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2016s-08 Changements démographiques au Québec : vers une décroissance de l’emploi d’ici 2050? Luc Bissonnette, David Boisclair, François Laliberté- Auger, Steeve Marchand, Pierre-Carl Michaud Série Scientifique/Scientific Series

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2016s-08

Changements démographiques au Québec :

vers une décroissance de l’emploi d’ici 2050?

Luc Bissonnette, David Boisclair, François Laliberté-

Auger, Steeve Marchand, Pierre-Carl Michaud

Série Scientifique/Scientific Series

Montréal

Février/February 2016

© 2016 Luc Bissonnette, David Boisclair, François Laliberté-Auger, Steeve Marchand, Pierre-Carl Michaud.

Tous droits réservés. All rights reserved. Reproduction partielle permise avec citation du document source,

incluant la notice ©.

Short sections may be quoted without explicit permission, if full credit, including © notice, is given to the source.

Série Scientifique

Scientific Series

2016s-08

Changements démographiques au Québec :

vers une décroissance de l’emploi d’ici 2050?

Luc Bissonnette, David Boisclair, François Laliberté-Auger,

Steeve Marchand, Pierre-Carl Michaud

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ISSN 2292-0838 (en ligne)

Les cahiers de la série scientifique (CS) visent à rendre accessibles des résultats de recherche effectuée au CIRANO afin

de susciter échanges et commentaires. Ces cahiers sont écrits dans le style des publications scientifiques. Les idées et les

opinions émises sont sous l’unique responsabilité des auteurs et ne représentent pas nécessairement les positions du

CIRANO ou de ses partenaires.

This paper presents research carried out at CIRANO and aims at encouraging discussion and comment. The observations

and viewpoints expressed are the sole responsibility of the authors. They do not necessarily represent positions of CIRANO

or its partners.

Changements démographiques au Québec :

vers une décroissance de l’emploi d’ici 2050?*

Luc Bissonnette†, David Boisclair‡, François Laliberté-Auger§,

Steeve Marchand**, Pierre-Carl Michaud††

Résumé/abstract

Nous projetons le niveau d’emploi au Québec d’ici 2050 à l’aide d’un modèle qui simule la démographie

et les comportements socio-économiques au niveau individuel. Ces résultats sont contrastés avec les

projections effectuées par la Régie des rentes du Québec en 2013 et avec des projections qui

maintiennent le niveau d’éducation et les comportements d’emploi inchangés. En dépit du vieillissement

démographique qui fera diminuer la population en âge de travailler, les comportements récents sur le

marché du travail suggèrent que le Québec aura droit à une hausse des taux d’emploi, surtout chez les

travailleurs expérimentés. En conséquence, la croissance totale du niveau de l’emploi de 2015 à 2050

devrait être plus élevée que celle prévue. Nos résultats suggèrent que cette croissance permettra

d’amoindrir légèrement les effets du vieillissement en soutenant la croissance économique.

Mots clés/keywords : Emploi, projections, vieillissement, microsimulation, Québec

Codes JEL/JEL Codes : C61, J11, J21

* Nous remercions Nicholas-James Clavet pour son assistance à la programmation et à la révision du modèle

SIMUL utilisé dans cette recherche. † Université Laval. ‡ ESG UQAM, Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements

démographiques. § ESG UQAM, Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements

démographiques. ** Université Laval. †† ESG UQAM, Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements

démographiques, CIRANO ([email protected]).

1 Contexte

Comme dans la plupart des sociétés in-dustrialisées, la population du Québec vieillitrapidement. Le Québec est entré dans unephase démographique où les premières co-hortes de bébé-boumeurs arrivent à la re-traite. Lors des 20 prochaines années, cettearrivée massive à la retraite laissera derrièreune population en âge de travailler qui seraplus faible en nombre relatif et stagnanteen termes absolus. Les prévisions récentesde l’Institut de la statistique du Québec sug-gèrent une légère baisse de la population enâge de travailler – soit celle âgée de 20 à64 ans – d’ici 2030, et une explosion relativedu nombre de personnes de plus de 65 ans.L’ISQ prévoit qu’il y aura 2,1 personnes enâge de travailler pour chaque personne deplus de 65 ans en 2031, et que ce nombrediminuera à 1,9 d’ici 2051 (Institut de la sta-tistique du Québec, 2014).

