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Cattacin, Sandro, Benito Perez, Isabelle Renschler and Eléonore Zottos (1999). ""Etat incitateur" ou "deuxième ville": l'animation socioculturelle à Genève." Revue Suisse de Science Politique 5(2): 67-92.

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  • (1999) Swiss Political Science Review 5(2): 67-92

    Etat incitateur ou "deuxime ville": lanimation socioculturelle Genve

    Sandro CATTACIN, Isabelle RENSCHLER, Benito PEREZ et Elonore ZOTTOS

    Rsum

    Cet article propose une analyse du paysage htroclite de lanimation socioculturelle Genve. partir dun aperu historique de son dvelop-pement, les auteurs proposent une typologie, distinguant lanimation "dallgeance" base sur des valeurs et des formes dintervention tradi-tionnelles, lanimation "de gestion" caractrise par la professionnalisa-tion de lintervention, lanimation "de conscientisation" en coopration conflictuelle avec les instances tatiques et, enfin, lanimation "indpen-dante" insre dans des niches culturelles. Cette typologie nous permet de souligner dune part des transformations dans laction de lEtat, qui dveloppe des activits incitant lanimation auto-organise la place des interventions planificatrices du social et, de relever dautre part la varit dans la pratique danimation qui se situe entre dpendance ta-tique complte et deuxime ville. Les consquences de ces transforma-tions seront discutes du point de vue de leur contribution la cration de nouveaux espaces publics urbains, ainsi que de leffet de la diversit dans lanimation sur la diffusion du lieu de la politique dans la socit.

    Introduction

    Lanimation, en tant quactivit organise, indique la ncessit qui peut surgir de crer des liens sociaux dans des communauts prcises.1 Son im-portance varie selon les exigences de remplir des espaces avec du sens, et on peut sans doute dire que des tendances contemporaines telles que "lindividualisation", "latomisation" ou encore "lurbanisation sauvage" demandent de lanimation socioculturelle pour rpondre avec des contenus

    1 Pour leurs commentaires critiques et constructifs, nous aimerions remercier: Didier Froideveaux, Christophe Jaccoud, Jean-Marie Le Goff, Barbara Lucas, La Sgier, Vronique Tattini, Erik Ver-kooyen et Rocco Vitali ainsi que les lecteurs anonymes de cet article.

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    sociaux des vides sociaux. Lanimation socioculturelle a donc comme but et ceci peut servir une premire dfinition damliorer travers laction organise, cest--dire une action relativement stable dans le temps, les conditions de reproduction socioculturelle, en incitant la cration et au renforcement des liens sociaux et en assurant des identits culturelles (Gillet 1995: 25-33). Or, lanalyse de ce type danimation sarrte souvent lvaluation de pratiques dintervention tatiques ou finances par lEtat. Demble, nous aimerions souligner que ces pratiques que nous pouvons appeler "lanimation dEtat", ne concernent quune moindre partie de lactivit danimation socioculturelle organise et dploye sur un territoire. Il existe tout un champs danimation hors influence tatique ou chappant en grande partie son contrle, qui possde non seulement des caractristiques spci-fiques, mais qui joue aussi un rle crucial dans la construction dune rponse diff-rencie sous forme dactivits danimation dans un contexte de socit pluralise une socit, en dautres termes, compose par une multitude de formes de vie, qui, demandent en consquence aussi une multitude dactivits organi-ses systmatiquement. Lanimation socioculturelle mise au point par lEtat contribue cette rponse, mais ne constitue pas sa totalit. Quelles sont les alternatives organisationnelles existantes? Et plus prci-sment: quelle typologie daction et de structuration de lanimation peut-on laborer sur la base dune analyse empirique? Pour tenter de rpondre cette question, nous avons procd une analyse de seize organisations productrices danimation socioculturelle dans le contexte urbain de Ge-nve2. Les organisations ont t choisies selon une srie de critres, dont le plus important tait leur diffrence apparente, le contexte de Genve a t retenu parce quil est le territoire tmoin dune transformation en acte dans maintes ralits urbaines occidentales (par exemple Busset 1992: 31f.).3 Cette transformation nest pas sans consquence sur la pratique de lanimation et peut tre rsume par les mots-cls suivants: tertiairisation conomique, pluralisation des formes de vie, accroissement du pluricultura-lisme ethnique et intensification des problmes dexclusion conomique et sociale. Comme dautres villes, Genve est en train dachever le passage

    2 Cette analyse a eu lieu, sous la direction de Sandro Cattacin, dans le cadre dun sminaire pour tudiant(e)s avances en science politique. Les participant(e)s ce sminaire taient, cot des trois coauteurs de cet article : Michle Blondel, Christoph Bonamy, Antoine Bossel, Olivia C. Brown, Fran-ois Carnat, Antonietta Costanzo, Lana El Saleh, Marie Jose Farina, Liv Martin, Florent Mercier, Miguel Pampin, Robert Przedpelski, Galle Sarret, Lavinia Taillens et Arnaud Valli qui ont contribu au dveloppement des rflexions ici prsentes, et surtout, par leurs travaux, au matriel empirique sur lequel se base ce texte. Un remerciement particulier va Michel Vuille, ainsi quau rpondant dans les diffrentes institutions et organisations interpelles lors de la rcolte dinformation.

    3 Les critres systmatiques tant: localisation sur le territoire urbain, statuts juridiques, anciennet, conceptions fondamentales de lanimation - voir liste dans la partie 2.

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    dun contexte de production conomique fordiste, base sur lindustrie et des structures demploi relativement rigides (et stables) un contexte que lon pourrait appeler "post-fordiste" (Bagnasco 1988), que nous aimerions caractriser dans son contenu. En suivant partiellement Alfredo Mela (1985), on peut dfinir l'urbanisme postindustriel comme une conomie dif-fuse dans le territoire urbain (centre et agglomration), qui ne connat pas de concentrations particulires et qui intgre de plus en plus les moyens in-formatiques pour rationaliser, dterritorialiser et flexibiliser la production de services. Lespace urbain perd de ce fait sa connotation hirarchique (cen-tre-priphrie) et son organisation rgularise par des temporalits fixes (heures de travail, travail pendant le jour et la nuit, jours ouvrables et f-ris). Les situations de travail et de non-travail sintercalent et, par cons-quent, soumettent les individus une pression constante.4 Ce dernier point revt pour notre problmatique un intrt particulier. Si la rationalisation de la production cause vraisemblablement une augmenta-tion du chmage (Alber 1988) et si la flexibilisation de lorganisation tem-porelle du travail, comme tendance lourde prsente dans nos socits (Mda 1995), relativise le poids rel du travail rmunr, nous pouvons imaginer que les "espaces vides", du point de vue de leur structuration systmique en entits temporelles, se sont multiplis, crant ainsi une demande person-nelle, mais souvent aussi sociale, de soutien pour combler ces vides. Loin des automatismes dcrits par Oskar Negt (1984) ou encore Andr Gorz (1983) qui mettent en relation la diminution des heures de travail avec une augmentation du temps de rflexion personnel et dinvestissement social, nous pensons que lagir dans ce "vide" doit, pour une majorit des gens, tre appris. Cest dans ce contexte que lanimation socioculturelle acquiert des responsabilits majeures, en tant que garante de la reproduction sociale, ou, comme le dit Mela:

    une rvaluation de lentit et du poids symbolique du temps non d-di des relations instrumentales pourrait correspondre une incapacit du systme culturel valoriser les relations non instrumentales en tant que lieux de production de sens et ceci avec leffet de gnraliser la crise didentit et de rduire les motivations de participation la vie sociale (Mela 1985: 137, notre traduction).

