ces désirs qui nous font honte

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    Ces dsirs

    qui nous font honte

    Dsirer, souhaiter, agir :

    le risque de la confusion

    SergeTisseron

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    Temps dArrt:

    Une collection de textes courts dans le domaine de la

    petite enfance. Une invitation marquer une pause

    dans la course du quotidien, partager des lectures en

    quipe, prolonger la rflexion par dautres textes

    Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, directeur derecherches lUniversit Paris X. Son dernier ouvrage parusintitule Comment Hitchcock ma guri, Paris, Albin Michel,2003.

    Ce texte a fait lobjet dune confrence qui sest tenue le 29 avril2004 au Thtre 140.

    Fruit de la collaboration entre plusieurs administrations

    (Administration gnrale de lenseignement et de la recherchescientifique, Direction gnrale de laide la jeunesse, Directiongnrale de la sant et ONE), la collection Temps dArrt est di-te par la Coordination de lAide aux Victimes de Maltraitance.Chaque livret est dit 10.000 exemplaires et diffus gratuite-ment auprs des institutions de la Communaut franaise activesdans le domaine de lenfance et de la jeunesse. Les textes sontgalement disponibles sur le site Internet www.yapaka.be

    Comit de pilotage:Yvon Bguivin, Jacqueline Bourdouxhe, Guy Declercq, Nathalie

    Ferrard, Grard Hansen, Franoise Hoornaert, Roger Lonfils, AnneThiebault, Reine Vander Linden, Nicole Vanopdenbosch,Dominique Werbrouk.

    Coordination:Vincent Magos assist de Delphine Cordier, Diane Huppert etClaire-Anne Sevrin.

    Avec le soutien de la Ministre de la Sant, de

    lEnfance et de lAide la jeunesse de la Commu-naut franaise.

    diteur responsable: Henry Ingberg Ministre de la Communaut fran-aise 44, boulevard Lopold II 1080 Bruxelles. Dcembre 2004

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    Dans le film de Luiz Buel intitul La vie criminelle

    dArchibald de la Cruz, le hros se sent terriblement

    coupable de meurtres quil a dsirs accomplir,

    mais qui lont t par dautres sans quil y soitpour rien. La morale de lhistoire est donne la

    fin par linspecteur de police auquel le hros est

    venu se confier: la loi punit les crimes accomplis,

    mais certainement pas ceux que nous avons

    dsirs en secret!

    La reconnaissance de dsirs humains dangereux

    pour autrui est en effet au fondement de leurinterdiction par la loi. Par exemple, cest la recon-

    naissance du dsir de tuer notre semblable qui a

    entran ltablissement dune lgislation desti-

    ne sy opposer. Mais la loi na pas seulement

    pour consquence de rglementer la vie sociale;

    elle nous permet aussi de nous reprsenter ceux

    de nos dsirs dont la ralisation est interdite. Par

    exemple, si jai un voisin bruyant et dsagrable,

    je peux dautant plus facilement imaginer que je

    men dbarrasse et mme en plaisanter! que

    je sais la chose irralisable et que mes interlocu-

    teurs le savent aussi.

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    Nous sommesdes tres de dsirs

    Ce qui diffrencie ltre humain de lanimal, ce ne

    sont pas ses performances, et encore moins

    sa morale: aucune espce na son actif des

    tentatives gnocidaires comme celles qui ont

    marqu la communaut humaine depuis cin-

    quante ans! En revanche, ltre humain a ceci de

    particulier quil est engag tout moment dans laconstruction de reprsentations des expriences

    quil traverse. Et ces reprsentations ont toujours

    deux versants : la ralit qui lentoure et la manire

    dont il y ragit. Autrement dit, nous nous donnons

    tout moment des reprsentations de lespace

    o nous nous trouvons et des vnements qui

    nous arrivent, mais aussi de ce que nous imaginons,

    rvons et dsirons. Or, dans ces reprsentationsde notre monde interne, les dsirs agressifs et

    rotiques ont une place capitale par lintensit

    motionnelle quils suscitent.

    La ncessaire reprsentation

    des dsirs agressifs

    Lun des mrites de Freud est davoir montr que

    limpossibilit de se reprsenter ses propres

    dsirs agressifs peut rendre psychiquement, et

    Cela est valable pour nos dsirs agressifs, mais

    aussi pour nos dsirs rotiques, et ceux qui sur-

    gissent parfois entre adultes et enfants ny font

    pas exception. Non seulement il nest pas interdit

    de dsirer ce que la loi interdit, mais il est mmefortement conseill de se reprsenter quon le

    dsire. A dfaut dy parvenir, nous risquons en

    effet daccomplir des actes que nous navions

    mme pas imagins, pour notre plus grande

    honte et celle de nos proches.

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    avoir honte den vouloir leur pre ou leur

    mre, quelles que soient les violences dont elles

    se sentaient victimes de leur part. La honte pour

    leurs propres dsirs agressifs les a alors

    conduites imaginer quelles ne puissentrpondre une attaque que par une attaque

    encore plus violente. Bref, elles se rvlent inca-

    pables de faire la diffrence entre une violence

    dautodfense et une violence dagression. Mais

    si elles ny parviennent pas, cest parce que leurs

    parents, bien souvent, ne leur ont pas permis de

    faire cette diffrence quand elles taient enfants.

    Limpossibilit de se reprsenter son dsir agres-

    sif ne se traduit pas toujours par linhibition et

    lincapacit de se protger contre la violence

    dautrui. Elle aboutit parfois loppos, savoir

    une violence exerce contre autrui dans laquelle

    on ne se reconnat pas. Certaines personnes

    peuvent ainsi tre amenes accomplir des

    actes de violence quelles navaient mme pas

    imagins et dont elles ne ralisent lhorreur

    quaprs coup. Cest, semble-t-il, ce qui sest

    pass lors du gnocide rwandais en 1994. Huit

    cent mille Tutsis y ont t massacrs en douze

    semaines par des hommes ordinaires qui avaient

    le sentiment daccomplir un travail ordinaire. Leur

    fuite prcipite devant lavance des troupestutsies venues des pays voisins, puis la dnon-

    ciation de la communaut internationale, leur ont

    soudain fait prendre conscience quils taient

    des hommes ordinaires qui avaient accompli des

    9

    mme parfois physiquement malade. Par exemple,

    un enfant qui ne peut pas reconnatre la ralit de

    ses tendances agressives vis--vis de lun ou

    lautre de ses parents dveloppe volontiers des

    troubles allergiques, des rhinopharyngites rptition ou des manifestations dpressives.

    Cela se produit quand lun des parents est

    excessivement autoritaire et agressif: lenfant

    touffe en lui toute ide de rvolte qui le terrori-

    se. Mais un parent fragile et dprim peut gale-

    ment dissuader un enfant de manifester, et mme

    dprouver, son agressivit: ce nest plus la crainte

    dtre terriblement puni qui inhibe lenfant, maiscelle de blesser son parent par ses attaques dans

    la mesure o il lui parat incapable de se dfendre.

    Dans les deux cas, le rsultat est le mme: les

    enfants qui ne parviennent pas se reprsenter

    leur agressivit ont souvent un dveloppement

    psycho-affectif perturb. Ils deviennent exces-

    sivement soumis et prsentent volontiers une

    fragilit somatique la moindre contrarit. En

    outre, plus tard, ils deviennent frquemment des

    adultes qui ont honte de leur agressivit et par-

    fois aussi de celle dautrui!

    Cela se voit notamment chez des femmes mal-

    menes par leur mari qui cachent leurs proches

    les agressions dont elles sont victimes. Souvent,la thrapie de ces femmes montre quelles ont

    dabord commenc avoir honte de leur propre

    agressivit avant davoir honte de celle de leur

    mari leur gard. Leur ducation leur a appris

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    difficult laquelle doit faire face tout tre

    humain. Et cette difficult est bien entendu dau-

    tant plus grande que la ralisation de ces dsirs

    est interdite par la loi, comme cest le cas des

    agissements sexuels entre adultes et enfants.

    Comme pour les dsirs agressifs, celui qui

    prouve de tels dsirs et refuse den reconnatre

    lexistence en lui-mme court le risque den tom-

    ber malade Parfois, il souffre de maux inexpli-

    cables qui lempchent dexercer son travail

    dans de bonnes conditions. Dautres fois, il lui

    semble soudain accomplir des actes qui ne vien-nent pas de lui, mais de quelquun dautre.

    Enfin, ces dsirs non reconnus peuvent se mani-

    fester sous la forme dattitudes rpressives

    excessives vis--vis des enfants. La confusion

    des langues 2 dont parlait Ferenczi, entre les

    attentes de tendresse dun enfant et les dsirs

    sexuels dun adulte, ne se solde pas toujours

    par un abus sexuel. Il arrive aussi et mme de

    plus en plus compte tenu de la dnonciation des

    agissements pdophiles que cette confusion

    produise une mise distance excessive de len-

    fant par ladulte. Obsd par des dsirs sexuels

    dont il craint de parler autour de lui, celui-ci

    se prmunit par divers moyens contre tout risquede rapprochement. Pour y parvenir, il sentoure

    11

    choses extraordinaires. Mais les tmoignages

    recueillis auprs deux1 montrent quils ne se

    sont reprsents ce quils taient en train de faire

    quaprs lavoir ralis. Cest seulement aprs

    plusieurs jours de tuerie quils ont en effetcommenc avoir la reprsentation deux-

    mmes comme tueurs. Auparavant, ils faisaient

    des choses qui paraissaient leur chapper et

    dans lesquelles ils ne reconnaissaient pas leurs

    propres proccupations. Comment lexpliquent-

    ils? Les rfrences latmosphre dans laquelle

    ils ont grandi reviennent le plus souvent. Des

    petites phrases entendues frquemment dansleur enfance au sujet des Tutsis, telles que nous

    serions plus tranquilles sils ntaient pas l ,

    cest encore de leur faute ou encore il faudra

    bien envisager de sen dbarrasser un jour , ont

    pu efficacement les prparer massacrer leurs

    voisins de toujours sans quils naient jamais

    une reprsentation claire des actes de violence

    quils accomplissaient, et encore moins de leur

    agressivit leur gard.

