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CECAAPV - Rencontre de l'expertise – 18 octobre 2011 – Maurice Nussenbaum 1 Les collectivités et les emprunts toxiques Maurice Nussenbaum Expert Judiciaire agréé par la Cour de Cassation, professeur à l’Université Paris IX Dauphine, Président de Sorgem Evaluation Le 18 octobre 2011 Compagnie des Experts près les Cours Administratives d’Appel de Paris et de Versailles Rencontre de l'expertise

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CECAAPV - Rencontre de l'expertise – 18 octobre 2011 – Maurice Nussenbaum

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Les collectivités et les emprunts toxiques

Maurice Nussenbaum Expert Judiciaire agréé par la Cour de Cassation, professeur à l’Université

Paris IX Dauphine, Président de Sorgem Evaluation

Le 18 octobre 2011

Compagnie des Experts près les Cours Administratives d’Appel de Paris et de Versailles

Rencontre de l'expertise

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Les banques et leurs PSI

Distinguer les opérations de banque au sens de l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier (les opérations de crédit, la réception de fonds du public et la mise à la disposition de la clientèle, ou la gestion de moyens de paiement) et les services d’investissement (article L. 321-1 COMOFI) :

Cette distinction est importante car les contrats de prêts sont des conventions de droit privé et la responsabilité du banquier ne peut être engagée que devant le juge judiciaire sur le fondement du droit privé .

Il existe tout un débat pour savoir si les emprunts des collectivités territoriales pourraient être considérés comme des marchés publics de services et être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence. C’est ce que préconise la Cour des comptes .

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AMF: Extraits des Connaissances Minimales concernant la relation client

• La connaissance, l’évaluation et la classification du client

• Information à donner aux clients : -l’information sur les tarifications et les coûts ; -l’information sur la politique d’exécution ; - l’information sur les risques ; -l’information sur les produits ; -l’information sur la politique de gestion des conflits d’intérêt ; -les avis d’opération (compte rendu des opérations aux clients, les avis d’exécution, etc.).

• L’obligation d’agir au mieux des intérêts du client ; L’obligation de vérifier le caractère adéquat ou approprié du produit/service ; Le régime d’exécution simple.

• La politique d’exécution des ordres aux conditions les plus favorables ; La politique de sélection des intermédiaires ; L’obligation d’avertir le client quand celui-ci donne des instructions spécifiques pour l’exécution d’un ordre ; Le consentement express du client pour l’exécution d’ordres hors marché règlementé ou SMN.

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Devoirs du PSI envers un client non professionnel

• Un client classé dans la catégorie « Client Non Professionnel » est présumé ne pas être en mesure d'évaluer et de gérer de façon appropriée les risques auxquels il peut être amené à s'exposer.

DEVOIRS :

• d'évaluation de ses connaissances, de son expérience des marchés et instruments financiers, de sa situation financière ainsi que de ses objectifs d'investissement. Cette évaluation permet, selon le service d'investissement offert, de vérifier préalablement à la prestation de service que ce dernier convient au client.

• de fournir les informations sur les prestations de services lui permettant de disposer d'éléments concernant leur nature, les risques associés, leurs coûts et frais.

• Faire signer une Convention Globale de Services et une politique d'exécution des ordres définissant les modalités d'exécution des transactions.

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Devoirs du PSI envers un client professionnel

• le Client Professionnel possède l'expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d'investissement et évaluer de façon appropriée les risques encourus.

DEVOIRS :

• évaluation de ses objectifs d'investissement pour les services de conseil en investissement ou de gestion de portefeuille afin de vérifier préalablement à la prestation de service que ce dernier convient au client.

• politique d'exécution des ordres définissant les modalités d'exécution des transactions.

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Conflits d’intérêt

• Le conflit d’intérêt est intrinsèque aux marchés financiers (surtout sur les marché dérivés, à horizon fixe ; c’est moins vrai au comptant) : dans toute transaction, il y a un perdant et un gagnant.

• Les PSI doivent avoir une politique de gestion des conflits d'intérêts soit entre les intérêts propres de la banque et ceux de ses clients, soit entre les intérêts de deux ou plusieurs clients.