    Genve relve de ces phnomnes de transformation. Cest une ville tertia-rise, dont les activits principales se trouvent dans le secteur bancaire et les assurances, dans la formation suprieure et dans les institutions internatio-nales. La dterritorialisation de la ville est identifiable dans la croissance continue de lagglomration comptant autour de 800000 habitants (dont

    4 Voir ce sujet ltude de Kellerhals et Matthey (1992) sur la rcupration des friches industrielles Genve.

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    environ 400'000 dans le canton de Genve). D'ailleurs, en ce qui concerne les habitants de Genve, presque un tiers sont des trangers. lintrieur du canton, le flux de dparts et darrives atteint mme un septime de la popu-lation par an (Viaro 1983; OCSTAT 1997). Ces donnes sommaires, indi-quant une grande mobilit urbaine, nous permettent dores et dj de parler dun contexte dans lequel il est relativement difficile de dvelopper une identit territoriale, quelle soit de la ville, du canton, ou du quartier. Du point de vue de la vie associative et de laction socioculturelle en g-nral, ces donnes dmographiques trouvent leur quivalent social. Nous nous rendons vite compte que Genve est caractrise par l'ambivalence entre, dune part, une frquentation rgulire des activits socioculturelles tablies comme les concerts, les cinmas, les thtres, les muses, etc. (Gros et al. 1993: 7-9) imputable au rle de la ville de Genve en tant que centre culturel dune large rgion et son dveloppement encourag par les autorits genevoises et, dautre part, une relative faiblesse de la socit civile dans des moments daction commune tels que le premier mai, ou encore un dve-loppement moins spectaculaire des mouvements alternatifs, en comparaison avec dautres villes suisses comme Zurich ou Lausanne (voir les rsultats dans Joye et al. 1996 ou Giugni 1995: 336ff.).5 Cette apparente contradic-tion peut tre explique par un clivage caractristique de maintes villes pos-tindustrielles, entre une animation dveloppe destine un public relati-vement ais et avec un rayonnement suprargional, et une action sociocultu-relle relativement faible visant plutt certains groupes de la population en marge du pouvoir et de la vie conomique (Hussermann et Siebel 1991). Selon Hartmut Hussermann et Walter Siebel (1987), ce clivage gnral est li la ncessit de confirmer la ville, dans une situation de restructuration conomique et de concurrence accrue entre les centres urbains, comme un lieu intressant du point de vue touristique, mais aussi conomique, non seulement en vue dinvestissements, mais aussi cause de cet "ambiente urbain" que la culture traditionnelle peut crer, au moins potentiellement, pour des visiteurs, clients, investisseurs cest--dire: pour des utilisateurs de la sphre conomique de la ville (Genve: Busset 1992: 36f.). Thmatiser la culture et laction socioculturelle dans ce contexte signifie, en dautres termes, lire la ville travers sa nouvelle morphologie conomi-que et sociale, sa manire dactiver la socit civile dans un contexte de haute mobilit et, donc, observer les difficults de dveloppement dune identit territorialise, ainsi que linsertion complexe de stratgies de dve-loppement des villes dans un contexte suprargional (Cattacin 1994). Cela

    5 Au dbut des annes 80, les mouvements alternatifs lausannois et zurichois ont exprim leurs re-

    vendications avec une vigueur inconnue Genve. Aujourd'hui, le mouvement genevois semble s'tre stabilis, alors qu' Zurich et surtout Lausanne, la culture alternative parat en perte de vitesse.

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    signifie galement la lire travers la question des consquences sociales de recompositions urbaines modernes et des enjeux lis leur gestion. Dans ce contexte, de nombreuses questions ont t poses propos des nouvelles pratiques urbaines associes ces transformations et des nouveaux modes daction publique, qui se rfrent des politiques publiques productives et non redistributives ont t dcrits (Le Gals 1995; Stoker 1998; Gaudin 1998).6 Ce sont des processus daction qui se diffrencient des modes de gestion traditionnels. Ils sinscrivent dans des systmes de gouvernement dans lesquels la frontire entre les organisations et les secteurs publics et privs est devenu permable (Cunha et al. 1998). Lis la modernisation o de plus en plus de gens vivent dans un cadre o les institutions dlocali-ses associant pratiques locales et relations sociales mondialises organisent des aspects essentiels de la vie quotidienne (Giddens 1992) et la ville "postmoderne", ces processus sinscrivent dans une critique de lEtat social. Ainsi, on parle de gouvernance urbaine pour expliquer les interactions entre le gouvernement et la socit civile qui se multiplient et qui constituent des processus de coordination multi-niveaux et multi-polaires. En effet, actuel-lement il semblerait que lEtat reste un acteur important mais il sest bana-lis, il est devenu un acteur parmi dautres, ou plutt diffrents segments de lEtat sont devenus des acteurs parmi dautres dans les processus dlaboration et de mise en place des politiques (Le Gals 1995: 58). Si la politique contemporaine de la ville suscite des interactions de ce genre, cest parce quelle met en rapport "oblig" divers domaines daction secto-riels (lamnagement de lespace, laction conomique, lintervention sociale) et quelle fait se confronter les politiques dEtat et les nouvelles capacits dinitiatives locales (Gaudin 1998: 56). Certains auteurs (Portzamparc 1995: 15) vont accentuer dans le mme sens limportance de la socit civile dans les dynamiques urbaines actuelles en affirmant quen prsence de dcen-tralisation des pouvoirs, de dmultiplication des ples de dcision il faut in-venter ensemble les formes nouvelles de la ville, des groupements, des as-semblages, des rseaux et des lieux. Cest dans ce cadre que nous avons procd lanalyse de laction so-cioculturelle Genve en mettant un poids particulier sur des formes non-conventionnelles dinitiatives locales culturelles, ainsi que sur les formes "rparatrices" danimation, en particulier les maisons de quartier ayant pour but de rgnrer lintgration sociale dans les quartiers.7 Nous exposerons

    6 Par exemple Choay (1994), Ascher (1995), Bassand (1998) posent la question des nouvelles pra-tiques urbaines, savoir ce qui reste de la ville, si de nouvelles centralits apparaissent et o elles se localisent, etc.

    7 Lanalyse empirique que nous prsentons ici a connu diffrents moments: tout dabord, nous avons rcolt, laide dentretiens avec les responsables des organisations danimation socioculturelle choisies (entretiens souvent agrments par des discussions avec des utilisateurs des services

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    cette analyse en quatre points. Dans un premier temps, nous prsenterons une brve reconstruction historique du dveloppement de lanimation so-cioculturelle Genve, qui met en vidence comment lauto-organisation subventionne se transforme en animation planifie pour se pluraliser dans ses formes actuelles partir des annes soixante-dix. Dans un deuxime temps, une analyse systmatisant cette nouvelle pluralit, prsente dans laction socioculturelle des annes quatre-vingt-dix, sera dveloppe et met-tra en vidence quatre constellations de variables que nous appellerons des "types" dcrivant lanimation et linsertion de lanimation dans le contexte politique et social de la ville de Genve. partir de cette analyse, nous poserons dans les conclusions une srie dinterrogations thoriques sur la forme, le rle et la place de lanimation socioculturelle en milieu urbain.