Sans changements dans les comporte-ments de travail, on pourrait prévoir unestagnation, voire une baisse de l’emploi dansles décennies à venir. Or, le Québec a pucompter sur une croissance annuelle de l’em-ploi d’environ 1% au cours des 20 dernièresannées, qui s’est traduite par une contribu-tion à la croissance économique de l’ordrede 0,6 à 0,7 point de pourcentage annuel-lement (Vachon et Bégin, 2014). Sans unetelle contribution, la croissance économiquesera moindre – de l’ordre de 1,3% entre 2015et 2024 et 1,6% entre 2025 et 2035 – selonles estimations de ces auteurs, ce qui pour-rait affecter directement le niveau de vie desQuébécois puisque la population totale conti-nuera de croître au rythme de presque 1%par année.

Or deux indications portent à croirequ’une hausse des taux d’emploi, en parti-culier pour les travailleurs expérimentés, est

plausible d’ici 2050. Une première indicationprovient de l’évolution récente des taux d’ac-tivité par âge, tant pour les femmes quepour les hommes. La figure 1 montre cetteévolution pour la période 1976 à 2014. Onobserve un renversement de tendance chezles hommes expérimentés (55-64 ans) de-puis le milieu des années 1990, ainsi qu’unehausse marquée chez les femmes. Alors quela hausse chez les femmes provient de leurintrégration croissante au marché du tra-vail depuis les années 1970, la hausse ré-cente chez les hommes semble être liée àplusieurs facteurs susceptibles de perdurer,dont une hausse du niveau d’éducation destravailleurs expérimentés, des changementsau niveau des régimes de retraite et un chan-gement dans la nature du travail, ce dernierdevenant en moyenne de moins en moinsexigeant physiquement au Québec.

Une autre indication permet de croire quecette hausse pourrait se poursuivre dans lesdécennies à venir. La figure 2 présente lestaux d’emploi chez les travailleurs expéri-mentés québécois (55-64 ans) par rapport àceux des pays de l’OCDE . Le Québec affichaiten 2011 un taux d’emploi tout juste infé-rieur à la moyenne de l’OCDE (54,1% contre54,4%), plus faible que pour l’ensemble duCanada (58,7%) et beaucoup plus faible quecelui observé dans plusieurs pays, dont despays nordiques tels que l’Islande, la Suède etla Norvège. Ainsi, il est permis de croire quele Québec possède une certaine marge demanoeuvre pour hausser ses taux d’emploichez les travailleurs expérimentés, du moinsd’après l’exemple de plusieurs pays ayant unrégime social similaire.

Dans ce contexte, nous avons souhaitéutiliser un modèle de microsimulation déve-loppé par notre équipe afin de mieux éva-luer, sur la base de l’expérience récente, lepotentiel de cette hausse des taux d’em-ploi de maintenir une croissance de l’emploi

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Figure 1 – Taux d’activité chez les hommes (haut) et lesfemmes (bas) au Québec, 1976-2014.Source : Statistique Canada.

au Québec permettant de soutenir la crois-sance économique. La prochaine section dé-crit le modèle de microsimulation SIMUL etles sources de données utilisées dans le mo-dèle et dans l’étude. 1 La section 3 présente

1. Certaines des analyses rapportées dans ce texteont été réalisées au Centre interuniversitaire québé-cois de statistiques sociales (CIQSS), membre du Ré-seau canadien des centres de données de recherche(RCCDR). Les activités du CIQSS sont rendues possiblesgrâce à l’appui financier du Conseil de recherche ensciences humaines (CRSH), des Instituts de rechercheen santé du Canada (IRSC), de la Fondation cana-dienne pour l’innovation (FCI), de Statistique Canada,du Fonds de recherche du Québec - Société et culture(FRQSC) ainsi que de l’ensemble des universités qué-bécoises qui participent à leur financement. Les idéesexprimées dans ce texte sont celles des auteurs et noncelles des partenaires financiers.

