chansons d'eugene gervais

150
Christian Declerck Les chansons d’Eugène Gervais et Hippolyte Bertrand Chansonniers dunkerquois 1

Upload: christian-declerck

Post on 20-Mar-2016

259 views

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

les paroles des chansons d'Eugène Gervais et Hyppolite Bertrand, chansonniers dunkerquois

TRANSCRIPT

Page 1: chansons d'Eugene gervais

Christian Declerck

Les chansonsd’Eugène Gervais

et Hippolyte Bertrand

Chansonniers dunkerquois

1

Page 2: chansons d'Eugene gervais

2

Page 3: chansons d'Eugene gervais

Adieu méchanteromance

Paroles d'Abel GAY et Eug. GERVAIS

ITu ne crois plus à la tendresseEt tu rougis de nos amoursJe vois ma pauvreté te blesseTu veux rubans, bijoux, veloursSi l'orgueil a troublé ton âmeVa, que t'importe ma douleur ?Livre ton corps pour l'or infâmeFoule à tes pieds notre bonheur.

refrainAdieu, ma mie, mon seul amourTu veux me quitter en ce jourDe nos baisers garde le souvenirPuisque tu veux être chair à plaisirTu ne verras pas ma douleurJ'irai bien loin cacher mon cœurAdieu, méchante ! …

IITu regretteras ma caresseEt les beaux jours d'amours vécusPlus tard infidèle maîtresseLorsque les ans seront venus :Tu pleureras l'ami sincèreQue tu dédaignes aujourd'huiTon petit lit blanc solitaireTout le rêve qui s'est enfui

IIIAdieu ma mie, car voici l'heureTriste moment de nous quitterPauvre enfant je vois que tu pleuresDonne moi le dernier baiserVa, demain dans ton opulenceTu sécheras tes yeux rougisTu souriras de ma souffranceDans les bras de riches amis…

Citée dans le Nord Maritime du 28 octobre 1906Bibliothèque Nationale 4° Ye 1393

3

Page 4: chansons d'Eugene gervais

L'alcooliquechanson réaliste et dramatique

Air : Ma Jolie

ID'puis deux ans que tu es ma femmeJe me suis grisé chaque jourOh ! ma conduite est bien infâmeJe suis indign' de ton amourTu dois rougir de ma faiblesseTu es la femme d'un pochardEt quand tu subis ma caresseAffreux, doit êtr' ton cauchemar

refrainMa pauvre femmeC'est trop infâme !Je n'irai plus au cabaret :En moi, tout craqueEt se détraqueJe sens ma raison va sombrer…L'estomac m'brûleÇa me canule,Ah ! je souffre comme un damné !Pardonne encoreVois je t'imploreMa chère femme

IITu n'es pas toujours à la noceCar l'alcool rend le cœur mauvaisJe cogn' comme un' brut' ! Ah c'est

atroce,Quand j'suis saoul je n'sais pas c'que

j'fais

Frapper une femme faut être lâcheJe suis honteux rien qu' d'y penser !Mais aujourd'hui je veux qu'on le sacheJe jur' de ne plus me griser

IIIComm' c'est drôle j'ai la main qui

trembleEt cependant je n'ai rien buTout autour de nous, il me sembleVoir danser un monde inconnuSous mon crâne, c'est la tempête !C'est-y que je perds la raison ?J'ai ma quinzaine' verse, filletteVerse-nous un verr' de poison

dernier refrainMa pauvre femmeC'est trop infâmeJ'peux pas m'passer du cabaretJ'vois qu'tu sanglotesC' n'est pas d' ma fauteJ'ai comm' l'enfer dans le gosierEn moi tout craqueEt se détraqueAh je souffre comme un damnéVerse ma mieDe l'eau de vieJe suis infâme !

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1388, dépot légal 1906autre version : le Démon de l’alcool

4

Page 5: chansons d'Eugene gervais

L'amour dans l’sacrigolade dunkerquoise

sur l'air du "Joyeux Boucher"

IMon p'tit jambonneauJe tir' le rideauPersonn' dans la boutique,Monsieur est sorti,J't'assure à midi,Me laissant la pratique.T'as de jolis yeuxJ'en suis amoureuxSerr'-toi sur ma poitrine !J'ai le cœur pincéFoi de chevalierJe te gob' ma Titine !J'm'sens pu aller,J'tombe à tes pieds !

refrainDis pour bien s'amuser,Nous descendrons dans la cave ;Et là nos baisersNe connaîtront plus d'entraves ;Dans un coin discretTu me roucoul'ras : "Gustave,Encore un p'tit bout,L'saucisson c'est bon comm' tout !"

IIDans l'sous-sol, tous deux,Nos jeun's amoureuxÉchangèr'nt leurs caressesUn tas d'escavlins"Servit d'traversinEt d'sommier d'allégresses ;Ils n'se doutaient pasQu'à deux ou trois pas- En leur posture friponne -Dans un sac cachéLe patron veillaitSur la vertu d'sa bonneRoug' d'émotion…

refrainVas-y mon chéri !Y a personn' dans la boutiqueMonsieur est sorti,En te laissant la pratiqueOn est bien ici.D'tes bécots j'aim' la musiqueEncore un p'tit bout,L'saucisson c'est bon comm' tout !

IIILes amants grisésDe copieux baisersSongeaient à la lumièreC'est bon d's'adorerDans l'obscurité,Mais tout lasse ma chèreIls allaient s'enfuirDu lieu de plaisir,Témoin de leurs ivresses,Quand soudain, comm' ça,La p'tit' s'effrayeEt s'écria : " Ça s'dresse !""Stav'", j'ai rien l'trac,T'as pas vu l'sac ?

refrainJ'n'os' plus avancerLe sac à r'mué par terre,Je l'ai vu danserJe l'jur' sur la croix d'ma mère"Stave", d'un coup d'pied,A fait voler la poussière.L'patron a bondi Aux yeux du couple ahuri.

IVPauvres amoureuxVous n'êtes pas heureuxEn cette circonstance ;A mon humble avisÊtre ainsi surprisC'est jouer de malchance ;L'malheur a du bon,C'est une leçon.Un'leçon d'expérienceQuand ça vous prendraD'recommencer ça,Mettez-y d'la prudenceSoyez malinsMes chérubins.

refrainLorsqu'on veut s'aimerIl s'agit d'savoir s'y prendre,De n'pas s'fair' pincerA l'heur' divine et bien tendre.Prendre gard' toujoursAu piège qui peut surprendre,Car le fol amour

5

Page 6: chansons d'Eugene gervais

A dans son sac plus d'un tour.Bibliothèque Nationale 4° Ye 1415, dépot légal 1907

6

Page 7: chansons d'Eugene gervais

La bière de chez nousChanson à boire

air : Regardez vous, mesdames, regardez vous.

ILiqueur magiqueSaine hygiéniqueExtraite du divin houblonDe l'analyseDe l'expertiseC'est la santé dans un rayonRayon vermeilEt le soleilY met son éclat sans pareil !

IISi par la villeEn joyeux drilleGambrinus-Roi déambulaitDe sa voix forte« Que l'on m'apporte« Ce doux breuvage, —il clamerait« Versez ! Versez !« Brocs emplissez« De ce nectar je me grisais … ! »

refrainRégalez vous, les gars, régalez vous

Voilà la bière de chez nous !N'est-ce pas le plus soyeux des frou-frous ?

—C'est du velours me dites-vous—Régalez vous, les gars, régalez vous !

Ma liqueur d'or brille pour tous !Sautez bouchons aux gais sons des glous glous !

Des gens du Nord c'est le nectar bien doux.

IIIPas de glucoseQui se déposeHonnis soient drogues et poisonsMais de grains d'orgeL'brasseur dégorgeTrinquez ! trinquez ! joyeux lurons !Goûtez ! Goûtez !Vous m'en direzLe verre en main, les qualités !

IVMa bière blondeVerse à la rondeDans tous les cœurs : joie et entrainMa bière bruneC'est la fortuneDu pauvre gueux, dans un refrainAmis chantonsEt célébronsLa plus exquise des boissons.

Nord Maritime du 5 janvier 1912

7

Page 8: chansons d'Eugene gervais

Bonjour midinette !chanson marche

Paroles de Madame Milly Scint et Eugène GervaisMusique de Madame Milly Scint

ILes MidinettesPour un seul jourViennent en fêteFaire un séjourDans notre villeTrès amuséeDe leur gentilleBonne arrivée !En descendant du train d’plaisirUn accueil chaleureux les guetteChaque regard voudra choisirLa plus gracieuse et mieux faiteMais l’on verra bientôtQue toutes ne font qu’un seul mot !MidinettePuisque tu ne viens qu’un seul jourNous montrer tes charmants atoursMidinetteNous te souhaitons le bonjourEt bienvenue ! mais à ton tourMidinetteDis-nous : Bonjour ! Bonjour !L’amitié s’échange en retourMidinette

IILes MidinettesNous le savonsSont très coquettesEt leurs façonsFont les modèlesDe nos saisonsFaisons comme ellesEt nous seronsDe petites femmes activesTrès habiles de nos dix doigtsFaisant comme femmes chétives

Même l’impossible parfoisEt l’on verra bientôt, bientôtTout ce que veut dire ce motMidinette !Avec tes petits airs rieursTu sais faire “nique aux farceurs”Midinette !Le travail malgré son aigreurNe change pas ta belle humeurMidinette !Tes sourires fins et moqueursSavent captiver tous les cœursMidinettes !

IIILes MidinettesAux traits jolisSont mignonettesEn leurs fouillisLeur éléganceÉpateraC’est à la danseQue l’on verra !Leurs toilettes sur nos pelousesSe pavaner coquettementEt leurs succès rendre jalousesNos fillettes au cœur tremblant !Car chacune entendra ce mot :Revenez nous bientôt, bientôt !Midinette !Oui, vrai, nous nous sommes ravisPar tes attraits frais et jolis,Midinette !Gardons les charmes de tes risMais emporte de ce pays,Midinette !Le gai souvenir qui nous fitEnvier le ciel de Paris !Midinette !

Souvenir de l’excursion des Midinettes de Paris, à Dunkerque le 3 juillet 1904

8

Page 9: chansons d'Eugene gervais

Le bon restaurantDe la revue « Palace Revue »,

chanson chantée et jouée par les Décadents

Air : Goûtez-y

Ref.Goûtez-y, goûtez-enDe ce restaurantGoûtez-y, goûtez-enD’ses plats succulentsPourquoi chercher de bons repas ailleurs ?C’est là que l’on sert, oui, les meilleurs !

ITout près d’la rue CarnotD’la station du tramwayEst un restaurantOù tout se sert bien chaudMais où le patron saitSatisfair’ tous ses clientsSoixante dix sept, rue des Vieux RempartsOn fait des festins de Balthazar

IIDu nom de populaireA été qualifiéCe bon restaurantParc’ qu’il est le moins cherLe mieux achalandéEt le plus appétissantPour 30 sous on peut s’y régalerSans la crainte d’être empoisonné

IIIUn potage, un hors d’œuvrePlat de viande et d’poissonUn servic’ parfaitUn vrai petit chef d’œuvreDu pain à discrétion,Vin dessert, café completVoilà c’ qu’on vous donne pour vos 30 sousA Dunkerque où le trouverez-vous ?

IVOn peut égalementManger du 17 sousQuarante ou 22Quantité de clientsPeuv’nt pour leur 4 sousPrendre une portion chez euxVoilà plus d’trente mill’ repas qu’on sertDepuis qu’ le restaurant est ouvert

VVenez en essayerParlez-en aux Amis de la Musique (les) C’est le seul moyenDe bien vous amuserQue tout ce que j’ai ditPrès d’la vérité n’est rienBref, la devis’ de ce restaurantC’est : « Bien nourrir et pour peu d’argent ! »

Imprimerie Ouvrière de Dunkerque5 rue des Sœurs Blanches, n° 261

9

Page 10: chansons d'Eugene gervais

Le bon jugechanson satirique d’actualité

air : Cadet-Roussel« Dédié à M. le Juge Desticker qui, au cours de l’exercice de ses fonctions, a commis un véritable abus en faisant perquisitionner dans les locaux de la D. S. [La Défense Sociale] et au domicile des camarades. »

IIl existe un jug’ d’instruction (bis)De très nerveuse complexion (bis)Dans ses accès, lorsqu’il s’emballeIl saccag’ la “Défense Sociale”Ah ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

IIIl s’dit un jour, c’est embêtantOn me critique constammentDans “La Défense” à tout’ les pagesMes fautes s’étalent sans ambagesAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

IIIOn trouv’ que j’estim’ les curésQue pour leurs mœurs je fus discretOn me prend donc pour une racailleMettons qu’je suis un peu canailleAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

IVEn vill’ cela fait du tintoinÀ c’sal’canard, casson les reinsje ne veux pas que l’scandal’dureJ’vais employer ma procédureAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

VAucun moyen, vraiment je n’voisPour ce beau coup du Pèr’ FrançoisTiens ! tiens ! “Misère et Pourriture”Est un articl’ plein d’envergureAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

VIPour cet articl’violentJ’vais fout’d’abord les marchands

d’dansM. Desticker quest-ce qu’on va dire

Y a des marchands qui n’savent pas lireAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

VIIIl paraît que les socialosSont des gas terribl’s et costaudsJ’aurai la frouss’ faudra qu’j’m’armeDu nouveau casque des gendarmesAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

VIIILe jour de la perquisitionGerno jouait de l’accordéonL’dix-septième’ l’InternationaleFurent du copain les notes finalesAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

IXLes policiers firent ; MessieursSoyez aimables et gracieuxDites les noms d’ceux qui écriventPour notre enquêt’ faut qu’on l’inscriveAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

XConfiez au jug’ d’instructionQue nous avons un choix de nomsUn nom français faut pas qu’il l’perdeQui n’se froisse pas, on lui dit : MerdeAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

XILe journal ne pourra croulerLes compagnons sauront veillerLes gas ! Hardi ! Viv’ la DéfenseQui des bourgeois règle la danseAh ! ah ! ah ! mais vraiment ) bisL’jug’ Desticker est bon enfant ) bis

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

10

Page 11: chansons d'Eugene gervais

La catastrophe du Pluviôsecomplainte

air : ell' n'était pas jolie

ILa mer est belle et le sous-marin plongeSous les flots bleus le voilà disparuL'humanité réalise un beau songeFouille les mers ce domaine inconnuLe soleil brille et la rade est en fête :Partez, partez ô vaillants matelotsSur les jetées à Calais on s'apprêteA vous revoir, marins jeunes et beaux

RefrainDans le mer perfide et jolie, jolieTel un frêle jouetLe Pluviôse a plongéTrès légerEt dans ses flancs d'acier bourdonn'

chante la vieOh ! que la mer est perfide et jolie

IITel un dormeur qui s'éveille d'un rêveLe sous marin remonte lentementOn est joyeux car la plongée fut brèveEt l'commandant, paraît-il est contentSoudain un choc, un craquement

horrible …Le sous-marin s'enfonce dans les

flots…Il coule à pic … La mort est terrible …Ses doigts osseux étranglent sous les

eaux.

refrainDans la mer perfide et jolie, jolieTel un frêle jouetLe Pluviôse a couléA sombréEt dans ses flancs d'aciers … des râles d'agonie …On meurt … Mon Dieu ! que la mer est jolie …

IIILa France en deuil rend un suprême

hommageA ses marins morts, tombés en hérosEt l'Univers célèbre leur courageCouvrons de fleurs, de lauriers leurs

tombeauxSi le pays en un jour de détresseAvait besoin des gas au cœur vaillantTous sur le pont nos cols bleus sans

faiblesseSauraient mourir, sans broncher,

fièrement

refrainDans la mer perfide et jolie, jolieLe Pluviôse a bougéIl est là près du quaiÉchouéPrès du cercueil d'acier on pleur'

sanglote et prieSalut aux morts tombés pour la patrie !

Dunkerque, 5 juin 1910Eugène GERVAIS chansonnier dunkerquois

Nord Maritime du 9 juin 1910

11

Page 12: chansons d'Eugene gervais

Le condamné à mortchanson réaliste et humanitaire

crée par l’auteur à Lille, Valenciennes et Nancy

air : Fleur de misère

ILe condamné, blême, s’avanceDans la brum’ douteus’ du matinPrès d’l’échafaud on crie : vengeance !La foule a soif de sang humain,La loi, dit-on, punit un crime,Supprime un immonde vaurien.Son geste utile et légitimeProtèg’ la vie du citoyen.Vous qui le condamnezMagistrats, écoutez.

refrainC’n’était qu’un rôdeur de barrière,Il n’avait aucune instruction.Pouvait-t-il suivr’ l’écol’ primaireQuand l’pain manquait à la maison ?En peu de temps, la chose est claire,La rue en fit un vagabondPourquoi vous reculer d’un bond ?Je dis qu’cet homme est votre frère…

IIVous ajoutez : la guillotineEst un efficac’ châtimentQuand vers le meurtre l’homm’

s’achemineSon spectr’ le poursuit menaçant.Votre thèse est inacceptable :Croyez bien qu’la peur du bourreauN’peut empêcher un misérableDe commettre un forfait nouveau.Souteneurs, assassinsSont des déchets humains.

refrainAlcool, Ignorance et MisèreEmpliss’nt hôpitaux et prisons.Attaquez la cause premièreD’la plaie, extirpez les poisons.Soyez, en morale, sincèresEt non contraire à la raisonAvant d’nous faire la leçonPour vous-mêmes soyez sévères

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

12

Page 13: chansons d'Eugene gervais

C'ventje y sait rien fairechanson humoristique dunkerquoise

IMes amis, écoutez moi bienCe conseil vaut un parcheminDans la vie, ayez d'la manièreSoyez roublard, tâchez de plaireAu travail, à l'amourEt la nuit comme le jourSachez fair' les cents coupsOu bien, alors, gar' là d'ssousAh ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

refrainVous entendrez dir' l'air moqueur :Mon dieu ! quell' misèreC' ventje y sait rien faireJ'voudrais pas lui donner ma sœurY s'rait cocu, je crois tous les quarts d'heur'

IIUn d'nos élus voulut parlerA la tribune interpellerSur le repos hebdomadaireMais sa langue fourcha … misèreOn hurla : Démission !Ferme ta boite ! un bouchonTout' la Chambre gueulaCes messieurs ont d'l'estomacAh ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

refrainDans la politique, tas d'blagueursPas besoin d'grammaireFaut savoir y fairePromettre la "Lune" aux électeursDistribuer des rubans meilleurs

IIIUn brave époux, tout bedonnantSe crût un soir, très conquérantCrac ! au beau milieu de l'affaireMadam' rêva : la chose claireEll' murmura : chaleur !Eugèn'tieu, viens sur mon cœurSi j't'avais dans mes brasOn n's'embêt'rait sur'ment pasAh ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

refrainL'mari songeait la rage au cœurMa femm' sait y faireEll' m'en offre un' paireJe sens au front une douleurÇa pouss' c'est comm' du "Zouteboume" en fleur

IVUn monsieur chic et décoréSe baladait rue de ThévenetVint à passer "Titine" pas fière !Ell' lui fit d'l'œil sans plus d'mystèreDans l'garni tous les deuxIl lui roula des doux yeuxMais le reste cristi !Ça n'venait pas sapristi !Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

refrain"Titine" lui dit d'air moqueurMon Dieu ! quell' misère !Mais tu sais rien faire !T'es décoré, c'est beau … l'honneur !Mais tu n'vaux pas mon petit amant d'cœur !

VSi vous brûlez de feux ardentsN'usez pas trop des bonimentsCar les femmes sont capricieusesSurtout quand ell's sont amoureusesPrenez un front soucieuxUn petit air mystérieux !La dam' soupir' … ah ! ah !C'est l'heur' du berger … oui-da !Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

refrainApprochez-vous plein de douceurLa lèvre en prièreFaut savoir y faireDit's lui que l'Amour c'est l'bonheurPour lui prouver … soyez à la hauteur !

VIJe vous le dit, en véritéIci bas tout n'est que "chiqué"Pauvre déchard ou millionnaireCela je vous le réitère :Cailleyope, avocat,Vulback ou marchand de drapsMon secret, le voici :Prenez-en votre partiAh ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

refrainLa vie n'réussit qu'aux farceursFaut savoir y faire !Voilà le mystèreVous s'rez alors comblés d'honneursEt les p'tits femm's vous donn'ront leurs faveurs

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1388citée dans le Nord Maritime le 8 décembre 1906

13

Page 14: chansons d'Eugene gervais

Ce que chantent les flots …ou la création du Val des Roses

poésie populaire écrite à l'occasion du cinquantenaire de la création de Rosendael et de l'inauguration du monument commémoratif.

Pour te chanter Rosendael —la jolie—J'ai pris la rose au plus prochain buissonEt cette fleur toute fraîche cueillieM'a fait songer au charme de ton nomPour te chanter … Devant la grève immenseJ'ai contemplé les flots bleus et berceursEt, tout émus, j'ai compris la romanceQue modulait l'amante des rêveursLes flots chantait : — La dune était sauvage, Les jours mauvais où soufflait l'aquilon,Flots écumants, nous battions ce rivage,Et l'écho seul scandait notre chanson.Cette étendue était notre domaine …Nous en étions les maîtres et les rois.Dans ce désert quelques huttes à peine,Osaient montrer le chaume de leurs toitsQuand un beau jour, d'une plaine féconde,Vinrent les fils des robustes flamandsVa ton regard peut fouiller à la ronde.De ce domaine ils sont les conquérants…………………………………………………Comme aux bons temps des sorciers diaboliquesDes doux géants, des récits fabuleuxCes bons flamands aux traits durs énergiquesOnt édifié ce pays merveilleux !Vois à tes pieds une ville jolie.Étend au loin ses rues et ses faubourgs.Le val des fleurs est plein de poésieOn est heureux d'y couler de longs joursGrandiose et beau près de la neuve égliseUn monument s'élève fièrement ;Sa grâce altière et noble poétise,La création de cet Eden charmant,…………………………………………………Et nos baisers parfument cette plage,Où sans répit monte notre chanson.Chanson qui gronde au souffle de l'orage,Semant le deuil et son glacial frissonCette étendue était notre domaine …Nous en étions les maîtres et les rois :Dans ce désert quelques huttes à peineOsaient montrer la chaume de leurs toits.

Rosendael le 1er juin 1911Eugène Gervais chansonnier dunkerquois

Nord Maritime du 4 juin 1911

14

Page 15: chansons d'Eugene gervais

La chanson de Lucienneromance réaliste

Air : Garde ton cœur MadeleineCette chanson est chantée à Lille, Roubaix, Tourcoing, Amiens, Arras, Valenciennes par divers chanteurs populaires.

IAux jeun's suiveurs sur son cheminLucienn' la jolie d'mi mondaineLeur lançait sur un air badin :"D'fair' du chiqué c'n'est pas la peineTu parles ! j'ai connu l'amourL'amour qu'on vant' dans les romancesJe n'voudrais plus qu'ça recommenceJ'ai trop souffert ! chacun son tourDans ma débin' dans ma détresseJe chante et je redis sans cesse

refrainL'amour est menteurNous broie le cœurOui ça coûte à la femme tant de

larmes !On se croit aiméeOn est trompéeDans son rêve on se voit bafouéePuis la rage au cœurFoll' de douleurOn trafique de son corps de ses

charmesL'amour est menteurNous broie le cœurOui, ça coûte à la femm' tant de larmes

IIC'était un élèv' pharmacienYeux de velours, fines moustachesDans le plumard, un vrai gaminAvec lui pas d'danger qu'on se fâcheUn soir qu'il me berçait d'amourComm' un'poir' j'm'suis laissé prendreSa voix câline était si tendreIl m'a plaqué … Je l'aim' toujours …Et quand le chagrin me dévoreJe chante en y pensant encore :

IIIMon p'tit si tu veux te payerLa blonde et charmante Lucienne"A l'œil" tu n'dois pas essayerTu t'bombrais, la chose est certaineMais si tu n'as pas d'pognonAccroch' ton oignon chez "ma tante"Il vaut tout d'même trois francs

cinquanteDans ces prix doux nous nous

aim'ronsTu m'pardonn'ras si je t'embêteSi, divaguant, je te répète :

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1444citée dans le Nord Maritime du 20 septembre 1907

15

Page 16: chansons d'Eugene gervais

La chanson des archers du Nordcantate

musique de Jules Knorr, directeur de la symphonie les “Dilettanti” de Gravelines

IEsprit frondeur, cœur ardent, âme fière,De notre siècle aimable paladinLangage franc et allure guerrièreSa gaieté vibre et pétille en cheminAux temps fameux des luttes

homériquesCarquois au flanc, il narguait le trépasMais, aujourd’hui, ses tournois

pacifiquesSont célébrés par de joyeux vivats

refrainGloire aux archets, Honneur à leur

vaillanceDans les grands tirs, saluons leur

drapeauxIl flotte et claque au souffle d’espéranceLa brise chante un triomphe nouveau

IIGuillaume Tell, son plus glorieux

ancêtreD’un joug odieux, sans peur, se

libérantFier, ne voulant s’humilier pour un

reîtreChâtia l’intrus et sauva son enfantL’œil menaçant, Hercule des légendes,Si l’ennemi tentait de se fâcherA l’horizon de nos plaines flamandesDes monts d’Artois se camperait

l’archer

IIIFrais équipé, les beaux jours de

Kermesse,Tout près du stand, on devise joyeuxL’oiseau d’honneur sur la perche se

dresseQui l’abattra sera le plus heureuxDe Gambrinus mousse la blonde bièreSous la tonnelle éclate un gai refrainLe rire monte en la pleine lumière,Le chaud soleil verse au cœur de

l’entrain

IVDans le plaisir, la joie ou la détresseIl est bien doux de se tenir la mainUnion des cœurs, devise enchanteresseFraternité, mot sublime et divinVoulant prouver à la nation entièreTous les bienfaits que procure l’unionLes francs archers sous la même

bannièreSe sont groupés formant fédération

VHonneur à ceux qui rallièrent les

groupesDu Comité, Salut au PrésidentAu champ de tir se dirigent les troupesLes fédérés sont tout un régimentFlandre et Artois nos deux riches

provincesSont sur le stand les jours de

championnatEt comme au temps des joutes et des

princesL’air retentit d’un immense vivat

Nord Maritime 20 septembre 1910« Nos archers — Hier dimanche, avait lieu à Gravelines le grand concours de championnat de tir à l’arc, organisé par la Fédération des Archers du Nord de la France. La fête fut des plus réussies.A l’occasion de cette solennité sportive et pour l’initiative du comité, notre sympa-thique concitoyen, le barde populaire Eugène Gervais, avait composé un chant de circonstance que nous reproduisons avec plaisir. »

16

Page 17: chansons d'Eugene gervais

La chanson des P.T.T.chanson marche

air : La musique qui passe

I—C'est un' lettr'— Monsieur l'facteur je vous la donnePour mon fieu qui se trouve à

CasablancaIl paraît qu'dans c'pays d'chiens le

canon tonne…Il écrit qu'il sera caporal déjà ! …Tenez facteur, trent' franc, de bel

argent,D'un mandat c'est l'montant,Mon fieu sera content !Entrez donc,Sans façons.A sa santé nous trinqu'rons…… Sur la grand' route, il allonge le pas :Un bonjour au facteur qui passe,Bravant le gel, la neige ou le verglas.—Il faut que son "service" se fasse—Serments d'amour, deuils, joyeux

évènements :Tout cela gît dans sa besace …Gai chemineau qui chemine en

chantant !C'est le bon juif errantQui jamais ne se lasse …

IIRegardez … Le Télégraphe étend ses

lignes ;Les oiseaux y font leurs concerts au

printemps.Leurs points noirs —de leur musique— sont les signes :Écoutez … leurs trilles et refrains

charmants.Et à la "Poste" —au guichet— l'on

entend :—Un' dépêch' —c'est pressant !Cinq ou six mots seul'ment .