    La ncessaire reprsentationdes dsirs rotiques

    Aprs la reprsentation des dsirs agressifs, lareprsentation des dsirs rotiques est la grande

    10

    2 Ferenczi S., Confusion de langue entre les adultes et lenfant,Psychanalyse 4, uvres compltes, Paris, Payot, 1982 (1933).1 Jean Harzfeld, Une saison de machettes, Paris, Le Seuil, 2004

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    Alors, comment viter den arriver l et de provo-

    quer ces difficults chez des enfants qui sen

    passeraient bien. Ce problme nous concerne

    tous. En effet, au-del du fait que certains dentre

    nous puissent prouver de tels dsirs et dautrespas, cette question engage une responsabilit

    collective, notamment par lintermdiaire des

    institutions ducatives. Celles-ci peuvent en effet

    favoriser ou au contraire dissuader chez les inter-

    venants qui y travaillent la reprsentation de leurs

    dsirs rotiques ventuels pour les enfants, avec

    les consquences que nous avons voques. Mais,

    avant davancer plus avant, il nous faut dabordmieux prciser la nature des reprsentations que

    ltre humain se donne de ses dsirs, et notamment

    de ceux dont la ralisation lui est interdite.

    Chacun dentre nous dispose detrois moyens pour se reprsenterses dsirs et les socialiser

    Nous donnons un sens aux divers vnements

    du monde que nous traversons en utilisant tou-

    jours trois moyens complmentaires: les mots,

    les images, et lensemble de nos manifestations

    sensori-motrices qui incluent notamment nos

    gestes, nos attitudes et nos mimiques3. Ces troismoyens sont la fois ceux que nous utilisons

    13

    parfois dune barrire de froideur en se rendant

    distant et inaffectif. Dautres fois, il se protge par

    la violence: il gronde ou rudoie plus que nces-

    saire lenfant par lequel il craint de se sentir excit

    de manire insupportable. Enfin, la honte quilressent vis--vis de ses propres dsirs peut par-

    fois se communiquer lenfant dont il a la charge.

    Le jeune qui peroit un adulte gn chaque fois

    quil lapproche et le sollicite est videmment

    menac par le risque de se croire lui-mme lobjet

    de cette honte, et dadopter dans la vie une atti-

    tude honteuse qui ne manquera pas de

    paratre suspecte. Celui qui se montre honteux,mme sil ne sait pas de quoi et pourquoi, impo-

    se en effet souvent ses proches lide quil a d

    accomplir quelque action honteuse!

    Ces trois attitudes la froideur, le rudoiement et

    le transfert de la honte ont la mme cons-

    quence tragique: elles constituent une forme de

    traumatisme pour lenfant. Et, dans les trois cas,

    lintensit de celui-ci nest pas fonction de lexci-

    tation rotique prouve par ladulte, mais de

    limportance des barrires quil a riges pour se

    la cacher lui-mme. Plus un adulte vit comme

    honteux un dsir sexuel vis--vis dun enfant, et

    plus il cherche se cacher ce dsir lui-mme,

    plus il est pouss riger des barrires puis-santes contre le risque de sa ralisation, tel

    point que ces barrires, parfois considrables,

    peuvent finir par constituer le problme principal

    dans ses relations aux autres.

    12

    3 Autrement dit, dans la vie psychique, rien nest jamais insymbolis,sauf vouloir rduire la signification du mot symbole aux seulesconstructions du langage parl ou crit.

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    tes du XIVe sicle, au moment du Moyen-Age

    finissant5. Dieu le Pre est assis, son regard nous

    fixant dans une attitude calme et majestueuse.

    De sa bouche semble sortir une langue : cest en

    fait lEsprit-Saint, symbole du verbe, autrementdit des puissances du langage de mme appa-

    rat-il sous la forme delangues de feu, sur la tte

    de chaque aptre, le jour du mystre de la

    Pentecte, leur donnant le pouvoir extraordinaire

    de comprendre et de parler toutes les langues.

    Enfin, ce Pre tient devant lui un crucifix portant

    le corps de son fils Jsus. Cette partie de la

    sculpture est beaucoup plus petite tel pointquelle semble une image que Dieu prsenterait

    aux fidles placs face lui. A la diffrence de

    Dieu qui fixe son interlocuteur dans les yeux en

    lobligeant le regarder, le Christ miniature ne

    regarde pas en face de lui, mais sur le ct, ce qui

    accentue limpression quil constitue une sorte

    dimage dans limage . Bref, tout se passe

    comme si le grand personnage sculpt montrait

    une image, tandis que limmense langue qui lui

    sort de la bouche nous indiquait quil en dit

    quelque chose.

    Ainsi, ces sculptures ne reprsentent pas seule-

    ment le mystre catholique de la Sainte Trinit

    sous la forme o les thologiens et les sculpteursdu XIVe sicle se le reprsentaient, mais la situa-

    tion o chacun dentre nous se trouve lorsquil

    15

    pour nous reprsenter ce que nous prouvons,

    et pour le communiquer. Car nous ne nous repr-

    sentons bien que ce que nous pouvons faire

    valider par un tiers: nous ne sommes des tres

    de communication que parce que nous recher-chons tout instant une approbation par autrui

    des reprsentations personnelles du monde que

    nous nous construisons. Cest ce qui explique

    que nous soyons en gnral plus soucieux dtre

    couts que dcouter: entre la communication

    et la symbolisation personnelle des vnements

    que nous traversons, cest celle-ci qui prime!

    Et, comme elle fait intervenir tout momentdes mots, des images et des attitudes mimo-

    gestuelles, on peut dire quelle est trois en

    une : trois puisquelle prend trois formes

    distinctes, et en mme temps une puisque

    ces trois formes sont absolument insparables

    dans la vie quotidienne.

    Or cette formule Trois en une nest pas

    sans rappeler le mystre de la Trinit chrtienne

    pour laquelle Dieu est Trois en Un: Pre, Fils et

    Saint-Esprit! La Trinit chrtienne serait-elle

    alors une mtaphore de la trinit des formes de

    la symbolisation4?

    En tous cas, cette complmentarit reoit uneadmirable mise en scne dans les Trinits sculp-

    14

    5 Comme celle de la Basilique des Saints Nazaire et Celse Carcassonne.4 Je dveloppe cette hypothse dans Petites mythologies daujourdhui,

    (Paris, Aubier, 2000).

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    entrouvertes. Un verre triangulaire du genre de

    ceux quon utilise pour les analyses durine

    tait pos sur la tte de lenfant qui se tenait

    debout ct dune toise. Ces objets sont autant

    de signes familiers aux psychologues: le verretriangulaire rempli voque le pubis de la fillette et

    son envie pressante ; sa bouche entrouverte

    voque louverture de son sexe; la grande toise

    ct delle, constitue dune petite baguette

    horizontale qui coulisse sur une grande rgle ver-

    ticale, voque les capacits rectiles du membre

    masculin; enfin, ses cheveux dcoiffs voquent

    les dsordres conscutifs lamour. Pour le psy-chologue, cette image est une mise en scne

    destine voquer chez son spectateur, incons-

    ciemment bien entendu, un rapport sexuel! Le

    spectateur masculin aperoit dans cette image

    une Lolita craquante mais, par effet de sa censure

    psychique, il ny voit plus quune fillette adorable.

    Et la spectatrice croit voir une fillette adorable

    alors quelle y entrevoit lincarnation de ses dsirs

    infantiles enfouis mais toujours agissants

    dtre une Lolita sductrice. Il faut croire que le

    dsir pdophile est bien puissant pour que la

    publicit lutilise avec autant daplomb! Dans

    tous les cas, le consommateur est excit sans

    savoir comment et achte sans savoir pourquoi.

    Cest bien le but recherch.

    La prise de conscience de limportance de la

    pdophilie a provoqu un retrait de ces images.

    Largument invoqu a t quon voyait le buste

    17

    tente de communiquer quelque chose dimpor-

    tant : il se rend visible son interlocuteur et le fixe

    en gnral dans les yeux; il ouvre la bouche et

    des mots en sortent et mme parfois ce quon

    appelle un flot de paroles , semblable lalongue langue qui schappe de la bouche du

    Pre dans ces Trinits du Moyen-ge; et il saide

    ventuellement dimages quil prsente ses

    interlocuteurs situs face lui.

