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CatalogageavantpublicationdeBibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecetBibliothèqueetArchivesCanada
G.,Sylvie,1972-Laissetomber…Ilestsûrementgai!
ISBN978-2-89585-708-2I.Titre.
PS8613.O93L342016C843’.6C2016-940077-8PS9613.O93L342016
©2016LesÉditeursréunis(LÉR).LesÉditeursréunisbénéficientdusoutienfinancierdelaSODECetduProgrammedecréditd’impôtdugouvernementduQuébec.
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Édition:LESÉDITEURSRÉUNISwww.lesediteursreunis.comDistributionauCanada:
PROLOGUEwww.prologue.ca
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Dépôtlégal:2016BibliothèqueetArchivesnationalesduQuébec
BibliothèquenationaleduCanadaBibliothèquenationaledeFrance
1Identique à celle que l’on voit dans les brochures de voyage, la plage de laRivieraMaya sur
laquellejesuisallongéeestparadisiaque.Lecielestbleuetsansnuages,l’eaudelamer,cristalline,etlatempérature,presquetropbellepourêtrevraie.Pourtant,j’ailecœurauborddeslèvres,etcen’estpasjusteenraisondelaquantitéphénoménaledetéquilaquej’aiingurgitéelaveille.
—QuiveutunPiñaColada?demandeAlexaenselevant.Lesmainsdemesdeuxamiessetendentdansunparfaitsynchronisme.—Maëlie?J’attrapeleflacondeplastiquequitraînesurmachaise,prèsdemespieds.—Nonmerci,mabouteilled’eauferal’affairepourl’instant.Zoeymeregardeducoindel’œilenfinissantd’appliquersalotionsolaire.—Gueuledebois?J’ai un peu trop bu, mais la vérité c’est plutôt que je suis déprimée. Je croyais que partir en
voyageauMexiqueavecmescopinesm’aiderait àoublier lederniermoisdemavie,mais j’avaistort.
—Tusaisbienquenon!répondCrystalàmaplace.Elleestencoreentraindes’apitoyersursonsort.
Elle me connaît trop bien pour avoir à se retourner pour savoir que je la fusille du regard.Allongée sur sachaisedeplage,monamiea sesénormes lunettesde star etprofitedes rayonsdusoleilardent.Sansbougeroumêmesedonnerlapeined’ouvrirlesyeux,ellereprend.
—Maëlie,arrêtedemefairedesyeuxféroces.Alexa,apporte-luiunverre,çalaremontera!Sansattendrema riposte,Alexa se rendvers lebaraupasdecourse.Zoey flanqueses lunettes
danssonvisageetsejointàCrystaldanssaséancedebronzage.Crystalaraison,jesuisencoreentrainderuminercontremonex-petitamietmonex-patron.Lesdeuxorduresquiontfoutumavieenl’air!Jesaisqueletempsmelesferaoublieretquebientôtj’enrirai,mais,pourl’instant,j’ensuisincapable.
—Cetype-làneteméritaitpasdetoutefaçon,commenteZoeyenbaissantsamonturepourmieuxobserverunmecauxabdominauxsculptésquipassedevantnous.Quisait?Unjour,turemercieraspeut-êtreFélixdet’avoirtrompée.
Zoeyaussiaraison.Mêmesitrouvermonamoureuxdanslelitavecunejeunemannequindedix-huitans–soitdixansdemoinsquemoi–m’adonnéunsérieuxcoupdepoingàl’estime,ilestvraiqu’iln’étaitpasexactementl’hommedemesrêves.Jel’airencontréunanauparavant.Ilm’ademandél’autorisationdemephotographieraumomentoùj’étaisdansuncafé.J’aid’abordsourienpensantquec’étaitoriginalcommefaçond’aborderunefille,maisj’aivitecomprisqu’ilétaitphotographeetqu’ilavaitbesoindeprendredesclichésdel’endroitoùj’étaispourenfairelapromotion.Quandilaeuterminédefairelesphotosqu’ilespérait,ilm’ademandés’ilpouvaits’asseoirunmoment.Onalonguement discuté. Sa volubilité et son sens de l’humourm’ont séduite.Aujourd’hui, je sais quec’étaitsatechniquededrague.Ilétaitaussiloquaceparcequ’iltenaittoujourslemêmediscours;ill’avait souvent pratiqué ! Ensuite, les choses sont allées vite… sans réellement mener nulle part.Comme on travaillait beaucoup, on avait peu de temps pour se voir. Au fond, lorsqu’on serencontrait,c’étaitpourbaiser.Lesprojetsàlongtermenefaisaientjamaispartiedesdiscussions.Etça,c’estquandondiscutait.Laplupartdutemps,iln’avaitpasgrand-chosed’intelligentàraconter.
—Jenevoispascequi tedérange,reprendCrystal, toi-même,tudisaisquevotrerelationétaitsansbutetquetuprévoyaislelaisser.
—Ilajustedevancétesprojets,ajouteAlexaquiarrivedéjàavecnosboissons.—Jelesais!Jem’interrompsqueletempsd’attraperleverrequemonamiem’offre.— C’est quoi, leurs problèmes ? Les hommes sont-ils vraiment tous des imbéciles qui ne
réfléchissentqu’aveccequ’ilsontentrelesjambes?—Oui ! rétorqueCrystal sans hésiter.C’est pour ça que tu ne devrais pas perdre ton temps à
pleurnicherpourl’und’entreeux.Surtoutpaslui.Tudevraisvivretavieetutiliserleshommespourcequ’ilsontdebonàoffrir,commemoi!
Crystalestlaplusindépendantedenotregroupeetaussilamoinsàrisqued’avoirlecœurbrisé.Ellecoucheavecquielleveut,quandelleenaenvie, sans jamais rienattendredequiconque.C’estprobablement pour cette raison que les hommes se collent à elle comme desmouches.Cette joliebrune,architectedeprofession,estintelligenteetintrépide.Cettebelleaucœurinaccessibleatouteslesalluresd’unmiragepourlesmecsquisedisputentlerôledeceluiquiluimettralegrappindessus.Jelaconnaisdepuisnosétudesàl’universitéetjamaisellen’aeudepetitamiofficiel.Pourtant,ilyatoujoursunmâledanssonlit.
—Tusais,jecroisquetuasraison!Jepensequ’àpartird’aujourd’huijenechercheraiplusleprincecharmant.Jevaisdevenircommetoi,autosuffisanteetsanspitié.
Zoey et Alexa échangent un regard amusé devant des propos, que je suis moi-même étonnéd’avoirprononcés.
—Sanspitié!N’exagéronsrien,rétorqueCrystalenserelevant.Elle retire ses verres fumés qu’elle dépose sur son sac de plage, noue le haut de sonmaillot
derrièresanuqueetsetourneversmoi.—Allez,Maëlie,jet’accompagnedanslamerpourvoirsidesproiespotentielless’ytrouvent!
Je temontreraicomment tudevraisutiliser tesappasquandtunecherchespas lepèrede tesfutursenfants!
Bienquejesoisconfortablementinstallée,j’acceptesonoffre.J’attachemalonguecrinièrebruneenunequeuedechevaletmerelèveenconservanttoutdemêmemonPiñaColadadanslamainpourm’aideràpassermonstress.Crystalestdugenreàaccosterleshommessanspréambule.Safaçondefairemerendnerveuse,alorsavoirlapossibilitédetripoteroudemordillermapaillem’aideàmedonnerune faussecontenance.Contenanceque jene réussiraipasàatteindre,carvoir leshommescommedes«proiespotentielles»estpourmoiunefaçoninhabituelled’aborderlaséduction.Encoreunefois,Crystalditvrai;àcejour,chaquehommeaplutôtétéperçucommeunmarietungéniteuréventuel. Quand je rencontre un type bien, je m’emballe trop vite et j’imagine les plus beauxscénariosdignesdescontesdefées.Laréalités’avèretoujoursdécevante.
Ehoui,jesuisdecesfillesquisesontfaitliredeshistoiresdeprincessesetquiaspirentàdevenirla prochaine Cendrillon ! Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… Oui, je le veux ! J’aitoujours souhaité rencontrer un gars romantique quime courtiserait à lamanière dont le font lestypesbeaux,intelligents,fortsetrichesdesromansàl’eauderose.Jesuisidéaliste?Probablement.Enfin,jel’étaisavantaujourd’hui!Celadit,j’aimequandmêmecroirequel’amour,levrai,celuiquivousfaitvibreràl’intérieur,existevraiment.Bon,jenesuisquandmêmepassistupide.Jesaisfaireladifférenceentre le fantasmeet la réalité !Etmême si j’ai tous les symptômesd’unedépendanteaffective,jepréfèreêtrecélibatairequ’avecn’importequi.Etcettefois-ci,jen’aipaslemoralàmefairejetercommeunevulgaireguenille.C’estpourcetteraisonquej’aiprisladécisiond’essayerdefaireleschosesautrement.
—Alors,sexy,c’estquoitongenre?demandeCrystalenscrutantlesalentours,commesionétait
àlarecherchedegibier.Brun,blond,roux,grand,petit,sportif,àl’allureintello…Lui!crie-t-ellesansmelaisserrépondre.Ça,c’estmongenre;ilestgrand,prendbiensoindesoncorps,maispastrop.Onneveutpasuntypequipasseplusdetempsàs’occuperdesoncorpsquedunôtre!
Excellentpointdevue!—Ilestjusteassezviril;onneveutpasunCro-Magnonquirote,maisonnesouhaitepasnon
plusunmétrosexuelquinousdonnel’impressionqu’ilestplusaufaitdesdernierstrucsinencuisinequenous.
Autrebonargument.—Sadémarcheestassurée,donc ilaconfianceen lui,maissa têten’estpas trophaute,cequi
indiquequ’iln’estpasnonplusimbudelui-même…J’écouteCrystaldécriresesimpressionsdecetype,quipourmapartestseulementungarsavec
unmaillotbleumarine,enmedisantquetoutestclairementunequestiondeperception.—Sonami,ilteplaît?—Euh…Jenesaispastrop,ilestmignon,maisilfaudraitquejeluiparle.Crystals’immobilise,setourneversmoi,grimaceenmeregardantavecunetêtequisetraduitpar
:c’estquoi,lerapport?Lesgarsquej’aifréquentésn’ontjamaiseulemêmeprofilphysiquement.Puisque je cherchais un mari et non un jouet, je ne m’étais jamais vraiment arrêtée à cet aspectsuperficiel.J’aibienunpetitfaiblepourlestypesauxcheveuxetauxyeuxpâles,maisceuxpourquij’aiuneattirancephysique s’avèrent toujoursêtredesordures !Alors je suis trèsvigilanteen leurprésence.Saufquemaintenant,sijen’aipasd’attente,jedevraisvoirleschosesautrement.
—J’aimelessportifs.—Doncgrandetmusclé?demandemonamie.—Euh…grand?Oui.Musclé ?Disonsplutôt fermequemusclé. J’aimeunemusculaturebien
définie,maislebodybuilding,cen’estpasmontruc.—Tuasraison,m’appuie-t-elle,lesgarstropbaraquésnesontpasassezflexibles.C’estlimitant
pourleKâmasûtra!Jen’auraisjamaispenséàça!—OK.Allons-y,c’estlemoment,décrèteCrystalenreplaçantsesseinsdanssonbikini.Elle amorce samarche vers nos deux « proies », sansmême faire semblant d’être en train de
profiterdelamer.Non,ellesedirigedroitverseuxenregardantdansleurdirectionsansciller.Jesoupirebruyammentpourévacuermanervosité.
—Relaxe,Maëlie!chuchote-t-ellederrièresonsourire largementdéployé.Salut, lesgars!Oncherchait le bar,mais on vous a vus.On a pensé quemême si nos verres étaient presque vides, ilfallaitprendreuneminutepourvenirvousparler.Cen’estpastouslesjoursqu’onpeutrencontrerdeuxhommesaussiséduisants…onavaitenviedevousvoirdeplusprès!
Hein…quoi?Qu’est-cequ’ellevientdedire?Les deux types, plutôtmignons, nous regardent en souriant. Ils n’ont probablement jamais été
approchésdecettefaçon.—Qu’est-cequevousfaites?Vousnouscherchiez,jeparie!lanceCrystalentouchantlebiceps
duplusgrand.Ellealaissésoncerveausursachaiseouquoi!Bizarrement,legarstendsonbraspourquemonamies’yagrippe.Soncopain,unpeupluspetit,
maisàmonavisplusséduisant,mesourit. Il retiresesverres fuméspourplongersesmagnifiquesyeuxnoisettefoncédanslesmiens.
—Salut!
Aumoins,ilsparlentfrançais!Avecleuralluredelatino,ilsauraientaussibienpuêtrehispaniquesoumêmeitaliens.J’imagine
quemonamien’yauraitvuaucuninconvénient,maismoij’aimebiendiscuteravantd’échangerdesfluides. Je parle très bien l’espagnol, parce que j’ai étudié dans un programme de langues et j’aienrichimon vocabulaire à force de voyager dans le Sud, mais je ne connais que trois ou quatrephrasesenitalien.Etjenesuispascertainequ’ellessoienttrèssexy.Dugenre:«Quelestletauxdechangepourlamonnaiecanadienne?»
J’ignorecequemacopineapu raconter à ce type,maisàpeine troisminutes sontnécessairespourqu’elleseretrouvedanssesbrasunpeuplusloindanslamer.
CeluiquiestrestéseprénommeAntoine.Mêmesinoséchangessontplusverbauxquephysiques,jemetsunmomentàêtreàl’aise.Engénéral,jesuisplutôtvolubile,maisaborderquelqu’undecettefaçonm’apparaîtcomplètementabsurde. Ilme fautquandmêmeavouerque jepassedubon tempsavecAntoine,quiestchiropraticien.Commemoi,ilneparaîtpasêtreunadeptedu«embrasse-moietonparleraaprès».Àl’occasion,iljetteunœilversCrystaletsonamiensouriant.Sansjamaisoserdiretouthautcequ’onpensetoutbas,ilsecontentedesouleverunsourcilrieurdetempsentemps.
—Ilsontl’airdebiens’entendre!—Çadonnecetteimpression,répond-ilenriant.L’idéequ’iltrouvelaproximitédenoscopainstropimportante,bienqu’ilsneseconnaissentpas,
merassure.—Tuasenvied’allerfaireunpeudeplongéeenapnée?proposeAntoine.Plusloinprèsdela
falaise,ilyadescorauxetdesbancsdepoissonssuperbes.Quandjevaisenvacances, j’aimebienlézarderet liresur laplage,maislaplupartdutempsje
suisàlarecherched’activitéspourbouger.Alors,nonseulementAntoineestgentil,maisilafrappédanslemilleaveccetteoffre.
***Jesuisravied’avoiraccepté l’invitationd’Antoine.Ilavait raison,àquelquesmètresd’oùnous
étionsaumomentdesaproposition,ilyaunemultitudedemerveillesauxmillecouleurssousl’eau.J’ailesyeuxécarquilléscommeunepetitefille.Jenepeuxm’empêcherdelaisseréchapperdescrisquandlespoissonsmefrôlent.Ilyenapartoutautourdenous.C’esttoutsimplementsublime.Nosmasques et tubas sont inutiles. Le niveau de l’eau étant très bas,marcher en penchant la tête nouspermetdebienlesvoir.Antoine,lui,sembletrouveraussiintéressantdemeregarderm’exclamerqued’observer lespoissonseux-mêmes. Ilmesourit sanscesse.Toutcompte fait, je suisheureusequemonamieàlacuisselégèrem’aitentraînéeàla«pêchedeproiespotentielles»;j’aifaitunebelleprise!
Ildoits’êtreécoulédeuxheuresquandAntoinemeraccompagneàmachaise.Lesfillesn’ysontplus.Ellesontsûrementgagnélachambrepoursedoucheravantdesortirsouper.
—J’aipassédubontemps,Maëlie,mercipourcebelaprès-midi.—Mercidem’avoirfaitdécouvrircepetitcoindeparadis.J’yretourneraichaquejourjusqu’à
mondépart.—Ouais,benjustement.Moi,c’étaitmadernièrejournée.Zut!Moiquiletrouvaisgentil,ildoitdéjàpartir.—J’aipasséunebellesemaine,maistoutebonnechoseaunefin.—Àquelleheureesttonavion?—Àvingtetuneheurestrente.
Zut!Etre-zut!—Quelleheureest-il?Antoinetournesamontrepourm’indiquerqu’ilestprèsdedix-septheures.C’estbientôt.Jeme
répète mentalement que c’est sans importance. Ma nouvelle façon de voir les hommes impliquejustementdesedireque,quandunneserapluslà,ilyenauradestasd’autres,non?
—Je suisdéçudedevoirpartirmaintenant. J’aiunpeuétiré le tempsparceque tumedonnaisenviederester,avoue-t-ilenmejetantunregarddoux.Parchance,mavaliseestprête.Ilnemerestequ’à filer sous ladouche, attraperunpetit quelquechoseàmanger etme rendredans lehallpourattendrel’autobus.
Aufond,madéceptiondécouledufaitquepourlapremièrefoisdepuismonarrivéej’avaisréussiàmechanger les idées.La rencontred’Antoinem’apermisde réaliserqu’il y adesgarsqui sontmieuxquemonex.C’estdéjàça.Etpuis,jesuisdeMontréaletluideQuébec,onpourrafacilementserevoirundecesjours.
Jesuispenchéesurmonsac,àlarecherchedecequ’ilfautpouréchangernoscoordonnées,aumoment où Antoine s’approche vers moi. Très près. Je lève la tête pour lui sourire, mais luim’observeavecunairsérieux.Tropsérieux.Etlà,sansavertissement,sansdélicatesse,ilplaquesabouchecontrelamienne.
Beurk!Voilà qui crève ma bulle ! Dieu que ce gars-là embrasse mal. Comme si c’était sa première
expérience à vie. Il est si maladroit que j’ai pitié de lui. Sa langue raide et visqueuse fait desmouvementsbizarresdansmabouche.
Ilfaitquoi,là?Unefouillearchéologique?Ilfautqueçaarrête,jefiniraiparmourirétouffée.Commentunhommedecetâgepeut-ilnepas
avoirdenotiondecequ’estl’artdufrenchkiss?Cours,Maëlie!Cours!Soudain,jesuisdoublementsoulagée;qu’ilcessecesuppliceetqu’ildoivepartirpourprendre
cetavion.Ondiraitqu’Antoine,lui,aappréciélebaiser–sionpeutlequalifiercommetel–parcequ’ilme
demande de lui remettre mon adresse de courriel. Après avoir essuyé la salive qu’il m’a foutuepartout,j’attrapeunboutdepapieretuncrayon,quejemepréparaisàsortirquandl’attaqueduprincedevenucrapaudestarrivée.Jegriffonnemonprénometmonadresseélectronique,enyglissantuneerreurvolontairement.Bon, j’avoue,c’estmalhonnêtedemapart,mais jen’aipasenviedegardercontactavecungarsquiaessayédem’arracherlesamygdales!
Désillusionnée, jeretourneàmachambreafind’yretrouvermescopinesquisontheureusesdeme revoir pourme bombarder de questions. Zoey et Alexa sont déjà habillées, alors que Crystalchanteencoredanslasalledebain.Lesquestionsfusentdepartout,maislesréponsesquantàelles,serésument toutes à lamêmechose : je suisdéçue.Aprèsque j’ai raconté aux fillesmonexpérienceaveclebeauetgentilgarçonàlalanguedereptile,Crystalnouspartagelasienne.Manifestementàl’opposédelamienne.
— Pourquoi je n’ai pas eu ta chance ? Ç’avait pourtant bien commencé. Il était charmant,sympathique,intelligentetj’étaismêmetristequ’ildoivepartir.Jen’arrivepasàcroirequ’embrassercegars-làapuêtreaussidégoûtant.Laprochainefois,tumedisceluiquetuchoisisetc’estmoiquileprends.
— Si tu veux,maismoi je ne perdrai pas toutmon après-midi avant de l’embrasser, de cettefaçon,jepourraivitepasseràunautreappel.
—Jen’aipasperdumonaprès-midi!J’aieudutrèsbontempsaveclui.—Bon,tuvois,rétorqueZoey.Voilàcequ’onvoulaitentendre!C’estvrai,c’estleplusimportant.Antoinearéussiàmedistrairepourunmoment.—Allez,lesfilles!Onvasortir,oublierlereptilienettrouverunautregarsquiplairaàMaëlie,
lanceCrystalenmepoussantverslasalledebainpourquejemedoucheàmontour.Cequejem’empressedefairesanstarder.J’adoreêtreauborddelamer,maisaprèsunejournée
àsebadigeonnerdelotionsolaireetàseroulerdanslesable,jesuistoujoursimpatientedemelaver.***
Àpeineuneheureplustard,noussommesassisesaubarpourboirel’apéro.Là-bas,commenousenavonsprisl’habitudedepuisnotrearrivée,onplacoteavecBenito,notresympathiquebarman.Etonobservelestouristes,àlarecherched’hommescélibataires.Toutespourdesraisonsdifférentes:Alexaetmoi,pourunfuturmari;Crystal,pourunamant;quantàZoey,unpeudesdeux.
NotreZoey, c’est labohèmedugroupe.Ellevoyage sanscesse.C’estd’ailleurs la raisonpourlaquelleellehabiteunminusculelogementquiestbienaménagé,biensitué,maisbonmarché.Étanttoujoursentredeuxcontinents,elleconsidèresademeurecommeuneescaleparmitantd’autres.Parchance,lesoutilstechnologiquesluipermettentdes’acquitterdesestâchesdetraductriceàlapige,oùqu’ellesoitdanslemonde.Savéritablepassion,c’estl’écriture.Ellerêvequel’undesesromanssoitpubliéparuneprestigieusemaisond’édition. Jusqu’ici, aucunéditeurne lui a retournéde réponsefavorable,mais je suis persuadée qu’un jour son rêve deviendra réalité, car notre amie a un réeltalent.Pourcequiestdeshommes,c’estcommepourseloger.Elleadesmecsdanssaviepoursesbesoinsessentiels!Maissicettejoliebrunettedevaitrencontrerunhommequiseraitprêtàlasuivrepartoutsurlaplanète,elleyferaitassurémentuneplacedanssonsacàdos.
OnzieutelesalentoursquandCrystalannonceunetrèsmauvaisenouvelle.—Oups!Alerte!Alerte!Unreptileenvue.Merde!— Je pense qu’il te cherche, observe-t-elle tandis que j’utilise Zoey et Alexa comme mur
d’invisibilité.Oh!Lemienestlàaussi.Jesupposequ’ilsveulentnoussalueravantdepartir.—Est-cequetucroisqu’ilsnousontrepérées?—Non,pasencore,répondCrystaltandisquej’observeparletrouquefaitlebrasrepliédeZoey.—Parfait!Aidez-moiàmerendreauxtoilettessansêtrevue.—Etcommenttucomptesfaireça?s’intrigueZoey.Bonne question, car il faut sortir du bar pour y accéder. Le reptile et son ami étant près de
l’entrée,çaneserapasêtreunemissionfacile.—Je l’ignore,mais crois-moi,mêmesi jedois ramper sous les tables, je trouveraiunmoyen
poursortird’icisansqu’ilmevoie.Mestroiscopinesrientdevantmontondéterminé.Jenesaispasdutoutcequ’ilyadesidrôle,je
suissérieuse.—Tunetrouvespasquetuexagères?demandeCrystal.—Ohnon!Jenevivraipascesuppliceunedeuxièmefois.—C’étaitvraimentsipénible?s’enquiertZoey.Jesimuleunhaut-le-cœurpourluifairecomprendrequeoui.— Je ne vois pas pourquoi tu veux te cacher, commente Alexa. Tu n’aimes pas l’embrasser,
d’accordjecomprends,maistun’asqu’ànepaslelaisserfaire,c’esttout.—Tusaisbiencommentçasepasse.S’ila l’intentiondemerevoir, ilvoudramettre lepaquet
pours’assurerquejesaisisselemessage.
—Maëliearaison,m’appuieCrystal.Leshommesmettentdansleursbaiserstoutel’intensitédesproposqu’ilssouhaitenttransmettre.Ilslefontdansleursgestesplutôtquedansleursparoles…Oh!Attendez,jepensequ’ilspartent.
Yes!—Non,ilsfontdemi-tour.Vite,Maëlie,réfléchis!Trouveunesolution.Àcetinstant,uneidéeidiotetraversemonesprit.Maispuisquec’estlaseule,jen’hésitepasplus
longtemps.Jemepencheetmemetsàmarcherentirantsurmesamiespourqu’ellescontinuentdemecacher.SanssavoircommentBenitoréagira,jemedirigederrièresonbar.Arrivéeàdestination,jechassemescopinesd’unmouvementdelamainetm’accroupisjusqu’àcequejesoisàpeuprèsàlahauteurdescuissesdeBenito.Ilmedévisageaveclefrontsiplisséquesessourcilsformentunelignecontinue.Jepositionnemonindexsurmeslèvrespourfaire«chut».Parchance,Benitotenteensuitedenepasmeprêtertropd’attentionpouréviterd’éveillerlessoupçons.Demonabri,j’entendsmescamarades sebidonner.C’est seulement à cemoment-làque je réalise àquel point je suis ridiculed’enfaireautant,justepouréviterdevoircetype.Quelqu’undegentilenplus!
—Salut,lesgars!lesaccueilleCrystal.VoiciZoeyetAlexa.J’entendslesvoixdesfillessemêleràcellesd’AntoineetdeLaurent.Laurent,c’estlemecavec
quimonamieapassésonaprès-midi…celuiquej’auraisdûchoisir!—L’autobus devrait arriver d’uneminute à l’autre. J’espérais voirMaëlie, elle n’est pas avec
vous?demandeAntoine.—Maëlie,commenceCrystal,est…—…derrièrelebar,complèteLaurent,visiblementsatisfaitdem’avoirtrouvée.Zut!
2Jecomprendsàmongranddésarroiquelemiroirderrièrelebarreflètel’imagedemacachette.
Commeuneidiote,jesuisaccroupieentredeuxchaudièresenpensantêtreinvisible,maisc’estenfaittoutlecontraire!Zoeymesauved’unehumiliation.
—Oui, j’aiperdumaboucled’oreilleetellearoulésous lebardeBenito.Maëlieessaiede laretrouver.
Alexarenchéritenmâchouillantsapaille,commepourdonnerdelalégèretéàcemensonge.—Zoeyluiaditquecen’étaitqu’unpetitbijousansgrandevaleur,maisnotreMaëlie,généreuse
commepasdeux,estprêteàseplierenquatrepourlaretrouver.—Saufquejen’ysuispasarrivée,dis-jesuruntondéçu.J’espèrequelesgarscroientquec’estenraisondubijouperduquej’aicetairdécouragé.Quoi
qu’ilensoit,enmerelevant, jedécouvreunAntoineheureux.C’estàcontrecœurque jemedirigeversluienaffichantunsourirefaux.Ils’approchepourmeprendrelamainetm’attireràl’écart.JevoisdansmonanglemortqueLaurentfaitdemêmeavecCrystal.ZoeyetAlexa,pourleurpart,ontun large souriremoqueur d’épinglé sur les lèvres. Je les ignore etmarche vers l’endroit où sontrassemblées lesvalisesdes touristesquis’apprêtentàpartir.Nousavançons lentementen fixant leslignesduplancher.
—Alorsc’estl’heure!—Ouais,unesemaine,c’estvitepassé.C’estbienparcequej’aidesclientsquim’attendentàla
cliniquequejen’aipastentédetrouverunvolplustarddanslasemaine.Fiou!—Écoute, Maëlie, je sais qu’on n’a passé que quelques heures ensemble, mais j’ai vraiment
apprécié ta compagnie. Je me disais que si tu viens à Québec, ou si moi je vais à Montréal, onpourraitsedonnerrendez-vouspoursouperouquelquechosedugenre.
Labouchepleine,ilnedevraitpasessayerdem’embrasser!—Biensûr!Tuasmonadresseélectronique,situviensdanslecoin,fais-moisigne.J’ailancémaréponsed’unevoixquej’espèreplusenthousiastequecequejesuisenréalité.Ce
seraitmieuxde luiavouerque jen’yvoisaucun intérêt,mais je suis incapablede rejeter lesgens.Aprèstout,c’estvraiqu’onapassédubontemps.Sijerefuse,ilnecomprendrapastroppourquoi.Etl’idéedeluidirequec’estdégoûtantdel’embrasseresthorsdequestion;çaleblesseraitinutilement.
Dèsquejevoisl’autobusarriver,jetendslamainversAntoinepourl’inviteràmeserrerlapince.Jesais,c’estbizarre,étantdonnéqu’ons’estembrassésplustôt,maisçanecoûteriend’essayer.Sansgrandesurprise,ilattrapemamainpourm’attirercontrelui.Jemeretrouvedoncàluifaireuncâlin.Je l’entends rire dans mon oreille, après quoi il pose un petit baiser sur ma joue. Dans d’autrescirconstances, je trouverais la scène mignonne, sauf que j’appréhende tellement la suite que moncorpsestanormalement raide. J’observe lesgensqui s’approchentdubusenme répétantquedansquelquesminutesilserapartietquetoutçaneseraqu’unmauvaissouvenir.
— Allez, viens ! Je t’accompagne, il ne faudrait pas que tu manques ton autobus, dis-je enl’attirantparlebras.
Enétantentouréedegens,j’aimoinsdechancededevoirsubiruncuretagedel’intérieurdemabouche.Antoinemesuit,maisjepeuxpratiquementliredanssonesprit;ilauraitpréféréqu’onresteàl’écart.
—Jetesouhaiteunvolsanstropdeturbulencesetunretourautravailtoutendouceur.Aprèsmesgentillesparoles,jesourisaimablement,toutenlaissantsamain.
—Hé!Netesauvepassansmedonnerunpetitbisouquandmême.Petitbisou?OK!Jemepencheetposeunbaiseràlasauvettesursajoue.Antoinerigole.Sijenesavaispasceque
jesais,jeletrouveraischarmant.Ilestbeauetsonsourire,vraimentradieux.Enplus,ilesttrèsgentiletlui,contrairementàbeaucoupd’hommes,neparaîtpascraindredes’ouvriroud’affichercequ’ilpense.Simonexpériencen’avaitpasétéaussidéplaisante,jevoudraisl’embrasserencemoment.Ànouveau,Antoinem’attireversluietveutposerunbaisersurmeslèvres,maisjetournelatêtejusteàtempspourqu’ilpuisseatteindremajouedroite.Sonvisageestperplexe.Visiblement,ilnes’attendaitpasàça.Ilsepencheencore,mais,cettefois,jeluiprésentemajouegauche.
Quec’estridicule!C’estaussicequ’ilpenseparcequ’ilattrapemonvisagedesesdeuxmainsetplaquesabouche
contre lamienne.À cemoment, je pince les lèvres pour l’empêcher de faufiler sa langue.Ce quiprovoqueunpetitbisousecetvraimentbizarre.Lesyeuxouverts,jepeuxpercevoirqu’ilfroncelessourcils.Quandiléloignesonvisagedumien,jedécouvreAntoinequim’observe,intrigué.Confusmême.J’aipitié.
Allez,Maëlie,faisunefemmedetoi.C’estcequejefais.Jeprendsmoncourageàdeuxmainsetm’approchelentementdelui.Jepose
unpetitbaisersurseslèvres,lesquelless’ouvrentlentement.Pendantunefractiondeseconde,jecroisque cette fois ce sera mieux… Erreur ! Lécher le fond d’un marécage est plus intéressant quel’intérieurdecettebouchevisqueuse.Etcettelangue,àlafoisraideetgluante.
Beurk!Parchance,LaurentmetfinàcemartyreendonnantuncoupàAntoineenpassantderrièrenous.—Allez!Ondoitpartir.Mêmesij’ail’impressionquedixminutessesontécoulées,danslesfaits,lecontactpoisseuxn’a
duréquecinqsecondestoutauplus.Malgrélanauséenaissante,jeluiadresseunsourireetluisouffleun«bonretour»acceptable.D’oùjesuis,jevoismesamiessetordentderire.
Arrivée au bar, j’engloutismon daïquiri aux fraises d’un trait, sous le regardmédusé demescopines.
—Pourquoil’as-tuencoreembrassé?questionneAlexa.—Parcequ’ilfaisaitpitié!—Pitié!s’exclameZoeyenretroussantsonnez.Tul’embrassesparpitié!Avantderépondre,jedécocheunregardmeurtrieràCrystalquiadumalàretrouversonsérieux.—Jesaisquec’eststupide,maisquevoulez-vous,jesuisfaitecommeça!Jen’aimepasrejeter
lesgens.Vousn’avezpasapprisça:nefaispasauxautrescequetunevoudraispasqu’ontefasse?—Tunedisaispascetaprès-midiquetuvoulaisêtrecommemoi,autosuffisanteetsanspitié?me
nargueCrystal.—Ouais,benvisiblement,j’aidescroûtesàmangeravantd’enarriverlà!Lesfilless’esclaffent.—Lapremièreétape,rétorqueCrystal,c’estarrêterdejouerlafilletropgentilleetapprendreà
direnon.Jesaisquec’estàl’enversdetafaçondefaire,maispenseàtoietagiscommes’iln’yavaitpasdelendemain.
Pasdelendemain…pasbêteça!***
Aprèsl’apéroaubaretlesouperbienarroséaurestomexicain,nousterminonsnotresoiréeàlasalledespectacle.Commechaquesoiràcetendroit,avantquelesgentilsanimateursnousdivertissent
demanièreunpeuplusprofessionnelle,desjeuxsontorganiséspouraiderlafouleàpatienter.Cesactivités, qui ont pour but de nous faire rire et d’humilier quelques touristes au passage, sonthilarantes.Cesoir,Zoeys’estportéevolontairepourmontersurlascène.Notreamieaviteregrettésa bravoure quand elle a compris qu’elle devait faire exploser les ballons en s’assoyant sur uninconnu.Commesicen’étaitpasassezridiculecommejeu,legarsestobligédelespositionnerjustesoussaceinture.
—J’aimal aux joues !hoquetteAlexaenobservant les couples improvisés sedonner corpsetâmepourréussiràgagnerunebouteilledetéquila.
—Apporte-nouscettebouteille,Zo!crieCrystalentredeuxéclatsderire.Pour ajouter à la situation déjà burlesque, le partenaire deZoey est bedonnant.Ce qui rend sa
tâcheencoreplusdifficile.Elletentedesefrotterplutôtquedeselaissertomber,carchaquefoisellerebonditsursabedaineetluilâcheunénormecriétouffé.Aprèscettesoirée,c’estcertainqueZoeyneseraplusuneinconnuepourpersonnedanscecomplexe.Augrandbonheurdenotrecourageuseamie,uncoupleestdéclarégagnantunedizainedeminutesaprèsledébutdusupplice.
Zoeynenousapasrapportélabouteilledetéquilaconvoitée.Maispourlaféliciter–etaussipourluifaireoubliersonhumiliationpublique–,Crystalacommandéplusieurstournéesdeladiteboisson.DeuxAméricainsdeNewYorkinstallésàproximitésesontjointsànouspourtrinquer.Commemoi,Bryan travaille dans le domaine des communications. Même si nous avons abordé ce sujet, c’estplutôtdevoyagequenousavonsdiscuté.QuantàsonamiNick,ilabeaucoupbavardéavecAlexa,quisembleêtretombéesoussoncharme.Unpeutroparrosée,cettesoiréeaprisfinasseztôt…etsansqu’aucunfluidecorporelsoitéchangé!
***Il est à peine six heures dumatin quand je décide deme lever. Je ne dors plus depuis un bon
momentet,àforcedegigoter,jetroublelesommeildeZoey,mapartenairedelit.Jedécided’allercourirpourpermettre àmesamiesde récupérer et essayerdedécrassermon systèmede tousmesabus.L’alcoolencoreprésentdansmoncorpsainsiquelachaleurralentissentmonrythme,maisc’esttoutdemêmeagréabledemepromenersurlecomplexeàcetteheure.Toutestcalmeetpaisible.Saufpour le chantdesoiseauxet les¡Holà!des quelquesMexicains que je croise, c’est silencieux. Jepeuxmeconcentrer surma respiration et lepaysage.Lepetit sentier sur lequel je cours est bordéd’arbustesaufeuillagevertvifetauxfleursrougesflamboyantes.C’estvraimentsplendide.
Après être allée déjeuner seule, histoire de revenir plus tard à l’hôtel, jeme rends dans notrechambrepourréveillerlesfillesquionttoutesunetêteàfairefuirlespluscourageux.
Mesamiesaffichentcetairamochépendantunebonnepartiedelajournée.Sibienquejedoismecontraindre à faire des activités en solitaire. Toutesmes propositions tombent à plat.Même nagerdanslameresttropexigeant!
—Petitesnatures!Unpeudetéquilaetvousdevenezléthargiques,dis-jeenmelevant.Crystal tournelatêtepourmefaireunegrimace.Quantàmesdeuxautresamies,ellesdorment
depuisqu’ellesontposélesfessessurleurchaise.LevisageverdâtredeZoeytémoignedesontauxd’alcoolémieencoretropélevédanssonsang.
Durantunelonguemarchesurlaplage,j’aidiscutéunbonmomentavecuncoupleduNewJersey.Ensuite,j’airencontréungarsplutôtétrange.Unfrancophonedel’Ontario.Letype,quiétaitdetouteévidenceà la recherched’unefille,m’amêmeoffertde l’argentafinque je l’accompagnedansunsafari. Je trouvaisplutôt louche son insistance.Si ses intentions étaient louables, il n’aurait pas étéaussisuppliant,c’estcertain.Aprèsavoirargumentépendantplusieursminutesavecluipourqu’ilmelaissetranquille,j’aidécidéderetournerfairedelaplongéeenapnée.LàoùAntoinem’aemmenéela
veille.Commelejourprécédent,lespoissonssontaurendez-vous.Jenemelassepasdelesregarderme
tournerautour.Jenagepaisiblement,latêteplongéedansl’eau,quandjeheurteunobjetdur.Enmerelevant,jevoisuntypesefrictionnerlecrâne.Jelâcheun«oups»,malgréletubaquejetiensentremesdents.Legars,aussiaffublédesonattirail,s’empressedeleretirerpourmedemandersijevaisbien.
—Jesuisdésolé,c’estmafaute.J’étaishypnotiséparlespoissons.Àmon tour, jemedépartisdemonéquipementpour lui répondrequec’estplutôtma faute.Le
mec,franchementséduisant,mefaitgrâcedesonsourireéclatant.Jeluirendssongestepolietremetsle tuba ainsi que lemasquedansmonvisageavantde replongerdans l’eau.Lui restedebout àmeregarder.Mêmesijecontemplelespoissons,jepeuxapercevoirqu’ilm’observe.Jenagedoncdansunedirectionopposée. Jen’aipas trèsenviedesocialiserencemoment.Peut-êtreàcausedemonaventure cauchemardesque avecAntoine ?Ou encore celle avec le type trop insistant desminutesprécédentes?Jel’ignore.N’empêchequecetypeauxcheveuxchâtainclairetauxyeuxcommel’eaudelamerquial’allured’unbeachbummedonneenviedem’enfuir.C’estlegenredemecspourquitouteslesfillestournentdel’œil,maisquiseretrouventviteaveclecœurbrisé.
De longuesminutes s’écoulent, et j’en suis venue à l’oublier, quand le cinglé de l’Ontariometapotel’épaule.Enmeredressant,jel’aperçoisàtraversmonmasqueremplid’eau.
—Peut-êtrepréférerais-tuuntourdecatamaran?Merde!Ilmetraque,celui-là!Jeretiremonmasqueetmontubapour luirépondredemanièrebeaucouppluspromptequece
quej’ail’habitude.J’ignorecequejeluiailancéexactement,maismaréponseétaitsanséquivoque.Lorsquej’entreprendsdesortirdel’eau,mespalmesquim’obligentàmarchercommeunpingouinobèselimitentmavitesse.Letraqueurenprofitepourenrajouter.
—Là-bas, il y aune îlevierge. Je suis certainque lespoissons et les coraux sont encoreplusbeaux.
—Merci,monsieur,maisjepréfèreresterici.Aurevoir!Legarsfinitpars’éloignerenbalançant la tête.J’hésiteunmomententreresterdans lamerou
allerm’asseoirsousmonparasol.Debout,jetournelatêteverslagauche,puisversladroite.J’essaiedevoirsilesfillessontlàenmedressantsurlapointedespieds.Àcemoment,l’unedemespalmesse coincedans le sable et jeme retrouve face contre terre.Le séduisantbeachbumaccourt àmonsecours.
Merde!Être étendue comme une baleine échouée est déjà assez gênant, je ne veux pas en plus être
observéependantquej’essaiedemerelever.Ils’approcherapidement,etce,malgrésespalmes.Luisemble plus agile. Il tend une main destinée à me secourir. Je l’ignore, retire les objets quirestreignentmamarcheetmerelève.
—Çava?«J’ai l’aird’aller?»ai-jeenviedeluicrier.Jenesaispaspourquoi jemesensaussifrustrée.
Aprèstout,cen’estpassafaute.Sansrépondre,jeluijetteunregardlourddesous-entendus.—Ouais!Visiblementpas!rétorque-t-il.Quandmême,Maëlie,ilveutjustet’aider!—Merci,çaira.J’aiparlégentimentetj’aimêmefaitl’effortderetrousserleslèvresunpeu.—Edward,annonce-t-ilentendantdenouveaulamainversmoi.
Grrr!Jeneveuxpasteconnaître!—Etmoi,Maëlie.Je saisis samain fermement, commes’il s’agissait d’uneprésentationd’affaires,mais la laisse
vitetomber.—Bonnefindejournée!dis-jeavantd’allermerincersommairementdanslamer.Le beau gars reste figé, un air interloqué sur son visage bronzé. J’évite de regarder vers lui
lorsquejemerendsportermonéquipementaukiosquedelocation.Quand j’ai terminé de m’entretenir avec Pablo, le commis responsable de l’équipement de
plongée,j’aperçoisEdward,quim’observeencore.Ilmesourit,maisjetournelatêtepourl’ignorer.Voyons !Qu’est-ce qui te prend ?C’est bien d’apprendre à dire non,mais il faut quandmême
choisirquandondevraitdireoui,mabelle!Au fond, je sais ce qui se passe. Ce gars-là est précisément le genre pour lequel je flanche
habituellement,maislaveillej’aidécidéquejeferaisdorénavantdeschoixdifférents.Jeneveuxplusêtre la fillequis’accrocheaucoudeshommescharmants,qui la larguentaprèss’enêtre lassés.Jesuisdéterminéeàdevenirplus indépendante.Alors je fais lechoixvolontairedenepasme laisserprendredanssesfilets.Mêmesi j’aiétéàlalimited’êtredésagréableaveclui, jesuisquandmêmefière demoi. Désormais, plutôt qu’êtreMaëlie, la fille dépendante qui craque pour lesmauvaisespersonnes, jeseraiMaëlie,cellequin’apasbesoind’unhommedanssavie ! Je regagnedoncmachaiseoùsontinstalléesmescopinesquiontretrouvéuneallureplusnormale.
—Çavamieux,ondirait!—Yep!répondAlexaenlevantunPiñaColadadevantmesyeux.—C’estlameilleurefaçondeseremettre,expliqueCrystalensirotantsabière.—Non,mais,vousdevreztoutesallerendésintoxauretour!J’attrapema lotionpourm’en enduire les épaules enobservantZoeyqui paraît aussimieux se
porter.Elleestentraindejouerauvolley-ballplusloin.Jetrouveétonnantdelavoirselancerpourattraperleballon.Notreamien’estpastrèssportive.
—Elleavudeuxbeauxgarsentraindejouerlà-bas,m’expliqueAlexaenjoignantsonregardaumien.
OK!Maintenant,jecomprends.—Unacervezaporfavor!Aprèsavoirpassémacommandeauserveurquiarrivait, j’examinelesjoueursdemanièreplus
attentive.Jepeuxeffectivementrepérerungroupedejeuneshommesattirants.—Moi,jenesuispasintéressée.—Toi,pasintéressée!Pff!faitCrystalenmettantsonchapeaudestarlette.— Je suis sérieuse. J’ai refusé de socialiser avec deux types plus tôt.Bon, il y en avait un qui
semblaitunpeutimbré,doncc’étaitplutôtfacile,maisl’autre,c’étaitexactementmongenre.—Autosuffisanteetsanspitié!menargueAlexa.—Exact!Jetirelalangueverselleetm’allongesurmachaiseendéposantmesverresfuméssurmonnez.—Soyonshonnêtes,sij’avaisparléàcegars-là,jeseraisprobablementdéjàentraindeplanifier
monmariage.Mesamiess’esclaffent.Ellessaventquej’exagèreàpeine.Jesuisuneamoureusedel’amour.Dès
quejevoisunepossibilitéd’attachement,jesautedessusàpiedsjointsetjesuistoujoursdéçue.C’estjustementpourcetteraisonque jeviensdefuir lebeaumecquiavait lesmots«briseurdecœur»écritsdanslefront!
—D’accord, tuasréussiàrefuser.Bravo!Maintenant, tudevrasapprendreàprofiterdelaviecomme si demain n’existait pas,me rappelleCrystal.Du sexe avec un homme séduisant,même sic’estjustepourunenuit,çapourraittelibérerlakundalini.
Jegrimaceenmetournant.—Nemeregardepascommeça,Maëlie !Leblocagede l’énergiesexuelle,c’est trèsmauvais
pourlemoral.Siçasetrouve,c’estça,tonproblème.—Entoutcas,c’estcertainquetun’aspascesouci!—Non!répond-ellefièrement.Alexamejetteunregardcomplice.Contrairementàl’impressionqu’elleaimedonner,Crystalne
couchepasavectousleshommesqu’ellerencontre.Enfait,danslaviedetouslesjours,quandellen’estpasenvacances,elleaunamantrégulier,qu’ellechangelorsqu’elles’enlassedèsqu’untypemieuxseprésente.Monhypothèsesecrèteestqu’elleatoutsimplementpeurdes’engagerparcrainted’êtreblessée. Je fais semblant de croire à l’imagequ’elle projette,mais je suis convaincuequ’aufond,Crystalaimeraitbientrouverungarsavecquiellepourraits’investir.JesupposequelorsqueMr.Perfectsemanifestera,elleeffectueraleschangementsnécessairesdanssavieunpeuvolage.
***Lecielestmagnifiqueetlevent,tellementchaud.Jelaisselabrisemecaresserenobservantun
paravoiletrèshautdevantmoi.Àcemoment,Zoeyrevientàsachaisepournousannoncerqu’ellevamarcheravecsesnouveauxamisafindevisiterleshôtelsplusloin.Sonteintvertoliveadisparuetelleparaîtêtredebienbonnehumeur.
— J’aimerais vraiment faire un tour de paravoile, les filles, s’il vous plaît, est-ce que l’uned’entrevousm’accompagnerait?
—Non!répondentmesamiesenchœur.J’aiposélaquestionmêmesijeconnaissaisdéjàlaréponse.Depuisnotrearrivée,ilnesepasse
pasunejournéesansquej’enfasselademande.Jemeursd’envied’essayercetteactivité,maisjeveuxpartagerl’expérienceavecquelqu’un.Jeconservemonregardsurleminusculepointreprésentantlapersonneaccrochéeauparachutetiréparlebateauàmoteur.Cequej’aimeraisêtrelà-haut.
Bienquenoschaisessoientinstalléessousunparasol,lesoleilnouscuitlapeau.Nepouvantplussupporterlachaleur,jemelèvepourmerendreàlamer.Crystallit,Zoeyn’estpasencorerevenuedesonescapadeaveclestypesduvolley-ball,maisAlexaacceptedem’accompagnerdansl’eau.
Mon amie soupire pour la deuxième fois en regardant les nombreux couples.De nous quatre,c’estellequisouhaitelepluss’investirdansunerelationsérieuse.Notreamieaouvertsoncabinetdedentistel’andernier.Lesaffairesvontbienpourelle.D’ailleurs,ellevientdefairel’acquisitiond’unesuperbemaison.Ellehabiteseuledanscequ’onconsidèreêtreunvéritablemanoir.Elleritquandonluiproposedenousyinstallertouteslesquatrepourl’aideràl’entretenir.Danslesfaits,noussavonsque la place est réservée ; tout est prêt pour accueillir un homme et des enfants. Mais le princecharmantnes’estpasencorepointépourellenonplus.Lestypesavecquielleestsortieétaientpourlaplupartdesgarssansambition,sansunsouetsansintérêt.
Partoutoùnousposonslesyeux,ilyasoitdesamoureuxquisecâlinent,soitdespetitesfamillesfilantleparfaitbonheur.Cen’estdoncpasunesurprisedevoirmonamieaussimélancolique.Bienque je ressente la même chose qu’elle devant ces scènes de félicité, je chasse cette émotion enplongeantdans l’eau.Quand je ressorsunpeuplus loin, j’aperçoisAlexaqui s’approched’undesNew-Yorkaisqu’onarencontréslaveille.Jesuisheureusequequelqu’unsoitlàpourluichangerlesidées.Pourmapart,jeregardeuneplancheàvoilepasserensongeantqueçapourraitêtreintéressantdel’essayer.J’informedoncAlexaquejemerendsaukiosquepourprendredesinformations.
Une heure plus tard, je suis accompagnée d’un professeur et j’entre dans l’eau avec tout unéquipementpourapprendrecesport.
Ouf!Nedevientpasvéliplanchistequiveut!Ils’estécouléàpeinequelquesminutesquej’aidéjàles
brasencompote.Se redresser suruneplancheestdéjàunexploit, tenirenpluscetteénormevoilerelèvepratiquementdumiracle.Malgrétout, jem’amuse.Jeforce, je tombe,mais jeris.Dumoinsjusqu’àcequejevoisEdward,lebeachbum,passersuruneplancheetfilercommeunprofessionnel.Je ne peux m’empêcher de l’observer tandis qu’il se rend jusqu’au rivage, là où un Mexicainl’accueille pour récupérer son matériel. Visiblement, il n’en est pas à sa première tentative.L’ignorant, jereprendsmaformationavecPascual,quis’efforcedenepastropsemoquerdemoi.Pourtant,ilatouteslesraisonsdelefaire.
—Bravo!Bravo!J’ignoredequoiilmefélicite,maisc’estplutôtgentildesapart.Alorsquelecoursachève,jeréussisenfinàtenirsurlaplanchequelquesminusculessecondes.Je
suissiexcitéedemonexploit,quin’enestpasréellementun,quejerisetjecriecommeunecinglée.Pascualcourtdansl’eaupeuprofondeentenant laplancheainsiquelavoilepourmepermettredesavourer ma petite victoire. Sauf que l’eau empêche l’aisance de ses pas et, de mon côté, je neparvienspasàgarderlacadence.Sansgrandesurprise,jebascule.Aprèscequiadûs’apparenteràunecascade,jemeretrouvecouchéesurlavoile.Pascual,lui,estdessousetluttepoursesortirdelà,parcraintedesenoyer.
Jem’empressede relever le lourd tissuet libérermonmoniteurdumêmecoup. Il est toujourssouriant…etvivant!Envoyantsonairamusé,jemelaissetomberàsescôtésavantdeluiannoncerquec’estassezpourlajournée.
Letempsderigolerunpeuavecluienrevoyantlatechniquequejen’aipas,j’aidePascualàsortirlematérieldel’eau.Undesescollèguesvientviteànotrerescoussepourattrapercequejetiens.Ilaprobablementété témoindemapiètreperformanceetestimequePascualméritede l’aide.C’estaumomentde les remercierque j’aperçoisEdward. Ilestassisdans lesable, lesbrasappuyéssursesgenouxremontésàmesourire.Enfait,ilrit.J’ailavagueimpressionquec’estdemoi.
—Félicitations!Entempsnormal,j’auraisri,maissonsourirearrogantm’insulte.— Ce n’était peut-être pas une performance mémorable, mais je me suis amusée. C’est
l’important,non?—Neleprendspasmal,jenevoulaispasmemoquer.Aucontraire,c’esttrèsdifficileettut’enes
trèsbientirée,dit-ilenselevant.Yeahright!Jeluijetteunregardmauvais,sansluirépondre.—Jesuissérieux,cen’étaitpasmalpourunepremièrefois.—Qu’est-cequitefaitcroirequec’étaitmapremièrefois?Edwardsefige.Ilmeregardeunmomentsansparlerensondantmaprochaineréaction,maisje
me contente de le fixer sans sourire. Lui ne peut s’empêcher de s’esclaffer. Je fais volte-face etamorceaussitôtmamarcheversmachaise.
—Attends!Sansmeretourner,jemerendsverslesfilles.J’entendsdesgarsquis’approchentdeluipendant
quejem’éloigne.—Tuviens,Eddy?Onvamanger.
—Jet’aivuefairedelaplancheàvoile…ouplutôtcesportquiconsisteàtomberdelaplancheavantquelavoilepuisseservir!semoqueCrystaldèsquej’arriveprèsd’elle.
Jepouffederire,malgrémoi.Ensuite,jemelaissetombersurmachaise.—Jenepensaispasquec’étaitaussidifficile.C’estassezpouraujourd’hui.Jesuisexténuée.Mon
aventurem’ademandétoutemonénergie.—C’estqui,legarslà-bas?questionne-t-elleenmontrantEdwardetsesdeuxamis.Jeremetsmeslunettestoutendétournantmonregardd’eux.—Uneffrontéquisemoquaitdemoi!—Ilestmignon!—Ouais,c’estjustementletypeavecquij’airefusédesocialisercematinetavecquituproposes
quejelibèremakundalini.—Hum!Tun’auraispasdûlerejeter.Cetypeestunboncoup.—Unboncoup!Tuparlescommeunmacho.—Peuimporte,c’estlavérité.Hier,tum’asdemandédet’indiquerlequeljechoisiraispourque
tupuissesleprendre.Ehbien,ilferaitpartiedemeschoix.—Moiaussi, je lechoisirais,mais ilestexactement legenredegarsqui finitparmebriser le
cœur.Alors,vas-y,fais-toiplaisir!Moijemesauvedelui.Jeveuxbienbaiseraveclepremiervenu,maisjepréfèrelefaireavecquelqu’unquireprésenteunmoinsgrandrisque.
—Iln’yapasderisqueaveclui,onpartdemain.Jevoudraisluirépondrequequelquesheuressontsuffisantespourqu’unenévroséecommemoi
tombeamoureuse,maisjemetrouvetroppitoyable.—Penses-y!insiste-t-elleavantdereplongerdanssalecture.Parlasuite,jemesuisendormieetj’airouvertlesyeuxqu’aumomentd’allermedoucherpourle
souper.Cesoir,c’estaurestaurant japonaisquenousavonsuneréservation.C’estmonpréférédansce
complexe hôtelier. En plus de servir de l’excellente nourriture, les chefs sont talentueux et nousdivertissenttoutencuisinant,commec’esttoujourslecasdanscesrestos.Enplus,ilyaunedizainedesiègesquientourentlaplaqueàcuisson;c’estparfaitpourfairedenouvellesconnaissances.Maislà,c’estunemauvaisesurprisequim’attendàcettetable.
3Jeclignedesyeuxplusieursfois,commesiuntelgestepouvaitfairechangerlascènedevantmoi.—Qu’est-cequinevapas?medemandeZoeyquilitledécouragementsurmonvisage.—Ilyaungarsànotretablequej’auraispréférénepasvoir,dis-jediscrètementàsonoreille.—Lequel?s’enquiert-elleenseretournantpourobserver.—Lechâtainaveclachemiseturquoise.—Maëlie,c’esttonmec!s’excitesoudainCrystalunpeutropfort.—Chut!Non,c’estletien!Zoey,quivientderepérerlebelEdwardetsesacolytes,medévisageavecdesyeuxéberlués.—T’esmaladeouquoi?Ilssontsupermignons,cesgars-là!Veux-tubienm’expliquerpourquoi
tunelesveuxpasànotretable?—Onauracettediscussionplustard.Mêmesij’aichuchotépouréviterd’éveillerlessoupçons,jesourisplusquenécessairejusteau
casoù.Notrehôtessenousconduitànossièges.Pendantcetemps,jeregardepartoutsaufàl’endroitoù nous nous rendons. Malgré mon désir d’ignorer Edward, il faut me résigner, parce qu’il estinstalléjusteenfacedemoi.Fairesemblantdenepasl’avoirvuestinutile.Ildéploiesonsourireensoutenant mon regard. Sans lui rendre la politesse, je détourne mon attention de lui. Mes amies,excitéescommedesfillettes,necessentdebattredescilsetderirecommedesidiotes.N’étantpasdugroupequiestheureuxdelesvoir,j’aiuneperceptiondifférentedelasituation.Lejeudelaséductiondébute.Lesgarsd’uncôté,lesfillesdel’autre;lessouriresetlesregardsfeutrésfusentdepartout.C’est vrai que le trio de mâles devant nous a de quoi exciter la gent féminine. En d’autrescirconstances, je serais aussi énervéequ’elles.Àpeine le serveur est-il venuprendrenoschoixdeconsommationqu’unamid’Edwardbriselaglaceenseprésentant.IlsenommeWilliam,l’autreestJoshua et le dernier… n’a pas besoin de présentation pour moi. Mes amies, en commençant parCrystall’intrépide,sefontconnaîtreàleurtour.Commeunepetitefillegênéeaufonddelaclasse,jedoisrépétermonprénomàplusieursreprises.C’estfinalementCrystal,aprèsdeuxtentativesdemapartpoursortirun«Maëlie»acceptable,quileprononcehautetfort.Pendanttoutcetemps,Edwardasesyeuxbleusplantésdanslesmiens,quisontdelamêmecouleur.Lessiensontdesrefletsvertsetparaissent perçants comme ceux d’un chat en raison de sa peau basanée. Ses cheveux un peu troplongs sontdécoiffés et sabarbe,pas taillée.C’estd’ailleurs cesdeuxélémentsqui luidonnentunealluredebum.Sesamis,quantàeux,sonttouslesdeuxbrunsassezfoncésetleurssouriressonttoutaussibeauxqueceluid’Edward.Ilssontbienvêtusetontunstyleàlafoisdécontractéetchic.
Même si l’apparence d’Edward est celle que je préfère, je pourrais aussi bien flancher pourn’importelequeldestrois!Maisj’aidenouvellesrésolutions,alorsc’esthorsdequestion.
Quoiqu’unenuitdesexeavecunbelinconnun’estpeut-êtrepasunesimauvaiseidée,aprèstout!Jechassevitecettepenséeettentedemedonneruneallurenaturelleensirotantmonverredevin
blanc.Mêmesinosconversationsn’ontpasuncontenuintellectuel, jepeuxfacilementdevinerqueles
garssontdégourdisetbrillants.Jem’amusevraimentenleurcompagnie,maislanervositéaudébutdelasoiréem’afaitengloutirbeaucoupplusd’alcoolqued’habitude.Tantlesakéquelevincoulentàflotsdechaquecôtédelatable.Cen’esttoutefoisquelorsquejemelèvepourmerendreauxtoilettesquej’enressenstousleseffets.Alexam’accompagne.
—Wow!Ilssontcharmants!Jene réponds rienpour confirmerqu’elle a raison,même si je suis de son avis. Je frottemes
mainssouslejetd’eaubeaucouppluslongtempsquenécessairepourétirerletemps.—Jem’amuse,maisjecroisquejevaisrentrertôtcesoir.Monamien’estpasdupe.Ellesaittrèsbienquejemesensvulnérablefaceàcegenredegars.Ils
ontleprofilparfaitduprincecharmantquisetransformeviteencrapaud.—Nefaispascettetête,Maëlie.Çanet’engageàrien.Tunelesreverrasjamais.Relaxeetprofite
de ta soirée ; c’est notre dernière. Tu sais, Crystal n’a pas tort. Laisse-toi aller un peu, je ne tereconnaisplus.
—Toutvabien.Ilssonttrois,vousêtestrois,alorsamusez-vous,lesfilles.—Commetuveux!rétorqueAlexaenretouchantsongloss.Jeteraconteraicequetuasmanqué,
ajoute-t-elleenjouantdusourcil.—Lequelpréfères-tu?—Est-cequejepeuxprendrelestrois?—Decettefaçon,sil’und’euxsetransformeenreptile,tuneseraspasmalprise!C’estenriantquejesorsdelasalledetoilettesdesdames.Sentantànouveauleregardd’Edward
surmoi,jem’empressed’avalermondessertetd’annoncerauxfillesquejeretourneàlachambre.C’estunmensonge. Jeneveuxpasaller au lit aussi tôt.Mon intentionestdem’installer aubarenattendantde ressentir la fatigueet,qui sait,peut-être faireunbrinde jasette avecquelqu’un.Aprèsavoir argumenté, tant avec mes copines qu’avec nos nouveaux amis, je les salue tous d’un brefmouvementde lamain.Étrangement,Edwardquin’apascessédemedévisagern’insistepaspourquejereste.Ilsecontentedem’observersansciller.
***En arrivant au bar, jem’installe juste en face de Benito et, comme si je n’avais rien bu de la
soirée, je commande une bouteille de vin blanc. Pas un verre, une bouteille ! J’y suis depuis unebonnedemi-heureetjecommencevraimentàavoirlatêtequitournequandlebeauEdwardsepointelenez.
Merde!Ilcommandeunebière.Pendantcetemps,j’avaled’untraitlecontenudemonverreetm’empare
delabouteilleavantdemelever.—Pourquoitupars?demande-t-il,l’airdéçu.—Parcequetueslà!—Çaalemérited’êtreclair,commente-t-ilenriant,mêmesisesyeuxincrédulesparaissentne
pascomprendreletonexpéditifquej’aiutilisé.Malgrétout,ilattrapelabièrequevientdeluiremettreBenitoetm’emboîtelepas.—Attends,Maëlie ! Pourquoi refuses-tu deme parler ? Est-ce que c’est parce que jeme suis
moquédetestalentsdevéliplanchiste?…Non!répond-ilavantmoi.Tutesauvaismêmeavant.Ondiraitquej’aifaitquelquechose.
—Cen’estpastoi,leproblème,c’estmoi…Jem’interromps,m’arrêteetmeretournebrusquement.—Enfait,non!Cen’estpasmoi,leproblème,maisvous,leshommes!dis-jeenréalisantqueles
motssetortillentautourdemalangue.Je retire mes escarpins pour me rendre à la piscine à l’extérieur. Edward est toujours à mes
trousses.J’avaleuneénormegorgéedevinàmêmelegoulotdelabouteille.Jesuispartiesansmonverre, je n’ai pas le choix ! L’expression du visage d’Edwardm’indique qu’il ne semble pas tropapprouvercesmanièresdignesd’unbûcheron,maisilnecommentepas.
—Alorsc’estàcaused’untypequeçanevapas?
—Non,àcausedevoustous!Vousêtestousdessalauds!Edwardécarquillelesyeuxdevantl’émotionquim’animesoudain.—Attends!Cen’estpasjuste,jen’airienfait,moi!—Non,parcequejemesauveavantquetulefasses!—Etqu’est-cequejesuiscenséfaire?s’esclaffe-t-il.Bon,jesuisalléetroploin.Jenevaisquandmêmepasluiexpliquercequejepenseréellement.Je
balancelatêtesansmedonnerlapeinederépondre.Jemarchesurletrottoirbordantlapiscinedanslebutd’allermetremperlesorteils.
—Pourquoitun’espasaveclesautres?—Ilssontpartisàladiscothèque.Jen’enavaispasenvie,explique-t-ilalorsquejem’arrêtepour
ingurgiterunelampéedevin.Toutenm’observantducoindel’œil,ilprendunegorgéedesabière.—Ettoi?Jecroyaisquetuallaistecoucher.—Non,jevoulaisjustemesauverdetoietdetesamis.Stupéfaitparmafranchise, ilm’observeensouriant.Enmedétournantpourfuirsonregard, je
vacille.Edwardm’attrapeparlebraspourm’éviterdemeretrouverdanslapiscine.Jeposelesyeuxsursamain,maisdéjàilestentraindemelâcher.
—Donc,parcequ’unhommet’adéçueoun’apasagicorrectement,tuprévoisfairepayertouslesautres?
—Fairepayer?Non.Jevaisjustelesutiliserpourcequ’ilsontdebonàoffrir!Je réaliseque laphrasesonne tellement fauxdansmabouchequec’enest risible.Bizarrement,
Edwardneritpas.Jepensequ’ilessaiedecomprendrecequipeutbienmefairediredeschosesaussiabsurdes…àpartl’alcool,bienentendu.
—C’estpourcetteraisonquetuasrejetél’offredugarsquivoulait t’emmenerencatamaran?Parcequetucroisqueleshommessonttousdessalauds?
—Non.Lui,c’étaituncingléquivoulaitjustemebaiseretmejeteràlamerensuite.—C’estunautrepréjugéoutuasdesfaitssurlesquelst’appuyercettefois?Àenjugerparsonaircurieux,Edwardsemblevraimentintriguédeconnaîtrelaréponse,pourtant
jenelaluioffrepas.—Jesuisdésolée,jeneveuxpasêtredésagréable.Jesuisdéprimée,c’esttout.—Ouais,jel’avaisunpeudeviné.Jem’assoissurleborddelapiscineenlaissantpendremesjambesdansl’eau.—Tuveuxenparler?Jehausselesépaules.—Çapourraitaiderd’avoirlepointdevued’unautresalaud.Je lève la têtevers lui. Il est souriant.Enplus, son regard,bleucomme l’eaude lapiscine, est
doux.Pourquoiest-ilaussicharmant?J’ignore pourquoi,mais j’explique à ce parfait inconnu quemon exm’a trompée et quemon
ancienpatronadonnélapromotionquejeméritaisàuneautre,parcequej’airefusédecoucheraveclui.C’estvrai,j’étaisentraind’oublierquejenel’avaispasencorementionné.Quandj’airejetélesavances demon supérieur, il a offert le poste que je convoitais à une idiote, qui a la cuisse pluslégère.Jesaiscequevousallezpenser.Vousallezcroirequec’estlajalousiequimefaitparler,maisce n’est pas le cas. Cette fille, qui a eu le titre de directrice des communications, ne parle que lefrançais,alorsquelamoitiédutravailsefaitenanglaisetquecejobexigedevoyagerpartoutdansle
monde.Mêmeluim’aavouéqu’ilnecroyaitpasqu’ilreconduiraitsoncontrat,parcequelesclientsseplaignaientdesespiètrescompétences.Ilestévidentqu’ill’apromueseulementdanslebutdemefairesuer.
—Laprochainefois,j’accepteraidecoucheravecmonpatron.Mêmequejeleferaiavantqu’ilmeledemande.C’estvrai,tousleshommespensentaveccequ’ilsontdanslepantalon,alorsjeluifaciliterailatâche,àcetimbécile.Jevaisentrerdanssonbureau,medéshabilleretmejetersurluienaffichanttoutdesuitemesintentionsdegravirleséchelons,etvite!
Edwardnes’empêchepasderirehautetfort.—Enplus,c’estbonpourlakundanini!Cettefois,Edwardsemordlajouepournepasriredavantage.—Kun-da-li-ni,dis-jeenmâchantchaquesyllabe.
***Malgrémadictiondéfaillanteet le faitque jedoive fermerunœilpourmeconcentrer sur son
visage,j’expliqueàEdwardpendantunlongmomentmesnouvellesrésolutionsquantauxhommes.—Alorsonesttousdessalaudsetdesimbéciles,c’estça?—Yep!—Etmaintenant,tunecherchesplusuntypebienpourpartagertavie.Tuvasseulementcoucher
avectousceuxqueturencontrespourlibérertakundalini?—Oui,monsieur!Maispasavectoi.Sansgrandesurprise,Edwards’esclaffeencore.—Neleprendspasmal,dis-jeenmelevant.Cen’estpasquetun’espasséduisant.Aucontraire,
tuesexactementmongenreetc’estpourcetteraisonquejemesauvedetoi!Edward se redresse lui aussi. Ensuite, il m’observe pendant un court instant sans répliquer.
J’imaginequ’ilanalysel’informationquejeviensdeluifournirpourl’utiliseràsonavantage.Aprèsunmoment,ilposeunenouvellequestion.
—Puisquetuprévoiscoucheravectonnouvelemployeur,étantdonnéquec’estlaseulemanièred’obtenirunepromotion,biensûr,queferas-tusic’estunefemme?
Ilsecroitbienbrillantavecsaquestionpiège!—Jetrouveraiuneautrefaçonde lasoudoyeret,sielleest lesbienne, jecoucheraiavecquand
même!Jeponctuemaphrased’unair satisfait,puis jepenche la têtepourprendreuneénormegoulée.
Toutàcoup,lecielveutremplacerlesol.Jeperdsl’équilibreetmesbrass’agitentcommedeshélicespouréviterquejebascule.Sanssuccès.LabouteillepasseprèsdefrapperEdwardetfinitsacoursedanslapiscine,justeàcôtédemoi.
Quelleidiote!Dèsque jesors la têtede l’eau,Edwardm’attrapepar la taillepouréviterque jem’enfonce.Je
saisnager ; se lancerdans lapiscinene lui était pasnécessaire. Je supposequemonétat d’ébriétéavancéluiafaitcraindrequejecoule.C’estgentil,maisplutôtquedeleremercier,jelanceuneautrestupidité.
—Maintenant,tujouesleshérosetc’estlàquetuvasm’embrasserparcequetucroisquejemesensobligéedelefaire!Maisnon,çan’arriverapas!
Edward, ahuri des aberrations que je lui lance, retrousse son nez, sans se donner la peine derépliquer.Ensuite, ilsortde l’eauavecunefacilitéprodigieuse,malgrésesvêtements tout trempés.Demon côté, jeme bats avecma robe devenue lourde.N’arrivant pas àme hisser, j’ai l’air d’unpoissoncoincésur lebordd’untroudeglaceà lapêcheblanche.Edwardparaîthésitantàm’aider.
Pasétonnant.Malgrétout,ilprésentesamain,laquellej’attrapefermement.Ilmetirejusqu’àcequejepuissem’agripperau trottoirdebéton.Je luisouffleun«merci»àpeineaudiblesans lever lesyeuxversluietjemeredresseensuite.J’ailescheveuxcollésdanslevisageetjesuiscertainequemonmascarame fait de belles trainées sur les joues. J’essaie de décoller le tissu dema robe quis’accrocheàmoicommeunedeuxièmepeau,envain.J’abandonneetjem’allongesurlepavépourregarderleciel.
Quejesuispathétique!…Etsoûle!— Viens ! Je te raccompagne à ta chambre. Et non, ce n’est pas dans un but malhonnête,
s’empresse-t-ild’ajouter.Jeveuxseulementêtrecertainquetuarrivesàbonportenunseulmorceau.Sansrouspéter,jemelèveetsuisEdward.Mêmesimesvêtementssontmouillés,jenefrissonne
pas.Aumoins,latempératureestdemoncôté.—Machambreestjustelà.J’ai aidémonmensonged’undoigt vaguement pointé vers l’hôtel qui est devant nous.Edward
s’arrêteetseplacefaceàmoi.—Je suisdésoléed’avoirétéaussidésagréableet je te remerciepour tonaide…et tonécoute
aussi.Ilmeregardeunmomentaprèsquoiildétournelesyeuxenpassantsesmainsdanssescheveux
mouillés.Ensuite,ilsoupireetfixel’horizonlongtempsavantdeparler.— Je sais que ça fait cliché, mais même si parfois certaines épreuves nous paraissent
insurmontables, il arrive qu’elles soient le tournant de notre vie. Et quelques fois, elles nousconduisentàdesendroitsoùonn’auraitpuimaginernousrendredansd’autrescirconstances.
Grrr!Jeledéteste!J’aime toutde lui ; sonallure, sagentillesse, samanièredes’exprimeretmêmede raisonner !
Pourtant,j’aienviedeluicrierquejelehais.Jesuisfurieusequelaviel’aitfoutusurmaroute.C’estassurémentuntestqu’onm’envoie.Cetteviedemerdeveutvérifiercequejeferai:mependreàsoncouenespérantqu’ilm’aime,mesauverencourantcomme j’essaiede le fairedepuis ledébutouencorelibérermakundalini!
—Bonnenuit,Edward!Ilmesouritsansmontrerlesdentsaprèsquoiiltournelestalonsets’éloigne.Sespiedsmouillés
laissentdespisteshumidessurlepavé.Unefoisqu’Edwardadisparuentrelespalmiers,jemedirigevers laplage.Jen’aipasdutout l’intentiondemeretrouverseuledansmachambrealorsquemesamiesfontlafête.Etpuismapetitesaucettedanslapiscinem’aunpeudessoûlée.
J’adorelebruitdelamer.Êtreàproximité,peuimportel’heuredelajournée,estsirelaxant.Enplus, levent estpresque inexistant et il fait très chaud. Je tireunechaise longueetm’installepourcontempler lecielétoiléetécouter lebruitdesvagues.Jepenseàcequim’attendà lamaison.J’aidemandé à Félix de venir chercher ses quelques effets personnels pendant mon absence, afin dem’aider à tourner la page sur notre relation. J’aurai deux jours pour défaire mes valises et meremettre dans la vraie vie.Àmon retour, je commencerai à travailler pour une nouvelle boîte decommunicationetmarketing.Edwardn’apastort,sijen’avaispasremismadémission,jen’auraispascherchédetravailetjen’auraispasobtenuceposte.D’ailleurs,montitreseraceluidedirectricedescommunications,soitlemêmequeceluiauquelj’aspiraischezmonancienemployeur.Enplus,jeseraimieux rémunéréeque si j’avaisbénéficiéde cettepromotion.Mes fonctions serontbeaucouppluslarges,maisjesuiscertainequelesoccasionsd’avancementaussi.Enplusd’êtreresponsabledudéploiementd’uneimagedemarque,commec’étaitlecasauparavant,jecoordonnerailesdifférentsmandatsnécessitantlatraductiondespublicitésversd’autreslangues.Aussi,j’auraicommeobjectif
laconsolidationdesrelationsd’affairesaveclesclients.Jesuisemballéeparledéfiqueçareprésente.Tout compte fait, en y réfléchissant bien, ce n’est pas unemauvaise nouvelle que j’aie quittémonemploi!
***Il y a un longmoment que je suis allongée sur cette chaise à réfléchir. Si ce n’était pas de ce
couple qui regarde souvent en ma direction, je resterais. Sauf que je me doute bien de ce qu’ils’apprêteàfaire.Alors,pourluilaisserunpeud’intimité,jedécidederetourneràmachambre.Enmelevant,j’aperçoisEdwardquiestaussiinstallésurunechaise,justederrièremoi.
—Qu’est-cequiteprenddemesuivre?—Jenet’aipassuivie!Regarde,jemesuischangé,répondEdwardendésignantsesvêtements
secs.J’ignoredepuiscombiendetempsilestlà,maisc’estvraiqu’ilestpasséàsachambre.—Çafaitlongtempsquetuesici?—Jenesaispastrop,j’aiperdulanotiondutemps.J’aivuquequelqu’unétaitassisdevant,mais
j’ignoraisquec’étaittoi,explique-t-il,l’airdevouloirsejustifier.C’estprobablementlavérité.Ilfaitsombre,ilestpossiblequ’iln’aitpumevoir.—Sij’avaissuquetuétaislà,jenemeseraispasinstalléderrière.Jevoisbienquetuneveuxpas
meparler.Tuasétéclairesurcepointettum’asmentisurtonintentionderentrertecoucher…deuxfoisplutôtqu’une!
Eneffet,vudel’extérieur,jeparaisvraimentvouloirlefuir.Mêmesienvérité,jemeursd’enviede le connaître davantage. Ne sachant pas trop comment répondre, je change le cours de laconversation.
— Je trouve que la mer est à la fois calmante et énergisante. Je voulais en profiter sans lebrouhahaqu’ilyalejour.Çamepermetdemeretrouverseuleavecmoi-mêmeetmieuxréfléchir.
