cerveau 12 - memoire phonologique, implicite & disfonctionnements - romain guilloux

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    ROMAIN GUILLOUX -PSYCHOLOGUE

    UN CERVEAU,COMMENT A MARCHE ?(XII)

    "BEN, ON FAIT COMME CA "

    Alors, arrivs ce point, voyons quelles difficults inhrentes la mmoire tellequ'on vient de la dcrire peuvent apparatre.Nous avons vu un des aspects des difficults qui peuvent apparatre lorsque lecalepin visuo-spatialfonctionne mal, avec ce jeune qui ne pouvait traverser la rueseul. Il y en a d'autres. Au cours d'un exercice que j'avais mis au point (jeu duplacement d'objet, en annexe), certains jeunes donnent des rponses assezdroutantes. Je vais vous en citer deux.Le jeune dont je viens de parler, par exemple, celui qui ne peut traverser. Appelonsle Laurent. Systmatiquement, dans ce "jeu", il reproduisait de mmoire laconfiguration en la faisant tourner d'1/4 de tour. Par exemple (figure 37).

    Modle

    Ralisation du jeune

    Ecran

    Figure 37

    Et lorsqu'on retirait l'cran, en lui demandant si sa ralisation correspond bien aumodle, il rpondait oui avec beaucoup d'assurance. Il fallait placer le modle et saplaque de plexiglas au-dessus de la ralisation pour que Laurent se rende compte deson erreur. Et mme sans replacer l'cran, il tait incapable de rparer son erreur.On comprend mieux ses difficults lors de la traverse de la rue !

    Autre exemple, Gloria, une jeune IMC qui a certaines comptences scolaires, maisest en grande difficult avec l'criture, et en particulier pour ce qui est du trac deslettres, et des chiffres qu'elle inverse assez souvent. Au mme jeu, sa ralisation estsystmatiquement inverse en miroir (figure 38).

    Modle

    Ralisation de Gloria

    cran

    Figure 38

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    Contrairement Laurent, Gloria voit, son erreur lorsqu'on enlve l'cran, maisseulement aprs un temps et sur l'insistance du moniteur ("tu es sre que c'est bienexactement pareil ?"). Mais, elle ne parvient pas non plus la rparer. Elle reprendles objets inverss, hsite, puis les replace de la mme manire. Une stagiaire qui

    participait l'atelier essaya un jour de lui guider les mains. Elle fut trs surprise de laforce avec laquelle Gloria rsistait malgr elle aux tentatives pour placercorrectement les objets, ce qui montre bien la robustesse des images places dansce fameux calepin visuo-spatial. Je pourrais vous citer beaucoup d'autres exemples.Ces expriences troublantes nous montrent clairement que des difficults defonctionnement de ce systme asservi peuvent tre en cause dans une gamme dedifficults assez large, qui peuvent aller de l'apprentissage de la lecture et del'criture des difficults d'orientation dans l'espace gnrant parfois, comme c'taitle cas pour Laurent, des inadquations comportementales. La lecture d'un plan oud'une carte devient galement trs difficile, voire totalement impossible, lorsque ce

    sous-systme fonctionne mal.

    Mais les difficults de la boucle phonologiquene sont pas moindres. Bien loin del. Laissez-moi vous raconter le souvenir d'un fait qui s'est droul l'atelier thtredans l'institution o je travaillais.

    A l'atelier expression, nous enregistrons les rles de chacun, pour faire la bande son du spectacle deNol. C'est le tour de Samira. Elle est anxieuse de bien dire sa phrase, et cafouille. Je lui dis saphrase, elle la rpte immdiatement, compltement et sans bavure. Mais je n'ai pas lancl'enregistrement, elle essaye de se rpter la phrase pour ne pas la perdre, et lorsqu'on lance

    l'enregistrement... elle ne parvient restituer que la dernire moiti de la phrase. Que s'est-il pass? en fait, elle n'a pas trait son bout de rle de manire smantique, en donnant du sens aux mots,ce qu'elle est capable de faire dans un autre contexte, mais lorsqu'elle traite smantiquement, celalui prend tant de temps que son discours es hach, hsitant, et elle met beaucoup de temps exprimer ce qu'elle veut dire. Elle se fait assez souvent houspiller cause de cette lenteur dans sonexpression. Et videmment, elle a bien senti que sur une bande son, "a ne le ferait pas" ! Elle adonc compt sur sa boucle phonologique pour se tirer d'affaire. Mais voil, si sa mmoireimmdiate a pu contenir la totalit de la phrase, ce qui explique qu'elle puisse la restituer dans lesdeux secondes qui suivaient en entier, sa boucle phonologique n'a pu maintenir que la dernire

    partie de cette phrase, en vertu de cequ'on nomme effet de rcence,et elle s'est retrouve coince.Le traitement de l'information verbale, et donc la comprhension, sont largementdpendant de la possibilit de maintenir suffisamment d'information assezlongtemps dans cette fameuse boucle phonologique. Cela aura beaucoupd'importance pour la comprhension des difficults qui peuvent surgir dans lesapprentissages scolaires. Quand on parlera des dyslexies, dysorthographies,dyscalculies etc, nous y ferons beaucoup rfrence.

    Alors, trs souvent, on parle propos des diffrentes mmoires d'"empan". Ondsigne par ce mot la quantit d'informations qui peuvent tre retenues en mme

    temps dans un systme mnsique. Un exemple : je suis en train de lire mon journaldans une pice et puis la pendule sonne dans la pice ct. Je n'y prte pasattention sur le coup, mais tout de suite aprs, alors que le dernier coup vient desonner, je me dis "tiens mais au fait, c'est quelle heure qui sonne l ?". Je me repasse

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    mentalementce que je viens d'entendre, en comptant le nombre de coups et je medis bon, il est quatre heures, ou il est cinq heures. Mais si le nombre de coupsdpasse un certain nombre, je ne peux pas me les repasser aisment : ce nombre decoups, que je peux retrouver, correspond aux limites de ma boucle phonologique,

    son empan. Pourtant, cette limite n'est pas toujours infranchissable. Par exemple,l'horloge a commenc grener ses coups. Je n'ai pas fait attention au dbut. Il sepeut qu'alors je regroupe ce que j'entends par groupe de 3 coups. Et je vais parvenir "loger" dans mon empan de 5 quatre groupes de trois coups. Ce qu'on appelleparfois des "chunks". Et en me repassant ces 4 groupes de 3 coups, je parviendrais les recompter pour voir qu'il est 11 heures, si un "chunk" est incomplet, ou 12heures, alors que mon empan mnsique n'est que de 5.

    J'ai pris l'exemple de la boucle phonologique (on devrait d'ailleurs dire enl'occurrence boucle auditive). Mais cette notion d'empan s'applique tous les

    systmes mnsiques. Et en particulier la mmoire de travail.Pour comprendre les incidences de cette notion d'empan sur les apprentissages,prenons un exemple simple. On vous dit, par exemple : "prends le stylo sur lebureau, et mets le sur la chemine, puis tu prendras la thire sur la table, et tul'emmneras dans la chambre". Cela ne vous posera pas problme, car les quatreoprations

    prendre le stylo

    le mettre sur la chemine

    prendre la thire

    l'emmener dans la chambre

    "tiennent" aisment dans votre mmoire de travail. Votre "empan mnsique" estsuprieur quatre.