    Les moyens de symbolisation que

    ltre humain sest donns pourse reprsenter ses propres dsirssont aujourdhui volontiers utilisspour les exciter, souvent soninsu, et les dtourner vers laconsommation

    Certaines publicits tentent un peu dagir sur

    nous comme labuseur denfants avec sa jeune

    victime: elles suscitent en nous des dsirs qui

    nous gnent, puis elles nous disent que ce sont

    les ntres afin de brouiller nos repres et minimi-

    ser leur responsabilit, et enfin elles tentent de

    dtourner leur profit ce quelles ont fait natre!

    En 1995, des photographies qui mettaient enscne des enfants ont t brutalement retires

    dune campagne publicitaire. Sur lune dentre

    elles, on voyait une fillette nue, cadre au-dessus

    du pubis, les cheveux bouriffs et les lvres

    16

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    Toutes diffrentes sont les images de la publicit.

    Et il faut bien reconnatre quentre 1980 et 2000,

    elles ont largement jou sur le dsir pdophile et

    y jouent encore trop souvent aujourdhui. On ne

    compte plus, sur les panneaux publicitaires etdans les magazines, les lolitas ges de six

    ans au plus, dguises et fardes comme des

    femmes adultes. Ce ne serait pas grave si lexis-

    tence de dsirs rotiques de ladulte pour

    lenfant tait mieux reconnue, car ceux chez qui

    ils sont excits pourraient les reprer et prendre

    de la distance par rapport eux. Ce quil est

    interdit daccomplir, il nest en effet pas interditden rver!

    Malheureusement, ces images sont proposes

    dans un contexte culturel qui refuse de prendre

    en compte lexistence de ces dsirs alors mme

    quil contribue les exciter. Les maisons ddi-

    tions et les producteurs de cinma expurgent en

    effet soigneusement aujourdhui tout ce qui pour-

    rait les voquer par crainte de faire peur leur

    public potentiel, voire de susciter les foudres de

    la censure. Le drame est quen agissant de la

    sorte, ils ne nous aident gure pouvoir nous

    reprsenter ceux de nos dsirs dont la ralisation

    est interdite et ils laissent la publicit surfer sur

    ces zones troubles de nous-mmes, au risque quecertaines personnalits fragiles sy engloutissent.

    Ainsi, dun ct, des images rpandues partout

    excitent le dsir de la sduction rotique de

    19

    dnud du petit modle. Quelques semaines

    auparavant, les mmes images avaient t auto-

    rises parce quon ne voyait pas le bas Dans

    les deux cas, le seul critre retenu fut lapprcia-

    tion de la nudit, les censeurs se demandant siltait impudique de montrer la poitrine dune fil-

    lette qui nen a pas! Malheureusement, la nature

    des dsirs quune telle mise en scne commu-

    nique ses spectateurs ne fut jamais prise en

    compte. Et pourtant, un vtement qui bille ou

    une fente soigneusement arrange dans les plis

    dune toffe sont des stimulants rotiques bien

    plus puissants que la nudit intgrale

    Dautres exemples rcents conduiraient au mme

    rsultat. La fte des mres apporte notamment

    chaque anne son lot de top-modles vtues de

    robes lgres, leur garon coll contre elles et

    apprenant balbutier je taime avec leurs

    menottes poteles. On peut objecter que les tra-

    ditionnelles Vierges lEnfant proposaient une

    image de proximit corporelle entre un grand

    enfant et sa mre qui ntait pas moins troublante.

    Ce rapprochement nest vrai quen apparence.

    Au moment o elles ont t ralises, ces images

    taient reues comme des signes: les seins de

    Marie renvoyaient la nourriture mystique que

    lglise dispense ses fidles, le petit pnis duChrist, que la Vierge touche parfois, tait une

    vocation de la Puissance divine et lattestation

    de lIncarnation; enfin, noublions pas que la

    Vierge est toujours reste vierge!

    18

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    cest pourquoi les parents et les ducateurs ont

    un rle essentiel jouer, condition de savoir

    rapprendre limpertinence et lindignation face

    aux images! En effet, beaucoup de parents sont

    choqus par les images souvent troubles quinous entourent, mais bien peu dentre eux le

    disent leurs enfants. Or, si un enfant est entou-

    r dadultes qui semblent ne rien prouver face

    aux images les plus douteuses, il pense qutre

    grand, cest pouvoir tout regarder sans rien res-

    sentir. Il apprend alors peu peu simmuniser

    contre les mises en scne choquantes quil voit

    sur les panneaux publicitaires ou la tlvision,et, parfois, il les recherche mme comme des

    sortes dpreuves initiatiques dont le franchisse-

    ment lui prouverait quil est grand. Bien entendu,

    les parents nont pas lintention de communiquer

    un tel message leurs enfants, mais cest pour-

    tant ce quils font en regardant les images souvent

    violentes ou pornographiques qui nous entourent

    sans rien manifester de leurs motions.

    Cest pourquoi le rle ducatif des adultes, face

    aux images, consiste dabord montrer ce quils

    prouvent, et ensuite accueillir lensemble des

    ractions motionnelles des enfants sans en

    condamner aucune. Empcher un enfant, pour

    des raisons morales, dvoquer des motions quila prouves face des images, cest le condam-

    ner enfermer celles-ci au plus profond de lui-

    mme avec le risque quelles le perturbent plus

    durablement encore, et ceci de faon imprvisible.

    ladulte par lenfant et de lenfant par ladulte,

    tandis que dun autre ct, ces dsirs ne sont

    pas mis en scne dans leurs tenants et leurs

    aboutissants de telle faon quil est difficile pour

    la plupart dentre nous de les penser. Cest exac-tement le contraire qui devrait tre fait : favoriser

    la reprsentation de ces dsirs dans lcriture et

    le cinma, et interdire son excitation et son

    dtournement des fins commerciales. Il est en

    effet invitable que ces images publicitaires

    jouant sur le levier du dsir pdophile fragilisent

    des sujets qui ont de la difficult fixer un cadre

    leurs mois rotiques. En accroissant leur exci-tation, elles risquent de pousser lacte certains

    dentre eux, ou, ce qui nest pas moins probl-

    matique, les inciter se protger contre ce risque

    par la froideur, la violence, ou la honte faite aux

    enfants dont ils ont la charge. La premire de ces

    attitudes est aujourdhui repre et punie. Malheu-

    reusement, les trois autres, plus frquentes quon

    ne le croit, prosprent en silence dans les

    familles et les institutions pour enfants, pour le

    plus grand dommage de ceux-ci.

    Face lenvironnementdimages, les adultes ont un

    rle ducatif essentiel jouervis--vis des enfants

    Aucune image na de consquences automatiques

    sur personne. Tout dpend de lenvironnement,

    20

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    La responsabilit desinstitutions: apprendre

    dire pour ne pas faire

    Revenons maintenant aux dsirs qui nous font

    honte. On parle beaucoup aujourdhui de pr-

    vention propos des abus sexuels commis dans

    les institutions spcialises. Les autorits de

    tutelle, les associations, les directeurs dtablis-

    sement et les ducateurs se posent tous lamme question: comment crer un environne-

    ment institutionnel propre empcher les abus?

    Cette question est dautant plus importante que

    le travail dans les institutions pour handicaps

    engage une proximit corporelle parfois dlicate

    par lintensit de ce qui est ressenti de part et

    dautre, tant du ct de lenfant que de ladulte,

    notamment lors des soins corporels. Ce sont ces

    questions auxquelles nous devons accepter de

    nous confronter si nous voulons que la prven-

    tion des abus sexuels soit une ralit et pas seu-

    lement un slogan. Il nous faut pour cela accepter

    de dbattre de ces questions dans deux direc-

    tions: dun point de vue juridique bien entendu,

    mais aussi du point de vue de la place du corps etdu dsir dans les relations entre les tres humains,

    quels que soient leur ge et leur sexe.

    Adultes et enfants sont aujourdhui plongs

    ensemble dans le mme bain dimages et ils

    nont pas dautres ressources que dapprendre,

    ensemble, se les approprier diffremment. Et,

    pour cela, le mieux est encore de les regarderensemble, den parler et den plaisanter, afin den

    faire des espaces dchange qui nous permet-

    tent la fois davoir plus de distance vis--vis

    delles et plus de proximit entre les gnrations.

    Cest cela, lducation aux images , et elle

    concerne toutes celles qui nous entourent, y

    compris les publicits qui tentent de manipuler

    leur profit les dsirs rotiques ventuels entreadultes et enfants.

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    dattitude dans ce domaine, prenons un exemple

    dans le registre moins controvers de nos dsirs

    agressifs. Un pdagogue qui dclare ses col-

    lgues quil a parfois envie de gifler lun de ses

    lves ne provoque heureusement aucune rac-tion indigne de leur part, et encore moins de

    condamnation. Chacun sait bien que certains

    enfants tmoignent dun vritable don pour faire,

    comme on dit, sortir ladulte de ses gongs .

    Mais un enseignant qui confierait ses collgues

    quun enfant de sa classe lexcite et quil a

    parfois envie de lembrasser risque aujourdhui

    une dnonciation, un renvoi et mme un procs!Cest pourtant la mme chose. Dans les deux

    cas, dire nest pas faire , et dire constitue

    mme souvent le seul moyen de reconnatre et

    de faire reconnatre ce que nous prouvons de

    manire vivre en paix avec nous-mmes.