—Saufquandilyaunsalaudquitesuitpartout!J’étouffeunrireentraçantdessillonsdanslesableavecmonpied.Edwardm’observeuninstant
avantdereprendreplussérieusement.—Moi aussi, j’adore venir ici quand il fait nuit.Même si on ne voit pas toute l’immensité de
l’océan,onpeutl’entendreetdevinersapuissance.Lebruitfracassantdesvaguesencontrasteaveclecalmeetl’infiniducielétoiléestétrangementémouvant.
Bon,çayest,ilestpoèteenplus!Edwards’estlevé.Malgrél’obscurité,jepeuxrepérerlerefletdesesyeuxbrillantsquiadmirele
ciel.Uneboufféed’émotionsm’envahit à cemoment-là. J’ignorecequimeprend,mais j’ai envied’éclaterensanglotsetdemejeterdanssesbraspourêtreréconfortée.
—Bonnenuit,Edward!—C’estlatroisièmefoisquetumesouhaitesbonnenuitcesoir,vas-tuvraimenttecouchercette
fois?Jenedistinguepasbiensonvisageparcequ’ilfaittropsombre,maisjepeuxdécelersonsourire
dansletondesavoix.—Sicen’estpas lecasetqueje tecroisedenouveau, je tediraibonnejournéeparcequ’ilne
resterabientôtquetrèspeud’heuresàlanuit!—Jesuisvraimentdésoléd’êtrepartoutoùtuesetqueçat’irriteautant.J’aimeraistejurerqueça
n’arriveraplus,maisondiraitqu’onaunpenchantpourlesmêmesactivitésetlesmêmeslieux.—Detoutefaçon,jeparsdemainmidi,alorsçanedurerapasencorelongtemps!—C’estvrai?
—Oui, ilnemerestequequelquesheures, jeprends l’avionendébutd’après-midi.Lebusquinousconduitàl’aéroportviendranouschercherenfindematinée.
Àcet instant,Edwards’approchedemoi. Il est tropprès. Jepeuxsentir sonparfumetvoir sestraitsgrâceauxrefletsdelalune.Moncœurs’affole.
Cours,Maëlie,cours!—J’étaisconvaincuquevousveniezd’arriver.Jesuisicidepuisunesemaine,moiaussi,etjene
t’ai pas croisée une seule fois. Pourtant, c’est la quatrième oumême la cinquième fois depuis cematin.C’estunpeubizarre,non?
—Situesicidepuisunesemaine,çasignifiedoncquetuparsbientôt,toiaussi?—Jeresteunjourdeplus.—Alors ilestpossiblequecesoit ladernièrefoisqueje tecroise?dis-jedemanièreenjouée
commesic’étaituneexcellentenouvelle.Edwardrestesilencieuxunmoment,puisseréinstallesursachaise.Lesyeuxtournésverslamer,
sonvisageestsansexpression,maisj’ail’impressionqu’ilestdéçu.Àmoinsquecesoitmonimagination…—Jesouhaitequeleschosess’arrangentvitepourtoi,dit-ilenfin.Jevoisquetuvisdesmoments
difficiles,j’espèrequetesamiessontlàpourtoi.—C’estlecas.Pourtant, aussitôt que j’ai prononcé ces paroles,ma viemerdique refait surface.Ma gorge se
noueetjesensquedeslarmesveulentsepointer.Jedétournelesyeuxpourlesposersurlesvaguesquejenevoispasvraiment,maisquelebruitmepermetd’imaginer.Lesmotsd’Alexamereviennententête.«Çanet’engageàrien.Tunelesreverrasjamais.Relaxeetprofitedetasoirée;c’estnotredernière.»
Sanshésiterpluslongtemps,mêmesiEdwardestunétranger,jem’approchedelui.—Est-cequejepourraism’allongeravectoi?Edwardmefixed’unairperplexe.Ilsedemandesijesuissérieuseoupas.Forcément!Enattente
desaréponse,jerestelà,silencieuse.—Ou…ais.Bi…ensûr!balbutie-t-ilensedéplaçantversladroitepourm’inviteràlerejoindre.Edwardlèvelebrasafinquejem’appuiesursontorse.Jesensmoncœurs’emballerànouveau.
Pourme calmer, je penche la tête vers le firmament etme perds dans les étoiles. Le corps chaudd’Edwardestapaisant.Pourmapart, je suisencore toute trempée.Mêmes’ilnedoitpasêtreaussiconfortablequemoi,ilnelelaissepasparaître.Enrevanche,ilsembleunpeutendu.Peut-êtreest-ceen raison de ce revirement subit.Moi-même je ne comprends pas trop ce quim’a pris. Il doitmecroire cinglée.Par chance, il nem’en fait pas la remarque. Il se contente de scruter les étoiles luiaussi.Aprèsquelquesminutes,jem’aperçoisqu’ilafermélespaupièresetqu’ilrespirecalmement.Ilparaîtêtrebien.Mieux,entoutcas.
JesuisallongéeaveccetinconnusuruneplagedelaRivieraMayaet,pourlapremièrefois,jecomprendsqueparfoissaisirlemomentprésent,sanssepréoccuperdureste,peutêtreagréable.Jesuissurlepointdem’endormiraurythmedelarespirationd’Edwardquandmonestomacdécidedemerappelerquej’aifaitdesabus.Jemerelèvebrusquement.
—Çava?s’inquièteEdward.—J’aichaudetj’ailanausée,jepenseque…Avantquej’aieletempsdefinirmaphrase,unechoseépouvantableseproduit.—Beuuuaaarhhgll!Toutl’alcooletlanourriturequej’aiavalésdanslajournéesedéversentdansdepuissantsjetssur
Edward.Lui,plutôtquedesesauverencourant,restelààsefairevomirdessus.—Beuuuaaarhhgll!Non,mais,est-ilpossibledevivreunesituationplushumiliante?Edwarddéplaceunemèchequi
me tombedans levisagepouréviterque jem’enmettepartout.L’instantd’après, samainestdansmon dos et me caresse doucement. Une fois que mes nombreux haut-le-cœur semblent vouloirs’arrêter,Edward se relève enfin etmedemande si ça ira. Jehoche la têtepour répondrequeoui.C’estlecas;jemesensvraimentmieux.Dumoinsphysiquement.Pourl’ego,onrepassera!
J’aipleindevomisurmarobeetj’enaifoutupartoutsurlui.Etcetteodeur!Beurk!—Viens!ordonne-t-ilgentimentenattrapantmamain.Edwardmarcheverslamerendétachantsonpantalon,qu’ilretirerapidement.Ohlà!Onsecalme!«Çat’excite,unefillequivomitsurtoi?»ai-jeenviedeluidemander.C’estquoi,cesdrôlesde
fantasmes?—Allez,viens!insiste-t-ilenretirantsonchandail.Onvaserinceretallersecoucherensuite.Jeresteplantéelààledévisager.Edwardprécise:—Toidanstachambre,moidanslamienne!explique-t-ilsuruntonquimelaissecroirequeje
suisvraimentbizarre.Jepensequ’onsesentiramieuxaprèss’êtrenettoyésunpeu.Oh!Sansréfléchiraufaitquejemeretrouveensous-vêtementsdevantlui,jemedéshabille.Jeretire
marobeenprenantgardequelesrestesdemonsoupernemecollentpasauxcheveux,puisjemarcheprèsdelui.Enfin,pastrèsprès,maispastroploinnonplus.
Lamerestétonnammentchaude.Edwardaeuunesuperbeidée.Ilplongesousl’eausansarrêt,ilsembles’amuser.
—Çavamieux?demande-t-ilencoreunefois.—Oui!Vraimentmieux.Cetteeauestgénialeenplus.Souslerefletdelalune,jepeuxvoirqu’Edwardmesourit.Jemesensbien.Surprenantpourune
fillequiapassélasoiréeàs’humilier.C’est incroyable!J’airacontéplusdestupiditéscesoirquedansmavieenentier.Ensuite,j’aibasculédanslapiscineparcequej’étaistropsoûleetmaintenantjeluiaivomidessus!
Bellemoyenne,Maëlie!Audiable labonnepremière impression.Pourtant, il est encore là !Finalement, il estpeut-être
plusidiotquejelepensais!—Onesttellementbien!s’exclameEdwardens’approchant.Ilestdiablementbeauavecsescheveux lissésvers l’arrièreet les refletsde la lunesursapeau
mouillée.—Ouais!Sij’avaisunebrosseàdentsàmadisposition,jeresteraisicitoutelanuit.Edwardmesouritencore.—Maispuisquecen’estpaslecas,jepensequejevaisrentrer.Jemerapprochedelaplageetréaliseàcemomentseulementquejedoisgagnermonhôtelen
sous-vêtements.Jemeretourneversluipourconstaterquesonboxerestfoncé.Ilesttrèsmoulant–etluiva trèsbiend’ailleurs–,maisaumoins ilpeutpasserpourunmaillot.Moi, j’aidesdessousendentellerosepâleettransparents,mêmequandilsnesontpasmouillés!
—Attends!Jevaistetrouveruneservietteouunchandailpourtecouvrir.Ilestvraimenttropadorable,cegars-là!Ilestoù,levicecaché?
—Merci, ça ira !De toutemanière, aupointoù j’en suis, àquoibon tenterd’avoirunpeudedignité!
Edwardétouffeunrirependantquej’attrapemarobesouilléeetformeunepetiteboulepourlatransporter.Ilfaitdemêmeavecsesvêtements.Nousneparlonspaspendantletrajet,maislesilenceestconfortable.Jeparlequ’enarrivantdevantmonhôtel.
—J’ysuis!—Vraiment?—Oui,cettefoisc’estlavérité.—Ehbien,moi,jesuisjustelà,annonce-t-ilenmemontrantlebâtimentturquoiseenface.Voilà,onyest.Cemomentoùonsedemandecommentmettre finà la soirée.Saufque là, j’ai
encoreunehaleinedevomi,alorslaquestionestplussimpleàrégler.—Bonnenuit,Maëlie!Dorsbien.Edward marche à reculons en agitant la main. Quand il se tourne, je fais volte-face pour
m’éloignersansregarderderrière.Jesuissurprisequelesfillessoientdéjàrentrées,maisplutôtheureusedelesretrouver.Ellessont
sortiesdanseravecWilliametJoshuacommemel’aditEdward,maislesdeuxgarssontpartistôt.Ilssouhaitent être en forme pour l’excursion en catamaran qu’ils ont prévue demain.Mes amies ontpasséunesuperbesoiréeenleurcompagnie,maisiln’yaeuaucunrapprochement.
Aprèsavoirexpliquécequej’aifaitdurestedemasoirée,justifiélaraisonpourlaquellejesuispresquenueetregardémesamiessemoquerdemoiallègrement,jemerendssousladouche.Mêmesijesensquel’alcools’estunpeuévaporé,quandjem’étendsdansmonlit,j’ail’impressionqueleplafondbouge.Seulementquelquessecondessontnécessairespourque jesombredansunprofondsommeil.
4J’ignorequelleheure ilestexactementquandCrystal sauteàpieds jointsdansmon litpourme
réveiller,maisilesttroptôt.Outch!Matête!—Allez,beauté!C’estnotredernièrematinée,ilfautenprofiter!hurleAlexa.Savoixrésonnedansmatêtecommeunmarteau-piqueur.Lelitquibougemedonnel’impression
d’êtredansunebarquequitangueparunejournéedetempête.—Ondiraitquenotrejoliebrunettealagueuledeboiscematin!semoqueZoey.—Ouais!Cettefois,c’estlecas,dis-jed’unevoixsiâprequej’ail’impressiond’avoiravaléune
râpeàfromage.Crystalserendaufrigopourrécupérerunebouteilled’eauqu’ellemecatapultesurlelit.Aidée
demesamies,j’enfileunbikinisousunshortetunhautqu’ellesontsélectionnéspourmoi.Jelavemonvisage,brossemesdentsetmescheveux.Macrinièreestunpeuboucléepuisquejesuisalléemecouchersanslasécher.Pourtenterdemedonneruneapparenceprésentable,jeglisseunbandeausurmatêteetdeslunettesdesoleilsurmonvisage.
—Tuessuperbe!mentCrystal.Enmarchantjusqu’auresto,jedemeuresilencieuseenécoutantlesfillesjacasserdeleursplansde
lamatinée.Arrivéesurplace,jecommandeundoubleexpressoetresteassisequandmescopinesserendentaubuffet.Lesgensquicirculentetlebruitdesassiettesquis’entrechoquentm’étourdissent.
—Jeterapportequelquechose?demandeAlexa.Jehochevaguementlatêtepourrefuser.—Tudoismanger,Maëlie.Sinon,tuauraslecœurauborddeslèvrestoutelajournée.Jerefusequandmêmed’avalerquoiquecesoit.L’idéed’ingurgiterautrechosequemoncaféme
donnelanausée.Aprèsledéjeuner, lesfillesretournentàlachambreafindepréparerleursacpourallervoirla
mer une dernière fois. Dès que j’arrive, je me laisse tomber, visage en premier, sur mon lit. Jeregretted’avoirbuautant laveille.Jevoudraisprofiterdecesquelquesheuresrestantes,maismoncorpsn’apaslaforme.
Zut!Moiquivoulaisfaireduparavoile!C’estentraînantdelapattequejemerendsjusqu’àlaplage.Planquéederrièremesverresfumés,
j’observelameretmesamiesquis’ytrouventenpensantàmajournéeetsurtoutàmasoiréed’hier.J’aitellementhonte!J’espèrenepasrevoirEdwardavantmondépart.Enayantcettepensée,jecroisapercevoirletriodemâless’approcher.
Malgrématêtequitourne,jemelèvesanstarderpourallerdansl’eau.Mêmesijen’aipasdutoutenviede socialiser, jem’approched’ungarsqui est seul. Je reste avec luiunmoment, àparlerdecourse à pied. Cet adepte demarathon discourt longuement sur cette discipline. C’est vraiment unpassionné,etc’esttantmieux.Ilestsianiméparcequ’ilracontequ’ilneréalisepasquejenel’écoutepasbeaucoup.Jejettedescoupsd’œilfurtifsauxfillesquisontretournéeàleurschaises.Pendantquemonmarathonienfaitsonmonologue,j’aperçoisWilliam,JoshuaetEdwards’approcherd’elles.
Merde!Cequ’ilestbeau!Lesgarspivotentversmoi.Jesupposequec’estparcequ’ilsontdemandéoùj’étais.Jelessalue
demanièredésintéresséeetmetourneversletypeàmescôtés,feignantd’êtreentraindepasserdubontemps.J’espèreainsiqu’Edwardneviendrapasmeretrouver.
Cen’estquelorsquejevoislesgarspartirquejemetsfinàmaconversationpourretourneràma
chaise. Mes copines m’informent qu’Edward est venu prendre de mes nouvelles avant d’allerdéjeuner.Ensuite,sesamisetluiontréservéuncatamaranpourserendreàl’îled’enface–làoùlecinglévoulaitm’emmener–pour fairede laplongée sous-marine. J’aidoncpeude chancesde lerevoir.Quelsoulagement!
Latempératureestfantastique,l’eauestturquoise,lesableestblanc,leciel,sansnuages;toutestparfait.Mêmemonmaldetêtesemblevouloirdisparaître.
—C’estdéjàfini!pleurnicheZoey,alorsqu’onesttoutessilencieusesàcontemplerlameretàsiroternotreverre.
Del’eau,dansmoncas.Dansquelquesjours,lavieaurareprissoncoursnormal.Crystalretourneradessinerdesplansde
maison, Alexa soignera les dents de ses patients, Zoey traduira quelques documents dans le butd’amasserassezd’argentpourrepartirenvoyage,etmoi, jecommenceraimonnouveauboulot.Jesuis à la fois excitée et nerveuse. Cette boîte de communication et marketing est l’une des plusprestigieusesdeMontréal.J’aiespoirquejepourraiytirermonépingledujeu.
EnparlantavecEdward,j’aiprétenduquej’allaisaffichermescouleursrapidementetfairesavoiràmonpatronquej’étaisambitieuse.Jeneprévoispasm’yprendredelafaçonquej’aimentionnée,maisjesuisdéterminéeàfaireunedifférencedansl’entreprise.D’ailleurs,lorsdel’entrevue,j’aiétéhonnête sur mes intentions. À ce moment, l’équipe que j’ai rencontrée m’a mentionné qu’unepersonnemotivéeétaitexactementcequelaboîtecherchaitpourceposte.Alorsj’aiconfiancequeleventtourneraenfinpourmoi.Sijenesuispaschanceuseenamour,jemériteàtoutlemoinsdel’êtreenaffaires!
Àpeinedeuxheuressesontécoulées,pourtant,ilestdéjàtempsd’allerpréparernosvalises.***
Unefoisnotredépartenregistréetnotretournéeeffectuéepoursaluernosgentilsorganisateurs,mesamiesetmoisommesaffaléessurlescanapésdanslehall.LesNew-Yorkaissontvenusnousdireaurevoir.Alexas’estéclipséeunmomentpourparleràNick.Ilsontéchangéleurscoordonnéesdanslebutdeserevoir.NickvoyagebeaucouppoursontravailetvientsouventàMontréal,semble-t-il.
NousplacotonsenattendantnotrevéhiculedetransportquandJoshuasepointeàl’horizon.Merde!Çanefaitaucundoute,WilliametEdwardsontassurémentavecluietilssontlàpournousfaire
leurs adieux. Je suis si embarrassée de la soirée précédente que la seule idée de me tenir devantEdwardm’estinsupportable.
—Çava?questionneCrystalenmevoyantpaniquer.—Non,jepensequejevaisencoreêtremalade.—Tun’aspasl’airtropmalenpoint,observeAlexa.Zoey,quiestassisesursonénormevalise,comprendlapremièrecequisepasse.—Jepensequesanauséeaunnom,lance-t-elleendésignantletriodumenton.Edwardite!Sansrienrépliquer,jemesauveencourant.Vraimentencourant!Quelleidiote!Commeunefillequisesauveverslestoilettesparcequ’ellevavomir,jemerendsexactementà
cetendroit.Deboutdevantlegrandmiroir,quireflèteunefillebeaucoupplusbronzéequed’habitude,jesongeàlamanièredemesortirdecettesituation.Jesaisbienquemecachernechangerienàcequis’estpassé,maisc’estpourtantmaseuleenvie.Sijeresteassezlongtempsici,l’autobusarrivera,unedesfillesviendramechercher,etjen’auraid’autrechoixquedemonteràtoutevitessejusteavantledépart.
Pendantquejemefaiscetteréflexion,Alexaentredanslasalledetoilettesdesdames.—Çanevapaspourvraioututecachesd’Edward?Jebaisse lesyeuxsur lachose laplus fascinantedumondeencemoment,soitmespieds,et je
marmonne:—Qu’est-cequetupenses?—Jecroisquetun’espaslapremièrepersonnequiatropbuetquiafaitdessottises.S’ilestlà
pourtesaluer,c’estqu’ilsefichedecequetuaspufaire.—C’esthumiliant!—Hier, tu étais soûle et tu avais raison de faire des stupidités. Là, tu n’as rien pour justifier
d’avoircourucommesil’immeubleétaitentraindebrûler.—Ilm’avuemesauver,tucrois?—Non,merassure-t-elle,maistudoissortird’ici.Cegars-làn’estpasidiot,ilsedouteraquetu
tecachesdelui.Jejetteuncoupd’œildanslaglace.J’aiunetêteaffreuseetjemesensaussimalquecequej’ai
l’air.Jesoupireaumoinsdixfoisavantdemedécideràsortir.Jemedirigeverslalourdeportedeboismassifpourl’ouvrir.
—Maëlie!Jem’arrêtepourregarderAlexa.—Ilyaunedernièrechosequejevoudraist’annonceravantquetusortes.William,Joshua…et
EdwardsontdeMontréal.Zut!—Bah!C’estgrand,Montréal.Jesuiscertainequemavoixnesonnaitpasaussinonchalantequecequej’espérais.J’esquisseun
vaguesourirepourcompenser.Pourm’achever,elleenrajoute.—ZoeyetCrystalsontentraind’échangerleurscoordonnées.Merde!Merdeetre-merde!Je marche lentement aux côtés d’Alexa tout en affichant mon sourire de fausse contenance.
Edwardporteunshortblancetuntee-shirtrosequifaitressortirsonteintbronzéetsabarbefortedeplusieurs jours.Avecsespiedsnus,sesverresfumés juchéssursescheveuxenpétard, ila l’allured’unvrai vacancier. Je le trouve encoreplusbeauque laveille.Quandnous arrivons àproximité,Edward lève la tête pour nous sourire. Ses yeux de la couleur de la mer s’illuminent en nousapercevant.Jesensleregarddemesamiessurmoitandisquemonestomacsenoue.Pascommesij’allaisvomir,maisplutôtparcequemoncœuradécidédefairedespirouettesetdetoutdéstabilisercequisetrouveautour.
—Çava?demandeEdwardens’approchantdemoi.—Mieux.J’ailesmainsmoitesetmoncœurbatsifortquej’aipeurqu’ill’entende.Paniquée,jedirigemon
attentionverslebar.—Jevaismechercherunjus.Puis,jetournelestalonsetmesauveàtoutevitesse.Pendantquejemarche,jepeuxentendremes
amiesmetraiterd’imbécilepartélépathie.LetempsdecommanderunjusdefruitsàBenito,j’entendslebussegarer.
Alléluia!Dansquelquesminutes,jeseraipartie.Toutcequimeresteàfaire,c’estd’étirerletempsenjasant
avecBenitoetd’attrapermavaliseauderniermoment.Edwardchangeunpeumesplans.Avantqueje
levoiearriver,ilsemanifesteàmescôtés.—Visiblement,tun’aspastropenviedemevoir,alorsjevaisretourneràlaplage.J’étaisjuste
venutesouhaiterunbonvolderetour,maisiln’yapaslieudetetortureravecça.Alorsvoilà,c’estfait.Çaaétéunplaisirdeterencontrer.
Edwards’apprêteàpartir,maisjel’enempêcheendéposantmamainsursonbras.Jeregardemesdoigtsautourdesonpoignetpendantundemi-siècleavantdetrouverlecouragedelevermesyeuxverslessiens.
—Jesuisdésolée,Edward.Jesuisseulementmalàl’aisedetoutcequej’aiditetfaithier.Edward est plusprèsque jamais.Pour la première fois, je vois l’intensité de son regard et les
traitsparfaitementharmonieuxdesonvisage.Visagequim’apparaîtfâché…oudéçu…outriste?Jenesauraisdireexactementl’émotionquiyestpeinte,maisquelquechosenevapas.
—Jedoisyallermaintenant.J’aibeauavoirparléentournantlesyeuxversmesamiesquidonnentleursvalisesaubagagiste,
Edwardcontinuedemeregardersansparler.Jedéglutisencherchantquelquechoseàajouter.—Mercipourtout.Plutôtdebase,maisqu’est-ceque jepeuxbien luidired’autre?Jen’aiplusde tempspour lui
exprimer ce que je pense vraiment.Alors ilme faut faire vite. Sans plus réfléchir, je prendsmoncourageàdeuxmainspourluitransmettremapensée,delamanièrelaplusrapideetefficaceàmesyeux. Jem’approchede lui etmepenchepourposerunpetitbaiser inoffensif,mais tendre sur seslèvres.Edwardtournelatêtepourquemaboucheatterrissesursajoue.
QUOI!Ça,jenel’avaispasvuvenir.Dutout.Jecroisquequelqu’unvientdefrappermonegoàcoupde
masse. Jamaisonnem’a fait ce coup-là.C’est donc commeçaque s’est sentiAntoine, deux joursauparavant!Monsangboutderagedansmesveines,tantjesuisinsultée.Jenevoulaispasluifaireun lavement de bouche, je voulais juste quemes lèvres touchent les siennes. Sans le regarder, jeprendsmon jus, en avale le contenu d’un trait. Je lance je ne sais trop quoi pour saluerBenito ettournelestalons.
—Attends!ditEdwardententantdem’attraperparlebras.Jel’enempêcheetaccélèrelepas.—Maëlie!jel’entendscrier.—Aurevoir,Edward!Jecourspourmerendreaubus.Jem’efforcetoutdemêmedesourireàJoshuaetWilliamquime
regardentarriveràtouteallure.—Salut,lesgars!Amusez-vousbienpourletempsqu’ilvousreste!Lesamisd’Edwardmerendentmonsourire,maistrèsviteleursyeuxsetournentversEdwardqui
arrive.J’aijusteletempsd’apercevoirleurairintriguéavantdemonteràbord.Lechauffeurrefermelaporte.Ilpourraityavoirdufeudansmescheveuxquejen’auraispaspluschaud.Sij’étaisseule,jehurleraismacolère.Lestroispairesd’yeuxdemescopinessontbraquéessurmoi.Aucuneneparle.Jemelaissetombertropbrusquementsurlesiègeprèsd’Alexa,cequilafaitrebondirdesoncôté.
Unefoisquelechauffeurs’estmisenroute,j’appuiematêtecontrelesiègeetsoupiresifortqueles touristes en avant demoi se retournent pourme regarder.Quand l’air est bien évacué demespoumons,jefaisfaceàAlexaquiaunregardapeuré.
—Cesacàmerdem’aprésentésajoue!dis-jeentremesdents.ZoeyetCrystal,quisontsurlebancvoisin,sepenchentpourm’observer.—Sajoue?questionneAlexad’unevoixdoucecommepouressayerdemecalmer.
—Oui,j’aivoulul’embrasseretcetimbéciles’esttournépourmeprésentersajoue!Unlongsilencesuit.Jetentedereprendremonsang-froid,maisjesenslapressionquiveutfaire
explosermatête.Puis,graduellement,lalèvred’Alexafrémit.C’estévidentqu’ellesecontrôlepournepasrigoler.Jel’observe,jusqu’àcequedeséclatsderirestridentssoientcatapultésdelabouchedemesautresamies.
—Ha!Ha!Ha!rientenchœurZoeyetCrystal.Alexaquin’arriveplusàsecontenirs’esclaffe,elleaussi.—Voustrouvezquec’estdrôle!—Ha!Ha!Ha!Cettefois,cen’estpluscontreEdwardquejesuisfurieuse,maiscontremesamies…ouex-amies,
jen’aipasencoredécidé.—Maëlie!Onnesemoquepasdetoi.Onpensaitjustequ’ils’étaitpasséquelquechosedegrave,
justifieZoey,quandelleparvientàretrouversonsérieux.—C’estgrave!J’avaisdéjàl’estimepersonnelledanslestalons.Merde!Jenel’aipasdemandé
enmariage!Enplus,c’étaitpluspourluiquepourmoiquejelefaisais.Alexame dévisage avec le front plissé, le nez retroussé et des points d’interrogation dans les
yeux.—Commejen’aipasarrêtédelefuir, jevoulaisluifairecomprendrequecen’étaitpaslui, le
problème.—Tutrouvesvraimentqu’ilfaisaitpitié,celui-là?menargueCrystal.—Ah!Tunecomprendsrien!—Attends!reprendAlexa.Jenesaispastropcommentças’estpassé,votreaffaire,maistuas
peut-êtremalinterprétésonrefusdet’embrasser.Ilasûrementétésurpris.Tuledistoi-même,tun’aspascessédetesauverdelui.Iladûêtreétonnéetsongesteaétémalcalculé.
—Malcalculé?Jeprends soinde retroussermonnez et d’ajouterunebonnedosed’incrédulitédansmesyeux
pourluifairesavoirquec’estlachoselaplusstupidequej’aieentenduedemavie.—Ou bien les souvenirs de toi en train de vomir ont refait surface et il a eu peur que ça te
reprenne!lanceCrystalennepouvants’empêcherdes’étranglerderireenfinissantsaphrase.Bizarrement, soncommentairemedonneenviedesourire. Jepince les lèvresquand je sensun
riresepointer.Jel’étouffeavecunraclementdegorge.Enespérantquelesfillesnes’enaperçoiventpas,jemepencheversmonsacàmain,aupointd’avoirlevisageàl’intérieur,oupresque.
Etpuismerde!C’enesttrop.Jememetsfinalementàrigolercommeuneabrutie.Lesricanementsdemesamies
sejoignentrapidementaumien.Par chance, je laisse toute cette histoire au Mexique pour me concentrer sur ce qui a plus
d’importance:montravail.***
LevolversMontréal se fait sansembûcheset l’attentepour retrouvernosvalisesestdecourtedurée. Pour éviter d’avoir à chercher notre voiture trop longtemps dans le stationnement, on s’estrendues dans le même taxi. Lors de notre précédent voyage, j’avais quitté le travail pour allerdirectementàl’aéroport.Ayantétépluslonguequeprévupourfinirunrapportquejedevaisremettreavantdepartir,j’étaisarrivéeencatastrophe.J’avaislaissémavoituredanslestationnemententoutevitesse,avantdecourirpournepasmanquermonvol.Plusconcentréesurmondépartquesurmonarrivée,j’avaisomisdenoteroùétaitgarémonvéhicule.Erreur!J’avaismisdelonguesminutesà
tournerenronddanslegigantesquestationnementpourtenterdeleretrouver.Ayantcovoiturépourserendre,mesamiesétaientdéjàparties.Jemesentaisembarrasséedelesappelerpourobtenirleuraide.Finalement,mespiedsgelésm’avaientconvaincuedeleurenvoyeruntextopourlessupplierdeveniràmonsecours.Nousavionsmisprèsd’uneheuredeplusàrepérermavoiture,maisaumoinsc’étaitdansleconfortdelaluxueuseBMWdeCrystal.Cejour-là,j’aiprisladécisiondetoujoursmerendreentaxi.
Aujourd’hui, une heure après l’atterrissage sur le tarmac de l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau, je suis déjà en train d’insérer la clé dans la porte chezmoi pour la déverrouiller.Commechaquefoisquejevoyage,jesuistrèsheureusedemeretrouveràlamaisonenrevenant.Mademeure n’a rien à voir avec la somptueuse résidence d’Alexa, mais ce penthouse dont j’ai faitl’acquisitionilyadeuxansesttoutdemêmetrèsbien.Ilestmoderne,luxueux,biensituéetrépondparfaitementàmesbesoins.
Jesuisrentréedepuisenvironcinqminutesquandtroispetitscoupsretentissentetlaportes’ouvrecommesiunouraganvenaitdes’élever.Jedevraissursauter,maisjesuissihabituéedevoirMoricio,monvoisind’enface,entrerencatastrophequejenecillemêmeplus.
—¡Hola!Cómoestássenorita?¿Hatenidounbuenviaje?—¡Hola!Si.Espléndido!Melohepasado.Moricioestunhurluberlud’environquaranteansquipasselestroisquartsdesontempsànerien
faire. Depuis le jour où j’ai emménagé, il vient me voir, dès que jemets les pieds chezmoi. Laplupartdutemps, ilnerestequequelquesminutes.Justeassezpourmedemandercommentjevais,placoterunpeuetvolerquelquechosedansmonfrigo.Jenesaispasgrand-chosedeluiet,audébut,ilmefaisaitunpeupeur.Jesaismaintenantqu’ilestinoffensif,malgrésonallureparticulière.Ilestgrand, échevelé commeEinstein et a toujours unpantalonbrun, lequel est porté avecune chemisequ’ilchangechaquejour.Faitplutôtétrange,jecroisnel’avoirjamaisvuaveclamême.Toujoursàmotifscolorés,rienn’estexclu.
—Tu as rencontré de beaux latinos ? s’intéresse-t-il en prenant une pommequi a perdu de safermetédansmonpanieràfruits.
Moricio est étrange,mal élevé, indiscret et,malgré cela, je l’adore. Il fait partie dema vie auquotidienetsansluimonexistenceseraitplusterne.Ilneparaîtpastravailler,pourtantilsembleavoirdel’argent.Saufpeut-êtrepoursesvêtementsquionttoujoursl’airdeprovenird’unefriperie.Jelevoisarriver tantavecdeshommesquedesfemmes.Sans toutefoisenavoir lacertitude, jesupposequ’ilestbisexuel.Ilatoujoursunpointdevueoriginalsurtouslessujetsdeconversationqu’onpeutaborder.Bienqu’ilnesoitunexpertdansaucundomaine,ilconnaîttout.
—Destonnesdebeauxlatinos!dis-jesansrienajoutersurlesujet.Monvoisinouvrelaportedemonfrigoenmordantdanslapommequ’ilm’achipée.—Yarien!Ilaraison,j’ailibérémonfrigoavantdepartiretcommej’aiprévucommanderdessushispour
lesouper,j’iraiaumarchédemainseulement.Sansunmotdeplus,Moriciomefaitunclind’œiletsortdechezmoi.
Homesweethome!LavisitedeMoriciom’apermisderéaliserquelequotidienreprend.Commeprévu, jedéfaismavaliseetcommence la lessive.Unefois lesableàpeuprèsvidéde
mesbagages, jecommandedessushis,ouvreunebouteilledechardonnayetm’installedevantmontéléviseurpourvisionnerdesémissionsinutileslerestantdelasoirée.
Lelendemain, jesuisplusoccupée.Jemelève tôtpourallerdéneigermavoiturequiest restée
garéeduranttoutemonabsence.Àenjugerparlamontagnesouslaquelleellecroule,ilabeaucoupneigé pendant cette semaine de janvier.C’est incroyable, presque deux heuresme sont nécessairespourladéterrer!Ensuite,jemerendsdanslesboutiquespourydénicherquelquesvêtementsneufspour faire bonne impression dans mes nouvelles fonctions. Et finalement, après être passée aumarchépouryattraperdequoipréparerlesrepaspourlasemaine,jerentrechezmoi.
Quand j’arrive dans l’entrée de mon immeuble, Moricio est là. Il porte un affreux manteaud’hiveretunetuque,aussilaide,plantéesurledessusdelatête.Ilm’aideàtransportermespaquetsjusquedansmacuisine.Aprèsavoirdéposélecontenudessacsd’épiceriesurlecomptoir,ilattrapelesbananesquejeviensd’acheteretsort.Jepasseensuitemasoiréeàcuisiner.
Justeavantd’allerau lit, jemebranchesurmaboîtecourrielety trouvedesmessagesdemesamies.ZoeyetAlexamesouhaitentbonnechancepourdemain.Crystal,quantàelle,mefaitparveniruncourrielqu’elleareçudeLaurent,letypeduMexique,l’amidureptile.Lecontenuditentreautresqu’Antoineessaiedemefaireparvenirunmessage,maisquemonadresseélectroniquesembleêtreerronée.
Ahben!Bizarre!Crystalmedemande cequ’elle doit lui répondre. Je pianote un courtmessage avant d’éteindre
monordi.De:MaëlieFayeÀ:CrystalAmbroseDate:19janvier–22h03Objet:Mauvaiseadresse?Hésexy!Dis-luiquej’aiattrapélagonorrhée!!ÍMaëliexoxPuis,c’estenimaginantmapremièrejournéeaubureauquejem’endors.
5C’estavecdelégerspapillonsdansleventrequej’arriveauboulot.Ilfaitbeau,maistrèsfroid.Si
bienquelorsquejefranchislesportesdel’immeubledeverrej’ailesyeuxlarmoyants.JedétesteleQuébec!Cen’estpas toutà faitvrai. J’aimenotrebelleprovince,mais j’écourterais l’hiver.J’aimebien
profiterde lasaisonfroidepourm’adonnerauxsportsd’hiver.Maisaujourd’hui,vêtued’une jupequilaissepasserl’airglacialdumoisdejanvieretdebottesàtalonsaiguillespourmarchersurdestrottoirsmaldéneigés,cen’estpasdetoutrepos.
Dèsquejesuisàl’abriduventetdufroid,jemeconcentresurmadestination,soitlequatorzièmeétage. L’ascenseur est plein à craquer de gens d’affaires qui regardent droit devant, comme s’ilsétaient seuls aumonde. J’ai toujours trouvé plutôt étranges les personnes quimarchent et agissentcomme des robots en ignorant tout humain à proximité. Mais où est donc passée la chaleur del’époque ? Cette période où les gens, inconnus ou pas, se saluaient. Bien sûr, dans ce temps, lesgrandesmétropolesn’existaientpasetlespersonnesquicroisaientnotreroutenesecomptaientpasparmilliersàl’heure.Maisquandmême,ilnes’agitpasd’entreprendreunegrandediscussionavecchacun;unsourire,çan’ajamaistuépersonne!Lacagemétalliques’estvidéeaufildesétagesetuntypequiestencorelàfaitéchoàmespenséesenmesouriantgentiment.
—Bonjour!Je luirendssonsourireetsasalutation.Pasdifficiled’êtreaimableavecungarsaussimignon.
J’aime moins les bruns, mais lui n’est pas mal. La cloche annonçant mon étage se fait entendre.L’hommetientlaporte,melaissesortiretmesuit.
—VousêtesMaëlieFaye,c’estbiença?Ilrigoleenlisantlasurprisesurmonvisage.—Jevousaivueaumomentde l’entrevue. Je suisOlivierRossi, responsabledu servicede la
paye.C’estpourcetteraisonquejeconnaisvotrenom.Etmonsalaire!—C’estunplaisirdefairevotreconnaissance,monsieurRossi.—Olivier.—OK!Ilmarcheensilenceàmescôtés, jusqu’àcequ’ilmesouhaiteunebonne journéeenbifurquant
versunescaliermenantàunétagesupérieur.Arrivée à l’accueil, je m’annonce au réceptionniste, un jeune homme asiatique. À peine deux
minutes s’écoulent avant qu’une fille des ressources humaines vienne me chercher. Je passe unebonneheureavecCynthia,quim’expliquelefonctionnementdesassurancescollectivesainsiquelagammedesavantagessociauxauxquelsj’aidroit.C’estellequim’accompagnejusqu’àmonbureauoùm’attendMaya,monassistante.Mayaestdanslafindelavingtaineetaunstyle…différent.Sescheveuxsontplacésd’unemanièrequejenesauraisdéfinir.Sisacoiffureétaitunanimal,ceseraituncroisement entreunhérissonet un rhinocéros !Sesvêtements aussi sontpeuconventionnels ; elleporte un tailleurmauve avec des bottes lacées. Pourtant, aussi étrange que ça puisse sembler, elleaffiche une image professionnelle.Enfin, sur elle, c’est ce que ça donne. Surmoi, je suppose quej’auraisl’airdevouloirquémanderdesfriandisesparunbeausoird’automne!
—Bonjour,madameFaye,jesuisraviedevousrencontrer.J’aientendudebonsmotssurvous.J’avaistrèshâtedefairevotreconnaissance.
—Bonjour,Maya!Jet’enprie,appelle-moiMaëlie.
Aussitôtlesprésentationsfaites,Mayameguidesurcequeseramapremièrejournéedetravail.J’ignore toutd’elle,mais je l’aimedéjà.Elle est souriante,dynamiqueet saitoùelle s’enva.Monbureauestorganiséetellem’acommandédesfleurspourmesouhaiterlabienvenue.
—Voici ladocumentationconcernantunclientque tudevras rencontrerdemain,dit-elleenmetendantuncafé.Sucre?Lait?
—Noir.Merci,Maya.—Dansquarante-cinqminutes, tudoisassisteràuneréuniondesservices.Ellea lieudeuxfois
parmois.Voiciunorganigrammepourtesituer.J’aimislesnomsdesdivisionsetdesresponsablespourt’aiderpendantcetterencontre.Ensuite,àmiditrente,tusorsdîneravecmonsieurO’Toole,tonsupérieur.C’estleVPdesopérationsetdudéveloppementdesaffaires.Tun’asrienàpréparer,sauftonsourire.C’estundînerdebienvenue.Ilt’expliquerasimplementcequ’ilattenddetoiainsiquelesorientations qu’il veut donner à la division communication et marketing dont tu es maintenantresponsable.
Etmoi,l’orientationquejeveuxdonneràmacarrière!—Àquinzeheures,lesgensdesfinancesfontuneprésentationàlaquellelesdirecteursdechaque
service doivent assister. Tu verras donc le même beau monde. Ce sera plutôt ennuyant, ils vousprésenterontlesprévisionsbudgétairespourleprochaintrimestre.
Çamefaitsouriredevoirqu’ellenonplusn’aimepas trop leschiffres.Nousavonsdéjàçaencommun.
— Je serai au bureau jusqu’à dix-sept heures trente aujourd’hui. Tu n’as qu’à appuyer ici,explique-t-elle en me désignant un bouton rouge sur mon téléphone, et je me manifesterai. Lameilleurefaçondemecontacterensoirée,c’estparcourriel.Jesuistoujoursbranchée.
—Wow!Tuesgéniale!Ontel’adéjàdit?Mayame fait un clin d’œil accompagné d’un petit souriremalicieux et tourne les talons pour
regagnersonbureau.J’observe lemien. Iln’estpas trèsspacieux,mais lemobilierestactueletdebon goût. La fenêtre qui donne sur un édifice inintéressant me permet d’avoir une vue du pontJacques-Cartieret,surtout,dufleuvequ’ilenjambe.Jedéfaismescartonspourm’approprierl’espaceenme faisant la réflexion que je serai bien ici. Je sens une belle énergie chez tous ceux que j’airencontrésjusqu’àmaintenant.L’atmosphèredécontractéemeplaît.
Jeviensdemepenchersurlesdocumentsquem’aremisMayaquandonfrappeàmaporte.Unefemmechâtaine,distinguée,danslacinquantaineestdeboutsurleseuil.
—Bonjour,madameFaye.JesuisEleonorLaSaint-Cortes,l’assistantedemonsieurO’Toole.Jesuissimplementvenuemeprésenterparcequenousauronsàtravaillerensembleauquotidien.
Jemelèvepourallerserrersapoignefrancheetassurée.Sonsourire,quantàlui,est tellementchaleureux.
—Bonjour,madameLaSaint-Cortes.Jesuisraviedevousrencontrer.—Moi demême. Je travaille avecmonsieur O’Toole depuis cinq ansmaintenant. Avant qu’il
accèdeàceposte,j’étaisdéjàl’assistantedeceluiqu’ilremplaceetdel’autreavant.Jeconnaisplutôtbiencequisepassedanscetteboîte,alorsn’hésitezpasàmedemandersivousavezdesquestions,jepourraisûrementvousêtreutile.
—Merci,madameLaSaint-Cortes,c’esttrèsapprécié.—Jevousenprie,appelez-moiEleonor.—D’accord,etmoijepréfèrequ’onm’appelleMaëlie.—Bienvenueparminous,Maëlie.Wow ! Je trouve les gens vraiment gentils ici. Je me penche de nouveau sur mes papiers en
prenantunegorgéedecafé.Toc!Toc!Toc!Enlevantlatête,j’aperçoisOlivier,legarsdelapaye,quiestlà.Sourireauxlèvres,ilsetientdanslecadragedelaporte.
—Bonjour,Maëlie. Jesaisque tudoisêtrebombardéepar tout lemonde,mais jedois te fairesignerdestrucspourledépôtbancaire.
—Viens,assois-toi.Jedéposematassependantqu’Oliviers’installe.Ilparaîtnerveux.Jemedemandesic’estmoiqui
aiceteffetsurlui.J’ail’impressionqueoui.Jel’examinetandisqu’ilpréparelesdocumentsquejedoissigner.Ilestfranchementséduisant.Sescheveuxfoncéssonttrèscourts,sapeauestbasanée,sonnezestdroitetsansdéfaut,etsaboucheestjusteassezcharnue.Sonvisageestangulairecommeceluid’unmannequin,sansêtretropparfait…
—…justeici,indiqueOlivier.Oups!LaTerreappelleMaëlie.—Pourcequiestdetonallocationdedépenses,elledoitêtreapprouvéepartonsupérieur,etc’est
sonassistante,Eleonor,quimel’achemine.—Trèsbien.Merci,Olivier,dis-jeensouriantplusquenécessaire.Monnouveaucollèguemerécompenseenétirantunpeuleslèvresluiaussi.Jenelequittepasdes
yeuxquandilselève.Enfait,sanstropcomprendrecequimeprend,jel’examinedelatêteauxpieds.Il leremarque,carjevoissonvisages’empourprer.Conscientequejelemetsmalàl’aise, jefinispar détourner le regard. Pendant ce court moment, Olivier trébuche sur une ligne imaginaire. Ilétouffeunrirenerveux,puispivotevitepours’éloigner.
—Àbientôt,Olivier.Bon,là,jedoismefocalisersurleschosesimportantes.Premierjourdetravailetjesuisdéjàen
traindemechercherunhomme!Jeréalisequ’ilnemerestequequelquesminutesavantmaréunion.Jeconsultel’organigrammeà
la sauvette, histoire d’avoir les noms de mes collègues en tête. Il y a six divisions en tout :planification stratégique et finances, médias sociaux et affaires électroniques, développement desaffaires, publicité, création et gestion de marques, affaires internationales et, finalement,communicationetmarketing,dontjesuisresponsable.
Je sensque les papillons reviennent danser dansmon estomac.Pourtant, je n’ai rien à faire departiculierpourcettepremièreréunion,saufécouter.Jesupposequec’estl’idéederencontrermonpatronet ledésirde fairebonne impressionquimerendnerveuse. Jeprendsquelques respirationsprofondes,attrapemonporte-documents,récupèrematassedecaféetquittemonbureau.Jemarchelatêtehauteenmerépétantquetoutsepasserabien.
***Quand j’entre dans la salle de conférences, une femme et deux hommes sont déjà présents. Ils
s’arrêtentdeparleretselèventpourm’accueillir.Lafemmeestdanslacinquantaineavancée,elleauntailleurstrict,maissonsourireestchaleureux.Ellesembleplutôtgentille.Lesdeuxhommessontplusjeunes,fintrentaineoudébutquarantaine.Ilssontaussiassezsympathiques.Ilsviennenttousdemedireleursnoms,maisjesuistropstressée,jenemesouviensd’aucun.
Merci,Maya,pourl’organigramme!Puisquenousnesommesquedeuxfemmes,maconsœurserafacileàrepérersurmafeuille.Le
typeavecl’habitnoirvientdem’informerqu’ils’occupedeladivisiondesmédiassociauxetaffairesélectroniques. Je pourrai l’identifier facilement aussi. L’autre a l’air un peu coincé, il doit être enfinance.Lesfiscalistesonttoujourscettealluredenerdemmerdant.Alorsjemefaislepariqu’ilestdirecteurdelaplanificationstratégiqueetdesfinances.
Jerépondsàquelquesquestionsdemesnouveauxcollèguessurmonancienpostependantquelesautresmembresde l’équipearrivent.Unseulgarsattirevraimentmonattention.Pasparcequ’ilestuneproiepotentielle,maisplutôtparcequesonexubérancemefrappe.Ilalestraitsd’unAsiatique,unThaïlandais,jedirais.Ilaunstylehypercool; jeanettuquerouges,avecunvestonnoirtexturé.Ses espadrilles sont de couleur argent, comme sa boucle d’oreille du côté gauche. Ses lunettes àmonturenoiresontgigantesques,maisparfaitespourlui.IlseprénommeTang–commelejus.Jenesaispastropsic’estvraiousic’estunpseudonyme,maisjesuiscertained’avoirbienentendu.Sonnomdefamille,parcontre,jenepourraispasleprononcer,iladesingetdesong,maisc’esttoutceque jeme rappelle. Lui, sans grande surprise, est le directeur de la division publicité, création etgestiondemarques.Autredétailquiretientmonattention:ilestgai.Gai,gai,gaidelatêteauxpieds!
Jemesensdrôlementbienaveccesgens.Lanervosités’estévaporée.Tangmeparled’unepubdeyogourt en gesticulant tant qu’il est presque debout sur la table.L’autre femme,Kim, je crois,melance un regard complice et un sourire taquin devant son exubérance. Je me contente de rire enl’écoutant.Mêmesafaçondeparlerestcolorée.Jel’aimedéjà.
C’estpendantquenoussommestousentrainderirequelaportes’ouvresurEleonor.Ellenoussalue,déposedesviennoiseriesetducafé,etnousannoncequemonsieurO’Toolevientd’arriver.
—Ilseraicidansdeuxminutes,dit-elleavantdesortir.Jediscuteaveclegarsdesaffairesinternationales,ShawnDavis,quandnotrepatronentre.—Salut,lagang!OHMYGOD!Mamâchoireatterritsurlatabledeconférences.Mesyeuxs’écarquillentdesurprise.Sescheveux
sontbeaucouppluscourts,ilportedeslunettesetunhabit,maisc’estbienlui.Moncœurtambourinesifortdansmesoreillesquejecroisquemestympansvontexploser.Jeglissesurmachaise,malgrémoi.
—Hé,Eddy!Beauvoyage?s’intéresseTang.Letempsquemoncerveauassimilecequisepasse,j’ailesyeuxàlahauteurdelatabletellement
jetentededisparaître.MonsieurO’Toole,leVP,monpatron,c’estEdward.Lavieatoutunsensdel’humour!Jeprendsl’ordredujourpouressayerdefabriquerunmurentre luietmoi.Commesiunefeuilledequelquescentimètresallaitréussiràmecacher.
—Supervoyage,merci.Bla-bla-bla…Cequisuitesttotalementinaudible.Jen’aiaucuneidéedecequ’Edwardraconte.Jesuisentrain
demeliquéfiersurmachaise.JelèvelesyeuxversKimquiaunair,mi-incrédule,mi-moqueur.Ellesembleessayerdecomprendrecequim’arrive.Pratiquementcouchéesouslatable,jesensquemesjouessontenfeuetquej’hyperventile.Jen’osepasregarderEdward,maisjesaisqu’ilnetarderapasàm’apercevoir.Sait-ilquec’estmoilanouvelle?Lesavait-ilquandons’estrencontrésauMexique?Lorsquej’aipassél’entrevue,lesressourceshumainesm’ontditqueleVPétaitàl’extérieurdupays.Jecroyaisquec’étaitpouraffaires,paspourdesvacances.
—Est-cequenotrenouvelledirectricede ladivisioncommunicationetmarketingestarrivée?s’enquiertEdwardenbalayantlapièceduregard.
—Oui,répondTangenpivotantversmoi.LevisageduThaïlandaissedécomposeenapercevantlemien.Sesyeuxsontgrandsouvertsetses
lèvrespendantesformentunO.ShawnsereculepourpermettreàEdwarddem’apercevoir,maismoncorps suit le mouvement du sien pour éviter d’être vue. Edward, lui, se penche vers l’avant enespérantpouvoiravoirunvisuel.
Ridicule!
Jenesaispastropcequej’essaiedefaireenjouantàlacachette.Lapièceaquinzemètrescarrés.Il me trouvera tôt ou tard. Cette situation est absurde. Prenant mon courage à deux mains, je meredresseetdescendslafeuillequimeservaitdeparavent.Lesyeuxd’Edwardseposentsurmoiet,là,sonsourires’évanouit.
—Bonjour,monsieurO’Toole.J’ignore comment sonnait ma voix, mais dans ma tête elle était tremblotante, faible et aiguë.
Edwardestplantélàetneditrien.Aumoins,j’aimaréponse,ilnesavaitpasplusquemoi.Entoutcas,s’ilsavait,soncerveauaoubliédeletransmettreàsonvisage.Ilestsifigéqu’ilal’airpresqueaussiidiotquemoi.L’hommedevantmoiesttrèsdifférentdubeachbumdelaRivieraMaya.Jamaisaugrandjamaisjen’auraispumedouterquecegars-làétaitunVP,surtoutpasceluidesopérationsetdudéveloppementdesaffairespourl’entreprisequim’aembauchée.
—Bonjour,tupeuxm’appelerEdward,finit-ilpararticulerunefoisquelaplanètes’estremiseàtourner.Etsiçane tegênepas, je t’appelleraiMaëlie.Jen’aimepas trop les formulesdepolitesseimpersonnelles.
Laterrevientdes’ouvriretjesuisenchutelibredanslafente.***
Jen’airiencomprisdecequis’estracontépendantlaréunion.Detoutefaçon,jem’enficheparcequej’ail’intentiondepartird’icietdenejamaisyremettrelespieds.
—Super !Vousavezfaitde l’excellent travail. Jesuisvraimentcontent.Jevous libère,conclutEdwardenrefermantlachemisequ’iladevantlui.
Àpeinea-t-ilterminésaphrasequejemelève,j’attrapemesaffairesetjemarcheverslasortie.—Maëlie,m’appelleEdward,j’aimeraistevoirdeuxminutes.Troptard,jesuisdéjàloin.Jecourspresquedanslecorridorquimèneàmonbureau.Mayaqui
mevoitpasserencoupdevents’intrigue.—Çava,Maëlie?Qu’est-cequejepeuxbienrépondreàça?Jen’aipasenvied’expliquercettesituationàpersonne.
Edwards’enoccupera.Moi,jeveuxjustepartird’ici.—Est-cequejepourraisavoiruneboîte,s’ilteplaît,Maya?Quiauraitcruquej’empaquetteraismeseffetspersonnelsaussivite?Jesuistellementdéçue.Moi
quiavaisdegrandsespoirspourceposte.Jen’aimêmepasletempsdemeretournerquej’aidéjàuncartonsurmonbureau.JecroisqueMayaasentil’urgence.
—As-tubesoind’autrechose?demande-t-elle,visiblementmalàl’aise.Je réponds par un vague mouvement de tête. Elle ne pose pas d’autres questions. Je suppose
qu’elleacomprisquejen’aipasenviedebavarder.Parchance,j’aiapportépeudechosescematin,alorsdansquelquesminutestoutecettehistoireseraterminée.
—Est-cequej’annuletondîneravecmonsieurO’Toole?serisqueMayaaprèsunmoment.—Oui.—Non,répondEdwardjusteaprèsmoi.—Oui!—NON!Après nous avoir regardés tour à tour,Maya prend la décision de s’esquiver devant l’étrange
scènequi se joue. IgnorantEdward, j’attrapemapetite lampede tableque je déposedans la boîte.Edwardlasaisitetlaremetsurmonbureau.Jeprendsmaplantequejemetsdanslecarton.Edwardlaretireaussitôt.
—Maëlie!Qu’est-cequetufais?
—Qu’est-cequej’ail’airdefaire?Jemedirigede l’autre côtédubureaud’unpasdécidé. J’agrippedenouveauma lampeque je
lancedanslacaisse.Illaprendpendantquejerécupèrelaplante.—Maëlie,jet’enprie.Est-cequ’onpeutaumoinsendiscuter?—Non.J’attrapeuncadrequejecatapultedanslefonddelaboîte.—Pourquoi?—Parcequ’iln’yarienàdire.Jeparsd’iciettuembauchesunenouvelledirectrice,pointfinal.—Maëlie!Jeneveuxpasunenouvelledirectrice,jeteveux,toi.—Quoi!Tunesavaismêmepasquej’allaisêtreici,alorsjenevoispaspourquoituvoudrais
quecesoitmoi.— Les gens des ressources humaines m’ont juré qu’ils avaient trouvé une perle rare. J’ai
confiancequ’ilsnesesontpastrompésàtonsujet.Ilsontditça?Jesuisflattéequ’ilsaienteucetteimpressiondemoienentrevue,maisçan’empêchepasquejene
veuxpastravailleravecEdward.EncoremoinspourEdward.—Jesuiscertainequetuserasparfaite,lesautressemblentdéjàt’apprécier.Jelancetouràtourmesobjets,qu’Edwardenlèveaufuretàmesure.J’essaied’attraperunetasse,
mais ilm’empêche de passer en se plaçant devantmoi. Jeme penche pour agripper une boîte demouchoirs.
—Tuvolesnosmouchoirs?Je la laisse retomber sur le bureau sans répondre. Ilme bloque toujours le passage. Sans trop
réfléchir, je lepousse.Edwardreculeetseheurteàmonbureauoùilseretrouveassis. Iléclatederire.
— Allez, Maëlie ! On est partis sur de drôles de base, mais ça n’empêche pas qu’on peutreprendreçadudébut.Jesuiscertainqu’onpeutbiens’entendresituarrêtesdetesauver.
Soudain,l’imaged’Edwardalorsqu’iltendsajouepourévitermonbaiserrefaitsurface.Jesensmonvisages’enflammerdehonte.
Impossible!Edwardattrapelalampequejeviensencoredesaisir.Jenelalaissepasetluitiredesoncôté.—Oùsontpasséestesintentionsderepartiràzérodansunenouvelleentreprise?Maëlie,jesuis
convaincuquetueslapersonnetoutedésignéepourceposte.—Peut-être,maispasavectoicommepatron,dis-jeentirantencoreplusfortsurlalampe,qu’il
nelaissepasaller.—Aucontraire, jesaisquellessont tesaspirations.Tuasprévumettreçaauclairdèsledépart
avectonsupérieur,alorstuasdéjàuneétapedefranchiesansavoiràteprostituer.Edwardnesouritpas,maisjevoisunelueurdemoquerietraversersesyeuxbleus.—Àmoinsque…,lance-t-ilenjaugeantleconfortdemonbureauenselaissantrebondirdessus.SALAUD!Jerageentremesdentsserrées,toutentirantdetoutesmesforcessurcettefichuelampe.Jesuissi
en colère que je crois pendant une seconde que je réussirai à la lui arracher des mains. J’essaied’effectuerunetorsionaveclepieddel’objet,enespérantainsiquesamainn’aurad’autrechoixquedelâcher.Cen’estpas lecas.Enplus, ilnesemblemêmepasforcer,contrairementàmoi.Jemetsaussibeaucoupd’effortsàcacherquemamainmefaitmal;presqueautantquemonego !Edwards’accroche à ma lampe comme si c’était son bien le plus précieux. Et moi, je m’y cramponne
tellementqu’ilm’attiresurluienlalevantdanslesairs.Edwardestallongésurmonbureauetjesuiscouchéepar-dessusluiquandEleonorsepointeàlaporte.
—Toc!Toc!Toc!fait-elleavecsavoix.Edwardsourit,maismoi,j’aienviededisparaître.Jemeredressevite.Edwardseremetsurses
piedsenlissantsonhabitcommesijevenaisdel’attaquer.—IlyaleprésidentdeCossettesurla2,jeluidemandederappeler?s’enquiertsonassistante.—Non,jeleprendstoutdesuite.Eleonor,voudriez-vousappeleraurestopouraviserqu’onaura
quelquesminutesderetard?Etqu’ilseraseul!—Trèsbien,répond-elleentournantlestalons.—Turestesici!m’ordonneEdwardenpointantunindexautoritaireversmoi.—Pff!Jen’aipasd’ordreàrecevoirdetoi,jenesuisplustonemployée.—Tuesmieuxd’êtreiciquandjereviendrai.Sinonquoi?Dèsqu’Edward sort,Eleonor revientversmoi. Je suis tellementhumiliéedecequivientde se
produirequejeressenslebesoindemejustifier.—Cen’estpascequevouscroyez,Eleonor.Elleretireseslunettesetmesourit.—Onpeutdirequevousneperdezpasdetemps,rigole-t-elle.—Non!Lasituationn’estpasdutoutcequevouspensez.—Je saisquemonsieurO’Tooleest très séduisant, reprend-elle, commesi ellenem’avaitpas
entendue.—Eleonor,cen’estvraimentpas…—Maëlie,vousn’avezpasàm’expliquerquoiquecesoit.Si j’avaisvotreallure, j’auraistenté
machance,moiaussi.Jesoupire.—Non,jevousjurequecen’estpasça.Découragéedelatournuredesévénements,jepenchelatête,fermelesyeuxetsoupireencore.—Eleonor…—Jesaisqueçanemeregardepas.Seulement,jenevoudraispasquevoussoyezdéçue.Déçue?Pourquoijeleserais?Intriguée,jelalaissepoursuivre.— Vous êtes tellement jolie qu’aucun homme ici ne vous résisterait. Cela dit, dans les
circonstances,tentezvotrechanceavecmonsieurO’Tooleestinutile.Lescirconstances?Inutile?Sait-ellequ’ilneveutpasdemoi?Jedoisavoirdespointsd’interrogationàlaplacedesyeuxparcequ’elles’explique.—Voussavez,monsieurO’Toolen’estpas…Jesuiscertaineques’iln’étaitpas…Euh…vous
savez…vousluiplairiezdansd’autresconditions,mais…Quellesconditions?Quoi?Qu’est-cequ’elleessaiededire?—Enfin,jesuiscertainequ’ilvoustrouvejolie,maispuisqu’ilesthomosexuel,jesupposequeça
nevautpaslapeinedeperdrevotretemps.
6Homosexuel?Est-cequ’elleadithomosexuel?Edwardestgai !Ça, jene l’avaispasvuvenir.Du tout.Cette
nouvellemefrappecommeuncoupdepoing…ouplutôtcommeuntrain!Jenesaispastropcequej’enpense.Quoiquejen’aiepasàavoiruneopinionlà-dessus.Seulement…
Edwardestgai!C’est tellementbizarreque jen’aie rienperçu.Bon, cen’estpas toujours écritdans leur front,
maisilmesemblequed’habitudejesensceschoses-là.Etjen’imaginepastropEdwardavecungars.Ben…Aufond,quandj’ypense,çapourraitexpliquercertaineschoses.Commelefaitqu’ilétaitunpeu
tenduquand jemesuiscouchéeprèsde luià lamer.Aussi le faitqu’ilétait sicompréhensif.C’estvrai, c’est bien connu que les homosexuels sont toujours de bons confidents pour les filles. En ysongeant,Edwardétaitenvacancesavecdeuxautresgarsetilnes’estrienpasséavecaucunedemesamies;ilssontprobablementgaiseuxaussi.Entoutcas,çamesoulagedesavoirquec’estpourcetteraison qu’il n’a pas voulu de mon baiser. Plus j’y réfléchis, plus je me dis que c’est une bonnenouvelle.Jen’aipasàquittermonposte.Çachangetout!Jenemeretrouveraiplusdansunesituationoù…
—Çava,Maëlie?Maëlie?répèteEleonorquiesttoujoursdevantmoi.J’ignorel’émotionquej’affiche,maisvisiblementellepensequejenevaispasbien.—Jesuisdésolée,Eleonor,jevaisbien.Trèsbienmême.—Vousêtescertaine?—Oui,çava.—Ouf!J’aipensévousavoirperduependantunmoment.Jenepeuxpasm’empêcherderire.Desoulagement.—JenesavaispasquemonsieurO’Tooleétait…enfin,voussavez.—Vousn’avezpasàexpliquerquoiquecesoit,j’aieulamêmeréactionquandjel’aisu.Ilest
discretsursaviepersonnelle,etmêmesijem’occupedebeaucoupdechosespourlui,jen’auraispudeviner.
Edward arrive en courant. Réellement en courant ! Eleonor et moi nous retournons enl’apercevantdevantlaporte.Ilestarrivésivitequelesautresdoiventpenserquelefeuestprisdansl’immeuble.
—Tun’espaspartie!—Onsortdîner,non?Edward fronce les sourcils. Incertain, il se tourne versEleonor.Elle lui sourit,me fait un clin
d’œiletpartennoussouhaitantbonappétit.—Oh !monsieurO’Toole, jen’aipas eu le tempsde téléphoner au restaurant encore.Dois-je
toujourslefaire?Edwardmeregarde,l’airdevouloirsondermonesprit.—Non,onpartmaintenant.Mêmesic’étaituneaffirmation,çasonnaitpluscommeunequestion.—Trèsbien.—Ets’ilvousplaît,Eleonor,allez-vousenfinm’appelerEdward?—Non,crie-t-elleens’éloignant.
***
Edwardetmoisommesassisdansunbistrofrançais.Nousvenonsdecommandernotrerepas.Jedoismepincerpourcroirecequisepasse.Edwardaussi,àenjugerparsonregardperplexe.Ilvientderetirerseslunettesqu’ilarangéesdanssapochedevestonetestassisdevantmoiàmefixerdesesmagnifiquesyeuxbleus…gais!Jesaisquec’estridiculedeporterautantd’attentionàundétailaussipeuimportant,maisc’estplusfortquemoi.Enplus,cebumdelaRivieraMayaestunvice-présidentd’entreprise.Ilabiencetteallureaujourd’hui,avecsoncompletparfaitementcoupé,sacravate,sesboutonsdemanchetteetsescheveuxbeaucouppluscourts.Pourtant,iln’yarienàfaire,jecontinuedevoirlegarsdécoiffé,pasrasé,auxabdominauxsculptés,quejetrouvaistropsexypourlelaisserm’approcher.
—Jesuiscurieuxdesavoircequiaoccasionnécerevirementletempsquejeprennemonappel,lanceEdwardenattrapantsonverredevin.
—Disonsqu’Eleonoraremisleschosesenperspective.—Eleonor ?Mais qu’est-cequ’elle a bienpu te raconter qui a été si efficace, en aussi peude
temps?—Cen’estpassiimportant.Jemesensplusàl’aisemaintenant,c’esttout.Biensûr,çan’empêche
pasquejet’aivomidessusetque…ben,tusais,toutlereste.Edward esquisse un petit sourire. Quand il le fait, ses yeux se plissent laissant apparaître de
minusculesrides.C’estcharmant.Jemedemandequelâgeila;trente-cinq,jedirais.Peut-êtremoins.C’estvraimentsansimportance,maisjenepeuxm’empêcherdemequestionnerenl’observant.
— Le vomi et tout le reste, répète-t-il en levant un sourcil rieur, sont effectivement sans tropd’importance.Parcontre,jesuisvraimentintriguédesavoircequej’auraisdûtedirepouréviterquetutesauvespendanttoutcetemps.EtaussicommentEleonorasuquec’estcequ’iltefallaitentendre.
—Ellem’ajusteexpliquéquetuétais…quetupréférais…Edwardavancelatêteàchaquemot,commes’ilnesedoutaitpasdutoutdecequej’allaisdire.
Pourtant,ildevraitavoiruneidée.Non?—Quetueshomosexuel.Lesyeuxd’Edwardviennentdes’agrandirdedeuxcentimètres.—Eleonort’aditquejesuisgai!—Quoi!Tunevoulaispasqu’elleenparle?—C’estpourçaquetuasdécidéderester?demande-t-ilsuruntonquisuggèrequec’estbizarre.—Ben,oui.—Pourquoi?—Parcequeçarendleschosesplussimples.—Plussimple?répète-t-ilenretroussantlenez.—Oui.—Pourquoi?Je soutiens son regard unmoment avant de répondre. Je ne sais pas trop ce que je devrais lui
raconter.Iln’estpeut-êtreplusmonpotentielfuturmari,maisilestquandmêmemonpatron.—Jesaisqueçapeutparaîtreétrange,maisjetefuisdepuisledébutparcequejecraignaisquetu
mebriseslecœur.Maintenant,jesaisqueçan’arriverapas.Edwardestadosséàlachaise,lesdeuxbraspendantdechaquecôtédesoncorpsàmedévisager.—Quoi!Jesuisstupide?—N…on!C’estjusteétonnant.C’estpourcetteraisonquetutesauvaisdemoi?Parcequetu
avaispeurquejeteblesse?—Jenesaispaspourquoituessisurpris,jetel’aidéjàexpliqué.
Edwardsemblefouillerdanssamémoire.—Oui,c’estvrai,tumel’asdit,aufond.Mais…Ils’interrompt.—Alors,sijecomprendsbien,Eleonort’aannoncéquejesuisgaietmaintenanttun’asplusde
problèmeàmevoirdanslesparages?Tunetesauverasplusdemoi?—Exactement!Lapreuve,c’estquejesuisiciencemoment.Onpeutmêmeêtreamis,situveux.
J’aitoujoursvouluavoirunamigai.Edwardétouffeunrire.Ensuite,ilfermelesyeux,soupirelonguement,ouvrelespaupièrespour
me regarder etme sourire. Il frotte son visage de ses deuxmains, après quoi il balance la tête etrigoleencore.
—Tuveuxqu’ontravailleensemble,onpeutmêmeêtreamis,ettoutçaparcequ’Eleonort’aditquejesuishomosexuel!
Exprimédecettefaçon,etsortantdesabouche,çasonneridicule,maisc’estpourtantvrai.Alors,j’acquiesced’unlégermouvementdetêteaidéd’unhaussementdesourcils.
—Rappelle-moidepenseràEleonoraumomentdesaugmentationssalariales!Le lunchavecEdwards’estbiendéroulé. J’arriveàvoirmonpatronautrementqu’enséduisant
beachbummaintenantquej’aipassépresqueunejournéeentièreaveclui.Ilesttoujoursaussibeau,maisilestaussitrèsintelligent,éloquent,compétent,ettoutlemondesemblel’apprécier.Eleonorn’apas cessé de me faire des sourires complices pendant la journée. Comme Maya, mon assistante,Eleonor est vraiment géniale. La relation entre Edward et elle est plutôt cocasse. Elle est presqueassezâgéepourêtresamèreetelleagitcommetelle.Edwardm’aconfiéquesanselleiln’arriveraitàrien.Ellefaittoutpourlui,mêmeplusquecequesonposteexige.Enplus,ellepassesontempsàletaquiner.Quandjeluiaidemandépourquoiellenevoulaitpasl’appelerparsonprénomplutôtquemonsieurO’Toole,ellearéponduqu’elletrouvaitcomiqued’embêterEdward!
***Cesoir,Alexanous reçoit chezellepour souper.C’est lapremière foisque jevoismesamies
depuisnotreretourauQuébec.Lespâtessontexquisesetlevincouleàflots.—Jenetecroispas!répèteAlexapourlacinquièmefois.—C’estn’importequoi!Iln’estpasplusgaiquemoijesuisvierge,insisteCrystal.—Puisquejetedisqu’ill’est.C’estmêmesonassistantequimel’aannoncé.Pourquoiaurait-elle
affirméunechosepareille,sicen’estpasvrai?—Etluitel’a-t-ilconfirmé?demandeCrystal,toujoursincrédule.—Oui…benentoutcas,ilnel’apasnié.—Ah!Ah!—Ah!Ah!Quoi?Tucroisqu’ilprétendraitêtrehomosexuelrienquepoursedébarrasserde
moi?—Biensûrquenon.Sinonilnet’auraitpasempêchéedepartircommeill’afait.—Alorsquoi?Crystalsecontentedemeregarderenprenantuneénormegoulée.C’estvraiquec’estsurprenant
parcequ’Edwardaunealluretrèsmasculine,maismaintenantquejesais,jesuisétonnéedenepasyavoirsongéavant.
— Pensez-y, les filles, il s’est tourné quand j’ai essayé de l’embrasser. Vous croyez que meslèvressontaussipeualléchantes?dis-jeenformantunbaiseravecmabouche.
Mescopinesmetrouventplutôtdrôle,àenjugerparleursriresstridents.—Enplus,ilestalléenvoyageavecdeuxautresgars…
—C’estquoi,lerapport?Onestalléesenvoyageensemble,çanefaitpasdenousdeslesbiennes,rétorqueAlexa.
—Non,jesais.Cen’étaitpasvraimentmonargument.Maisilyaça,ajoutéaufaitquelorsquevousêtessortiesavecJoshuaetWilliamilnes’estrienpasséentrevous.
—Et?Cen’estpasparcequ’onsortavecdeuxhommestrèssexyqu’ildoitautomatiquementyavoirdesrapprochements.
—Pasnécessairement,maisengénéralc’estlecas,non?Alorsc’estsûrementparcequ’ilssontgaisqu’ilsn’ontpastentédevousrameneràleurchambre.
—Çapourraitaussiêtreparcequ’onn’estpasleurgenreouencorequecen’estpasdansleurshabitudesdebaiserlespremièresvenues,insisteAlexa.
—Ou ils n’avaient qu’une chambre pour trois et, pour une raison ou pour une autre, ça leurposaitunproblème,reprendCrystalsuruntonespiègle.
Mes amies rigolent. Crystal ne s’arrêterait pas pour aussi peu qu’un public ou même plus departicipants!
—Toi,çanet’auraitpasempêchée,hein?—Non,madame!s’étrangle-t-elletantellerit.—Moi,jepensequ’onpeutsupposerqu’ilssonttoushomosexuels.—Ilsnesontpasgais!lanceZoeyquiaétésilencieusejusqu’ici.Sontonétaitsidéterminéqu’onsetournetoutespourl’observer.—Ondiraitquetusaisdequoituparles,remarqueCrystalenposantsonverre.Toutàcoup,leteintdeZoeydevientrosé.Lasecondesuivante,sesyeuxfuientlesnôtres.—Oh,oh!Jesensqueçadevientintéressant,rigoleAlexaens’avançantsursachaise.Raconte!—Entoutcas,Joshuanel’estpas,annonceZoeyensemordantlalèvrecoquinement.—Etcommenttupourraisavoircettecertitude?questionneCrystal.Enattented’explications,nousbraquonsnostroispairesd’yeuxsurelle.Zoeycontinuederougir
etdenousfairelanguir.—C’estquej’aiunpeuvuJoshua,hier.—Quoi!—Hein!—Commentça,unpeuvu?s’intrigueCrystal.—Ben…c’estqueJoshuaetmoi,ons’estunpeuparlé.Etensuiteons’estunpeuécrit.Aprèson
s’estunpeuvuset,hier,onaunpeu…couchéensemble!—Tuprévoyaisnousannoncerçaquand,aujuste?s’offenseCrystal.—Franchement, c’est arrivé cette nuit. Il ne s’estmêmepas encore écoulé vingt-quatre heures
depuis.—Cettenuit!Çasignifiequ’ilaunpeudormichezvous,ça!Zoeynouséblouit avec son sourire largementdéployé.Àcemoment,Alexa se lèvepour aller
chercherd’autrevin.—OK!Laisse-moiouvrircettebouteilleavantdecommencer.Alexas’exécuteetremplitnosverres.ElledonnelesignalàZoeydecontinuerseulementquand
elles’estréinstallée.—Joshuam’atéléphonédelaRivieraMayalesoiroùonestarrivéesauQuébec.Lelendemain,il
m’aencoreappeléependantque lesgarsattendaient l’avionpour revenir.Ensuite, enarrivantchezlui, ilm’a fait parvenir un courriel. Là, on s’estmis à échanger desmessages et ilm’a invitée àsouper.Alorshier,onapasséunesuperbesoiréeaurestaurant,aprèslaquellejel’aiinvitéàprendre
undernierverrechezmoi.Voussavezcequec’est!Finalement,entreautreschoses,onapassélanuitàparleretilestpartidechezmoicematinpourallerautravail.
—Etcommentétaitleautrechose?—Génial!—Alorsvousallezvousrevoir?s’exciteAlexa.—Ohqueoui!—Jevousdéteste,lesfilles!Pourquoic’estsifacilepourvous?—Maëlie!Cen’estpasplussimplepournous.Laseuledifférence,c’estqu’onnesesauvepas
quandungarsestintéressant.Jeroulelesyeux.—Detoutefaçon,çan’auraitrienchangé,iln’aimepaslesfemmes.—Çaresteàvoir!lanceCrystal.—C’est quoi, tonproblème?Cen’est pas comme si je pouvais le faire changerd’orientation
sexuelle.Cen’estpasnonpluscommesijenevoulaispaspouvoirlefaire!—Quoi?s’intrigueAlexa.Qu’est-cequetuveuxdire?—Qu’est-cequetucroisquejeveuxdire?Jusqu’àmaintenant,soitilssontsalauds,soitilssont
homos!—PauvreMaëlie!C’estvraiquetun’aspastropdechanceavecleshommesdernièrement.Mais
jesuiscertainequeçachangerabientôt.Ilyaurasûrementdestypesintéressantsaubureau.—Ouais…Mêmequej’enaidéjàrencontréunquipourraitêtreunamantpotentiel.—Vraiment?s’exclameCrystalenseredressantsursachaise.—Jeviensd’arriver,alorsjeneleconnaispas,maisilyaungarsplutôtséduisant.Enplus,j’ai
l’impressiondenepaslelaisserindifférent.—Bon!Tuvois.Jenesaispass’ilyalieudes’exciterautantpourOlivierpourlemoment,alorsjefaisdévierla
conversationversAlexa.—Ettoi?—Ehbien,moi,jeverraiNickleweek-endprochain.IlvientàMontréalpouruneconférenceet
m’ademandésionpouvaitserencontrer.—Nick,legarsdeNewYork?Alexameleconfirmed’unmouvementdetêteetd’unlargesourire.—Alorstuvaspeut-êtreunpeubaisertoiaussi!rigoleCrystal.—Genre!—Ettoi?interrogeZoeyenregardantCrystal.Cettequestionestpourlaforme,carilyatoujoursunhommedanslesparages.—Moi,imaginez-vousdoncquejerendraivisiteàLaurentlasemaineprochaine.Unsilencecomplettombe.Laurent?Est-cequ’elleparlebiendel’amidureptile?—L’amidureptile?veutsavoirZoeyenfaisantéchoàmespensées.Notre amie prend une gorgée de son vin en nous fixant de ses yeux rieurs.Une fois sa coupe
déposée,ellejouedusourciletagitelalanguecommecelled’unserpent.—EttuterendsàQuébecenplus?dis-jesanscachermonétonnement.Ellehausselesépaules.Ça, c’estunepremière !Crystaln’estpasdugenreà sedéplacerpourunhomme.Décidément,
Laurentembrassebeaucoupmieuxqu’Antoine.—D’ailleurs,Antoineauraitvouluquetum’accompagnes.