Figure 2 – Taux d’emploi chez les 55-64 ans dans certainspays de l’OCDE, 2011.Source : OCDE.

les projections d’emploi selon différents scé-narios.

2 SIMUL, un modèle demicrosimulation socio-économique pour le Qué-bec

Dans cette étude, nous utilisons SIMUL, unmodèle de microsimulation dynamique quiprojette les principaux comportements dé-mographiques et socio-économiques de lapopulation québécoise entre 2015 et 2050.En simulant les comportements et caractéris-tiques au niveau individuel, SIMUL permet de

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fournir des projections détaillées de plusieursvariables comme la taille de la population etsa composition en termes d’âge et d’immi-gration, l’éducation, les choix de travail et lesrevenus selon différentes sources.

Le modèle SIMUL est composé de quatremodules. 2 Le premier est un module d’initia-lisation. Il compose la population de départ àpartir de l’Enquête nationale auprès des mé-nages (ENM) de 2011. Cette population dedépart possède des caractéristiques indivi-duelles telles que le sexe, le niveau d’édu-cation, le statut de travailleur, les revenus,le statut d’immigration, la province de rési-dence, etc. La population visée est celle duCanada et des ajustements sont faits au ni-veau de la pondération pour s’assurer qu’ellereproduit précisément la distribution par âgeet par sexe de la population telle qu’estiméepar Statistique Canada.

Le deuxième module concerne les tran-sitions démographiques. Il génère les nais-sances et la formation et la dissolution desménages sur la base de l’Enquête sociale gé-nérale (ESG) de 2006 et de 2011. Par ailleurs,il pondère les naissances et génère les décèsainsi que les entrées et les sorties migratoiresà l’aide des hypothèses démographiques deStatistique Canada (2010), selon le scénariode croissance moyenne basée sur les ten-dances de 1981 à 2008. Les différences entreles populations ainsi projetées par SIMUL etcelles projetées par les organismes publicsquébécois (voir Institut de la statistique duQuébec, 2014) sont très faibles.

Le troisième module concerne les autrestransitions. Chaque année, chacun des indi-vidus dans la simulation se voit assigner desprobabilités de transitions pour les caracté-

2. La seconde version de SIMUL, en développe-ment, est utilisée dans cette étude ; celle-ci présentequelques différences notables avec la première versiondécrite dans Clavet et al. (2014).

ristiques qui varient dans le temps. Dans lecadre de cette étude, la caractéristique cen-trale est l’emploi, dont les probabilités detransitions sont assignées en fonction des ca-ractéristiques de l’individu – y compris sonstatut d’emploi passé et son niveau d’éduca-tion. Ces probabilités sont construites à l’aidede modèles économétriques dynamiques es-timés à l’aide des données de la vague 1,de 2012, de l’Étude longitudinale et interna-tionale des adultes (ELIA). Ces données per-mettent de suivre l’évolution passée des re-venus de travail, à l’aide des fichiers fiscauxqui sont liés à l’ELIA. Un élément très im-portant de nos projections est que les pro-babilités d’emploi sont estimées en fonctiondes cohortes de naissance, ce qui permet debien capter les tendances présentes dans lafigure 1 plus haut.

Enfin, le quatrième module – inutilisé danscette étude – concerne la fiscalité des parti-culiers ainsi que les cotistations aux régimesde retraites et les prestations versées parceux-ci.