Et souvent En tremblant.On écrit un vrai roman.… De vieux poteaux pareils à de grands matsVibrent dans leurs rudes carcassesLes bonn's gens dis'nt qu'la dépêche

s'en va …Et qu'—sur leurs fils- ell' fend l'espace —Amour, douleur, intérêt, dévouementN'sont plus, dès lors, qu'éclairs fugaces Une dépêche : cinq ou six mots

seul'ment …N'est-ce pas brièv'mentToute la vie qui passe …?

IIILa parole a des ailes … Le TéléphoneN'est ce pas la plus merveilleuse

invention ?Enfermé dans la cabine … Un timbre

sonne.Attention … Voici la communicationSans vous presserVous pouvez vous causer,Discuter, converserDicter votre penséeMais l'chiendentÉnervantC'est l'arrêt dans le courant …Allô ! Allô ! On ne vous répond pas .Un rire argentin fuse et passe .Et votre appel retentit comme un glasQui vous oppresse et vous tracasse.Allô ! Allô ! l'timbre sonn' bruyamment .Oh ! fi l'abonné qui s'agace !Au Téléphon' la patience sûrementEst un don très charmant :Plus qu'un don … Une grâce !

Dunkerque, le 27 février 1912Eugène Gervais chansonnier dunkerquois

Nord Maritime du 7 mars 1912

17

Page 18: chansons d'Eugene gervais

La chanson du Prolétaire

ITravaille, travaille sans cessePour gagner le morceau de painQui te soutient dans ta détresseC’est là le sort du meurt-de-faim

IISoit au chantier, soit à l’usineProduis toujours, produis encorQue tes bras servent de machine,Machine à fabriquer de l’or.

IIITu bouges, tu trouves qu’on tricheTu fais parfois trop de potinPrends garde, ton patron est riche,Les Lebels défendrons son bien.

IVTu pleures ta plus belle filleDe chute en chute est au ruisseauSon séducteur, fils de famille,Recherche ailleurs plaisir nouveau

VTu es en deuil ta femme est morteLes quatre planches de sapinFeront l’affaire et puis, qu’importeSois au travail demain matin

VIPourquoi trembles-tu de la sorte ?Hélas ! c’est vrai, te voilà vieux.L’hôpital t’ouvrira sa porteEt là se fermeront tes yeux

Dunkerque le 24 décembre 1907

18

Page 19: chansons d'Eugene gervais

Le charnierpoème

Rongez les corps, rongez les têtesRongez les cœurs et les cerveauxRongez les rêves des poètesCes rêves si purs et si beaux.Tressaillement divin de l'âmeQui voudrait prendre son essorFeu dévorant, céleste flammePlus resplendissante que l'orQui monte et s'élève sublimeEt tournoyante vers les cieuxAigle qui habite la cimeDes montagnes au front neigeuxEt dont le regard, face à facePeut contempler l'astre du jourAllons, ver convive voraceRonge le cœur ronge l'amourL'amour qui pleure et qui soupireNé d'une larme et d'un baiser !L'amour harmonieuse lyreQue la nature fait vibrerL'amour qui croyait à la vieQui croyait à l'éternité

Nord Maritime du 21 janvier 1903

19

Page 20: chansons d'Eugene gervais

Chère bonne amiechanson populaire dunkerquoise

IAh ! que c'est bon d'avoir vingt ansEt d'sourire au printemps !On se sent le cœur en émoiOn veut vivre ma foi ;On se ballade deux à deuxPar les sentiers ombreuxOn "fréquente" on s'adore enfinC'est le bonheur divinNaïvementOn murmur' tendrement

refrainJe t'ador' mon "cotje"Et t'aimerai toute la vieChère "bonne amie" (bis)Encore un p'tit "zottje"A la ducasse on se marieChère "bonne amie"

IISouvent le soleil printanierLa tête fait tourner ;Fillett' se donne à l'amoureuxEn des baisers de feuxEll' croit la p'tite au ParadisÀ ses rêves infinisEt le galant en ce beau jourComprend d'Eve l'amourEn l'enlaçantIl roucoul' tendrement :

refrainJe t'ador' mon "cotje"Et t'aimerai toute la vieChère "bonne amie" (bis)Encore un p'tit "zottje"À la ducasse on se marieChère "bonne amie"

IIIVive la jeune mariée ! crénom !Voyez notre tendronAu bras de son bel amoureux :Y a tout d'même des heureuxN'est ce pas l'triomphe de l'amourQu'on fête en ce beau jourL'image vivant' du printempsQui passe en souriant ?Le jeune épouxDira cett' nuit très doux :

refrainJe t'ador' mon "cotje"Et t'aimerai toute la vieChère "bonne amie" (bis)Encore un p'tit "zottje"Vois-tu je t'aime à la folieChère "bonne amie"

IVJ'paie cent sous qu'vous devinezLe fruit de leur baisersDéjà dans un coin très discretEst un berceau coquetMonsieur sourit malicieus'mentDans sa barb' très souvent :Dame ! il est fier not' jeun' gaillardY' s'ra l' pèr' d'un moutard :La brun' descendMaman dit rougissant

refrainJ'ai bien compté LéonC'est pour le quinze date bénie !Chère "bonne amie" (bis)J' crois qu' c'est un garçonT'as travaillé pour la PatrieChère "bonne amie"

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1379, dépot légal 1906

20

Page 21: chansons d'Eugene gervais

Les combats de coqschanson des mœurs dunkerquoises

IOn vante de l'EspagnePicadors et taureauxLe poète accompagneDe ses chants les bravosDans notre bonne FlandreNous avons les coq'leuxSi vous voulez m'entendreJe chanterai leurs jeuxVoilà messieurs !

refrainArdents rivauxLes coqs sont beauxDans le carnageFous de rageImpatiemmentLa foule attendQue le gagnantChante sanglant

IIC'est une joie cruelleAffirme le penseurJe la reconnais telleEn sa malsaine ardeurMais l'homme est sanguinaireEt voyez le ProgrèsN'arrête pas la guerreEt ses atrocitésPlus bas chantez :

IIIAprès chaude batailleOn s'attable au "tapis"Et la gaieté travailleÉtincelle en lazzisOn chante la romanceJeune, on parle d'amourOn promet à ClémenceDe l'épouser un jourOn fait sa cour.

Nord Maritime du 10 avril 1903

21

Page 22: chansons d'Eugene gervais

Complainte des bandits des Flandrescomplainte réaliste

air : l'heure du bandit

IL'hiver, quand le vent siffle et grondeLes pieds blottis près des chenets,Sous le chaume, bas, à la ronde,On se conte leurs noirs méfaits.Le chien hurle dans la nuit sombre,Sa plaint' jaillit lugubrement,On se tient coi, tapi dans l'ombre,En écoutant craintivement.

refrainGens d'la campagnePlus de soucisL'bourreau, le bagneSe chargent des bandits ;Quand le chien hurle lugubrementDormez en paix … Songez au

châtiment !

IIWepierre, un bon père de famille,Brave homme par le devoir liéTomba raide, sous la charmille,Par un d'ces lâches, fusillé.Gendarm', plaignons ton existenceTu nous protèges du bandit,Objet de sa froide vengeanceOn te ramasse, un soir, meurtri.

IIIAh ! maudits soient ces misérablesCes deux ch'napans par trop fameuxQue l'on dress' pour des crim's

semblablesLa guillotine au jour brumeuxMonsieur d'Paris fais ton office,Que deux cadavr's roulent sanglants,Et ce ne sera que justice;De la pitié pour les brav's gens.

Eugène GervaisRosendael le 20 novembre 1910

Nord Maritime du 25 novembre 1910

22

Page 23: chansons d'Eugene gervais

La complainte des égouts de Rosendaelboutade humoristique d’actualité

air : la Paimpolaise

IDans une charmante communeDe près de douz’mille habitantsQuand on s’ballad’ l’soir à la bruneOn craint beaucoup les accidentsCar sur le cheminSe creuse soudainDes grands trous et des fondrièresOù le corps pourrait y passer ;L’pénitent peut fair’ ses prièresIl risque fort d’y trépasser

IILe lundi soir, après la fêteQuand déambul’ront nos ouvriersLe cœur ému, l’âme en goguetteSe moquant bien ateliersTrès sournoisement

L’obstacl’ les attendPrenez garde à la grande culbuteDans la vase et l’eau qui croupitA la malencontreus’ chuteOù boueux, l’on jure et maudit

IIINous savons bien qu’c’est très utileDe construire un réseau d’égoutsPlaire à chacun n’est pas facileMes braves gens qu’en pensez-vous ?Cela n’se faits pasEn huit jours hélasMais l’beau maire de cette communeS’ra béni d’ses administrésQuand on pourra l’soir, à la bruneS’ballader sans se casser l’nez…

Jhéan [sic] la Guigne [alias Eugène Gervais]

Parue dans “La Défense Sociale” journal socialiste de Dunkerque le 25 décembre 1910

23

Page 24: chansons d'Eugene gervais

Le crime et la fin de Favierl'assassin du garçon de recette Thain, de Lille

complainte réaliste

air : la muse aux yeux verts

IFils d'une bonne famill' séduit par l'or infâme,Dans une heure insensée il devint assassinIl avait cependant l'affection d'une femmeParents, éducation pour suivr' le droit chemin.Comment a-t-il pu donc — Évocation atroce—Assommer lâchement, d'une banque un commisÀ coups de marteau frapper implacable et féroce,Tuer, dévaliser, sourd aux plaint's et aux cris.

refrainOn ne peut que flétrir ce criminel farouche.Pour lutter dans la vie, on l'dota d'instruction,C'n'était pas l'fils d'un gueux, issu d'un' grande souche,Quand l'crime arma son bras, vit-il l'expiation ?

IIThain modeste employé dans un' banque de Lille,Partait dès le p'tit jour pour gagner l'morceau d'painQu'il fallait pour élever dignement sa familleJamais au cabaret il ne laisserait son gain.Sa femme l'adorait comme on chérit un pèreQui n's'attard' jamais en r'tournant au foyerQui dans un long baiser rapporte son salaireQu'la douceur du logis suffit à égayer.

refrainUn' femm' pleur' maintenant son époux qu'elle adoreEt le coupable, hélas, est l'or métal mauditInventé par Satan, souvent il déshonore,Sa musique ensorcell', fait de l'homme un bandit !

IIIDeibler arriv' dès l'aube au Palais de JusticeIl signe l'lever d'écrou, on livr' le condamné ;Alors stoïquement Favier marche au supplice,Il voit blême d'horreur où son crime l'a mené,Sachant qu'tout est perdu, le cou dans la luette,Il s'offre, épaule nues, à l'acier du couteau.Un bruit sourd et confus … c'est la chut' d'un' têteLes hommes sont vengés par la main du bourreau

refrainAh ! que ce châtiment, hideus'ment sévère,Serve d'exemple à ceux qui voudraient l'imiter.Songez à la douleur que ressent une mère.En apprenant qu'son fils est mort sous l'couperet.

24

Page 25: chansons d'Eugene gervais

Eugène Gervaischansonnier dunkerquoisNord Maritime du 15 janvier 1911

25

Page 26: chansons d'Eugene gervais

Le démon de l’alcoolou le vain serment

chanson réaliste et dramatique

air : Ma jolie

ID'puis cinq ans, t'as raison, ma femmeJe me suis grisé chaque jourJe sais qu'ma conduite est infâme ;Je suis indign' de ton amour.Tu dois rougir de ma faiblesse,On dit qu't'es la femm' d'un pochard ;Et quand tu subis ma caresseDouloureux est ton cauchemar.

refrainÉcoute femmeOui, sur mon âmeLe cabaret je passerai,Puisque t'es bonne,Voyons pardonneAlors ton nom je béniraiJ'pars à l'ouvragePlein de courageEt de bonne heur' je reviendrai ;Pardonne encore,Vois je t'imploreFemm', je t'adore …

IITu n'es pas toujours à la noceCar l'alcool rend le cœur mauvaisJe cogn' comme une brute ; ah c'est

atroce !Quand j'suis saoul, je n'sais pas c'que

j'fais …

Frapper un' femme … Oh ! que c'est lâche :

Je suis honteux rien qu' d'y penser …Cela me révolte et me fâche.Je jur' de ne plus me griser !

IIIJ'n'suis pas saoul, c'est ma main qui

tremble :Femm' je t'aim', mon serment j'ai t'nuEmbrass' moi bien fort … il me sembleVoir danser un monde inconnuSous mon crâne, c'est la tempête …Holà ! v'là qu'je perds la raison …Prends ma quinzain' … Vive la fête !Verse nous un verre de poison …

dernier refrainL'alcool me damneTout me condamneFemme, tu peux me pardonnerJ'vois qu'tu sanglotesJ'comprends mes fautesMais ma raison vient de sombrer …En moi tout craqueEt se détraqueMa poitrine est un vrai brasier…Verse ma mieDe l'eau de vieJe t'en supplie ! …

Dunkerque le 25 mars 1912Eugène Gervais chansonnier populaire dunkerquois

Nord Maritime du 1er avril 1912Autre version : l’Alcoolique

26

Page 27: chansons d'Eugene gervais

Désillusionspoème

J’ai voulu connaître l’amourCroire, aimer, ne fut-ce qu’un jourDéçu, je n’ai trouvé qu’insipides tendressesAlors j’ai cherché la douleurQui broie et torture le cœur

Et mon cœur est meurtri sous ses rudes caresses

Depuis, je n’espère plusLes beaux rêves sont superflusDouleur, amour sont livres lusQue je délaisse …

Tout dans la vie est incertainCruel est le problème humain …De quoi sera-t-il fait demain ? …Ce doute opresse.

27

Page 28: chansons d'Eugene gervais

Les deux copainsou Julet'je c'est un frère

chanson populaire en langage dunkerquois

air connu

IJe connais deux camaradesQui ne peuvent se quitter,Même au bout des estacadesVous pouvez les accoster.Tapant d'bon cœur sur la pinteIls s'dérouill'tent le gosierEt, aussitôt sans contrainteIls commenc'nt à gazouiller :

refrainJulet’je, c'est un frère !C'est l'copain du gros Joseph,Des comm' ça sur la terreOn en rencontr' pas bésef !

II« C'est lundi ! — dit c'monstre d' Jules« Pour le boulot, y a rien d'fait« J' m' bats l'œil de tous scrupules« Pour m'en mettr' plein l'buffet.« Viens donc Jeph, prenons un verre« T'as pas l'rond ? Je vais l'payer ;« SI je deviens millionnaire« On pourra s'en envoyer ! »

IIIDu pudding Jul'tje raffoleC'est un mets très excitantTout comme le sucrebolleCe dessert est épatantLe gros Jeph aim' la cannelleDont le parfum est exquisTel le cœur de son EstelleUn cotje qu'il a conquis.

IVLorsque Jul'tje turbineC'est fini de vadrouiller.On s'amuse à la cantineMais la s'main' faut s'dégrouiller.Jul'tje a du courageLe gros Jeph ne sait bouderDès qu'il se trouve à l'ouvrage.Bref, nous pouvons répéter :

VQuand Jul'tje cass'ra sa pipeLe gros Jeph marqu'ra l' pasFlanquant là la sale nippeQu'est notr' carcasse ici-basDans un coin du cimetièreDeux croix d'bois, l'sol comm' caveauProuv'ront qu'Jul'tje était un frèreEt l'gros Jeph un vrai poteau.

Citée dans le Nord Maritime du 16 avril 1906

Journal non identifié : « […] Postecristum [sic].- Mon camarade Nèche i me demande, que j’demande à Gervais la chanson de Jult’je poû chanter à la noce de sa sœû qui ferquente contre un garçon boucher. Alô j’la met dans l’journal pour que tous ceux qui z’ont une sœû qu’elles se marient ils peuvent la chanter, même si c’est pas avec un garçon boucher. »

28

Page 29: chansons d'Eugene gervais

Donne un zo … à mon oncle Cochanson du terroir

IDépêchons-nous, je vais partir ;Elle n’attend pas la goëlette.J’ai bien l’espoir de revenir ;Ça me connait le roulis, la tempête…

refrainDonne un zo à mon oncle CoPêcheur d’IslandeDe son wam, t’auras un morceauPart la plus grandeLa “Marthe” s’dandine sur l’eauComme à la Bande …Admire ce joli bateauJe le commande.

IIPendant des mois les matelotsVogueront sur les mers glacialesPour nourrir femmes et marmotsLeurs fronts têtus braveront les rafles

III

À la marée, au LeughenaerUn vieux docker consulte l’heure.Sacrée pendule elle a du r’tard,Mais une voile apparait. Est-ce un

leurre ?

ParléNon, car nous entendons emporté par la brise du Nord ce refrain :

IVLa brum’ descend sur les vieux toitsÀ la P’tit’ Chapelle un’ cloch’ sonne …Un chapelet entre les doigtsUne bazenn’ prie la Sainte Madone

VLa “Marthe” accost’ dans le vieux port,Le quartier du Minck est en fête …L’brave Oncle Co descend du bord,Sa cargaison de morues est complète

Tract publicitaire mars 1938

29

Page 30: chansons d'Eugene gervais

La ducasse de Dunkerqueair : la Mattchiche

ILève-toi ma poulette,Ma mignonnette ;L' soleil fait des risettesDans tes frisettes.Viens vit' que je t'embrasseC'est la ducasse !J'suis bien décidéJ'ai l'cœur en gaietéTu verras mon bébé !Sur les kermesstoursJe te paierai cinq ou six tours

refrainFaut qu' çà plie ou qu' çà casseC'est la ducasse !Mets ta rob' des dimanchesÀ dentell's blanches.Je paie le kouckebotroom-eJ'suis ton p'tit homme.Viens vit' que je t'embrasseViv' la ducasse !Chantons gaiement !Poussons nous d' l'agrémentLes dunkerquoisSont joyeux et grivois.

IIEt ce soir, à la HalleDanse infernale !La poissarde gentillePinc'ra l' quadrilleOn ne sera pas chicheDe la MattchicheL'orchestre va ronflerNous allons suer,Tu pourras t'trémousserEn marquant le pasSur mon épaule tu roucoul'ras

refrain« Avec toi, y a pas d'gèneMon p'tit EugèneDepuis la Mi-CarêmeOui, toi seul, j'aimeLeul' pas donn' vit' un zotjeMon petit cotjeY faut qu'mon béguin passeViv' la ducasse !Là, gentiment,Ne brusque pas l'mouv'mentTout en douceurTu prends l'chemin d'mon cœur.

IIIOn enlève la bell'Comme une gazelle,Elle soupir' pâméeToute charméePeut-être sa dentelleSe chiffonn'-t-elle.Mais on a vingt ansEt c'est le printemps,Qu'import' les accidents,Puis, y a pas d'pétardYa d'jà pas trop d'enfants d' Jean Bart !

refrainFaut qu'çà plie ou qu' çà casseC'est la ducasse !Mets ta rob' des dimanchesA dentell's blanches.Je paie le kouckebotroom-eJ'suis ton p'tit homme.Viens vit' que je t'embrasseViv' la ducasse !J'pens' vois-tu,T'en pinc's pou' le chahutCe soir Bono :J' t'emmène au calypso !

IVOn est jeun' ma bichette,T'es gentilletteProfitons d'la jeunesseEt d'son ivresse,Plus tard quand les annéesViendrons chargées,De rid's et d'frimas,Tu trembloteras,Radotant tu diras :« Écoutez, mes enfantsCe que va dir' votr' grand-maman

refrain« Mon Dieu que le temps passeC'est la ducasseJ'mettais ma robe blancheEt gaieté francheJe dansais à la HalleValse infernaleMon Dieu que le temps passe !

30

Page 31: chansons d'Eugene gervais

Viv' la ducasse !Mes chers enfantsSouriez au printempsAmusez-vousC'est votre fête à tous.

VTu vois donc, mon aiméeMon adoréeQue dans la vie tout passeMême la ducasseTandis qu'nos vingt ans chantentEt nous enchantentMa mi, aimons-nousLoin des yeux jaloux

De baisers grisons-nous,Comm' dans les chansonsUn d'ces jours nous nous marierons

refrainFaut qu'çà plie ou qu' çà casseC'est la ducasse !Mets ta rob' des dimanchesA dentell's blanches.Je paie le kouckebotroomeJ'suis ton p'tit homme.Viens vit' que je t'embrasseViv' la ducasse !Au parc, chouette !Superbe fantagoSous les giornosSe dans'ront des tangos.

31

Page 32: chansons d'Eugene gervais

Dunkerque, ah ! mes amisou le Pays de Cocagne

refrain local

IOui, dans notre citéEn hiver, en étéTapant sur la canetteOn est toujours en fêteComme les PortugaisNous sommes des gens gaisJoyeux le verre en mainNous chantons ce refrain

refrainDunkerque, ah mes amis ! ! !Est un vrai paradisÀ seize ans les tendronsSent'nt pointer leurs nichonsC'est un pays charmant,Un séjour séduisant ;On y vivrait cent ansComme a vécu Roger Bontemps

IIChez nous, c'est épatant,Tout le monde est content ;Gendre et belle-mèresFilles ; voire beau-père.On donne sans façonUn bon "snack" au flaconEt lorsqu'on est bien pleinOn dort jusqu'au lend'main

IIILe dimanch', les garçonsAu son d'accordéonsPeuvent danser quadrillesAu bras des jolies fillesMattchiches et polka.Schottichs et mazurkasY a même un chansonnierPour les faire valser

IVEt puis question d'amourNe craignez pas un fourLes filles de jeune âgeOnt le cœur très volageLa jeunesse à marierSe laisse bécoterEt sans trop de "chichi"Trouve un bon p'tit mari

VAise, je suis, amisD'être en ce paradisOui, j'ai fait la conquêteD'une gente brunetteElle a de jolis yeuxUn p'tit air langoureuxSur un ton polissonJ'lui roulcoul' ma chanson !

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1406Citée dans le Nord Maritime du 29 février 1907

32

Page 33: chansons d'Eugene gervais

Dunkerque-vivantfantaisie locale

sur l’air de : Poupoule

IDunkerque est un pays galant,Un séjour séduisant ;Le minois gentil à croquerDes belles sait charmer,En les voyant,En les frôlantLe cœur épanoui,Tout ébloui,Fou de passion,Chante plein d’émotion,Doucement, tendrement,Désirant le dénouement.

refrainViens mon “cotje” (bis) viensPourquoi me refuser ?C’est si bon de s’aimer !Ah !Viens, “cotje” (bis) viensMa chambrette est pour toi,Mon cœur est en émoi

IIMe baladant par un beau soirEt longeant le trottoirJe filais deux mignons trottinsDans la rue des BassinsUn freluquetJeune et coquetTenta de s’approcherDe s’exprimerEt d’épancherCe qui le consumaitLe gommeux, très piteuxEntendit ces mots fâcheux

refrainViens “Maritje” viens, (bis) viensLaisse donc ce gandinDanser comme un pantinAh !Viens, “Maritje” (bis) viensMon cher petit marinEst mieux que ce faquin

IIISquare Turenne, au soir tombant,Un couple sur un bancConjuguait le verbe adorer

Et fêtait le baiser ;Un promeneurUn peu farceurPassant de côtéTrès excité,En rigolantLança ce boniment ;Vas-y donc, mon poulotBat le fer quand il est chaud !

refrainVa, sans crainte (bis) vaLa France en a besoinTu l’sais bien gros malinAh !Va, sans crainte (bis) vaNe fais pas le bêtaSuis mon conseil, oui da !