—Qu’est-cequetuluiasdit?—Quetuasunegonorrhée.—Idiote!—Bennon.Jeluiairacontéquetuavaisrencontréunhomme.—Mercid’avoirmentipourm’éviterd’avoiràlefaire.— Je n’ai pas menti. À ce moment, je pensais qu’Edward te contacterait, que tu finirais par
flancheretquevoussortiriezensemble.—Tuespirequemoimaintenant!C’esttoiquimevoyaisdéjàmariéeavecEdward.Pourtant,tu
devraissavoirdepuisletempsquejen’aijamaisvotrechance.—Arrête,tuvasmefairepleurer!menargueCrystal.—Sans blague, réalisez-vous que je suis la seule qui n’a pas fait de rencontre intéressante en
voyage?—Entendez-vousça,lesfilles?Est-cequecettefemmeestbienlamêmequicouraitdanslehall
del’hôtelpoursesauverduséduisantEdwardoujemetrompe?continueCrystal.Mêmemoi,jenepeuxm’empêcherderire.Monamiearaison.Jesuisvraimentpitoyable.—Aufond,c’estsûrementmieuxcommeça.Montravailseratrèsprenant.Jedevraimedéplacer
pourlespremierstemps,parfoismêmeàl’extérieurdupays.Alorsj’auraisintérêtàn’avoirquedesamantspourl’instant.
—Tuvoyagerasseuleouavecdescollègues?demandeAlexa.—Laplupartdu temps, jeseraiavecEdward. IlestVPdesopérationsetdudéveloppementdes
affaires,alorsc’estluiquis’occupedememettreencontactaveclesclients.Pourmesdébuts,ilserasouventavecmoi.
—VPdesopérationsetdudéveloppementdesaffaires!Tiens,c’estunimbécileenplus!lanceCrystal.
Jetirelalangueversellependantquemescopinessemoquentdemoi.Cettesoirée,animéeetbienarrosée,afiniplustôtpourmoiquepourlesautres.J’aiunesemaine
detravailbienchargéequim’attendetjeveuxêtreenforme.***
Quand j’arrive au travail, Maya est déjà là, en train d’apporter les correctifs que je lui aidemandéspourleclientquejerencontreenfindejournée.Toujoursaussiflamboyanteetdestylepeuconventionnel,elleaffichelefuchsiaaujourd’hui.Souriante,ellem’accueilleavecuncafénoirbienchaud.
—Bonjour,Maya.—Tondocumentestprêt.Jel’aidéposésurtonbureauetj’enairemisunecopieàEdward.Ille
litprésentement.—Oh!Wow!Tuasdormiici?—Non.Jesuisarrivéedepuisàpeinetrenteminutes,j’aiplutôttravaillétarddelamaisonhier.—Merci,c’esttrèsapprécié.—Tangaimeraitteparler,dèsquetuaurasuneminute,c’estpourlatraductiond’unepub.Etilya
Olivierquiestpassédeuxfois,maisilnem’apasditcequ’iltevoulait.—D’accord,merci.—Situveuxmonavis,ilvautmieuxd’allerrencontrerTangavant.Jepensequ’Oliviernevoulait
riendeplusquetevoir.Ellelèveunsourcilrieuravantdeprendreunegorgéedecafé.—Mevoir?
—Tu sais, voir comme dans j’admire le paysage, explique-t-elle enme décochant un sourirecomplice.
—Est-cequetuleconnais?—Pasdutout.Oliviernesortpasbeaucoupdesacachette.Ilmangeàsonbureau,nevientjamais
aux5à7etutilisemêmelecourrierinternepournousfairesignerdesdocuments.Pourtant,depuisdeuxjours,iluselesolprèsdetonbureau.Quellecoïncidence!
Je lui retourne son sourire avant deme rendre àmon bureau pour y déposermes affaires. Jeprends le temps d’allumermon ordi, mais jeme dirige vite à la rencontre de Tang. Sa porte estouverteetilestpenchésursapaperasse,maisjen’aipasletempsdefrapperqu’ilmevoit.
—Salut,Maëlie!Entre.Quelquessecondesplustard,nousdiscutonsd’unepublicitéqu’ilmefaitvisionner.Ilabesoinde
latraduireenanglaisetenespagnol.Onestentraindes’entendresurledélaietcertainsdétailsquandj’entendsEdwardparlerdanslecorridor.
—Disdonc,c’étaitquoi,hier,ledrôledemalaisequandtuasrencontréEddy?—Malaise?dis-jeenfronçantlessourcilshypocritement.—Tu sais, le fait que tu avais l’air d’unPopsicle sur le capot d’une voiture en pleinmois de
juillet.Ilaraison,c’estidiotdepenserqueçaapupasserinaperçu.—Vousvousconnaissez?— Pas vraiment. C’est que j’arrive de vacances et le hasard veut que j’aie croisé Edward au
Mexique.J’étaisjustesurprisedelevoirêtremonnouveaupatron.—C’esttout!«C’estassez!»ai-jeenviededire.—Jepensaisquederrière tonvisagehorrifié secachaitunehistoirevraimentcroustillante.Du
genrepasracontable…saufàmoi!précise-t-ilensouriantmalicieusement.—Salut,vousdeux!C’est lavoixd’Edwardquivientdese faireentendrederrièremoi. Jemeretourneetévalue sa
tenuesanstropdediscrétion.Ilporteunpantalonnoirsousunechemisebleuecommesesiris,pasdeveston,pasdecravate.Ilestsouriantettellementbeau.Jesais,jesuisvraimentuneimbéciledenepasavoirencoredécroché,maisjesupposequeçameprendraunpeudetemps,étantdonnéquejel’auraisouslesyeuxtouslesjours.
—Voustravaillezbienensemble,ondirait.—Onnetravaillepas.Onparledesexe!—Ah,jel’ignorais.Edwardricaneenentrant.—Tuasdeuxminutes?reprend-ilens’adressantàmoi.J’aimeraisteparler.Incertaine,jemeretourneversTangpourconfirmer.—Est-cequ’onavaitterminé?— Pour le travail, oui, mais pas pour le reste. On reprendra ça une autre fois, parce que je
supposequelebossapriorité,dit-ilenfeignantd’êtreoffensé.Edwardluifaitunclind’œilpuissortenm’informantqu’ilm’attendradanssonbureau.— Intelligent, compétent, riche et un cul à faire rêver ! lance Tang en regardant Edward
s’éloigner.Quandnotrepatronesthorsdevue,Tangsetourneversmoiensouriant.J’avaisoubliéqueTang
estgaietqueluiaussidoitletrouversexy.
7La porte du bureau d’Edward est entrouverte. Je m’avance doucement pour éviter de le faire
sursauter.Ilestdeboutentraindefouillerdansunclasseur.Lavuedelafenêtreestincroyable.Sibienque lorsque Edward se tourne vers moi, j’ai encore les yeux perdus dans l’eau du fleuve et lesquelquesnuagesdevapeurau-dessusdespetitesbanquises.Quandjeposeenfinleregardsurlui,ilmefixe.Jesourislapremière.
—Lavueestsuperbe!—Tellement,répond-ilencontinuantdemedévisagersansciller.Hein?Jedoissûrementdevenirfolle,carj’ail’impressionqu’ilparledemoi,qu’ilvientdemefaireun
compliment.OK!Maëlie,revienssurTerre.Jemeraclelagorgeenlerejoignant.—Tuvoulaismeparler?—Oui,assois-toi,m’ordonne-t-ilgentimentens’installantàsonbureau.Ilretroussesesmanchestoutenexaminantlestonnesdedocumentsqu’ilasurlebureau.Iln’apas
encorefinidedécouvrirsesavant-bras,quejen’arrêtepasd’observer,aumomentoùEleonorentredanslapièced’unpasdécidé.
—Bonjour,Maëlie!chantonne-t-elle.—Pourquoil’appelez-vousparsonprénom?s’offusqueEdward.—Parcequejeleluiaidemandé,dis-jepourEleonorenluisouriant.—Elleesticidepuishieretvousaccédezàsademande,maispasàlamienne,seplaintEdward.Samanièred’insisterduregardluidonnel’allured’unpetitgarçonquiattenduneexplicationtrès
importante.Eleonorl’ignoreenfaisantletridanslesdossiersempiléssurlebureau.—Vousvoudriezd’autrecafé,monsieurO’Toole?Jelaisseallerunpetitriremalgrémoi.—Oui,j’apprécieraisunréchaud,s’ilvousplaît.—Jerevienstoutdesuite,monsieur,dit-elleenposantsesyeuxespièglesdanslesmiens.Ettoi,
Maëlie,tuvoudraisquelquechose?EdwardsoupireprofondémentenentendantEleonorme tutoyer. J’ai faitcetteautre requête ; je
détestelesvouvoiementsquisonttropformels.Celadit,jesensqu’aufondçaamuseEdwardquesonassistanteletaquinedecettefaçon.
Enquelquesinstants,Eleonorestdéjàderetouretdéposeunenouvelletassedevantsonpatron.—Merci,Eleonor.Bon!Maëlie,jevoulaisd’abordtedirequejeviensderegardertesprévisions
pourParadox.Mayam’enaremisunecopie.C’estparfait.C’estexactementcequeleclientvoudraentendre.Jesuisvraimentcontent.Enfait,jesuisimpressionné.
Fiou!Mêmesij’étaisplutôtcertainequ’ilseraitd’accordaveccequej’aiécrit,jesaisquelespremiers
pas dans une entreprise sont cruciaux. Mais dans les circonstances actuelles, avec l’impressionétrangequ’Edwardapuavoirdemoi,jevoulaisqu’ilsoitsatisfait.Impressionné,c’estencoremieux.
—Laraisonpourlaquellejevoulaisterencontrer,autrequepourteféliciter,c’estquelalecturedetesprévisionsm’adonnéuneidéepourunéventuelclientquejedoisallerrencontreràlafindelasemaine.
Edwardmetunequinzainedeminutesàm’expliquercequ’ilprévoitfairepourobteniruncontrat
à la suite d’une offre de service qu’il ira présenter à un client potentiel àQuébec.Nous discutonspendantunbonmomentdesastratégie,aprèsquoijeluisoumetsunesolutionàlaquelleiln’avaitpassongé.Encoreunefois,jesuisheureusedesaréaction.Pourmapart,j’adorelafaçonqu’iladevoirlespossibilitésetdelesévaluerdemanièreréfléchieetlogique.Toutcomptefait,travailleravecluiseravraimentmotivant.
***JesuisencoreplusenthousiastequandjesorsdechezParadox.Leclientanonseulementététrès
réceptif, mais il a accepté notre offre de service. Edward a été brillant. Je comprends très bienpourquoi il est passé cadre.Certaines personnes gravissent les échelons pour des raisons qui sontparfoisinexplicables,Edwardnefaitpaspartiedecettecatégorie.Ilal’étoffed’unvice-président.
—JepensequejevaistenterderemettrelarencontreavecleclientàQuébecpourquetupuissesveniravecmoi.Jesuiscertainqueceseraitgagnantsituétaisprésente.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur notre étage. Je laisse passer lamasse de gens qui s’yengouffreavantderépondre.
—Jenepensepasquecesoitunebonneidéedereportercetteréunion,ceseraitmalvu.—Jelesais,maisjecroisqueçaseraitbienquetuysois.—Etpourquoijenepourraispasyallercettesemaine?Tuyvasvendredi,c’estça?—Tuviensd’arriver,tudoist’installer.Jeneveuxpasquetuteretrouvesdanstesvalisesdèsla
premièresemaine.—Qu’est-cequeçapeutbienfaire?Jen’aipersonnequim’attendàlamaisondetoutemanière.Merde!Jedétestecommentasonnémaréplique.Commesi j’étaisune laissée-pour-compte.Edwardne
paraîtpas l’avoir remarqué. Il réfléchit. Ilmesuit jusqu’àmonbureau,bienque lesiennesoitpasdanslamêmedirection.
—Jeneveuxpasm’imposersitucroisqu’onneserapasprêts.—Non,cen’estpasçadutout,m’assureEdward.C’estcertainquejedevraimettreunpeuplus
d’heures un soir ou deux pour y inclure les nouvelles propositions, mais ce n’est pas ce quim’embête.
—Puisque je ne peuxpas lire dans ta tête, ce serait une bonne idée que tum’expliques ce quit’ennuie.Sinonjenepeuxpast’aider.
Edwardrigole.—C’estundétailsansimportance.C’estseulementque,commejerencontreleclientvendredien
fin de journée, j’avais prévu dormir là-bas et aller skier le lendemain. Il faudra peut-être que tureviennesentrainpourquetunesoispascoincéeàQuébecjusqu’ausamedisoir.
Edwards’arrêtedevantlaportedemonbureauetmeregardependantquejedéposemonporte-documents.Ilestplantélà,l’airperdudanssespensées.Jem’apprêteàluisouhaiterunebonnefindejournéeavantdeconsultermesappelstéléphoniques,maisilparlelepremier.
—Àmoinsquetuaimesskieretquetuveuillesm’accompagner?Tellement!Surprise, je lève la têtevers lui. J’ignorequelle émotion se lit surmonvisage,mais il semble
regrettersaproposition.—Çafaitpeut-êtretroppourunepremièresemaine,hein?—Trop?—On se rencontre auMexiquedansdes circonstancesparticulières.Ensuite tu apprendsqu’on
travailleraensemble.TuescoincéepourveniràQuébecavecmoiaprèsseulementquatre joursde
travail.Et là, je teproposed’étirerçaunejournéedepluspourskier.Jepourraiscomprendresi tutrouvaisqueçafaitbeaucoup.
—Pasdutout!EtpuisleMexique,c’estdéjàoublié.—Vraiment?Presque!—J’adoreskier,çameferaitplaisird’yaller.Je suis sincère, j’aime vraiment skier.En plus, je n’y suis pas allée cette année en raison d’un
hiver trop froidet l’andernier jen’aipasdescendu lespentesuneseule fois.Félixn’étantpas trèssportif,nousnefaisionsquetrèspeud’activitéphysique.L’été,ilm’arrivaitdeletraînerdeforcesurunepistecyclable,maisl’hiverc’étaitimpossibledel’ameneràmettrelespiedsdehors.
—D’accord,jedemanderaiàEleonordeprendrelesdispositions.Merci,Maëlie.***
Cesoir,c’estlasoiréeyogaavecCrystal.Lepremiercoursdelasession.Jesuisloind’êtreunespécialiste,monamieencoremoins,maisçanouspermetdesortirdelamaisonetdenousdégourdirunpeu.
—Alors,commeçaLaurentvautledétour!dis-jeàCrystalenenfilantmacamisole.Ellenemerépondpas,maissonsourirecoquinmeleconfirme.Crystalattrapesontapisdesolet
refermesoncasieravantd’amorcersamarcheverslestudio.Enentrant,ondécouvreuneatmosphèretrès différente de celle de la session précédente. Les lumières sont éteintes, des chandelles serventd’éclairageetilfaitchaud.Trèschaud.
—Merde!C’estquoi,cettechaleur?s’exclameCrystal.—Jesupposequeçaaunlienavecletitreducours:yogachaud.—Benalors,ilsauraientdûl’intituler«yogasuffocant».Une filledevantquionvientdepasserétouffeun rire.Crystal installe son tapisprèsd’elle.La
plupartdesfemmesontlamêmeréactionquenousenentrant.Sauflesprofessionnellesduyoga.Voussavez, ces filles qui se contorsionnent comme si elles auditionnaient pour leCirque duSoleil.Audébut, ellesme rendaient jalouse,mais après unmoment j’ai fini par penser que le yoga est plusamusantlorsqu’onestmoinsdoué.Etça,c’estexactementcequeCrystaletmoisommes.
Tout à coup, un silence de mort tombe, lequel est vite suivi de chuchotis. Crystal fronce lessourcilsets’intrigue,elleaussi.
—OhmyGod!s’exclame-t-elle.—Quoi?Monamiealaboucheentrouverteetlesyeuxrivéssurl’avantdustudio.Intriguée,jemedresse
surlapointedespiedsetc’estàcemomentquejelevois.Ledieuqu’ellevientd’appelerlesien.Letypechâtainauregardfoncéquiestdevantnousestincroyablementséduisant.Toutvêtudenoir,ilestsouriant.
—Tucroisquec’estlui,notreprof?—Sic’estlui,jem’inscrispourdeuxautressoirs.—Hé!TuasdéjàLaurent,lui,c’estlemien.—Non,c’estlemien,ripostelafilleàcôtédenous.—Bonsoir,mesdames…Est-cequ’ilyadesmessieurs?Troistypeslèventlamain.—Salut,lesgars.JemeprénommeIsaaketjeseraivotreinstructeurpourcettesession.—Alléluia!crieunefemme.Toutlemonderit.Isaakaussi.Unefoislesrirescalmés,Isaaknousexpliquesaformation,lebut
et lesvertusduyogachaud.Aprèsquoi ilnousdemandede l’informersiquelqu’unnesesentpasbien.Ilsemblequelachaleuroccasionneparfoiscertainsmalaises,maisquel’inconfortdudébutserarécompenséparungrandbien-êtreà la finde la séance.Puis, sans tarder, ilyvad’uneméditationd’ouverture.
—Ledéfidecettesessionseradevidernotremental,murmureCrystal.Lesépaulesdesdeuxfillesdevantnousbougentsousl’effetdeleursricanements.L’uned’ellesse
tourne.—Qu’est-cequ’ilfaitsionaunmalaise?Ilvientnoussecourir?—Essaie!Toutd’uncoupqu’ilviendraittefairelebouche-à-bouche,luirépondCrystal.C’estvraimentridicule.Personnen’arriveàseconcentrer.Ondiraitquemescopinesnesontpas
lesseulesànepenserqu’ausexe.C’estcertainquel’alluredenotreinstructeuryestpourbeaucoup.Graduellement,lesespritssecalmentetIsaakenchaîneavecquelquespositionsplusdifficiles.Il
circule dans les allées pour aider les participantes à bien se positionner, ce qui a pour effet dedétournernotreattentionparmoments.CommeCrystalprésentement.Noussommesàfairelapostureduchien têteenbas,Adhomukhasvanasana, semble-t-il, et elleestdebout, lesyeuxbraqués sur lederrièredel’instructeur.
—Allez,Crystal,ilprétendquec’estbonpourletonus.—Justement,c’estcequej’observe.—Vousavezdeladifficulté,mademoiselle?questionneIsaakens’adressantàmonamie.—Euh…oui.Jenesuispascertainedebienfairecetteposition.—Jevaisvousaider,annonce-t-ilenvenantverselle.IsaakdemandeàCrystaldesepencherversl’avant.Monamieajusteletempsdemesourireavant
dedéposersesmainsausolengardantsonpostérieurverslehaut.Ilseplacederrièreelleetdéposeunemainsursesreinsenattrapantunedeseshanchespourl’aideràgardersonéquilibre.
S’ilfaisaitdéjàchaudici,lethermomètrevientdemonterd’uncran.J’aijusteenviederiredevantcette scèneabsurde. Jepensais être la seule,maisquand je tourne la tête je remarqueque lesdeuxfillesàcôtéontlevisagebleutétantellesretiennentleurenviedes’esclaffer.Iln’enfautpaspluspourquej’éclate.Monrireestsuivideceuxdesfillesquiauraientexplosésiellesnes’étaientpaslaisséaller.Lesdeuxautresparticipantesarriventàsereprendre,maispasmoi.
—Çavaici,mademoiselle?JemerelèveensouriantàIsaak.Lavéritéc’estquejeristoujoursdelasituation,maisluinele
saitpas.Enfin,jenepensepas.—J’aijusteunpeuchaud,dis-jeenutilisantmamainpourm’éventer.—Attendez!Isaak se dirige vite vers l’avant tout en disant aux autres de maintenir la pause en respirant
normalement.Pendantcetemps,jefuisleregarddemesvoisinespouréviterdesombrerdansundecesmomentsd’hilaritéincontrôlable.
Ilrevientavecunverred’eauqu’ilm’offre.J’enprendsunegorgéetandisqu’ilm’observed’unœilinquiet.Jeprendsmontempspourcontinuerdel’avoirprèsdemoi.Etpuis,mêmesij’aimenti,cetteeauestlabienvenue.Aprèstout,c’estvraiqu’ilfaitchaudici,etpasjusteàcausedelui.
—Çaira?—Oui,jevaismieux.Mercibeaucoup,Isaak.—Faites-moisignesivousnevoussentezpasbien,recommande-t-ilavantdenousdemanderde
faireunenouvelleposture.—Jecroisquej’aitrouvéquim’aideraàlibérermakundalini,dis-jeenchuchotantàCrystal.
***Cecoursdeyogaétaitlepluséprouvantdetoutemonexistence.Fairelespostures,endurercette
chaleur,libérermatêteetignorermalibido.Ouf!Quelcalvaire!Etcommel’avaitpréditIsaak,moncorps est endolori aujourd’hui. J’ai les muscles fessiers tendus et qui hurlent chaque fois que jem’assois.J’aimeraispouvoirallerprendreunbainchaud,maisjedoisresteraubureauplustardcesoir.
—Est-cequetuveuxquelquechoseàmangeravantquejeparte?medemandeMayaquivientdes’appuyersurlecadragedemaporte.
—Nonmerci, tu esvraimentgentille. J’irai probablementmechercherdes sushisplus tarddel’autrecôtédelarue.
—D’accord.Bonnesoirée,Maëlie.AumomentoùMayasortdubureau,jemelèvepourmerendreàlasalledetoilettesdesdames.
Pluspourmedégourdirlepostérieurqueparbesoin.Jepassedevantlebureaud’Edwardpouryaller.Plus pour admirer la vue que par nécessité ! Lui aussi est encore là, il parle au téléphone. Enm’apercevant,ilmesouritetagitelesdoigtspourmesaluer.
Je suis retournée àmon poste depuis un peu plus d’une heure quandEdward arrive dansmonbureau.Iltientunsacenprovenancedurestojaponais.
—J’aidessushis,tuasfaim?—Wow!Tulisdansmatête,c’estcequejevoulaismanger.—Jelesais,Mayamel’adit.—Ah!Jepensaisquetuavaisdesdons.—Tuviens?—Où?—Ilyaplusd’espacedansmonbureau.Je me lève en grimaçant et je passe une main sur ma fesse pour me masser. Mon geste plus
instinctifqu’utileestremarquéparEdward.—Çava?—Oui,j’aijusteunpeumalauxfesses.MerciàIsaak,dis-jesansréfléchir.Edwardécarquillelesyeux.—Oh!Non,non.Isaak,c’estmonprofdeyoga.—Ahbon!—Cen’estpascequetucrois.—Qu’est-cequejecrois?demandeEdwardenaffichantunsourireencoin.—Laissetomber.—Non,çam’intéresse.—Çat’intéressedesavoirpourquoij’aimalauxfesses!Edwardmelaissepasserdevantluiavantderefermerlaporte.Ilserendversuncabinetd’oùil
sortunebouteilledevinblancetdeuxcoupes.—J’aimêmedroitàduvin!Tucroisquej’arriveraiàtravaillersitumefaisboire?—Çaaideratesmusclesàsedétendre…Alorsc’estunsalaudluiaussiouilaeulapossibilitéde
sefairevaloir?ose-t-ilenmedonnantundesverresqu’ilvientderemplir.—Rienàvoir.Isaak,c’estmoninstructeurquinousafaittravaillerdesmusclesinsoupçonnés.—Ilestintéressant?—Ouais,ilteplairait.Ilesttrèsséduisant.Edward se fige pendant une seconde. Moi aussi, ça me fait plutôt drôle de lui avoir dit cette
remarque. C’est la première fois que je réalise qu’on pourrait avoir un intérêt pour les mêmespersonnes.Tropbizarrecommesituation.
—Intéressantpourtoi,jevoulaisdire,sereprendEdward.—Sûrementpas.Ben,peut-êtrepourunenuit.Ilsouritenmetendantlesbaguettes.—Merci,boss!Edwardsoupire,lèvelesyeuxauciel,maisétireleslèvres.Ilretiresonveston,sacravate,etvient
s’installerdevantmoi.—Alors,c’estencoreça,tesplans,utiliserleshommespourlibérertakundalini?Edwardattendmaréponseenretroussantlesmanchesdesachemise.—Tusaisquejetrouvevraimentétrangedeparlerdemasexualitéavecmonpatron.Çameparaît
tellementdéplacé!—Ouais,ben…Onn’apasfait leschosescommedansunerelationd’affairesconventionnelle,
alorsjesupposequec’estcorrect,répond-ilenprenantsonverrepourlefairetintersurlemien.Bonpoint!—Pour répondreà taquestion, j’imaginequeoui.De toute façon, les relationsamoureusesne
semblentpasêtrefaitespourmoi.—Pourquoicrois-tuqueçanemarchepas?s’enquiert-ilenattrapantsonpremiersushi.— Parce que je suis une déséquilibrée-mentale-dépendante-affective-névrosée, qui est trop
amoureuse de l’amour pour arrêter de s’inventer des scénarios chevaleresques qui n’existent quedanslescontesdefées!
Edwards’estimmobiliséavecsesbaguettesquitiennentsonsushidanslesairs.—Justepourça?Edwardavalesabouchéeetmeregardeavecdesyeuxrieurspendantqu’ilmâche.—Sansblague,Maëlie.—Ilyaunpeudevéritédanscequejeviensdetedire…Beaucoup,même!—J’aimerais rencontrerquelqu’unquisouhaites’engager,mais jen’aipasencore trouvécette
personne.J’avaleunénormesushipouréviterd’enrajouter.Jenevoispascequ’ilyadeplusàexpliquer.
Quejesuissiaveugléeparledésird’êtreencouplequejenevoispaslessalaudsvenir!Mêmesitoutlemondelesrepèredeskilomètresàlaronde.Non,jenem’embarqueraipasdanscettediscussion,jepréfèrequ’onparledelui.
—Ettoi,est-cequ’ilyaquelqu’undespécialdanstavie?Edwardlèvelatêteversmoi,maisnerépondpastoutdesuite.—Jesaisquevousavezunevieplusvolagequeleshétéros…Ilfroncelessourcils.—Quoi,qu’est-cequej’aidit?C’estvrai,non?Engénéral,leshomosexuelssontdesgensqui
ontdescouplesplusouvertsquelesautres.Peut-êtrequecen’estpastoncas,maissouventcel’est,non?
Edwardessuiesabouchependantqu’ilmastiquesabouchée.Ilsouritunpeu.Dumoinsavecsesyeuxilrit,carsespetitesridessontlà.J’adore.
—Tuesvraimentpleinedepréjugés.—Quoi!—D’abord,leshommessonttousdessalauds,maintenant,tousleshomosexuelssontvolages.
—Ben, pas tous les hommes sont des salauds et pas tous les homosexuels sont volages,maisselonmonexpérience,laplupart.
—Ettuasbeaucoupd’expérienceaveclesgarsquinesontpashétéros?Edwardfrappemesbaguettesaveclessiennespourfairetomberlesushiquejetenais.—Aïe!J’essaiedelerattraper,maistroptard,ill’adéjàsaisietengloutit.Victorieux,ilsouritdemanière
espiègle.— Je ne voulais pas t’insulter, Edward. Je comprends que, si tu as réagi, c’est que tu n’es pas
commeça.Est-cequejepeuxsupposerquetuesencouple?Ilfaitnondelatête.—Tuvoisquelqu’un?—Pasprésentement.Je sais que je suis stupide, mais je suis contente qu’il soit célibataire. Je suis vraiment une
imbécilecommeiln’yenapasd’autres,mais lefaitqu’ilnesoitpasencouplemeréconforte.Necherchezpasàanalyser,iln’yarienàcomprendred’autrequel’étenduedemanévrose.
—Pourquoitunevoispersonne?—Jesupposequejen’aipasencoreeuleprivilègedemefaireaimerparlabonnepersonne.Àlafaçonquesesyeuxbleussontrivésauxmiens,jepeuxvoirqu’ilestsincère.Edwardn’estpas
undeceshommesvolagesquineveulentquedusexesanslendemain.—Qu’est-ce que cette personne spéciale devra posséder comme caractéristiques pour avoir la
possibilitédepartagertavie?Edward terminesabouchéeetessuieses lèvresavecsaserviettede tableavantde ladéposer. Il
saisitensuite lepieddesonverredevinets’appuiesur ledossierdesachaiseenmeregardant. Ilsemble organiser ses pensées.Moi, jeme délecte de son image. J’étudie chaque partie de lui. Seslèvresqu’ilestentraindemordillerpendantqu’ilréfléchit.Sessourcilsbiendessinésetquidonnentuneintensitéàsonregardclair.
—Cettepersonnespécialedevraaimervoyager,apprécierlanature,lessports…Edward détourne les yeux unmoment pour les poser sur le fleuve. Il réfléchit comme si cette
questionétaitlaplusimportantequisoit.Ilfinitparmeregarderdenouveau.—Cette personne spéciale devra être honnête avecmoi etm’ouvrir son cœur pour s’engager
dansunerelationsérieuse.Sij’avaisréponduàcettequestion,laréponseauraitétéidentique.—Jen’aipasl’impressionquec’estbeaucoupdemander.—Pourtant,c’estrare.Lavéritédececonstatmedonneenviedepleurer. Ila raison,c’est toutceque jechercheet je
n’arrivepasàletrouver.Jedéposemesbaguettesetdétournemesyeuxdessiens.—Jecroisquejedevraisretournertravailler.Jen’aipasletempsdemeleverqu’Edwardmeretientparlamain.—Attends!Resteencoreunpeu.Jetrouvequ’onestbien,non?—C’estlemondeàl’envers,ça,unpatronquit’empêchedetravailler.—Ilterestebeaucoupàfaire?—Non,j’aipratiquementterminé.—Alorstupeuxbienprendreundeuxièmeverredevin,suggère-t-ilenattrapantlabouteille.—Tutesouviensdecequeçafaitquandjeboistrop.—Jemesouviensaussidetoutcequetuavaisbu.Jepensequetupeuxfacilementtolérerdeux
minusculesverresdevin.Finalement, nousn’avonspas retravaillé.Nous avonsbu la bouteille en entier et nous sommes
restésdanssonbureauàplacoter.J’aiapprisqu’EdwardestnéenIrlande.Quesamère,décédéed’uncancerilyasixans,enseignaitlamusique.Sonpère,lui,esttoujoursenvie,etbienvivant,semble-t-il.Ilestcapitainedenavire.Illevoitpeu,maislatechnologiepermetqu’ilsrestentencontact.EdwardhabiteàMontréal,maisprévoitdéménagerenbanlieuesouspeu.Ilaimeraitretrouverunéchantillondesgrandsespacesdel’Irlande.Commejel’avaisdeviné,ilestsportifetpratiqueàpeuprèstouslessports.Surtoutceuxquiluipermettentd’êtredanslanature.
La soirée était vraiment agréable. La présence d’Edward dansma vie arrive à point. À défautd’êtrelepèredemesenfants,ilserapeut-êtreuntrèsbonami.
8Ensortantdel’ascenseuraujourd’hui,j’ailachancedecroiserOlivier.—Bonjour!Jesuiscontentedeterevoir.Le beau brun me sourit, sans rien dire. Son regard est insistant, mais chaleureux. J’ignore
pourquoi,maismoncerveausevidecomplètement.Sibienquejenetrouverienàajouter.Jelevoiss’éloigner enmedemandantpourquoi il est ànotre étage.Mayaaprétenduque c’était rare. Jemesurprendsàespérerquec’étaitpourmevoir.Sic’estlecas,c’estbientoutcequ’ilafait:mevoir.Jesupposequeladiscussionserapouruneautrefois.
Jesaluetoutlemondeaupassage,m’arrêtepourfaireunbrindejasetteavecMayaetmedirigeversmonbureauensuite.Enentrant,jevoisunepetiteenveloppebleuesurmonclavier.Ilnes’agitpas d’une correspondance d’affaires,mais plutôt le type de papier pour un échange personnel. Jedéposemonporte-documents,retiremonmanteauetprendsletempsd’allumermonordinateuravantderegardercequ’ellecontient.Àl’intérieur,ilyauncartonsurlequelunenoteestécrite.
Leregardinterprètecequelecœurn’exprimepasaveclesmots.Olivier!
Mêmesilemessagen’estpassigné,jesuiscertainequ’ilestdelui.Entoutcas,lesmotschoisiscorrespondent à ce qu’il pourrait dire. Je relis la note plusieurs fois. Je cherche une significationdifférentedel’évidencequ’elleproclame.Envain.J’adorelacitationetjesuistellementexcitéequequelqu’unaiteuladélicatessedemel’écrire.Jeserrel’enveloppecontremoiavantdelarangerdansmamalletteenmedisantqu’Olivierestlepremiercandidatintéressantdepuislongtemps.
Candidat!Queldrôledechoixdemot!OncroiraitentendreCrystal.C’estaveclecœurlégerquejetravailletoutelajournée.Mêmesientempsnormaljemesensà
l’aise dans mes nouvelles fonctions, aujourd’hui, c’est encore mieux. J’ai des ailes. Si seulementj’avaissuquelatransitionseferaitaussifacilement,j’auraisquittémonancienpostebeaucoupplustôt. Les gens ici sont gentils, forment une belle équipe et sont très compétents. En plus, j’ai unadmirateur secret. Pas si secret ! Et j’ai le meilleur patron qui existe. Justement, la seule petitedéceptiondecettejournée,c’estquejen’aipasvuEdward.Ilétaitchezdesclients,tantcematinquecetaprès-midi.
***Dèsquejerefermelaportedechezmoi,elles’ouvredansunmouvementbrusque.—Salut,Moricio!—Çava?—Jevaisdivinementbien.—Oh!Est-cequejemetrompeoucesourireenestunquisous-entendunhomme?demande-t-il
enouvrantmonfrigo.—Jesuisvraimentaussifacileàdeviner?Moricionerépondpas,ilseconcentreplutôtàfouillerdansmontiroiràfruits.Ilenressortun
sacderaisinsqu’illavependantquej’enlèvemonmanteau.—Raisins?Moriciom’offremesraisinsàmanger.J’enprendsunenmedisantquej’yauraiaumoinsgoûté.—Alors,c’estqui?Jem’empressedesortirlacarteetdelaluimontrer.—C’estromantique.Iln’yapasdenom,tunesaispasquiilest?—Oui,maisjepensequejeferaicommesijel’ignorais.Jesupposequedenepasavoirsigné
avaitpourbutdecréerunepetite intrigue.Ce seraitpeut-êtredécevantpour luique je l’aie trouvéaussifacilement.Qu’est-cequetuenpenses?
—Ouais,c’estunebonneidée.—Ilestaussitimide,jecrois.Alorsilpréfèrepeut-êtremeconnaîtremieuxavantdes’afficher
réellement.—Possible.Sic’estlecas,tudevraisluitémoignerdel’intérêtpourluidonnerconfiance.—Bonconseil!Moriciomefaitunclind’œil,ouvrelaporteetsort.J’ai regardé lepetitcartonaumoinsdix foispendantmasoirée.C’est foucequ’unenote toute
simple peut avoir comme effet sur une personne désespérée. Il n’en fallait pas plus pour que jem’imagineen traindemarcherdans lagrandeallée.Parchance, j’aiapportéunpeude travailà lamaison,j’aipum’occuperl’espritunbonmomentavantd’alleraulit.Renduelà…ehbien,c’étaituneautre histoire. À deux heures dumatin, je n’avais pas encore décidé la couleur des robes demesdemoisellesd’honneur!
***Jen’aipaseul’occasionderevoirOliviercettesemaine.Jesuisdéçue,maisj’aitoutelavie.On
dirait presque que ce n’est pasmoi qui ai cette réflexion. J’imagine que l’énergie que jemets autravailcontribueàoccupermatêtepourquejenesoispastropobsessive.
Je finalise lesdétailsd’uneoffredeserviceavantdepartirpour leweek-endquandEleonorsepointelenezdevantmaporte.
— Je dois sortir quelquesminutes et je sais quemonsieur O’Toole et toi partez bientôt pourQuébec.Jenesuispascertained’êtrederetouravantl’heuredevotredépart.Jevoulaistedirequejelui ai remis toutes les informations pour la réservation de vos chambres. Je voulais aussi que tusachesque,sivousaviezunproblème,jevousaifaitparveniràtouslesdeuxlesdétailsparcourriel.MonsieurO’Toolea lesnumérosnécessairespourmecontacterentout temps,si jepeuxvousêtreutile. La réservation pour le restaurant a été faite et Maya s’est chargée de la confirmer, il y aquelquesminutes.
—Merci,Eleonor,vousêtesvraimentgentille.—Pasdutout,jenefaisquemontravail.—Alorsvouslefaitesbien.Eleonormesouritensortantdemonbureau.—Bonweek-end,Maëlie!Bonski!Oh!Ellesaitçaaussi.IlestprèsdequatorzeheuresquandEdwardm’appelledesonbureau.—Tuesprête?—Oui.—Onserencontreauxascenseurs?—OK!J’éteinsmonordinateur,fermemaportedebureauetsalueMayaavantderejoindreEdward.Mon
cœurfaitunbonddansmapoitrinequandjelevoisentraindeparleravecOlivier.—Salut,Olivier.Ilme sourit et rougit.Ce gars-là est vraiment timide.Même que c’est bizarre qu’il ait oséme
parler lepremier jour.Edwardm’observeducoinde l’œil,puis jetteaussiunregard intriguéversOlivier.Ensuite,nousentronstouslestroisdanslacagemétallique.J’ignorepourquoi,maisjesuismalàl’aise.J’ail’impressiondefairedescachotteriesàmonpatron.Jefixeleplanchersilongtemps
que jepourraispresque ledessinerdemémoire.Àuneoccasion, je lève lesyeuxversOlivierquisemble faire le même exercice. Son air m’indique que lui aussi est embarrassé. Pour les mêmesraisons?Possible.Oupeut-êtresait-ilquej’aidevinéqu’ilestl’auteurdelacarteanonyme?Aussiplausible.C’estEdwardquibrisecelourdsilence.
—Quelquechosedeprévupourleweek-end,Olivier?—Euh…Unefindesemaineavecdesamis.Ettoi?—Unpeudetravailetensuiteduski.Ilparaîtqu’ilferabeau.Olivierémetunpetitgrognementenguisederéponseetretourneàsonanalysedeplancher.Les
portes de l’ascenseur qui s’ouvrent mettent fin à ce moment bizarre. Olivier en sort presque encourant.
—Bonnefindesemaine,Olivier!—Merci. Bonne fin de semaine à vous aussi, crie-t-il en se sauvant pendant que les portes se
referment.Edwardsetourneaussitôtversmoi.—Est-cequec’estmoioùOlivierétaitétrange?—C’esttoi,moi,jen’airienperçud’anormal.Edwardlèveunsourcilsuspicieuxetmefixejusqu’àcequelesportess’ouvrentdenouveau.
***Letempsd’installermonsacdevoyagedanslecoffredelavoitured’Edward,noussommesen
routeversQuébec.Ilaunpeuneigé,mais lachausséeestdégagée.Tantmieux, le trajetdeprèsdetroisheurespourrasefairedansladétente.
Noussommesprisdansunbouchondecirculationquandjeréalisequej’aioubliéuntruc.—Zut!Jemesuisexclaméeenmefrappantlefrontdelapaumeetmaintenantjemecontorsionnepour
attrapermonsacquej’aidéposéderrière.—Çava?—Oui,j’aijusteoubliédedemanderàMayadefairequelquechose.Jevaisl’appeler.—Tupeuxluitéléphonerd’ici,proposeEdwardenactivantunboutonsurletableaudebord.—Dictezvotrecommandevocale,ordonnelavoixmachinaled’unefemme.—Ah,super!Jen’aipascetteoptiondansmavoiture.J’aitoujoursvouluenavoirune.—Jen’aipassaisivotrecommande,reprendlavoixrobotisée.Edwardappuiedenouveausurlebouton.—Dictezvotrecommandevocale.—Jen’aipaslenumérodeMaya.—Jen’aipassaisivotrecommande.Oups!—Tun’asqu’àprononcerMaya,sonposteestdéjàprogrammé,m’informeEdwardenappuyant
unetroisièmefoissurleboutonenmesouriant.—Dictezvotrecommandevocale.—Maya.—Jen’aipassaisivotrecommande.—Tudoisparlerplusfort,préciseEdward.—Dictezvotrecommandevocale.Jereprendsd’unevoixplusassurée.—Jen’aipassaisivotrecommande.
Jesoupirependantqu’Edwardappuiesurleboutonpourlacinquièmefois.—Dictezvotrecommandevocale.—Maya,dis-jesuruntonsecetfort.—Jen’aipassaisivotrecommande.—C’estquoi,sonproblème?—Tudoisparlerassezfort,maisnaturellement.Edwardmequestionneduregardpourvérifiersi jesuisprête.Jeconfirmed’unmouvementde
tête.—Dictezvotrecommandevocale.Jemepencheprèsduhaut-parleuretjerépètelenomdemanièreposée,calme,maisclaire.—Jen’aipassaisivotrecommande.Découragée,jemetourneversEdward.Ilseretientderire.Ilposesesyeuxdanslesmienspour
confirmerquejesuisprêteàmelanceruneautrefois.—Dictezvotrecommandevocale.—MAYA.—Jen’aipassaisivotrecommande.Tropfaible,troploin,tropfort…Jesoupired’exaspération.—Dictezvotrecommandevocale.—Maya,dis-jesensuellement.Edwardpouffederireavantquelavoixparle.—Jen’aipassaisivotrecommande.—Oh!Ferme-la!Edward continuede rire, alors quemoi je regardevers l’extérieur en faisant lamoue.Edward
enfonceleboutondudispositif.—Dictezvotrecommandevocale.—Maya,dit-ild’unevoixneutre.—Votreappelestencours.—LAGARCE!—Maëlie,calme-toi,cen’estqu’unordi,rigoleEdward.—Salut,Edward,répondMaya.—Bonjour,Maya!C’estMaëliequiabesoindeteparler.—Salut,Maëlie!Çasepassebiensurlaroute?—Oui, très bien,merci. J’ai oublié de te demander d’apporter les corrections dans le dossier
Champigny.Tucroisquetuauraisunmomentpourt’enoccuper?—Toutdesuite.—Mercibeaucoup,Maya.Bonweek-end!—Bonnefindesemaineàvousdeux,dit-elleavantderaccrocher.QuandEdwardappuiesurleboutonpourromprelacommunication,jelevoissemordrelajoue
pouréviterderire.Jemecollelenezàlavitrepourcompterlespoteaux.NousroulonsensilencedepuisunebonneminutequandEdwardpouffederire.Jemeretournepourluidécocherunregardmauvais,maismeslèvresquisetordentmetrahissent.
—Jesuisvraimentdésolé,Maëlie.Tuauraisdûvoirtatête,semoque-t-il.Levoirrirecommeçamedonneenviedem’esclaffer.Alors,c’estcequejefais.Aprèstout,sion
nevautpasunerisée,onnevautpasgrand-chose.Ilparaît!
***NoussommesdansundeuxièmebouchondecirculationquandEdwardmedemandesijesuisau
courantqueJoshuaetZoeysefréquentent.—Jesaisqu’ilssesontvusendébutdesemaine,maisjeneluiaipasparlédepuis.—Moi,j’aivuJoshuahier.Ilsemblequ’ilss’étaientvuslaveilleetlejourd’avant.C’estcool,tu
netrouvespas?—Oui,jesuiscontentepoureux.Joshuaestquelqu’undebien?—Vraiment.—Tantmieux.Ilaimevoyager?—C’estsavie.—C’estvrai?—Oui.—Alorsc’estvraimentcool!Edwardmeregardeducoindel’œil,maisn’ajouterien.Dumoins,pasàcesujet.—Cettepersonnespécialequiferapartiedemavie,reprendEdward,ilseraitpeut-êtreintéressant
qu’ellesachecuisiner.Sinonjedevraiapprendre,parcequejesuisnul.Jenesaispasfaireunrepasacceptableetjetrouveparfoisintéressantdemangeràlamaison.
—Tumangestoujoursauresto?—Pastoujours,maissouvent.Jesuisrarementchezmoi,etquandj’ysuis,j’aipeudetempspour
cuisiner.Jemedébrouillequandmême,maisjen’oseraispasinviterquelqu’unàsouper.Jetrouvecharmantquecethommequisembletoutfaireàlaperfectionnesachepascuisiner.Et
surtout,qu’ilsouhaiteapprendrepourrecevoirsonamoureux.—C’estsurtoutquandjeloueunchaletàlacampagnequej’aimeraispouvoirconcocterquelque
chosedeplusgastronomique. J’aiplusde tempsquand jene travaillepas,pourtant jeme retrouvetoujours àmanger des trucs plutôt ordinaires. Alors que j’aurais tout le loisir dem’asseoir pourprofiterd’unbonrepas.
—Etqu’est-cequetufaispouroccupertontempsdanscecas?—Ducanot,dukayak,dujogging,delabicyclette,delarandonnée,duski,delaraquette…Edwards’arrêteenm’entendantrire.—Quoi?—Çaouvrel’appétit,toutça.—Justement!Edwardmesouritensegarantdanslestationnementsouterrain.LarouteversQuébecs’estfaite
enunclaquementdedoigts,malgrélesdeuxbouchonsdecirculation.Nousavonsmisprèsdetrenteminutes de plus que le temps habituel, mais j’ai l’impression qu’on vient de partir. Nous avonsplacotépendanttoutletrajet;detravail,decinéma,demusique,devoyage,deresto,desportetdelavieengénéral.Edwardestdiamétralementopposéàcequ’étaitmonancienpatron.Entoutpoint,ilssontdifférents.C’esttellementparfait.
***Unefoisenregistrésàlaréceptiondel’hôtel,onserendànoschambres,quisontuneenfacede
l’autre.Commenousavonsuneheuredelibreavantlerendez-vous,jefaisunbrindetoilettedemoncôtépendantqu’Edwardfaitjenesaistropquoidusien.
Jemetslatouchefinaleàmonmaquillagequandonfrappeàmaporte.C’estEdward.Luiaussis’est changé. Ce qu’il est beau ! Je ne sais pas pourquoi je n’arrête pas de m’en étonner, il l’esttoujours.Sesyeuxfontl’aller-retoursurmatenueensouriant.
—Est-cequeçaconvient?—Çanepourraitpasêtremieux.Mêmesic’estunsouperd’affaires,j’aiquandmêmechoisideporterautrechosequ’untailleur.
Marobeestassezclassique.Elleestnoire,droite,sansmanchesets’attacheaucou.Parcontre,pourlerendez-vous,jelaporteraiavecunveston.J’aichoisidesescarpinsplushautsqueceuxquejeporteau bureau. En résumé, l’intention était d’être un peu plus soignée tout en gardant un style trèsprofessionnelpourunerencontrecommelanôtre.Pourquoiêtreplusjolie?Bah!Onnesaitjamaissionnecroiserapasl’hommedesavie.Non?
Nous pouvons accéder au restaurant par des tunnels souterrains. C’est donc sans manteauqu’Edwardetmoimarchonsdepuisenvirondixminutesdans les longscouloirs.Nouszieutons lesboutiquesaupassage.Enregardantdansunebijouterie,jeréalisequelaSaint-Valentinapproche.Lapire fêtedumondequandonest célibataire. Je stoppebrusquementdevant lavitrinedechezBirksparce que le présentoirm’interpelle. Edward s’arrête et revient versmoi quand il voit que je suisfigéedevantlabijouterie.
—Tuasvuquelquechosed’intéressant?—Non.Enfait,oui.Destasdetrucssontintéressants.Lesbagues,lesbracelets,lesbreloquesscintillentpluslesunsquelesautres.—Cesbouclesd’oreillessontsuperbes!commenteEdwardenmontrantdemagnifiquescarrés
dediamant.C’estétrange,parcequec’estjustementcequejeregardais.Iladugoût,lepatron.Çaaussi,c’est
bienconnu.Jeveuxdirequeleshomosexuelsontdugoût,cen’estunsecretpourpersonne.Biensûr,jegarderaicetteréflexionpourmoi.Jen’aipasenviedelancerunediscussionsurlesujet.
—Regarde,ilyauncollierassorti.Edwardresteplantélà,mêmequandj’amorcemamarche.—Tudevraislesacheter,suggère-t-il.—Benoui!Etnepaspayermonhypothèquecemois-ci!Il rigole en me rejoignant. Une image d’Olivier s’immisce dans mon esprit à ce moment.
Pourquoipenserà luimaintenant?Àcausede laSaint-Valentin,biensûr. Ilest leseul rendez-vouspossibleàl’horizon.
***Comme lors de la rencontre avec l’autre client au début de la semaine, Edward a été d’une
éloquence troublante. En plus, il a ce je-ne-sais-quoi pour charmer les gens ; il aurait pu êtrepoliticien. Les deux personnes que nous venons de rencontrer étaient arrivées armées de millequestions.Pourtant,touts’estdéroulécommesurdesroulettes.Edwardestassurémentceluiquilesapersuadés,maisjesuisassezcertainequeplusieursdemesargumentsontpesédanslabalance.
—Bonnefindesoirée,madameFaye.Çaaétéunréelenchantementdefairevotreconnaissance.Jesuisconvaincuqueceleseratoutautantdetravaillerensemble.
—Auplaisirdevousreparlerlundi.Surcesmots,lesclientss’éloignentpoursortirdurestaurant.Edwardserassoitdevantmoiavec
unsourirelargementdéployé.Sesbeauxyeuxbleussontrivésauxmiens.—Ças’estbienpassé,jecrois.—Tucrois!rigoleEdward.Tupeuxplusquelecroire.Il appuie son dos confortablement sur sa chaise tout en continuant de me regarder. Il semble
satisfait.Moiaussi,jelesuis.Jetrouvequenousformonsunebelleéquipe.—Tuveuxboirelechampagneiciouàl’hôtel?
—Duchampagne?—Jepensequ’onaledroitdefêtercecontrat,non?—C’esttoi,lepatron.—Arrêtedem’appelercommeça.—Pourquoi,c’estcequetues,non?—Onestdescollègues.—Quiadécidéd’ouvrirmonposte?—Moi,mais…—Quiadécidédemonsalaire?—Moi,mais…—Quiautorisemonallocationdedépenses?Edwardlèvelesyeuxauciel.—OK!Jesuis tonpatron,maisàpartirde toutdesuite, jusqu’à lundi,çanecompteplus.Les
clientssontpartis.C’estlafindesemaine,etnoussommeslibresdefairecequ’onveut.—Oupresque!—Qu’est-cequetuveuxdire?Merde!J’aiparléàvoixhaute!Je pensais à ce quemoi je ferais tout de suite avec lui, dans d’autres circonstances.Genre lui
enlevercettecravateetsachemise,et…Bon,vousvoyezoùjeveuxenvenir,non?Maislà,j’ail’aird’uneidioted’avoirprononcéçatouthaut.
—J’iraibienmarchersurleborddelamer,maisilfaitfroidetiln’yapasdemer,enplus.Alorsonnepeutpasfairetoutcequ’onveut.
Edwardrit.Bienrécupéré,Maëlie!Ildétachesacravateetlaretirepourlarangerdanssapochedeveston.— J’ai envie de rentrer. Est-ce qu’on prend ce champagne à la chambre ?…Ou au bar… de
l’hôtel?s’empresse-t-ild’ajouterenbafouillant.C’estàmontourderigoler.—T’inquiètepas, j’aicomprisque tune risquespasdemefairedesavances.Etmoiaussi j’ai
envied’enfilerdesvêtementsplusconfortables.Lachambre,çameconvientparfaitement.Mêmes’ilsoutientmonregardenlevantlamainpourfairevenirleserveur,jevoisquelesjoues
d’Edwardontrosilégèrement.
9Edward est dans sa chambre et moi, dans la mienne. J’enfile un pantalon demousseline ainsi
qu’unmaillotdecorpsavantd’allerlerejoindre.Lasuited’Edwardayantunbalconavecvuesurunjardinintérieur,nousavonsrendez-vouschezlui.Jem’observeunedernièrefoisdanslemiroiravantdesortir.Unesecondeetdemieplustard,jecogneàsaporte.Edwardm’accueillevêtud’untee-shirtblanc et d’un pantalon gris enmolleton. Je ne sais pas si j’ai été trop longue ou si c’est plutôt leservicequiaétérapide,maislaVeuveClicquotestdéjàdanslaglace.Lesportesdelamezzaninesontouvertes, alors je m’y rends tout de suite. Je savais qu’il y avait ces commodités puisque Mayam’avaitprévenued’apporterunmaillot,maisjenepensaispasquecetespaceétaitaussiaccueillant.Lapiscineestsuperbeetlejacuzziimmense.Lespalmiersqu’ilsontinstallésainsiquelachaleuretl’humiditémerappellentl’atmosphèredesîlestropicales.
—Faisunvœu!m’ordonnegentimentEdward.M’exigerdefaireunvœuéquivautàdemanderàquelqu’unperdudansledésertcequ’ildésire.Je
veuxunamoureux!Qu’est-cequ’ilcroit?—C’estfait.Edwardfermelespaupières,l’airdeseconcentrersursonsouhait.Pop!—Quelsonmagique!—Ouais,j’espèrequ’ilseravraimentmagique,ceson.—Qu’est-cequeçasignifie?s’intrigue-t-il.—Quejesouhaitequemonvœuseréalise!dis-jesimplementenattrapantlacoupequ’ilmetend.Ilterminedeseverserduchampagne,puiss’approchepourfairetintersacoupesurlamienne.—Àtonvœu!Jesuiscertainqu’ilseréalisera.Alorsj’auraisdûsouhaiterquetudevienneshétéro!Dèsqu’ons’installesurleschaises,Edwardattrapeunefraiseauchocolatqu’ilaplacéeaucentre
delatable.—Hum!Tuenveux?Ellessontdélicieuses.Jelesaipréparéesent’attendant,blague-t-il.—Tuauraispusansdifficulté.Ilsuffitdefairefondreduchocolat,delestremperdedansetdeles
refroidiraufrigo.—C’esttout!—Oui,c’esttout.Idiot.Edwardmesourit.—C’estfacile.Pourtant,c’estdélicieux.—Tuvois,tusaismaintenantcuisiner…unpeu.Uneheures’estdéjàécouléeàdiscuter.Lechampagneestdélicieux,maisl’eauestsiattirante.Je
fixelebassinensongeantquepataugermepermettraitdebiendormir.Enplus,iln’yapresquepluspersonnedanslapiscine.J’hésite.Jemesensgênéed’écourterlasoirée.Jecrainsqu’Edwardcroiequejen’appréciepassacompagnie.Cequiestloind’êtrelecas.Maisj’aitropenviedenagerpourresterassise,alorsjemerisqueduboutdeslèvres.
—J’ailegoûtd’allerbarboter.—Jepensaisquetuneledemanderaisjamais!s’exclameEdwardenselevant.—Tuenasenvie?—Tellement!Edward avale le contenu de sa coupe d’un trait. J’ai à peine le temps de prendrema dernière
gorgéequ’ilestdéjààsortirsonmaillot.
***L’eauestplusfroidequ’ellesemblait,maisaprèsquej’aiexécutéseulementquelqueslongueurs,
elleestparfaite.Sansgrandesurprise,Edwardestunexcellentnageur.Nousnageonscôteàcôted’unboutàl’autredelapiscine.Noussommesseuls,àl’exceptiond’uncoupledanslejacuzzi.Àenjugerparleurséchangesdebaisers,ilsneserontpluslàbientôt,etonauraaussicetespacepournous.
Aprèsunedizainedeminutessupplémentaires,Edwards’arrêtepours’appuyersurleborddelapiscine.
—Tuesunebonnenageuse.—Jepensaisjustementlamêmechoseàtonsujet.Quandj’observelecouplequisortenfin,Edwardsuitmonregard.—Oncourse?Jen’aiaucunechance,maispourquoipas!Sansrépondre, jeplongesous l’eauendirectiondu
jacuzzi.Jen’aipas le tempsdemerendrebien loinqu’Edwardmerattrapeetme tirepar la jambepourmefreiner.J’éclatederiresousl’eau,cequimevautd’enavalerunpeu.Étouffée,jesorslatêtepourdécouvrirEdwardquim’attendensouriantàpleinesdents.
—Tricheur!—Pff!C’esttoiquiparsavantledépartetc’estmoiletricheur?Edward se hisse à l’aide de ses bras pour traverser dans le bassin d’eau chaude adjacent à la
piscine.Jefaislamêmechose,maisavecbeaucoupmoinsd’aisanceetd’élégance!Cequimevautd’avoirlemaillotdetraversquandjeplongedanscetteeaubrûlante.
—Ouille!C’estchaud.Je m’installe près d’Edward tout en cherchant les jets les plus puissants pour me masser les
musclesfessiersquiontencoredesraideurs.Unefoisallongée,j’examineEdward.Lesyeuxfermés,ilparaîtapprécierlemassage,luiaussi.C’estdifficiledecroirequejesuisicipourletravail.Deuxheuresderencontred’affairespourtoutcetempsàpasseravecEdward.Ilnemepaieraitpasquejel’accompagnerais,mêmequejedébourseraissansproblèmepourêtrelà.Jesuisentraindelefixerenmedisant que je passevraimentdubon temps lorsqu’il ouvre lesyeuxpour les poserdans lesmiens.
—Jesuiscontentquetusoislà.—Moiaussi.—Jeveuxdirequejesuisheureuxquetuaiesacceptédetravailleravecmoi.—Moiaussi.—Jetrouvequec’étaituneagréablejournée.—Moiaussi.Edwardmepousseenbasdemonbancenm’assénantunpetitcoupdepiedsurlacuisse.—Tumefrappes!—Ettoi,tutemoquesdemoi!—Pas vraiment. Je pensais ce que j’ai dit. Je suis très bien en cemoment. Je n’ai pas du tout
l’impressiond’êtreicipourletravail.Jemeréinstalle,fermelesyeuxetmelaissebercerparlesremous.Quandj’ouvrelespaupières,
Edwards’estrapproché.Jemeheurteàsesirisbleusàuneproximité…gênante.Pendantuneseconde,jepensequ’ils’estcollépourêtreprèsdemoi,maisjecomprendsvitequecen’estpasçaquandjevoisungarsdescendrel’escalierdujacuzzi.Etquelgars!C’estunhommed’environtrente-cinqans.Ilal’allured’unlatino,avecsescheveuxbrunsetsonteinttrèsfoncé.Sestraitssontfins,bienquesonvisagesoitangulaire.Ilestbeau.Vraimenttrèsbeau.Edwardetluisesourient.
—Bonsoir!Ilmerendlapolitesse,maisjenemetsquequelquessecondesàcomprendrequec’estEdwardqui
l’intéresse. Ses yeux sur lui sont si intenses que je sens, par ce seul regard, qu’il lui lance uneinvitation.
Ahnon!Soudain,jemesenscommeunpoissonenpleindésert.Jerefermelesyeuxenespérantdevenir
invisible.Edwardquis’estencorerapprochépourlaisserunespaceaunouveauvenumedéconcentre.Lachaleurdesoncorpsprèsdumienoccasionnedelégèresondesélectriques.Jemetrouveencoreplusstupidede ressentirçapendantque jesuisdansun jacuzziavecdeuxhomosexuelsquiveulentsûrementmevoirdisparaître.Rapidement,lesgarsentrentenconversationsurlederniermatchdesCanadiensdeMontréal.Jesouris,maisletypenemeprêteaucuneattention.J’abaisselespaupièresdenouveau.C’estpire,cardesimagesd’euxs’immiscentdansmonesprit.
OhGod!Jemelèvesiviteque l’eauéclabousse levisaged’Edward.Jeneprendsmêmepas le tempsde
m’excuseravantdemedirigerversl’escalier.—Jevaismecoucher,dis-jeensongeantqueceserauneexcellentenouvellepourtoutlemonde.Le gars, Xavier – c’est son prénom –, est souriant. Souriant au point où je pourrais compter
chacunedesesdents.Iln’yaaucundoute,jeluioffreunénormecadeauendégageantd’ici.Çamedonne envie de lui faire une grimace. Edward se lève pourme suivre,mais il s’arrête lorsque jeregardeversluienfronçantlessourcils.Ilm’observeavecuneémotionsurlevisagequejen’arrivepastropàcomprendre.
—Reste!—Non,jevaisveniravectoi.—NON!Oups!Montonétaitbeaucouppluspromptquej’auraisvoulu.Sibienqu’Edwardserassoitaussitôt,tel
unpetitgarçonquej’auraisgrondé.Jen’aipasletempsdevoirquelairilaparcequejesuisdéjàsortie.J’entends le typerire,pendantque jemesèche,mais jenesaispascequisepasse.Jecourspresquepourmerendreàlachambre.Jem’assureaussidenepastournerlatêteaucasoùilsseraientdéjàdansunesituation…
Horreur!Jeneveuxpasypenser. Je suis tellement fâchée.Pas contreEdward, il n’a rien fait. Je le suis
contremoi.Quelleconne!Jenesaispastropquelboutjen’arrivepasàcomprendredanslaphrase:«ilestgai».Pourtant,cen’estpassicompliqué.Pourquoijem’entêteàimaginerqueçapeutchanger?Letempsquej’arriveàmachambre,j’ailesyeuxquibaignentdansleslarmes.
Bravo,championne!Tupleurespourtonpatronhomosexuel!Plus absurde que ça, tu meurs ! Je voudrais sortir au bar ou n’importe où pour ne pas me
retrouverseuledanscettechambre,maisj’aitroppeurdelescroiser.J’aiassezdelesimaginer,jeneveuxpas les voir enplus. Je tourne en rond commeune lionne en cage. Je décidedeprendreunedouche,çaretireralechloredemapeauetlespenséesdematête.Enfin,jel’espère!
Nesachantpas tropcommentm’occuperensortant, j’allumemonordinateurpourvérifiermescourriels.J’enaidesdizaines.J’enrèglequelques-unspourpasserletemps.Çadistraitmonesprit,cen’estpasmauvais.Maisçanedurepas,carjeperçoisdespasprèsdemaporte.Jem’immobiliseenévitant de faire du bruit. J’entends le son d’une carte magnétique devant un lecteur et la ported’Edwardquis’ouvre.
Pasdéjà?Audiablelespréliminaires,ilspassentauxchosessérieusesvite!Etsijelesentendais…Non,non,nonetnon!En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je me retrouve la tête enfouie sous mes
couvertureset l’oreillersoudéàmesoreilles.Si jedistingue lemoindresondouteux,c’est fini. Jerefuseraidevoyagerpouraffairesaveclui.Bon,peut-êtrequej’exagère.Disonsquejedemanderaiunechambreàunautreétage,laprochainefois.Pasmieux.Sisachambreestau-dessusdelamienne,j’entendraiautant.Sinonplus.Cespenséesfontémergerdesimagesdansmonesprit.Jeveuxqueçaarrête.Jesuisenpetitebouledansmonlitetjechante,enterréesouslescouvertures.Siquelqu’unmevoyait,ilmecroiraitfolle,maisçamarche.Jen’entendsrien,saufmavoixétoufféeparletissuquirésonnedansmoncrâne.
***J’ignore combien de temps s’est écoulé avant que je finisse par trouver le sommeil,mais j’ai
dormi.Ensortantmatêtedemacachette,jevoisunelumièrefiltreràtraverslesrideaux.Toc!Toc!Toc!
—Ouvre,Maëlie,c’estmoi!ditEdward.Lesdernièresminutesde laveille refontsurface.Et l’émotionaussi.Saufque jenepeuxquand
mêmepaslefuirpourtoujours.—J’arrive!Jenesuispascertainequ’ilaitentendu,carmavoixâpreadéraillé.Jemarcheàpasdetortuevers
laporte.Quandjel’ouvre,Edwardgrimaceenreculantd’unpas.Jedoisavoirunetêteaffreuseàenjugerparsaréaction.Lui,ehbien,ilestcommed’habitude,beau.Ilportedesvêtementspourleski,unchandailàcolhautentissumoulant,aussibleuquesesyeux.Iltientdeuxtassesdecaféenattendantquejelelaisseentrer.
—Çava?—Quoi?J’ail’airdenepasaller?dis-jeenmedirigeantverslasalledebainaprèsavoirprisle
caféqu’ilm’offrait.Ouf!Edward ne répond pas et je viens de comprendre pourquoi. Ma nuit avec la tête sous les
couvertures me vaut d’avoir l’allure d’une femme des cavernes. Ma crinière doit bien avoir unecirconférencedetrentecentimètres.Parchance,jen’aipaslesyeuxtropbouffis,mêmesij’aipleuré.
—Es-tuencoreencolèrecontremoi?Je ne veuxpas qu’il pense que je lui en veux, ce n’est pas le cas.C’est contremoi que je suis
furieuse.—Jenesuispasfâchéecontretoi.Edwardn’ajouterien.Commejesuisencoredanslasalledebain,àessayerdemeredonnerune
allureplusprésentable,jenevoispassaréaction.Jedéposemabrosse,lavemonvisageetsorspourleretrouverassissurunechaiseprèsdematabledetravail.Ilesquisseunsourire.
—Tuespartiesivitequejepensaisquetum’envoulais.Jehochelatêtenégativementtoutenlevantlatassedecafédevantsesyeux.—Merci.—Est-cequetuespartieàcausedutype…—Jen’aipastropenvied’enparler.—OK!Edwardfixesatasse,qu’iltripote.
—Maëlie,j’aimeraisseulementquetumelaissest’expliquerque…Jeneveuxpasenparler,maréactionestdéjàassezhumiliantesansenrajouter.—Edward,toutestparfait.Est-cequetuasencoreenvied’allerskier?Ilmontresatenueenguisederéponse.—Alorsondéjeuneetonyva!Edwardilluminesonbeauvisageavecsonsourire.Aujourd’hui,ilnes’estpasrasé.J’aimeson
allurequandilestunpeunégligé.Çaajouteàsonsex-appeal…déjàtropprésent!***
Jesautilleenvoyantlamontagnetantjesuisexcitée.Lajournéeestparfaitepourskier.Lecielestunpeuvoilé,maisilnefaitpastropfroid.
Moncellulairevibreaumomentoùons’installedansleremonte-pente.L’appelvientdeCrystal.—Salut,beauté!IlparaîtquetuesàQuébec?demande-t-elledèsquejeréponds.—Oui,commenttulesais?—J’aiparléàZoey.Saufquejenel’aipasditàZoeynonplus!—EtcommentZoeylesait-elle?—Ellecoucheavecl’amidetonpatron,tut’ensouviens?—Ahoui!AlorstuesaveclebeauLaurentencemoment?—Non,c’estpourçaquejet’appelle.Jem’envaislerejoindrepourskier…—Toi,tuvasskier?—Quoi!Jesaisskier…—Pff!—…unpeu!ajoute-t-elleenriant.Anyway!JesaisquetuesauMassifetc’est làquejem’en
vaisavecLaurent…etAntoine.—Merde!Edwardsetourneversmoi.—Alorsilestpossiblequ’onsevoie,sijecomprendsbien?—Quoi!Tun’espascontente?—Pourtevoirskier,ouijelesuis.Jen’aipastropenviedevoirAntoine,parcontre.—C’était le but demon appel. Si on se rencontre, tu pourrais faire semblant que tu sors avec
Edward.—Bonne idée ! Je lui en parle.Merci, Crystal. Alors on se donne rendez-vous sur les pistes
extrêmes?—Vatefairevoir!Jerangemontéléphonejusteàtempspourdescendreduremonte-pente.Lorsquejem’arrêteprès
d’Edward,ilmefixeavecdespointsd’interrogationàlaplacedesyeux.—Imagine-toidoncquemacharmanteamieCrystalestenroutepourvenirskier.—Super!—Eneffet,çarisqued’êtresuperdrôle!Elleestaussiagilequ’unegirafeenbicyclette.—C’estvrai?—J’exagèreàpeine.Edward installe ses lunettes enme gratifiant de son sublime sourire.Ensuite, il s’éloigne pour
descendre.—Ah,Edward!—Oui?
—J’aiunpetitserviceàtedemander.—Cequetuveux.—Çat’ennuieraitd’êtremonpetitamipourlajournée?Jevoisàtraversseslunettesqu’ilalesyeuxécarquillés.—Net’inquiètepas.Onn’estpasobligésdefairelegrandjeuetlesfrenchkiss.«Quoiqueçaferaitpluscrédible»,ai-jeenvied’ajouter.—C’est justequej’aimeraisquelecopaindugarsquefréquenteCrystalpensequej’aiunpetit
ami.—Ilyauneraisonparticulièrepourcemensonge?—Ilembrassemaletjeveuxêtrecertainedenepasavoiràsubirçaànouveau.—Vraiment?C’estça,laraison?s’esclaffe-t-il.J’enfilemespoignetsdanslesgansesdemesbâtonstoutenconfirmantd’unmouvementdetête.—Aucun problème. Je suis ton petit ami, confirme-t-il enm’offrant à nouveau son plus beau
sourire.Yé!Edwardestmonamoureux.Nananinanère!
***Jem’amusecommeunefolle.Edwardaussi,àen jugerpar lesourirequ’ilad’estampésur les
lèvres.Mêmesijesuisplutôthabilesurmesskis,dumoinsplusquesuruneplancheàvoile,Edwardestbeaucouppluscasse-couquemoi.Iln’yapasgrand-chosequil’arrête.Nousvenonsdefaireunedescentedansunsentiertriplelosange,etpourêtrehonnête,jesuissoulagéequelasectionhors-pistesoitfermée.Jesuisàpeuprèscertainequ’ilauraitvouluyaller.Demoncôté,jenemesenspasassezconfiantepourm’yrisquer.
Encemoment,noussommessurunepiste intermédiaire,pour leplaisirdese laisserglisseretd’admirer la vue. Justement, je viens de m’arrêter en bordure de montagne pour contempler lepaysage.Edwardquiestpartiunpeuaprèsmoivientmerejoindre.Ilfaitgiclerdelaneigesurmonvisage en freinant. Je retire mes skis avant de me laisser tomber au sol pour relaxer. Il m’imitependantquej’enlèvemeslunettesetm’essuie.
—Quellebonneidéec’étaitdevenirskieraujourd’hui!Lajournéeestparfaite.Edwardlèvelatêteverslecielpourregarderlesminusculesfloconsquiviennentdecommencer
àtomber.Lespectacleestmagnifique.C’estpareilàcespetitesboulesqu’onsecoueetquirenfermentdespaysagesd’hiver;laneigesembletomberauralenti.
—Lanatureestsiimpressionnante,commente-t-ilenattrapantunflocondanssamaindégantée.Jesuisd’accordaveclui,maisj’attendsqu’ilpoursuivesapenséeavantdecommenter.—Malgréleurunicité,lesfloconsdeneigeonttousunesymétriehexagonale.Quelmystère!—Tusavaisqu’ilspeuventêtrerecensésenseptcatégories?—C’estvrai?—Oui.J’aimeraisteprécisertouslesnoms,maisjemesouviensquedequelques-uns:plaquettes,
boutonsdemanchette,étoiles,dendrites,cristauxirréguliers…—J’ignoraisquej’avaisaffaireàuneexperteenfloconsdeneige!—Jen’aipasdemérite.L’anpassé,unjouroùilneigeait,j’airencontréunpassionnésurlesujet.
Il n’avait que huit ans et pourtant j’avais l’impression d’écouter un scientifique. Ce petit boutd’hommeétaitvraimentadorable.
Edward continue de considérer les flocons qui se posent dans sa main. Après un moment, ildemande:
—Tuveuxdesenfants?
—Wow!Tuprendstonrôledepetitamiausérieux!Ils’esclaffe.—Quoi!Cen’étaitpasuneproposition?Nousjasonsdetoutetderieneninterrompantnotrediscussionàl’occasionpouradmirerlavue
spectaculaire.Cette journéeestpresque tropbellepourêtrevraie.L’hiveraétédur jusqu’ici,maisaujourd’huijemesuisréconciliéeaveclasaisonfroide.
Moncellulairevibreànouveau.C’estCrystal.—Es-tuarrivée?—Oui.Oùes-tu?—LaCrique,jepense,dis-jeenregardantautourpourtrouverlenomdelapiste.—C’est làoù je suis.Laurent etAntoine sontdéjà enbas. J’arrive.Enfin, j’essaie ! dit-elle en
s’étranglantderire.À peine deuxminutes plus tard, Crystal fait son apparition en souriant à pleines dents. Je suis
accrochéeàEdwardpourremettremesskisquandelles’arrêteprèsdenous.—Coudonc!Qu’est-cequisepasse?Tuarrivesàtenirsurdesskismaintenant?—Pasmal,hein!—Jesuistrèsimpressionnée.—Ouais,bentuneleseraspaslongtemps.Dèsquelasurfaceestunpeuglacée,jedescendssur
lesfesses.C’estpourçaquelesgarssontdéjàenbas,maispasmoi.EdwardetCrystaléchangentquelquesmotspendantquejemeprépare.Crystaln’estpassimalhabileenfindecompte,maisilestvraiquecertainessurfacesreprésentent
undéfiimportantpourelle.Justement,ellehésiteenhautd’unepenteabrupteencemoment.—Vas-yparladroite,c’estmoinsglissant.—Etmerde!Laprochainesortie,elleseradansunspa,passurunemontagnedeski,gémit-elle.Postéàmescôtés,Edwardétouffedespetitsrires.—Jevaisl’aider.—Jepensequ’elleyarrivera,s’opposegentimentEdward.—Tuasraison,elledoitapprendre.À ces mots, Crystal se laisse glisser. En fait, je crois plutôt qu’elle est en train de perdre le
contrôledesadescente,carellevavite.Tropvite!—Freine!crieEdward.—Jette-toiparterre!Crystalarrivetroprapidementetlafalaisederrièrenouscommenceàmedonnerlafrousse.—Ralentis!À la façon qu’elle jure, je sens qu’elle panique.Moi aussi, d’ailleurs.Edward avance vers elle
pourl’attraperetéviterqu’ellenousjettetouslestroisenbasdelamontagne.Justeaumomentoùilarriveàelle,Crystalselanceausol.Elleglissedanslesjambesd’Edwardetl’abatcommeunequille.Commeunequillequitombesuruneautre.Moi!
Outch!Jesuiscouchéesurledosavecunskiquipointeverslecieletunautrequiestàladérive.J’aiune
jamberepliéesouslesfessesetEdwardm’écrasedetoutsoncorps.Enplus,Crystalestétenduesurlui.J’aimalpartout,maisj’aijustelegoûtderigoler.Monamie,elle,nes’enempêchepas.
—Arrêtederireetdescends,idiote!Crystals’exécute,maisretombeaussitôtsurEdward,quiestencoresurmoi.—Humpf!
MonbruitétoufféfaitglousserCrystaldeplusbelle.J’aibeaurire, jesouffre.Aprèscequimesemble une éternité à subir les contrecoups de son corps qui bouge en riant, elle se redressefinalement. Edward peut enfin se laisser rouler à côté demoi. Au lieu de se remettre sur pied, ils’approchepours’assurerquejerespireencore.
