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CHAHARBAGH : UNE PROMENADE ALLER- RETOUR Evolution urbaine de l’avenue Chaharbagh d’Ispahan depuis le XVIIème Rose Firouzbakht-Lonbani Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg

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mémoire de Master en architecture

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CHAHARBAGH : UNE PROMENADE ALLER-

RETOUR

Evolution urbaine de l’avenue Chaharbagh d’Ispahan depuis le XVIIème

Rose Firouzbakht-Lonbani Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg

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CHAHARBAGH : UNE PROMENADE ALLER-RETOUR

Evolution urbaine de l’avenue Chaharbagh d’Ispahan depuis le XVIIème

Projet de mémoire en Master d’Architecture réalisé par : Rose Firouzbakht-Lonbani

Sous la Direction de Michael Darin

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg Septembre 2012

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SOMMAIRE Remerciements 5 Introduction 6

I) Situation d’Ispahan au XVIIème siècle 8

• Historique rapide de la ville d’Ispahan avant la dynastie Safavide 8

• Stratégie de planification urbaine d’Ispahan par Shah Abbas 11

• La provenance de Chaharbagh: emplacement et nom 15

II) Chaharbagh de Shah Abbas (au XVIIème siècle) 16

• Dimensions de Chaharbagh 16

• Chaharbagh et la nature 19

• Bâtis et façades 25

• Utilisations et fréquentations 30

III) Délaissement de Chaharbagh sous la dynastie des Qadjars 35

• Description des voyageurs 35 • Changements morphologiques 39

• Utilisations et fréquentations 43

IV) Nouvelle identité pour Chaharbagh par les Shah Pahlavi 44

• Stratégie de développement urbain de Reza Shah Pahlavi 44 • Mutation de Chaharbagh : de la promenade à l’avenue 48

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• Utilisations et fréquentations de la nouvelle avenue Chaharbagh 55

V) Chaharbagh depuis la Révolution Islamique 59

• Continuité de stratégie de développement 59

• Morphologie actuelle de l’avenue 63

• Ambiance et fréquentation à nos jours 67

VI) L’avenir du Chaharbagh Abbasi: retour à la promenade 69

• Réalisation d’un métro sous Chaharbagh 70

• Projet de requalification de Chaharbagh Abbasi : création 72 d’une nouvelle promenade piétonne

• Différents projets sur l’amélioration des façades sur l’avenue 76 Conclusion 80 Bibliographie 82 Annexe 86

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Remerciements : Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de mémoire Monsieur Michaël Darin pour son aide, ses conseils pendant la durée de ma recherche en Master d’Architecture, Ville et Territoire à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg. Je le remercie plus particulièrement pour les encouragements et la motivation qu’il m’a donné durant plusieurs mois à travailler sur un sujet qui me tenait à cœur. Je remercie également le deuxième membre de mon jury, Monsieur François Nowakowski pour ses remarques et critiques pertinentes. Je veux aussi remercier Monsieur Mohammad Arab, architecte urbaniste de l’agence Bavand et professeur à l’Université d’Ispahan et Monsieur M. Karimian, directeur de la section Architecture et Urbanisme de la Municipalité d’Ispahan, pour leurs aides et conseils précieux pour effectuer mon travail de recherche. J’ai une pensé particulière pour mes parents, mon frère et mes proches qui ont su m’encourager pendant les moments difficiles. Enfin, je remercie toutes les personnes avec lesquelles j’ai pu m’entretenir à propos de ma problématique de recherche et de mon terrain d’étude. Elles ont sans doute influencé ma pensée sur des points importants.

Rose Firouzbakht-Lonbani

Strasbourg, septembre 2012

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Introduction

La civilisation Perse est une des premières civilisations mondiale et l’Empire Perse un des plus grands et plus puissants. Les perses ont toujours été en quête de pouvoir et ont fait des guerres successives avec les autres grands empires tel que l’Empire Grec pour étendre son territoire et a ainsi réussi de s’imposer dans le monde. Par conséquent la Perse, l’actuel Iran, a été dès le départ un lieu stratégique pour les autres pays du monde. Comme dans les autres grandes civilisations, en Iran l’architecture était utilisée comme un moyen de communication du pouvoir du pays. Parmi les monuments les plus remarquables de l’Empire Perse, on peut citer la Persépolis, l’ancienne capitale du pays construit il y a plus de 2500 ans, elle fait partie d’un des premiers ensembles urbains minutieusement planifiés et exécutés du monde.

En parlant de planification urbaine historique en Iran il ne faut pas oublier de penser à Ispahan. Située au centre du pays, entre la mer Caspienne et le golfe Persique, la ville d’Ispahan est devenue la capitale de l’Empire Perse sous la dynastie des Safavides entre la fin du XVIème et XVIIIème siècle. Le roi Abbas Ier le Grand, connu sous le nom de Shah Abbas, va faire d’Ispahan une ville exceptionnelle et remarquable, y entreprenant un vaste programme de construction urbaine. La nouvelle ville de Shah Abbas est articulée autour de deux éléments urbains très forts qui sont la grande place royale nommé Naghshe Jahan (image du monde), entourée de l’harem royal Ali Qapu, des mosquées royales et le Grand Bazar d’Ispahan, et l’allée Chaharbagh, une promenade verte, articulant la ville historique, au nord d’Ispahan et les nouveaux quartiers constuit au sud d’Ispahan.

Suite à la construction de la place et l’allée royale, Ispahan devient une référence sur le plan architectural et urbain pour les autres villes de la Perse mais aussi les autres pays du monde. De nombreux ambassadeurs et voyageurs se rendaient à Ispahan pour admirer la beauté de la capitale de l’Empire Perse et pour s’en inspirer pour la construction de leurs villes.

Beaucoup de textes ont été écrits sur l’urbanisme et l’architecture

d’Ispahan, l’histoire d’urbanisme d’Ispahan de l’époque Safavide, ou encore sur l’architecture de la place Naghshe Jahan. Cependant il n’existe aucune monographie sur Chaharbagh. Or cet axe est depuis quelques années un sujet d’actualité. Plusieurs projets sont constamment proposés pour mettre en valeur cette épine dorsale de la ville. Il est donc important pour les architectes et urbanistes qui s’intéressent au sujet de Chaharbagh de connaître son histoire et ses transformations urbaines pour pouvoir proposer des projets adaptés et à la hauteur de ce lieu exceptionnel.

Ce travail de recherche et de mémoire est consacré à cet élément le plus remarquable de l’urbanisme de Shah Abbas qui est l’allée Chaharbagh. D’après la définition du Larousse une allée est un « chemin assez large, bordé d’arbres, de verdure, qui sert de lieu de promenade ou de voie d’accès dans un jardin, un parc, un bois, etc. ». En effet, comme mentionné plus haut, l’allée Chaharbagh une large promenade bordée de platanes et plantée de fleurs, elle servait les jardins qui étaient construits de part et d’autre de l’allée. Chaharbagh avait des contours bien délimités et précis, au Nord elle était

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limitée par le palais du roi, à l’Est et Ouest les palais et jardins de la famille royale et au Sud le jardin du roi. C’était donc un ensemble très harmonieux et réfléchi.

Depuis sa formation, l’ensemble Chaharbagh a subi plusieurs transformations et mutations plus ou moins planifiées. De nos jours la notion « d’ensemble » a disparu et Chaharbagh n’est plus qualifié d’une « allée » mais d’une « avenue » c’est-à-dire, d’après la définition du dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement de P. Merlin et F. Choay, « une large voie urbaine bordée d’arbres. {…} l’avenue issue de l’art des parcs et jardins est une création de l’âge classique qui acceuille la circulation des carrosses, les défilés militaires, les fêtes urbaines et se trouve connotée par l’appart ».

Ce mémoire permet de saisir, par une analyse chronologique, la

morphologie, fréquentation et enjeux de l’axe quadricentenaire de Chaharbagh à travers les différentes époques qu’il a traversées ainsi que l’importance et la place qui lui sont consacrées pour l’avenir de la ville d’Ispahan . Les époques qui ont traversées l’histoire de Chahrbagh sont :

- Ispahan avant la construction de Chaharbagh - la dynastie Safavide : la formation de Chaharbagh - la dynastie Qadjar correspondant à une période de délaissement et

dégradation de Chaharbagh - l’époque Pahlavi : une période de dénouement de Chaharbagh, c’est à

dire le passage de l’Allée à l’Avenue Chaharbagh - La période actuelle depuis la Révolution Islamique d’Iran, où

Chaharbagh est en conflit entre la quête de son identité perdue et sa position, au centre d’une ville métropolitaine.

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I) Situation d’Ispahan avant le XVIIème siècle

Pour commencer, un court historique de la ville d’Ispahan permettra de mieux saisir l’importance et l’enjeu de Chaharbagh dans cette ville. Ispahan est située dans une région centrale d’Iran, est une des villes les plus anciennes du pays. Elle, était l’ancienne capitale de l’Empire Perse. Ispahan a connu de nombreuses modifications et transformations concernant sa morphologie urbaine depuis plus de deux milles années.

En effet entre les moments de gloire et de prospérité, invasions et destructions, la situation urbaine, culturelle, sociale, et économique de cette ville a beaucoup changé avant de devenir depuis quelques années une capitale régionale importante en Iran.

• Historique rapide de la ville d’Ispahan avant la dynastie Safavide:

La période préislamique d’Ispahan n’est pas la plus importante de son développement urbain. Peu de documents précis existent sur ces périodes. Cependant, Ispahan semble être un des premiers centres urbains et “une des villes les plus ancienne”1 du pays. En effet, “cette ville a pris racine il y a deux milles ans”2. Au Nord de la ville actuelle se trouvait “un ensemble d’agglomérations” dont les plus importantes étaient les villages de Yahoudieh et Jay3. Par la suite, avec le développement démographique et la situation stratégique de cette région (sur la route de la soie) ces villages se sont rattachés pour constituer un premier noyau urbain de la ville de Sepahan devenue par la suite Ispahan4. Au IVème siècle après J.C., Ispahan (Jay) devient le siège militaire de la dynastie Sassanide. C’est alors qu’on y construit les premiers grands bâtiments, ainsi qu’un marché et une place à l'intérieur de l’enceinte; c’est la naissance de la grande ville d’Ispahan.5 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!(!)*+!,-./0123!4+!4/52-1163!7+!768/!9!!"#$%&$'()*$+","&'9!:;+!</6=>55-0.-!?!@/A>=-!9!"BB(9!C+"#!"!D+!D/A6E6!?!F+!<>2/E-;!9!-,.'/"0.'%1'/2%'3#/#.$4'567"&'+0"&&#&8'%1'/,.'3#/9'*$1","&'#&'/,.'+"$/'"&('+6.$.&/!9!"BB#!9!4C/G-!4H52/I!4HEC>=60E!J!@>5;>59!C+( #!K/*>0;6H-*!=6L56M6-!1/!.611-!N06.-+!)-5;/52!;-=!/55:-=!/CAO=!1/!M>AE/26>5!;P05-!.611-!=062-!/0!A/==-E81/L-!;-!C10=6-0A=!.611/L-=3!Q=C/*/5!=P/CC-11/62!-5G>A-!R/H!!$!Q+!SM=*/A-=2/56/5!3!:6%;#&3.'<$1","&!9!:;+!T6AE/5;!J!(UUU!J!C+!'"!%!@+!T>5/AM/A!3!="&>#&.,'<$1","&!9!:;+!4/L*/M6!J!(UVB!JC+&(

!"#$%&'(': Plan d’Ispahan à la fin de la dynastie Sassanide.

Source : B. Kazemi

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Suite à la conquête arabe au VIIIème siècle, pendant la dynastie Abbassides, Ispahan voit naître ses premiers bâtiments de culte ainsi qu’un bazar. C’est la base de la ville historique. Un premier grand développement de cette ville eu lieu au Xème siècle, lorsque Ispahan devient la capitale de la dynastie Ziyarideh. On y construit alors de nombreux édifices culturels et on agrandit également le bazar6. Cependant, Ispahan voit une première destruction un siècle plus tard. De fait de son emplacement stratégique au milieu de la route de la soie, cette ville était un lieu d’intérêt pour tous les pays environnants.

Par la suite, Ispahan redevient capitale sous la dynastie Seldjoukide de 1037 à 1194 « Pendant cette période, Ispahan était la plus importante et plus prospère ville du pays»7

(annexe 1, p.86). De nombreux monuments majestueux ont été construits symbolisant le grand développement culturel, artistique et architectural de tout l’Empire Perse8.

Ispahan devient également une ville scientifique de grande influence dans le monde entier, notamment grâce à Omar Khayyam9 et Avicenne10. De nombreux occidentaux voyagent alors à Ispahan pour s’enrichir et admirer la beauté de cette ville. D’ailleurs, Nasser Khosrow, fameux savant et philosophe iranien du même siècle écrit à propos d’Ispahan: “Je n’ai jamais

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Figure 2 : formation de la ville d’Ispahan pendant le période pré-islamique de l’Empire Perse

Source : Maison d’Ispahan !

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vu, parmi toutes les places où on parle persan, une ville aussi grande, raffinée, et prospère qu’Ispahan”.11 Concernant le développement urbain d’Ispahan durant cette période, les quartiers résidentiels des anciens villages se sont agrandis en suivant un tracé organique, s’attachant aux grands monuments. Le noyau central, permettant ainsi l’agrandissement d’Ispahan.

Or, un deuxième massacre aura lieu par Tamerlan en 1387. Ispahan perd

alors de son prestige. “C’est certain que la ville a continué son existence, mais sans aucun doute elle a perdu beaucoup de son pouvoir comme centre urbain après les démolitions successives. C'est peut-être la raison pour laquelle dans les périodes suivantes la ville s’est plus développée vers le sud pour trouver plus de respiration”12.

Au XVIème siècle, tout le pays connait de nouveau une grande période de progrès artistique et scientifique grâce au règne des descendants de Tamerlan, qui contrairement à leur père ont su redonner du pouvoir et de l’attrait à l’Empire Perse. D’ailleurs ils ont construits plusieurs monuments importants tels que le palais Chehel Sotoon de Qazvin, qui est encore aujourd’hui un des monuments les plus visités par les touristes13.

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Figure 3 : Plan d’Ispahan à l’époque Seldoukide

Source: d’après plan Bavand Consulting !

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• Stratégie de planification urbaine d’Ispahan par Shah Abbas :

C’est à partir de la fin du XVIème siècle qu’Ispahan revoit son apogée en devenant la capitale de l’Empire Perse Abbaside, sous Shah Abbas I. Shah Abbas I avait le désir de créer une nouvelle aire religieuse dans l’Empire Perse. Ainsi, “Abbas le Grand contrôle l’Empire Perse et construit Ispahan comme son utopie, prodiguant à tous la splendeur orientale”14 . Shah Abbas choisit Ispahan pour y créer sa nouvelle capitale en 1598, à cause de son emplacement central et stratégique par rapport à son propre Empire mais aussi des pays avoisinants. En effet, depuis longtemps Ispahan est connu sous le nom du “milieu du monde”15. C’est aussi parce que cette ville avait de nombreux potentiels de développement avec la présence des terres vierges et fertiles à proximité du fleuve Zayandeh-Roud. En fin, d’après Munshi, “Shah Abbas avait aussi une préférence pour le climat de cette ville par rapport à l’ancienne capitale”16.

Pour la conception de la nouvelle capitale, c’est Shah Abbas I en personne qui va avec l’aide de son urbaniste conseiller Sheikh Bahaï, dessiner les plans d’extension de la ville vers le Sud et le Sud Ouest17. D’après Coste et Flandin, c’est Shah Abbas “qui, en effet, en a crée presque tous les édifices et embellissements”18.

«Avec l’assistance de son conseiller et urbaniste Sheikh Bahaï, il n’a pas seulement fait d’Ispahan, à nouveau une grande capitale, mais il a développé la ville au-delà de ses frontières. Un grand nombre de nouveaux bâtiments et d’espaces urbains ont été établis, mais surtout, un grand travail de planification urbaine organisée pour Ispahan s’est produit durant cette période”19.

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Figure 4 : Plan de développement urbain d’Ispahan à l’époque safavide

Source: Géographie d’Ispahan !

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En effet, le roi avait une idée précise de sa capitale. “Contrairement aux sultans qui vivaient dans les anciennes ville, Abbas décide de créer une ville moderne pour ne pas vivre comme les anciens”20. C’est donc le début de la renaissance urbaine d’Ispahan.

Pour cela, il préfère construire une nouvelle ville. “Un nouveau développement urbain très massif” qui reste cependant “ en harmonie avec l’ancienne structure de la ville, ce qui a permis à Ispahan de devenir une ville exceptionnelle dans le pays”21. Pour atteindre la perfection et ainsi pouvoir se vanter de sa nouvelle capitale, Shah Abbas “ va envoyer des représentants aux cours européennes les plus nobles, et apporter à sa propre cour des artistes et techniciens étrangers pour mélanger les savoirs et les compétences des occidentaux pour moderniser et revitaliser l’ancienne civilisation de son pays”22. A ce propos, Jane Dieulafoy, archéologue et journaliste française ajoute que, sous Shah Abbas « l’extension donnée à l’Empire à la suite de conquêtes qui portèrent les frontières de la Perse jusqu’à l’Euphrate, ses relations d’amitié avec les Européens installés à sa cour, l’embellissement d’Ispahan devenue sa capitale et l’une des plus belles villes du monde, enfin la richesse et la prospérité auxquelles atteignit sous son règne un royaume qu’il avait disputé à l’étranger et arraché à la guerre civile »23.En effet, Ispahan va pendant des années, et encore aujourd’hui représenter le pouvoir de Shah Abbas. La nouvelle ville est structurée autour de deux éléments majeurs bien dessinés et structurés, suivant un ordre géographique et rigide. Naghsheh-Jahan: (annexe 2, p.86)

Tout d’abord, la création d’une nouvelle “Place Royale”, en persan “Meydan Shah”, ayant un tracé rectangulaire et qui est ordonnée et régulière. Aujourd’hui elle s’appelle la place Naghshe-Jahan signifiant littéralement “tracé du monde”. Elle est bordée du palais, le harem et les mosquées du Shah ainsi que le grand bazar d’Ispahan qui fait l’articulation avec la ville ancienne. C’est donc un grand espace d’échanges sociaux, mélangeant toutes les classes de la population et différentes activités. D’après Simon Ayvazian, un des auteurs de Maisons d’Ispahan, ayant étudié l’architecture persane et la ville d’Ispahan, “cet espace est unique dans le monde islamique, et reste un lieu urbain exceptionnel, tant par son originalité et son ordonnancement que par ses vastes proportions”24.