    Allons mme plus loin. Si les institutions pour

    enfants taient plus ouvertes un discours sur

    les composantes rotiques des relations entre

    adultes et enfants, elles seraient non seulement

    plus lucides sur les dsirs qui sy jouent, mais

    aussi sur les agissements pervers dont elles sont

    parfois le thtre. Le silence de notre socit sur

    ces dsirs ne contribue en effet pas seulement

    prcipiter les personnalits les plus fragiles encontact avec les enfants vers des comporte-

    ments ouvertement sexuels envers eux; il facilite

    galement ce passage lacte dans la mesure o

    les enfants sont rduits au silence faute dun

    La campagne actuelle contrela pdophilie, essentielle pourprotger les enfants, nous feraitcourir un risque considrable si

    elle contribuait marquer dusceau de la pathologie et de ladviance tous les mois rotiquesdes adultes vis vis des enfants

    Certains ducateurs ou enseignants ayant des

    dsirs pdophiles peuvent tre dexcellents com-

    pagnons pour les enfants dont ils ont la charge.

    Leurs ventuels dsirs sexuels pour ceux-ci sontalors efficacement transforms en affection, en

    tendresse et en souci ducatif. Mais ces mmes

    dsirs pdophiles, sils ne les reconnaissent pas

    en eux-mmes, risquent de les dborder et de se

    manifester dans des attitudes ambigus, voire

    ouvertement sexuelles vis--vis des enfants.

    Cest pourquoi les composantes rotiques,

    veilles chez certains adultes par certains

    enfants, doivent pouvoir tre reconnues et par-

    les. La socit interdit juste titre le passage

    lacte sexuel entre adultes et mineurs parce que

    ceux-ci en sont gravement affects dans leur

    dveloppement. Mais la loi garantit les barrires

    ncessaires lenfant pour son quilibre, elle

    ninterdit pas le dsir! Et elle est mme l pournous permettre de le penser!

    Pour faire comprendre ce que pourraient tre les

    consquences institutionnelles dun changement

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    labus, comme on le croit souvent pour tenter

    de se rassurer.

    Le dsir sexuel de ladulte pour lenfant trouve

    dabord son origine dans la satisfaction de trou-ver chez lenfant un partenaire soumis: ladulte

    demande ainsi souvent lenfant ce quil nose

    pas demander son partenaire adulte6. Mais,

    plus banalement, il est li au fait que lenfant

    nveille pas certaines images pnibles qui com-

    pliquent les relations de nombreux adultes avec

    des partenaires des deux sexes, comme des

    fantasmes de mre phallique . Ces images,enfouies dans linconscient de chacun, viennent

    toujours plus ou moins troubler nos relations

    avec nos semblables et rendre notre dsir pour

    eux ambivalent. Le dsir pdophile, lui, en est

    exempt. Et cest pourquoi ne pas reconnatre

    lexistence de tels dsirs, cest courir le risque

    dtre soudain envahi par eux. Le danger est alors

    dy cder, en tant en outre persuad que cest

    lenfant qui porte la responsabilit du passage

    lacte! Les affirmations de certains pdophiles

    qui dclarent avoir t sduits par un enfant et lui

    avoir cd contre leur volont doivent tre prises

    au srieux. Nul nest plus menac de passer

    lacte sur le corps de lenfant que celui qui nie la

    ralit de ce dsir en lui. Et il est galementmenac, plus que tout autre, par la honte de la

    interlocuteur pour les couter et les croire. Moins

    une institution voque lexistence de dsirs

    sexuels entre adultes et enfants, et plus il est dif-

    ficile de parler de la ralisation de ces dsirs

    lorsque tel est le cas puisquils sont censs ne pasexister! Cest parce quon a longtemps considr

    comme inimaginables les agissements pdo-

    philes dducateurs dvous que ces agissements

    ont t possibles.

    Au contraire, les coupables dactes pdophiles

    seront bien plus facilement identifis, notamment

    dans les institutions ducatives, lorsque lexis-tence des dsirs sexuels entre adultes et enfants

    pourra y tre parle.

    Celui qui cherche se convaincrequil nprouve pas dmotionrotique avec les enfants est la fois enclin les diaboliseret les agir son insu !

    Il ny a bien entendu rien de commun entre celui

    qui cde au dsir sexuel pour lenfant et celui qui

    y rsiste, mais pour ce qui est du dsir, lun et

    lautre sont embarqus dans la mme galre. Ils

    doivent tous deux saccommoder des compo-santes sexuelles de leur intrt pour les enfants.

    Mais do provient ce dsir, plus rpandu quon

    ne croit? Pas forcment dun traumatisme pr-

    coce dans lequel labuseur aurait dabord t6 On peut consulter ce sujet louvrage de va Thomas consacr aux

    situations dinceste, Le Sang des mots, Paris, Mentha, 1992.

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    fcheuse tendance que nous avons nous cacher

    lexistence de ces dsirs en nous-mmes.

    Rappelons que pour Freud, ltre humain ne peut

    se socialiser quen renonant partiellement laralisation de ses dsirs. Il sest tromp dans la

    mesure o certains de ceux-ci sont mieux satis-

    faits dans la socialisation: cest le cas notamment

    du dsir dattachement et de celui de compren-

    dre. Mais pour beaucoup dautres dsirs, comme

    il lavait bien vu, le renoncement est indispen-

    sable. Cest le cas des dsirs de meurtre et de

    sduction sexuelle des enfants. Il faut donc ruseravec eux en les sublimant . Ce peut tre en se

    faisant enseignant, ducateur ou moniteur ou

    bien en choisissant pour partenaires des

    femmes enfants ou des femmes garonnes

    quon choisit dappeler mon bb Il ny a

    pas de mode demploi de la sublimation. Il ny a

    quune obligation sociale y parvenir. Cest

    dailleurs pourquoi un thrapeute doit toujours

    absolument respecter les sublimations dun

    patient, mme si elles lui paraissent rgressives

    ou prendre celui-ci un temps qui pourrait tre

    mieux employ autrement On ne sait jamais

    trop ce qui se cache derrire une sublimation,

    cest pourquoi le mieux est de continuer le travail

    thrapeutique sans sen proccuper. Celles quisont inutiles ou trop coteuses en nergie tom-

    bent, dautres se mettent en place, et seules

    subsistent finalement celles qui sont ncessaires.

    pdophilie des autres quil sagisse de ses

    proches ou des membres de sa communaut. La

    manire dont il se cache lui-mme ses dsirs

    le conduit en effet stigmatiser la pdophilie

    comme un comportement, et pas comme undsir. Il parvient par l se cacher que laffection

    de ladulte pour lenfant a toujours une compo-

    sante sexuelle, mme si elle est normalement

    contenue et sublime. Cest limpossibilit

    daccepter et dassumer la honte dun dsir

    sexuel pour lenfant lintrieur de soi-mme qui

    conduit la stigmatisation du pdophile comme

    non-humain . Celui qui tente de se cacher lui-mme une excitation sexuelle quil prouve

    vis--vis dun enfant sempresse alors daffirmer

    que ce nest pas lui, mais les autres . Et lors

    des campagnes contre la pdophilie, il exige de

    lourdes peines contre les coupables unique-

    ment pour se convaincre quil ny a rien de com-

    mun entre eux et lui!

    La culpabilisation de laccomplissement des

    dsirs sexuels avec un enfant, conformment

    linterdiction de leur ralisation par la loi, suffit

    amplement empcher le passage lacte si

    chacun se montre vigilant. Il nest nul besoin

    dinvoquer la honte quil y aurait prouver de tels

    dsirs ! Dautant plus que linvocation de celle-ci,par les angoisses quelle suscite, contribue rapi-

    dement diaboliser les coupables dactes pdo-

    philes transforms en monstres , voire en

    ogres dune manire qui aggrave encore la

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    Lenfant dsire parfoisun rapprochement sexuel

    quil ne souhaite

    jamais sauf sil a tprcdemment abus

    En tablissant une distinction claire entre recon-

    natre lexistence dun dsir et lagir, nous avons

    pos un jalon essentiel pour la comprhensiondes difficults des adultes confronts des

    enfants. Mais nous navons encore rien dit de

    lexistence ventuelle dun dsir sexuel de len-

    fant pour ladulte. Or il serait naf de penser que

    lenfant na ni curiosit, ni dsir sexuel lgard

    de ladulte. Le pdophile dit dailleurs y tre trs

    sensible et il se prsente volontiers comme un

    dfenseur des droits du dsir contre les censeurset les puritains! Cest pourquoi il est si important

    de dire que le dsir sexuel de lenfant pour ladulte

    peut exister. Si on laisse aux pdophiles laffir-

    mation de cette vrit, ils auront tt fait de lan-

    nexer leurs proccupations perverses! Mais

    pour progresser dans la comprhension de ce

    dsir, il nous faut avancer une nouvelle et indis-pensable distinction.

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    Un exemple pris dans un domaine bien connu

    nous aidera mieux comprendre cette distinc-

    tion. La plupart des petits garons, aux environs

    de cinq ans, disent quils veulent pouser leur

    maman . Imaginons un pre qui, en entendantcela, ferait sa valise et dirait son jeune fils : Eh

    bien, puisque tu veux rester seul avec ta mre et

    lpouser, je men vais! Une telle attitude aurait

    videmment des effets catastrophiques sur len-

    fant et ce pre passerait bon droit pour tre un

    fou ou un pervers. On ne peut pourtant pas nier

    que les enfants, aux alentours de cinq ans, dsi-

    rent que leur parent de mme sexe disparaisseafin de rester seul avec leur parent de sexe oppos.