—Çava?—Nooonn!Edwards’esclaffeenmevoyantsourire,maiss’arrêtequandilconstatequemajambeestpliéeen
deux.C’estàsontourdepaniquer.Ilretiremeslunettesetsèchemonvisageenneigéduboutdesesdoigtsnerveux.
—Tucroisqu’elleestcassée?—Non,çaira.J’essaie deme déplacer,mais je grimace. Edward est à genoux devantmoi àme fixer d’yeux
inquiets. Lorsque je finis par m’asseoir, il tripote ma jambe pour s’assurer que les os sont bienintacts.Crystalcontinuederigolercommeunedébileàcôtédenous.
—Arrêtederire!Tuasfaillinoustuer.—C’esttoiquivoulaisqu’onfasseduskiextrême!s’esclaffe-t-elle.
10Confortablementinstalléeaupubdusommet,jesiroteunbonverredevin.Edwardestauxpetits
soinsavecmoi.C’estvraiquej’aiunpeumalàunmuscledelacuisse,maisfranchementj’aieupluspeur quemal.Laurent etAntoine devraient se pointer le nez d’uneminute à l’autre, selon ce qu’aannoncéCrystalquivientdeleurparler.Ilsétaientdansleremonte-pentepoureffectuerunedernièredescente.
—Étendstajambe,Maëlie,suggèreEdwardenapprochantunechaisepourquej’ydéposelepied.Tuaspeut-êtreuneélongation.
—Çasuffit,lecâlinage,ellefiniraparyprendregoût!Edward ignore le commentaire de Crystal et tient ma jambe pour m’aider à m’installer.Moi,
j’abusegaiementdesagentillesse.—Ilparaîtquetuesarchitecte?demandeEdwardàmonamie.—Ouietcontrairementauski,jesuisdouéedanscedomaine.—Justement,jecommenceàmagasinerpourunemaisonenbanlieue.Commejen’airientrouvé
d’intéressant,jepenseàenfaireconstruireune.Tupourraism’aider?—Tusaisquoi?Puisquej’aifaillitetueraujourd’hui,ceseraavecplaisirquejetedessineraiun
plangratuitement.—Sérieusement,j’aimeraisutilisertesservices,insiste-t-ilavantdeprendreunegorgéedebière.—Moiaussijesuissérieuse.Quelgenredemaisonveux-tu?—Jenesuispascertaindecequejesouhaite,maisjesaiscequejeneveuxpas.Danscellesque
j’aivisitées,jetrouvaislespiècestroppetites.J’avaissouventl’impressionqu’iln’yavaitpasassezdefenêtresetqu’ilyavaittroppeud’espacesderangement.
—C’estunbondébut,remarqueCrystalenretournantlenapperondepapierquisetrouvedevantelle.Combiend’étages?Combiendechambres?Combiendesallesdebain?
Edwardpivoteversmoicommesij’allaisluifournirlesréponses.—J’ignorequelssonttesbesoinsdumoment,maistuauraisavantageàpenseraumoinsàmoyen
terme.Sijenemetrompepas,tuvisseulpourl’instant?reprendCrystal.—Oui,maislebutd’acheterunenouvellemaisonestjustementparcequejeneprévoispasrester
célibatairetoutemavie.— Tu dois aussi penser aux futurs acheteurs. Même si tu veux que ta maison réponde à tes
besoins, il te faut aussi réfléchir à ceux qui voudront un jour l’acquérir. Ça te facilitera la vie etrentabiliseratoninvestissementaumomentdevendre.
—Oui,maislesbesoinsdechacunsontsidifférents.—Tuasraison,Maëlie,maisonsebasesurlanorme.Faisl’exercicedanstatête.Quandtuseras
mariéeetquetuaurasdesenfants,decombiendepiècespenses-tuavoirbesoin?Je réfléchisenobservantEdwardqui fait lamêmechose.C’estpendantqu’onest tous lesdeux
prisdansnospenséesqueLaurentetAntoinearrivent.—Tutesauvesdemoi! lanceLaurentquis’approchedeCrystalenmarchantcommeunrobot
avecsesbottesdeski.Monamieselèvepourallerl’accueillir.Antoineestjustederrière.Mêmeavecsatuqueettoutson
attirail,jeletrouvebeau.Ilembrassepeut-êtremal,maisilestséduisant.—Reposetajambe,murmureEdwardaumomentoùjevienspourmelever.Jem’approchedesonoreillepourchuchoter.—Tutesouviensquetuesmonpetitami,hein?
Edwardjouedessourcilsavantdemefaireunpetitclind’œil.Crystalplacoteaveclesgars,maisAntoine s’avanceen souriantdès qu’ilme repère.Edward se lève pour se présenter auxnouveauxarrivants.
—Salut,Maëlie,ilparaîtquetuesblessée?commenteAntoine.—Ouais,unbêteaccident.— J’ai l’impression qu’elle a peut-être une élongation aux muscles de la cuisse, commente
Edwardenprenantmamaindoucement.Peut-êtrequ’elledevraitmettredufroid.Lecontactdelamaind’Edwardm’ayantsurprise,jen’aipastropcompriscequ’iladitensuite.—Sic’estuneélongation,mettredelaglaceseraituneexcellenteidée.Tuveuxquejevérifie?J’avaisoubliéqu’Antoineétait chiropraticien.Edward,quine le saitpas, afficheundrôled’air
devantsaproposition.Jesuistropconcentréesurlepouced’Edwardquicaresseledessusdemamainpourleluiexpliquer.Crystalacaptétoutça,parcequ’elleassurelasuite.
—Antoineestchiropraticien,annonce-t-elleenregardantEdward.Ceneseraitpasunemauvaiseidéequ’ill’examine.
—Arrêtez!Cen’estrien.—Maëlie,jepensequesituesblesséeetquetuaslapossibilitéqu’Antoinevérifiel’étenduedes
dégâts, tudevraisaccepter,argumenteEdwardenrepoussantunemèchedecheveuxdemonvisagepourmeplanterundélicatbaiserentrelesdeuxyeux.
—Euh…Jesuissiétourdieparlecontactdeseslèvressurmonvisage,quej’aioubliécommentformuler
unephrase.Jesaisbienqu’il joueseulementsonrôle,maisl’effetsurmoiestsaisissant.Avantquej’aie le tempsde rassembler lesmotsnécessaires,Antoineestdéjàdevantmoi à tapoterma jambetandisqu’Edwardm’entourelesépaulesdesonbras.J’essaied’ignorertoutçaenobservantLaurentembrassermonamie.Ilsressemblentàunvraicouple.
—Jenecroispasquetonmusclesoitblessé,maisymettredelaglaceneseraitpasmauvais.Çanepourraitpasnuire,entoutcas.
—Jem’enoccupe, lanceaussitôtEdwardense levant.Antoine, tuveuxquelquechoseàboire,tandisquejemerendsaubar?
—Ouais,jeprendraisunebière,répond-ilenobservantcelled’Edward.Lamêmechosequetoi.—Tuaimestonvin,Maëlie,oupréfères-tuautrechose?—Monvinestexcellent.Je ne peux tout simplement pas m’empêcher de sourire. Je me sens comme si Edward était
vraimentmonamoureux;lasensationestmerveilleuse.Ildoitlepercevoirparcequ’ilenrajouteenprenantmamainpourposerunbaisersurledessus.
—Jerevienstoutdesuite.Jerêvasseenl’observants’éloigner jusqu’àcequejenelevoieplus.Àcemoment, jeconstate
quelesyeuxnoisetted’Antoinesontsurmoi.—Ilal’airdequelqu’undebien,commente-t-il.—Oui,ilesttrèsgentil.—Jedoist’avouerquej’étaisdéçuquandj’aisuquetuavaisrencontréungars.Jenepensepas
quec’estungrandsecret,j’avaisenviedeteconnaîtreplus.Antoinemesourittimidementenprononçantcesparoles.J’ignorecommentrépondre,alorsjeme
contentedeluirendresonsourire.—Maispourêtrehonnête,reprend-il,jetrouvequ’Edwardettoiêtesbienassortis.Ouais,àundétailprès!
Quoiqu’ilensoit, jesuisheureusedevoirquelaperformanced’Edwardestcrédibleauxyeuxd’Antoine.JetournelatêteverslebaroùCrystaletLaurentviennentd’allercommander.
—Euxaussivontbienensemble,toutcomptefait.—JenesaispaspourCrystal,maisluiestfoud’elle.— Je peux te confirmer que je n’ai jamais eu connaissance que mon amie fasse la route
Montréal/Québec pour un homme.Et elle n’a jamais passé une journée sur une pente de ski pouraucund’euxnonplus!
— Je me doutais qu’elle n’était pas une grande sportive. Lui aussi l’a deviné. Il est tellementcontentdevoirqu’elleafaitcesacrificepourlui.
—J’imaginequec’estça,l’amour.Commeunsoupirm’aéchappéetquejeneveuxpasqu’Antoinecomprennequenotrediscussion
merendmélancolique,jesourisplusquenécessairepourfairediversion.—Jesaisquec’estrécententreEdwardettoiaussi,maistucroisquec’estsérieux?Je suis figée par cette question. Il n’a pas peur d’afficher ses couleurs, celui-là. Par chance,
Edwardrevientaveclaglaceet lesconsommationsàcemoment.IlestsuivideprèsparLaurentetCrystal.Edwardinstallelaglacesurmajambesousleregardattentifd’Antoine.Jesuisdoncheureusequemon fauxpetit amin’aitpasoublié son rôle. Il appuie sonbras sur ledossierdemachaiseetfrôlemondosaupassage.Justesentirlachaleurdesoncorpsmebouleverse.Pourmapart,jen’aipasàjouer;jesuiscertainequemonvisageexprimetout.
—Alors,vousvousêtesrencontrésauMexique?—Oui.Ons’estvuspourlapremièrefoisprèsdelafalaisequetum’asfaitconnaître.J’étaisen
traindeprofiterdescorauxetdespoissonsquandjel’aifrappé.—C’estmoiquit’aiheurtée,mereprendEdward.J’étaishypnotiséparlescouleursdespoissons
quandj’aifoncédroitsursatête.Dèsquejel’aivue,jen’arrivaisplusàregarderautrechosequ’elle.Elleestrepartievite,maisdemoncôté,jecontinuaisdel’observeràdistance.
Edwardmefixedesesyeuxdouxenparlant.Ilestsibondanssonrôlequemêmemoij’ycrois.Iltientmamainenmesouriantquandilexpliquenotrerencontre.
— Cette journée-là, je n’ai pas arrêté de la croiser partout. J’avoue que je la cherchais. Ellen’avaitpaslamêmeattirancepourmoietellerefusaitmêmedemeparler.Jenevoulaispasêtretropharcelant,maisc’étaitplusfortquemoi.Pendant toutesmesactivités,monattentionétaitdétournéedèsquejevoyaisunefilleavecunmaillotrose.
Enfouillantdansmatête,jeréalisequ’Edwardaraison.C’estbienunbikinidecettecouleurquej’avaisenfilécejour-là.Ilalesensdel’observation,monpatron.
—Je la trouvaisbelle,mais c’est surtout son insouciance, sadéterminationet son franc-parlerquej’aimais,continueEdwardencaressantmamain.
Crystal croisemes yeux à cemoment. Je sais qu’elle devine ce que je pense.Dieumerci, elles’abstientdecommenterpouréviterdevendrelamèche.Jefixenosdoigtsentremêlésenessayantdechasserlespenséesquitraversentmatête.
—Pourquoiturefusaisdeluiparler?demandeAntoine.Jenesaispassic’estmonimagination,maisj’ail’impressionqu’Antoinevoudraitentendreque
c’estàcausedelui.Donccen’estpascequejedirai.Pasquestiondeluiouvriruneporte.Saufquej’ignorecommentrépondresansavoirl’airbizarre.
—Çaaprisunmomentàmel’avouer,maisjepensequ’aufonddemoijesavaisquesijepassaismême un tout petit peu de temps avec Edward j’allais devenir amoureuse de lui. Ça m’effrayait.Edwardestexactementletyped’hommequejecherchedepuistoujours.
Parcraintequ’ilsachequejedislavérité,jecontinuedescruternosmainsenparlant.Quandjefinispar lever lesyeux,c’estEdwardquia l’air leplussurprisde tous. Je luiavais racontéque jecraignaisqu’ilmeblesse,maispasexactementences termes.J’espèreseulementqu’ilpenseraquej’aiinventéçapournotrefauxscénario.
—C’étaitpareilpourmoi,maisj’aieuleréflexeopposé.Jenevoulaispaslavoirpartir.Etbiensûr, c’est cequi est arrivé.Les filles rentraient aupays le lendemain. J’étais déçu.Mais quand j’aiapprisqueMaëlievivaitàMontréal,j’aipenséquej’avaisencoreunechance.
—Commentvousêtes-vousrevus?veutsavoirLaurent.Coudonc!Jelestrouvedrôlementintéressésànotrehistoire.C’estpresqueétrange.ÀmoinsqueLaurentsoitàlarecherched’unepossibilitépourAntoine…—Quandjesuisarrivéaubureau,lelundimatin,jesuisentréenréunionetelleétaitassiselà.—Hein?faitAntoine.—Ouais!Tuimaginesàquelpointj’étaissidéré.Leservicedesressourceshumainesaengagé
une nouvelle directrice des communications pendant mon absence :Maëlie. Ça, si ce n’est pas ledestin,jenevoispascequeçapeutêtre!
Commesilapiècedethéâtren’étaitpasassezintense,Edwardprendmonvisagedanssamainets’approchepourembrassertendrementmeslèvres.
Oh…Lecontactesttrèsbref,maissidélicieux.J’ail’impressionquejevaism’évanouir.Inspire!Expire!Jelèvelesyeuxversleregarddouxd’Edward.Jepourraismenoyerdanslesvaguesbleuesdeses
iris.Parchance,ilvientàmarescousseenmegratifiantd’unpetitclind’œil.Jem’accrocheàcegestecomplice comme à une bouée dans l’océan. Sans quoi je reprendrais sa bouche avec la mienne.Crystalquienestconscientevientàmarescousse.
—Résultat!lance-t-ellesuruntonbeaucoupplusléger.Jesuisentraindedessinerunemaisonpourleursbesoinsfuturs.
Elletournelenapperonsurlequelelleafaituncroquisdemaison.Endessous,ilestécrit:«PlanpourEdward&Maëlie».
Siavectoutçajesuisobligéed’embrasserAntoineaujourd’hui,ceseraparcequ’onn’aurapasessayédel’enempêcher!
***Après une heure de placotage, je commence à me remettre du baiser d’Edward. Antoine qui
revientdubarnousannoncequelachutedeneiges’estintensifiéeetquelevents’estmisdelapartie.Cequiestunemauvaisenouvelle,étantdonnéqu’ondoitretourneràMontréal.
—Vousdevriezpeut-êtrepasserunenuitdeplusàQuébec,suggèreCrystal.—Vouspouvezveniràlamaison,sivousvoulez,proposeLaurent.Lesyeuxexorbitésdemonamiem’indiquentqu’onestmieuxderefuser.Jesaisqu’ellen’apas
endurétoutecetterouteetceskipournepasavoirLaurentàelleseule.Jecroisqu’Edwardl’asaisiaussi.
—Est-cequeçateposeproblèmedepasseruneautrenuitàl’hôtel?—Pasdutout.Edward attrape aussitôt son téléphone et s’éloigne pour passer un appel. Durant son absence,
j’apprendsqueLaurentest aussichiropraticienetqu’il estuncollèguede travaild’Antoine. Ilsontétudiéensembleàl’UniversitéLaval,iciàQuébec.Ilssontvraimenttouslesdeuxtrèsgentils.Sanscequejesaisd’Antoine,j’auraisenvied’enconnaîtredavantagesurlui.Mêmequejemedisqu’ildoit
bien y avoir quelque chose à faire pour régler son problème.Cette pensée n’a pas le temps de secristalliser que je l’ai déjà chassée. Pourquoi ?Laurent etCrystal s’embrassent quelques secondesplustardetlesouvenirdelalangued’Antoinerefaitsurface.J’ignoresilesvoirsebécoteraaussifaitsurgirnotrebaiserdanslamémoired’Antoine,mais ilsemblepenaudquandilse lèvepourserendre aux toilettes. Une partie de moi est triste pour lui. Laurent suit son ami, alors qu’Edwardrevient.
—J’aiunebonneetunemauvaisenouvelle,annonce-t-ilens’assoyant.Devantnosairsinterrogatifs,ils’explique.—Labonne,c’estquej’airéservédansunhôteltrèsbien,justeàcôté.Lamauvaise,c’estqu’ilne
restaitqu’unechambre.—Enquoic’estunemauvaisenouvelle?Continuezdefairesemblant!Jelèvelesyeuxauciel.— C’est vrai, vous êtes vraiment excellents. Franchement, Edward, j’ai même cru pendant un
instantquetun’étaispasgai,semoque-t-elleenluisouriantmalicieusement.Edwardétouffesonrireenprenantunegorgéedebière.—Net’inquiètepas,Maëlie,jevaiscontinuerdepasserdesappels.—Bennon!Jemefichededormirdanslamêmechambrequetoi.Situneramènespersonnecesoir!—Tuescertaine?OnpeutaussiretourneràMontréal,situpréfères.Jeconduiraiprudemment.—Risquerdemourirunefoisparjour,c’estassez!Non?J’ignorelebadinagedeCrystaletjequestionneplutôtEdward.—Est-cequeçateposeunproblèmequ’ondormedanslamêmechambre?—Pasdutout.Etpuisladameaditquec’étaituntrèsgrandlitetqu’ilyavaitassezd’espacedans
lasuitepourenapporterunautre,sinécessaire.Ilyaaussiuncanapé.—Bon!Voilà,toutestparfait,vousavezunesuitenuptiale!Jemetsmaserviettedetableenpetiteboulepour la lanceràCrystal.Maisàquoipense-t-elle?
Croit-ellevraimentqu’Edwardchangera soudainementd’orientation sexuelleparceque j’enmeursd’envie?MonamiejetteunœilderrièreellequandelleentendAntoineetLaurentrevenir.Elleagitelalanguecommeunserpent.Edward,quidéplacelesacdeglacesurmajambe,froncelessourcils.Jesenslebesoindejustifierpourquoiellefaitça.
—Jet’expliqueraiplustardpourquoicetteimbécilesemoquedemoi.—Commentvatacuisse?mequestionneEdward.—Gelée.Iln’enfautpaspluspourqu’iltentederemédieràlasituation.Illafrottegénéreusementàl’aide
de ses deux mains. Même si l’objectif est juste de me réchauffer, ses mouvements sont lents etagréablescommeunecaresse.Jenesuispascertainequ’ilréalisecequ’ilfait,maissesmainsfrôlentmonentrejambedemanièredangereusement troublante.Crystal s’étouffeavec sagorgéedevinenvoyantmonairahuri.Parchance,lecontenudesabouchequiaunpeugicléafaitarrêterl’attentiontropgentilled’Edward.
—Est-cequetuseraisprêteàpartirmaintenant?demandeLaurent.Letempsestvraimententraindesegâter.
—Oui,jesuisprête.—Ondevraitpeut-êtreyalleraussi,suggèreEdward.Après des salutations à tout le monde, petits bisous – sur les joues – inclus, Edward et moi
sommesenroutepournotrehôtel.
***Larouteestenneigéeetlesbourrasquesnuisentvraimentàlavisibilité.Parchance,l’hôtelesttout
près.—Est-cequeçateconvient?medemandeEdwarddèsqu’onestdanslachambre.Jenevoispaspourquoi ilendoute,elleestgigantesqueethyper luxueuse.Enplus,nousavons
unevue superbe sur leMassif.Trèsvite,Edward s’approprie ses espaces etmoi, lesmiens. Jemerends dans la douche en premier.Quand j’en sors, Edward est en train de travailler. Il se lève enm’apercevantetattrapecequ’ilfautpourallerselaveraussi.
Uneheureplustard,noussommespropres,douchésetinstalléschacundevantnotreordinateur.Jeregarde Edward vêtu d’un pantalon léger et d’un tee-shirt qui dévoile légèrement son torse. Sescheveux sont encoremouillés et ilne s’estpas rasé. J’adore le contrastedecette touchedevirilitéavecseslunettes,trèsdélicatesetraffinées.Edwardestunpurdélicepourlesyeux.
Undélicehomosexuel,Maëlie!Lorsquejesoupire,Edwardsetourneversmoi.Jecontinuedeledévisager,mêmes’ilsemblese
demandercequejeluiveux.—Tunelesportespassouvent.Ilfroncelessourcils.—Teslunettes,tuenasbesoinpourlire?—Ah ! fait-il en les retirant. J’ai l’impression quemes yeux ont besoin d’aide quand je suis
fatigué.—Tul’es?—Oui,jen’aipastropdormilanuitdernière.Beurk!J’avaislaissésortirdemonespritqu’ilavaiteuunenuitaveclebeauXavier.Cequimerappelle
qu’iln’estpasvraimentmonpetitami.Nevoulantpasenentendreparler,jebaisselesyeuxsurmonécranetcontinuedeconsultermescourriels.Jesensleregardd’Edwardsurmoi.
—Mercipourcettebellejournée!Jelèvelatêtepourluisourire.—C’étaitcool,hein?—Tellement!—Mercid’avoirjouélerôledemonpetitami,jepensequ’ilyacru.Edwardcontinuedemefixer,mêmequand jebaisse la têtesurmonordinateur.Dumoinsc’est
l’impressionquej’ai,maisjen’osepasleverlesyeux.—Commeça,tul’asembrassé?—C’étaitça,lamoqueriedeCrystal.Jeluiaiexpliquéquec’étaitcommeembrasserunreptileet
elleritdemoidepuiscetemps-là.—C’étaitvraimentsipénible?—Tun’aspasidée!—C’étaitavantouaprèsquetudécidesquetousleshommesétaientdessalauds?Jeréfléchisunmoment.Jenem’ensouviensplus.—Jenesaispastrop.Après,jecrois…Jepensequej’airencontréAntoineunjouravanttoietil
étaitmapremièretentatived’utiliserleshommesplutôtquel’inverse.—Etçan’apastournécommetuvoulais?«Comme d’habitude ! » ai-je envie de répondre.Au lieu de ça, je tournemon regard vers le
Massif.Chaquefoisque j’abordecesujet, jedeviensémotive.Edwardm’observe toujours,mais je
l’ignore.Encore.Jebaissedenouveaulesyeuxversmonécran.Jesaisqu’ilm’examineparcequejele sens.Après unmoment, il remet ses lunettes et se penche sur son clavier. J’écris unmessage àMayaquandj’entendsunnouveaucourrielarriver.
Grrr!Je suisdéçueparceque je croyais avoir terminé. J’enétais à régler ledernier avantd’éteindre
monordinateur.Jefinalisemacommunicationetrefermelafenêtrepourdécouvrirquec’estEdwardquivientdem’écrire.
De:EdwardO’TooleÀ:MaëlieFayeDate:25janvier–18h26Objet:J’aifaim……ettoi?EdwardDe:MaëlieFayeÀ:EdwardO’TooleDate:25janvier–18h27Objet:RE:J’aifaim…Oui.ÍMaëlieEnrecevantmonmessage,Edwardlèvelesyeuxversmoipourmesourire.
***Noussommessibieninstallésdanslachambrequ’onaoptépourprendrelesouperici.Toutétait
délicieux,monpoisson,meslégumes,mondessert.Maintenant,jesuisaffaléesurlecanapédevantlefeu de foyer. En sirotantmon vin, j’écouteEdwardme raconter des pépins qu’ils ont eus avec unclientcapricieuxl’anpassé.
—Commentvatacuisse?—Trèsbien.—Vraiment?—Oui,jeseraipeut-êtrecourbaturéedemain,maissansplus.Undouxsilences’installe.Monregardpassedesflammesàlafenêtredelachambreoùlevent
fait tournoyer la neige. Je suis bien et tellement détendue. Je n’ai jamais eu de supérieur avec quic’étaitsiplaisant.
—Àquoitupenses?J’hésiteunmomentàrépondre.J’analyseconstammentcequiestbienoupasentrenous.Cequi
appartient à une relation saine avec un collègue de travail et ce qui pourrait être vu comme unenévrosechroniquedemapart.Iln’yapasdemalàappréciermarelationaveclui,n’est-cepas?
—Jemedisaisquetuesunpatronavecquic’estagréabledetravailler.Jesuisbienencemoment.J’ail’impressiond’êtreavecunami.
Denouveau,lachambredevientsilencieuse.Edwardfaittournerlevindanssacoupeenlafixant.Seslèvresformentunsourireàpeineperceptible.
—Ettoi?Ilnerépondpastoutdesuite.Ilregardeverslafenêtrependantunmoment.Moi,jel’observe,lui;
Dieuqu’ilestbeau.—Àpeuprèslamêmechose,finit-ilpardire.Jepensequec’estsincère.Ilestdétenduetsemblebienluiaussi.Parcontre,sesyeuxparaissent
fatigués.J’ail’impressionqu’ilvoudraitpeut-êtresecoucher.
—Tuveuxdormir?Il fait non de la tête.Alors on continue d’admirer les flammes et la tempête.La neige danse à
l’extérieur et le feu l’accompagne dans le foyer. Leurs rythmes sont très différents, mais aussigracieuxl’unquel’autre.
—Alors,tuveuxt’acheterunemaison?Ilconfirmed’unmouvementdetêteavantdeprendreunegorgée.— J’ai un condo assez bien, mais je ne trouve pas qu’il est idéal pour fonder une famille.
J’aimeraisquelesenfantspuissentavoirunespacevertpourcourir.—Tuveuxdesenfants?dis-jesuruntonquinecachepasmasurprise.—Biensûrquejeveuxdesenfants!Son ton à lui suppose qu’il s’agit d’une évidence. Je n’ose rien ajouter,mais je trouve que sa
situationn’estpassimple.Queprévoit-ilfaire?Solliciterunemèreporteuseouadopter?Etsisonconjointn’enveutpas?Jenesuispascertainequej’aienvied’avoircettediscussion.
—Alorstudevrasajouterçaàtalistedescaractéristiquespourlapersonnespécialequipartageratavie.
Edwardretrousselenezcommesij’étaisbizarre.—Peut-être que jeme trompe,mais j’ai l’impression que beaucoup d’homosexuels ont fait le
choixdenepasavoird’enfants.J’aiàpeinefinimaphrasequejelaregrette.Edwardmefixesansparler.J’ail’impressionqueje
l’aiblessé.Jenevoulaispaspétersabulle.Aucontraire,jeluisouhaitedesenfants.D’ailleurs,jesuiscertainequ’ilseraunbonpère.
—Jeneprétendspasquec’estimpossible,Edward.Jesuisdésolée.Iltournelatêteverslefoyer.Moi,jevoudraisdisparaître.Jecherchecommentm’excuser.—Tuveuxdesenfants,Maëlie?—Oui.—Combien?demande-t-ilenmesouriant.—Deux.Ungarçonetunefille.Legarçonseraplusvieuxquelafille.Ilrit.Jepensequ’ilnem’enveutpas,finalement.—C’estprécis,remarque-t-ilenprenantunegorgée.Oui,cel’est.JeneleracontepasàEdward,maisj’aitoujoursvuavecunetelleprécisionlavie
quej’auraiunefoismariéequejepourraisladessiner.J’aimebienleshommesauxcheveuxpâlesetauxyeuxclairs.PasétonnantquejecraquepourEdward.Jemesuistoujoursvisualiséeavecunfilsquiauraitlestraitsdesonpèreetunefillequimeressemblerait.Jeveuxquelegarçonsoitplusâgéafinqu’ils’occupedesapetitesœuràl’école,siquelqu’unn’estpasgentilavecelle.
—Ettoi?—Jepensequedeux,c’estparfait,maissilavienemepermetd’enavoirqu’un,jeseraicontent.
Si,aucontraire,jemeretrouveavectrois,jeseraiaussitrèsheureux.Enattendant,jevaisdemanderàCrystal qu’elle dessine le plan de la maison que j’achèterai. Tu voudrais m’aider à réfléchir auxfonctionnalitésnécessaires?Jesuiscertainquetuserasplusdouéequemoi.
—Avecplaisir.Edwardsefrottelesyeuxpourlatroisièmefois.—Tuasl’airfatigué,tuveuxtecoucher?—Oui,jelesuis,maisnon,jeneveuxpasdormir.Enmevoyantfroncerlessourcils,Edwardcroitnécessairedes’expliquer.—Jesuissibienassisiciquejevoudraisquelatempêteduredeuxjours.
Etmoi,toutl’hiver!***
La fatigue s’est emparée de moi aussi, alors je me suis mise au lit. Je me sens si égoïstequ’Edward soit couché sur le canapé. Ce lit est assez grand pour accueillir cinq personnes et jel’entendstourneràl’autreboutdelachambre.
—Edward!—Oui?—Jesaisquec’estunpeubizarre,maiscelitestgigantesque.Pourquoitunevienspasdormirici
?Ceserabeaucoupplusconfortable.Ettuasbesoindetereposersitun’aspulefairelanuitdernière.Ilnerépondpas.—Allez!Ons’enfiche,non?J’entendsEdward se lever. Il contourne le lit ; aprèsquoi, je sens lepoidsde son corps sur le
matelaslorsqu’ilseglissesouslescouvertures.
11Quandj’ouvrelesyeux,jebatsdespaupièresaumoinsunedizainedefoispourêtrecertaineque
je ne suis pas en train de rêver.Edward est enroulé autour demoi commeune plante autour d’untuteur.Jesenssarespirationdansmanuqueetsonodeursiagréabledansmesnarines.Sansbouger,jedescendslesyeuxsurmamainquiestrepliéedevantmoi.Lesdoigtsd’Edwardsontenlacésdanslesmiens.Songenouestglisséentremescuisses.Jen’osepasbouger.Jesuisperplexe…
…maistellementbien!Soncorpsestchaudetsiconfortablecontrelemien.Jesensunlégermouvementderrièremoi.
J’arrêtederespirer.Edwardresserresonétreinteetposeseslèvressurmanuque,àlabasedemescheveux.
OhmyGod!Qu’est-cequ’ilfait?Unefractiondesecondeplustard,ilémetunpetitsonpaniquéet,avantquejecomprennecequi
sepasse,ilestsortidulit.Jemetourneversluidoucement.Ilestplantélàenboxer, lescheveuxenpagailleavecdesyeuxquiontdeuxfoisleurtaillehabituelle.
—Maëlie!Jesuisvraimentdésolé,je…Edwardsoupireenmarchantdelongenlarge.Ilal’airencoreendormietcomplètementperdu.
Moiaussi,jelesuis,maispaspourlesmêmesraisons.Enfin,oui,peut-êtreunpeu.J’ignorecommentonafinidanscetteposition,maispersonnellementjen’yvoisaucunproblème.Enfait,jesuisplutôtdéçuederéaliserquejedormais, j’auraispuprofiterdelachaleurdesoncorpspluslongtemps,sij’avaissu.
—Jetejureque…Edwardfrottesescheveuxetsonvisageavecvigueur,commes’ilvoulaits’assurerdenepasêtre
entrainderêver.Ilgrimace.Ohlàlà!C’estsiatrocedetoucheràunefemme?Sonvisageeffrayémedonneenviederire.C’estceque jefinisparfaire. Ila l’airencoreplus
confus.—J’étaissifatigué,jepensequej’aiperdulanotiond’oùj’étaisetavecqui.—Jesuisdésoléequecesoitsidésagréablepourtoi,maismoiçanemedérangepasdutout.Je
viensdemeréveiller,j’enaiàpeineeuconscience.Taréactionmedérangeplusquelereste.Jemelèved’unbond.Àbienypenser,jesuispeut-êtreunpeufrustrée.Franchement!Jenevois
pascequ’ilyadesipénibleàcequ’ilsesoitfrottésurmoi!—Non,Maëlie,jenesuispasdanscetétatparcequeçamedérangedet’avoirenlacée,c’estjuste
que…Jeclaquelaportedelasalledebain.Jenesaispastropcequ’ilessaiedemedire,parcequej’ai
déjàouvertlesjetsdeladouche.Jenecomprendsrienàcegars-là.Iln’apasménagéseseffortspourm’aider à faire croire àAntoinequ’onétaituncouple. Il amêmeposé ses lèvres sur lesmiennes.C’estvrai!Commentpeut-ilsurvivreàça,maispasàsecollerunpeu?Enplus,ilportaitunboxer.Cen’estpascommes’ilavaitétécomplètementnu.Là,çaauraitétédifférent…
…etdrôlementintéressant!Toutàcoup,j’aienviederire.Jesuisvraimentridicule.Jesorsdelasalledebainunequinzainedeminutesplustardenpeignoir.Luiaenfilésonpantalon
d’intérieuretuntee-shirt.Dèsqu’ilmevoit,ilcessecequ’ilfait.—Maëlie,jeneveuxpasquetupensesquej’aiprofitédelasituation.Jeretrousselenezpourgrimacer.
—Jelesais!Jevoisbienquetuestoutbouleversédem’avoirtouchée.Ladoucheestlibre,situveux,tupeuxallertelaver.Vite.
Maintenant,c’estluiquigrimace.Ils’apprêteàparler,maisjereprendsavantqu’ilpuisselefaire.—Penses-tuquetuvast’enremettre?Jerismalgrémoi.Levoirtoutdéstabilisémedonneenviederigoler.Ilsaitquejememoquede
lui,carilétirelecoindeslèvresquandilsedirigeverslasalledebainavecsonsacdevoyage.—Jepensequejet’aimêmeembrassélanuque,dit-ilenmejetantunregardfurtif.—Ouais!Jeteleconfirme.Jesuisdésoléequemapeaunesoitpasaussiagréableàteslèvresque
celledeXavier.—Xavier?—Tunetesouviensmêmepasdesonnom!LebelItaliendujacuzzi.Edwards’arrêtedemarcheretgrimacetantquesabouchetouchepresquesesyeux.—L’Italiendujacuzzi?Dequoituparles?Cegars-làn’étaitpasItalien.Jeme demande pourquoi je l’aimentionné. Je ne veux tellement pas en entendre parler. Je le
poussepourqu’ilentredanslasalledebain.— Jeme fous de sa nationalité.Allez, va te laver, on doit partir. Il ne faudrait pas que tu sois
coincéiciavecmoiencoreunenuit.Quisaitcequetupourraisfaire?Ouste!Bonnedouche!Jepensequ’Edwards’estremisdecettehistoireparceque,pendantquejeramassemesaffaires
dans la chambre, je l’entends fredonner. Il ne chante pas fort, mais juste assez pour que j’aie laréflexionqu’ilestdebonnehumeur.
***Iln’estmêmepasquatorzeheuresquandj’arriveàlamaison.Cettefois,lacirculationétaitfluide
pourrevenirdeQuébec.Pendantlaroute,nousavonsparlésurtoutduboulotetdesprojetsàveniraubureau. Ce n’est qu’en m’aidant à mettre mes bagages et mes skis dans ma voiture qu’Edward areparlédel’incidentdelanuit.Ils’estjustemontrédésoléànouveau.J’aiacceptésesexcusessansenrajouter. Je n’ai pas non plus osé lui dire qu’il pouvait recommencer aussi souvent qu’il en avaitenvie.
JedéfaismavalisequandZoeymetéléphone.Joshuavientdepartirdechezelle.—Alors,ilparaîtquetuesrestéeunejournéedeplusàQuébec?—Coudonc,jenepeuxrienfairesansquetoutlemondesoitaucourant!—EdwardaappeléJoshuaquandilt’adéposée.Ilsemblequec’étaitunebellefindesemaineet
quevousayezvuCrystal.—Puisquetusaistoutdemavie,tudevraismeparlerdelatienne.Aprèsm’avoiravouéêtretrèsentichéedeJoshua,ellemeparled’Alexa.Ilsemblequenotreamie
planedebonheur.ElleapasséunefindesemainemerveilleuseavecNick,quiétaitàMontréal.Ill’ainvitéeàalleràNewYorkdansdeuxsemaines.Jesuisvraimentheureusepourelle,mêmesiunepartdemoiestunpeu jalouse. Je feraisbiendem’habituer à cette sensationparcequemesamies sonttoutes les troiséprisesd’unhomme. Jene lediraipas touthaut, au risqued’avoir l’airdevouloirattirerlapitié…etdemelefairesoulignerparCrystal!
Enregardantmonagendapourconnaîtrelajournéequim’attenddemain,lapetitecartebleuequej’aireçuetombeausol.Uneimaged’Oliviers’infiltrealorsdansmonesprit.J’ail’impressionquelaviem’envoieunmessage.J’aihâtederetournerautravailpourlevoir.J’espèreavoirl’occasiondeluiparler.Jenediscutepassouventavecluidanslecadredemesfonctionset,puisquesonbureauestunétageau-dessus,lesoccasionsdesecroisersontplusminces.Mais,jetrouveraibienunmoyen.
***
Noussommesmardi,enfindejournée,etjen’aipasencorevuOlivier.Enplus,jesuisdébordéede travail.Les appels, les courriels, les réunions se succèdent, si bienqu’il est seize heures et j’ail’impressionden’avoirrienfait.Ilesthorsdequestionquejeresteicicesoir.C’estmasoiréeyogaavec Crystal, et surtout avec le bel Isaak. Alors, quoi qu’il arrive, à dix-sept heures trente aumaximum,jesuispartie.JeviensderaccrocheravecunclientquandEdward,quej’aiàpeinecroisédepuishier,medemanded’allerlevoirlorsquej’auraiuneminute.
Aumomentoùj’entredanssonbureau,Eleonorestlà;ellenonplus,jenel’aipasvuesouvent.—Bonjour,Eleonor!—Bonjour,Maëlie!Tuesbelledanscetailleur.Ilfaitressortirtesyeux.Tuesmagnifique!Vous
netrouvezpas,monsieurO’Toole?—Absolument.Ellesortpresqueaussitôt.—Salut!Assois-toi.Edward est enterré de dossiers. Il en retire un de la gigantesque pile et l’ouvre pendant que je
m’installe.—Jevoulaisavoirtonopinionsurquelquechose.Ilmetundocumentenespagnoldevantmoi.Jecommencedoncàlire,maisàpeineunparagraphe
plustard,jegrimace.J’ignorequiaécritcetexte,maisc’esttrèsmauvais.Sibienqu’aumilieudelapagejelèvelatêtepourregarderEdward.
—Quiarédigéça?—Pourquoiposes-tucettequestion?medemande-t-ilenm’observant,lecoudeappuyésurson
appuie-brasetlamainretenantsatête.—Parcequec’estmalécrit.Nonseulementletexten’estpasfluide,maisilnereflètepasdutout
cequ’onsouhaitediresurleproduit.—C’esttoutcequejevoulaissavoir.Monespagnoln’estpasgénial,maismonimpressionétait
quelapersonnequiatraduitcedocumentn’étaitpasmeilleurequemoi.—Honnêtement,çaressembleàunedecesmauvaisestraductionsfaitesdemanièreinformatisée.
C’estmédiocre.—Jesuisdéçu,maismerci.Jemelèveaussitôtetm’éloigne.—Maëlie!Onaeupeud’occasionsdesevoir.Commentçasepassepourtoi?—Bien.Toutlemondeesttrèsaidant.Tangestgénial.Iladesidéesàprofusion.Kimestcomme
uneextensiondemoncerveau.Mayaprévoitcequejedoisfaireavantmêmequej’ypense.Mêmesij’aibeaucoupdetravail,j’aimebienmonenvironnement.
Edwardmeregardeensouriant,sansparler.—Quoi?—Jesuiscontentdesavoirtoutça,cesontdebonnesnouvelles,maisjevoulaissavoircomment
toi,tuvas.J’éclatederire.Jen’aipasl’habituded’avoirunpatronquiprendletempsdedemandercomment
jevais.Edwardcontinuedemefixerenattendantmaréponse.—Bah!Iln’yariendetrèsintéressantàraconter.Cequ’ilyadeplusexcitantdansmavie,c’est
moncoursdeyogatantôt.—ParcequetuaimesleyogaouparcequetuverrasIsaak?Jesensmesjouess’empourprer.—J’imaginequec’estunpeudesdeux.
Edwardsourit,maisn’ajouterien.Jepréfèreça.Ici,autravail,c’estbizarredeparlerdemaviepersonnelle.
—Ettoi?—Moi,jem’envaisàl’extérieur,pourfairechangement!répond-ild’untonlas.—Tun’espascontent?—Content?Non,pasdutout.—Pourquoi ? Je pensais que tu aimais voyager, dis-je enm’appuyant sur le chambranle de la
porte.—Oui, j’aimevoyager pour le plaisir, pas pour le travail…Enfin, plusmaintenant.Audébut,
c’est une des choses quim’a attiré dans ce poste,mais j’ai envie d’être à lamaison plus souventdorénavant.
—Oh!Jenesavaispas.J’avaismêmel’impressionquetun’étaispastropmalheureuxleweek-enddernier.
—Parcequetuétaislà.Jesuisvraimentcontentedesaréponse,maisj’essaiedenepaslelaisserparaître.—Etpuis,saufpourlesouperd’affaires,c’étaitplusdesvacancesqu’autrechose.—Tangseraavectoi.Ilesttellementgentil,vousaurezsûrementbeaucoupdeplaisir.Edwardcroisesesmainsetlesappuiesursatêteens’adossantsursachaise.—Jesuiscertainqueceseralecas.Ettuasraison,Tangestvraimentsympa.C’estseulementque
cen’estplusceque jeveux.D’ailleurs, je rencontremonpatronàChicagopour lui annoncerqued’ici un an je souhaite que ça se passe autrement. Il le sait déjà.L’an dernier, je l’ai prévenu qu’àmoyen terme j’espérais fonder une famille et que passer ma vie entre deux villes, voire deuxcontinents, ne faisait pas partie demes projets familiaux. Il a compris et il a demandé de l’aviserquandj’enauraisassez.Cemomentestvenu.J’aid’autresprojetsmaintenant.
Je ne sais pas comment réagir, carmême si je comprends, je suis déçue.Moi non plus, je nevoudraiplusvoyagerpourmontravailquandj’auraidesenfants.J’aiexpliquéenentrevuequepourunanoudeuxjen’yvoisaucuninconvénientpuisquemasituationlepermet.Parcontre,maintenantquejesuisalléeavecEdwardàQuébec,jetrouvaislesdéplacementsplutôtintéressants.
—Tunedisrien,mefait-ilremarquerensaisissantuncrayonsursonbureaupourletripoter.— Je comprends ta réflexion, je pense comme toi. Çame désole que tu doives faire tous ces
voyagesàcontrecœur.—Cen’estpassipénibleau fond.Jedorsdansdebeauxhôtelset jemangedans lesmeilleurs
restaurants. Et quand je ne suis pas seul, c’est encore mieux. Seulement, si je veux être dans unerelationamoureuseetm’investir,ceseraitavantageuxquejesoislà.Enplus,jepourraism’inscrireàdescoursdecuisine.
Eleonorrevientdanslebureauàcemoment.—Voussortezsoupercesoiroujevaisvouschercheràmanger?demande-t-elle.—Jepensequejemangeraidelapizzaici.—Non,pasdepizza.C’est ladeuxième foisdepuisvotre retourdevoyageet cen’estpasbon
pourvous.—C’estdeçaquej’aienvie,geintEdwardcommeunenfant.—Non!répond-elle,catégorique,ensepenchantpourramasserdesdossiers.Edward ouvre un tiroir et en sort une pile de dépliants de restauration rapide. Eleonor passe
derrièrelui,luisubtiliselepaquetetsedirigeverslasortie.—J’iraivouschercherunsous-marinavecpepperoni,ceserauncompromis.J’yferaimettreà
peu près les mêmes ingrédients que sur la pizza, mais ce sera moins gras, conclut-elle sans seretourner.
J’éclatederiredevantl’airpenaudd’Edward.—Elleestgéniale,cettefemme!—Jenepourraispasvivresanselle.Ilyaunetellesincéritédanslesyeuxetdanslavoixd’Edwardquej’ensuisémue.—Bon!Jevaistravailler,sijeveuxpouvoirallerauyoga.—Unedernière chose, reprendEdward, alors que jem’apprête à franchir le seuil de la porte.
Dimanche, c’est le Super Bowl. Les gars viennent à lamaison pour écouter lematch. Je sais queJoshuaseraavecZoey.Jemedemandaissitesamiesettoivouliezvousjoindreànous.
Tellement!—Jesuisassezcertainequeçaplairaitauxfilles.J’ignoresiCrystalaprévuvoirLaurent,jelui
demanderai.Quantàmoi,çameferaitplaisir.—Laurentestlebienvenuaussi,etsiAlexaestaccompagnée,jen’yvoisaucuninconvénient.—Est-cequejedoisapporterquelquechosedeparticulier?—Non,j’aitoutcequ’ilfaut.Eleonorentreavecdesdocuments.—Commetut’endoutespeut-être,ceneserariendetrèsélaborécommemenu.Onmangerades
trucsdegarsquiécoutentunmatch.Tusais,delabière,desailesdepoulet,delap-i-z-z-a,dit-ileninsistantsurlemot.Delabonnenourriturebiengraisseusepournosartères.
Edward affiche un sourire espiègle en jetant un œil à Eleonor. Cette dernière dépose lesdocumentsqu’ildoitsignersurlebureau,glisselesdépliantsderestaurantsdansletiroiretinfligeunepetitetapeaffectueusederrièrelatêted’Edward.Sanssourirenimêmeluiprêterunregard,ellesedirigevers laporte.Ellemefaitunclind’œilavantdesortir.Edwardétouffeunpetit rireenserecoiffantpendantquejemeretournepourpartir,moiaussi.
—Àdimanche,Maëlie!—Tun’espaslàdemain?—Non.Enfait,jeseraienréuniontoutl’avant-midietjequitterailebureauverstreizeheures.Je
seraistrèssurprisqu’onsevoie,puisquetoituseraschezunclientàpartirdemidi.—Ah.OK!Àdimanche,alors.
***Comme la dernière fois, les femmes ont toutes le sourire aux lèvres et les yeux rivés sur le
postérieurd’Isaak.Faireduyogaà42°Cn’estpasassezexigeant,ilfautenplusqu’ondéploiedeseffortsdeconcentrationincroyablepourarriveràfairecequiestdemandé.
—Ellecontribueàlacirculationdusangoxygénéverslesreinsetlesorganesreproducteurs.Enplus,lapositiondel’aiglefavoriselecontrôleetlepouvoirsexuel,conclutIsaak.
—Ehmerde!Jemetsplusd’énergieànepaspenserausexequ’àfairelapose,etlui,ils’amuseàenparler,murmureCrystal,telleuneventriloque.
Notreinstructeuresttoutdeblancvêtu.Çaluidonnel’allured’undieugrec.Etc’estpeut-êtremonimagination,maislapartielaplusviriledesoncorpsparaîtétrangementlibredanssonpantalon.Jenesuispasdecellesquis’arrêtentàcegenrededétail,maisaujourd’huijetrouveçadéconcentrant.Jecommenceàpenserquemalibidoavraimentbesoinquej’yprêteattention.
J’enailaconfirmationquandjefaislapositionduchameau.Donc,àgenoux,latêteàlarenverse,jetiensmeschevillestantbienquemal,j’ailedoscomplètementcambréetlapoitrinequipointeversleciel.Isaakdécidedevenirmeféliciterdel’excellencedemapause.Pourcefaire,ilsetientdebout
devantmoi,jambesécartéesàlahauteurdemonbassin,etattrapemataille.—Regardez!C’estexactementàçaquelaposedoitressembler.Observezcommentsagorgeest
déployéeetparfaitementalignéeavecsapoitrine,explique-t-ilendessinantuneligneimaginairedanslevide.
Je ferme les yeux et jeme concentre surma respiration pour éviter de penser au fait qu’il estpresqueassissurmonpubis.
— Voyez comment ses hanches, reprend-il en les empoignant, semblent se sentir libres des’ouvrir.
Lefait-ilexprèsouquoi?Isaak tientmon bassin avec ses deuxmains et il est presque à cheval surmoi. Je retiensmon
souffle.—Inspire!Expire!souffle-t-il.Plus j’essaie de le faire, plus j’ai l’impression d’en être incapable. La tête à l’envers, je fais
l’erreurd’ouvrirlespaupières.Ilyadesdizainesdepairesd’yeuxfixéssurIsaaketmoi.DontceuxdeCrystal,qui ressemblentàdesballesde tennis. Incapablede faireautrement, jem’esclaffe.Sanssurprise, je perds l’équilibre et mes bras lâchent. Par chance, Isaak me rattrape avant que jem’écroule.Ilritluiaussi.Sibienqu’ilrisquedetombersurmoi.Résultat:ilmetientdanssesbrasetsonvisageestàuncentimètredumien.
OhGod!Mêmeensueur,ilsentmerveilleusementbon.Commelemâlepropreenpleinsébatssexuels.Je
doismefaireviolencepournepasl’embrasser,là,devanttoutlemonde.Isaakmedéposedoucementsurlesoletmesouritavantd’annoncerqu’onferal’exercicefinaldepurificationpourconclurelecours.
—Lapurificationdenospensées!chuchoteunefemmederrièremoi.Un groupe de filles rigolent.Moi, je neme sens plus capable de grand-chose. J’ai les jambes
commedelaguenilleetj’aichaudcommejamaisdansmavie.Dèsquelecourssetermine,jem’allongesurlesol.Jetournelatêteversmonamiequivientde
m’imiter.—Ilfiniraparmetuer,cegars-là!—Plusqu’Edward?—C’estdifférent.Edwardreprésenteleprincecharmantquejemevoyaismarier.Ilpossèdeles
qualitésquejerechercheet,enplus,ilestséduisant.Isaak,jeleprendraisjustepourunenuit.Jeneleconnaispas,maispouruneraisonquelconque,c’estjustesonphysiquequim’attire.
—Peut-êtrejustementàcaused’Edward.— Non, je ne crois pas. Je sais maintenant que ça ne sera jamais possible. Bien sûr, ça ne
m’empêchepasdecontinuerdem’imaginerdesscénariosromanesques.Crystalrit.—Est-cequetucroisquejedevraisconsulter?—Oh!Ils’envient,chuchoteCrystal.Àtoidejouer.Jet’attendsdanslevestiaire.Situn’espaslà
dansquinzeminutes,jecomprendraiquetuasdécidédelibérertakundalini.Ellerefermeunœiltaquinaprèsquoiellesortpresqueencourant.—Jesuisdésolé,dit-ilens’approchant.—Pourquoi?Isaaks’accroupitpourêtreàmahauteur.Ilesttellementbeau.Toutecettesueurquifaitbrillerson
corpsmedonneenviedel’essuyer.
—Jen’arrêtaispasdeparler,jet’aidéconcentrée.Commentpeut-ilpenserquec’étaitça,leproblème.—Non,jen’étaistoutsimplementpasenmesuredetenirlapose.—Je ne te crois pas,maismerci de vouloirm’épargner.Tu es douée.Tu fais du yogadepuis
longtemps?—Non,c’estladeuxièmesession.Ilsemblesurpris.Cequiflattemonego.—Parcontre,j’aidelafacilitéaveclaplupartdessports.Jesuisplutôtactivedenature.—Çaparaît.Toncorpsnementpas,ilestsuperbe.J’ai l’impression que ses paroles n’étaient pas prononcées dans un but de séduction. Pourtant,
c’estexactementl’effetqueçafait.— Parfois, les gens veulent nous faire croire qu’ils s’alimentent bien ou qu’ils sont actifs
physiquement,maisleurscorpslestrahissent.Letienestfermeetensanté,ilterécompensepourtesefforts.Parcontre,tarespirationmanqueunpeud’amplitude.
Surtoutquandtuesàcalifourchonsurmoi!Isaaksemetàgenouxetposesesmainssursacagethoracique.— Quand tu respires, tu dois sentir le mouvement, explique-t-il en me montrant comment sa
poitrinesegonfle.Commesiçanesuffisaitpas,Isaakprendmesmainspourlesdéposersursespectoraux.Afinde
l’encouragerdanssesexplications–etaussipour le toucher–, jememetsàgenouxdevant lui. Jepositionnemespaumesàplatsursontorse.Isaakrespireprofondémentenmeregardantdesesbillesnoisettequiluisentsouslerefletdeschandellesencoreallumées.Jepréfèrelesyeuxclairs,maislessienssontparticulièrementbeauxetperçants.
—Tusens?Quoi,lakundalinisedéchaîner?Jehochelatêtepourconfirmer.Quoiaujuste?Jenesaispastrop.—Essaie,ordonne-t-ilgentimentenreprenantmesmainspourallerlesportersurmapoitrine.Isaaktientmesmains,surmapoitrine.Pourlapremièrefois,jemedisquecegars-làestundeces
salaudsquidoitbaiserlamoitiédesesparticipantes.Unechaquesoir.D’unautrecôté,ilparaîtsinaïfquej’aienviedecroirequ’ilestjustepassionnépartoutça.Leyoga,jeveuxdire.Detoutefaçon,jem’enfiche.S’ilcoucheavecuntasdefilles,ilauraplusd’expérienceetj’auraimoinsdechancedemeretrouveravecunAntoinedelabaise.
J’ignorecomment j’yparviens,mais je réussisàbien respirer,ondirait,parcequ’Isaaka l’airenchantéàenjugerparsonvisageilluminé.
— C’est parfait ! Tu vois comme c’est facile. Et quand tu y arrives, tous tes organes sontrécompensés.Situasuneblessureouunblocaged’énergie,tun’asqu’àsentircetaircirculerverscesendroitsetlaguérisonseraactivée.
—Ouais,justement!J’ignorecequim’aprise,maisjel’aidit.Alorsmêmesic’eststupide,jepoursuissurmalancée.—J’aiparfoisl’impressiondesentirunetensiondansmonbas-ventre,dis-jeenpassantmamain
sousmonnombril,enpensantqueçadoitêtredanscecoin-làquepassel’énergiesexuelle.—C’esttondeuxièmechakra,m’informe-t-ilenselevantpoursedirigerverslaporte.Qu’est-cequ’ilfait?—As-tuencorequelquesminutes?demandeIsaakenrevenantversmoi.—Oui.
J’aitoutpleindeminutes…—L’énergie de la sexualité passe dans ce chakra, et si elle se coince ou ne circule pas bien,
explique-t-ilens’assoyantdevantmoi,ellepeutapportertoutessortesdemalaises.Ilyadifférentesraisonspourlesquellescetteénergiesefige.C’estimportantdelalibérer.
JesuisTELLEMENTd’accord!—Est-cequetuesmariée?medemande-t-ilsoudain.—Euh…non.—Encouple?—Nonplus.—Zut!Hein?Jenecomprendspastropsatechniquedeséductionetçadoitseliresurmonvisageparcequ’il
s’explique.—Vousauriezpuessayerletantra.Jenesaispascequec’est,maisjepeuxbienl’essayeravectoi…—Tantra?—Oui, le tantra, ou tantrisme, comme certains le disent, est probablement lemeilleurmoyen
pouractivercetteénergiesexuelle.Envérité, tupeuxmêmelafairecirculerentre tonpartenaireettoi, sansmêmebouger.Seulementavec lepouvoirde l’attentionetde l’intention, tupeuxarriveràl’orgasmeen transmettant tonénergiesexuellepar tabouche,etcetteexplosion te reviendrapar lesexedetonpartenaire.
Quoi!Hein?J’ai le cerveau comme de la mélasse. Je ne sais pas trop ce qu’il me propose, mais je veux
essayer.—Biensûr,onneferapasçaici.Ah!—Par contre, je peux temontrer comment activer cette énergie et l’amener à circuler en toi
jusqu’ausommetdetoncrâne.Lemomentvenu,tesorgasmesserontamplifiés.Jepeuxbienpatienterunpeu.—Ladétente est absolument essentiellepourque tupuisses sentir leplaisir t’habiter et ensuite
t’envahir.Cequejevaistemontrers’appelleleMulabandha,ils’agitd’untoutpetitexercicetrèspeudemandant.
Isaakestjustedevantmoi,enlotus.Sesgenouxetsesmainsmetouchent.Jen’aiaucuneidéedecequ’ils’apprêteàfaire,maisl’énergiesexuellebougedéjà!Enfait,jenesaispassic’estça,maisj’aidesondesélectriquesquimeparcourentlecorps.Maisjeneluidiraipas,justeaucasoùildécideraitdes’arrêter.
—Pour leMulabandha, il suffit de contracter légèrement les muscles du sphincter de l’anus.Subtilement.Àpeineau-delàdel’intention.Aufond,cequ’onveut,c’estaccroîtrecettehabitudedecontractionentirantverslebassin.TudoislefairetoutencontinuantlePranayama.
Jenecomprendsrienàcequ’ilmeraconte.—LePranayamaestl’intentiondedirigerlarespiration.Ah!OK.— En résumé, tu contractes les muscles de ton sphincter en dirigeant ta respiration avec ton
intention. Pour commencer, il suffit de resserrer en imaginant ta respiration à cet endroit.Éventuellement, à force de pratiquer, tu pourras faire évoluer la contraction, l’intention et donc le
fluxsexueloùtuveuxentirantverslehaut.J’ignoresic’estl’exercicequejesuisentraindefaireouluiquiparledesexe,maisjemesens
toutémoustillée.—Onessaie?Jehochelatêteaveclepeud’énergiequ’ilmeresteàcetendroit,lefluxétanttoutdansmapetite
culotte.—Regarde-moi,jevaist’accompagner.Quand Isaak plante ses iris dans lesmiens, je sens ce désir de rapprochement charnel comme
jamais.Commentvais-jearriveràfairesonsatanéexercicesijeleregarde?—Est-cequejepeuxfermerlesyeux?C’estdifficiledemeconcentrer.—Pasdeproblème.J’avoueque,moiaussi,j’aiunpeudemal.Quandtuaurascommencé,situte
sensàl’aise,ouvre-les.—OK!Jerespiredoucementenécoutantlesouffled’Isaakquiestjustedevantmoi.J’essaied’abordde
meconcentrersurlarégiondemonanus,maisleparfumd’Isaakquichatouillemesnarinesrendlachosedifficile.Jepenseplusàcequejevoudraisfaireavecluiqu’àcequejevisprésentement.
— Respire ! m’encourage-t-il de sa voix chaude. Contracte ! Doucement. Lentement. Sens-leprofondément.
Sens-leprofondément!Çayest,j’aijusteenviederire.J’ouvrelesyeux.—Jesuisdésolé,j’aiencoretropparlé.—Cen’estpastantquetuasparléquecequetuasdit.Isaakmefixeunmoment,puisilsemetàrire.—Ouais!s’esclaffe-t-il.Dèsquejerefermelespaupières,Isaakattrapemesmains.Ellessontchaudes.Brûlantes.Malgré
ce contact, je m’efforce de me concentrer. Si Isaak prétend que ça donnera des orgasmes pluspuissants,çavautbienlapeined’essayer.
Noussommeslàdepuisunbonmoment.Larespirationd’Isaakestpluscalmeetlamienneaussi.J’ai réussi à faire les contractions,mais le désir est encore très focalisé aumême endroit.Quandj’ouvre les yeux, jeme heurte à ceux d’Isaak, braqués surmoi. Cette fois, j’arrive à le regarder,mêmequec’estfacileetagréable.Sesmainssonttoujoursdanslesmiennesettoujoursaussichaudes.Sesprunellessondentmonâmeetsaboucheestentrouverte.J’aiunefolleenviedel’embrasser.Ilestsiprèsquej’auraisàpeineàm’avancer.Mesyeuxdescendentsursaboucheetjevoisquelessiensfont lamême chose. Il respire plus profondément et ferme les paupières pour se concentrer. Sansdemander, jemepenchevers luietposemabouchesur la sienne. Ilbougeàpeine les lèvrespourglissersalangueverslamienne.
Oh!Wow!Lecontactestparfait,douxettendre.Sesmainsnequittentpaslesmiennes.J’ail’impressionque
notrebaiserserépandpartout.Jem’apprêteàlâchersesmainspourposerlesmiennessurluiquandsabouchemedélaisse.J’ouvrelesyeux.Isaakbaisselessiens.Ilparaîtsoudainmalàl’aise.
Pourquoiarrête-t-il?Qu’est-ceque j’aimanqué?C’étaitagréable,non?Pourmoi,ce l’était.Pourquoisemble-t-ilsiinconfortable?
—Ouf ! soupire-t-il. Je suisvraimentdésolé. Jenepensaispasqueça…Je te trouvevraimentbelle,etmêmesijesuisattirépartoi,jepensaisêtrecapablederésister.
Résister!Pourquoi?
Perdue,jefroncelessourcils.—Jetedemandepardon.Pardon?Pourquoi?Jenepeuxm’empêcherdedemander.—Maispourquoi?Çam’aplu.Pastoi?—Évidemmentqueçam’aplu!Maisjenepeuxpas.Jesuismarié.QUOI!—Jesuisdésolé.Jevoulaisvraimentt’aider.Jen’aipaspenséquelecourantpasseraitautant.Jesuisplantéeàleregarder,incertainedesavoirsijedoisrireoupleurer.—Tuvoulaism’aider?dis-jed’unevoixaiguë.—Oui,maisj’aiperdulecontrôle.Non,non,non!Je n’en crois pas unmot. Il appelle ça « perdre le contrôle », lui. Je pense plutôt qu’il est en
parfaitemaîtrisedetout.—Jepenseplutôtquec’étaitplanifié.Isaakparaîtsurpris.Confus.Blessémême.—Jecomprendsquetupuissesêtrefâchée.Situasressentineserait-cequelamoitiédeceque
j’aiéprouvé,ilestnormalquetutesentesfrustrée.Maisjetejurequesijen’étaispasmarié,jeneseraispasentraindememorfondreenexcuses.Je…
Isaaks’interrompt.—Non,tuneveuxpassavoircequejeferais,sereprend-ilensecouantlatête.Oui,jeleveux!—Aussiattirépartoiquejepuissel’êtreencemoment,jesuisamoureuxdemafemme.Mêmesi
jenel’étaispas,jepensequeceseraitunmanquederespectenverselle.Jen’enrevienspas,ilditlavérité.Isaakestréellementhonnête.Cegars-làn’estvraimentpasun
salaud.Entoutcas,ils’efforcedenepasl’être.—Aufond,c’estmoiquidevraistedemanderpardon.Jesuiscellequit’aembrassé.—Pasdutout.J’enmouraisd’enviedepuisquejemesuisassisdevanttoi.J’aiétéidiotdepenser
quejepourraisl’éviter.J’espèrequemafemmenem’envoudrapastrop.—Tuvasluidire?—Jen’aipaslechoix,rétorque-t-ilcommesic’étaitétrangedeposercettequestion.Sijenepeux
pasêtrehonnêteaveclafemmequipartagemavie,qu’est-cequenotrerelationvaut?Là, ce n’est pas drôle du tout. Pourquoi cette femme a-t-elle la chance de sortir avec un gars
commelui,alorsquemoijemeretrouvetoujoursaveclessalauds?—Tuasraison,Isaak,ettafemmeabeaucoupdechance.—Pasautantquetonfuturmari!rétorque-t-ilengrimaçantunsouriretimide.Jemepenchepourroulermontapis,puisjeluirendssonsourireavantdem’éloigner.—J’espèrequetumepardonnerasetqueçanet’empêcherapasdeveniràmoncours.Jefaisnondelatête,mêmesijen’ensuispastoutàfaitcertaine.
12C’est jeudimatin, l’événement Isaak est finalement derrièremoi. Crystal s’estmoquée demoi
sans retenue,maism’a avoué être jalouse que j’aie eu droit à un cours individuel. Il est assez tôtquandj’arriveaubureau.J’espèrepouvoirbénéficierducalmedecesheuresmatinalespourprendredel’avance.Toutlemondeesttrèsgentil,maisparfoisc’estundésavantage.Jemetrouveàdiscuteràgauche et à droite. Pendant ce temps, le travail s’empile. MêmeMaya n’est pas arrivée quand jefranchisleseuildelaportedusalondupersonnelpourmeserviruncafé.Ilestrarequejedoivelepréparermoi-même.D’ailleurs, je ne sais pas comment utiliser cettemachine compliquée. Je suisjustemententraindel’étudierquandOlivierentre.Ilaunmouvementdereculenm’apercevant.
—Bonjour,Maëlie.Tuesicitôt.—Toiaussi!Ilobservecequejesuisentraindefaire.—Tusaiscommentellefonctionne?Oliviers’approchetandisquejetripotecettemachineàcaféquiaplusdeboutonsquel’ascenseur
de trente étagesde l’immeuble. Ilprend le récipientque je tiens, il le remplitd’eaupuis lemet enplace. Il saisit la tasseque j’aidans lesmainset ladépose surunplateau. Il actionne troisboutonslentementenmeregardantchaquefois,commes’ilvoulaits’assurerquej’aienregistrélaséquence.Aussitôt,unjetdecafécoule.
—Tuesmonsauveur!Olivieravancevers l’armoirepourprendreune tasse.Alorsqu’ilvientpourempoigner l’anse,
elle luiglissedesdoigtset tombe.Aumomentoù je l’attrapeauvol,Olivierm’assèneuncoupdepoingsurunseinententantdelasaisirluiaussi.J’étouffeunrireenraisondesoncoupquim’aplussurprisequefaitmal.Sansgrandesurprise,lesangafflueverssonvisage.
—Jesuisvraimentdésolé,Maëlie.Çava?demande-t-ilenapprochantsamaindemonsein.Réalisantl’endroitqu’ils’apprêtaitàtoucher,Oliviers’arrêtenet.Unelueurdepaniquetraverse
sonvisage.—Cen’estrien.Onasauvélatasse,c’estcequicompte,dis-jeenlabrandissantdevantlui.—Jesuistrèsmaladroit,marmonne-t-ilenseprenantlefront,nesachantplustropoùposerles
yeux.Jedéposemamainsurlasiennepourlerassurer.—Hé!C’estjusteunaccident.Olivier se fige en regardant nos mains jointes. Il a l’air encore plus paniqué. J’ai presque
l’impressiond’entendresoncœurbattre tellementsa respirations’estaccélérée.Je ledélaissepourattrapermatassedecafépleine.
—Merci,Olivier,sanstoijen’auraispasbudecafécematin.Ilesquisseunvaguesourireentripotantlacafetièrepourpréparersaboisson.Ilfixelejetpendant
toutletempsqueleliquideremplitsatasse.Ilneparleplus.Demoncôté,j’enprofitepourl’observeren l’attendant. Ses épaules sont larges et sa taille, dessinée par sa ceinture, est fine. Il n’a pas deveston,jepeuxdoncapprécierlebeauVdesasilhouettetrèsathlétique.
—Jenetevoispassouventici,àquoidoit-ontavisiteànotreétageaujourd’hui?—Lamachineàcaféestbriséeenhaut,répond-ilsanssetourner.Jesaisquesatasseestpleineparcequejelavois.Pourtant,ilresteplantélàsansbouger.—Ah!Jesuisdésoléepourvotremachine,mais jesuisheureusequetusois là.C’est toujours
agréabledetevoir.
Après ce qui me semble être un siècle, Olivier se tourne. Je crois que son visage a lamêmecouleurquesachemiserouge.
—Bonnejournée,Olivier!Auplaisirdeterencontrerànouveau,dis-jeensortantdelapièce.Jel’entendsmerépondre,maisjenemedétournepas.Jetrouvequej’enaiassezfait.Audébut,
j’étaisincertaine,maismaintenantjen’aiplusdedoute.Jelerendstrèsmalàl’aise.Quandj’arrivedansmonairedetravail,EleonoretMayasontenpleinediscussion.Jelessalue,
leur faisunbrinde jasette et entredansmonbureauavantde refermer laporte.Moncœur faitunbondquandj’aperçoisuneenveloppebleuesurmonclavier.
Olivier!Ilétaitànotreétage.Peut-êtreest-cepourcetteraisonqu’ilaparuaussisurprisdemevoir…et
qu’ilétaitsinerveux.Mesdoigtstremblenttellementj’aihâtedevoircequel’enveloppecontient.Avantd’alleraulit,regardeàtafenêtre.Lesétoilesquetuverrassontlesmilliersdebaisers
quejet’envoie.Oh!C’est tellementromantique!Commentcegars-làpeut-ilêtreaussicharmantsurpapier,maissi
coincéenpersonne?Poser laquestion,c’estyrépondre.Étant timide, ilpréfères’exprimerparcemoyen.Jedois trouverunefaçonde faire tombercettebarrièreentrenous.Jeveuxavoiraccèsauvrai Olivier. Je range précieusement l’enveloppe avec l’autre dans mon agenda et j’enfile deuxnuagesenguisedepantouflespourlajournée.
***Mesamiessontchezmoipournotresouperdefillesdelasemaine.Noussommesattabléesdepuis
aumoinsuneheure.—EtsiçamarcheavecNick,tuferasquoi,déménageràNewYork?questionneCrystal.—C’esttroptôtpourpenseràça,maisjesupposequec’estplutôtluiquiviendraits’installerici.
Lamultinationalequil’embaucheadesbureauxpartout.CeluideMontréalcompteprèsdedeuxmilleemployés.Unemutationestenvisageable.
—Est-cequ’onauralachancedeleconnaîtremieuxbientôt?demandeZoey.—J’espère. IlauraitvouluvenirchezEdwardpour leSuperBowl,mais ilavaitdéjàdesplans
avecsonfrèreetsonpère.Ilsserontaumatch.—IlsvontêtreauStadiumàNewJersey?s’étonneZoey.Alexaconfirmed’unmouvementdetêtequandtroispetitstocssefontentendreetqueMoriciofait
sonentrée.—Hé!Kramer!s’exclameCrystalenlevoyant.J’avaisoubliédementionnerqueCrystalappelleaffectueusementmonvoisinKramer,puisqu’il
ressembleàbiendeségardsàCosmoKramer,cepersonnagesympathiquedelasituationdecomédie,jadistrèspopulaire,Seinfeld.Moricioseprécipitesurchacunedemesamiespourlesembrasser.
—Çafaitlongtempsquevousn’aviezpasfaitvotresouperici,commente-t-ilenprenantlebolàsaladeetmafourchettepourmangeràmêmeleplatdeservice.
Assis sur le comptoir de la cuisine, Moricio se mêle à notre conversation comme s’il étaitconcerné.
—Alors,deshommesenvue?Mescopinesonttouteslesourirefendujusqu’auxoreilles,alorsjerépondspourelles.—Alexaa rencontréunanalyste financierdeNewYork,Zoeysortavecunconcepteurdesites
WebdeMontréal,etCrystalfréquenteunchiropraticiendeQuébec.—Wow!Ettoi,Maëlie?
—Elleaembrasséunmégasuperbeauprofesseurdeyoga,répondCrystal.—C’estvrai?!s’étonneZoey.—Ouais.C’estunelonguehistoire.—Çatombebien,onatoutelasoirée,rétorqueAlexa.Jen’aipasletempsd’ouvrirlabouchequeCrystalexpliquedéjàendétailcequejeluiairaconté
deuxjoursplustôt.Toutlemonderit,saufMoricio.—Sansblague,lesfilles,c’estréel.L’énergiesexuelleestd’unetellepuissancequevouspourriez
souleverdesmontagnessivouspouviezlacanaliser.— Ouais, ben moi, je préfère de loin la libérer que de déplacer les éléments de la nature !
rétorqueCrystal.—As-tudéjàessayéletantrisme?veutsavoirMoricio.—Tuconnaisletantrisme?dis-jeenécarquillantlesyeuxsouslecoupdelasurprise.—Évidemment!C’estlemeilleursexequisoit!Jepeuxtemontrer,situveux.LapropositiondeMoriciom’apparaîttellementmoinsalléchantequecelled’Isaak.— Tu devrais, rigole Crystal. Ça semble miraculeux. Qui sait ? Tu pourrais arriver à guérir
Edwarddesonhomosexualité.—Idiote!lanceZoey.Cen’estpasunemaladie.Ouais,c’estvraimentstupide.Maisdevinezcequil’estencoreplus?Moi!C’estdifficileàcroire
que je l’ai fait, mais seulement quand mes amies sont parties. Je me suis installée devant monordinateuretj’aieffectuélarecherchelaplusridiculedel’histoired’Internet.DanslabarreGoogle,j’aiinscritlesmots:guérirl’homosexualité!Jevousjurequejel’aifait.Qu’est-cequienestsorti?Faites-le,vousverrez!Enrésumé,disonsquechaquelienmeconfirmaitquej’aivraimentungrosproblème. Plutôt que de penser à pouvoir changer Edward, je devrais me pencher sur ma santémentale.
Enplus,jetrouveplutôtétrangedecontinueràpenseràluiquandjedevraisêtreentrainderêveràOlivier.Jecroisquec’estpeut-êtreparcequelesmessagessontapparussurmonbureau,commeparmagie.C’estunpeucommesiOliviern’étaitpasréel.Jen’aimêmepasmentionnélesenveloppesmystérieuses àmes amies. Ça aussi, c’est bizarre, étant donné que je ne censure pas grand-chosequandvientletempsderacontermeshistoiresauxfilles.
***C’estdimanchematin,jelislejournallorsqueMoriciosematérialisedansmacuisine.—Bonjour!Monvoisinvoledesframboisesavantdes’appuyersurlecomptoirpourfaireunbrindejasette.
NousparlonsdesmanchettesetduspectacleduSuperBowldecesoir,quiestenpagefrontispice.—Commeça,çan’apasfonctionnéavecletyperomantiquedubureau?C’estvrai,j’avaisoubliéquej’enavaisdiscutéavecMoricio.—Jenesaispasencore.Ilm’adonnéunedeuxièmecarte.Jemelèvepourallerlachercher.Illalitàvoixhaute.—J’ai fait comme tum’as recommandé, je lui aidémontréunpeud’intérêt,mais çan’a servi
qu’àlerendremalàl’aise.—Est-cequ’ilsaitquetuconnaissonidentité?Jehausselesépaules.—Jenecroispas.Entoutcas,jen’aipasparlédesmessagesàOlivier.Àpersonned’ailleurs.Tu
eslaseulepersonnequilesait.Moricioafficheunpetitrictus.Jepensequ’ilestcontentd’êtremonconfident.
— La Saint-Valentin s’en vient, ton Olivier attend peut-être ce moment pour te dévoiler sonidentité.
Jefaislamoue.Cettefête,quipourraitêtrelaplusbelledetoutes,medéprimetellement.—Ne faispas cette tête, je suis certainque si cen’est pasOlivier, un charmant type t’invitera.
Sinononseferaunsouperentête-à-tête.Jesourismalgrémoi.Cen’estpasexactementcequej’aiàl’espritpourlaSaint-Valentin,maisje
letrouvegentildenepasvouloirmelaisserseule.—Merci,Moricio.Monvoisinmefaitunclind’œil,vole la rôtiedans laquelle jem’apprêtaisàmordreetsortde
monappartement.Jepasselerestedemajournéeàlire,àfairedescorvéesménagèresetàcuisiner.Jeprépareun
dessertpourlasoiréeduSuperBowl.Cen’estriend’exceptionnel,justedesbrownies,auxquels j’aidonnélaformedemini-ballondefootball.
Lesfillesviendrontaussicesoir;CrystalavecLaurent;ZoeyescorteraJoshua;quantàAlexa,ellem’accompagnera.Aucuned’entrenousn’aimeréellementlefootball,maiscommebeaucoupdegens,onserassembledavantagepourlespubsetlespectacledelami-tempsquepourlematch.
Ilestpresquedix-septheuresquandAlexapassemechercher.Edwardvitàpeineàdixminutesdechezmoi,alorsonmetpeudetempsàrepérerl’adresse.
—Alors,Nickettoi,c’estsérieux?—J’espère!répond-ellesimplementengarantlavoiture.Je lui souhaite aussi.Alexa est rendue à ce stadede savie. Jene connais riende ce type,mais
seloncequej’entendsdelui,ilparaîtêtrelegenred’hommeàvouloirs’engager.Alexaaeusonlotdemauvaisesexpériences,alorsjepriepourqueNicksoitlebon.