    Mais si vous n'avez qu'un empan de trois, qu'est-ce qui se passe ? Deux types decomportements peuvent se rencontrer: vous prenez le stylo, l'emmenez sur lachemine, puis vous prenez la thire et restez en plan, ne sachant plus quoi enfaire. Alors, comme l'habitude est plutt de mettre les thires dans la cuisine, vousl'emmenez tout hasard dans cette pice et vous faites rappeler l'ordre parceux dont l'empan mnsique est nettement suprieur, et qui ne comprennent

    absolument pas comment vous pouvez rater une tche aussi simple. Vous vousfaites traiter de tte de linotte, et l'invitable "mais si tu faisais attention" a degrandes chances de fuser ! En fait comme votre empan n'est que de trois, vous avezeffac le dernier item.

    Mais votre mmoire peut aussi fonctionner tout fait diffremment : au lieud'effacer le dernier lment comme ci-dessus, elle garde les 3 derniers lments,et oublie le premier. Si vous souffrez de ce type de problme, vous vous dirigezvers la chemine, et restez l comme un veau devant une paire de patins, vousdemandant bien ce que vous pouvez faire, puis vous allez chercher la thire et la

    menez dans la chambre si du moins les commentaires de l'entourage (tendant vous faire passer pour un idiot) ne vous ont pas compltement paralys.

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    Or, dans tous les apprentissages, on est confront la ncessit de garder ainsiplusieurs lments en mmoire de travail. Et des lments de nature diffrente enplus. Quand on a un enfant en difficult scolaire, il faut toujours se demander quelest son empan en mmoire de travail, c'est--dire le nombre d'lments qu'on peut

    lui donner traiter en mme temps. Sachant que, videmment, un dficitd'attention, et en particulier dans les doubles tches, comme on le verra quand ontudiera l'attention, peut intervenir aussi. Eh oui, je sais, c'est pas simple, mais c'estpas ma faute !

    Le pire, quand on a affaire des troubles neuropsychologiques, c'est de fairecomme si c'tait simple, et qu'un seul trouble bien dlimit, bien diagnostiqu, tait rduquer et qu'aprs tout irait bien. Malheureusement, la religion actuelle des"restrictions budgtaires" semble aller vers cette simplification, qui n'a pas finid'entraner de nouvelles souffrances.

    J'attire galement votre attention sur une erreur ducative trs courante : quand onvoit un enfant en difficult dans une tche comparable celle prcdemmentdcrite, on a souvent envie de l'aider. Et pour cela, lui donner des explications, essayer de prsenter la tche d'une autre manire, en lui prodiguant encouragementset indices censs l'aider Si l'enfant ne s'est pas construit une reprsentation de latche accomplir, il va tenter de mettre bout bout toutes ces explications dans sammoire de travail, la surchargeant l'vidence, alors que prcisment, c'est causede ce manque de "capacit" de sa mmoire de travail qu'il n'est pas parvenu sefaire une reprsentation globale de la tche accomplir. Devant un enfant ayant de

    telles difficults, il importe de ne pas lui donner d'explications en cours de tche,mais de lui faire apprendre auparavant des indices (dans l'exemple prcdent, parexemple "y'a le feu" pour chemine, "prte moi ta plume" pour stylo, etc)Ensuite, lorsqu'il dmarre la tche, on ne fait aucun commentaire, prcisment pourne pas surcharger sa mmoire de travail. Simplement, si on le voit en difficult, onlui fournit l'indice appropri. Et ensuite, si on doit rutiliser les lieux, ou les objets,on fournit toujours le mme indice, on n'en change pas. Nous allons y revenir plustard, propos des techniques d'"apprentissage sans erreur".

    Cependant, cette notion d'empan n'est pas trs fiable, parce qu'on se la reprsente

    sous la forme d'une espce de "contenance", comme si on pouvait mesurer lacontenance d'un systme mnsique comme on mesure celui d'une bouteille. Dansles tests de mmoire, souvent, on se base sur le nombre d'lments que peut retenirune personne dans certaines conditions, ce qui ajoute la confusion. En fait, leschoses ont plus compliques que cela. J.F. Camus estimait que le problme n'estpas tellement li une question de contenu, mais plutt la vitesse de traitement del'information. En gros, plus on traite rapidement les informations, mieux on peutles garder en mmoire. C'est trs important, car lorsqu'on veut entraner la mmoireet tenter d'amliorer l'empan chez un enfant, il vaut mieux concevoir des exercicesqui lui permettront d'amliorer sa vitesse de traitement, sur des tches comportant

    peu d'lments traiter en mme temps, plutt que des exercices tendant le faireretenir de plus en plus d'lments.

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    Lorsqu'on veut amliorer l'empan mnsique sur un type de tche, il ne faut doncpas tenter d'augmenter progressivement le nombre d'lments traiter, mais pluttanalyser les processus de traitement de l'information qui sont ncessaires cettetche. Puis faire excuter des tches du mme type que chacun des processus de

    rsolution en jeu (sparment, bien sr). Eventuellement, on peut utiliser destechniques d'amorage.

    Cette notion d'amorage est fondamentale pour tout ce qui concerne la mmoire.Dans cet enchevtrement de "filets de capture" qui existe au niveau de nosneurones et de leurs multiples connexions, existent semble-t-il des liens depotentialisation. Un peu comme si des rseaux qui ont l'habitude d'tre activsensembles devenaient plus faciles "ouvrir" lorsque l'un des membres du club estsollicit. Ce genre de liens semble d'ailleurs bien tre une des constantes les plusstables du fonctionnement de notre cerveau. Nous verrons que c'est peut-tre bien

    comme a que l'enfant apprend parler sa langue maternelle.En fait, ce qui permet d'augmenter l'empan, c'est le fait d'automatiserla rsolutiondes problmes lis la tche, ce qui permet en quelque sorte de "gagner de la place"dans la mmoire. Un peu l encore comme lorsque vous avez appris conduire.

    Cela m'amne attirer votre attention sur cet aspect auquel on n'a, mon avis, pastoujours accord l'attention ncessaire. Celui des processus par lesquels certainestches deviennent automatiques. Car enfin, c'est un peu incroyable de pouvoir fairetant de choses en si peu de temps, non ? C'est assez vident pour tout ce quiconcerne la mmoire procdurale (apprendre conduire, nager, faire du vlo,

    raboter une planche), on y a beaucoup fait rfrence jusqu'ici, en insistant sur lesoulagement que cela apporte la mmoire de travail. Mais ce qui a t bien tudipour les procdures existe aussi pour toute une varit de tches allant del'apprentissage des usages de la socit que l'on frquente celui desmathmatiques.