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Figure 5 : Plan de Naghshe-Jahan

Source: Encyclopedia of World Architecture !

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Figure 6 : Plan des éléments structurants de la nouvelle capitale Safavide

Source: Maison d’Ispahan !

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Chaharbagh: (annexe 3, p.87) Le deuxième élément est une grande allée linéaire, située à l’Ouest de la place Naghsheh Jahan. C’est Chaharbagh, une large avenue Nord/Sud constituant l’artère principale de la nouvelle capitale de Shah Abbas. Chaharbagh est une allée “plantée et bordée de jardins privés réservés à l'aristocratie et aux grandes familles”25. D’autre part, Chaharbagh permet d’enfin franchir Zayandeh Roud et de continuer l’expansion de la ville de l’autre côte du fleuve. Chaharbagh est le sujet majeur de ce mémoire. Une description complète de cette avenue est faite dans les chapitres suivants à travers différentes périodes de l’histoire de l’Iran.

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Figure 7 : Plan d’Ispahan à l’époque Safavide

Source: Mahshid Alemi !

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• Provenance de Chaharbagh : emplacement et nom :

Pourquoi est-ce que Shah Abbas a construit Chaharbagh? Comment a-t-il choisi l’emplacement de cette avenue? Pourquoi l’a t-il nommée “Chaharbagh”? Ce sont toutes des questions qui ont longtemps intéressées les architectes et historiens de nombreux pays, surtout occidentaux, et pendant des années. Tout d’abord, il faut comprendre la signification littérale du mot “Chaharbagh” en français. Chaharbagh est composé de “chahar” qui est le chiffre quatre en persan et de “bagh” qui signifie jardin. On peut donc traduire Chaharbagh par “quatre jardins”. Mais pourquoi appeler une allée “quatre jardins”? Il peut y avoir plusieurs explications pour justifier un tel nom. C’est soit lié au passé du site avant la construction de la nouvelle ville de Shah Abbas, ou bien le nom est choisi par rapport à l’aménagement de l’allée qui est composée de quatre parties latérales. Une autre possibilité serait que cet axe Nord-Sud, croise le fleuve Zayandeh Roud et divise la ville en quatre parties, toutes occupiées majoritairement par des jardins et des bois. Enfin, ce nom peut ne pas avoir de lien avec le site mais avec une mode de construction. En effet, les premières allées et promenades persanes sont construites un siècle avant l’arrivée de Shah Abbas I, par l’ordre de Shahrokh le fils de Tamerlan. “D’après des analyses historiques, à la même époque, des rue nommées “Chaharbagh” existaient aussi dans certaines villes du pays, on peut par exemple citer parmi elles, Chaharbagh de Mashhadd, ou encore de Meymaneh”26 . Concernant le choix du nom de cette allée, P.Blake explique dans son livre Half The World sur l’architecture Safavide d’Ispahan, que McChesney27 et Godard28, deux chercheurs qui se sont penchés sur les nombreuses questions de Chaharbagh, n’ont pas pu trouver de raisons valables en ce qui concerne la construction et le nom de cette avenue puisque d’après eux, Shah Abbas avait déjà dans un premier temps commencé la construction de l’avenue en 1596 avant d'abandonner la construction des monuments autour de Chaharbagh pour bâtir la place Naghsheh-Jahan et son palais. Ainsi, il aurait par la suite repris la construction de Chaharbagh quelques années plus

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Figure 8: Illustration de l’allée Chaharbagh

Source: Corneille le Brun, 1718 !

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tard29. Cependant, de nombreuses personnes pensent qu’il y a un rapport entre le nom de l’allée, son site et son aménagement. Par exemple, Wilfrid Blunt, un voyageur anglais qui a écrit un livre sur Ispahan, dit que Shah Abbas a conçu Chaharbagh, à l’ancien emplacement des champs de vignes , comme une entrée de ville pour sa nouvelle capitale (figure 3).30 Selon la française, Jane Dieulafoy, “cette magnifique promenade est ainsi nommée parce qu’elle fut crée sur l’emplacement de quatre biens vakfs, appartenant à une mosquée et pour la location desquels le roi s’engagea, en bonne et due forme, à payer éternellement un fermage annuel.”31 On peut conclure de toutes ces explications que l’allée Chaharbagh d’Ispahan n’est pas la première promenade construite dans le pays, et elle n’est pas unique en ce qui concerne son nom. Cependant elle est devenue la plus fameuse des Chaharbagh grâce à son ampleur et sa beauté exceptionnelle.

II) Chaharbagh de Shah Abbas (au XVIIème siècle)

Chaharbagh fut construit par Shah Abbas Safavide d’après une planification précise. C’est la première fois qu’un tel élément est construit dans le pays. En effet, ils existaient des « allées» et des « chemins », mais ils étaient souvent très étroits et rarement bordés de bâtiments. D’après Zahra Ahari, historienne d’architecture à l’Université de Téhéran, avant la construction de Chaharbagh « seulement les chemins construits à l’intérieur des jardins étaient pavés »32. Pour Alireza Esmaeili, historien iranien, « Chaharbagh était le symbole de la nouvelle Ispahan, c’est pour cela qu’il est si large et majestueux ».33

Ce chapitre permet de décrire cet élément urbain d’après l’étude des nombreux carnets de voyages des voyageurs occidentaux ayant visités la capitale de Shah Abbas.

• Dimensions de Chaharbagh :

Il n’y a malheureusement aucun plan d’urbanisme qui nous est parvenu de l’époque de la conception et construction de Chaharbagh, cependant les récits des historiens et voyageurs permettent d’acquérir des informations concernant la morphologie et les dimensions de ce nouvel espace. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"U!4+!)+d1/f-!J!H"01'-,.'I%60('4'-,.'$%3#"0'"63,#/.3/D6.'%1'G"1";#('*$+","&@'KWOXBKNMM'B'!:;+!</g;/!J!(UUU!J!C+(BV!#B!^+!d1052!9!*$1","&':."60'%1':.6$#"'9!:;+!)/11/=!S2*-5-!9!"BBU!9!C+V"!#(!R+!76-01/M>H3!%+?'3#/?3!C+"(&!#"! c>1-=2/5-! T>5/A3! Q==0-! %3! /020E5! "BB%3! \f*6/8/5-! Y*/*/A8/L*-! b=M/*/53! </M*>>E6! 5>! /g!M/g/H-!=*/*A6]3![+!S*/A6!J!C+!$'!##! S+! b=E/-616! -2! ,+! <>f*2/A69b=M/*/56! 3!H%&"6' <$1","&' "Y' &.8",.' $"9"("&! 3! :;+! W/A*/5L-=2/5!T>5/A!3!`:*:A/53!"BB$!J!C+"(%!

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Le chevalier Chardin, ayant vécu quelques années à Ispahan pendant le règne du Shah Abbas II, estime la longueur de l’allée de « trois mille deux cent pas » et sa largeur de « cent dix » pas34. Piettro Della Valle, un explorateur italien qui a visité la capitale de Shah Abbas alors qu’elle était encore en mutation, dit ainsi de la grandeur de Chaharbagh : « la largeur de cette rue est de deux à trois miles et sa largeur est peut-être le double de celle du ponte Molle de Rome. {…} Chaharbagh appartient au roi, c’est pour cela qu’elle est tellement grande et exceptionnelle. Ainsi, je peux affirmer que même la rue de Popolo de Rome et la rue Poggio de Naples ne sont pas si majestueuses »35.

Jean-Baptiste Tavernier voyageur et commerçant français ayant voyagé plusieurs fois à Ispahan au temps de Shah Abbas, écrit dans son livre que Chaharbagh « est une allée de plus de 1500 pas de long, et de 70 ou 80 pas de large, coupée presque également par la rivière, sur laquelle il y a en cet endroit-là un très beau pont»36. Le médecin et voyageur allemand Engelbert Kaempfer est plus modéré dans ses propos et écrit: «j’ai mesuré la rue avec des grands pas. La largeur est de soixante-trois pas. La longueur est de 1620 pas d’un côté du pont, et 2200 pas de l’autre côté, et il faut y ajouter 490 pas pour la longueur du pont »37.

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Figure 9: Photo du pont Allah Verdi Khan (Si-oSe Pol)

Source: Hoeltzer, 1685 !

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Ce pont est le pont Si-o-Se Pol connu aussi sous le nom du pont Allah Verdi Khan, d’après le nom de son bâtisseur. Selon Tavernier, «Il est bâti de bonne brique liée avec des pierres de taille et est tout uni au milieu n’étant pas plus élevé que les deux bouts. Il n’a guère moins de 350 pas de long et 20 pas large, et il est soutenu de quantités de petites arches de pierre qui sont fort basses. Il a de chaque côté une galerie large de huit à neuf pieds et qui va de bout en bout. Plusieurs arches de 25 à 30 pieds de haut soutiennent la plateforme dont elle est couverte et ceux qui veulent être plus à l’air quand la chaleur n’est pas grande peuvent passer par dessus. Le passage le plus

ordinaire est sous les galeries. Elles sont fort élevées par dessus le rez-de-chaussée du pont, et on y monte par des escaliers aisés, le milieu du pont qui n’a environ 25 pieds de large étant pour les chariots et les voitures »38

Pour continuer avec les descriptions sur les dimensions données pour Chaharbagh, Sanson écrit : « c’est une allée droite et fort unie, large de plus de deux cents pieds géométriques, et longue de deux bonnes lieues de France »39. Wilfrid Blunt informe que sa largeur était de cinquante verges40. Sir Thomas Herbert, en relation avec l’ambassade perse écrit ainsi : «sa rue principale était une avenue majestueuse d’une largeur de 66 verges et trois-quarts d’un mile de long, au long de laquelle ruisselle de l’eau dans des canaux en marbre »41 . D’après P.Blake Chaharbagh mesurait «une largeur de 110 verges, sur trois milles de long »42 .

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Figure 10: Plans et élévation du pont Allah Verdi Khan

Source: Zahra Ahari !

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Ces descriptions sur les dimensions de Chaharbagh sont assez variées, cependant, ce qui est certain c’est que Chaharbagh était un ensemble dessiné par Shah Abbas en personne, en une ligne droite, distinguée en deux parties dans sa longueur. La partie nord commence du pavillon Jahan-Nama, appartenant aux femmes du roi, pour que «assises sur la terrasse du pavillon, elles puissent profiter de la vue sur Chaharbagh sans être vues par les gens dans la rue»43, jusqu’au fleuve Zayandeh Roud, franchi grâce au pont Si-o-Se Pol. Chaharbagh continue de l’autre côté du fleuve, menant aux jardins royaux de Hezar Jirib (mille harpens). Nommée «les Champs-Elysées d’Ispahan»44 par Pierre Loti, Chaharbagh est aussi pour Chardin « la plus belle allée que j’ai vue et j’ai jamais entendu parler »45 ou encore «une des plus beau et plus charment coin du monde»46 d’après Adam Olearius. L’allée Chaharbagh était donc « dans son genre une des plus belle choses qu’on puisse voir »47.

• Chaharbagh et la nature :

Depuis plusieurs siècles et encore aujourd’hui, la présence de la végétation et de l’eau était vitale dans la région désertique d’Ispahan. D’ailleurs l’abondance d’arbres à Ispahan a surpris tous les voyageurs occidentaux dont Pierre Loti qui dit à propos de cette ville que « c’est un bois, c’est une ville plus exubérante encore que chez nous, et étonnamment verte»48. Ce qui rend Chaharbagh si exceptionnelle est la présence des éléments de la nature, telles que l’eau et la végétation. Tous les gens ayant visité cette avenue parle de l’importance de ces éléments concernant la beauté et la fonctionnalité de Chaharbagh.(annexe 4, p.87)

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Figure 11: Plan d’organisation de l’ensemble Chaharbagh

Pavillon Jahan-Nama

Jardin Hezar Jirib

Figure 12 : Coupe transversale sur l’allée Chaharbagh à l’époque safavide

Source: d’après Bavanc Consulting!

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La place de l’eau : L’eau qui avait déjà une grande importance dans l’architecture persane, joue un rôle et une place essentielle pour Chaharbagh. Kaempfer reconnaît que la beauté d’Ispahan est due à la présence de l’eau: «la beauté exceptionnelle de cette avenue est due au canal qui passe par son milieu, en pierre de taille, il mesure cinq pieds de large, et un pied de profond. Dans ce canal coule une eau limpide faisant un bruit agréable descendant sur des marches en pierre »49.

En effet, comme nous le décrit Jean-Baptiste Tavernier, dans l’axe longitudinal de Chaharbagh était construit un canal «le long de l’allée depuis le pavillon du roi, d’où sort un ruisseau qui le remplit jusqu’au grand pont. Les deux bords du canal sont en de pierre de taille et larges de deux ou trois pieds»50 .

Chardin nous donne des dimensions précises concernant ce canal : «Les rebords du Canal, qui coule au milieu, d’un bout à l’autre, et qui sont

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Figure 13 : Illustration du palais Chehel Sotoon à Chaharbagh

Source: Jane Dieulafoy!

Figure 14 : Illustration de Chaharbagh

Source: Corneille le Brun!

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faits de pierre de taille, sont élevés de neuf pouces, et sont si large que deux hommes à cheval peuvent se promener dessus de chaque côté. Les rebords des bassins sont de même largeur, et pour ceux des côtés de l’allée, entre les arbres et les murailles, ils ne sont pas plus hauts, mais ils sont plus larges »51. Ce canal était rythmé par « de beaux et grands bassins, de formes différentes. Ils sont toujours pleins d’eau, et sont très agréables pour les passants »52 qui se trouvaient en face de chaque pavillon d’entrée des jardins. D’après Sanson l’eau qui coule au milieu de l’allée « se précipite agréablement par des cascades dans de grands bassins larges comme des étangs, et en sort par de beaux jets d’eau, qui en la rejetant la font répandre dans d’autres bassins, qui sont en éloignés de trois cent pas les uns aux autres»53.

Dans son livre, Chardin fait une description très précise des bassins de Chaharbagh «qui embellissement la partie de l’allée entre la rivière et la ville sont sept en nombre, dont quatre sont plus petits. Le premier de ces bassins est carré, de quinze pieds de face. Le second, également carré, est de cent vingt pas de tour, ayant au milieu un échafaud octogonal, élevé d’un pied sur l’eau, avec un beau balustre autour où dix personnes peuvent être assises à l’aise pour prendre le frais. Le troisième bassin est à huit faces, et de cent vingt huit pas de tour. Le quatrième bassin, qui est à la chute de l’eau, n’a que vingt pas de tour. Le cinquième bassin, qui est sur le bord d’une semblable chute d’eau, est aussi petit que l’autre. Le sixième est carré, long de cent vingt huit pas de tour. Le septième bassin est ce cent vingt quatre pas de tour, servant de passage à l’eau des canaux, qui coulent dans les rues qui sont à côté. Entre ces deux derniers bassins, il y a une troisième chute d’eau»54.

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Figure 15 : Emplacement des bassins de Chaharbagh

Source: auteur inconnu!

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D’après tous ces récits, on peut conclure qu’un canal de presque 1,5m de large, passait au milieu de Chaharbagh, commençant au bout de l’avenue, au niveau du pavillon Jahan-Nama, et descendant vers le sud au moins jusqu’au fleuve, coulant en suivant la pente du terrain, et traversant les sept bassins, tous construits en pierre de taille, qui était apparemment de l’onyx55 ou du marbre blanc56. La place de la végétation:

Tout le long de Chaharbagh étaient plantés des milliers d’arbres. Des

platanes et «des arbres fruitiers qui ont été apportés de toutes les régions du pays pour être plantés dans cette merveilleuse allée. Parmi eux des pommiers, poiriers, amandiers, figuiers, grenadiers, citronniers, orangers, mandariniers, mais aussi des châtaigniers, des noyers, des cerisiers, et des arbustes comme des framboisiers et des vignes»57.

Concernant le nombre de rangées d’arbres, les discours sont assez différents. Tavernier écrit qu’il n’y a «qu’un rang d’arbres de chaque côté, et ce sont des arbres fort droit et fort hauts, qui n’ont en haut qu’une grosse touffe »58, alors que Coste nous parles de «quatre rangées de platanes gigantesques dont le tronc monstrueux portait majestueusement la tête en forme de parasols, ouvraient devant nous cinq allées larges et droites, dont la longueur seule empêchait de voir l’extrémité»59.

Pierre Loti parle aussi d’« une quadruple rangée de platanes, longue de plus d’une demi-lieue, formant trois allées droites; l’allée du centre, pour !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!%%!`+!T-A8-A23!%+?'3#/?3!C+"#!%&!)+!7-11/!a/11:3!%+?'3#/?3!C+#(!%V!S+!X1-/A60=3!%+?'3#/?3!C+&(#!!%'!R+!d+!`/.-A56-A3!%+?3#/?@'+?eLN'%U!)+!Y>=2-!-2!b+!W1/5;653!%+?'3#/?3!C+"'V!

Figure 16 : illustration de Chaharbagh

Source : Charles Texier!

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les cavaliers et les caravanes, pavée de larges dalles régulières, les allées latérales, bordées dans toute leur étendue»60. Sanson reste plus vague en écrivant que Chaharbagh « est bordée des deux côtés d’un grand nombre de platanes, qui sont des arbres gros, hauts, branchus, dont les feuilles qui sont aussi larges que celles de vignes, font un bel ombrage»61. Selon Ahmad Montazer, architecte et urbaniste iranien «l’allée centrale était pavée de pierres et réservée aux cavaliers, les allées latérales, ombragées par un double alignement de platanes, étaient réservées aux piétons et promeneurs»62. D’ailleurs, concernant le pavage au sol de Chaharbagh, un article du journal du patrimoine culturel d’Iran explique que «le sol de Chaharbagh était pavé par des pierres sorties de Zayandeh Roud. Les pierres étaient découpées en deux tailles différentes, moyenne et plus grosse pour recouvrir l’allée »63.

Beaucoup plus différent des autres récits E. Boults décrit ainsi l’avenue Chaharbagh: «elle a été plantée de huit rangées de platanes et de peupliers»64.

Bien que les descriptions et illustrations ne soient pas les mêmes concernant le nombre de rangées d’arbres, on est certain, par les informations de Della Vallée, que Shah Abbas y avait essentiellement fait planter des platanes de proportions et de régularités exceptionnelles65. Kaempfer ajoute qu’il n’a vu « nul part dans le monde, des platanes aussi grands ». Il les reconnaît alors comme étant une des caractéristiques de Chaharbagh, qui est plantée « des deux côtés et très serrés les uns aux autres et permettent de créer un ombrage pour se protéger du soleil brûlant de l’été, et se promener, comme diraient les perses, sous une « voûte verte» »66.