    La pluralisation de lanimation socioculturelle Genve: un aperu historique

    Si lon veut comprendre les changements dans les formes danimation Genve, on se rend vite compte quelles ne refltent pas seulement les grands changements culturels intervenus au cours de ce sicle. En effet, au cours des annes, l'animation a aussi volu en fonction des relations qui ont prvalu entre les autorits politiques (locales et cantonales) et la socit civile. Jusque dans les annes cinquante, ces autorits ne se mlaient par exemple pas de l'organisation des loisirs dans le canton, exception faite de la culture "haute gamme" (opra et thtre; Busset 1992:11f.). Toutes les autres activits danimation dpendaient d'initiatives d'acteurs privs comme les organisations confessionnelles ou partisanes et se cantonnaient au niveau local. Un court survol depuis le dbut du sicle permettra de comprendre les changements qui se sont produits dans le domaine de l'ani-mation. Nous distinguons plus prcisment six phases. Au dbut du sicle, les organisations qui font de l'animation recoupent les clivages religieux et politiques. ct des clubs sportifs traditionnels, ce sont surtout des "mouvements de jeunes" lis idologiquement des cou-rants politiques qui se dveloppent. Ds 1908, on voit apparatre les Mou- danimation), des renseignements sur lhistoire, le fonctionnement de lorganisation et son insertion dans le contexte politique et social de la ville, ainsi que sur ses problmes et ses transformations ma-jeures. Ces informations ont t compltes par une analyse de documents - la plupart du temps rares - sur ces organisations. Ensuite, dans la phase analytique, nous avons systmatis ces informations en dveloppant de brefs portraits des organisations, soumis au questionnement thorique qui visait une caractrisation gnrale de laction. Un intrt particulier a t accord aux questions de liaison entre les activits dans le cadre de lanimation socioculturelle et la programmation tatique gnrale. Ceci nous a permis de mettre en vidence les transformations qui ont eu lieu dans lanimation sociocultu-relle Genve, mais aussi, travers labstraction typologisante, plus en gnral, dans le contexte ur-bain.

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    vements de jeunesse socialistes, qui rentrent en concurrence avec les diver-ses activits de l'Eglise. Puis, on assistera une multiplication de ce genre d'organisations de jeunesse. Chacune des forces en vigueur dans le canton s'emploie crer son mouvement glise catholique et protestante, syndi-cats, partis, communauts trangres sur une base politique, etc. Les activi-ts sont prioritairement lies la reproduction idologique, mme si une partie des activits est aussi consacre au sport et la culture en gnral. La crise des annes trente, suivie de la seconde guerre mondiale, marque la fin de ces mouvements de jeunesse. Ds le milieu des annes cinquante, lEtat de Genve commence s'int-resser la politique des loisirs et le groupe cibl par laction slargira d-sormais toute la jeunesse en tant que classe dge qui ncessite un certain encadrement. Quand en 1956 est cre la Fondation de la Maison des Jeu-nes en vue de promouvoir l'installation de centres de loisirs lacs et subven-tionns par lEtat, sont mis en avant comme arguments dcisifs la prven-tion de la dlinquance juvnile et le dveloppement communautaire. Cette tendance se poursuit dans les annes soixante. Elle concide en Suisse avec la priode de laffirmation de lEtat providence (Cattacin et Btschi 1994). C'est cette poque que se crent les premiers centres de loisirs, en rponse aux besoins engendrs par l'augmentation du nombre de jeunes issus du "ba-by-boom" (Busset et al. 1992). Le but principal de ces organisations est d'en-cadrer les adolescents et de leur permettre d'exercer des activits tant rcrati-ves que ducatives en dehors d'une structure scolaire ou confessionnelle. La prvention de la dlinquance et de la marginalisation sont les objectifs pre-miers. Les animateurs qui s'occupent des centres sont forms ds 1962 l'Ins-titut d'Etudes Sociales (IES), apportant une vague de professionnalisation. partir du milieu des annes soixante, les animateurs comme les per-sonnalits politiques vont rclamer une redfinition du rle de ces centres et une redfinition de la politique culturelle. l'optique de prvention auprs de la jeunesse va succder lide des loisirs gnraliss toute la popula-tion, enfants, adolescents, adultes et troisime ge, cest l'ouverture des cen-tres tous. Ces revendications se font dans la ligne de Mai 68 qui repr-sente la partie visible de "liceberg" dune rorientation culturelle plus large. Jusque-l confine une conception bourgeoise dincarnation de la beaut dans des hauts lieux, la culture est progressivement "dmocratise". cette poque, travers des lments diffrents musique, groupes dintellectuels ( Berkeley), lmergence de scnes alternatives porteuse de valeurs culturelles nouvelles (par exemple celle de Berlin) samorce et se dveloppe une remise en cause profonde et diffuse des valeurs de la socit de consommation et du spectacle (Busset et al. 1992: 17). Ce mouvement donne lieu ce que dans laire germanophone sera appele la "Soziokultur"

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    (Sievers und Wagner 1992), cest--dire une culture politique de lmancipation, qui recouvre des aspects nouveaux: festivals de rue, actions dartistes, mode de travail en workshop, autogestion, etc.8 Ce sont notamment les nouveaux mouvements sociaux tels que les mouvements de femmes, pour la paix, contre lnergie nuclaire qui crent des formes de communication et de culture nouvelles pour appuyer leurs demandes politiques par leur besoin de nouveaux espaces dans les-quels faire voluer et natre des activits. On voit apparatre dans cette mouvance un nouveau type d'animation plus ouverte sur la vie des quartiers offrant des activits adaptes aux diverses exigences. Le centre de loisirs comme concept sectoriel passe un concept danimation socioculturelle visant la population tout entire. Cependant, cest aussi le dbut des conflits entre les Centres et les auto-rits communales. La culture est thmatise dans la multitude de ses dimen-sions, mais aussi dans ses pratiques de gestion. La dfinition de ses conte-nus (re-)devient une question dordre politique prioritaire. Les animateurs se syndiquent et politisent les centres. Des revendications autogestionnaires mergent en plus des exigences d'ouverture. La priode 1970-75 affirme cette tendance vers la politisation de l'animation et la question de son rle se pose de nouveau. D'une part apparaissent les premiers mouvements de quar-tier, d'habitants et de locataires et d'autre part les revendications pour un Centre Autonome. Les diffrentes tendances politiques vont s'affronter sur les questions de l'animation. droite, on trouve une volont de conserver la neutralit des Centres pour empcher la prolifration des groupes d'extrme gauche ou contestataires; gauche, la tendance est favorable une anima-tion communautaire capable de favoriser le dialogue interne; l'extrme gauche, on dsire que les centres soient les lieux de l'laboration d'une contre-idologie. Comme on le constate, ces diffrentes positions sont in-conciliables. Dans ce contexte, les autorits cantonales vont procder une expertise en 1976 pour clarifier la situation suite laquelle un nouveau rgle-ment est dict. Les centres seront dsormais destins essentiellement la jeu-nesse et seront institutionnaliss au sein d'une fdration. Il faudra attendre le milieu des annes quatre-vingt pour que rapparaissent des revendications en vue de plus d'ouverture et d'une plus grande intgration au quartier. On as-siste une plus grande diffrenciation des fonctions des centres, qui conduit la quasi-disparition du bnvolat et l'avnement dune gestion adminis-trative et dune action sociale compltement professionnalises.

