cartographie des souvenirs: lieux et récits, jeunes réfugiés et médias participatifs

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS : LIEUX ET RÉCITS, JEUNES RÉFUGIÉS ET MÉDIAS PARTICIPATIFS www.mappingmemories.ca

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Cartographie des souvenirs est un livre/DVD/site Internet de récits médiatiques localisés personnels de jeunesayant une expérience de réfugié. Nous y étudions les dimensions pratiques et éthiques du lancement de projets multimédias participatifs traitant de questions délicates. Vous y trouverez des ressources pratiques sur l’histoire orale, la cartographie, le récit numérique, PhotoVoice, la vidéo participative, les paysages sonores et les paysages de mémoires. Vous découvrirez la force des récits personnels pour vous attaquer aux préjugés et susciter l’empathie dans vos classes et au sein de vos collectivités.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS : LIEUX ET RÉCITS, JEUNES RÉFUGIÉS ET MÉDIAS PARTICIPATIFS

www.mappingmemories.ca

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Rédaction : Liz Miller avec le concours de Michele Luchs et Gracia Dyer Jalea

Édition : Michele Luchs et Liz Miller

Collaborateurs à la rédaction : Michelle Smith, Colleen French, Steven High, Cynthia Beaudry, Sandra Gasana.

Collaborateurs à l’édition : Kevin Stanley, Cynthia Beaudry, Virginia Bruman, Colleen French, Deb VanSlet.

Participants collaborateurs : Yassin Alsalman, Samantha Columbon, Ayanda Dube, Aamail Esmer, Stephanie Gasana, Deeqa Ibrahim, Erasmo López V., Vox Sambou, Marie-Francoise Ilunga Sitman, Leontine Umubyeyi. Plusieurs partici-pants ont eu recours à un nom fictif ou ont préféré préserver leur anonymat.

Traduction : Magaly Sala, Chantal Nault (Intercultura SL)

Révision de la version française : Eve-Lyne Cayouette Ashby, Aude Maltais, Caroline Kunzle

Conception graphique : Mél Hogan (archinodes.com)

Mise en page InDesign : Antonia Hernández, Momoko Allard

Révision : Tamara Shepherd

Photographies : Anne-Renee Hotte, David Ward / Lab six and a half, Liz Miller, Deborah VanSlet, Martha Stiegman, Josée Pednault, Cynthia D’Cruz, Suhail AbualSameed, Quentin Rameau.

Équipe d’animateurs du projet Cartographie des souvenirs : Gracia Dyer Jalea, Colleen French, Michele Luchs, Liz Miller, Martha Stiegman, Suhail AbualSameed, Sylvain Thibault.

Financement fourni par le Conseil de recherches en sciences humaines.Aide financière additionnelle généreusement accordée par l’Université Concordia et le Centre d’histoire orale et de récits numérisés.

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LES JEUNES RÉFUGIÉS ET LA PRATIQUE PARTICIPATIVE

LA PREMIÈRE PORTE : TROUVER UN CHEZ-SOI DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT

EN ROUTE : ASSOCIER LES HISTOIRES PERSONNELLES AUX LIEUX PUBLICS

RAPPER SES RACINES : EXPRIMER SON IDENTITÉ PAR LA MUSIQUE

DE JEUNES RÉFUGIÉS LGBTQ EN PAYSD’ACCUEIL : IDENTITÉ, APPARTENANCE ET LIEU

PRÉSENTER DES PROJETS PARTICIPATIFS À UN PUBLIC PLUS VASTE

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COMMENT TIRER PARTI DU PRÉSENT LIVRE

Le présent livre, ainsi que le DVD et le site Internet qui l’accompagnent, sont conçus pour ceux et celles qui désirent s’investir dans des projets multimédias participatifs d´expression créative personnelle et de sensibilisation du public, dont les enseignants, les défenseurs des droits des jeunes, les travailleurs sociaux, les chercheurs et les animateurs multimédias.

Chaque chapitre s’articule autour d’un thème central se rapportant à l’expérience d’immigrant ou de réfugié et s’applique à un public plus vaste. Le chapitre 2 se concentre sur la notion de « chez-soi » et sur l’expérience d’avoir à le quitter et à le recréer dans un nouvel endroit. Le chapitre 3 traite de l’association des souvenirs aux lieux et de l’importance de découvrir nos histoires de familles. Le chapitre 4 porte sur les histoires de vie et sur la façon dont les jeunes se servent de la musique pour préserver leurs identités culturelles multiples. Le chapitre 5 étudie comment se servir des histoires de chacun pour contrer les préjugés et traite des situations particulières de jeunes réfugiés qui ont dû fuir leur pays à cause de leur orientation sexuelle.

Les histoires décrites peuvent être présentées dans les classes, les bibliothèques, les centres communautaires et même les auditoriums. L’important est qu’elles mènent à une meilleure compréhension de la migration forcée, de nos propres quartiers et des gens qui nous entourent. Les activités peuvent être intégrées aux programmes éducatifs existants ou contribuer à l’élaboration d’ateliers qui suscitent l’empathie envers les jeunes ayant une expérience de réfugié et envers d’autres groupes victimes d’oppression ou faisant face à l’adversité.

QUE SIGNIFIE « CARTOGRAPHIER UN SOUVENIR » ?

Tout au long du livre, nous employons le terme « cartographie » pour décrire le processus consistant à associer des expériences personnelles à des lieux qui revêtent une importance. À titre d’exemple, lorsque nous demandions aux participants d’évoquer leur chez-soi par un dessin et de nous raconter par la suite une histoire, nous appelions ces dessins et les récits les accompagnant des « cartes personnelles». Nous avons également demandé aux participants de cartographier leurs histoires à l’aide de coordonnées géographiques. La cartographie vise à les aider à relier le passé au présent, le personnel au collectif et ce faisant, à visualiser de nouveaux liens.

Tout au long du présent livre, l’icône Internet indique que le récit numérique, le documen-taire ou la ressource de l’atelier sont dis-ponibles sur notre site Internet à l’adresse « http://www.mappingmemories.ca/fr ».

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PRÉFACE

Le projet Cartographie des souvenirs a réuni éducateurs, cinéastes, militants, organisateurs, étudiants et jeunes montréalais afin d’élaborer des projets multi-médias participatifs pour les jeunes ayant une expérience de réfugié. Ces ate-liers devaient offrir aux jeunes une occasion de réfléchir sur leurs expériences uniques, d’acquérir de nouvelles compétences médiatiques, de collaborer les uns avec les autres, de renforcer les réseaux de pairs et de s’exprimer de manière créative en se servant de différents types de médias pour façonner leurs récits.

Le présent livre collige le formidable travail accompli dans le cadre des ateliers sur les médias, de même que l’expérience collective accumulée par nos par-ticipants et nos partenaires œuvrant dans le domaine de la migration et des droits des réfugiés. Même si la migration est un des plus grands enjeux de notre époque, peu d’entre nous comprennent vraiment les défis auxquels les jeunes réfugiés sont confrontés. Trop souvent, les récits sur les réfugiés sont écrits par des écrivains ou des journalistes qui insistent sur la violence à leur égard, mais ne dépeignent pas le courage dont ils font preuve dans l’adversité. Même si ces représentations sont exactes, elles mettent l’accent sur les réfugiés en tant que victimes et risquent ainsi de perpétuer les stéréotypes.

En donnant forme à leurs propres récits, les jeunes ayant une expérience de réfugié peuvent souligner leur résilience et sensibiliser le public à certaines réa- lités auxquelles ils sont confrontés. Affronter l’adversité n’est pas l’apanage des jeunes réfugiés et nous espérons que les portraits présentés dans le présent livre inciteront d’autres jeunes à partager leurs histoires afin qu’ils découvrent leurs propres capacités à surmonter les épreuves.

Le présent livre, tout comme le DVD et le site Internet, offre des aperçus de la planification des projets, de la technologie employée et des questions éthiques en jeu. Nous avons élaboré des instructions étape par étape et produit des documents de cours et une foule d’exemples tirés de nos ateliers à l’intention des enseignants et des animateurs qui voudraient lancer des projets similaires de récits sur la migration ou sur d’autres thèmes de leur choix. Ces documents sont conçus pour soutenir des activités de différentes envergures faisant appel à des outils technologiques rudimentaires ou plus complexes.

MÉTHODES

» dessins

» photographies

» paysages de souvenirs

» cartographies numériques

» visites immersives audioguidées en autobus

» randonnées guidées

» vidéos musicales

» histoires de vie

« http://www.mappingmemories.ca/fr ».

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Un processus créatif collaboratif, peu importe les technologies employées, nous amène à réfléchir à la façon dont les récits personnels s’imbriquent dans des questions sociales plus vastes.

Michele Luchs and Liz Miller

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01NOTRE MANDAT

Ces dernières années, nous avons été témoins d’un élargissement progressif des possibilités participatives offertes par les médias audiovisuels en commen-çant par un meilleur accès aux appareils d’enregistrement, aux installations de montage et à la cartographie numérique. L’explosion des médias sociaux a amené les jeunes de partout dans le monde à voir comment ils pouvaient faire une différence en prenant la parole publiquement ou sur le plan personnel. Les outils sont de plus en plus disponibles et les moyens de communication exis-tent pour diffuser le travail effectué ; le potentiel des médias pour informer et éduquer le public semble illimité. Dans un même temps, les avancées rapides de la technologie médiatique nous incitent à revoir les notions de littératie et à adapter nos programmes éducatifs et projets en conséquence. Si la prochaine génération regarde, écoute et produit autant qu’elle lit, nous devons développer de nouveaux outils favorisant une littératie critique et une compréhension des conditions d’utilisation de ces outils et plateformes. Leur intégration aux récits personnels dans les classes ou dans les groupes communautaires est un moyen puissant d’élargir les notions de littératie, d’introduire des enjeux sociaux fonda-mentaux et de soulever des questions sur la prise de parole, la vérité, l’éthique, l’histoire et la propriété intellectuelle.

LES JEUNES RÉFUGIÉS ET LA PRATIQUE PARTICIPATIVE

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QU’EST-CE QU’UN JEUNE ?

À des fins statistiques, les Nations Unies définissent un « jeune » comme étant une personne âgée de 15 à 24 ans (voir www.un.org).

Dans le cadre de notre projet, nous avons surtout travaillé auprès de personnes âgées de 16 à 30 ans.

Lorsque nous avons entrepris ce projet, nous nous sommes posés une série de questions centrales : comment les tendances innovatrices en technolo-gie, comme la cartographie numérique et les récits médiatiques localisés, pourraient-elles jeter une lumière sur des histoires personnelles et sociales et sur des enjeux tels que la mon- dialisation et la migration ? Comment un processus multimédia participatif peut-il aider de jeunes nouveaux ar- rivants à faire entendre leurs voix et à trouver des points communs dans une période de transition ? À quoi devons-nous faire attention lorsque nous naviguons entre les écueils de l’utopie et de l’apparence de démocratie dans le domaine de la création et de la diffusion tout en composant avec des histoires difficiles  ? Le présent livre, tout comme le DVD et le site Internet qui y sont associés, forme notre réponse collective à ces questions.

QUELS SONT LES DÉFIS AUXQUELS SONT CONFRONTÉS LES JEUNES AYANT UNE EXPÉRIENCE DE RÉFUGIÉ UNE FOIS AU CANADA ?

Les jeunes qui ont participé à nos ateliers ont été contraints de fuir leur pays pour différentes raisons, dont la violence sexospécifique, la persécu-tion fondée sur l’orientation sexuelle et la violence subie en raison d’un conflit armé. Nous espérons que la diversité de leurs expériences aide à démystifier ce que signifie être un réfugié ou être marqué par l’exil. Nous voulons également sensibiliser davantage les gens aux besoins spéci-fiques des jeunes nouveaux arrivants qui viennent souvent seuls et doivent la plupart du temps renoncer à leurs études. Ces jeunes ressentent im-médiatement les bienfaits de la

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sensibilité des enseignants et des animateurs ainsi que de la compassion de leurs pairs. À titre d’exemple, les mineurs non accompagnés commen-cent leur vie adulte sans soutien communautaire et de ce fait, les services d’intégration destinés aux jeunes sont particulièrement essentiels. Finalement, il existe très peu de ressources permet-tant aux personnes qui fuient leurs pays, à cause des violences sexospécifiques ou fondées sur l’orientation sexuelle, de raconter leurs récits et de combler leurs besoins. Le présent projet apporte une contribution unique à la compréhen-sion des préoccupations des réfugiés LGBTQ.

LES JEUNES AYANT UNE EXPÉRIENCE DE RÉFUGIÉ

Plusieurs des participants à nos projets étaient des sœurs, des frères ou des enfants de réfugiés. C’est la raison pour laquelle nous employons le terme «  ayant une expérience de réfugié  » afin d’inclure ceux qui, en théorie, n’ont probablement pas présenté de demandes à titre de réfugiés, mais qui ont été marqués par l’expérience d’un réfugié. Les histoires de déracine-ment et d’enracinement racontées par les jeunes du Rwanda, du Zimbabwe, d’Haïti, du Sri Lanka et d’autres pays traitent de migration, de famille, de chez-soi, d’adversité et de changement, soit des thèmes qui nous touchent toutes et tous.

POURQUOI ENTREPRENDRE UN PROJET MULTIMÉDIA PARTICIPATIF ?

Un projet multimédia offre de nombreux avantages à une personne ou à une communauté, mais implique beaucoup de travail. Avant de relever le défi d’un pro-jet multimédia participatif, nous vous suggérons de considérer vos objectifs spécifiques.

Souhaitez-vous :

» former des personnes pour qu’elles acquièrent de nouvelles compétences techniques ?

» renforcer des compétences linguistiques et rédactionnelles ?

» offrir à la classe ou au groupe communautaire une nouvelle façon de collaborer ?

» initier les participants aux concepts de connaissances et de compétences médiatiques ?

» favoriser le travail d’équipe ?

» développer des aptitudes à diriger ?

» intégrer le résultat du travail à une campagne d’éducation ou de sensibilisation ?

Bien qu’un projet multimédia puisse effectivement permettre d’atteindre plusieurs de ces objectifs, le fait de savoir d’avance ce qui vous importe le plus vous aidera à élaborer votre programme et à déterminer si d’autres personnes y seront associées ainsi que leur degré d’engagement.

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QU’EST-CE QU’UN MÉDIA PARTICIPATIF ?

Le terme «  média participatif  » est un peu devenu une expression poly-valente pour désigner la création et les échanges médiatiques qui tentent de faire tomber la séparation entre les créateurs et le public, tels que les applications composites, les wikis et autres. Dans le cadre du présent projet, nous employons ce terme pour décrire un processus qui incite les personnes à participer à la création de leurs récits personnels.

Ce processus permet aux personnes souvent présentées sous un faux jour dans les médias grand public de trou-ver un moyen de se faire entendre, d’acquérir de nouvelles compétences et de devenir des conteurs, des cinéas-tes ou des photographes. Il consiste à se réapproprier les moyens de se faire entendre et de se représenter et comporte des aspects éthiques, de défense des droits et de collaboration. Alors que les nouveaux outils média-tiques font actuellement fureur, les pratiques en média participatif ne datent pas d’hier. Certains des premiers projets participatifs remon-tent aux années 1960 dans le cadre du programme Société nouvelle mis sur pied par l’Office national du film du Canada. PhotoVoice, un projet d’origine anglaise est maintenant une méthode pratiquée partout dans le monde qui a grandement contribué à l’enrichissement des projets participa-tifs de photographie (voir chapitre 4). Plus récemment, les technologies mobiles (cellulaires, appareils GPS, etc.) offrent de nouvelles possibilités aux créateurs et aux publics. Dans les médias localisés, les quartiers ou les alentours peuvent devenir des messages visuels ou sonores pour les conteurs de récits numérisés. Des

possibilités fabuleuses existent égale-ment pour les membres du public qui peuvent marcher dans les pas du conteur grâce à des guides ou à l’aide de baladeur MP3, de GPS et de télé-phones intelligents.

Il est passionnant de constater les possibilités offertes par les médias participatifs et les médias localisés, mais la technologie ne représente qu’une infime partie du processus multimédia participatif. Les outils choisis pour le projet doivent être adaptés au groupe de participants et être disponibles une fois l’atelier terminé. Nous optons souvent pour l’emploi d’une technologie gratuite ou d’exploitation libre afin de nous assurer que les participants ont accès aux programmes en tout temps après les cours (visitez notre site pour des conseils et des outils).

Un processus créatif collaboratif, peu importe la technologie employée (appareils photo, technologies vidéo et audio, cartographie numérique, etc.), nous amène à réfléchir à la façon dont les récits personnels s’imbriquent dans des questions sociales plus vastes.

Dans ce type de processus, les participants ont un mot à dire sur la présentation et la diffusion du travail. Ceux-ci devraient prendre part à chaque étape du projet – la planification initiale, le recrutement, l’établissement des objectifs, la production et la diffusion. Cette forme d’autorité et d’engagement partagés est essentielle pour bâtir des relations fondées sur la confiance et le respect mutuel.

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FACTEURS DONT IL FAUT TENIR COMPTE EN TRAVAILLANT AUPRÈS DE PERSONNES AU PASSÉ DIFFICILE :

» Avant de commencer un atelier, avisez les participants que les projets créatifs peuvent éveiller des émotions pénibles.

» Offrez-leur des ressources auxquelles ils pourront recourir s’ils ont besoin de soutien additionnel.

» Expliquez qu’en tant qu’enseignant ou animateur, il est de votre responsabilité de solliciter du soutien additionnel si vous pensez que l’intégrité d’une personne est menacée d’une quelconque façon.

» Soyez respectueux de la vie privée des participants et assurez-vous de leur offrir une vaste gamme d’exercices de telle sorte qu’ils ne se sentent pas obligés de partager des histoires s’ils ne sont pas prêts à le faire.

» Si une personne est au cœur d’un processus de demande de réfugié, demandez-lui de consulter son avocat avant de partager son histoire avec un public plus vaste.

» Associez à vos ateliers les membres de la communauté qui offrent un soutien direct aux participants afin de développer une atmosphère de confiance.

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PRINCIPES DIRECTEURS

Nos principes directeurs sont le respect mutuel et la propriété partagée. La liste ci-dessous, dressée par Michele Smith et Liz Miller qui ont travaillé auprès de jeunes autochtones et de jeunes réfugiés, offre un cadre éthique pour l’élaboration de projets participatifs similaires aux nôtres. Il est particulièrement important de suivre des lignes directrices lorsqu’on travaille auprès de communautés qui ont été éprouvées par des traumatismes dans le passé ou qui poursuivent leurs luttes pour préserver leurs connais-sances et leurs identités.

Initiative communautaire Les membres de la communauté sont engagés dès le début dans la conception du projet, l’élaboration des paramètres et des domaines d’intervention prioritaires et l’établissement des objectifs de diffusion. Idéalement, le projet est initié par les membres de la communauté et l’animateur multimédia est invité à aider les membres du groupe à atteindre leurs objectifs.

Autorité partagée Le projet multimédia participatif est une entreprise conjointe des participants et de l’animateur média. Ils peuvent jouer différents rôles au cours du processus, mais ils sont considérés partenaires à parts égales ayant leur mot à dire sur le déroulement du projet.

Objectifs communs Les objectifs du projet sont établis dès le départ entre les membres de la communauté et les participants. Le projet vise-t-il à influencer des politiques ? À renforcer une campagne de sensibilisation ? À accroître un effectif ? À favoriser la préservation des connaissances ? Les objectifs du projet vont permettre de définir le type de diffusion et son ampleur.

Propriété et propriété intellectuelle partagées Le projet est une propriété conjointe. Les participants sont copropriétaires du produit final et partagent le contrôle sur la diffusion de leurs connaissances et de leurs représentations. Le savoir communautaire ou traditionnel est respecté et partagé tout au long du processus. Un projet peut faire appel à de multiples auteurs.

Participation et incidence individuelles vs collectives L’ensemble de la commu-nauté à laquelle appartiennent les participants s’intéressera souvent au processus et au résultat du projet. Cela suppose de permettre aux membres de la communauté, aux militants et aux prestataires de services de contribuer de manière importante au projet. Cela signifie également qu’il faut trouver un équilibre entre les besoins et les objectifs des participants et ceux de l’ensemble de la communauté.

Plusieurs de ces principes sont bousculés et attaqués se heurtant au tohu-bohu et à la politique de la collaboration. Les dynamiques de groupe, les limites individuelles, l’accès aux ressources, les injustices passées et celles qui perdurent, ainsi que les insti-tutions auxquelles nous pouvons être mêlés ont tous une incidence sur la façon dont le projet se déroulera. Louvoyer dans cette mer de contradictions et d’incohérences implique d’être prêt à négocier et à renégocier les conditions et les paramètres tout au long d’un projet.

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SERVICES DIRECTSPour chacun des projets, nous avons collaboré avec des organismes hôtes qui offrent des services directs aux jeunes ayant une expérience de réfugié. En offrant des conseils et du soutien aux participants au cours de chacun des projets, nos partenaires communautaires ont apporté l’ingrédient essentiel à tout projet participatif, soit la « confiance ».

ÉDUCATION

Cartographie des souvenirs était un projet de recherche-création participative de l’Université Concordia sur quatre ans subventionné par le gouvernement. Le projet avait pour but d’étudier comment les histoires personnelles combinées à un éventail d’outils médiatiques (vidéo, randonnée sonore, cartographie, photo-graphie) pouvaient faire découvrir leurs forces aux jeunes réfugiés du Canada et porter leurs voix et expériences à un public plus vaste. Liz Miller était la chercheuse principale de ce projet (www. mappingmemories.ca).

Histoires de vie Montréal, une initia-tive université-communauté en histoire orale sur cinq ans, collabore avec diverses communautés afin d’enregistrer leurs propres histoires de vie dans le but de favoriser une meilleure compréhension des Montréalais déplacés par la guerre, le génocide et d’autres violations des droits de la personne. Cartographie des souve-nirs a mis sur pied un groupe de travail sur les jeunes réfugiés au sein de cette col-laboration université-communauté unique afin de s’assurer d’obtenir la perspective des jeunes et d’adapter le format d’Histoires de vie Montréal afin que les jeunes soient intéressés à participer. Le chercheur princi-pal du projet instauré au Centre d’histoire orale et de récits numérisés de l’Université Concordia est Steven High (www.histoiresdeviemontreal.ca).

Façonner l’éducation : la concep-tion des projets comportait également l’apprentissage de connaissances média-tiques. Ceci nous a permis d’étudier comment ces histoires et projets pouvaient être intégrés dans les classes partout au pays. Michele Luchs est la responsable aux programmes English Language Arts pour le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).

Project Refuge (chapitre 2) rési-dence temporaire pour les nou-veaux arrivants. www.montrealcitymission.org

Y des femmes de Montréal (chapitre 3), un organisme dédié à l’amélioration de la vie des femmes et des filles. www.ydesfemmesmtl.org

Maison des jeunes de Côte-des-Neiges (chapitre 4), un centre qui offre aux jeunes plusieurs activités artistiques. www.mdjcdn.wordpress.com

Express (chapitre 5), un groupe de soutien aux jeunes réfugiés LGBTQ à Torontowww.soytoronto.org

AGIR AGIR (chapitre 5), un groupe de soutien aux LGBTQ à Montréal. www.agir-quebec.info

PARTENAIRES

Les récits présentés dans le présent livre sont le résultat de collaborations uniques entre des organismes communau-taires desservant et représentant des groupes de réfugiés à Montréal, des experts en sensibilisation et en éducation et les équipes de deux projets de recherche de l’Université Concordia à Montréal : Cartographie des souvenirs et Histoires de vie Montréal.

POLITIQUELe Conseil canadien pour les réfugiésLe Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) est un organisme de regroupe-ment sans but lucratif qui se voue à la défense des droits et à la protection des réfugiés au Canada et dans le monde et à l’établissement des réfugiés et des immigrants au Canada. Il a créé un réseau de jeunes travaillant sur les questions de réfugiés et d’immigration partout au Canada. En plus de nous fournir des contacts et des ressources, le CCR nous a aidés à situer les récits personnels dans le cadre plus vaste des droits des réfugiés. Notre collaboratrice principale au sein du CCR était Colleen French, coordinatrice de la communica-tion et du réseautage (www.ccrweb.ca).