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Le financement des Collectivités locales

• Il se répartit en France à 68 % par de l’autofinancement, à 23 % par des recettes d’investissement et à hauteur de 9 % par le recours à l’endettement.

• L’encours de la dette des collectivités locales représente plus de 138 milliards d’euros à fin 2010 (7.1% du PIB).

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L’emprunt des Collectivités locales • Traditionnellement les Collectivités locales recouraient à des crédits à taux

fixe pour financer leurs investissements

• à partir des années 90, et surtout depuis 2004, avec les modifications intervenues sur les taux du livret A le rendant quasiment variable, elles ont essayé de renégocier leurs dettes. Parallèlement, pour les nouveaux emprunts, elles ont eu recours à des crédits à taux variables, des crédits multi-index et enfin les crédits dits structurés.

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Les emprunts « toxiques »

• Les « emprunts toxiques » sont des crédits structurés qui permettent de réduire à court terme les taux d’intérêts payés en échange de risques à plus long terme (que les directeurs des collectivités locales ne comprenaient pas toujours ou disaient a posteriori ne pas comprendre). Ils sont dit structurés parce qu’ils intègrent dans un même contrat un emprunt et plusieurs produits dérivés sous la forme, le plus souvent de vente d’options par l’emprunteur dont le produit permet la réduction initiale des taux.

• Des crédits structurés ont été systématiquement proposés par les banques aux communes de plus de 5 000 habitants, sur des durées allant jusqu'à trente-cinq ans, du début des années 2000 jusqu'à l'automne 2008,

• Nombre de collectivités sont devenues assureuses, par le biais de la vente d’options, contre la baisse du dollar ou du yen et ce sur des durées pouvant aller jusqu'à 40 ans !

• Le pb : there is no free lunch in finance. Elles ont pu croire que si.

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Les collectivités et leurs protections en matière de crédit

• La circulaire du 25 juin 2010, relative aux produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, vient préciser les limites à la gestion des taux d’intérêt.

• Pour le crédit : obligation d’information et de mise en garde, qui est intermédiaire entre le devoir d’information et de conseil. Cette dernière s’applique cependant aux seuls emprunteurs non avertis or ce n’est pas nécessairement le cas de toutes les collectivités locales.

• De plus, si l’obligation de conseil s’applique aux emprunts excessifs au regard des capacités financières de l’emprunteur, elle ne s’applique pas pour les emprunts structurés.

• Il existe cependant une obligation générale qui s’applique aux crédits structurés et qui consiste à présenter aux clients les avantages et les risques d’une opération.

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Contexte du cas ALPHA (1)

• Une société ou une collectivité désire couvrir le risque de renchérissement du coût de ses emprunts à taux variable en mettant en place une couverture par swap c’est-à-dire permettant d’échanger les caractéristiques de variabilité de ses emprunts contre d’autres caractéristiques,

• Un swap « vanille », permettant d’échanger le taux variable contre un taux fixe, avait un coût prohibitif compte tenu de la courbe des taux et entraînait une hausse immédiate du taux payé,

• Décision est prise de structurer le swap (vente d’une option consistant à ne pas bénéficier du taux fixe dans certaines situations de marché) afin de réduire le coût de la couverture : le coût variable était échangé contre 2 hypothèses de taux fixe, la première inférieure au taux actuel mais sous certaines conditions relatives à la courbe des taux et la seconde supérieure au taux actuel,

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Exemple

Janvier 2006 OAT 10 ans = 3,34% et le spread 10 ans – 2 ans : 19 bps.

Une banque propose un Swap structuré :

• 3,13% tant que le spread 10 ans – 2 ans est > 0,30% • 5,99% sinon

Janvier 2007 OAT 10 ans = 4,06% mais spread <30bps

Pour éviter de payer les 5,99 prévus au contrat :

• La collectivité refinance avec un produit structuré à taux encore plus bonifié.

• Donc en prenant un risque encore plus important, car l’option cachée devait compenser la perte sur le premier produit structuré, tout en permettant une bonification du taux et évidemment une marge pour la banque.