D’après les historiens iraniens Esmaeili et Mokhtari-Esfahani, Shah Abbas aimait tellement ces arbres, « qu’il ne laissait personne les tailler sans son autorisation et sa présence »67. On raconterait que Shah Abbas « prenait tant de plaisir à faire cette belle allée, qu’il ne voulait pas qu’on y plante un arbre sans sa présence ». On raconte aussi qu’il met « sous chacun une pièce d’or de huit francs et une pièce d’argent de dix-huit sols, marquées à son coin »68. Hoelzter dit de même «Shah Abbas, enterrait un pièce d’où à l’implantation des futurs arbres, et il jurer de couper la tête de celui qu’il a planté l’arbre au cas ou il ne pousserait pas, et au contraire il donnait, en guise d’encouragement, une pièce pour chaque arbre bien planté, pour être sûr que tous ces arbres seront bien plantés dans des bonnes conditions et bien entretenu par la suite, pour assurer la beauté de son avenue dans le futur»69.

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Il n’y avait pas que les arbres qui rendaient Chaharbagh si vert, mais également « des fleurs qui étaient plantées le long du canal, et qui créaient une ambiance très parfumée »70. Loti nous parle de «plates-bandes fleuries, de charmilles de roses, et des deux côtés, sur les bords, des palais ouverts, aux murs de faïence, aux plafonds tout en arabesque»71,

D’autre part, on retrouve un prolongement de la nature dans les jardins qui se trouvent de part et d’autre de l’allée. Pour Kaempfer, les jardins iraniens avaient une beauté exemplaire. Il ajoute : «je ne peux même pas me permettre de comparer ces jardins avec les jardins occidentaux. J’affirmerai même que dans le monde entier, personne n’a construit des jardins aussi beaux et réguliers que le Shah »72.

Shah Abbas désirait créer un« paradis terrestre » dans sa promenade

en y plantant des arbres et fleurs rares autour des canaux et bassins animés par des chutes et des jets d’eau tout le long de Chaharbagh. L’eau et la végétation à Ispahan, de part la beauté physique, sont des éléments régulateur de la température. En effet, dans une région désertique comme celle d’Ispahan, l’avenue du roi serait absolument invivable en absence d’arbres qui créent de l’ombre et d’eau qui rafraîchissait l’air parfumé par les fleurs. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!VB!d/./5;!Y>5=01265L3!%+?'3#/?3!C+"V!V(!!)+!@>263!#7#(?'3!C+"(%!V"!!b+!D/-ECM-A3!%+?'3#/??3!Ch!(U&!!

Figure 17 : illustration de Chaharbagh

Source : Jane Dieulafoy!

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• bâtis et façades :

L’image si agréable de Chaharbagh ce complète par les jardins et les palais se trouvant des deux côtés de l’avenue, appartenant au Shah et à la famille royale. D’après l’énumération très précise de Chardin et de Kaempfer, ils étaient au nombre de dix, c’est-à-dire cinq jardins de chaque côté de Chaharbagh. Tous les récits des voyageurs consacrent plusieurs pages pour la description de ces jardins.

Concernant l’emplacement des palais et des jardins de Chaharbagh Sanson écrit ainsi : « entre les espaces des bassins, des maisons royales sont situées des deux côtés de l’allée et sont en vis-à-vis les unes aux autres »73. Ce sont d’après Kaempfer «des maisons avec de coupoles et des terrasses en bois et des peintures »74 très minutieux qui représentent surtout la nature.

Le Chevalier Chardin nous raconte que « les ailes de cette charmante allée sont de beaux et spacieux jardins, dont chacun a deux pavillons, l’un fort grand, situé au milieu du jardin, consistant en une salle, ouverte de tous côtés, et en des chambres et des cabinets aux angles ; l’autre élevé sur le portail du jardin, ouvert au devant, et aux côtés, afin de voir plus aisément tous ceux qui vont et viennent dans l’Allée. Ces pavillons sont de différente construction et figure, mais ils sont presque tous d’égale grandeur, et tous peints et dorés fort matériellement, ce qui offre aux yeux l’aspect le plus éclatant et le plus agréable »75.

De plus, on retrouve les mêmes descriptions par Sanson : «elles sont bâties d’une même manière. Leur structure est délicate et magnifique. Elles ont plusieurs étages distingués par des balcons, qui avancent sur l’allée ; leurs façades sont ornées de peintures enrichies de feuillages et de fleurs d’or en demi relief »76.

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Figure 18 : Relevé des jardins et palais de Chaharbagh

Source : E. Kaempfer!

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Les palais qui se trouvaient sur les deux côtés de Chaharbagh étaient «toutes construites sur deux niveaux, et elles étaient symétriques de part et d’autre de l’allée. Au rez-de-chaussée, un chemin se prolongeait de l’intérieur de la maison jusqu’au pavillon de l’entrée du jardin, et au deuxième étage se trouvait une grande terrasse sur l’avenue »77.

L’entrée dans les jardins était libre pour tout le monde. On dirait même qui les habitants de la ville pouvaient payer une petite somme d’argent aux gardiens des jardins pour se servir en fruits autant qu’ils le désiraient78. D’ailleurs, concernant les pavillons d’entrée des jardins, ce ne sont pas que des portes d’entrée mais ils ont de véritables fonctionnalités. D’après Chardin, on les retrouve de chaque côté de chaque bassin79. Ils sont donc placés selon un écartement régulier. Ce sont des petits pavillons sur deux niveaux où étaient logés, dans de petites pièces, des cafés, et vendeurs de boissons et de fruits80.

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Figure 19 : Palais Hasht Behesht

Source : E. Hoelster!

Figure 20 : Pavillon d’entrée du jardin Zeresht, Chaharbagh

Source : www.neiazerooz.com!

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De part et d’autres de ces entrées étaient construits des murailles « régulières » et de « même hauteur » qui servaient à refermer les jardins, sur toute la longueur de l’avenue. Chardin les décrit ainsi : «les murailles de ces jardins sont pour la plupart percées à jour, ressemblant à ces rangées de mottes qu’on fait sécher; en sorte que sans entrer dans les jardins, on voit de dehors tous ceux qui y sont, et ce qui s’y passe »81. Cette barrière entre les domaines privés et l’avenue était donc traitée d’une manière la plus transparente possible, en dentelle de brique, pour conserver le lien très fort qui existe entre les jardins et l’allée Chaharbagh.

Parmi ces jardins et pavillons, les plus connus sont le pavillon Jahan-

Nama et le jardin de Hezar Jirib, appartenant à Shah Abbas I.

Le pavillon Jahan-Nama: C’est le seul (avec le jardin Hezar Jirib) qui était construit sur l’axe longitudinal de l’avenue. Pietro Della Vallé décrit ce bâtiment d’une petite maison carrée, sur trois niveaux avec plusieurs fenêtres «fermées par des treillis en bois artistiquement travaillés », et des terrasses d’où on peut avoir une vue sur toute la promenade82. En effet ce pavillon était construit par le Shah pour que les femmes de son harem puissent voir ce qui se passe dans Chaharbagh et profiter de la vue sans être vues de l’extérieur. Tavernier considère ce bâtiment de «40 pieds en carré » 83comme la porte d’entrée de la famille royale dans la nouvelle ville de Shah Abbas.

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Figure 21 : illustration du Pavillon Jahan-Nama, Chaharbagh

Source : P. Coste, E. Flandin!

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Le jardin Hezar Jirib:

Le plus important des jardins était celui de Hezar Jirib, « qui est au bout, appelé mille Arpens, non pas qu’il contienne en effet mille Arpens, mais pour faire entendre que sa grandeur est extraordinaire » d’après Chardin il était « long d’un mille, et large presqu’autant ».84. Herbert écrit à propos de ce jardin que «si on le voit de peu de distance en dehors de la ville, on dirait que c’est une grande forêt dense. Il est tellement beau et vert qu’on dirait que c’est le paradis, le paradis terrestre ». Pour continuer avec la description de Herbert, autour du jardin était construit un mur d’enceinte d’environ trois milles85. Ce mur passait par le milieu du jardin, soutenant les « douze terrasses, élevée de six sept pieds l’une sur l’autre, et qui vont de l’une à l’autre par des talus fort aisés à monter, et aussi par des degrés de pierre »86 . Ces marches descendent jusqu’à arriver au canal qui passe au milieu du jardin, qui permet d’arroser toutes les plantes. On y trouve aussi des bassins « au bas de chaque terrasse à l’endroit de la chute du canal ». Sur chaque terrasse, près de chaque bassin, étaient construits « deux grands pavillons fort hauts, peints, dorés, et assurés de la même architecture ». Le plus beau était pour Chardin, celui se trouvant sur la sixième terrasse « lequel est à trois étages, et si grand et si spacieux, qu’il peut contenir deux cents personnes assises en rond »87.

Les jardins et palais royaux construits sur Chaharbagh fonctionnent en

complémentarité avec l’allée. Ils sont de formes et tailles différents mais d’une architecture semblable pour assurer une harmonie d’ensemble. De plus, ils sont conçus de la même manière que l’allée en ce qui concerne l’espace extérieur, c’est-à-dire qu’on y retrouve les éléments constitutifs de Chaharbagh qui sont des bassins et canaux, des arbres et des fleurs qui sont visibles depuis l’extérieur des jardins. Ces palais étaient construits de façon qu’on puisse avoir une vue sur l’avenue depuis leurs larges terrasses.

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Figure 22 : illustration du jardin Hezar Jirib

Source : Jean Chardin!

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Figure 23 : Pavillon Jahan-Nama, Chaharbagh

Source : esquisse de E. Keampfer!

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• utilisation et fréquentation :

« L’avenue Chaharbagh est un lieu de repos et de loisir, mêmes les jardins s’y trouvant sur les deux ailes sont des résidences secondaires. {…} Les cafés et caravansérails se trouvant au alentour de Chaharbagh, profitent de l’espace sur les bassins ou sous l’ombre des arbres, ainsi que des kiosks vendant de la confiture et des fruits des jardins »88.

Tout le monde aimait s’y promener et s’y reposer «sur les rebords des canaux et sur des bassins étaient posés des tapis sur lesquels les gens s’installaient pour boire leur café, fumer un narguilé, regarder des spectacles s’y tenant de temps en temps, lire des poèmes et raconter des contes »89 (annexe 5, p.88). « Le pont Si-o-Se pol, de part un affranchissement du fleuve, servait aussi de lieu de repos et de loisir » en effet les gens pouvaient s’y installer et profiter de la fraîcheur de Zayandeh Roud et aussi y boire un café au rez-de-chaussée du pont.

Chaharbagh était dans tout son ensemble, une immense promenade, un lieu de repos, de loisir ainsi qu’un lieu de sociabilité et en quelque sorte une grande scène de spectacle pour la famille royale et les courtisans. Construit bien avant l’avenue des Champs Elysées et les jardins de Versailles, la promenade de Shah Abbas étonnait beaucoup les voyageurs, d’ailleurs d’après Pierre Loti «Tschaharbag fut en son temps une promenade unique sur la terre, quelque chose comme les Champs-Elysées d’Ispahan”, “Tschaharbag était un rendez-vous d'élégance telle que Versailles même n’en dut point connaître»90. Sir Thomas Herbert, historien anglais ayant visité

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Figure 24 : Ambiance de Chaharbagh

Source : P. Coste & E. Flandin!

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Ispahan quelques années après la mort de Shah Abbas, disait d’Ispahan que « cette ville ressemble à un lieu de conte de fée»91.

Jane Dieulafoy, qui a visité Ispahan deux cents ans après le règne de Shah Abbas, dit à propos de la fréquentation de Chaharbagh: « à juger d’après les détails donnés sur les costumes du dix-septième siècle par les peintures des Tchel-sotoun92, on devrait voir se promener, sur les dalles de marbres de l’allée centrale, des seigneurs vêtus de cachemire, d’étoffes d’or ou de pourpre, et, sur les voies latérales, courir d’élégants cavaliers luttant de vitesses et de vigueur, ou faisant exécuter à des étalons somptueusement harnachés, des passes brillants, sous les yeux des belles dames assises dans le balakhaneh93 construit en tête de promenade»94. Stephen P.Blake décrit l’ambiance de Chaharbagh en disant qu’elle «est fleurie neuf mois par an» et que les «gens y s'asseyaient sur les bancs situés vers les entrées aux extrémités des jardins et fumaient des pipes en appréciant la vue de l’avenue»95.

L’allée Chaharbagh est qualifiée « d’avenue cérémoniale»96. C’est une

avenue où se tiennent des rituels et des spectacles religieux et aussi païens, qui mettent en scène les nouvelles valeurs et idéologiques du Shah. Chaharbagh est donc “une grande scène théâtrale, pensée en détail concernant tous ses éléments»97, une véritable place publique avec des fonctions précises.

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Figure 25 : Défilé militaire, jardin Hezar Jirib

Source : E. Kaempfer!

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En effet, selon l’architecte iranienne Zahra Ahari « la longueur de l’allée en ligne droite était pensée pour permettre d’y faire des défilés et promenades de la Cour»98, mais aussi d’accueillir pour les visiteurs du roi et des ambassadeurs. Pietro Della Vallé dit que les cérémonies d’accueil étaient toujours très festives, accompagnées de musique et de danse99.

Un des rituels païens les plus important qui s’y tenait tous les ans, était celui de « Ab pashan » c’est-à-dire arrosement d’eau. Pendant cette journée, riches et pauvre, enfant et adulte, « plus de cent milles personnes de toutes classes et toutes conditions sociales se retrouvaient à Chahabagh, habillés tous de la même façon pour s’arroser avec l’eau du canal et des bassins »100. Bien que cette avenue appartienne au roi et est occupée par la famille royale, on y voit une mixité et solidarité entre toute la population, ce qui est accentué par la présence de deux hôtelleries destinés à héberger les visiteurs et surtout aux moins fortunés de s’y installer101.

D’autre part, il y avait aussi la fête des fleurs qui se passe tous les ans en printemps pour célébrer Norooz102. Une sorte de cavalcade accompagnée de musique et danse traditionnelle, où des jeunes défilaient avec des plats remplis de pétales de roses qu’ils jetaient sur la tête des visiteurs103. Shah Abbas avait aussi mis en place une grande cérémonie pour mettre en avant la puissance de son empire. C’est celui du « passage du Shah portant des bijoux impressionnants, et accompagnés de nombreux gardes et chevaliers, tous habillés en tissu d’or »104.

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Figure 25 : Spectacles pour Shah Abbas

Source : E. Kaempfer!

Figure 26 : Spectacles pour Shah Abbas

Source : E. Kaempfer!

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Après Shah Abbas, ces successeurs safavides ont continué à enrichir

la ville par de nouvelles constructions, d’ailleurs à ce propos Dieulafoy que « pendant la durée des règnes suivants, Ispahan s’embellit encore »105. Par exemple Shah Hossein ordonna en 1700 de construire un caravansérail, un petit bazar et une école coranique, à l’emplacement d’un des palais. C’est la première transformation urbaine du secteur Chaharbagh dans son histoire. Ces trois édifices sont encore en place aujourd’hui.

L’école coranique est nommée l’Ecole de la Mère du Roi. Dieulafoy écrit ainsi devant la beauté de cet édifice : « souvent déjà, tout en logeant le Tcaar-Bag, je suis passée devant la façade de la madessé de la Mère du Roi, et toujours j’ai été tentée de visiter cet édifice, merveilleux à en juger d’après les proportions monumentales de sa porte d’entrée et l’éclat des émaux à fond bleu turquoise de la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!(B%!R+!76-01/M>H3!%+?'3#/?3!C+"$(!

Figure 27 : Ambiance de Chaharbagh devant l’Ecole de la Mère du Roi

Source : Musée d’art Contemporain d’Ispahan!

Figure 28 : plan de l’Ecole de Chaharbagh

Source : Klaus Herdeg!

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coupole et des minarets cachés en partie derrière un rideau de verdure ». Elle ajoute : « quant à moi, je ne connais pas en Europe de monument susceptible de produire une impression analogue à celle que l’on éprouve en présence de la madressé de la Mère du Roi »106.

Chaharbagh n’était pas juste une allée simple et n’était surtout pas construite pour servir de voie de communication, mais tout un « projet et un concept urbain de l’époque Safavide, où on peut voir la prise en compte des différents aspects de la vie et de la société, l’art de vivre, la nature et la beauté »107. Chaharbagh était pensé non seulement comme une « place royale » ou promenade pour la cour du roi, mais aussi un vrai lieu d’échange pour toute la société et même en profit des moins aisés qui pouvait y travailler, s’y nourrir et s’y divertir.

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Figure 29 : Illustration de l’Ecole de Chaharbagh

Source : Jane Dielafoy!

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Figure 30 : Illustration de Chaharbagh

Source : Jane Dielafoy!

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III Délaissement de Chaharbagh sous la dynastie des Qadjars

La dynastie Safavide se termine en 1736 suite à la mort de Shah Abbas et l’invasion Afghane. Ensuite, les Qadjars prennent le pouvoir de l’Empire Perse à partir de 1786. L’époque Qadjar est considérée comme le commencement de la dégradation et la disparition de la richesse et de la prospérité d’Ispahan Safavide. « Les souvenirs de la dynastie safavide continuèrent après Shah Abbas I d’embellir leur capitale jusqu’à la prise de celle-ci par les envahisseurs afghans en 1722. Partiellement détruite, la ville cesse d’être une capitale dès cette époque ». Ispahan devient alors « une simple ville de province »108.

• Description des voyageurs:

Comme pour les époques précédentes, de nombreux voyageurs continuèrent à se rendre en Iran et visiter Ispahan. Cependant à partir du milieu du XVIIIème siècle les récits sur Ispahan ne seront plus tout à fait aussi joyeux qu’auparavant. A ce propos, le spécialiste américain Williams Jackson dit : « il est vrai que la ville ne s’est plus jamais remise du coup donc elle souffre depuis l’invasion des Afghans au XVIIIème siècle et qui lui a fait perdre son prestige et sa place de capitale. Le siège royal s’est alors transféré à Téhéran »109.

Jane Dieulafoy s’est rendu à Ispahan en 1881, pendant la dynastie Qâdjâr. Elle a écrit le récit de son voyage dans un livre intitulé La Perse, la Chaldée et la Susiane. Elle y explique la situation d’Ispahan et de Chaharbagh pendant sa visite et exprime ainsi la situation globale de cette ville : « Quelle amère déception est la mienne ! Suis-je dans une ville saccagée prise d’assaut ? »110’ Elle parle également de « triste ruine »111 pour décrire la situation d’Ispahan.