PORTÉELEARN, un organisme à but non lucra-tif qui offre des programmes novateurs aux enseignants et étudiants anglo-phones au Québec, collabore avec l’équipe de Cartographie des souvenirs pour former de jeunes participants en animation d’ateliers et pour organiser des visites scolaires dans différentes régions de la province.

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Ils ont pris ma maison, mais ils ne peuvent s’en prendre à mon avenir. En fuyant les persécutions et les conflits, les réfugiés ne perdent pas qu’un foyer : ils perdent une famille, des amis, un travail, une communauté, une culture.(www.unhcr.ca)

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02LA PREMIÈRE PORTE : TROUVER UN CHEZ-SOI DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT

QU’EST-CE QU’UN CHEZ-SOI ?Quel est le premier endroit que vous considéreriez comme votre chez-vous ? Est-ce qu’il s’agit d’un endroit ? D’une personne ? Comment l’idée que vous vous faites de votre chez-vous a-t-elle évolué avec le temps ? Avez-vous déjà dû quitter votre foyer ? Était-ce votre choix ? Partager des histoires autour du chez-soi est un bon point de départ pour un projet créatif. La plupart d’entre nous pouvons raconter des histoires sur notre chez-nous – un chez-soi passé ou présent, un lieu que nous avons été forcés de quitter, un foyer que nous voulons bâtir. Le chez-soi est un dénominateur commun qui nous lie les uns aux autres. Il est l’expression de ce qui nous importe.

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RACONTE-MOI UNE HISTOIRE : ATELIERS SUR LE RÉCIT NUMÉRIQUE À LA MAISON HAIDAR, UNE RÉSIDENCE POUR RÉFUGIÉSMichele Luchs et Liz Miller

APERÇU

Pendant un an, les membres de Cartographie des souvenirs ont collaboré avec la Maison Haidar, une résidence pour les nouveaux demandeurs d’asile. Avec le Conseil canadien pour les réfugiés et des étudiants bénévoles, nous avons dirigé des ateliers sur la cartographie, le récit numérique et la photographie, auxquels ont participé plus de 200 jeunes hommes. Nous avons égale-ment produit La première porte, un documentaire qui dresse le portrait du coordonnateur, Sylvain Thibault, et de trois personnes remarquables ayant séjourné à la Maison Haidar à leur arrivée à Montréal.

La Maison Haidar abrite le Projet Refuge, un programme qui accueille dans une résidence sécu-ritaire située à Montréal des hommes vulnérables ayant fui des situations particulièrement traumati-santes dans leur pays d’origine, et qui leur offre un soutien affectif. Le Projet Refuge, lancé y il a vingt ans, est l’un des nombreux programmes coordon-nés par la Mission communautaire de Montréal, un organisme qui offre un large éventail de services aux demandeurs d’asile. Le Projet Refuge aide également les nouveaux arrivants à identifier les personnes, les réseaux et les ressources qui peu-vent faciliter un processus d’intégration complexe.

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DIRIGER DES ATELIERS DANS UNE RÉSIDENCE POUR RÉFUGIÉS

présentent les individus comme des victimes plutôt que de mettre l’accent sur la façon dont ils s’adaptent à un nouvel environnement. Les projets multimédias participatifs offrent une occasion de combler le fossé entre les représentations des médias de masse et les expériences vécues, puisque les personnes ont la chance de présenter leurs propres histoires. Mais des ar-rivants voudraient-ils participer à un tel projet ? Était-il trop tôt étant donné que la plupart d’entre eux étaient arrivés à Montréal depuis seulement deux semaines ?

Nous avons commencé les ateliers avec ces préoccupations en tête et, pour nous guider dans notre proces-sus, nous avons formulé une série de questions : comment les nouveaux arrivants tireront-ils profit de ces ateliers ? Comment nous assurer qu’ils sont prêts à partager leurs histoires ? Est-ce qu’un public plus vaste peut également tirer profit du projet ? Où se situe l’équilibre entre un processus constructif et un projet médiatique destiné à un plus vaste public ?

FACTEURS CLÉS ASSURANT LE SUCCÈS D’UN ATELIER

Au fil des ans, nous avons découvert que le succès d’un atelier dépend de certains facteurs clés. Le premier consiste à employer les moyens tech-niques qui fonctionnent le mieux dans un contexte donné. Dans ce cas-ci, nous voulions nous assurer de la plus grande participation possible dans un laps de temps limité. Compte tenu de ces contraintes, les appareils photo, les stylos et le papier étaient les outils les plus appropriés.

Un autre principe clé que nous avons découvert est l’importance de déve-lopper des projets multimédias sur

Notre atelier sur le récit numérisé et la photographie, Raconte-moi une histoire, faisait partie d’une série d’ateliers organisés par le coordon-nateur du Projet Refuge, Sylvain Thibault.Ces ateliers s’adressaient autant aux nouveaux arrivants qu’aux anciens résidents de la Maison Haidar. Un éventail de sujets y étaient traités, de l’histoire des mouvements sociaux à Montréal à la recherche d’emploi. Ces ateliers comptaient parmi les nombreuses activités que Sylvain avait organisées pour aider les immigrants à former des réseaux de pairs et à s’établir dans leur nouveau chez-soi  : Montréal.

Lorsque Sylvain a demandé à l’équipe de Cartographie des souvenirs de donner un des ateliers de la série, nous souhaitions vivement collaborer avec lui. Bien que nos projets aient été jusqu’alors destinés aux jeunes, Projet Refuge nous donnait l’occasion de travailler dans un milieu inter-générationnel, sans contraintes de recrutement, puisque les groupes de Sylvain étaient déjà formés. Ensemble, nous voulions offrir à ces hommes des occasions de partager leurs histoires et, ce faisant, de renforcer leurs relations.

Nous voulions également vérifier si le travail effectué dans le cadre des ateliers pouvait éventuellement attein-dre un public plus large et aborder les problèmes du systéme d’immigration ou encore contrer les stéréotypes sur les réfugiés. Sylvain avait exprimé sa frustration face à l’indifférence du public aux modifications proposées à la politique de l’immigration et au fait que, trop souvent, les médias

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une certaine durée. Lorsque nous avons planifié notre travail avec Sylvain, nous espérions donner quatre ou cinq cours à un petit groupe. Nous avions l’intention de passer des activi-tés initiales, comme la photographie, à la cartographie numérique, aux entre-vues vidéo de pairs, etc. Nous avons rapidement constaté que ce ne serait pas possible vu la nature transition-nelle du refuge. Puisque les résidents ne pouvaient pas rester au centre plus de trois semaines, Sylvain ne pouvait tout simplement pas garantir leur participation d’un atelier à l’autre.

Notre atelier est ainsi passé d’une série de cours à un seul cours, avec les difficultés que cela implique. Sur le plan de la pratique pédagogique, par exemple, il était difficile de planifier un atelier sans connaître les besoins d’un groupe en matière de langue et d’alphabétisation ou même le nombre de personnes qui pourraient y parti-ciper chaque semaine. Nous étions également préoccupées par la façon dont nous allions assurer la « propriété partagée  » du produit créé dans l’atelier advenant le cas où nous ne reverrions plus jamais les participants. Les reportages photographiques resteraient à la résidence pour que les autres puissent les apprécier, mais était-ce suffisant  ? Sachant que les projets multimédias participatifs sont plus efficaces lorsqu’ils évoluent dans le temps, nous en sommes venues à considérer nos ateliers comme un premier pas dans notre collaboration avec Sylvain.

En plus de fournir l’endroit et de réunir les anciens résidents et résidents actuels pour les ateliers, Sylvain a obtenu que des étudiants en travail social nous aident bénévolement pendant les cours, accompagnés de notre partenaire du Conseil canadien

pour les réfugiés, Colleen French. Sylvain et les coanimateurs ont partici-pé avec enthousiasme aux activités et nous ont aidées à diriger les ateliers. Mais le plus important était que, de toute évidence, les personnes dans la salle voyaient en Sylvain un allié, un appui, ce qui apportait ce qu’on appelle le «  facteur de confiance  » dans l’équation.

La présence d’une personne clé qui inspire confiance aux participants est essentielle au succès d’un projet multi-média participatif. En fait, de tous les facteurs nécessaires au succès d’un atelier, le « facteur de confiance » est le plus important.

FACTEURS ASSURANT LE SUCCÈS D’UN ATELIER

» Des objectifs clairs

» Une animation organisée et engageante pour mettre tous les participants à l’aise

» Des attentes réalistes qui tiennent compte du temps disponible

» Des activités stimulantes adaptées aux besoins des participants

» Des activités qui permettent aux participants de travailler ensemble

» Un endroit invitant où sont offerts grignotines et breuvages

» Des moyens techniques préalablement testés

» Du matériel adéquat (par ex. : documents de cours, équipement, papier, appareils photo, etc.)

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

EXERCICE DE CARTOGRAPHIE D’UNE MÉMOIRE

également demandé d’écrire leur nom et leur pay d’origine sur leur carte, sauf s’ils préféraient garder l’anonymat (ce qui convenait également).

Au départ, les hommes semblaient mal à l’aise avec cet exercice. Toutefois, dès que les participants ont commencé à dessiner, ils se sont pleinement enga-gés dans l’exercice et l’atmosphère s’est allégée. La pièce s’est tout particulière-ment animée lorsqu’ils ont partagé leurs histoires en groupes de huit à dix personnes. Plus les gens prenaient part à la conversation autour de la table, plus les récits devenaient élaborés, suscités par les questions d’autres participants qui hochaient la tête, attentifs. Les cartes ont permis aux participants de communiquer par-delà les barrières culturelles et linguistiques, chose es-sentielle vu le nombre de langues parlées par les réfugiés dans cette seule petite pièce. Les images étaient fascinantes et servaient de repères visuels aux narra-teurs pendant qu’ils partageaient leurs histoires avec le groupe. Les dessins ont également servi de catalyseurs pour poser des questions complémentaires.

Les récits et les cartes comportaient

Ce sont les images qui me viennent en tête lorsque je pense au génocide de notre communauté.

Je me rappelle la maison restée vide après le génocide.

Je me rappelle également les événe-ments culturels et les jeunes filles qui dansaient.

Nous avons organisé les ateliers d’une journée autour de deux exercices prin-cipaux : la cartographie et le reportage photographique. Dans la première partie, les participants ont dessiné indi-viduellement, sur du papier 11 x 17 po à l’aide de marqueurs, la carte d’un endroit où ils se considéraient chez-eux, ou de leur voyage vers Montréal. Ils ont utilisé les cartes comme toile de fond pour partager leurs histoires avec le reste du groupe qui comportait souvent jusqu’à quarante participants en provenance du Rwanda, du Congo, de l’Afghanistan, et de la Colombie, entre autres.

Avant de commencer l’activité, nous avons présenté des modèles de cartes tirés de cours antérieurs pour donner des exemples de ce que d’autres avaient fait pendant l’exercice de cartographie. Nous leur avons expliqué qu’après avoir dessiné leur carte, ils devaient écrire les détails permettant aux lecteurs d’imaginer l’endroit : sons récurrents (gazouillis d’oiseaux ou bruits d’enfants qui jouent), couleurs évoquées, odeurs remémorées, etc. Nous leur avons

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des éléments communs. Plusieurs personnes ont dessiné des lieux qui les remplissaient d’un sentiment de paix. Sur certaines cartes, la nature jouait un grand rôle. Il s’agissait de sentiers à travers les bois sur le chemin de l’école, de pêche et de nage dans la mer et de scènes pastorales éclatantes de couleurs. Mais ce ne sont pas toutes les cartes qui dépeignaient de beaux souvenirs (voir les exemples ci-dessous).

Les participants avaient également en commun d’avoir vécu un déplacement causé par la persécution ou la menace de violence. Par exemple, un jeune Rwandais a dessiné une scène de village sectionnée en trois : la maison familiale, une célébration communautaire avec des danseurs en costumes traditionnels et dans un coin, les cadavres de ses trois frères alignés côte à côte sur le sol. Dans les cartes de leurs périples vers Montréal, les lignes entrecroisées révé-laient des refuges et des trajets ardus entre terres et eaux avant d’atteindre la ville. Il a fallu des années à certains participants pour se rendre jusqu’à Montréal et dans plusieurs cas, nous les avons rencontrés seulement quelques jours après leur arrivée.

Au fil du temps, nous avons compris quelle était la meilleure façon d’animer les discussions de groupe compte tenu du peu de temps dont nous disposions auprès des hommes. Il existait un équili-bre fragile entre le respect de la vie privée et la création d’un espace collectif leur permettant de partager une partie d’eux-mêmes. Afin d’atteindre cet équilibre dans nos ateliers, nous avons jugé utile de centrer les discussions sur les ressources qu’ils avaient trou-vées au cours de leurs premiers jours ou semaines passés dans la ville pour les aider à s’adapter. Plutôt que de mettre l’accent sur le douloureux passé récent, nous avons animé des discussions autour de stratégies de survie. Nous disposions également d’une liste de services psychologiques dressée par le projet Histoires de vie vers lesquels nous pouvions diriger les participants s’ils rencontraient des difficultés émotion-nelles accablantes au cours des ateliers. Toutefois, la présence de Sylvain dans la pièce était encore plus importante que l’accès à une telle liste. Ils le connais-saient, ils avaient confiance en lui et ils appréciaient le fait qu’il restait avec eux après les ateliers.

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SCÉNARIMAGES Un scénarimage est une maquette de votre histoire. Il vous aide à rassembler vos idées et à évaluer le résultat de l’agencement d’une série de photos ou d’enregistrements vidéo.

» Pliez un papier en quatre carrés et dépliez-le. Essayez d’imaginer la première ou la dernière prise et dessinez-la (au moyen de bonshommes). Comment voulez-vous présenter l’histoire ? Quelle est la dernière photo ? Que voulez-vous que le public garde en mémoire ?

» Souvenez-vous que ce qui importe, c’est votre capacité à communiquer votre vision aux autres, et non votre habileté en dessin.

» Tenez compte des détails importants, tels que les personnes présentes dans chacune des photos, l’endroit où les photos sont prises. S’agit-il d’un gros plan ou d’un plan d’ensemble ? Qu’est-ce qui se trouve au premier plan ? À l’arrière-plan ?

» Rappelez-vous que vous ne disposez que de quatre photos, alors chaque prise compte.

» Assurez-vous de varier vos prises de vue afin de rendre votre travail plus intéressant aux yeux du public.

» Servez-vous de la caméra seulement après avoir terminé votre scénarimage.

» Servez-vous du scénarimage comme référence pendant la prise de photos, mais laissez place à l’improvisation.

UN REPORTAGE PHOTOGRAPHIQUE EN QUATRE PHOTOS

Dans la deuxième partie de l’atelier, les participants ont travaillé en groupes de trois pour créer des reportages photographiques. Les groupes étaient essentiellement formés de personnes parlant la même langue. Il s’agissait de trouver une histoire collective dépei-gnant le départ de leur pays ou leur arrivée à Montréal. Avant de com-mencer l’activité, nous avons montré une présentation PowerPoint sur les bases de la composition photographique ainsi que des modèles de reportages photographiques créés lors d’ateliers antérieurs. En utilisant leurs cartes comme point de départ, les groupes décideraient de l’histoire qu’ils raconteraient ensemble.

Il est essentiel dans le cadre du proces-sus de production de laisser aux petits groupes le temps de lancer des idées en vrac. Cette partie de l’atelier a permis aux participants de voir tout ce qu’ils avaient en commun. L’aspect

collectif de la création d’un nouveau récit à partir d’expériences communes et l’accent mis sur une des histoires racontées au sein des petits groupes ont allégé quelque peu la pression psychologique de ceux qui hésitaient à rendre leurs récits publics.

Après s’être mis d’accord sur une idée d’histoire, ils ont monté des scénarimages de leurs idées en esquissant l’échelle et la perspective qu’ils souhaitaient saisir en photos. Le scénarimage est une technique employée par les cinéastes et plus récemment par les écrivains et autres artistes pour visualiser un projet. Le scénarimage a aidé nos groupes à s’accorder sur une vision collective et à voir si les images proposées s’agenceraient bien ensemble. Le scénarimage a également permis aux animatrices de voir si les participants avaient saisi les concepts abordés dans la présentation sur la composition.

L’étape de production suivante consistait à prendre les photos esquis-sées dans le scénarimage. Pendant ce

Présentation PowerPoint sur la

composition

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temps, nous étions disponibles pour apporter un soutien technique et créatif aux participants. Vers la fin de l’atelier, chaque groupe a téléchargé et agencé ses photos sur l’ordinateur. Les participants ont choisi les meil-leures photos pour leurs récits et nous les avons projetées au mur. Alors que les membres du groupe racontaient l’histoire derrière les photos, le projet est devenu encore plus convaincant au plan affectif. Nous étions tous surpris de voir à quel point les œuvres termi-nées transmettaient efficacement une ambiance et comment les photos

semblaient amener le groupe vers un nouveau niveau d’intimité.

Les histoires collectives traitaient de thèmes communs : quitter son foyer, arriver en terre étrangère, trouver un refuge, se souvenir du foyer perdu, garder espoir et s’intégrer dans une nouvelle ville. Plusieurs histoires comportaient des pointes d’humour : les participants racontaient comment ils s’étaient perdus dans le métro ou comment ils flottaient dans des manteaux trop grands alors qu’ils affrontaient leur premier hiver.

Un au revoir difficile Reportage photo-

graphique de participants à l’atelier

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D’autres histoires exprimaient la douleur et la rage d’être en détention ou la préoccupation d’être accepté par les autorités de l’immigration canadienne. De simples gestes étaient particulièrement percutants. Dans un des reportages, par exemple, un homme aux yeux clos tenait amou-reusement un manteau d’hiver que sa femme, qu’il avait laissée derrière, lui avait donné pour qu’il n’ait pas froid. Ce geste démontrait son désir de la garder présente dans sa nouvelle vie.

Plusieurs reportages photographiques traitaient également d’arrivées à la Maison Haidar. Les histoires se terminaient souvent par des visages souriants, des poignées de mains, des mains posées sur les épaules et des photos de groupes man-geant un repas autour de la table. Les histoires ont également servi de catalyseur pour découvrir d’autres points communs. De fait, ces hommes partageaient la douleur d’avoir laissé des êtres chers derrière eux (épouses, enfants, parents). Elles ont aussi révélé leurs anxiétés face à de nouveaux défis tels que de trouver un logement et un emploi ou d’être confrontés aux attentes des membres de la famille élargie restés dans leur pays d’origine et qu’ils avaient peur de décevoir. DES ENSEIGNEMENTS PRÉCIEUX

Chaque atelier nous a permis de mettre au clair quels étaient les éléments qui donnaient les meil-leurs ateliers. Par exemple, il était essentiel pour la création de projets photographiques solides de prendre le temps d’expliquer le processus de production dans son ensemble, de montrer des photos et d’en discuter. Nous l’avons appris à nos dépens au cours d’un atelier où nous manquions

Sentir mon foyer près de moi Reportage photographique de participants à l’atelier

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de temps. Nous n’avions pas donné suffisamment d’exemples de projets antérieurs ni correctement montré aux participants comment manipuler les appareils photo. De plus, au lieu de demander aux participants de travailler en collaboration, nous leur avions demandé de travailler indivi-duellement et de prendre des photos pour compléter leurs dessins de cartes. Nous leur avions demandé de faire plusieurs types de prises de vue en indiquant que leurs photos pouvaient inclure des éléments comme des cicatrices corporelles se rapportant à des histoires intéressantes ou des objets spéciaux ramenés de leur pays d’origine.

Alors que les hommes revenaient, nous avons noté que les photos n’étaient qu’une série de clichés vagues et flous de cicatrices et d’autres éléments impossibles à identifier. À cause de nos trop brèves explications, les participants n’avaient pas saisi ce qu’ils devaient faire. Nous avions présenté l’exercice portrait/objet en solo parce que nous espérions que le public externe s’identifierait davan-tage aux dessins de cartes s’ils étaient accompagnés de portraits individuels. Ce dont nous nous sommes toutefois rendu compte, c’est que le proces-sus collaboratif offrait une occasion précieuse aux participants de travailler ensemble. En collaborant, les partici-pants devenaient plus communicatifs et s’encourageaient mutuellement à prendre des risques créatifs. Nous avions par inadvertance retranché cet élément clé.

SÉCURITÉ ET CONSENTEMENT

Dans le cadre de cet atelier, nous étions préoccupées au plus haut point par le fait d’assurer la sécu-rité des participants et d’obtenir leur

consentement. Par exemple, nous avons encouragé les participants qui ne voulaient pas apparaître sur les photos à devenir les photographes de leur groupe. Si nous travaillions auprès de mineurs non accompa-gnés d’un adulte, nous demandions à un animateur plus expérimenté de les prendre en charge afin que leurs histoires soient abordées avec plus de prudence. Expliquer nos objectifs et obtenir le consentement des partici-pants malgré la barrière de la langue a représenté un défi constant, mais nous avons lentement et au fil du temps amélioré nos méthodes. Par exemple, pour aider les participants à saisir où les cartes et les reportages photos pourraient être présentés, nous avons ajouté des catégories très spécifiques au formulaire de consentement écrit : «  J’accepte que ma carte ou mon reportage photographique soit : 1) exposé sur les murs du refuge afin que les nouveaux arrivants sachent qu’ils ne sont pas seuls ; 2) présenté à des spécialistes, des décideurs et des universitaires qui travaillent à améliorer les conditions des personnes touchées par une expérience de réfugié; et/ou 3) téléchargé sur le site Internet de Cartographie des souvenirs afin de susciter une meilleure compréhension chez les personnes qui pourraient tirer profit de la méthode ou des résultats du travail ».

Nous avons apposé à chacune des catégories une raison ou un objectif, par exemple : « pour faire savoir aux futurs participants qu’ils ne sont pas seuls ». En début d’atelier, nous avons fait une présentation PowerPoint pour expliquer plus à fond le formu-laire de consentement par écrit et exposer visuellement nos catégories. À la fin de l’atelier, nous avons relu les formulaires de consentement afin de confirmer auprès des participants le

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ou les cadres dans lesquels ils vou-laient partager leur travail. Le proces-sus s’est déroulé plus facilement lorsque nous avons affiché plusieurs reportages photographiques sur les murs de la résidence de telle sorte que les participants comprennent immédiatement comment le travail résultant de l’atelier serait exposé. La plupart d’entre eux étaient égale-ment intéressés à ce que leurs œuvres soient présentées à des spécialistes et des intervenants.

Pour plusieurs, la décision la plus difficile consistait à savoir s’ils allaient permettre ou non la diffusion de leurs photos sur le site Internet. Le fait de présenter cette possibilité a suffi à compromettre la participation de certains à l’atelier. Internet est un média complexe à cause des risques potentiels à la sécurité des personnes, particulièrement de celles qui ont fui la répression et laissé leur famille et amis derrière eux. Parce que nous n’avions pas le temps au cours des ateliers d’un jour de discuter à fond de ces risques avec les participants, nous avons dû éliminer Internet comme moyen de diffusion possible de leur travail. Internet était un trop gros morceau et comportait trop d’inconnues pour qu’ils puissent prendre une décision aussi rapidement.