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Contexte du cas ALPHA (2)

• Cette structuration a permis de réduire le coût de l’emprunt (gain de portage) pendant deux ans,

• La crise a entraîné la réalisation du risque (non respect des conditions et réduction des spreads de taux), l’exercice des options vendues et une hausse sensible du coût de l’emprunt (seconde hypothèse),

• La société a engagé une procédure contre la banque en arguant que le swap proposé était spéculatif et contraire à son intérêt social et à ses objectifs de couverture.

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Comment analyser le choix du produit par l’entreprise ? (1)

• L’emprunteur ne voulait pas supporter le coût trop élevé d’une couverture parfaite qui aurait entraîné un renchérissement immédiat du coût de la dette (échange du taux variable contre un taux fixe sensiblement plus élevé).

• La baisse du coût de couverture apparent est la contrepartie d’une renonciation à une partie de la couverture, c’est-à-dire une nécessaire prise de risque pour la société.

• La société a soutenu avoir été trompée par la banque qui ne lui a pas permis de prendre conscience du risque qu’elle encourait ;

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Comment analyser le choix du produit par l’entreprise ? (2)

• Les premiers juges (TC de Toulouse) ont reconnu la faute de la banque qui n’aurait pas suffisamment mis en garde l’emprunteur malgré les « disclaimers » car les arguments de vente en faveur du produit auraient occulté la portée des mises en garde générales.

• Des décisions ont également été prises dans d’autres affaires, en Allemagne, à l’encontre de Deutsche Bank pour défaut de conseil.

• Mais le plus souvent on reconnait l’absence d’obligation de conseil de la banque.

• Et il existe un risque attaché à toute opération de couverture qui par nature comporte une part de spéculation (se couvrir c’est spéculer).

• Besoin de recourir à un conseil externe pour s’assurer de l’adéquation du produit avec les besoins.

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Comment analyser les responsabilités de part et d’autre :

les questions posées ? (1)

• Est-il raisonnable de considérer que l’emprunteur n’était pas conscient de sa prise de risque, ce qui revient à dire que sa direction financière ne disposait pas des compétences suffisantes pour comprendre les produits vendus par la banque ?

• Comment appréhender la responsabilité de la banque qui cherche à maximiser les volumes de transactions (car elle se rémunère par des commissions) et aura tendance à présenter ses produits structurés qui ont une plus grande valeur ajoutée pour elle sous un angle « vendeur » en mettant plus en avant les avantages que les inconvénients (« disclaimers » en fin de présentation) ?

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Comment analyser les responsabilités de part et d’autre :

les questions posées ? (2)• Comment analyser la responsabilité de l’emprunteur ?

o Au cas d’espèce, le produit n’était pas d’une complexité inabordable pour un directeur financier qui était familier des opérations de couverture de taux

o Asymétrie d’information dans la société, toute la hiérarchie n’a pas le même niveau de connaissance des produits :

Naïveté ou mauvaise foi du directeur financier qui se défend auprès de sa direction en arguant de la tromperie du banquier ?

Naïveté du conseil d’administration d’avoir espéré un gain gratuit (« free lunch ») sans prise de risque corrélative ?

Conséquence expertale : l’expert doit analyser les caractéristiques des produits et apprécier le caractère équilibré de leurs conditions.

Il apprécie également leur adéquation aux besoins de l’emprunteur et les mises en garde du banquier eu égard aux risques encourrus.

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Le problème du préjudice (1)

• Il faut d’abord caractériser une faute et on a vu qu’en l’état de la réglementation ce n’est pas acquis …

• Il faut ensuite définir l’éventuel préjudice :

• si on s’appuie sur le devoir de mise en garde et que l’on considère que le prêteur a abusé de l’asymétrie d’information dont il bénéficiait, on pourrait l’obliger à réparer les conséquences fautives de son comportement ce qui ne signifie pas remettre en cause le contrat mais réparer le préjudice de la collectivité qui pourra être analysé comme la perte de chance de ne pas contracter ou de le faire de manière mieux éclairée .

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• Mais attention, la recherche par l’emprunteur d’un abaissement du taux d’intérêt à court terme peut conduire à considérer qu’il aurait pris le risque et que la perte de chance serait très limitée .