    On a parl du sens de vissage - dvissage propos du robinet du radiateur. Le sensde vissage est en effet trs automatis. On n'y pense pas plus qu'au sens desaiguilles d'une montre. On le fait, et puis c'est tout sauf quand on a des difficultsd'orientation dans l'espace, ou bien prcisment des difficults "automatiser".

    a peut d'ailleurs poser des petits problmes intressants. Et trs instructifs. Parexemple, je me souviens avoir pest et transpir pendant 1/4 d'heure en tentant dedvisser la lame de ma dbroussailleuse. Tout a parce que dans cet engin, la vis quitient la lame est pas invers, et qu'il faut donc tourner dans le sens contraire dusens habituel pour la visser ou dvisser ! Finalement, le jeune dont je parlais tout l'heure aurait peut-tre t plus performant que moi, dans la mesure o il n'a pascette vidence, cette croyance concernant le sens du vissage et du dvissage. Vouscomprendrez tout l'heure pourquoi (et dans quel sens) j'emploie le terme"croyance".

    Pendant qu'on apprend, que ce soit une habilet motrice, ou une techniquecognitive, on dpense normment d'nergie. Encore une fois, rappelez-vousquand vous avez appris conduire combien votre mmoire de travail taitsollicite !

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    Mais c'est vrai aussi pour les habilets cognitives. Et nous allons nous intressermaintenant aux mcanismes qui le permettent.

    Scripts et schmas. La mmoire implicite.

    Au moment o j'cris ces lignes, je suis hospitalis. Tout l'heure, une infirmireest entre dans ma chambre. Jeune et trs avenante. Mais je n'ai pas eu l'ide de luiconter fleurette. Elle tenait un plateau d'o dpassait une lanire de caoutchouc. Jeme suis allong et lui ai tendu le bras. Il tait absolument vident qu'elle venait mefaire une prise de sang. a n'a pas grand intrt, me direz-vous, sauf se poser laquestion: pourquoi cette simple lanire dpassant d'un plateau a fait jailli en moi,immdiatement, et sans mme que je me le formule, l'ide de la prise de sang ? Jen'ai pas eu besoin de rflchir pour tendre mon bras, et le tout sans anxit, alorsque je sais qu'on va me piquer. C'est devenu tout fait automatique, au mme titre

    que de mettre le clignotant, passer les vitesses ou tourner le tournevis dans le bonsens.

    A la radio, j'entends que Laure Manaudou vient de nager le 400 m en 3'36. Ouais,bon, a doit tre bien puisqu'on en parle la radio. Et puis si je rflchis, moi quiil faut plus de 2 minutes pour nager 100 m, je me dis qu'en effet, a doit tre pasmal. A ce moment, on interviewe Laure Manaudou, qui dit qu'elle a d'abord cru une erreur de chronomtrage. Pour elle, c'est vident que c'est bien, elle n'a pasbesoin de rflchir, c'est une vidence. Il y a une grande diffrence entre elle et moi(outre le temps mis pour nager 100m) : Je sais ce que c'est que la natation de

    comptition, mais je ne le vispas. Elle, si ! Alors que la prise de sang, a oui, je lavis !

    Dernier exemple. On est pass voici quelques temps l'Euro. Bon, on avait toutfait pour nous y prparer et personne en France ne pouvait ignorer qu'un Eurovaut 6 fr. 59 et des poussires. Donc on le savait. Pourtant, pour que cela nous"parle", il nous aura fallu longtemps, et il nous faut encore, 4 ans aprs, biensouvent repasser par le franc qui, lui, nous "parle". En particulier pour les sommesimportantes, que nous ne rencontrons pas souvent. Il en va diffremment deschoses que nous rencontrons journellement, car l, le "savoir" s'est transform en

    "script". Je n'ai pas besoin de repasser par le franc pour savoir que la baguette depain 80 centimes est plutt chre, et que le gazole 1C30 est hors de prix.Quoique, nous verrons un peu plus loin que ce n'est pas si simple.

    J'ai employ le terme "script". Car c'est comme a qu'on appelle cettetransformation d'un savoir plus ou moins thorique en quelque chose quimodle en profondeur notre perception mme des choses.

    Et quand on y rflchit bien, c'est une forme d'automatisation dans le domaine desconnaissances dclaratives, tout fait comparable aux automatismes moteurs, dansles mmoires procdurales. Et comme les habilets motrices, cela soulage lammoire de travail. Rien ne m'empche de parler philosophie avec l'infirmirependant la prise de sang, car le script m'vite de me poser des questions plus oumoins angoissantes sur ce qui va arriver par la suite, et pour elle, les automatismesque lui ont donn sa pratique professionnelle la librent aussi. Finalement, avec

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    quelques annes de moins (enfin, pas mal d'annes de moins!), j'aurais pu aussi luiconter fleurette !

    Et quand je vois sur le bord de l'autoroute l'affichage des prix du gazole, je n'ai pasbesoin de me lancer dans des calculs hasardeux pour savoir si je vais ou non

    m'arrter cette station.La plupart du temps, on n'a pas conscience de ces "scripts". Ils sont inscrits dansun autre type de mmoires qu'on appelle "implicites", car la plupart du temps, lescomportements qu'ils induisent sont vcus comme "allant de soi". Ce qui n'est pasvraiment le cas en, ralit. Prenons un exemple : si je dis "nous sommes alls prendre unpoulet tandori au "Taj Mahal", nous avons failli rater le dbut de la pice". Imaginez quel'interlocuteur n'ait jamais t au thtre, ni dans un restaurant indien. Quecomprendra-t-il au juste ? On a vu dans le chapitre 10, propos des neuronesmiroirs, comment nous pouvons grce ces systmes miroirs, nous reprsenter ce

    que pense l'autre, ses tats motionnels, ses intentions. Par exemple, dans notreculture, le sourire qui est le plus souvent signe de bienveillance peut, selon certainesvariantes, exprimer des sentiments trs diffrentes : il peut tre narquois, voiresardonique. Mais c'est petit petit que nous avons appris reconnatre cesdiffrents types de sourire. Dans une autre culture, ce qui nous apparat comme unsourire pervers peut exprimer une bienveillance particulire, et le sourire qui nousapparat bienveillant cacher en fait une colre contenue. Or le sentiment d'vidence,de "a va de soi" qui accompagne notre ressenti est tel que nous pouvons nousmettre dans une situation difficile. Il en est de mme des comportements sociauxquand on se retrouve dans un milieu tout fait diffrent dont nous n'avons pas les"codes". Bon, quand je dis a comme a, j'ai l'air d'mettre une banalit. Mais vousallez voir que c'est lourd de consquences.

    On peut se demander comment notre cerveau fait pour parvenir une telleautomatisation. Je vous ai parl tout l'heure du mcanisme de l'amorage.Vraisemblablement, c'est un mcanisme un peu comparable, un mcanisme depotentialisation d'un ensemble de rseaux mnsiques. Et galement un mcanismede synchronisation de diffrents rseaux, comme celui que nous avons dcrit auchapitre 9 (page 77).