PRÉSENTER LEUR TRAVAIL AU PUBLIC

Notre autre défi consistait à détermi-ner comment nous pourrions présenter les résultats de l’atelier à un public plus vaste tout en respectant les termes du consentement dont nous avions convenu avec les participants. Après avoir donné la moitié des ateliers, nous avons regroupé les cartes, les repor-tages photographiques et des photos du processus de production dans un

TOUT EST INTERRELIÉ

Sylvain assurait la gestion de trois résidences re-groupant 46 lits. Deux ont été fermées. Pourquoi y a-t-il des réductions de personnel et de services dans les résidences de Montréal telles que celles du YMCA et du Projet Refuge  ? Les intervenants expliquent que c’est directement lié aux nouvelles mesures du gouvernement fédéral qui visent à freiner le flux de réfugiés. Une des mesures, ap-pelée « Entente sur les tiers pays sûrs », stipule que le Canada peut refuser plusieurs des demandeurs d’asile qui veulent entrer au Canada à partir des États-Unis. Il existe également de nouvelles exi-gences relatives aux visas pour certains immigrants désirant entrer au Canada. Ces changements de politiques font partie des tendances mondiales plus vastes désignées sous le nom de « rétrécisse-ment de l’espace de protection ». Le financement d’œuvres humanitaires et la volonté et la capacité d’assurer la protection des réfugiés diminuent. La réduction des ressources augmente la difficulté de respecter nos obligations internationales relative-ment à la protection des réfugiés.

POUR EN APPRENDRE DAVANTAGE :

» Refugee and Immigrants Glossary : www.ccrweb.ca/en/glossary

» Les engagements du Canada envers les réfugiés : http://ccrweb.ca/en/hundred-years-immigration-canada-1900-1999

» Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies : www.unicef.org/french/crc/

» Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies : www2.ohchr.org/french/law/refugies.htm

» Présentation « Qu’est-ce qu’un réfugié ? » ccrweb.ca/fr/sensibilisation_du_public

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Photos prises lors du congrès « Souvenons-nous des guerres, des génocides et autres violations aux droits de la personne ».

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album photo. Cet album a donné vie au projet. Sylvain était très heureux d’avoir un produit à présenter aux partenaires et aux bailleurs de fonds, et les participants étaient ravis de voir leurs œuvres imprimées.

Nous avons également eu l’occasion de présenter l’album à des centaines d’enseignants dans le cadre d’une série d’ateliers sur l’éducation anglaise au Québec. Les enseignants ont esti-mé que l’album pouvait leur servir de modèle de projet avec leurs élèves. Ils nous ont posé une série de questions sur les personnes apparaissant sur les photos et ils voulaient en savoir plus sur leur passé. D’où venaient-ils ? Pourquoi étaient-ils venus à Montréal ? Lorsque nous leur avons raconté les histoires qui avaient surgi lors des ateliers, les enseignants étaient si émus que plus-ieurs nous ont demandé des copies de l’album et plus d’informations sur les réfugiés au Canada.

Cette expérience nous a aidées à identifier la principale lacune de cette premiére publication, soit un manque de contexte. Nous savions que les cartes personnelles et les reportages photographiques étaient percutants, mais cette rétroaction a confirmé que les cartes et les photos ne pouvaient pas être utilisées seules ; le public voudrait également une mise en situation plus élaborée. Nous nous sommes également servies de l’album au cours d’un exercice d’ouverture à un congrès international ayant pour thème « Souvenons-nous des guerres, des génocides et autres violations aux droits de la personne : histoire orale, nouveaux médias et arts  » à l’Université Concordia, où nous avons invité de petits groupes à discuter des thèmes présents dans différents reportages photographiques.

À cette occasion, nous avons tourné le «  manque de contexte  » à notre avantage pour amener les groupes à réfléchir aux intentions derrière chaque histoire. Après l’exercice, nous avons invité nos collaborateurs, Colleen French, du Conseil canadien pour les réfugiés, et Sylvain Thibault, coordon-nateur du Projet Refuge, à compléter notre intervention en discutant du contexte plus large de l’immigration et des politiques relatives aux réfugiés au Canada.

Puisque nous espérions utiliser les résultats des ateliers pour promou-voir le dialogue, nous nous sommes demandé quelles autres informa-tions pourraient compléter le travail et nous permettre de l’utiliser dans les domaines de l’éducation, de la politique et des services. Nous nous sommes rendu compte que l’histoire de la maison Haidar était en soi une partie importante du contexte.

Lorsque nous avons commencé les ateliers, Sylvain assurait la gestion de trois résidences de 46 lits, tous occu-pés, et nos ateliers étaient pleins. Un an plus tard, à cause des changements apportés à la politique d’immigration par le gouvernement, Sylvain a dû fermer deux des trois résidences, et trois des quatre employés ont été mis à pied. Au cours de la dernière année, il a dû se battre pour garder la dernière résidence ouverte. Sylvain craint que, sans résidences pour le desservir, le groupe vulnérable des réfugiés ne se retrouve dans des refuges pour sans-abris comme c’était le cas il y a vingt ans, sans soutien adéquat et sans possibilité de créer des réseaux de pairs.

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Le film La première porte est inclus dans le DVD « Cartographie des souvenirs ».

DOCUMENTAIRE : LA PREMIÈRE PORTE

de trois personnes qui ont bénéficié des services de la Maison Haidar. Le film illustre également les stratégies spécifiques que Sylvain emploie pour «  aider les nouveaux arrivants à s’aider ». Nous avons présenté le docu-mentaire à un réseau de coordon-nateurs de refuges de partout au Canada et au grand public à Montréal. Le film leur a paru utile pour différen-tes raisons.

Le réseau de coordonnateurs s’est servi du film pour amorcer un remue-méninges sur ce qui pourrait être fait pour améliorer les services à cette population. Des spectateurs d’autres projections ont exprimé le fait que le film leur avait ouvert les yeux sur les difficultés que traversent les réfugiés dans leur processus d’adaptation et sur la ténacité requise pour s’intégrer au tissu urbain de Montréal.

À cause de son statut précaire et parce que le Projet Refuge allait fêter son vingtième anniversaire, Sylvain a travaillé avec nous à créer un court documentaire auquel ont participé d’anciens résidents et quelques-uns des participants les plus engagés dans les ateliers.

Un des objectifs du documentaire était de combattre les stéréotypes habituels sur les réfugiés et de présenter des portraits personnels d’anciens rési-dents afin de démontrer qu’ils s’étaient non seulement adaptés à leur pays d’accueil, mais qu’ils apportaient une contribution à la société québécoise.

La version définitive du film, intitulé La première porte, dresse le portrait

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LA PREMIÈRE PORTE

(réalisé par Liz Miller et Quentin Rameau, 23 minutes, 2010)Ce documentaire montre le rôle crucial joué par la Maison Haidar pour aider les réfugiés à s’adapter à Montréal. À travers les yeux de Sylvain Thibault, le coordonnateur passionné du Projet Refuge, et de trois anciens résidents, ce film offre un point de vue de l’intérieur sur les défis auxquels font face les réfugiés lorsqu’ils s’établissent dans un autre pays. En observant Sylvain aider les résidents aux prises avec des traumatismes, des barrières linguistiques, du ra-cisme et de l’homophobie, le spectateur se rend compte que le Projet Refuge offre beaucoup plus qu’un simple endroit sécuritaire pour dormir.

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ALFREDO LOMBISI, CABINDA

ALBERTO IGLESIAS, MEXICO

Alfredo est un ancien résident du Projet Refuge et il figure dans le documentaire La première porte. Il a pris part à plusieurs des ateliers Raconte-moi une histoire. Il est l’un des cofondateurs d’Ici Radio Refuge, une émission hebdomadaire collaborative d’une heure dif-fusée sur les ondes de la radio communautaire. Chaque mois, l’émission est chapeautée par différents organismes de défense des droits des réfugiés.

Alberto, un ancien résident du Projet Refuge, a pris part aux ateliers Raconte-moi une histoire et figure dans le documentaire La première porte. Alberto est très actif au sein de sa communauté. Lorsqu’il ne travaille pas comme chef pâtissier, il est bénévole auprès des personnes âgées et il s’implique encore dans le Projet Refuge.

Je me rappelle mon premier jour à Montréal. Il faisait froid. Je ne savais pas ce qui se passait. Ils m’ont dit : « vous allez vous rendre à un endroit où vous vous sentirez comme chez vous ». Je suis arrivé au Projet Refuge. J’étais nerveux

et je me suis demandé « où suis-je et qu’est-ce que je fais ici ? » Quand on arrive, on est envahi de tellement de peurs.

Alfredo a ouvert la porte pour me souhaiter la bienvenue. Après seulement trois jours, les choses étaient plus faciles. Je me rappelle que j’étais assis dans la cuisine en train de couper de la pizza pour préparer le lunch. Sylvain m’a demandé de couper une pointe pour un nouvel arrivant. C’était incroyable. Je pouvais maintenant aider quelqu’un à se sentir comme chez lui. Les gens de cet endroit m’ont tendu la main lorsque j’en avais le plus besoin.

Extrait de La première porte Mon père est un « Zonzi », ça veut dire un « parleur », un sage. Je suis comme lui. Je suis quelqu’un qui essaie d’instaurer la paix autour de moi, mais il y a parfois des endroits

où la paix est malvenue… Radio Refuge est l’endroit où j’ai trouvé ma place lorsque je suis arrivé au Québec. J’y suis depuis quatre ans. Radio Refuge, c’est comme mon chez-moi. Ça me permet de m’exprimer, de partager mes opinions et c’est vraiment important pour moi.

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RÉFLEXIONS Nous avons eu le privilège d’offrir l’atelier à plusieurs reprises, et cela nous a permis de réfléchir aux activités et de les peaufiner tout en abordant l’animation des ateliers avec une plus grande sensibilité. Bien que nous parvenions à capturer des moments évocateurs, la courte durée des ateliers ne permettait pas l’éclosion de récits profonds et réfléchis.

Nous avions pour principe lors des projets participatifs de nous assurer que les participants étaient mis à contribution à chacune des étapes du processus, y compris la diffusion. La nature transitoire de la résidence et la brièveté des ateliers rendaient cela impossible. Même si nous étions ravies de pouvoir présenter l’album à des centaines d’enseignants, le projet aurait été plus intéressant pour le public si les conteurs avaient participé aux présentations. Cela aurait égale-ment permis aux participants de voir l’impact de leurs histoires sur le public.

Nous avons découvert que le besoin des réfugiés de rendre leurs histoires publiques changeait au fil du temps. À leur arrivée, les nouveaux arrivants qui participaient à nos ateliers étaient avides de parler de ce qu’ils avaient vécu dans leur pays d’origine ou dans leur processus pour arriver au Canada. Mais, comme l’a expliqué un ancien résident, ce besoin change avec le temps : «  Quelquefois, les gens veulent savoir pourquoi vous avez dû partir, ce qui vous est arrivé, et vous ne voulez pas en parler. Au début, je n’y voyais pas d’inconvénient, mais maintenant je veux moins en parler. Pour moi, mon histoire est devenue très personnelle… ».

Une presentation multimédia a pour caractéristique de saisir et de figer un moment particulier dans la

Il est devenu de plus en plus clair à force de travailler à la Maison Haidar que le fait de raconter une histoire personnelle pouvait être une expérien-ce autonomisante, mais que cela pouvait également renforcer le senti-ment d’isolement, selon le contexte dans lequel l’histoire était racontée. C’est ce qu’un réfugié nous a fait comprendre en nous disant : «  Les gens nous demandent souvent d’où on vient, mais ils sont moins intéressés de savoir pourquoi on a quitté notre pays. Parce qu’on nous pose souvent cette question, on en vient à penser qu’elle signifie “qu’est-ce que tu fais ici ? Es-tu à ta place ici ?” »

Afin d’assurer le respect de toute personne qui partage une histoire pénible, Sylvain a demandé à tous les bénévoles qui travaillent à la rési-dence de suivre ce conseil : « Avant de poser une question, demandez-vous si c’est par curiosité personnelle ou pour le bien-être de la personne  ». Il était important de suivre le conseil de Sylvain dans nos ateliers. Avec le temps, nous avons appris à structurer les activités et à formuler les questions des discussion de façon à renforcer le sens d’appartenance au groupe, plutôt que de laisser notre curiosité ou notre manque de sensibilité rouvrir des blessures à peine cicatrisées. Par exemple, une activité en apparence innocente – demander aux partici-pants de partager trois choses qu’ils ont dû laisser derrière eux – a suscité des émotions difficiles à gérer dans le contexte d’un court atelier. En chan-geant notre demande pour « partager trois choses (abstraites ou concrètes) que vous avez apportées avec vous », les participants ont pu constater les forces et la ténacité de chacun dans les moments difficiles.

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vie des gens, alors que leurs récits continuent de changer et de se déve-lopper. Les cartes et les reportages photographiques créés dans l’atelier n’étaient que des «  instantanés  » de personnes en transition. Même si nous avions essayé de mettre les personnes qui racontaient leurs histoires en contexte, nous ne pouvions pas obte-nir des expressions personnelles plus réfléchies et évolutives. Les partici-pants auraient tiré profit d’une plus grande réflexion pour communiquer comment ils continuaient à s’adapter à leur nouvel environnement, et cela aurait aidé le public à comprendre que cette transition représente un processus graduel.

Néanmoins, nous avons pu mettre en place plusieurs choses dans le cadre de cet atelier : un endroit sécuritaire pour que les participants puissent s’exprimer, une animation solide qui s’est améliorée au fil du temps, des moyens techniques non encombrants,

Une présen-tation multi-média a pour caractéristique

de saisir et de figer un moment particu-lier dans la vie des gens, alors que leurs récits continuent de changer et de se développer.

Liz Miller et Michele Luchs

des activités adaptées aux besoins des partici-pants et, encore plus important, la convic-tion que les ateliers comblaient un besoin exprimé par notre parte-naire, Sylvain.

Le documentaire a permis de compenser certaines des lacunes des ateliers d’un jour et d’atteindre tous nos objectifs, qui étaient de combiner un processus constructif à un produit qui pouvait aider le grand public à mieux comprendre les défis auxquels font face les réfugiés dans leur intégra-tion au Canada. Mais si nous devions renouveler l’expérience, nous essaie-rions certainement de trouver une façon d’insérer plus de continuité dans l’équation.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

AYANDA DUBE, Zimbabwe

Ayanda Dube a quitté sa maison au Zimbabwe et est arrivé à Montréal à l’âge de 18 ans en tant que mineur non accompagné. Il a passé ses trois pre-mières semaines dans une résidence pour réfugiés dirigée par le YMCA. Ayanda se décrit comme un jeune/vieil homme zimbabwéen. Il aime appren-dre et imaginer comment il peut aider à changer les choses. Il est actif au sein du Conseil canadien pour les réfugiés

(CCR) depuis plusieurs années. Ayanda chante également dans un chœur gos-pel et il étudie en sciences politiques et économiques à l’Université Concordia. Dans YUL-MTL, un récit écrit dans le cadre du projet En Route (voir chapitre 3), Ayanda réfléchit à ce qu’est le foyer.

Le charme de la ville de Montréal vient du fait que presque aucun de ses ha-bitants n’est né à Montréal. À cause de cela, nous sommes plonés dans une culture où les mêmes mots reviennent sans cesse : d’où venez-vous ? Depuis combien de temps êtes-vous ici ? Pourquoi êtes-vous venu ? Les répon-ses à ces questions constituent la base de chaque histoire montréalaise.

YUL-MTL est mon histoire. C’est mon intégration en tant que réfugié venu s’installer à Montréal.

Chapitre 1 – YUL

YUL est le code international de l’Aéroport international Pierre-Elliott Trudeau de Montréal, couramment appelé Montréal-Trudeau .

Et pour moi, YUL est une sorte de coffre-fort qui ne contient ni argent, ni bijoux ni autres objets de valeur, mais des moments precieux, inestimables, heureux ou tristes. Quand des membres d’une famille, des amis ou des amants se re-voient pour la première fois, il est indéniable que les étreintes, les baisers, les rires, la joie et l’excitation sont authentiques, vrais et spontanés.

Le YUL est pour moi le souvenir d’un moment plutôt triste que joyeux. C’est le début d’un long voyage périlleux. Plusieurs histoires évoquent ces moments difficiles. Cependant, je vais me concentrer sur la mienne, celle de mon voyage, mon arrivée au YUL. Je n’avais qu’un seul bagage, et le sourire aux lèvres. J’avais

YUL-MTL

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énormément d’espoir ; j’étais en quête d’un certain sentiment d’appartenance, d’un avenir meilleur, plein d’amour et de succès.

Mais avant de voir la lumière au bout du tunnel, j’allais devoir subir l’interrogatoire humiliant des agents d’immigration de l’aéroport qui, comme dans une enquête policière, m’ont pris en photo et m’ont retenu dans une salle pendant plusieurs heures. Je n’avais accès qu’à une fontaine d’eau et une salle de bain. Treize heures plus tard, vers deux heures du matin, je suis enfin relâché et laissé à la découverte de ce nouveau monde : bienvenue au Canada.

Chapitre 2 – Le YMCA

Le YMCA est un organisme communautaire de bienfaisance voué à l’épanouissement de toutes les personnes sur les plans spirituel, intellec-tuel et physique, ainsi qu’au développement des individus, des familles et des communautés. YMCA est bien plus que le titre d’une chanson du groupe musical Village People, le YMCA représente le premier foyer d’un bon nombre de réfugiés.

La résidence du YMCA accueille près de 2000 réfugiés par an. En plus de leur fournir tout le nécessaire, cet organisme garantit un environnement sécuritaire pour les nouvelles familles qui se retrouvent sans repéres à leur arrivé au Canada.C’est au YMCA que j’ai vécu ma première expérience de « multiculturalisme » : il y avait là des gens de partout, tous de nationalité différente, qui partageaient les mêmes espoirs et les mêmes rêves. Le YMCA m’a fait connaître l’accueil

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chaleureux et enthousiaste de la population canadienne. Il m’a enseigné que la vie communautaire n’est pas impossible. Nous pouvions tous nous identifier les uns aux autres, compatir, partager notre vécu et notre sens de l’humour. En fait, je découvrais une grande communauté, une famille composée de demandeurs d’asile, de familles, d’ouvriers et de bénévoles.

Chapitre 3 – Un sentiment d’appartenance ?

Après avoir passé un certain nombre d’années au Canada, plusieurs questions me viennent à l’esprit : qu’est qui définit un chez-soi ? Est-ce que le Canada est mon pays, ou est-ce que c’est simplement une résidence temporaire ? Ai-je de vrais amis que je garderais toute ma vie ? Ai-je tissé de véritables liens ? Est-ce que j’ai enduré ces longs hivers en vain ? Qu’ai-je ressenti lorsque le Canada a remporté toutes ses médailles d’or aux Jeux Olympiques ? Me suis-je senti Canadien ? Qu’est-ce que c’est que d’être Canadien ? Si j’ai des compétences et qualifications professionnelles mais que je suis contraint à être chauffeur de taxi, cela fait-il de moi un vrai Canadien ou juste un habitant du Canada ? Ai-je deux pays ? Quand il s’agit des « accommodements raisonnables » suis-je concerné ? Fais- je partie de cette polémique ? Vais-je un jour devenir québé-cois ? Ou suis-je résigné à être un habitant du Québec ? Est-ce que j’aime le Canada ? Est-ce que j’aime ses habitants ? Qu’est-ce que j’aime ? Qu’est-ce que je déteste ?

La poutine, le sirop d’érable, le bacon, le canot, le camping, le ski, les chalets, les lacs, la neige, la glace, l’anglais, le français, la feuille d’érable, l’accent ca-nadien, québécois, l’ours, l’orignal, le castor, Montréal, le Québec. Est-ce mon pays ? Est-ce mon foyer ? Comblent-ils ce besoin d’appartenance ?

YUL-MTL photos par Ayanda Dube

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DEUX ANS, C’EST TROP LONG CRÉER UN MESSAGE D’INTÉRÊT PUBLIC Un message d’intérêt public (MIP) est un bref communiqué radio ou vidéo de 15, 30 ou 60 secondes qui livre un message social simple et incite à une action. Créer un MIP est un excellent exercice pour développer des compétences mé-diatiques, pour apprendre la dynamique d’un texte persuasif et pour préparer des textes destinés à un vrai public. Les MIP peuvent être facilement utilisés dans une école primaire ou secondaire, au collégial ou à l’université. Pour ce projet, Cartographie des souvenirs a travaillé pendant quatre semaines avec un avocat spécialisé en droit de la personne et un groupe de 24 étudiants en communication de l’Université Concordia pour élaborer deux MIP sur les délais auxquels font face les demandeurs d’asile qui attendent que le gouvernement canadien traite leur demande.

Nos étapes :Recherche – comprendre le problème Notre première démarche a été d’inviter un avocat spécialisé en droit des réfugiés, Mitchell J. Goldberg, à venir rencontrer notre groupe et à exposer le problème. À l’issue de cette rapide introduction, nous avons dressé une liste de questions complémentaires et formé un groupe pour mener des recherches additionnelles. Des questions à garder en tête pendant la recherche : qu’est-ce qui est le plus frappant ? En quoi l’information confirme-t-elle ou contredit-elle nos connaissances préalables ?

Choisir une approche – étudier la forme Nous avons commencé par regarder des exemples de MIP pour comprendre comment ils étaient structurés. Après avoir regardé chaque MIP, nous avons discuté du message, du public cible, du premier et du dernier plan et des tech-niques visuelles et audio employées. Vous trouverez des exemples additionnels de projets de MIP à l’adresse « Listenup.org ».

Cibler le public – identifier le public cible Dans le cadre de ce projet, nous lancions une campagne de marketing viral, qui utilise les réseaux sociaux pour diffuser un message, parce que le groupe voulait atteindre, par le biais d’Internet, de jeunes adultes ignorant le problème et les inciter à communiquer avec leurs législateurs. Avec ces objectifs en tête, nous avons distribué des rôles à des acteurs, parents et amis auxquels nous croyions que le public s’identifierait, ainsi qu’à deux jeunes acteurs populaires de la série télévisée « Degrassi » afin d’attirer l’attention sur le MIP.

Clarifier le message – choisir un titre Trouver un titre aide à clarifier le message. Notre titre était Deux ans, c’est trop long. Une autre façon de préciser le message est de concevoir la vidéo autour d’une ou de plusieurs questions centrales. Notre question thématique était : « Et si vous deviez attendre plus de deux ans avant que votre statut de réfugié soit déterminé ? ». Nous avons élaboré sur ce thème une série de questions présent-ant un intérêt pour le public, telles que : « Et si vous deviez attendre deux ans avant d’obtenir vos résultats d’analyse médicale ? ». Le texte doit être concis et précis. Vous trouverez des textes de MIP sur notre site Internet.

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Planifier la production – établir l’échéancier de production Nous avions un mois pour compléter le projet et les étudiants du groupe se rencontraient une fois par semaine pendant trois heures. En gardant ces con-traintes à l’esprit, nous avons désigné une semaine pour la recherche, une pour l’écriture du texte, une pour la production et une pour le montage. Parce que nous n’avions que trois heures pour filmer, nous avons simplifié la production. Nous avions une équipe en studio et une sur le terrain. Le premier MIP a été tourné dans notre studio. Chacun des six acteurs se tenait devant un arrière-plan noir et livrait un message simple. La veille du tournage, nous avons tout préparé et répété. Pour le deuxième MIP, notre équipe sur le terrain s’est rendue à un marché local, le marché Jean-Talon.

Travailler avec des partenaires – diffuser le message La vidéo terminée, nous l’avons présentée à Mitchell Goldberg, avocat spé-cialisé en droit des réfugiés, afin de s’assurer que le MIP était juste. Nous avons créé une page Internet à l’aide d’un modèle de blogue trouvé sur Wordpress, téléchargé la vidéo sur YouTube, et les étudiants ont écrit un communiqué de presse afin d’étoffer le contexte. Mitchell Goldberg a utilisé son réseau pour dif-fuser le message. Nous avons également envoyé le lien de notre page Internet sur nos réseaux et l’avons mis dans le communiqué de presse que nous avons diffusé.

Vous pouvez visionner Deux ans, c’est trop long ou avoir accès au texte à l’adresse « www.mappingmemories.ca ».

Pour des ressources additionnelles sur la création d’un MIP visitez le site « www.learnquebec.ca » (en anglais seulement).

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

ÉCRIRE UN COMMUNIQUÉ DE PRESSE CONTENU Quoi – décrire ce que vous annoncez : un MIP, une visite guidée en autobus, etc.