3 Projections de l’emploi

3.1 Projections sans changementsde taux d’emploi

Afin d’établir un point de départ pour lesprojections d’emploi, nous considérons unscénario qui fixe au niveau de 2015 les carac-téristiques de la population, telles que l’édu-cation, ainsi que les taux d’emploi. En suppo-sant qu’il n’y aura pas de changements dansles caractéristiques de la population ni danslers taux d’emploi, nous pouvons isoler l’ef-fet du vieillissement. Nous présentons le ni-veau d’emploi projeté de 2015 à 2050 à la fi-gure 3. Nous normalisons le niveau d’emploià 1 en 2015. On peut observer une baisse de

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l’emploi de près de 3% d’ici 2030, alors qu’en2050 le Québec peine à rattraper le niveaud’emploi de 2015.

Mais les caractéristiques de la populationen âge de travailler changent dans le temps.Le changement le plus notable se situe auplan de l’éducation : les cohortes plus jeunessont plus éduquées, et cette hausse du ni-veau d’éducation se poursuivra vraisembla-blement durant la période 2015-2050. Ainsi,36,2% des Québécois de 35 à 44 ans dé-tenaient un diplôme universitaire en 2014,contre 23,6% chez les 55-64 ans (StatistiqueCanada, 2015). Or le modèle SIMUL projetteque 53,2% des 35-44 ans et 45,5% des 55-64 ans détiendront un tel diplôme en 2050.

Puisque les taux d’emploi, en particulierpour les travailleurs expérimentés, sont plusélevés chez les individus ayant un niveaud’éducation supérieur, on peut s’attendre àune hausse de l’emploi des suites de ceteffet de composition. Afin d’isoler cet effet,nous laissons la composition de la populationen termes de niveau d’éducation évoluer aurythme prédit par SIMUL, sans modifier parailleurs – donc de façon exogène – les tauxd’emploi par âge. On observe à la figure 3une légère hausse de l’emploi au cours des10 prochaines années, suivie d’une baisse ra-menant l’emploi en 2030 au niveau de 2015.Finalement, l’emploi reprend sa croissanceaprès 2030.

3.2 Scénario de référence SIMUL

L’hypothèse de taux d’emploi inchangésest certes pessimiste au vu de leur hausseau cours des 20 dernières années. SIMUL per-met d’introduire une hausse des taux d’em-ploi par âge qui est indépendante des chan-gements de composition de la population,notamment quant à son niveau d’éducation,

Figure 3 – Niveau de l’emploi au Québec projeté par SIMULselon certains scénarios, 2015-2050.Source : Calculs des auteurs à partir de SIMUL.

ce que nous faisons sur la base des estima-tions obtenues à l’aide de l’ELIA. Nous pré-sentons à la figure 4 l’évolution des tauxd’emploi projetée à l’aide de SIMUL pour cer-tains âges. On voit que les taux d’emploi chezles plus jeunes demeurent stables dans letemps, alors que l’augmentation la plus mar-quée se retrouve chez les travailleurs expéri-mentés. Chez les 55-64 ans, le taux d’emploien 2050 est projeté à 67,5%, en hausse im-portante par rapport au niveau de 54,1% en2011. En comparaison, ce taux projeté pourle Québec en 2050 se situe entre ceux obser-vés au Japon et en Suisse ou en Norvège en2011, et en deçà des taux d’emploi observésdans des pays nordiques tels que la Suède etl’Islande (voir la figure 2, plus haut).

En utilisant ces projections, nous présen-tons à la figure 5 l’évolution de l’emploi to-tal de 2015 à 2050 selon ce scénario de ré-férence SIMUL. À la différence du scénarioavec taux d’emploi par âge constants à ni-veau d’éducation donné, notre scénario de

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Figure 4 – Taux d’emploi au Québec projetés par SIMUL pourcertains âges et selon le scénario de référence, 2015-2050.Source : Calculs des auteurs à partir de SIMUL.

référence ne prévoit aucune baisse de l’em-ploi au Québec entre 2015 et 2050. Alors quela croissance sera plus faible entre 2015 et2030, elle reprendra son ryhtme de croisièreaprès cette date.