IVDimanche, enfin, tant demandéInvite à la gaieté,La bonne bière couleraEt puis on chanteraA l’unisson, quelque refrainSur un ton plein d’entrain ;Sa bonne amie on presseraTout bas on lui diraFrissonnant, palpitantEt tout en la bécotant ;

refrainViens, mon “cotje” (bis) viensAu bras de ton loulouRigoler mon gros chouAh !Viens, mon “cotje” (bis) viensViens mon petit lapinChahuter au crin-crin

VA Bergues, Saint-Pol, Rosendael,De Bourbourg au Guindal,Voir à MaloLe RigoloEst maître sans rivalCe paradisMes bons amisInspire mes chansonsAllons, en chœur, joyeux garçons

33

Page 34: chansons d'Eugene gervais

Lille le 15 avril 1903Citée dans le Nord Maritime du 10 février 1905In Recueil des œuvres des Chansonniers du Peudre d’Or

34

Page 35: chansons d'Eugene gervais

L’éternel pêchéromance sentimentale

air : Fais dodo, mon pauv’gosse

IVingt ans c’est l’âge où l’on donne son âmeComme un gamin pour un regard de

femmeL’âge où l’on rêve impossible amoursQui vont durer, croit-on, longtemps,

toujoursLa vie est bête, un geste, une sottiseBrise le cœur et le cœur agoniseSous les regard troublants de jolis yeuxYeux de velours frangés de cils soyeuxOn se voit, son soupireOn échange un sourireEt deux yeux, deux beaux yeuxVous troublent de leurs feuxDans une main mignonneUne rose se donne,Les mots : monsieur merciFeront votre souci

IIIngénument, on épanche sa flammeQuoi ? se trahir ! oh ! ce serait infâme !Dans ses pensées chante un nom

délicieux :Un nom de rêve est toujours

harmonieuxOn jure aimer, ne vivre que pour elle ;A son amante on restera fidèleUn triste soir - soir d’éternel chagrin

Un mot d’humeur fait changer le destinOn se boude, on s’éviteOn sanglote, on s’irriteLes ans suivent les ansSe fanent les printempsOn est fier à cet âgeD’exalter son courageSeul, on pleure toujoursSes premières amours

IIIUn soir d’hiver, on revoit sa compagneRiche et mariée, un enfant

l’accompagneOn s’étonne, on sourit enfin…Puis, franchement, on se serre la main ;On l’appelle madame, avec emphaseTrès galamment on flatte d’une phraseRetour d’un cœur - on contemple ses

yeuxSes grands yeux noirs frangés de cils

soyeuxDans la rue, on se causeOn parle d’autre choseDe la pluie ou du ventD’un roman émouvantTendrement on se quitteOn murmure : PetitQuand sourit le printempsS’étreignent deux amants.

Jehan la Guigne [alias Eugène Gervais]

Dunkerque le 20 avril 1912

Réclamer la musique de “Fais dodo mon pauvr’gosse” chez tous les marchands de musique de Dunkerque et à M. Cassoret-De Geyter, chanteur populaire dunkerquois.

“Tant que dans une société sans harmonie et mal organisée où pour une question d’argent, de préjugés et de castes, on étouffera de nobles sentiments, on immolera et sacrifiera des êtres pleins de sève, d’idéal et de jeunesse. Tant que dans une société d’un égoïsme vil et étroit, d’un méprisable terre à terre, le mariage de raison hypocrite, immoral et monstrueux que l’on devrait appeler par son nom : la prostitution légitime et légale. Tant que cette prostitution rentrée dans nos mœurs empêchera l’éclosion de l’union libre ou l’accomplissement du mariage d’amour, dans bien des cas, par la force brutale des choses et des circonstances l’adultère aura son excuse et sa raison d’être.”

35

Page 36: chansons d'Eugene gervais

Jehan la Guigne

Version précédente : Retour du cœur

36

Page 37: chansons d'Eugene gervais

L’être intime

« Sous ce titre, le poète ouvrier Jehan la Guigne nous adresse la jolie page suivante que nous nous faisons un véritable plaisir de publier. »

IO mes chères illusions ! Je vous ai po-sées étourdiment sur la soie fragile et mouvante des nuages jolis. Entraînées par le zéphyr inconstant et léger, vous avez suivi éperdument le chemin éthéré de l’azur et vous vous êtes évanouies.

IIL’hiver au souffle glacé est venu. Le ciel a vu sa limpidité se voiler sous le crêpe lourd des nuées sombres suintant la tristesse et l’angoisse. La neige s’est mise à tomber recouvrant de son blanc suaire les êtres et les choses. Transi de froid, j’ai frissonné et j’ai cru reconnaître dans l’affreuse désolation de la nature morne et muette, l’image décevante et douloureuse de notre vieille et pauvre humanité.

IIIEn ces longs jours de deuil, compre-nant toute l’étendue de ma détresse morale, d’une voix harmonieuse mon âme murmurait à mon être désemparé : “De quoi souffres-tu ? De la perte de tes illusions ? Je connais la gravité de ton mal. Cependant, ne m’abandonnes pas, toi qui m’a donné

les plus beaux élans qu’une âme puisse éprouver. J’ai vécu de ta folle griserie, oui comme une maîtresse adorée, j’étais prise toute entière. Ton beau rêve m’avait subjuguée.Souffre, puisque tu m’assures que tu es arrivé à chérir ta souffrance, mais ne me souilles pas, ne rends pas ta douleur ignoble et vulgaire en la traînant comme une fille, pour l’étourdir, dans la fange des ivresses immondes.

IVSeul dans la vie, ayant perdu une femme que j’adorais, je fus triste, longtemps triste jusqu’au jour où mon âme émue de peine se pencha doucement sur le meilleur de moi-même : sur mon pauvre cœur et dolori. Alors je sentis mon être se fondre en une extase infinie. La campagne avait revêtu son manteau d’émeraude, les oiseaux gazouillaient sur les branches du bocage en fête. Mon cœur avait oublié dans la douceur intime d’une caresse de pitié, ses rancœur et ses amertumes. Grisé par l’or d’un rayon de soleil, il était prêt à souffrir pour d’autres illusions. Et mon âme victorieuse, embellie par la joie, souriant au printemps, ce charmeur éternel.

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

37

Page 38: chansons d'Eugene gervais

Les filles de joie

IVers toi s’en ira ma belle jeunesseFille de plaisir que chacun mauditSeule tu seras toute ma tendresseJe me moque un peu de ce que l’on dit

IITu livres ton corps, ta chair est

publiqueTu n’as rien à toi, pas même ta peauLe monde méchant te jette la briqueEt tu meurs flétrie, un soir, au ruisseau

IIITu ne vibres pas sous l’étreinte infâmeTa chair crie encor sous l’ardent baiserEn amour, tu n’es qu’une faible femmeLa femme, on ne doit jamais mépriser

IVFille de bourgeois, pimbêche ou timideQui baisse les yeux très pudiquementTon regard se voile et devient humideQuand tu rêves seule au cousin galant

VLe gentil cousin qui t’a dit : je t’aimeVient de caresser l’immonde catin,Elle porte au front l’injuste anathèmeDe ne pas donner son baiser pour rien

VIFille bien dotée on t’échange en sommeSur papier timbré contre un sac d’écusQuand parlent tes sens on t’achète un hommeTa pudeur, ton corps sont alors vendus

VIITu ne vibres pas sous l’étreinte infâmeTa chair sait crier sous l’ardent baiserEn amour, tu n’es qu’une faible femmeLa femme, on ne doit jamais mépriser

VIIIIl viendra bientôt le jour où sur terreOn aimera libre, harmoniquementLe jour radieux d’aube libertaireSera de l’amour, le rayonnement

Jehan La Guigne

Parue dans “La Défense Sociale” du 8 septembre 1911

38

Page 39: chansons d'Eugene gervais

Les héros du "Iéna"Chanson complainte

ISur la hune, Jean-Marie chanteUne chanson au rythme lent.Elle est naïve et bien touchanteLa chanson du petit flamandJean-Marie revoit son YvonneQui jura de l'aimer toujoursSa chanson tendre et monotoneBerce son cœur grisé d'amour

refrainChante mon gas, ta chanson douce et

tendreDans ton parler évoque ton paysChante mon gas, la Mort va te

surprendreVoler ton rêve et tes projets jolis

IIQuel est ce grondement terrible ?Tout craque et saute sur le pontLa panique est indescriptible,Le cuirassé fait explosionJean-Marie revoit son villagela maisonnette du cheminSes vieux parents courbés par l'âgeSon Yvonette à l'œil mutin

refrainPuis un obus qui guettait sa victimeVient d'emporter le petit gas flamandLa Mort est là … Farouche elle décimeSa faux brutale achève les mourants

IIICôte à côte tombent ces bravesOfficiers, chauffeurs, matelotsLe sang a rougi les épavesLeurs corps s'entassent par monceauxHumbles héros, glorieux martyrsLa France pleure vos trépasSon cœur de mère se déchireEn murmurant bien bas, bien bas :

refrainIls sont tombés au champs d'honneur. Hommage aux marins morts, victimes

du IénaIls sont tombés, tout comme à

l'abordageCouverts de poudr', sous le feu des

combats

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1408

L’explosion du cuirassé Iéna eut lieu le 12 mars 1907 à Toulon. A bord, parmi les victimes, le captaine Adigard de Dunkerque. (Cartes postales de Dunkerque à la Belle-Époque de R. Devos)

39

Page 40: chansons d'Eugene gervais

L’homme et l’argent

IMessire Argent est le roi de la terreSon sceptre brille, éblouit les badaudsEn courtisan, le riche le vénère :Il est bon prince, efface les défauts.Tout, ici bas, se trafique et s’achèteAu poids de l’or, des pièces de cent sous.Crève de faim, toi qui te dis honnête ! ) bisTandis que l’or ruisselle à tes genoux ) bis

IINe jugez pas un homme à l’apparence-Un bel habit ne le rend pas meilleur-Pour le richard, on a de l’indulgenceEt son portrait est toujours très flatteur :Un débauché ! Mais non, Monsieur… s’amuseEt dans son cercle, on lui fait grand honneur :Si dans l’orgie, il se vautre et puis s’use, ) bisAlors Monsieur est un parfait viveur… ) bis

IIIIls sont de chair, la passion les tenailleMais la Luxure est leur fièvre d’amour.Aimer… c’est bon pour un gueux qui travaille !C’est à la dot qu’un riche fait la cour…Et dans leurs ruts, ils salissent nos fillesCar l’ouvrière excite leur désirLe rouge au front, sanglotent des familles) bisMonsieur sourit en soldant ses plaisirs ) bis

IVPas d’ignorance avec la bourse prêteCela se vend, le talent, le savoir !Dans un lycée, on leur bourre la têteEt l’instruction leur donne du pouvoir.Malgré cela, ce sont des gens futilesGonflés d’orgueil, paradant, pauvres fous !!!Dans le grand monde, oh combien d’imbéciles ) bisEt la bêtise est maîtresse de tous ) bis

VOn est réduit par leur brillant langagePar leur discours, leurs phrases et grands motsEt leurs journaux sont payés à la page,Rétribués par l’argent des gogosLeur politique est une mise en scèneDont les acteurs sont dressés et vendusLe député-fantôche se démène… ) bisOn met au fers les vaillants convaincus ) bis

VIDevant la Mort, ce sont nos camarades !

40

Page 41: chansons d'Eugene gervais

-Prenez mon or puisque je vais mourir…Gloire et honneurs ne sont que mascarades…Travailler… vivre… ah ! je voudrais guérir !La Mort ricane… elle frappe, il périssent…S’ils ne sont pas enfoui dans des trous…Dans leurs caveaux de beau marbre il pourrissent ) bisLes vers grouillants les rongent comme nous… ) bis

VIIGueux pardonnez aux faiblesses des vôtresNe faîtes pas le jeu des ennemis.Serrez vos rangs et soyez les apôtresDu communisme et du rêve promis.L’évolution est la loi de natureLe Travailleur a raison de s’y fier.La société tombe de pourriture ) bisSon rédempteur sera toi l’ouvrier ) bis

VIIIÉduquez-vous, robustes prolétaires,Faites puissants vos muscles et cerveauxFuyez l’alcool qui cause vos misères.Alors, pour vous, luiront les temps nouveaux.En procréant sains et pleins de confianceCeux qui naîtront seront des hommes forts.Et le Progrès secondé par la science ) bisCouronnera de vos fils les efforts ) bis

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

Dunkerque le 18 février 1912

41

Page 42: chansons d'Eugene gervais

Humbles fiançaillesromance populaire

sur la musique de "Vous êtes si jolie"

IDepuis de bien longs joursMon âme vous appelle ;Dans mes rêves toujoursJe vous revois ma belle.Notre cœur de vingt ansTout vibrant de jeunesseEn timides accentsDévoila sa tendresse

refrainJe tombe à vos genouxMurmurant : ma jolieC'est ta vie … amour vousQu'un doux serment nous lie (bis)

IIDeux ans … déjà deux ans !…— Oh souvenirs de l'âmeJe vis vos traits charmantsJe pressentis la femmeLa saveur du baiserOù se cueille l'ivresseJ'eus le désir d'aimerJ'ai connu la tristesse …

IIICalme s'étend la nuitDans l'ombre tout reposePas un rayon ne luitAu ciel sombre et moroseMon angoisse d'amantExhale ses détressesEt mendie humblementUn peu de vos caresses .

IVCiel ! vous me regardezConfuse et coquetteAlors vous écoutezMon aveu d'homme honnête ?Je puis donc espérerLa fin de mes alarmesFervent vous adorezDans la joie ou les larmes

dernier refrainJe tombe à vos genouxMurmurant : ma jolieJe serai votre épouxUn doux serment nous lie (bis)

Rosendael le 1er février 1913

Nord Maritime du 7 février 1913

42

Page 43: chansons d'Eugene gervais

L’hymne des gueuxchant révolutionnaire

hommage à feu Eugène Pottier le poète de l’internationale

air : l’Internationale

IAllons gueux, armons nous d’audaceDétruisons les codes bourgeois.Que la lutte soit plus vivace Le front haut, réclamons nos droitsToujours nous serons les victimesLes esclaves que l’on renie !Notre régime est fait de crimesÉternisant notre agonie

refrainA bas la servitude !A bas l’exploitation !Le combat est dudePoursuivons notre action (bis)

IINotre apanage est la misèreNous, opprimés du capital.Nous peinons une vie entièreEt nous mourons à l’hopitalLe patronat possède une arme :Il nous asservit par la faim ;Mais si notre courroux l’alarmeNous ne manquerons plus de pain.

IIIL’Église, institution fumisteLa Patrie : un mot sans valeur,Car l’Humanité seule existeEn son éternelle douleurPréjugés, luttes fratricidesFont le jeu de nos dirigeantsEt les puissances homicidesÉgorgent leurs propres enfants.

IVCelui qui détient la richesseRefuse à celui qui n’a rienMourant de faim et de faiblesseLes restes qu’il jette à son chien.Si l’État, au gueux fait l’aumôneC’est pour endormir son supplice.Il doit cent fois ce qu’il lui donne !Et charité n’est pas justice.

VLe travail dans la paix fécondeVoilà notre but désormaisLe fusil, cet emblême immondeDevra disparaître à jamaisLe jour où l’intérêt rapaceDu monde sera suppriméL’Humanité prendra sa placeDans l’Univers enthousiasmé

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

Dunkerque le 5 juillet 1912

43

Page 44: chansons d'Eugene gervais

Il faut que ça changerefrain dunkerquois d’actualité

Air : le petit panier de Mayol

IA c’t’heure la MattchicheParaît rococo :Nos cotjes se fichentDu jeu d’diaboloY a plus rien à faireOn se meurt d’ennui ;Notre nouveau MaireEn est déconfit…

refrainGuche il faut que ça changeCela nous dérange (bis)Y a qué qu’chos’ de casséLe monde est renverséTout dépayé [sic]Vexé !

IINos quinze miliistes [sic]Viv’nt de not’ pognons,Ce sont des fumistesS’moquant d’l’opinion :Ils font des promessesQu’ils ne tienn’nt jamais,Leur bagout s’adresseAux porte monnaie

refrainGuche il faut que ça changeCela nous dérange (bis)Si plus personn’ n’votaitTu verrais le nezDe nos députésRoulés !

IIIL’président FallièresL’autr’ jour à CondonSuça la caf’tièred’Édouard, bon garçon, !Le roi d’AngleterreD’bonheur, oppresséS’écriait : Vieux frère,Hourra les français !

refrainGuche, il faut que ça changeCela nous dérange (bis)Jean Bart r’gard’ su’l’côtéCes braves anglaisQui sont nos alliésOh ! yes !

IVL’ouvrier turbineDu soir au matinToujours la débineLe poursuit en ch’min ;L’bourgeois s’lamente- Comm’ les socialos-On rogn’ sur sa renteOn l’crible d’impots

refrainGuche il faut que ça changeCela nous dérange (bis)D’voir la vie augmenterEt nous s’esquinterTrimer à creverCrédié !

Stavt’che [alias Eugène Gervais]

Nord Maritime du 6 juillet 1908Bibliothèque municipale de Dunkerque, dans un recueil factice ayant appartenu à Eugène Gervais, cette chanson porte sa signature manuscrite.

44

Page 45: chansons d'Eugene gervais

L’impôt sur le revenuboutade dunkerquoise à propos du projet Caillaux

Sur l'air : Au revoir…et merci de Dalbret

IJe ne vais pas chanter la femmeQui nous aguich' par son minoisNi dépeindre l'ardente flammeD'un "pénélèckr'" transi d'émoiOui j'adore la midinetteQui papillonn'L'œil polissonJe raffole de sa binetteMais c'qui m'chiffonn'Aujourd'hui c'est l'pognon

refrainMinis's, députésPourquoi s'géner ?Faut baisser la renteFaut qu'leur paie augmenteOn va les palperTes ronds d'placésDis moi quels sont tes r'v'nus ?On met l’impôt d'ssus

IIDis moi, vends-tu des bouts

d'chandelles ?Du "beultekas", du saucissonOu de simples "batch's" en flanelles ?Tu vas cracher -Ton compte est bon !-Le chiffre exact de tes affairesInquiéteraL'gouvernementLe percepteur sans plus de mystèreTe diras çaSur un ton bon enfant

III

Un'famill' d'un'douzain' de gossesDevra casquer autant d'pognonQu'un vieux "cholard" toujours en noceQui s'moqu' de la repopulationC'est a dégoutter du mariageD'la soupe aux chouxEt des marmotsJ'préfèr' les douceurs du collageQu'en foute un clouPour un tas d'gigolos

IVMa vieill' cousine, une portièreÀ, je crois, mill' francs de placésElle l'a gagné, cett' vieille soupièreCe n'est pas faut' de s'esquinterMais v'là maint'nant qu'une loi rosseVa lui roustirL'peu d'son magotMoi j'm'en bats l'œil! j'm'en fais un

bosseJ'lui dis sans rir'Espèc' de vieux trumeau

VPour toucher nos quinze mille ballesCombien d'gros sous ! combien de

francs !Bravons critiques et scandalesConclurent nos députés confiantsContribuables à la caicaisse :Ton bas de lain'Va dégorgerOuste ! vite que l'on s'empresseC'n'est pas la peineVois-tu de rouspéter

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1416Citée dans le Nord Maritime du 17 mars 1907

45

Page 46: chansons d'Eugene gervais

J'couche à l’cantin’ del fossechanson en patois de Bruay

air connu

IJ'couche' toudis à l'cantin' del fosseJ'sus point rintier ; mais un mineur.J'mène eun' vraie vie d'roule-ed-bosseMais à l'ouvrach' j'sus plein d'ardeur.J'n'ai point de sommier élastiqueMais eun' paillass' comm' ches soldatsEt quand j'armont' j'dors comme eun' briqueM'journée finie j'sus vraiment las

IIA l' cantine in n'fait mi manièreCha n'a rien d'ches restaurantsD'ous qu'on vous parle de la vie chère

In vous trompant effrontémint.In mang' del viande et des petotes ;In bot del bière à plein's gorgées,Qu'arrous' des plats qui ravigotentPour le pinard ch'est à c' n' idée

IIIA l'cantine y a grammin d'jeun's hommesQuand in s'marie in lach' ch' coronIn much d'abord eune tiote sommePour interrer es vie de garchonIn a l'carbon pour s'ménagèreUn' fos marié pour ess' maison.In est heureux comme un p'tit pèreIn intendant ad' v'nir porion

Bruay le 29 mars 1919Eugène Gervais chansonnier populaire

46

Page 47: chansons d'Eugene gervais

Je suis l’Amourchanson

Je suis l'Amour qui soupire et qui passeComme une brise un matin de printempsL'Amour qui luit dans le bleu de l'espaceEt se reflète au ciel de vos vingt ans ;Je suis l'Amour que la jeunesse appelleEt dont l'ivresse accompagne les pasLe tendre Amour qui porte sur son aileL'âme enlevée aux douleurs d'ici bas.

Je suis l'Amour qui gronde dans l'orageSur l'océan de vos cœurs foudroyésL'Amour, en feu, dont les éclairs font rageAu fond des yeux par les larmes noyées ;Je suis l'Amour qui frappe et fouille la blessureDe la victime hurlante sous les coups.

Je suis l'Amour qui règle l'harmonieDes astres blonds scintillants de clartéL'Amour planant, silencieux génieDans l'air tiède des belles nuits d'été ;Je suis l'Amour trouant dans la lumièreParmi les plis du nuage vermeil,L'Amour qui verse à la nature entièreSes feux ardents, majestueux Soleil.

Nord Maritime du 9 février 1900

47

Page 48: chansons d'Eugene gervais

Je vous ai délaissée …romance

sur la musique : “Je vous ai tant aimée”

IJe vous ai délaissée … Écoutez bien ces mots :Mon amour est flétri, taris sont les sanglotsDe mon âme blessée …De vos baisers menteurs, je me suis lbéréMon cœur s’ouvre à la vie. Il n’est plus torturéJe vous ai délaissé …

IIJe vous ai délaissée … et je dis sans courroux !Vous pourriez m’implorer ; sourd je serais pour vousMa douleur est lassée …Je sais que par dépit vous foulez nos serments …Cela me laisse froid. Que me font vos tourmentsJe vous ai délaissée.

IIIJe vous ai délaissée, et j’aurais pour vos yeuxMordu par le soupçon, commis un crime odieuxDans une heure insensée …Chaque jour sans pâlir,je vous croise en cheminEt ma lèvre se crispe en un pli de dédainJe vous ai délaissée.

Rosendael le 15 février 1913

« Dans le cours de notre vie sentimentale, combien d’idoles que nous avions posées pieusement sur un piédestal, se sont écroulées laissant à terre des débris épars ; et cependant, malgré nos rancœurs successives, combien de fois nous nous sommes agenouillés douloureusement pour reccueillir ces pauvres débris informes, lesquels sont pour nous les miettes des souvenirs et tout ce qui nous reste d’un beau rêve trop vécu, qui au réveil nous laisse… brisés et meurtris. »

Eugène Gervais

48

Page 49: chansons d'Eugene gervais

La jolie et délicate boulevardièrechanson potin

IDepuis quinz' jours dans les journauxOn agit' les "grelots"S'agit-il donc d'un députéOu d'un typ' bien cotéSerait plutôt un d'ces complotsD'messieurs les AristosUn PranziniUn CazérioQui ferait du chichiNon mes amisÉcoutez bien ceci

refrainUn minois friponUn petit air très polissonUn boa blanc, embaumant le mystèreDes mollets nerveux un' joli pair' de

p'tits nichonsC'est un dessert de roi "la Boulevardière"

IILes pénélèkr's sont en émoiY a quoi d'sourir' ma foi !Jeunes potach's et bacheliersSe consum'nt à ses pieds

Et les pratiques commerçantsNégligent leurs clientsEll's met les cervelles à l'enversEt les "raies" de traversSes amoureuxDeviendront fous furieux

IIIJe conseille à ces amoureuxQui brûl'nt de mille feuxDe faire un peu moins de potinL'amour est dieu malinJ'pari qu'celui qu'aura son cœurSera le moins hâbleurLe soupirantQui tendrementLui dira gentimentDe vous j'ai peurMais, je sens battre mon cœur

dernier refrainAlors tous les deux L'amour rayonnant dans les yeuxIls s'en iront par devant Monsieur

l'MaireQuand on les verra, on dira : v'la les

amoureuxEst-il veinard l'mari d'la Boul'vardière

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1380, dépot légal 1906

49

Page 50: chansons d'Eugene gervais

Les jolies filles de BerguesChansonnette marche

IAmis je donne, iciUn aperçu choisiUn portrait de filletteGracieuse, gentilletteDes yeux fins et rusésGestes tendres, discretsUne allur' de gazelle,Oui, la Berguoise est telle

refrainLongeant la rue des DamesCœur amoureux s'enflammeOn avoue son béguinDans la rue Saint-MartinAu coin d' la petit' PlaceParfois même on s'embrasseÀ l'ombre du BeffroiLe "cotje" a souvent moins d'effroi

IIDe bonne heure le matinPar son rire argentinOu sa voix de fauvetteEll' met le cœur en fêteElle a d' jolis molletsNerveux et bien mod'lés,Un' pair' de p'tits nichonsA rendr' les saints fripons

refrainRue de l'Hôtel de VilleAdroit'ment on la fileEll' prend des airs inquietsDans la rue des PotiersDans la rue d'RosendaelEll' dit : "vous me fait's mal"Et dans la rue des ChatsOn lui paie deux petits orgeats

IIIOn se sent frissonnerEn la voyant passerLégère comme un rêveBerguoise ! O fille d'Eve !Oui, rue du CommandantPar un regard troublantElle fait, la coquetteAh ! plus d'une conquête !

refrainVenant d'la rue d'HonschooteL'amour vous asticoteC'est l'incendie ! cré-nom !Au Marché au PoissonDans la rue du CollègeUn aveu vous allègeOn lui dit : "Ma p'tit' sœurJ'suis dunkerquois, veux-tu mon

cœur !"