Qui – inclure les coordonnées de votre organisme et de la personne ressource

Où – inclure l’adresse de l’événement

Quand – assurez-vous que le jour et la date sont exactes et incluez l’heure

GARDEZ À L’ESPRIT

» Ayez un titre ou une introduction solide de quatre lignes tout au plus

» Incluez une description du groupe de deux ou trois lignes

» Soyez concis et vérifiez les faits pour vous assurer qu’ils sont exacts

» Demandez à quelques personnes de réviser le communiqué pour corriger les fautes de frappe, l’épellation des noms et vérifier les dates et les heures

» Évitez le jargon, les énoncés de mission ou les longues phrases

» Si, dans le cadre de votre activité, vous présentez des images fortes, informez les journalistes des possibilités de séances de photos

» Terminez votre communiqué par « -30- » pour en indiquer la fin au lecteur

N’OUBLIEZ PAS

» Les logos en haut de la page

» L’inscription « Pour diffusion immédiate » dans l’en-tête

» La date de diffusion du communiqué

» Les coordonnées de la personne ressource QUAND L’ENVOYER

» Postez-le dix jours à l’avance

» Télécopiez-le cinq jours à l’avance

» Faites un appel de suivi trois jours à l’avance

» Envoyez-le par courriel une journée à l’avance

» L’envoi par courriel et les appels sont primordiaux RESSOURCESSpin project : « www.spinproject.org » (en anglais seulement)

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POUR DIFFUSION IMMÉDIATE

Des étudiants de Concordia et d’acteurs militent pour les droits de réfugiés

Et si vous deviez attendre près de deux ans avant d’obtenir votre statut de réfugié ? Pour un bon nombre de réfugiés qui viennent s’installer au Canada, c’est une triste réalité.

Montréal, le 10 mars 2009 –

Les réfugiés qui viennent s’installer au Canada font face à des délais de plus en plus longs dans le traitement de leur demande par le gouvernement canadien. Le Rapport sur les plans et priorités 2009-2010 de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada indique que le temps d’attente continuera d’augmenter pendant les prochaines années. C’est pourquoi des acteurs de la série télévisée « Degrassi : La nouvelle génération », des défenseurs des droits de la personne et des étudiants en communication de l’Université de Concordia se sont réunis afin d’élaborer une campagne vidéo virale et faire pression sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada, afin de s’assurer que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ait à sa disposition toutes les ressources nécessaires pour prendre des décisions dans des délais raisonnables.

La vidéo Deux ans, c’est trop long vise à sensibiliser le grand public aux défis auxquels font face les réfugiés au Canada. Grâce à l’implication de célébri-tés telles Sarah Barrable-Tishauer et Jake Goldsbie de la série « Degrassi », la campagne fera des vagues à travers tout le pays. « C’est merveilleux de voir l’engagement d’un groupe de 24 étudiants en communication qui prennnent position et contribuent à changer les choses, c’est ainsi que nous agissons à Concordia  » s’exclame Liz Miller, professeure en communication et chef de production du projet. Non seulement les étudiants ont-ils entendu des té-moignages passionnés, mais ils se sont également rendu compte qu’ils avaient le pouvoir d’influencer les décisions prises par le gouvernement.

Depuis 2006, le gouvernement Harper laisse vacants des sièges de juges aux affaires des réfugiés. Malgré la quantité de nouveaux rendez-vous fixés, le dernier rapport du vérificateur général indique clairement que les problèmes s’aggravent. L’accumulation des réclamations combinée à un processus de nomination politisé affecte les contribuables, mais surtout la vie des réfugiés. Les réfugiés dont l’avenir est en suspens ont besoin de savoir s’ils seront proté-gés par le Canada et si les membres de leur famille pourront les rejoindre.

Visitez le site Internet http://coms.concordia.ca/video2/ et aidez-nous à faire une différence.

Pour de plus amples informations, veuillez communiquer avec [email protected] -30-

MODÈLE DE COMMUNIQUÉ DE PRESSE POUR UNE CAMPAGNE INTERNET DE MIP (VIRALE)

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

Boîte à outils : stylos, feuilles de papier 11 x 17 po, appareils photo numériques (ratio de 1 pour 4), ordinateur portable, projecteur, écran, clé USB, lecteur de carte. Niveau de diffi-culté : Débutant Temps : Atelier d’une journée (4 heures)

Ma mère, ma sœur et moi étions toujours ensemble dans la cuisine … Si elle pouvait parler, notre cuisine aurait beaucoup d’histoires à raconter.

ATELIER D’UN JOUR SUR LE RÉCIT

CARTOGRAPHIE

» Demander aux participants de dessiner une carte d’un lieu qu’ils pourraient considérer comme chez eux. Fournir des marqueurs et du papier blanc.

» Demander aux participants d’écrire leur nom et leur pays au dos de la carte et d’y inscrire les sons, les odeurs et les détails qui peuvent donner vie au lieu pour quelqu’un qui ne le connaît pas. Si les personnes se sentent mal à l’aise de dessiner, elles peuvent écrire ou même raconter une histoire à un animateur.

» Former de petits groupes pour discuter des dessins et de leur signification. S’assurer qu’un animateur accompagne chacun des petits groupes afin d’identifier ce que les histoires ont en commun. Demander aux participants de décrire ce qu’ils ont dessiné.

» Un autre exercice similaire consiste à demander aux participants de cartographier leur voyage vers le Canada.

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REPORTAGE PHOTOGRAPHIQUE EN QUATRE PHOTOS » Projeter des diapositives de la présentation PowerPoint sur la composition de

Cartographie des souvenirs. Se servir de l’aide mémoire « Prendre et choisir des photos » et discuter des termes de base, tels que « gros plan », « plan moyen », « plan d’ensemble » et des notions de base de la composition photographique.

» Montrer des modèles de reportages photographiques. Demander au groupe d’identifier le sujet des reportages photographiques. Quelle est la contribution de chaque photo à l’histoire ?

» Demander aux participants d’exécuter un scénarimage de leur histoire en petits groupes en esquissant une ébauche grossière de chacune des quatre photos. Leur demander d’utiliser une variété de prises de vue pour raconter leur histoire.

» Présenter les techniques de base de la prise des photos. Pour simplifier les choses, mettre l’appareil photo en mode automatique.

» Demander aux participants de prendre des photos en utilisant leur scénarimage comme guide. Les encourager à expérimenter de telle sorte qu’ils aient des options avec lesquelles travailler. S’assurer de leur donner une limite de temps (approximativement 20 minutes) pour prendre leurs photos.

» Télécharger les photos sur un ordinateur et demander à chaque groupe de choisir les quatre meilleures photos qui racontent leur histoire.

» Présenter toutes les histoires au groupe à l’aide de l’ordinateur et d’un projecteur pour visionner les images. Demander aux participants d’expliquer leurs reportages photographiques au groupe.

CONSENTEMENT

ALLEZ PLUS LOIN

» Enregistrer une histoire sur un lecteur audionumérique pour accompagner une cartographie de mémoires.

» Écrire un court texte ou une légende pour accompagner le photoreportage.

» Demander aux participants d’identifier cinq lieux dans leur nouveau quartier où ils se sentent chez eux. Cartographier ces lieux à partir du logiciel Google Earth.

PowerPoint sur la composition

Modèle de formulai-re de consentement

Si vous prévoyez présenter leur travail à un public autre que celui de l’atelier, discutez-en avec les participants et cherchez à obtenir leur consentement éclairé. Remettez-leur des formulaires de consentement au début de l’atelier et révisez-les en groupe. Relisez les formulaires de consentement à la fin de l’atelier afin de vous assurer que les participants comprennent où leur travail pourrait être présenté. Assurez-vous de réserver suffisamment de temps pour donner aux participants l’occasion de discuter individuellement du consentement. Nous avons mis en ligne notre propre formulaire de consentement comme référence.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

PRENDRE ET CHOISIR DES PHOTOS

ÉLÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION :

Contenu et message : que souhaitez-vous communiquer avec la photo ou le photoreportage ? Quel en est le sujet ?

État d’âme : quel effet émotionnel l’image a-t-elle sur vous ? Qu’est-ce qui provoque ce sentiment ?

Composition : comment les objets/sujets sont-ils placés dans la photo ? Quelles relations ont-ils entre eux ?

Point d’intérêt : comment les objets/sujets sont-ils placés dans la photo ? Quels rapports ont-ils entre eux ?

Variation de prises de vue : lorsque vous racontez une histoire avec des pho-tos, vous devez varier les prises de vues. Les photos sont-elles toutes prises à la même distance ? Du même angle ?

Point de vue : selon vous qui a pris la photo ? Pourquoi a-t-il pris cette photo ? Selon quelle perspective la photo a-t-elle été prise ? La photo est-elle prise de face ? En plongée (vers le bas), ou en contre-plongée (vers le haut) ?

Cadrage : comment l’image est-elle cadrée ? Qu’est-ce qui apparaît dans la photo et qu’est-ce qui a été laissé hors du cadre ? Lorsque vous prenez une photo, particulièrement en gros plan et en plan moyen, vous ne voulez pas en-combrer votre sujet. Assurez-vous qu’il y ait assez d’espace autour de sa tête (dégagement autour de la tête). Évitez les arrière-plans distrayants, tels qu’une plante qui semble sortir de la tête du sujet.

Vide : quel est le but du vide dans l’image ? Comment interagit-il avec le plein qui offre beaucoup d’informations visuelles ?

Arrière-plan et premier plan : qu’y a-t-il en arrière-plan ? Qu’y a-t-il au premier plan ? Quelle relation existe-t-il entre ces deux plans ?

Mise au point : y a-t-il une grande profondeur de champ où tout ce qui ap-paraît dans la photo est net et au foyer ? Y a-t-il une faible profondeur de champ où seulement les objets se trouvant au premier plan sont au foyer ?

Pour de plus amples informations, consultez la présentation PowerPoint sur la composition de Cartographie des souvenirs préparée pour les ateliers à « www.mappingmemories.ca ».

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EXERCICES D’INTRODUCTION À LA PHOTO

» Photographie professionnelle : choisir une photo dans un magazine et demander aux participants de la reproduire.

» Chasse au trésor photo : dresser une liste de cinq à dix articles et demander à de petits groupes d’étudiants de prendre ces articles en photo.

» État d’âme et lieu : déposer dans un panier des bouts de papier sur lesquels sont inscrits différents états d’âme et dans un autre panier des bouts de papier sur lesquels sont inscrits des noms de lieux à proximité. Chaque groupe doit piocher un bout de papier dans chacun des paniers pour avoir un état d’âme (sombre, mélancolique, enthousiaste) et un lieu (terrain de jeu, école, parc). Leur demander de prendre une photo du lieu qui rend l’état d’âme demandé.

» Portraits : prendre des photos d’actions, de poses, d’autoportraits, se séparer en groupe de deux et prendre des photos l’un de l’autre.

SOLUTIONS DE RECHANGE À LA PRISE DE PHOTOS

Si vous ne disposez pas d’appareils photo, vous pouvez adapter l’exercice et travailler avec des photos tirées de journaux, de magazines, de dépliants ou de circulaires ou tirées d’Internet. Vous pouvez également prendre des photos à l’aide de cellulaires. Pour voir un beau projet de collage de pho-tos récupérées, rendez-vous à l’adresse «  www.sabrinawardharrison.com  ».

CHOISIR LES PHOTOS

Exercice de message : au dos de chaque photo ou sur une fiche, écrivez le message ou l’état d’âme que vous souhaitez qu’elle communique (par ex. : une jeune fille se sent seule, un garçon est heureux de se faire des amis, une mère est inquiète de l’avenir de son fils). En groupes de deux, demandez à votre partenaire quel état d’âme est transmis par la photo. Comparez la réponse de votre partenaire à ce que vous avez écrit au dos de la photo. Discutez de l’écart entre votre intention et l’interprétation de votre partenaire.

Exercice de prise de vue : séparez vos photos en trois catégories : gros plan, plan moyen et plan d’ensemble. Quel type de photos avez-vous tendance à prendre ? Des plans d’ensemble ? Des gros plans ?

Exercice de cadrage : en groupes de deux, montrez une photo à votre parte-naire. Demandez-lui ce qui attire son regard dans l’image. Quelle est la première chose que note votre partenaire ? Vous voulez tous les deux vous assurer que le sujet principal ou le point d’intérêt soit évident. Les participants prennent souvent des photos à distance et il est alors difficile de saisir le sujet ou le point d’intérêt de la photo.

Exercice de montage : laquelle de vos photos communique le mieux le mes-sage que vous souhaitez transmettre ? Laquelle de vos photos préférez-vous ? Lesquelles sont les plus significatives ? Lorsque vous aurez terminé d’étudier vos photos, choisissez les cinq meilleures et placez-les dans un ordre qui a du sens tant du point de vue narratif que visuel. Essayez d’interchanger la première et la dernière photo. Est-ce que ça change le message, l’état d’âme ou l’histoire que vous désirez communiquer ?

Chasse au trésor photo

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

Y a-t-il une émission ou une station de radio communautaire dans votre quartier où des collaborateurs se sentent « chez eux », tout comme Alfredo se sent bien à Radio Centre-Ville qui diffuse Ici Radio Refuge ? Essayez d’en savoir plus : Quand l’émission est-elle diffusée ? Qui sont les interlocuteurs ? Quel genre de sujets couvrent-ils ? Est-ce que les gens peuvent appeler ? Faites un exercice d’écoute d’Ici Radio Refuge (Radio Centre-Ville, 102.3 FM) ou d’une autre émission ou station et faites-en rapport au groupe.

» Avez-vous déjà effectué un voyage seul comme Ayanda lorsqu’il est venu à Montréal ? Écrivez sur un voyage que vous avez effectué seul. Décrivez le voyage et faites part de ce que vous y avez appris sur vous-même. Vous pouvez également écrire sur un moment où vous avez dû quitter votre foyer contre votre gré.

» «  Quand vous sentez-vous chez vous ?  » Ayanda a attendu plusieurs années avant de devenir résident permanent au Canada. La population canadienne accepte en général qu’on donne à une personne qui vit depuis longtemps au Canada le droit d’y rester.

» « Assez longtemps » représente combien d’années, selon vous ? Un an ? Deux ans  ? Cinq ou dix ans  ? Quels sont les facteurs qui permettent de définir si une personne est «  établie  » au Canada, mis à part le nombre d’années passés au pays ? Par exemple, est-ce lorsqu’elle a un emploi  ? Qu’elle est propriétaire d’une maison  ? Lorsque certains de ses enfants sont nés au Canada  ? Lorsqu’elle obtient un diplôme canadien  ? Lorsqu’elle travaille pour un organisme communautaire  ? Quels pourraient être certains autres facteurs ?

» Pour en savoir davantage, voir la vidéo Des vies en suspens et le guide d’étude à l’adresse « www.ccrweb.ca ».

DES ÉLÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

» Est-ce que le groupe auprès duquel vous travaillez possède de l’expérience avec les outils que vous présentez  ? Pourront-ils y avoir accès après l’atelier ?

» Comment pouvez-vous vous assurer que la technologie ne sera pas une entrave ?

» Existe-t-il un public cible pour le travail produit dans l’atelier  ? Les participants  ? Les étudiants et les enseignants  ? Un représentant du gouvernement ?

ACTIVITÉS CONNEXES

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Nous avons tous une histoire à raconter. Les lieux aussi parlent. Ce que les histoires nous racontent nous importe, tout comme la façon dont elles nous lient les uns aux autres. Parfois, en se racontant, la distance entre nous se résorbe et nous devenons un. Le partage des récits de vie peut changer le paysage politique. Steven High, codirecteur du Centre d’histoire orale et de récits numérisés de l’Université Concordia

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03EN ROUTE : ASSOCIER LES HISTOIRES PERSONNELLES AUX LIEUX PUBLICS

ASSOCIER LES MÉMOIRES AUX LIEUX

Qu’est-ce que la mémoire personnelle  ? Comment les lieux ravivent-ils la mémoire et les histoires  ? Héritons-nous des souvenirs de nos parents  ? Comment pouvons-nous, par le récit, maintenir vivantes nos histoires de famille ? Comment la connaissance du passé alimente-t-elle notre compréhension de nous-mêmes et de nos histoires de famille ? Nous avons tous des souvenirs et plusieurs sont rattachés à des lieux qui possèdent une signification importante pour nous en tant qu’individus, familles ou membres d’une communauté.

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EN ROUTE : CRÉER UN PAYSAGE DE MÉMOIRES DE MONTRÉAL Liz Miller

APERÇU

Pendant deux mois, sept jeunes réfugiés ont mené un projet multimé-dia participatif intitulé En route, une initiative de Cartographie des souve-nirs et du groupe Expériences de jeunes réfugiés du projet Histoires de vie Montréal, avec la collaboration du Y des femmes de Montréal. L’activité a commencé par un atelier de douze semaines sur le paysage de mémoires, une méthode qui associe les histoires personnelles aux lieux publics. Lors de cet atelier, les participants ont écrit des récits qu’ils ont enrichis de paysages sonores et partagés lors d’une visite de la ville en autobus. Dans leur rôle de guides touristiques, les jeunes ont associé le passé au présent, les mémoires personnelles aux espaces publics et ont donné un aperçu du vécu des jeunes réfugiés.

Le Y des femmes de Montréal est un organisme à but non lucratif dédié à l’amélioration de la vie des femmes et des filles par le renforcement de leur estime de soi et de leur autono-mie. Par des ateliers offerts dans le cadre de programmes scolaires ou parascolaires, le Y des femmes vise à encourager l’acquisition de com-pétences en leadership, prévenir l’émergence de situations potentiel-lement violentes et réduire les iné-galités sociales auxquelles font face les femmes et les filles.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

PLANIFIER UN PROJET AUTOUR D’UN GRAND ÉVÉNEMENT

devions nous assurer, en planifiant un événement aussi prestigieux, que le but ultime n’éclipserait pas les objec-tifs individuels ni la démarche que les jeunes avaient entreprise au cours de l’atelier préparatoire.

PARTENAIRES ET OBJECTIFS

En Route a d’abord été une col-laboration entre le Y des femmes de Montréal et les projets Histoires de vie Montréal et Cartographie des souvenirs. Les collaborateurs haïtiens, cambodgiens et rwandais du projet Histoires de vie Montréal avaient fait valoir que leur participation au projet était motivée par le fait qu’ils dési-raient s’assurer que leurs enfants et les générations à venir seraient infor-més des guerres, génocides et autres violations des droits de la personne qu’ils avaient vécus. Avec cet objectif en tête, nous avons ouvert les inscriptions à l’atelier à tous les jeunes âgés de 20 à 30 ans ayant une expérience de réfugié. Il pouvait s’agir de la sœur, du frère, de la fille ou d’un autre membre de la famille d’une personne réfugiée.

En élargissant les inscriptions à plusieurs participants ayant vécu eux-mêmes l’exil ainsi qu’à ceux ayant été touchés par une expérience de réfugié, nous espé-rions que la création des paysages de mémoires dans le cadre du cours facili-terait les échanges intergénérationnels.

Nous voulions également trouver des façons d’utiliser les médias pour renfor-cer le leadership des jeunes femmes ayant une telle expérience et leur fournir l’occasion de s’exprimer. Rania Arabi, du Y des femmes de Montréal, a aidé à la coordination du cours et a présenté, sous forme de récit, l’expérience de réfugié de sa famille, à l’instar des autres participants. «  Notre intention était d’instaurer

Les enfants d’immigrants, de migrants et de réfugiés témoignent souvent de leur souffrance et de celle de leurs parents. Il est difficile d’isoler les épreuves de la psyché individuelle ; elles s’imprègnent, pour ainsi dire, dans la diaspora. Un enfant, tout en étant protégé, n’est pas isolé des épreuves de sa famille et il peut être bien placé pour donner un nouveau sens à ce qui est arrivé. La narration intergénéra-tionnelle peut permettre le passage du silence à la parole (Campano 2007, 56).

Histoire de Rania, Cher Gabriel

On peut lancer un projet multi-média participatif en l’arrimant à un événement spécifique. C’est ainsi que l’itinéraire et la visite en autobus d’En route ont pris forme. Neuf mille universitaires de partout au Canada devaient venir à l’Université Concordia pour participer au Congrès 2010 des Sciences humaines, et l’Université souhaitait présenter des initiatives de recherche.

Sous l’égide de Cartographie des souvenirs et d’Histoires de vie Montréal, nous avons proposé un paysage de mémoires qui prendrait la forme d’un tour de ville en autobus au cours duquel seraient diffusés des enregistrements d’histoires de jeunes ayant une expérience de réfugié.

En associant les histoires personnelles à des lieux importants de Montréal, la visite guidée offrirait une perspective unique de la ville et sensibiliserait les visiteurs aux diverses préoccupations des jeunes ayant une expérience de réfugié. Le fait d’avoir un objectif concret et un délai ciblé était palpitant pour notre groupe d’animatrices et de participants. En même temps, nous

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un climat de confiance et de sécu-rité, essentiel aux participants issus de milieux vulnérables. Cette intention présidait à tous les cours et à la visite guidée en autobus (même lorsque les choses ne semblaient pas tourner rondement). Je crois que parce que j’ai moi-même vécu cette expérience, ma présence a donné de la crédibilité au cours et a aidé à créer un climat de sécurité. Coanimer un groupe est délicat. Il faut déterminer dès le début comment procéder et qui assume quelles responsabilités ».

PAYSAGES DE MÉMOIRES

Pour mettre au point ce projet, nous avons commencé par organiser un cours de douze semaines sur la créa-tion de paysages de mémoires, soit la cartographie des histoires et des paysages sonores associés à des lieux dans la ville. Un paysage de mémoires peut être une marche, une excursion en autobus ou même un site Internet immersif comportant la visite de lieux qui déclenchent une histoire ou un souvenir. Des passages du temps et des changements de perception peuvent se produire lorsqu’on invite le public à marcher dans les traces de quelqu’un d’autre.

L’expression « paysage de mémoires » a été inventé par le chercheur Toby Butler, qui a organisé des promenades sonores à Londres autour de différen-tes histoires orales de la ville. Butler est l’un des nombreux historiens, artistes, géographes et éducateurs qui étudient comment les technologies portables (cellulaires, lecteurs de musique, etc.) peuvent nous permettre d’illustrer les liens qui existent entre l’histoire, la mémoire et le lieu.

De même, la visite guidée En route avait comme but de plonger les

passagers de l’autobus dans les réali-tés vécues par les jeunes participants. L’autobus s’arrêtait aux lieux évoqués dans les histoires pour permettre aux jeunes guides de présenter et de faire entendre leurs récits enregistrés. Pour voir comment cette expérience d’immersion pourrait se traduire virtuellement, nous avons par la suite cartographié les récits sur un itinéraire en ligne à l’aide du logiciel Google Maps.

PRINCIPAUX DÉFIS Notre groupe était composé de six jeunes femmes et d’un jeune homme provenant du Zimbabwe, de la Palestine, du Congo et du Rwanda. Aucune expérience médiatique n’était requise des participants. Nous nous sommes rencontrés une fois par semaine pendant quatre heures au Centre d’histoire orale et de récits numérisés de l’Université Concordia. Nous avons invité les étudiants en communication de Concordia à nous donner une formation pratique multimédia en photographie, en enregistrement sonore et en montage.

Avec nos partenaires, nos participants et un objectif ultime en tête, nous étions prêts à relever les défis éthiques et créatifs que ce projet pouvait présenter : en quoi le fait de tenir compte du lieu influencerait-il la façon de raconter les histoires  ? Comment nous assurer que les paysages de mémoires personnels présentent un intérêt pour un public plus vaste  ? Comment de tels projets médiatiques peuvent-ils renforcer la confiance et les compétences en leadership de jeunes femmes ayant une expérience de réfugié  ? Et avant tout, comment équilibrer les caractères public et privé des récits et s’assurer qu’une visite guidée ne rende pas les participants vulnérables ?

