Antioche est restée soumise à l’Eglise de
Jérusalem, et l’Eglise de Jérusalem a accepté de s’ouvrir.
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Chapitre 11 : La figure de Paul dans les Actes
des Apôtres
Introduction : la question du lien entre Paul et Luc
Luc, compagnon de Paul ? Le passage au « nous » laisse supposer que l’auteur était avec Paul.
Certains pensent que le « nous » est une forme littéraire.
Une difficulté : on note chez Luc :
- l’absence des thèmes chers à Paul :
- la justification par la foi
- le rapport entre la foi et les œuvres
- le rapport entre l’évangile et les œuvres
- des divergences quant à une chronologie de la vie de Paul
Qu’est-ce que Luc nous dit de Paul ?
1. – Le cycle de Paul (Actes 13-28)
La plus grande partie des Actes est consacrée à Paul. Il y a 15 chapitres pour la figure de Saül et
pour Paul, puis 15 chapitres consacrés à l’activité missionnaire qui concernent :
- le récit de vocation
- les voyages missionnaires (3 voyages)
- 7 chapitres s’apparentent à une sorte de récit de la passion. De même qu’il y avait une
montée de Jésus à Jérusalem, de même il y a une montée de Paul à Rome
Luc ne dit pas comment Paul est mort martyr ; ce n’est pas important. Le but de Luc est de dire
que l’Evangile est annoncé aux extrémités de la terre.
2. – Un appel : trois récits
2.1. – Récits : 9,1-19 22,3-21 26,9-18
1er
récit
C’est le plus connu. C’est le narrateur qui parle.
A noter qu’il n’y a pas vraiment conversion. Paul ne renie pas sa foi, il n’éprouve pas de
culpabilité par rapport à son passé. Il y a plutôt rencontre, accomplissement de la Loi.
- 9, 1-2 : description de l’état de Paul
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- 9,3-9 : la rencontre avec Jésus
- 9,10-19 : Ananie
Il faudrait ajouter 2 scènes : après le baptême, Saül dit sa foi à Damas, et Saül parlant à
Jérusalem du Seigneur.
2ème
récit
C’est Paul qui parle. Il s’adresse au peuple de Jérusalem. On constate que Paul (alors qu’il vient
d’être arrêté), ne parle pas de l’accusation.
Par le récit de sa vie, il essaie de montrer que la mission auprès des païens a été voulue par
Dieu.
Il parle de sa rencontre sur le chemin de Damas et cela se termine par sa mission auprès des
païens.
3ème
récit
On est à Césarée maritime. Paul, qui est incarcéré (son incarcération durera 2 ans), prononce
un discours devant le gouverneur et le roi. Il raconte son activité parmi les païens.
A noter de nombreuses allusions à l’A.T. . Luc montre ainsi le lien entre Paul et les prophètes.
2.2. – Eléments communs
Description identique sur le passé de Paul qui était un persécuteur. Il y a même une
progression entre le 1er
récit qui était discret et le 3ème
récit qui est beaucoup plus
développé : « il voulait forcer les disciples à blasphémer ».
Ce qui est en jeu, c’est la foi au Christ, le combat au nom de Jésus.
La nature de la persécution, c’était la reconnaissance de Jésus comme sauveur puisque la
foi au Christ paraissait à Paul insupportable.
Les 3 récits situent la conversion sur la route de Damas et la 1ère
partie reprend les mêmes
éléments :
- une lumière qui vient du ciel
- Saül est précipité par terre
- une voix se fait entendre
- le début du dialogue est le même : il y a reconnaissance de « Jésus que tu
persécutes »
Eléments communs pour la mission de Paul : Il y a accord global de tous les récits sur le fait
que Paul est envoyé aussi bien auprès des juifs que des païens. Paul ne dira jamais qu’il a
été envoyé auprès des juifs. Il se dit toujours envoyé aux païens. Or, dans ces récits, Jésus
l’envoie, par la bouche d’Ananie, auprès des païens et des juifs.
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→ Puisque Paul a été envoyé auprès des juifs et des païens, la mission auprès des païens ne
naîtra que par suite du refus des juifs.
Le schéma classique est le suivant :
- Paul s’adresse aux juifs
- Quelques uns se convertissent
- Il y a des tensions dans la communauté juive
- Paul est rejeté
- � Paul s’adresse aux païens
2.3. - Les principales différences entre les 3 récits
� La place d’Ananie : fondamentale dans le 1er
récit, moindre dans le 2ème
, inexistante dans le
3ème
récit : Paul ne mentionne pas Ananie, ni l’ordre de se rendre à Damas, ni la cécité, ni la
guérison.
� 2ème
récit : Paul a une vision du Christ dans le Temple de Jérusalem et c’est dans cette vision
qu’il s’est vu révéler directement du Christ sa mission auprès des païens.
� La voix avec laquelle Paul dialogue : dans les 2 premiers récits, elle se contente de dire à
Paul « va à Damas ». Dans le 3ème
récit, elle révèle à Paul la mission qui est la sienne (sans
Ananie).