IVDans sa chambre , le soirEll' cherche le miroir :Et là, toute seulette,Son petit cœur s’inquièteEll' ne peut pas dormirSes rèv's la font rougir !!!Pour plaire à la fillettePas besoin de galette

refrainTout près du "Koye-Strote"Elle n'aim' pas qu'on radoteSi vous savez parlerElle accorde un baiserAu "Sinte-Pieters-Bove"Point n'est besoin d’alcôveTrès doux sont les gazonsEt dans les choux naiss'nt les garçons

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1379, dépot légal 1906

50

Page 51: chansons d'Eugene gervais

Les jolies filles de BourbourgI

Je trace mes amisSur le vif un croquisUn portrait de filletteMignonne, gentilletteDes yeux fins et rusésGestes tendres, discretsUne allur' de gazelle,La Bourbourgeoise est telle

refrainDans la rue de Grav'linesGentiment ell' trottine :Dans la rue des Traiteurs,Ell' prend des airs moqueurs ;Rue de l'Hôtel de VilleAdroit'ment on la fileAu coin de la rue CarnotOn lui vole un bécot

IIDe bonne heure le matinPar son rire argentinOu sa voix de fauvetteEll' met le cœur en fêteElle a d' jolis molletsNerveux et bien mod'lés,Un' pair' de p'tits nichonsA rendr' les saints fripons

refrainDans la rue des ÉcolesUn "zotche" les affole :Dans la rue des RempartsEll' n'aime pas les jobards ;Tout près du "Coquenone"La femme est très friponne :Parait qu'à l' "Ancretieux"C'est l'Paradis des amoureux.

IIIDans sa chambre le soir,Ell' cherche le miroirEt là toute seuletteSon petit cœur s'inquièteEll' ne peut pas dormirDes rêv’s la font rougirPour plaire à la fillettePas besoin de galette

refrainAu coin de la Grand' PlaceParfois même on s'embrasseEll' vous coule un regard,Tout près d'la rue Jean BartDans la rue de l'HospiceLa femme a plus d'un viceOn assur' qu'au "Planti"On s'bécote en plein midi.

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1378, dépot légal 1906

51

Page 52: chansons d'Eugene gervais

La jupe culotteair : Mariette ou Le p'tit briquet

IIl est un' mode nouvelleQui fait maint'nant fureurLa robe —un vieux modèle—Porter ça quelle horreur !C'est la jupe culotteQui connaît le succèsOn l'enfile sans botteElle se relèv' sur les molletsOn la serr' par devantComme les homm's simplement

refrainMesdames hein ! qu'ça vous botteD'porter crânement la jupe culotte.BouffanteTrès élégante ?Les homm's porteront des jupons ! ! !

IIJe possède un' bell' mèreBarbue comme un sapeur

Quand ell' s'met en colèreEll' me fait vraiment peurJe suis pris de trembloteQuand j'la vois sur l'palierAvec sa jup' culotteOn dirait un vieux grenadierJe m'enferme à double tourEt je crie comme un sourd !

IIILa chose n'est pas douteuseCa fera sensationLes hommes en jup's trotteusesS'baladront sans façonsMais pour qu'on les reconnaisseY s'poseront pudiquementAvec délicatesseUn joli p'tit moulin à vent ! ! !Et quand l'moulin tourn'raAlors on chantera !

Nord Maritime du 9 mars 1911

52

Page 53: chansons d'Eugene gervais

Le marchand de journauxScène humoristique jouée par l'auteur dans la revue locale « Tiens bon d'ssus » de M. Albert Salignon, représentée le 12 février 1914 au Théâtre Municipal de Dunkerque

Lecteurs, désirez-vous être bien renseignés Sur Dunkerque et ailleurs, les pays éloignés ?Êtes-vous amateurs des dernières nouvelles,Faits-divers, politique, affaires passionnelles ?Achetez tous les jours, vous serez satisfaitsLe Grand Écho du Nord et du Pas-de-Calais

Braves gens, vous aurez des huit et douze pagesRemplies de fins croquis et de belles images.C'est dit : je passerai criant, cornant très fort ;La vente sera bonne et nous serons d'accordCar pour vous les porter, bravant pluies et orages,Je saurai parcourir les plus humbles villages. En quelques mots, voici mon très humble métiers.Voulez-vous un Écho ? Je vais vous le plierD'élégante façon, avec toutes ses primes.Tout cela, croirait-on, pour cinq pauvres centimes.Vous me dites : « Je veux désormais ce journal ».Demain mon joyeux cri sera très matinal.

53

Page 54: chansons d'Eugene gervais

Le marchand de journauxAu Casino de Malo-Terminus le 16 février 1930

Lecteurs, désirez-vous être bien renseignés Sur Dunkerque et Malo, les pays éloignés ?Êtes-vous amateurs des dernières nouvelles,Faits-divers, politique, affaires passionnelles ?Achetez tous les jours, vous serez satisfaitsOui, le Nord Maritime, un des mieux informés.

Braves gens, vous aurez des huit et douze pagesRemplies de fins croquis et de belles images.C'est dit : Je passerai criant, cornant très fort ;La vente sera bonne et nous serons d'accordCar pour vous les porter, bravant pluies et orages,Je saurai parcourir les plus humbles villages. En quelques mots, voici mon très humble métier.Maritime, Monsieur ? je vais vous le plier.D'élégante façon, avec toutes ses primes.Tout cela croirait-on pour vingt et cinq centimesVous me dites : « Je veux désormais ce journal ».Demain mon joyeux cri sera très matinal.

Nord Maritime février 1930

« Leffrinckoucke. Un beau concert. - Le Cercle Artistique des Dunes a donné son premier concert le 16 février 1930, à 15 heures au Casino de Malo-Terminus.[…] Le chansonnier Gervais dans son monologue eut aussi une grande part de bravos. […] Le chansonnier Gervais qui représentait le marchand de journaux avait composé pour la circonstance ce petit couplet . »

54

Page 55: chansons d'Eugene gervais

Maritche elle a perdu son peule !chanson de carnaval

air : La Mère Michel

IC’était un grand gaillard,Il s’appelait Henritche,Perchant cité Jean-BartIl fréquentait MaritcheQuand, hier soir, quel malheurEn rev’nant d’travaillerIl rencontr’ sa bell’sœurQui s’met à lui crier !

refrainElle a perdu son peule (ter)Son beau peule en fer blanc

IIDe suit’ s’approchant d’elleIl lui d’mand’ poliment :“Réponds-moi donc, Estelle“Quel est cet évènement ?”“Eh ! ben, mon vieux paleule“Ecoute’ moi, t’as qu’à voir !

“Au cirque, avec son peule“Elle a dansé l’autr’ soir !

IIIVoulant avoir la preuveDe ce fait épatant,Il cherch’ Marie, rue NeuveEt la trouve à l’instant,Alors sans s’emballerIl l’arrête un momentEt avant d’s’allerLui colle ce boniment :

IVMaritche, tout en pleursS’écriait : “Quell’ misère !Pris’ des folies d’grandeursHenritche, j’fus écuyèreUn as ! le clown PalisseNe voulut pas que j’leuleMais sur un ch’val ça glisseJ’ai donc perdu mon peule.

Paroles de Juleutche et Eugène Gervais

Nord Maritime du 7 juillet 1927Déjà parue dans le Recueil des chansonniers du Peudre d’Or

55

Page 56: chansons d'Eugene gervais

Marie-toi à c’t’heureou Quand tu s'ras vieille

chanson réaliste et humoristique dunkerquoise

IPourquoi qu'tu cherch's pas à t'marier"Leulait" un' femm' de mon quartier,Rue des Passerelles ;Plus tard ton jeu n's'ra plus si beauOn t'laissera le bec dans l'eauQuand tu s'ras vieille …

IIT'as vingt deux ans, t'as l'as de cœurFais un bon "diop`" pour ton bonheur,Mais sois ficelle !Choisis comm' "ventje" un bon garçon,T'auras bien l'temps d'fair' la guenonQuand tu s'ras vieille …

IIITu sais chanter en ut, en sol,Tu nous "envoy's" en rossignolL'solo d'MireilleTu chant'ras comme un phoque usé,Et t'auras souvent le hoquetQuand tu s'ras vieille …

IVT'as de beaux yeux remplis d'éclatsQui font courir tous les soldatsDu Cent DixièmeIls te nomme : Cotje, bijouIls te diront : vieux maraboutQuand tu s'ras vieille …

VT'as la peau douc' comm' du castorUne voilette et tu vaux d'l'orT'es un' merveille !Ta peau si douc' va s'racornirTu la vendras au marchand d'cuirQuand tu s'ras vieille …

VITu sens la jeunesse et les fleursT'as d'la santé, t'as des couleursT'es jeune et belleTon teint de ros' va se flétrirTu sentiras ton cœur mourirQuand tu s'ras vieille …

VIIT'as de beaux ch'veux, d'beaux cils

aussiÀ c't'endroit-là tout est garniComme un' chapelle.Ça s'ra comme un vieux "zuintje" uséComme un paillasson tout crevéQuand tu s'ras vieille …

VIIIAs-tu r'marqué le grand GastonDu port, c'est le meilleur garçonEt il turbineSi tu voulais ça n'tient qu'a toiPlus de soucis et plus d'effroiVas-y Titine !!!

Bibliothèque National 4° Ye 1378, dépot légal 1906

56

Page 57: chansons d'Eugene gervais

Le martyre d’un mousseà bord d’un quatre mats dunkerquois

Complainte populaire composée d’après des rapports de mer reproduits sur papier timbré et portant les signatures de plusieurs témoins faisant partie de l’équipage du quatre mâts Dunkerque.

air : Le Christ a dit

IC’n’est pas un marin c’est un lache !Celui dont j’racont’ les forfaitsLe mépris, le soufflet, la cravacheDevraient le cingler à jamais ;Il vient d’être nommé capitaineÀ bord d’un quatre mats dunkerquoisSinistre brute à face humaineJe veux qu’on sache tes exploits

refrainN’entends-tu pas les cris du pauvre

mousseBeau capitaine et galant officier ?J’vois qu’tu palis car du sang

t’éclabousseLe sang du p’tiot qu’tu viens

d’martyriser !

IIAu larg’ sous l’soleil du TropiqueS’éveillèr’nt tes instincts d’assassinLà, sans motif, comme un’ bourriqueTu d’vins le bourreau d’un gaminUn soir, tout près de ta cabineLe pauvre gosse tu serrasA l’écraser - sur ta poitrine…Et sur le pont tu le jetas

IIITu ne crieras pas au mensongeTout l’équipage était présent ;C’n’est pas du domaine du songeOn t’a vu frapper un enfant,Ah ! si j’étais le pèr’ du miocheTes galons d’or j’arracheraisD’un coup d’tampon, d’une talochePar dessus l’bord tu volerais !

IVDans la Marine y a un’ Justice,On dit qu’ell’ punit ces bandits ;Il faut qu’son œuvre s’accomplisseEt ses juges seront bénis.Le capitaine est d’bonn’ familleJe sais que l’mousse est l’fils d’un

gueuxJustic’ des marins sois bonn’ fill’Soutiens le faible et l’malheureux

dernier refrainEt ton arrêt te rendra populaireDe longs bravos salu’ront l’châtimentEt celui-ci devra t’être exemplaireOn ne doit pas torturer un enfant

F. Gerno, ex marin du quatre mats Dunkerque [alias Eugène Gervais ?]

Parue dans “Défence Sociale, journal révolutionnaire dunkerquois le 20 août 1911

Bibliothèque municipale de Dunkerque, dans un recueil factice ayant appartenu à Eugène Gervais.

57

Page 58: chansons d'Eugene gervais

Mon beau rêve se meurtromance

IJe t’aimais ô ma toute jolieTon amant est vraiment malheureuxTon rire ensoleillait ma vie ;Je me mirais dans tes yeux bleusDans un baiser tu fus parjureIl te fallait de beaux atoursJe crus mourir de ma blessureJurant te maudire toujours.

refrainJe te murmure ; c’est bien l’adieu

suprêmeMon beau rêve se meurt… ce sont les

mauvais jours.Pourquoi vouloir jeter, au Destin,

l’anathèmePour guérir ma douleur, le temps

suivra son cours.

IIFarouchement, dans ma détresseJ’évoque, en pleurant, ton baiserTout le parfum de ta caresseQui semble encore me griserPour étourdir ma peine amèreJe cours la gueuse tous les jours :Mon cœur meurtri se désespèreSouillé d’écœurantes amours.

IIIDans mes passagères tendressesJe vois le Désir m’enlacerEt mes éphémères maîtressesTordent mes nerfs à les briserMais dans leurs lascives étreintesMon cœur ne peut pas s’apaiserToutes mes caresses sont feintesEt mon âme va s’épuiser.

Jehan la Guigne [alias Eugène Gervais]

Dunkerque le 30 mai 1912

58

Page 59: chansons d'Eugene gervais

Montmartre à DunkerqueGeorges Hauser

Fringuant et bien campé, l’œil frondeur et narquoisRouge cravate au col, du bagoût, de la voix.Il va, l’œil agressif, semant sur son passageSaillies, mordants couplets et rosseries d’usage.

Son nom ? Georges Hauser. Profession ? chansonnierBourse ouverte à chacun jusqu’au dernier denier.A l’heure du trépas il dira sur sa couche :“La Mort est amoureuse et se colle à ma bouche”

Dans un coin solitaire, au séjour du repos,Lors Hauser dormira loin des fats et des sots ;Mais son âme vivra dans la blague ou le rire,Du gueux que l’on renie ou du grand qu’on admire

Dunkerque le 9 septembre 1908Un bohème dunkerquois

Bibliothèque municipale de Dunkerque, dans un recueil factice ayant appartenu à Eugène Gervais, cette chanson porte sa signature manuscrite.

59

Page 60: chansons d'Eugene gervais

Le monument Trystramcantate

air : l’Hyme à Jean BartI

Salut Trystram ! Enfant d'un prolétairePar le travail, tu conquis les honneursHumble douanier, ton père, à la

frontière,L'œil vigilant, nous gardait des

fraudeursLes soirs d'hiver, courbé sous la rafale,L'aïeul obscur ne se douta jamaisQu'un peuple entier, de sa voix rude et mâleDe son grand fils, clamerait les bienfaits (bis)

refrainSalut, Trystram ! Nous te rendons

hommageDunkerque fière, honore son enfantDu livre d'or, elle tourne la pageOù ton beau nom scintille triomphant

(bis)

IISalut, Trystram ! De la robuste raceDes Jacobsen, des Tixier, des Jean

Bart,Ta volonté sut se joindre à l'audace ;Ta fermeté te servit de rempart !Et par ton Œuvre, un riche port de

FranceVoit nuit et jour, les vaisseaux affluerOù, torses nus, peinent sans

défaillance,Les rudes gars venus pour t’acclamer

(bis)

IIISalut, Trystram ! Admirons ton ouvrageDans l'avenir, rappelle nous souventQue l’énergie est la vertu du sageQu'il faut lutter, de front ouvertementEt si, parfois, vaincu par la détresseLa lâcheté venait nous assaillir,Ton bronze altier, face au large, se

dresseTon geste dit : "tu ne doit pas faillir !"

(bis)

Eugène GervaisLauréat de la Société Dunkerquoise

Nord Maritime du 10 mai 1911

60

Page 61: chansons d'Eugene gervais

La mort du vieil ouvriermonologue dramatique

- Vois-tu je deviens vieux, je décline sans cesseMes doigts lâchent l’outil quand je veux travailler,Hélas ! le temps n’est plus de ma belle jeunesseJ’étais - que le temps passe- un adroit ouvrier.La besogne ? -un plaisir- , ça ronflait dur et ferme,Pour pousser le rabot j’avais de vrais secrets,Chaque chose, mon gars, doit atteindre son terme,À quoi sert, du destin, maudire les décrets.À ton âge, à vingts ans, je fis le même rêve ;Mes bras sont vigoureux, pensais-je confiant :L’aube de mes beaux jours en souriant se lève,La vie est une lutte et je serai vaillant.Puis sous le faix des ans je dus courber l’échine,Les hivers sur mon front laissèrent leurs blancheurs,Mes doigts devenus lourds perdirent leur “routine”Et le pain me manqua -comprends-tu mes malheurs ?Je sais que l’hôpital, espère en ma venue,Penser de mourir là… me torture et me tue…

Un triste soir d’hiver, parcourant un journalÉpouvanté je lus - la chose me fit mal-Ce titre plein d’horreur : “une torche vivante”Plus de doute, le vieux trouvant la mort trop lenteS’indignant de donner sa chair à l’hôpital,Avait mis à dessein, ce projet infernalLaisser de son corps las et meurtri, de la cendre,Un peu de cendre au vent que l’on ne saurait prendre.

Jehan La Guigne

Dunkerque le 17 mars 1912parue dans “La Défense Sociale”

Autre version : Pour ne pas mourir à l’hôpital, signée Eugène Gervais

61

Page 62: chansons d'Eugene gervais

La muse à l’écoleou la leçon qui chante

Fillette, ne sois pas rebelle,Ton cœur tu peux me confier,Dans ma caresse maternelleTu retrouveras ton foyer.Ma classe est toujours accueillante,Mon gros chagrin est de punir,Écoute ma leçon qui chanteMignonne enfant qui va grandir.

Fillette, au tableau noir, épelleVertu, douceur et dévouement,Que ta mémoire soit fidèle,Vite, effaçons le mot : Argent.Je te ferais forte et savanteVois-tu, s'instruire est un plaisir ;Écoute ma leçon qui chanteMignonne enfant qui va grandir.

Fillette, soit toujours aimante,Ne ris jamais du malheureuxQui va tendant sa main tremblante,Surtout s'il est infirme ou vieux !La vie est cruelle et méchante,Plus tard tu devras en pâtir,Écoute ma leçon qui chanteMignonne enfant qui va grandir

Fillette tu deviendras femme,Voyons répète : La BontéPurifie et embaume l'âme,Impérissable est sa beauté,Sois humaine et compatissante ;Tu verras pleurer et souffrir,Écoute ma leçon qui chante,Mignonne enfant qui va grandir.

Le Phare du Nord du 9 juillet 1912

Même version signée Jehan la Guigne publiée le 7 juillet 1912

62

Page 63: chansons d'Eugene gervais

La muse et le chansonnierpoésie populaire

Je prends, en révassant, la plumePour rimer, comme de coutumeJoyeux couplets, refrains divers,Sans porter trouble à l’univers.

Une chanson, exquise chose,Œuvre subtile se composeDe quelques vers harmonieuxNaifs, tendres, langoureux,S’inspirant d’un soupir frivole,D’un tendre serment qui s’envoleOu d’un murmure d’amoureuxPerdus dans les recoins ombreux

O bonne Muse populaire !Rustique enfant de la Chimère…

Tu pares tes cheveux de fleursPour plaire à tes adorateurs.Tu dédaignes le maquillage ;Il flêtrirait ton beau visage.Tes yeux décèlent la bonté,Ton front rayonne de fierté.Avec ton âme d’humble filleTu sais comprendre Jean Guenille.Et s’il s’éteint dans un grenier,A son chevet, tu vas prier…

“Chasse-moi ce vilain nuage“D’un joli rêve, ouvre la page …”Ma Muse, vous avez raison :L’espoir naîtra d’une chanson.

Malo-les-Bains le 12 mars 1935

63

Page 64: chansons d'Eugene gervais

Oui j’adore la musepoème

Oui j'adore la Muse ; aux étoiles parfoisJe redis doucement mes rêves et mes chimèresEn ce bas monde, hélas, personne entend la voixDu rêveur éperdu qui chante ses prièresL'amour et la beauté, le courage sublimeMe procurent l'extase et le divin frissonC'est pourquoi j'ai voulu, malgré ce qui m'opprimeTémoigner en ce lieu ma sainte admirationEt je lève mon verre à celui qui disposeDe la vie d'un mortel fou d'ivresse et de rose.

Nord Maritme du 21 janvier 1903

64

Page 65: chansons d'Eugene gervais

La pêche au peudreChansonnette locale

IUn soir de rude tempêteUn joyeux pêcheur dunkerquoisSe dit : saperlipopette !Je le sens bien, je n'suis pas d'boisPas d'erreur, pour pêcherLe vent veut m'empêcherJ'm'en bats l'œil proprementQuestion de tempéramentMais puisque sur la merPas moyen prendre l'airJe vais profiter un' bonn' foisDe l'amour et d'ses douces lois

refrainVint à passer un joli brin de filleIl remarqua, la reluquant : qu'elle est

gentille !Si je pouvais me griser de bonheurEn lui posant sur l'heure Mon grappin séducteur

IILa p'tit' prit la rue d’l’ÉgliseA pas pressés sur le trottoirQue faut-il que je lui dise ?Songeait-il je la veux ce soirPrès d'l'église Saint-ÉloiS'approchant plein d'émoiIl murmura doucementÉcoutez belle enfantPourquoi presser le pas ?Voyons prenez mon brasDans un timide et doux regardEll' désigna la plac' Jean Bart

refrainTout en filant ce joli brin de filleIl soupira, la reluquant : qu'elle est

gentille !Je voudrais bien me griser de bonheurEn lui posant sur l'heure Mon grappin séducteur

IIISoudain près des Quatre ÉclusesLa p'tit' avoua s'retournantMon p'tit comprends-tu les ruses De mon p'tit remorquag' galant ?T'as l'air d'un bon garçonAboul' moi ton pognonEt j'te sacre seigneurDe mon p'tit intérieurMalgré son air piteuxLe p'tit fut généreuxEt goûta le suprême bonheurDans un p'tit "beurtje" d'un quart

d'heure

refrainEn bécotant ce joli brin de filleIl soupira très tendrement : qu'elle est

gentille !Je puis enfin me griser de bonheurEn lui posant sur l'heure Mon grappin séducteur

IVLe lendemain de l'aventureSe trouvant près du LeughenaerLe gars disait : je le jureCe n'est pas l'effet du hasardMalgré le vent du NordQui "saquait" à tribordJ'ai lancé mes filetsAvec un grand succèsPas vrai ! lui cria-t-on Guch', t'as rien de l'aplombMais lui riposta goguenardC'était près d'l'"estatue" d'Jean Bart

refrainQue lundi soir, étant un peu pompetteUne fillette, à l'œil moqueur m'a fait

risetteQue voulez-vous ? en bon marin

pêcheurJe lui posait sur l'heure Mon grappin séducteur

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1388

65

Page 66: chansons d'Eugene gervais

La pêche des Islandais

air : Viens Poupoule (?)

IA Gravelines est décidée la grève des IslandaisC'est entendu et convenu, pas de pêche à l'morue :Car pour signer, cela est vrai, il n'y a pas d'argent.Et à ce prix là tous les marins sont sûrs de crever de faimCar tous et pour tout laissent parents, femmes et enfants.

refrainViens galette, viens galette, viens !S'il n'y a pas d'arrangement, restons tous à l'maison ah !Viens galette, viens galette, viens !S'il n'y a pas d'arrangement, restons tous à l'maison.

IIQu'est-ce que l'on voit cré-non d'une pipe, sur le port, tous les matinsLes capitaines en réunion pour prendre une décision.Y a qu'à force de parler qu'ils sont tous enrhumésEt les matelots disent tous en chœur devant ces francs-parleursTant que l'on ne sera pas payé, personne voudra s'embarquer.

refrainViens galette, viens galette, viens !Si tu ne veux pas me payer, t'auras pas d'islandais ah !Viens galette, viens galette, viens !Si tu ne veux pas me payer, t'auras pas d'islandais

IIIEnfin le jour est arrivé, personne ne veut signerLes armateurs se décident à donner de l'argentCar maintenant ils sont pressés de les voir embarquerVoilà, tiens bon, nos gouvernants n'parlent plus des 50 francsS'ils adhèrent, braves marins, embarquons l'argent en main

refrainViens galette, viens galette, viens !Surtout n'ayez pas peur, les matelots ont du cœur ah !Viens galette, viens galette, viens !Surtout n'ayez pas peur, les matelots ont du cœur

IVTous les matelots sont de bons enfants, aimant bien l'agrémentQuand il s'agit de rigoler ils ne sont pas les derniersSi la tempête les surprend tout le monde est sur le pontPrêt à braver les mille dangers de la mer démontéeCar où l'un d'eux n'a pas peur, c'est sur le champs d'honneur

même refrain que le 3ème

G. E. [alias Eugène Gervais ?]

Nord Maritime le 4 février 1910

66

Page 67: chansons d'Eugene gervais

On chante- Voici la chanson favorite des islandais gravelinois composée par l'un d'eux. Si la rime n'est pas riche les paroles sont, par contre, fort significatives.