    Mais ces enfants dsirent souvent en mme temps

    le contraire que leur parent de sexe oppos dis-

    paraisse et rester seul avec le parent du mme

    sexe , et surtout, ils ne le souhaitent pas.

    Dans ses rveries, lenfant se reprsente en effet

    peu prs tout de la sexualit des adultes et sesreprsentations sont charges de dsirs dautant

    plus intenses quil aspire, sur le plan narcissique,

    tre considr comme un grand . Mais quun

    adulte linvite raliser ces rveries le confronte

    un terrible traumatisme. Car lenfant attend prci-

    sment de ladulte quil le protge contre ses

    dsirs au nom dautres proccupations que sontnotamment la stabilit de ses attachements et la

    reprsentation quil a de lui-mme comme un

    enfant, et justement pas comme un adulte. Lenfant

    qui dsire sexuellement un adulte sent bien en

    De la mme manire que dire sondsir nest pas le raliser , onpeut ne pas souhaiter accomplirce que pourtant on dsire

    Risquons un exemple personnel. Je dsire

    depuis longtemps faire du parapente, mais je ne

    le souhaite pas dans la mesure o je suis

    convaincu que jaurai tt fait de my tordre le

    cou! Plus banalement, je peux dsirer la mort

    dun proche qui me fait souffrir, mais je ne la

    souhaite pas parce que jaime par ailleurs sinc-

    rement cette personne. Cette intuition que nouspouvons la fois dsirer et ne pas souhaiter une

    seule et mme chose nous met souvent mal

    laise. Il nous semble vouloir et ne pas vou-

    loir en mme temps et nous craignons dtre

    suspect de ne pas savoir ce que nous vou-

    lons . Mais cette formulation entre vouloir et

    ne pas vouloir est ambigu car elle laisse ima-

    giner que nous serions habits par deux dsirs

    diamtralement opposs, ou mme par un dsir

    et par langoisse qui lui est associe. Au contraire,

    la distinction entre dsirer et souhaiter

    nous permet de comprendre que les deux termes

    de cette opposition ne sont pas identiques. Ltre

    humain nprouve en effet pas seulement des

    proccupations lies ses dsirs, mais aussi ses divers attachements et lestime quil a de

    lui-mme. Il doit tout moment concilier ces trois

    registres et cest ce compromis permanent quon

    dsigne justement sous le mot de souhait .

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    La morale de Peau dne

    Que se passe-t-il lorsque les adultes se rvlent

    incapables de faire la distinction entre dsirer

    et souhaiter ? On connat bien sr les situa-tions dabus sexuels, mais une autre ventualit

    se prsente galement plus souvent quon ne

    croit. Quand ladulte est incapable de faire cette

    distinction, cest bien souvent lenfant qui la lui

    rappelle ou qui tente tout au moins de le faire.

    Cest une telle situation que nous raconte le

    conte Peau dne. Bien loin dvoquer les rve-

    ries incestueuses dune fillette, ce conte met enscne la confusion incestueuse dun pre et la

    complaisance de son pouse son gard. Dans

    ce conte, une reine dcrite comme trs belle

    meurt en effet aprs avoir fait promettre au roi

    son poux de ne prendre pour deuxime pouse

    quune femme plus belle encore. Celle-ci, vi-

    demment, ne peut tre que sa propre fille dont la

    renomme dans ce domaine est dj grande. En

    sappuyant sur cette autorisation de la dfunte

    pour ne pas dire sur cet encouragement , le

    roi dcide donc dpouser sa propre fille.

    Lopposition de ses conseillers et les supplica-

    tions de sa fille ny font rien. La distinction entre

    dsirer et souhaiter est en effet dautant plus

    facilement ignore par un adulte quil dtient unpouvoir important. Et pour cause! La personne

    qui se trouve dans cette situation est certaine

    de son identit, de ses attachements et de ses

    pouvoirs sur son environnement. Et, solidement

    effet que ce dsir menace tout ce qui fonde son

    quilibre de ses autres investissements. Il sent

    bien, en particulier, que cela terait cet adulte

    une place parentale par laquelle il se sent protg

    et lui donnerait une place de parent-amant quil luiserait ensuite extrmement difficile de grer par

    rapport son autre parent, la reprsentation de

    lui-mme comme enfant et sa tendresse filiale.

    Et en effet, il a raison. Lorsquil existe une consom-

    mation sexuelle entre un enfant et un parent ou un

    pdagogue qui la en charge, les investissements

    dattachement et les investissements sexuels de

    lenfant se soudent entre eux et deviennent enmme temps insparables de ladulte avec lequel

    la relation sexuelle a eu lieu. Lenfant, mme tenu

    physiquement lcart de cet adulte, lui reste atta-

    ch ternellement, ou, plus prcisment, il reste

    hant par lui jamais. Il ne peut que rater toute

    autre forme de relation comme pour lui rester fid-

    le, rechercher des partenaires qui lui ressemblent,

    ou rpter dans ses relations la forme de sexualitprcise que celui-ci lui a dabord impose. Cest la

    raison pour laquelle lenfant ne souhaite jamais

    le rapprochement sexuel quil imagine pourtant

    parfois avec un adulte.

    La situation est malheureusement bien diffrente

    quand lenfant a t abus. Car alors, les formesdexcitation que ladulte a fait natre en lui appellent

    un apaisement, tandis que lestime que lenfant a

    de lui-mme a t dvoye et dtourne par

    ladulte son propre usage.

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    Ce conte ne nous raconte donc pas le dsir

    incestueux dune fillette pour son pre, comme la

    psychanalyse a malheureusement longtemps

    voulu nous le faire croire. Il voque ce qui se

    passe lorsquun parent est incapable de poser

    des rgles et des limites au dsir, savoir que

    cest aux enfants de le faire, aids en cela par

    des proches reprsents ici par la marraine.

    Lenfant a en effet besoin dtre renforc dans

    lide quil doit savoir sopposer aux dsirs inces-

    tueux ventuels de ses parents, et quil peut

    trouver une aide auprs de ses proches pour y

    parvenir. Cest len convaincre que ce contepeut servir. Malheureusement, les parents ont

    souvent dlaiss cette histoire dune adolescen-

    te lgitimement rebelle contre larbitraire sexuel

    de son pre pour lui en prfrer dautres dans

    lesquelles lobissance est exalte, comme Le

    Petit chaperon rouge Et il ne reste souvent

    ladolescente que la fugue et la marginalisation,

    comme dans Peau dne.

    Quand un adulte dsire unerelation sexuelle et en mmetemps ne la souhaite pas, cestson souhait qui doit tre entendu

    Non seulement la distinction entre dsirer et

    souhaiter claire sur la dynamique du dsir,

    mais elle permet aussi de mieux comprendre

    limportance de la loi. Plus celle-ci punit svre-

    installe dans ses repres narcissiques et ses

    rseaux dattachement, elle est souvent encline

    se sentir libre de raliser ses dsirs, quoi quil en

    cote pour les autres. Elle na en effet, dans cette

    ralisation, rien dautre craindre que la loi et on

    sait combien les puissants de ce monde ont ten-

    dance se croire au-dessus des lois quils pro-

    mulguent pour les autres!

    Mais la situation de lenfant est bien diffrente.

    Lui a lintuition de la catastrophe la fois psy-

    chique et relationnelle que provoquerait la rali-

    sation de ses dsirs sexuels ventuels vis--visdun adulte. Cest pourquoi sil est faux de pr-

    tendre quil nprouve pas de tels dsirs, il est

    criminel darguer de leur existence pour linviter

    les raliser. Or cest ce que fait le parent abuseur.

    Et que se passe-t-il alors? Le conte Peau dne

    est l pour nous le rappeler.

    Quand le parent nest pas capable dtablir ladistinction entre dsirer et souhaiter, cest

    lenfant de tenter de poser les limites qui les pro-

    tgeront tous deux de cette folie. Dans Peau

    dne, la jeune fille trouve un complice auprs de

    sa marraine la fe. Celle-ci na pas le pouvoir de

    faire changer le roi davis, mais elle suggre sa

    fille plusieurs astuces pour lui permettre degagner du temps tout en travaillant le faire

    renoncer son projet. Mais rien narrte le roi.

    Pour pouvoir pouser sa fille, il va mme jusqu

    sacrifier lne magique dont il tire sa fortune.

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    lente , et au pire pour une girouette ou un(e)

    hystrique ! Il peut alors en rsulter un tat de

    dsarroi intense. A la limite, si une femme est

    viole par un homme quelle dsire, mais avec

    lequel elle ne souhaite pas de relation intime, le

    dsir quelle a eu de lui peut lamener jouir, ce

    qui est videmment trs perturbant pour elle.

    Dautant plus quaux yeux de son agresseur, cela

    justifie bien entendu le viol ! Mais si nous gardons

    toujours prsente lesprit la distinction que nous

    avons pose, nous comprenons que cette femme

    a pu la fois dsirer cette relation et ne pas la

    souhaiter, et que cest sa parole qui primait.

    Les dsirs que nous percevons chez autrui rel-

    vent en effet de leur vie psychique intime, alors

    que leurs souhaits relvent des synthses quils

    font entre les exigences contradictoires de leur

    personnalit, quils sont les seuls connatre et

    dont ils sont les seuls juges. Le dsir, mme par-

    tag, ne suffit pas lui seul justifier le rappro-chement sexuel, il y faut galement le consente-

    ment. Cest cela le respect, et il est d, de la

    mme manire et dans les mmes proportions,

    aux enfants et aux adultes.