Flandin et Coste, qui ont également visité Ispahan durant cette époque disent que « les yeux étaient frappés de l’air d’abandon et de ruines répandues partout »112. Ils ajoutent que « le pied souvent heurte çà et là des débris dorés, ou quelques fragments de porphyre amoncelés sur la poussière des décombres »113

D’autre part, Pierre Loti exprime clairement l’importance des massacres de cette ville en décrivant la ville qu’il voit au début du XXème siècle. Il dit ainsi « qu’aujourd’hui délaissée, Ispahan fut à sont temps un des centres de la magnificence et du luxe sur Terre »114, Dans son livre, pour décrire Ispahan, Loti en parle toujours en disant « dans son temps », ce qui montre le regret de l’auteur de la grande dégradation de la ville qui était « dans son temps » si exceptionnelle.

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Etant donné que Chaharbagh était encore restée l’épine dorsale de la ville, elle a été ciblée et a beaucoup souffert pendant ces attaques et destructions. D’après Loti, « Chaharbagh, témoigne du faste d’un siècle si peu disant du nôtre, est plus nostalgique cent fois que les débris des passés très lointains »115. D’autre part Dieulafoy raconte qu’en « redescendant le cours du fleuve, nous n’avons pas tardé à atteindre la partie du Tchaar-Bagh située sur la rive droite à la suite du pont Allah Verdi Khan. Elle aboutissait autrefois à un immense parc, connu sous le nom de Hezar Djerib (les Milles Arpents). Des tumulus de terre délayée par les pluies et un beau pigeonnier témoignent seuls de la splendeur des constructions élevées dans ce jardin »116.

La plus grande raison de la destruction et dégradation d’Ispahan fut

l’attaque des Afghans au XVIIIème siècle : en effet comme écrit par Dieulafoy, depuis des nombreuses années, la Perse possédait la province afghane de Kandahar. Par conséquent «le général afghan se dirigea vers la capitale de la Perse. Les Afghans ont réussit à prendre la ville en assaut.»117. Le blocus entraine la destruction et misère, et d’après les récits « Ispahan avait cruellement souffert pendant le siège. Non seulement la majeure partie de la population avait péri, mais les campagnes et les villages étaient saccagés, les khanats obstrués. La majeure partie de la population s’exila, les palais les plus vastes et les édifices les plus beaux furent abandonnés »118.

D’autre part, Coste et Flandin expliquent que la cause de cette dévastation est un manque de connaissance et d’intérêt pour rénover les monuments Safavides après la guerre. De plus, il y a un déclin économique entrainant la «pauvreté du pays, ce qui ne permet pas souvent d’entreprendre des travaux »119 pour améliorer l’état des édifices et de la ville. Les

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Figure 31 : Place Naghshe Jahan à l’époque Qadjar

Source : www.isfahan.ir!

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monuments se sont donc au fur et à mesure dégradés et sont tombés en ruines pour « disparaître en peu de temps »120.

Ainsi, suite à l’invasion le pays s’est beaucoup appauvri, donc « non seulement il n’y a pas eu de constructions monuments, mais aussi faute d’argent et d’intérêt pour restaurer le patrimoine ancien d’Ispahan, tous les palais sont tombés en ruine les uns après les autres. Ainsi une grande partie de la ville était complètement détruite »121

Gobineau, un autre voyageur français de la même époque ajoute qu’ « Ispahan est sans doute assez délabré. De six à sept cent mille habitants qu’il avait au XVIIème siècle, il n’en compte maintenant, dit-on, que cinquante à soixante mille »122. Non seulement la ville est en ruine mais elle a aussi considérablement perdue d’habitants. « Les ruines y abondent, et des quartiers tout entiers ne montrent que des maisons et des bazars écroulés, où à peine quelques chiens errants se promènent. Tout a frappé cette ville depuis l’époque qui a mis fin à sa splendeur »123. Pour Loti «Chaharbagh est d’une indicible mélancolie, voie de communication presque abandonnée entre ces deux amas de ruines, Ispahan et Jolfa»124.

Vers la fin de la dynastie Qajdar, à partir de 1872, Zell-e-Soltan, le fils du

roi Qadjar Nasser-e-Din Shah125, est le gouverneur d’Ispahan, et cela pour plus de trente ans. Il a profondément modifié l’image de la ville et surtout celle de Chaharbagh pendant son siège à Ispahan. Il a détruit une partie des jardins et palais royaux. D’après les historiens et architectes iraniens il est « la plus grande cause des dégâts de la ville Ispahan durant toute son histoire».Il ajoute que « Zell-e-Soltan a détruit tous les palais royaux et le patrimoine historique des dynasties précédentes à cause de sa fierté, pour ne plus laisser de trace de ceux qui l’ont précédé et ont été plus fort que lui »126.

En moins de deux siècles, la promenade et les palais et jardins royaux

furent dévastés. Par exemple, parlant des palais encore en place qui bordent Chaharbagh, Jane Dieulafoy décrit qu’ «en l’état actuel il est difficile d’apprécier le mérite de cette décoration brillante, toute particulière à la Perse ; les glaces, dont le tain est terni, sont couverts d’une épaisse couche !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$%&!'(!)*+,-!-,!.(!/0123425!!"#$%&'#!6("78!$%$!912-+:!;1<1!$8%=$8"=!>(!91?@4+:5!A!()*'+,-'&!.$()*$/!.,/).'*$0&*'!+&1,)$(23*"404.$56$6(%8!$%%!B(!3-!C*D42-1E5!!"#-&'#5!6(%&F!$%"!4D43( $%8!'(!G*,45!!"#$-&'#5!6(%$7!$%7!G-!HE1,?4I<-!?*4!J13K1?5!L:1:!3MN?12!6-2312,!O42HE12,-!12+(!$%F!912-+:!;1<15!N++E-+!$8%=$8"5!P42,-?!%&&F5!A):1:1?D1Q:!N+R1:12S5!B(!T1D-?4!B2+1?45!6(U

Figure 32 : ruines d’Ispahan

Source : P. Coste & E. Flandin!

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de poussière et ont aujourd’hui toute l’apparence de vieilles plaques d’argent bruni et oxydé »127. Chaharbagh semble ne plus être la « grande promenade » imaginée et réalisée sous Shah Abbas. Elle a en effet beaucoup changée durant cette époque. De nombreux changements dus à la guerre mais aussi aux décisions politiques ont considérablement modifiés la morphologie et la fréquentation de cette allée mythique.

• Changements morphologiques :

Comme décrit dans les récits cités plus haut, les changements de Chaharbagh, durant la dynastie Qadjar sont dus à une destruction massive d’une grande partie de la ville. Ainsi, dans son livre, écrit suite à un voyage en Iran en 1892, Lord Curzon décrit à propos de l’avenue Chaharbagh qu’elle est devenue très triste, « les canaux sont desséchés, les pierres des bassins sont cassées et démolies, les jardins désertés et moches, les arbres morts, servent à chauffer les soldats du roi Qadjar »128.

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Figure 32 : Plan d’Ispahan

Source: Seyyed Rez Khan, 1923!

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Tout d’abord de profonds changements étaient visibles sur les éléments constitutifs de l’avenue, c’est-à-dire les arbres et les bassins et les dalles. En ce qu’il concerne les arbres, « les siècles n’ont pas été cléments à ces vieillards : un grand nombre d’arbres sont morts et ont laissé en périssant d’attristantes trouées dans cette superbe plantation »129. Gobineau ajoute : « les longues avenues de platanes que décrit Chardin ont beaucoup souffert certainement, mais ce qui reste porte témoigne de la beauté parfaite de ce qui a disparu»130 et Coste continue en racontant que « entre le canal et les édifices s’élevaient autrefois de magnifiques platanes ; mais pour faire des affûts de canon, ils n’ont point été replantés. Cet ornement est autant plus regrettable aujourd’hui, sur cette place, qu’il est impossible de s’y soustraire aux rayons ardents du soleil »131 .

D’autre part, concernant les arbres, Jaber Ansari ajoute que Zell-e-Soltan a coupé tous arbres trois fois centenaires, pour les consacrer à l’achat de biens pour sa demeure et des fins personnels»132. Monsieur M. Arab, architecte et urbaniste à l’agence Bavand, chargé depuis des dizaines d’années de l’avenue Chaharbagh Abbas, affirme que, comme on peut remarquer sur la figure 33, Zell-e-Soltan aurait arraché les vieux arbres de Shah Abbas pour les remplacer par de nouveaux arbres qui étaient majoritairement des ormes, beaucoup plus feuillus que les platanes133.

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Figure 33 : Chaharbagh à la fin de l’époque Qadjar

Source: L. Honarfar!

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En ce qui concerne les bassins et les dalles de Chaharbagh, Dieulafoy raconte que «les dalles des trottoirs sont ébranlées, les canaux desséchés ; les bassins, remplis d’une eau croupissante, supportant des fleurs de marécage ; les parterres, sans arbustes ni verdure, ne se parent même pas de ces grands rosiers sauvage, ornement naturel des jardins les moins soignés»134. Pierre Loti décrit avec des mots très semblable à Dieulafoy que : « les dalles sont disjointes et envahies par une herbe funèbre. Les pièces d’eau se dessèchent ou bien se charge en mares croupissantes ; les plates-bandes de fleurs ont disparu et les derniers rosiers tournent à la broussaille sauvage »135.

Ainsi l’eau limpide des bassins était remplacée par des « grandes

herbes qui les envahissaient nous disaient assez qui l’eau n’y venait guère »136. De plus, à l’époque de Zell-e-Soltan, les pierres précieuses des bassins étaient « arrachées pour être vendues»137, Gobineau affirme en quelque sort cette information disant que «les dalles de la chaussée sont en grande partie brisées ou ont disparu »138.

Concernant les jardins et les palais bordant l’allée Chaharbagh, «les

cinq sixièmes des maisons sont ruinées et entièrement abandonnées »139, et « à droite et à gauche je laisse les ruines d’une dizaine de palais où vivaient autrefois les plus puissants personnages de la cour ». Même les monuments en ruine sont pillés. On« renverse les terrasses pour arracher les poutres qui !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!#$"!%&!'()*+,-./0!!"#$%&'#$(1&!23"!#$3!4&!5.6(0!!"#$%&'#0!1&2#3!#$7!4&!8.96)!)6!:&!;+,<=(<0!!"#$%&'#0!1&2>"!#$?!',<)9@!A,B,0!&)&*#0!1&>!#$>!C&!=)!D.E(<),*!F!!"#$%&'#!F!1&2G?!#$H!4&!8.96)!)6!:&!;+,<=(<0!&)&*#0!1&$$>!

Figure 34 : Chaharbagh à l’époque Qadjar

Source: A.V.W.Jackson!

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les soutenaient ; les revêtements de faïences ont été brusquement brisés ou volés ; les murs de terre, lavés par les pluies, restent seules debout »140. Les quelques palais qui ne sont pas détruits sont occupés et appropriés par les rois Qadjars141. Le plan de Seyyed Reza Khan et Chirikov (Annexe 6, P.88) illustrent bien que pratiquement tous les jardins qui se situaient sur le front Ouest de Chaharbagh ont complètement disparus. (Figure 32, p.35)

Cependant, malgré toutes les invasions et destructions, Jaber Ansari informe que « le découpage parcellaire est resté celui des jardins safavides, seulement la fonction des bâtiments changeaient au fur et à mesure, et selon les besoins de la population »142. Effectivement, certains palais ont eu un changement de fonction. C’est le cas du palais Hasht-Behesh dont Dieulafoy dit à propos : « je suis fortement reconnaissante au général Mirza Taghy khan de m’avoir prévenue que je me trouvais dans un collège, car sans cet avertissement je me serais jamais douté de l’affectation actuelle de l’édifice. Bancs, ardoises traditionnelles, chaire de professeur, bibliothèque, constituent ici un mobilier inutile. »143

Les massacres vont se continuer à Ispahan jusqu’à la fin de la

Révolution constitutionnelle de l’Iran en 1911, correspondant avec la fin du pouvoir de Zell-e-Soltan à Ispahan144. C’est aussi le début de la Révolution Industrielle dans cette ville. En effet « des nouvelles industries telles que l’industrie de fabrication textile vont s’installer au Nord et au Sud de Zayandeh Roud, à l’emplacement des palais et jardins royaux de Chaharbagh »145

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Figure 35 : Chaharbagh à l’époque de Zel-e-Soltan

Source: L. Honarfar!

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Pendant la période Qadjar la promenade de Shah Abbas semble avoir perdu tout son charme et son caractère suite aux changements dus à la situation sociale et économique du pays. Cependant, Flandin et Coste et Loti, Chaharbagh était encore, au début du XXème siècle, « une belle promenade, exemplaire dans son genre ».

• Utilisations et fréquentations :

Les aristocrates qui occupaient autre fois les palais, sont remplacés par de nouveau type d’habitants : « un écroulement de briques crues couvertes de poussière, au milieu desquelles dorment pêle-mêle les chiens de bazar avec leurs petits »146. En effet après l’invasion afghane la population d’Ispahan s’est considérablement réduite. A ce propos Loti parle de « labyrinthe de ruelles désertes »147, et Flandin parle de « quartier dépeuplé»148 pour le quartier de Shah Abbas. Ainsi Gobineau écrit que « toute cette magnificence n’est plus que l’ombre du passé, c’est d’abord dans la solitude profonde de ces avenues que la population actuelle a désertées, et que d’ailleurs elle ne suffirait pas à remplir »149.!!

Dans l’état où se trouve Chaharbagh à cette époque, il n’y a plus grande chose à admirer à part « des pans de murs prêts à s’écrouler sur les passants ».150 Jane Dieulafoy est la seule à avoir écrit quelques lignes sur la fréquentation de cette promenade aux XIXème siècle. Elle raconte qu’il n’y a « plus de cavaliers, hélas ! Plus de gentilshommes aux glorieux ajustements. Quelques piétons s’avancement lentement, affaissées sous le poids de lourds fardeaux. ». Elle continue en écrivant que «la grande voie de Tchaar-Bag, généralement triste et abandonnée reprend quelque animation vers le soir, au moment où les caravanes se mettent en marche. Mais que sont les allées et venue de muletiers et pauvres diables auprès de la foule animée et luxueuse qui embellissait cette promenade il y a deux cents ans ! »151

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Figure 36 : les occupants d’Ispahan pendant la dynastie Qadjar

Source: L. Honarfat!

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Concernant les fréquentations de Chaharbah durant l’époque Qadjar, il n’existe pas beaucoup de descriptions par les historiens iraniens et occidentaux. Cependant, ce qu’on peut déduire de la misérable situation d’Ispahan et de Chaharbagh durant cette période c’est qu’il n’y avait surement plus les mêmes plaisirs et joies à fréquenter ce lieu comme il existait à l’époque de Shah Abbas. En effet, sous Zell-e-Soltan « tout l’espace public de Chaharbagh a été privatisé, certains palais ont été habités par le gouverneur et sa famille »152. Chaharbagh n’était donc plus un espace d’échange sociale, mais un espace qui a été en ruine pendant quelques années avant de devenir un terrain privé et une promenade pour Zell-e-Soltan.

Cependant, suite à la Révolution Constitutionnelle et le début de l’industrialisation de la ville, le quartier safavide va enfin commencer à retrouver un second souffle mais l’allée Chaharbagh ne va plus jamais être la promenade que Shah Abbas avait imaginé, construit et pratiqué trois siècles auparavant.

IV Nouvelle identité pour Chaharbagh par les Shah Pahlavi

La modernisation d’Iran a commencé au XIXème siècle, à la fin de la

dynastie Qadjar. A Ispahan, ce phénomène débute par une industrialisation massive de la ville, surtout autour de Chaharbagh. Il va avoir des conséquences considérables sur la vie urbaine avec l’arrivée de la dynastie Pahlavi à partir de 1925. Reza Shah Pahlavi (Pahlavi I) et Mohammad-Reza Shah Pahlavi (Pahlavi II) décident de suivre le modèle du capitalisme occidental pour le développement économique et urbain du pays. Ainsi ses stratégies de développement urbain vont marquer une rupture avec le passé et la tradition.

• Stratégie de développement urbain de Reza Shah Pahlavi

La Stratégie de développement urbain d’Ispahan, comme toutes les autres villes du pays, par Reza Shah, va se dérouler en plusieurs étapes. Tout d’abord, Reza Shah va commencer par une grande politique de rénovation des monuments historiques. Avec l’aide du professeur italien

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Figure 37 : Ecole de Chaharbagh à la fin de la dynastie Qadjar

Source: inconnue!

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Guiseppe Tucci153, il va accorder une très grande importance, à la rénovation à l’identique des monuments de la ville. Des monuments qui avaient beaucoup souffert pendant la période précédente. On peut citer le palais Chahel Sotoon ou l’Ecole de Chaharbagh154 où le pavage était entierment remplacé et des travaux d’entretien des terrasses et de la coupole ont été effectués pour réparer les dommages du passé155. Reza Shah engage alors les meilleurs architectes et artistes du pays, comme Houshang Seyhoun156 ainsi que des conseillers italiens157. Il va aussi inviter de nombreux architectes français comme André Godard, directeur des services archéologiques d’Iran, Maxime Siroux et Eugène Beaudouin158.

Outre que les travaux de rénovation, ces architectes vont aussi construire de nombreux bâtiments dans tout le pays : le Musée National d’Iran à Téhéran et le mausolée de Hafez à Chiraz conçus par Godard (Annexe 7, p.89).

En même temps que l’entretien du patrimoine historique dans ma partie nord de Chaharbagh, au sud de nombreuses usines se construisent rapidement, les unes à côtés des autres. Ispahan va très vite se spécialiser dans l’industrie de fabrication textile et va fournir tout le pays. « 11000 travailleurs étaient engagés à Ispahan pour travailler dans les usines de fabrication textile {…} Grâce à sa grande production Ispahan devient un important centre industriel et économique pour le pays »159. Cette dynamisation de l’économie va aussi entrainer le développement rapide d’Ispahan. Chaharbagh devient alors un axe très important de communication et d’échange dans cette ville industrielle.