    8 Le terme "Soziokultur" est en train de se diffuser en Suisse almanique, en Autriche et en Alle-

    magne en tant que concept dorientation de laction danimation socioculturelle des villes. Conceptuellement, ce terme na par contre pas encore une identit univoque et non plus une acception partage. De ce fait, nous ne le discuterons pas dans le cadre ce texte.

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    Si les annes soixante-dix et quatre-vingt ont connu globalement une recrudescence dactions au niveau du quartier, les groupes qui se constituent loccasion de telle ou telle action redisparaissent en gnral lorsque lobjet de la lutte a trouv son pilogue, les militants par contre sengagent souvent dans dautres actions. Busset et al. (1992: 23) dcrivent ce processus comme lapparition dun "associationnisme nouveau", caractris notam-ment par son renvoi frquent lchelle locale, au petit et aux objectifs sou-vent particuliers lis un but prcis. Les annes quatre-vingt sont aussi marques par la rcession conomique, la redfinition du rle de lEtat et la pluralisation des formes d'animation. De nombreuses critiques surgissent l'encontre des centres de loisirs et de la politique culturelle. Cette vague de contestation provient surtout des milieux de gauche non-institutionnels (mouvements anarchistes, autonomes, etc.) qui rclament des formes de vie plus conviviales et rejettent toute forme d'institutionnalisation. Les jeunes revendiquent ainsi des centres autonomes plus adapts leurs besoins et souhaitent dvelopper dans ces lieux des activits "diffrentes". C'est ainsi que naissent les "squats". Des groupes alternatifs investissent divers en-droits et affirment leur identit travers des manifestations culturelles. Genve, un dialogue s'amorce peu peu entre les autorits et les mouve-ments alternatifs. Ds 1985, des contrats de confiance sont tablis permet-tant une stabilisation de situations formellement illgales par une reconnais-sance de facto et font office d'accords (temporaires) des autorits. Le dyna-misme urbain issu de ce mouvement, surtout caractris par une activit r-gulire doccupation dendroits inhabits, continue encore de nos jours. La restructuration conomique des annes quatre-vingt-dix amne de nombreux problmes sociaux comme l'augmentation du chmage et de lexclusion, non sans effets sur les finances de lEtat. Lanimation nest plus aussi centrale quavant dans les proccupations de lEtat et les subventions alloues aux centres diminuent (Meier Dallach 1992: 52). Mais ce manque dinvestissement dans lanimation nentrane pas une diminution des activi-ts, tout au contraire : alors que la demande envers laction tatique danimation est croissante sans quune rponse adquate ne puisse voir le jour, dautres formes danimation socioculturelle se dveloppent, refltant le pluralisme culturel et social de la demande. Elles sont indpendantes du financement tatique et fonctionnent sur une base commerciale ou sans but lucratif (ou mixte). Ce bref panorama du dveloppement de l'animation socioculturelle Genve nous permet de comprendre les changements qui se sont oprs dans les relations entre la socit civile et lEtat. On peut constater que les premires formes d'animation socioculturelle quand elles ne visaient pas le public "bourgeois" ne dpendaient nullement de lEtat. L'instauration

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    de lEtat-providence a permis le dveloppement de nouvelles structures qui ont pris en charge les demandes successives de la socit civile et se sont adaptes ses besoins. L'apparition des mouvements alternatifs dans les annes quatre-vingt rvle un changement. La jeunesse rejette les formes classiques d'animation et souhaite dsormais dvelopper des lieux alterna-tifs, indpendants. Enfin, nous constatons une pluralisation de lanimation indpendante qui rpond aux problmes tatiques daction dans ce secteur de formation identitaire. Un regain de limportance de la production auto-nome danimation socioculturelle par la socit civile en est le rsultat. Le Tableau 1 rsume ces changements. Tableau 1: La pluralisation de lanimation socioculturelle Genve, 1900-1990 Apparition Type danimation

    sajoutant Concept central nouveau

    1. Jusquau annes 50 "Mouvements de jeunesse" Reproduction idologique 2. A partir de 1955 "Centres de loisirs" Prvention auprs des jeu-

    nes 3. Fin des annes 60 largissement des activits Dmocratisation de la

    culture (loisirs pour tous); Rorientation de la politi-que culturelle

    4. A partir des annes 70

    Mouvements de quartiers, d'habitants et de locataires

    Identit culturelle et politi-que

    5. A partir des annes 80

    "Centres autonomes"; "squats"

    Animation de "conscientisa-tion"; "contre-culture"

    6. A partir des annes 90

    "Animation indpendante" Pluralisme culturel

    Lanimation socioculturelle contemporaine: formes et constellation prsentes Genve

    Genve comme ailleurs, lanimation socioculturelle a connu des trans-formations. Comment se prsente-t-elle actuellement? partir d'enqutes auprs de seize organisations actives dans le domaine de lanimation socio-culturelle Genve, nous avons tent de systmatiser la diversit observe. En prenant en considration uniquement des organisations qui ont des ser-vices cherchant impliquer directement leur clientle donc demandant une participation active des usagers au rsultat de lanimation sociocultu-relle , nous aimerions cerner les activits susceptibles d'intervenir concrte-ment sur les liens sociaux. De ce fait, nous excluons des services danimation

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    passive ou mono-dimensionnelle, comme les grandes infrastructures, souvent tatiques, comme lopra et le thtre. Comme on le verra plus tard, notre choix se relve indicatif pour capturer certaines diffrences existantes.9 No-tons enfin que les acteurs analyss ont tous un statut juridique priv. Ceci ne correspond pas un choix de recherche, mais une ralit locale, typique de la tendance d'organiser lanimation par les acteurs privs sans but lucra-tif, tendance que lon retrouve dans la majorit des villes suisses.10 Mais comment avons-nous procd pour regrouper des cas similaires? Nous avons choisi une srie de dimensions qui nous semblent centrales dans la comprhension de la diversit organisationnelle. Ces dimensions ont t organises suivant deux axes. Dune part, elles sintressent la structura-tion interne chaque organisation, dautre part aux lments caractrisant les relations externes de lorganisation. Ces caractristiques internes et ex-ternes ont t dichotomises (Tableau 2) pour faciliter le travail de systma-tisation.11

    Axes et dimensions de loprationalisation

    Concernant le premier axe, celui de la structuration interne, nous avons choisi les dimensions de "lidentit culturelle", du "ciblage du public/des clients", de "la professionnalisation" ainsi que de la "bureaucratisation" de laction et de la dcision. Nous avons oprationalis la dimension de "lidentit culturelle" en ana-lysant les valeurs sous-jacentes laction organisationnelle, en distinguant entre des valeurs "traditionnelles" et "nouvelles" orientant laction organisa-tionnelle. Si une organisation sinspire principalement de valeurs existant avant la "rvolution culturelle" de 68 et si ces valeurs restent stables, alors on parlera de valeurs traditionnelles. Par contre, on indiquera quon a affaire de nouvelles valeurs si lorganisation sinspire des valeurs de laprs 68. Celles-ci peuvent tre caractrise comme tant anticonformistes ou "anti-modernistes" (Busset et al. 1992: 25), dans la mesure o le principe dune socit base sur la croissance conomique est rfut, lorganisation est d-

    11 Ces deux axes ne reprsentent rien dautre quune perspective logique (inside-outside) sur

    9 Soulignons que notre but ntait pas de couvrir le champ socioculturel de faon reprsentative, mais d'en reprer les diffrentes composantes. Le choix des exemples sest fait selon diffrents crit-res, notamment laccessibilit de linstitution et la visibilit de ses activits.