    Les travailleurs de la sant mentalene sont pas des gendarmes

    Enfin, les distinctions entre dsirer et faire

    dun ct, et dsirer et souhaiter de lautre,

    ment les adultes qui se sont rendus coupables

    de crimes sexuels, et plus ceux quhabitent de

    tels dsirs y regardent deux fois avant de sen-

    gager dans leur ralisation. Bref, mme si la loi

    nagit pas sur nos dsirs, elle agit sur le souhait

    que nous avons de les raliser ou non. Risquer

    dtre condamn une lourde peine de prison

    conduit en gnral ceux qui ont des dsirs pdo-

    philes ne pas souhaiter raliser ce quils

    dsirent pourtant en secret, et cest trs bien

    comme cela. Malheureusement, ce nest quune

    partie du problme: celui qui est ainsi dissuad

    de passer lacte doit absolument disposerdinterlocuteurs pour se reprsenter ce quil

    prouve et le socialiser. A dfaut, il risquerait

    dtre submerg par son dsir et dadopter

    des conduites qui lui chappent, que celles-ci

    aillent dans le sens dune sduction de lenfant

    ou au contraire dune attitude excessivement

    distante ou punitive son gard.

    Mais la distinction entre dsirer et souhai-

    ter est galement utile pour comprendre la

    dynamique des relations entre adultes. Si elle

    nest pas clairement pose, tout adulte soumis

    des tentatives de sduction qui mobilisent son

    dsir, mais auxquelles il ne souhaite pas donner

    suite, court le risque de croire quil veut et ne veut pas en mme temps ce qui lui est propos.

    Et si cet adulte tente de formuler les choses ainsi

    celui ou celle qui tente de le sduire, il risque de

    passer, au mieux pour une personne ambiva-

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    penses , le travailleur mdico-social doit faire

    constamment les parts respectives de la ralit

    extrieure et de la ralit intrieure, et rendre

    chacune ce qui lui appartient.

    Car toute loi est borde par deux versants: dun

    ct la sanction qui pnalise ceux qui la trans-

    gressent dans la ralit extrieure; et de lautre,

    le dsir auquel elle fixe un cadre dans le monde

    intrieur de chacun.

    sont trs importantes pour lever la confusion qui

    existe parfois aujourdhui entre les intervenants

    du champ mdico-social et les gendarmes!

    Bien entendu, toute vocation de la part dun

    adulte de lintention, ou mme seulement du

    dsir, de sduire des mineurs doit entraner de la

    part de linterlocuteur, quel quil soit, le rappel de

    la loi qui linterdit. En revanche, partir de ce

    point de dpart commun, la position du travail-

    leur social et du thrapeute est bien particulire.

    Eux seuls sont garants de la lgitimit du dsir et

    de la ncessit de sa formulation comme une

    sorte dhygine mentale. Cest pourquoi, si unadulte voque auprs dun thrapeute ou dun

    travailleur social son dsir de sduire des

    mineurs, ceux-ci devront dabord donner acte du

    fait quil est lgitime de formuler les dsirs qui

    nous habitent, quaucun de ces dsirs nest patho-

    logique en soi, et surtout que les voquer est une

    dmarche bnfique. Cela nempche pas de sou-

    ligner la fondamentale distinction entre dsirer et faire, et rappeler que si avoir de tels dsirs est

    permis, les raliser est en revanche interdit!

    En effet, en tant que professionnels du champ

    psychique, il est essentiel de laisser les gens

    fantasmer et de les aider, ventuellement,

    dcouvrir les racines de leurs fantasmes, mme

    sil ne faut pas hsiter leur rappeler, le cas

    chant, que la loi punit certains actes. Bref, l

    o la police et la justice nenvisagent que les

    actions accomplies et pas ce qui est dans les

    ttes nul ne pouvant tre condamn pour ses

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    Avoir honte pour un autre:les revenants et fantmes

    Nous venons denvisager la honte pour des

    dsirs personnels, mais il arrive aussi que nous

    ayons honte pour un autre. Il peut sagir dune

    honte consciente pour des agissements ou des

    dsirs que nous connaissons, comme par

    exemple lalcoolisme ou la violence dun membre

    de notre famille, mais il arrive aussi que nousayons honte pour des agissements que nous

    sommes censs ignorer. Pour le comprendre, il

    nous faut prendre en compte le fait que nous

    vivons au milieu des revenants et des fantmes.

    Les revenants et les fantmes

    Commenons par les revenants. Dans la tradition

    mdivale, ce sont des personnes qui viennent

    juste de dcder et qui apparaissent certains

    de ceux qui les ont ctoys avant leur mort. En

    fait, les revenants viennent prcisment visiter

    ceux avec lesquels ils ont tabli de leur vivant

    des liens de complicit honteuse, des conniven-

    ces coupables et toutes sortes de pactes secrets.

    Les fantmes eux, sont bien diffrents. Ils cor-

    respondent des morts qui apparaissent des

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    En revanche, les fantmes , en psychologie,

    correspondent autre chose. Ils dsignent des

    anctres que les personnes vivantes nont pas

    directement connues, mais dont elles paraissent

    pourtant parfois hantes. Comment cela est-il

    possible? Tout simplement parce quen psycho-

    logie, les fantmes sont des constructions

    psychiques que des enfants ont constitues

    sous linfluence de certains revenants qui

    hantent leurs parents. Cest pourquoi, la diff-

    rence des revenants qui peuvent tre clairement

    identifis on peut par exemple aisment remar-

    quer quun mari ou une sur se met parler ou shabiller comme un parent dcd , les fan-

    tmes sont beaucoup plus difficiles reprer.

    Comme ceux de la tradition mdivale, ils sont

    visibles sous certaines incidences, disparaissent

    sous dautres et svanouissent mme parfois

    aussi vite quils sont apparus ! Cest pourquoi

    la meilleure faon de les rendre visibles est de

    reprer les revenants qui sont leur origine, engnral la gnration prcdente. Et ce rep-

    rage est dautant plus important que, lorsque des

    parents sont hants par des revenants, leurs

    enfants ont toutes les chances de ltre ensuite

    par des fantmes

    Quand les disparus deviennentdes revenants

    Dans le film Mystic Riverde Clint Eastwood, un

    vivants qui ne les ont pas connus et qui, pour

    cette raison, sont incapables de les identifier. Ce

    sont dailleurs souvent des formes translucides

    et quasiment incorporelles. Cest pourquoi, alors

    que le revenant est reconnu, le fantme, lui, doit

    se nommer.

    Venons-en maintenant la psychologie, car cest

    exactement la mme chose. Les revenants

    sont des personnes que nous avons connues

    rellement et qui reviennent nous hanter. Mais

    comme notre culture a chang, ils napparaissent

    plus sous la forme de personnes qui ont uneapparence de ralit alors que nous les savons

    mortes. Ils viennent plutt troubler notre monde

    intrieur sous la forme de penses obsdantes

    ou de rves rptition. Bref, les revenants se

    sont intrioriss . Ils ne sont plus des morts qui

    se rebellent contre la volont doubli des vivants

    et viennent pour cela hanter leur maison, mais

    des disparus dont le souvenir douloureux tou-jours prsent chez les vivants montre la difficult

    du travail du deuil . En forant le trait, on pour-

    rait dire que ce nest plus le mort qui simpose au

    vivant, mais le vivant qui semble vouloir ressusci-

    ter le mort. Or cela va parfois jusqu linviter

    prendre possession de nous. Nous connaissons

    tous des vivants qui semblent habits par un

    mort quils ont connu au point de shabiller, de

    parler, ou mme dagir comme lui. Cest cela,

    tre hant par un revenant.

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    images dun film alors quen ralit, il visionne

    sans cesse le film intrieur de son traumatisme.

    Clint Eastwood ne raconte pas ce que deviendra

    plus tard le fils de cet homme, mais on peut ima-

    giner quil trouve son tour un intrt extrme

    des films dhorreur ou de vampires, non pas du

    fait de son histoire psychique personnelle, mais

    cause de lintrt nigmatique quil aura vu son

    pre y prendre. Pour un tel garon, assister

    lhorreur et la jouissance mles de son pre

    face des spectacles extrmes pourra constituer

    une forme dinterrogation majeure. Et, une fois

    devenu grand, il pourra son tour regarder detels films dans le but de comprendre ce que son

    pre pouvait y trouver, et aussi, ventuellement,

    dtablir avec lui une connivence secrte dont il

    naurait pas lui-mme la clef. Cest cela, le travail

    des fantmes: ils modlent nos gots et nos

    comportements jusque parfois dans le domaine

    amoureux! sans que nous puissions avoir de

    souvenirs prcis des situations autour desquellesnous les avons constitus. Et leur identification

    est parfois dautant plus difficile quils peuvent

    prendre plusieurs vtements successifs avant

    que nous parvenions les reconnatre. Cest ce

    qui se passait dans le cas de Marc.