• Si on considère qu’elle est importante , on aura plusieurs solutions :

- annuler le crédit , ce qui implique le remboursement par la collectivité et l’application d’un taux fixe alternatif (taux légal ? Comme dans les opérations de crédit classiques)- considérer qu’il fallait mettre en place une couverture à taux fixe si au départ, il s’agissait de l’objectif recherché .

• Cependant, on sait que la couverture parfaite est illusoire car elle peut placer l’entreprise en situation difficile lorsque la non couverture peut s’avérer rentable pour les concurrents au moins à court terme.

Le problème du préjudice (2)

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Autre type de préjudice : la fuite en avant par restructuration

• Une fois le préjudice avéré, l’emprunteur peut décider d’assumer sa perte ou au contraire restructurer le produit en augmentant le risque potentiel.

• Ce sont ces restructurations qui ont conduit aux plus grosses pertes avec la crise.

• On fera face à la même problématique. Est-ce la responsabilité du banquier d’avoir restructuré ?

• Le plus souvent, il pourra être distinct du premier. Si le juge décide la remise en état, de quel état s’agira–il ? Il y aura nécessairement à examiner 2 fautes potentielles : celle attachée au crédit initial et celle éventuelle relative au deuxième.

• Dans tous les cas, la difficulté est de définir la faute : coûts ou pertes subies ou simple perte de chance ?

• Quelle devrait être la situation contrefactuelle ?

• Il sera ensuite plus ou moins aisé d’évaluer l’écart entre la situation normale et la situation effective .

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Problématique de ces situations (1)

• Dans ces contextes, la banque considère que la responsabilité de l’emprunteur est pleinement engagée car ces produits, bien que complexes, sont compréhensibles par les trésoriers avertis de l’entreprise considérée comme professionnelle au sens de la MIF et la banque fournit plus ou moins régulièrement des analyses de la sensibilité de la valeur mark to market des produits achetés par rapport aux taux d’intérêt et à la volatilité.

• Quelles informations la banque doit elle fournir avant de mettre en place la couverture ? Au fur et à mesure où la couverture évolue ? Pendant la durée de la couverture ?

• Doit-elle s’assurer que les produits proposés correspondent de manière optimale aux besoins de l’entreprise ?

• Doit-elle supporter les risques nés des positions qu’elle conseille ?

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Problématique de ces situations (2)

• Est-ce que la complexité des positions n’entraine pas la disparition du caractère averti du client car celui-ci ne parvient pas nécessairement à en maitriser toutes les conséquences potentielles ?

• Ou bien, doit-on considérer, dès lors que les clients ont les moyens d’être avertis, qu’ils supportent en dernier ressort les conséquences de leurs choix d’investissement ?

• Mais la banque ne doit-elle pas exiger, au delà des décisions prises par l’entreprise, une validation pleine et entière de l’ensemble de la stratégie par un comité spécialisé de la collectivité ?

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CONCLUSIONLes situations évoquées ne sont pas réellement nouvelles mais l’intensité de leurs conséquences du fait de la crise soulève des questions de principe :

•en partant d’un besoin réel de couverture, on glisse facilement vers la spéculation pure pour ne pas supporter le coût réel d’assurance que représente la couverture.

• bien que la notion d’opérateur averti soit bien balisée, elle ne se superpose pas avec celle de « professionnel » au sens de la MIF. Il faut la redéfinir plus précisément : un DAF ayant fait des études économiques, est il par nature potentiellement averti alors qu’il a à faire avec des produits qu’il maitrise mal et que son entreprise sera considérée comme professionnelle au sens de la MIF ?

• ne faut il pas renforcer le niveau d’engagement de l’entreprise ou de la collectivité à travers un comité spécialisé ?

• la banque doit elle prendre en compte et engager sa responsabilité comme dans le cas des particuliers, en ce qui concerne l’adéquation des produits proposés aux besoins et à la situation de l’entreprise ?

• Comment définir le préjudice : comme une perte de chance d’éviter les pertes et avec quelle probabilité ? Ou comme un préjudice certain impliquant une obligation de conseil de la banque ce qui peut–être contraire à la réglementation actuelle ?