—Quellessontleséquipes?Alexahausselesépaulesbêtementavantd’ouvrirlaportièreduvéhicule.Ellenes’yconnaîtpas
plusquemoidansledomaine.Je regarde autour, en attente que quelqu’un vienne ouvrir. C’est un Edward souriant et beau à
mourirquiseprésente.—Vousêtesenretard,lesfilles!Toutlemondeestdéjàarrivé.Même s’il a dit ça sur un ton mécontent, son visage joyeux le trahit. Il attrape Alexa pour
l’embrasseretladébarrasseensuitedesonmanteauetdelabouteilledevinqu’elleaapportée.Toutdesuiteaprès,Alexam’aideenmelibérantdemonplateaudedessertetdemacaissedebière.Dèsquej’ailesmainslibres,Edwardmeprenddanssesbras.Vraimentdanssesbras;jenetouchepluslesol.
—Allô!J’ail’impressionquejenet’aipasvuedepuisdesmois.Ilaraison.Onnes’estpasvusdepuisplusieursjours,maisc’estcommesiçafaisaituneéternité.—Tun’aspaslevisagepeint?—Ettoi,jepensaisquetuauraisdespomponspourencouragertonéquipefavorite.—Ouais,ben,ilfaudraitquejeconnaisselenomdeséquipespourenfavoriserune!Edwardme sourit, déposeunpetit baiser surma joue, juste à la commissuredes lèvres, etme
prend par la main pour m’attirer avec les autres. Il faut vraiment que je parle à Laurent et quej’informemonfauxpetitamiqu’iln’aplusàenfaireautant.
Lecondod’Edwardest superbe.Toutà faità son image ;masculin, simpleet stylisé.Les lieuxdonnentenviedes’installerconfortablement.Lesalon,endroitoùonpasseralasoirée,estadjacentàlacuisine.Aumilieude lapièce trôneungigantesquecomptoirdestyle-bar.C’estvraimentparfait
pour recevoir.Edwardaplacéde laglacedans l’évier, et lesbouteillesdebièreattendent làqu’onvienne les récupérer. Juste à côté, il y a des verres, des bouteilles de vin et des plateaux de toutessortesdechosesqu’Eleonorn’approuveraitpaspoursonpatron.
Le temps que je fasse mes salutations à tout le monde, Edward m’a servi à boire en mequestionnantsurmasemaine.
—Jesuisdésolédevousdéranger,lestourtereaux,ditLaurentenapprochant.Jepeuxsavoiroùsontlestoilettes?
Edwardluiindiqueuneporteetsetourneaussitôtversmoienmejetantunregardcoquin.—Ouais,jepensequ’ilfaudraitluidire.—Pourquoi?Jetrouveçaplutôtdrôled’êtretonpetitami.—SiCrystalcontinuedelefréquenter,ilfinirabienparsavoirqu’onn’estpasensemble.Alors
aussibienenfiniraveccettehistoiremaintenant.Etpuisj’aibienl’intentiond’avoirunvraipetitamiunjour.
—Qu’est-cequetuvasluiraconter?Qu’onestplusensemble?Qu’onnel’ajamaisété?Qu’onamenti?Quec’étaitparcequetuvoulaisfuirsonmeilleuramiquiembrassemal?
—Merci,Edward,derendreleschosesaussisimples!Ilattrapesabièreenrefermantunœiltaquin.Jeluisourisettournelestalonspourrejoindreles
autres.—Fais-moisavoirquandnousauronsrompu,d’accord?Tusais,justepourquejen’aiepasl’air
tropcrétin.Jerigoleenm’éloignantpourallerparleràWilliam.IlestentraindediscuteravecAlexa.Illui
expliquelesrèglesdufootball.—Alors,onprendpourlesblancscesoir,c’estbiença?Williamtrouveplutôtrigolosonmanquedeconnaissancesdanscesport.—Si tuveuxque tonéquipegagne,oui, tuprendspour lesblancsou lesSeahawkspouravoir
l’airdet’yconnaîtreunpeu.Williamsepenchepourm’embrasseretm’accueillir.—LesSeahawks,ouaisc’estsureuxquej’aiparié.JejetteunregardcompliceàAlexa,quinepeuts’empêcherdemetrahir.Lesyeuxdemacopine
ontvitefaitcomprendreàWilliamquejen’yconnaisriennonplus.—Alorstoiaussituesicipourlabièreetlesailes?—Etlacompagnie!—Ahoui!C’estvrai,tuesencoupleavecmonamigai,rétorque-t-ilensouriantàpleinesdentsà
Edwardquis’avanceversnous.Edwardétouffeunrireenprenantunegorgéedebière.
***Les Seahawks mènent largement le match. Même si je m’en fiche totalement, les gars, eux,
semblenttrèsheureuxdecettenouvelle.Parcontre,l’équipeaunetelleavancequelapartiedevientmoinsexcitante,mêmepour lesvrais fans.Cequi est une excellente nouvelle pour les filles.Toutcompte fait,ondiscutependant le footballetons’arrêtepourvisionner lespubs.C’est lemondeàl’envers.
JesuisdanslacuisineentraindefairelepleindenachosaumomentoùLaurents’approchedemoi.
—Antoine te transmet ses salutations, dit-il en décapsulant une nouvelle bouteille de bière. Ilvoulaitquejeprennedesnouvellesdetacuisse.
—Tuluidirasquemacuisseestcommeneuve.Antoinevabien?—Oui. Il avait un rendez-vous ce soir. Il a rencontré une fille cette semaine. J’espère que ça
fonctionnerapourlui.Iln’apasététrèschanceuxcesdernierstemps.Bienvenuedansleclub!—Jeluisouhaite.Ilestvraimenttrèsgentil.Etjelepense.—C’estunbongars,acquiesce-t-ilenprenantunegorgéedebièretoutenmeregardant.Tusais
qu’ilétaittrèsdéçuquandilasupourEdwardettoi?—Ah!—Moiaussi,pourêtrehonnête.Antoineavraimentétéemballépartoi,etj’espéraisquelegars
avecquituétaisnesoitquedepassageafinquemonamiaitsachance.Maisjevoisbienquec’estdusérieuxentreEdwardettoi.
Unénormepoidsdeculpabilitévientdes’abattresurmesépaules.Jegrimacecequis’apparenteàunsourireetjem’empressedechangerdesujet.
—Ettoi,ondiraitquetuastoutuneffetsurmonamie.—Bah!Jenemefaispasd’illusion,rétorqueLaurentendétournantlesyeuxversCrystal.Jene
pensepasquetonamiesoitlegenredefillequiselaisseprendredanslesfiletsdupremiervenu.Nidudeuxièmevenu,nidutroisième,ni…—Tuas raison,mais jepensequ’elle t’aimebien.Et j’ai l’impressionque ses sentiments sont
partagés,non?—Disonsque jen’ai jamais fait la routeQuébec/Montréal seulementparcequ’une filleme l’a
demandé,avoue-t-ilentripotantnerveusementl’étiquettedesabière.—Alorstun’espasiciquepourlematch?LaurentlèvelatêteversCrystalquiritauxéclatsenparlantavecEdward.— Même si je veux faire semblant que oui, je me doute que je dois avoir l’air aussi idiot
qu’Edwardquandildonnel’impressiond’oubliertoutautourdeluiquandtuesdanslapièce.Pendantuneseconde,j’aiundoute.Est-cequeCrystalluiaditlavéritéetilmefaitmarcher?Je
jetteunœilàLaurentquiafficheunvisagesérieux.Puisj’aiuneautreréflexion.SoitEdwardestunexcellentacteur,soitilm’aimepourvrai.Pasausensd’êtreamoureuxdemoi,maisilapeut-êtreuneréelle affection.C’est possible après tout, je l’aimemoi aussi.En tout cas, cette penséeme fait dubien.Ettoutcomptefait,cen’estpascesoirquemonmensongeprendrafin.
Nous sommes côte à côte, à regarder vers Crystal et Edward. Les yeux d’Edward croisent lesmiens.Ensuite,ilsoufflequelquechoseàl’oreilledemonamie,puisselèveetvientversnous.
—Jetelaissetatendremoitiéetjevaisrejoindrelamienne,annonceLaurent.—Tendremoitié?répèteEdwardenfronçantlessourcils.Jepensaisquetuétaisentraindelui
avouerlavérité.—Jen’ysuispasarrivée.Jedétestemesentircommeunevilainementeuseetsurtoutt’impliquer
là-dedans.—Tuasraison,c’estvraimentpénibledejouermonrôle,alorstudevrasmedonnerunelarge
compensationenéchange,semoqueEdwardavecuneexaspérationfeinte.Jelefrappeauventredureversdelamainavantdeprendreunegorgéedevin.—TuasvuJoshuaetZoey?medemandeEdwardensetournantverseux.—Oui.Ettoi,tuasregardéCrystaletLaurent?dis-jeenfixantl’autredirection.—C’estvraimentgénialdelesvoir.Ilsontl’airsiheureux.Jesouris,soupireunpeupuismedétourne.Mesyeuxcroisentceuxd’Alexaquiritcommeune
folleavecWilliamquiatropbu.Iln’arrêtepasdefanfaronner.Edwardjointsonregardaumien.—Ouf!Jepensequejeseraiobligédelegarderàdormir,celui-là.Je suis contente qu’Alexa s’amuse autant avecWilliam, ça lui évite sûrement de penser àNick
avecquielleauraitaiméêtrecesoir.Lecellulaired’Edwardsonnependantquenouslesregardonsimproviser une danse et pousser des cris de ralliement pour les blancs. Edward s’éloigne pourprendrel’appeldanssachambre,enraisondetoutletapagequ’ilsfont.Williamselaissechoirsurlecanapéenmevoyantarriver.
—TuesvraimentcertainequetonNickenvautlapeine?Tusaisquejesuisplusintelligentquej’enail’air,lâcheWilliamenriantcommesic’étaitlachoselaplusdrôledumonde.
Alexarigoleenserendantàlasalledebain.Jem’assoisprèsdeWilliamquiaencoreunsourireestampésurlevisage.
—OùestEddy?—Ilaeuunappel,jepensequ’ilestpartidanssachambrepourleprendre.Alors,tut’amusesà
flirteravecmonamie?—Oui!Maisellesaitquecen’estquedesblagues.Ellem’aparlédugarsqu’ellearencontréen
vacances.Ilsembleêtrequelqu’undebien.—Çadonnecetteimpression.Jeluiaiàpeineparlé.Jediscutaisdavantageavecsonamilesoir
qu’onafaitsaconnaissance.Ettoi,William?—Moi,jesuisunpeusoûl!rigole-t-ilenlaissanttombersatêtesurlecanapé.—Edwardmedisaitjustementqu’ilallaittegarderàcoucher.Àcesmots,Edwardrevientdanslapièce.Sonvisageachangé.Ilparaîtcontrarié.Tristemême.—Monamigaivamegarderàcoucher,ilparaît!Edwardesquisseunsourirequin’atteintpassesyeux.Jenesaispassic’estparcequeWilliamse
moquedesonhomosexualitéousic’estsonappelquilemetdanscetétat,maisjesensqu’ilnevapasbien.Williamleperçoitaussi.
—Çava,Eddy?Mêmes’ilhochelatêtepourdireoui,jesaisquec’estfaux.J’aienviedesavoircequ’ila,maisje
trouve lemomentmal choisi.À cemoment, Crystal et Laurent s’avancent vers nous et annoncentqu’ilsvontpartir.Àpeinedeuxminutess’écoulentqueZoeyetJoshualesimitent.Jem’empressederamasserlesbouteillesvidespouraiderEdwardavantqu’Alexadécidederentrer,elleaussi.
—Laisse ça,Maëlie,m’ordonne gentimentEdward enme rejoignant.Ce n’est rien du tout, jem’enoccuperaiplustard.
—Çanevapas,hein?QuandEdwardposesesyeuxdanslesmiens,j’ailaconfirmationquenon.—Çaira.—C’estàcausedecetappel?Ilconfirme,maisn’ajouterienparcequ’Alexaapproche.—Es-tuprête,Maëlie?Ondoitallerreconduirecesoûlon,semoque-t-elleenmontrantWilliam
quimetsonmanteau.—Çaarriveàtoutlemondedeprendreunverredetrop,hurle-t-il,faussementoffensé.—Oudeuxoutrois!crieEdwardàsontourenriant.Williamsouritàsonamiencontinuantdechercherletroudesamanche.—Oui,jem’enviens,dis-jeàAlexaaprèsunmoment.—Tuneveuxpasresterunpeu?medemandeEdward.—JesuisvenueavecAlexa.
— Je peux te raccompagner, je n’ai pris que deux bières dans toute ma soirée et la dernièreremonteàprèsd’uneheure.
Commej’aitrèsenviedesavoirpourquoiEdwardnevapasbien,jem’empressed’acceptersoninvitation.
Aprèsavoirfait labiseàWilliametAlexa,Edwardetmoinousretrouvonsseuls.Jen’aipasletempsdelequestionnerquesoncellulairesonnedenouveau.
—Ah!Cen’estpasvrai!soupire-t-ilenmeregardant.—Prends-le,jevaisfinirderamasser.—Jen’enaiquepouruneminute.Jem’attendaisàcequ’Edwardseréfugieencoreunefoisdanssachambre,maiscen’estpas le
cas.Ilmarchedanslesalonpendantquejenettoielecomptoir.Prétendrequejem’efforcedenepasentendreseraitunmensonge.JesuistropcurieusedesavoircequimetEdwarddanscetétat.
—Maxim,jet’enprie.Jenesuispasseul,lemomentestmalchoisi.Etpuis,jenevoispascequejepourraisdiredeplus.
J’ignore ce que le Maxim en question lui veut, mais Edward soupire et ferme les paupièrescommes’ilétaitdécouragé.
—Iln’yarienàajouter.Jenepartagepaslesmêmessentimentsetjesuissincèrementdésolédet’avoirfaitdumal.Çan’ajamaisétémonintention.
L’émotion dans la voix d’Edward me bouleverse. Ça me fait bizarre d’être témoin de cettediscussion.Jedétestelevoiraussipenaud.Lebruitd’unverrequej’échappedansl’évierm’empêched’entendrecequ’ilditensuite,maisquand jeme tourneversEdward ilacoupé lacommunication.Sonvisageestdéfait.Ilmetsontéléphonehorstensionetlelancesurunfauteuil.Jemesensvraimentcommeuneintruse.Lorsquejemarcheverslui,jeremarquequesesyeuxsonthumides.
Merde!Ilest toutà l’envers,mais j’ignorecommentagir.Levoirdanscetétatm’arrache lecœur.Mes
yeux commencent à picoter. Étrangement, Edward me sourit en ouvrant les bras. Je m’avancedoucement, ne sachant pas trop ce qu’il fera.Quand j’arrive devant lui, ilm’enlace. Jeme blottiscontreson torse,mais je trouve tellementsurprenantqu’ilchoisissedemefaireuncâlinque jenesais pas où mettre mes mains. Après quelques secondes, le confort de la poitrine d’Edward a ledessus, jeme laisse aller à sonétreinte. Il caressemondos commesi c’étaitmoiqui avaisbesoind’être consolée. C’est un peu le cas.Quand jeme retire, Edward plante ses beaux yeux bleus auxrefletsvertsdanslesmiens.Ilssontencoreplusbeauxavecleslarmesquimenacentdesepointer.Çan’avraimentaucunsensd’avoircetteréflexionencemoment.
—Çanevapastrop,hein?dis-jemalgrél’évidence.Encoreplusdéconcertant,Edwardattrapemonvisageetplanteunbaiser surmonfront. Je sais
quecen’estpaslemomentdefantasmernonplus,maisseslèvressontd’unetelledouceurquemesgenouxfléchissent.Edwardattrapemamain,s’assoitsurlecanapéetm’attirecontrelui.Jeglissemesjambessousmoietmeréfugiesoussonaisselle.
—Jesuisdésolée.—Non,çava.C’estmoiquisuisdésoléquetuaiesététémoindecesappels.—Est-cequetuveuxenparler?Jen’osepasleregarderquandjeposecettequestion.Jusqu’ici,Edwardaétéassezdiscretsursa
viepersonnelle.Jemedoutequ’ilrefusera.Mais,jemetrompe.—Iln’yapasgrand-choseàraconter.J’airencontréunepersonneavecquijen’auraisjamaisdû
entreprendrederelationetças’estavéréêtreuneerreur.Jeluiaifaitdumaletmaintenantjem’enveux.
—Pourquoitun’auraispasdûentreprendrecetterelation?—Parcequejen’éprouvaisaucunsentiment.J’imaginequ’àcertainsmomentsdansnotrevieon
pensequelesexepeutremplacerl’amour,maisc’estfaux.J’ail’impressionquecettephraseestunmessagepourmoi,maisjegardecetteréflexion.—On ne s’est vus qu’à deux occasions. La première fois, on a seulement partagé un souper.
C’étaitagréable,maissansplus.Etpuis,parhasard,ons’estrevus.Jenepeuxmêmepast’expliquerce qui s’est passé, mais on s’est retrouvés à coucher ensemble. Ce n’était pasmieux que pour lesouper.Correct,jesuppose,pourdusexesansamour.
Jedétestevraimentlesimagesquicirculentdansmatêteàcemoment.Puisquejen’aiaucuneidéedel’alluredeMaxim,c’estlesouvenirdeXavier,l’Italien,quirefaitsurface.
—Je luiaiavouéque je regrettais. Je trouvaisque j’étaisunvraisalaud,maisqu’est-ceque jepouvaisfairedeplus?Jenel’aimaispas.
Edwardsoupireensefrottantlesyeux.—Pourquoies-tusitriste,situnel’aimespas?Ilmeregardecommes’ilcherchaitàliredansmatête.—Parcequejesuiscommeceuxquetuasrencontrés.—Maisqu’est-cequeturacontes?dis-jeenmeredressant.Tuasétéhonnête.Enplus,tun’aspas
attenduunan.C’esttrèsdifférent!Edwardsemblesoulagéparmaréaction.Entoutcas,ilsourit.—Tunepensespasquej’aimalagi?—Non!Jemeréinstallecontrelui,maisrelèvetoutdesuitelatête.—Çanetedérangepastropsijeprofiteencoreunpeudetachaleur?Edwardmeserrecontrelui.—Tellementpas!répond-ilenembrassantledessusdematête.C’estfoucommejesuisbienaveclui.
13Enouvrant lesyeux, jemetsunmomentàcomprendreoù je suis.Edwardestdevantmoi,vêtu
d’unhabit.Ilmesouritenmecaressantlescheveux.—J’espèrequetunem’enveuxpas,jet’ailaisséedormir.Jeportelesvêtementsdelaveille.Jesuissurlecanapéd’Edwardetilajetéunecouverturesur
moipouréviterquejeprennefroidpendantlanuit.—Zut!Quelleheureest-il?—Sixheuresdumatin.Situveux,jetereconduischeztoitoutdesuitepourquetutechangesou
tupeuxtedoucherici.Saufquejen’aipasdevêtementspropresàteprêter.Onnefaitpaslamêmetaille, rigole-t-il en tendant un café vers moi. Prends un moment pour te réveiller, on n’est paspressés. En tout cas, moi, je ne le suis pas. J’ignorais combien de temps tu avais besoin pour tepréparer,alorsjet’airéveilléeplustôt.
Lesouvenirdelasoiréerefaitlentementsurface.—Tuvasmieux?dis-jed’unevoixâpre.—Oui,mercidem’avoirbordé.—Bordé?Oùas-tudormi?—Ici,avectoi.—Surlecanapé?Jeregardel’espace.Ilyenaassezpourdeux,maisçaimpliquequ’onétaitpasmalcollés.—Tuétaisenrouléautourdemoicommeunlierreettum’asencoreembrassélanuque?—Sûrement!Etdirequej’aimanquéça!Edward me raccompagne chez moi avant de se rendre au bureau. Il est encore tôt, j’ai donc
amplementdetemps.Nousavonsmêmefiniderangerlesdégâtsdusoirprécédentavantdepartir.—Mêmesijem’enveuxpourcequej’aifaitàMaxim,jesuisaumoinscontentd’unechosedans
cettehistoire,lance-t-ilsoudain.JemetournepourregarderEdwardquicontinuedefixerlaroute.Ilmesembleserein.—Cetteminusculerelationm’apermisdesavoircequejeveux.Tuvois,mêmesij’avaisvoulu
entretenirdesliens,jen’auraispaspulefaire.Ils’estécoulépresquedeuxmoisentrelesdeuxfoisoùon s’est vus,Maxim etmoi. Je suis toujours à l’extérieur, et c’était encore pire avant le congé deNoël.Sincèrement,sij’avaisdécidéd’amorcerunerelationamoureuse,çaauraitétécompliqué.C’estjustementpourcetteraisonquej’aiparléàmonpatronlasemainedernière.
—C’estvrai,j’aioubliédeteledemander!Commentças’estpassé?—Bien.Trèsbien.Ilyadestasdeprojetsquis’enviennentetilyauradeschangementsdansmes
fonctions.—Tuasl’aircontent.—Très.—Alorsjesuiscontentepourtoi.J’ignorepourquoi,maisjesuisinquiète.J’espèrequ’ilcontinuerad’êtremonsupérieur.
***Unesemaineapassé.Vite.Tropvite.C’estdéjàmercredi,çasignifiedoncquelaSaint-Valentin
estdansdeuxjours.Edwardestàl’extérieurdelavillejusqu’àcesoir.C’estnul.Jem’ennuiequandiln’estpaslà.Oliviernes’estpasmanifestésousformedemessageromantiqueetjenel’aipasvunonplus.Jedécidedesortirdîneràlasandwicherie,àl’étagedelafoirealimentairedansl’immeuble.Je
suisattablée,entraindelirelejournal,quandjeremarquequ’unhommeséduisantmeregarde.Jeluisourisenespérantnepasavoirdelaitueentrelesdents.Discrètement,j’attrapelecouteausurlatablepouressayerdevoirsij’aidescochonneriescoincées.Difficiledelefairesansqueçaparaisse,carchaquefoisquejelèvelesyeuxversluiilmefixe.Enplus,l’ustensilemedéformelevisage.Sibienquej’aidumalàtrouvermabouchedansmonreflet.Jemepencheversmonsacàmainpourattraperunmiroirportatif,maisaumomentoùjemesourisàmoi-même,j’aperçoislespiedsd’uninvitéàmatable.Lorsquejelèvelatête,ilestplantélà.
—EstebanHumbert,annoncel’hommechâtaindevantmoi.Ilestgrand,bienvêtuetsonsourireestradieux.— J’ai remarqué que vousme regardiez. Je sais que c’est parce que je n’arrêtais pas de vous
dévisager, jesuisvraimentdésoléd’avoirétéaussi impoli.C’estque jevous trouve très jolieet jen’arrivaispasàvousquitterdesyeux.
Jesensmonvisages’empourprer.Etlàlesmotsfoncentpartoutdansmoncrâne,sansqu’aucunn’arriveàsortirdemabouche.Alorsjesouriscommeuneabrutie.Parchance,quandiltendlamainversmoi,moncerveaufinitparseréveiller.
—MaëlieFaye!—C’estunréelplaisirdefairevotreconnaissance,MaëlieFaye.Écoutez,jen’aipasl’habitude
d’aborder lesgensde façon aussi directe,mais je suis attendu et je nepeuxm’imaginerque je nepourraiavoirlachancedevousrevoir.
Estebanmetlamaindanslapochedesonvestonetenretireunecarteprofessionnelle.—Jemedemandaissivousétiezlibrevendredisoir…Oui!—…j’aimeraisvraimentvousinviteràsouper,sivousenavezenvie.—Vendredi,dis-jeenfaisantminedechercherdansmatête.Jesaisqueljourc’est,vendredi,c’estlaSaint-Valentinetjesuislibre.Libre,libre,tellementlibre.—C’estlesoirdelaSaint-Valentin,grimace-t-ilcommes’ilcraignaitquejesoisprise.—Oh,oui!Biensûr.Jen’airienprévupourlemoment.Enfin,rienquejenepuisseremettre.J’espèrequemontonétaitnonchalant,maisj’aiunsérieuxdoutesurmaprestation.—C’estvrai!Iln’arrêtepasdemesourire.Jeredouteunmomentquemonenthousiasmesoittropévident,alors
jedesserreunpeulesjoues.—Jesuistrèsheureuxdel’apprendre.Est-ceque…Estebans’arrêtepourréfléchir.—Jevoustéléphoneraienfind’après-midisivousvoulez.—Parfait.Sijeréservepourvingtheures,çavousva?suggère-t-il.—Absolument.Le temps d’un dernier sourire, Esteban a tourné les talons. Son corps est athlétique et son
apparence,trèssoignée.Jebaisselesyeuxsurlacarte.Ilestavocat.J’aidespapillonsdansleventreetje les sens tellement s’agiter que je pourrais moi-mêmem’envoler. Rien ne pourra changermonhumeuraujourd’hui.Rien.
***Jeudimatin, ilestàpeinepasséseptheuresquand j’entreaubureau. J’aiune réunionenavant-
midi,etcommejeprévoissortirmagasinerpendantledîner,jeveuxcommencertôtpourprendredel’avance. En arrivant devant mon ordinateur, je vois une enveloppe bleue sur mon clavier ainsiqu’unerosebleue.
Moncœurdanseletango.La rencontre d’Esteban m’a fait oublier monmystérieux Olivier. Je suis troublée d’être aussi
heureuse de voir ce message qui m’attend. Je prends le temps de déposer mes choses avant dem’installerconfortablementpourl’ouvrir.Jehumelarosebleue.Jen’enaijamaisvuauparavant.Jela trouve magnifique. Je me demande ce qu’elle symbolise. La signification se trouve peut-êtrejustementàl’intérieurdel’enveloppe.Alorsjel’ouvresansplustarder.
L’amourn’estpasunfeuqu’onrenfermeenuneâme;toutnoustrahit,lavoix,lessilences,lesyeux;etlesfeuxmalcouvertsnebrûlentquemieux.
JeanRacine,AndromaqueC’esttellementbeau!Je le lis et le relis pour en capter le sens. Il est vrai que tout nous trahit quand nous sommes
amoureux. Olivier n’est pas amoureux de moi, mais je pense comprendre ce qu’il veut dire. Sesgestesmaladroitsetsafaçonderougirletrahissentquandjesuislà.
JerespireencoreleparfumdecettesuperberosequandMayafrappeàmaporte.—Wow!Quellejoliefleur!Quitel’aofferte?JehausselesépaulesenremettantlacarteàMaya.Jen’osepasdirequec’estOlivier.Jesensque
ceseraitviolersonintimité.—Jenesaispas,maisjetrouvequec’estromantique.—Jesuisjalouse!Je réalise que je ne sais rien sur la vie deMaya. Je suis si prise par le travail etmes propres
histoiresquejenemesuispasintéresséeàelle.—Ilyaquelqu’undanstavie,Maya?—Pasofficiellement,maisilyabienquelqu’undansmoncœur,répond-elleenmefixantdeses
grandsyeuxétoilés.—Çasignifiequoiexactement?—Qu’ilnelesaitpasencore.Maismoi,jelevoispartout,dansmatête,dansmesrêves,dansma
soupeetmêmedanslesétatsfinanciers!—Crois-tuqu’ils’endoute?Ellehausselesépaulesensoupirant.—Jepensequ’ilseraittrèsheureuxdel’apprendre.—Tunesaismêmepasquiilest!—Cen’estpasimportant.N’importequiseraitheureuxquetujettestondévolusurlui.—C’esttrèsgentildedireça.—C’estpourtantjustelavérité.— Tu sais que j’aime vraiment travailler pour toi ! Tu es merveilleuse pour mon estime
personnelle!—Tuvoudraisbienfaireunepetiterecherchepourmoiquandtuaurasuneminute?—Sansproblème.—Cen’estpasenlienavecletravail.—Tantmieux,c’estencoreplusintéressant.—J’aimeraisconnaîtrelasignificationdelarosebleue.Mayamesourit,mefaitunclind’œilets’éloigneengambadant.
***Jesorsderéunionaveccesourirequineveutplusmequitter.J’aimilleraisonsd’êtreheureuse.
Edwardestderetour,j’aiunrendez-vousgalantavecunséduisantavocatetj’aiunmystérieuxpoète
romantiquequimecourtise.Toutlemonderamasseleursaffairespoursortirdîner,alorsquedemoncôtéjeprendsmontempspourresterseuleavecEdward.
—Vousavezl’airdetrèsbonnehumeur,mademoiselleFaye.—Jelesuis!Jesouristantquej’ail’impressionquemesjouesvontfendre.—Tuveuxm’accompagnerpourlelunchetmeraconterpourquoitusemblessiheureuse?—Jenepeuxpas,jedoissortirmagasiner.—Ah!…Onpeutavalerunebouchéetrèsviteetfairelescoursesensemble,siçanetedérange
pas.Moiaussi,j’aiunoudeuxtrucsàacheter.—C’estunebonneidée,tupourrasm’aideràchoisir.—Qu’est-cequetudoisacheter?—UnpetitquelquechosepourdespersonnesdubureauquejeveuxgâterpourlaSaint-Valentin,
dontMaya.Maisc’estsurtoutpourunnouvelensembledelingeriefinequejepensequetupourraismeconseiller.
Edwardlèveunvisageincertainverslemien.—Tupensesquemoi,jepourraisteconseillerpourchoisirtessous-vêtements?—Oui!dis-jeenm’efforçantdenepassautiller.J’aieuuneinvitationpourvendredisoir!Edwardal’airsurprisdemonenthousiasme.—Vendredi,c’estlaSaint-Valentin,tuterappelles?—Oui,oui,jem’ensouviens,répond-ilenramassantsesdocumentssurlatabledeconférences.—Hier, quand je suis sortie dîner, un inconnu est venume voir.Un homme charmant, lami-
trentaine,jecrois.Bref,ilm’ademandédesortirsouperparcequ’ilaenviedemeconnaître.—Etc’estquoilelienaveclalingerie?—Ben…tusais.Justeaucasoùilseraitintéressantetintéressé…—Tuasl’intentiondecoucheraveclui!Commeça,sansleconnaître.Benvoyons!C’estlegarsquiestpartiavecunparfaitinconnuqu’ilavaitrencontrédixminutes
avantdansun jacuzziquime fait lamorale !Quoique l’histoireavecMaximapeut-être freiné sesardeurs.
—Jen’affirmepasque ça arriveranécessairement,mais si je sensque le courant passe, je nem’enempêcheraipas,c’esttout.
—Sijecomprendsbien,jedoist’aideràchoisirlalingeriequetuporteraspourcerendez-vous?—C’esttoiquil’asproposé!—Oui,c’étaitavantdesavoirquec’étaitcetypedemagasinage.—Jetrouveraisçaintéressantd’avoirl’opiniond’unhomme,mêmesitun’aspeut-êtrepastrop
d’intérêtpourlemagasinagepourfemmes…Àmoinsque…Jem’interromps avant de finir ma phrase en me faisant la réflexion que ce n’est pas de mes
affaires.—Àmoinsquequoi?Bah!Pourquoipas?—Jemedisaisqu’ilt’arrivepeut-êtredetetravestir…Edwardvientdesechangerenstatuedesel.Ilneparleplus,ilnebougeplus.Jepensemêmequ’il
aarrêtéderespirer.—Benquoi!Ilyadestasdegarshomosexuelsquisetravestissent.—Biensûr!Tousleshommessontdessalauds.Touslesgaissontvolages,laplupartneveulent
pas d’enfants et se travestissent en plus, ironiseEdward.Maëlie !L’homosexualité et l’envie de se
travestirsontdeuxchosesbiendifférentes.Iln’yaaucunlienentrelesdeux.Son tonest tranchant,mais iln’estpas fâché.Pluséberluéparmespréjugésqu’autrechose.Ne
sachantpastropcommentrépondre,jerestemuette.—J’ailegenreàporterunerobe?Soudain, l’image d’Edward, lesexybeachbumde la RivieraMaya, en talons hauts, s’immisce
dansmatête.Çamedonneunefolleenviederire.—Bon!Tumerassures…unpeu,ajouteEdwardenmevoyantrigoler.—Tun’espasobligédem’aidersituneveuxpas.—Cen’estpasça.C’estjusteétrange.—Jesaisquetuesmonpatron,maisqueveux-tu?Jetevoispluscommemonamiquecomme
monpatron,c’esttout!Edwardlèvedesyeuxrieursversmoi.—C’estvrai?—Biensûrquec’estvrai.Pastoi?—Entoutcas,jen’aijamaischoisidelingeriepouraucunemployé!
***Comme prévu, nous avalons un sandwich en vitesse. En peu de temps, nous avons déjà fait
quelquesachatsàlachocolaterie.ÀpeinetrenteminutesdudînersesontécouléesquandnousentronschezVictoria’sSecret.Contrairement à ce que je pensais,Edwardn’est pasmal à l’aise dans cetteboutique,c’estmême luiquimemontredes tasde trucs. Il toucheà tout.C’estcommesi sesyeuxavaientétéremplacésparsesmains.
—Qu’est-cequetupensesdeça?dis-jeendésignantuneguêpièrerosepâle.—Elleestjolie,commente-t-ilens’approchantpourlatoucher.—Pourquoiregardes-tuavectesmains?—Parcequejeveuxsavoirsiletissuestdoux.—Alors,ill’estoupas?—Oui,maiscelui-cil’estplus.Jetouchelesoutien-gorgenoirqu’ilm’indique.Edwardaraison,letissuestsoyeux,maisjen’ai
pasenviedenoir.—J’ai legoûtd’unecouleurdifférente,pour fairechangement, ilmesembleque lenoir,c’est
tropconventionnel.—Jesuisd’accord.Ilsetournepourscruterlesalentours.Biensûr,toutestrougedanslaboutique.—Iln’yapasdesmilliersdechoix.—Jen’aipasenviederougenonplus.ÇafaittropSaint-Valentin.Edwardmejetteunregardquejetraduispar:«Hello!C’ESTlaSaint-Valentin!»—Jesaisbienquec’estjustementpourcetteoccasion,maisjetrouvequeçafaitkitsch.Unprésentoiràl’arrièredumagasinattiremonattention.Jem’ydirige,talonnéparEdward.Ilya
desdizainesdemodèlesdifférents.Enplus,lescouleurssontvariées.Ilyenadesfuchsias,desverts,desblancs,mêmeunorange.
—Ça!s’exclameEdwardenattrapantunsoutien-gorge,uneculotteetunporte-jarretellesbleus.La teinte est foncée et de jolies petites fleurs plus pâles ornent les bretelles. C’est vraiment
splendide.—C’estbeau,hein?—Très.Ilestdoux,enplus,sourit-il.
Jesaisisl’ensemble,ainsiqu’unautredanslesteintesdevertavantd’allerm’enfermerdansunecabine.Edwards’installesurlesfauteuilsetpassequelquesappelsenm’attendant.Laconseillèrevientme voir pour m’offrir son aide. J’entrouvre la porte et lui demande une taille plus petite pourl’ensemblevert.Ellesouhaitevoir,alors je la laisseentrer.Selonelle, iln’estpas tropgrand.Elleajustelesbretellesetmemontreque,toutcomptefait,ilmevabien.Jelepenseaussi,maisj’aienvied’essayer le bleu avant d’arrêter mon choix. Dès qu’elle sort, j’enfile les dessous. Edward a nonseulementl’œil,maisletoucher.Cetissuesttellementconfortable.Jel’ajustecommelavendeusemel’aapprisetviensàlaconclusionqu’iln’estpasmaldutout.Enplus,lacouleurmeplaît.J’aienvied’avoirl’opiniondelaconseillère.Jesaisbienqu’ellemeproposeraprobablementlepluscherdesdeux, mais comme je pense prendre le bleu, et que c’est le vert le plus dispendieux, je vais luidemander.J’ouvrelaportepoursortirlatêteetlavoismesourire.
—Alors?demande-t-elle.—J’aimeraisavoirvotreavis.Unefoisentrée,ellem’observe,mefaittournersurmoi-même,tripoteunpeuàgaucheetàdroite
pours’assurerquetoutestbienajusté.—J’aifaitmonchoix,maisattendez,dit-elleensortant.Nousallonsdemanderàvotremari.Jepouffederire.Jeveuxluidirequ’Edwardn’estpasmonmari,maisilesttroptard.Quandje
sorslatêtedelacabined’essayage,elleestdéjàentraindeluiparler.—Venez,votrefemmeaimeraitavoirvotreavis.Edwardparaîtpresqueapeuréparsarequête,maislasuitquandmême.—Madame,ilestmonami,pasmonmari.—Ah!…C’estencoremieux!Ilauraunœilplusobjectif.— Non, je ne crois pas, commente Edward en reculant comme un veau qu’on conduirait à
l’abattoir.Toutàcoup,jemesouviensqu’Edwardregardeavecsesmains,alorsjepaniqueaussi.—Çaira,madame.Jevaisprendrelebleu,mercipourvotreaide,dis-jeenrefermantlaportetrès
vite.—Commevousvoulez,mademoiselle.C’étaitaussimonpréféré.Quandjesorsdemacachette,Edwardmelanceunpetitsourirecomplice.Satisfaitedemonchoix,
jerèglel’additionetnousretournonsautravail.***
Arrivée à mon bureau, je constate que Maya a déposé une feuille sur laquelle est écrite lasignification de la rose bleue. Le début du texte parle de l’enzyme nécessaire à la sécrétion de ladelphinidine,cequidonnelateintebleueàcertainesfleurscommelaviolette.Larosenepossédantpascetteenzyme,iln’estpossibled’enobtenirunedecettecouleurqu’enutilisantdelateinturepourenscellerunequiestblanche.Onditaussiquelascienceréussitàobtenirunbleuplusmauveenlesmodifiant génétiquement. Finalement, pour en venir à la signification de la rose bleue, ce quim’intéresseleplus,onexpliquequ’unefleurdecettecouleurestpresqueimpossibleàobtenir.Doncceuxquil’offrentconsidèrentl’amourlesunissantàlapersonnecommeinaccessible.
Wow!MoncœurestcommeduJell-Odansmapoitrine.Cegars-làcacheune tellesensibilitéque j’ai
enviedepleurertantcettepenséemetouche.Jedoisluiparler.Qu’est-cequejepourraisbieninventerpourmerendredanssonservice?Laseuleraisonquej’aidem’adresseràluiestmonrelevésalarial.Jusqu’àmaintenant,toutétaitparfait.Jepensequemonallocationdedépensesadéjàétéapprouvée.Mêmesiellenel’avaitpasété,c’estEleonorquisechargedefairesignerEdward.Doncjen’aipasà
levoirpourça.Jesorsleplandel’étageduhautpourregarderquelautreservices’ytrouve:celuides ressourceshumaines.Qu’est-ceque jepourraisbiendemanderàcesgens?Ça,c’est sûrementplus facile.N’importequoiquiaun lienavec lesassurances seraitplausible. Jeme torture l’espritpourtrouverquelquechosequandonfrappeàmaporte.
—Entrez!Lesyeuxrivéssurlevisiteur,jen’arrivemêmepasàcillertellementjesuissurprise.—Olivier!Ils’avanceenmesouriant. Ilestvraimentséduisantaujourd’hui. Ilneportepasdevestonnide
cravate.Sesmanchessontrouléessursesavant-bras.Sonallureestrelax.Çameplaît.—Commentvas-tu?—Trèsbien,merci.Ettoi,çava?Je suis figée. Je suis heureusede levoir et drôlement impatientede savoir cequ’ilmeveut. Il
observemafleur.—Oui.J’aireçucettemagnifiquefleuretçaaensoleillémajournée.—Tusaisquitel’aofferte?medemandeOlivierencontinuantdemesourire.Oui.Non.Qu’est-cequejedoisrépondre?Jel’ignore.—Unepersonnegentilleetattentionnée,çanefaitaucundoute,maispourl’instantjeneconnais
passonidentité.Oliviersoutientmonregardunmoment,maisn’ajouterien.— Je trouve dommage de n’avoir aucun indice pour l’identifier, parce que je sais déjà que je
l’aimerais.Quelqu’und’aussisensiblemérited’êtreconnu.Olivierrestelà,toujourssansparler.OK!Là,jenepeuxfaireplussansavouerquejesaisquec’estlui.— Je voulais te voir parce quemonsieur O’Toole a mis des dépenses pour la journée du 26
janvier.Certaines sont à tonnom,par contre, jen’aipasdechambrepour toi. Jemedemandais sic’était une erreur. Eleonor et lui sont en réunion en ce moment. Je me disais que tu pourraism’éclairer?
—Euh…Là, jene saispas tropquoi lui raconter. Jen’ai aucune idéedesdépensesautoriséesàEdward,
considérant son titre. La tempête, est-ce que ça fait en sorte qu’il pouvait réclamer une nuitsupplémentaire?JesaisentoutcasquejenepeuxpasdireàOlivierquej’aidormidanslamêmechambrequemonpatronsamedisoir.
—Étais-tuàQuébecàcettedate?—Oui, j’y étais,maispaspour affaires. Jepensequ’il y auneerreur en cequi concernemes
dépenses. Par contre, je ne peux pas t’aider pour celles d’Ed… demonsieurO’Toole. Tu devraisl’attendrepourconfirmerlessiennes.
—OK!C’estcequejeferai,répond-ilenreculant.Cequiluivautdefoncerdanslemur.Pourtant,c’estmoiquisuismalàl’aisemaintenant.Pourla
premièrefoisdepuisquejesuisenposte,jetrouveréellementbizarrelelienquej’aiavecEdward.Depuisquejesaisqu’ilesthomosexuel,c’estcommesitouteslesbarrièresétaienttombées.Pourtant,il reste mon patron. Le genre de proximité qu’on a pourrait être drôlement perçu. En quelquessemaines,j’aidormideuxfoisaveclui.C’esttellementétrange.Surtoutquandonpensequej’aiperdumonposteprécédentparcequejenevoulaispascoucheravecmonsupérieuravecquijetravaillaisdepuis quatre ans !Bon, c’est certain qu’il y a unemarge entre dormir et coucher au sens où luil’entendait. Mais n’empêche que c’est inhabituel. Je n’aurais certainement pas partagé un lit, pas
mêmeunechambre,avecl’autrecrétin.Oliviers’apprêteàsortir,maisjel’enempêche.—Olivier!Illèvelatêteversmoi.—Tuesmarié?God!Jenepeuxpascroirequejeluiaidemandéça.Luinonplus,àenjugerparlerougeécarlatede
sonvisage.Sesjouessontenfeu.—Non.—Petiteamie?Bah!Tantqu’àyêtre.Ilhochepourfairenon.—J’aimeraisbient’inviteràprendreunverreundecessoirs.Siturefuses,jetetue!—Tuvoudraism’inviter,moi,àsortirboireunverre?s’étonne-t-il,commesic’étaitunechose
impensable.Jeconfirmed’unlégermouvementdetête.Olivierestdeboutdansl’encadrementdelaporteàme
sourireàpleinesdents.Cettefois,j’ail’impressionquesabarrièredetimiditévientdetomber.Maisilnerépondpas.Ilmefixe,lesyeuxécarquillés.
OK!Là,jecommencevraimentàm’impatienter.Ouiounon,cen’estpassicompliqué!—Fais-moisignequandtueslibreetjemerendraidisponible,finit-ilpardire.Fiou!
14Aujourd’hui,c’estlaSaint-Valentinetj’aiunValentin.Nananinanère!C’estparticulierd’avoircerendez-vouscesoir,alorsqu’unepartiedemoncœurestoccupépar
Olivier. Son attention d’hier était si romantique que je veux croire que l’Olivier en personne setransformeraenceluiquejedécouvresurpapier.Jen’aipasunpotentielpetitami,maisdeux!
Crystalsortdececorps!Cettepenséemefaitsourireunmoment.Cen’estpascommesijevoyaisdeuxhommesenmême
temps.C’est juste un souper. Si le séduisant avocat n’est pas aussi charmant qu’il semble l’être, jetenteraimachanceavecl’autre.Iln’yariendemallà-dedans.Non?Incroyable!Mevoilàentraindemebattreavecmaconscienceetjen’enaimêmepastouchéun!
Jeparsdelamaisonasseztôtparcequejeveuxavoirletempsdedéposermespetitessurprisessur lebureaudemescollèguesde travail avant leur arrivée. Je suis fièredemoi, car l’endroit estdésertquandj’entre.Jedoismêmeallumerquelqueslumièrespourpouvoirmedéplacer.
Lamatinéesedéroulebien.Àl’exceptiondesgensquiviennentmeremercierpourmonattention,ilnesepasseriendespécial.Jen’aipasvuEdwardencore.Ilétaitchezunclientendébutdejournéeetilestenfermédanslasalledeconférencesdepuissonretour.
—Merci,Maëlie!souritMayaquiestdeboutdevantmonbureauaveccespetitschocolats.Ouf!Jedoisclignerdesyeuxpourlaregardersansêtreaveuglée.Elleporteuntailleurrougesurune
chemiserose.—Wow!Cen’estpasunstyletrèsclassique,maisc’esttoutàfaitelle.Mayaestlaseuleàpouvoirporterce
genredetenueetafficheruneallureaussiprofessionnelle.—Tues…indescriptible!dis-jeàdéfautdemeilleurcompliment.—Alors,tuastrouvéquiestlemystérieuxgarsàlarosebleue?Jen’hésitequ’unefractiondesecondeavantderépondre.—Non.Elleparaîtdéçue.—Çane fait rien. J’aiquandmêmeun rendez-vousce soir.C’estun inconnupour lemoment,
maisj’aiconfiancequ’ilestquelqu’undebien.—Alorstuasdeuxprétendants?—Sionveut.Ettoi?—Jepensequejevaismerisqueràl’inviter.—Vraiment?— Oui. Je sais qu’il ne voit personne en ce moment, je l’ai entendu dire qu’il n’avait aucun
rendez-vouscesoir.Jepensequec’estaujourd’huiquejetentemachance.Jesuisexcitéepourelle,commesic’étaitdemoiqu’ilétaitquestion.Jen’aiaucundoutequece
typeseratrèsheureuxdesoninvitation.Mayaestsigentilleettrèsbelle.Elleadejoliesformesetunvisagemagnifique.Enplus,elleaunejoiedevivrecontagieuse,n’importequivoudraitd’elledanssavie.
—Tupensesqu’ilsedoutequetuvasl’inviter?—Peut-être.Jenesaispas.Ilnousarrivesouventd’allercasserlacroûteensemblepourledîner,
maisl’occasionnes’estjamaisprésentéepourunrendez-vousplusofficiel.Jesuisstressée.
—Iln’yaaucuneraison,tuessublime,brillanteettellementgentille.Etenplus,tudisquevousvousconnaissez.
—Oui,maislà,c’estdifférent.C’estunsouperdeSaint-Valentin.—Sivousêtesdéjàsortisensembleavant,c’estqu’ilaunintérêt,non?Sinonilnet’auraitpas
accompagnée,pasmêmepourundîner.—Àmoinsqu’ilnemevoiepasdelamêmefaçonquemoi.—Jesuiscertainequetut’inquiètespourrien.—Tuveuxsavoirquiilest?—Jeleconnais?Mayasouritethochepourconfirmerenmêmetemps.—C’estTang!TANG!Quiestgai…delatêteauxpieds!JepensequemadéceptionselitsurmonvisageparcequeMayasembles’inquiéter.—Tunecroispasqu’ilvoudra?—Biensûr!—Tuasundrôled’air.—Jesuissurprise,c’esttout.Jenepensaispasquec’étaitungarsdubureau.Tangesttellement
cooletgentil…etbeau.…etgai!MayasouritenentendantmesqualificatifsdeTang.Parchance,ellenepeutpasliredansmatête.Quoiqueceseraitprobablementunebonnechose!J’aipeut-êtredes tasdepréjugés sur lesgens,maisaumoins jene suispasaveugle.Comment
Mayanepeut-ellepaslesavoir?Jesuisdéçue.Elleserasitristeetelleneméritetellementpasça.—Quandpenses-tuluidemander?—J’attendscetaprès-midi,jedoislerencontrerpourl’aideravecunetraduction.Jeleferaiàce
moment.Jelaregardejubilerenmedisantquejenepeuxpassupporterdelavoirsefairebriserlecœur.Saufquejen’ypeuxpasgrand-chose.—Viensmevoirquandtul’aurasinvité,d’accord?—Promis,lance-t-elleenmesourianttoutenfaisantvolte-facepourretournertravailler.Àdéfautdeprévenir,jevaisaideràguérir!
***L’après-midiestpresquefini.JeviensdetéléphoneràEleonorpourconnaîtrel’emploidutemps
d’Edwardpourlerestedelajournée.Jen’arrivepasàlecroiser,malgrémesdizainesdetentatives.Mayam’ainforméqu’ilétaitvenumevoiràdeuxreprises,maisquej’étaisautéléphonelapremièrefoisetenréunionlaseconde.Jenepeuxpascroirequejeneleverraipasaujourd’hui,maispuisqu’ilaquittélebureaupourserendrechezunclient,jepensequejedoismefaireàl’idée.
J’attrapeletéléphoneetcomposelenumérod’Estebanpourconfirmernotresouper.—BureaudeMeHumbert,répondladameàlavoixsérieuse.—Bonjour,j’aimeraisparleràmons…àMeHumbert,s’ilvousplaît.Je déteste cette formule de politesse. Comment se fait-il que de ces avocats se fassent encore
appelermaîtredenosjours?—MeHumbertestàlacourpourlajournée,vousdésirezlaisserunmessage?—Euh…Oui,monnomestMaëlieFaye…—Oh,madameFaye.MeHumbertm’achargéedeprendrevotreadresse.Ilseraautribunaltoute
la journée,mais si vous êtes toujours disponible pour souper, il passera vous chercher à dix-neufheurestrente.Àmoinsquevouspréfériezvousrendreaurestaurantparvospropresmoyens.
Jelaissemescoordonnéesàl’assistanted’Estebanetconclusl’appel.C’estàcemomentqueMayase pointe devant moi, un sourire épinglé sur le visage. J’en déduis qu’elle n’a pas encore fait sademande.
—JesorsavecTangcesoir!chantonne-t-elle.—C’estvrai!Tuluiasdemandé?Elledansedevantmonbureau.Littéralement.Ellebougelebassinetagite lesbras.Elleest trop
drôle.—Non,jen’aipaseuàlefaire,c’estluiquim’ainvitée.—Vraiment!Jedevraispeut-êtreessayerdecacherunpeumieuxmasurprise.—Étonnant,non?Tellement!—Tuvois,jesavaisqueçamarcherait,dis-jeenmettantunebonnedosed’enthousiasmeàmon
mensonge,espérantainsiqueçasemblerahonnête.Jecroisquec’est lecas,carMayasoupire longuementavecunsourire idiotsur les lèvres.J’ai
l’impressionque ses piedsne touchent pas au sol tant elle a la tête dans les nuages. Je comprendsvraimentcommentellesesent.
—Ils’estexcusédem’inviteràladernièreminute.Ilaavouéêtrepeunerveuxdemeledemanderparcraintequejerefuse.C’estpourcetteraisonqu’ilatardé.
Jenesaispastropcequ’exprimemonvisage,maisjesuissidérée.Ilesthomosexueloupas?Jenecomprendsplusrien.Edwardn’enapasl’allure,pourtantill’est.EtTangatoutpournouslefairecroire,maiscen’estpaslecas!
Àmoinsqu’ilsoitbisexuelcommeMoricio…Maisc’estsansimportance.Mayaestheureuse,etc’estl’essentiel.
***Jequittelebureauunpeuaprèsdix-septheurestrentesansavoirvuEdward.Jeprévoismerendre
àlamaisonpourmeprépareretluitéléphoner.C’estlaSaint-Valentin,etmêmes’ilestrentrédansmavieilyapeudetemps,ilestl’hommeleplusimportantàmesyeux.Jeveuxluidonnerlecadeauquej’aiachetépourlui.
C’estaprèsm’êtrelavéeetavoirséchémescheveuxquejemetsunepauseàmapréparationpourcontacterEdward.Avantd’avoirletempsdelefaire,jeremarquequej’aijustementreçuuntextodeluimedemandantdeluitéléphoner.
—Pourquoitum’asfuietoutelajournée?dis-jedèsqu’ilprendl’appel.—Tuvois bienque je ne te fuis pas, c’estmoiqui t’ai contactée, rigole-t-il.Est-ceque tuvas
toujoursauresto?—Biensûr!—Est-cequejepeuxpassertevoiravant?J’aimeraisteparler.—Jesuisicijusqu’àdix-neufheurestrente,Estebanvientmechercheràcetteheure.—Esteban?C’estçasonprénom?questionneEdwardsuruntondédaigneux.—Oui,c’estquoi,leproblème?—Rien.C’estlaid,c’esttout.Jepouffederire.—Tuesjustejalouxparcequej’aiunrendez-vous!
—J’avoue.Jenesuispastrèsloin.Sijesuislàdansquinzeminutes,est-cequeçateva?—Oui,jeneseraipasprête,maisjemeprépareraienteparlant.J’ignoresic’estparcequ’Edwardarrivebientôt,maisjesuisprêteenuntempsrecord.Ilneme
restequ’àmettremonrougeàlèvres.Justecommejesaisismontube,Edwardsonne.Jedéverrouillelaported’entréedel’immeuble,puisquelquesinstantsplustardj’entendstroispetitscoupsretentir.C’estunEdwardsouriantquisetientlà.
—Wow!Tuesvraimentbelle,mecomplimente-t-ilendéposantunbaisersurmajoue.Jepensequ’ilestsincère.Entoutcas,moijesuissatisfaitedemonchoixderobe.Elleestbleue,
detypecache-cœur,etjecroisqu’elleavantagemasilhouette.Enplus,jesaisaussiquecedécolletéfaithabituellementfureur.
—Onaunpeudetemps,tuveuxquelquechoseàboire?Toutletempsquejemetsàmerendreaufrigo,àdécapsulersabièreetàlaluiremettre,Edward
estsilencieux.Ilaretirésonmanteauetestassissurlecanapédanslesalon.—Grossejournée?—Oui.Toiaussi,j’ail’impression?—En fait, si j’oublie le tempsque j’ai passé à te chercher, il n’enestpas resté tellementpour
travailler.Edwardétouffeunpetitrirenerveux.Oui,nerveux.C’estétrangedelevoircommeça,maisj’ai
l’impressionqu’ileststressé…outendu.—Est-cequeçava?—Ouais,répond-ilenbaissantleregardsurl’étiquettedesabière.Oh,oh!Jenepensepas.Jem’assoissurlecanapéprèsdeluietmepenchepourtrouversesyeux.—Tuescertain?Tumesemblespréoccupé.Edwardgrimaceunsourire,maisj’aivraimentl’impressionqu’ilmecachequelquechose.—C’estMaxim?Sonairsurprismeconfirmequenon.Saufqu’ilnemedévoilerien.Jedécidedelaissertomber
pourlemoment.—Jesuiscontentequetusoisici,parcequejevoulaist’offrirunpetitquelquechose.Sur cesmots, jeme lèvepour aller récupérer le cadeaudansmachambre. Je reviensquelques
secondesplustardavecuneboîteenveloursrouge.Edwardsedressesursespiedsenmesouriant.Sonsourireestsincère,cettefois.Ildéposesabièreetavanceversmoi.
—Tum’asachetéuncadeau?!—Idiot!Biensûr,quejet’aiachetéuncadeau,tuesl’hommedemavie!Edwardperdaussitôtsonsourire.—Non!Net’inquiètepas.Cen’estpascequejevoulaisdire.C’estjusteque…Ons’estvuspas
malcesdernierstemps,etmêmesituesmonpatron…Ehbien,jetel’aimentionné,jetevoispluscommeunami.Jet’aimebeaucoup,alorsjevoulaist’offrircepetittruc.
Edwardm’attirecontreluipourm’étreindre.—Tunel’asmêmepasouvert!—Çanefaitrien,jesuiscontent.—Allez!Ouvre.—Jesaisdéjàquec’estduchocolat,jelesensàtraverslaboîte.Ilaraison,cesontdeschocolatsfins,maisilyauneautresurprise.Edwardl’ouvreetleshume.—Miam!dit-ilentendantlaboîteversmoipourm’enoffrirun.
—Jecroisquejevaisprendreceux-ci.Je désigne le milieu de la boîte. Edward pose les yeux dessus et découvre des boutons de
manchetteguillochésRalphLauren.—Maëlie!Ilssontsuperbes.Ils’enempareetlesdéposedanssamainpourmieuxlesadmirer.Aprèsquelquessecondes,illes
remetàleurplace.Ilprendunchocolatqu’ilengloutitetdéposelaboîtesurlecanapé.Ils’approchedenouveau,glissesesbrasderrièremondosetmesoulèvedusol.Pendantunmoment,j’oubliequiilest.Toutcequejesens,c’estsonodeurenivranteetlachaleurdesoncorpscontrelemien.Mêmequejemedisquejedevraisluioffriruncadeauparjour,justepourpouvoirêtredanssesbras.Lenezd’Edwardresteenfouisilongtempsdansmescheveuxquej’enviensàcroirequ’iln’estpastropmalnonplus.Seslèvresfrôlentlapeaudemajouealorsqu’ilmedélaissepourposersesbellesprunellesdanslesmiennes.Jeneréalisequ’àcemomentquej’ailesoufflecourt.
—Moiaussi,j’aiquelquechosepourtoi,annonce-t-ilensepenchantverssonmanteau.Voilàpourquoiildisaitvouloirmeparler.Commemoi, ilnevoulaitpaspasserlajournéesans
medonnerunpetit cadeau. J’espérais secrètementqu’ilpenserait àmoi.Mais jen’auraispaseu ledroitd’êtredéçues’ilnem’avaitrienoffert.
Edwardsortuneboîtecarréeetassezgrossedelapocheintérieuredesonpardessus.D’ailleurs,jemedemandecomment ilestarrivéà la faire tenir là.La jolieboîteenveloursnoirestentouréed’unrubanrouge.
Je suis siheureusequ’il aitpenséàmoique j’aimalaux jouesà forcede sourire. Jedéfais lerubanetouvrelaboîtesousleregardconstantd’Edward.
—J’aiunpeutriché,parcequejenevoulaispasquetudevinestropvite,avoue-t-ilencontinuantdemeregarder.
En retirant le papier de soie, je découvre une boîte bleue ficelée d’un ruban brun. Enreconnaissant l’emballage, mon cœur a un raté. Je me dis que je ne dois pas m’exciter parcequ’Edwardasûrementencoretriché.Jelèvelesyeuxverslessiens.Sonvisageestsansexpression.Mesdoigtstremblentenouvrantlaboîte.
Merde!Danscetteboîte,ilyalesbouclesd’oreillesetlecolliervuschezBirks.—Tuesmalade!Edwardal’airpaniqué.—Tuesfou!—Jecroyaisqueçateferaitplaisir,sedésole-t-ilenfronçantlessourcils.—Évidemmentqueçamefaitplaisir!—Euh…Onnediraitpas.—Edward,c’estdelafolie.C’estbeaucouptrop.— Tu m’as fait peur. Je pensais que tu n’étais pas contente, commente-t-il en retrouvant son
sourire.—Jenepeuxpasacceptercecadeau,dis-jeenluiredonnantlaboîte.—Pourquoi?Edwardretirelesbouclesd’oreillesainsiquelecollieretvientversmoi.Jereculed’unpas.—Maëlie,jesuisdésolésicen’estpascequetusouhaitais.Jeteconnaispeu,maisjepensaisque
tulesaimerais,parcequec’estcequetum’asditenlesvoyantàQuébec.Sonattentionesttellementgentille.Jesuisuneimbéciled’avoircetteréaction.—Jetedemandepardon,Edward.C’estjustequejenem’attendaispasàça.Enfait,jenepensais
mêmepasquetum’offriraisquelquechose.Bon!Jemensunpeu,maisc’estunpieuxmensonge.—Jesuistrèsheureusedetoncadeau.—Vraiment?—C’estmagnifique,commentpeux-tuendouter?—Ben…taréactionaseméunepetiteincertitude,rigole-t-il.Jetouchelesbijouxduboutdesdoigts,puisjeregardeEdwardenmedisantquec’esttropbeau
pourêtrevrai.J’enlèvelesbouclesd’oreillesquej’avaismisesetenfilelescarréssertisdediamants.Le sourire d’Edward illumine son visage. J’attrape le collier,mais devantmamaladresse,Edwardm’aideàl’attacher.Sanstropréfléchiràcequejefais–ouparcequejesuisprisedanslecontedeféesqui se jouedansma tête–, jem’approched’Edward,prendssonvisageentremesdeuxmainspourposermeslèvressurlessiennes.
Hum!Ellesont legoûtduchocolatqu’ilamangéplus tôt.Cen’estque lorsquesabouche réagità la
miennequejeréalisecequejesuisentraindefaire.Jereculeaussitôt.Edwardestplantédevantmoi,l’airconfus.
Idiote!—Oups!Jetedemandepardon.Jemesuislaisséemporter.J’ignore cequepenseEdward.Ses yeuxdans lesmiens, sa bouche encore entrouverte – soit à
causedubaiser,soitenraisondesaconfusion–,ilm’observe.Etmoi,jeletrouvebeau.Jedevraisme sauver en courant, mais j’ai envie de recommencer. Je dois me faire violence pour ne pasl’embrasserencore.Jesoupire.Jefermelespaupières.Soupireencore.Tellementqu’Edwardéclatederire.
—C’étaitvraimentsipénible?—Bennon!C’esttoutlecontraire!—Jesuis…Cen’estpaslapremièrefoisquenoslèvressetouchent.Pendantlapiècedethéâtremontéepar
Edward, pour Antoine, il m’a embrassée. D’ailleurs, j’étais troublée cette fois aussi. Pourtant,aujourd’hui,c’estpire.J’ignorepourquoi.Peut-être justementparcequecen’estpasdans lebutdefairecroirequoiquecesoitàquiquecesoit.Ouest-ceparcequelegestevenaitdemoi?Quoiqu’ilen soit, j’ouvre les bras en m’avançant vers Edward. J’espère le remercier d’une manière plusnormale,soitavecuncâlinamical.Ilm’enlaceetmetientsicolléesurluiquej’enaideschaleurs.
—Maëlie!chuchote-t-ildansmonoreille.—Oui,dis-jetoutbasententantdemeretirer.—Non,attends.Edwardcontinuedemetenir.Jerigole.Luiaussi.—Est-cequetuesbien?Trop!—Tellementbien.Edward soupire ou inspire. À moins qu’il ne respire tout simplement. Puis, après un long
moment,quiestenfaittropcourt,ildélaissesonétreinte.Ilposesesyeuxdanslesmiens,puissurlesbouclesd’oreilles.
—Lesbijouxsontencoreplusbeauxsurtoi,dit-ilentouchantlecarréduboutdesdoigts.Tu…Edward s’interrompt parce qu’on frappe à ma porte. Moricio fait son apparition. Il fige un
momentenvoyantEdward,puissetourneensuiteversmoi.—Wow!Tuesradieuse!Spectaculaire.—Merci,Moricio.Lui, fidèle à lui-même, est…sansqualificatifs ! Il porteunechemiseorange tapisséedecœurs
rouges.Commesicen’étaitpasassezéblouissant,ilyaajoutéunecravatemauve.Avantquej’aieletempsdeprésenterEdwardàmonvoisin,jevoislesyeuxdeMoricioseposerànouveausurlui.
—C’estOlivier!sourit-il.Oups!J’aisûrementlesglobesoculairessortisdelatêteparcequeMoriciosemetàbalbutier.—Euh…jeveuxdireIsaak.Merde!Ilsefichedemoiouquoi!—EdwardO’Toole!seprésentemonamientendantsamain.Etsi j’aibienentendu,vousêtes
Moricio.Monvoisinhochevaguementlatêtepourapprouverenserrantsamain.—O’Toole,c’estIrlandais,non?Edwardacquiesce.—J’adorelesIrlandais,j’aiunamiquivientdeCork.—Vraiment?seréjouitEdward.J’aiétudiéàCork,maisjesuisnédanslecomtédeKerry.—C’estvrai?Ilparaîtquec’estuntrèsbelendroit.—Difficilepourmoid’êtreobjectif.Àmonavis,c’estuncoindeparadis.Maisoui,Kerryestune
régiontrèsvisitéeetappréciéeparlestouristes.Edward etMoricio placotent comme de vieux amis pendant que jeme dis que, si mon voisin
n’étaitpasceluiqu’ilest,jeledétesteraispourm’avoirtrahie.Deuxfoisplutôtqu’une!Jeneluiavaispaspréciséqueçadevaitrestersecret,maisquandmême,ilauraitdûêtreprudent.JevoisleregarddeMoricioseposersur labièred’Edward.L’instantd’après, ilserendaufrigopours’enprendreune.
—Edwardestmonpatron.—Ah,oui!Wow!Tuasdelachancedetravailleravecunaussibelhomme.S’ilveutt’obligerà
coucheraveclui,ladécisionserafacileàprendrecettefois,hein?MyGod!IlyavraimentjusteMoriciopourdiredeschosessemblables,sansqueçalaisseungigantesque
malaise.Aulieud’êtreinconfortable,Edwardricane.—Alorsvoussortezsouper?demandeMoricioens’assoyantsurmoncomptoir.—Non,j’aieuuneinvitationd’uninconnu,dis-jeeninsistantsurlefaitquecen’estniOlivierni
Isaak.J’espèreainsiqu’ilnedévoilerapasautrechosesureux.—Jelesavais!Jemesuisquandmêmechangé,répond-ilenreplaçantsacravate.Justeaucasoù
tuauraisbesoindecompagnie,maisjesavaisquec’étaitinutile.IlétaitimpossiblequetusoisseulelesoirdelaSaint-Valentin.
Edwardaunsourireaffichéenpermanencedepuis l’arrivéedemonvoisin.Moricioa toujoursceteffetsurlesgens.
—Moi, je travaille avecMaëlie, mais je ne sais pas encore qui vous êtes par rapport à elle,remarqueEdward.
—Jesuissonvoisind’enface.Jesuispratiquementdelafamille.Moricion’apastort.Jenesaispastropcommentlequalifier,maisiln’estpasjusteunvoisin.
—Alors,quiestl’heureuxélu?demande-t-il.—Ils’appelleEstebanHumbert,maisc’esttoutcequejesais.—Esteban!grimaceMoricio.—Tuvois,jenesuispasleseulànepasaimersonprénom.Jelèvelesyeuxaucielpendantquemesdeuxinvitéséchangentunregardcomplice.—Ilestgentil,tonEsteban?s’intéresseMoricio.—Jeteleconfirmeraidemain.—Demain?Alorstuneprévoistoujourspasrentrercesoir?demandeEdward.—Tupensesessayerlestechniquesdetantrismequet’aenseignéesIsaak?demandeMoricio.Edwardsetournebrusquementversmoi.—Isaaknem’apasenseignéletantrisme,ilajusteproposédestechniquesderespiration.—Oui,maisvousavezquandmêmerespiréenvousembrassant.—C’esttoujourslecas,sinononmeurt.Moriciorigole.Edward,lui,neritpas.Ilcontinuedemedévisager.—Tu n’as rien compris ! On a respiré pour équilibrer ce qui avait besoin de l’être et je l’ai
embrasséaprès.—TuasembrasséIsaak!s’étonneEdward.JedécocheunregardmauvaisàMoricioavantdemetournerversEdwardpourluiexpliquer.—Cen’estpascequetucrois.Nous,ons’estembrassés,etpourtanttuesgai.Tuvois,çaneveut
riendire.—Vousêteshomosexuel?questionneMoricio.—Çaneveutriendire?demandeEdwardenignorantlaquestiondemonvoisin.—Non.Ben…oui.Cequejeveuxdire,c’estquetum’asembrasséeunefoispourfairecroireà
Antoinequ’onétaituncouple.Etplus tôt,ben là,c’étaitdifférentparceque je teconnaispluset jet’aime…bien,jem’empressed’ajouter.Alorsje…
Ah!—Est-cequ’onpeutparlerd’autrechosequedecestupidebaiser?—Quelstupidebaiser?Lenôtreoulevôtre?veutsavoirEdward.—CeluiavecIsaakétaitstupide.Edwardmefixe,perplexe.Confusouplutôtdéçu.J’ai l’impressionqu’iln’aimepastropqueje
cherche à avoir des contacts avec les hommes, si ce n’est pas pour entreprendre une relation plussérieuse.Engénéral,jediraisquecen’estpasdesesaffaires,maisjepensequ’ilveutseulementmeprotéger.Edwardcontinuedemefixercommes’ilvoulaitliredansmonesprit.
—Alorsvousêteshomosexuel?Jenel’auraisjamaisdeviné.JesaisismieuxpourquoiMaëlienem’a jamais parlé de vous. Je ne comprenais pas trop qu’elle ne vous ait pasmentionné.Vous êtesexactementsongenre.
Quand jeme tourne versMoricio, il est souriant.Moi aussi, j’ai envie de rire. Quel imbécileheureux!
—Est-cequevousavezunrendez-vouscesoir,Edward?Non!Non!Etnon!MoricionesemettrapasàflirteravecEdward,quandmême!—Non,jen’aipasderendez-vous,répondEdwardendécrochantfinalementsesyeuxdemoi.Je
prévoyaisresteràlamaison.—Moiaussi,jesuisseul.Vousvoulezprendreunebièrechezmoi?NON!
—Pourquoipas!Unklaxondevoituresefaitentendreàcemoment.—Jepensequ’Estebanestarrivé,commenteMoricioendescendantducomptoir.—Cen’estpaslui,riposteEdward.Ilneklaxonnerapas,ilvamonterlachercher.Moricios’installedevantlafenêtreettirelesrideaux.—Jepenseaucontrairequec’estlui.Ilyaunevoituregaréeendoubleetlegarsn’apasl’airde
vouloirensortir.Leklaxonrésonneencore.—C’est impossible.Aucunimbécileneferaitça. Ilsortavecunefillepour laSaint-Valentin, il
auraladécencedesedéplacerpourvenirl’escorter,j’espère.Jemetsmonmanteauetattrapemonsacàmain.—Laisse-lemonter,demandeEdward.J’aimeraislevoir.—Pourquoi?Tuveuxjouerlerôledemonpèreetvérifiers’ilestconvenable?—Jesuisjustecurieux.—Jenepensepasqu’ilentrera,faitremarquerMoricio.Monvoisinserendàmonfrigopourensortirdeuxbières.—Vousvenez,Edward?J’habitejusteenface.Edwardattrapesonmanteau,laboîtedechocolatsquejeluiaiofferte,etposeunbaisersurma
joue.—Bonnesoirée,Maëlie!—Bonnesoirée.J’aiàpeinearticulé.J’ignorepourquoijesuisaussiàl’envers.ParcequeMoricioetEdwards’en
vontensemble?Parcequ’Edwardn’apasaiméapprendreque j’avaisembrasséIsaak?Parcequ’iln’approuvepasEsteban?Parceque…Peuimporte,jen’aipasletempsd’analyser.Estebanpourraits’impatienteretçacommenceraitmalunrendez-vous.
15NoussommesassisdanslerestaurantoùEstebanaréservé.C’esttrèschicettoutàfaitapproprié
pourunsouperdeSaint-Valentin.Nousressemblonsàuncouplemarié;moi,dansmarobebleueetlui, dans un habit presque de lamême couleur. J’aurais aimé qu’il aitmoins l’allure d’un hommed’affairespourlasoirée,maisjesupposequ’ilvoulaitfairebonneimpression.Sesyeuxbleussontsans contredit sonmeilleur atout, et ce soir, à la lueur des chandelles, ils paraissent illuminer sonvisageenentier.Ilestvraimenttrèsséduisant.Ilm’afaitlecomplimentquemarobem’allaittrèsbienetj’aivusonregards’attarderquelquepeusurmasilhouette.Jesensquejeluiplaisaussi.Estebanouvrelacartedesvinsenmequestionnantsurmesgoûts.
—Jepensequejecommenceraiavecunverredevinblanc,unchardonnay,etjeverraiensuite.Jedécideraiquandj’auraiarrêtémonchoixsurmonrepas.
Esteban me sourit en fermant la carte des vins. La serveuse vient prendre notre commanded’apéropresqueaussitôt.J’aiunbrindedéceptionquandjecroisvoirlesyeuxd’Estebanseposersurlapoitrinedenotreserveuse.Maisjemedisquecen’étaitquemonimaginationquandilmesouritetmeremerciedemaprésence.
Nousparlonsdesontravailquandlajeunefemmedéposenosconsommationsdevantnous.— Je m’appelle Natalya, je serai à votre service pour la soirée. Souhaitez-vous que je vous
expliquelemenumaintenantoudésirez-vousprendreletempsd’appréciervotreapéro?Jerépondsquejesouhaitequ’ellerevienneplustard.Aumêmemoment,Estebanditqu’ilveutque
ce soit maintenant. Nous rigolons un peu et ensuite Natalya nous explique en détail le menuspécialementélaborépour laSaint-Valentin.Pendant laprésentation,Estebanestattentifet souriant.Toutsemblesialléchantquej’auraidumalàarrêtermonchoix.Enplus,j’aiunefaimdeloup.
—Mercibeaucoup,Natalya.Unenouvellefois,j’ail’impressionquelesyeuxdel’avocatsontrestésaccrochésàlapoitrinede
la serveuse. Cette fois, j’en suis assez certaine. Même que Natalya a refermé son chemisier entournant les talons. Je trouve que c’est malvenu, surtout pour un premier rendez-vous. J’ai laréflexionqu’Edwardneferaitjamaisça.
Biensûr,ilestgai,idiote!En consultant lemenu, je repère unmédaillon de bœuf au porto et un poisson quime rendent
ambivalente.J’aitellementfaimquejepensequej’iraiaveclebœuf.Quoiquejeveuxêtrecertainedepouvoir prendre un dessert. Natalya nous a parlé d’un gâteau au chocolat qui semblaitparticulièrementappétissant.
—Tuasfaittonchoix?medemandeEstebanendéposantlemenu.—J’hésiteentrelemédaillondebœufetlepoisson.—Tudevraisprendrelepoisson,suggère-t-ilsanslamoindrehésitation.Ilasûrementdéjàgoûtéàcesplatspourparaîtreaussicertain.—Lemédaillonn’estpasàrecommander?—Aucontraire,ilestexcellent.C’estcequejevaismanger.Unpeuperdueparsaréponse,jefroncelessourcils.—Alorspourquoijedevraiscommanderlepoisson?—Parcequec’estmeilleurpourlasanté.J’éclatederire.—Tuveuxconservermasanté,maistunet’inquiètespasdelatienne!—Bah!Cen’estpastantpourlasantéquepourlegrasquisetrouvedanslavianderouge.
Jesuisencoreplusdésarçonnée.Jenesaispastropcequ’ilentendparlà.Jecroisquandmêmequejesuivraisonraisonnementetyalleraveclepoisson.Decettefaçon,jepourraimerégalerdugâteau.
LaconversationestfluideavecEsteban.Ilaimevoyager.IlarrivetoutjustedelaGrèce.C’estdeçaquenousdiscutonsquandlaserveusesepointepournoternoschoix.Jecommandelepoissonetlasalademaisonenentrée.Estebanchoisitdesfruitsdemer.Toutcomptefait,ilsesentpeut-êtremalàl’aisedeprendrelebœufalorsquejevoulaisenmanger.Ildemandeàcequ’iln’yaitpasdebeurrearomatisésursonhomard,maisqu’onluienserveuneportionàcôté.Cegars-làsurveillesaligne,çanefaitpasdedoute.
—Natalya,ajoute-t-il,alorsquenotreserveuseestsurlepointdepartirpourlescuisines,vousmettrezlavinaigrettedemadameàcôtéaussi.
Quoi!—Euh…non.Jepréféreraisqu’ellesoitdansmasalade.Estebanparaîtsurprisparmontonbeaucoupplusbrusquequejel’auraissouhaité.Natalya,quant
àelle,sembleembarrassée.—D’accord,acquiesce-t-elleentournantlestalons.—Jesuisdésolé,Maëlie.Laplupartdesfemmesfontcechoix,j’aipenséquetuavaisoubliédele
préciser.—C’estmoiquisuisdésolée,j’aiétéunpeuprompte.Estebanmesouritetenfaitdemêmeausommelierquivientdedéboucherlabouteilledevinà
notre table. Il le goûte et donne son autorisation d’en verser dans les coupes. Le vin est vraimentdélicieux.