    La honte dun fantme lintrieur de soi

    Marc est aujourdhui g dune trentaine dannes.

    homme dune quarantaine dannes raconte une

    histoire son fils unique avant que celui-ci

    sendorme. Il sagit dun conte amricain, une

    histoire denfant effray par un monstre et qui

    senfuit, sans doute proche de ce quest chez

    nous lhistoire du Petit Chaperon Rouge . Mais

    soudain, le spectateur assiste un changement

    radical et brutal dans lintonation et les mimiques

    de ce pre. Celui-ci ne dcrit plus la fuite dun

    garon surpris par un animal froce, mais sa

    propre course perdue lorsque, trente ans plus

    tt, il sest chapp de la cave dans laquelle

    deux pdophiles lavaient squestr pour abuserde lui. Cet homme ne raconte plus alors un conte

    un enfant, il ne raconte pas non plus sa propre

    histoire son fils de telle faon que celui-ci la

    reconnaisse comme telle, il met littralement en

    scne son propre traumatisme pass travers

    ses mimiques, ses intonations et ses gestes. On

    peut dire que dans un tel moment, il est en proie

    ses revenants .

    A un autre moment, Clint Eastwood nous montre

    ce mme pre scotch devant le poste de

    tlvision o passe un film de vampires. Mais l

    encore, les choses basculent subitement, et nous

    dcouvrons que cet homme ne voit pas les ima-

    ges quil regarde sur lcran celles des vampires

    grimaant plantant leurs crocs dans leurs jeunes

    proies , mais celles des pdophiles qui ont abus

    de lui dans son enfance et qui dfilent lintrieur

    de lui. Bref, il donne limpression de regarder les

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    abus sexuel aurait initialement concern un abus

    commis contre lui. Marc aurait alors tent de lut-

    ter contre langoisse dtre une victime passive

    en cultivant lide quil aurait lui-mme dclench

    lagression dont il avait t victime. Ce mcanisme

    nest dailleurs pas rare et se retrouve chez beau-

    coup denfants sexuellement abuss.

    Soutenu dans ce sens par son psychothrapeute

    du moment, Marc retrouva bientt le souvenir de

    ce svice. Cela se serait pass alors quil regar-

    dait des images pornographiques avec son cou-

    sin g de six ans de plus que lui. Celui-ci auraitabus de lui. Pour vrifier cette hypothse, Marc

    en parla son cousin. Celui-ci, manifestement de

    bonne foi, lui opposa quil nen avait aucun sou-

    venir bien quil se souvienne lui aussi des revues

    pornographiques que son pre laissait traner et

    que les deux enfants regardaient ensemble. Et

    pour preuve de sa bonne foi, il proposa daccom-

    pagner Marc chez son thrapeute pour exposerce dont il se souvenait et chercher avec lui!

    Les propos de ce cousin effacrent instantan-

    ment les inquitudes de Marc. En revanche, ils le

    laissaient sans explication quant la culpabilit

    extrme quil avait ressentie lge de quinze

    ans. Cest alors quil dcida de parler sa mre

    de ses questions autour dun ventuel abus

    sexuel quil aurait subi. Sa mre lui confia alors

    que quelquun avait bien t victime dabus dans

    la famille, mais pas lui, et que labuseur tait

    Il se souvient avoir connu un moment dangoisse

    extrme lge de quinze ans, avec une fillette

    que ses parents avaient invite chez eux. A un

    moment de vives discussions entre eux, il la

    prend dans ses bras et la serre vivement contre

    lui. Cest ce moment que surgit une culpabilit

    trs lourde quil portera ensuite pendant des

    annes. Alors quil ne sest rien pass dautre

    entre elle et lui que le geste de la serrer un peu

    fort, il a soudain limpression davoir commenc

    la violer! Les rares fois o il voquera plus tard

    ce qui sest pass ce jour-l, la raction de son

    interlocuteur sera toujours la mme: rien ne jus-tifie quon parle de viol et cette culpabilit est

    excessive et dplace. Mais rien ne dtourne

    Marc de la conviction davoir port ce jour l un

    prjudice irrparable cette fillette.

    Au cours de sa thrapie entreprise quinze ans

    plus tard, Marc est amen examiner cet vne-

    ment sous un jour nouveau: sil a prouv unetelle angoisse au moment o il a commenc

    serrer cette fillette contre lui, cest peut-tre

    parce quil a lui-mme t victime de svices

    sexuels prcoces. Bref, Marc aurait commenc

    agir sur un autre enfant ce que lui-mme aurait

    subi plus jeune. Et cest le souvenir brouill de ce

    quil avait vcu ce moment-l qui aurait arrt

    son geste. Quant sa culpabilit extrme, elle

    serait celle quil aurait prouve au moment de

    labus dont il aurait lui-mme t victime.

    Autrement dit, la culpabilit dtre lorigine dun

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    cet vnement comme ayant dj eu lieu, il

    lavait imagin comme une ventualit redou-

    ter. Il tait alors entr dans la pubert avec

    langoisse dabuser dune fillette plus jeune que

    lui. Il en rvait, sen angoissait et faisait des cau-

    chemars autour de cette situation. Cest ce qui

    explique que lorsquil avait serr une fillette

    contre lui lge de quinze ans, il avait imagin

    lui avoir caus un prjudice irrparable. Bref,

    dans la famille de Marc quelquun avait bien t

    abus un jour, et lerreur de Marc consistait

    croire que ctait lui lagresseur dans le premier

    scnario quil stait construit ou la victime dans le second de ces scnarios.

    Il en est souvent ainsi. Lorsque quelquun craint

    ou imagine avoir t abus, cela toutes les

    chances de prouver que quelquun la bien t un

    jour, mais sans quon puisse affirmer quelle

    gnration lvnement sest produit et qui y a

    prcisment impliqu. Les choses ont pu concer-ner un parent, un grand parent, ou mme un ami

    extrmement proche. Et la seule chose quon

    puisse dire, cest que quelquun, un jour, a

    accompli un acte honteux sans pouvoir mieux

    dsigner la gnration concerne.

    Le psychanalyste anglais Winnicott nous a sensi-

    biliss des situations dans lesquelles un effon-

    drement redout est en fait le seul signe quun tel

    effondrement a dj eu lieu , dans la toute

    petite enfance du sujet, un moment dont il ne

    le propre pre de Marc! Avant la naissance du

    garon, celui-ci avait en effet t mari une pre-

    mire fois, ce que Marc navait jamais ignor

    puisquil savait avoir une demi-sur ge de

    quatorze ans de plus que lui. Cette demi-sur

    avait toujours vcu avec sa mre, mais celle-ci

    tant dcde, elle tait venue vivre chez son

    pre et sa belle-mre (la future mre de Marc) un

    an avant la naissance de Marc lui-mme. La

    mre de Marc avait appris bien plus tard quune

    relation incestueuse stait tablie entre ce pre

    et cette adolescente. Cette relation incestueuse

    ne stait interrompue quavec la fugue de lado-lescente, qui avait ensuite disparu et rompu tout

    contact avec son pre et sa belle-mre. Marc

    tait n un an plus tard. Les svices sexuels

    avaient donc bien eu lieu, mais ctait la gn-

    ration prcdente, et le prjudice irrparable

    existait bien puisque la demi-sur de Marc tait

    devenue psychotique et vivait de manire prcaire.

    Marc dcouvrit alors un secret quil avait en fait

    toujours pressenti, comme cest souvent le cas

    dans de telles situations. Mais comment avait-il

    pu se construire une angoisse qui renvoyait un

    acte commis la gnration prcdente? Il avait

    probablement peru ce secret travers des

    bribes de phrases glanes entre ses parents, des

    allusions troubles et surtout les vives manifesta-

    tions dangoisse de leur part lvocation dun

    rapprochement trop fort entre un majeur et

    une mineure. Mais, dfaut de pouvoir penser

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    Le thrapeute face la honte

    La honte est un problme central dans tout ce

    qui touche aux formes de dsir dont la ralisation

    est non seulement interdite par la loi, mais qui

    rencontre en outre une forte dsapprobation

    sociale. Et cest bien entendu le cas des dsirs

    sexuels entre adultes et enfants. En outre, la

    prise en compte de cette honte est souvent diffi-

    cile dans la mesure o, comme nous lavons vu,

    elle se cache derrire divers masques par les-

    quels on se laisse facilement abuser. Les dsirs

    sexuels dun adulte pour un enfant peuvent

    notamment se cacher derrire une svrit

    excessive, une froideur dplace ou encore une

    tendance culpabiliser ou faire honte celui-ci

    tout propos. Mais deux autres raisons rendentla reconnaissance de la honte difficile: on la

    confond trop souvent avec la culpabilit et on ne

    repre pas suffisamment ses phases successives.

    Envisageons successivement ces deux difficults.

    Honte et culpabilit,une distinction essentielle

    La honte et la culpabilit sont deux formes de

    peut pas avoir de souvenir. Ce que nous savons

    aujourdhui de la dynamique familiale nous pousse

    accomplir un pas de plus: certaines personnes

    vivent dans la crainte quun vnement leur arrive,

    eux ou leurs proches, tout simplement parce

    que cet vnement a dj eu lieu dans leur

    histoire familiale, mais que tout a t fait pour

    quils soient tenus lcart de ce secret.

    Cela ncessite de penser toujours la honte et les

    traumatismes qui peuvent tre son origine sur

    plusieurs gnrations. Les dsirs qui nous font

    honte ne sont pas toujours les ntres. Certainssont lintrieur de nous comme des corps

    trangers que nous aurions trs tt intrioriss,

    et qu dfaut de pouvoir rapporter leur pro-

    pritaire lgitime, nous aurions fini par croire

    nous appartenir.