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BÂTIR LA CONFIANCE ET CRÉER UN CLIMAT DE SÉCURITÉ

Notre premier défi consistait à instaurer la confiance et à apprendre à se connaître. Pour ce faire, nous avons commencé les ateliers par un repas collectif. Chaque semaine, une personne différente du groupe préparait un plat qui lui rappelait son pays d’origine, ce qui était aussi une façon concrète de contribuer au cours.

Ce rituel de partage représentait une étape importante pour créer une intimité et assurer un climat de sécu-rité au sein du groupe.

De plus, les participants devaient nous raconter une histoire associée au plat préparé. Nous avons enregistré les récits sur un enregistreur audionuméri-que. Le cuisinier de la journée pouvait décrire la personne qui lui avait donné

la recette, un moment spécial au cours duquel il avait apprécié le plat avec d’autres, les origines du plat ou encore le défi de préparer ce plat à Montréal.

Les plats et les récits variaient en saveurs et en complexité. La partici-pante Rasha Samour, par exemple, a apporté du Ma’aloubeh, un plat pales-tinien élaboré que sa mère avait aidée à préparer. Elle a raconté l’histoire du plat familial et sa trajectoire depuis la Palestine jusqu’à Montréal. Une autre participante, Léontine Uwababyeyi, a préparé des plantains, une composante essentielle des repas dans son pays natal, le Rwanda.

L’enregistrement de l’histoire associée aux différents plats était une décision pratique et visait à développer les compétences techniques des partici-pants et à augmenter leur confiance dans la manipulation d’enregistreurs ou d’autres équipements. Cela

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55permettait également de créer une première série de récits pour la visite guidée. Puisque les participants éla-boraient simultanément leurs histoires personnelles, nous voulions qu’ils aient un récit en réserve au cas où ils se sentiraient trop vulnérables pour partager leurs histoires plus intimes avec un public plus vaste.

Naturellement, ce filet de sûreté, soit la production de versions numériques des récits sur les plats, exigeait plus de travail pour nous tous. Et si nous n’avions pas voulu que la technologie entrave des échanges significatifs, nous aurions pu tout simplement par-tager un repas ensemble.

Le défi de trouver un équilibre entre une démarche enrichissante et le besoin de produire des récits publics se présente souvent dans les projets de médias participatifs. Le défi était de taille compte tenu du caractère complexe des récits associés au grand événement public planifié. Nous avons agi avec prudence afin de nous assurer que l’expérience comporterait plus d’avantages que de risques et d’inconforts.

CONCILIER LES OBJECTIFS DU COURS AVEC LES BUTS PERSONNELS

En tant qu’animatrices travaillant avec des histoires complexes, il était particulièrement important pour nous de comprendre ce qui avait motivé les participants à s’inscrire au cours. Pour ce faire, nous leur avons demandé de dessiner une carte de leur nouvelle « collectivité » à Montréal. Nous avions effectué un exercice similaire dans le cadre du Projet Refuge (chapitre 1). Cette fois-ci, nous les avons invités à dessiner des lieux qui les faisaient se sentir chez eux. Ce pouvait être un

magasin, un centre communautaire, un jardin communautaire, un café ou un lieu de culte. Nous avons présenté quelques exemples d’ateliers anté-rieurs et les participants ont par la suite dessiné des cartes sur du papier de 11 x 17 po à l’aide de marqueurs.

Au dos de la carte, nous leur avons demandé d’écrire ce qui les motivait à partager une histoire et à participer au cours. L’exercice de cartographie a aidé les participants à identifier les histoires qui avaient de l’importance à leurs yeux. Nous avons ensuite partagé les cartes et les buts en tant que groupe, un exercice auquel ont pris part tant les animatrices que les participants. C’était la première de plusieurs étapes visant à clarifier nos objectifs individuels et collectifs. Les objectifs collectifs consistaient, entre autres, à développer des compétences en leadership et à sensibiliser le grand public aux expériences de réfugié des jeunes. Même si les objectifs indi-viduels et collectifs pouvaient différer, nous voulions respecter les deux séries d’objectifs et recourir à des solu-tions créatives pour les concilier. Par exemple, Léontine Uwababyeyi voulait partager le fait qu’elle avait perdu sa famille pendant le génocide des Tutsis du Rwanda. Son objectif personnel en racontant son histoire était d’honorer sa famille et de s’assurer que son vécu serait consigné dans des archives historiques. Il était important de comprendre la motivation personnelle de Léontine et de la soutenir dans sa démarche créative.

PARTAGER LES RISQUES CRÉATIFS

La méthode que nous avons dévelop-pée au cours des ateliers consiste à aborder les ateliers comme une exploration mutuelle. Le fait que nous

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ayons pris des risques créatifs avec les participants nous a aidées à établir la confiance en réduisant le caractère formel de la relation entre animatrice et participant. Par exemple, nous avons tous pris part, y compris les animatrices, à l’exercice préliminaire de cartogra-phie et partagé ce qui en est ressorti. En faisant nous-mêmes les exercices, nous avons également renforcé notre pratique d’animation, parce que nous avons vu ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas.

Une autre occasion d’exploration mutuelle s’est présentée lorsque Rebecca, une animatrice spécialisée en médias, inspirée par les récits sur les plats et les dialogues inter-générationnels, a décidé de tourner une courte vidéo sur sa grand-mère. Dans la vidéo de Rebecca, sa grand-mère de descendance syrienne, Mehshi Kusa, lui montre une recette familiale qui n’a jamais été mise sur papier. Rebecca parle de ce qui l’a motivée à utiliser une recette pour fouiller son histoire familiale : « Fruit de l’immigration et du

déplacement, notre famille se sert prin-cipalement des aliments pour célébrer ses racines ». Le projet de Rebecca est alors devenu pour les autres partici-pants un modèle utile de ce à quoi pouvait ressembler un produit fini.

COMPOSER LES RÉCITS

L’écriture représentait le point de départ de la composition des récits. Penny Kittle, enseignante en écriture, a élaboré une liste utile de «  dix écrits-minute » dans son livre intitulé Write Beside Them. Mentionnons « un lieu dans le temps », un exercice d’écriture rapide dans lequel elle demande aux étudiants, «  rappelez-vous un lieu de votre enfance qui avait de l’importance à vos yeux et dressez une liste de ce dont vous vous souvenez de ce lieu. Cherchez-en les moindres détails –détails sensoriels– et découvrez ce qui remonte à la surface » (Kittle 45). Les écrits-minute étaient une excellente façon de nous mettre en selle et nous y recourions au début de chaque cours. Nous

Le récit de Rebecca, Mehshi Kusa

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avons également donné du temps aux participants pour travailler sur leurs récits, individuellement et avec l’aide d’une animatrice. Nous avons invité Stéphane Martelly, professeure de littérature appliquée, à venir à plu-sieurs cours pour offrir son expertise et réviser les versions préliminaires des récits.

Les participants ont été encouragés à essayer une variété de styles et de genres pour raconter leurs histoires, dont la lettre, le poème, la nécrolo-gie, la définition, le message texte, le courriel, la recette, la liste, l’article de journal, la chanson, le scénario ou la série de questions.

Dans son livre Blending Genre, Altering Style, Tom Romano explique pourquoi le texte multigenre est un moyen puissant d’explorer diverses perspectives sur n’importe quel sujet ou thème. Parce que nous avions un petit groupe et que nous disposions de plusieurs animatrices, nous pou-vions être souples et nous adapter à différentes façons d’aborder le projet. Par exemple, plusieurs participants voulaient expérimenter la réalisation d’une entrevue de type récit de vie et ont basés leurs histoires sur des entre-vues avec un membre de leur famille (voir le chapitre 4 pour les techniques d’entrevue de récit de vie).

Rasha Samour a mené une entrevue audio avec sa mère sur l’abandon de son domicile en Palestine. Elle a par la suite écrit une courte narration pour mettre l’entrevue en contexte. Stéphanie Gasana a fait une entre-vue avec sa sœur et elle a écrit sa propre histoire en se basant sur cette entrevue.

ÊTRE SENSIBLE AUX HISTOIRES PÉNIBLES

Pendant le cours, nous avons discuté des défis à relever lorsqu’on partage des histoires personnelles. Nous avons insisté sur le fait que tout travail créa-tif implique de prendre des risques. Nous avons également expliqué que lorsqu’on partage des histoires personnelles, on revisite forcément

les événements passés, ce qui peut raviver des émotions pénibles. Les histoires émergent lorsqu’un individu est prêt, et nous avons renforcé dans notre conviction que peu importe l’histoire que le participant est prêt à raconter, elle a de la valeur.

Le fait de traiter d’histoires pénibles a posé un défi aux participants et aux animatrices. Par exemple, lorsque j’ai lu pour la première fois le récit de Léontine sur la perte de sa famille dans le géno-cide, j’ai été immédiatement touchée par l’intensité de son histoire. J’ai noté qu’elle était calme lorsqu’elle partageait son histoire, mais je ne savais pas si je devais lui demander ce qu’elle pensait de son expérience ou me concentrer sur mes commentaires quant à la struc-ture de son histoire. Je lui ai demandé comment je pouvais l’aider et elle m’a répondu : « j’ai besoin que vous m’aidiez à corriger mon anglais », et c’est ce par quoi nous avons commencé.

Les occasions offertes aux étudiants de raconter quelques-uns des aspects les plus difficiles de leur vie peuvent permettre d’atteindre plusieurs objectifs im-portants. La narration est un des moyens par lesquels les étudiants peuvent commencer à comprendre les expériences passées qui n’ont peut-être pas été par-faitement compréhensibles au moment où elles sont survenues, et peut-être acquérir un certain degré de contrôle sur celles-ci.(Campano 2007, 52).

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Au début, Léontine ne me connaissait pas suffisamment pour me demander autre chose, et en tant qu’animatrice en création, je ne pouvais pas présumer de ce dont elle avait besoin.

Notre atelier sur les médias visait la libre expression et non la thérapie. Je devais la suivre dans sa démarche. Lorsqu’elle a appris à mieux me connaître, nous avons pu discuter du contexte et du contenu et structurer son histoire.

Il était important de garder un œil vigilant pendant les cours et de faire un suivi pendant la semaine pour s’enquérir des réseaux de soutien des participants en dehors du cours. Nous avons également remis au groupe une liste de services psychologiques mis sur pied par le projet Histoires de vie Montréal au cas où un participant aurait besoin de soutien profession-nel. Il était toujours possible qu’un des participants abandonne pour des raisons émotives ou pratiques puisqu’ils devaient concilier emplois, études et autres responsabilités.

FACTEURS DONT IL FAUT TENIR COMPTE EN TRAVAILLANT AUPRÈS DE PERSONNES AU PASSÉ DIFFICILE :

» Avant de commencer l’atelier, prévenez les participants que les projets créatifs sur les histoires personnelles peuvent éveiller des émotions pénibles.

» Offrez aux participants des ressources auxquelles ils pourront recourir s’ils ont besoin de soutien additionnel.

» Expliquez aux participants qu’en tant qu’animateur, il est de votre responsabilité de solliciter du soutien additionnel si vous pensez que l’intégrité d’une personne est menacée d’une quelconque façon.

» Soyez respectueux de la vie privée des participants et assurez-vous de leur offrir une gamme d’exercices et de thèmes à explorer.

» Expliquez-leur qu’ils ne sont pas obligés de partager une histoire s’ils ne se sentent pas prêts à le faire.

» Si une personne est au cœur d’un processus de demande de réfugié, demandez-lui de consulter son avocat avant de partager son histoire avec un public plus vaste.

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En tant qu’animatrices, nous de- vions tenir compte des antécédents culturels, sociaux et politiques de chaque participant. Par exemple, à mesure que Léontine et moi ap- prenions à nous connaître, elle a pris le temps de s’assurer que je saisissais les subtilités de ce qui s’était passé au Rwanda. Il était important pour elle que je comprenne non seulement son histoire personnelle, mais également le contexte dans lequel elle s’inscrit. Ce contexte revêtait de l’importance pour moi et pour tous ceux qui liraient son récit.

Il était également important d’aider les participants à mettre l’accent sur leur résilience devant l’adversité. Dans le cas de Léontine, il s’agissait de soulig-ner les moments dans son histoire où elle a été considérée comme leader aux yeux des autres. Par exemple, au lieu de finir son histoire avec la perte dévastatrice de sa famille au Rwanda, Léontine a poursuivi son histoire en décrivant sa deuxième famille, formée d’étudiants universitaires également devenus orphelins à la suite du géno-cide. Léontine a expliqué comment elle était devenue, dans sa nouvelle famille, la « mère » adoptive de seize « enfants », dont certains étaient plus âgés qu’elle. Grâce à un léger change-ment de point de vue, l’histoire de Léontine ne s’est pas terminée sur une note tragique, mais plutôt sur un exemple puissant de leadership dans son rôle de « mère » adoptive.

LE SOUTIEN DES PAIRS

Il était particuliérement gratifiant de voir le réseau de soutien qui s’était créé parmi les participants. Les amitiés qui se sont développées entre les participants et le soutien qu’ils s’apportaient les uns aux autres étaient probablement ce qui les motivait le

plus à continuer à participer au projet. Pour plusieurs, c’était l’aspect le plus important du projet. Le partage des histoires personnelles entre eux leur a permis de réfléchir sur des événe-ments passés au sein d’un groupe de soutien. Parallèlement, partager une histoire dans l’environnement clos d’un atelier et partager une histoire dans le cadre d’une visite guidée en autobus ou sur Internet supposaient différents degrés d’exposition.

HISTOIRES PERSONNELLES, HISTOIRES PUBLIQUES

Il était essentiel pendant le cours de créer des occasions pour les participants d’évaluer tous les risques potentiels à la vie privée ou à la sécurité qui pourraient survenir lors du part-age de leurs histoires en public. Afin de nous assurer que les participants se sentaient à l’aise de rendre leurs histoires publiques, nous discutions continuellement des différences entre les histoires privées et les histoires publiques.

Nous avons convenu dès le début que les histoires privées seraient tirées de souvenirs personnels ou d’expériences vécues, et qu’elles prendraient forme en enregistrant des conversations avec un membre de la famille, en écrivant des souvenirs ou des entretiens passés ou en se rappelant des moments charnières de leur vie. Certains détails de leurs histoires privées resteraient dans leurs journaux, tandis que d’autres seraient façonnés pour être dévoilés au grand public. Nous avons souligné qu’il était important de tenir compte de chaque détail person-nel qui pourrait faire en sorte qu’un participant se sente ultérieurement vulnérable. Il était particulièrement important d’être sensible à tout détail qui pourrait compromettre la sécurité

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d’un participant ou de sa demande d’asile.

Les histoires publiques quant à elles, mettraient l’accent sur les mémoires collectives, les événements publics ou les endroits importants pour une plus grande collectivité. Mentionnons le récit public de la marche commémora-tive entreprise par la communauté rwandaise jusqu’aux bords du fleuve Saint-Laurent, dans le Vieux-Port, pour perpétuer le souvenir des Tutsis assassinés pendant le génocide de 1994. L’événement était organisé par Page-Rwanda, une association fondée par les parents et les amis des victimes du génocide résidant à Montréal.

Léontine Uwababyeyi et Stéphanie Gasana, qui sont originaires du Rwanda, ont travaillé ensemble sur cette histoire publique. Au cours de la visite guidée en autobus, elles ont invité les passagers à recréer la marche avec elles. C’était un des points forts de la visite guidée.

En introduisant la notion d’histoires publiques et privées, nous voulions

offrir aux participants une série de moyens pour partager leurs expérien-ces. Il était important de réitérer que toutes leurs histoires étaient impor-tantes et qu’ultimement, ils avaient la responsabilité de choisir quelle histoire raconter et ce qu’ils voulaient partager.

LES RÉCITS DOIVENT POUVOIR SE RACONTER

Un des défis auxquels nous avons été confrontées lors de l’élaboration des récits était de s’assurer qu’ils ressem-blaient à une conversation et pouvaient être lus à voix haute, puisque le produit final serait un enregistrement audio. Le fait d’écouter des exemples de projets audio et de faire la lecture des récits a aidé les participants à faire la distinction entre la forme écrite d’une histoire et le ton plus « conversation » d’une narration. Écrire des scripts pour les paysages sonores était comme écrire pour une émission de radio : si ça ne sonnait pas juste, alors ce n’était pas juste. Les passagers de l’autobus ne pourraient entendre le récit qu’une seule fois, alors les phrases devaient être concises et percutantes. Tout ce qui pouvait être difficile à compren-dre pour un passager devait être supprimé. Les participants étaient encouragés à écrire au temps présent, à employer des verbes d’action et à s’adresser directement au public. Afin de nous assurer que les récits n’étaient pas trop longs, nous avons également fixé une limite de 800 mots.

AJOUTER LE SON ET LES PHOTOS

Après avoir écrit les récits, l’étape sui-vante pour créer notre paysage sonore consistait à enregistrer les récits et à ajouter les sons. Nous avons

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Ressources sonores en ligne

Présentation PowerPoint sur la

composition

invité un artiste en paysages sonores à discuter de conception du son avec les participants et à leur donner des exemples de projets sonores ayant la même durée que ceux que nous produisions. L’écoute des projets a généré des idées et sa visite nous a aidés à poursuivre l’élaboration des récits. Nous avons remis des enregistreurs audionumériques aux participants qui désiraient inclure des effets sonores et des commentaires par eux-mêmes.

Nous avons rappelé à ceux qui ef-fectuaient leurs propres enregistre-ments de se trouver un endroit calme et de parler clairement et lentement, mais de façon animée. Le garde-robe est un bon endroit pour effectuer un enregistrement sonore parce que les vêtements «  réchauffent  » l’espace et empêchent l’écho. Nous avons demandé aux participants d’apporter leurs enregistrements au cours afin de les écouter ensemble. Pendant les heures de cours, nous avons enre-gistré les récits des participants qui n’avaient pas eu le temps d’effectuer leurs propres enregistrements. Ces participants ont pu se concentrer sur leurs créations plutôt que de se préoccuper de l’aspect technique.

Même si l’atelier portait essentiel-lement sur la création de récits audio pour la visite guidée en autobus, les participants ont également illus-tré leurs récits à l’aide de nouvelles photos, de photos de famille ou d’amis triées et scannées, ou d’artéfacts. Nous avons dirigé un atelier sur la photographie où nous avons abordé la composition et les techniques élémentaires de manipulation de l’appareil photo. Nous avons laissé aux participants le temps de choisir les photos qu’ils incorporeraient à leurs récits.

MONTAGE

Une fois tous les éléments des récits des participants réunis, les anima-teurs des médias étudiants ont utilisé Audacity, un logiciel libre de montage pour faire le montage de la meilleure « prise » de leur narration et pour ajou-ter les musiques ou les effets sonores choisis. Nous avons ensuite eu recours au logiciel de montage Final Cut Pro pour intégrer les photos, ajouter les titres et les sous-titres et compresser les récits pour le site Internet.

Le montage est habituellement ce qui exige le plus de temps dans tous les ateliers sur les médias, et nous n’avions pas le temps de montrer aux participants comment utiliser le logiciel. Nous les avons toutefois fait travailler en étroite collaboration avec les animateurs des médias étudiants afin de s’assurer qu’ils étaient heureux du résultat final.

Même s’ils n’ont pas bénéficié d’essais pratiques en montage, les participants ont exercé un contrôle sur l’aspect créatif du produit final. Les récits numérisés illustrés ont alors été téléchargés sur notre site Internet. Ils ont également été présentés dans le cadre d’une exposition à l’Université Concordia en marge de la visite guidée en autobus.

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PLANIFIER LA VISITE GUIDÉE

L’étape finale consistait à associer les récits à des lieux dans la ville pour notre visite guidée en autobus. Le récit pouvait s’inspirer de l’endroit, ou bien l’endroit pouvait être choisi une fois le récit complété. Par exemple, Marie-Françoise Ilunga Sitnam s’est inspirée d’un endroit concret, l’épicerie Kim Phat à Côte-des-Neiges, où elle avait trouvé les ingrédients authen-

tiques pour cuisiner son plat congolais favori. À l’inverse, le récit de Léontine Uwababyeyi sur la perte de sa famille n’avait aucun point de repère évident à Montréal. Elle a choisi comme endroit l’Oratoire St-Joseph, parce que c’est là qu’elle a trouvé du récon-fort lorsqu’elle est arrivée à Montréal.

Une fois l’itinéraire préliminaire tracé, nous avons effec-tué un tour d’essai en voiture et avons chronométré les

déplacements entre les sites. Ceci nous a aidées à déterminer ce qui pourrait être fait entre les arrêts correspondant aux récits respectifs. Par exemple, nous avons décidé qu’après chaque récit, le guide de la visite ferait jouer une chanson de son pays. La musique adoucirait l’intensité des récits. Les guides ont également préparé des introductions à leurs récits et des anecdotes à partager en route. Deux semaines avant la visite guidée, nous avons effectué une répétition

L’organisation d’un évé-nement public est une partie essentielle d’un projet participatif, peu importe l’ampleur, parce qu’elle offre l’opportunité aux gens de saisir l’impact collectif de leur travail.

Liz Miller

générale dans le même bus-navette universitaire que nous allions utiliser pour la visite guidée. Cela a permis aux participants de voir comment toutes les pièces s’emboîtaient. Lors de la générale, nous avons invité un photographe-vidéographe de l’Université Concordia à se joindre à nous. Nous voulions documenter le processus et nous avions également besoin de matériel promotionnel pour accompagner les communiqués de presse. Nous avons produit un communiqué de presse, une capsule radio et une vidéo promotionnelle de quatre minutes. Nous avons égale-ment mis à la disposition des stations de télévision intéressées à couvrir la visite guidée la séquence filmée de la générale. Le fait d’avoir travaillé avec le photographe-vidéographe a permis au groupe d’acquérir plus d’assurance pour présenter le projet En route à un public de l’extérieur. Il a été utile de se retrouver devant une caméra avant de rencontrer les médias.

Nous avons pris la décision d’effectuer la visite guidée deux fois. Nous avons donné une réception après chacune d’entre elles dans notre lieu d’exposition pour célébrer et offrir aux passagers l’occasion de rencontrer les guides. L’exposition parallèle a permis de projeter les récits dans une petite galerie à l’intention des congressistes qui ne participeraient pas à la visite guidée. C’était également notre plan d’urgence au cas où la visite guidée en autobus attirerait plus de gens que nous ne pouvions en accueillir. Cela a effectivement été le cas, et nous étions soulagées d’avoir égale-ment organisé des visites guidées de l’exposition.

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UNE EXPÉRIENCE COLLECTIVE

«  Les récits peuvent être personnels, mais les émotions qu’ils véhiculent ont une importance sociale ; ils reflétent des visions du monde inscrites dans l’histoire collective et l’expérience de groupe. »(Gerald 2007, 60)

Pour aider les participants à relever le défi de rendre leurs récits publics, nous avons discuté en groupe de l’utilisation qui pouvait être faite des récits et nous sommes revenus sur leurs motivations d’origine. La générale était la première occasion que nous avions de saisir la force des récits dans leur ensemble et elle a forgé une nouvelle intimité avec le groupe. L’accent n’était plus sur la démarche individuelle mais sur l’expérience collective, et nous avons échangé sur nos objectifs mutuels en ce qui avait trait à la visite guidée.

Rania Arabi a expliqué : « Nous parta-gions le désir de susciter une meilleure compréhension de l’expérience de

réfugié – de l’exil, du foyer d’origine, du nouveau foyer. Nous voulions éveiller de la compassion pour une expérience humaine souvent margina-lisée, oubliée, jugée ou évitée ».

Notre objectif commun était d’utiliser ces récits pour briser les stéréo-types contraignants sur les expériences des réfugiés. En outre, au lieu de mettre l’accent sur la tragédie d’une personne en particu-lier, nous voulions souligner le fait que si l’expérience vécue par un réfugié est unique, l’expérience de réfugié est plus vaste et touche les familles, les salles de classe, les com-munautés et la société. Nous avons gardé ces objectifs en tête dans nos rapports avec les médias.