    Mais cela peut avoir des consquences inattendues. Nous avons tous un "script" del'habillage : les diffrentes tapes, la prise en compte du temps qu'il fait, lescontraintes sociales (on ne s'habille pas de la mme manire pour une rception oupour aller bricoler sa voiture ! Cela "va de soi", et votre choix conscient ne va pastre de mettre un costume ou une cotte de travail, mais de vous demander "quelcostume" ou "quelle cotte de travail" ?). Or, j'tais intrigu lorsque je travaillais avecdes enfants gravement handicaps, qui avaient absolument besoin d'aide pours'habiller, par le fait qu'ils disaient volontiers "je me suis habill". Si on leurdemandait "tu t'es habill tout seul", ils semblaient trs tonns par la question etrpondaient oui. Cela posait pas mal de questions aux ducateurs qui avaientl'impression d'une mauvaise apprhension de leur handicap. Or si on leurdemandait en mme temps "qui t'a aid t'habiller", ils rpondaient de manire trsprcise "un tel". L'explication est chercher dans cette notion de "script": pour eux,l'aide humaine fait partie du script, c'est dire qu'elle va de soi, et ils n'ont pas

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    spontanment l'ide de la mentionner. Cela ne veut pas dire que cet lment soitni, mais il est tellement vident, n'est-ce pas ?

    Ce type d'automatisation des comportements concerne aussi nos raisonnements, etil existe galement dans les apprentissages scolaires. Si on vous dit qu'il y a trois

    billes dans un sac et 5 dans l'autre, l'image mentale de l'addition jaillit dans votreesprit sans que vous ayez besoin de vous poser la question "que dois-je faire".Seulement si on vous dit qu'il faut "retirer" deux billes d'un des sacs, il vous fautalors bloquer -" inhiber"- ce mcanisme de l'addition. Or, ce n'est pas toujours aussisimple. Si vous aviez laiss se dvelopper votre premier mcanisme automatiqued'addition, votre mmoire de travail n'aurait pas eu besoin d'intervenir. Sauf pourdclencher un nouveau schma, celui de la table d'addition "3 + 5 = 8". Maislorsqu'il faut faire intervenir la soustraction, la charge de la mmoire de travailaugmente. Bon, si votre mmoire de travail a un empan suffisant, cela ne pose

    pratiquement aucun problme. Mais si vous tes en dlicatesse avec votre mmoirede travail, cela ne sera pas pareil. Et lorsque vous posez un enfant la question"Virginie a 5 billes, Simon 3, et Virginie donne 2 billes Simon, Combien Simon ade bille, si l'enfant vous rpond "10", parce qu'il a tout additionn, posez-vous laquestion de son empan en mmoire de travail !

    Bon, j'ai introduit le mot "schma", et je n'ai pas utilis le mot "script". En fait, c'est peu prs la mme chose, en tous cas le mme type de mcanisme. Mais onapplique gnralement le mot "script" aux situations sociales, et le mot schma tout ce qui concerne les connaissances rationnelles et les raisonnements.

    Lorsque vous tiez enfant et que vous avez appris l'addition, votre mmoire detravail a sans doute t entirement occupe par cette activit, de la mme faonque lorsque vous avez appris conduire. L aussi, l'automatisation s'est faiteprogressivement, et le passage d'un savoir un schma de connaissance a ncessitpas mal d'exercices, voire de coups de rgles du matre !

    Allons plus loin, puisque nous commenons entrer dans le dtail des processuscognitifs. Dans l'exemple de Virginie qui donne deux billes Simon, et qui restetout de mme assez simple, un certain nombre de scripts et de schmass'enchevtrent:

    Le script du "don": donner quelque chose quelqu'un (ct Virginie)

    Le schma de la soustraction (retirer 2 du sac de billes de Virginie)

    Le script de "recevoir un cadeau" (ct Simon)

    Le schma de l'addition: ajouter deux billes au sac de Simon.

    Tout cela forme le cadre de l'opration mentale qu'il faut effectuer. Ce cadre estdonn presque immdiatement par la situation elle-mme et la reprsentation quel'vocation de cette srie de scripts et schmas permet de s'en faire. La mmoire de

    travail n'a plus grer que les variables (le nombre de billes en jeu dans chaquesituation). A condition que tous ces scripts et schmas soient correctementintgrs.

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    Si les donnes avaient t plus complexes, par exemple 2567 pour Virginie, 2476pour Simon, et don de 533 billes de Virginie Simon, les choses seraient beaucoupplus compliques. Non seulement parce que les oprations sont plus difficiles, maisgalement parce que l'vocation des diffrents scripts et schmas serait perturbe,

    comme nous le verrons lorsque nous tudierons l'apprentissage des mathmatiques,par la difficult de se reprsenter de si grands nombres (alors que pour 5, 3 et 2, lareprsentation est presque vidente pour tout le monde). Mais n'anticipons pas. Ilsuffit de savoir que ces vocations de scripts et schmas sont sous la contrainted'autres facteurs. Pour l'instant, ce qui nous intresse, c'est le fonctionnement de lammoire et les automatismes qui peuvent la rendre plus performante.

    Dans cet exemple trs simple, on constate que se sont encastrs les uns dans lesautres plusieurs processus automatiques partir de la reprsentation de la situation.Un peu comme si un ensemble de filets de capture s'taient synchroniss pour

    parvenir une rsolution du problme donn.Il semble bien que notre cerveau fonctionne souvent ainsi, par recouvrement de"filets de capture" qui s'organisent entre eux. Et les scripts et schmas seraient enquelque sorte des filets de capture non plus d'images ou de sensations comme ceuxdont j'avais parl propos des gnosies, mais de situations, ou de modes dersolution type. Ils se synchroniseraient selon les besoins avec d'autres rseaux deneurones qui reprsentent les souvenirs, stocks eux aussi sous forme de filets desynapses potentialises, dans diffrentes parties de notre cerveau. Ce que je vousdcris l reprsente un modle de fonctionnement du cerveau, que l'on appelle lemodle connexionniste. On l'a parfois oppos un autre modle, appelmodulaire, qui lui envisage des systmes de traitement bien individualiss, etrelativement bien localiss dans le cerveau (mme si un module de traitement peututiliser plusieurs zones crbrales distinctes). En fait, ces deux approches secompltent. Et il est un peu bte de les opposer. Les modules de traitement sontassez bien reprs, et localiss en effet. Mais ils utilisent des donnes qui peuventtre contenues dans des rseaux de connexion diffus dans tout notre cerveau. Cesont des chefs d'orchestre pour telle ou telle tche particulire, mais qui utilisent des"musiciens" situs parfois trs loin d'eux.

    Alors, bien sr, des "grains de sable" peuvent aller se loger dans ces mcanismesdlicats de la mmoire.

    Imaginez que vous soyez en train de prendre un cours, ou d'assister uneconfrence sur un sujet qui vous passionne. Vous voulez garder le maximumd'informations utiles.