67

Page 68: chansons d'Eugene gervais

La petite amiechanson polka

Musique d'Eugène Gervais

IAh ! que c'est bon d'avoir vingt ansEt d'sourire au printemps !On se sent le cœur en émoiOn veut vivre ma foiOn se ballad' souvent à deuxPar les sentiers ombreux …On cherch' l'âme sœur qu'on trouve

enfin …C'est le bonheur divin !Et naïvementOn murmure tendrement

refrainPourquoi m' fair' languirPuisque, moi j't'aime à la folie ?T'es ma p'tite amie …Et j'te trouv' jolie …Tout chant' le désir …C'est si bon d' s'aimer dans la vieT'es ma p'tite amie

IIC'est une noce sans façonsVoyez ce gai tendronAu bras de son bel amoureuxY a tout de mêm' des heureuxN'est-ce pas le cortège de l'amourQui passe en ce beau jour :L'imag' vivante du printempsQu'on fête en souriantLe jeune épouxDira cett' nuit, très doux

refrainPourquoi m'fair' languirPuisque, moi, j t'aime à la folie ?T'es ma p'tite amieEt, c'est pour la vieOn a l'temps d'dormirC'est pas tous les jours qu'on s'marieT'es ma p'tite amie !

IIIEt dans ce cas vous pressentezLe fruit des bons baisers …Sous la dentelle très discretEst un berceau coquetPapa sourit malicieusement …Dame il est très content …Songez un peu, notr' jeun' gaillardSera l'père d'un moutard !L'secret charmantS'avoue en rougissant :

refrainPourquoi t'faire languirC'est pour Noël … Date bénieEt ta p'tite amieEst toute ravieUn gars, c'est l'av'nirSi c'est une fille, elle s'ra jolie …Comm' ta p'tite amie.

Rosendael le 2 mars 1913Nord Maritime du 5 mars 1913

68

Page 69: chansons d'Eugene gervais

Le pinson chantemusique à faire

ITout frissonne dans le buissonLa terre frémit d'allégresseEn s'éveillant sous le frissonDu matin ivre de jeunesseLe pinson chante sa chansonÉcoutez son divin ramageChante toujours, chante pinson ;Chante l'amour dans le bocage.

refrainAimez vous, c'est de votre âge,Sous le ciel bleu, sans nuage.Que vos jeunes amoursEnsoleillent vos jours.Murmurez, l'âme ravieLe grand refrain de la vieSon air tendre et vainqueurBerce ou brise le cœur.

IIYeux dans les yeux, mains dans la

main.Souriant à l'aube divine.Tous deux s'en vont vers le cheminOù fleurit la blanche aubépine.Et tout en foulant le gazonIls se disent d'exquises choses …Chante toujours, chante pinsonChante l'espoir des rêves roses.

IIIUn aveu vient de les griserIls unissent leurs lèvres follesEn un suave et long baiserPlus éloquent que des parolesLe soleil monte à l'horizonSes flèches d'or parent la scèneChante toujours, chante pinsonChante ta douce cantilène.

Nord Maritime du 12 septembre 1912

69

Page 70: chansons d'Eugene gervais

La pluie d’une nuit d’étésonnet

Elle va tombant goutte à goutteTapotant le long des carreauxComme des becs paresseuxEt du fond de mon lit j'écoute

Par la belle nuit que velouteUn reflet des jours estivauxLa douce musique des eaux …

En mon cœur inquiet je douteSi la nuit ce sont les pleursÀ ce bruit, mes esprits rêveursOnt cru voir s'égoutter des larmes

Aux yeux attendris de la NuitQui pleure sur nous, faibles armesContre le mal qui nous poursuit.

Nord Maritime du 15 septembre 1908

70

Page 71: chansons d'Eugene gervais

Le portrait de la dunkerquoise

IConnaissez-vous la femme exquiseQui de tout âme fait l'émoi ?Pêcheuse, trottin ou marquise,Elle est séduisante, ma foi,La dunkerquoiseD'humeur narquoise

Séduisante, vive et grivoise ;Se moquant du vilain soucisBlonde ou brune, Laure ou Françoise,Son portrait charmant est ainsi.

IIElle est mignonne et peu coquetteLa fleur n'a pas besoin d'atoursEt comme l'humble violette,Discret, est son teint de velours.La dunkerquoiseD'humeur narquoise

Charme le cœur dans un sourireLe rêve voudrait s'y poserSon minois joli nous attireInvite la lèvre au baiser.

III

C'est une franche camaradeAdorant les jeux et les risPourquoi rendre le cœur malade ?Ils viendront trop tôt les cheveux gris !La dunkerquoiseD'humeur narquoise

Comme un pinson chante sans cesseLes rondeaux de nos troubadours ;Pour sa gaieté point de paresse.Elle gazouille tous les jours

IVOn prétend que la parisienneEst un bijou sans précédent,Si de Paris elle est la reineEn province, c'est évident,La dunkerquoiseD'humeur narquoise

Vaut certes l'enfant sans gèneDe Montmartre et MénilmontantN'est-ce pas la gente sirèneSouveraine au pays flamand ?

Rosendael le 11 janvier 1913Eugène Gervais chansonnier dunkerquois

Journal non identifié« Dunkerque qui chante. - Notre sympathique concitoyen, le chansonnier dunkerquois, Eugène Gervais nous adresse la jolie fantaisie locale suivante, que nous insérons bien volontiers. »

71

Page 72: chansons d'Eugene gervais

Pour ne pas mourir à l’hôpitalmonologue

C’est vrai, je suis bien vieux, oui, je faiblis sans cesseL’outil tremble parfois dans mes doigts fatigués,Hélas ! le temps n’est plus de ma belle jeunesseOui j’étais d’après tous le fort des ateliers.Ah ! la besogne, alors, ça ronflait dur et ferme,Le souci s’envolait en de joyeux couplets,Chaque chose ici bas doit atteindre son terme,À quoi sert du destin blasphémer les décrets.À ton âge, à 20 ans, je fis le même rêve ;Mes bras sont vigoureux, je me disais souvent :L’aube de mes beaux jours en souriant se lève,La vie est une lutte et je serai vaillant.Le labeur, les tourments ont courbé mon échine,Les hivers sur mon front ont laissé leurs blancheurs,Mes pauvres doigts perclus n’ont plus cette routineQui me donnait du pain au prix de mes sueurs.L’hôpital, oui je sais, espère en ma venue,L’obsession d’aller là me torture et me tue

Un triste soir d’hiver, parcourant un journalÉpouvanté je lus - la chose me fit mal-Le titre plein d’horreur : “une torche vivante”Je compris que le vieux, trouvant la mort trop lenteEt ne voulant donner sa chair à l’hôpital,Avait, délirant, ce projet infernalLaisser de son corps las presque rien, de la cendre,De la poussière au vent que l’on ne saurait prendre.

Journal des Syndiqués, septembre 1905

Autre version : La mort du vieil ouvrier

72

Page 73: chansons d'Eugene gervais

Posez là votre plume…Écoutez les sanglots

Vers à direSouvenirs de la guerre 1914-1918

On berce avec des mots aux tournures savantesLe bon peuple ignorant qui n’est pas sur le front,On s’inspire on écrit des choses émouvantes,Qu’au coin du feu, le soir, ceux qui restent, liront.Tout va bien, paraît-il, dans le fraca des bombes,Ils ne franchiront pas l’Yser, oh c’est certain !D’allemands, nous faisons de vastes hécatombesLa famine les guette, il leur manque du pain.C’est la guerre d’usure et nous sommes très richesUn milliard mensuel nous prenons au budget.L’Angleterre, sur mer, aux boches fait des nichesLa victoire prochaine est l’éternel sujet

Tout à-bas sur le front c’est un enfer de Dante,La mitraille maudite a réglé le sabat.Ce sont des cris d’horreur, des clameurs d’épouvantePleins de boue et de sang, on s’embroche, on se batNos reporter émus font des effets de phrases.“Nos poilus tiennent bon, ce sont de vrais héros“La race n’est pas morte, on chante dans la vase“Sous l’éclat des Shappnells on lance des bons mots”

Bavards taisez-vous, laissez pleurer les mèresDans leurs songes affreux, le sang s’épanche à flotsTout le monde est en deuil, les armes sont amèresPosez-là votre plume, écoutez les sanglots.

Le 17 mars 1915, (Belgique) Yser

73

Page 74: chansons d'Eugene gervais

La prostituéeromance réaliste

air : Garde ton cœur Madeleine

IDans un bar du Quartier LatinNelly, des soupeurs la ReineDans les bras d’un joyeux rapinDisait : grand fou, c’n’est pas la peine…Tu parles, j’ai connu l’amour !Je trouv’ cruelle sa romance :J’ne voudrais plus qu’ça recommence ;J’ai trop souffert, chacun son tour !Et dans mon affreuse détresseJe pense et je redis sans cesse :

refrainL’Amour enjôleurMeurtrit le cœurUn baiser ça coûte tant de larmesOn se croit aimée ;On est trompée ;Dans son rêve on se voit bafouée.Puis la rage au cœur,Foll’ de douleurOn trafiqu’ de son corps, de ses

charmesL’maour enjôleurMeurtrit le cœurUn baiser ça coûte tant de larmes !

IIC’était un élève pharmacienYeux de velours l’air d’un potacheDans le plumard, un vrai gaminAvec lui pas d’danger qu’on se facheUn soir qu’il me parlait d’amourJ’étais vierg’, je me laissais prendreSa voix câline était si tendre…Il me plaqua par un beau jourEt quand le chagrin me dévoreJe chante en y pensant encore :

IIIMon p’tit si tu veux te payerNelly, la belle demi-mondaineA l’œil, tu n’dois pas essayer.Tu frap’rais [?] la chose est certaine !Si t’es fauché, si t’manque des ronds,Débarrass’toi de ta toquanteElle vaut tout d’mêm’ deux thunes, ça

m’tenteDans ces prix doux, nous nous

aim’ronsTu m’pardonn’ras sir je t’embêteSi dans l’dodo je te répète :

Jehan la Guigne [alias Eugène Gervais]

Dunkerque le 13 mai

74

Page 75: chansons d'Eugene gervais

Le refrain de la bande des pêcheurschanson locale

Musique de Mme Milly-Scint

ILe dimanche matinLe fifre et le tambourSur un air de potinAnnoncent qu'en ce jourLe dunkerquois heureuxVa fêter le retourDu Carnaval joyeuxQui réveille l'amour

IICo-Genièvre en avantFait le tambour-majorLa Bande gigotantA tribord, à bâbordDéfile drôlementUnissant dans leur sortLe riche négociantEt le "campeur" du Port

refrainEn chœur amis chantons avec entrain

Tous dans la "Verschebende" entonnons ce refrain :Vive le Carnaval, Et son "beurtje" infernal (bis)

IIIAu roul'ment du tambourLa foule avide accourt"Berguenards" lacérésEt "cleitjes" déchirésFraternisent alorsComme des harengs saursOn se trouve entassésC'est l'instant des baisers

IV"Ciel ! Aujourd'hui mardiDit-on en s'éveillant"Quelle heure est-il ? - Midi- Un peu de mouvementLa Bande, sapristiAu coin d'la rue m'attend,Endossons notre habitEt allons-y gaiement !"

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1406, dépot légal 1907

75

Page 76: chansons d'Eugene gervais

Le refrain de la bande des pêcheursversion originale

sur l'air de la Belle Poissonnière

ILe dimanche matinLe fifre et le tambourSur un air de potinAnnoncent qu'en ce jourLe dunkerquois heureuxVa fêter le retourDu Carnaval joyeuxQui réveille l'amour

refrainEn chœur amis chantons avec entrainTous dans la "Verschebende" entonnons ce refrain :Vive le Carnaval )Le plaisir et le bal ) bis

IILa musique en avantsuit le tambour-majorLa Bande gigotantDans un parfait accordDéfile drôlement

Unissant dans leur sortLe riche commerçantEt l'ouvrier du port

IIIAu signal du tambourLa foule avide accourtVieux pépins lacérésEt "cleitjes" déchirésFraternisent alorsComme des harengs saursOn se trouve entassésC'est l'instant des baisers

IV"Ciel ! Aujourd'hui mardiDit-on en s'éveillant"Quelle heure est-il ? - Midi- Un peu de mouvementLa Bande, sapristiA la porte m'attendHabillons nous, cristi !Et allons-y gaiement !"

Nord Maritime du 22 janvier 1903

76

Page 77: chansons d'Eugene gervais

Tous dans la Vercherbendechanson locale

Musique de Mme Milly-Scint

IDans nos rues, le matinLe fifre et le tambourSur un air très ancienAnnoncent qu'en ce jourLes dunkerquois heureuxVont fêter le retourDu bon prince joyeuxQui réveille l'amour

IICo-Pinard en avantMet ses fifres d'accordLa Bande gigotantA tribord, à bâbordDéfile drôlementUnissant dans leur sortLe riche commerçantEt l'ouvrier du port

refrainEn chœur amis chantons avec entrain

Tous dans la "Verschebende" entonnons ce refrain :Vive le Carnaval , Et son "beurtje" infernal (bis)

IIIAu roul'ment du tambourTous masqués on accourt !"Berguenards" lacérésEt "cleitjes" déchirésFraternisent alorsComme des harengs saursOn se trouve entassésDes zotjes sont lancés !

IV"Ciel ! Aujourd'hui mardiDit-on en s'éveillant"Quelle heure est-il ? - MidiC'est l'moment d'être vaillantLa Bande, sapristiTout près du Minck m'attendHabillons-nous cristi !Et allons-y gaiement !"

Nord Maritime du 28 février 1927

77

Page 78: chansons d'Eugene gervais

Le régiment des joyeux drillesou les soldats de fer banc

air : le Régiment de Sambre et Meuse

INous ignorons de la mitrailleL'œuvre de mort. Notre drapeauN'affronta jamais la batailleEt n'entrouvrit aucun tombeau.Le rire est la chanson guerrièreQui nous entraîne aux doux combatsEt nos victoires éphémèresNe sont que d'amoureux ébats.

refrainLe régiment des joyeux drillesMarche toujours conduit par la gaietéEt dans les bras des jolies fillesIl se grise d'amour et de beauté.

IILes sans-culott's prir'nt la BastilleVêtus de loques, en sabotsSur les lèvres fraîches des fillesNous ne prendrons que des bécots.

Nous somm's engagés volontairesDans l'bataillon des rigolos.Pour les besognes meurtrièresNous n'avons sabres, ni flingots !…

IIIPas de clairon qui s’époumoneDe cris de guerr' ni de sanglots ;Pas de canon qui crache et tonneIl nous manque que l'étoffe des héros …Joyeux soldats de mascarades,Nous dédaignons les vains hochetsRevu's musiques et paradesNous restons près d'nos bell's choyés

dernier refrainSoldats d' fer blanc, de fantaisieD'l'esprit gaulois nous sommes les

chevaliersNous célébrons l'bonheur la vie.

Rosendael le 20 août 1911Eugène Gervais chansonnier dunkerquois

Nord maritime du 1er septembre 1911

78

Page 79: chansons d'Eugene gervais

Le retour de Mimi Pinsonromance populaire

D’après une des scènes de la Vie de Bohème, d’Henri Mürger, musique à faire

IComme l'oiseau meurtri recherche son bocageTu reviens, frissonnante, au nid de nos amours.Retrouver le bonheur, Miette au cœur volage.L'insouciante gaieté de nos premiers beaux joursPourquoi venir troubler mon humble solitude ?M'implorer à genoux, demander ton pardon ?De ton lâche départ, je prendrais l'habitude.À ma douleur, vois-tu, succéda la raison.

refrainPourquoi pleurer, pourquoi tant de tristesse ?D'autres baisers ont bien su te charmer …Tu fus le deuil de toute ma jeunesse.Mimi, je crois qu'on peut mourir d'aimer

IIJ'eus un profond chagrin, Mimi, de ton absenceDepuis ce temps, mes jours n'ont plus de soleilMes traits se sont flétris, creusés par la souffranceOh que longues nuits, j'ai passé sans sommeil.Tu comprends mon martyre et tu verses des larmes !Hélas ! mon pauvre cœur a tant de fois pleuréEn ce triste moment, que lui font tes alarmesDe ton charme cruel, mort, il est délivré.

IIITu reviens, me dis-tu, tremblante sous l'orage,Murmurer : j'ai souffert et je n'aime que toi !Cependant, sans pudeur, reniant ce langageCombien de fois Mimi, ton cœur changea de loi ?Je souris, maintenant, des serments, des mensonges.J'ai compris que l'amour, après tout, n'est qu'un mot.Les frissons, les baisers, les aveux, de vains songes …Et mon cœur s'est brisé dans un affreux sanglot.

Rosendael le 16 décembre 1912Eugène Gervais chansonnier dunkerquois

Nord Maritime du 19 décembre 1912« La chanson populaire. - Le bon chansonnier dunkerquois Eugène Gervais, nous adresse cette jolie romance sentimentale que nous nous faisons un véritable plaisir de publier. Nos lecteurs en apprécieront les qualités littéraires, la grâce et l’originalité. »

79

Page 80: chansons d'Eugene gervais

Retour du cœur

Sur l’air de : Fais dodo, mon pauvre gosse

IJ’avais donné mon cœur, toute mon

âme,Mes rêves d’or, mes vingts ans et leur

flamme.Je me jurais de l’aimer de longs jours,De l’adorer longtemps, toujours, toujours.Mais un beau soir, un rien, une bétise,A brisé tout et mon cœur agonise.Mon pauvre cœur oublions ses grands yeux,Ses grands yeux noirs, profonds,

mystérieux.

refrainOn se voit, on soupire,On échange un sourire,Et deux yeux, deux grand yeuxVous troublent de leurs feux.Dans une main mignonneUne rose de donne.Ces mots : Monsieur merciFeront votre souci.

IIOn croit alors avoir compris la femme,Quoi, l’oublier, ô ce serait infâme !Dans ses pensées chante un nom

délicieux,Un nom de rêve et toujours

harmonieux ;On jure d’aimer, ne vivre que pour elle.Oui sa passion sera bien éternelle.Mais un beau soir, un rien, mais

presque rien,Brise le cœur et change le destin.

refrainOn se boude, on s’évite,On sanglotte, on s’irrtite.Les ans suivent les ans,Se fanent les printemmps.On est fou à cet âgeD’avoir eu du courageEt le Dieu des AmoursVous torture toujours.

IIIUn soir d’hiver on revoit sa compagne,Elle est mariée, un enfant

l’accompagne.On s’étonne, on se retrouve enfin.Puis franchement on lui serre la main,On l’appelle Madame avec emphase,Sans y penser on la flatte d’une phrase.Retour du cœur, on contemple ses

yeux,Ses grands yeux noirs, meurtris et

douloureux.

refrainDans la rue on se cause,On parle d’autre chose,De la pluie ou du vent,D’un roman émouvant,Simplement, on se quitte.On se revoit ensuite.Quand sourit le PrintempsOn devient son amant.

Dans le recueil des œuvres des chansonniers du Peudre d’Orautre version : L’éternel pêché

80

Page 81: chansons d'Eugene gervais

Rêve du matelotou les naufragés de l'Abeille

romance dramatique et réalisteHommage aux veuves et aux orphelins de l'Abeille

sur l'air : Elle n'était pas jolie de Christiné

ILà sur le pont le matelot contempleLe soleil rouge endormit dans les flots :Et, tout à coup, voilà que son cœur

tremble,Car dans un rêve il revoit ses marmotsSa femme est là sanglotante, elle prie,Et les petits interrogent, tremblants :« Pourquoi ces pleurs ? réponds mère

chérie,Essuie tes yeux, embrasse-nous

maman. »

refrain« Mes petiots, cruelle est la vie ! La vie !Vous êtes orphelinsQue feriez-vous demain ? oui demain ?Sous les flots et bien loinVotre père a péri …Pauvres petiotsAh cruelle est la vie ! …

II

Triste et songeur, toujours l'âme endeuillée,

La barre au poing le matelot rêvait …Et, cependant, dans la nuit étoiléePas un nuage et la lune brillait …Quand, brusquement, en un bruit de

rafale,L'eau, s'engouffrant, envahit le

bateau !« Sauve qui peut ! » on entend dans un râle« Nous abordons ! à la mer le canot ! »

IIIDouze sont là sous la vague en furieLeur pauvre corps est bercé par les

flotsPas une tombe où l'on pleure, où l'on

prie …Où la douleur s'exhale en un sanglot ;Mais vous avez dans nos cœurs une

place,Le souvenir éternel y fleurit,Malgré les ans, il restera vivace :Dormez en paix sous la mer, votre lit …

Eugène GERVAIS le 30 août 1907

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1430, dépot légal 1907

81

Page 82: chansons d'Eugene gervais

Le rêve du matelotchanson dramatique et réaliste

Hommage aux veuves et aux orphelins des marinspéris ou perdus en mer

sur la musique : Elle n'était pas jolie de Christiné

IPrès du grand mât le matelot contempleLe soleil rouge endormit dans les flots :Soudainement son cœur de marin

tremble,Rêve affolant ! il revoit ses marmots …Sa femme est là, douloureuse et

meurtrieEt les petits interrogent, tremblants :« Pourquoi ces pleurs ? réponds mère

chérie,— Sèche tes yeux, embrasse tes enfants

refrainMes petiots, cruelle est la vie … La vie !C'est l'arrêt du Destin !Vous êtes orphelins, sans soutienVotre père est bien loinSon âme est endormieMes chérubinsSous la mer infinie

IIPar cette nuit, toujours l'âme en

détresseÉtant de quart le matelot rêvaitUn doux zéphyr prodiguait sa caresse...........................................................Quand, brusquement, en un bruit de

rafale,L'eau s'engouffrant submergea le

bateau— On coule à pic ! cria-t-on dans un

râleTout est perdu… le navire prends l'eau.

IIIVois toi qui dors sous la vague jolieDans le linceul frangé des matelotsLa providence, une femme supplieAgenouillée, étouffant ses sanglotsC'est ton portrait en pleurant qu'elle

embrasseVeuve éplorée, elle porte sa croixTon souvenir reste constant, vivaceTon cœur d'époux a conservé ses droits.

Rosendael le 28 mars 1913 Eugène Gervais

82

Page 83: chansons d'Eugene gervais

Les richeschanson réaliste

IL'argent n'est-il pas Dieu sur terre ?Quand on est riche on a pas de défautsOn est aimé, respecté du vulgaireEt quelquefois adoré par des sotsL'Honneur se vend au poids de la galette,Avec de l'or on est bien vu de tousPauvres rêveurs - chansonnier ou Poète- )Sans le pognon vous n'êtes que des fous ) bis

IIVous avez tort - compagnon de misère-De juger l'homme à son nombre d'écus ;La fortune a la conscience légère,Maquille bien les vices en vertusTous les richards ne sont pas inutiles,Oui, j'en connais de très bons, voyez vousMais, dans le tas je vois des imbéciles )Ne sont-ils pas des hommes comme nous ? ) bis

IIITous comme nous, n'ont-ils pas un visageQui va du front, du nez jusqu'au menton ?Tous comme nous, pour un certain usageN'ont-ils pas un nez gros, court ou long ?Tous comme nous, il mangent par la boucheBoivent leurs vins tous par le même trou ?C'est par le nez qu'un millionnaire se mouche )Ne sont-ils pas des hommes comme nous ? ) bis

IVTous comme nous, vous les voyez malades,Très alarmés, ils veulent se guérir,Malgré leur or, leurs honneurs et leurs gradesTous comme nous ils ont peur de mourirTous comme nous, un beau jour ils périssentEt du Destin ils subissent les coupsQuand ils sont morts, dans la terre ils pourrissent

)Ne sont-ils pas des hommes comme nous ) bis

VVous qui de l'or possédez la puissanceNe prenez plus ces airs trop arrogantsFaites le bien, encouragez la ScienceEt du Progrès, soyez les artisansTendez la main à celui qui turbine,À votre frère épuisé par l'effort Si, pauvre gueux, dans la dèche il chemine, )

83

Page 84: chansons d'Eugene gervais

Ce sont ses bras qui gagnent tout votre or ) bis

Cité dans le Nord maritime du 27 avril 1905Bibliothèque Nationale 4° Ye 1435

84

Page 85: chansons d'Eugene gervais

Riretteromance populaire

air de valse, musique à faire

IParle, franchement, sans faiblesse ;Riri, ne fait pas de détours.Dis-moi : — Ta pauvreté me blesseIl me faut de jolis atours —La vanité corrompt ton âmeElle causera ton malheurL'amour qu'on paie est chose infâmeLe vice même à la douleur

refrainRiri, je garderai toujoursTout le parfum de nos amoursTu seras lasse, un beau jour de mentir.Tu me diras : — j'eus le tort de partir —Mais je saurais cacher mon cœurSous un rire froid et moqueurRiri ! Rirette !

IIÀ te parler, s'enfuient les heuresMon joli rêve va cesser— Mais qu'as-tu donc, Riri, tu pleures.

En donnant le dernier baiserRegrettes-tu notre chambretteQu'au printemps tu parais de fleursSerait-ce le passé, RiretteQui perle tes beaux yeux de pleurs ?

IIITu seras seule, en ta détresseParmi la foule d'inconnuPlus tard, inconstante maîtresseLorsque les ans seront venus.Tu pleureras l'ami sincèreQue tu vas quitter aujourd'huiDans l'abandon de ta misèreTon pauvre cœur ira vers lui …

refrainRiri, je garderai toujoursTout le parfum de nos amoursÀ l'âge triste où l'on songe à mourirTu comprendras ce que c'est que

souffrirC'est alors, qu'indulgent, mon cœurNe rira plus froid et moqueurRiri ! Rirette !