Je veux que les pas-sagers voient au-delà des récits individuels et réalisent comment l’expérience d’être un réfugié affecte le tissu social de Montréal, de notre société et de nos communautés.

Marie-Francoise Ilunga Sitnam

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LES MÉDIAS Notre visite guidée a attiré l’attention des médias et il en a été fait mention dans plusieurs journaux et émis-sions radiophoniques et télévisuelles. L’attention que nous avons reçue était due en partie à l’approche immersive et attrayante de la visite guidée en

autobus. C’était également le résultat de notre ar-rimage à un grand événe-ment (congrès) et de l’appui de l’Université Concordia, qui a assigné au projet du personnel chargé des relations avec les médias.

Parce que les récits avaient été produits dans le cadre d’un groupe de soutien, nous voulions poursuivre partiellement cette démarche dans nos rapports avec les médias. Afin de nous préparer à ce défi, nous avons commencé à donner des entrevues à l’interne avant

de nous tourner vers l’extérieur. Nous avons tout d’abord parlé aux représent-ants des médias de Concordia, puis aux stations radiophoniques locales,

et enfin à la télévision et à des orga-nes de presse de plus grande portée. Les membres du groupe qui désir-aient s’exercer à parler en public ont représenté le reste du groupe. Nous nous sommes assurées d’effectuer la rotation des porte-parole. Nous avons souvent travaillé par groupes de deux ou trois afin de donner une image de collectif, ce qui a permis d’éviter de trop poin-ter les projecteurs sur une personne en particulier. Lorsque les questions devenaient trop person-nelles et que les participants ne voulaient pas y répondre directement, nous encouragions nos représent-ants des médias à préparer des réponses non spécifiques telles que « l’expérience de réfugié nous touche tous à différents niveaux ».

Aux participants qui hésitaient, nous avons réitéré que de dire «  non  » aux médias était aussi une forme de responsabilisation. Par exemple, un reporter souhaitait vivement inter-viewer une participante qui avait refusé d’être interviewée à la radio. Le journaliste a insisté, mais nous sommes restées fermes et avons tenu à ce qu’il respecte la décision de la participante.

Malgré nos meilleures intentions de nous préparer à l’avance pour les entrevues de presse, le vrai apprentis-sage s’est fait dans le feu de l’action, et le processus est devenu plus facile avec le temps. Nous nous sommes assurées de tâter le pouls des partici-pants avant et après les entrevues afin de nous assurer que, dans l’ensemble, notre expérience avec les médias était positive. Cet élément de l’atelier a permis aux participants de mieux saisir comment concilier la vie privée et l’exposition médiatique.

Travailler avec les médias grand public contribue à accroî-tre la visibilité d’un projet, peut aider à sensibiliser les gens et offre des occa-sions de formation, mais cela peut tout aussi bien renforcer les stéréotypes ou marginaliser les participants.

Liz Miller

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» Identifiez les raisons pour lesquelles vous voulez attirer l’attention des médias et les objectifs que vous visez. Assurez-vous de garder l’intérêt des participants en tête.

» Avant d’accepter une entrevue, effectuez une recherche sur le journaliste. Comment a-t-il traité la question par le passé ?

» Demandez quelle sera la longueur du segment et préparez-vous en conséquence. Veulent-ils un extrait sonore ou un entretien plus en profondeur ?

» Étudiez les pires scénarios de couverture médiatique dans le but de préparer les participants et d’évaluer si le contact avec les médias aura un effet bénéfique.

» Exercez-vous à répondre aux questions que les journalistes peuvent poser.

» Assurez-vous que les participants sont accompagnés par des membres de l’équipe et un animateur lors de chaque contact qu’ils ont avec les médias.

» Respectez la décision d’une personne de refuser d’être sous les feux des médias.

» Ne laissez pas l’attention médiatique vous détourner de vos objectifs.

» Écrivez un solide communiqué de presse et sélectionnez les images, les vidéos ou les bandes audio qui attireront l’attention sur différentes plateformes médiatiques.

CONSEILS PRATIQUES POUR TRAITER AVEC LES MÉDIAS

La couverture médiatique était accablante. Je suis timide et être le centre d’attention représentait définitivement un défi pour moi. Rétrospectivement, je crois qu’il est important d’être bien préparé et même de s’exercer à répondre aux questions, parce qu’elles se res-semblaient beaucoup. Stephanie Gasana

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

Les interventions directes de la visite guidée ont permis de faire le pont entre les récits et le contexte plus vaste des droits d’immigration, et de discuter du projet de loi qui faisait l’objet d’un débat à ce moment-là. En faisant la lumière sur les modifications législa-tives, nous avons personnalisé ce qui autrement aurait été un virage froid et abstrait de la politique du gouverne-ment fédéral en matière d’immigration. Mentionnons qu’à cette époque, le projet de loi C-11 était à l’étude. Ce projet de loi modifierait le système de détermination du statut de réfugié au Canada pour les personnes provenant de certains pays. Nous avons réitéré le message important lancé par le Conseil canadien pour les réfugiés et d’autres militants selon lequel les décisions doivent être prises en se basant sur l’histoire de la personne, peu importe le pays d’origine.

LA VISITE GUIDÉE

Un des aspects les plus satisfaisants des visites guidées a été l’effet combi-né des récits audio préenregistrés et des présentations en direct des guides. Il s’est créé une intimité inat-tendue entre les passagers entassés dans l’autobus.

La visite à travers la ville a suscité toute une gamme d’émotions. Des gens ont pleuré pendant le récit de Léontine Uwababyeyi et ont applaudi et ri lorsque Rania Arabi a spontanément invité son père âgé de 70 ans à danser avec elle au son d’une chanson pales-tinienne diffusée par le haut-parleur. Nous espérions que l’autobus même serait un véhicule de réflexion pour nos passagers. Lorsque vous prenez un autobus public, vous ne savez jamais qui s’assoira à côté de vous ni ce que vous pourrez y apprendre.

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TOUT EST INTERRELIÉ

D’importants changements au système de détermi-nation du statut de réfugié ont été apportés par le projet de loi C-11 qui a été déposé au Parlement ca-nadien et qui a reçu la sanction royale en juin 2010. Au moment de mettre sous presse, plusieurs détails relatifs à la façon dont cette nouvelle loi sera mise en application doivent encore être précisés. Il est clair que les courts délais approuvés par le Parlement auront un impact significatif sur les réfugiés les plus vulnérables, tels que ceux ayant subi la torture, les enfants et les personnes faisant des demandes de réfugié fondées sur leur orientation sexuelle. Pour plusieurs demandeurs du statut de réfugié qui ne font pas confiance aux autorités ou qui hésitent à raconter leur histoire ouvertement, le fait de parler de leur histoire aux autorités canadiennes est ex-trêmement intimidant. Ces délais serrés sont égale-ment trop courts pour permettre aux demandeurs du statut de réfugié de se préparer et de réunir les documents à l’appui de leur demande.

Pour de plus amples informations, rendez-vous à l’adresse : « http://ccrweb.ca/fr/la-reforme-refugies »

RESTER EN CONTACT

Après un projet aussi enrichissant, notre défi consistait à rester en contact en tant que groupe. Inspiré par les récits produits pour la visite guidée en autobus, un membre de l’équipe d’Histoires de vie Montréal a offert de les diffuser à la radio et de diriger un atelier de suivi sur la production radiophonique. Nous avons lancé l’invitation aux participants d’autres projets de Cartographie des souve-nirs. L’atelier était une excellente façon de garder le lien. Nous avons égale-ment veillé à vérifier si les participants souhaitaient exposer leur travail lorsque de nouvelles occasions se présentaient. Récemment lorsque j’ai consulté Léontine Uwababyeyi au sujet d’une nouvelle possibilité de partager son histoire, elle m’a répondu « vous n’avez pas besoin de me demander la permission pour utiliser mon histoire parce qu’elle appartient maintenant au domaine public  ». Cette réplique avait beaucoup d’importance à mes yeux. Léontine avait pris le risque créatif et personnel de partager son histoire, et celle-ci pouvait mainte-nant voler de ses propres ailes. Nous avions créé un environnement sécu-ritaire pour l’accompagner dans son défi de rendre publiques ses histoires personnelles.

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LEONTINE UWABABYEYI, Rwanda

Léontine a quitté sa patrie, le Rwanda, en tant que réfugiée, et elle est arrivée de sa propre initiative à Montréal. Elle sourit tout le temps et se sent chez elle parmi des familles de dif-férentes origines. Elle est actuellement aux études et fonde de grands espoirs en l’avenir.

Je veux vous raconter une histoire, une histoire vraie, mon histoire, histoire de vous montrer comment, en l’espace de trois jours puis de trois mois la vie d’une personne peut changer.

Jour 1-9 avril 1994Mon histoire commence par une nuit. Mon père nous demande de prendre nos vestes car il fait froid et il pleut ; nous devons aller dormir chez les voisins. Je ne comprends pas ce qui se passe, je suis juste contente de pouvoir aller dormir chez mes amis.

Jour 2-10 avril 1994Le matin, nous sommes de retour à la maison, une maison toute vide dont les fenêtres et les portes sont toutes cassées. Il y a beaucoup de gens en train de discuter. Du haut de mes 8 ans, tout cela semble excitant. Chacun se demande ce qui s’est passé. Ma mère est en train de préparer a manger pendant que mon frère et moi sommes assis dehors. Mon père, ma mère, ma sœur et mon autre frère sont à l’intérieur quand tout à coup, une femme qui semble folle accourt vers nous en nous disant qu’ils tuent les gens. Nous commençons à courir et je suis mon frère. Nous allons dans la forêt où nous restons pendant des heures. Puis, nous avançons vers une autre forêt où nous retrouvons notre père qui s’empresse de nous dire de partir (c’est dangereux de rester là). Quand nous revenons plus tard, il n’est plus là, nous ne le trouvons plus. Nous passons la nuit entière éveillés.

Jour 3-11 avril 1994Au lever du jour, nous recommençons à nous déplacer. Nous rencontrons quelqu’un qui nous dit que notre mère a été tuée. Je commence à pleurer en disant à mon frère que je veux ma mère. Il me répond que si je continue à pleurer, ils nous tueront aussi. Je m’arrête donc.

MES DEUX FAMILLES

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C’est la première fois que je partage cette histoire, et cette histoire concerne mes deux familles. Dans notre famille, on dit : il vaut mieux vivre deux fois que de mourir deux fois. Léontine Uwababyeyi

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UNE MAISON POUR TROIS MOIS

Mon frère et moi trouvons une plantation de bananes. Nous nous cachons dans les buissons pendant trois mois. Ces buissons sont à la fois notre lit, notre salon, nos toilettes : tout. Les premiers jours, une personne nous apporte à manger deux fois par semaine, puis elle cesse de le faire. Je demande à mon frère pourquoi nous sommes ici, et il me dit que c’est parce que nous sommes Tutsis. Je lui demande donc :« Pourquoi sommes nous Tutsis ? »« Pourquoi ne pouvons nous pas rentrer à la maison ? » Il me répond : « Notre maison a été démolie. » Je demande « Pourquoi nous ne pouvons pas aller chez nos voisins ? » Mais des fois, il n’a pas de réponse à mes questions, et moi j’ai tellement de ques-tions à poser.

Un jour, le propriétaire de la plantation vient nous dire que maintenant les tueurs utilisent des chiens pour chasser, et qu’il serait mieux que nous partions. Chaque nuit, nous essayons de partir, mais nous revenons car nous voyons de la lumière ou bien nous entendons des enfants pleurer. Quatre jours plus tard, nous réussissons enfin a partir mais sur la route nous rencontrons un homme tenant un bol de sang et un couteau à la main. Il nous voit et crie aux autres, aux Interahamwe. Ils ont des couteaux. Ils nous poursuivent. Je tombe, ils poursuivent mon frère, et 3 semaines plus tard il est parti aussi.Trois jours, trois mois, trois semaines, et tant de choses ont changés.Je me suis retrouvée seule. L’unique survivante de ma famille.

UNE NOUVELLE FAMILLE

Mais je suis une survivante–et aujourd’hui j’ai vingt-deux ans, et je ne suis plus seule.

J’ai une nouvelle famille dont je suis la mère. J’ai seize enfants, filles et garçons. Vous devez vous demander comment cela est possible. Cette famille est née à cause du génocide, à cause de notre besoin d’affection familiale. Nous sommes tous des survivants. Il s’agit de ma famille adoptive. Ma famille est composée d’orphelins, d’étudiants de mon école qui essaient eux aussi de combattre la solitude.

Ensemble, nous formons des groupes et choisissons un père et une mère : si tu es choisie comme mère, tu ne peux pas refuser, même si tu es timide. J’étais timide avant mais avec le temps j’ai appris à être une mère, à prendre soin de mes enfants. J’aime ma famille parce que quand on fait partie d’une famille comme celle-là, on partage beaucoup, on n’est plus seul. On se rend souvent visite les uns les autres et on partage nos problèmes.

Quand un membre de la famille est content, nous le sommes tous aussi. Si une personne est triste nous sommes tristes aussi. On porte tellement de choses dans notre cœur, des choses dont on ne peut parler avec n’importe qui. Mais eux, ils comprennent, même sans mots. C’est la première fois que je partage cette histoire, et cette histoire concerne mes deux familles. Dans notre famille, on dit : il vaut mieux vivre deux fois que de mourir deux fois.

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STEPHANIE GASANA, Rwanda

Stéphanie se sent concernée par la cause des réfugiés à cause de l’expérience de sa famille. Elle est passionnée d’études culturelles et elle s’intéresse particulièrement à l’influence des médias sur les sociétés. Le projet Histoires de vie Montréal l’a beaucoup inspiré et elle est aujourd’hui très impliquée dans le centre d’histoire orale en tant qu’intervieweuse et as-sistante au montage. Elle aimerait tra-vailler dans le domaine des médias et mettre à profit ses connaissances pour contrer la discrimination sous toutes ses formes.

MA SŒUR SOLANGELe président du Rwanda a un jour déclaré dans l’un de ses discours que les Tutsis devraient enfermer leurs souvenirs et leurs peines dans un coffre-fort imaginaire et le mettre de côté, qu'ils devraient passer à autre chose et regarder vers l'avenir. Est-ce la solution ? Existe-t-il un moyen de relier le passé et le présent ? Nos expériences passées ne forgent-elles pas notre vie ? Faudrait-il les cacher ou les dévoiler ?

Ma famille a toujours tenté de m’épargner les détails de notre passé, notamment ma sœur Solange, qui a toujours joué le rôle de la grande sœur protectrice. Nos parents viennent tous deux du même village de Kibuye, la capitale de la province occidentale du Rwanda. Solange et moi avons 15 ans d’écart et nos histoires de vie sont complètement différentes.

Nous avons aussi plusieurs points en commun : nous tenons toutes les deux des journaux intimes. Si on consultait des extraits de nos journaux intimes à 15 ans, pourrait-on deviner que nous sommes des sœurs ? Que nous étions de la même famille ? Si j’étais née à la même époque que ma sœur, aurais-je été une personne totalement différente ?

Toutes ces questions m’ont incitée à mener une petite enquête sur l’histoire de ma famille. J’ai donc voulu comparer nos vies, nos enfances, afin d’en faire res-sortir les différences.

Si chacune de nous devait évoquer son chez-soi, son foyer, son pays, pourriez-vous deviner que nous sommes sœurs  ? Mon papa était rêveur, aventureux, ambitieux, très déterminé. Et ma maman était toujours très protectrice, soucieuse

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du bien-être de ses enfants, elle ne recherchait que la stabilité.

J’ai grandi en Éthiopie. J’ai toujours habité le même quartier de Bole. Cet endroit signifie tout pour moi. Tous mes souvenirs s’y trouvent. C’est ma terre, ma raison d'être, mon Eldorado, mon terrain de jeu et je sais que j’y retournerai un jour pour m’y installer.

Solange, elle, ne savait jamais combien de temps elle passerait dans un même lieu. Elle a beaucoup voyagé avec ma famille : Congo, Burundi, Rwanda, Libye, Tunisie, France et finalement, le Canada, qui est le pays où elle a résidé le plus longtemps. Elle a plusieurs souvenirs rattachés à plusieurs endroits. Aucun pays ne lui appartient. Aucun pays ne lui est particulièrement cher.

Si nous définissions ce que la famille signifie pour nous, sauriez-vous que nous sommes sœurs ?

Je suis née en 1990, une nouvelle ère pour le Rwanda, pleine d’espoir et de réconciliation. C’était une nouvelle ère pour mes parents aussi. Un nouvel espoir, car ils avaient décidé d’avoir un dernier enfant, moi, qui suis beaucoup plus jeune que toutes mes autres sœurs. Je suis née au milieu du meilleur et du pire moment de l’histoire de ma famille, au moment où notre situation de réfugiés s’est rétablie, où nous avons finalement obtenu tous les droits, mais c’est aussi le moment où mes parents ont décidé de se séparer. Mon père a voulu vivre ses rêves, voyager, rattraper le temps perdu. Ma mère a décidé de prendre soin de moi et de m’offrir la stabilité qui était primordiale pour elle. J’ai grandi avec ma mère, alors que le reste de ma famille était épar-pillée dans le monde.

Solange, elle, est née au début de l’histoire de ma famille, peu après le mariage de mes parents. Elle est le fruit de leur amour. Elle est née au sein d’une grande communauté, entourée de tous les membres de la famille, les cousins, les tantes, etc. Malheureusement, nous avons perdu toute cette famille durant le géno-cide de 1994. Avec la séparation de nos parents, nous avons également perdu l'unité de notre famille.

Et si nous parlions de notre identité, que penseriez-vous ?

Je suis originaire du Rwanda, mais je ne parle pas la

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langue et je n’y ai jamais vécu. Je n’ai jamais vraiment pu visiter le pays non plus, étant donné que nous avons perdu tous les membres de notre famille. J’ai grandi en Éthiopie pendant les 18 premières années de ma vie. Je me sens donc Éthiopienne. J’ai le sourire aux lèvres quand je reconnais un Éthiopien, quand j’écoute la musique de lá-bas et surtout quand je mange le plat traditionnel.

Solange a beaucoup de mal à s’identifier, à choisir un pays. Ma famille ayant été apatride pendant si longtemps, Solange reste avec l’idée qu'elle n'a pas d’identité. Mon père lui a dit un jour de ne jamais mentionner que nous venions du Rwanda. Elle m’avoue aujourd’hui qu’empêcher à un enfant de dire quoi que ce soit, confier un secret à un enfant, c'est comme lui offrir des bonbons et lui défendre d’en manger. « Si seulement tu savais à quel point c'était difficile, » me dit ma sœur aujourd’hui.

Eh bien, je voudrais en savoir plus, je pense que nos histoires nous définissent, nos passés nous forgent. Il est donc temps que je comprenne l’histoire de ma famille afin de mieux les comprendre et de mieux me connaître.

J'ai beaucoup de questions à lui poser : comment construit-on un foyer quand on déménage sans arrêt ? Un chez-soi ? Ton histoire peut-elle aider d’autres personnes ? Est-ce que tu te définis comme une réfugiée ? Veux-tu effacer ou oublier ton passé ? Ou veux-tu, au contraire, le partager afin de sensibiliser les autres ? Vas-tu le partager avec tes enfants ? Qu’en reste-t-il ? L’histoire de ma famille me fascine à tous points de vue. Je veux en analyser les différents aspects, que ce soit l’aspect financier, social, ou encore la relation entre mes parents. Ma sœur Solange est celle qui m’aidera à recoller les morceaux, mais à les comprendre également. Elle me guidera.

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MARIE-FRANCOISE ILUNGA SITMAN, CongoMarie-Françoise Ilunga Sitman est née à Lubumbashi, en République démocratique du Congo. Elle est pas-sionnée de gastronomie, de politique et d’histoire de l’Afrique. Elle a travaillé au Y des femmes en tant que coordon-natrice de projet pour le programme «  Prends ta place !  », qui a pour ob-jectif de favoriser la participation des femmes de différentes origines dans les organes de décision.

UN GOÛT DE CHEZ-SOILorsqu’on arrive dans un nouvel endroit, on tente de trouver nos repères. Des sons, des visages et des aliments qui nous sont familiers, qui nous mettent à l’aise. Kim Phat est l'un de ces endroits. Tenez-vous au coin de la rue Côte-des-Neiges et la rue Goyer. Vous voyez l’immeuble à la toiture rouge, orné de grandes écritures blanches ?... Oui, en face du Plaza… Celui là ! D’après moi, c’est le supermarché le plus cosmopolite de Montréal. Vous vous demandez pourquoi ? Eh bien, entrez et voyez par vous-même. Français, vietnamien, lingala, espagnol, cantonais, pakistanais, anglais, wolof, quechua… Toutes ces langues se mêlent dans le bruit ambiant de la clientèle et des vendeurs qui prennent, regardent, posent, pèsent les multiples produits du magasin. Leur plus grand point commun est qu’ils sont tous si différents les uns des autres… On ne se ressemble pas, on n’utilise pas la même langage et pourtant, on se retrouve tous au même endroit.

Les étudiants étrangers de l'université voisine affluent à Kim Phat pour mettre la main sur les ingrédients qui leur permettant de créer le repas qui les ramènera chez-eux, l'espace d’une bouchée. Un repas qui réchauffera leur cœur et nourrira leur esprit. Feuilles de manioc, œufs de canard marinés, maté, huile de palme, glace aux haricots rouges, tilapia frais, farine de foufou. Une mine d’or pour les nostalgiques, les affamés ou tout simplement les curieux. Si vous prenez un moment pour regarder autour de vous, vous pourrez apercevoir ce couple faisant provision pour une famille de quatre, et cet étudiant qui se demande si il (ou elle) peut se permettre le luxe d’une bouchée du pays. Si toutefois vous tombez sur quelqu’un à l’air évahi, qui erre dans les allés du magasin, ne le fixez pas. Ce serait malpoli ! Comprenez simplement qu’il est, pour la première fois depuis très longtemps, face à des aliments qui déclenchent des souvenirs d’enfance, de joie, de famille… Des aliments qu’il ne pensait jamais trouver à Montréal. Bien sûr, il y à d’autres personnes qui, comme vous, sont éblouis par l’immense variété de produits qu’ils voient : bananes plantains, poisson salé, feuilles de bananes congelées, fromage en grain, etc. Kim Phat est le point de rencontre de plusieurs mondes sous un même toit, le reflet du quartier multiculturel qui l’entoure et, je pense, une métaphore de Montréal : une ville avec une panoplie d’arômes, de textures, d’emballages et d’histoires.Que du bon…

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

COUR DE DIX SEMAINES SUR LE PAYSAGE DE MÉMOIRES ÉCRIRE ET ENREGISTRER LES RÉCITS

» Demander aux participants de dessiner une carte d’un lieu ou des lieux où ils se sentent chez eux. Cela peut être un magasin, un centre communautaire, ou un jardin communautaire ou tout autre lieu.

» Montrer aux participants des modèles de textes de projets similaires et écouter des exemples d’enregistrements audio.

» Discuter de quelle façon les projets finaux seront diffusés (site Internet, livre, visite audioguidée).

» Utiliser des exercices d'écrits-minute pour inciter les participants à écrire en classe.

» Demander aux étudiants de choisir un sujet puis d’écrire une version préliminaire de leur histoire et de la réviser.

» Demander aux étudiants de lire leurs récits à voix haute pour les rendre dans un style parlé.

» Aborder les bases de l’enregistrement sonore (voir la feuille de préparation à l’enregistrement audio)

» Enregistrer les récits et en vous assurant que le débit soit dynamique et régulier.

» Demander aux étudiants d’enregistrer ou de choisir des effets sonores pour rehausser leurs récits.

» Si les étudiants utilisent de la musique, s’assurer qu’ils l’enregistrent eux-mêmes ou qu’ils utilisent une œuvre libre de droits d’auteur, c'est-à-dire une œuvre qu’ils peuvent utiliser pourvu qu’ils en mentionnent la source.

» Aborder les bases de la photocomposition et de la mise en page (voir la feuille de préparation PowerPoint sur la composition et sur la prise de photos).