    10 Le mme choix "priv" se trouve en France (dailleurs renforc depuis les annes quatre-vingt; Pongy 1994: 122) alors quen Italie, par exemple, lanimation est divise entre action tatique et non tatique (rgulirement en confrontation; Moroni et al. 1995). Notons nanmoins que le statut priv ne signifie pas une prcarit du service, ni une absence de lEtat. En effet, et comme nous le verrons plus loin, la majorit de lanimation a lieu dans un contexte de garantie de subside tatique.

    lorganisation tant caractrise par une action lintrieur et une action lextrieur. Laccord entre ces deux axes est dailleurs un des centres danalyse de la sociologie des organisations (Willke 1978).

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    centralise et peu hirarchise, voire marque par une participation dmo-cratique directe et laire de recrutement form par les groupes de personnes qui ont fait les frais de la modernisation ou des personnes sensibles aux problmes rsultant de cette modernisation. Cette dimension devra nous permettre de cerner larrire-plan culturel de "lidentit" organisationnelle (x1). L'identit organisationnelle est certainement renforce, si le public ou la clientle prise en considration est prcis et impliqu dans laction danimation. De ce fait, nous avons introduit une deuxime dimension, celle du "ciblage du public", qui diffrencie les organisations travaillant avec un public en gnral cest--dire qui ne sont utilises par aucune catgorie pr-cise de personnes et dont la demande n'est formule par aucune clientle spci-fique , des organisations ne visant de facto un public cibl, le ciblage tant intgr dans le travail danimation socioculturelle de lorganisation (x2). La troisime dimension, celle de la "professionnalisation" a t mesure par le biais dune analyse de la structuration de la gestion. En effet, les organisa-tions qui connaissent une gestion professionnelle sont, selon nous, dune autre nature que les organisations o ce sont des bnvoles qui dcident et mettent en uvre des programmes danimation (x3). La dimension chan-geante est en effet lengagement qui peut tre prsent dans les deux types daction action bnvole et action professionnelle. Nous pouvons nanmoins imaginer, quen gnral, lengagement est plus important chez les bnvoles (Cattacin et Vitali 1997). Enfin, la quatrime dimension de la structuration interne est le degr de "bureaucratisation". Cette dimension sert montrer la complexit de la structure administrative. Pour cela nous avons diffrenci une administration "forte" dune administration "faible". Le critre discri-minant de cette dimension tait la prsence dun secrtariat administratif professionnel (mme minimal, mais lintrieur de lorganisation). Cette dimension indique aussi quelles sont les comptences et les capacits organi-sationnelles pour suffire aux charges administratives (x4). Concernant le deuxime axe, celui des relations externes, nous avons pris en compte trois dimensions: "lautonomie programmatique" dans la programmation socioculturelle, "lautonomie financire" et la relation en-tretenue avec lacteur tatique communal et cantonal. Avec la premire dimension, "lautonomie programmatique" nous avons cherch diffrencier les organisations ayant une relative libert de dci-sion sur les activits quelles entreprennent des organisations qui sont lies un mandat intgrant un certain nombre de services prdfinis normale-ment par lacteur tatique (x5). Cette indpendance peut aussi sexprimer et avoir dautres consquences par le biais de "lautonomie financire", cest--dire lorganisation du financement des programmes daction, qui correspond la deuxime dimension. La question discriminante est celle de

  • LANIMATION SOCIOCULTURELLE A GENEVE 79

    savoir si les organisations sont capables, sans subventions tatiques (ou de tiers) de mettre en place des activits (x6). Enfin, la dernire dimension de cet axe est "la relation avec lEtat" qui introduit une distinction gnrale mettant en vidence, sil y a dune part, absence, conflit ou indiffrence en-tre une organisation et lEtat, dautre part sil y a une coopration public-priv relativement bien rode. Cette coopration peut prendre la forme dun projet ralis en commun ou encore dun subventionnement rgulier (x7). Le Tableau 2 indique le rsultat du travail de diffrentiation des ralits danimation socioculturelle Genve. Il peut tre simplifi par diffrentes procdures. Tout d'abord, nous pouvons regrouper les acteurs qui ont la mme constellation de variables (organisations no 1/7/11/10/9/14 et 3/13). Ensuite nous pouvons regrouper les cas de figure les plus similaires, c'est--dire qui se diffrencient seulement sur une valeur. Cest le cas par exemple des organisations 16 et 6 (lUsine et lIlot 13). Enfin, nous pouvons rpter cette opration sur la base dune matrice simplifie par limination de la diffrence prsente. Ceci nous permet de distinguer quatre groupes ma-jeurs.12

    12 La composition des catgories nest pas immuable dans le temps mais propre au moment

    danalyse. En effet, une organisation peut changer de statut (et par l de catgorie) travers sa propre dynamique aussi bien que par des facteurs extrieurs.

  • 80 SANDRO Cattacin, ISABELLE Renschler, BENITO Perez et Elonore ZOTTOS

    Tableau 2: Organisations et dimensions analytiques (1=oui; 0=non) x1

    valeurs tradition-

    nelles (1/0)

    x2 action tout

    public (1/0)

    x3 profes-

    sionnali-sation (1/0)

    x4 adminis-tration forte (1/0)

    x5 dpen-

    dance: pro-grammes

    (1/0)

    x6 dpen-dance:

    finances (1/0)

    x7 coopra-

    tion tatique

    (1/0) 1) Centre de

    Chne Bou-geries

    0 1 1 1 0 1 1

    2) Cit univer-sitaire

    1 0a 1 1 0 0b 1

    3) Club dArve 1 0 0 0 0 0 0 4) Communaut

    de St. Jean 1 0c 1d 1 0 0 0

    5) Gymnase des Eaux-Vives

    1 1 1 0 0 0 0

    6) Ilot 13 0 0 0 0 0 0 1e 7) La Traverse 0 1 1 1 0 1 1 8) Le Goulet 0 0 0 0 0 0 0 9) Maison de

    Quartier Acacias

    0 1 1 1 0 1 1

    10) Maison de Quartier de la Jonction

    0 1 1 1 0 1 1

    11) Maison de Quartier de Plainpalais

    0 1 1 1 0 1 1

    12) Maison Vaudagne

    0 1 1 1 1 1 1

    13) Meyrin F.C.

    1 0 0 0 0 0 0

    14) St-Gervais 0 1 1 1 0 1 1 15) Soul Syndi-

    cate 0 0 0 1 0 0 0

    16) Usine 0 1f 0 0 0 1g 1

    a) En t la Cit ouvre ses chambres aux touristes; le restaurant est ouvert tous pendant toute lanne; but principal: logement pour tudiant(e)s; b) Cest une fondation; seulement subventions HLM (330000 SFr. en 1995); c) La Communaut est ouverte tous, mais le travail danimation est dploy pour des jeunes; d) Les membres de la Communaut de St. Jean vivent sans salaire; leur travail nest rmunr que de manire minimale (nourriture, logement etc.). Cest nanmoins leur profession et le travail est excut de manire professionnelle; e) Contrat de confiance; f) Le public est plutt jeune, mais le but davoir tout type de public est vis et frquemment ralis; g) Une partie des activits est subventionne, mais les ressources sont pour la plus grande partie indpendantes.