***Enfindecompte, jesuiscontentedemonpoisson.Lerepasestexcellent.Estebansembleaussi
apprécier le sien,parcequ’il termine sonassiettedansun temps record.En finissantdemâcher sadernièrebouchée,ilverseduvindanssacoupe,maisoubliederemplirlamienne.Jeremarquecettedistraction,maisnelasignalepas.Mêmesicemanqued’attentionm’agaceunpeu,cen’estpaslafindumonde.Jedoisavouerquependantqu’onparledecinémalavolubilitéd’Estebanetsonaisanceaveclesmotsmelefontoublier.Jesuiscertainequecettequalitédoitêtreunatoutimportantlorsdesesplaidoyers.
JeterminemonsucculentrepasaumêmemomentoùNatalyas’amènepourprendrenosassiettesetnousresservirduvin.Quandelleapprochelegoulotdemonverre,Estebanintervient.
—Non,elleadéjàbudeuxverres,dit-ilensouriantàNatalya.Quoi?Vatefairevoir,crétin!—Etellevaenprendreuntroisième!Non seulement, j’ai dit ça sèchement, en plus j’ai levéma coupe vers la bouteille qui allait se
diriger vers le verre d’Esteban. Non, mais ! Là, j’ai vraiment l’impression de devenir rouge decolère.Pourquiseprend-ilpourdécidercombiend’alcooljeboirai?J’ailegoûtdehurlerque,sijeveuxengloutirlabouteille,jeleferai.
Bizarrement,Estebanrit.—Ohlàlà.Tuastoutuncaractère.—Parce que je veux décidermoi-même de ce que jemange et de ce que je bois, j’ai tout un
caractère?Il rigole encore. Et là, il fait quelque chose que je n’oublierai jamais. Il continue de rire et
regarde, sans aucune discrétion, le postérieur d’une autre cliente qui vient de passer près de notre
table.Espècedesacàmerde!Je n’arrive pas à croire que je suis assise avec ce con,mal élevé.Un froid s’installe, pendant
lequeljemedemandepourquoijeneparspasmaintenant.Jesaisquejeperdsmontemps.Qu’est-ceque je fiche ici ? Je suis en train de songer sérieusement à me lever quand Natalya, qui s’étaitesquivée,revientaveclacartedesdesserts.
—Nonmerci,ditEsteban.Moi,jeprendslemenu.—Tuvasmangerundessert?—Biensûrquejevaisenprendreun,ilsontl’airdélicieux.Ilrigole.Moi,jeluisouris.Sourirequej’espèremalicieux.Àcemoment,tantluiquemoisavons
queças’arrêteici.Alorstoutpeutarriver.—Tuvasvraimentavalerautrechose,aprèstoutcequetuasmangé?—Comment ça, tout ce que j’aimangé ? J’ai pris une salade avec dupoisson et des légumes.
Pourquoijenepourraispaschoisirdedessert?C’estlemeilleurmomentdurepas.—Tunetrouvespasqueçafaitbeaucoupdecalories?—C’estquoi,cetteobsessiondegrasetdecalories?Pasdevianderouge.Vinaigretteetbeurreà
côté.Pastropdevin.Pasdedessert.Tuesdansunesecteouquoi?Estebanéclatederirehautetfort.Moiaussid’ailleurs.Montonétaitsinarquoisqu’onal’aird’un
vieuxcouplequisedispute.Saufqu’iln’yapasd’amour!—Jenem’enfaispaspourmoi,c’estpluspourtoioutonfuturmariquejem’inquiète.Jegrimacetellementqu’iljugebondes’expliquer.—Tusaiscommentçasepasse.Ungarsrencontreunejoliefilleunjouret laprochainechose
qu’il se rendcompte,c’estqueses seins sontmousetquesonderrièreestgroscommeceluid’unéléphant.
QUOI!Je pense que mon cerveau a manqué d’oxygène et que j’hallucine. Je ne vois aucune autre
explicationquipourraitjustifiercequejeviensd’entendre.Cetypeestvraimentleroidesimbéciles.Natalyachoisitcemomentpourprendremonchoixdedessert.
—Jeprendrailegâteauauchocolatetuncafénoir,s’ilvousplaît.Jeneprendspasdelaitoudesucre, non pas parce que je surveillemon poids,mais bien parce que je l’aime de cette façon. Jevoudraisaussiprendreuneautreportiondecegâteaupouremporter.Monsieurneveutpaslesienetjepensequemonmaripourraitavoirenvied’enmanger.Ilsemblesidélicieux.
Estebanaperdusonsourire.Natalya,elle,seretientderire.Jelevoisdanssesyeuxrieurs.—Natalya,unedernièrechose,vouspouvezapporterl’additionmaintenant.Uneseule…etc’est
monsieurquil’acquittera!dis-jeenledéfiantdemesyeuxbleusquisontdevenusdeslasers.***
Esteban vient de partir.Demon côté, j’ai engloutimonmorceau de gâteau enmoins de tempsqu’ilenfautpourledire.JeviensdedemanderàNatalyadem’appeleruntaxi.
— Il sera ici dans cinqminutes,m’annonce-t-elle… Je suis vraiment désolée que cet abruti aitgâchévotresoirée,madame,ajoute-t-elleenmesourianttimidement.
—Dommagequevousletrouviezstupide,ilsemblaitavoirunpetitfaiblepourvous.Iln’apasquittévotrepoitrinedesyeux.
Natalyaetmoinousesclaffonsd’uneseulevoix.Jemelève,metsmonmanteauetmedirigeverslasortie.J’aitrouvélemoyenderire,maisj’aiplutôtenviedepleurer.
Jeregardelesimmeublesdéfilerensentantlacolèremonterenmoi.Jem’enveuxdenepasêtrerestéeavecEdwardcesoir.J’aienviedeluiparlermaintenant.Enpensantàlui,uneimagedeMoricios’infiltredansmatête.
Seigneur,faitesqu’ilsn’aientpaspassélasoiréeensemble!Je suis presque arrivée devant l’immeuble d’Edward. J’attrape mon cellulaire et pianote son
numéro,toutendemandantauchauffeurdes’arrêter.—Es-tuseul?—Oui.Çanevapas?s’inquièteaussitôtEdward.Je pense qu’il a décelé mon ton désespéré. Je tends un billet de vingt dollars au chauffeur et
descendsduvéhiculedeservice.—Non,pasdutout.Onpeutsevoir?—Oui.Tuasbesoinquejeviennetechercher?—Jesuisdéjàdevantcheztoi.Edward rigole, je l’entendsenéchopendantque jemonte l’escalier. Ilouvre laporte,vêtuque
d’unboxer,alorsmesyeuxseposentaussitôtsursonslip.—Tunem’aspaslaissébeaucoupdetempspourmeprépareràterecevoir,sejustifie-t-il.Ilaàpeinefinisaphrasequejesuisdéjàdanssesbras.J’éclateensanglots.—Oh,Maëlie.Jesuisdésolé.Çanes’estpasbienpassé?Étranglée par les pleurs, je reste silencieuse pendant qu’Edwardme caresse les cheveux. Je ne
comprendspascequimeprend.Jesuisdéçueetfurieusequ’Estebanaitgâchélasoirée,jenedevraispasêtretriste.Soudain,lacolèrerefaitsurface.Jemeretirebrusquementdenotreétreinteetenlèvemonmanteauquejelancesurlecanapé.
—Cetimbécileestvraimentlegarsleplus…L’émotionbloque l’accèsàmonvocabulaire. J’ignorecommentqualifiercecon.Mon tonétait
sûrement surprenant parce qu’Edward est debout devant moi, les yeux agrandis comme deuxsoucoupes.
—J’auraisdût’écouterquandilklaxonnait,c’étaitunsigne.Lepremiersigned’unelongueséried’indicesqu’ilestleplusinfâmedesêtresignoblesdelaterre.
Edwardestfigédevantl’intensitédel’émotionquim’anime.—Peux-tucroirequ’ildécidaitdecequejedevaisboireoumangerparcraintequejegrossisse?Edwardéclatederire.—Cen’estpasdrôle!Edwardsemordleslèvrespourarrêterderire,sanstropdesuccès.—Ilavaitpeurquemesseinsdeviennentmousetmonderrière,tropgros.MespropossemblenttroublerEdwardautantquemoiplustôt.Ilestimmobileetsilencieuxdevant
moi.Saréaction,ousanon-réaction,ranimemonémotion.Sanstropréfléchir, jebaisseletissudemarobesurmonépauleetm’apprêteàlaretirerquandEdwardhurle.
—Qu’est-cequetufais?Ignorantsaquestion,jeretiremesbrasdemesmanches.Jemeretrouveainsiaveclaroberoulée
àlatailledevantEdward.—Allez!Toucheàmesseins.Dis-mois’ilssonttropmous.Jesuisensoutien-gorgedevantEdward,quivientdeseplanquerderrièresesmains.— Voyons, Maëlie ! dit-il d’une voix étouffée par ses paumes. Oublie-le, ce gars-là est un
imbécile.—Allez,touche!dis-jeenprenantunedesesmainspourlaposersurmonseindroit.
Edwardquialesyeuxfermésneparaîtplusrespirer.—Nejouepaslessaints, jeveuxjustequetutripotesunpeumapoitrinepourmeconfirmersi
elleestfermeoupas.Devant son inaction, je prends son autre main et la dépose sur mon sein gauche. Edward est
deboutdevantmoi, lesdeuxyeuxferméssi serrésqu’ils formentdeuxpetitspointsplissés. Ila lesmains surmes seins,mais les doigts si raides que seules ses paumes touchent les bonnets demonsoutien-gorge.
—Franchement,Edward,cen’estpaslafindumondedemetoucher.Çaneprendraquequelquessecondes.
—Maëlie,c’estridicule!—Non,c’esttoiquiesridicule.Cen’estqu’uneautrepartieducorps,jeveuxjustesavoirsimes
seinssontfermes.Edwardsoupiresifortquejesensmescheveuxbouger.Ilrefermelesdoigtssurmesseins,mais
troppeu.Ilaencorelespaupièresfermées.J’appuiemesmainssurlessiennesetpèsesursesdoigts.Edwardnerésistepas,maisnepressepasdutoutparlui-même.Ilal’airsitenduquec’estrisible.
—Relaxe,cen’estquedesseins!Etpuisveux-tuouvrirtesyeux?Jenesuispasnue.Edwardlesouvrelentement,unàlafois.—Tesseinssontfermes,décrète-t-ilsuruntonneutre.—Commenttupeuxlesavoir?Tumetouchesàpeine.Edwardlèvelesyeuxaucieletsoupirecommeunadoàquiondemandederangersachambre.Il
bougesubtilementlesdoigtspourlesrefermer.—Voilà!C’estfait.Tapoitrineestparfaite,décrète-t-ilenlaissanttombersesbrasdechaquecôté
desoncorps.J’avouequec’estunpeuétrangequ’onsoitplantésdebout,unenfacedel’autre,luienboxer,moi
aveclaroberouléeàlataille,maisbon,maintenantjesaiscequejevoulaissavoir.Enfin,presque.Jeglissemarobesurmeshanchesafindelaretirercomplètement.
—Maëlie!Qu’est-cequetufais?gémitEdward.—Jeveuxqueturegardesmesfessesmaintenant.Edwardbalancelatêteentouslessensenéclatantderire.—Tuesfolleouquoi?—Tuesbienenboxerdevantmoietjenedisrien.—C’estdifférent.Tuesarrivéesivitequejen’aipaseuletempsdem’habiller.Etpuis,jenete
demandepasdemetripoter.—Jepeuxlefairesiçaterendplusàl’aise,dis-jeendéposantmesmainssursontorse.Edwardmeregardesansbougerpendantquejepressesespectoraux.—Plutôtferme.Ilpouffederire.Quandilpenchelatêteenriant,jevoissesyeuxglissersurmoncorpscomme
unecaresse.Aumoment,deposersonregardànouveaudanslemien,ilestsérieux.C’estseulementàcemomentquejeréalisevraimentquejesuisenlingeriefinedanslesalond’Edward.
—Maëlie,jenesaispastropcequ’ilaputedirepoursusciterunetelleréaction,maiscegars-làestvraimentuncon.Tuessublime,tun’asaucuneraisond’endouter.
Soudain, jen’aiqu’uneenvie:qu’Edwardmetouche.Paspourévaluermesfessescommejeleprétends,maisparceque j’aienviedesentir sesmains surmoi. Justeune fois. Je saiscequevouspensez;quejesuisvraimentcinglée.Vousavezraison,maisjem’enfous.Jamaisonnepourraêtreensemble,maisjeveuxpouvoirdirequ’ilm’acaressée.
—Allez,mesfessesmaintenant!—Quoi!Trop tard, j’ai attrapé les deuxmainsd’Edward et je viensde lesposer surmes fesses.Cequi
obligeEdwardàêtrecorpsàcorpsavecmoi.C’estencoremieux.Sapeauestchaudeetilsentbon.Edwardsemblemalàl’aise,maisillaissesesmainsoùellessont.Ilestsiprèsquejenevoispassespupilles,maisjesenssonsouffledansmoncou.Ilbouged’abordsesdoigtsdoucement,etmêmesises mouvements sont à peine perceptibles, son contact m’envoie une décharge électrique au bas-ventre.Ilsereculepourriversesbeauxyeuxauxmiens.Ilestsisérieuxquejemesens,moiaussi,unpeubizarre.
—Jenepeuxpasbientoucheraveclesjarretelles,commente-t-ilsuruntonétrangementbas.Jepassemesbrasderrièremondospourlesdétacher,maisEdwardarrêtemonmouvement.—Jevaislefaire.Savoixétaitcommeunmurmurecajolantmesoreilles.Jedéglutis.J’ailagorgesèche.Pourquoi
cegars-làmefait-ilceteffet?Devantmonsilenceetl’arrêtdemesmouvements,Edwardglissesesmains sur le devant demon bas de nylon pour détacher la première attache. Le frôlement de sesdoigts sur mes cuisses et ses yeux braqués sur moi me troublent. J’ai chaud et je sens que marespirations’accélère.Jenedoisrienlaisserparaître,parcequ’ilauralaconfirmationquejesuislafillelaplusfolledelaterre.Quelleautrefemmepourraitseflanqueràmoitiénuedevantsonpatronhomosexuelpourluidemanderd’évaluersoncorps?Parenvied’êtretouchéeparlui!Noteàmoi-même:appelerunpsychologuelundimatin.
Edwarddéfait l’attacheàl’arrièredemacuisse.Sesmainschaudesparaissentprendreuntempsfou.C’estparfait,aufond,c’estcequejeveux.Etpuisjecomprendsquedesporte-jarretelles,iln’apasdûendétachersouvent.N’empêchequejecommenceàavoirpeurdenepasrésisteràl’enviedele toucher.Jemeconcentresurmarespirationpendantqu’ileffectuechacundesesgestespourmedépartirdemonvêtement.Quandlesattachessontdéfaitesetqu’ilpassesesmainsdanslebasdemondos pour dégrafer le tissu, ses yeux s’attardent unmoment dans les miens. Tout compte fait, j’ail’impressionqu’il trouveçaamusant. Il est sérieux,maisdanssespupilles jevoisune lueurqui letrahit. Edward laisse tomber le bout de tissu au sol et reste debout devant moi. Une pensée folletraversematêteàcemoment.
Ets’ilétaitbisexuel,luiaussi!Toutàcoup,jesuisnerveuse.Jerestelààledévisagersansparler.—Tesfessessontparfaites,jen’aipasàlestoucherpourlesavoir,chuchoteEdward.—Commenttulesais?—Jet’aivueenmaillotetensous-vêtement.Jeréalisequ’ilaraison.AuMexique,quandj’aivomisurlui,ons’estdéshabilléspourselaver.—Tuasvu,maistun’aspastouché.Alorstouche!Jeprendslesmainsd’Edwardetlesdéposesurlebasdemondos.Cettefois,presqueaussitôtet
sansquejeleforce,illesdescendlentement.Songesteestdoux,maisapoureffetdemerapprocherdelui.Ilappuiesurmoienmêmetempsquemoncorpssemouleausien.Àunpointtelquejesenslachaleuràtraversletissudesoncaleçon.Commesicecontactn’étaitpasdéjàasseztroublant,ilgardesesyeuxdanslesmiensenglissantsesdoigtssurletissu.Jesenssapoitrinesesouleveraurythmedesarespirationquis’accélère.
Àmoinsquecesoitmonimagination…Ilpresselegalbedemesfessesenrefermantdoucementlesmains.Ilcaressemapeauduboutdes
doigtscommesij’étaisfaitedeporcelaine.Parchance,jesuispresquenue,parcequ’ilfaitchaud.Ses
irisétantaccrochésauxmiens,jem’efforcedecontrôlermonexpression.Justeaucasoùmesyeuxsoientunefenêtresurlecontenudematête.
Edwardremontedélicatementsurlachairdemesfessesavecunemainpleinementouverte.Ilfinitsontoucherenglissantversmataille,endroitoùilposesesdoigtspourmerepousserdoucement.
—Voilà!Jepeuxmaintenantconfirmer,dit-ilentournantaussitôtlestalonspourserendredanslacuisine.
J’aichaud.Jesuisétourdie.J’essaiededépartagercequiétaitréeletcequisejouaitdansmatête.D’autantplusquejevoisEdwardsourirequandilsetourneversmoi.
—Maintenant, vous pouvez avoir votre augmentation, mademoiselle Faye ! lance-t-il avec unsourireencoin.
—Tusaisquetuesimbécile!—Tuesnuechezmoi,tumeforcesàtetripoter,etc’estmoiquisuisimbécile!Ons’esclaffed’uneseulevoix.
16Noussommesassisdanslesalond’Edward.Jepartageledeuxièmemorceaudegâteauavecluien
luiracontanttoutcequececrétind’Estebanafaitpendantnotresouper.—EtIsaak,tuveuxm’expliquercommenttuenesvenueàl’embrasser?demande-t-ilenplantant
safourchettedanslegâteau.Jefaisnondelatêteenmâchant.—Pourquoipas?Jehausselesépaules.—C’estsansimportance.J’enaieuenvie,c’esttout.Ilprendsabouchéeenm’observantd’unairsuspicieux.—Etc’estquoil’histoired’Olivier?Est-cequ’onparledumêmeauqueljepense?Jefaisnondelatête.Jenepeuxpasluiparlerdelui.Jenesaispastroppourquoi,maisjepense
queçadoitrestermonsecret.PasparcequejeveuxcacherquelquechoseàEdward,maisparrespectpourOlivier.Ilestsitimide.
—Alorsc’estquoil’affaireaveclui?—C’estquelqu’unquejetrouvegentil.Jepensepeut-êtrel’inviteràprendreunverre.Levisaged’Edward est indéchiffrable. J’aimerais savoir cequ’il pense,mais je préfèrenepas
demander.Àpremièrevue,j’ail’aird’unefillequisortavecdestasdetypes.Pourtant,jesuisjusteunefemmequiessaied’enfréquenterunseul.
—Est-cequ’ilyaencorebeaucoupd’hommesdanstaviedontj’ignorel’existence?—Quandilyenauraund’important,tuseraslepremierinformé.Edward fronce les sourcils. Je prendsma serviette de table et j’essuiema bouche avant deme
laissertombersurlecanapéenfrottantmonventreplein.—Cethommedevrat’accepter,parcequejen’aipasl’intentionquetusortesdemavie.Jet’aime
trop.Edwardmesouritavantdeselaissertomberàcôtédemoi.—Tuasvraimentmangéunetranchecomplètedecegâteau,pluslamoitiéd’uneautre?Jetournelatêtepourluimontrermonenviedevomir.Edwardmeregardeavecdesyeuxrieurs
toutenpinçantmacuisseavecsonpouceetsonindex,commes’ilévaluaitmontauxdegras.Je lefrappe d’un petit coup dans l’abdomen. Il s’allonge alors sur le canapé en ouvrant les bras pourm’inviteràmeblottircontrelui.Pasbesoindemeledemanderdeuxfois!
Installée dans le creux de ses aisselles, je prends conscience que sans ces quelques heures aurestaurant,cette soiréedeSaint-Valentinauraitétéparfaite.C’estavec luique j’auraisdû rester.LevisagedeMoricioapparaîttoutàcoupdansmonesprit.
—Commentc’étaitchezMoricio?—Intéressant,répond-ilsimplement.Maquestionétaitpeut-êtretropvaguepourcequejeveuxsavoir.—Tuesrestélongtemps?—Non.Pasencoreassezdirect.—Commentletrouves-tu?—Particulier…drôle…etintéressant.J’attendsunpeu,maisiln’ajouterien.Plusprécis,Maëlie!
—As-tucouchéaveclui?—QUOI!—Ouiounon?—NOOONN!Fiou!Jemeredressepourleregarder,maisEdwardappuiesurmatêtepourquejemerecouche.—Restecommeça,jesuisbien.Maisarrêtetesdrôlesdequestions.OK?—OK.—C’étaitquoi,aujuste,cettequestion?Ilestgai?—Jenesaispastrop.Ilestbi,jepense.Unsilences’installe.Unsilencecalme,confortableetdouilletpendant lequel je respire l’odeur
d’Edward.Jefixesagorgeetluimecaresselescheveux.Àdéfautdel’avoircommeamoureux,j’ailachancedel’avoircommeami.Quandjepensequej’aibienfaillinejamaisleconnaître.Çaauraitétévraimentdommage.Toutestsifacileaveclui.
—Maëlie,dit-ilsoudain,plustôt,jenelepensaispas…quetuesimbécile,jeveuxdire.—Moinonplus,jenelepensaispas.—Jesuiscontentquetusoislà.—Moiaussi,jesuiscontentequetusoislà.—Jemesensbienavectoi.—Moiaussi,jemesensbienavectoi.Edwardmepincelesflancs.—Arrête!Jesuissérieux.—Moiaussi,jelesuis.Jesuisheureusequetusoisgai.—Jesuiscenséprendreçacomment?grimaceEdward.—Comme une bonne nouvelle. Tu réalises que si tu ne l’étais pas on ne serait pas ici en ce
moment ? Je n’aurais pas accepté de travailler avec toi et je ne t’aurais pas connu. Alors je suiscontentequ’Eleonorm’aitfaitconnaîtrecetteinformationsurtoi.
—Ah!Edward se réfugie de nouveau dans le silence. Etmoi, je continue deme blottir contre lui. Il
reprendauboutd’uneminute.—J’aiparléàCrystalcettesemaine.J’aiprévulavoirdemainpourélaborerl’ébauched’unplan
demaison.As-tuquelquechoseàl’agenda?—Non,riendespécial.—Voudrais-tum’accompagnerpourm’aideràpenserlespièces?—Avecplaisir.Edwardresserresonétreinte.Moi,jesoupire.—C’étaitquoi,cegrossoupir?Jenerépondsrien.Qu’est-cequejepourraisbienluidire?Quej’aihâtederencontrerunhomme
?Demagasinermamaison?D’avoirdesenfants?Illesaitdéjà.Jepréfèrechangerdesujet.—J’aioubliédetedire.Devinequisortavecquicesoir?Edwardréfléchit,maisavantqu’iltenteuneréponsejelaluiannonce.—TangetMaya!—Enfin!Hein?—Commentça,enfin?
—Depuisletempsquecesdeux-làsetournentautour,ilfallaitbienqu’ilsfinissentparlefaire.—JepensaisqueTangétaitgai!—Pardon?—Tul’asregardéunpeu?—Oui,jeleregardesouvent.Presquechaquejour,enfait,rétorqueEdwardsuruntoninsulté.—Ettunetrouvespasqu’ilalegenre…?C’estdélicatdedireàEdwardqueTangal’allureefféminée.—Legenre?—Ben,tusaiscequejeveuxdire…JetrouvaisjustequeTangalecôtéféminintrèsdéveloppé.—Etçafaitdeluiunhomosexuel?—Non.Oui.Ben,jenesaispas.Jelepointed’unvaguemouvementdedoigtavantd’ajouter:—Pastoujours,ondirait.—C’estfoucommetuespleinedepréjugéssurtoutlemonde.—Toiaussi,tujugessansconnaître!Tuprétendaisqu’Estebanétaitunimbécileavantmêmede
l’avoirvu.—Etjemesuistrompé?Évidemment,jenerépondspas.—Pour le traiterd’imbécile, jemesuisbasésurunfait,soitceluiqu’ilklaxonnaitpourque tu
descendes.Cequejeconsidèrecommeunmanquedegalanterie.Pourquoij’aisupposéquec’étaitunimbécile ? C’est que je trouvais stupide qu’il fasse une chose pareille, alors qu’il aurait dû tedémontrer son intérêt.Monter te chercher aurait été, selonmoi,une façonde t’exprimerque tuenvauxlapeine.Aulieudeça,ilestrestéconfortablementassisauchauddanssavoiturepouréviterdesedonnerlemaldesetrouverunstationnement.Àmonavis,c’étaitungesteégoïstequidisaitquetun’étaispasassezimportante.Maintenant,toi,quandtuportesunjugement,tulefaisentebasantsurjenesaistropquoi,maiscertainementriendeconcretetd’établi.
—Tutedéfendsbien.Jetedonneraison.Edwardposeunbaisersurledessusdematête,puisrecommenceàmecaresser.—Alors,tusavaispourTangetMaya?—Depuis aumoinsun an.ÀChicago, on en aparlé unbonmoment. Il hésitait à l’inviter par
crainte d’essuyer un refus. J’étais persuadé qu’elle voudrait, c’était pourtant si évident qu’il luiplaisait.
Edwardaraison.Jedoisregarderautrement,parcequejenevoyaispasça.Toutcomptefait,c’estvraiqu’ilsvontbienensemble.
—Bon!dis-jedansunsoupirenmêmetempsquelâcheleborddesontee-shirt.Mêmesijen’enaipasdutoutenvie,ilestl’heured’allermecoucher.
—Reste,situneveuxpaspartir.—Çanet’ennuiepas?—J’ail’airdequelqu’unincommodépartaprésenceencemoment?Edwardestétendusurledosàmecaresserledostandisquejesuisallongéesurlui.—Tuvasmeprêtertoncanapé?—Non.—Euh…—Tuvasdormiravecmoi.Toncorpsesttoutchaudetj’aienviedetebécoterlanuque,rigole-t-
il.
Pasdeproblèmepourmoi!Aussitôt dit, aussitôt fait. Le temps qu’Edward me trouve une brosse à dents encore dans son
emballageetquejefasseunbrindetoilette,jesuisétenduedanssonlit.Enl’attendant,j’admireunetoilesurlemur.Unepeintureàl’huiled’unefemmeassisededosetpartiellementdénudée.Elleestmagnifique.JesuisentraindemeperdredanslesombragesquandEdwardsejointàmoi.
—Tul’aimes?—Elleestvraimentsplendide.—C’estuneartistequébécoisequil’apeinte,MichèleDubé.Toutcequ’ellefaitestaussibeau.Ses
toilessont toujoursempreintesdebeaucoupd’émotions.Jen’arrivaispasàdécrochermesyeuxdecelle-là.Alorsjen’aipaseulechoixdel’acheter.
Edwardmeregardependantquejecontinuedefixerlatoile.Onpeutpresquesentirlemouvementdutissudelarobedelafemmeetdevinerlatexturedesapeau.
—Ondiraitqu’ellealemêmeeffetsurtoi.Edwards’approchedulit,éteintlalumièresurlatabledechevetetseglissedoucementsousles
couvertures.Même s’il s’est installé à unedistance raisonnable, à peinedeuxminutes sont nécessaires pour
qu’ilsefaufilejusqu’àmoi.Résultat:jesuisdanssesbras,sicolléequ’onpourraitcroirequ’onnefaitqu’un.
Quellerelationbizarre,ona!Etj’adoreça.
***IlestprèsdequatorzeheuresquandnousarrivonschezCrystal.Laurentvienttoutjustedepartir,
semble-t-il.—Alors,c’étaitunebellesoirée?Sesprunellespétillantesainsiquesonsourirelargementdéployém’indiquentqueoui.C’estplutôt
étrangedevoirCrystaldanscetétatdebéatitudequandelleparled’unhomme.—Ettoi,tuasputesterlamarchandise?—Testerlamarchandise!Quandmême,Crystal,faisaumoinssemblantd’avoirunpeudeclasse
devantEdward.Leprincipalintéressérit.—Alors?—Non.Lasoirées’estterminéeenqueuedepoisson.—Pasdesexe?—Ça dépend. Edward qui touche à mes fesses et à mes seins pour dire s’ils sont fermes, ça
compte?—Quoi?Crystalnousregardetouràtourenquêted’informations.Aprèsavoirfait languirmonamie,je
lui explique mon rendez-vous avec Esteban. Et surtout les raisons de l’utilisation des servicesd’Edward.Sansgrandesurprise,Crystaln’apasarrêtédesemoquerdemoietdejeterdesœilladestaquinesàEdward.
Maintenant,noussommesinstallésàlatableàdessindeCrystal.Ellenousmontredestasdeplansde maisons afin qu’Edward puisse l’aider à déterminer ce qu’il veut. Nous sommes déjà sur unebonnepiste,maisseprojeterdansl’avenirpourconnaîtresesbesoinsfutursestplusdifficile.Edwardaréponduàunefouledequestionsquiparaissaientfutilesaudépart,maisqui, toutcomptefait,ontuneimportanceaumomentd’arrêtersonchoix.
—Au fond, ce qu’on devrait faire, c’est penser les choses comme si vous étiez un couple.Çapermettradevisualiserunpeumieuxvosbesoins.Enfin,ceuxd’Edward,jeveuxdire.
—Bonneidée!répond-t-il.—Maëlie,çanedevraitpasêtretropdifficilepourtoid’imaginertavie,mariéeavecdesenfants,
dit-elle en me souriant narquoisement. Edward, ben, tu devras faire preuve d’imagination pourarriveràcroirequeMaëlieesttafemme.Jesupposequel’avoirtripotéehierdevraitaider.
—Tusaisquetuesvraimentstupide!—Oui,etc’estcequifaittoutmoncharme!Cen’estpasfaux.—OK ! Edward,Maëlie, je vous déclare officiellement mariés. Bla-bla-bla. Alors, vous avez
l’intentiond’avoircombiend’enfants?—Deux,répondEdwardensetournantversmoi.—Ungarçonetunefille.Crystalmejetteunpetitregardamusé.—Parfait.Vousvoulezqueleschambressoientàl’étageduhautetquelesenfantssoientprès,je
présume.—Oui,confirmeEdward.—Appelons-lesmini-Edwardetmini-Maëliepourlesbesoins.OK?J’aimetellementcejeu-là!—Voulez-vousuneautrechambrepourlesinvités?Commelorsquenousprendronsunverrede
troplessoirsoùonirasouperchezvous,Laurentetmoi.— Il ne faudrait pas les laisser prendre la route en état d’ébriété, qu’est-ce que tu en penses,
Maëlie?—Tu as raison,mais est-ce que la chambre d’amis peut être à un autre étage ? Je ne suis pas
certainequej’aienvied’entendrecequ’ilsfont.—Etviceversa!rétorqueCrystal.Çayest!J’aidesimagespleinlatête…
***Notredrôledejeunousabienamusés,maisilétaitquandmêmetrèsutile.Enfaisantl’ébauche
d’unplanpourEdward,Crystalareconnuunemaisonqu’elleadessinéel’annéedernière.Ellenousl’amontrée,etc’estexactement legenrequ’Edwardavaiten tête.Elleaproposéde lui remettre leplan quand il aura trouvé un terrain pour la faire construire. Nous sommes restés chez elle toutl’après-midiet,ensuite,noussommessortisaucinéma.Jesuisheureused’avoirpasséautantdetempsaveclui,carilseraàl’extérieurdubureautoutelasemaine.
Jem’ennuiedéjàetonestjustemercredimatin.J’aimebeaucoupEdward,cen’estunsecretpourpersonne, mais je commence à penser que c’est dangereux. J’ai l’impression que le jour où ilm’annoncera qu’il a rencontré la personne spéciale qu’il cherche, je me retrouverai en peined’amour.Jesaisquec’estétrange,maisjesuiscommeça.J’aibeausavoirqu’unerelationautrequeplatonique est impossible entre nous, je développe des sentiments…Bah ! Disons-nous les vraiesaffaires : jesuisdéjàfollede lui. Il fautseulementquemoncœurentenderaisonquandmatête luiexplique que je suis stupide. C’est comme si le voir célibataire me donne espoir que les chosespeuventchanger.Jecroisquelorsqu’undenousdeuxseraencouple,çaseradifférent.Etpuisquejen’ai pas de contrôle sur les relations d’Edward, mais que j’en ai sur lesmiennes, c’est là que jemettraimonénergie.JeprévoisdoncrelancerOlivieravecmoninvitation.
Enplus,jesuisfrustréedevoirtoutcetamourautourdemoi.MayaetTang.CrystaletLaurent.
Zoey et Joshua.Alexa etNick.C’est à croire que la vie veutme faire suer !Alexa prétend que jecherchetropetquejedevraislâcherprise.Jesupposequ’ellearaison,maisjetrouvequandmêmeque c’est facile à dire quand on a déjà rencontré l’homme qu’on prévoit marier. Elle pensaitautrement,iln’yapassilongtemps.
Justement, je doisme rendre à son cabinet avant d’aller travailler cematin.C’estmon rendez-voussemestrielpourunnettoyageetunexamendemesdents.
—Voilà!Toutmesembleparfait.LeDreKoserviendrapourl’examendansquelquesminutes,m’annoncel’hygiénistedentaired’Alexa.
—Merci!J’aiencoremeslunettesdestarquelesdentistesprêtentauxpatientspouréviterqu’ilssefassent
gicler de l’eau dans les yeux.Mes paupières sont fermées, la chaise est confortable, le soleil quitraverselescarreauxmeréchauffelevisage.Avecunpeud’imagination,j’arriveàmeretrouversurla plage de la RivieraMaya où j’étais il n’y a pas si longtemps. Je resterais étendue ici toute lajournéetantjesuisbien.Dansmatête,lecielestbleuetsansnuages.Leventàpeineprésentetlebruitdes vagues sont unemusique de fond. Edward qui sort de lamer,marche versmoi. J’observe sasilhouette qui m’apparaît presque irréelle tant elle est parfaite. Le soleil qui se reflète sur lesgouttelettesruisselantesqu’alaisséeslamersurluirendsoncorpsathlétiqueétincelant.J’examinelerenflementdesesbicepsquandillissesescheveuxversl’arrière.Hum!Sesbrassontsolidescommeduroc.Sonmaillot,unpeudescendu,melaisseentrevoirsonbas-ventreetsesabdominauxstriés.Ilmesouritpendantquemesyeuxbalayentsoncorps.
—Qu’est-cequeturegardescommeça?—Monmari.Edwards’approchedemoi,s’assoitsurmachaise longueetprendmonvisagedanssamain. Il
caressema joue du bout des doigts et pose un index surmes lèvres pour les toucher avant de lesembrasser.Lessiennes,doucesetchaudes,sontencoresaléesparl’eaudelamer.
—Tusaisquejesuisl’hommelepluschanceuxdelaterre?—Pourquoiça?—Parcequemafemmeestlaplussexydecetteplage,murmure-t-il.Jeluisouris,maisEdwardadéjàsaisimaboucheaveclasienneavecunefouguesiintenseque
j’enailesoufflecoupé.Cettefois,salangues’insèrelentemententremeslèvresetsefrayeuncheminjusqu’àlamienne.SamainsefaufiledansmanuqueetEdwardtiredoucementsurmescheveuxpourforcerma têteàsepenchervers l’arrière.Ses irisbleussondentmonâmeet saboucheeffleure lamiennequandilchuchote:
—Jet’aime,Maëlie!Jevoudrais lui répondrequemoiaussi je l’aime,mais lesmotsmemanquentquand il arpente
moncouavecsaboucheetvientmordredanslegalbedemonsein.—Hum…—Quoi?J’ouvrelespaupières.Alexaestdeboutdevantmoi,lenezretroussé.—Qu’est-cequetuasdit?demande-t-elle.Oups!Décidément,Edwardcommenceàprendretropdeplacedansmatête!—Euh…rien.Alexafroncelessourcils,l’aird’endouter,maismelaisselebénéficedudoute.C’estvraiqueje
n’airiendit,j’aiseulementunpeugémi.Cen’estpasofficiellementunmensonge.Non?
—Bon!faitAlexaenattrapantuninstrument.Ouvre-moicettebouche.Jemetournepourregarderl’hommequis’entretientavecl’associéed’Alexa.—C’estlereprésentantd’implantsdentaires,répondAlexaàmaquestionsilencieuse.J’observe le grand type pendant qu’il rigole avec la dentiste. Il est plutôt séduisant. Il est bien
coifféetbienvêtu,commetouslesreprésentants,maisluiestenplusassezbaraquéetsonsourireestsplendide.Biensûr,quandontravailleendentisterie,cen’estpasunemauvaiseidéedeprendresoindesesdents.
—Oublieça!ajoute-t-elleenréponseàmonautrequestionmuette.—Pourquoi?—Ouvrelabouche!m’ordonne-t-elleenétirantmajoueavecuninstrument.—…ouuurqqquoi?—Oublieça!secontente-t-ellederépéter.—…eux…awoir!dis-jeaussibienquejepeux.—C’estuntombeur!Ilaflirtéavectouteslesfillesici.—…oiauii?—Oui,moiaussi.—…ahors?—Alorsrien.Ilveutjustebaisertoutlemonde.J’airefuséd’êtresonobjet.—…mo…j…eux.—Non,toituneveuxpasnonplus!—…iii!—Non!Alexafinitparmelâcher.—Pourquoipas?Jeveuxunamant!J’aiparléfort.Tropfort.Letypesetourneversnous.Jeluisouris.Alexamefourreuntampon
danslabouche,quejerecracheaussitôt.Lereprésentants’approche.—Bonjour,docteureKoser.—Bonjour,monsieurMessie.—Messicommelejoueurdesoccer?J’accompagnemaquestiond’unbattementdecilsetd’unsourireexagéré.— Non, c’est Messie, comme dans le Messie, m’informe-t-il en me gratifiant d’un sourire
enjôleur.—Intéressant!JevoisAlexaderrièreluiquiroulelesyeuxetsoupireàpleinrégime.Jetendslamainversluien
melevant.—MaëlieFaye!Jevoismonamiesesauververslaréceptionencourant.—Maëlie,c’estunjoliprénom.Je n’ai pas le temps de répondre que la réceptionniste arrive vers moi rapidement. Alexa la
talonne.—MadameFaye, ilyavotremariau téléphone. Ila tentédevous joindresurvotrecellulaire,
maispuisqu’ilestéteintilaappeléàlaclinique.JemetourneversAlexapourposerdesyeuxmauvaissurelle.—Monmari?Alexam’attrapeparlebras.
—Oui,Maëlie,tonmari.Ilnefaudraitpaslefaireattendre.L’autredentistequiacomprisl’intentiond’Alexaenrajoute.—Ouf!Non.Onneveutpaslevoirfâchéaujourd’hui.EllejetteunœilauMessieetchuchote:—Sonmariesttrèsjalouxet,ladernièrefois,ilestarrivéicienfurieparcequ’elleneprenaitpas
sonappel.Jen’aipas le tempsd’entendrecequ’ilssedisentensuite,carAlexam’atraînéedansunepièce
destinéeauxemployés.—Qu’est-cequetufous?—Jeteprotège!—Tumeprotèges?—Oui,jeprotègetoncœur,rétorque-t-elle.—Laissefairemoncœur.C’estmoncorpsquiestenmanquedesexe.Jesaiscequejefais.—Bentuleferasavecquelqu’und’autre.—C’estquoi,tonproblème?—C’est lui, le problème. Il ne faudrait pas que tu y touches àmoins d’être emballée dans un
condomdelatêteauxpieds.Lecontrastedesesproposridiculesavecsontonautoritairemefaitpoufferderire.Alexa,elle,
continuedemefixersérieusementsansciller.—Coudonc!Ilestsipirequeça?—Vraiment!—Bon!dis-jeenretirantdesmoussesimaginairesdemontailleur.Jesupposequemalibidopeut
attendreencoreunpeudanscecas.Alexamesouritenfin.JenesauraijamaissileMessiel’étaitvraiment,maisjepensequejepeux
avoirconfianceaujugementdemacopine.Sielleprétendquejesuismieuxdemetenirloin,çadoitêtrelecas.
—Alors,monexamen?—Tesdentssontparfaites.Allez,vatravaillermaintenant.C’estcequej’aifait,aprèsm’êtredisputéeavecellepourpayermonrendez-vous.Rienàfaire.
Depuis que mon amie a ouvert son cabinet, je n’ai jamais eu à payer mes frais de dentiste. Etaujourd’huinefaisaitpasexception.
***Jesorsderéunionaveclesautresdirecteurs,dontTangquinetouchepluslesoltantilplanede
bonheur.En arrivant àmonposte de travail, je trouveunepetite enveloppebleue surmonbureau.C’est fou ce que ce bout de papier peut avoir comme effet sur moi. Je risque de tomber en meprécipitantversmonclavier,tellementjesuisexcitéeetimpatientedelelire.
Jevoudraisêtrelesoleildetesjours,lalunedetesnuits,leslarmesdetesyeux,leremèdedetesdouleurs,lesouriredetesjoiesetl’uniquepersonnedetavie.Ohhh!Àdéfautd’avoirsoulagémoncorps, jesensmoncœurléger.Toutm’apparaîtsansimportance,
mêmecequimemethabituellementdemauvaisehumeur.Commelefaitquej’aiéchappéducafésurmonclavierenarrivantcematin.Legarsdel’informatiquen’avaitjamaisvuunepersonnesourireautantenluiapportantdumatérielfichu.
Pendantmonlunch,j’aiprisladécisiond’appelerOlivier.Jesuisassiseàmonbureauàfixermontéléphone avec appréhension. Je suis aussi nerveuse que si j’avais quatorze ans et que je n’avais
jamaisinvitéungarçondemavie.Aprèsunebonnedizainederespirationsprofondes,quin’ontfaitquem’étourdir, jedécrochelecombiné.Jecomposesonposte.Unesonnerie.Deux.Trois.Saboîtevocaleprendl’appel.
Zut!Jeraccrocheenmedisantquej’essaieraiplustard,maismeraviseaussitôt.Jelaisseraiplutôtun
messagepourluidemanderdepasseràmonbureauquandilauraunmoment.Jepourrail’inviterenpersonne.Jecomposedenouveau.Unesonnerie.Deux.Trois.Saboîtevocales’enclencheencoreunefois.
—Bonjour,vousavezbienjointlaboîtevocaled’OlivierRossi,jesuisàl’extérieurdubureaudu17au21févrierinclusivement,pourtouteurgence…
Hein?Là, je suis perdue.Commentpeut-ilm’avoir laissé cette enveloppebleue s’il est envacances ?
Soudainement, j’ai un doute que ce soit quelqu’un d’autre. Je sors du bureau pour scruter lesalentours.Mayaquim’observed’unœilintriguévientàmarencontre.
—Tucherchesquelquechose?—Quelqu’un,dis-jeencontinuantderegarderpartoutautour.—Qui?—Jenesaispas.—Çarisqued’êtreplusdifficileàtrouver,semoque-t-elle.—Jecherchelapersonnequimefaitparvenirdesmotsmystérieux.—Letypeàlafleurbleue?—Oui.—Tunesaistoujourspasquiilest?s’étonnemonassistante.—Jepensaissavoir,mais l’hommeenquestionn’estpas làcettesemaine.Pourtant, jeviensde
recevoirunautremessage.Alorsçanepeutpasêtrelui.—Oh!C’estexcitant!Mayaaraison.J’aimelesecretentourant lesmessagesquejereçois.D’ailleurs, jenem’yétais
pasarrêtée,carjecroyaisquec’étaitOlivier,maisilyapeut-êtredesindicessurl’auteuràl’intérieurdespensées.Déterminéeàtrouver,jeretournedansmonbureauetsorslesenveloppespourlesrelire.
Leregardinterprètecequelecœurn’exprimepasaveclesmots.Avantd’alleraulit,regardeàtafenêtre.Lesétoilesquetuverrassontlesmilliersdebaisers
quejet’envoie.L’amourn’estpasunfeuqu’onrenfermeenuneâme;toutnoustrahit,lavoix,lessilences,
lesyeux;etlesfeuxmalcouvertsnebrûlentquemieux.Jevoudraisêtrelesoleildetesjours,lalunedetesnuits,leslarmesdetesyeux,leremèdede
tesdouleurs,lesouriredetesjoiesetl’uniquepersonnedetavie.—Oh!C’esttellementbeau!—Oui.Etàcesbellespenséess’ajoutelarosebleue.—Ahoui!Ellesignifieunamourinaccessibleouuntrucdugenre,serappelleMaya.Rien à faire. Dès que je pense à un amour inaccessible, je ne peux voir quelqu’un d’autre
qu’Olivier.Avecsatimidité,ilestleseulquipourraitmevoircommetelle…Àmoinsqueletypesoitmariéetqu’ilsouhaiteseulementmefairesavoirqu’ilaimeraitpartagermavie,silescirconstancesétaient différentes. Même si cette hypothèse était décevante, elle expliquerait pourquoi il resteanonyme.
Eleonor arrive pendant queMaya etmoi réfléchissons.Nous avons complètement délaissé nos
tâchespourrésoudrel’énigme.—Jevoisdesespritsenébullition,jepeuxaider?—Maëlieaunadmirateursecret,expliqueMayaensautillantsurplacecommeunegamine.Quelquesminutes sontnécessairespourqu’Eleonor soitmiseaucourantdesélémentsdenotre
petiteenquête.Etquelquessecondessuffisentpourqu’ellese lancedansdessuppositions toutaussidécevanteslesunesquelesautres.
—EtpourquoipasFabio?—Eleonor!ladisputeMayaennepouvants’empêcherderire.Avec un nom comme celui-là, on pourrait penser qu’il est un étalon italien au sex-appeal
troublant,maisc’estloind’êtrelecas.Fabioestunhommeprèsdelacinquantaine,petit,bedonnant,avecd’épaisverresetunedentitioninquiétante.Soncrâneestdégarnietsesquelquescheveuxrestantssontrebelles.
— Pourquoi pas ? lance-t-elle en se mordant la joue. Il ne s’agit pas de trouver qui Maëlievoudraitquecesoit,maisquiestlemystérieuxpoète,non?
Mêmesitousleshommesqu’elleproposesontlesderniersquejevoudraisetqu’ellefaitexprèspourme taquiner, Eleonormarque un point. Je pourrais très bien être déçue en apprenant de quiviennent les messages. Contrairement à Eleonor, Maya, elle, prend son rôle au sérieux. Elle sepromèneavecsoncalepindanslebureauetprenddesnotesenobservantquiestprésentaujourd’hui.Etsurtoutcommentleshommesmeregardentquandjepasse.C’estn’importequoi,maisnousrionscommedeuxcingléestoutl’après-midi.Pourmapart,jecontinuedepenser–etmaintenantd’espérer–quec’estOlivier.Jemedisqu’iln’yaqu’unefaçond’enêtrecertaine,etc’estdeluidemander.
17Ma journée de travail… et d’enquête s’achève. Je suis sur le point d’éteindre mon ordinateur
quandmontéléphonesonne.C’estEleonorquim’annoncequ’Edwardveutmeparler.—Hé,boss!MêmesiEdwardrigole,jesaisqu’ildétestequejel’appellecommeça.—Salut,Maëlie.Çava?—Oui.J’étaissurmondépart,mêmesijen’aipasasseztravaillépourlesalairequetumepayes.Ilritencore.—Ettoi?—J’enaiassezd’êtreici,j’aimeraispouvoirrevenirmaintenant.—Est-cequeçasepassebien?—Parchance,oui.Trèsbien.Edward soupire, puis reste silencieux. J’attrape un papier et un crayon pour gribouiller en lui
parlant.—Qu’est-cequetumevoulais?—Jenesaispastrop.Teparler.—Tuaslemaldupays?—Ouais.Et ilyaunechoseque jevoulais tedemander. J’avaisenviede réserverdansunspa
nordiqueceweek-end.Est-cequetuvoudraisveniravecmoi?—Quellebonneidée!—Jerevienssamedi,tardensoirée,alorsjeréserveraipourlajournéededimanche.—Non!Cen’estpasvrai!Tunerevienspasavantsamedi?Zut!Jeprendsl’aviondimanche
matinpourHouston.—Merde!J’avaisoublié.Merde!C’estplutôtrarequej’entendeEdwardparlerdecettefaçon.—Tureviensquand?veut-ilsavoir.—Mercredi.—Mercredi?—Oui.Sijecomprendsbien,onneseverrapasavantuneautresemaine?J’aisonnécommeunefemmequis’ennuiedesonmarietluireproched’êtretoujoursparti.C’est
beaucouptroploin.Entoutcas,pourmoi,cel’est.— Je suis certaine que William serait content d’aller au spa avec toi, dis-je sur un ton peu
enthousiaste.—Jesuppose,répond-ilsurlemêmeton.—Toi,est-cequetuvasàl’extérieurlasemaineprochaine?—Justejeudi.Sinonjesuisaubureautoutletemps.«Onneseverrapasavantvendredidelasemaineprochaine!»ai-jeenviedecrier.Maisaulieu
deçajedis:—C’estunebonnenouvelle,tuserascheztoipresquetoutelasemaine.—Ouais.Jecomprendsparlalassitudedanssavoixqu’ilenavraimentassezdevoyagersanscesse.Luietmoiparlonsdetoutetderienpendantlongtemps.Sibienquejesaluetouràtourlesgens
dubureauquisortent.J’airetirémeschaussuresetmonveston.J’ailesdeuxpiedssurmonbureauet
mafeuilleestpleinededessinsabstraits.Àuncertainmoment,jeréalisequelaplupartdeslumièressurl’étagesontéteintes.C’estseulementàcemomentquejedécidederaccrocher.
***LeclimatauTexasestécrasant. Ilnefaitpassichaud,maisc’est tellementhumideque j’aides
frisouspartout. Jemecacheraisbiensousunchapeaudecowboysi jeportaisun jeanplutôtqu’untailleur.Quoiqueplusieurshommesenportentmêmes’ilssontencomplet.Drôledemode!EtquediredecelangageduSud?J’ignoresij’aimeounonl’accenttexan,maisleshommesontunevirilitéqui me plaît. Encore accrochés aux vieux stéréotypes masculins, plusieurs font preuve d’unegalanteriequ’onvoit rarementdenos jours.Entoutcas,parcheznous,c’estmoinsfréquent.C’estdommage, j’aime bien la façon qu’ont ces Texans de traiter les femmes comme des poupées deporcelaine. Dans ces situations, je me rapproche demon rôle de princesse courtisée par un beauprince.Oui, j’aime bien ces cowboys qui sont d’une extrême politesse, particulièrement quand ilss’adressentauxfemmes.AvecShawn,lecollèguequim’aaccompagnéedanscevoyage,ons’estbienamusésàlesimiter.
—Ma’am!Takemychair,disaitShawn.—ThankyouSir,butah’mfine.—Mamausetotellmedon’tletstandinapeertylady.Wadyalikecomesittininbigoltruckand
grabsomfewd?Cettefaçondedéformerlesmotsestabsolumentcharmantevenantd’eux.Maisjepréfèredeloin
l’accentirlandaistrèsraffinéd’Edward.Aaahh!Edward!Ilmemanquetant.Enfin,jesuisdansl’avionenprovenancedeHoustonetjelereverraibientôt.Shawn s’est assoupi. Nos journées passées ensemble au Texas étaient plutôt agréables. Mon
collègueestsympathique,etmêmesic’estbiendifférentquedevoyageravecEdward,j’appréciesacompagnie.Ilestunhommetrèsintelligent,cultivéetdrôle.IlestnéauxÉtats-Unis,maisletravaildesonpère,quiétaitgénéraldansl’armée,l’aamenéàvivrepartout.Shawnparledoncsixlangues,septsioncomptel’accentduSud!Étantdirecteurdesaffairesinternationales,ilvoyagebeaucoup,maispourluicen’estpasunproblème.Iln’estpasmarié,n’apersonnedanssavieet,pourl’instant,vivreàdeuxnefaitpaspartiedesesplans.
Je regarde les lumières sur la piste d’atterrissage enmedisant que je comprendsEdwardd’enavoirassez.Jenesuispartiequequelquesjours,etmêmesiShawnestavecmoi,jemesensbienseuledanscet avion. Jepenseà tousceshommesdemavie.Ouplutôt ceuxqu’iln’yapas. J’aihâtederevoirEdward,jem’ennuietellementdeluiqueçadevientmalsain.Jerevoisconstammentsesyeuxqui me fixent et cette bouche qui me sourit… mais que je rêve d’embrasser. Il m’arrive encoresouventdefantasmerenimaginantqueleschosespourraientêtreautremententrenous.Maismatêtefinit toujours par me ramener à la réalité. Cette dure réalité. Mon condo vide ; personne pourm’accueillir.
Ilesttardquandj’entreàlamaison.Jeneprendsmêmepasletempsdedéfairetousmesbagagesavantd’alleraulit.J’aileboulotquim’attenddemainetjeveuxmereposer.
***J’arriveunpeuplus tardqu’àmonhabitude, et lapremièrepersonneque jecroiseenarrivant,
c’estOlivier.—Bonjour!Ilestsouriantetparaîtheureuxdemevoir.Moiaussi,jelesuis.Passeulementparcequec’estlui,
maisaussipourreprendremaroutineaubureau.
—Çafaitlongtempsqu’ons’estvus.Commentvas-tu?—Jeviensbien.J’aieuunesemainedevacancesreposantelasemainedernière.Jesuisenforme,
expliqueOlivierpendantqu’onmarcheensembledanslecorridorquimèneversmonpigeonnier.—Tuesalléquelquepart?—Oui,j’aifaitunecroisièredanslesCaraïbes.Je ne sais pas si c’est mon imagination, mais il paraît plus à l’aise en ma compagnie. Je me
demande si c’est en raison demon invitation à sortir. Je le questionne donc en attrapant l’énormeamasd’enveloppesquiestdansmoncasier.Jenesuispartiequetroisjoursetondiraitqueçafaitdessemaines.Enplus,ilnes’agitquedemoncourrierinterne,parcequeleresteestdépouilléparMaya.
—QuellesrégionsdesCaraïbesas-tuvisitées?—Lesud:Sainte-Lucie,Antigua,Aruba,LaBarbade…—Oups!Sonénumérationestinterrompueparlachutedemapiledelettresausol.—Wow!C’estsuper!Etilafaitbeau?Jecontinuedel’interrogerpendantquenoussommestouslesdeuxaccroupispourramassermon
courrier.—Trèsbeau,répond-ilenmeremettantquelqueslettres.Lorsquesesdoigtsfrôlentlesmiens,sesyeuxs’attardentunmomentsurnosmains.Enbaissantla
tête,j’aperçoisqu’iltientuneenveloppebleuesurledessusdesapetitepile.Sespupilless’accrochentaux miennes. Tout à coup, le confort qui s’était établi se dissipe pour laisser place à un silencetroublant.
—Bon!Çam’afaitplaisirdeterevoir,Maëlie.Jevaisallertravaillermaintenant.Bonnejournée!
—Attends!Levisagemaintenantrosi,Oliviersecontentedemeregardersansriendire.— La proposition que je t’ai faite de prendre un verre, elle tient toujours. Si ça te tente, on
pourraitsevoircette…J’allais suggérer « cette semaine », mais je me ravise. Edward arrive demain et je veux
absolument passer la soirée avec lui, si c’est possible.Enplus, je n’aimêmepas défaitmavalise.Oliviermeregardetoujoursensilenceetsansbouger.
—…jesuislibrelasemaineprochaine.Crois-tuavoirdutempsmercredisoir?Oliviers’activeenfinethochepourconfirmer.—Super!Alorsons’enreparle.D’icilà,jelenoteàmonagendapourmercredi.Toujourssansparler,Oliviermesouritavantdefairevolte-faceetcourirpoursortirdelasalle
decourrier.J’aimoi-mêmelesmainsunpeutremblantes.Ilm’aremissonmessageenpersonne.Aufond,jenesaispastropsil’enveloppeétaitdansmapiledecourrierous’ilaprofitédel’occasionpour la glisser là. Quand j’y pense, cette deuxième option m’apparaît plus plausible. Les foisprécédentes,lemessageétaitsurmonclavieretnonpasdansmoncourrierinterne.
Jemarcherapidementpourmerendreàmonbureau.Jesuisemballéeà l’idéede lirecequisetrouvedanscetteenveloppe.MasalutationàMayaestsiexpéditivequ’elledevinemonempressement.
—Tune t’es pas ennuyéependant ton absenceoù tu as une autre raisondenepasvouloirmeparler?
Jelèvel’enveloppesoussesyeuxenguisederéponse.—OhmyGod!Mayaamorcesamarchepourmesuivre,maiss’arrêtebrusquement.Jepensequ’ellehésitevula
naturepersonnelledesécrits.—Viens!Pas besoin de lui demander deux fois. Je lancemes affaires en entrant dansmon bureau.Mon
téléphonesonne.C’estEdward.JeregardeMaya.—Jedoisleprendreavant.—OK!Jevaistechercheruncaféenattendant.—Salut!Tuesderetour?—Oui.J’arrivetoutjuste.Jen’aipasallumémonordinateurencore.—Ilesttardpourtant,dit-ilsuruntondereproche.Jem’apprêteàrépondrequ’ilaraisonquandilpouffederire.—Tonaviontouchaitlesolàminuit,crois-tuvraimentquejetrouvequ’ilesttardpourarriverau
bureau?Jenerépondspasàsaquestion,maisl’interrogeplutôt.—Alors,tureviensquand?Onpeutsevoiràquelmoment?—C’estjustementpourcetteraisonquej’appelle,jevoulaism’assurerquetuétaislibrevendredi.—Oui,j’airéservémasoiréepourtoi.—Bonnenouvelle!Jet’inviteàsouper.—C’estnoté.Mêmes’iln’yaaucunechancequejel’oublie.—Dunouveau?—Non.Enfait,jenesaispastrop.Jen’aimêmepasencoreouvertmoncourrieretjen’aipaseu
letempsdeparleràMaya,dis-jealorsqu’ellesepointeavecmoncafé.Queveux-tu?Tuasengagéunegrosseparesseusequifaitlagrassematinée.
Edwardrigole,alorsqueMayaregardel’horlogequiindiquehuitheurestrente-deux.JesouhaiteunebellejournéeàEdward,luidemême,etjedéposelecombiné.
—Ouvre!m’ordonneMayaenfixantlapetiteenveloppebleuesurmonbureau.Cequejefaissansplustarder.
Sij’étaislejugeettoil’accusée,jetecondamneraisàm’aimer.—Cequ’ilestcharmant!Tellement!Detoutes lesbellespensées,c’estcellequej’aimeleplus jusqu’àmaintenant.L’humourqu’elle
sous-entendmecharme totalement. J’aihâteque l’Olivierqui s’exprimesibiensurpapier le fasseenfindevantmoi.Aujourd’hui,j’aivulapossibilitéqueçaseproduise,contrairementauxdernièresfoisoùons’estparlé.Ilm’estapparubeaucoupplusenconfiance.
—Tudoistrouverquiestcegars-là,etjerefusedecroirequec’estFabio,commenteMaya.Moiaussi!J’ai hâte àmercredi. J’ignore encore comment j’aborderai le sujet desmessages anonymes. Je
pense que ce qui s’est passé plus tôt, quand il m’a remis l’enveloppe en mains propres, estcertainementuneported’entréeàutiliser.
***Noussommesenfinvendredisoir.J’attendsqu’Edwardpassemechercher.Jen’aiaucuneidéede
l’endroitoùilm’emmène,maisjem’enfiche,tantquejesuisaveclui.Ildevraitarriverd’uneminuteàl’autremaintenant.Jefaislescentpaschezmoienpatientant,pourtantiln’estpasenretard.Mêmesijesuisimpatientedelevoirarriveretquejeregardeparlafenêtredepuistrentebonnesminutes,jesursautequandilsonne.Jecours littéralementpourallerdéverrouiller.Lorsquej’ouvre laporte, il
sembleàboutdesouffle.Ilseprécipitedansmesbrassansmêmemedirebonjour.Hum!Sonodeur,sontoucher,soncorpscontrelemien;toutdeluim’amanqué.—Tuauraispuklaxonneraulieudemonter.—Jamaisdelavie!Jemeretiredesonétreinteet leregardecommesi jenel’avais jamaisvuavant.J’examineses
yeuxbleusetsesminusculesridulesquilesentourent,sescheveuxpâles,sonteintunpeuhâlé;ilestencore plus beau que dans mes souvenirs. Je suis pathétique, je le sais, mais le voir me faitcomplètementoublierOlivier.
—Jemesuistellementennuyéedetoi.—Pasmoi,rétorque-t-ilensouriant.Il continuede tenirmesmains et poseunbisou surma joue. Jevois sesyeux s’arrêter sur les
bijouxqu’ilm’aofferts.—Jenesavaispascedonttuauraisenvie,alorsj’airéservédanstroisrestosdifférents.C’esttoi
quidécidesetj’annulelesdeuxautres.Unthaï,unitalienetunSteakHouse.—SteakHouse,dis-jesanshésiter.Estebanm’aprivéed’unsteaketj’enmeursd’enviedepuis.—Alors,justepourcetteraison,nousallonsmangerunbonsteak,rétorqueEdwardenm’aidantà
enfilermonmanteau.Pendant le souper,Edwardm’expliqueque lespatrons sont en trainde faire lenécessairepour
qu’un grand nombre de rencontres avec les clients se déroulent par vidéoconférence. Certainesréunionsplusdélicatesdoiventavoir lieuenpersonne.Celadit,plusieursclientssouhaitentquecescontacts prennent une formemoins officielle.Quelques-uns en ontmême fait la demande.De nosjours,letemps,c’estdel’argent,alorspourquoinepasmaximiserleleurcommelenôtre?
—Çasignifiequelesdéplacementsseferaientplusrares?—Oui,maisencequimeconcerne,quoiqu’iladvienne,c’estcequiarrivera.J’enaiassez.Je
veuxêtrechezmoi.Çafaitcinqansquejevoyageentredeuxcontinents.Ilesttempsquejepasseleflambeauàquelqu’und’autre.
— Je te comprends. Je n’ai eu à me déplacer que deux fois depuis mon entrée en fonction,pourtantjeréalisequejesuisbienchezmoi.Jepeuxjusteimaginercommentsesententlesgensquiontunefamillequilesattendàlamaison.
—JepenseàKimquiaunmarietdeuxpetitesfilles.Jen’arrivepasàcomprendrecommentellefaitpourleslaisser.
Edwardmeregardesansm’apercevoir,ilsembleêtreestentraindeseprojeterdansl’avenir.—Allez,assezparlédetravail.Jesuiscontentequetusoisici.J’attrapemonverrepourlefairetintersur lesien.Lerefletdelachandellefaitbriller lesyeux
d’Edward. Il est si beau.Ça devrait être illégal d’avoir cette tête. La chemise qu’il porte est bleuecommelanuitetdonnedesrefletsplusbleutésàsesirispers.
—Jepeuxsavoiràquoitupenses.Quej’aimeraisquetusoislepèredemesenfantsetquetuestropséduisantpourêtrejustemon
ami.—Jemedisaisquetuestrèssexyavectabarbepasrasée.—Tutrouvesquejesuissexy?répèteEdwardquisembleendouter.—Cen’estpascommesic’étaitunscoop,c’estcertainqu’ont’adéjàfaitcecommentaireavant.—Entoutcas,çameplaîtdel’entendredirepartoi.—Alors,est-cequemonpatronsexyafaitdebellesrencontrespendantsonabsence?
—Non.Mes pensées étaient toutes au Canada. Je m’allongeais le soir en imaginant que je tebécotaislanuque.
Jepouffederire.—Et toi,Maëlie, est-ce qu’il y a eu un Isaak, un Esteban ou unOlivier qui t’a tourné autour
pendantquej’étaisparti?Quandj’entendslenomd’Olivier,moncœurfaitunbond.Edwardm’observesansciller.J’ignore
pourquoi,maisj’ail’impressionqu’ilsaitpourlesmessages.Jebaisselesyeuxsurmonassietteetjemetsuntempsfouàdécouperunmorceaudesteak.
—Alors?—Commenttusais?—Commentjesaisquoi?—Quej’aireçudesmessagesdequelqu’un?Edwarddéposesa fourchette,attrapesonverredevinet s’appuiesur ledossierdesachaise. Il
continuede soutenirmon regard sans rienajouter,mais il sourit unpeu. Je suis certainequec’estEleonor, jenevoispasquid’autreauraitpu l’informerdeça.Mayaseraitcapablede leraconteràd’autres parce qu’elle adore les potins,mais elle n’est pas assez proche d’Edward. Eleonor est laseuleàsavoirqu’Edwardetmoipassonsbeaucoupdetempsensemble.C’estaussiellequis’occupedesonallocationdedépenses,ellesaitqu’onadormidanslamêmechambreàQuébec.D’ailleurs,c’estellequiasauvélesapparencesenjustifiantàOliviernosdépensesledimancheoùonétaitdanslacapitale.Ellesaitqu’onestdesamisetelleaprobablementpenséqueçal’intéresserait.
—Eleonorn’apasarrêtédesemoquerdemoi!finis-jepardireenriant.—Pourquoi?—J’essayaisdesavoirdequilesmessagespouvaientproveniretellesoumettaitdeshypothèses
décevantes.Fabio,parexemple.Edwardéclatederire.—Fabioesttrèsgentiletbrillantaussi.—Jelesais!—Alorspourquoitunevoudraispasquelesmessagesviennentdelui?—Parcequejesuisuneidiotequicroitencoreauxprincescharmants!Parcequ’iln’yaquemoi
quisuisassezutopistepourespérerquecetauteurromantiquesoitaussisuperbequelespenséesqu’ilm’aécrites.
Edward ne répond rien, mais affiche un petit sourire. Ses yeux sont doux et remplis decompréhension.Jesaisqu’ilnemejugepas.
—AlorstuseraisdéçuequecesoitFabio?Jeretrousselenezenguisederéponse.—Quandj’étaispetit,mamèremerépétaitsouventunephrasecélèbreduPetitPrince:«Onne
voitqu’aveclecœur.L’essentielestinvisiblepourlesyeux.»— C’est très beau… et sage. Pourquoi tu me dis ça ? Tu veux que je me sente moche et
superficielledevouloirquelegarssoitsexy?—Pasdutout,rigole-t-il.C’estseulementqueje trouvequecettecitations’appliquetrèsbienà
Fabio.Jesuisconvaincuqu’enallantau-delàdesapparenceslesgensseraientsurpris.J’espèrequandmêmequetuneseraspasdéçue.
—Bah!Jen’ensuispasàunedéceptionprès!Edwarddéposesesustensilesdanssonassietteetremercielaserveusequiprendnoscouverts.—Alors,tupensesfairequoi?
J’aienviede luiparlerd’Olivier.Jesuiscertainequ’Edwardpourraitmeconseiller.Enplus, jesuisconvaincuequ’ilnelerépéteraàpersonnesijeluidemandedegarderlesecret.
—Jecroissavoirquiilest.—Vraiment!Jeprendsunegranderespirationetmejetteàl’eau.—Jecroisquec’estOlivierRossi.—Tupensesquec’estOlivier?—Jen’ensuispascertaine,parceque j’ai reçuunedesenveloppesàunmomentoù il était en
vacances.Maisilauraitpuavoiruncomplicedanslebureau.Edwardclignedesyeuxàplusieursreprises,commes’ilessayaitdevisualisercequejesuisen
traindedire.—Uncomplice.Oui,c’estpossible.— J’avais laissé sortir dema tête que ça pouvait être lui à cause de la note que j’avais reçue
pendantsonabsence,maisilm’aremisladernièreenveloppeenmainspropres.—Ilt’aremisuneenveloppedanslesmains?— Je sais que j’ai l’air bizarre de douter que ce soit lui, étant donné qu’il me l’a lui-même
donnée.Maisc’estunpeupluscompliquéqueça.Jevenaisd’échappermapiledecourrieretOlivierm’aaidéeà le ramasser.Enme rendantquelques lettres, ilm’adonné lapetiteenveloppebleue. Jepensequ’ilapeut-êtreprofitédel’occasionpourfaireconnaîtresonidentitédecettefaçon.
Edwardafficheunedrôled’expression.Soitilpensequ’Olivieretmoi,onneferaitpasunbeaucouple,soitilestdéçuquejeneluiaierienditàsonsujet.Jeressenslebesoindemejustifier.
—Jenevoulaispasteparlerdelui,parcequ’Olivierestréservéetquejecroisqu’iln’aimeraitpasquejeracontecequ’ilafait.
—Toutcequ’ilafait,c’estd’essayerdetedéclarersonamour,jenevoispaspourquoiildevraitenavoirhonte.
—Jesuisd’accord,maisilesttellementtimide.J’airarementvuunhommeaussigênéquelui.Edwardm’observependantunlongmomentcommes’ilvoulaitliredansmatête.—Alorsilteplaît?Jehausselesépaulesendéposantmacoupedevinsurlatable.—Jene sais pas. Il est gentil,mais je ne le connais pas.Par contre, j’adore les chosesqu’il a
écrites. C’est magnifique. Il doit y avoir une personne très sensible qui se cache derrière cesmessages.J’aienviedeladécouvrir.
— Il n’y a qu’une façon de le savoir et c’est de lui parler desmessages, suggère Edward enremplissantmacoupedevin.
—Je suis de ton avis.Et c’est pour cette raisonque je l’ai invité à prendreunverremercrediprochain.
—TusorsavecOlivier?—Oui,justeunverre.Onverrabien.Edwardmeregardeencorebizarrement.—Quoi?—Tuneprendspasbeaucoupdepausesdanstonprocessusdesélection,hein?—Pardon?— Tu réalises à quel point pour une fille qui prétend vouloir utiliser les hommes sans rien
attendreenretourtuesenconstanterecherchedeceluiquipartageratavie?Jebaisselesyeuxsurmonvinenfaisantlamoue.
—Maëlie!Cen’estpasunreproche.Jetecomprends,moiaussi,j’aihâtedefonderunefamille.C’estjusteque,pendantquetucherchescommeça,taviedéfiledevanttoiet…
Edwardposeleregardauloinunmoment,commesilesmotsyétaientinscrits.—Et?—Etrien.J’insisteduregard.—Ettumenégliges!lance-t-ilenriant.Voudrais-tu,justepourcesoir,qu’onneparlepasdeton
haremetqu’onseconcentrel’unsurl’autre?—Monharem!Edwardlèvelamainpourdemanderàlaserveused’approcher.—Tuveuxd’autrevin?Je prends la bouteille pour l’observer. J’ai dumal à croire qu’on l’a déjà bue. Le temps file,
pourtantj’ail’impressionqu’onvientd’arriver.***
Nousavonspresquefinideboireladeuxièmebouteilledevinet,commel’asuggéréEdward,onprofitedutempsensemble.Ons’amusecommedesfous.Lamusiquedefondestdescendued’uncran,maisonentendcelledel’étageduhaut,quidevientunnight-clubensoirée.
—Onsecommandeundigestifetonmonte;qu’est-cequetuenpenses?—Tuveuxboireencore?—Cequejeveuxsurtout,c’estquecettesoiréenesefinissepas.Jesuisbien.Pastoi?Tellement!Quandnousarrivonsàladiscothèque,ondiscuteunedizainedeminutesavantdedéciderd’aller
surlapiste.Ilyaunbonmomentquejen’aipasdansé,cen’estpastropmongenre.Maisl’alcoolayantfaitsoneffet,jemesensbien.Aussi,tantquejesuisavecEdward,onpeutfairen’importequoi.Jepensequeluinonplusn’estpaslegarsàsedéhancheraurythmedelamusique,pourtantilparaîts’amuser. Nous sommes collés l’un à l’autre et on rit quand j’aperçois Félix, mon ex, derrièreEdward.
Merde!Je n’ai pas envie de le voir, celui-là.Notre dernière conversation s’est faite sans trop d’éclats,
maisquandmême.Edwardremarquequemonsourires’estestompé.—Çava?Tuveuxpartir?—Non.C’estlavérité,jem’amuse.JeneveuxpasgâchermasoiréeàcausedeFélix.Edwards’approche,
m’attrapeparlataillepoursouffleràmonoreille.—Jesaisqu’ilyaquelquechosequinevapas.—Monexestici.Celuiquim’atrompée.EdwardsetourneversFélixpourl’observerunmoment.—Situveux,jepeuxredevenirtonpetitami.—Cen’estpasnécessaire,jemefichedelui.—Pasmoi,rétorque-t-il.Ilt’afaitdumal.—Çan’aplusd’importancemaintenant.—Oui,çaena.Àcausedelui,jemesuisfaittraiterdesalaud.Edwardposesamainsurmesreinspourm’attireràlui.Hum!OK!Jeveuxbienqu’ilsoitmonpetitami.Letempss’estécouléet j’ensuisvenueàoublierFélix.Edwardm’annoncequ’ildoitserendre
auxtoilettes.Enl’attendant,jemerendsaubarpourattraperunebouteilled’eau.Jen’aipasletempsdem’installerqueFélixs’approche.
—Maëlie!Jesuiscontentdetevoir.Jemedétournepourcommander.—J’aiétécon,j’aimeraistellementpouvoirretournerenarrière,déclare-t-ilsanspréambule.Jesuissurprisequ’iltiennecegenredepropos,maisbienfranchementilsnem’atteignentpasdu
tout.—Oui,tuescon.Ons’entendlà-dessus.—Situvoulaismelaisserunechance,jeteprouveraisquej’aichangé.—C’estuneblagueouquoi?—Non,Maëlie.Iln’yapasunejournéeoùjenepensepasàtoi.Jesuiscertainequemonairdoitlaisserparaîtremonincrédulité.—C’estquoi,l’affaire?Tun’astrouvépersonneàbaisercesoirettupensesquejepourraiste
dépanner?Félixsembleblessé.Réellement.Maisjem’enmoque.—Tucroisvraimentquec’estcequisepasse?Maëlie,tuesletypedefillequineseprésentepas
deuxfoisdansunevie,etj’aiététropimbécilepourm’enrendrecompteavant.JesuissoulagéedevoirEdwards’avancer.Jen’aipasenvied’avoircettediscussionavecmonex,
nimaintenantnijamais.Jevoislesyeuxd’EdwardseposersurFélix.Dèsqu’ilarrive,ilsepenchepourembrassermeslèvresdoucement,puissetourneversFélix.
—Edward,dit-ilentendantlamainversmonex.—Félix.—Troistéquilas,demandeEdwardaubarman.Trois!Qu’est-cequ’ilfait,ilvaluipayeràboire?—Vousvousconnaissez?questionneEdwardensetournantversmoi.—Noussommessortisensembleunmoment.—Félix.Ahoui ! Jem’en souviensmaintenant, cen’estpas cegarsque tu as trouvéavecune
autrefemme?LevisagedeFélixsedécompose.—Oui,c’estbienlui.—J’étaisjustementvenum’excuseràMaëlie.Elleneméritepasça.Edwardlanceunbilletauserveuretattrapesatéquilaennousordonnantd’ungestedelatêtede
nousemparerdelanôtre.—Jecomprendsquetudoisleregretter.Ettuasraison,Maëlieméritebeaucoupmieux.Maisje
pensequ’elle s’en est bien remise.Quant àmoi, je devrais te remercier.C’est vrai.Sans toi, je nel’auraisjamaisconnue,dit-ilenposantunnouveaubaisersurmeslèvres.
Cettefois,saboucheestpluslascivesurlamienne.Sibienquej’aideschaleursquiparcourentmanuque.