» Ajouter des images et des effets sonores à chacune des histoires (Final Cut, Premiere, iMovie, etc.).

» Remettre des feuilles d’évaluation du cours pour recueillir les commentaires des participants.

PLANIFIER LA VISITE GUIDÉE

» Choisir un événement ou une date clé pour présenter le travail.

» Déterminer un itinéraire d’autobus ou de marche en vous basant sur les lieux identifiés dans les récits.

Boîte à outils : Stylos, papier 11x17 po, appareils photo numériques (ratio de 1 pour 4), enregistreur sonore, ordinateur portatif, projecteur, écran, clés USB, lecteur de cartes, logiciel de montage, lecteur MP3, amplificateur (Roland Micro Cube) Niveau de difficulté : avancé Durée : 10 semaines (4 heu-res par semaine)

PowerPoint sur la composition

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ACTIVITÉS CONNEXES

DESSINEZ VOTRE PROPRE CARTE

» Dessinez une carte de votre communauté. Indiquez au moins deux endroits qui vous font sentir chez vous, tels qu’un magasin, un centre communautaire, un jardin communautaire, un café ou un lieu de culte.

» Est-ce que ce lieu vous est unique, ou est-ce un endroit où se tient un événement annuel ou de groupe ? Demandez-vous si les endroits que vous dessinez sont des sites de rassemblement, des sites de mémoire collective ou partagée, des sites de guérison ou des sites de conflit.

PARTAGEZ VOS RÉCITS

» Rebecca a demandé à sa grand-mère de partager une recette familiale et a filmé le processus. Y a-t-il une recette familiale qui vous rappelle votre foyer ? Écrivez sur un plat. Est-ce un plat de tous les jours ou un plat de fête ? Est-ce que quelqu’un au sein de votre famille cuisine ce plat  ? Requiert-il des ingrédients particuliers et, si oui, où pouvez-vous les trouver ? Vous rappelez-vous la première fois que vous l’avez goûté ?

» Y a-t-il un magasin comme Kim Phat dans le quartier Côte-des-Neiges de Montréal ? Écrivez sur un endroit qui vous rappelle votre foyer. Qui voyez-vous et que voyez-vous lorsque vous y êtes ? Quand y allez-vous ? Qu’entendez-vous dans le magasin ?

» Le récit de Stéphanie traite du souhait de découvrir une histoire. Elle en connaît les grandes lignes, mais elle désire connaître toute l’histoire. Écrivez sur histoire que vous désirez découvrir : est-elle personnelle ou publique ?

» Exporter les enregistrements audio des récits en format de fichiers MP3 pour les faire jouer sur un lecteur numérique pendant la visite guidée et trouver une façon d’amplifier le volume.

» Dresser l’itinéraire et le chronométrer.

» Choisir les chansons à faire jouer au cours du trajet lorsque les participants ne parlent pas.

» Créer du matériel de promotion pour la visite guidée.

» Faire une répetition générale.

» Planifier du temps pour les relations avec les médias et s’exercer à donner des entrevues.

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DRESSEZ LE PLAN DE VOTRE QUARTIER

Marie-Françoise parle de la diversité du quartier Côte-des-Neiges. À quoi ressemble le quartier où vous vivez ? Dessinez la carte des sites qui contribuent à faire de votre quartier un endroit diversifié et stimulant. Cela peut être des endroits pour apprendre, manger, prier, partager des événements culturels, ou simplement des endroits que vous aimez et que les nouveaux arrivants ne trouveront pas nécessairement facilement par eux-mêmes.

FAITES VOTRE ARBRE GÉNÉALOGIQUE

Léontine dit qu’elle a deux familles, une famille biologique et une famille adoptive. Avez-vous adopté une famille ? Créez un deuxième arbre généalogique et incorporez-y des personnes sans liens de sang que vous considérez comme votre famille. Qui incorporeriez-vous dans cet arbre et pourquoi  ? Comment définissez-vous la famille ? Dans cette famille, jouez-vous un rôle différent de celui qui vous est dévolu dans votre famille biologique ?

CRÉEZ VOTRE PROPRE PAYSAGE DE MÉMOIRES

Pensez à des endroits significatifs de votre passé. Cela peut être une salle de classe, un hôpital ou une pièce de votre maison. En utilisant vos cinq sens, essayez de vous rappeler les détails de cet endroit, ce que vous y avez entendu, ce que vous y avez observé, l’ambiance du lien. Utilisez les récits pour créer par vous-même ou en groupe un paysage de mémoires.

» Quels sont les détails les plus révélateurs de cet endroit ?

» Est-ce que cet endroit diffère selon les périodes de la journée ?

» Qui d’autre a connu cet endroit ?

» Est-ce qu’un moment décisif ou un événement majeur est arrivé à cet endroit ? Qu’avez-vous appris ? En quoi étiez-vous différent avant ou après cela ?

» Est-ce que cet endroit a changé au fil du temps ?

» Est-ce qu’une personne ayant marqué votre vie connaît cet endroit ?

» Y a-t-il une musique associée à cet endroit, une chanson ou d’autres sons ?

» Y a-t-il des photos associées à cet endroit ? Pouvez-vous le prendre en photo ?

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CRÉER UN LIGNE DE TEMPS

Les montages chronologiques sont d’excellents outils pour établir et visualiser une succession d’événements historiques. Ils aident à faire le lien entre les événements et les individus. Un montage chronologique peut être employé avec un groupe communautaire ou dans une salle de classe.

OBJECTIFS

» Créer un document visuel comportant des détails historiques chronologiques

» Réfléchir sur la façon dont les tendances, les idéologies ou les thèmes se développent en histoire au fil du temps.

» Favoriser la pensée critique sur la construction de l’histoire et sur le fait qu’elle concerne non pas un, mais plusieurs passés.

» Personnaliser l’histoire en étudiant les liens personnels avec des événements historiques.

» Encourager la création de communautés ou les échanges intergénérationnels en regroupant les expériences collectives d’un même événement historique. En d’autres mots, étudier la mémoire collective d’un groupe.

LE MONTAGE CHRONOLOGIQUE

» Divisez vos participants en équipes de travail et assignez à chacun un lieu et une période historique.

» Déterminez la tranche historique que vous planifiez couvrir dans la chronologie et divisez-la en unités de mesure ou périodes historiques. Par exemple, dans une chronologie communautaire du génocide des Tutsis du Rwanda, on peut mettre l’accent sur les périodes suivantes : - 1950-1970 (accent sur l’année 1959, 1ère vague de violence) - 1970-1990 (accent sur l’année 1973, 2e vague de violence) - 1990-2010 (accent sur l’année 1994, le génocide des Tutsis)

» Demandez aux participants de raconter sur une ou plusieurs fiches un souvenir ou un événement significatif.

» Demandez-leur d’y inscrire l’année, le mois et le jour de l’événement.

» Expliquez-leur qu’ils peuvent également inscrire leur nom, leurs initiales ou garder l’anonymat.

» Demandez aux participants d'épingler leurs fiches souvenir ou événementielle sous la période appropriée.

» Animez une discussion de groupe. Explorez de nouvelles perspectives de l’événement collectif à partir de la chronologie.

Boîte à outils : Stylos, petits car-tons de couleur, punaises, panneaux en carton.

Exercice adapté du groupe de travail sur le Rwanda d’Histoires de vie Montréal.

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UNE CHRONOLOGIE COMMUNAUTAIRE

COMPRENDRE LE GÉNOCIDE DES TUTSI DU RWANDA

Les membres du groupe de travail sur le Rwanda du projet Histoires de vie Montréal ont tenu une journée de réflexion et de dialogue intergénérationnel en avril 2010 qui a attiré plus de 100 personnes. Ils ont utilisé l’exercice de reconstitution chronologique pour réfléchir au passé, amélio-rer leur compréhension de ce qui s’est produit au Rwanda et intégrer des expériences personnelles aux archives historiques.

Stephanie Gasana, groupe de travail sur le Rwanda, Histoires de vie Montréal

Date de l’événement : de 1983 à 1989

Événement : humiliation durant toute l'école secondaire, où les camarades du Nord faisaient tout pour nous rendre la vie dûre.

Date de l’événement : 1992

Événement : le jour où mon père s'est fait battre par des Interahamwe. On l'a battu tellement fort qu’il a perdu sa mémoire, il-a même oublié les noms de ses enfants.

Odile S.

Date de l’événement : 1986

Événement : j’ai appris que l'homme qui est mon conjoint ne pouvait même pas envisager de retourner un jour dans son pays d'origine ; il ne le voulait pas car il n'y avait où une place pour lui, aucune liberté.

Écrit par une femme qui n’est pas de nationalité rwandaise.

J’ai écrit sur la première fois où j’ai entendu le mot « génocide ». C’était pendant un cours d’histoire. J’avais 10 ans et mon professeur de français m’a dit que je venais d’un pays qui avait perpétré un des plus grands génocides du 20e siècle. Je n’étais pas certaine de ce que cela signi-fiait, mais au ton de sa voix, je savais que ce n’était pas bien. Ce fut une expérience profonde et inoubliable.

Stéphanie Gasana, groupe de travail sur le Rwanda, Histoires de vie Montréal

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Pour moi, la chronologie que nous avons créée était comme un livre d’histoire dont les pages étaient remplies des témoignages et du vécu de nos grands-parents, de nos parents et de nos frères et sœurs aînés. J’ai appris de nouvelles façons d’expliquer comment le génocide rwan-dais avait commencé. Avant d’assister à la conférence, je disais que le génocide avait commencé en 1994, mais la chronologie a fait resortir les événements qui ont mené au génocide.

Leontine Uwababyeyi, groupe de travail sur le Rwanda, Histoires de vie Montréal

Le Rwanda est situé en Afrique dans la région des Grands Lacs. Il partage des frontières avec le Burundi, la République démocratique du Congo et l’Ouganda. À l’origine, il était habité par deux groupes autochtones, les Hutus et les Tutsis. La tension entre les deux groupes s’est cristallisée avec l’arrivée des colonisateurs. Le Rwanda est devenu une colonie allemande, puis belge. Le sentiment anticolonial et antitutsi a grandi parmi la majorité hutue qui, en 1959, entraîne la chute du roi tutsi. Le pays a obtenu son indépendance en 1962, mais les tensions ont persisté entre les Tutsis et les Hutus et-elles se sont accentuées au cours des 30 années qui ont suivi.

Le Front patriotique rwandais, dirigé par un Tutsi, a défait le régime hutu en 1991, mais n’a pas mis fin au conflit pour autant. Les tensions et le chaos ont mené au génocide de 1994, alors que des milices extrémistes hutues ont tué des centaines de milliers de Tutsis et d’Hutus modérés. La réaction internationale frileuse par rapport au génocide fait l’objet de nombreux débats. Le Rwanda a tenu ses premières élections depuis le génocide en 2003, et les Hutus forment encore la majorité de la population, soit 85 %, alors que les Tutsis comptent pour 15 % de celle-ci.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

ENREGISTRER ET UTILISER LES SONS POUR RACONTER DES HISTOIRES QUELS TYPES DE SONS UTILISEZ-VOUS ?

» Voix : narration, conversation, entrevue, etc.

» Musique : instruments, arrangements, chœurs

» Effets sonores : sons ambiants

» Silence : absence de son (les « sons seuls » sont le bruit ambiant d'un lieu)

COMMENT UTILISEZ-VOUS LES SONS ?

La signification d’un son : Demandez-vous pourquoi vous utilisez un son et quelles sont les pensées et les émotions qu’il suscite. Par exemple, les pleurs ou les accords de violon sont souvent employés pour communiquer la tristesse ou la perte. La signification des sons varie selon le lieu et le contexte. Les coups de klaxon peuvent indiquer la circulation, la frustration et l’encombrement dans un contexte, alors que dans un autre, ils peu-vent indiquer un lieu prospère et grouillant d’activité.

Durée : combien de temps le son durera-t-il ? Sera-t-il soudain ou continu ? Répétition : l’utilisation de la répétition est-elle stressante ou apaisante ? Intensité : le son devrait-il être atténué et distant ou être fort et proche ?

AVEC QUEL APPAREIL ENREGISTREZ-VOUS ?

Choisir un appareil d’enregistrement : il existe plusieurs bons enregistreurs nu-mériques, mais assurez-vous que votre appareil est muni d’un microphone et d’une sortie pour casque d'écoute.

Choisir un microphone : le microphone Lavalier (micro-cravate) s’adapte bien aux entrevues parce qu’il est porté par le locuteur et isole sa voix des autres sons. On se sert aussi d’un microphone unidirectionnel pour effectuer des entrevues. Quant au microphone omnidirectionnel, il enregistre bien les sons d'ambiance.

Manipuleur le micro : si vous utilisez un micro unidirectionnel, tenez-le avec pré-caution et utilisez vos écouteurs pour contrôler le son. Si vous épinglez un micro-phone Lavalier sur le locuteur, assurez-vous que celui-ci ne frappera pas le micro par mégarde en faisant des gestes énergiques de la main. Il serait bon de vous exercer à enregistrer et d’écouter vos enregistrements pour voir la quantité de sons de manipulation que vous faites. Certains sons indésirables peuvent être effacés plus tard, mais moins il y en a, le mieux c’est.

Porter des écouteurs : vous devez toujours porter des écouteurs lorsque vous enregistrez des sons afin de contrôler ce que vous enregistrez. Les écouteurs vous permettront de savoir si votre batterie est déchargée ou si le micro ne fonctionne pas correctement.

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Bruits indésirables : les meilleurs endroits pour enregistrer une narration sont un studio d’enregistrement et une garde-robe. Ces endroits sont isolés des sons extérieurs. Si vous vous trouvez dans un environnement bruyant, essayez de vous éloigner de la source sonore et placez le micro le plus près possible du locuteur. Il est difficile d’enregistrer en présence de vents violents. Il est préférable de se réfugier à l’intérieur ou de trouver une façon de couvrir le micro.

Niveaux sonores : assurez-vous que vous enregistrez à des niveaux sonores constants. Si les niveaux sonores sont trop élevés ou trop bas, les sons peuvent sembler déformés.

EXERCICE POUR TROUVER VOTRE TROUSSEAU DE CLÉS :

Ramassez les trousseaux de clés de tous les membres du groupe. Demandez aux participants de fermer les yeux. Secouez chaque trousseau et demandez aux participants de lever leur main lorsqu’ils reconnaissent le son de leur trousseau de clés. Discutez du lien entre le son et la mémoire.

EXERCICE D’ÉCOUTE :

Écrivez tous les sons que vous entendez dans la pièce. Discutez en groupe de ce que vous avez entendu. À côté de chaque son, assurez-vous de noter :

» Les sons à proprement parler– klaxonnement, gazouillement, toussement, reniflement, bruits de papier

» La source des sons – radio, télévision, rue

» La qualité des sons – assourdi, fort, soudain, continu

ASTUCES DE MONTAGE SONORE :

» Utilisez la musique avec parcimonie parce qu’elle peut être distrayante.

» Assurez-vous que les niveaux sonores sont mixés de telle sorte que le volume de la voix, des effets sonores et de la musique vous permettent de tout entendre clairement. Faites usage de fondus sonores pour assurer des transitions en douceur.

LOGICIEL DE MONTAGE SONORE :

Audacity : www.audacity.sourceforge.net

EXERCICE D’ENREGISTREMENT

» Choisissez un thème pour un exercice d’enregistrement tel que « mon chanteur favori » ou « mon premier animal ».

» Écrivez une courte narration d’au moins cinq lignes et enregistrez-la à trois endroits différents tels qu’une garde-robe, une cuisine, un balcon arrière ou un café.

» Assurez-vous de garder le micro à la même distance lorsque vous enregistrez.

» Maintenant, écoutez les enregistrements dans un autre environnement comme une chambre ou un bureau. Comparez les trois enregistrements.

» Prenez note de tous les effets sonores que vous pourriez vouloir inclure dans votre narration.

OÙ TROUVER DES EFFETS SONORES OU DE LA MUSIQUE :

Sites de musique www.publicdomain2ten.comwww.musopen.com

Effets sonoreswww.freesound.orgwww.ccmixter.orgwww.partnersinrhyme.comwww.audiomicro.com/free-sound-effectswww.soundjay.com

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

DES ÉLÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

» Où les récits personnels seront-ils partagés ? Dans un environnement clos comme un atelier, ou les mettrez-vous en ligne pour atteindre un public plus vaste ?

» Quels sont les avantages et les risques de partager des expériences personnelles avec un public plus vaste ?

» Y a-t-il des risques d’entrave à la vie privée ou pour la sécurité des gens à considérer ?

» Quel est le public cible ? Comment allez-vous faire en sorte que les récits soient intéressants pour différents publics : les décideurs, les pédagogues, les membres de la communauté ou les universitaires ?

» Comment vous assurerez-vous que les membres du groupe gardent des liens entre eux ?

» Planifiez-vous contacter les médias et si oui, pourquoi ?

RESSOURCES CINÉMATOGRAPHIQUES

Shake Hands with the Devil (2007)Sometimes in April (2005) Hotel Rwanda (2004)

REFERENCES

Blackman, Anna et Tiffany Fairey. The PhotoVoice Manual. London: PhotoVoice, 2008. www.photovoice.org

Campano, Gerald. Immigrant Students and Literacy: Reading, Writing and Remembering. New York: Teachers College Press, 2007.

Kittle, Penny. Write Beside Them: Risk, Voice, and Clarity in High School Writing. Portsmouth NH: Heineman Publishing, 2008.

Lambert, Joe. Digital Storytelling Cookbook. Berkeley: Centre for Digital Storytelling, 2010.

Romano, Tom. Blending Genre, Altering Style: Writing Multigenre Papers. Portsmouth NH: Boynton Cook Publishers, 2000.

Tactical Technology Collective. www.tachticaltech.org

Museu da Pessoa (Museum of the Person). «  Tecnologia Social da Memoria (Technologie sociale de la mémoire). » Sao Paolo, Brazil: Museu da Pessoa, 2009. www.museudapessoa.net

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C’est par la musique que nous avons choisi de nous exprimer, de parler de nos vies, des religions de nos parents et de la culture de nos pays.

Vinh, 18 ans, artiste de hip-hop canado-vietnamien, extrait de « Rapper ses racines : une vidéo musicale »

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04RAPPER SES RACINES : EXPRIMER SON IDENTITÉ PAR LA MUSIQUE

LE POUVOIR TRANSFORMATEUR DE LA MUSIQUE

La musique a cette capacité remarquable de transcender les barrières sociales, culturelles et linguistiques. Ne vous est-il pas déjà arrivé de vous servir de la musique pour livrer une partie de vous-même ? N’avez-vous jamais entendu une chanson qui vous ait aidé à comprendre une expérience de vie différente de la vôtre ? Vous êtes-vous demandé comment les artistes recourent à la musique pour transmettre et explorer les notions de culture et d’identité ? Comment les musiciens utilisent-ils la force de leur voix pour partager leurs expériences de réfugiés et de nouveaux arrivants ? Comment la musique renforce-t-elle le sentiment d’appartenance et peut-elle servir à concilier de multiples identités culturelles ?

La musique est un langage que nous partageons tous. Une chanson peut tou-cher des gens de différents milieux, croyances et cultures. Jouer de la musique ou en écouter peut nous aider à traverser des moments difficiles et à découvrir ce que nous n’aurions pas vu autrement.

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RAPPER SES RACINES : TRANSPOSER EN MUSIQUE LA MÉTHODE D’HISTOIRES DE VIE MONTRÉAL Gracia Dyer Jalea

APERÇU

Pendant trois ans, Cartographie des souvenirs a collaboré avec la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges à une série de projets de médias participa-tifs en art et en musique. Nous avons étudié comment les jeunes se servent de l’art pour découvrir et transmettre leur identité et leur héritage culturel.Notre collaboration avec la Maison des jeunes a commencé par un atelier de huit semaines sur les histoires de vie dans lequel nous avons eu recours à la vidéo, à la photographie et aux entrevues par les pairs, comme princi-pales formes artistiques.

Nous avons ensuite collaboré avec NoBadSound, un collectif de musique de diverses cultures, pour produire «  Rapper ses racines  », une vidéo musicale largement inspirée par des entrevues menées auprès d’artistes venus s’installer à Montréal en tant qu’immigrants ou réfugiés. Plusieurs de ces artistes ont été des mentors à la Maison des jeunes, et leurs entrevues ont servi à créer une série de vidéos intitulée «  Faire une différence  » portant sur le rôle de la musique et du mentorat dans la vie de ces artistes.

La Maison des jeunes de Côte-des-Neiges, une des maisons de jeunes les plus vivantes de Montréal, est située dans un quartier recon-nu pour sa diversité culturelle. Elle accueille des jeunes de 12 à 18 ans et offre des activi-tés artistiques variées. Elle a ouvert le studio NoBadSound en 2007 afin d’offrir aux jeunes musiciens en herbe un endroit leur permet-tant de développer leurs talents musicaux et de

s’exprimer artistiquement. Le studio comprend une petite salle d’enregistrement, une salle de répétition et une salle de spectacle. Il offre aux jeunes du quartier un vaste éventail d’ateliers de musique incluant la percussion vocale, le rap, la composition lyrique, les cours de chant, la production musicale, les techniques de mix-age et l’interprétacion musicale.

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OBJECTIFS

L’objectif du projet Cartographie des souvenirs était de travailler auprès des jeunes pour les aider à raconter leurs expériences comme nouveaux arrivants au Canada. Le groupe Jeunes réfugiés du projet Histoires de vie Montréal nous a permis d’inclure le point de vue des jeunes à notre recueil de témoignages de Montréalais déplacés par les guerres, les génocides et d’autres violations des droits de la personne. Malgré leur jeune âge, nous savions que les participants de ce groupe avaient beaucoup à apporter à l’ensemble de la collectivité. Notre défi principal consistait toutefois à trou-ver une approche de « récit de vie » qui conviendrait à des jeunes dont la vie ne faisait que commencer. Nous voulions rendre le processus plus mobilisateur que de simples entrevues. Nous avons dès lors opté pour un atelier de média numérique sur l’entrevue entre pairs et, ce faisant, nous avons commencé à expérimenter de nouvelles formes d’histoires de vie.

Par les biais les ateliers offerts à la Maison des jeunes, nous souhaitions découvrir les circonstances qui avaient forcé les jeunes à venir s’installer à Montréal, les rapports qu’ils entretenaient avec leur pays d’origine et connaître les moyens qu’ils avaient pris pour s’adapter à leur nouvelle vie au Canada.

Quels défis ont-ils eu à relever à leur arrivée  ? Ont-ils conservé des liens avec leur ancienne patrie et, si oui, comment ? Comment leur pay d’origine a-t-il façonné leur identité ? Comment concilient-ils la culture de leur famille et patrie avec la culture à laquelle ils sont maintenant exposés au Canada ?

UN PARTENAIRE IDÉAL

La Maison des jeunes de Côte-des-Neiges, située dans un quartier riche d’une grande diversité culturelle, a été pour nous un partenaire idéal. Elle se trouve au cœur du quartier Côte-des-Neiges et a séduit les jeunes en leur offrant des ateliers d’art, de musique et de danse. Alors que d’autres maisons de jeunes luttent pour attirer une clientèle, cet endroit est vibrant, plein de vie et rempli de jeunes.

Son succès est dû en grande partie à une équipe devouée de jeunes bénévoles et de membres du person-nel, dont plusieurs ont vécu dans le secteur et considèrent la Maison des jeunes comme un deuxième foyer. Robints Paul en est le directeur et il encadre cette équipe. Il est un modèle et un mentor pour les jeunes du quartier. Tristan, un jeune adoles-cent récemment émigré de Ste-Lucie, nous a expliqué que, pour lui, Robints était comme un grand frère.

Le succès de Robints en tant que directeur réside également dans son ouverture à collaborer à des projets tels que Cartographie des souvenirs. La Maison possède un budget de fonctionnement modeste et cher-che constamment des projets qui offrent aux jeunes du quartier la pos-sibi-lité d’explorer de nouvelles formes d’expression de soi qui ne sont pas accessibles à l’école.