  • LANIMATION SOCIOCULTURELLE A GENEVE 81

    Lanimation de gestion13

    Dans un premier groupe se trouvent les organisations 1/2/7/9/10/11/12/14. Ces organisations partagent six des sept variables et constituent une confi-guration que nous appelons "lanimation de gestion". L'animation de ges-tion regroupe les diffrentes maisons de quartier et centres de loisirs que nous avons tudis. Chaque cas rpond de la mme faon aux variables choisies. La caractristique principale qui ressort de ce type est la relation forte que entretiennent ces organisations avec lEtat, tout en conservant une relative indpendance programmatique. On peut dfinir ces organisations comme tant des associations but non-lucratif, ouvertes toute personne intresse par leurs activits. Elles ont pour but de proposer, de suivre avec intrt et de promouvoir dans le quartier des activits sociales, civiques et culturelles. Cette sorte d'animation est ne de l'avnement de la socit des loisirs, suite au baby-boom des annes soixante. En effet, la croissance du nombre des jeunes et leur besoin d'encadrement ont oblig les pouvoirs publics ragir. Auparavant, seuls des organismes caractre religieux s'occupaient des ac-tivits pour les enfants et les adolescents. Au dbut des annes soixante, en prenant modle sur les "Maisons des jeunes et de la culture" (les MJC) fran-aises, se cre le premier centre lac pour les jeunes (Saint-Gervais). Le but premier de la construction de ces maisons tait la prvention de la dlinquance juvnile. Puis, au cours des annes soixante-dix, on voit s'ouvrir de nouvelles maisons dans les diffrents quartiers de Genve. Les maisons de quartier et centres de loisirs n'ont pas toutes t cres sous l'impulsion des autorits. La plupart ont t ouverts suite une demande des habitants des quartiers (associations, ptitions, groupes de parents, etc.). En effet, les centres de-vaient apporter des rponses des sollicitations auxquelles la socit civile avec ses moyens traditionnels ne pouvait plus rpondre. On constate dailleurs que le Canton de Genve a rempli dans ces situa-tions son rle "dEtat-providence". Il a fourni ou fait construire les locaux, mis en place une commission charge de superviser les centres, ainsi que de leur distribuer les subventions et de rpartir les animateurs en fonction des besoins (Vuille 1992: 196; Vuille et Kurz 1994). Cette animation de gestion est non seulement compose des centres de loisirs et maisons de quartier, mais elle comporte aussi des lieux qui propo-sent des activits culturelles plus vastes. L'volution de Centre de Saint-Gervais reflte fidlement le parcours de l'animation Genve. En partant d'une optique prventive pour la jeunesse, l'animation a volu vers une ou-

    13 Dans un essai de rendre comparable le comparable, nous nous sommes inspirs en partie de la terminologie propose par Jean Kellerhals (1988; Kellerhals 1974; Haering 1998), sans arriver par contre aux mmes rsultats ni pour les catgories spcifiques, ni pour la typologie gnrale.

  • 82 SANDRO Cattacin, ISABELLE Renschler, BENITO Perez et Elonore ZOTTOS

    verture l'ensemble de la population et a ainsi largi son champ d'activits. Saint-Gervais s'est transform dans les annes quatre-vingts en un centre d'animation culturelle. L'animation de gestion a subi de nombreuses volutions. La plupart des maisons de quartier et centres de loisirs ont tendu leur champ d'activits en s'ouvrant sur le quartier. Des liens se sont ainsi crs entre la population et ces organisations, celles-ci tant alors confrontes directement aux probl-mes du quartier. Les relations avec les autorits sont stables et relativement sans conflit. Ceci nous permet de conclure lgard de ce type danimation quil fait partie, dune certaine manire, de loffre "tatique" tablie.

    Lanimation dallgeance

    Un deuxime groupe comprend les organisations 3/4/5/13. Ces organisa-tions sont similaires par rapport quatre variables, dont une la rfrence des valeurs traditionnelles que nous jugeons dterminante pour ce regrou-pement. Nous lappelons "lanimation dallgeance". Elle regroupe des as-sociations et des organisations qui reposent sur des valeurs traditionnelles communes, des valeurs fortes qui sont intgres dans les murs de la soci-t. Sa lgitimit d'existence trouve les racines dans l'affinit avec un consensus culturel majoritaire. La caractristique la plus importante qui res-sort de ce type est la relation trs limite que les associations et les organisations entretiennent avec les autorits communales et lEtat. Ils disposent en fait d'une grande autonomie financire et leur libert d'action n'est pas limite par dventuelles subventions, des donations ou des sponsors. Ce fait est fond sur une lgitimation pralable de leur action, donc une acception politique qui nest pas renouveler parce

    uq 'indiscute. Cette sorte d'animation existe depuis plusieurs dcennies et s'est dve-loppe avant l'avnement de la socit des loisirs et ses besoins connexes. Centrs apparemment sur une activit principale, les institutions visent aussi bien la sociabilit interpersonnelle quune prsence "civique" dans la com-munaut locale et la perptuation dune thique corporatiste spcifique (cf. le modle dallgeance, Kellerhals 1988). L'objectif premier est d'offrir toutes les couches sociales l'accs des loisirs sportifs et culturels, souvent des cots moindres que ceux du march (Saz 1994: 28). Les organisa-tions, associations et fondations appartenant cette catgorie peuvent tre rattaches des institutions existantes (lexemple du scoutisme) ou tre cres de toute pice par des particuliers. Chaque type d'organisation vise un public spcifique, qui est dans la plupart des cas un public jeune. Dans cette catgorie, nous trouvons une multitude particulire dactivits offertes (la palette stend du cercle biblique, en passant par lentranement, la soire en disco) en raison de la grande varit de types dorganisations

  • LANIMATION SOCIOCULTURELLE A GENEVE 83

    et dassociations. Les diverses activits sont lies des institutions qui peu-vent avoir comme valeur centrale la sant corporelle (par le sport), la fa-mille, le groupe ou encore la religion. Au sein de l'animation dallgeance, le financement se fait gnralement grce aux frais d'inscription ou une contribution personnelle. Ce type de fonctionnement permet aux associations d'tre relativement indpendantes de lEtat et de fonctionner parfois comme une entreprise prive. Mais il existe aussi certains cas o le Canton ou la Commune participent au budget et au fonctionnement de l'organisation par des subventions modiques ou par des contributions de type logistique. Celles-ci nimpliquent cependant aucun engagement au niveau du programme, car l'apport financier ne confre pas de pouvoir dcisionnel ou de contrle sur les activits des dirigeants. En gnral, nous pouvons constater de la part des organisations appartenant au groupe danimation traditionnel le dsir d'tre dconnectes du pouvoir public tout en ne pas excluant loption de lui demander son aide sans en dpendre.