—Vousêtesensemble?questionneFélix.Edwardfrappesonverredetéquilasurlemienenmefaisantunclind’œilqueFélixnepeutvoir,
puisilsetourneverslui.—Oui,onestensemble,répondEdwardensoutenantsonregardunmomentavantdepencherla
têtepouravalerlecontenudesonverre.Avantquej’aieeuletempsdeledéposerlemien,Edwardserredenouveaulamaindemonex.—Merci,Félix!
Edwardm’attrapeparlataillepourm’attirerversleplancherdedanse,maiss’arrêteàquelquesmètresdubar.DefaçonàcequeFélixnousvoie. Ilprendmonvisageentresesmainsetsaisitmaboucheaveclasienne.Cettefois,ilm’offresalangueenprime.Quelledouceur!Mieuxquedansmesrêves.Ilm’embrassecommes’ilsedélectaitdumeilleurfruitdumonde.Ilpasseunemaindansmescheveuxetretientmatêtecommes’ilnevoulaitplusmelaisser.
OhmyGod!Edwardestpartoutsurmoi.Ilcaressemanuqued’unemainettientmonvisagedansl’autre.Son
corpssemouleaumiendefaçonsisalacequej’ailesjambescommedelaguenille.Jecomprendsqu’ilabuetquelesinhibitionssonttombées.JesaisisaussiquetoutçaestdanslebutdedonneruneleçonàFélix,maislàmoncorpsnerépondplusdesesactes.J’ail’impressionqu’unJellyFishs’estincrustédansmoncerveau.QuandEdwardmelibèreenfindesonsupplicedivin,ilposesesprunellesdanslesmiennes.Jelevoissansl’apercevoir.
—Jenet’aipastroptraumatisée?—Non,tupeuxrecommencerquandtuveux.Merde!Qu’est-cequejeviensdedire?—OK!Edwardmesouritavantdemetirerdanslafoule.Ilmetientcontrelui,alorsenpeudetemps,j’en
oubliemonex.Lecorpsd’Edwardquisefrotteaumienetsonsourireensorceleurontraisondemoi.Sonbaiseratransformécettesoiréeenunequejeneveuxplusvoirfinir.Edwardaussis’amuse.Jelevoisetjelesens.Ilestheureuxd’êtrechezluietjepensequ’ilaimesasoiréeautantquemoi.Jedoismerappelerqu’iln’estpasvraimentmonpetitami.Luiaussi,ondirait.Jedansedevantluitandisquesesyeuxrestentaccrochésauxmiens.Ilmetouchesanscesse.Sesmainstrouventtoujoursuneraisondeprendretantôtmataille,tantôtmonbassin.Etmoi,jesavourechaquecontact.
—Tuveuxrentrer?—Oui.Chezvousoucheznous?demande-t-ilenriant.—Entoutcas,ceseraentaxi.—Jenevoispasdutoutpourquoitudisça!Jerécupèrenosmanteauxpendantqu’Edwardappelleletaxiquinousramèneraentoutesécurité.
Ensuite,onserenddansl’entréepourl’attendre.—Merci,Maëlie,j’aipasséunesuperbesoirée.Jesuisdépriméequ’ilmediseçamaintenant,j’auraisvouluqu’ildormeàlamaisonoumoichez
lui.—J’aiadorénotresoirée.Jesuisdéçuequ’ellesoitterminée.—Onpeutlaprolongerchezmoi,situveux.—OK!Yes!IlyauneMaëliequidanselalambadadansmatête.
18Dèsqu’il entre chez lui,Edward retire sonmanteauet sa chemisequ’il portait surun tee-shirt.
C’estseulementàcemomentquejeréalisequejen’aipasgrand-chosepourmechanger.Jen’avaispasprévudormirici.Jeprendsleboutdevêtementqu’ilvientdedéposersurlecanapé.
—Est-cequejepeuxemprunterça?—Biensûr!EdwardserendaulecteurdeCDpourmettredelamusique.J’ignorequiestl’artiste,maisc’est
parfait.Beaucoupplus relaxque cequ’onvientd’entendre au coursdesheuresprécédentes. Jemedirigeverslasalledebainpourretirermarobeetenfilersachemise.Quandj’ensors,Edwardlèvelatêteets’avanceversmoipourmerejoindresurleseuildelaporte.
—Jelesavais!—Quoi?—Plus tôt, tuasmentionnéque tume trouvaissexy,mais j’avaisundoute.Jemedisaisqueça
devaitêtreàcausedelachemise.Etlà, j’ai laconfirmation,sourit-ilentirantsurlesmanchestroplonguespourmoi.
—Voussavezquevousêtescharmant,monsieurO’Toole?Edwardmeprenddanssesbras,commeill’afaittoutelasoirée,etappuiesonfrontsurlemien.—Jesuischarmant?Pourtant,là,jen’aipluslachemise,souffle-t-il.—Non,c’estlabarbed’unjourquej’aime,dis-jeencaressantsonvisage.Soudain,l’atmosphèrebadinechange.Edwardglissesesdoigtsentrelesmiensavantd’élevernos
mains au-dessusdema tête et demepousser pourm’appuyer aumur. Il saisitmamâchoire etmeforcedoucementàleverlatête.Avantquejecomprennecequisepasse,Edwardm’embrasse.Illaissemamain et porte la sienne dansmes cheveux. L’autre est appuyée surmon bassin qu’il tire pourm’obligeràsentirsoncorpscontrelemien.
Houston!Onaunproblème.NiFélixniAntoinenesontlà;alorspourquoifait-ilça?Jeveuxbienconcevoirqu’ilabu,mais
pasaupointdedevenirhétéroquandmême!Cen’estpasquejeneveuxpas.Aucontraire,j’enmeursd’envie.
Lebaiserd’Edwarddevientintense,presquetroppourêtrenormal.Pourtant,jenerêvepascettefois.Jesenssarespirationdevenircourteetsesmainssemettentàeffleurermachemise.Ildéfaitunbouton.Ladentelle demon soutien-gorge apparaît.Les yeuxd’Edward se posent sur la courbedemonsein.Jesuisétourdieàmebattrecontremondésiralorsquematêtesedemandepourquoiilmeregardedecettefaçon.Malgrétout,jemelaisseporterparlacaressedesabouchesurmoncouetdesesmains.Oh!Cesmains.Pourquoisont-ellessidoucessurlapeaudemondos?
Etpourquoisont-ellessurmoi?Sousmachemise!Sanslebrusquer,jemetsfinaubaiserenappuyantmesdoigtssursonvisagepourlerepousser.
L’aird’Edwardestinquiétant.Ilalesyeuxfous.Commeceuxd’unanimalàquionretiresaproie.Ilclignelespaupièresplusieursfois,commes’ilreprenaitsesesprits.
—Qu’est-cequetufais?dis-jeenchuchotant.Edwardsembleàlafoisperduetpenaud.—Je…Tu…Euh…Dèsqu’ilretiresesmainsdesurmoncorps,jesenslevides’installerdansmoncœur.Ilrecule
d’unpas.Jeluisouris.Pluspourlerassurerqueparcequejetrouvelasituationdrôle.Aufond,j’aienviedepleurer.Jenepeuxpascroirequejesuisentraind’empêcherEdwarddem’embrasseretde
metoucher.—Jesuisdésolée,Maëlie.J’aicru…Edwards’éloigneenpassantsesmainsvigoureusementdanssescheveux.Ilparaîtaussiégaréque
lanuitoùils’estréveillépendantqu’ilm’embrassaitlanuque.—Est-cequetuvasprétendrequetuétaisfatiguéetqueturêvais?J’ailancécettequestionenriant,maismonrirefauxtraduitsurtoutmoninconfort.Edwardétire
leslèvres,maissonsouriren’atteintpassespupilles.—Non,jesuistoutàfaitéveillé.J’aijustemalinterprétélasituation.Jecroyaisquetuenavais
envie.Hein?Edwardmarcheverslacuisine.Enfait,j’ignoreoùilva.Jepensequeluinonplusnelesaitpas
trop.—Iln’yapaspersonneàduperici,tupeuxreprendretonrôled’ami.Edwardrelèvelatêtebrusquement.—Cen’étaitpasunrôle,Maëlie.J’enavaisenvieetjepensaisquetoiaussi.Là,jesuisunpeumêlée!—Edward…Évidemmentquej’enaienvie,maisjenepensepasquecesoitunebonneidée.Je suis surprise qu’il croie que je pourrais juste coucher avec lui sans rien attendre ensuite.Et
puis, c’est quoi cette mode d’avoir des relations sexuelles avec les hommes ou les femmes ?Commentc’estpossiblede…
—Pasunebonneidée?répèteEdward.Jem’approchepourpouvoirleregarderdanslesyeux.J’ail’impressionquejel’aiblessé.—Jet’aimetrop.Etjeneveuxpasperdrecequ’ona.Notreamitiéaplusd’importancequetoutle
reste.Jenemesuisjamaissentieaussibienavecunhommeetjecrainsquesionfranchitcetteligneplusriennesoitpareil.
Edward est devantmoi àme dévisager avec des yeux si tristes que je crois quemon cœur vafendre en deux. Je pensais que lui dire à quel point je l’aime allait compenser, mais je n’ai pasl’impressionquec’estlecas.
—Jesuisdésolée,Edward.Jenevoulaispasqueçaseterminedecettefaçon.C’estmafaute…—Non,rienn’esttafaute,m’interrompt-ilens’avançant.Ilouvrelesbraspourm’inviteràmeblottircontresontorse.Commeuneautomate,jem’yrends.
Sansriendire,jerestecolléeàluiàmefairecaresserlescheveuxunlongmoment.—Jevaisallerprendreunedouche.Tupeuxallertecouchersituesfatiguée,dit-ilensemantun
baisersurmatête.—Oui,jelesuis.C’est unmensonge. J’aimeraismieux rester éveillée encoreunpeu,mais la situation étrange a
brisél’élanqu’avaitlasoirée.***
Jesuisallongéedanslelitd’Edwarddepuistellementlongtempsquejecommencesérieusementàmedemanders’iln’apaschoisidedormirdansuneautrechambre.J’aientendudumouvementdanslasalledebainunmoment.Ensuite,ladoucheacoulépendantquelquesminutes,maisdepuisjen’aipasportéattention.J’ignorecombiendetempsapassé,parcequej’étaisperduedansmespensées.Jedécided’allervoircequ’ilfait.
Quandj’ouvrelaportedelachambre, j’entendsunetrèsfaiblemusique.JenevoispasEdwarddans lesalonet le lecteurdeCDestéteint.Enregardantvers lamezzanine, j’aperçoissasilhouette
dansl’obscurité.Ilestpenché.Jemedirigeversl’escalieràpasfeutrés.Peuàpeu,j’entendslesnotesd’uneguitare.C’estluiquijoue.Levoirassisdanslanuitàgratterlescordesmeserrelecœur.Lamélodieestdouceetjolie.J’ignoraisqu’iljouaitd’uninstrument.Pourtant,j’auraisdûm’endouter,puisquesamèreenseignaitlamusique.Edwardseretourneenentendantlecraquementdel’escalier.
—Continue.Jenevoulaispast’empêcherdejouer.Jem’approche,maisilrestesilencieux.—Jesuisdésolée,Edward,j’aivraimentgâchélasoirée.—Non.—Tu restes là, seul. Je vois bien que je t’ai blessé. Ce n’était pasmon but. Tu es la dernière
personneàquijeveuxfairedumal.—Jepensaisàmamère.—Tut’ennuiesd’elle?—Oui.—C’estellequit’aenseignélaguitare?Ilhochelatêtepourconfirmercequin’apasàl’être.Jevoistrèspeusonvisage,maissesyeux
luisentdanslanuit.J’ail’impressionqu’ilapleuré.Mesavoirresponsabledesapeinemetorturedeculpabilité.
—Tujouesquandtupensesàelleoutusongesàelleparcequetutienstaguitare?— Ce soir, je voudrais lui parler, et quand je joue d’un instrument, j’ai l’impression qu’elle
m’entend.Moncœurvientd’hériterd’une tonnedebriques. J’ai lagorgenouéecommesi jevenaisd’en
avalerune.Sansm’en rendre compte, jeme suis rapprochée de lui. Edward étant assis, ma taille est à la
hauteurdesonvisage.Ildéposesatêtesurmonventre.Sansréfléchir,mesmainsseglissentdanssescheveux.Jenelesaipastouchéssouvent.Ilssontdouxcommedelasoie.Appuyécontremoi,jelesens fragile, pourtant c’estmoiquime retiensdepleurer.Edward adélaissé saguitare etme tientmaintenant les hanches solidement. Cette vulnérabilité me bouleverse. Rien à faire, mes larmescoulentsansfin.
Je laisse ses cheveux d’unemain pour pouvoir essuyermes joues. Edward choisit cemomentpourserelever.
—Tupleures?Jesuisdésolé,Maëlie, jenevoulaispastefairedepeine,dit-ilenprenantmonvisage.
Ilparsèmemonvisagedepetitsbaisers,commepourséchermeslarmes.Sondernierbisouquiaatterrisurmeslèvresétaitsalécommelamer.
—Maëlie,jet’aimetellement.Jeneveuxpastefairedemal.—Edward,tunem’asrienfait.Aucontraire,c’estmoiquimesensmochedet’avoirmisdanscet
état.Ilplanteunbaiserentremesdeuxyeuxetmeserreànouveaucontrelui.Ilm’enlaceavecunetelle
vigueur que jeme sens comme une fillette dans ses bras. Jeme laisse fondre contre son corps àrespirersonodeursiréconfortante.Sicen’étaitpasdelaraisonquiacausécetteétreinte,jevoudraisrestercolléeàluijusqu’àlafindemavie.Lajoueappuyéesursapoitrine,jemelaissebercerparsarespiration.On reste dans cette position un bonmoment avant qu’ilme tire par lamain pourmeconduiredanssachambre.
***Aumatin,j’ouvrelespaupièreslapremière.Edwardestcouchésurledosàquelquescentimètres
demoi.Troploin.Jemeglissedoucementversluienm’assurantdenepastropremuerlematelas.Jem’appuiesursontorsequiestdénudé.Ilneportequ’unboxerquandildort.Soncœurbatàunrythmerégulier; lespulsationssontcommedelamusique.J’observesonabdomenplatetsesabdominauxsculptésparlesport.Ilestbeau,ilsentbonetsapeauestdouce.Jeledétested’avoirceteffetsurmoi.Je caresse son ventre du bout des doigts. Je ne peuxm’empêcher d’approchermes lèvres de sonnombril.J’aitrèsenviedel’embrasser.
—Bonjour!ditEdwardd’unevoixrauque.—Jesuisdésoléedet’avoirréveillé.Ilsecontentedesoutenirmonregardsansrépondre.—Hangover?—Unpeu.Toi?s’enquiert-il.Monvisageengrimacemesertderéponse.Ledéjeunersepassedansuneatmosphèrebizarre.Nienjouée,nilourde,nitriste,justebizarre.Je
mesenscommelelendemaind’unonenightstand…sanslesexe!C’esttellementnul.J’auraispuaumoins profiter de la situation. En vacances, Crystal me disait d’agir comme s’il n’y avait pas delendemain.Sic’estcequej’avaisfait,lesmainsd’Edwardseseraientbaladéespartoutsurmoncorps.Enypensant,jesoupiresifortqu’Edwardlèvelesyeuxversmoi.
—Çava?Un«ouais»vaguementmarmonnémesertderéponseaprèsquoijemepenchesurmesœufs.Il
n’insistepas.Quandlemomentdepartirarrive,Edwardmeraccompagnejusqu’autaxi.—Mercipourlasoiréeet…Ildéposeunindexsurmeslèvrespourm’empêcherdem’excuserdenouveau.— Je ne t’en veux pas,Maëlie. Je t’aime ! souffle-t-il en ouvrant la portière du taxi pourme
laissermonter.—Jet’aimeplus.—Impossible!Edward me sourit, se penche pour embrasser mes lèvres tendrement et referme la porte du
véhicule.Lecontactdeseslèvressurlesmiennesmefaitmal.J’ailecœurenmillemiettes.Jesuistristeet
déçue.Encolèreaussi. Ilétaitprêtàfaire l’amouravecmoi.Pourquoi j’airefusé?Pourquoi jenepeuxpasêtrecommeleshommes…etCrystal?Poserlaquestion,c’estyrépondre.Jenesuisjustepascommeeux.Jesuistropsentimentale,tropidéaliste,tropstupide!EtEdward,commenta-t-ilpupenserquej’arriveraisàséparermoncorpsdemoncœur?Bon,c’estvraiquejeluiaiditquec’estce que je prévoyais faire. Quand même, il me connaît, il aurait dû savoir que ce n’était que desimbécillités.Commetoutcequejedis.Finalement,jesuisfâchéecontrelui.
Jepassemonsamedienentieremmitoufléedansunegrossedouillette,àsiroterdestisanes.Ilfaittropfroidpoursortiretdetoutefaçonjesuisseule.Toutesmesamiesfilentleparfaitbonheuravecleursamoureux.C’estvraimentnul.Nul.Nul.EncequiconcerneEdward,ehbien,j’essaiedenepasypenser.
Parchance,demainj’aiunsouperdefilles.C’estgrâceàmoi.J’aifaitunemontéedelaitàmesamies par courriel en revenant de chez Edward. Entre autres choses, je leur ai glissé de ne pascherchermaphotodanslasectionNécrologie,enajoutantquejenesuispasencoremorte.Jeleuraiaussiditquelemoisdelapréventiondusuicideestenfévrier.Etj’aifinienleurrappelantqu’onétaitdescopinesavantqu’ellessuccombenttoutesàunêtred’uneracepitoyable.
Résultat:lesouperalieuchezCrystal.***
Jesuislapremièrearrivéechezmonamie.Jelisl’inquiétudesursonvisagedèsqu’elleouvrelaporte.Jepensequemoncourrielluiafaitpeur.
—Çava?medemande-t-elled’unevoixsidoucequejepensequ’uneautreâmeaprispossessiondesoncorps.
—Ouais,ouais!dis-jeendéposantlabouteilledevintellementfortsurlecomptoirquejecrainspendantunesecondequ’elleexplose.
Oups!Avant l’arrivée des autres, je la questionne sur Laurent, mais elle reste discrète. Oui, Crystal
discrète.Incroyable!—Tu peuxm’en parler, tu sais !Ce n’est pas parce quema vie amoureuse est un beau tas de
merdeemballédansdupapierdoréquejenepeuxpasêtreheureusepourtoi.Crystalsefigeunmoment.J’ail’impressionqu’ellen’estpascertainesielledoitriredecequeje
viensdedire.Finalement,c’estmoiquilefaispourelle.Ellefinitpars’esclaffer.—Jet’enprie,dis-moicequitemetdanscetétat.Je n’ai pas le temps de m’expliquer, car Alexa et Zoey s’amènent à ce moment. Elles aussi
paraissentsoucieuses.Crystalleremarque.—Vouspouvezrelaxer,lesfilles,Maëlies’apprêtaitàmeraconterpourquoiellequalifiesavie
de,etjelacite:«beautasdemerdeemballédansdupapierdoré»!ZoeyetAlexaéclatentderire,maisaprèsuncourtinstantellesmeregardentpours’assurerqueje
risaussi.C’estlecas.Pendant la soirée, j’apprendsqueZoey ira auCostaRica en avril prochain avec Joshua.Alexa
nousannoncequ’elleretourneàNewYorkpourlelongcongédePâques.Crystal,elle,nousraconteque Laurent voudrait qu’elle réfléchisse à la possibilité de déménager son bureau àQuébec. Sansgrandesurprise,notreamienousexpliquequ’elleneferapascegenredechangementmajeurdanssavie de façon aussi rapide. Par contre, son ton laisse supposer qu’à long terme elle pourraitl’envisager.QuiauraitcruqueCrystaltrouveraitl’hommedesavieavantmoi?
Le temps deme rappeler de quel gars je leur ai parlé en dernier, je récapitulemes dernièresaventures.Olivierleromantiquecoincé,Estebanleroidesimbéciles,leMessie,dieudesITSS,Félixl’infidèlerepentantetEdwardl’homosexueldevenuhétérooccasionnel!
—Attends!s’exclameCrystal.Tuesentraindemedirequ’Edwardt’aembrasséeetquetul’asrepoussé!
—Ilnem’apasjusteembrassée,ils’apprêtaitàmedéshabiller.Zoey,AlexaetCrystalaffichentunairincrédule.—Quoi!Vousnepensezpasqu’ilvoulaitcoucheravecmoi?—Ce qui est difficile à croire n’est pas que lui souhaite le faire,mais que tu refuses, répond
Alexaencontinuantdemefixercommesij’étaisanormale.—Youhou!Lesfilles,ilesth-o-m-o-s-e-x-u-e-l.Voussavezcequeçaveutdire,non?—Nous,oui,maispaslui,ondirait,rigoleCrystal.—Arrête !Tun’espasdrôle.C’est justementça, leproblème.Onavaitbu toute la soiréeet je
pensequelaproximitéqu’ilyaentrenousabrouillélescartes.—Jesuistoutemêlée.Jenesavaispasquec’étaitauxcartesquevousétiezentraindejouer.Jevoudrais tirer la langueàCrystal,maisAlexaetZoeysechargentdeluidécocherunregard
mauvais.
—OK!Jenesuispeut-êtrepascomique,maisjenecomprendspasplusc’estquoi,tonproblème.—Monproblème!—Oui,pourquoias-tu refusé?Legarsa toutpour teplaire.Et là,nem’inventepasn’importe
quoi.Jesaisqu’ilteplaît.Onsaittoutesqu’iln’estpasunsalaud.Etjecontinuedepenserquec’estunboncoupaulit.
—Sûrement!S’ilcoucheavectouteslessortesd’humains!Mesamiesnerelèventpasmonsarcasme.—OK!Laissonsdecôtésonhomosexualitépourunmoment,commenceAlexacommesielle
s’apprêtaitàparlerd’unsujettrèssérieux.SitunefaisquepenseràEdwardentantquepersonne,est-cequetul’aimes?
—Évidemmentque je l’aime !C’est pour çaque jen’ai pasvoulu coucher avec lui !Vousnecomprenezdoncrien!
Zoeyalenezretrousséetmeregarde,l’airperdu.—J’aimetropcegars-làpourprendrelerisquedeleperdreauprofitd’unehistoiredebaise.—Maissilabaiseestbonne!lanceCrystalenmeversantduvin.—Justement,c’estcequejecrains.Lavérité,c’estquejenefaispasjustelecraindre,jelesais.Je
n’aiaucundoute.—C’estvrai?demandeAlexasuruntonmalicieux.—Oh oui. Il embrasse tellement bien, et son corps… hum ! Sa façon de bouger quand ilme
touche.Outch!C’estungarsgénéreuxetpassionnéaulit,c’estcertain.Letempsdedireça,jemesuisremisedansl’émotion.Sibienquejem’éventeavecmaserviette
detableaupointoùmesamiesmedévisagent.Aprèsunlégermalaisependantlequeljeprendsunegorgéedevinpourreprendremesesprits,Zoeydemande:
—Etsi,toutcomptefait,iln’étaitpashomosexuel?Jeveuxdire,çaarrive,desgensquicroientqu’ilsontuneattirancepourunsexe,maisquiseravisentauboutd’unmoment.
CrystaléchangeunregardavecZoey,alorsqu’Alexaobservemaréaction.—Cen’est pas ça.On s’est embrasséspour faire croire àFélixqu’on était ensemble.On était
soûls,l’alcooletlesattouchementsontattisénossensetfaittomberlesinhibitions.—Commenttupeuxenêtreaussicertaine?questionneAlexa.EtsiZoeyavaitraison?Je soupirependantque je réfléchis à la façonde leur faire comprendrequ’onneguérit pasde
l’homosexualité…sansleurdévoilerquej’aifaitunerechercheInternetsurlesujet!—Jesaisqu’EdwardestgaiparcequelafindesemaineoùnoussommesallésàQuébecilapassé
lanuitavecungarsqu’ona rencontré.Je lesaisaussiparceque lesoirduSuperBowl j’aidormichez lui et unde ses ex a téléphoné. J’étais là et je l’ai entendu luidirequ’il nepartageait pas sessentiments.Aprèsavoirraccroché,Edwardm’aexpliquésarelationaveclui.
Mesamiessontbouchebée.Jenesaispastroppourquoicequejeviensderaconterachangéquoiquecesoitpourelles,maissoudainementellessontpluscompatissantes.
—Oh,Maëlie!sedésoleAlexaenselevantpourmecâliner.Zoey, toujours muette, me fixe sans ciller. Crystal, elle, fronce les sourcils, comme si elle
n’arrivaitpasàcroirelasituationdanslaquellejemesuismise.—Est-cequetuasavouéàEdwardquetul’aimes?finitpardireZoey.—Oui…non.Ben,ouietnon.—Tupourraisêtreplusvague?semoqueCrystal.—Oui,Edwardsaitquejel’aimeparcequejeluiaidit.Maisjenepensepasqu’ilsaitquesiles
circonstancesn’étaientpastellesqu’ellessontjevoudraisfairemavieaveclui.
—Dis-lui!proposeAlexa.—Oui,tudoisluiavouer,approuveCrystal.—Ilaledroitdesavoir,insisteZoey.—Çanechangerarien!—Peuimporte,reprendAlexa,jepensequ’Edwarddoitsavoircommenttutesensparrapportà
lui,neserait-cequepourqu’ilarrêtedet’embrassertoutletemps.Jenepeuxpasm’empêcherderigoler.C’estvraique,pourdesamis,ons’embrassesouvent.—Oui,jesupposequecen’estpasunemauvaiseidée.Maispasmaintenant.Pastoutdesuite.—Pourquoi?veutsavoirZoey.—Jesuisencoreàl’enversaveccequis’estpassévendredisoir.Jeferairedescendremalibidoet
ensuitejeluiproposeraideparler.Jenevaisquandmêmepasabordercesujetaubureau.—Tuasraison,m’appuieAlexa.—Etpuis j’aiunrendez-vousavecOliviermercredi.Quisait?C’estpeut-être l’hommedema
vie.—Entoutcas,ilestdrôlementromantique,commenteZoey.Queracontaitsadernièrecarte?Jevoudraisêtrelesoleildetesjours,lalunedetesnuits,leslarmesdetesyeux,leremèdede
tesdouleurs,lesouriredetesjoiesetl’uniquepersonnedetavie.—J’aimevraimentmonLaurent,maistonOlivierlebatdanslesproses!Touchées par la citation, les filles soupirent, fixent le vide et affichent un sourire niais.Même
Crystal.—OK!Assezparlédemoi.Etvous,quoideneuf?Zoeysemetsoudainàsautillersursachaise.—Moi,j’aidunouveau,nousinforme-t-elleendéployantsacollectiondedents.—Tuesenceinte!Crystals’étouffeavecsagorgéedevinenentendantAlexa.Pournotregrandevoyageuse,iln’ya
pasd’urgencepourl’élémentbébé.Unjour,elleenvoudra,c’estcertain,maispaspourlemoment.—Mieuxqueça.Ellenousobserveenespérantqu’uned’entrenousdevinera.C’est làque jepensecomprendre.
Riend’autrequesapassionnepourraitlarendreaussiheureuse.—Tuaseuuneréponsefavorabled’unéditeur?Sonsourire,quejecroyaisdéployéaumaximum,s’élargitencore.—Quoi!Vraiment!Wow!s’exclamentmesamies.—Qu’est-cequetuattends?Allez,raconte!gémitCrystal.—Cen’estpasencoresigné,maisjeviensderecevoirunepropositiondecontratd’unéditeuren
Europe.C’estunepetitemaisond’édition,maisc’estjustementcequimeplaît.L’assistanteàl’éditionaditquemonmanuscritn’avaitreçuquedescommentairesfavorablesducomitédelecture.
LerestedelasoiréeaveclesfillesestconsacréàlapossibilitédepublicationduromandeZoey.Jesavaisquequelqu’unfiniraitparremarquersontalent.Jesuisvraimentheureusepourelle.LedésirdeZoeyde voir ce projet professionnel se concrétiser est aussi intense que lemiende rencontrerl’hommedemavie.Sesdéceptionsliéesàsonbutsontégalementcomparablesauxmiennes.Enfin!Commequoi,toutvientàpointàquisaitattendre.
***Lesjournéessuivantesauboulotontétéardues.Depuisledébutdelasemaine,jecroiseEdward
partout,danslescorridors,prèsdesascenseurs,enréunion.Ilaeuàmeparleràdeuxreprises,unefoisdansmonbureauetuneautreoccasiondans lesien.Chaquefois, ilacevisagedéfait.Triste?
Déçu ?Blessé ? Je l’ignore,mais ce que je sais, c’est que notre relation a changé.Un fossé s’estcreusé.Çamebriselecœur.Jepensequelesfillesontraison,jedoisluiparlerdecequejeressens.Je crois qu’il comprendramieux pourquoi je l’ai rejeté. J’espère qu’il saura que ce n’était pas unrejet, mais un moyen de me protéger pour ne pas être blessée. J’ignore quand je le ferai,probablementàlafindelasemaine.Pourlemoment,jesuisdébordée.Enplus,c’estcesoirquejesors avecOlivier.C’est confirmé, je lui ai parlé cematin. Il semblaitmoinsnerveux au téléphonequ’enpersonne.Jepensequesavoirquejem’intéresseàluiapermisdefairetomberunebarrière.
Il est dix-sept heures trente quand je passe devant le bureau d’Edward pour le saluer avant departir.Ils’apprêteàquitterluiaussi.Çamesurprenddelevoirrentreràlamaisonàcetteheure.
—Déjà?—Oui,j’aiunrendez-vous,m’informe-t-ilenmerejoignant.Quandmesyeuxseposentsursespoignets,jeremarquequ’ilportelesboutonsdemanchetteque
je lui ai offerts pour la Saint-Valentin.Mon cœur s’émiette un peu plus.Les portes de l’ascenseurs’ouvrentetons’installefaceàfaceàl’intérieur.Avantquelacagemétalliqueaitletempsdebouger,elles’ouvredenouveau.Olivierestdeboutdevantnous.Jedéglutis.
—Salut,Olivier.Olivierhochelatêteafindesaluersonpatronetsetourneensuiteversmoipourmesourireavant
deseplacersurl’autreparoi.Edwardsoutientmonregard.Incapabledel’affronter,jebaisselesyeuxsurmeschaussuresquideviennentmonunivers.
—Bonnejournéeautravail?questionneEdward.—Oui,excellente.—Tantmieux,rétorqueEdwardencontinuantdem’observer.Onestqueljouraujourd’hui?—Mercredi,répondOlivier.Jecontempletoujoursmespieds,maisjesensleregardd’Edwardsurmoi.Sesyeuxmebrûlent
commedufeu.Jesaisqu’ilsesouvientqu’Olivieretmoiavonsrendez-vouscesoir.Parchance,ilnedit rien.Quand l’ascenseur s’arrête enfin, jemedécide à lever la tête.Lesprunelles d’Edwardmecaressentlevisage.Unlégerrictusestprésentsurseslèvres.Pasunsouriremoqueurouarrogant,unquisembleplutôtdirequ’ilnem’enveutpas.J’arrivepeut-êtremêmeàydéchiffrerunsouhaitqueçasepassebienpourmoiavecOlivier.
Àmoinsquecesoitmonimagination…—Bonnesoirée!lance-t-ilensortant.—Bonnesoirée,Edward!Les mots m’étranglent. Je n’ai pas le temps de ne rien ajouter, car quand je me tourne vers
Olivier,ilestlààm’attendreensouriant.
19J’ai proposé àOlivier de sortir dansunbistro en songeantque si notre rendez-vous sepassait
bien,onpourraitresterpourmanger.Jeneluiaipasfaitpartdecetteinformation,cardecettefaçon,sijedécidedepartir,ilneserapasinsulté.
L’endroit de type lounge est principalement fréquenté par une clientèle d’affaires. D’ailleurs,quand nous observons autour, les hommes sont presque tous en habit et les femmes, en tailleur.Olivier choisit une bière d’importation californienne et,moi, je prends unDryMartini… pour lapremièrefoisdemavie!Jenesaispasdutoutcequiatraversémonesprit,maisaumomentoùlaserveuseestvenueprendrenotrecommande,cesontcesdeuxmotsquisontsortisdemabouche:DryMartini.Jesuistellementbizarrequemêmemoijemefaispeurparfois.
Quandnosconsommationsarrivent,jeprendsunegorgéedemonverreetrisquedem’étouffertantc’estintense.
—Jen’aijamaisgoûtéàça.—Moinonplus,dis-jeentoussotant.—C’estvrai?—Oui.J’avaisenvied’unchangement.—Wow!J’adorelesgensaudacieux,jen’aipasdutoutcettequalité.C’estbon?—Tuveuxgoûter?Jepousselacoupeverslui.Olivierensiroteunepetitegorgée.—Hum…C’estdélicieux!—Tutrouves?—Ouais,pastoi?—Pourfaireroulermavoiture,peut-être.Olivierrigole.Jeletrouvevraimentbeauquandilsourit.Aujourd’hui,ilporteunechemiseverte
quiluivatrèsbien.Ellemetenvaleursapeaufoncéecommeduchocolataulait.J’adoreça.Ildéposelacoupedevantmoi,partiellementsurlesous-verre.
Oups!J’essaiedelarattraper,maistoutlecontenumetombedessus.Olivierdevientécarlate.—Cen’estrien.Net’enfaispasavecça.—Jesuissimaladroitquandjesuisavectoi,jesuisdésolé,Maëlie,s’excuse-t-ilpendantqueje
m’épongeavecmaserviettedetable.Tumerendsnerveux.—Vraiment,cen’estriendutout.Jen’aimaispascecocktail,enplus.Laserveuseàquij’aifaitunsignearriveprèsdenous.Jeluicommandeunverredechardonnay
etreprendsmaconversationavecOlivier.—Jesuiscontentequetusoisici.—Etmoi,trèsheureuxdetoninvitation,mêmesijesuisstressé.—Jen’aimepasquetusoisnerveuxenmacompagnie.Pourêtrehonnête,jenecomprendspas
pourquoitul’es.—Tuesbelleetconfiante,jetrouveçaintimidant.Jesuissouslecharme.Ilalancécescomplimentsdemanièresinaïvequej’aienvied’ycroire.
***D’unsujetàl’autre,Olivieretmoiensommesànotredeuxièmeverre,àpartleDryMartinique
j’aisurlajupe.Iln’apasfaitd’autrebourdeetl’alcoolcommenceàledégourdir.Nousavonsmêmeduplaisirensemble.
—Tuvisaucentre-villeouenbanlieue?—Enbanlieue.OnaunemaisonàCandiac.On?Iladit«on».—Tunevispasseul?—J’habitechezmesparents,annonce-t-ilavantdeprendreunegorgéedebière.Quoi!Jenesuispascertainesijedoisluidemanders’ilvientdesedivorcer,maisj’aienviedesavoir.—Tuesinstallélàdepuisquand?—Euh…depuisquejesuisné,doncvingt-sixans.Hein?OK!Là, jenecomprendsplus rien.Primo, iln’aquevingt-sixans,et secundo, iln’est jamais
partidechezsesparents!Est-cequej’aibiensuivi?—Tuasvingt-sixans?—Tucroyaisquej’étaisplusjeuneouplusvieux?Aumoinsplusvieuxquemoi!—J’avouequejecroyaisquetuétaisunpeuplusvieux.—Moi,j’aitriché,jeconnaistonâgeàcausedel’accèsàtadatedenaissancedanstondossier.Je
saisquetuaurasvingt-neufansbientôt.Lefaitd’êtreunpeuplusvieillenemeposepasdeproblème,maisilvitchezsesparents,etça,
c’estunepremièrepourmoi.Saufquandj’étaisausecondaire,biensûr.—AlorstuhabitescheztesparentsàCandiac…Jelaissemaquestionensuspensparcequej’ignorecommentlaformuler.Aufond,ilveutpeut-
être ramasser de l’argent pour l’acquisition d’une maison sans avoir à faire un emprunt tropimportant.Jenevoispascequ’ilyademalàça.Mêmequec’estbien.
—Tuprévoisacheterunemaisonouuncondoprochainement?—Non,pourl’instant,jesuisbienàlamaison.Ah,ouin!—Tuneprévoispasfonderdefamilleàcourtterme?Jen’enrevienspasquej’aieoséposercettequestion.Jesaisbienquec’estabsurded’allerdans
cessujetsdèslepremierrendez-vous,maisçamebrûlaitleslèvres.—Puisquejen’aijamaiseudepetiteamie,jesupposequecen’étaitpasdansmespréoccupations.—Tun’asjamaisétédansunerelationsérieuse?—Jen’aijamaisétédansunerelationavecunefilleavant.—Pourquoi?Cellesavecquituessortinetedonnaientpasenviedet’engager?—Non,jenesuissimplementjamaissortiavecpersonneavant.Jesuisdeplusenplusincertainedecequ’ilraconte.Soitjerêve,soitilsemoquedemoietaune
facultéincroyablepourgardersonsérieux.Jedoisafficherunairperplexe,carilreprend.— Ça semble toujours surprendre les gens. Je ne comprends pas pourquoi. Même ma mère
n’arrivaitpasàlecroirequandjeluiaiannoncéquejesortaisavecunefillecesoir.QUOI!—Attends,Olivier.Est-cequejedoiscomprendrequejesuis lapremièrefilleavecqui tusors
prendreunverre?Ilconfirmed’unhochementdetête.—Pourquoi,n’es-tujamaissortiavecpersonneavant?—Parcequejen’avaisjamaiseud’invitationavant,répond-ilsimplement.
—OK.Maistoi,tun’asjamaiseuenvied’inviterunefille?—Non.—NON!Soudain,jepensesaisir.—Es-tusortiavecdesgars,alors?—Non.Jepréfèrelesfemmes,répond-ilenrougissant.Là,jenecomprendsplusrien.Sij’aivraimentbiensuivicetteconversation,Olivierestvierge.Jesuisdansunrendez-vousavec
unpoète romantiqueviergedevingt-six ansquivit chez sesparents.Àcemoment-ci, notre sortien’estpluscepourquoielleaétéprévue.Toutcequejeveux,c’estcomprendrecequipeutbiensepasserdanslatêtedecegars-là.Crystal,elle,verraitdestasdepossibilitéstorduesàsortiravecuntypevierge.Moi,jesuisjusteintriguée.
Olivierm’annoncequ’ildoitserendreauxtoilettes.Jel’observependantqu’ilmarche.Soncorpsest élancé et ses épaules sont larges. Il est vraiment séduisant. Je n’arrive pas à croire qu’aucunefemmeneluiaitmislamaindessusavant.
Entoutcas,jen’auraispasbesoindecondomgéantsijecouchaisaveclui!Cette pensée me fait sourire. Je quitte Olivier des yeux seulement quand il s’enfonce dans un
corridorauboutdubistro.Deuxhommesattirentalorsmonattention.Enm’étirant lecoupour lesobserverdavantage,jereconnaisEdward.
Merde!Edwardetl’autregarsrient.Ilsparaissentpasserdubontemps.Jemedemandes’ilestenréunion
d’affairesousice typeestplutôtunfuturamant.J’aimalauventrequand j’ypense.Jeprendsunelampéedevinpouressayerdefairepassercettebouleque j’aidans lagorge.Jemedéplacesur labanquetteenespérantqu’Edwardnemeverrapas.Pourtant, jen’arrêtepasde le regarder. J’essaied’analysersonlangagenonverbal.Laproximitédeleursmains,lesourireetleregardd’Edward.Jenevoisaucundocumentsurlatable.Jevoudraisquecesoitlecas,qu’ilsoitlàpoursigneruncontrat.Mais iln’yariend’autrequedeuxbières.Jen’arrivepasàsavoirdequelgenrederendez-vousils’agit.QuandOlivierrevientàlatable,sapositionmebloquelavuesurEdward.Çamesoulage.Sansquoimesyeuxnecesseraientderegarderdanssadirection.
Pendantlesminutesquisuivent,jesuisdéconcentréeparlaprésenced’Edward,maisjefinisparl’oublierquandjememetsàquestionnerOlivier.J’apprendsentreautresqu’ilestunadeptedejeuxvidéoetquesesparentsluiontoffertunenouvelleconsoleàNoël.Detouteévidence,nosviesnesontpasaudiapason.Mêmesic’estluiquim’aécritcesmessages–cequejenesaistoujourspas–,jenepeuximaginerêtredansunerelationaveclui.Passeulementparcequ’ilvitchezsesparents,qu’ilestvierge, qu’il est plus jeunequemoi et qu’il passe ses soirées à jouer àdes jeuxvidéo.Mais aussiparceque,mêmesijedétestel’avouer,jesuisamoureused’Edward.Oui,amoureuse!Tantetaussilongtempsquejen’auraipasfaitledeuildenotrerelation,ceseraitmalhonnêtedemapartd’essayerdem’impliquerdansuneautre.
AprèsavoirparlélonguementdeGrandTheftAuto,unjeu«superdébile»,paraît-il,j’aidécidéquej’enavaisassez.J’ailaissédesindicesclairsàOlivierquecerendez-vousseraitleseuletunique.Ce n’est pas qu’il n’est pas gentil. Au contraire, il est tout à fait charmant. J’irais même jusqu’àaffirmer qu’à l’exception d’Edward il est le gars le plus convenable que j’ai rencontré dans lesderniersmois.Çaauraitétéunrendez-vousparfait,sij’avaiseuquinzeans!
***Noussommesjeudi,jeviensàpeined’arriveraubureauquemoncœurs’arrêteenvoyantmon
clavier garni d’une nouvelle enveloppe. J’ai envie de vomir en la voyant. Je ne sais pas si c’estOlivier quime fait parvenir toutes ces belles pensées,mais j’ai un gros doute. Je suppose que laréponseestpeut-êtreàl’intérieur.Detoutefaçon,jem’enfiche.J’aibeauêtrecomplètementsouslecharmedecegenred’attention,Edwardprendtoutelaplacedansmonesprit.D’ailleurs,j’aiprisladécisiondeconsulterunpsypourm’aideràvoirclairdanstoutça.C’estvrai,àmoinsd’êtrecinglée,commentunefillepeut-elletomberamoureusedesonpatrongai!Malgrétout,jem’installeàmonpostedetravailetjel’ouvresanstarder.
Cettenuit,j’aifaitunrêveimpossible,j’airêvéquelaneigebrûlait,quelesoleilgelaitetquetum’aimais.J’auraisvoulunejamaismeréveiller.
J’auraisaussibienpuécrirecettecitationmoi-mêmeenpensantàEdward.J’aienviedepleurer.Jerangelepetitcartondanssonenveloppe.Quandjelèvelesyeux,Edwardestlà.Jesursaute.
—Bonjour,Maëlie.Jesuismalàl’aised’êtreentraindelirecemessagedevantlui.J’ignoredepuiscombiendetemps
ilsetientàcetendroit.—Salut!Jeglisse l’enveloppesous leclavier,mêmesi je saisqu’il l’avue. Jeme lève sans trop savoir
pourquoijelefais.Luimeregardesansparler.Commes’ilessayaitdemetransmettresapensée.Ouveut-ilplutôtliredanslesmiennes?Jebaissemesyeuxsurledocumentqu’iladanslamain.Jetentedemeressaisir.
—Tuasbesoindemeparler?—Oui,j’aiuntrucàtemontrer.J’aimeraisavoirtonopinion,dit-ilens’avançant.Ils’installesurl’unedeschaisesdansmonbureaupourmemontrerunesoumissionrelativement
àunprojetpourunclientimportant.Pendantcetemps,jeréussisàoublierlasituationentrenousetàmettremonchapeaudedirectrice.Luiaussiendossebienson rôledeVP.Le tempsd’échangersurquelquespointsdelogistique,Edwardrefermeledossieretplantesesyeuxdanslesmiens.
—Merci,Maëlie.Jeluisouris.Ilselève.Jel’imite.Ilsedirigeverslaporte.—Toutsepassecommetuveux?«Non!»ai-jeenviededire.Etjeréponds:—Non.Edwardarrêtedemarcheretmefixeunmomentquiparaîtêtreuneéternité.—Est-cequetuveuxenparler?«Oui!»ai-jeenviededire.Etjeréponds:—Jem’ennuiedetoi,Edward.Merde!Jenepeuxpascroirequej’aiditça.Edwardgrimacecequiseveutunsourire,maissonvisageressembleplusàceluidequelqu’un
quejeviendraisdepoignarder.—Tumemanquesaussi.Ils’approchedemoi,maisMayasepointesurleseuildelaporteàcemoment.—Maëlie,ilyaLaffontsurla3,tupeuxleprendre?—Oui……maisjepréféreraisnepasavoiràlefaire.Edwardrestelà.—Jepensequemonpatronvoudraitquejem’occupedecetappel.Ilmesourit.Réellement,cettefois.
—Onpeutsortirdîner,situasdutemps?propose-t-il.—Aujourd’hui,cen’estpaspossible,maispeut-êtredemain?—Demain,jenepeuxpas,peut-êtrecesoir?suggèreEdward.—Cesoir,j’aiunrendez-vous,peut-êtredemainsoir?Lasonneriesefaitinsistante.—Jevaisprendrecetappeletonenreparle.—OK!acquiesce-t-ilavantdesortir.
***Lajournéepassevite,maisjen’aipaslachancederecroiserEdward.Enfinissantdetravailler,je
me rends directement chez ma nouvelle psychologue. J’ignore par où commencer. Je voudraispouvoirouvrirmoncrâneetmoncœurpourqu’ellesachetoutd’uncoup.
Jemesensbizarred’êtreici.Jen’aijamaisconsultéavantaujourd’huietjenesaispastropàquoim’attendre.Évidemment, j’aides tasd’idéespréconçues.Jem’imagineétenduesurundivandevantunefemmefroidequinefaitquem’écoutersansriendire.
Ladameà laréceptionmefaitcompléterunefichepourmesassurancescollectives.Je terminematâchequanduneclientesortdubureauenriant.
Çanesemblepastroppénible!Uneautrefemmesepointequelquesminutesplus tard.Elleestdans lacinquantaine,brune,eta
l’airsévèreavecseslunettessurleboutdesonnez.Elleprendunechemisesurlecomptoiravantdesetournerversmoi.
—MademoiselleFaye?C’estmapsy.Jemelèveetmedirigeversellepourluitendrelamain.Elleestsourianteetparaît
gentille.Ellem’assigneunechaise.J’endéduisquejeneseraipasallongée.Sonbureauestbeaucoupplusagréablequel’idéequejem’enétaisfaite.Elledébuteenm’expliquantqu’elleest tenueparlesecret professionnel et que ce que je dirai restera confidentiel à moins que ma vie ou celle dequelqu’und’autresoitendanger.
Quandmêmepas!Aprèsquelquesquestionsbanalespourfinalisermonformulaire,ellelemetdecôté.—Alors,Maëlie,voudrais-tum’expliquerlaraisondetaconsultationaujourd’hui?Jesoupireungrandcoupetcommence.—Jesuisiciàcausedeshommes:lesinfidèles,lesdonJuan,lesimbéciles,lesgais,lessalauds
etceuxdontjesuisamoureuse!Pastoutàfaitdanscetordre.IlyaFélixquim’atrompéeavecunefille plus jeune. Mon ancien patron qui voulait que je couche avec lui avant de m’offrir unepromotion.Isaakquiespéraitm’aideravecmakundalini,maisquiétaitmarié.Estebanquinevoulaitpas que je grossissemême si on ne sortaitmême pas ensemble ; ilm’a empêchée de prendre undessertetj’enaiprisdeuxpourlefairesuer.UnautrequiseprenaitpourleMessie,maisqu’Alexam’asuggérédenepastoucher.IlyaOlivier,unpoèteromantiqueviergeàvingt-sixansaccroauxjeuxvidéo.Maisjenesuispascertainequelegameretlepoètesoientlemêmegars.EtEdward,monpatronhomosexueldequijesuisfollementamoureusedepuisquejeluiaifoncédessusenfaisantdelaplongéeenapnée.C’était justeaprèsavoir refuséd’aller surune îleavecun fouquivoulaitmebaiseravantdemejeterdanslamer.Lui,jel’airencontréaprèsAntoine,quejetrouvaisgentil,maisquiaunelanguevisqueusecommecelled’unreptile.
Mapsychologueretireseslunettesetmeregardeavecdesyeuxdepoissonfrit.Ellebatdescilscentfoisavantdeparler.
—Ouf!
C’est tout ce qu’elle dit, pourtant c’est assez pour que j’éclate en sanglots. Elle me tend unmouchoir.Jelavoism’observeràtraversmonrideaudelarmes.Sonregardestdevenucompatissant.Empathique.Jepensequ’ellenemejugepas.
—Situveuxbien,Maëlie,nousallonsreprendretoutçapluslentement.Larencontreaduréprèsdedeuxheures.Engénéral,c’estpluscourt,maisjepensequ’elleasenti
madétresse.Aprèsavoirfaitletridansmesidées,c’estsurtoutd’Edwardqu’onaparlé.Selonelle,ilétait la priorité. Elle est du même avis que mes amies. Elle croit que je devrais lui avouer messentiments. Elle pense qu’il doit savoir que, même si ses intentions ne sont pas mauvaises, laproximitéqu’ilentretientavecmoilanceunmessagecontradictoire.Mathérapeutecroitqu’Edwardest sincèredans sonamitiéetqu’ilmériteque je le soismoiaussi.Mêmesien findecompte j’enviensaumêmeconstatqu’avantmarencontre,çam’afaitdubien.Beaucoupdebien.Elleaaffirméquejenesuispascinglée.Bon!C’estcertainquecen’estpastellementàsonavantagedem’annoncerquejesuisfolle.Aprèstout,quipaieraitcentdollarsl’heurepoursefairedétruirel’estimedecettefaçon!
***C’estladernièrejournéedelasemaine.Jemesensmieuxetpluslégèredepuisquejesuissortie
dechezmapsy.MêmesivoirEdwardoccasionnetoujoursdedrôlesdepapillonsdansmonestomac,l’idéedetoutluiavouermefaitdubien.Ellearaison,Edwardestgentiletilnemejugerapas.J’aibienessayédedemanderàmathérapeutecommentluiexprimercequejepense,maisellearépondulamêmechosechaquefois :«Laisseparler toncœur,Maëlie, ilnese trompe jamais.»C’estplusfacile à dire qu’à faire ! Je suppose que si le moment est bien choisi ce sera plus facile. Alorsj’attendraiquelescirconstancess’yprêtent.
Leséclatsderiresincèresd’unhommeattirentmonattention.D’oùjesuis,jenedistinguepasdequiils’agit.Enrevanche,jevoisEleonorarriverversmoiensouriant.
—Tuasvuquiestici?Jehochelatêtenégativement.Jemedresseensuitesurlapointedespieds.Envain.—Lepèred’Edwardvientd’arriver.—Vraiment?J’aimeraistellementlerencontrer.—Cequ’ilestcharmant!commenteEleonorenrougissantlégèrement.Oh!Jesaisqu’Eleonorestveuveetvitseuledepuis lamortdesonmari,mais jenemesuis jamais
arrêtéeàlaquestionnersurleshommes.J’ail’impressionquelepèred’Edwardestsongenre.—Ilestleportraitd’Edward,saufpourlacouleurdescheveux.Ilatoutd’uncapitaine.Ildoitêtre
trèsbeaudanssonuniforme.—Est-cequesavisiteétaitprévue?—Non, il a fait une surprise àEdward, qui semble très heureux. Je pense qu’il ne restera pas
longtemps.Justement,jesuisicipourtedirequejecroisqu’Edwardremettrapeut-êtrelaréuniondecetaprès-midi.Ilnemel’apasannoncé,maisjesuispresquecertainequ’ilvoudraprofiterdutempsavecsonpère.
—OK!J’enprendsnote.Je me réinstalle au travail, mais j’ai dumal à me concentrer. Je suis curieuse de voir à quoi
ressemblelepèred’Edward.JesongeunmomentàallerporterundossieràEleonorpourfouiner.Sonbureauétantprèsdeceluidupatron, jepourraissûrement l’apercevoir.Jemetrouveidiote.Jerejettecette idéepour leur laisser leur intimité.Quelques secondesplus tard,Eleonormedemande
d’allerlavoir.Jebondissurmespiedsetcourspresquepourmerendre.Laportedubureaud’Edwardestouverte.Sonpèreestassisdevant lui,dedos.Jenepeuxdonc
voirquesonprofil.Jepeuxtoutmêmedevinerqu’ilsemblegrand,luiaussi.—Edwardm’ademandédet’informerquevendredidelasemaineprochaineiltefaudraallerà
l’extérieur.JesuisàpeineattentiveàcequemeraconteEleonor,carmonregardestplusintéresséparlepère
d’Edward.—Jesuistoutàfaitconscientequetunem’écoutespastropencemoment.D’ailleurs,jen’étais
pasdutoutobligéedetelediremaintenantetj’auraisaussibienpulefairepartéléphone.JevoulaisquetupuissesvoirmonsieurO’Toole,parcequejesavaisquetuenmouraisd’envie.
JemetourneversEleonorquirefermeunœiltaquin.—Maispuisquetuesici,jevaisenprofiterpourt’informerquetudevrasapporterdesvêtements
légerspourcevoyage.LeclientquevousdevezrencontrerestàMiami.—C’estvrai!— Oui. Vous partez le vendredi matin, mais je n’ai pu vous avoir de vol convenable avant
dimanche,grimace-t-ellecommesic’étaitunemauvaisenouvelle.—Oh ! zut ! Je serai coincée àMiami pour deux jours !Quelle affaire ! dis-je avec une note
théâtrale.Eleonors’esclaffe.—Quelclientdois-jerencontrer?—Leclient,c’estAcrõbata,m’annonce-t-elleaprèss’êtrepenchéesursondossierpourtrouver
l’information.—Quim’accompagnera?Elleseraclelagorge.—Edwardseraavectoi,répond-elleenguettantmaréaction.Même si nous n’en discutions pas, Eleonor sait qu’il se passe quelque chose. Elle n’est pas
aveugle,ellesaitbienqu’ilplaneuneatmosphèrebizarredepuisquelquetemps.Jepensequeceseraparfaitdemeretrouverseuleaveclui.
—Edwardm’a expliqué que tu n’as rien à préparer pour cette rencontre. Puisqu’il s’agit d’unpremiercontact,ils’occupedetout.Alorstufaistavalisecommesic’étaitdesvacancesd’unweek-endsurleborddelamer,dit-elleenmesouriant.
Jen’aipasletempsderépondrequ’elleregardeverslebureaud’Edward.—Viens!Ilveutnousvoir.JesuisEleonortimidement.Quandonentredanslebureaud’Edward,sonpèreetluiselèvent.Cet
homme a une prestance impressionnante.C’est vrai qu’il a l’allure d’un capitaine de bateau. Il estélégantdanssonhabitsombre.Jem’avanceversluipourluiserrerlamain.
—C’estunplaisirdefairevotreconnaissance,monsieurO’Toole.Jem’appelleMaëlieFaye.—Décidément!Monfilssaitbiens’entourer,lance-t-ilenprenantmamain.Justement,j’étaisen
traindeluidemanderquandilmeferaitdespetits-enfants.Edwardréprimeunrireenmefixantd’yeuxquisemblents’excuserdesproposdesonpère.—Quoi!C’estvrai,dansunanjeseraiàlaretraite,etsijen’aipasdepetits-enfantspourjouer,
jem’ennuierai.Etquandjevoisqu’ilyaunéventaildejoliesfemmesici,jenecomprendspascequisepasse.
Soudain, j’ai un serrement au cœur. J’ai l’impression que son père n’est pas conscient de sonorientation.Edwardmesouritnéanmoins.
—Eleonor,vousvoudriezréserverunetablepourdînerdansunetrentainedeminutes?Jesorsmangeravecmonpère.
—Toutdesuite,monsieurO’Toole.Lepèred’Edwardgrimaceensetournantverssonfils.—Tuviensdemedirequevous travaillezensembledepuiscinqansetelle t’appellemonsieur
O’Toole!—Oui,c’estuneexigencedesapart,mentEleonorensemordantlajouepouréviterderire.Edwardroulelesyeuxetlèvelesdeuxpaumesversleciel.Sonpèrecomprendvitequec’esttout
lecontraireetiltrouveçahilarantàenjugerparseséclatsderire.—J’adoretonassistante!Jetel’aidit,hein?—Oui,plusieursfois!Eleonorrougitencore.— Que voudriez-vous manger, monsieur O’Toole ? demande-t-elle en regardant le père
d’Edward.—Jepréféreraisquevousm’appeliezDavid.—Parfait,David.Alors,dequoiauriez-vousenvie?—J’auraisenviequevousacceptiezdevenirsouperavecmoicesoir.Eleonorétouffeunpetitriretimide.—Jechoisiraipourvous,danscecas.—Vouschoisirezceque jemangeraipourdîneravecmon filsou le restaurantoùnous irons,
vousetmoi,cesoir?Ignorant sa dernière question, Eleonor tourne les talons,me sourit et sort du bureau. Le père
d’Edward a vraiment une grande ressemblance avec son fils, mais il n’a pas du tout la mêmepersonnalité.Ilssonttouslesdeuxcharmants,maisdemanièrebiendifférente.
—Avais-tubesoindemevoir?dis-jeenmetournantversEdward.— En fait, je voulais vérifier si Eleonor t’avait parlé du client à Miami, la fin de semaine
prochaine,maisjesouhaitaissurtoutprofiterdel’occasionpourteprésentermonpère.Là,jeregretteunpeu.
Jesourisaupèred’Edwardquineparaîtpasdutoutoffenséparcequevientdediresonfils.—Oui,Eleonorvienttoutjustedem’informerqu’onpartiravendredimatin.—TuvasàMiamileweek-endprochainaveccettejoliefemme?C’estdur,letravaildeVP!Jem’apprêteàrepartirversmonbureau,maislepèred’Edwards’adresseencoreàmoi.— J’espère ne pas vous avoirmisemal à l’aise avecmes insinuations. Je veux juste taquiner
Edward,jen’aipassouventl’occasiondelefaire.Edwardn’apasbesoindemoipourluiindiquerquiferaitunemèreparfaitepoursesenfants.Jeconnaismonfils,c’estunsensibleetunromantique;iltientçadesamère.Ilesttêtucommeelleaussi.Mêmesijevoulaisluisuggérerquichoisir,ceseraitpeineperdue.Iln’yaaucundoutedansmonesprit,ilattendsaCendrillon.
Je sais que, bien que Cendrillon n’ait pas le même sexe que la personne qui partagera la vied’Edward,c’estvraiqu’ilattendcettepersonnespéciale.Onenparlesouvent.
—Jemepermetsd’embêterEdwarddevantvousparcequ’ilm’adit quevous étiezunebonneamie.
Je me contente de lui rendre son sourire. À défaut d’être sa Cendrillon, je suis heureusequ’Edwardmeconsidèreencorecommeunebonneamie.
20Au moment où je suis penchée sur mon classeur à ranger mes dossiers, une ombre vient
s’installerdevantmaporte.Edwardestdebout,appuyésurlechambranle.—Tut’esremisedetarencontreavecmonpaternel?—Ilesttellementcharmant!—Ondirait.IlaréussiàconvaincreEleonord’allersouperaveclui.—C’estvrai?!Jesuiscontente.—Moiaussi.Edwardrestelà,sansparler.—Alors,tuesoccupépourlafindesemaine?— Je visite une maison dimanche et j’aimerais avoir ton opinion. Je me demandais si tu
accepteraisdem’accompagner.—Tuenastrouvéuneintéressante?—Plusqu’intéressante.Etc’estgrâceàCrystal.—Crystal?—Tutesouviensqueleplanqu’ellenousamontré,ellel’avaitvenduàuncoupledontl’homme
étaitdanslesforcesarmées?—Oui.—Ehbien,ilsemblequ’ilaitencoreétémuté.Alorsilsdoiventvendre.Crystalm’atéléphonéce
matin pourm’en informer. J’ai tout de suite appelé l’agent immobilier et j’ai réussi à obtenir unevisitedimanche.Selonlafiche, lesecteur, le terrain, toutcorrespondàcequejerecherche.Entoutcassurpapier.Jevaisallervoiràquoiçaressemble.Penses-tuavoirdutempspourveniravecmoi?Tu aurais peut-être une autre perception. La cuisine, entre autres. Je suis certain que pour lafonctionnalitéceseraitplusfacilepourtoiàévaluer.
—Çameferaitplaisir.—Super!J’éteinsmonordinateuretattrapemonsacpoursortirdubureau.—Tun’espas tropdéçuedeperdre ta finde semaineprochainepour le travail ?medemande
Edwardpendantqu’onmarcheverslasortie.J’aiconnupirequedemerendreàMiamiavectoi!—Pasdutout.—Tantmieux.—Tupassesleweek-endavectonpère?Évidemment,cettequestionensous-entenduneautre:as-tudutempspourmoi?—Cesoir,jerencontreunclient.C’estpourcetteraisonqu’ilétaitlibredesortiravecEleonor.Je
passeraimon samedi avec lui. Il quitteMontréal dimanche endébut dematinée. Je t’appellerai dèsqu’ilseraparti,m’informeEdwardpendantquelesportesdel’ascenseurs’ouvrent.
—OK!Jemonteàl’intérieuretlesportesserefermentsurunEdwardsouriant.
***CrystalestàQuébecpourlafindesemaineetAlexaconsacrelasienneàNick,quiestchezelle.
J’aipasséma journéede samedi àmagasiner avecZoey.Commeelle s’envolepour leCostaRicabientôt,ellevoulaits’acheterquelquesvêtements.ÉtantdonnéquejedoisalleràMiami,mêmesicen’estquepourdeuxjours,j’avaisenvied’unnouveaumaillot.Bizarrement,jenemesuispascasséle
couchaquefoisqu’oncroisaitunbeaugars.Jesuisessouffléedetoutecetterecherched’homme.Ilyaaussidesconseilsdemapsydanscettenouvelleattitude.Elleprétendquelorsqu’oncherchetrop,on ne trouve pas. Évidemment, elle m’a allègrement parlé du concept du lâcher-prise. Ce beauprincipe, auquel il est presque impossible d’accéder, à moins d’être unmoine tibétain, me donneenviedevomir.Jenesuispluscapabled’enentendreparler!Malgrétout,ças’estproduitsamedi.Pasparcequej’aieuuneillumination,maisplutôtenraisondetoutesmesmauvaisesexpériencesquionteuledessussurmamotivation.
Pour l’instant, j’attends Edward. Il viendra me chercher d’une minute à l’autre. J’ai déjà monmanteauetm’apprêteàpartirquandmonvoisinentrecommeunetornadechezmoi.
—Salut,Moricio!—Oh!Tut’envas?—Oui,maisj’aiquelquesminutes.Moriciosedirigeversmonfrigopourensortiruncartondejus.Ilboitàmêmel’ouvertureen
s’appuyantsurlecomptoir.—Oùvas-tu?—Visiterunemaison.Moriciobaisselecartondejusetmefixeavecdesyeuxinquiets.—Tudéménages?demande-t-ilsuruntonquinecachepassadéception.—Non,cen’estpaspourmoi,dis-jesurlemêmetonquelui.—C’estpourqui?Uneamie?—PourEdward.—LebelIrlandais.J’oublie toujoursqu’il est Irlandais,maisMoricio, lui, s’ensouvient. Jepensequ’il aun faible
pourcecoindepays…etpourEdwardaussi.—Oui.Toc.Toc.Toc.—Enparlantduloup.Moricioseprécipitepourouvrir.Enlevoyant,lesourired’Edwards’élargit.—Hé,Moricio!s’exclame-t-ilenempoignantsamain.—Ilparaîtquetutecherchesunemaison?—Ouais,répondEdwardens’avançantpourm’embrassersurlajoue.Je trouve ça toujours étrange. Nous travaillons ensemble, et lorsqu’on se voit au bureau, nos
échangessontdifférents,professionnels.Pourtant,dèsqu’onensort,onsetraiteautrement.Jamaisilnem’embrassequandj’arriveauboulot.Parchance,carseslèvresmefontl’effetd’unpistoletTaserchaquefois.Moncorpsenentieresttraverséparunedéchargeélectrique.Çafinirapeut-êtreparmetuer.
J’attrapemonsacàmainpendantqu’EdwardetMoricioéchangentsurlesecteuroùestsituéelamaisonqu’ilsouhaiteacquérir.
—Garde-le,dis-jeàMoricioalorsqu’ils’apprêtaitàremettrelecartondejusdansmonfrigo.—Prête?medemandeEdward.LetempsqueMoriciofasselaprovisiondequelquesfruits,noussommessurnotredépart.Assisesurlesiègedupassagerdelavoitured’Edward,jeconsultelesinformationsqu’ilasorties
surlamaison.—Ilyaquelquesphotosàlafindudocument,m’informeEdward.Jem’yrendsimmédiatement.Seloncequejevois,çasemblebien.Trèsbien,même.Lasallede
bainestparticulièrementbelleavecsagrandedouche.Sic’étaitmoiquihabitais là, je la laisseraistellequelle.Lescouleurs rappellent lebordde lamer.C’est très relaxant. Je trouve intéressantquecertainsclichésprisenétésoientinclus,caronpeutvoirlejardin.Leterrainestbienaménagé;ilyaunepiscinecreuséeetunjacuzzi.C’estunecourparfaitepourdesenfants.
—Tuneparlespas,mefaitremarquerEdward.—Çasemblevraimentbien.En arrivant dans le quartier, j’observe que, contrairement à la ville, ici en banlieue, il y a de
l’espaceentrechaquemaison.Aujourd’hui,ilyadelaneige,maisjepeuxfacilementimagineràquoilaviepeutressemblerpendantlasaisonestivaleaveclesenfantsquiycirculentàbicyclette.
—C’estcelle-là,m’informeEdwardenralentissant.LamaisonestsituéedansunerueenU.Elleestàquelquesmètresd’unparcoùglissentdespetits
garçons.—Dixsurdixpourlequartier.Edwardsouritàmoncommentaireensegarantdansl’entrée.La femme qui nous accueille est dans la mi-trentaine. Elle est seule. Son mari est au travail,
semble-t-il,etlesgarçonsquijouentauparcsontlessiens.Pendantqu’onsepromèneàl’intérieurdela maison, Edward la questionne sur les taxes, le coût de l’électricité et toutes sortes de trucsinintéressants à mes yeux. De mon côté, j’observe les pièces en réfléchissant à la façon dont jeplaceraismesmeublessic’étaitchezmoi.Jepenseavoirsentidansleregardd’Edwardunréelintérêtpourcettemaisonquandilyamislespieds.Personnellement,jel’achèteraissur-le-champ.Elleestparfaite. Jene lediraipasdevant lapropriétairepournepasnuireauxnégociationsd’Edward s’ildécide de l’acquérir, mais je n’y changerais rien. Les pièces sont grandes et bien pensées. Lesarmoiresetl’espacederangement,suffisants.Bravo,Crystal!Lasalledebainannexéeàlachambreàcoucherprincipaleestencoreplusbellequesurlaphoto.J’aienviedeprendreunbain,là,toutdesuite.Jesorsdemesréflexionslorsquej’entendslapropriétairelancer:
—Jesuiscurieusedesavoircequevotrefemmepensede lasalledebain.Cettepièceestmonhavredepaix.
Edwardmejetteunsourireencoin.—Jelatrouvetrèsbelle,etvousavezraison,lescouleursquevousavezchoisiessontapaisantes.—Vousavezdesenfants?Jem’apprêteàluiexpliquerquenousnesommespasuncouple,maisEdwardrépond.—Non,pasencore.Onaimeraitenavoirdeux.Aufond,ilaraison.Qu’est-cequeçachange?— Les chambres des garçons sont ici, nous informe-t-elle en amorçant sa marche dans un
corridor opposé à celui où nous sommes. Nous voulions que les chambres des enfants soient aumême étage que la nôtre, mais qu’elles ne soient pas trop près, afin de conserver notre intimité.Aussi, on aorganiséune salledebain justepour eux,pour lesmêmes raisons.Nous sommes trèscontentsdecechoixetlesenfantsl’apprécientaussi.
Même si je suis emballée par cettemaison, j’essaie d’être objective. Pourtant, tout le long desvingtminutesdevisite, jenevoisrienquicloche.Assisesurundesbancsducomptoiràdéjeuner,j’observelejolidosseretquis’agenceàmerveilleaveclesarmoires.Edwards’approchedemoi,sanslapropriétaire.
—Alors, qu’est-ce que tu en penses ? chuchote-t-il. Tu crois quemini-Edward etmini-Maëlieseraientheureuxici?
J’étouffeunrire.
—Très.Jemetourneverslagrandefenêtredelacuisined’oùonpeutvoirlapiscine.Mêmesileterrain
estenneigéetquelebassind’eauestrecouvertd’unetoile, jepeuxfacilementimaginerlaviedanscette courenété. Jeme lèvepourmieuxévaluer l’espace.Le tempsdequelques secondes, jepeuxpresquesentirleventchaudetl’odeurdeBBQ.Edwardestdeboutprèsdemoietparaîtfairelemêmeexercice.Soudain, j’ai le cœurgonflé.Debonheuretde tristesseà la fois. JevoisEdwardavec lapersonne spéciale qu’il aura choisie ainsi que ses enfants.Un garçon et une fille,mini-Edward etmini-Maëlie.Plutôtquedes’apitoyersurlefaitqu’iln’aencorepersonnedanssavie,Edwardfaitcequ’ilfautpourtracersonchemin.Jel’admirepourça.J’ail’impressionqu’ilperçoitcommentjemesens,parcequ’ilpassesonbrasautourdemoiquandlapropriétairenousrejoint.
Ellenousannoncequ’ilsemménagentdansleurnouvellemaisondansdeuxjours,cequiexpliquel’amasdeboîtesdanslegarage.Ilsdoiventvendrevite,letravaildesonmarilesyoblige.Letempsqu’Edward lance un charabia destiné à aider pour une future négociation, nous sortons. Ce n’estqu’unefoisassisdanslavoiturequ’Edwardlaisseparaîtresonenthousiasmepourlamaison.Moidemême.
—Qu’as-tupensédelacuisine?—Elleestbelle,spacieuseetfonctionnelle.Parfaite,selonmoi.—Lasallefamiliale?—Elle est assezgrandepour aménager différents espaces.Quand tes enfants seront grands, tu
pourrasmêmeinstalleruncoinpourlesdevoirs.Edwardmesourit.—Alorstul’aimes?—Beaucoup.—Mercid’êtrevenueavecmoi,Maëlie.Edwardprendmamainpourembrasserledessus.Pourquoij’aisienviedepleurerencemoment
?Jedevraisêtreheureusepourlui.J’étirelalèvrepourluisourireetjemeréfugieensuitederrièremesverresfumés.
—Tuasfaim?medemandeEdward.Tellementpas!—Unpeu.Même si je n’ai pas envie demanger, j’ai le goût d’être avec lui.Alors j’accepterai toutes ses
propositions.—Pasplusqueça?Jehausselesépaules.—Çanevapas…Merde!Jeneveuxpasgâcherlepeudetempsquej’aiaveclui,justementparcequejenepeuxpasêtre
aveclui.Jedevraispeut-êtreluiavouermaintenantcequejeressens.Jemesentiraissûrementmieuxaprès.J’hésite.Edwardm’observe,enattentedemaréponse.
— Je pense que l’hiver commence à me peser. J’ai envie de faire du sport et les drôles deconditionshivernalesm’ontlimitée.
Cen’estpastoutàfaitunmensongeaufond.Lespentesdeskiontétéimpraticableslamoitiédel’hiveretlefroidestparfoissiintensequemêmesepointerlenezdehorsnem’intéressaitpas.
—Ilfaitbeauaujourd’hui,commenteEdward.Ilaraison,lecielestsansnuagesetbleucommeonnelevoitqu’enphoto.
—Onpourraitallerpatiner?suggère-t-ilenmesouriant.Quellebonneidée!—Tuasdutemps?—J’aimonaprès-midi.Edward a réussi àme faire tout oublier. On s’est amusés comme des fous sur la patinoire du
Vieux-PortdeMontréal.J’étaisdéçuedelevoirpartir,maisildevaitrentrerchezluipourpréparersavalise.IlseraàNewYorkpourlespremièresjournéesdelasemaineetdoitprendrel’avioncesoir.Nousavonsquandmêmemangéunebouchéeensembleavantqu’ilmeraccompagnechezmoi.
Lepèred’Edwardaraisondeprétendrequesonfilsestsensible.Jesuisconvaincuequ’ilsaitquelavisitedelamaisonm’atorturée.Ilnem’ariendit,maisjel’aisentidanssonregard.Ilnepeutpassavoirquec’estàcausedelui.Jesupposequ’ilcroitquec’estenraisondecethommequ’iln’yapasdansmavie.Cequin’estpastrèsloindelavérité.Iln’apasabordélesujetdemonrendez-vousavecOlivier.Ildoitsedouterquesijeneluienaipasparlé,c’estqu’iln’yariend’intéressantàraconter.Jen’aipasnonplusoséluimentionnerquejel’aivuavecunhomme.J’ignoretoujourss’ils’agissaitd’unrendez-vousgalantoud’affaires,maisjepréfèrenepaslesavoirpourlemoment.Jenesuispasprête.Quandjeluiauraiavouémessentiments,Edwardchoisiracequ’ildécidedemedireoupas.Etmoi,jeseraiplusàl’aisedeluifairesavoirsidesdétailstropintimesmedérangent.
***La semaine a passé en un temps record.Mes soirées étaient toutes occupées. Lundi, j’avais un
souperaveclesfilles,mardi,c’étaitleyoga,mercredi,lapsy,ethiersoirj’aipréparémavalisepouralleràMiamidansquelquesheures.Letravailaussiapermisquejenevoiepasle tempsfiler.J’ail’impression d’avoir été en réunion sans arrêt. L’événement marquant de cette semaine a été lanouvelleEleonor.Depuislundi,ellechantonneaulieudeparleretelledanseaulieudemarcher.Jemedoutaisquesonrendez-vousaveclepèred’Edwardyétaitpourquelquechoseetjenemesuispastrompée. J’avais l’impression d’entendre une adolescente de quinze ans quand elle me parlait deDavid. L’idée qu’elle puisse tomber amoureuse à nouveau me réchauffe le cœur. En plus, je saisqu’elleaimebeaucoupEdwardetqueluil’adore.Penserqu’ellepuissefréquentersonpèremedonneenviedesourire.Pourl’instant,Davidestcapitained’unnavireetapeudejoursdecongé,maisdansunanàpeineilseraàlaretraite.Eleonorm’aconfiéqu’ilviendralarevoirlemoisprochain.Illuiaaussi demandé quand étaient ses prochaines vacances. Selon ce qu’elle m’a expliqué, David estresponsable d’unbateaude croisière qui navigue sur laMéditerranée. Il voudrait qu’elle puisse sejoindre à lui pour quelques semaines.Même s’il doit travailler, il semble qu’il jouisse d’assez detempspourqu’ilssevoientplusieursheuresparjour.Eleonorm’aracontéqu’illuiavaitpromisqu’ils’assurerait qu’elle ne s’ennuie pas quand il serait occupé. Ses propos étaient accompagnés d’unsourirelibidineux.ElleprévoitdemanderàEdwardlasemaineprochaines’ilpeutlalibéreraudébutduprintemps.Monpetitdoigtmesoufflequesonpatrontrouverabienlemoyendefaireplaisiràsonassistanteetàsonpère.
21Noussommesàl’aéroport,enattentedenotrevolpourMiami.Avecsonjean,sontee-shirtetses
lunettes fumées installées sur sa tête, Edward a davantage l’allure du gars que j’ai rencontré envacancesqueduVPavecquijetravailleauquotidien.J’observesonsacdevoyageenmedemandantcomment il prévoit s’y prendre pour que sonhabit ait une allure présentable quand il l’en sortira.Edward,quivientdeconclureunappel,rangesoncellulaire.