Rosendael le 12 janvier 1913Eugène Gervais chansonnier dunkerquois

Nord Maritime du 16 janvier 1913« La chanson populaire. - Nous constatons que le chansonnier populaire dunkerquois, Eugène Gervais, excelle dans l’art de la chanson sentimentale. il ne lui manque que la collaboration d’un musicien de valeur pour prétendre aux succès les plus flatteurs dans ce genre. Il est évident, qu’écrite sur une musique nouvelle, au rythme agréable et berceur, les vers harmonieux de la délicate romance que nous publions ci-dessous seraient sur toutes les lèvres - Un ami du Barde. »

85

Page 86: chansons d'Eugene gervais

Le roman d’une petite cochère parisiennefantaisie d'actualité

Air : je te l'ai refait

IPlace de l’Étoil' Ninon stationnaitAvec un p'tit fiacr' vernis, peint en

jauneElle était "gironde", on la reluquaitLa petite avait des yeux de madone

refrainVa mon bourgeoisJ'ai l'œil et l'doigtJe vais te conduire en sapinEt sans verser sur le cheminOn fileraMon petit ratHue ! "Cocotte" à MénilmontantVoilà mon dixième client

IILe fiacre roulait, "cocotte" filaitNarguant les bâtons des sergents de

villeNinette faisait claquer son fouetPour ell' se garaient les automobiles

IIIMais à mi-chemin "cocotte" se cabraN'voulant rien savoir de la cours'

lointaine- Hein ? fit le client ! pas de blagu'

comm' ça-Je n'ai pas envi' d'plonger dans la Seine

IV"Cocotte" refusant d'avancer d'un pasNinon remisa le fiacre avec sciencePuis dev'nu galant, l'bourgeois dit

comm' ça :Voulez vous souper, madam' l'heur'

s'avance

VOn sabla l'champagne -c'vin des

aristos-Quand vint le dessert, l'soupeur devint tendreIl lui murmura : mon p'tit coco !Ah ! si tu voulais un peu me

comprendre

VIDans l'gentil dodo ce fut délicieux !Rien que d'y penser l'eau m'vient à la

boucheL'aube se leva sur les amoureuxDouillett'ment blottis dans la tiède

couche

VIILe mariage eût lieu faubourg Saint

GermainNinette cochère est une comtesseVous voyez, mesdam's qu'un pauvre

sapinConduit, sans verser, aux folles ivresses

Cité dans le Nord Maritime du 17 mars 1907Bibliothèque Nationale 4° Ye 1408

86

Page 87: chansons d'Eugene gervais

Les romanichels

air : la Danse du Ventre

À la grande joie des gosses, les romanichels font danser un ours magnifique et chantent :

ILe chef v’nait d’commander : “Dressez là vos abris,Tous, vous y camperez, mes frères, jusqu’à l’aurore”Soudain, près du sentier, de sal’s flics mal apprisNous firent déguerpir et nous filons encoreExpulsés des villesPar de farouch’s sergotsNous traînons nos guenilles.Bagag’s, marmots sur l’dos,Nous somm’s libres sur terre.Nous narguons la misère !D’la place aux chemineauxQui vont par monts, par vaux.Pourquoi tant de manières ?Tous les hommes sont frères,Sous la calott’s ds cieux.Nous somm’s égaux mill’dieux !

refrainHé ! Martin mon vieux frèreDanse-nous la MouquèreTout comm’nous, mon poteauTu crèveras dans ta peau !

IIBraves gens de cités, des bourgs et hameauxNous avons maints secrets qui font notre puissanceNous pouvons soulager vos douleurs et vos mauxGrâce à notre magie acquis’ par l’expérienceMartha, la brun’ sorcière-Approchez les badauds-Déchiffre tout mystèrePar le jeu des tarotsToi, la dame en toiletteTon époux est cornetteBourgeois qui l’prend d’très hautTu vis d’largent d’un’ dotToi, le gros millionnaireTu met l’vice à l’enchère ;Toi là-bas, l’décoréTu es vendu, taré

IIIVous nous jetez des sous, merci de votr’ bon cœur,Perdu n’est l’bienfait, y a la Saint’-ProvidenceComptez sur cett’ garc’là, vous crèvrez de langueurDevant le buffet vid’ du ventr’, garde à la danseSi tu n’as pas d’braise

87

Page 88: chansons d'Eugene gervais

T’auras en guis’ d’honneurUn’ vie de bâton d’chaiseOù trône la douleurAu pauvre la besace,La Misère qui tracasse,Va donc, eh, purotainÇa n’changera pas d’main,Bah ! pourquoi s’fair’ de la bileLa vie est si fragileTout au bout du cheminQuatre planche de sapin

Jehan la Guigne [alias Eugène Gervais]

Paru dans “La Défense Sociale”

“La police a expulsé des terrains de la route de Bourbourg une bande de romanichels, rempailleurs de chaises, fabricants de paniers et montreurs d’ours. L’état-civil de l’un d’eux a fait découvrir qu’il était sous le coup d’un arrêté d’expulsion. Louis Legrené, 38 ans, de Gosclin (Belgique) a, en conséquence, été conduit au Parquet (nos feuilles locales et bourgeoises)”

88

Page 89: chansons d'Eugene gervais

Les satyres sont graciésou le roman d'une pauvre mère

romance dramatique d'actualité à propos de la grâce de l'ignoble Soleilland

sur l'air : Fais dodo, mon pauv' gosse

ISous la dentelle une enfant blond'

repose :Sa maman la contemple toute roseSur ce front d'ange elle pose un baiserPuis, en chantant, ne cessant de

bercer.Dans un journal elle parcourt un crimeLe titre ? -Viol, six ans la victime !-Les yeux en feu, s'approchant du

berceau

Elle répète, étreignant son marmot :II

- Le temps a fui - six ans a la filletteComme elle est belle et grande sa

Juliette !Qu'ils lui vont bien, ses petits souliers

blancsBébé gambade en ses atours charmants De la maman profitant d'une absenceLa gamine vers la porte s'élanceEt, dans la rue, insouciante et jouantL'œil allumé la remarque un passant.

refrainMères, veillez sur vos gosses

Aujourd'hui c'est atroceOn pardonne aux banditsLeurs crim's sont impunisOn se moque des larmesDes parents aux alarmesLes satyres sont graciésPauvres mères, veillez.

III- « J'ai des bonbons, vois-tu mignonne, en poche- « Ne me crains pas, pourquoi bouder ; approcheBébé répond : - « Monsieur je n'en veux pas « Prendre bonbons » a défendu papa »- « Ne t'enfuis pas, je connais petit père« J'aime beaucoup, sais-tu, petite

mère »L'enfant confiante, heureuse, s'en alla

Le soir, le monstre odieux la viola !

IVLe lendemain la mère apprit le crimeQuand elle sut le nom de la victimeTrop ébranlée, sa raison chancelaLa mère est folle … heureux est le forçat Par sa conduite exemplaire et très

bonneA mérité, là-bas, qu'on le pardonneIl est marié, du bagne, libéréEt ses enfants ignorent son passé ! …

Cité dans le Nord Maritime du 20 septembre 1907Bibliothèque Nationale 4° Ye 1432

89

Page 90: chansons d'Eugene gervais

Simple causerie

Mes amis, lorsqu’un journal, un de ceux que l’on qualifie de “Grandes Informations”, vous tombe sous la main et que vous le parcourez après votre labeur, vous n’y lisez qu’entrefilets vous entretenant d’incidents franco-allemands, appels au patriotisme, armements, etc. Les rédacteurs de ces feuilles soi-disant populaires bâclent leurs articles comme un apothicaire ingénieux et roublard maquille une annonce pour sa pommade mexicaine ou hongroise “qui fait pousser la barbe et la moustache même à quinze ans”.Ces tâcherons de la presse turbinent à autant la ligne et se désintéressent que peuvent produire leur ponte quotidienne et leurs élucubration professionnelles.La majorité des lecteurs lisent sans analyser, acceptent comme une chose indubitable ce qui est imprimé.Comment voulez-vous qu’un rédacteur du “Matin” ou du “Petit Parisien” puisse débiter des âneries ?Et c’est ainsi que la classe proléta-rienne s’abrutit : toute sa capacité in-tellectuelle, tout son entendement sont contenus dans le format de son journal, y compris les annonces.De ce fait, le lecteur bénévole des journaux à grands tirages est amené à rester sans volonté, inerte et n’ayant aucune opinion vraiment personnelle.Cependant tout être humain peut et doit discuter. Tous et toutes nous possédons un cerveau, une faculté de raisonner. Le degré d’instruction n’a rien à voir dans cet apanage cérébral.Des esprits généreux tentent depuis quelque temps le rapprochement franco-allemand. Pourquoi le prolétaire allemand ne tendrait-il pas franchement la main à son voisin le français ? Les Francs, nos ancêtres n’étaient-ils pas de race germanique ? Sommes-nous responsables nous, les gueux, de la malheureuse guerre de 1870-71 ? N’est-ce pas les dirigeants d’alors qui ont lancé à la tuerie et au carnage les

deux peuples nés pour s’unir. La qua-druple alliance Allemagne, Angleterre, France et Russie serait un grand pas vers la paix universelle et le désarmement général. Et nous socialistes, nous révolutionnaire, nous crions à pleins poumons : Vive l’entente cordiale Franco-Allemande !Les allemands n’ont pas la haine des français. J’y ai fait un court séjour dernièrement et je fus touché de la façon amicale dont on m’a reçu dans les milieux ouvriers.Mais voilà, nos dirigeants disent au peuple dès l’école primaire : Vois-tu cet homme, il est coiffé d’un casque à pointe, c’est un prussien, tu dois le haïr. Inutile de discuter. Et si demain les mêmes dirigeants, guidés par un changement de politique, lui assurent qu’il peut considérer le même prussien comme son ami, le bon peuple qui a pris la Bastille gueulera : Vive L’Allemagne !L’entente cordiale n’en est-elle pas la preuve ?Une autre antienne : la repopulation. La France se meurt. Un danger natio-nal, telles sont les manchettes sensa-tionnelles qui s’étalent aux premières pages de nos grands quotidiens.Ceux qui “expédient” ces articles nous donnent-ils de l’argent pour nourrir et élever les mioches ? Non, n’est-ce pas ? Eh bien ! alors, qu’ils nous foutent la paix, nos femmes et nos maîtresses feront la “grève des ventres”.Pourquoi les “belles madames” ne sauvent-elles pas la situation… intéressante ? Ce serait du patriotisme cela ou alors j’y perdrai mon latin que je n’ai jamais appris. Quel beau rêve ? Toutes les femmes fortunées mères avec des nuées de berceaux garnis de rubans et de dentelles. Des amours d’enfants bien portants qui plus tard deviendraient de beaux mâles pour défendre la France contre l’envahisseur. La Marseillaise S.V.P. quel beau sang rouge, le jour de la boucherie, ruisselant sur les champs de

90

Page 91: chansons d'Eugene gervais

batailles ! Les ouvriers sont-ils vrai-ment dignes de défendre le sol sacré de la Patrie ? Ne sont-ils pas la plupart des brutes et des alcooliques ?Mais qu’y a-t-il donc, messieurs, vous faites la grimace ?Ah ! il vous faut de la chair à canon, à travail et à plaisir. Il serait illogique, dites-vous, que vos délicieuses épouses aux corps graciles et menus, fassent cette vulgaire et infamante besogne.Eh bien, apprenez que nous ne mar-chons plus, nous connaissons ces se-crets pour procréer en conscience. Nos femmes, nos maîtresses ont droit à l’amour, au frisson charnel, à la joie d’être étreintes sans appréhension aucune. Ce n’est pas vous, Messieurs les repopulateurs à la manque, qui avez inventé l’amour ? Pourquoi en

connaîtriez-vous toutes les douceurs ?Nous savons maintenant qu’il est simple de s’aimer sans contrainte. Nous pouvons sentir notre chair palpiter dans un contact délicieux sans être obsédé du cauchemar d’enfanter un paria.Et notre acte d’amour est dorénavant un acte de vengeance et de réparation. Un jour, vous ne trouverez plus de bras pour travailler à vil prix, de belles filles pour se vendre et de soldats pour s’entr’égorger. A cette époque qui est toute proche, la classe ouvrière sera une classe d’élite, les dirigeants verront, avec effroi, leur puissance s’effondrer. Une sélection s’imposera et le producteur intelligent jettera enfin sur les assises de la Société régénérée et réconciliée les bases de la cité d’harmonie et de bonheur.

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

91

Page 92: chansons d'Eugene gervais

Supplique d’amantromance

air : Vous êtes si jolie

IDepuis de bien longs joursO ma divine belle !Dans mes rêves toujoursJe vous revois cruelleVotre cœur de vingt ansToute votre jeunesseOui, je sais, par instantÀ besoin de tendresse

refrainJ'implore à vos genoux )À genoux je supplie )Pourquoi me torturer )Pourquoi briser ma vie ) bis

IIPar un soir de printempsO souvenir de l'âmeJe vis vos trait charmantsJe pressentis la femmeLa saveur du baiserOù se puise l'ivresseEt je voulus aimerJ'ai connu la tristesse

IIICalme, descend la nuitDans l'ombre tout reposeMon pauvre cœur gémitUne plainte moroseUne chanson d'amourD'angoissantes détressesQui semble faite pourAttirer vos caresses

IVO ciel vous soupirez !Et vous tremblez coquetteVos yeux se sont voilés D'une larme discrèteDites puis-je espérerLa fin de mes alarmesEt dans un long baiserMe griser de vos charmes

dernier refrainJ'implore à vos genoux )À genoux je supplie )Dites, puis-je espérer )Et renaître à la vie ) bis

Dunkerque le 30 avril 1904In recueil des œuvres des Chansonniers du Peudre d’OrBibliothèque Nationale 4° Ye 1418

92

Page 93: chansons d'Eugene gervais

Sur la dune le soircantilène nocturne

musique de M. A. Ouslant professeur de musique à Dunkerque, ces vers peuvent se chanter sur un des airs les plus connus de "La Fille de Mme Angot"

ILa pêcheuse s'apprêteÀ tendre ses filetsDéambulant, coquetteNu-pieds sur les galetsElle a dans son sourireDans ses gestes souples, nerveuxLa vague qui se mireAu pied du phare aux mille feux

refrainSur la duneQuand la luneBlafardeÀ la bruneOpportuneTout nous invite à rêver

IILe soir, près du rivageDes fils de matelotsGambadent sur la plageFrôlant de près les flotsTels, les gars de BretagneÀ la mer on les a promisElle sera la compagneQui fait quitter les cieux amis

IIIOn ressent son cœur ivreAlangui de douceurEt notre âme se livreAlors au flot berceurLa nuit sombre s'avanceLa grève a de touchants accentsOn écoute en silenceLa voix plaintive des absents

Rosendael le 21 avril 1913

Nord Maritime du 16 mai 1913

93

Page 94: chansons d'Eugene gervais

Titine ou la môme des lascarschansonnette réaliste

Paroles et musique d'Eugène GERVAIS

ITitine est une cocotteUn'poupée de grand prixQue fréquent'nt les gens d'la hauteCascadeurs et dandysQuand on lui paie le champagneElle exhibe ses molletsSes deux p'tits citrons d'EspagneCoquin'ment retroussés

refrainNous, les lascars nous l'appelons la

gosseJoujou mignon pour la haut' noceL'œil folichon, aguichante, un peu

rosseElle est la fleurDu tout viveurEt dans Dunkerque on la nomme TitineEll' n'est jamais dans la débineMinois mutin, un p'tit air de gamineEll' fait l' bonheurDu vieux marcheur

IITitin' gobe les athlètesLes ratés, les acteurs ;Mais elle préfèr' les gens bêtesCar ce sont les meilleursIls aboul'nt la bonn' galetteLes cadeaux pleins d'valeurExpédiés ell' fait dînetteAvec ses amants de cœur

IIITitin' poussa la romanceUn soir au "Peudre d'Or"Ah ! son succès fut immenseJe m'en souviens encor :Un'poir' s'approchant d'elleLui dit ces mots brûlants :"Je vous adore ma belle"Titin' montra vingt francs

IVTitine a de bell's toilettesDes toilett's ? à quoi bon !Quand on a les mollets chouettesPas besoin d'ça, cré nom !Titin' connaît sa grammaireLe piano ma foi, Et quant à l'Amour, ma chèreLe calcul est sa foi

VTitin' connaît l'coup d'la s'cousseQui s'pratique au coucherLa caress' savante et douceQuand "l'gros chou" va cracherDans l'béguin, très bonne filleCœur ardent, généreuxUne flamm' dans son œil brilleEt vous rend amoureux

Citée dans le Nord Maritime du 28 octobre 1906Bibliothèque Nationale 4° Ye 1393

94

Page 95: chansons d'Eugene gervais

Un berguois assassinou la tragédie de Tourcoing

complainte d'actualité

sur l'air : L'heure du bandit

IFils d'une honorable familleIl a quitté le droit cheminTenté par l'or, qui damne et brilleLe misérable est assassinComme une brute, avec ivresseMarteau au poing, il a bondiLâche, assommant dans leur faiblesseDeux pauvres femmes, le bandit !

refrainMalgré leurs plaintesMalgré leurs crisMonte sans crainteLes poings crispés, meurtrisIl a frappéRageusementIl a tuéAveuglé par le sang

IISa tante, une dame très bonneL'adorait comme son enfant,Elle avait soin de sa personne,Pleurant sur ses égarementsLasse à la fin d'être dupée,De souffrir pour un tel ingrat,Sa porte, un jour, lui fut ferméeEt de se venger il jura …

IIIJe veux ce soir faire la fêteJe désire beaucoup d'argentJe suis en froid, cela m'embêteAvec la "vieille" en ce momentChouette idée ! elle est partiPar un carreau nous passerons,Nous nous paierons l'argenterieQu'on nous dérange, nous rirons ! …

IVIl est entré dans la cuisineA pris le pain dans le buffet :« Je suis, dit-il, en partie fine« A nous jambon et vin clairet !Quand tout à coup dans l'autre placeIl vient d'entendre un léger bruitLa porte s'ouvre et face à faceDeux femmes sont là devant lui

VIl faut punir ce misérableAuteur de ce forfait odieuxOn dressera pour le coupableLa guillotine au jour brumeuxDans ton cachot pleure tes crimesEt repends-toi devant DieuMais par le sang de tes victimesDeibler nous vengeras sous peu.

L'auteur de cette complainte évoque, à dessein, ce juste châtiment dont il est d'ailleurs, le partisan convaincu.

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1439, dépot légal 1907

95

Page 96: chansons d'Eugene gervais

Un joyeux rêverigolade dunkerquoise

IJ'ai rêvé l'autre jourQue, rev'nus d'un concoursLes nichons en balladeS'payaient un'rigoladeJ'en vis des gras, des gros,D'autr's comm' des noix d'cocosEt le cœur plein d'entrainJe chantais ce refrain

refrainDans la rue de l’ÉgliseLe nichon électrise ;On l'pinc' soir et matinDans la rue des BassinsDans la rue FaulconnierY a pas besoin d'corsetOn l'passe à l'amidonEt c'est pour ça qui s'tient d'aplomb

IIJ'allais droit devant moiRue Alexandre-TroisLe nichon d'un'nourriceM'a dit :- "Toi qu'a du vice !J'suis plaqué d'puis c'matinPar mon p'tit fantassinJe veux me consolerGervais, où dois-je aller ?

refrain-"Au cinématographeTombe plus d'une agrafe :Au chang'ment de tableauOn joue du diabolo !La lumière s'éteintOn y passe la main … !Va donc au cinémaTu rigol'ras mon petit rat

IIIArrivé rue du QuaiJ'me cogn' contre un nénéQui me dit :-"Mon p'tit pèreJ'suis celui d'ta bell'-mère"J'ai répondu :-"Mon vieux,Tu n'as pas froid aux yeuxDe t'balader ainsiT'es sal'ment défraîchi"

refrainDans la rue de St-GillesY "z'étiont " en familleLes bell's mèr's en goguettes"L'aviont" comm' des lavettesDans le "Sinte-Jacques-Portche"J'ai vu donner un "Zotche"A un nichon doduQui s'piquait pas de vertu

IVQuand la nuit fut venueJ'avais comm' la berlueD'avoir vu tant de choses, Des nichons blancs et rosesD'bonheur, je titubaisQuand sans le faire exprèsJ'me suis trompé d'cheminJ'ai rigolé, matin !

refrainTout près d'une caserneY avait "rien qu'ça" d'lanterne !Là pour les reluquerJ'ai du rud'ment casquerQuand j'n'avais plus d'pognonJ'"darais" sur le "bâton"L'poddingu' que j'me suis dit :C'est comm' le beurr', c'est hors de prix.

Citée dans le Nord Maritime du 17 novembre 1907Bibliothèque Nationale 4° Ye 1444

96

Page 97: chansons d'Eugene gervais

Une entrée chez les fauvesPoème

Un silence angoissant plane sur l'assistance :Une femme, une enfant, apaisera bientôtLe regard clair et droit, le front haut, sans défianceDes fauves la fureur, doucement, par un mot

Elle entre … Crocs aigus la machine voraceLa hyène dans un coin semble se résigner ;Le lion majestueux devant la grille passeRageur et rancuneux, hurle le loup servier.

Elle entre. « Travaillons les vilains, soyons sagesOh fi ! les paresseux nous allons commencer »Cette voix douce et ferme a su dompter les ragesDe meilleure façon que le cinglant fouet

Tigres, hyènes, jaguars franchissent les obstacles :Le lion -Roi du Désert- restera prosternéLa douceur, la patience ont créé ces miracles,Le mépris de la mort, la froide volonté.

Je suis plein de respect pour ces gens héroïquesQui sans affectation affrontent le dangerLeur mystérieux pouvoir, leurs gestes héroïquesProuvent que Dieu nous fit sur terre pour régner.

Nord Maritime du 5 janvier 1903

97

Page 98: chansons d'Eugene gervais

Une histoire d’amour au bord de la merchanson

Air : Voyez donc, ce petit gamin

IDans un bourg au nom argentinOù le sable est d’or, où la mer est belleDans un bourg au nom argentinOn conte à l’oreille un mignon potin :Une brune très piquanteA la taille provocanteAurait offert à son mariUn cadeau dont on a souri

IIDans un bourg au nom argentinQuand le soleil luit, l’Amour étincelleDans un bourg au nom argentinIl est un jeune homme au cœur très

humainAu regard plein d’éloquenceIl pressentit la souffrance,Et par un ravissant matinDe Suzon devint le béguin

IIIDans un bourg au nom argentinIls se prodiguaient de folles caresses.Dans un bourg au nom argentinGenêts et ajoncs en furent témoins.Hector disait : “Mon amante,“Viens dans mes bras frissonnante,“Redisons le duo divin“Du baiser chantons le refrain”.

IVDans un bourg au nom argentinVous qui m’écoutez, que le plaisir

guetteDans un bourg au nom argentinCe petit conseil vaut un parchemin :Si désir à midi veut naîtreDe rideaux voilez la fenêtre…Les rêveurs pour les amoureuxSont des gens parfois dangereux.

98

Page 99: chansons d'Eugene gervais

Une nuit au "cotche"histoire drolatique dunkerquoise

chantée par M. Charles Delodder de Roubaix sur l'air : Pleure pas pour ça

IQue nous étions gaisUn p'tit verr' dans l'nezBras dessus, bras d'ssousNous chahutions comme des fous :Le refrain joyeux"Va laver tes yeuxAvec du "poddingue" !Était l'signal de notre bringueMinuit sonnait au vieux beffroiQuand, jugez un peu d'notre émoiDeux "cotr's" surgir'nt en tapinois

refrain« Halte ! vot' nom, vot' domicile ?« Nous ne somm's pas des bleus,« Mill' pétards de morbleu !« Voyez en nous des sergents de ville,« Venus pour vous coffrer,« Car l'ordre vous troublez »

II« D'où sortez vous donc« Hé ! le petit blond ? »Fit un cotr' bourruQu'avait quelques galons en plus,« Je viens des bains d'mer« Respirer le bon air« Sur la digue un brin,« J'ai fait sécher mes escarpins- Vous vous moquez d'l'autorité,« C'n'est pas l'moyen d'atténuer« Votre cas plein de gravité »

refrain« Empoignez-moi ce personnage,« Malfaiteur dangereux« Criminel audacieux« D'Van den Bogaert, c'"ventche" à

l'visage« Pour plus de sûreté« Les m'nott's vous lui mettrez »

IIIAu "cotch'" v'là l'chiendent !L'frèr' fit un boucanUn sacré pétardA réveiller le brav' Jean BartCris, imprécationsTroublèr'nt l'violonBref, on se s'rait cruDans la bande un jour de chahut

« Ferm' ta boîte, vil assassin !« Pilier du bagne ! galérien !« Monstre rouge du sang humain ! »

refrain« On va dresser la guillotine ! »Hurlait le brigadierDev'nu enragé« C' "zouatt'larh" faudra qu'on l'extermine« Deibler, un typ' costau,« Lui coup'ra l'ciboulot »

IVUn autre copainQu'était un lapinDans cett' sale affaireSe débina sans plus d'mystèreIl prit subitoLe vol d'une autoPuis, hors de danger,Il conclut d'un ton guilleret :« Je suis à l'aise, maintenant« Ya pas d'erreur, j'ai fichu l'camp« Et mon copain est foutu d'dans »

refrain« Pleur' pas pour ça, vieux camarade« A l'Hôtel des Fayots« J't'enverrai des mégots« J'te laiss'rai pas dans la panade« On va se cotiser« Pour le "potche-café" ! »

VL'aventure mes vieuxS'termina bien mieuxAu soleil levantJ'allai trouver mes brav's agentsAprès un discoursSu'l' podingu', l'amour,L'brigadier m'dit : « Bah !« C'était l'effet du "jus d'tabac" ; « Nous n'allons pas verbaliser« Nous somm's des brav's gens, vous

savez« Mais aux copains vous leur direz :

Morale« Vous qui gobez la rigolade« Chanter après minuit« Cela cause de l'ennui :

99

Page 100: chansons d'Eugene gervais

« Ce n'est pas l'heur' d'un'sérénade« Qu' un'nuit au violon

« Vous serve de leçon »

Bibliothèque Nationale 4° Ye 1412, dépot légal 1907

100

Page 101: chansons d'Eugene gervais

Va laver tes yeux !scie dunkerquoise

IIl existe un mot nouveauEpatant et rigoloChaque instant soir et matinOn l’répète avec entrainTout joyeux,Rich’s et gueuxEntonn’nt à qui mieux-mieux,Vlan !

refrainVa laver yeux avec du “poddingue”, T’auras des corinthes (bis)

IIA la brum’ rue de l’EgliseJ’accoste la p’tite EliseJe lui dis amoureusementUn p’tit “sotje” belle enfantV’la t’y pas qu’ s’retournantEll’ m’envoie ce bonimentVlan !