    La confrence, le cours se droule. Votre mmoire de travail enregistretranquillement ce qui se dit. Elle "pique" par ci par l un point dvelopp par leconfrencier ou le prof, et qui vous parat important. Il vous parat important parce

    que cette mme mmoire de travail a, ds le dbut, activ toutes les connaissancesque vous avez concernant de prs ou de loin le sujet voqu. Connaissancesstockes en mmoire smantique, bien sr. Tout un rseau de filets de capture, unpeu comme les toiles d'araignes imbriques dans un vieux grenier, est prt

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    capturer ces informations utiles. Quand la capture se fait, c'est--dire qu'une idemise est entre dans un des "filets" tendus, c'est soit pour apporter uncomplment l'ide stocke, soit pour apporter une nouvelle ide, (cration d'unnouveau rseau de potentialisation) soit pour permettre une modification des ides

    stockes, donc des filets tendus. Votre mmoire de travail va envoyer lesinformations ainsi rcupres vers une mmoire moyen terme (vous voussouvenez, ces mmoires qui ncessitent un bon tat de marche de l'hippocampe)qui va tenir ces informations au chaud, et en particulier les mettre en attente deractivation pour confirmation ventuelle. Lorsque le cours ou la confrence sonttermins, vous avez l'impression d'avoir appris plein de choses, et pourtant, si cemoment l vous rencontrez un ami qui vous demande "alors, qu'est-ce qu'il a dit ?",vous tes un peu embarrass. "Eh bien, il a commenc par parler de" Vous allezen fait chercher dans votre mmoire pisodique le droulement temporel de laconfrence, mais l vous tes embt : d'abord parce que si votre ami vous coupe,

    vous avez du mal reprendre le fil, ensuite parce que lorsque vous voulez parler dece qui vous a paru important, alors que c'tait clair sur le coup, vous avez un peu demal resituer par ordre d'importance les points principaux et les pointssecondaires. En terme neuropsychologique, a veut dire que l'"objet captur" nes'est pas encore intgr au rseau smantique, pas encore "synchronis" avec lesautres "toiles d'araigne", n'est pas encore devenu lui-mme une maille du rseausmantique global. Curieusement, d'ailleurs, si vous rencontrez un second amiquelques instants plus tard, vous y parviendrez mieux parce que justement d'avoirr voqu les choses avec le premier ami vous a permis une premire rorganisation

    du rseau smantique global. De plus, d'avoir ractiv ces souvenirs les a renforcsdans leur statut en mmoire moyen terme. Et la nuit suivante, au cours d'unephase de sommeil paradoxal (vous savez, ce moment du sommeil o l'on rve),vous avez de bonnes chances que cette rorganisation se consolide et que demain,si vous devez de nouveau faire un compte-rendu de la confrence, ce soitinfiniment plus ais. Vous passerez d'un pisode l'autre, pour y cueillir desanecdotes, des expressions, qui rendront vivant votre rcit. Votre mmoirepisodique sera docile pour cela. Et puis, vous ferez saillir les points importants,ceux avec lesquels vous tes d'accord, ou pas d'accord.

    Le fait de prendre des notes lorsque vous captez une ide joue de deux manires :sur le coup, cela donne plus de "poids" au souvenir. Et ensuite, mme si vos notessont trs succinctes, elles serviront d'amorage1 pour retrouver les souvenirs enmmoire moyen terme. Notons aussi que le fait de tenter un compte-rendu critaussitt aprs joue le mme rle de renforcement que la premire rencontre avecun ami. Mais il y a de fortes chances que le lendemain vous soyez amen remanierce premier compte-rendu.

    Les grains de sables

    Ouais. Bon, a c'est le scnario idal, celui o notre rseau smantique concernantle sujet trait est tabli, o le nombre d'informations nouvelles est limit, et o les

    1Pour l'amorage, voir ci-dessus, page 108

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    rseaux smantiques prexistants comportent en nombre suffisant des "filets decapture" assez proches dans leur structure de la structure smantique desinformations capturer. Mais a ne fonctionne pas toujours aussi bien !

    Pour caricaturer un peu, avec votre rseau "canard", vous pouvez "capturer" une

    sarcelle, voire un cygne pour rorganisation postrieure qui conduira la notion depalmipde. Mais vous ne pouvez pas capturer une machine laver. Si une notionest trop trangre ce que vous savez, et ce qui rentre dans vos croyances, vousne pouvez pas l'intgrer. Je pense que c'est ce qui a du se passer quand Einstein amis pour la premire fois sa fameuse thorie de la relativit qui rentrait si mal dansles rseaux smantiques des mathmaticiens de l'poque (et que dire du simplequidam) !!!

    Pour qu'une information puisse tre traite, il faut :

    qu'elle s'intgre un rseau d'activation susceptible de l'accueillir, et surtout quenotre mmoire de travail ait le tempsd'oprer les activations ncessaires. C'est--dire le temps d'aller chercher les informations ncessaires sa capture ( sa"comprhension"). Quand votre mmoire de travail ne dispose pas de cetemps, elle s'efforce de mettre tout a en vrac dans la mmoire pisodique, enesprant pouvoir ractiver et traiter ultrieurement ces lments. La prise denotes peut vous aider poser des jalons (des indices de rcupration)permettant de soutenir cette mmoire pisodique.

    ou bien qu'elle permette la cration d'un nouveau rseau, c'est dire denouvelles connaissances. Une telle cration peut se faire soit par extension deconnaissances (d'un rseau existant qui s'amplifie et s'assouplit en mmetemps), soit par cration d'un nouveau rseau. Ce rseau doit comporter desindices de rcupration, des chemins d'accs, et tablir des liens avec les autresrseaux de connaissance dj existants. Nous avons vu ci-dessus que ces lienss'tablissent petit petit, en faisant reprendre l'air de temps en temps auxnotions nouvellement acquises, et grce des rorganisations internes de notrecerveau, qui permettent ces informations de changer de statut, de passerprogressivement du statut de mmoire moyen terme celui de mmoire longterme, et ventuellement de s'inscrire dans les mmoires permanentes. Nous

    avons vu que les phases de sommeil paradoxal semblent avoir un rle importantdans ces rorganisations. Lorsqu'elles ne se font pas correctement, lesinformations peuvent rester stockes dans la mmoire pisodique, mais ne pasparvenir s'inscrire dans les rseaux smantiques. On arrive au mode defonctionnement que j'ai dcrit dans le chapitre prcdent (XI. Page 91).

    Processus automatiques et croyances.

    J'ai utilis plusieurs fois le terme "croyance". Vous imaginez bien que je n'ai pas l'intention de me

    lancer maintenant dans la thologie. Depuis que vous me lisez, vous commencez connatre mongot pour la digression, mais j'ai bien l'intention de rester dans le domaine de la neuropsychologie,et aucunement dans celui de la religion qui, mon sens, ressort de la libert individuelle de chacun,et ne concerne pas mon propos.

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    Je veux parler du mcanisme psychologique qui est mis en uvre par les croyances, c'est--dire desmodes de perception et d'interprtation de l'environnement tablis sur des modles internes lapersonne, modles fixs pour un temps du moins. Aprs, c'est la libert de chacun de choisir sesoptions religieuses -ou non religieuses ! Comme on pourrait parler des diffrents mcanismes qui

    supportent les processus de dsir sexuel, cela ne remettrait pas en cause la libert de chacun dans seschoix amoureux.

    Qu'est-ce que j'entends ici par "croyance" ? Prcisment, dans le cadre de ce travail, uneconnaissance, quelle qu'en soit la nature (connaissance verbale, implicite, procdure)qui a acquis un statut de processus automatique, et qui de ce fait oriente la faon mmedont nous percevons notre environnement.

    Cette orientation de nos perceptions a un caractre d'vidence, et lorsqu'elle se trouvecontestesoit par une connaissance nouvelle, soit par une inadquation vidente lasituation, cela provoque un inconfort important, et sollicite notre systme motionnel.

    L'origine de cette connaissance peut tre culturelle, mais elle peut aussi tre unedmonstration logique tellement bien intgre, automatise, qu'elle a pris ce statutparticulier de croyance, en ce sens que sa contestation provoque le mme inconfort, etpas simplement une remise en cause rationnelle.