—Qu’est-cequeturegardescommeça?—Tonsacdevoyage.Tonhabitneserapasfroissé?—Jen’aipasd’habit.Aumêmemoment, la voixmachinale de la damequi annonce le départ résonnedans les haut-
parleurs.Jenesaispasgrand-choseduclientquenousallonsrencontrer,maisjetrouveplutôtbizarrequ’ilchoisissed’établirunpremiercontactenneportantpasdecomplet.
—Jet’expliqueraiquandnousseronsassis,ajoute-t-ilentendantsonbilletàl’agentdebord.Ce n’est que lorsque l’avion a finalement décollé qu’Edwardm’en reparle. Il se détache et se
tourneversmoi.Passeulementlatête,maislecorpsenentier.—LevoyageàMiamin’estpasvraimentpouraffaires.Par chance, j’ai confiance en Edward, sinon je serais paniquée en cemoment. Je suis dans un
avionpourMiami enpensant que jedois rencontrer un client dansquelquesheures etmonpatronm’apprendquecen’estpascequisepassera.
—Jen’aipasdeparachutepourmesauver,est-cequejedoiscraindrecequim’attend?—J’avouequecen’estpeut-êtrepastrèsrassurant,rigoleEdward.—Cen’estpassipénible,aufond.C’estécritMiamisurmonbillet,pasAfghanistan.Enplus,tu
mesauvesd’unejournéede travail.Saufquejenesuispascertainedecomprendre.Eleonorestaucourant?
Edwardcontinuedesourire.—Oui,ellesait.Commetonanniversaireestmercrediprochain, jevoulaisalleràMiamipour
t’offrirtoncadeau.Jedoisavoirundrôled’airparcequ’Edwardritencore.Jesuiscontentequ’ilsouhaitem’offrir
quelquechosepourmafête.Enfait,jesuisheureusejusteparcequ’ilpenseàlasouligner.Parcontre,jetrouvequ’unefindesemaineàMiami,c’esténorme.C’esttrop.
—Tum’offresunvoyageàMiamipourmafête!—Non.Lecadeauquejeveuxt’offrirestlà-bas.—Miami,cen’estpasmoncadeau?dis-jesuruntonaigu.—Unpeu,maispastoutàfait.J’aiencorelegoûtdepleurer.Jesaisquec’estridicule.Maischaquefoisqu’Edwardfaitquelque
chosequej’aimeouqu’ilditunmotgentil…Lavéritéc’estquechaquefoisqu’Edwardmeconfirmequ’ilesttoutcequejeveux,jesensmoncœurs’effriter.
—Tun’espascontente?J’esquisseunsourire,maisj’aiunballondefootballquiveutmesortirdelagorge.Jesensmes
yeuxpiquer.C’esttrop.J’éclateensanglots.—Oh,Maëlie!Jesuisdésolé.Jenepensaispas…jenevoulaispas…j’aicru…Edwardestsidécontenancéquejehoquettedespetitsriresentremespleurs.—Jesuiscontente,Edward,dis-jeentredeuxsoubresauts.—Ahoui?!demande-t-ilenessuyantmeslarmesduboutdesdoigts.Onnediraitpas.
J’éclatederire.Luiaussirit,maissonvisageresteperplexe.—Jesuistrèsheureusedepouvoirpasserceweek-endavectoi.Cette fois, je crois que j’ai réussi à le soulager. Il ouvre les braspourm’accueillir contre son
torse.—Jetrouvejustequetuestropgentilavecmoi.Edwardsecontentedemecaresserlescheveuxetdem’embrasserledessusdelatêteàquelques
reprises.Jeresteappuyéesurluiunbonmoment.Quandjemerelève,ildéposeunbisousurleboutdemonnezetessuieunedernièrelarmequin’apasfinisacoursesursontee-shirt.
—Unechancequ’onnerencontrepasdeclient.Edwardsepenchepourobserversonchandailtouttrempéquejepointe.Puis,ilmefaitgrâcede
sonplusbeausourire.***
Enarrivantdanslehalldenotrehôtel,j’attendsEdwardenobservantl’océan.Jenepeuxpasmeplaindre parce que le décor est phénoménal, mais je trouve que l’enregistrement tarde. Je décided’allervoircequisepasse.
—Ilyaunproblème?—Oui,maisçaserèglera.Situveux,tupeuxalleràlapiscineenattendant.—Non,jeresteavectoi.Qu’est-cequinevapas?—Iln’yaqu’uneseulechambreréservée.Etiln’yenapasd’autredelibrepourlemoment.—Oùestleproblème?Çanemedérangepasdedormirdanslamêmechambrequetoi.—Tuescertaine?—Absolument.Àmoinsquetuneveuillespas?—Pasdutout!C’estjustequejenecomprendspastropcequis’estpassé.—Eleonorapeut-êtrefaituneerreur.Çanefaitrien.Edwardrigole.—Non.Eleonornefaitjamaisd’erreur.S’ilyenaeuune,ellenevientpasd’elle.Lepréposém’a
expliquéquec’estuneimmensechambreetquelavueestsplendide,ajouteEdward,commepourmeconvaincrequecen’estpassipénible.
Jenevoispaspourquoiçalemetaussimalà l’aise.C’est loind’êtrelapremièrefoisqu’onseretrouvedanscettesituation.Etpuis jenesaispas tropcombiençacoûte, loger ici,maisàvoir leluxequim’entourejemedisqu’unechambre,c’estbienassez.
L’employén’apasmenti,lachambreestàcouperlesouffle.Lavueestsensationnelle.Lapiscineestparadisiaque.Excitéecommeunegamine,jecoursdanstouteslespièces.Jenepeuxm’empêcherdesauteraucoud’Edward.
—Merci!C’estleplusbeaucadeaudefêtequej’aireçudemavie…Saufpeut-êtrelabicycletterosequej’aieueàcinqans.
Edwardétouffeunrire.Ilmegardedanssesbraslongtemps.Sansparler,jerespiresonodeurdepropreetdeparfum.
—Cen’estpasça,toncadeau,dit-ilaprèsunmoment.—Jem’enfiche!C’estparfait.Toutestgénial.Jecontinueàm’accrocheràsoncoutandisqu’Edwardrigole.Bizarrement,luinonplusneparaît
pasembarrassé.Lesmomentsdemalaisesdesdernierstempssesontévaporés.Jesaisquejedevraiavoiruneconversationaveclui,maispourl’instantjeveuxjusteprofiterdetoutça.Del’endroit,desaprésence,desesbras,delachaleurdesoncorpsetdesonodeurquej’aimetant.
Quandjemeséparefinalementd’Edward,ilregardesamontreetm’annoncequ’ondoitêtreprêts
dansuneheure.—Prêtspourquoi?Ilposesonindexsurseslèvrespourm’indiquerquec’estunsecret.Jesuissiexcitéedenepas
savoir à quoim’attendre que j’ai le goût de sautiller sur place.Edward, lui, a des yeuxmalicieuxcommeceuxd’unenfantespiègle.
***J’airevêtulesvêtementsqu’Edwardm’aconseillés:shortettee-shirtsurunmaillotdebain.Plus
nousmarchons sur la plage,moins je comprends oùnous allons.Commeunegamine, je ne peuxm’empêcherdeleharceler.
—Sijecomprendsbien,ons’envacherchermoncadeau?—Oui.—C’estquoi?Uneperlequ’onramasseranous-mêmesaufonddel’océan?—Jen’yavaispaspensé,maisçaauraitétéunebonneidée.—Est-cequejepeuxavoirunindice?—Euh…Tesamiesm’ontjuréqueçateferaitplaisir.Là, ça m’intrigue vraiment. Les filles me connaissent tellement bien que je sais que je serai
heureuse,mais je ne vois pas le lien avec le fait d’être sur une plage àMiami. Soudain, Edwards’immobiliseetmedemandedemarcheràreculons.
—Pourquoi?—Parceque,situregardesenavant,tuverrastoncadeau.—Oui,maisilfaudrabienquejelevoieunjour,non?Edwardsecontentedemesourireetdemeguider.Jesouriscommeuneidiote,sanstropsavoir
pourquoi. Après unmoment, il m’annonce que je peuxme retourner. Son visage devient soudaininquiet.Jenevoispaspourquoiilsemblesiincertain.Toutestparfait,etjemefichedemoncadeau.Ilestmoncadeau.Êtreiciavecluiestplusquecequej’auraispuespérer.Jefermelesyeux,prendsunegranderespirationcommesil’heureétaitgrave,puismeretourne.Jerestelà,debout,lespaupièresfermées.
—Ouvrelesyeux,m’ordonneEdwardd’unevoixempreintedenervosité.Jemetsquelquessecondesàcomprendre.Deux,àpeine.Unimmenseparachuteestétendusurle
sableoùdeuxhommestiennentdesharnais.—Untourdeparavoile!Mon cœur s’accélère tant que je crois pendant un instant qu’il lâchera. Je saute dans les bras
d’Edward,quirisquedetomberenmeretenant.—Tuescontente?—Tun’aspasidée!Jen’aipasarrêtéd’embêterlesfillesavecçaauMexique.—C’estcequ’ellesm’ontraconté.J’oublie qu’Edward estmon patron et je lui plante un baiser sur la bouche. Il paraît abasourdi
pourunmoment,maisfinitparreprendresesespritsetrigoler.—Merci!Merci!Merci!—Ready!demandel’undeshommes.Edwardachoisidem’offriruntourdeparavoileentandem.Cequiajouteàl’excitation.C’estce
quejevoulais;nepasêtreseulepourcetteexpérience.Qu’est-cequejepourraisdemanderdemieuxqued’êtreaccompagnéparEdward?J’aimalauxjouestantjesouris.Luin’arrêtepasdem’observer.Jepensequ’ilestplutôtfierdelui.Ilaraisondel’être.Jen’arrivepasencoreàcroirequ’ilfaittoutçapourmoi.
Nosharnaissontinstallés,nousavonsreçulesconsignesdesécuritéetnousattendonslesignalpour le départ. Edward m’a confié avoir été stressé avec la météo.Mais le ciel est radieux et lajournée,parfaite.
—Edward,dis-jedansunmurmureenattrapantsamain.Ilsetourneversmoi.— Je n’arriverai jamais à te remercier assez.Merci pour ça.Merci pour l’escapade ici.Merci
d’êtremonami.Jet’aimetellement.Edwardadesmilliersd’étoilesàlaplacedesyeux.—Jet’aimeplus,Maëlie.—Impossible!Etjelepense.Siseulementilsavaitcequisepasseréellementdansmatêteetdansmoncœuren
cemoment.L’autorisationdepartirestdonnéeet,avantmêmequej’aieletempsdeleréaliser,ons’envole.Je
croyais crier enmontant,mais j’ai le souffle coupé. Jemets aumoinsuneminute à retrouverunerespirationàpeuprèsacceptable.Unefoisfait, jehurlecommeunecinglée.J’entendsEdwardrire,maisjesuistropprisedansmonexcitationpourleregarder.Lavueestunecartepostale.Lesgenssurlaplageressemblentàdessillonsdefourmis.C’estbeaucoupplushautquecequej’avaisimaginé.Aprèsquelquesminutes, jemecalmeet attrape samain. Il est souriant etbeaucomme jamais.Lescheveuxdansleventetlevisageenjouécommeceluid’unenfant,ilmeregardeàtraverssesverresfumés.Enarrière-planduvisaged’Edward,ilyalameretlespalmiers.Jevoudraisfigercetteimageàjamais.D’ici,d’enhaut,c’estétrangementcalmeetapaisant…depuisquej’aiarrêtédecrier.
Jesuissiheureuseencemomentquemoncœurmenaced’exploser.—Merci,Edward.Ilcontinuedemesourireetmoiaussi.
***Nousavonslesdeuxpiedsausol,danslamerplusprécisément,maisj’aiencorel’impressionde
volertantjemesenslégère.Jedevraisêtreentraindetravailleretpourtantjesuislàaveclemeilleurpatrondumonde.
—Tutesouviens,Edward,dusoiroùjet’aivomidessus?Edwardsimuleêtreentraindeserappeler.Ilfixelecieletdéposesonindexetsonpoucesurson
menton.—Euh…vaguement.Jepouffederire.—Ce n’est pas la bonne question. Je veux dire : ce soir-là, tu te souviens à quel point j’étais
déprimée?Ilconfirmeenhochantlatête.—Àcemoment,tum’asditquelquechose.Jetecite:«Mêmesiparfoiscertainesépreuvesnous
paraissentinsurmontables,ilarrivequ’ellessoientletournantdenotrevie.Etquelquesfoisellesnousconduisentàdesendroitsoùonn’auraitpuimaginernousrendredansd’autrescirconstances.»
—J’aiditça,moi?—C’estétonnantquejem’ensouvienne,étantdonnétoutcequej’avaisbu,pourtantc’estlecas.
Encemoment,jeréalisequetuavaisraison.Jevenaisdedémissionneretj’étaisfurieusecontremonex-patron. Sur le coup, ça me semblait épouvantable de lâcher mon gagne-pain. Aujourd’hui, jetravailleavecunhommeextraordinairequejeconsidèreêtreunami.Jamais,mêmedansmesrêveslesplusfous,jen’auraisimaginéavoirunerelationavecmonpatron,commecellequej’aiavectoi.
Edwardauncoudeappuyésursesgenouxrepliésettripotelesableavecsonautremain.Latêtebaissée,ilsembleconcentrésurlessillonsqu’iltrace.
—C’estgentildedireça.—Non,c’estjustesincère.Jecroisquejelerendsmalàl’aise.Pourtant,jepensechaquemot.Etjen’aipasencoretoutdit.—Bonnefête,Maëlie!souffle-t-ilenposantsesprunellesdanslesmiennes.Jeposeunpetitbisousursajoue,melève,retiremontee-shirtetmonshortpourprofiterdela
mer.Edwardm’imite.Nousnageonspendantdelonguesminutesavantdenousrendreàlachambrepournousdoucher.
Nous avons réservé au restaurant de l’hôtel, car il donne directement sur la plage. J’espèretrouverlecouragecesoird’aborderledélicatsujetquimebrûleleslèvresdepuisnotrearrivée.Ilyaeudestasd’occasionsoùj’auraispuluiavouercequejepenseréellementdelui,maisj’aipeurdegâcher notre fin de semaine. Je sais qu’il ne m’en voudra pas et je suis presque certaine qu’ilm’aidera à faire le deuil de lui… si une telle chose est possible.Malgré tout, je trouve que c’estdifficile.J’aipeurdeledécevoiretsurtout,jecrainsqu’unfroids’installe.Quandjesorsdelasallede bain, parée à partir, c’est unEdward époustouflant que je découvre. Il porte un pantalon de linblancsousunechemisebeige.Iltientunebouteilledechampagne.
—Wow!Tuessuperbe!Tum’arracheslesmotsdelabouche!Je suispresquecertainequ’ilnemecomplimentepasquepourêtregentil. J’aimispasmalde
tempsàchoisir lesvêtementsquej’allaisapporterceweek-end.Larobequej’aienfiléecesoirestrosepâleenvoilage.Sanscevoile,jeneporteraisqu’unefinecamisolemoulanteroseàpeineplusfoncé.Lesescarpinsquej’aienfiléssontdanslamêmeteinte.Mescheveuxsontnouéssurlecôtéenchignonlâche.
—Champagne!Pourquoi?—C’esttonanniversaire,non?Oui,celuidontjemesouviendrailepluslongtemps!—Faistonvœu,m’ordonnegentimentEdward.Cequimerappelleledernierfaitàl’hôteldeQuébecetquines’estpasencoreexaucé.—Paslapeine.Ilsneseréalisentjamais.Jemecontenteraid’apprécierlechampagne.Edwardinsisted’yeuxsévères.Commesinepassouhaiterquelquechosen’étaitpasnormal.—Bon,d’accord.Jefermelespaupièresetréfléchistrèsfortàcequejepourraisbienvouloird’autrequ’unpetit
ami.Aufond,cequejeveuxvraiment,cequejesouhaiteplusquetout,c’estgarderEdwarddansmavie.J’espèredufondducœurquelorsquejeluiauraiavouémessentimentsilvoudracontinuerd’enfairepartie.
—Voilà!C’estfait.—Moiaussi!Pop!Edwardremplitlescoupesets’approcheàquelquescentimètresdemoi.Sesirisplongésdansles
miens,ilmefixeintensément.—Àtonvœu!lance-t-ilenfaisanttintersonverresurlemien.Siseulementilpouvaitliredansmonesprit,ceseraittellementplussimple.
***
Le restaurant est aussi luxueuxque l’hôtel oùnous logeons.Dans les teintesdebleupâle et deblanc, la salle à manger est comme un prolongement de la mer. Le service est impeccable et lanourritureexquise.Iln’yaquedescouplescesoir.Jedevinequ’enraisondel’ambiancequiyrègneçadoitsouventêtrelecas.JemedemandesiEdwardestdéjàvenuiciavecquelqu’und’autre,maisjem’abstiensdeleluidemander.
Nous avons terminé demanger.Nos sujets de conversation étaient aussi nombreux que variés.Nousavonsparlédutravail,denosamis,denotrejournéeetaussidesonpèreetd’Eleonor.Commeje lepensais, il est trèsheureuxqu’ils aient choiside se revoir et il fera tout lenécessaire afindelibérerEleonorpourlacroisièresurlaMéditerranée.Aumomentoùleserveurvientramassernoscouverts,Edwardsemetàtripoternerveusementlanappe.Jesensqu’ilestpréoccupé.
—Toutvacommetuveux?—Oui.Jesuiscontentqu’onsoitici.J’avouequejecraignaistaréaction.Jesuissoulagéquetu
aiesapprécié.—C’estplusqu’apprécié,jenepourraisjamaistrouverlesmotspourt’exprimeràquelpointje
suisheureuse.Go,Maëlie!C’estlemoment.—Enfait, jesuisplutôtcontentequ’onsoità l’écartdubrouhahadubureau,parcequ’ilyaun
momentquejevoulaisteparlerdequelquechose.D’ailleurs,j’auraisdûteledireavant.Edwardfroncelessourcilsetaffichesoudainunairinquiet.—Tunevaspasmeremettretadémission?—Biensûrquenon!Edwardprendunegorgedevinpendantque j’avalemasalivequimerâpe lagorgecommedu
sable. Je regrette déjà d’avoir ouvert la porte. Je ne sais pas comment tout avouer.Le serveur quirevientpourdemandersionveutautrechosem’offreundélaisupplémentaire.Edwardmeconsulte.
—J’aiassezbu,ettusaiscequeçafaitdanscecas!Pourquoionn’iraitpasailleurs?Marcher?—Bonneidée!Jepensequedenepasmeperdredanssesyeux,quiontdebeauxrefletsvertsaujourd’hui,pourra
m’aider.Nousmarchonssurletrottoirquinousmèneraàlamer.Edwardattrapemamaindanslasienne.
Lecontactestdouxetchaleureux.Jemedisquejepourraispartirdeça.Ilmetraitecommesij’étaissa femme et ça me bousille le cerveau. Il comprendrait peut-être si je lui expliquais en ayant unexempleaussiconcret.Saufquejesaisquecen’estpassonintentiondejoueravecmatêteoumoncœur.Ilestjustespontané.Ilmetrouverapeut-êtreétranged’interpréterungesteaussibanaldecettefaçon.Jeréalisequej’aisoupiréàplusieursreprisesquandEdwardmelefaitremarquer.
—Es-tustressée,Maëlie?Jeglissemonbrassouslesienpourm’appuyercontrelui.Ilestlaraisondemonanxiété,maisil
estaussimasourcederéconfort.—Tuveuxmeparlerdecequitepréoccupe?insiste-t-il.Ne répondant toujours pas,Edward semet àmarcher à reculons pour poser ses yeux dans les
miens.Ilmesourit,commepourm’encourager.Sonintentionestbonne,maispourêtrehonnête,çan’aidepasdutout.Mêmequec’estpire.
—Alorsjedevraispeut-êtrecommencer.—Commencer?Commentpourrait-illefaire?Ilnesaitmêmepascequejevaisluiannoncer.Jeretrousselenez.—Oui,moiaussijedoistedirequelquechose.
Intriguée,jelèvelesyeuxverslui.— Je ne t’ai pas emmenée ici que pour t’offrir ce cadeau, m’informe-t-il. Je voulais aussi te
parler.Son ton est si sérieux que ça me donne l’impression de lui avoir transmis mon stress. Ça
m’inquiète. La seule chose qui traversemon esprit en cemoment, c’est qu’ilm’annoncera qu’il arencontré quelqu’un. La personne spéciale qu’il attendait. Ça expliquerait la visite de lamaison leweek-enddernier.Ilestpeut-êtreprêtàfondersafamille.
Merde!Dansmatête,ilyaunepetiteMaëlierecroquevilléeenbouleaveclesdeuxmainssurlesoreilles.
Je ne veux pas l’entendre. D’où nous sommes, je vois des flambeaux sur la plage. Nos pieds ontpresqueatteintlesable.Jen’aiqu’uneenvie,courirjusque-làpourfuirnotrediscussion.
—Wow!Edwardseretournepourobservercequejeviensdevoir.Leventdel’océanestchaudetlavue
estsplendide.—C’estcommeauMexique!s’exclameEdward.Tuterappellescesoir…Edwards’interrompt.Chaquefois,nousfaisonsallusionàlamêmesoirée,celleoùjeluiaivomi
dessus.Jesourisenguisederéponse.Jelèvelesyeuxversleciel;laluneestpleine.Jecrois.Sinon,presque.Jeretiremesescarpinsetm’empressedecourirverslamer.
—Ondevraitfairecommecesoir-là.Jenesuispascertainedecomprendrel’intentiond’Edward,jusqu’àcequ’ilretiresachemiseetla
lance sur une chaise. En quelques secondes, il se retrouve en caleçon devant moi. Sans hésiter,j’enlèvemarobe.Edwardbalayemoncorpsdesyeuxetmesouritavantdeprendremamainpourm’attirerdansl’eau.Enpeudetemps,ilestsousl’eau.Ilenressortquelquessecondesplustardtoutprèsdemoi.J’ail’impressiond’êtreretournéedanslepassé.Lascèneestpresqueidentiqueàlanuitoùons’estbaignésdanslamer.L’eauestaussichaude,lalunesereflètedanssesyeux.Ilesttoujoursaussibeau,saufquecettefoisilestbeaucoupplusprès.Tropprès.Ilestcolléàmoi.J’ignorecequis’estpassé,mais jesuisenlacéedans lesbrasd’Edward. Ilneportequ’unboxeretmoi,demincessous-vêtements.Jetentedem’éloigner,maisilm’enempêche.
—Reste,jet’enprie,souffle-t-ild’unevoixplaintive.Tun’espasbien?—Évidemmentquejesuisbien!Edwardappuiesesmainssurmesreinspourmerapprocherdelui.Merde!Qu’est-cequ’ilfait?Sonvisageestappuyécontrelemien,aupointoùjesenssarespirationdansmoncou.Seslèvres
effleurentmajoue,toutprèsdemabouche.Jelerepoussedoucementtoutenforçantunsourire.Jenepeuxpasmevoir,maisj’ail’impressionquemonvisagedoitêtreplusgrimaçantquesouriant.J’ailecœur–etlecorpsmaintenant–quiveutfondredanssesbras.
—Edward,jepensequetuesunpatroncommeiln’enexistepasdeux.Jesaisquelapersonnequetu choisiras pour partager ta vie sera la plus choyée de la terre. Tu es d’une sensibilité, d’unegentillesseetd’unegénérositésansborne.J’espèrequecequelqu’undespécialsaural’apprécier.
—Maëlie,ilfautqu’onparle,chuchote-t-ilenposantsesprunellesdanslesmiennes.—Oui,justement.Je me retire de son étreinte. Edward s’installe à genoux, à quelques centimètres de moi. Je
m’éloignepourallerm’asseoirdansl’eaupeucreuse.J’entendslavoixdemapsyquimesouffledelaisserparlermoncœur.C’estplusfacileàdirequ’àfaire.Sijel’écoute,jedemanderaiEdwardenmariage!
—J’aicommencéàconsulterunepsychologue.—Unepsychologue?Çanevapas?s’inquièteEdwardenserapprochant.Jehochelatêtenégativementetbaisselesyeuxsurmesmains.—Qu’est-cequinevapas?—Tout!Edward paraît surpris parmon ton.Moi aussi je le suis. Ce n’estmême pas ce que je voulais
répondre.Montravailva,lasantéaussi…Aufond,cen’estquemesamoursquimecausentdusouci.—Pastout,cesontmesrelationsamoureusesleproblème.Jesaisquec’estmafaute,jefaistout
detravers.Jechercheunhommequin’existepasdanslavraievieetquinepeutexisterquedanslescontesdefées.
Etlequartiergai!—Tutetrompes,Maëlie,argumenteEdwardens’approchantencore.—Non,jesuiscinglée.—Qu’est-cequeturacontes?—Edward,jecraquepourunpoèteanonymequin’existequesurpapieretjesuisamoureusede
monpatronhomosexuel!Ahnon!Jel’aidit.Edwardestfigédevantmoi.Sesyeuxdanslesmiens,ilnecillepas.Ilnebougemêmeplus.Jen’ai
jamaistantsouhaitéuntsunamiquemaintenant.Lafoudre,unouragan,n’importequoipourmefairedisparaître.
22Edwarda lesyeuxaccrochésauxmiens,mais sonvisageest sansexpression. Jen’arrivepasà
croire ce que je viens de lui dire. Je ne peux plus supporter qu’il me regarde de cette façon. Jem’appuiesurmesmainspourmelever,maisEdwardquis’estrapprochémesaisitparlataillepourm’empêcherdepartir.L’instantd’après, sans tropcomprendrecommentc’estarrivé, saboucheestsurlamienneetiltientmatêtepourmeforceràgoûterseslèvres.Cequej’aimeraisqu’ilembrassecommeAntoineencemoment.Maiscen’estpaslecas.Seslèvressontdoucesettendres.Salanguedélicateestjusteassezinquisitrice.Sonbaiserestchaudetlangoureux.Jem’attendaisàtoutessortesderéactionsdesapart,maispasqu’ilmeprenneenpitié.
—Edward,tun’aspasàfaireça.—Chut!fait-ilenléchantmalèvreinférieuretoutenempoignantmanuquecommes’ilnevoulait
plusquejelequitte.Safougueesttroublante.Ilm’obligeàm’allongeretgrimpesurmoi.J’aidumalàluttercontre
lui.Enfait,jen’yarrivepasdutout.Soncorpschaudquicontrasteaveclelégerventduborddelamerestunesensationmerveilleuse.Samaincaressemoncouetdescendsurmapoitrine,pourtantjeneleluiaipasdemandé,cettefois.Sonautremains’agrippeàmaculottepourlafairemordredanslachairdemeshanches.
OhmonDieu!Qu’est-cequ’ilmefait?Sesmainssontmaintenantpartoutsurmoi.Jenecomprendspaspourquoiilréagitdecettefaçon.
Tantôtdoux, tantôt féroce, ilme touchecommes’il avaitbesoindemoi.Soncorps semeut sur lemienpendantquesabouchemefaitoubliermonproprenom.
—Edward,tudoisarrêter,moijen’yarriveraipas.—Tais-toi,souffle-t-il.Edwardnem’écouteplus.Sicen’étaitquejemedélectedechaqueseconde,jepourraisaffirmer
qu’ilestentraindemevioler.Maiscen’estpaslecas.Aucunjugenepourraitmecroire,carchacunedesparcellesdemoncorpsestentraindeluicrierquejeveuxqu’ilcontinue.
Etc’estcequ’ilfait.Edward baisse la bretelle demon soutien-gorge etme caresse intensément des yeux comme si
j’étaislaplusbellefemmedumonde.Sesmainssontaccrochéesàmescheveuxpendantqu’ilsaisitdélicatement la chair de mon sein entre ses dents. L’instant d’après, sa main parcourt mon corpsjusqu’àcequesesdoigtsglissententremescuissespourretirermaculotte.Jesenslachaleurdesesdoigts,malgrélafraîcheurdel’eau.C’estsibon.Tellementquejemeretrouveàlesupplierdemeprendreici,maintenant,surcetteplage.
Etc’estcequ’ilfait.Leclapotisdelamer, lesablerugueuxet lescaressesdélicieusesd’Edwardsontentraindeme
rendre folle. Il le sent et continue deme torturer. Il a pris possession demoi. Je n’ai plus aucuncontrôle.Nisurmesgestesnisurmespensées.Jecroisquecettefoisj’aivraimentunJellyFishquiest entré dansmon oreille pour accéder àmon cerveau, car je n’entends plus rien d’autre que lesouffled’Edwardquimurmuremonprénomcommedelamusique.Sapuissancevirilequis’enfonceenmoicontrasteavecladélicatessedesesmouvementslents.Jeserrelesdentssursonépaulepouréviterdecriermonplaisir.C’estsiexquisquej’aimeraisqu’iln’arrêtejamais.Qu’ilcontinue,encoreetencore.
Etc’estcequ’ilfait.J’ail’impressionquemoncorpsn’estqu’uneépavesefaisantbercerparlescaressesd’unamant
devenucapitainequineveutplusquittersonnavire.Cen’estquebeaucoupplustard,dansungémissementdeplaisirguttural,qu’Edwards’arrête.Je
restesilencieuseàl’écouterrespirercontremoi.JesuissuruneplagedeMiamiavecEdwardallongésurmoncorpsnu,etc’estmaintenantquejeréalisequ’ilpourraityavoirdesgensautour.Pourtant,jem’enfiche.Jedoisvraimentêtrefolle.
—Maisqu’est-cequetum’asfait?dis-jeenreprenantmonsouffle.Edwardseredressedoucementpourm’observer.—Çasonnecommesitun’avaispastropaimé.Jerisavantdedéposerunbaisersurseslèvres.—Jesuiscertainequetunemecroiraispassijetedisaisquec’estlecas.— Ton corps avait un discours un peu différent, commente-t-il en embrassant tendrement ma
lèvresupérieure.—Maisqu’est-cequetum’asfait?dis-jeànouveau.—Cedontj’avaisenviedepuislepremierjour.—Qu’est-cequeturacontes?Tuesgai,commentpouvais-tuenavoirenvielepremierjour?—Maëlie!soupireEdward.Jenesuispasgai.—Quoi!Tun’esplusgai!Edwardlèvelesyeuxaucielenréprimantunrire.—Jen’aijamaisétégai.Commentas-tupucroirequejel’étais?Jemeredressebrusquement.Edward,quiétaitcouchésurmoi,tombeàlarenverse.—Tum’asmenti?—Non.Benoui.Mais…cen’étaitpasvolontaire.—Pourquoi?—Cen’étaitpasmonidée,sedéfend-il.—Tonidée?Parcequequelqu’und’autreestaucourantdetonmensonge!Jedevraisêtreheureusedel’apprendre,maisjesuisplutôtfrustrée.—C’estEleonorqui a tout inventé,mais jeme suis fait prendre au jeuparcequeçam’aparu
sensé.QUOI!—Sensé?—Maëlie,calme-toi.Jevaistoutt’expliquer.QuandEdwardse lève, jebaisse lesyeuxsur lapartie laplusviriledesonanatomie.Dèsqu’il
prendconsciencedel’endroitoùnoussommes,ilrepèresonsous-vêtement.Jel’imite.Letempsdese rendredans l’eaupour les remettre,Edwards’approchepourmeprendredanssesbras,mais jerecule.
—Maëlie,s’ilteplaît.Laisse-moimejustifieravantdem’envouloir.—Tun’aspasidéedetoutcequej’aienduréparcequejecroyaisquetuétaishomosexuel.—Toutcequetoi,tuaseuàendurer!Penseàcequemoi,j’aisubi.J’aisupportélesmoqueries
demesamis.Jet’aivuesortiravecdestasdegars,alorsquej’étaisfoudetoi.J’aimêmedûtechoisirde la lingerie pour que tu puisses sortir avec Esteban, dit-il sur un ton dédaigneux. Comme si cen’étaitpassuffisant,j’aieuàtetripoterlesseinsetlesfesses!
Toutàcoup,j’aiunefolleenviederire.—Tuveuxquejecontinue?Maëlie!Mets-toiàmaplace.Tunevoulaisnimevoirnimeparler.
Tutesauvaisdubureaulejouroùtuassuqu’ontravailleraitensemble.Qu’est-cequejepouvaisfaired’autre?J’étaisdéjàamoureuxdetoi.
Amoureux!Edwardestamoureuxdemoi?—Eleonorsavaitqu’ilne fallaitpasque tupartes,etquandellenousavusnouschamaillerau
momentoùtufaisaistesboîtes,elleaeucetteidée.—Quelledrôled’idée!Edwardafficheunairquejetraduispar:àquiledis-tu!—Jetrouveincroyablequecettepenséeaittraversésonesprit,etencoreplusquetuyaiescru!
Pourtant,tuesrestée.Edwardaraison,c’estlaseulechosequiauraitpumeconvaincredetravailleraveclui.—Maispourquoitunemel’aspasditavant?—Desdizainesde fois, j’aivoulu t’avouer lavérité,mais cen’était jamais lebonmoment. Je
voulaislefaireàQuébec,maisCrystalm’aconvaincuquetun’étaispasprête.—CRYSTAL!Elleestaucourant?Jesuisbouchebée.Jemelèvepoursortirdel’eau,maisEdwardmetirepourm’enempêcher.—Maëlie,c’étaitpourtonbien.Pournotrebien.Ellesavaitqu’aufonddetoituvoulaisêtreavec
moi…C’estlecas,hein?demande-t-ilenrelevantunsourcilinquiet.Évidemment!Qu’est-cequ’ilcroit?Entoutcas,quandj’auraifinid’êtrefâchée,c’estcequeje
voudrai.Jefuissonregardpouréviterderépondre.—Etlesautres,sont-ilsaucourant?JesupposequesiJoshualesait,ill’aracontéàZoey.—Oui,etAlexaaussi.J’aivoulu tout t’avouer lorsqu’onétaitdans lespaàQuébec,mais tues
partiequandtuasvucetypearriver.Xavier.L’Italien!—Iln’étaitpashomosexuel?—Ohoui,ill’était!Maisjesuissortiencourant.J’aivouluqu’onenparlelelendemain,maistu
nevoulaispasm’écouter.Ensuite,j’aivouluaborderlesujetauski.J’aipenséqu’àl’hôtel,auMassif,ceseraitunbonmoment.Maisc’estlàqueCrystalm’ademandéd’attendre.Encoreplustard,quandtuesrestéeauSuperBowl,j’aipensételerévéler,maisMaximatéléphoné.
—C’estvrai,Maxim.Alorsc’estquoi,l’affaireaveclui?—Avecelle.Toutcequejet’airacontéàsonsujetestvrai.Seulement,c’estunefemme,pasun
homme.—Pourquoitunemel’aspasditàcemoment?—Parce que çam’amis tout à l’envers de lui avoir fait dumal. Je n’avais plus trop la tête à
grand-chose.Entoutcas,pasàparler.Alorsj’aijusteprofitédetaprésenceentegardantavecmoi.Ensuite,j’aivoulut’avouermessentimentsàlaSaint-Valentin.Jemesuisrenducheztoipourlefaire,maisMoricioestarrivé.Ilaparléd’Isaakquetuasembrassé,ettouts’estbrouillédansmatête.Jenesavaisplussituvoulaisdemoi.
Edwardal’airsipenaudenprononçantcesparoles,quejem’approchedelui.—Puis,commeparmagie,tuesvenuechezmoiaprèstonrendez-vousraté.J’aipenséqu’iln’y
auraitpasdemeilleureoccasion.Etlà,tum’asdéclaréquetuétaisheureusequejesoisgai,sinontuneseraispaslà.
Edwardsoupireàs’arracherlespoumons.—J’étaisperdu.Malgrétout, j’aivouluprendrelerisqueparcequejenepouvaisplusvivrede
cettefaçon.Onestsortissouper,lesoiroùonarencontréFélix,préciseEdward.J’aitropbuetj’aiperdu le contrôle, j’avais tellement envie de toi…mais tum’as repoussé enm’expliquant que cen’étaitpascequetuvoulaisdemoi.
Oh!Edward,jesuisdésolée.
J’enlaceEdward.Ilposesonfrontsurlemien.—Là,ilfautqueçaarrête,parcequetuvasmetuer.J’étouffeunpetitriredevantsontoncomplètementdécouragé.
***Nous sommes de retour dans la chambre. On s’est douchés et allongés côte à côte sur le lit.
Edwardcaressemoncorpsnuennemequittantjamaisdesyeux.—Jesuisheureusequ’Eleonoraitpenséquec’étaitunebonneidéequejereste,maisj’aihâtede
luidemanderpourquoielleasongéàinventercettehistoire.—Lejouroùjesuisrevenudevacances,commence-t-ilenlaissantsesdoigtssebaladersurmon
bas-ventre, je lui ai raconté que j’avais rencontré une femme,mais que j’allais devoir trouver unmoyendel’approcherparcequ’ellenevoulaitpasdemoi.Quandjesuissortideréunionpouralleràtapoursuite,jeluiaicriéenpassantdevantsonbureauquec’étaittoi,lafillequej’avaisrencontrée.Aumomentoùellenousavusnousdisputer,elleacompriscequisepassaitetavoulum’aiderpourqueturestes.
—Edward,tuvasdevoirm’expliquerpourquoituaseuunintérêtpourmoi.J’aiétéodieuse,jet’aidituntasdestupidités,etenplusj’aivomipartoutsurtoi.Tuneseraispasmasochiste?
Edward se redresse pour poser un baiser sur le bout demon nez. Il installe samain surmeshanches,qu’ilfaitglisserjusqu’aucreuxdemataille.
—Jet’aitrouvéejolie,c’estcertain.Mêmeavectonmasquedeplongéeettontuba,j’avaisenviede t’embrasser, rigole-t-il.Maisau-delàde tonapparence, ilyavaitcetteauthenticité.Je te trouvaisvraie et honnête.À l’intérieur de ton discours, je pouvais entendre tes valeurs qui rejoignaient lesmiennes.TuracontaisdestasdetrucssurtonancienpatronquiavouluprofiterdetoietsurFélixquiavaitétéinfidèle.Tuparlaisdeshommesquisonttousdessalauds,etàtraverstoutçaj’entendaiscequetuétaisetcequetuespérais.C’étaitidentiqueàcequejecherchaisdepuislongtemps.
Ehbien!Quiauraitcruça?— On a toute la vie pour parler, maintenant j’aimerais bien qu’on rattrape le temps perdu,
propose-t-ilenjouantdessourcilstoutensemordantlalèvreinférieure.Edwardmechevaucheenreprenantunvisagesérieux.—Quoi!Tuvasencoremevioler?Edward saisit mon rire avec sa bouche et glisse samain ouverte demon visage jusqu’àmon
nombril.Lapressiondesapaumesurmoncorpsmefaitfrissonner.—Tum’ascondamnéàdeveniruncriminel le jouroù tues entréedansmavie.Tantpis si je
brûleenenfer,jenelaisseraipluspersonnem’empêcherdefairel’amouràlafemmequej’aime.—Jet’enprie,Edward.Arrête!Ilétouffeunrire,devantmontonquimanquaitdeconviction.Ensuite,ilattrapelachairdemon
flancentresesdents.Ilmemorddélicatementtoutenenfonçantsesdoigtsdansmesmusclesfessierspourrelevermonbassinverssabouche.
OhmyGod!Edwards’arrêteunmomentpourm’observertoutenadoucissantsescaresses.Sesyeuxnem’ont
jamaissembléaussilumineux.—Jene laisseraipersonnem’empêcherde te toucher,mais jeneveuxpasquecesoit sans ton
consentement.—Tais-toietfais-lemaintenant!Etc’estcequ’ilfait.
***
Une fois le déjeuner avalé, nous avons enfilé nosmaillots pour aller profiter de la splendidejournée.Enmatinée,nousavonsmarchésurlaplage,aprèsquoinousavonslouéuncatamaranpourquelquesheuresenaprès-midi.Enfindejournée,nousavonsnagéjusqu’àneplusavoirdesouffle.Noussommesrestéssilongtempsdanslamerquejecroyaisàuncertainmomentquej’ensortiraispalmée.Lesouperbienarrosédansunrestaurantespagnolétaitexcellent.Maintenant,noussommesànousprélasserdanslejacuzzidel’hôtel.
Edwardn’arrivepasàgardersesmainstranquilles.C’estdifficileàcroirequ’ilyestparvenusilongtemps.
— Si ce week-end ne se termine pas bientôt, on finira par se faire arrêter pour grossièreindécence.
Edwardsecontentedemegarderdanssesbras.Lesjambesenrouléesautourdesataille,jemedisque j’aimerais que cette fin de semaine, qui a toutes les allures d’une lune demiel, ne se terminejamais.Jesuissibienquel’idéederetournerautravailetdevoirEdwardpartirenvoyaged’affairesm’inquiète.Ilfaitéchoàmespensées.
—Jenepeuxpascroirequ’ondoivedéjàrentrer.Onvientd’arriver.—Oùvas-tucettesemaine?Edwardgrimacejusteàypenser.—Boston,annonce-t-ilsuruntonlas.Promets-moiquetunelaisseraspasunhommet’approcher.—Quoi?—Tuaspassélesdeuxderniersmoisàavoirtropd’hommesautourdetoi,assure-moiquetules
chasserastous.—Tuesjaloux?—Ondirait.Enfait,c’estlapremièrefoisquejelesuis.—Crois-moi,tun’aspasàt’inquiéter.Detoutefaçon,commetuaspulevoir,jenerencontreque
desidiots.—Est-cequejedevraisêtreinsulté?demande-t-ilenlevantunsourcilrieur.J’éclatederire.—Tuesl’exceptionàlarègle.—Etcetype,celuiquit’écrit?Jel’avaisoublié.C’estquandmêmebizarre,pasuneseulefois jen’aipenséàluidepuisqueje
suisiciavecEdward.—C’estvraiquec’étaitcharmant.Trèsromantique.Maisj’ignorequiilest.—Alorstusaisquecen’estpasOlivier?—Jen’aipaslacertitude,maisceseraitvraimentbizarrequecesoitlui.Olivierest…J’hésite à le qualifier. Je ne pourrais dire pourquoi je ne suis plus certaine que c’est lui sans
tomberdanslejugement.—Tun’aspasàm’expliquer,jesais.Jeconnaislesintérêtsd’Olivier.—Pourquoitunem’asriendit?—Mamèremerépétaitquesionaime,ondoitfaireconfianceàlavie.Ondoitlaisseraller,etsi
cettepersonnenousrevient,c’estqu’ellenousestdestinée.—Alorsçadoitêtrelecas.—Etsicepoèterevientdanslesparages?—Jeluidiraiquelesmessagesm’onttouchée,maisqu’ilesttroptard.—S’ilinsiste?—J’expliqueraiquelaplaceestdéjàprise.
—Ets’ilesttrèssexy?—Ilnepourrajamaisl’êtreautantquetoi.—OK!Tuasréussil’examen.Qui aurait cruque jeme retrouveraisdans cette situation?Obligéede rassurerEdwardque je
l’aime.C’estpresquetropbeaupourêtrevrai.Pourêtrehonnête,mêmedansmesscénariosfarfelus,jeneconnaissaispasunefinaussiheureuse.
***Nousvenonsd’atterrir à l’aéroportPierre-Elliott-Trudeau.En attendant nosbagages,Edward a
passéplusieursappelsetmoij’aividélecontenudemaboîtevocale.Lecielcommenceàs’obscurciret il fait froid. Pas aussi froid qu’avant notre départ, mais le contraste avecMiami est saisissant.Edward est à l’extérieur de la ville deux jours cette semaine et une infimepartie demoi s’en voitsoulagée,carnotrenouvelle situationmeparaît étrange. Je saisaussiqu’Eleonorconnaît lavérité,maisj’ignoresiondevraitenparlerauxautres.Jetrouveplutôtbizarredesortiravecmonpatron.
—Penses-tuavoirencoreunpeudetempsàmeconsacrer?J’aimeraistemontrerquelquechose.—Oui.Je suis déçue.Edward pensait-ilme déposer chezmoi enme disant au revoir et à bientôt ? Je
laisse cet agacementde côtéparcequ’il sembledebonnehumeur et que jeneveux riengâcher. Ils’arrête en bordure de route pour prendre quelque chose dans le coffre de sa voiture. Quand ilrevient,iltientunecravatedanssamain.
—Euh…c’esticiquetumetuesetmejettesdansunfossé?—Fermelesyeux,m’ordonne-t-ilgentiment.Jem’apprêteàprotester,maisilmefaittaireavecunbaiser.Puisilnouelacravateautourdema
têtepourm’obstruerlavue.Jedevraispeut-êtremesauverencourant,maisjesourisplutôtcommeune idiote. J’adore les surprises.On roule encore longtemps. Je ne sais pas combien de temps. Jepense que ne rien voir accentuemon impatience. C’est à l’instantmême de cette réflexion que lavoitures’arrête.
—Attends!Edward sort du véhicule pour venirm’ouvrir la portière. Il attrapemamain, puismonbras et
m’aide àmedéplacer.Le sol est inégal en raisonde la chausséeglacée. J’entendsunbruit de cléssuivid’unloquetqu’ondéverrouille.Uneportegrincelégèrement.
—Attention,tudoispasserunpetitobstacle.Edwardm’aideàretirermesbottesetmonmanteau.Ilcontinuedemeguiderpourquelquespas,
puiss’arrête.Jesaisqu’ilestderrièremoi,parcequejesenssonodeur.Iltiredoucementsurlenœuddutissudelacravate.
—Prête?—Sijesavaiscequim’attend,jediraisoui,maislàjenesaispastrop.Ilyadel’échodanscetendroitoùilnefaitpasaussifroidquedehors,maispastrèschaud.—Net’inquiètepas.Fais-moiconfiance.—Jesuisprête.Edward laisse tomber le tissu. Mon cerveau prend quelques secondes à comprendre les
informationstransmisesparmesyeux.—Tul’asachetée!Jen’arrivepasàcroirequ’Edwardafaitl’acquisitiondelamaisonqu’onavisitée.—Maisquand?—Justeavantdepartir.J’aipasséunefouled’appelspendantmonvoyagededébutdesemaine
pourlafaireinspecter.Ensuite,Eleonorm’aaidéàfinaliserlapaperasse.J’aiputoutconclureavantqu’onpartepourMiami.Uneéquipeestvenuenettoyerpendantqu’onétaitlà-bas.
Jemarchedanslamaisondurantsesexplications.Jepassemamainsurlecomptoirdequartzenregardantpartoutautour.Çamesembleplusgrandetplusbeausanslesmeubles.
—Tuasbienfait.Elleestparfaite.—Jesaisquetuaimaisbeaucouplasalledebain,j’aipenséqu’onpourraitouvrirunebouteille
dechampagneetlasiroterdanslabaignoirepourl’inaugurer.Encoreduchampagne!—Hum…Bonneidée!dis-jeavecunsourirelascifsurmontéd’unhaussementdesourcils.—Jevaismettreunpeudechauffage.Tuveuxm’attendrelà-haut?Sans hésiter, jemedirige vers l’escalier en courant.En arrivant dans la pièce, je remarqueun
énormebouquetderosessurlecomptoir.Soudain,moncœuraunraté.Aumilieud’unetrentainederosesrouges,ilyenaunebleue.Unepetiteenveloppedelamêmecouleurestapposéesurlevase.
Edward!C’est impossible !Çanepeutpas être lui. Jem’approchede l’enveloppepour la saisir demes
doigtstremblants.Jel’ouvredoucement.Cettefois,sansmêmesavoircequiyestécrit,jesaisquecequisetrouveàl’intérieurauntoutautresens.
Quel’idéederefusernet’effleuremêmepasl’esprit,sinonjetejurequejenetedemanderaipastonavisetjet’épouseraisousanesthésie.
EdwardxxxAvant que je réussisse à lire lemessage en entier, des larmes ruissellent surmes joues etme
brouillent la vue.Émue, je ris enmême temps que je pleure. Je n’arrive pas à croire que pendanttoutescessemainesEdwardmefaisaitparvenircesbeauxmessages.J’essaiedemerappelertoutcequ’ilapum’écrire,maisl’émotionprendtropdeplace.Quandjemeretourne,Edwardestsurleseuilde laporte avecunebouteillede champagneet deuxcoupes. Je l’observe à traversmon rideaudelarmes.
—C’étaittoi?Maiscomment?Tuétaistoutletempsparti.—Justement,çamerendaitfoudenepasêtrelà.C’étaitmafaçond’êtreavectoi.Eleonoraété
unecompliceparfaite.—Ellesavait?Edwardnesedonnepaslapeinederépondre.Biensûrqu’ellesavait!Danslesprofondeursde
moncœur,j’aitoujourssouhaitéquelesmessagesviennentd’Edward,maisçameparaissaitàuntelpointutopiquequejen’aijamaismêmeosélaissercettepenséeprendreformedansmonesprit.Pourmoi,Edwardn’étaitqu’unrêveinaccessible,unmiragequ’onnepeutatteindre.Commelarosebleue,telque lesuggéraitEdward,notrerelationmesemblait impossible.Jemedirigevers lebouquetetj’ensorscetteroseparticulière.Jelarespireavantdem’approcherdelui.
—J’aibienessayédetedirequec’étaitmoi.Unedespenséesqu’ilm’aécritemerevientàl’esprit.Jelarécite.—Jevoudraisêtrelesoleildetesjours,lalunedetesnuits…Edwardprendlarelèveenessuyantunegouttelettesaléesurmajoue.—…leslarmesdetesyeux,leremèdedetesdouleurs,lesouriredetesjoiesetl’uniquepersonne
detavie.Edwardcessedeparlerenposantseslèvressurlesmiennes.Jeréalisequeleslarmesquejegoûte
nem’appartiennentpas.—Dis-moioui,Maëlie,jet’enprie.Dis-moiquejeserail’uniquepersonnedetavie,souffle-t-il
entredeuxbaisers.En me référant à nouveau à l’une des pensées qu’il m’a écrites, je lui réponds avant de
l’embrasser.—Unjugem’acondamnéeàt’aimer;jesuisobligéejusqu’àperpétuité.Edwardsouritàtraversnotrebaiser.Sesmainsontdéjàeuraisondemaveste,puisdemablouse,
demonsoutien-gorge…
23Aujourd’hui, jecélèbremesvingt-neufans.MêmesiEdwardestà l’extérieurpour le travail, il
m’alaisséunedesesmerveilleusescitationspourêtreavecmoi.Etcommes’ilnem’avaitpasassezdonné,ilm’afaitlivreruncadeau.Ilaencoreréussiàmesurprendreavecleprésentquiétaitdansmonbureauàmonretourdudîner.Mêmes’ilétaitemballéetornéd’unegigantesqueboucle,jemedoutais,enraisondelaforme,quelepaquetcachaitunetoile.Maisj’étaisloindem’imaginerqu’elleseraitaussisplendide.Edwardabienvuquej’avaisétééblouieparl’œuvredeMichèleDubéqu’iladanssachambreàcoucher.Alorsilnousenaprocuréunedecettetalentueuseartistepourlanouvellemaison.Cettesuperbereprésentationd’unefemmesirotantunverredechampagneseraparfaiteprèsdufoyerdanslesalon.
Bienque jesouhaitepasserchaquesecondedemonexistenceavecEdward, jesuisheureusedesortiravecmesamiescesoir.Pourfairechangement,notresouperdefillesauralieuauresto.C’estlapremièrefoisquejelesvoisdepuisleweek-endàMiami.
Ellessontdéjàlàquandj’arrive.—Hé,sexy!m’accueilleCrystallapremière.—Vousn’êtesquedeshypocrites!dis-jesèchementdèsquejesuisassezprès.—Maëlie!C’étaitpourlemieux,sejustifieAlexa.JemelaissetombersurlabanquettependantqueZoeyaviseleserveurqu’unequatrièmecoupe
seranécessaire.—Sionavaittrahilesecret,tuseraisencoreentraindetecacherdanslesbuissonspournepas
voirEdward!semoqueCrystal.Jetirelalangueverselle.—Commentavez-vouspuréussiràneriendirependanttoutcetemps?—Lavéritablequestionest :commentas-tupuneriendevinerpendant toutce temps?Edward
étaitsimauvaispourlecacher.Enyréfléchissant,jeréalisequeCrystaln’apastoutàfaittort.Jecroyaisaucontrairequ’ilétait
unexcellentacteurquandvenaitletempsdejouerlerôledemonpetitami.—Entoutcas,jecomprendsmieuxpourquoiilm’embrassaitsansarrêt!D’ailleurs,c’estpresque
impossibledel’empêcherdemetoucher.Jen’arrivepasàcroirequ’ilaitpusecontrôlerpendantdessemaines.
—Alors,çavalaitlecoup?s’intéresseCrystal.—Cen’estpasvraimentdetesaffaires…maisoui.C’était…Jeréfléchisententantdequalifiernoséchanges.Hum…—…doux,intense,passionné.Encoremeilleurquecequej’avaispuimaginer.—Ouache!Gardetaviesexuelleprivée,jeparlaisduparavoile,rétorqueCrystal.AlexaetZoeys’esclaffentàl’unisson.—Vafairecroireçaàquelqu’und’autre.—Alors,c’estfini,tuneserasjamaisautosuffisanteetsanspitié?C’est àmon tour de rire.Ondirait que non.Tout compte fait, ces traits de personnalité neme
correspondentpas.J’aimeraisêtreunedecesfemmesindépendantesquiparaissentn’avoirbesoindepersonne,maiscen’estpasmoi.
—CommentaréagiMoricioquandilasuquetudéménagerais?mequestionneAlexa.Jefroncelessourcils.Commentsont-ellesaucourantdelademanded’Edwardd’allervivreavec
lui?—Jeneluiaiencoreriendit.Commentsavez-vous?—Qui crois-tu s’est chargédubouquet qui t’attendait dans lamaison à ton retourdeMiami ?
demandeZoey.—C’étaittoi?—EtJoshua.—Voussaveztout!Ettoujoursavantmoi!Je bougonne en refermant monmenu au moment où le serveur s’approche pour prendre nos
choix. Je remarque que Crystal lui jette un regard séducteur. Alexa, Zoey et moi passons notrecommande,alorsqueCrystalesthésitante.
—Alors,charmantjeunehomme,pourriez-vousm’indiquercequipourraitmerendreheureuse?demande-t-elleenrelevantunsourcilverslui.
Pendantunmoment,jesuisincertaine.Parle-t-elledumenu?Notregarçondetablesembleavoirlamêmeinterrogation.Toutensouriant,illuirépondavecuneassuranceétonnante.
—Àl’exceptiondemoi,laseulechosequipourraitvraimentvoussatisfaire,c’estcetteassiettedepâtes.Ellessontexcellentesetdonnenttoutel’énergienécessairedontvousaurezbesoincesoir.
—Çamesemblealléchant.Alors,faites-moiplaisir!riposte-t-elleenrefermantlemenutoutencontinuantdesoutenirsonregard.
Satisfait, l’audacieux serveur attrape la bouteille, remplit nos verres et fait volte-face pour serendredanslescuisines.Alexa,Zoeyetmoilaregardonsavecdespointsd’interrogationàlaplacedesyeux.
—Quoi?demande-t-elleenprenantsonverrepourenavaleruneénormegoulée.—C’étaitquoi,ça?dis-jelapremière.—Riendutout.Jeluiaidemandécequimeplairait,etpouruneraisonquim’échappetotalement,
ilacruquejeflirtais.—Ouais!Etjemedemandecequiabienpul’ameneràcroireça,hein?lanceAlexaencoresous
lechoc.—Vraiment,jen’aiaucuneidée!rétorqueCrystalenseretenantderire.Entoutcas,ilaunebelle
répartie.—JepensaisquetuaimaisLaurent,commenteZoey.Crystalsoupireens’appuyantsurledossierdelabanquette.—Oui, c’est le cas.Mais vous ne comprenez pas,m’engager entièrement avec lui, ça signifie
laisserpassertouslesautres.—Tunefaispasqueparlercommelesmecs,tupenseségalementcommeeux!MalgrélesouriredeCrystal,jesensquej’aitouchédanslemille.—Tuessérieuse,demandeAlexa,l’idéedet’engageravecLaurentt’effraie?—Envérité,cen’estpastantmonengagementavecLaurentquimeposeproblème,maislefait
quelaséductionneferapluspartiedemavie.—La séduction peut continuer de faire partie de ta vie, répliqueZoey,mais pas avec tous les
hommes.—Justement!J’ignore pourquoi, mais je crois comprendre. J’ai l’impression demieux saisir mon amie. Je
pensequ’ellen’estpaslaseuledanscettesituation.—Au fond, la séduction est un moyen que tu utilises pour confirmer que tu peux plaire aux
hommes.L’idéedeneplusêtreenmodechassetedonnel’impressionquetun’aurasplusdemoyens
d’avoircetteconfirmation.SauflefaitqueLaurentresteavectoi.Crystalrelèvedessourcilssurpris.—Es-tuentraindemedirequetumecomprends?—Oui, je crois.Ça a du sens, non ?Tun’es pas la seule. Je pensemêmeque c’est pour cette
raisonqueFélixm’atrompée.Mesamiess’immobilisent,commesilaterrevenaitd’arrêterdetourner.—Jecroisquetoutlemondeabesoindesesentirdésiréetchacunasafaçond’allerlechercher.
C’estsûrementpourcetteraisonqu’ilyaautantd’infidélité.Lescouplesfinissentparsetenirpouracquis,pourtantcebesoindeséduireresteprésent.Alorsilfautcontinuerànourrirnotrepartenaire,sinonilchercheraàcomblersonbesoinautrement.C’estprobablementcequis’estpasséavecFélix.
—Ehbien!Quiauraitcruquec’estMaëliequimettraitledoigtsurtonproblème!lanceAlexa.—Commentça,monproblème!s’offusqueCrystal.Tun’aspascompris?Jenesuispaslaseule
danscettesituation.—N’empêchequejetrouvesalogiqueintéressante,commenteZoey.Penses-y!Laurentteplaîtet
c’estdetouteévidenceréciproque.Iln’arrêtepasdetedemanderdedéménagertesaffairesàQuébecpourluiprouverquetul’aimes–doncpournourrirsonbesoin.Toi,turésistespourqu’ilcontinued’insister,etçanourrittonbesoin.
—Coudonc,lesfilles!Onfaitdanslapsychologiebonmarchécesoir!—Non,mais,sansblague.Onestpeut-êtreentrainderésoudreundesgrandsmystèresdelavie
decouple,s’exciteAlexa.Commetoujours,notresoiréeaétédrôle,rafraîchissanteetanimée.
***DIX-SEPTMOISPLUSTARD…Encebeaudimancheaprès-mididumoisd’août,noussommesencompagniedenosamispour
un BBQ. Alexa est accompagnée de Nick. Il a emménagé chez elle depuis environ six mois. Il ademandéàêtremutéaubureaudeMontréalet,puisqu’unposteéquivalentausienétaitvacant, sondéménagements’estfaitàpeineunmoisplustard.
CrystalesticiavecLaurent.Lechiropraticiencontinuedeluidemanderd’avoirpignonsurrueàQuébec,mais elle n’est toujours pas prête. Pourtant, elle a des étoiles dans les yeux quand elle leregarde.Jepensequ’elleadumalàsedéfairedesonrôledefemmeinatteignable.Detoutefaçon,luineprévoitpaslâcherpriseaussifacilement.
Parcontre,ZoeyetJoshuanesontpasavecnousaujourd’hui,pasparmanqued’intérêt,maisbienparcequ’ilssontàBali.Zoeyattendait labonnepersonnepoureffectuercevoyagedontellerêvaitdepuisunbonmoment,etilsemblequ’ellel’aittrouvéeavecJoshuaquiestaussiaventurierqu’elle.C’estd’ailleursluiquiluiaoffertcevoyage;uncadeaudefélicitationspoursonpremierroman,Mavien’estqu’uneescale,quiparaîtradansdeuxmois.
Williamvient tout justed’arriveravecThalya,unefillequ’ilarencontréeilyaquelquesmois.ElleestétudianteensciencesinfirmièresetWilliamsefaitleplusgrandplaisirdeprêtersoncorpspour des fins d’études ! Ils sont plutôt bien assortis, mais William désire prendre son temps.ContrairementàEdwardetmoi,quin’avonspasperduuneminutedeplusaprèsnotreweek-endàMiami. Quelques semaines plus tard, on mettait nos condos à vendre et, au début de l’été, onemménageait dans notre nouvellemaison.Même si certains pourraient prétendre qu’on va vite enaffaires,jen’aiaucundoutesurmonchoix.EtEdwardmerépètechaquejourqu’ilprévoitmegardercaptivejusqu’àlafindemavie.C’estencoreplusfaciledepuisqu’ilnevapresqueplusàl’extérieurpourleboulot.Depuisl’automnedernier,iloccupedenouvellesfonctionsàl’intérieurdubureau.Ila
passé le flambeau de VP des opérations et du développement des affaires à Shawn, qui étaitresponsabledesaffairesinternationales.Maintenant,EdwardestassisdanslesiègedePDG,etmêmes’il travaille encore beaucoup, il peut souvent le faire de lamaison. Et surtout, il continue demebécoterlanuque,chaquematinauréveil.
Pourmapart,j’aitrèspeuàmedéplaceràl’extérieurdeMontréaldanslecadredemontravail.Beaucoupd’effortsontétémisenœuvrepourquelesvidéoconférencessoientvalorisées.Maintenant,laplupartdes réunions se font àdistance.Les seulsvoyagesnécessaires le sontquand les contactsaveclesclientssontplusfragiles.
Eleonorcontinued’êtrel’assistanted’Edward,maiselleafaitlademandedetravaillermoins.Jedevrais plutôt dire que le père d’Edward a exigé de la garder plus souvent avec lui. Elle occupeencore ses fonctions quatre journées par semaine, mais deux en télétravail. Son rôle a beaucoupchangé,maisEdwardnes’enplaintpas.Siellemanquedetemps,ilengageraunepersonneàtempspartielquicompenseralasurchargeeneffectuantdepetitstravauxquinenécessitentpasqu’Eleonors’enoccupe.Edwardestsiheureuxde la relationdesonpèreavecsonassistancequ’ilnevoudraitsurtoutpasnuireàcebonheur.DavidetEleonorontprévupassernoussaluerplustard.J’aihâtedelesvoir,ilyadéjàdeuxsemainesqu’ilsnesontpasvenusàlamaison.EleonoratoujoursétébonnepourEdwardetmoi.C’estd’ailleursgrâceàellesinoussommesensemble.EnrevenantdeMiami,Edward l’a questionnée sur la réservation d’une seule chambre à l’hôtel. Elle a tout simplementrépondu:
—J’enavaisassezdevospréliminairessansfin,monsieurO’Toole;j’aivouluvousdonnerunpetitcoupdemain.
Encettemerveilleuse journéeensoleillée, ce sont leshommesqui cuisinentpournous.Edwardfaitpartiedes chefs.Depuisqu’il est à la retraite,Davidcherchediverses activitéspour s’occuper,alorsilaccompagneEdwardàdescoursdecuisine.DavidvoulaitpouvoiraccueillirEleonoravecunbonrepasàsonretourdutravail.Pourl’instant,ilsontchoisiuncoursdecuissonsurlebarbecueenraison de la saison estivale.Ainsi, aujourd’hui,Edward et ses amis nous feront goûter à certainesrecettesdontilsontfaitladécouvertedernièrement.J’adorecuisiner,maisjenemeplainspasdevoirEdwardpartagercettetâcheavecmoi.Aucontraire,çafaitpartiedenospetitsbonheursquotidiensdecuisinerensembleensirotantunbonverredevinauretourdubureau.
—Hé,Moricio!s’exclameAlexaenvoyantmonancienvoisinpasserlaclôturedujardinpoursejoindreànous.
Comme l’avait deviné Alexa, Moricio était anéanti en apprenant la nouvelle de mondéménagement. Je lui ai donc fait la promesse solennelle de l’inviter régulièrement. Bienfranchement, ilmemanqueraitsi jene levoyaispas.Moricioestpeut-êtreparticulier,mais il restequelqu’undegentil,trèsintelligentetattachant.
—Tuapportesdelanourriture!s’étonneCrystal.C’estlemondeàl’envers!Moricio ignore son commentaire, embrasse mon amie et la soulève du sol pour l’étreindre.
Quandj’inviteMoricio,mesamiesnesontpastoujourslà.Commeilsnesevoientpassouvent,tantmonancienvoisinquelesfillessontcontentsdeserevoir.
—KoftaetNan,dit-ilenmontrantlesalimentsqu’iltient.C’estafghan,tuconnais?C’estvraiqueMoricioestgentild’apporterdelanourritureetqueçafaitchangement,maisilne
fautpasseleurrer,ilreparttoujoursaveclesbraspleinsdepetitsplats.Ilm’aàpeineembrasséequ’ilestdéjàentraindeseprendreunebièredanslaglacière.Toutlemondeleconnaît,alorspersonnenes’étonnede sonaisance.MêmesiMoricioadoreEdwarddepuis lepremier jour, jepensequ’il estvraiment impressionnéparsonpère. Iln’a jamaiscachéavoirunfaiblepour lesIrlandais,maisen
apprenantqueDavidétaitenplusuncapitainedenavire,onatousétérelayésausecondrang.Quandle père d’Edward est ici, Moricio est accroché à lui comme une gomme à mâcher sur une rueasphaltéeenpleinété.
Le soupern’estpasencore servi,nous sommesdonc sur la terrasseàprendre l’apéro.EdwardvientdedonnerunenouvellebièreàWilliam.Ilm’embrasseetmetendunebouteilled’eau.Crystalfaitalorsremarquerauxautrescequiestpasséinaperçujusqu’ici.
—Soiréebienarroséehier?Hangoveraujourd’hui,Maëlie?Unsouriremesertderéponse.Àcemoment,Edwardposesesbellesprunellesdanslesmiennes.—Tudevraislesavoir,depuisletemps,iln’yariencommeunenouvelleconsommationpourte
remettresurpied,insiste-t-elle.Edwardmeprendlamainavantdesepencherpourembrassermeslèvrestendrement.—Àmoinsqu’ellevived’amouretd’eaufraîche,commenteAlexaensouriant.—Jepensequeçaseraitunbonmoment,dis-jedansunchuchotisdansl’oreilled’Edward.Ilnerépondpas,maissesyeuxmeconfirmentqu’ilestd’accord.Iln’enfautpaspluspourque
Crystalcomprenne.—NON!s’exclame-t-elleenselevantdesachaisepourvenirversnous.—C’estvrai?seréjouitAlexaenselevantelleaussi.Edwarddevient aussitôtprotecteur et empêchemesamiesd’approcher enbrandissantunemain
devantmoitoutendéposantl’autresurmonventre.—Oh,là.Attention,doucement.—Dégage,jeveuxcâlinermonamie,lanceCrystalenluicraquantundoigt.Ilrigole,maiscontinuedesetenirtoutprès.—Quoi?questionneWilliamenretroussantsonnez.Qu’est-cequej’aimanqué?C’estThalyaquiluiexplique.—Maëlieestenceinte.—QUOI!s’exclamelepèred’Edward,écourtantdumêmecoupsaconversationavecMoricio.David me regarde, les deux yeux sortis des orbites et le coin des lèvres touchant ses lobes
d’oreilles.Avantquejepuisserépéter,ilcourtversmoi.Edwardal’airpaniquéenlevoyantsurgiraussivite.AumomentoùDavidarrive,Edwardmetientdanssesbraspouréviterquesonpèremeprennetropbrusquement.
—Arrêtedet’inquiéter!ElleporteunpetitO’Toole,jeneluiferaiaucunmal.—Vas-ydoucement,l’imploreEdwardencaressantmonventre.Son pèreme prend dans ses bras etme serre fort,mais garde son abdomen éloigné dumien,
commes’ilcraignaitd’écraserlebébé.—C’estvrai,vousm’avezfaitunpetitO’Toole?Laréactiondupèred’Edwardn’estpasvraimentunegrandesurprise,étantdonnéqu’ilharcèle
sonfilsdepuistroisanspourqu’illuifassedespetits-enfants.N’empêchequevoirlebonheurdanssesyeuxestcommeunedoucecaresse.
Aprèss’êtrepenchéàlahauteurdemonventre,pourexpliquerànotrebébétoutcequ’ilsferontensemblequandilserasortidelà,Davidmelaissepoursetournerverssonfils.Ilneluiditrien,saufque son regard dans celui d’Edward quand il empoigne samain fermement vaut tous lesmots dumonde.CetéchangesilencieuxmerappelleEdwardquandjeluiaiannoncéquej’étaisenceinte.J’aichoisideluidiredansunmessagequej’aiécritsuruncartoninsérédansunepetiteenveloppebleue.
Coucoupapa!Jesuisauchaudetc’esttoutdouilletici,maisj’aiquandmêmehâtedepouvoirmeretrouver
dans vos bras. En attendant, j’écoute quand tu dis des mots doux à maman. Si tu veux m’ensouffler àmoi aussi, tu peux te pencher près du ventre demaman, j’entends ta voix. Je t’aimedéjà.
BébéxxEdwardacomprisdèslespremiersmots.Çafaisaitdéjà troismoisqu’onparlaitdefairemini-
Edwardoumini-Maëlie.Dèsledébutdelalecture,lesmainsd’Edwardsesontmisesàtrembler.Ilaluletexteenentieravantdeleverdesyeuxhumidesversmoi.Aprèsunregardpleindecaresses,ils’estpenchépourembrassermeslèvresavecunedouceurinouïe.Ilm’aregardéeencoreunmoment,puiss’estmisàgenouxdevantmoipourposerseslèvressurmonnombril.Etlà,ilachuchotétoutdoucement:
—Moiaussi,jet’aimedéjà!***
Nosinvitéssontpartis,Edwardestallongéprèsdemoidansnotrelit.Ilpartagesesbaisersentremes lèvresetmonventrearrondi. Je l’observeenmedisantque j’ai tellementdechance.Blanche-Neige,Cendrillon,laBelleauboisdormant;jen’aiplusrienàenvieràaucuned’entreelles.
—Àquoitupenses?medemandeEdward.Jegratouillesabarbenaissanteensouriant.Sessourcilsetsescilsplusfoncésquesescheveux
encadrentsesyeuxauxrefletschangeants.Plutôtvertsaujourd’hui.Jedessinelestraitsdesonvisageavecleboutdemonindex.
—Jemefaisaislaréflexionquemonsexybeachbumestlepluscharmantdesprinces.—Sexybeachbum?répèteEdwardenretroussantsonnez.—Ouais.Quandjet’aiaperçuauMexique,c’estçaquej’aivu;unbeachbumquiallaitmebriser
lecœur.—Jamaisjeneferaisça.Àsontour,ildessinemonvisageavecsesdoigts.Ilglissesonindexsurlapentedemonnez.Mes
joues.Messourcils.Sonpoucefrôlemalèvresupérieure.—Cettebouche,dit-il,j’aivoulul’embrasseràlasecondeoùjet’aivue.—Pff !N’importequoi !Tu t’es retournéquand j’aivoulu tedireau revoir le jouroù je suis
partieduMexique.C’estvraiça!—Hé!Tunem’asjamaisexpliquépourquoitun’avaispasvoulum’embrassercejour-là.Tuas
tournélatêtepourmeprésentertajoue.Pourquoi?Edwardmetunmomentàorganisersespenséesavantderépondre.—Jesavaisquetuétaislafemmedemavieetjevoulaisqueleschosessepassentparfaitement.Je
nevoulaispast’embrasserdanslehalld’unhôtel,prèsd’unbar,alorsquetuallaispartiruneminuteaprès.J’aivoulucontrôlerlequand,leoùetlecommentdecepremierbaiser.
— Je ne voulais pas un french kiss, je voulais juste poser mes lèvres sur les tiennes pourt’exprimerquecen’étaitpasparcequetunemeplaisaispasquejetefuyais.
—Commentj’auraispusavoir?Tuétaissiimprévisible.—Quandj’ypense,lapremièrefoisqueteslèvresonttouchélesmiennes,c’étaitdevantAntoine,
LaurentetCrystal…Etlepremiervraibaiser,c’étaitdevantFélix,dansunbar,alorsqu’onétaitsoûls.—Ouais,benvisiblement,jenecontrôlepasgrand-chose!Eneffet!—Tuasrépétéplusieursfoisquetuastoutdesuitecomprisquetuvoulaisfairetavieavecmoi.
Tupeuxm’expliquercommenttuassu?
—Unjour,j’aidemandéàmamèrecommentreconnaitrelafemmeavecquipartagersavie.Etellem’aréponduquelorsqu’onfaitdesactivitésextraordinairesavecquelqu’unetqu’onnesesentpassiheureux,c’estquecen’estpaslabonnepersonne.Parcontre,quandonfaitdesbanalitésavecun individu et que ces choses nous semblent êtremerveilleuses, c’est qu’on a trouvé l’être spécialavecquipartagersavie.
Edwardsedressesurlescoudespourposersesprunellesdanslesmiennes.—Quandje t’aivue, jenevoulaisriend’autrequerester lààneriendireetànerienfaire.Je
voulaisjusteêtreavectoi,toutsimplement.—Tusaisquetuescharmant?—Etsexyaussi!Tulepensesencore,hein?Tellement!—Ettoi,metrouves-tujolie,malgrémonbedon?—Siseulementtusavaisàquelpointjet’aime,Maëlie.J’arrêteraidet’aimerseulementquandun
muetmediraqu’unsourdaentenduunaveugleluidécrireàquelpointlecielestbeau.Ooohh!Quejel’aime!Ma rencontre avec Edward et nos débuts ont été particuliers.Notre histoire n’est peut-être pas
aussiparfaitequecellesdesprincessesquej’ailuesdanslescontesquandj’étaisenfant,maisàmesyeuxelleestencoremieux!
RemerciementsSiceromans’estretrouvéentrevosmains,c’estgrâceàbeaucoupdegens…Merciàmonéditeur,DanielBertrand,dem’avoiraccordétaconfianceenpubliantlapetitehistoiredemabelleetromantiqueMaëlie.
Jemesensprivilégiéedefairepartiedetesauteurs.MerciàStéphanieRoypourtarigueurduranttoutleprocessus.Tonapprocheàlafoisprofessionnelleetaccessiblea rendu l’aventurede l’éditionencoreplus intéressante.MerciàMarie-MichèleMartinpour tonaimablecollaboration.Merciàl’équipederévisionetdecorrection,sansquijenepourraisexercerlemétierquimepassionneautant.Jesaisque,très souvent, je ne vous fais pas la vie facile.Merci aussi auxmembres de la famille des Éditeurs réunis avec qui je neme suis pasentretenue directement,mais quimême dans l’ombre, travaillent avec acharnement pour faire briller lesœuvres des auteurs de votrebellemaisond’édition.
Merciàcesauteursanonymesàquij’aiempruntélespoèmesromantiquesd’Edward.Malgrémesnombreusesrecherches,jen’aiputrouverlasourcepremièredecesquelquespensées.Alors,sachezquemêmesij’enairetravailléquelques-unes,l’idéedebasen’estpasdemoi.
Merciàtoi,monchum,pourtonsoutiendanstoutcequej’entreprends,mêmesij’aisouventdesidéesdegrandeur.Merciaussiàtoi,Kelly-Ann, pour avoir toujours cru enmoi. Il faut se le dire, sans ton insistance pourme demander de faire éditermes écrits, ceseptièmeroman,commetouslesautresd’ailleurs,n’auraitjamaistrouvésoncheminjusquedanslesmainsdemeslecteurs.
Etjustement!Quediredevouschèreslectrices?Ehoui,lefémininl’emporteici!Vosbonsmotsàl’égarddemeshistoiresetdemespersonnagessontsiagréablesàlire.Nesous-estimezjamaisl’impactdevossigentilsmessages;ilssontlesoleildemesjournéesde travail.C’estavecunplaisirdémesuréque jevous lis.C’estvousquim’incitezàcontinuerd’écriredes romancescommecelledeMaëlie,quijel’espèrevousaplu.