3.3 Comparaison avec les projec-tions de la RRQ

À des fins de comparaison, on peut mettreen parallèle les projections d’emploi du scé-nario de référence SIMUL avec celles qu’im-pliquent les projections faites par la RRQdans sa dernière évaluation actuarielle duRégime de rentes du Québec (Régie desrentes du Québec, 2013). Afin de comparerces projections, nous avons obtenu les tauxd’emploi par âge projetés par la RRQ, quenous pouvons utiliser en combinaison avecles projections démographiques de SIMUL.

Figure 5 – Niveau de l’emploi au Québec projeté par SIMULselon le scénario de référence, 2015-2050.Source : Calculs des auteurs à partir de SIMUL.

Les taux d’emploi projetés par la RRQ sontobtenus en deux étapes. D’abord, les tauxd’activité par groupe d’âge à différents hori-zons sont projetés, puis une interpolation esteffectuée entre ces différents horizons. En-suite, l’emploi est obtenu comme le résidu dela population active après une projection dutaux de chômage (qui décroît sur la périodeanalysée). Ces taux d’emploi sont présentéspour certains âges à la figure 6. On note quela RRQ prévoit aussi une hausse des tauxd’emploi, en particulier aux âges plus avan-cés. Par contre, on remarque en comparantavec la figure 4 que la croissance de ces der-niers est plus faible que dans le scénario deréférence SIMUL.

L’application de ces taux à la structure depopulation projetée par SIMUL permet de pro-jeter l’emploi pour la période 2015-2050. Onobserve à la figure 7 une hausse plus faiblede l’emploi dans le scénario utilisant les tauxd’emploi projetés par la RRQ. Puisque lahausse est plus faible que dans le scénario

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Figure 6 – Taux d’emploi projetés par la RRQ pour certainsâges au Québec, 2015-2050.Source : RRQ et calculs des auteurs.

de référence SIMUL, on conclut que l’effet duvieillissement entre 2015-2035 domine l’ef-fet de l’augmentation des taux d’emploi. Parla suite, la croissance de l’emploi reprend uncertain rythme pour plafonner vers la fin dela période.

On peut résumer les différents scénariosen rapportant les taux de croissance annuelsmoyens de l’emploi sur trois périodes : 2015-2025, 2025-2035 et 2035-2050. Dans le ta-bleau 1, nous présentons ces taux pour lescénario à taux d’emploi par âge constants,pour le scénario basé sur les taux d’emploiprojetés par la RRQ en 2013, et enfin pourle scénario de référence SIMUL. Le scénariode référence SIMUL suggère une croissanceannuelle moyenne de l’emploi de 0,19% etde 0,27% sur les deux prochaines décennies,comparativement à une croissance pratique-ment nulle dans le scénario à taux d’em-ploi constants. Enfin, les projections baséessur les taux d’emploi projetés par la RRQressemblent à celles d’un scénario à taux

Figure 7 – Niveau de l’emploi au Québec projeté par la RRQet dans le scénario de référence de SIMUL, 2015-2050.Source : RRQ et calculs des auteurs à partir de SIMUL.

Scénario 2015-2025 2025-2035 2035-2050Taux constants 0,01 0,03 0,20RRQ 0,04 0,28 0,16Référence SIMUL 0,19 0,27 0,41

Tableau 1 – Taux de croissance annuels moyen de l’emploi,en %, selon différents scénarios de la RRQ et de SIMUL.Source : Calculs des auteurs à partir de SIMUL et de donnéesde la RRQ.

constant pour la prochaine décennie, alorsque la hausse est comparable à celle du scé-nario de référence SIMUL pour la décenniesuivante. Par contre, la croissance de l’emploiest beaucoup plus faible entre 2035 et 2050lorsque l’on utilise les taux d’emploi par âgede la RRQ.

4 Conclusion

Nous avons présenté dans cette étude desprojections de l’emploi au Québec jusqu’en2050 effectuées à l’aide du modèle SIMULselon certains scénarios, et nous les avons

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comparées avec celles réalisées par la RRQen 2013. On constate que les taux d’emploiprojetés par la RRQ et par le scénario de réfé-rence de SIMUL sont similaires pour les moinsde 60 ans.