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    jusque l rattach et qui jouait pour lui comme

    pour chacun dentre nous un rle maternel pro-

    tecteur. Alors que la culpabilit confronte un

    Pre social, sa loi et sa rigueur, la honte

    confronte au risque de la mort psychique. Bref,

    alors que la confession de la faute naggrave pas

    la solitude, mais permet au contraire au fautif de

    retrouver sa place dans la communaut, la

    confession de la honte fait courir le risque de la

    stigmatisation et du rejet. Cest pourquoi la honte

    est si difficile dire, mme soi-mme. Et cest

    galement pourquoi il est si important de la

    prendre en compte afin dviter que son poisoncontinue faire des ravages alors mme que la

    culpabilit a t leve.

    Les trois phases de la honte

    Toute honte passe par trois phases successives

    quil est important de reconnatre pour viterdtre submerg par elle.

    La premire consiste dans langoisse catastro-

    phique dtre littralement retranch du monde.

    Lenjeu ny est pas de perdre tout amour ou toute

    possibilit de jouir, comme dans la culpabilit,

    mais de mme toute manifestation dintrt de la

    part de nos proches.

    La phase qui suit est domine par la confusion.

    Bien quelle soit galement vcue dans langoisse,

    54

    signaux motionnels qui informent un sujet sur

    une crise grave quil traverse. Mais partir de

    cette analogie, tout diffre: la culpabilit se

    droule sur fond de rinsertion tandis que la

    honte mobilise toujours le spectre de la dsinser-

    tion. Cest pourquoi la crise motionnelle qui y

    correspond ne prsente pas les mmes risques

    dans les deux cas.

    Dans la culpabilit tout dabord, le sujet vit lin-

    quitude de perdre lestime ou lamour de ceux

    qui lentourent, mais pas leur intrt. Quil soit

    puni par eux est mme le signe le plus sr quilcontinue bnficier de leur attention. Dailleurs,

    toute personne reconnue coupable est assure

    de retrouver sa place dans la collectivit une fois

    sa faute expie. En tablissant un code rigoureux

    dans lequel chaque faute correspond une puni-

    tion, la culpabilit assure celui qui a transgress

    les rgles sociales de retrouver sa place. Cette

    situation a une consquence immdiate. Aumoment o nous nous disons nous-mmes:

    je suis coupable , nous envisageons dj le

    prix payer pour obtenir notre pardon. Bref, le

    sentiment de culpabilit est indissociable de la

    certitude du rachat, ce qui lui donne une dimen-

    sion structurante.

    Dans lexprience de honte au contraire, le sujet

    plonge dans la conviction terrible dune tache

    dfinitive et irrmdiable. Il se sent coup de lui-

    mme autant que du groupe social auquel il tait

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    et la nomination du sentiment de honte, loin de

    menacer la personnalit, sont au contraire haute-

    ment structurantes.

    Malheureusement, certains thrapeutes font parfois

    comme si la honte nexistait pas. Cest dautant

    plus dommage que le droulement de ses diverses

    phases montre que le sentiment vcu de honte est

    une base sre partir de laquelle reconstruire son

    identit, aussi bien pour les abuseurs que pour les

    victimes. Un grand nombre de patients que nous

    ctoyons craignent en effet de nommer leur honte

    alors quils sont parfaitement capables dy avoiraccs par crainte de choquer leur interlocuteur.

    Or, si on les aide formuler ce sentiment, non seu-

    lement on ne les enfonce pas, mais on les aide

    au contraire le dpasser, et cela concerne la

    fois la reconnaissance de dsirs rotiques dont la

    ralisation est interdite et la honte associe des

    svices subis ou accomplis sur autrui. Dans tous

    les cas, identifier les formes de honte et les confu-sions qui leur sont associes constitue une tape

    essentielle. Et cest mme le seul moyen de sur-

    monter durablement la crise actuelle autour de la

    pdophilie. Les actes qui relvent de celle-ci doi-

    vent tre clairement condamns par la loi sans

    tre confondus avec lexistence de dsirs qui

    nous font parfois honte , mais avec lesquels

    nous avons tout intrt nous familiariser pour

    viter de les agir notre insu. Et, sur ce chemin,

    la distinction entre faire , dsirer et sou-

    haiter est essentielle.

    57 56

    cette phase prsente un progrs important par

    rapport la prcdente. En effet, alors que dans

    lexprience catastrophique de la honte, le sujet

    nest plus rien, il a dans la confusion la confirma-

    tion quil existe : ne pas savoir o on est, qui ont

    est, avec qui on est, quel moment on est, cest

    encore une faon de savoir quon est celui qui ne

    sait rien. Lexprience de confusion constitue

    donc une premire tentative de reconstruction

    par rapport la catastrophe absolue qui a prcd.

    Enfin, la troisime phase de la honte consiste dans

    le sentiment de honte proprement dit. Bien que cemoment soit postrieur aux deux prcdents, il

    est souvent le seul laisser une trace lesprit.

    Cest en effet un moment de reconstruction de soi

    particulirement important, et cela pour deux rai-

    sons. Tout dabord, dans le sentiment de honte, le

    sujet ressent et nomme sa honte. Or nommer ce

    quon prouve permet de le constituer en objet

    dattention, et de se sentir exister comme sujetcapable de reprer sa propre ralit psychique. Et

    ensuite, le sentiment de honte est structurant par

    ses retombes sur nos reprsentations sociales.

    Pour accepter lide que les autres me fassent

    honte, il me faut en effet pouvoir me dire: Les

    autres font attention moi, cest pourquoi ils ris-

    quent de me faire honte . Il faut donc ne plus se

    percevoir comme isol, mais entour. Autrement

    dit, le sentiment de honte est positif la fois pour

    lidentit subjective et pour la constitution du lien

    social. Et, pour ces deux raisons, la reconnaissance

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    Prenons le temps de travailler ensemble.

    La prvention de la maltraitance est essentiellement mene auquotidien par les intervenants. En appui, la Cellule de coordina-tion de laide aux victimes de maltraitance a pour mission desoutenir ce travail deux niveaux. Dune part, un programme lattention des professionnels propose des publications (livretsTemps darrt), confrences, formations pluridisciplinaires etmise disposition doutils (magazine Yapaka). Dautre part, desactions de sensibilisation visent le grand public (campagneYapaka: spots tv et radio, magazine, autocollants, carte postale,livre pour enfant).

    Lensemble de ce programme de prvention de la maltraitanceest le fruit de la collaboration entre plusieurs administrations(Administration gnrale de lenseignement et de la recherchescientifique, Direction Gnrale de lAide la jeunesse, Directiongnrale de la sant et ONE). Diverses associations (Ligue desfamilles, services de sant mentale, planning familiaux) y par-ticipent galement pour lun ou lautre aspect.

    Se refusant aux messages dexclusion, toute la ligne du pro-gramme veut envisager la maltraitance comme issue de situa-tions de souffrance et de difficult plutt que de malveillance oude perversion Ds lors, elle poursuit comme objectifs deredonner confiance aux parents, les encourager, les inviter sappuyer sur la famille, les amis et leur rappeler que, si nces-saire, des professionnels sont leur disposition pour les couter,les aider dans leur rle de parents.

    Les parents sont galement invits apprhender le dcalagequil peut exister entre leur monde et celui de leurs enfants. En

    prendre conscience, marquer un temps darrt, trouver desmanires de prendre du recul et de partager ses questions estdj une premire tape pour viter de basculer vers une situa-tion de maltraitance.

    La thmatique est chaque fois reprise dans son contexte et sap-puie sur la confiance dans les intervenants et dans les adulteschargs du bien-tre de lenfant. Plutt que de se focaliser sur lamaltraitance, il sagit de promouvoir la bienveillance , laconstruction du lien au sein de la famille et dans lespace social:tissage permanent o chacun parent, professionnel ou citoyen a un rle jouer.

    Ce livret ainsi que tous les documents du programme sont dis-ponibles sur le site Internet:

    www.yapaka.be

  • 7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte

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    Temps dArrt:

    Une collection de textes courts dans le domaine de la

    petite enfance. Une invitation marquer une pause

    dans la course du quotidien, partager des lectures en

    quipe, prolonger la rflexion par dautres textes

    Dj paru

    - Laide aux enfants victimes de maltraitance Guide lusage des

    intervenants auprs des enfants et adolescents. Collectif.

    - Avatars et dsarrois de lenfant-roi. Laurence Gavarini, Jean-

    Pierre Lebrun et Franoise Petitot.*

    - Confidentialit et secret professionnel: enjeux pour une socit

    dmocratique. Edwige Barthlemi, Claire Meersseman et Jean-

    Franois Servais.- Prvenir les troubles de la relation autour de la naissance. Reine

    Vander Linden et Luc Roegiers.*

    - Procs Dutroux; Penser lmotion. Vincent Magos (dir).

    - Handicap et maltraitance. Nadine Clerebaut, Vronique Poncelet

    et Violaine Van Cutsem.*

    - Malaise dans la protection de lenfance: La violence des interve-

    nants. Catherine Marneffe.*

    - Maltraitance et cultures. Ali Aouattah, Georges Devereux,

    Christian Dubois, Kouakou Kouassi, Patrick Lurquin, Vincent

    Magos, Marie-Rose Moro.

    paratre- Le professionnel, lenfant et le remue-mnage de la sparation

    conjugale. Genevive Monnoye (dir).

    *puiss mais disponibles sur www.yapaka.be