    L'animation de conscientisation

    Dans le troisime groupe figurent les organisations 6/16 qui partagent cinq dimensions dont la plus importante est la relation de coopration avec lEtat qui, travers des contrats, cherche stabiliser la conflictualit latente entre le ple tatique et les revendiquants. Elles reprsentent ce que nous appe-lons "lanimation de conscientisation". Lanimation de conscientisation s'est cre en nette opposition avec loffre culturelle traditionnelle de lEtat. Des groupements de jeunes ont promu des centres culturels qui se caractrisent par des activits cibles sur une population qui ntait pas touche par lanimation dallgeance ou de gestion ainsi que par des propositions cultu-relles qui manquaient de lieu et dadvocacy. La relation avec les autorits est passe dune attitude conflictuelle rciproque des formes de tolrance, voire de coopration apprivoise entre ces groupements de jeunes et les au-torits ce phnomne est visible non seulement Genve, mais aussi dans dautres villes suisses et europennes (Giugni 1995: 334f.; Moroni et al. 1995). Lanimation de conscientisation est accepte depuis des annes pour sa contribution la croissance culturelle de la ville et souvent subvention-ne par lEtat.14

    14 Notons que la ville de Zrich a rcemment institutionnalis la "Soziokultur" en ouvrant un office

    spcifique (Amt fr Soziokultur). Dans une communication, les responsables politiques justifient comme suit la mise en place de cet office: Der Begriff Soziokultur - vor vier Jahren noch heftig um-stritten - hat sich inzwischen eingebrgert. Soziokultur hat in einer Stadt wie Zrich einen grossen Stellenwert, weil sie Verbindungen zwischen Menschen schafft und so prventiv wirkt. Mit dieser Vorlage soll eine neue und umfassende rechtliche Basis fr die Soziokultur geschaffen werden, die den modernen Bedrfnissen gerecht wird (Stadt Zrich, Medienmitteilung vom 15.4.1999 der). Ce

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    Pour la jeunesse "alternative" du canton, expression artistique et autoges-tion ont trs longtemps rim avec prcarit et rpression. Alors que Lau-sanne et Zurich ont dispos, ds le dbut des annes quatre-vingts, de cen-tres culturels indpendants, les Genevois devaient se contenter dorganiser des ftes "sauvages" et des "squats" de fortune. Pourtant, la politique des autorits genevoises face la scne alternative est aujourdhui souvent cite comme exemple dune intgration russie (Pedrazzini 1996: 141). En effet, les autorits ne rpriment plus ces activits souvent critiques lgard de lEtat, mais cherchent les canaliser par la tolrance et par la mise dispo-sition de lieux et de soutien financier.

    L'animation indpendante

    Enfin, les organisations 8/15 peuvent aussi tre regroupes ensemble. Parta-geant six dimensions, ce quatrime groupe forme un ensemble spcifi par le concept de la "deuxime ville" (Blanke et al. 1986) qui implique une in-dpendance quasi totale des organisations par rapport aux acteurs tatiques. En effet, il sagit dun monde parallle qui sest dvelopp ct de la ville officielle, avec des rgles, mais aussi des rfrentiels culturels et sociaux autonomes. Par consquent, nous lappelons "lanimation indpendante". Cette animation touche une partie de la socit urbaine qui ne frquente pas les autres types danimation. Le soutien tatique nest pas souhait, car ces organisations ont des projets qui font partie de sub-cultures spcifiques (Pe-drazzini 1996: 138). Une autre caractristique de cette forme danimation est quelle nest pas forcment lie des espaces confins. Au contraire, elle semble se faire dans des espaces qui sont "investis" pour une dure dtermi-ne, et quil sagit de faire "vivre" par une action spcifiquement conue pour ce lieu. Cest un mode daction qui se conoit comme point de cristal-lisation et comme centre dune ide, dun mouvement ou de plusieurs initia-tives convergeantes plutt que comme lieu physique stable dans le temps (par exemple le centre culturel). Ainsi, nous pensons reconnatre dans lanimation indpendante un espace culturel autonome, parallle aux autres types danimation qui entretiennent tous, un lien plus ou moins fort avec les pouvoirs publics.

    choix a dailleurs t confirm par votation le 13 juin 1999 lorsque llectorat zurichois a entrin un nouveau cadre lgal pour les projets de "Soziokultur".

  • LANIMATION SOCIOCULTURELLE A GENEVE 85

    Production danimation socioculturelle dans le contexte urbain : entre tatisme et autonomie

    Les diffrents types danimation que nous avons mis en vidence illustrent que les formes danimation socioculturelle se sont multiplies travers le processus de scularisation et de diffrentiation de notre socit, et que lEtat doit en tenir compte. En effet, ladministration urbaine nest plus le champ privilgi des institutions mais se doit galement dintroduire des acteurs nouveaux devenus, pour diffrentes raisons lgitimes: entreprises prives, oprateurs de rseaux, secteur associatif (Lefvre 1997: 161). L'espace urbain avec sa densit de phnomnes sociaux et son attraction centralisatrice est le terrain propice et ncessaire au dveloppement de ce pluralisme. Il est une arne dans laquelle une multitude de besoins et dintrts convergent (Meier Dallach 1991: 58) et dans lequel des tensions diverses trouvent leur expression. Il abrite les acteurs et leur livre des lieux dexpression qui ne sont pas contrlables ni programmables dans leurs for-mes et leurs transformations. Ds lors, chaque forme danimation y trouve son rle et sa lgitimation (Tableau 3).

    Cette multitude de formes danimation est aussi synonyme dune pluralit de lieux dexpression, et, plus prcisment, despaces intermdiaires, comme les espaces autonomes qui se trouvent mi-chemin entre espace priv et public. Car ils se caractrisent, plutt que par leur ouverture et leur visibilit dans la cit, par un accs limit aux personnes qui connaissent le "mot de passe".

    Tableau 3: Lanimation socioculturelle: une typologie Valeurs centrales Rle de lanimation Lgitimation Animation dallgeance (semi-professionnelle)

    tradition culturelle reproduction so-cioculturelle des traditions

    valeurs morales (subventionne par lEtat)

    Animation de ges-tion (profession-nelle)

    sociabilit production de culture et dintgration so-ciale

    Etat - providence (garantie dEtat)

    Animation de conscientisation (bnvole)

    cultures non-rentables cultures alternatives

    dfense de cultures alternatives; lieux dabris

    Canalisation de diffrences cultu-relles (subvention-ne par ltat)

    Animation ind-pendante (bn-vole)

    sub-cultures Intgration et stabi-lisation de sub-cultures

    Auto-lgitimation lintrieur de la sub-culture (sans aide tatique)

  • 86 SANDRO Cattacin, ISABELLE Renschler, BENITO Perez et Elonore ZOTTOS

    Ceci nous mne deux constats : dune part, il existe la ncessit de crer et de recrer des espaces de rencontre dans la ville pour des cultures ou des modes de vie autrement isols; dautre part, il est trs difficile de dfinir lespace public de la ville par un nombre restreint de lieux formels. Le premier constat nous sensibilise la ncessit dune vision pluraliste danimation socioculturelle qui seule respecte la diffrence exprime par une socit civile "clate" (Castel 1988). Ceci signifie que de multiples formes et lieux de production sont ncessaires pour atteindre la population dune ville avec une culture qui nest pas celle de "masse", mais celle des "minorits" (McAll 1995). Cependant a ltat actuel dans la situation de logique de comptition entre villes (Ascher 1995; Le Gals 1993) la culture est utilise pour le dveloppement conomique, pour limage de la ville et les villes sont amenes dvelopper les vnements et les quipe-ments de prestige. Les activits culturelles sont de plus en plus intgres dans cette logique et la concurrence est un puissant principe de dynamisa-tion, de multiplication des initiatives et de course en avant. Le risque existe que ce dveloppement se fait aux frais dun certain pluralisme. En effet, Le Gals (1993: 461) ne manque pas daffirmer que si des moyens financiers importants sont investis dans des quipements de prestige, cet argent ne sera pas disponible pour dautres services. De la mme faon, les initiatives lo-cales venant de la socit civile risquent de pas trouver dcho suffisant au niveau tatique. Cependant, le pluralisme nous semble un facteur important dintgration et de stabilisation de formes de vie qui nest pas ralisable par la seule action traditionnelle ou conventionnelle mene par lEtat qui est, elle, oriente vers une ville aux classes sociales clairement identifiables (Gillet 1995: 247; Gros et al. 1993: 16). Moyennant diffrentes formes daction et des programmes socioculturels trs varis, qui constituent de vri-tables fers de lances contre lanomie sociale et les effets datomisation, se cre de la sociabilit qui est, son tour, la base de la production de socit. Le deuxime constat du morcellement en espaces autonomes doit nous mettre en garde, parce qu'il peut miner le projet dmocratique de construire un espace urbain qui soit aussi un lieu dintgration politique de la socit. Nous sommes de lavis que la diffrentiation culturelle demande effective-ment une diffrentiation de laction, mais restons perplexes lide que celle-ci amne la perte de lespace dmocratique public, comme lexprime Pedrazzini (1996: 145) propos de Genve:

    Penser lavenir de la culture urbaine Genve autrement dit, antici-per lmergence dune culture mtropolitaine passe par une reconsidra-tion de lespace public, celui de la communaut, lespace culturel partag et non lespace priv du crateur, de lauteur. [...] Il faut encourager des lieux, les prparer sinscrire dans la dynamique des villes et jouer leur rle dans le processus de mtropolisation de la rgion [...].

  • LANIMATION SOCIOCULTURELLE A GENEVE 87

    Derrire le dveloppement dune multitude de lieux dintgration socio-culturelle autonome, le projet despace dmocratique risque de se retrouver en arrire-plan (Busset et al. 1992: 41). Sil nest plus possible de promou-voir la rencontre entre les diverses formes dexpression, parce quelles ne se laissent pas intgrer dans les procdures standard de la dmocratie, nous devons nous poser la question: quelle est la structure qui peut potentielle-ment ouvrir un discours dmocratique dans la ville? Confront la prolif-ration des espaces "sub-politiques" (Beck 1993: 154) reprsents par les lieux danimation socioculturelle, le systme politique devrait se transfor-mer de manire permettre la cration de cette citoyennet diffrentielle (Young 1990) qui permet, par la suite, d'offrir la possibilit d'une confronta-tion dmocratique avec les modes dexpression existants, tout du moins pour ce qui concerne les questions se rapportant l'ensemble d'une popula-tion dun territoire politique dfini. Car, ce que nous constatons actuelle-ment, cest lexistence dun paradoxe qui veut que les appartenances se multiplient et les espaces stendent, alors que la citoyennet se rduit ou stiole puisque les enjeux sortent des cadres institutionnels dans lesquels elle sexerce traditionnellement. Ce rtrcissement de la citoyennet se ma-nifeste dans une priode o les pratiques citoyennes semblent revivifies par les possibilits dintervention sur le cadre de vie (Joye et Leresche 1993: 372). De ce fait, tolrer ces interventions ne suffit pas, il faut un Etat ouvert au dialogue, ou comme le dfinit Jacques Donzelot, un Etat "anima-teur" (Donzelot et Estbe 1994). Ce type dEtat est prt intgrer la diversit qui, elle, produit des activits essentielles la survie des socits urbaines (pour la Suisse: Wehrli-Schindler 1995: 146-149), garantissant lintgration des multiples formes et modes de vie qui se retrouvent sur le territoire ur-bain. Dans cet article, nous ne pouvons quamorcer cette rflexion qui devrait tre approfondie de faon plus systmatique. Nous renvoyons uniquement au thme plus gnral, tel que formul par John Rawls (1993), de la cration de socit dans des contextes pluraliss. Pour la ville, cela signifie que les procdures de dlibration dmocratique doivent ncessairement souvrir aux groupes qui ne sont actuellement ni viss par les programmes tatiques traditionnels, ni reprsents au sein d'institutions dlibratives. lEtat local devrait donc crer des interfaces comme cela a t possible dans le cadre de lanimation de conscientisation et pouvoir par l tenir compte des be-soins et des communauts diverses lors de la dfinition de la politique so-cioculturelle de la ville. La mise disposition de modes de participation plus importants, notamment dans le cadre de gouvernance urbaine, pour promouvoir la cration de consensus ponctuels autour de projets de vie communs dans des contextes urbains semble simposer.

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    Anreize bietender Staat oder "zweite Stadt" : Die sozio-kulturellen Veranstaltungen in Genf Dieser Artikel analysiert die bunte Landschaft der sozio-kulturellen Veranstaltungen in Genf. Von einem geschichtlichen Streifzug durch ihre Entwicklung ausgehend bieten die Autoren eine Typologie, die zwischen einer "treuepflichtigen" Gestaltung auf der Grundlage von traditionellen Werten und Eingriffsformen, einer "bewirtschaftenden" Gestaltung, die durch die Professionalisierung der Interventionen ge-kennzeichnet ist, einer "bewusstseinsbildenden" Gestaltung in konflik-tueller Kooperation mit den staatlichen Instanzen und schliesslich einer in kulturelle Nischen eingefgten "unabhngigen" Gestaltung unter-scheidet. Diese Typologie ermglicht es, einerseits Vernderungen in den Handlungen des Staates, der Ttigkeiten entwickelt, um Anreize zur selbstorganisierten Gestaltung anstelle von geplanten Interventio-nen des gesellschaftlichen Bereichs zu bieten, zu unterstreichen und andererseits die Vielfalt in der Veranstaltungspraxis, die sich zwischen vollstndiger staatlicher Abhngigkeit und zweiter Stadt befindet, her-

  • LANIMATION SOCIOCULTURELLE A GENEVE 91

    vorzuheben. Die Folgen dieser Wandlungen werden unter dem Ge-sichtspunkt ihres Beitrages zur Schaffung von neuen ffentlichen std-tischen Rumen sowie der Auswirkungen der Vielseitigkeit in der Ges-taltung auf die Stellung der Politik in der Gesellschaft besprochen. State initiatives or a second city: the promotion of socio-cultural activities in Geneva This paper analyzes the heterogeneous landscape of socio-cultural ac-tivities in Geneva. Starting with a historical survey, the authors pro-pose a typology distinguishing between "non-oppositional" activities which are based on traditional values and forms of intervention, "man-aged" activities, characterized by professionalization, "consciousness-raising" activities, where relations with state authorities are fraught with conflict, and finally "independent" activities, which survive in cultural niches. This typology allows us, on the one hand, to highlight changes in the approach of the state that have led to activities being or-ganized by communities themselves instead of the state making planned interventions into the social realm. On the other hand, it dem-onstrates the diversity of contemporary practices, which range from to-tal dependence on the state to the concept of a second city. The conse-quences of such changes are discussed in terms of their contribution to the creation of new urban public spaces and of the effect that the diver-sity of socio-cultural activities has on the dissemination of politics throughout society.

    Sandro CATTACIN, Laboratoire de recherches sociales et politiques appliques, Universit de Genve, Bd. Carl-Vogt 102, CH-1211 Ge-nve; E-mail: [email protected]. Benito PEREZ, rue de Berne 12, CH-1201 Genve. Isabelle RENSCHLER, Collaboratrice scientifique IREC-DA\EPFL, Ecole polytechnique fdrale, Case Postale 555, CH-1001 Lausanne; E-mail: [email protected]. Elonore ZOTTOS, Ch. Prudent-Balland, 36 St-Maurice, CH-1222 Ve-senaz. Paper submitted on 6 January 1999; accepted for publication on 23 June 1999.