IIIDans un garni fort douteuxUn vieux marcheur tout gâteuxEssayait de s’allumerQuand soudain sous le sommier,Une voix de stentorLui cria : “j’y vais Victor !”Vlan !

IVRue des Pierres, certain soirUn “english” sur le trottoir

Emu par quelques flaconsParlait de boxe et chaussonUn bon drille amuséLui dit : “Je vais te calmer”Vlan !

VA l’hôtel des haricotsLe grand maître des Fricots,Pris d’un malaise inquiétantFit entendre un gémissementUn gardien rouspétantDit : “mon vieux, tu p… sal’ment”Vlan !

VIDeux jeunes mariés amoureux,Dans l’ardeur des premiers feux,S’enlacèrent étroitement ;Quand survint la bonn’-maman ;Le mari, très vexé,Lui lança ce petit trait ;Vlan !

VIIJe termine ma chansonEn vous citant ce dicton :“L’enfant de Jean-Bart” joyeux,N’a jamais eu froid aux yeux.Mêm’ devant le danger,Il chanterait sans broncher,Vlan !

Dunkerque, le 15 avril 1904

Citée dans le Nord Maritime du 29 janvier 1905Recueil des œuvres des chansonniers du Peudre d’Or

101

Page 102: chansons d'Eugene gervais

Verdunair : dors, mon enfant

IÇa chauffait dur là-bas sous la mitraille,Quand, à Verdun, nous tenions un secteur,Nous, combattants de l'atroce bataille !Il nous reste une vision d'horreurBois d'Avocourt ! Ô vous ruisseau des Forges !Ô, vous, Mort'Homme ! Ô vous, bois des Corbeaux !Chocs de damnés, terrifiants coupe-gorge ;Remparts de chair, disputés par lambeaux !

refrainVeille, ô Verdun, sur tes humbles victimesPauvres poilus qui mouraient tous les joursSous les sapins dont frissonnent les cimes,L'Humanité les pleurera toujours !

IIGrognards, briscarts, petits gars de l'Active,Dans cet enfer, nous étions réunis.De longues nuits, les nerfs sur le qui-vive,Au fond des trous, face à nos ennemis.Un gaz mortel nous couvrait de son voile,L'obus rageur nous labourait à froid.Et sur nos os broyés jusqu'à la moelle,Le sol s'ouvrait tout secoué d'effroi.

IIIA l'heure grave où l'attaque était prête,Les bons papas qui gardaient la tranchée,Fébrilement serraient la baïonnette,Car ils songeaient que sur la terre hachéePar la torpille et la grosse marmite,Des gars — les leurs — allaient être étendus,Déchiquetés : le canon tapait vite ;La mitrailleuse achevait les poilus !

IVJour désiré du matin de relève.C'était tôt fait de quitter le gourbi,Nous nous disions : « Notre calvaire s'achève,Dépêchons-nous d'enlever le « fourbi ».Dorénavant nous garderons vivaceLe souvenir des mauvais jours vécus,Et, dans nos cœurs, nous tiendrons une placePour les copains qui dorment invaincus

Eugène Gervais-Thiry

Journal non identifié« Les souvenirs de Guerre du chansonnier Eugène Gervais - Notre concitoyen, le chansonnier Eugène Gervais, dont les œuvres sont marquées au coin d’un réalisme vigoureux que les Dunkerquois connaissent depuis longtemps

102

Page 103: chansons d'Eugene gervais

veut bien nous communiquer ses “Souvenirs de Guerre”, impressions du front où le barde local a fait vaillamment son devoir, au 98e d’Infanterie. Nous donnons aujourd’hui la première de ces poésies. »

103

Page 104: chansons d'Eugene gervais

Vers la fin de la crise économiqueou le rêve d’un chômeur

chanson humoristique d’actualité

air : Riquita

INous avons d’puis quelques jours

seulementL’âge d’or dans les usin’s, c’est

charmant,Vers l’progrès l’on s’achemine ;Elle est mort’ la vieill’ routineDans les servic’s tout trépide d’action,On n’parle que d’labeur et d’production,C’est le règn’ des temps nouveauxRénovant tous les travaux

refrainL’âge d’or, mes amis, est venu :C’est fini, le chômage a vécu.Le patron gouverne sa boutique,Il est bon, prévoyant, énergique.L’âge d’or, mes amis, est venu.C’est fini, le chômage a vécu.

ParléChez nos métallos, pour éviter les décevantes occupations de leurs locaux industriels, nos maîtres de Forges transformeront leurs usines en de véritables palaces et assureront à leur personnel le maximum de salaire et de confort.

IILes ponts roulants s’ront peints au

ripolin,Les bureaux seront cirés chaqu’ matin,Les locos s’ront électriques ;Doubles tampons élastiques.Les hors d’heur’s seront payées à cent pour cent,L’ouvrier comme un lord aura d’l’argent.Il deviendra proprioEt conduira son auto !

IIIHélas ! c’n’était qu’un beau rêve

enchanteurJe me réveill’ dans la peau d’un

chômeur.Car frisant la soixantaineOn me refuse à la peine.Tous les partis sont en ébulition.Est-c’le présage d’la Révolution ?Où donc est-il le bon tempsOù l’on célébrait l’Printemps ?

refrainL’âge d’or reviendra, mes amis,L’entent’ se fera dans les partisCar la France un’ nation immortelleN’mourra pas de la crise actuelleL’âge d’or reviendra, mes amis,Quand patrons, ouvriers, s’ront unis.

12 octobre 1936

104

Page 105: chansons d'Eugene gervais

La vielle fillechanson sentimentale

IElle n'est pas belle du toutElle est ridicule surtout

La viell' fille.Elle a les traits jaun's et flétrisLes yeux par les veilles rougis

La viell' fille.Comme les autres elle eut vingt ansRêva tendresse et beaux serments

La viell' fille.Mais les amoureux se sont tusElle était laide et sans écus,

La viell' fille.Elle chercha dans le dévouementUn peu d'bonheur, timidement,

La viell' fille.Elle soutint ses vieux parentsEt fut la joie de leurs cheveux blancs

La viell' fille.

IIAvril sourit. Chargée d'lilasElle trottine a menus pas

La viell' fille.D'elle se moque les gaminsMais ell' fait fi des galopins,

La viell' fille.Un' cloch' tinte. C'est l'champs du r'posEll' pénètre dans l'funèbre enclos

La viell' fille.Sur l'humble tomb' de ses parentsDépos' ses fleurs, rayons d'printemps

La viell' fille.Puis ell' s'en retourne au logisInsensible aux affronts subis

La viell' fille.Désormais quand vous la verrezJeunes gens vous la saluerez

La viell' fille.

Georges Siavreg [alias Eugène Gervais]

Journal non identifié« La bonne chanson. - Sous le pseudonyme de Georges Siavreg un de nos sympathiques concitoyens a eu l’aimable pensée de nous adresser cette chanson. C’est l’élan vibrant et ému d’un brave cœur qui observe et comprend toute la beauté des héroïsmes obscurs. »

105

Page 106: chansons d'Eugene gervais

Voila la Vercherbende qui passe

air : La musique qui passe de Christiné

IQuell' cohue ! on n'peut avancer dans

la fouleDes farceursVous intriguent, gosses et blagueurs !La gaieté vibre, dans l'air éclate et roule,Un' clameurMonte : « V'la la Band' des Pêcheurs ! !On entend : « Ah !« Moi j'aperçois là-bas« V'là : "Co" l'tambour major« Et sa canne à pomme d'or« Écout' donc ? écout' donc ?« Entends-tu le rigodon ? »

refrainLà-bas, là-basElle avance à grand pasVoilà la vercherbende qui passeChacun y vaD'son p'tit entrechat :Jean Bart s'croirait à la ducasseTambours battusEt fifre sifflotantsC'est l'vieux Dunkerque qui chahuteHardi les gars ! Allez-y carrémentSautez joyeusementOn n'meurt pas d'une culbute

IIDominos, Pierrots, Pierrettes, clowns et bergèresVont gaiementBras d'ssus bras d'ssous se

trémoussantL'figuemantjche amorc' sa ligne en vrai pépèreGarnementsHappent l'ham'çon gloutonnementQuand brusquementOn entend un roulementLes gosses subitementLâch'nt l'appât frétillant« Écout' donc ? Écout' donc ?« Entends-tu le rigodon ?

IIILes bons vieux regrett'nt le temps de

leur jeunesseLes ch'veux grisSont le linceul des jours enfuisDans la vie le soir s'estompe de tristesseLes bons vieuxRient d'se sentir des larmes aux yeuxEt chevrotantGrand-père dit : « Grand-maman« T'en souviens-tu du temps« Où nous avions vingt ans ?« Écout' donc ? Écout' donc ?« Entends-tu le rigodon ?

Rosendael le 13 février 1911

Nord Maritime du 28 février 1922, titre : la vierscherbendeNord Maritime du 8 février 1932, titre : la chanson de la verscherbende

106

Page 107: chansons d'Eugene gervais

Le vol de Paulhan

Le moteur ronfle, ronfle … et Paulhan qui s'apprêteEmpoigne le volant pour s'élancer dans l'air ;Le biplan glisse, file, et tel une mouette,Il a franchi l'azur et domine la mer.

L'astre d'or qui se lève, inonde de lumièreLe grand oiseau, là-bas, qui plane sous les cieux.Son vol est magnifique empreint de grâce altière,Sur la dune sans fin, on le contemple anxieux…

Le voyez vous au loin ? Ce n'est plus qu'un atome.Un rien, un frêle esquif emporté par le vent,Et cependant ce rien est conduit par un homme.Le Génie immortel a dompté l’Élément.

O spectacle grandiose ! On a conquis l'espace !Fini le rêve fou, chimère de rêveur,La Science alliée à la sublime audace,Viole le secret de l'azur enchanteur.

Il descend lentement, et l'oiseau gigantesqueS'affaisse sur la grève au milieu des bravos !Il décrit tout léger, savantes arabesques.Et très modestement en descend un héros.

Rosendael, le 7 août 1909

Nord Maritime du 10 août 1909

107

Page 108: chansons d'Eugene gervais

Le voyage de Poincaré en Russiechanson satirique d’actualité

« Le Président de la République sera salué par la Flotte Allemande dans la Baltique. » Les Jounaux

IY a pas à dire, y a quoi d’venir mabouleMes bons aminch’s lorsqu’on lit les journauxDe leurs huit pag’s une vérité découle :Tous les pruscots sont de vieux saligauds (bis)

IIVlà qu’aujourd’hui sur les riv’s d’la BaltiqueLes mêm’s pruscots salueront l’présidentRendront hommage à notre RépubliqueBen, ça m’en bouch’ tout un département ! (bis)

IIIC’est insensé ! Bon dieu ! Pourquoi la guerre ?Se bouff’-t’on l’blair lorsqu’on est d’vieux amis ?S’ fair’ des m’amours et s’boss’ler la caf’tièresÇa sort un peu du domaine permis (bis)

IVJ’estim’plutôt qu’Poincaré et GuillaumeSong’nt, échangeant leurs saluts amicauxEntre gens chics on est courtois en sommeNos peupl’s sont là pour se trouer la peau (bis)

VCes diplomat’s sav’nt raisonner en hommesEt je conclus sans aucun parti pris,Qu’ils auraient tort de s’abîmer la pommePour l’coup d’tampon y n’manque pas d’abrutis (bis)

Jehan La Guigne [alias Eugène Gervais]

108

Page 109: chansons d'Eugene gervais

Chansons de Hippolyte Bertrand

109

Page 110: chansons d'Eugene gervais

À la tienne mon vieuxscie carnavalesque pour 1892

paroles de Bertrandair du Cantonnier

IDepuis que je suis marié (bis)Je suis vraiment bien embêté (bis)Ma femme ne veut plus de toutQue j’boive un coup, que j’boive un

coupPour gargariser mon trou, trou, trou,

trou

refrainÀ la tienne mon vieuxÀ la tienne mon vieuxSans ces gueuses de femmesNous serions plus heureux

IIQuand je rentre à la maison (bis)Ma femme me cherche raison (bis)Elle rassemble les voisinsTous les voisins, tous les voisinsSi tu voyais quel potin, tin, tin, tin.

IIIAh mon brave compagnon (bis)Tu fais bien de rester garçon (bis)Car pour bois il y a pas plan

Il y a pas plan, il y a pas planAussi j’la lâcherai d’un cran, oui d’un

cran.

IVL’autre jour rue des Bassins (bis)Je rencontre un vieux copain (bis)J’paie une canette mon vieuxSi t’en paie une, moi j’en paie deuxAh la bonne bière que c’était, que

c’était.

VAussi pour faire carnaval (bis)Tu sais que je n’danse pas trop mal

(bis)Elle voudrais m’en empêcher,Mais pour ça elle peut se fouiller, se

fouiller.

VIAh la méchante femme que j’ai (bis)elle a rudement du toupet (bis)Mais tu verras comme j’irai,Pincer un quadrille chez DoletEt je laisserai Jeanneton, ton, ton, ton.

110

Page 111: chansons d'Eugene gervais

Allume-toi ma cigaretteParoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire Dunkerquois

musique de William Lévy

ILorsque je m’éveille à l’aurore,Dans ma chambre toute ensoleilléeCe beau soleil qui vient d’éclore,Au tabac il me fait rêver.Je n’ai que toi pour me distraireTa fumée me met en gaietéDe mon logis bien solitaireToi seul que me le fait aimer. Ah !

refrainMa cigarette, ma cigarette,Égaye-moi, égaye-moi,J’aime ta fumée dans ma chambrette,Ma cigarette allume-toi.

IIToi seule tu es mon adoréeJe le répète bien des foisCar c’est toi qui m’a consoléQuand Rosine a trahi sa foiL’amour hélas n’est qu’un vain songeMoi qui l’aimais si tendrementTous serments ne sont que mensongesJe m’adresse à toi en disant :

IIIDans mes doigts lorsque je te roule,Oui mon cœur bondit de bonheurToutes mes idées m’assiègent en fouleJe te fume vraiment d’un bon cœurPauvre poète qu’on oublieToi tu ne m’abandonnes pas,Pas à pas tous deux dans la vieNous marcherons jusqu’au trépas.

IVC’est grâce à toi que ma voisineJeune fille charmante aux yeux douxMe disait de sa voix divineBientôt vous serez mon épouxMon cœur est à vous, me dit-elle,Pour toujours j’en fais le sermentMais elle fut bientôt infidèleCar ça ne dura qu’un instant.

dernier refrainMa cigarette, ma cigarette,Tu es fidèle à ton amiReste avec moi dans ma chambretteJe veux toujours t’aimer ainsi.

111

Page 112: chansons d'Eugene gervais

Les artistes nitrateurssuite au petit Panama

parole de Hippolyte Bertrand chansonnier populaire dunkerquois

air : la Belle Poissonnière

IEnfin il est au clouC’est un fameux filouC’est vraiment pas dommageIl faisait trop d’tapage,Avec tous ses repasEt tout ses grands achatsY avait trop longtempsQu’il faisait le flambant.

refrainOhé ! Ohé !Le beau feseur (sic) d’épattes (sic)Tripoteur de nitratesPris la main dans le sac.Enfin il est d’dansEspérons pour longtemps

IIIl est très embêtéDe n’pouvoir commanderPrenez moi de cette pileUn lot de vingt-cinq mille,Car pour le faire peserOn a fait enfermerToul’monde dans l’magasinPour que l’on ne voit rien.

IIIIl est toujours coffréDans le plus grand secret,Mais le plus beau d’l’affaireC’est qu’les deux font la paire

Aussi d’ici peu d’tempsCeux-là qui sont dedansSauront bien avoué (sic)Tout ce qu’ils ont volé.

IVC’est à l’instructionÀ toutes les questionsIl ne sait que répondreDe peur de se confondrePlusieurs de ses amisPourrait être compromisDans cette affaire vraimentQui fait bien des cancans.

VOn doit bien supposerQu’il n’a jamais gagnéSes choses magnifiquesLes objets les plus chiques (sic)Ses belles pièces de monnaieOù les a-t-il trouvéC’est bien dans le nitrateQu’il les a ramassées

VILe jour qu’il s’ra jugéTout l’monde va s’écrierLe public s’ra en fêteD’lui voir baisser la têteAussi les dunkerquoisS’écriront cette foisLe voilà condamnéIl l’a bien mérité.

112

Page 113: chansons d'Eugene gervais

Le batelier amoureuxparoles de H. Bertrand, chansonnier populaire

air : la Belle Poissonnière

IIl y a déjà quelque tempsQu’un batelier charmantFesait (sic) bien son affaireAvec une batelièreSeulement mes amisElle avait un mari…Qui était très heureuxIl n’y voyait qu’du feu.

refrainHo hé, ho héElle n’est plus aussi fièreAvec son batelierCar ce pauvre garçon ) bisLaissa son pantalon ) bis

IIUn soir à DorigniesAvec quelques amisOn lui raconte l’affaireLe v’là tout en colèreIl dit présentementÀ sa femme à l’instantJ’m’en vais à St-AmandC’est pour un chargement.

IIISitôt qu’il est partiVa chercher son amiDans son bateau l’amèneLui dit n’soit pas en peineNous allons rigolerPuisqu’il est cavaléNous aurons d’l’agrémentIl peut bien fiche le camp.

IVDans l’reux étant en trainDe rigoler un brinLe marinier arriveBien vite l’autre s’esquiveÉtant déshabilléIl a dut se sauverSon pantalon d’veloursY resta pour toujours.

VMariniers mes amisDites-vous bien ceciN’allez pas en cachettePour faire des amourettesAvec des femmes mariéesVous seriez attrapésVous pourriez bien aussiLaisser plus qu’vos habits.

113

Page 114: chansons d'Eugene gervais

La belle aux coupons à bon marchéparoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : un P’tit nez long comme ça

IOui c’est toute une histoireÀ Dunkerque sur l’marchéUne femme c’est notoirePour l’empêcher d’volerOn lui coupa les ailesCar elle fut arrêtéeMais en cherchant chez elleDes coupons ont trouvé

IIC’était pour faire commerceSans doute un peu plus tardMais un jour tout s’renverseElle les cachaient qu’es partQuel toupet j’vous l’assureDisant j’les aient ach’terIl y a deux ans j’vous l’jureMais c’était pour blaguer

refrainUn p’tit coupon comme ça

Trou la la ! Trou la la ! Trou la la !Pour s’habiller oui da

Trou la ! Trou la ! Trou la la !Elle n’a pas besoin d’ça

Trou la la ! Trou la la ! Trou la la !Mais tout d’même elle l’enl’vaTrou la ! Trou la ! Trou la la !

IIIC’est une bonne repasseuseSurtout pour le linge finElle n’est pas trop heureuseD’quitter son saint frusquinPour faire un p’tit voyageJusqu’à l’hôtel meublé9 a ne s’rait pas dommageMais ça va l’embêté (sic).

IVDans toute la Basse-VilleOn en jasera longtempsLes femmes, garçons et filleVont en faire des cancansComme elle était rebelleLe samedi sur l’marchéLa marchande disait-elleÀ la tête me l’a j’té.

114

Page 115: chansons d'Eugene gervais

Le boucher et la boulangèreà l’occasion du carnaval

paroles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire Dunkerquois

air : Ça ne va guère

IVoulez-vous bien rigolerNous allons vous la chanterCe sont les amours, ce sont les amoursd’une jeune boulangère.Un boucher, un assez joyeux drilleAvec une boulangère qu’était pas

difficile.

refrainAh, ah, ah, on n’y pensait guère.De voir un boucher avec une

boulangèreAh, ah, ah, ah, ah, ah, on n’y pensait

pas.

IIEn lui faisant les yeux douxIl lui d’mande un rendez-vous,Mais elle lui répond v’nez à la maisonM’faire une petite visite.Le boucher lui fournissait la viandeDe beaux morceaux et pas de

contrebande

IIISitôt qu’il fut arrivéde suite se met à causerEt subitement lui montre son talent,son talent d’cuisinière.

Le boucher d’mande à la brunetteVoulez-vous apprendre la bicyclette.

IVPour apprendre cette mécaniqueIl faut un costume très chicEt quand vous serez très bien costuméeVous serez bien plus jolie.Je veux bien répond la boulangèreCar la bicyclette fait bien mon affaire.

VAu moment de la leçonL’mari rentre à la maison,Que faites-vous là leur dit-il comme

ça ?D’un air tout en colère.Le boucher n’avait pas l’air de rireAussi d’un seul bon il filla (sic) sans

rien dire.

VIPar malheur c’est qu’le boucher,L’pauvre garçon a oubliéC’n’est pas pour médire j’vais vous direSon panier et da viandeL’boulanger profita d’l’aubaineIl en a assé (sic) pour manger toute la

semaine.

115

Page 116: chansons d'Eugene gervais

Carnaval 1894à nos sociétés chorales

paroles de H. Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : la ronde des matelots

IDunkerque que l’on renommePour son beau carnaval,Les femmes et les hommesS’en vont danser au bal.Par toute la France entièreOn l’entend répéterQue tout l’monde peut s’y plairePour rire et s’amuser.C’est le signal

refrainAllons au bal du carnaval,Pour cette fête que l’on s’apprête,Amusons-nous, faisons les fous,Et nous irons un peu partout.Les dunkerquois, tous à la foisAiment à rire, on peut le direDans ces jours là prennent leurs ébats,Allons au bal du carnaval.

IINos sociétés choralesMettent le bout-en-train.Il faut les voir au balChanter de gais refrains.Partout la gaîté (sic) règneDans nos belles sociétés,Leurs devises et emblèmesPlaisirs et Charité.C’est le signal.

IIIPartout passe la bandePendant ces trois beaux jours,Tous nos marins d’IslandeSautent au son du tambour.Les fifres sont en têteEt le tambour-major,Au signal on s’arrêteEt on r’prend son essor.C’est le signal.

IVToutes nos dames de la halleAiment à rigolerFont un vrai bacchanalEt savent vous intriguerLa belle poissonnière,Habillée en garçonElle n’est pas la dernièrePour pincer l’rigodon.C’est signal.

VÀ peine passé la fête,On se donne rendez-vous,L’Dimanche de la violettePour recommencer l’coup.Un repos de deux semainesOn est très fatiguéCar à la Mi-CarêmeIl faut recommencer.C’est le signal.

116

Page 117: chansons d'Eugene gervais

Le carnaval de Dunkerqueparoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire Dunkerquois

air : du Bataillon Joyeux

IPour fêter le CarnavalD’partout on arriveTout chacun s’met en dériveEt vont tous au BalCelui qui n’a pas l’sousPour cette belle fêteSans se casser la têteIl met tout au clou

refrainTout chacun est en goguetteQue les dunkerquois répètentCric, Crac, Bacchanal, BacchanalC’est l’refrain du CarnavalVive le Carnaval

IIEn Basse-Ville il faut voir çaLes garçons et fillesDes bandes de joyeux drillesSe t’nant pas le brasDans toutes les SociétésPartout ils intriguent - ?- c’est sans fatigueQu’on les voit danser

IIIAu diable tous les soucisChagrin et misèreOn a le temps Dieu merciD’penser aux ennuisDonnons-nous du plaisirC’est pas toujours FêteNe soyons pas si bêteTachons d’en jouir

IVToutes les marchandes de poissonVont être en goguetteElles mettrons des pantalonsPour être en garçonsPuis au Bal de la HalleC’est là qu’on s’amusePour intriguer quelle ruseEt l’quadrille final

VQuand il fait sale dans les ruesToute la Vescher-BendeBien souvent on les a vusCrottés jusqu’au… jambesAh quel coup de chahutComme on se bousculeAussi si on reculeOn saute encore plus.

117

Page 118: chansons d'Eugene gervais

Carnaval de Dunkerque 1893ou le pot aux roses

paroles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire et dunkerquois

air : elle est en or

IC’était dans le mois de Décembre,Quelques temps avant l’carnaval,Tranquille je sortais de ma chambre,Je m’en allais tout seul au bal,Je rencontre une jeune brunette,Voulez-vous accepter mon bras,Nous irons boire une canetteEt je lui dis ces mots tout bas.Voulez-vous savoir mes amisEh bien voilà ce que j’lui dis :

refrainLes craquelots sont défendusAu carnaval n’en mangeons plusÇa nous mettrait dans l’embarras,Ça nous apport’rait l’choléra,N’en mangeons pas, n’en mangeons

pas.