    Nous avons parl ci-dessus des scripts et des schmas. Nous avons vu qu'ilsmodifient de manire implicite notre perception mme des choses. De maniresouvent totalement inconsciente. Cette modification nous permet d'conomiser demanire substantielle notre mmoire de travail, et notre ressource attentionnelle,exactement comme les procdures dans la conduite automobile. Ce sont donc desprocessus extrmement utiles. Mais toute mdaille a son revers, et nous allons voirque ces scripts et ces schmas nous font courir le risque d'une certaine rigidit.C'est en ce sens que je parle de croyance.

    Commenons par quelques exemples.

    Lorsque nous parlions des neurones - miroirs, (chapitre X p. 83), nous avons vuque c'tait une des bases de la comprhension des tats mentaux de l'autre. Et quepar exemple, dans notre culture, voir sourire quelqu'un nous fait penser que ce

    quelqu'un est plutt heureux. Lorsqu'on est un petit enfant, on ne fait pas trop ladiffrence entre diffrents types de sourires, mais on apprend vite distinguer lesourire bienveillant du sourire moqueur, voire du sourire pervers. Lorsqu'on aappris ces distinctions, la signification de ces sourires nous parat trs vite vidente,et nous adaptons ds lors notre comportement cette perception. Mais, si lesbases neurologiques (les neurones miroirs) nous ont permis de nous reprsentermentalement leprogramme moteurdu sourire de la personne qui est en face denous, la signification motionnelle et sociale de ce sourire est apprise, car dansd'autres cultures, il faudrait attribuer d'autres tats mentaux ce mme sourire.Nous "croyons" que tel sourire est bienveillant, tel autre moqueur et tel autre

    pervers. Et cette croyance est trs utile, car elle nous permet d'adapter peu prsinstantanment notre comportement social. Mais, si nous nous trouvons dans uneculture trs diffrente, cela peut nous valoir quelques dboires !

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    Nous avons intgr, tout au long de notre ducation des scriptsque nos parents,nos ducateurs en gnral, nous ont transmis, parfois en les appuyant d'une talocheou d'une punition quelconque. Et c'est bien utile aussi, (les scripts, pas les taloches)pour adapter notre comportement social, et nous permettre d'interprter bon

    nombre de situations de la vie courante. Tout cela est rentr dans notre mmoireimplicite, et nous apparat comme une srie d'vidence, qui prennent la forme "onfait comme a". Mais ce sont l aussi des sries de croyances, en ce sens qu'ellessont valables dans une culture donne, mais pas forcment dans d'autres. Elles ontl'avantage d'allger notre mmoire de travail. Si vous avez eu une ducation assezmodeste et que vous vous retrouvez dans un grand restaurant, avec tout un tas defourchettes et de couteaux dont vous vous demandez lesquels il faut utiliser avec telou tel plat, votre mmoire de travail sera un temps occupe vous demandercomment ne pas commettre d'impair, et votre conversation risque d'tre moinsbrillante que d'habitude. Et lorsque vous avez appris que, lorsqu'on met le couvert,

    la cuillre et le couteau se placent droite de l'assiette, et la fourchette gauche,vous "croyez" cette disposition universelle. Supposons que dans un pays trangerqui a d'autres coutumes, vous veuillez aider la matresse de maison mettre lecouvert, cette croyance pourrait bien l aussi vous faire commettre un lger impair !

    Tout cela est bien banal, me direz-vous, et pourquoi crire des tartines pour si peu ?

    Eh bien, prenons un autre exemple. Lorsque je prsentais les scripts et schmas, j'aipris l'exemple de l'Euro. Eh bien, j'ai l'impression que pour beaucoup d'entre nous,du moins, nous "croyons" encore bien plus au franc qu' l'Euro. Je m'explique.Dans mon pays, une coutume rpandue dans la rgion lyonnaise veut que pourMardis Gras on fasse des "bugnes". Ceux sont des beignets sucrs d'une forme unpeu particulire. Selon leur bonne habitude, les boulangers ont un peu tendu lapriode de vente, et on en trouve depuis le dbut du mois de fvrier. Elles sevendent entre 2 et 3 Euros les 100 grammes. J'ai fait l'exprience de faire remarquer plusieurs membres de mon entourage que a mettait tout de mme entre 130 et200 francs le kilo cette ptisserie assez commune. Tous se sont montrs trs surprisde cette constatation. En fait, lorsqu'on lit "2C", le script bien tabli nous faitprouver cette somme comme "2 Fr.". Bien sr, nous savons que 2 Euros c'estbeaucoup plus que 2 francs, mais nous n'prouvonspas encore la diffrence exacte de

    valeur. C'est en cela que je parle de "croyance au franc". Si le boulanger affichait sesbugnes "150 F. le kilo", je suis persuad qu'il en vendrait moins.

    C'est le mme mcanisme bien connu des commerants qui fait qu'on achte plusfacilement un objet 4,99 C qu' 5 C. L aussi, nous savons trs bien que c'estpratiquement la mme chose, mais le "script" (ou plutt le schma) qui nouspermet d'attribuer une valeur aux chiffres se "bloque", "croit" en quelque sorte au"4" et nous fait prouverla valeur de 4,99 comme nettement moindre que celle de 5.

    Vous commencez je pense percevoir que le fonctionnement de notre mmoireimplicite est plus complexe qu'il n'y parat, et qu'il peut parfois nous valoir quelquesdboires.

    Et ce phnomne intervient dans un de nombreux domaines, parfois tout faitinattendus. Tout lve un peu studieux a appris le thorme de Pythagore. Puis a

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    appris s'en servir dans une grande varit d'applications, pour peu qu'il ait fait unpeu de mathmatiques. Il arrive s'en servir sans y penser, un peu comme d'unmarteau pour enfoncer des clous. Si un nouvel Einstein arrivait, proposant unnouvel espace je ne sais combien de dimensions o le thorme de Pythagore ne

    fonctionne plus, sa premire raction serait sans doute de rejeter cette nouvelledonne qui perturbe ses certitudes, ses croyances. Car devenu schma, le thormede Pythagore est devenu croyance. Ce n'est pas par hasard que j'ai parl d'Einstein.S'il y a un parangon du scientifique rationnel, c'est bien Einstein. Pourtant ! Tout lemonde a appris que deux droites parallles ne se rencontrent jamais. C'est mme ladfinition qu'on m'a apprise des parallles. Il y a bien eu un mathmaticien qui s'estamus inventer un espace o les parallles se rencontrent, un certain Riemann, jecrois2.Un espace "courbe". La communaut scientifique avait regard ces thoriescomme un aimable divertissement mathmatique. Or les dcouvertes d'Einsteinconduisaient prendre en compte une "courbure" de l'espace, donc dire que cette

    gomtrie farfelue avait une ralit. Bon nombre de mathmaticiens n'ont pufranchir le pas, et ont refus au moins dans un premier temps cette conception deschoses : tant que cette gomtrie s'adressait leur savoir, comme une thorie justeun peu farfelue, tout allait bien. Lorsqu'elle s'adressait leur prouv, leur schmade la parallle dans le monde rel, cela provoquait un mouvement de rejet: l aussi,leur conception de la gomtrie fonctionnait comme une croyance. Mais o celadevient plus amusant, c'est que lorsque les thories de l'expansion l'Univers sontapparues, Einstein lui-mme n'y a pas adhr, parce qu'il ne parvenait pas admettre cette ide de l'expansion de l'univers.