Le phénomène de l’industrialisation est suivi par l’arrivée de l’automobile en Iran. La notion de circulation et d’échange devient alors une !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$#%!&'())*+*!,'--(!.!/(0*-1*'0!/*!23(4)1(1'1!/'!567*4!80(*41!*4!91:2(*!$#"!;<!=64:0>:0?!!"#$%&'#(!+<!@"A!$##!&)&*#(!+<!@#B!$#C!D0-E(1*-1*!*1!:01()1*!(0:4(*4!F'(!:!-64)10'(1!/*!4'GH0*'I!G64'G*41)!10J)!-644')!*1!K()(1L!*4!90:4?!+:0G(!*'I!2*!16GH*:'!/38G:0!ME:77:G!$#N!O06>*))*'0)!P:4/*0?!Q*00:41*!*1!R*0H(46!$#@!O<!,:H0(S(:4!T!+,!-$./0$'!$12',!"!3&4$5$6!3!7&/3$/7*$8!4'96!3!7&/3$:,)/7&4-9$BU$U!V!+<C!$#A!W4-7-26+*/(:!90:4(-:T!X!1!*2,7$;%!7!-0$/7*$<7*=4',&24$!>$<4>/?/7$%&'0!Y$9$=<!Z60[(:4!T!+<%!

Figure 38 : les usines ont remplacé les palais de Chaharbagh

Source: L. Pahlevanzadeh!

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préoccupation majeure dans les villes (Annexe 8, p.89). Pour mieux maitriser les échanges au sein de la ville et surtout sur l’axe Nord/Sud, « en 1929, la municipalité d’Ispahan a établi un plan pour la ville. Sur ce plan se trouvait le tracé des nouvelles voies, suivi de l’élargissement de celles existantes. Un an plus tard, la construction de l’avenue Chaharbagh Pahlavi s’est commencée, dans le prolongement de Chaharbagh Abbasi, pour relier la partie Nord de la ville aux points centraux »160.

Keyvan Karimi, architecte urbaniste enseignant à University College de Londres explique, à propos de la politique de développement du réseau routier, que « considérant l’amélioration de la circulation et l’amélioration des voies, la modernisation rapide dans les villes iraniennes consiste à la construction d’avenues modernes à travers les tissus historiques des villes, en les étendant à l'extérieur des noyaux anciens. Ce type d'intervention dans les vieilles villes a créé l'isolement des noyaux anciens et la destruction de sa structure traditionnelle, ce qui a conduit à la détérioration complète des centres historiques au XXème siècle »161.

En plus de l’économie et du réseau routier, Reza Shah va relancer les activités éducatives et culturelles. « Au cours des deux décennies le gouvernement du Shah a joué un rôle actif dans l’exécution des projets urbains et de génie civil. Des spécialistes occidentaux ont été invités à concevoir de nouveaux bâtiments. Cette période a vu se développer des usines, des administrations gouvernementales, des universités, des hôpitaux…»162. Suite à la Seconde Guerre Mondiale toutes ces activités vont être freinées.

Il y a donc, durant le règne de Reza Shah Pahlavi, une « formation des nouvelles institutions (université, écoles supérieures, hôpitaux, services, etc.) et de nombreux centres de loisirs et des commerces. Mais l’arrivée de l’automobile va totalement bouleverser l’image des villes. Ispahan entant qu’une des plus grandes villes du pays qui, a subit beaucoup de transformations, qui ont surtout eu lieu autour de Chaharbagh et la partie Nord de la ville »163. Pour gérer le développement exponentiel des villes iraniennes Reza Shah va adopter une politique de planification urbaine, suivant les principes britanniques et français pour la modernisation de leurs territoires colonisés. L’influence des principes de croissance urbaine occidentaux devient de plus en plus perceptible en Iran. 164.

A partir des années 1940, la modernisation urbaine va continuer sous Mohammad Reza Pahlavi, le fils et successeur de Reza Shah. Or cette période va marquer un nouveau tournant dans l’histoire de l’urbanisme d’Ispahan; c’est celui de l’élaboration de plans directeurs d’urbanisme pour la maîtrise du développement urbain, puisque jusqu’à l’heure le développement urbain d’Ispahan s’effectuait sans planification précise. La nécessité des plans directeurs a commencé à émerger avec le développement foudroyant

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des villes. « Les deux plans directeurs (1940 et 1968) élaborés pour le développement d’Ispahan ont considérablement changé cette ville »165.

Cantacuzino, architecte et ancien membre du jury d’Aga Khan Award, et également auteur de nombreux ouvrage d’architecture, explique que pour la mise en place de ces plans « des architectes et urbanistes iraniens étaient associés à des partenaires européens et américains pour appliquer en Iran, les normes et règlements occidentaux, sans aucune adaptation à la situation locale »166.

L’élaboration de ces schémas directeurs est basé sur trois points importants : « le réseau routier, l’utilisation du sol, et la densité et la hauteur des constructions »167.

Le premier plan était surtout consacré au « développement d’un réseau de rues et avenues plus ou moins larges »168. De 1962 à 1968, la préparation du deuxième plan est confiée à Beaudoin en collaboration de l’agence iranienne Organic Consulting. Une grille orthogonale superposée sur la structure existante de la ville, illustre très clairement l’influence de l’urbanisme occidental en Iran. Karimi juge que ce plan n’a « aucun respect vis-à-vis du tissu et l’évolution historique de la ville ». Il ajoute que « pour les personnes ne connaissant pas Ispahan, il est impossible de comprendre le caractère de

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Figure 39 : Plan directeur d’Ispahan en 1968

Source: E. E. Beaudoin!

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la ville avant ce plan. Le seul élément qu’on peut vaguement repérer de l’époque safavide est l’axe Chaharbagh qui d’ailleurs, par sa largeur, peut se confondre avec les autres axes de la grille »169.

Heureusement, ces propositions de plan directeur pour Ispahan n’ont jamais été totalement appliquées. Comme on peut le voir sur le plan actuel de la ville, la grille orthogonale était surtout adoptée pour le Sud de la ville qui est la partie qui s’est développé sous la période Pahlavi II. Avec l’arrivée de Mohammad Reza Shah, lspahan s’est considérablement élargie et l’image et l’identité de la ville ont beaucoup changé.

• Mutation de Chaharbagh : de la promenade à l’avenue

La modernisation d’Ispahan et le développement de nouvelles activités ont bien évidemment entrainé la mutation de Chaharbagh. Autre fois la grande promenade royale, elle était à l’époque Qadjar devenue un chemin piéton. Donc «la remise en ordre de Chahrbagh et la replantation des arbres arrachés par les qadjars étaient devenues une nécessité pour redonner à cette avenue la prospérité qu’elle avait auparavant»170.

De nouveaux arbres vont donc être plantés entre ceux existant de l’époque Qadjar. Cantacuzino juge que « les arbres sont plantés trop près les uns des autres, il ne vont donc jamais atteindre une taille comparable à ceux de Shah Abbas»171. Un des habitants d’Ispahan ayant l’habitude d’emprunter l’avenue Chahrbagh, à l’époque Pahlavi, témoigne qu’en 1969, sous l’ordre de Farah Pahlavi172, tous les cèdres et cyprès de Chaharbagh pour les remplacer par des ormes et des platanes ».

Le terre-plein central reste piéton mais le canal va complètement disparaître après les travaux de requalification entretenue sous les Shah Pahlavi. Comme c’est déjà expliqué plus haut, la promenade Chaharbagh était en pente vers le fleuve. Trois séries d’escaliers permettaient d’arriver au niveau de Si-o-Se pol. Or, pour permettre aux automobiles de circuler dans l’avenue Chaharbagh, « le niveau du sol de l’avenue Chaharbagh a été augmenté jusqu’au au niveau du pont, pour qu’elle devienne praticable par les véhicules. Ainsi, à l’extrémité Sud de Chaharbagh le niveau du sol était augmenté de 2,5m». Des fouilles archéologiques ont été effectué au long de Chahrbagh pour retrouver des traces du passé en ce qui concerne le sol et les pavages de Chaharbagh à l’époque Safavide. Ces fouilles confirment que « le sol historique de Chaharbagh enterré sous le sol actuel »173.

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Figure 40 : coupe longitudinale sur Chaharbagh

Source: d’après Javeri!

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Les deux sections latérales, autre fois réservées aux cavaliers, se sont adaptées pour la circulation automatisée et « ont été goudronnée en 1940 ». Des « transformations radicales concernant le sol du l’avenue ont complètement effacées les seuls traces du passé »174. Un trottoir de chaque côté de l’avenue est aussi conservé, non pas pour accéder aux jardins mais aux nouveaux bâtiments commerciaux construits autour de la nouvelle avenue.

Bien évidemment le pont historique de Si-o-Se Pol est aussi devenu praticable pour les véhicules à la fin des années 1920. Dix ans plus tard il a été goudronné et interdit à la circulation des véhicules lourds un an plus tard. Cependant le passage par ce pont était essentiel pour le trafic de la ville. La solution trouvée et appliquée pour rende Si-o-Se Pol plus résistant sous le poids des engins métalliques était de remplacer sa structure fragile en brique crue par une nouvelle structure en béton175. Aussitôt les travaux de renforcement terminés Si-o-Se Pol redevient praticable par tous types de véhicules, jusqu’à la fin du XXème.176

De plus, pour son honneur et « pour mettre en valeur l’avenue Chaharbagh et le pont Si-o-Se Pol, Shah Reza a ordonné de construire, en 1938, entre ces deux éléments urbains la Place Mojasameh177 où se trouvait la statue du Shah Pahlavi »178. La construction d’une place avec la statue de Reza Shah, en taille réelle, s’est effectuée dans toutes les villes du pays. En général, comme celle de la ville d’Ispahan, c’est une place circulaire au centre

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Figure 41 : construction de la Place Mojasameh en 1938

Source: inconnue!

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de laquelle est installé un piédestal surmonté de la statue du Shah. La statue est entourée de la végétation, des fleurs et des plans d’eau.

Le plus grand changement à Chahrbagh est celui des façades sur

l’avenue et du bâti. Après les massacres qadjars, « les jardins et les pavillons ont disparus en laissant aucune trace derrière eux »179. Ainsi, « le tissu très régulier et peu dense des jardins et palais safavides s’est peu à peu modifié, le parcellaire s’est découpé en petits terrains ». Cette division parcellaire suivie de l’augmentation du prix des terraine, à cause de la spéculation foncière, a entrainé « l’inversion du système constructif »180. C’est-à-dire que la façade principale du bâtiment se trouve maintenant directement sur l’avenue, car les commerces ont besoin d’être visibles et repérables.

Ce sont des commerces, cinémas et bureaux qui ont remplacés les jardins royaux des deux côtés de l’avenue. Le schéma ci-dessous résume l’emplacement et le genre des activités installées à Chaharbagh Abbasi en 1940, d’après la description précise de Mehdi Ebrahimian, un architecte à qui était confié la rénovation du caravansérail Abbasi.

Par contre, les logements

cherchent l’intimité et la tranquillité en se plaçant en arrière de la première couche de bâti commercial. les jardins des logement se situent en générale, dans une cour intérieure. D’autre part, l’augmentation de demande de logements entraine le remplissage des ilots, donc la proportion de la surface bâtie par rapport à celle non bâtie s’est inversée.

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Bâtis Pahlavi!

Figure 43 : Schéma de rapport bâti/jardin et

morphologie du bâti à l’époque Safavide et Pahlavi

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Jardin Safavide!

Figure 42 : Place Mojasameh

Source: Reza Farzan!

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Figure 44 : Schémà d’emplacement et de la fonction des bâtiments de Chahrbagh Abbasi dans les années 1940

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Figure 45 : Plan d’Ispahan

Source : Abbas Sahab, 1934

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Concernant les usines de Chaharbagh Bala, Reza Shah a fait appel aux architectes européens, surtout des allemands, pour une architecture moderne. Ce sont Peter Behrenz et Schunemanl qui vont faire la conception de la majorité des usines d’Ispahan. Ils vont s’inspirer de l’architecture vernaculaire iranienne pour créer une architecture moderne et internationale, avec de nouveaux matériaux de construction.

Grâce à l’architecture des usines, un nouveau style d’architecture s’est crée en Iran : une nouvelle silhouette urbaine rythmée par les tours d’aération et les cheminées des usines, une nouvelle aire architecturale s’est

établie en Iran pendant cette époque181. Avec la construction de vingt-deux usines de fabrication textile,

Ispahan était pendant cette époque, connue sous le nom de « Manchester d’Iran ».182 Ce phénomène a causé de grands changements dans tous les niveaux, surtout au niveau économique et social. Iran entretenait une production interne autosuffisante jusqu’après la seconde Guerre Mondiale, quand les frontières du pays se sont ouvertes à l’exportation étrangère. « La production locale coutait plus chère et était de moins bonne qualité que les produits occidentaux ». Alors, la production du textile iranien s’est dégradée et une grande partie des usines se sont fermées et les terrains étaient vendus pour d’autres fins (essentiellement du logement et des commerces).

La période Pahlavi

est aussi celle de l’expansion des institutions. Une des institutions les plus importantes qui s’est construite à Ispahan sous les Pahlavi est l’Université d’Ispahan se trouvant à l’extrémité Sud de Chaharbagh Bala, à l’emplacement du jardin Hezar Jirib.

A l’extrémité Nord de Chaharbagh Abbasi est construit la Grande Mairie d’Ispahan. Ainsi, la ponctuation des institutions importantes sur toute sa longueur de l’avenue va faire de Chaharbagh un axe !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$%$!&'()*+!,'-'!$.%/$"0!1!!"!#$!/!23!4"!$%5!&'()*+!,'-'!$6$/$657!8!9*2'+'(!:!;<==)!<(>?*@A<)==)!B7!C3!D'+=)E'(F'>)+7!23%%!G!$00!

Figure 47 : Université d’Ispahan, Chahrbagh Bala

Source: Gh. Malek-Araghi!

Figure 46 : Usine Zayandeh Roud

Source: Inconnue!

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Nord/Sud très important dans la vie urbaine d’Ispahan. Avec la présence et l’influence des architectes occidentaux dans le pays, l’architecture de ces bâtiments était « un mélange de l’architecture néo-classique européenne et de l’architecture traditionnelle persane, qui est comparable avec l’architecture Indo-Saracénique des Anglais ou celle Arabisantes des Français »183.

Suite l’accroissement rapide de la population dû au développement d’industrie à Ispahan, sous l’ordre de Farah Pahlavi un groupe d’architectes et d’urbanistes iraniens et occidentaux comme Louis Kahn et Philipe Johnson pour mettre en place un schéma directeur de développement sur vingt ans. Une des opérations les plus importantes qui s’est réalisée, était de détruire tous les bâtiments de la façade Est qui construits dans le jardin Hasht Behesht, au nord de Chaharbagh Abbasi, pour le replanter et le retransformer en jardin»184.

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Figure 49 : Plan aérien, Ispahan en 1976!

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Figure 48 : Plan aérien, Ispahan en 1956

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• Utilisations et fréquentations de la nouvelle avenue Chaharbagh

Chacun des trois parties de l’avenue Chahrbagh (Pahlavi, Abbasi,

Bala) vont avoir une ambiance et fréquentation différente à cause de leur fonctionnalité.

Chaharbagh Abbasi, avec les quelques monuments culturels encore en place est la partie de Chaharbagh qui est plus mise en avant pour les touristes. Comme le montre le plan p.51, les commerces qui s’y sont installés sont des boutiques de luxe, des ateliers d’artistes de production et vente de l’Art d’Ispahan, et de nombreuses activités de loisirs comme des cinémas et des cafés, etc.

La partie Sud de Chaharbagh était une grande zone industrielle en cohabitation avec les autres activités urbaines. Les fréquentations se limitaient donc à celles des ouvriers entre leurs domiciles et leurs lieux de travail. La construction de l’Université d’Ispahan à son extrémité Sud et le développement de la ville moderne ont modifié les fréquentations et ambiance de Chaharbagh Bala.

En effet avec l’évolution rapide de la ville pendant la dynastie Pahlavi les activités et fréquentations de Chaharbagh évoluent également avec la construction de chaque nouveau bâtiment. Alors pour mieux se rendre compte de l’importance de l’avenue Chaharbagh dans la vie urbaine d’Ispahan, il faut comparer les témoignages des voyageurs et habitants sur plusieurs années.

Dans plusieurs numéros du magazine d’architecture et d’urbanisme de la ville d’Ispahan Danesh Nama, une section nommée « les souvenirs de la ville » sont consacrés à des entretiens avec des personnalités différentes sur leur souvenir sur Ispahan185. Ces témoignages permettent de mieux comprendre la vie urbaine d’Ispahan à l’époque Pahlavi et de la place de Chaharbagh dans le ville.

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Figure 50 : Chaharbagh Abbasi dans les années 30

Source: Robert Byron!

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Mohammad-Ali Karevanpour, auteur iranien né en 1917 à Ispahan raconte ses souvenirs de Chaharbagh en 1930, juste au début de la dynastie Pahlavi : « A

I’arrivée de Reza Shah au pouvoir à Ispahan, il n’y avait pas beaucoup de divertissements à Ispahan. Chaharbagh était surtout un lieu de passage d’un quartier à un autre. Au milieu de la terrasse centrale central se trouvait un canal, mais il n’y avait pratiquement jamais de l’eau. De temps à autre les gens se posaient autour de ce canal pour y boire un thé. Il y avait des magasins mais ils n’étaient pas très nombreux. Ils avaient déjà construit cet hôtel (hôtel Jahan) en face de l’Ecole de Chahrbagh. Il y avait aussi un consulat (le pays n’est pas précisé), et deux cafés. Bazar Hoanr186 était la réserve de l’administration du tabac. A l’emplacement la Mairie, il y avait un jardin, un terrain inoccupé et une ruelle, les constructions ont commencées en 1941»187 .

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Figure 51 : Photographie Midas à Chaharbagh

Source: Parisa Damandan!

Figure 52 : Grande Mairie d’Ispahan

Source: R. Farzan!

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Dix ans plus tard, en 1940 avec l’arrivée de Mohammad Reza Shah Pahlavi au pouvoir, la situation et l’ambiance d’Ispahan et plus particulièrement Chaharbagh ont beaucoup.

Le photographe, et l’architecte Mehdi Ebrahimian, expliquent le changement de situation de l’avenue Chaharbagh et l’importance de cette décennie dans l’histoire urbaine d’Ispahan. Au début des années 40 la construction des usines de Chaharbagh était déjà terminée. « A cette époque les gens se déplaçaient avec des charres, quelques bus et taxis, et surtout les nombreux vélos des ouvriers des usines qui traversaient l’avenue Chaharbagh par milliers à la fin de leur journée de travail »188. Il ajoute que « Chaharbagh était l’avenue principale de la ville. On y retrouvait tous les commerces et loisirs les plus importants de toute la ville : huit cinémas, deux théâtres, deux grands cafés, les ateliers des peintres les plus connus de la ville, des magazines de luxe et une librairie » 189 où se retrouvaient tous les écrivains, poètes et intellectuels de la ville.