� Dans le 3ème
récit, il n’est pas question de cécité, d’écailles qui tombent. Paul reçoit sa
mission de la voix.
� Dans les 2 premiers récits, Paul est aveugle, il doit passer par Ananie pour voir sans savoir
quelle est sa mission. Dans le 3ème
récit, il passe à la lumière par la voix.
� Dans le 1er
récit, les compagnons de Paul entendent la voix et ne voient pas la lumière, et
seul Paul tombe à terre. Dans le 2ème
récit, les compagnons voient la lumière et n’entendent
pas la voix. Dans le 3ème
récit, tous tombent à terre.
� Les 2 récits disent : « Je suis Jésus que tu persécutes ». Le 3ème
récit ajoute « il est dur pour
toi de regimber contre l’aiguillon ». Cela signifie que toute résistance est inutile face à une
puissance si grande.
A noter que Luc ne dit nulle part que Paul a vu le Seigneur. Or Paul dira qu’il l’a vu. Ce sera
même son titre de gloire.
– Les récits de Paul et ceux des Actes : accords et divergences
Dans ses lettres, Paul rappelle de manière discrète l’événement qui a changé son existence.
Aucun récit ne reprend le récit de Luc.
On note donc la discrétion de paul sur la manière dont Jésus s’y est pris pour faire de lui un
apôtre.
61
3.1. Accords entre les épîtres et les Actes
- Paul situe aussi un épisode décisif de sa vie à Damas, ou dans les environs
- Dans les environs de Damas, ou à Damas, Paul fait le lien entre l’expérience dans laquelle
Dieu a révélé son Fils, et sa mission auprès des païens
- Il y a accord sur le passé de persécuteur de Paul
� Les épîtres de Paul confirment la tradition rapportée par le livre des Actes des Apôtres sur
ces points décisifs.
3.2. – Divergences entre les Epîtres et les Actes
� Le caractère immédiat de la vocation de Paul. Paul insiste : « c’est de moi même, sans
recours à aucun envoi humain, que je suis parti ». Il a reçu sa vocation directement du
Christ. On retrouve ceci dans le 3ème
récit uniquement. Dans les 2 autres, c’est par Ananie
que Paul apprend ce qu’il doit faire.
� Il s’agit pour Luc de rattacher la mission de Paul à l’Eglise apostolique. C’est elle qui
légitime la mission. Luc souligne le lien de Paul à l’Eglise. (Cf. aussi le rôle de Barnabé qui va
chercher Paul, l’amène …).
� Paul veut persuader qu’il est apôtre de Jésus Christ. Il fait donc appel à la vision où Dieu lui a
révélé le Fils et il fondera son apostolat sur cet événement.
� Luc n’emploie jamais le titre d’apôtre pour Paul. Pour Luc, dans la mesure où Paul n’a pas
été le témoin oculaire de la vie du Christ, il ne peut pas être reconnu comme « apôtre ».
� Divergence dans la manière dont Paul et Luc considèrent l’événement de Damas.
- Paul le considère comme un événement pascal : Jésus s’est fait voir
- Pour Luc, « l’apparition », même extraordinaire, ne porte pas le label pascal. Luc
insiste davantage sur la gloire lumineuse que sur la personne du Christ. Luc ne dit
jamais que Paul a vu quelqu’un. En effet, pour Luc, les apparitions pascales étaient
réservées aux 40 jours entre la résurrection et l’ascension ; elles sont donc
réservées aux apôtres.
Conclusion
Importance de cet événement pour la mission auprès des païens. Ce qui est en jeu, c’est le
caractère définitif de l’appel aux païens. Paul n’aurait jamais fait cela s’il n’avait reçu sa
mission du Christ directement. Donc, c’est en vertu d’un plan que Dieu avait conçu et mis
en œuvre. L’Eglise n’est pas le reniement des anciennes croyances, c’est leur
accomplissement.
La puissance irrésistible de Dieu qui va pousser Paul à s’engager dans une œuvre auprès des
païens, on la retrouve dans la chute des compagnons de Paul. Luc veut montrer que Paul ne
pouvait pas faire autrement. Il a été poussé par une force irrésistible.
Dieu intervient en personne à chacune des étapes de l’envoi en mission auprès des païens :
Paul a une vision, Ananie aussi, puis Paul à nouveau.
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La mission auprès des païens comme accomplissement des promesses de l’Ancien
Testament. La mission auprès des païens n’est pas seulement la volonté de Dieu, mais elle
est l’accomplissement des promesses de l’A.T. Pour Luc, c’est dans l’évangélisation des
païens que se trouve l’accomplissement de l’A.T.
On retrouve le dessein théologique de Luc.
- L’ouverture aux païens telle qu’elle s’est produite à travers Pierre, puis par Paul, a été
entreprise par Dieu lui-même.
- Il n’y a pas de rupture entre l’A.T. et le N.T., mais accomplissement.
- Ce sont les juifs qui sont allés à l’encontre du dessein de Dieu. Ils étaient les premiers à qui
Dieu s’était adressé.
-=-=-=-=-=-=-=-