IIJ’suis la fille du marchand d’moutarde,Celui qui vend d’la mine de plombSur la place où tout l’monde regarde,Chacun en ritFemmes et garçons,Achetez tous, les ménagères,Ma sarage et mon mine de plomb,Comme une crestal vot’ poil s’ra clairEt ma sarage il est très bonSi vous a des rats des sarisTe faut acheter ma produit.

IIICette année j’ai pour préférence,Afin d’fêter le carnaval,D’faire un costume de circonstancePour me présenter dans les bals.Un bon tailleur pour bien le faire,C’lui qui dans la rue des BassinsEmmena une particulièreQui lui prit son saint frusquin.Son port’monnaie et son argent,Son pantalon, tous ses vêtements.

IVEt tous nos pêcheurs de moruesIls vont s’en donner à cœur joieIls dans’rons, chant’rons dans les rues,Dans la bande et tous à la fois,De tous côtés on les admire,Ils savent bien vous amuser,Avec eux on a du plaisirSurtout quand on les voit sauter,Quand nous avons nos IslandaisLe carnaval est au complet

VAussi le mercredi des cendresQuand on a fêter les trois jours,Chez Fricoteau on vient se rendre,Chacun y arrive à son tourPour aller manger des anguilles,Des harengs et des haricots,Il faut voir les garçons et fillesVenir s’en donner à gogo,Ça n’m’étonne pas qu’au bout d’l’annéeIl nous arrive des nouveaux nés.

118

Page 119: chansons d'Eugene gervais

Le carnaval de Dunkerque 1895paroles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire Dunkerquois

air : Fou d’amour

IDepuis un an je me creuse la têtePour vous trouver quelques sujets nouveauxJ’ai voulu faire une petite chansonnetteDu Carnaval voici quelques morceaux, ah !

IILes sociétés chorales et la Jeune France.Sont des gaillards pour rire je n’vous dis qu’çaCette année ci ils ruminent d’avancePour bien fêter cette fois les jours gras, ah !

IIITout dunkerquois, même nos pêcheurs, d’IslandeAu carnaval sautent comme des fous,Quels coups d’chahut faut les voir dans la bande,C’est là ensemble qu’ils se donnent rendez-vous, ah !

119

Page 120: chansons d'Eugene gervais

La dévaliseuse de saucissons à la HalleParoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : la Belle Poissonnière

IIci j’vais vous conterCe qui vient d’arriverC’est une particulièreQui faisait des manières,Elle prenait dit-onÀ la halle aux poissonsChoisissait les plus grosLes longs et beaux morceaux

refrainVoyez, voyez cette particulière,Par devant par derrièreVous la reconnaîtrezPrendre des saucissonsÀ la halle aux poissons.Prendre des saucissonsÀ la halle aux poissons.

IIIl lui prend une envieAvec son parapluieDe fourrer des côtelettesDe mouton et des ----?----M-----?--- l’a attr ----?------------------?--------------------------?--------------------------?-------------

IIIAussi il faut la voirDu matin jusqu’au soirParcourir les boutiquesMais quelle mauvaise pratiqueCar au lieu d’acheterElle aime mieux volerOui ça assurémentNe coûte pas d’argent

IVElle est très bien nourrieSurtout en charcut’rie,Ça ne lui coûte pas cherElle le vole sans mystère,Il y a longtemps déjàQu’elle fait ce trafic làDes rôtis, des gigotsCuisait tout dans l’même pot.

VÀ Force de volerOn l’a bien attrapée,La cruche une fois se casseLa v’là dans la mélassePour changer illicoÇa s’ra des haricots,Elle va s’en régalerTout l’temps qu’elle s’ra logée.

120

Page 121: chansons d'Eugene gervais

L’enfant martyr de CappelleParoles de Bertrand

air de : l’Orpheline de Paris

IÀ Cappelle, dans ce villageOn découvrit, oh ! c’est affreux,Un pauvre petit en bas âge,Jeune et déjà si malheureuxSon père à la nature grossièreLe privait de pain, le battait,Et sa compagne meurtrière,À lui faire du mal l’excitait.

IIIl le mettait dans une malleRemplie de fumier et d’odeurEt son pauvre petit corps très sale,Couvert de plaies, quelle douleur !Le plongeant sans pitié aucuneEn plein hiver dans l’eau glacée,Et pour combler cette lacune,Dans une sac l’avait enfermé.

refrainEt nous tous, braves mères,

Sachons nous souvenirQu’il existe sur terre

Bien des enfants martyrs.

IIIAh ! faut-il que le cœur d’un pèreSoit aussi dur pour son enfantPauvre petit privé de mère,Martyrisait cet innocentPour vivre avec une coquineSans cœur, sans âme et sans remords,Faisant de l’enfant leur victimeCherchant à lui donner la mort.

IVOn l’emmena à l’hôpitalQuand les gendarmes le découvrirent,Elle sentait cette horrible malleEt le fond en était pourri.Bientôt on rendra la sentence,Car pour un père dénaturé,Les juges sauront en consciencePunir comme il a mérité.

121

Page 122: chansons d'Eugene gervais

Les exploits d’une cartomancienneParoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : la Fiancée du matelot

IElle a fait comme VarettaLa belle cartomancienneElle a mis ses deux pieds dans l’platSans être une italienneElle voulait vivre trop largementLa chose est bien certaineComme il fallait beaucoup d’argentElle faisait des fredaines

refrainLe commissaire lui dit comme c’laVous qui êtes si savanteVous n’avez pas deviné çaQu’un jour j’irais vous prendreSi vous vous étiez contentéeDe l’argent qu’on vous donneVous n’seriez pas emprisonnéeN’faut pas voler personne

IIChez elle, elle s’était arrangéeUn superbe autelElle disait qu’elle faisait parlerLes esprits devant ellePour vous ôter bien des soucisÀ ses clientes naïvesIl faut des bijoux de grand prixPour savoir ce qu’ils disent

IIIBien des personnes lui ont portéDes bijoux en confianceElle les mettait au Mont-de-PiétéEux étaient sans méfianceFallait qu’elle eut un rude toupetDisant c’est la misèreQui m’a fait faire ce que j’ai faitFini donc tes manières

IVIl lui fallait autant d’argentQue faisait-elle en sommeElle a eu jusqu’à quinze cents francs.D’une seule personneLorsqu’on venait lui demanderElle disait faut attendreLes bijoux que vous m’avez prêtésJe ne puis vous les rendre.

VSon mari vivait en rentierIl n’avait rien à faireAvec l’argent de sa moitiéLa vie était prospèreÇa va peut être la corrigerD’avoir tant vu ma tanteDans l’hôtel où elle est logéeElle vivra de ses rentes.

122

Page 123: chansons d'Eugene gervais

Le fraudeur des sous de La PlataParoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : Le douanier, chansonnette

IUn navire venant d’Buénos-Ayres,Aussitôt que les passagersOnt été débarqué à terre,Le commissaire s’est présentéA cherchéA trouvéUn individu à l’air fierQui faisait un tas de manièresAvec moi vous allez marcherDit l’commissaire qui l’a amenéAu bureauSubitot.

IILe lendemain de la visite,Sitôt qu’les malles furent arrivéesEt l’on vérifié bien viteSavez-vous ce qu’on a trouvéBien bouréMat’lasséC’était des monnaies étrangères,Mais on découvrit le mystèrePrenez-vous ça pour des mat’lasCe sont des sous de La PlataIl n’faut pasFrauder ça.

refrainDites nous bien d’avance

Qu’apportez-vous en FranceVos malles que contiennent-elles oui da

Nous allons vérifier tout çaC’est tous des sous de la PlataVous ne pouvez pas passer ça

IIIEn vérifiant dans les mallesOn a trouvé des drôles d’effetsDes vêtements qui n’étaient pas malDe facteur et d’garçon de caféDevant luiOn lui ditComment prouver cette aventureCe n’est pas à vous j’vous l’assureNon : mon ami m’les a prêtésPour que mes malles soient bien

bourréesQuel toupetQu’il avait

IVEt pour finir toute cette affaireOn attendait les informationspar le bateau de Buénos-AyresMais lui est toujours en prisonSans pardonJ’en répondsCar vous savez bien que la fraudeIci ça n’est pas fort commodePour la somme que vous apportezLa même vous devez payezCar au boutIl y a du clou.

123

Page 124: chansons d'Eugene gervais

L’incendie de Coudekerque-BrancheParoles de Bertrand, chansonnier populaire de Dunkerque

air : Nos Baisers de Vingt Ans

IAu loin le tocsin sonneQuelle sinistre clameur,Et le clairon résonne,Présage de malheur,Une fumée s’élanceRecouvrant le ciel bleuEt tout chacun s’avance,Criant au feu !, au feu !

refrainAh ! plaignons tous ensembleCes victimes du malheur,Qui a réduit en cendresCes braves travailleurs.Ah ! plaignons tous ensembleCes victimes du malheur,Qui a réduit en cendresCes braves travailleurs.

IIAu lieu de l’incendie,Chacun s’est transportéPuis avec énergie,Tout le monde a travailléPour sauver les victimes :Ces pauvres ouvrier.Mais hélas ! quel abîme,Quel terrible foyer.

IIIQuelle horrible détresse ;Ah mon Dieu quel malheur,Il règne une tristesse,On doit verser des pleurs,Que reste-t-il sur terre,Des veuves et orphelinsSoulageons leurs misères,En leur tendant la main.

IVToute la cité entièreÀ bien fait son devoir,Pour soulager les mèresEt leur donner l’espoirChacun porte son obole,Riche, comme ouvriers,Aux victimes du pétrole,Qu’on ne peut oublier.

VEnfin la foule entièreAccompagnait le deuil,Allant au cimetière,Escortant les cercueils ;Car cette foule immense,Écoutait les discoursEt le curé s’avanceLes bénir tour à tour.

Cette chanson a été faite afin de recommander aux personnes charitables de ne pas oublier les veuves et les orphelins des victimes.

124

Page 125: chansons d'Eugene gervais

La leçon de natationParoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : l’Aspirant de Marine [paroles de Villemer-Delormel, musique de Henri Blanadet]

IAu bain d’mer me trouvant un jour,Je voulus me mettre à la nageLe maître me dit, à votre tour,Ôtez la robe et le corsagePour un moment faut restez là,Revêtez vite votre costumeAllongez les jambes et les brasV’nez avec moi frôler l’écume.

IIDans l’onde amère il me jette,Mais il me tenait par derrièreTout à coup j’étais dans ses bras,Je le regardais sans colèrePensant qu’avec une leçonJ’en aurai bientôt l’habitudeAussi c’est que la natationPour bien l’apprendre c’est un peu rude

refrainLe ciel est bleu la mer est belleÉlancez-vous ne craignez rien

Il faut avoir le pied marinPour bien nager mademoiselle

IIIAvec moi il était charmantJe vais vous conter l’aventureIl me soutenait doucementSur les lames je vous l’assureCombien de fois il me disaitSi vous saviez, j’ai le cœur tendreTout à coup il se retournaitEt un baiser venait me prendre

IVÀ force d’aller prendre des leçonsDe lui j’avais perdu la têteDe mon maître de natation.Pourtant je ne suis pas coquette,Mais aussi c’était un matinÉtant seul tout deux dans l’ondeIl m’offrit son cœur et sa mainQue voulez-vous que je réponde.

dernier refrainLe ciel est bleu, la mer est belleEt maintenant, je ne crains rien

Faut voir comme j’ai le pied marinEt je ne suis plus demoiselle

125

Page 126: chansons d'Eugene gervais

La laitière de Coudekerque (dans l’embarras)

parole de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : Elle est en or

IVoulez-vous connaître la choseC’est une laitière des environsMais tout n’est pas couleur de roseQuand on veut gagner trop d’pognon À ses clients sans plus d’mystèreElle vendait du lait baptiséEux, ça n’faisait pas leur affaireCar on n’aime pas d’être voléAu lieu d’avoir du bon lait chaudIl y avait bien la moitié d’eau.

IISi nous avons les eau potablesÇa c’est pour notre utilitéMais aussi c’est bien détestableD’la mélanger avec du laitPar ses grand moments d’sécheresseL’eau est bien rare assurémentToutes les citernes sont à secEt pour nous voler notre argent,Elle nous faisait chèrement payerL’eau potable qu’on nous a donné.

refrainAussitôt qu’elle fut arrivée

À Dunkerque vendre son laitLe Commissaire l’a vérifiéMais il était trop baptiséProcès-verbal il a dressé

IIIEt vous toutes les ménagèresNe vous laissez pas attraperEt dites bien à vos laitièresC’n’est pas pour l’eau que vous payez,Aussi grâce à la vigilanceDes représentants de la loi,Les laitières sont prév’nues d’avanceFaites attention de marcher droit,Si vous voulez être condamnéesVous n’avez qu’à le baptiser

IVÀ Coudekerque on rit d’la choseEt tout chacun dit c’est bien faitElle allongeait bien trop la dosePour que l’on en soit satisfait,Cette femme croyait sans douteQue ses clients étaient damnésElle se disait le long d’la routeDu lait comme ça va les sauver,Mais aussi ses jolis tonneauxOnt été saisis subito.

126

Page 127: chansons d'Eugene gervais

La Marie Bataillon de Berguesparoles de Hippolyte Bertrand chansonnier dunkerquois

IMes amis c’est tout une histoire,Je vous jure que vous pouvez me croire,C’est à Bergues que l’on peut la voir,Elle a de très beaux cheveux noirs,Des soldats de notre pays,Elle fait les délices, mes amis,C’est pourquoi ici sans façon,On la nomme Marie Bataillon.

IILorsqu’elle a deux ou trois sous,Elle paie la goutte au p’tit pioupiou,Car elle aime le pantalon,De notre belle garnison,Par malheur on l’a dérangée,Un beau jour on va la trouver,À Dunkerque on l’emmène viv’ment,Faire un p’tit voyage d’agrément

refrainSi vous voulez voir cette jolie brunette,

Son p’tit logement se trouve sur l’herbette,Matin et soir tout chacun peut la voir,

Sur les remparts ou bien sur le trottoir,Elle ne vous fait de façon…

Pour pincer l’rigodon,Car elle chérit la garnison,

La jolie Marie Bataillon, Marie Bataillon…

IIIElle a donné l’influenzaÀ quelques uns de nos soldats,Dans la cas’mate était logéeC’est là qu’on été trouvée.Auprès de la porte d’HondschooteElle raccommodait les culottes,Et recousait tous les boutonsQui tombaient de leurs pantalons.

IVQuand ils viendront faire vingt-huit

jours,Pour elle ça sera un beau jour,Tous les soldats sont ses cousins,Car elle leur donne un rude coup

d’main,Quand ils s’en vont à l’exercice,Elle leur fait les yeux en coulisses,Oui pour la canne et le chausson,On crie vive Marie Bataillon

127

Page 128: chansons d'Eugene gervais

Ous qu’est St-Nazaire ?Paroles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : très en vogue [Ous qu’est Saint-Nazaire, musique de Paul Courtois, paroles de Alex. Trébisch]

IJ’ai perdu oh malheurMa femme quelle douleurOn dit qu’elle est partieAvec un d’mes amisEn route j’vais me mettre à l’instantJ’les rattraperais bien certainementMais il me faut l’itinérairePour aller jusqu’à St-NazaireEn prenant le train j’arriverai bienJ’ai trop peur de m’assoupirEt je pourrais m’endormirAussi je pensais si l’train déraillaitCar cela arrive si souventJ’aimerai mieux faire le chemin en

marchant

refrainOus qu’est St-NazaireJe l’demande à tous les échosJ’vais chercher ma ménagèreMais j’arriverais pas d’si tôtJ’ai trop chaudOus qu’est St-NazaireJ’n’vois pas d’ici sapristiC’est peut-être près d’l’AngleterreOù peut être bien en TunisieChez la mère à Lucie

II

Voilà bientôt un moisQue je suis en cheminLa tête perdue je croisJ’viendrais fou c’est certainPour une femme qu’elle [sic] tourmentFaut-il se faire tant d’mauvais sangEncore si j’approchais j’espèreDe c’maudit pays d’St-NazaireJe vais m’arrêter pour le demanderMais aussi chacun m’répondVous êtes près d’Pont-MoussonJ’suis tout fourbu et j’en peut plusJ’ai encore de quoi à marcherCar je vois que j’n’suis pas arrivé.

IIIElle a peut-être pris l’bateauPour aller à BordeauxMais je sais qu’mon ami PierreEst né à Saint-NazaireMais lui lorsqu’il l’a enlevéeC’est là qu’il a du l’emmenerTout de ma femme ce que j’déploreC’est son doux nom d’ÉléonoreJe vais y renoncer j’suis trop éreintéQu’elle aille au diable c’est certainMoi je ne vais pas plus loinPuisque j’n’trouve plus ce pays perduLà elle peut bien y resterCar pour moi j’en s’rai bien débarrassé

128

Page 129: chansons d'Eugene gervais

Pauvre enfant martyrparole de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : Pauvres amoureux [de D. Tagliafico ?]

IOh, vous parents dénaturésOù donc est votre conscienceDites quel cœur que vous avezOui pour martyriser l’enfanceIl avait froid, il avait faimVous le priviez de nourritureRelégué dans un petit coinTout nu sur un monceau d’ordure

IIPourquoi ne l’avoir pas laisséÀ Boulogne chez sa grand-mèreLà il était très bien soignéOn n’lui faisait point de misèresMais vous jaloux de son bonheurCar vous vouliez vous en défaireVous l’faites venir pour son malheurMais Dieu vous punira j’espère

refrainPères et mères de familleQui avez garçons et filleMaudissez les parents

Qui maltraitent leurs enfantsEt que Dieu dans sa justice

Sévèrement les punisseQu’on ne voit plus souffrir

De pauvres enfants martyrs

IIIQuand c’était l’heure du mangerVous l’enfermiez dans une armoireIl souffrait d’en être privéVraiment c’est à ne pas y croireVous l’attachiez aux pieds du litEt le brûliez avec des fersComme il souffrait pauvre petitPeut-on dire que c’est une mère

IVCet enfant qu’avait-il donc faitPour le faire souffrir de la sortePourquoi commettre ce forfaitChez vous la méchanceté est forteLorsque l’enfant voulait dormirQuels coups d’ciseaux donnait le pèreSur les petits pieds du martyrD’l’eau glacée lui jetait la mère

129

Page 130: chansons d'Eugene gervais

Le petit Panamaou le nitrate en détresse

paroles de Hippolyte Bertrand chansonnier populaire dunkerquois

air : Jules et Thomas

IIl vient de se passerUne drôle d’aventure,Je vais vous l’raconterC’est vrai j’vous l’assureC’est un particulierQui faisait des épatesPour le récompenser )On vient de l’emballer ) bis

IIDepuis déjà longtempsDans notre belle ville,Chez un gros négociantLa chose était facile,Il faisait manœuvrerTout à son avantagePour le récompenser )On vient de l’emballer ) bis

IIIDéjeuners, dîners fins,Le tout à la fourchette,Des huîtres et du bon vin,Bistecks et côtelettes,Bien boire et bien manger,Était d’toutes les fêtes,Pour le récompenser )On vient de l’emballer ) bis

IVRien qu’vingt-cinq mille kilosEt sans qu’ça vous épateExpédiés subito,Et c’était du nitrate ;On peut toujours ach’terDes choses magnifiquesPour le récompenser )On vient de l’emballer ) bis

VAvec cent quarante francPersonne ne peut comprendreD’vivre aussi largement,Comment peut-il s’y prendre,Avec les ouvriersIl était dur et fier,Pour le récompenser )On vient de l’emballer ) bis

VIÀ force d’aller à l’eauUn jour la cruche se casseTout cela n’est pas faux,Le v’la dans la mélasseIl a beau s’gendarmer,Il faut bien qu’il y passePour le récompenser )On vient de l’emballer ) bis

130

Page 131: chansons d'Eugene gervais

La petite Jeanne,ou l’enfant martyre de Saint-Pol-sur-Mer

paroles de Hippolyte Bertrand chansonnier dunkerquois

air : Toujours française

IBonne mère voyez cette marâtre,Qui a brûlé sa jeune enfant,Oui Saint-Pol en est le théâtre,Où se passe ce fait émouvant,Et lorsque l’on connut l’affaire,De suite on l’a interrogée,Et l’enfant sans plus de mystère,Tout son martyr a raconté

IID’une petite voix lamentable,Elle implorait la charité,Car se mère cette misérable,Tous les jours l’envoie mendier,Quand la recette n’était pas forte,Et de retour à la maison,De suite elle fermait la porte,Et faisait chauffer le tison.

refrainÀ six ans à peine,Est déjà martyre,

Sa mère quelle haine,La faisait souffrir,

Pauvre enfant sur terre,Au lieu de l’aimer,Non cette mégère,

Partout la brûlé [sic]

IIIMalgré ces cris cette coquine,Déshabillait la pauvre enfant,Aussitôt cette mère indigne,Brûlait le corps de l’innocent,Toute couverte de plaies la pauvrette,À l’hôpital on l’a portée,Sitôt a commencé l’enquête,La marâtre fût arrêtée.

IV

Espérons qu’une peine sévèreLui servira de châtiment,Pour punir cette affreuse mèreQui a fait souffrir son enfant.Sur elle les mères crieront vengeance,Voyant d’la p’tite Jeanne les douleurs,les juges seront sans indulgencePour cette mère horrible et sans cœur.

131

Page 132: chansons d'Eugene gervais

Le tram-car de Dunkerque à RosendaelParoles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : Hé-Camus

IPour prendre une bonne partie d’plaisirÀ Rosendael un beau dimanche,La saison invite à jouirDe l’ombre sous les vertes branches.Il y a un service régulierQui conduit à ce beau villageDe là nous f’rons la route à piedPour aller rejoindre la plage

II

Quel plaisir nous allons avoirPour commencer la promenadeAussitôt sorti du Tram-CarNous nous payerons une bonne rasadeBras d’sus, bras d’sous, tous les deux

ironsDans les dunes chercher des cachettesDes p’tits béquots nous nous

donn’ronsEt nous croquerons des noisettes

refrainElle t’attend ! ta Nini,

Ta petite femme chérieDépêche-toi donc

Nous s’rons en retard,Noua allons manquer

Le Tram-Car

IIILorsque nous serons fatigués,Nous r’prendrons le chemin d’la plage,Chez Chavigny irons mangerDu jambon et du bon fromage.Pour rire nous nous balanceronsEt pour finir notre journéeavant d’rev’nir à la maisonÀ Malo nous f’rons une tournée.

IVPour vingt centimes on s’fait traînerDe Dunkerque jusqu’à RosendaelEt tous ceux qui r’viennent du marchéEn montant disent on est pas malPour subir le doux balancementDes ressorts de cette voitureEt on y arrive promptementSans retard aussi j’vous l’assure

132

Page 133: chansons d'Eugene gervais

Si les filles savaient !paroles de Hippolyte Bertrand, chansonnier populaire dunkerquois

air : si les hommes savaient

IQuand vous voyez un jeune garçonRempli d’ivresseVous parler d’amour sans façonPlein de tendresse,Ai lieu de montrer du dédainIl faut sourire,S’approchant de lui il faut bienQu’l’amour s’inspire…

II

Souvent en vous voyant passerL’air souriante,Les garçons disent dans leurs penséesElle est charmanteEt plus d’un n’osent s’approcherMais ça les tente,Ils ont peurs d’être rudoyésÇa épouvante…

refrainSi les filles savaient,

Si les filles savaient s’y prendre,Avec les jolis amoureux…

Ils seraient vraiment tout deux bienheureux,Car ils pourraient si bien s’entendre,

Et surtout quand on s’aime bien,Il faut un coup d’œil, presque rien,

Si les filles savaientSi les filles savaient s’y prendre…

IIIPour un garçon, un mot bien douxUne caresseAu lieu de s’éloigner de vousFait le promesse,Et jure de vous aimer toujoursÇa vous enivre,Oui c’est ce charmant mot d’amourQui vous fait vivre

IVQuand on a vingt ans, les yeux bleusQu’on est gentille,On fait courir les amoureuxSous la charmille,Après avoir eu du plaisirJamais d’orage,Tous deux finissent par s’unirEn mariage…

133

Page 134: chansons d'Eugene gervais

Vivent les enfants de Jean Bart,ou le carnaval dunkerquois

IJ’ai composé et je vais vous le direC’est une chanson qui a été faite exprèsSur un sujet dont tout l’monde aime à rireDu carnaval voici quelques couplets

refrainChantons tous ensemble le joyeux signalQui tous nous rassemble pour le carnavalVivent les Enfants de Jean BartCe sont de fameux gaillardsPour les fêtes et pour les bals de carnaval

IIJe commence donc par le fond de la Basse-VilleFilles et garçons chantent à l’unissonBras dessus, bras dessous comme de joyeux drillesDu carnaval, ils redisent les chansons

IIIÒn revient ensuite au centre de la villeD’où l’on entend le joyeux carillonOn ne peut plus reconnaître les fillesCar presque toutes se sont mises en garçon

IVCe que je vois d’encore plus remarquableC’est cette belle bande des pêcheursDans les jours gras, ils se déguisent en diableIls dansent ensemble et chantent tous en chœur

VQuand c’est fini, le mercredi des CendresAu Rosendael, ou bien chez FricoteauAu rendez-vous c’est là qu’on se rassemblePour boire un coup et manger un morceau

134