Cependant, les taux d’emploi projetés parSIMUL chez les individus plus âgés sont plusélevés que ceux projetés par la RRQ. Enconséquence, dans les projections de SIMULles taux d’emploi des travailleurs expérimen-tés québécois en 2050 se rapprochent da-vantage de ceux observés dans le pelotonde tête de l’OCDE en 2011. En effet, lestaux d’emploi projetés pour le Québec en2050 se comparent à ceux observés en 2012dans des pays comme le Japon, l’Islandeet la Suède. Dans un contexte d’augmenta-tion continue de l’espérance de vie, de telleshausses des taux d’emploi ne paraissent pasimprobables.

Par ailleurs, l’emploi total est appelé àcroître au Québec au cours des prochainesdécennies. Tel est le cas dans les projec-tions de 2013 de la RRQ, qui prévoient un ni-veau d’emploi environ 5% plus élevé en 2050qu’en 2015. Mais cette croissance est encoreplus marquée dans le scénario de référencede SIMUL, dans lequel l’emploi croît de plusde 10% sur la période. SIMUL génère aussi unniveau d’emploi projeté croissant sur toute lapériode, contrairement à la RRQ qui prévoitd’abord vers 2025 un repli de l’emploi au ni-veau de 2015.

Un niveau d’emploi qui croît de façondavantage continue contribuera de façonplus soutenue à la croissance économiquedu Québec. À elle seule, la croissance del’emploi à partir de 2035 dans le scéna-rio de référence SIMUL permettrait d’ajou-ter annuellement près de 0,3 point de pour-centage à la croissance économique, toutes

choses égales par ailleurs. 3 À la lumière desprojections effectuées avec SIMUL, il appa-raît donc plausible que l’emploi continue aucours des prochaines décennies de soutenirla croissance économique de façon signifi-cative. Cette contribution sera certes bienmoindre qu’au cours des dernières décen-nies, mais tout porte à croire que la haussedu niveau d’éducation et la hausse antici-pée des taux d’emploi chez les travailleursexpérimentés, entre autres facteurs, feronten sorte que l’emploi ne décroîtra pas auQuébec malgré le passage à la retraite deses larges cohortes d’après-guerre. Une pers-pective que soutiennent également, quoiquedans une moindre mesure, les projections dela RRQ au-delà de 2030.

3. Ce résultat est obtenu en multipliant le taux decroissance annuel moyen présenté au tableau 1 par lapart du facteur travail dans la croissance économiquepotentielle, qui est généralement de l’ordre de 70%dans les pays industrialisés (Vachon et Bégin, 2014).

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Références

Clavet, N.-J., Duclos, J.-Y. et Fortin, B. (2014).SIMUL : Modèle dynamique en forme ré-duite. Rapport technique, Chaire de re-cherche Industrielle Alliance sur les enjeuxéconomiques des changements démogra-phiques.

Institut de la statistique du Québec (2014).Perspectives démographiques du Québecet des régions, 2011-2061. Institut de lastatistique du Québec, 123 p.

Organisation de coopération et de dévelop-pement économiques (2015). Panoramades statistiques de l’OCDE (base de don-nées).

Régie des rentes du Québec (2013). Éva-luation actuarielle du Régime de rentes duQuébec au 31 décembre 2012. Régie desrentes du Québec, 169 p.

Statistique Canada (2010). Projections démo-graphiques pour le Canada, les provinceset territoires 2009-2036. No. 91-520-X aucatalogue de Statistique Canada, 247 p.

Statistique Canada (2015). Enquête surla population active, compilation spéciale,adapté par l’Institut de la statistique duQuébec (ISQ). Rapport technique.

Vachon, H. et Bégin, H. (2014). Les pers-pectives démographiques plus optimistesdu Québec ne renversent pas la tendancebaissière prévue pour la croissance écono-mique. Desjardins, Études économiques :Point de vue économique, 16 décembre.

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