    Et rappelons nous qu'on a failli faire griller Galile sur le bcher parce qu'il disaitque la terre tournait autour du soleil !

    O je veux en venir avec ces histoires ? Vous allez le comprendre tout de suite.

    Le gamin qui a appris bien pniblement l'addition, qui force d'exercices et desoutien diligent de ses matres a russi intgrer ce schma, va aussi l'intgrer parmises croyances. Et pour peu qu'il soit victime de quelques "grains de sables", auratendance appliquer cette croyance tout problme o il se retrouve devant desdonnes chiffres manipuler. Mme s'il doit prcisment faire ce moment l unesoustraction. On a tous vu de ces gamins en difficult qui ne parviennent pas faireautre chose qu'additionner les donnes. C'est que l'automatisme que procure le(pnible) apprentissage des tables d'addition est un phnomne robuste. A tel pointque je ne me souviens pas avoir jamais appris les tables de soustraction ! La plupartd'entre nous, je pense, opre une soustraction comme une opration inverse del'addition, et en utilisant les tables d'addition. a marche gnralement bien.Seulement voil, cela demande beaucoup plus de disponibilit de la mmoire detravail. Et un enfant qui n'a pas ces disponibilits va avoir tendance se rabattre surdes croyances comme celle qui veut que toutes les donnes doivent treadditionnes, quel que soit le cas de figure. Parce qu'il doit donner une rponse,

    pour se valoriser lui-mme, mais galement pour tenter de satisfaire l'adulte qui estface lui. Malheureusement, dans le cas prcis il rate la manuvre, puisqu'il

    2Si un lecteur peut m'apporter des prcisions sur ce sujet, j'en serai ravi, car mes connaissances en mathmatiquessont assez sommaires.

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    choue. Il est alors particulirement dsempar: le moyen qu'il avait trouv pourpallier ses difficults mnsiques (faire intervenir une "croyance" le conduit l'chec. Il ne lui reste plus que le "choix" entre la dpression, la rvolte ou un replisur soi, qui tende le rendre aussi indiffrent que possible ce qui risque de le

    mettre en difficult, le dsintrt pour la chose scolaire est bien souvent explicablepar ce type de mcanisme. Notons d'ailleurs que ce recours quelque chose del'ordre de la croyance n'a pas toujours pour origine des problmes mnsiques. Nousy reviendrons. La "croyance en l'addition" qu'il avait pniblement mise en placepour s'conomiser un peu de mmoire de travail est battue en brche, et ledsquilibre va pour lui bien au-del d'un simple chec de raisonnement.

    On peut d'ailleurs transposer les lignes ci-dessus, aux rapports entre le mcanismede la multiplication et celui de la division.

    Rsumons. Les processus automatiques, que ce soit dans le domaine des procdures

    (ouvrir ou fermer un robinet, conduire une voiture, faire du vlo), dans le domaine desconventions sociales (scripts) ou celui des apprentissages et des ides rationnelles, sontindispensables pour librer la mmoire de travail et permettre une laboration de lapense et de l'action.

    Mais le revers de la mdaille, c'est que ces processus, par leur caractre automatiquemme, peuvent fonctionner de manire assez fige, sur le modle des croyances et,particulirement dans le cas o la mmoire de travail est en difficult, entraner desdifficults lies au caractre strotyp des rponses donnes.

    Certains enfants ne parviennent pas automatiser, ou n'y parviennent qu'avec

    difficult. On peut se trouver alors devant deux cas de figure diffrents :

    La vitesse de traitement de l'information est faible. L'empan mnsique sera doncgalement, nous l'avons vu, peu tendu. Ces enfants donneront l'impressiond'avoir toujours rapprendre, et toujours avec la mme difficult, des chosesqui ont pu paratre sues certaines priodes ou avec certaines personnes. Eneffet, dans ce cas, les enfants tenteront d'utiliser leur mmoire pisodique,comme je l'ai dcrit dans le chapitre 11 p. 92 (vous savez, l'histoire des billesentre Virginie et Simon). Et pour cela, ils chercheront des indices prs del'adulte, parent ou ducateur, qui les encadre. Il se constitue assez vite un

    change d'indices totalement inconscient entre l'enfant et l'adulte. L'enfant peutdonc rcuprer assez aisment des donnes en mmoire pisodique, avec unniveau de traitement faible, mais qui peut faire illusion, avec cet adulte l. Maiscela ne sera pas transposable lorsque l'adulte accompagnateur changera. On a ll'explication de situations assez douloureuses, frquemment rencontreslorsqu'on travaille avec des enfants en difficult, d'un dcalage entre lesconstatations sur l'tat des connaissances et des capacits l'occasion d'unchangement de classe, par exemple, ou entre les constatations des parents etcelles des professionnels. C'est souvent gnrateur de conflits, et c'est trs

    dommage, car dans l'histoire, tout le monde a raison et tout le monde setrompe en mme temps : l'enfant est en effet capable d'un certain nombre dechoses avec telle ou telle personne, avec laquelle un code d'indices inconscients'est mis en place, mais par capable d'effectuer la mme tche avec une autre

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    personne, lorsqu'un code d'indices comparable ne s'est pas mis en place. Il nes'agit pas l d'une "survalorisation", ou d'un "tat fusionnel" comme on le penseparfois, mais bien d'un systme d'change particulier difficile reprer. Cephnomne d'encodage d'indices a t dcrit dans certaines expriences avec des

    "animaux savants", comme l'histoire d' "Hans le Malin" (voir encadr). La vitesse de traitement de l'information est rapide, voire trs rapide. On se

    trouve alors dans une situation trs diffrente. Car l'empan mnsique est alorsbien meilleur, voire suprieur la moyenne. Et on voir des enfantsparticulirement brillants, qui trouvent toujours des solutions originales, parfoisfulgurantes des problmes relativement complexes, mais sont en difficultdans toutes les tches qui rclament imprativement la mise en place de scriptset de schmas pour s'effectuer dans de bonnes conditions. Et justement, lalecture et l'criture font partie de ces tches qui rclament une automatisation

    minimale. Je pense que ce dcalage est souvent l'origine des difficultsrepres chez des enfants dits "prcoces", voire "surdous".

    Un autre phnomne trs ennuyeux est une sorte de "persvrance" qui veut quelorsqu'un enfant a tent de rsoudre la tche sur des bases errones, gnralement

    Les problmes lis la surcharge d'informations:

    L'histoire de "Hans le malin"Hans le malin tait au dbut du sicle un cheval savant, que son matre exposait dans lesfoires, et qui, soi-disant, savait compter. On lui proposait des oprations relativementcomplexes, et il donnait la rponse en frappant le sol avec son sabot. Le matre d'Hans lemalin" tait sincrement persuad que son cheval possdait la capacit d'effectuer cesoprations, et s'tait volontiers soumis aux contrles des scientifiques de l'poque quirestaient perplexes devant ce phnomne, o ils ne dtectaient aucune fraude.Pourtant, un scientifique plus fut que les autres eut l'ide de proposer Hans le malin une

    opration, en prsentant son matre une opration diffrente - l'insu du matre, bien sr!.Eh bien, le cheval donnait la rponse l'opration qui tait prsente au matre, et pas celle qui lui tait prsente : en fait, son insu et en toute bonne foi, c'tait le matre quidonnait au cheval, de manire totalement inconsciente, les indices lui permettant de donnerla bonne rponse !