L’architecte raconte que « Darvazeh Dolat, Jahan Nama, Chaharbagh Abbasi et Chaharbagh Pahlavi étaient les lieux les plus fréquentés et connus d’Ispahan. C’était le lieu de repos et de loisirs des habitants. {…}

Les années 1940 étaient très spéciales pour l’histoire d’Iran et d’Ispahan. La fin de la Seconde Guerre Mondiale et l’exil de Reza Shah, la population commence à gouter à la liberté à l’occidentale avec de nouveaux loisirs et activités »190.

C’est depuis l’arrivée du nouveau Shah très jeune et encore plus sous l’influence des pays occidentaux, il a tout fait pour que son pays arrive au même niveau que ces pays occidentaux. Il a alors introduit en Iran la liberté et les activités de loisirs qui étaient absents dans les villes iraniennes. Avec la création de nombreux cinémas, cafés et différents lieux de divertissements la vie urbaine d’Ispahan a complètement changé.

Contrairement à la fin de l’époque Qadjar et début de la dynastie Pahlavi, les gens n’ont plus « peur de sortir »191 dans la rue et au contraire les !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$%%!&'()*+!,'-'!$./0$.12!34(5)6!78892!:;6<-!5+)!='-)6'>*!*+?55)6@2!AB!,<<6C'D+54'62!EB#1 $%9!!"!#$!0!EB#.!$98!&'()*+!,'-'!$"/0$"12!F4(5)6!788%2!:!G*E'+'(!H'(*!I)*!'((J)*!$918!@2!KB!LC6'+4-4'(2!EB!""!

Figure 54 : Cinema Naghsheh Jahan à Chaharbagh

Source: Ullens!

Figure 53 : Les vélos à Chaharbagh

Source: L. Honarfar!

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rues étaient devenues un lieu de rendez-vous et de sociabilité. «Les gens se ressembler les après-midi et les soirs dans les cafés de Chaharbagh se trouvant sur la façade Ouest. Ils parlaient de tout, l’art, la littérature, politique. Sur le trottoir central de Chaharbagh, les personnes âgées se retrouvaient pour s’y asseoir sur les bancs et parler pendant des heures»192. M. Darvish-Zargar, un autre photographe ayant vécu ces moments glorieux d’Ispahan dans les années 50, raconte à propos de magasins de luxe de Chahabargh : « Le centre commercial Solouki était pour nous la zone interdite, parce que les jeunes aisés s’y rendaient pour aller au bar et jouer au billard et aller au cinéma. De l’extérieur on entendait le bruit des billes »193.

En ce qui concerne Chaharbagh Bala, Ebrahimian explique que « Chaharbagh Bala était consacré aux ouvriers et appart à la fin de la journée de travail, il n’y avait pas beaucoup de gens. Quelques fois par ans, il s’y tenait des rassemblements et manifestations des syndicats des ouvriers, les manifestants traversaient toute l’avenue Chaharbagh Bala et Chaharbagh Abbasi pour rejoindre la place Naghsheh Jahan. Au printemps, les nombreux mûriers de l’avenue occupaient les habitants »194.

D’autre part, au printemps il y a en Iran les fêtes de Norooz, le nouvel an persan, « pendant les vacances du Norouz ainsi que pour le pic nic de Sinzdah Bedar195 tous les habitants d’Ispahan se retrouvaient autour de Zayandeh Roud et au Chaharbagh pour fêter la nouvelle année »196 comme s’était le cas sous Shah Abbas.

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Figure 55 : Manifestation des ouvriers à Chaharbagh

Source: A. Jala!

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V) Chaharbagh depuis la Révolution Islamique

Chaharbagh n’a pas arrêté de changer depuis l’arriver de Reza Shah Pahlavi et ses plans de développement. Il a transformé Chaharbagh en une avenue commerçante moderne. Un lieu central dans l’économie et le fonctionnement d’Ispahan. Suite au déclin de la production industrielle à Ispahan et après la Révolution Islamique d’Iran et le changement du gouvernement en 1979, plusieurs projets ont été proposés pour relancer l’activité et l’attractivité de ce site.

• Continuité de stratégie de développement urbain

La Révolution Islamique de 1979 a entrainé le changement de régime en Iran. C’est la fin de l’impérialisme capitaliste, pour une République Islamique. Bien que, suite à la Révolution Islamique les idéologies politiques se sont complètement inversées, les stratégies de développement urbain sont restées les mêmes. De nouvelles routes continuent régulièrement à être créées, des nouvelles universités et hôpitaux sont construits et des nouveaux plans directeurs sont élaborés. Des nouveaux schémas directeurs qui sont, selon Keyvan Karimi «plus basés sur la volonté des autorités locales et nationales que sur les besoins réels de la ville». En effet, de lourdes opérations de nouvelles routes, ponts et centres commerciaux envahissent toujours le tissu historique de la ville. Ainsi, «même dans les zones les moins problématiques, de nouveaux programmes de construction de routes sont en cours pour satisfaire des besoins inutiles»197.

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Figure 57 : Plan de Mirmiran pour la ville d’Ispahan, 1984!

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En 1984, un nouveau plan directeur est proposé par l’agence Naghsheh Jahan Pars (NJP), dirigée par Hadi Mirmiran. Vingt ans après la conception du plan directeur précédent, l’avenue Chaharbagh se retrouve au cœur des préoccupations de ce nouveau plan. Pour le développement autour de l’avenue Chaharbagh, le principal objectif de Mirmiran était de revitaliser les quartiers historiques, et surtout faire une proposition de projet urbain pour les sites des anciennes industries textiles abandonnées.

Les programmes proposés pour ces sites sont des bâtiments à un usage culturel et résidentiel. Mirmiran dit ainsi à propos de son projet pour Chaharbagh: «le nouveau plan d'urbanisme de la ville assure le respect de l'identité, la congruence interne, l'homogénéité et l'efficacité fonctionnelle de cet axe, ainsi que de l'architecture traditionnelle d'Ispahan»198.

Karimi explique à propos du plan de Mirmiran que, travaillant dans un environnement très différent par rapport à celui du plan de Beaudoin, ce plan directeur a « un regard beaucoup plus réaliste et sensible à des questions différentes ». Il ajoute que « l’acceptation de la structure historique de la ville et les efforts d’harmonisation avec cette structure sont les points forts de cette proposition. Toutefois, ce plan semble également souffrir des perspectives très ambitieuses de ses concepteurs »199. Cependant même si plus tard, des améliorations ont été apportées à ce plan, (plan détaillé 1996, annexe 9, p.90 ), les propositions de NJP pour ce plan directeur n’ont été appliquées et de nouveaux projets de constructions ont continué à se construire sans suivre aucune planification.

En 1994, la municipalité d’Ispahan demande à quatre agences

d’architecture et d’urbanisme iraniennes de participer au concours pour la reconstruction des façades bâties de Chaharbagh Abbasi entre l’Ecole de Chaharbagh et la place Darvazeh Dolat, au Nord de Chaharbagh. Les projets des agences Naghsh Jahan Pars (Hadi Mirmiran), Tadjir et Bavand (Zonoozi et Mirfenderski) étaient retenus pour la compétition (Annexe 10 et 11, p.91). Le projet de NJP était annoncé comme lauréat car « il conservait l’activité commerciale tout en créant une bonne relation et proportion avec les monuments et le jardin historique »200.

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Figure 58 : Proposition de NJP pour le concours, 1994!

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Pour ce projet, Mirmiran commença tout d’abord par faire une étude historique sur Chaharbagh, essayant de recomposer les différentes relations entre le projet de Shah Abbas et la nouvelle situation urbaine de cette partie de la ville. « Mirmiran revient à des concepts esthétiques et procédures typiques de l'architecture traditionnelle. Il propose des solutions originales qui révèlent d’une grande préoccupation pour l'organisation des séquences spatiales, les relations géométriques et des éléments de transition entre les différents espaces »201.

Mirmiran crée une sorte de ville analogue à celle de Shah Abbas tout en prenant en compte les besoins d’une ville et une population désormais moderne. En pensant les nouveaux commerces de Chaharbagh sur pilotis, Mirmiran permet de donner un peu plus de respiration à Chaharbagh. Il conçoit donc plus de transparence et connexion directe avec le jardin et le palais Hasht Behesht qui étaient, auparavant séparés de l’avenue par une épaisseur bâtie de commerces.

Pour le projet de l’agence Bavand, M. Arab explique que pour conserver la transparence entre Hasht Behesh et Chaharbagh, les nouveaux bâtiments étaient conçus perpendiculaires à l’avenue pour ne pas construire de mur devant le jardin. Elle proposait également de libérer les terrains en face de Hasht Beshet pour y construire un second jardin202.

Finalement, aucune de ces propositions n’a atteint la phase de la construction. C’est aussi le cas pour les autres projets urbains de la même époque. Le problème depuis la Révolution Islamique est que, depuis trente ans, un certain pluralisme et diversité de points de vue ont crée des conflits entre les responsables et experts. Aucune décision ne peut donc être prise de façon à ce que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. Alors quand il y a des projets sur de sites aussi importants qui sont proposés, aucune conception et proposition n’est prise en considération et les projets sont rapidement abandonnés.

Ces conflits d’idées se retrouvent aussi entre la volonté de créer une architecture et urbanisme correspondant aux idéologies et valeurs de la société islamique et d’autre part l’influence de l’architecture moderne et post-moderne et la déconstructivisme203. L’étrange architecture qu’on trouve

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Figure 59 : Proposition de NJP pour le concours, 1994!

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aujourd’hui dans la plupart des villes iraniennes est le résultat de ces conflits d’idées. « Les éléments architecturaux des deux cultures ont été combinées et appliquées aux plans et aux façades »204. Avec un manque de règlement, le mélange des différents styles est devenu très courant dans l’architecture contemporaine iranienne. Ce qui a entrainé « depuis vingt ans, un style insignifiant et une architecture sans valeur qui a complètement dégradé la ville d’Ispahan et Chaharbagh »205.

• Changements morphologiques après la Révolution Islamique

Au début des années 1980, suite à la fermeture des usines concentrées au long de Chaharbagh Bala, les propriétaires des usines vont rapidement diviser leurs terrains, qui étaient encore ceux des jardins Safavides, en plusieurs petites parcelles et les vendre. Ainsi, « la valeur patrimoniale de ces sites est sacrifiée à la valeur financière et monétaire »206 et la seule trace des jardins a disparue.

« Des grands immeubles ont remplacés la belle architecture des usines de Chaharbagh. Des logements construits pour une population particulière207, ne faisant qu’augmenter le poids de la circulation et les installations souterraines »208. Tout a été rasé et aucune trace de ses usines avec leur architecture riche n’a été conservée.

La raison est qu’en Iran « dès qu’il y a un changement de gouvernement, les bâtiments de l’ancien régime sont rasés sans prendre en considération de sa valeur architecturale et patrimoniale »209. C’était déjà le cas à l’époque de Zell-e-Soltan, et de même pour le régime islamique. Les usines ont étaient détruites car elles étaient construites « à l’époque du Shah, et comme aujourd’hui on est contre le régime du Shah, il n’y a aucune raison de les conserver ». C’est le discours répété par les autorités dès qu’il s’agit de la démolition des bâtiments Pahlavis.

Seuls les bâtiments des usines Risbaf, Nazbaf et Sanayeh Pashm ont été conservés, mais aujourd’hui Nazbaf et Sanayeh Pashm sont aussi détruits pour accueillir d’autres!programmes. Un projet de complexe culturel est conçu par l’agence

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Figure 60 : Friches industrielles de Chaharbagh Bala

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Polsheer à Ispahan pour le site de Risbaf (Annexe 12, p.91). Ce projet propose de conserver les beaux locaux de l’usine Risbaf encore en place et y ajouter des extensions pour accueillir tout le programme. Or, la banque nationale d’Iran (Bank Melli) qui occupe actuellement ces locaux, se dit être propriétaire de ce site et ne veut pas le céder. Aujourd’hui « à cause du manque d’entretien et les vibrations dues aux travaux de construction du métro, Risbaf est petit à petit en traine de s’écrouler sans qu’aucune décision ne puisse être prise »210.

Comme on vient de le constater, bien que les sites industriels de Chaharbagh avaient « de grands potentiels pour la création de nouveaux programmes urbains qui, tout en conservant les bâtiments industriels, permettaient de créer une ville plus attrayante »211, ils ont été cruellement détruits. Cette destruction a de nouveaux entrainé la perte d’une nouvelle identité que Chaharbagh Bala s’était adopté.

Dans la partie centrale de Chaharbagh Bala, s’est ajouté un grand nombre des bâtiments administratifs d’Ispahan qui se sont délocalisés des autres quartiers de la ville. Parmi eux il y a la Compagnie nationale du pétrole, d’électricité, du téléphone, le bureau des impôts, ainsi que de nombreuses banques, etc. Ces bâtiments ont conservé le parcellaire des usines sans le fragmenter. Cependant,! plus on se rapproche du Sud de la ville plus les parcellaires sont morcelés. Les constructions sont essentiellement des commerces, suivis par de petits immeubles de logement. Ce sont des alignements d’immeubles mitoyens, sur trois ou quatre niveaux, disposés perpendiculairement à l’avenue. C’est la formation d’un tissu urbain régulier, à l’opposé de ce qui existe dans les quartiers historiques d’Ispahan. !

Sous les pahlavis, tous les Chaharbagh étaient faits de la même

manière mais plus tard, la section de Chaharbagh Bala a été modifiée. Les bancs circulaires qui se trouvaient au milieu de la promenade centrale, ont cédés leur place à deux rangées de haies, et la pierre du sol des allées centrales a été remplacée par des pavés en béton. Les trottoirs latéraux restent néanmoins en pierre. (Annexe 15, p.93)

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Figure 61 : le tissu urbain autour de Chaharbagh Bala

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Figure 62 : Coupe transversale sur Chaharbagh Bala!

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Il n’y a pas eu de modifications pour ce qui concerne Chaharbagh Abbasi et Chaharbagh Paeen. (Annexe 13 et 14, p.92)

A cause de sa fragilité, Si-o-Se Pol est définitivement devenu piéton depuis une vingtaine d’années. Ainsi, une pente a été recrée du chaque côté du pont pour permettre de connecter les deux côtés de la grande promenade qui longe Zayandeh Roud. Des escaliers permettent de remonter au niveau du chaussé et continuer vers Chaharbagh Abbasi.

Ce qui a surtout changé à Chaharbagh Abbasi et Chaharbagh Paeen

sont les noms des rues, des places, ainsi que les activités de bâtiments. Après la Révolution de 1979, toute trace du régime Pahlavi est rapidement effacée. La sculpture du Shah à la place Mojasameh est renversée et la place change de nom pour devenir la « Place de la Révolution » et la place Darvazeh Dolat qui n’a aucune connotation pahlavi devient la place d’Imam Hossein212.

A partir de cette date, La ville va être dirigée par l’Islam. Tous les bars et autres activités jugées non conformes aux règlements islamiques vont être fermés. C’est bien évidemment le cas pour le consulat des Etats-Unis qui se trouvait à l’extrémité Sud de Chaharbagh Abbasi, en face du pont. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$%%!&'!&()*+*,!-'!./0(+12,!!"#$%&#'(3'%%!$%$!4+(+!5/661*7!160!81!0)/*6*9+1!*+(+!6:**01!

Figure 63: Coupe transversale sur Chaharbagh Abbasi!

Figure 64: Coupe transversale sur Chaharbagh Paeen!

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Les fournisseurs des boutiques de luxe vont être obligés de suivre l’embargo imposé à l’Iran pendant la période de la guerre lran-Irak, de 1980 à 1988. Les boutiques vont donc aussi se fermer, et peu à peu des commerces bas de gamme vendant des productions chinoises et turques, vont les remplacer. Ainsi le prestige que Chaharbagh avait su gagner pendant l’époque précédente va disparaître.

Il n’y a pas eu beaucoup de nouvelles constructions depuis plus de trente ans. En effet ce sont majoritairement de constructions datant de l’époque Pahlavi II et seuls 14% des bâtiments de Chaharbagh ont moins de dix ans213 (Annexe 16, p.94). Le Chaharbagh d’aujourd’hui est témoin du passage des différentes époques de l’histoire d’Ispahan. On y retrouve des monuments de l’architecture safavides comme le pont Si-o-Se pol, l’Ecole de Chaharbagh, Bazar Honar, caravansérail (l’actuel hôtel) Abbasi et les palais Hasht Behesht et Chahel Sotoon. Les maison Rajaman et Amin Al Todjar et Sheikh Al Eslam, à Chahabagh Paeen restent de l’architecture qadjar. L’hôtel Jahan et d’autres monuments de l’époque Pahlavi I, embellissent encore les façades de Chaharbagh.

Malgré tous ces monuments, «Ispahan est aujourd’hui une grande ville moderne, qui a hérité d'un énorme héritage du passé, mais qui est confronté aux problèmes créés par les affrontements entre son passé et son présent »214. L’ennui est que ces bâtiments magnifiques ne sont pas entretenus et sont en traine de se dégrader progressivement car les autorités sont plus préoccupées par la modernisation de leur métropole que par la conservation des valeurs historiques et patrimoniale. Ces bâtiments sont donc aujourd’hui devenus invisibles et transparents entre les autres bâtiments de l’avenue.

Des études effectuées par l’agence Bavand (Annexe 17, p.94) informent qu’aujourd’hui un tiers des bâtiments de Chaharbagh Abbas sont en ruine ou inoccupés, « ils peuvent alors être libérés pour être retransformé en jardin », puisque de 100% d’espace vert à l’époque de Shah Abbas, Chaharbagh est passé à 40% durant la dynastie Pahlavi et à nos jours, avec la construction massive des cœurs d’îlots, seuls 20% d’espaces plantés existent autour de cette avenue.215 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!#$%!&'()*!)*!+,-,.)!/(0!1*/!23'45*.'/!)*!67,7,02,87!#$9!:;!:,0454<!=;!>?',5*)<!!"#$%&#'(@;#!#$A!+,-,.)!6?./(1'4.8<!!"#($%&#'(@;9"!B!A#!

Figure 65 : Architecture qadjar Figure 66 : Architecture Pahlavi I Figure 67 : Architecture contemporaine!Chaharbagh Paeen Chaharbagh Abbasi Chaharbagh Bala!!

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• Ambiance et fréquentation à nos jours

Depuis la période précédente, Chabarbagh est resté un des axes principaux de la ville « qui mène vers la route de Téhéran à son extrémité Nord et à celle de Chiraz à son Sud »216, il est donc le chemin obligé pour les voyageurs.