    Je voudrais pointer l un phnomne li notre culture, et la socit dans laquellenous vivons.

    Nous avons vu que l'information que nous envoient nos organes des sens

    s'enregistre simultanment de diffrentes manires :1. Dans notre mmoire pisodique le droulement des faits et des informations,

    dans l'ordre o ils nous parviennent, et sans forcment que l'information soittraite. Des indices de rcupration sont associs, au fur et mesure, ce qui estcapt,

    2. Notre mmoire de travail slectionne dans ce flot continu ce qui parat mriterun examen plus approfondi, et opre les mises en relation avec ce qui est djintgr notre mmoire smantique, c'est le traitement de l'informationproprement dit. Elle utilise pour cela les "filets de capture", les rseaux desynapses dont la potentialisation long terme est synchronise. Donc aussi lesprocessus automatiques que nous avons dcrits: scripts, schmas, croyances,etc

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    3. Les informations traites sont intgres de manire slective dans les diffrentesmmoires auxquelles elles sont destines,

    soit sous forme de nouveaux rseaux de capture qui devront "faire leurpreuve" en tant ractivs plus ou moins rapidement, et plus ou moins

    frquemment pour devenir des souvenirs prennes. Les principalesmmoires de destination sont videmment la mmoire smantique, lammoire pisodique et la mmoire autobiographique. Pour les connaissancesdclaratives du moins.

    Soit en modifiant, en optimisant des filets de capture dj existants, ce qui setraduit par un enrichissement de l'information dj stocke, et unediversification des objets qui pourront tre "capturs". (par exemple, le filet"canard" est tabli, il est progressivement largi tout ce qui peut concernerles palmipdes, et peut capturer de manire de plus en plus fiable et

    automatique des variations de l'objet "canard" : pilet, col vert, sarcelle, etc)

    4. Lors d'une rorganisation ultrieure, une dcantation des informations utiless'opre, l'oubli des dtails non pertinents, et le renforcement des notionspertinentes.

    Mais que se passe-t-il lorsque la masse d'informations traiter est trop importante,et que le temps de traitement ncessaire n'est pas respect ? Eh bien, la phase 1fonctionne peu prs correctement, la phase 2 "bloque", et ne parvient pas

    oprer le traitement ncessaire. La plupart du temps, seules les informations"rentrant" prcisment dans des filets de capture dj existants se maintiennent,mais la plupart des enrichissements, ou des variantes ne parviennent pas trouverleur place, et du coup la phase 3 devient totalement inoprante. Seules les croyanceset les schmas assez rigides sont renforcs, et l'impression d' "avoir tout compris"reste pourtant trs forte: elle s'appuie sur la satisfaction de ce qui s'est log dans lammoire pisodique, et qui donne l'impression agrable d'avoir intgr les choses,ce qui n'est pas le cas.

    Or, c'est prcisment ce qui se passe chez un jeune dont les rseaux de capture sont

    encore un peu "bruts de dcoffrage", et qui passe beaucoup de temps devant la tl,en zappant tout va : une masse considrable d'informations lui parvient, qu'ilenregistre de manire chaotique, et sans traitement. Pour un peu qu'un enseignantle lendemain aborde un des nombreux sujets qui lui sont passs sous les yeux laveille, il aura l'impression de "savoir tout a", et pourtant sera en chec si on luipose des questions concernant ces informations, puisqu'elles n'ont pas tvritablement traites. La frustration sera forte, et le risque d'un comportement derejet, voire de violence vis--vis du prof n'est pas ngligeable, puisqu'il vient, par sesquestions, remettre en cause cette confortable certitude de tout savoir, et les"croyances" qui auront t renforces par cette surcharge d'informations. Noustouchons l ce que je considre comme le danger majeur prsent par lestechnologies de l'information.

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    Danger qui se situe mon avis sur deux plans :

    1. Le dveloppement de cette espce de certitude que l'engrangement sanstraitement, qui donne une satisfaction proche de celle que procure une drogue.Le travail de prise et de traitement de l'information que demandent les vritables

    apprentissages scolaires se lie alors une vritable frustration, particulirementnfaste ces apprentissages !

    2. Le renforcement d'un fonctionnement sur la base de "croyances" qui tantdonne la diffusion de ces moyens de communication, se trouvent partages partout un groupe d'ge, au dtriment des capacits critiques, qui seules permettentune vritable volution de l'tre humain et de la socit.

    Vous voyez que la surcharge d'information peut avoir des consquencesinattendues !

    ________________________________________________________________Annexe, le "jeu du placement d'objets".

    Jeu faisant partie du programme de remdiation de la Clart

    Jeu du Placement

    dobjets

    Domaine explor

    - Mmoire visuelle

    - Calepin visuo-spatial

    Rfrences thoriques :Modle de la mmoire de travail Baddeley, 1989

    Matriel ncessaireDeux plateaux de carton blanc, denviron 30X40 cm, et une plaque de plexiglastransparent de mme dimension, paisse de 3 mm. Environ.Des petits objets, formes gomtriques (cube, rouleau, etc) chacun en doubleexemplaire.

    Un carton permettant de faire cran.

    Droulement du jeu :Le plateau de ralisation (carton blanc) est plac devant lenfant. Le plateau modle(carton, + plexi) est plac devant, selon la figure de la page suivante. On dispose uncertain nombre dobjets (2 au dbut, 3, 4, etc par la suite) sur le plateau modle.Lenfant tudie le modle, puis on le lui cache laide de lcran, il doit alorsreproduire le modle de mmoire.Sil ny russit pas du premier coup, on le note, et il peut revoir le modle pendant

    un court laps de temps. Sil sest tromp dans la configuration de ses pices, et nevoit pas son erreur, on peut placer le modle au-dessus de sa ralisation, grce auplateau de plexiglas transparent, qui lui permet de comparer.

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    Ce quil faut noter :Le nombre maximal dobjets que lenfant parvient mmoriser et placer au bonendroit (ce qui donne une ide de lempan en calepin visuo-spatial)Les ventuelles rotations de limage mentale, faisant reproduire lenfant la

    configuration comme si elle avait subi une rotation. (observ dans des casdagnsie du corps calleux en particulier).Les difficults retenir le placement des objetsLe temps et le nombre de prsentation ncessaire pour que le placement soitcorrect.

    Intrt diagnostique :Ce jeu permet, outre le fonctionnement du calepin visuo-spatial, de reprerdventuelles distorsions spatiales introduites lors de la mmorisation de limagementale.

    Pl a n d e t r a v a i l

    e n f a n t

    M o d l e : Al t u g l a s

    Pl a t e a u b l a n c

    R serve obje t s d i spos i t ion

    de l ' en fant

    Diffus par Coridys