L’avenue Chaharbagh est surtout fréquentée par des véhicules et des scooters. Une forte circulation motorisée qui cause malheureusement beaucoup de nuisances sonores et de pollution d’air pour les habitants et autres personnes fréquentant ses lieux. Malgré leur situation centrale, à proximité des commerces et du grand bazar, les logements autour de Chaharbagh (surtout Abbasi et Paeen) sont alors de plus en plus désertés. Ces logements sont souvent « transformé en cabinets de médecins et d’avocats »217.

Avec près de 60% d’activité commerciale, Chaharbagh Abbasi reste une avenue commerçante importante. Les commerces sont essentiellement des grossistes, et de l’alimentation rapide « dont les poubelles finissement malheureusement toujours sur les trottoirs ou au pied des arbres de Chaharbagh ». Ces commerces attirent surtout la couche populaire des habitants d‘Ispahan. «Les changements et disparitions des activités nobles ont fait perdre toute la grandeur et la prestige que Chaharbagh avait encore gardé il y a trente ans. La belle promenade de Shah Abbas est aujourd’hui devenue le terrain de guerre d’une population peu cultivée de la ville »218.

Les nombreux magasins, espaces restaurations rapides et les cinémas sont

ouverts jusqu’à très tard le soir. Chaharbagh Abbasi est donc pendant toue la journée, une avenue très animée par la population, qui ne supportant pas de rester enfermée dans leur petit logement préfère sortir dans les parcs et les rues pour passer de bonnes soirées entre famille. Cette animation est surtout concentrée sur les deux trottoirs de chaque côté de l’avenue. Le terre-plein situé au centre de Chaharbagh reste toujours moins peuplé.

Les quelques pétons et personnes âgées s’y promènent et s’y reposent sur les bancs circulaires pour discuter, lire leur journal et admirer le paysage sous l’ombre des arbres. Mais de nos jours !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$%"!&'(')*!+,)-./01)23!!"#$%&'43!5466!$%#!()&*#!+$54""!$%7!84!8'91:13!;4!<,0':=*3!!"#%&'#+$54%6!

Figure 68: commerces à Chahabagh Abbasi! !!

Figure 69: Alimentation à Chahabagh Abbasi! !!

Figure 70: Station vélo, Chahabagh Abbasi! !!

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« même la vue de Chaharbagh, perturbée par tous ces panneaux et kiosques de location de vélos et la police n’est plus agréable »219. Alors que dans le temps de Shah Abbas la différence de niveau entre le Nord et le Sud de l’allée permettait d’apprécier une belle perspective sur les jardins Hezar Jirib.

Le terre-plein de Chaharbagh Abbasi est quotidiennement nettoyé et entretenu par des sociétés privées engagées par la municipalité d’Ispahan. Il y a aussi de temps à autres, des évènements et installations qui sont mis en place pour différentes occasions. Par exemple à l’occasion de la nouvelle année iranienne, une grande table de Norooz, ainsi que des maquettes des objets artisanaux de la ville à l’échelle agrandie sont ponctuellement disposés au centre de l’allée pour attirer l’attention les touristes.

Les places Enghelab et Imam Hossein sont de nos jours, devenues de véritables nœuds de circulation. L’accumulation des taxis par dizaines, dont les chauffeurs klaxonnent et crient en attendant des passagers, et les arrêts de bus improvisés créent une situation chaotique de stresse et d’insécurité pour les passants et les autres automobilistes.

La circulation des véhicules est néanmoins de temps en temps, bloquée pour permettre des rassemblements et manifestations religieuses et politiques (Annexe 21, P.96). Elles débutent, en générale, à la place de la Révolution pour atteindre la place Naghsheh Jahan, nommée place de l’Imam Khomeiny depuis le changement du régime, en traversant toute la longueur de Chaharbgah Abbasi.

Chaharbagh Bala est aussi devenue une avenue commerçante mais

les types de commerces et de produits mis en vente y sont bien différents de ceux des autres Chaharbaghs. Il y est construit de nombreux centres commerciaux spécialisés, comme le grand centre de vente de produits informatiques, celui des livres, des bijoux, etc.

La population se rend donc à Chaharbagh Bala, pour un besoin précis et spécifique et une fois l’achat effectué, elle repart aussitôt. Ce n’est pas une rue dans laquelle les habitants déambulent et se promènent. Les administrations présentes dans la partie centrale de l’avenue concentrent aussi un grand nombre de personnes pendant les horaires d’ouvertures. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!$%&!'()!*+,-.!%$!/0*12+3!$4%4.!5!'606037086!*90!:;<-!=+!->3>*2?>@.!:A$!!

Figure 71: Place Enghelab-entrée de SI-O-Se pol BC<3D+!E!FA!GC;C*! !!

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VI) L’avenir du Chaharbagh Abbasi: retour à la promenade

Si Les transformations subies par Chaharbagh n’étaient pas vraiment planifiées ou volontaires jusqu’à l’époque Qadjar, depuis environ cinquante ans de nombreux projets sont conçus pour d’une part, faire retrouver au cœur historique d’Ispahan son identité perdue et d’autre part, moderniser la métropole iranienne. Parmi ces projets les plus influents sont celui du métro dans la partie souterraine de Chaharbagh, la requalification du sol de l’avenue et la reconstruction des façades de Chaharbagh.

Figure 72: différents projets planifiés pour Chaharbagh !

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• réalisation d’un métro sous Chaharbagh

Les études pour la mise en place d’un réseau de métro ont commencé sous la dynastie Pahlavi. En 1969, le Shah avait la volonté de relier la ville Zob Ahan où sont implantées les industries de sidérurgie (au sud d’Ispahan), à l’aéroport international d’Ispahan situé au nord de la ville220. Après la Révolution le projet du métro, ainsi que plusieurs autres projets urbains pour Ispahan, ont été abandonnés. C’est en 1999 que les élus ont soudainement décidé de relancer des études de faisabilité pour la mise en place du réseau du métro souterrain d’Ispahan. Dans la même année il y a eu l’approbation du budget par le Parlement iranien. Les travaux sur la première ligne de métro ont commencé en 2002. Cependant cette ligne Nord/Sud a très vite été confrontée à des problèmes et mécontentements.

Depuis 1931 Chaharbagh est inscrit au patrimoine historique et culturel du pays. A partir de cette date aucune décision ne peut être prise à propos du quartier historique sans l’accord du conseil du patrimoine culturel et touristique d’Ispahan. D’après de longues études et analyses avec des architectes et urbanistes réputés comme Mirmiran, il a été décidé qu’en aucun cas le métro devrait passer par Chaharbagh mais par la rue Shamsabadi, parallèle à Chaharbagh, espacé ce celui-ci de 200m, pour ne pas endommager les monuments historiques. De plus « c’est seulement dans cette condition que toute la ville d’Ispahan aurait pu s’inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco, comme les villes de Venise et Florence »221. En 2006 le patrimoine culturel d’Ispahan interdit formellement le passage de la ligne du métro sous l’axe historique de la ville.

Cependant les responsables de la section d’urbanisme de la ville ont décidé de ne pas suivre les ordres et malgré toutes les plaintes et pétitions, c’est deux ans plus tard, une fois que le tunnel sous l’avenue du Shah Abbas était complet qu’il a était annoncé par les élus que le métro passera sous

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Figure 73: plan de la ligne 1 du metro d’Ispahan !

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l’avenue Chaharbagh. Pour rassurer les habitants, les responsables du projet ont annoncé que « le tunnel du métro est creusé à 22m de profondeur sous le sol en ce qui concerne l’avenue Chaharbagh Abbasi, alors qu’il passe à 10m du sol avant et après l’avenue historique»222. Toutefois, d’après les diagnostiques des experts du patrimoine il est impossible de faire passer le métro sous Chaharbagh, même à 200m de profondeur. Car d’après les spécialistes en architecture, urbanisme et patrimoine historique « si le métro passe sous l’axe Chaharbagh, il n’y aurait plus de Chaharbagh Abbasi dans cette ville »223. « Le passage du métro à cet endroit est très dangereux, il y a de très forts dangers pour l’axe Chaharbagh, l’Ecole coranique de Chaharbagh et l’hôtel Abbasi alors que tout risque peut facilement être évité »224.

D’après A. Shahkarami, expert en construction et géotechnique « le métro en Ispahan peut uniquement passer dans une couche spéciale de la terre. La couche actuellement choisie va entrainer la coupure du réseau des eaux souterraines d’Ispahan et va entrainer la destruction de toute la ville » donc « le passage du métro ici peut causer une catastrophe environnementale »225. D’autre part, depuis le début des travaux, sur une grande moitié de Chaharbagh-Paeen, tous les arbres sont complètement rasés et le terre-plein central détruit. Ainsi« l’axe vert de Chaharbagh est aujourd’hui devenu une accumulation de matériels de forage pour le métro »226.

La construction du tunnel du métro a déjà commencé à endommager l’Ecole de Chaharbagh. « Les mosaïques recouvrant le dôme du monument ont bougé de huit millimètre. Avec le passage fréquent du métro le dôme finira par s’écrouler totalement. L’Ecole de la Mère du Shah est construit en terre et torchis, elle ne peut pas supporter les vibrations fréquentes dues au métro»227. M. Fereshteh-Nejad, expert en architecture et patrimoine culturel explique que les fondations de l’Ecole, ainsi que le pont de Chaharbagh et la plupart des monuments anciens sont construites en sarooj, un mortier qui trouve sa solidité en restant de manière permanence en présence de l’eau. Or le passage du métro à proximité du monument oblige à couper le canal qui passe sous l’Ecole coranique et qui permet de stabiliser le monument. Ce qui va surement et rapidement entrainer l’écroulement de l’Ecole et du pont historiques228. Effectivement à cause de la qualité de la terre il y a eu un

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Figure 74: chantier du metro, Chaharbagh Bala !

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affaissement de deux mètres du sol à moins de 10m de l’extrémité du pont Si-o-Se pol, ce qui a entrainé des fissures profondes sur ce monument. Pourtant les experts en architecture avaient bien précisés que « la distance minimale à respecter pour ne pas endommager le pont est de 180m »229.

M. Karimian justifie la pertinence du passage du métro sous l’avenue Chaharbagh au lieu de celles parallèles en disant que « le métro est construit dans le but de faciliter les déplacements des habitants pour se rendre de leur domicile à leur travail, ainsi diminuer le temps et coût des déplacements et aussi préserver la nature. Le métro est aussi essentiel pour l’industrie du tourisme, il aide à faire arriver les touristes dans les lieux touristiques de la ville et ainsi redynamiser l’axe principal d’Ispahan. Si on fait passer le métro sous une des rues parallèles la fréquentation des touristes pourrait diminuer de 30%. »230. D’après ses explications le métro est mis en place pour développer le tourisme et non pas pour les besoins de la population d’Ispahan qui est majoritairement contre le passage du métro sous l’avenue Chaharbagh.

Aujourd’hui que le tunnel est complet, il n’y a plus de budget pour rendre le métro opérationnel. A. Rohani, porte-parole des partisans du patrimoine dit qu’il « n’est pas encore trop tard. Tant que les rails ne sont pas mise en place et le métro ne circule pas, on peut encore éviter la catastrophe »231.

• projet de requalification de Chaharbagh Abbasi : création d’une nouvelle promenade piétonne.

La décision positive prise par la municipalité suite à la construction du

métro est celle de rendre Chaharbagh Abbasi piéton et y interdire l’accès des véhicules privés. En résumé Chaharbagh va de nouveau devenir une promenade agréable pour les habitants et les touristes. « Les élus disent que la fermeture de la circulation automobile permet de mieux conserver les monuments historique au cœur de la ville, ainsi la transformation de l’axe Chaharbagh en une promenade piétonne permet de créer une nouvelle attraction pour les habitants et les touristes de se promener tranquillement dans la partie historique de la ville, loin des embouteillages et pollutions des voitures »232.

Depuis l’année 2010 la circulation automobile est déjà devenue limitée dans les quartiers historiques de la ville. Pour diminuer le trafic et la pollution, les jours pairs, seules les voitures avec un numéro d’immatriculation finissant par un chiffre pair peuvent circuler et de même pour les jours impairs. Les automobilistes sont déjà habitués à ne pas toujours pouvoir circuler dans Chaharbagh.

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Figure 75: projet de requalification Chaharbagh Abbasi Source: Bavand Consulting

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Avec la piétonisation de l’axe principale de la ville, la circulation automobile va être prise dans le rue Shamsabadi à l’Ouest de Chaharbagh et la nouvelle rue Bagh Goldasteh, qui est encore en construction à l’Est de l’avenue. M. Narimani, le directeur général de la section urbanise et architecture de la municipalité d’Ispahan confirme que dès l’ouverture de la rue Bagh Goldasteh, l’interdiction de circulation dans Chahrbagh sera mise en place233.

C’est l’agence Bavand qui est en charge de ce projet. En fait depuis

1975, la conception des projets urbains et architecturaux de Chaharbagh Abbasi est confiée à Bavand sous la direction de M. Mirfendereski et Zonoozi et en collaboration avec Naghshe Jahan Pars, dirigé par Mirmiran. Ce sont deux des agences les plus connues dans le pays. Aujourd’hui c’est Mohammad Arab qui s’occupe du projet de requalification de Chahrbagh Abbasi. Il explique à propos du ce projet que l’eau va retrouver sa place et son importance au sein de l’axe Chaharbagh. Un canal de largeur d’un mètre et demi va de nouveau être construit au milieu de Chaharbagh. Les bassins et fontaines vont aussi être reconstruits dans la forme et l’emplacement originaire; « seuls deux des bassins vont être plus petits qu’au passé parce que sinon ils dépasseront le terre-plein central »234.

Le terre-plein central sera réservé à la « promenade lente » sera recouvert des pavés de 10x10 cm en pierre. L’allée sera rythmée par des mobiliers urbains destinés au repos des promeneurs. La largeur totale du terre-plein sera de 10,10m, c’est-à-dire 60cm de plus que dans le cas actuel. Les deux rangées d’arbres de part et d’autre du terre-plein seront conservés mais les arbres vont être remplacés. « Des études sont effectuées par des paysagistes pour répertorier les différents types d’arbres qui étaient plantés à l’époque de Shah Abbas et leur emplacements exacts ». Le but est de se rapprocher le plus à l’allée de Shah Abbas. Cependant l’architecte de Bavand informe que les platanes seront remplacés par un espèce d’érables qui demandent beaucoup moins d’entretien tout en ayant l’aspect des platanes »235.

Les deux parties circulables seront réduites à 5m de chaque côté et elles seront réservées seulement à la circulation des transports en commun, les taxis, et les voitures d’urgence. M. Arab pense que l’idéal serait de mettre en place des autobus touristiques spéciaux pour l’axe historique de Chaharbagh, et laisser le métro comme seul moyen de transport en commun pour accéder à Chaharbagh. Cependant le système de vélos en libre-service qui commence depuis peu de temps à se développer à Ispahan, sera mis en place pour encourager les personnes d’utiliser les moyens de circulation douce.

Ensuite il y a le « trottoir de marche rapide » d’une largeur de 2,70m, il est destiné aux déplacements rapides de piétons et cyclistes. Ces trottoirs auront un pavage en pierre calcaire appelée hotenabad en persan, c’est une pierre qui a l’aspect du marbre. Cette partie est séparée d’un autre trottoir par

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une rangée d’arbre de 2,20m de large. Les dernières séries de trottoirs qualifiés de « lèche-vitrine » seront situées au pied des façades de l‘avenue dont des magasins. C’est là où les gens font beaucoup d’arrêts pour regarder ou entrer dans les commerces. Le mobilier urbain est alors en relation avec cette activité, c’est-à-dire peu de bancs mais des distributeurs d’argents… ce trottoir mesure 3,70m de large.

Il y aura donc trois sorts de trottoirs chacun destiné à une population précise : le trottoir « lèche-vitrine » plutôt destiné aux habitants et touriste faisant des achats, le trottoir « marche rapide » réservé à ceux qui traversent rapidement cette partie de la ville, surement les personne allant au entrant du travail, et finalement le trottoir « promenade lente » au milieu de l’avenue plus fréquentée par les personnes âgées et les touristes voulant admirer le cœur historique de la ville on y marchant tranquillement.

La place Enghelab (de la Révolution) va également devenir piétonne. Comme la coupe ci-dessous l’illustre, pour complètement libérer la place, les rues Motahari et Kamalodin Esmaeil, qui longent le Zayandeh Roud, vont devenir souterraine pour passer sous la place. Elle va être complètement minéral pour recevoir différents événements. M. Arab : « rien n’est encore décidé pour la place Enghelab. Il n’y a que des idées qui sont donnée mais le projet n’est pas encore commencé à se concrétiser »236. Il ajoute qu’aujourd’hui les pierres pour le pavage sont déjà acheté mais « le projet est en suspend » depuis plus de six mois. D’après lui, en cette période de fin de

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Figure 77: superposition des couches de cirulation Source: Bavand Consulting

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Figure 76: projet de requalification Chaharbagh Abbasi Source: d’après documents de Bavand Consulting

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compagne, les élus préfèrent passer la construction du métro en prioritaire car de toute façon ils savent qu’ils n’arriveront pas à finir les travaux de requalification alors ils m’ont demandé de laisser tomber le projet pour le moment ».

• projets d’amélioration des façades de Chaharbagh

La Mairie de la ville a aussi demandé à l’agence Bavand de concevoir

le projet de l’amélioration des façades de Chaharbagh Abbasi. Dans un premier temps, l’agence effectue un travail sur les façades existantes, il s’agit de la mise en place une organisation des éléments des devantures des magasins situés aux rez-de-chaussée des bâtiments. Selon M. Arab la meilleure solution pour améliorer l’image de Chaharbagh avec un coût minime est de mettre un peu d’ordre dans l’organisation des vitres se trouvant au rez-de-chaussée des bâtiments, sur les deux côtés des l’avenue. « Comme vous pouvez le voir, en organisant les vitrines et alignant les panneaux des magasins, on a déjà des plus belles et agréables façades ». Il ajoute que « la plupart des façades sur Chaharbagh sont vraiment belles mais elles sont tellement mal entretenues et pas mises en valeur qu’on ne les remarque même pas ». Il continue en disant que «on ne pourra plus reconstruire les palais et les jardins de Shah Abbas autour de Chaharagh actuel, mais on peut arriver à retranscrire l’esprit de l’époque en montant la végétation sur les façades des bâtiments. Des façades végétalisées permettront de créer des jardins verticaux de part et d’autre de Chaharbagh »237. (L’agence Bavand n’a malheureusement pas pu communiquer les images de ce projet pour raison de confidentialité.)

Si le projet de Bavand consiste seulement à embellir ce qui existe déjà, il y a actuellement un projet beaucoup plus radical qui est en construction dans l’avenue Chaharbagh Abbasi. C’est le projet d’amélioration de la façade Est l’avenue, sur le même site que le concours qui a été lancé quelques années auparavant.

L’ancien directeur général de la section architecture et d’urbanisme de la municipalité d’Ispahan explique que quelques mois après l’annonce des

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Figure 78: façades de Chaharbagh, état actuel Façades remises dans l’ordre, inspirées du projet de Bavand

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résultats du concours de 1994, il a été demandé au lauréat d’améliorer le projet pour rentrer en phase de construction. Malheureusement Mirmiran, atteint du cancer, n’a jamais pu finir ce projet. Il a ensuite était demandé au deuxième groupe, Bavand de poursuivre son projet. Finalement, au bout de cinq ans la municipalité n’arrive pas à se mettre d’accord avec Bavand en ce qui concerne les honoraires. Finalement la Mairie demande donc à Jebel-Ameli, architectes et historien d’architecture, enseignant à l’université d’Ispahan, de concevoir un projet pour ce site. L’architecte possédait de trois mois pour la conception et tous les procédures de constructions238.

Ce projet est composé d’espaces commerciaux et des services, répartis sur une surface de 11474,5 m2, une longueur de 530m et largeur de 21,65m. Il y a trois niveaux, un sous-sol, le rez-de-chaussée et le R+1. Le rez-de-chaussée étage est occupé à 27% par des espaces commerciaux et d’exposition de tapis et artisanats d’Ispahan, le reste de la surface est consacrée aux circulations (horizontales et verticales) et aux patios. Au premier étage 50% de la surface est consacré aux commerces et le reste pour les circulations, patios et les locaux techniques et annexe. Les deux étages communiquent entre eux avec des escaliers, ascenseurs et escalateurs. Enfin le sous-sol est principalement consacré à l’entrepôt.239.

L’architecte exprime sa volonté de respecter et s’inspirer de l’architecture de l’Ecole par la reprise de la hauteur et le rythme de la façade de l’Ecole. Ce centre commercial est divisé en deux corps de bâtis, l’espace entre les deux servant d’entrée pour le parc. Chaque corps de bâti est composé de deux modules identiques et symétriques. La structure principale est en béton brut qui crée aussi un module pour les façades (cinq modules en largeur et 22 en longueur pour chaque corps de bâti). Les murs des façades sont en briques.

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Figure 79: perspective du projet de la façade Est de Chaharbagh Source: Jebel-Ameli

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Figure 80: plan du rdc Source: Jebel-Ameli

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Le magazine Danesh Nama, lors d’un numéro spécial sur le projet de reconstruction de la façade Est de Chaharbagh Abbasi, demande l’avis de plusieurs architectes et urbanistes sur ce bâtiment en construction. M Taghizadeh, professeur à l’université d’architecture d ‘Ispahan fait remarque très pertinente en disant : «Je ne comprends pas pourquoi la ville n’a pas demandé l’avis des experts avant et après la phase de la conception du projet ! »240.

En effet le projet de la reconstruction de la façade de Chaharbagh, directement en rapport avec le patrimoine historique n’est pas un projet anodin. De tels projets devraient faire objet de concours. Il faut vraiment bien comprendre et saisir ce site pour concevoir un projet d’une telle importance. Taghzadeh ajoute que « l’avis de la population est aussi très important. Il aurait fallu afficher les perspectives de ce projet en grand dans les rues et faire participer les habitants. Car on n’y voit aucune trace et respect de la culture et histoire d’Ispahan et de ce site»241. Pour construire ce long bâtiment plusieurs dizaines de bâtiments ont été détruits parmi eux l’entrée historique du jardin Hasht Behesht et des bâtiments d’une architecture très intéressante de l’époque Pahlavi. « La cohabitation de ces bâtiments de toutes les époques avaient crée un genre particulier témoin du passé de ce site »242 mais aujourd’hui toutes ces traces sont effacées.

Le plus grand problème de ce bâtiment est le manque de transparence qui entre Chaharbagh et le jardin et palais Hasht Behesh. Ce bâtiment est un immense bloque qui ferme toute respiration vers Hasht Behesh alors que, comme Chardin l’a raconté, à l’époque de Shah Abbas les murs de jardin était traités de manière à ce qu’en se promenant dans la rue on puisse admirer et apprécier la végétation des jardins. Un autre défaut souligné par l’architecte Nasser Bonyadi est la monofonctionnalité et monotonie de ce bâtiment243. En effet, c’est un grand bloc massif et opaque où sont construits des locaux commerciaux destinés à la vente des objets artisanaux pour les touristes mais ces locaux sont « trop chère pour les artisans et trop petits (12 à 30m2) pour d’autres genre de commerces et expositions »244. Effectivement d’après la description de Jebel-Ameli de son projet, on remarque beaucoup de perte d’espace pour la

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Figure 81: nouveau bâtiment commercial, façade Est de Chaharbagh

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circulation ce qui entraine l’augmentation du prix des locaux dans une partie de la ville où le prix au mètre carré atteint plusieurs milliers d’euros.

Concernant l’architecture de ce bâtiment, Bonyadi dit que « cela ressemble à de l’architecture industrielle ». Il ajoute également que la composition des matériaux choisis pour les façades, c’est-à-dire au béton brut, des briques rouge et crème et les stores blancs, n’est pas très esthétique et agréable pour un tel lieu.245 Mohammad Reza Ghanei, architecte et urbaniste iranien écrit à propos de l‘architecture de ce bâtiment que « Ca ne ressemble pas vraiment à la culture et l’architecture d’Ispahan. Ce bâtiment rappelle les centres commerciaux dans le Sud de l’Iran, au bord de la mer. En plus l’architecte a remplacé les platanes par des palmiers sur son perspective »246.

Un autre problème est celui de la fonctionnalité de ce bâtiment. Selon Ahmad Shakibaei, expert en architecture pense que « toute construction de fonction commerciale au long de Chaharbagh est complètement inappropriée. Cela ce ne fait qu’empirer la circulation automobile et attirer les gens à acheter des produits chinois au lieu de mettre en valeur les monuments de Chaharbagh ». En effet, avant il n’y avait qu’une rangée de commerces sur un seul niveau et avec ce projet il y aura six fois plus de commerces (deux rangées sur trois niveaux). Il critique également le fait que ce bâtiment est trop haut, « c’est un horrible mur qui cache notre belle histoire »247. Aliakbar Saremi, explique qu’on sachant qu’initialement il n’y avait aucune façade commerciale à Chaharbagh, « il faut aujourd’hui arrêter toute nouvelles construction de fonction commerciale ici. Au lieu de faire de nouvelle constructions il faut rénover les bâtiments existants et conserver le parcellaire vide pour reconstruire les jardins safavides »248.

Avec la construction de e bâtiment, non seulement de nouveaux jardins ne sont pas construits mais la beauté et tranquillité de celui existant vont être perturbées par la présence d’un bâtiment commercial très massif. Ghanei dit que ce projet avant d’être la reconstruction de la façade Est de Chaharbagh, est celui de la façade Ouest de Hasht Behesh mais il ne respect absolument pas le seul palais et jardin historique qui reste à Chaharbagh. Il sépare Chaharbagh de son unique bagh (jardin) »249. Tout comme pour le projet de métro, celui de la façade Est de Chaharbagh ne satisfera pas non plus les habitants d’Ispahan, qui sont très attachés à leur ville et son histoire.

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Figure 81: l’intérieur du bâtiment Source: M. Honarinehaj !

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$%&'()*+%&!,!! Comme on a pu le constater à travers ce mémoire, Chaharbagh a

toujours servi d’outil urbain pour mettre en avant le pouvoir ou la faiblesse de chaque régime. Au XVIIème siècle, Shah Abbas a construit cette belle promenade pour montrer au monde entier l’art et le savoir-faire persan. D’ailleurs de nombreux textes d’architecture et d’urbanisme iraniens témoignent que les français se sont inspirés de Chaharbagh pour construire les Champs Elysées.

Cet art de planification et construction urbaine a disparu au XVIIIème

siècle, sous la dynastie Qadjar. Non seulement les rois qadjars n’ont pas su réparer les dommages dus aux invasions étrangères, mais ils ont incité à la destruction de cette belle promenade pour effacer toutes traces d’un passé glorieux, disparu depuis quelques années.

D’autre part, pendant cette période, une nouvelle aire dans l’urbanisme iranien s’est créée sous l’influence et direction des européens. En effet, la prospérité des villes européennes fascine les qadjars, qui décident de prendre ces villes comme modèle à reproduire pour le développement urbain, social, économique et culturel des centres urbains iraniens.

On peut alors parler d’un inversement de situation qui a eu lieu à cette époque. C’est-à-dire que le pays qui pendant des années, était la source d’inspiration des européens, va à son tour, vouloir copier ce que les européens se sont adoptés selon leur propre culture et besoins. Or ce modèle européen n’est pas vraiment convenable à toutes les villes iraniennes.

La modernisation urbaine en Iran va commencer au XIXème siècle, avec l’aide de la Grande-Bretagne qui accepte d’investir et fournir la technique et la main-d’œuvre pour entretenir les travaux urbains, en échange d’un rapport privilégié avec la production pétrolière iranienne. Bien que, la capitale Téhéran a plus rapidement subi les influences européennes pour se moderniser, à Ispahan, les mutations urbaines, sociales, culturelles et économiques commencent à avoir lieu qu’à la porte de la chute de la dynastie Qadjar.

Toujours sous l’influence des occidentaux et du capitalisme, Reza

Shah Pahlavi va reprendre le travail inachevé des derniers rois Qadjars, concernant la transformation des villes iraniennes. Si les Qadjars avaient le désir de copier le modèle européen, les Pahlavis voulaient surtout démontrer aux occidentaux que l’Iran était placé au même niveau qu’eux, et il était de nouveau, adroit de source d’inspiration pour les pays voisins en Moyen-Orient. D’ailleurs, de belles constructions ont eu naissance durant cette période.

Si cette modernisation massive et rapide des villes a permis au pays d’évoluer, elle a néanmoins causé un déséquilibre au niveau social et urbain. Les désirs de démonstration de Mohammad Reza Shah, ont plus que tout joué au détriment du patrimoine historique et culturel des villes. C’est le cas d’Ispahan où, sous l’influence des travaux haussmanniens à Paris, non seulement les anciennes voies étaient élargies, mais un réseau de nouvelles

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voies de communication était percé à travers le tissu urbain des quartiers historiques, créant un conflit entre les différentes époques.

Ispahan, la seconde grande ville du pays, est rapidement devenue le cœur industriel et économique du pays, grâce à son emplacement central. C’était un grand enjeu pour la ville d’Ispahan, avec tous ses monuments historiques. Ce développement soudain a conduit à un grand apport de population et donc l’extension de la ville et la densification des quartiers existants. C’est le cas du quartier Chaharbagh, où à cause d’un manque de terrains et d’intérêt, ainsi que la spéculation foncière, les parcellaires des jardins étaient divisés et vendus et construit, sans aucun respect du passé.

Les Shah Pahlavis avaient les moyens économiques et une influence mondiale pour avoir les meilleurs conseillers pour refaire de Chahrbagh une promenade semblable à celle était autrefois, mais ils ont préféré de changer complètement l’identité de ce lieu, et juste en conserver le nom, pour faire de Chaharbagh une avenue dont la modernisation est portée à leur nom, à l’image du gouvernement et le style de vie du pays. C’est d’ailleurs pour cette raison que Reza Shah prolongea l’avenue Chaharbagh pour la baptiser a son nom : « Chaharbagh Pahlavi ».

Depuis la Révolution Islamique de 1979, malgré les efforts effectués

pendant plusieurs années pour mettre en place un plan de développement urbain qui répond efficacement aux besoins actuels et futurs de la population, ainsi que des concours (alors qu’ils ne sont pas très courant en Iran) pour parvenir à améliorer l’état actuel d’Ispahan et de Chaharbagh, en combinant la culture et la modernité, des mauvaises décisions, comme celle de faire passer le métro d’Ispahan sous cette avenue, mettent non seulement les monuments historiques mais toute la ville en péril.

Ainsi, avec des mauvais décisions prises sans l’avis et la participation de la population, non seulement Chaharbagh fait un retour au passé pour redevenir une promenade agréable et plaisante mais c’est aussi tout le pays qui s’enfonce dans une régression urbaine.

Le cas d’étude de l’avenue Chaharbagh sert non seulement à assimiler

l’évolution architecturale et urbaine d’un axe historique important dans la ville d’Ispahan, mais il permet aussi de voir les répercussions (positives ou négatives) que les gouvernements et les politiques peuvent avoir sur des éléments urbains de grande influence dans le fonctionnement général des villes.

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Bibliographie: • Récits des voyageurs:

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! Danesh Nama, Issues 142-143, winter 2006, «Chaharbagh Isfahan», A. Jaberi Ansari

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Esfahan, Mafhoomi no az fazaye shahri», Z. Ahari ! Haft Shahr, Issue 27-28/ spring-summer 2009, Isfahan ! Journal of the Islamic Envirnomental Design Research Center -

issue n° 1-2 - 1991 - “Urban Spaces as the Scene for the Ceremonies and Pastimes of the Safavid Court” - M. Alemi

! Journal of the Islamic Environmental Design Research Centre 1, issue n°?, 1999, “Contemporary Iranian Architecture in Search for a New Identity”, L. Micara

! Saudi Aramco World, issue 13, January 1962, “ Isfahan Is Half The World”, extraits de Travels in Persia: 1627-1629, Sir Thomas Herbert

! Sharestan, Issue 27, Spring 2010, Special issue Seyed Hadi Mirmiran.

• Mémoires d’étudiants et rapport de recherches:

! R. Abouei - Urban Planning of Isfahan in the Seventeenth Century - 2005 - University of Sheffield School of Architecture

! D. Diba & M. Dehbashi, Trends in Modern Iranian Architecture, 2008, University of British Columbia - Vancouver

! F. Hooshangi, M. Arch, Isfahan, City of Paradise - A study of safavid urban pattern and a symbolic interpretation of the Chahar-Bagh gardens - June 2000 - Carleton University – Canada

! K. Karimi & N. Motamed - The tale of two cities: Urban planning of the city Isfahan in the past and present - 2003 - Space Syntax Symposium – London

! P. Tabrizian - From Ray to Metropolis – Spring 2010, - K.U. Leuven – Belgique

! H. A. Walcher – Between Paradise and Political Capital: The Semiotics of Safavid Isfahan – 1997 – Yale University

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! Bavand Consulting – Projet de la requalification et renovation urbaine de Chaharbagh Abbasi – Printemps 2011 – Mairie d’Ispahan.

! Bavand Consulting – Resumé du rapport sur le PLU des zones 1 et 3 d’Ispahan – 2001 à 2008 – Mairie d’Ispahan

! M. Javeri – Rapport de la fouille archéologique de l’avenue Chaharbagh Abbasi – hiver 2005 – Ispahan

! NJP Consulting – Rapport sur le PLU de la zone 5 d’Ispahan – 1988 - Ispahan

• Sources imprimées:

! Cartes aériennes des années 1956, 1986 et 2012 ! Documents graphiques du projet de requalification Chahabagh

Abbasi- Bavand Consulting ! Plan d’Ispahan de l’époque Safavide, d’après les descriptions des

voyageurs ! Plan parcellaire de toute l’avenue Chaharbagh sur une épaisseur

bâti de 300 m de chaque côté – Mairie d’Ispahan, la section Architecture et Urbanisme – 2005

• Vidéos:

! Iran: Seven faces of civilization – Farzin Rezaeian, Sunrise Visual Innovations, Canada- 2007

! Ispahan – Baroness Marie-Thérèse Ullens de Schooten, Ullens Collection- 1952, Harvard College Library

! D’azure et d’or, Ispahan – Baroness Marie-Thérèse Ullens de Schooten, Ullens Collection- 1971-72, Harvard College Library

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• Entretiens:

! M. Arab, architecte de l’agence Bavand, s’occupant du projet de

requalificationde Chaharbagh, Ispahan, décembre 2011 et août 2012

! M. Hakim, urbaniste qui a travaillé à l’organisme urbanisme et logements d’Ispahan, Ispahan, décembre 2011

! M. Karimian, architecte et urbaniste, responsable de la section architecture et urbanisme de la Mairie d’Ispahan, Ispahan, décembre 2011

! M. Mohasebi, directeur urbaniste de la Mairie du 6° arrondissment d’Ispahan, Ispahan, décembre 2011 et avril 2012

! Mme. Roghani, architecte travaillant à la Municipalité d’Ispahan, Ispahan, décembre 2011

! M. Sanaei, urbaniste à la section architecture et urbanisme, Ispahan, juillet 2011

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Annexe : !!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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Annexe1: Empire Perse sous la dynastie Seldjoukide

Annexe2: illustration de la place Naghsheh Jahan Source: P. Coste & E. Flandin

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Annexe3: vue à vol d’oiseau d’Ispahan, VXIIème siècle Source: J. C. Golvin

Annexe 4: illustration de Chaharbagh Source: P. Coste & E. Flandin

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Annexe 5: ambiance dans le cour de l’Ecole de la Mère du Shah Source: P. Coste & E. Flandin

Annexe 6: extrait du plan d’Ispahan en 1820 (dynastie Qadjar) Source: Chirikov

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Annexe 7: Mausolée de Khayyam à Neyshabour Mausolée de Hafez à Shiraz

Architecte: H. Seyhoun, 1962 Architecte : A. Godard, M. Siroux, 1930 !

Annexe 8: place Naghsheh Jahan envahi par des véhicules

Source: inconnue!

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Annexe 9: P

lan directeur du développement urbain d’Ispahan, N

JP C

onsulting, 1996

Source: M

unicipalité d’Ispahan!

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Annexe 10: deuxième prix pour le concours d’amélioration de la façade Est de Chaharbagh Abbasi

Source: Bavand Consulting!

Annexe 11: Troisième prix pour le concours d’amélioration de la façade Est de Chaharbagh Abbasi

Source: Agence Tadjir!

Annexe 12: usine Risbaf, Chaharbagh Bala

Source: Sh. Sepanta!

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Annexe 13: Chaharbagh Paeen

Annexe 14: Chaharbagh Abbasi

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Annexe 15: Chaharbagh Bala

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Annexe 16: Age du bâti, Chahrbagh Abbasi

Source : Bavand

Annexe 17: qualité du bâti

Source : Bavand

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Annexe 18: hauteur du bâti

Source : Bavand

Annexe 19: Occupation du bâti

Source : Bavand

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Annexe 20: Troittoir de Chaharbagh Abbasi

Source : Kenneth Browner

Annexe 20: Manifestation politique, Chaharbagh Paeen

Source : IMNA news agency