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ATELIER « APPARTENANCE » : PHOTOS ET REPRÉSENTATION DE SOI

Notre premier projet à la Maison des jeunes, l’atelier «  Appartenance  », comportait un noyau de six partici-pants. Il a permis à notre équipe composée de Colleen French, du Conseil canadien pour les réfugiés, ainsi que de Liz Miller et Gracia Dyer Jalea, du projet Cartographie des souvenirs , de prendre le pouls et de saisir la philosophie de la Maison des jeunes.

Pour la première séance, nous avions préparé un exercice sur la perception et les préjugés personnels en présentant tout d’abord des portraits de jeunes en format PowerPoint. Il s’agissait d’imaginer la personnalité et l’histoire de chaque personne photographiée. En marge des portraits se trouvaient des questions suggestives, telles que : quel genre de musique cette personne

écoute-t-elle ? Où cette personne est-elle née  ? Combien d’enfants cette personne a-t-elle ?

Nous avons par la suite expliqué que toutes les photos étaient celles de jeunes ayant une expérience de réfugié. Nous avons demandé aux participants de réfléchir sur la façon dont ils étaient parvenus à leurs conclusions et nous avons échangé sur les différentes manières d’interpréter une photo. En étudiant ensemble la différence entre lire une photo et l’interpréter, nous avons pu aborder la question des préjugés et des percep-tions. L’exercice de perception était une façon amusante d’introduire le concept de stéréotype et les défis posés par la représentation de soi.

Nous avons par la suite demandé aux membres du groupe de penser à la façon dont ils pourraient se représen-ter en photo. Nous avons montré des exemples d’essais photographiques

Jean Charles, un Canado-Haïtien de 16 ans, a laissé sa famille pour démé-nager à Montréal chez son frère aîné. Depuis son arrivée, il est un membre actif de la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges. Il réside au-dessus des locaux du co-mité des jeunes de la Maison.

Je veux défendre mon pays et faire quelque chose de mieux.

Présentation PowerPoint sur la

perception

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PHOTOVOICE

Dans le cadre de l’atelier « Appartenance », nous avons employé la méthodologie de PhotoVoice qui combine textes et photos. PhotoVoice est un organ-isme international qui dirige des projets participa-tifs de photographie partout dans le monde. Dans le cadre de ses projets, PhotoVoice se sert de la photographie comme outil de défense des droits pour permettre aux gens d’exprimer leur vécu d’oppression et de faire pression pour obtenir des réformes sociales. Pour de plus amples informa-tions, rendez-vous à l’adresse « www.photovoice.org »

Bylon est un DJ en herbe de Ste-Lucie. Depuis son arrivée à Montréal, il s’intéresse à la radio communautaire et agit régulièrement comme DJ pour la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges.

tels que ceux de Passages vers le Canada (www.passagestocanada.com/fr/carto), un projet qui présente des essais photographiques novateurs de nouveaux arrivants à Montréal. Nous avons fait une présentation sur la photocomposition, puis les partici-pants se sont exercés à manipuler les appareils photo en petits groupes. Accompagnés d’une animatrice, les jeunes ont pris des photos de leur quartier. À d’autres occasions, ils ont pris des autoportraits et des photos d’objets qui les définissaient.

Nous avons étudié les photos ensemble et avons échangé sur ce qui rendait certaines d’entre elles particu-lièrement bonnes. Pour chaque photo, les participants ont écrit sur une fiche une légende qui révélait un aspect d’eux-mêmes. Nous avons ensuite

« Aussi loin que cela peut me mener, tout est possible. »

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COMBATTRE LES STÉRÉOTYPES SUR LES RÉFUGIÉS par Colleen French

Notre atelier visait principalement à instau-rer la confiance, à dissiper les mythes et à bri-ser les barrières empêchant une compréhen-sion mutuelle. Il était important de partager des références communes en parlant de ce que cela signifie d’être déraciné et de commencer une nouvelle vie à Montréal. Les membres du groupe ont immigré à Montréal pour différentes raisons. Certains étaient parrainés par leurs par-ents qui résidaient déjà au Canada, d’autres sont arrivés au Canada comme demandeurs d’asile. Le mandat du projet Cartographie des souve-nirs étant de recueillir les histoires de « jeunes réfugiés », nous avons abordé la notion de « ce qu’est un réfugié » en début d’atelier. Les mem-bres du groupe ont initialement réagi en disant, entre autres, que «  les réfugiés sont des gens qui manquent de nourriture », « les réfugiés sont pauvres  », ou en se référant à un membre du groupe, « il n’est pas un réfugié! ». Nous avons senti qu’il était nécessaire de dissiper certaines malentendus.

La définition juridique employée pour détermi-ner qui est un réfugié et ce que cela signifie d’avoir un statut de réfugié au Canada est complexe et abstraite. La présentation PowerPoint intitulée « Qu’est-ce un réfugié ? » a permis au groupe de mieux comprendre la notion de réfugié, car elle la définit de façon interactive à l’aide de pho-tos. Certains membres du groupe sont arrivés à Montréal comme demandeurs d’asile, et ce fut un choc pour eux d’apprendre que le gouverne-ment pouvait refuser leur demande de réfugié. Même s’ils estimaient que ce qu’ils avaient vécu cadrait avec la définition juridique de « réfugié ayant besoin de protection », il se pouvait que le gouvernement ne soit pas de cet avis. Au-delà des définitions, notre message au groupe était que leurs histoires étaient valides et que nous appréciions qu’ils les partagent, peu importe les décisions que prendrait le gouvernement. Tous les participants avaient vécu des expériences qui devaient être entendues, et nous les avons aidés à faire entendre leur voix. Vous trouverez la présentation PowerPoint in-titulée «  Qu’est-ce qu’un réfugié  » à l’adresse « ccrweb.ca/fr/accueil ».

numérisé les fiches et avons utilisé le logiciel Photoshop pour créer des montages numériques associant les textes aux photographies. Vers la fin de l’atelier, chaque participant avait créé un photomontage de 11 x 13 po. Les montages ont été fixés aux murs de la Maison des jeunes.

ENTREVUES PAR LES PAIRS

Après l’exercice de photographie, nous avons travaillé les entrevues par les pairs avec le groupe. Nous leur avons montré les techniques de base en entrevue, y compris comment poser des questions ouvertes. Par exemple, au lieu de demander «  Quel âge aviez-vous lorsque vous êtes arrivé à Montréal ? », ils pourraient demander «  Quelles étaient vos premières impressions à votre arrivée ? ». D’autres questions ouvertes pourraient être : pourquoi êtes-vous ici ? Que pensez-vous des Canadiens  ? Que signifie pour vous le mot «  chez-soi  »  ? Les participants ont tour à tour posé des questions et y ont répondu.

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Le processus d’entrevue par les pairs a donné de meilleurs résultats avec des caméras vidéo et des microphones. L’apprentissage des compétences requises pour la production médiatique a motivés les participants à part-ager leurs histoires de vie entre eux. L’utilisation de l’équipement leur a également offert un moyen intéres-sant de participer, puisqu’ils devaient se concentrer sur leur rôle d’opérateur à l’enregistrement sonore, de preneur de son, d’interviewé, d’intervieweur, de réalisateur ou de directeur de la photographie.

ENTREVUES AVEC DES MENTORS

Afin de développer davantage leurs compétences d’intervieweurs, nous avons fait une entrevue avec Ayanda Dubé (voir chapitre 2), qui est arrivé à Montréal comme mineur non ac-compagné et dont le récit de vie a été enregistré. Ayanda, un avait actif au sein du Conseil canadien pour les réfugiés, a partagé ses expériences avec le groupe et discuté de la produc-tion de son film.

Il était important pour les jeunes d’avoir la possibilité de pratiquer les techniques d’entrevue avec quelqu’un qui n’appartenait pas au groupe. Nous en avons appris davantage sur les préoccupations des membres du groupe par les questions qu’ils ont posées à Ayanda. Par exemple, un jeune participant arrivé à Montréal avec son frère lui a demandé : « Si vous ne vivez plus au Zimbabwe et que vous n’êtes pas résident du Canada, alors quel statut avez-vous dans ce pays ? » Cette expérience a permis aux jeunes de s’identifier à Ayanda, qui leur a servi de modèle. Ils se sont vus en lui et, en lui posant des questions, ils ont pu exprimer leurs propres préoccupations

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QU’EST-CE QUE L’HISTOIRE ORALE ? QU’EST-CE QU’UN RÉCIT DE VIE ? Steve High, codirecteur du Centre d’histoire orale et de récits numérisés

L’histoire orale est une méthode de compréhen-sion du passé par le biais de témoignages oraux tels qu’une entrevue ou un entretien. C’est l’étude du passé tel qu’on s’en souvient dans le présent. Ce dont on se souvient et ce pourquoi on s’en sou-vient revêtent une importance vitale en histoire ora-le. La signification et le souvenir se retrouvent dans les mots prononcés, de même que dans la voix et dans les gestes posés par les individus. La relation des gens avec leurs propres histoires, ce sur quoi ils s’attardent et ce qu’ils omettent, nous aide à com-prendre la logique de ce que nous entendons.

L’approche fondée sur le récit de vie est une pra-tique employée en histoire orale. Cette approche trouve son sens dans le contexte d’une vie vécue. Elle place également le souvenir à l’avant-plan, ce qui, dans le cas des droits de la personne et du gé-nocide, est une pratique rare. Le plus souvent, les entrevues sont simplement menées pour obtenir des informations, et on laisse très peu de place à l’histoire globale. On demande aux survivants de l’Holocauste, par exemple, de parler de leurs ex-périences sur le « quoi », le « où » le « qui » et le « quand ». Les entrevues commencent et se termi-nent habituellement par la violence perpétrée et, à cause de cette tendance, on en apprend très peu sur l’impact de cette expérience et sur la façon dont la violence se répercute sur les vies, les familles et les communautés. Une entrevue de récit de vie com-prend « l’avant » et « l’après ». Elle nous en apprend davantage sur ce qui a été perdu et sur l’incidence d’un événement sur la vie des gens – les silences, les absences, les souvenirs et le militantisme.

Dans le cadre du projet Histoires de vie Montréal, les personnes interviewées sont invitées à deve-nir coproductrices de leurs propres histoires. Elles participent à toutes les étapes de production en aidant à élaborer des questions, en révisant les transcriptions et en collaborant au processus de post-production. Chaque personne interviewée con-serve le droit d’auteur de son histoire, une possibi-lité rarement offerte à une personne faisant l’objet d’une entrevue dans les médias grand public.

quant à leur identité et à leur lien avec ce nouveau pays.

Vers la fin de l’atelier de huit semaines, un journaliste radio de la CBC a communiqué avec nous pour faire un reportage sur le projet. Nous espérions que cette expérience nous fournirait une autre possibilité de pratiquer les techniques d’entrevue. Le reporteur a montré au groupe comment utiliser l’équipement radiophonique et a donné aux participants la chance de réfléchir sur les aspects les plus utiles de l’atelier. L’entrevue radiophonique a également offert une occasion unique aux membres du groupe de partager leurs opinions avec un public national.

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Robints est né et a grandi à Limbé, une ville au nord d’Haïti. Il a quitté son pays avec ses quatre frères au début des années 1990, alors que le pays tra-versait une période de violents bouleversements politiques. Grâce à l’aide de son frère, un prêtre qui étudiait à Montréal à l’époque, Robints a immigré au Canada à l’âge de 19 ans. Il a fondé le groupe de hip-hop Nomadic Massive avec les membres du groupe actuels. Sous le pseudonyme de Vox Sambou, il se sert de la musique pour s’exprimer et pour susciter une prise de conscience sociale et politique.

Robints invite les jeunes de la Maison de Côte-des-Neiges à se servir des arts pour exprimer, découvrir et se rappeler qui ils sont. Pour lui, la musique sert à acquérir la confiance en soi et la conscience de soi. Elle lui permet d’exprimer sa fierté envers son pays, son héritage, sa langue et sa culture en chantant en créole, en français et en anglais. Artiste voué à une carrière musicale promet-teuse, Robints est également directeur de la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges depuis 2005.

www.nomadicmassive.com

ROBINTS PAUL, ALIAS VOX SAMBOU, Haïti

Vous devez vraiment beaucoup écouter les jeunes et arriver à les con-naître. Vous ne devez pas avoir peur de partager votre expérience avec eux ; ce sont des adolescents et comme beaucoup de gens de leur âge, ils cherchent leur propre identité. La plupart des jeunes auprès desquels je travaille viennent tout juste d’arriver à Montréal. Alors en plus de se chercher, ils essaient de s’adapter et de trouver leur propre identité dans leur nouvel environnement.

Robints Paul

Entrevue vidéo avec Robints

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PAROLES DE LA CHANSON « ARTICLE 14 » DE VOX SAMBOU (Ces extraits ont été traduits du créole par Vox Sambou)

Nous disons assez c’est assez, joignons nos forces pour nous soulever

Déterminés, ça doit changer, la terre est toxique, cause de plusieurs génocides

Regardez les enfants, leur peau est comme du plastique

Leur cas est critique, politiciens sans conscience

Assassins corrompus, c’est un mouvement satanique

Où sont Jean Dominique, Patrice Lumumba ?

Nos âmes resteront en vie comme celle de Che Guevara

Comme Mandela, nous devons lutter pour la justice

Jusqu’à ce que nous obtenions gain de cause

Nous connaissons nos droits

Laissez-moi respirer et arrêtez l’oppression

Nos grands-pères ont sacrifié leur vie pour que nous existions

Vous avez enfermé nos femmes dans les manufactures,

Alors qu’elles gardaient le silence

Vous pensez que c’est normal pour elles de nager dans la souffrance

Les fils de l’esclave n’ont jamais aucun droit

Ils ne sont pas égaux aux yeux de la loi

Sans défenseurs, ils sont emprisonnés dans le noir

C’est le temps de se révolter, c’est notre mission

Tant d’exécutions, nous n’avons aucune protection

Beaucoup d’hommes ont renié et perdu leur raison

Le système nous détruit par pendaison et par empoisonnement

Ils nous ont tant harcelés qu’ils nous portent à nous haïr

Dans leurs propres intérêts, nous risquons nos vies en bateaux

Si nous arrivons en vie, ils nous traitent comme des objets

Mais le sang des guerriers du cacao coule dans nos veines

Un jour nous ressortirons vainqueurs

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DES HISTOIRES DE VIE EN MUSIQUE

Pendant l’atelier «  Appartenance  », nous avons eu l’occasion d’observer le rôle important que Robints et son équipe jouaient dans la vie des jeunes gens à la Maison des jeunes. Inspirées par son leadership, nous l’avons interviewé dans le cadre du projet Histoires de vie Montréal. Robints est également un artiste hip-hop haïtien bien connu. Robints chante au sein du groupe montréa-lais Nomadic Massive sous le nom de scène «  Vox Sambou  ». Ce groupe hip-hop est formé de jeunes hommes et femmes de différents milieux culturels (Amérique du Sud, Caraïbes et Afrique du Nord) qui rappent dans leurs langues maternelles pour trans-mettre avec force ce que vivent les immigrants et les réfugiés. Grâce à sa musique, le groupe a voyagé de par le monde pour donner des spectacles en faveur de la justice sociale. L’intérêt de Robints pour la musique et les arts et sa carrière de MC hip-hop ont incité les jeunes de la Maison à étudier le rôle que la musique pourrait jouer dans leur vie. Robints se sert de ses expériences personnelles pour communiquer avec les jeunes. Sa volonté d’ouverture a permis d’établir des relations fondées sur la confiance, la compréhension mutuelle et le respect.

Au cours des deux années suivantes, nous avons mené six autres entrevues avec des musiciens pour le projet Histoires de vie Montréal. Ils étaient pour la plupart membres du groupe Nomadic Massive, et plusieurs d’entre eux étaient arrivés à Montréal en tant qu’immigrants ou réfugiés. Ces musiciens étaient aussi des leaders actifs au sein de leurs communautés et travaillaient comme enseignants, journalistes et organisateurs. Plusieurs Photos de la vidéo « Rapper ses racines »

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d’entre eux avaient également prêté main-forte à la Maison dans le cadre d’activités spéciales et avaient agi comme modèles et mentors auprès des jeunes. Trois de ces entrevues ont fait l’objet de courts métrages.

RAPPER SES RACINES : UNE VIDÉO MUSICALE

Les entrevues avec les membres du groupe Nomadic Massive nous avaient inspirées et nous désirions collaborer de nouveau avec la Maison des jeunes. Nous avons appris que les membres du groupe agissaient comme mentors d’un nouveau groupe musical au studio NoBadSound, et qu’ils les avaient aidé à produire un CD. Robints nous a alors demandé de tourner une vidéo musicale sur ce nouveau groupe de hip-hop formé de jeunes âgés de 16 à 18 ans dont les chansons, écrits en tagalog, en français, en anglais et en espagnol, racontaient leurs luttes et les défis auxquels ils avaient fait face.

» Commencez par vous présenter : dites votre nom, votre âge et d’où vous venez.

» Vous sentez-vous proche de la culture de vos parents ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

» En quoi vos rêves diffèrent-ils de ceux de vos parents ?

» Que représente le quartier Côte-des-Neiges pour vous ? Qu’est-ce qui fait que vous vous sentez chez vous à Côte-des-Neiges ?

» Vous formez un groupe culturellement varié, tout comme les gens qui vivent dans le secteur de Côte-des-Neiges. En quoi NoBadSound et votre musique reflètent-ils le quartier et les communautés qui vivent à Côte-des-Neiges ?

» Quels sont certains des défis que doivent

relever les jeunes de Côte-des-Neiges et en parlez-vous dans vos chansons ? À quoi les jeunes de Côte-des-Neiges accordent-ils de l’importance ?

» Quels sont les stéréotypes que les gens ont sur le hip-hop et sur les jeunes de Côte-des-Neiges ?

» Votre musique définit-elle qui vous êtes ? Et si tel est le cas, que dévoile-t-elle sur vous ?

» Pourquoi la musique occupe-t-elle une part aussi importante de votre vie ? Pourquoi vous a-t-elle attiré ?

» Quel conseil donneriez-vous aux jeunes de votre communauté ?

QUESTIONS TIRÉES DU PROJET RAPPER SES RACINES

Le groupe avait également joué en public lors d’un spectacle de Nomadic Massive où ils avaient partagé la scène avec leurs mentors.

Contrairement à l’atelier «  Apparte-nance », le projet « Rapper ses racines » a été la réalisation d’un mandat clair de Robints. Nous avions alors la possibilité de collaborer avec un groupe musical émergent ayant un intérêt particulier et un objectif précis en tête. Nous avons organisé une rencontre avec le groupe au studio NoBadSound pour discuter de leur vision du projet de vidéo musicale. Nous avons entamé un remue-méninges avec les jeunes et leurs mentors. Nous avons suggéré de produire un court documentaire sur l’influence de leurs expériences et de leurs cultures sur leur musique. Nous leur avons expliqué que nous procéderions de la même façon que pour les entrevues menées auprès de leurs mentors du groupe Nomadic Massive.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

Après des discussions animées et instructives, nous avons décidé d’entrecouper des scènes de la vidéo musicale avec des sections d’entrevues en suivant une présentation similaire à celle des diffuseurs de musique populaire comme MuchMusic et MTV. Les jeunes étaient très heureux de l’occasion qui leur était offerte et étaient encouragés par le fait que leurs mentors avaient pris part à un projet similaire avec Cartographie des souve-nirs. La présence de leurs mentors à la rencontre était rassurante et nous a aidés à nous donner une vision commune.

CARTOGRAPHIER DES LIEUX POUR LA VIDÉO MUSICALE

La première étape consistait à tracer les grandes lignes des éléments visuels de la vidéo, y compris l’endroit où elle serait tournée et les vêtements que porteraient les artistes. Nous avons demandé aux participants de réfléchir à chaque élément visuel et de baser leurs choix sur des lieux et des vête-ments qui avaient une signification pour eux. Ces détails constitueraient des symboles visuels qui permettraient au public de mieux les connaître en tant que personnes. Notre première rencontre a clairement fait ressortir que le quartier Côte-des-Neiges revêtait de l’importance à leurs yeux et représen-tait un lieu d’appartenance. C’est la raison pour laquelle le groupe a décidé de tourner la majeure partie de la vidéo dans les lieux populaires et les endroits importants de Côte-des-Neiges, tels que le studio NoBadSound, l’Oratoire St-Joseph et le centre commercial local.

ENTREVUES

Après avoir choisi les éléments visuels de la vidéo, nous avons discuté des

questions que nous allions poser à chaque personne interviewée. Nous avons dressé une liste de dix ques-tions de base adaptées de la série de questions que nous avions conçue pour les artistes et nous leur en avons fait part avant chaque entrevue. Les questions ont été posées en français et en anglais, et nous les avons invités à répondre dans la langue dans laquelle ils se sentaient le plus à l’aise. Nous avons également posé des questions « d’échauffement » à tous les partici-pants. Chaque entrevue a duré trente minutes.

TOURNAGE ET MONTAGE

Nous avions prévu deux journées sur place pour filmer la vidéo, soit une journée pour les entrevues et une autre pour tourner la vidéo musicale. Pendant la production, les jeunes se sont mutuel-lement apporté un grand soutien. Lorsqu’ils ne se trouvaient pas devant la caméra, ils étaient derniére celle-ci et observaient leurs pairs. Ils écoutaient et découvraient les influences, les histoires familiales, les cultures, les rêves et les espoirs de chacun d’entre eux. Ce faisant, ils ont non seulement appris de nouvelles choses sur chaque membre du groupe, mais ils ont également eu l’occasion de réfléchir sur leurs propres expériences.

Après les entrevues, nous avons invité le groupe à la station de télévision communautaire Concordia University Television (CUTV) pour regarder les séquences tournées au cours de ces deux jours. Nous avons choisi d’effectuer le montage au studio de la CUTV pour faire connaître aux jeunes une ressource communautaire dont ils pourraient ulté-rieurement profiter et pour leur ouvrir une fenêtre sur le milieu universitaire. En une soirée, chaque participant devait vision-ner sa propre entrevue, en évaluer

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les sections et leur attribuer à chacune une note sur une échelle d’un à cinq. « Un » signifiait que le matériel ne devait pas être vu par un public externe, et « cinq » qu’ils aimeraient que la section soit incorporée à la vidéo finale.

Nous leur avons également demandé d’écrire des commentaires pour expliquer leurs évaluations et leurs impressions. Cet exercice de réflexion n’a pas été une mince tâche. D’une part, le premier visionnement d’une entre-vue est toujours difficile. Peu d’entre nous avons l’occasion de nous voir de si près, et ce que nous voyons ne correspond souvent pas à l’image que nous avons de nous-mêmes. Lors du visionnement des entrevues, nous nous sommes assurées de donner la chance aux participants de réagir lorsqu’ils se voyaient à l’écran. Tous les membres du groupe ont formulé des critiques en se voyant à l’écran. Notre rôle d’animatrices consistait à les aider à passer outre leur gêne et, à force de patience et d’encouragements, à porter sur eux-mêmes un nouveau regard, soit celui de leaders au sein de leur communauté.

Au cours d’une deuxième séance de montage, les jeunes nous ont fait savoir qu’ils étaient très heureux des résultats des entrevues, mais qu’ils étaient moins intéressés par le processus fastidieux du montage. Nous avons terminé le montage en nous inspirant des déci-sions qu’ils avaient prises pendant la séance de montage à CUTV.

On ne peut pas simplement ignorer son identité. À mon avis, il faut établir un lien avec son pays d’origine afin de croître et d’évoluer.

Vox Sambou

RÉPERCUSSIONS

La vidéo « Rapper ses racines », qui allie des segments d’entrevues à une perfor-mance dynamique du groupe, s’est rendue en finale du Concours Racines de Radio-Canada International. La vidéo a été accueillie avec enthousiasme au Festival international de cinéma Vues d’Afrique de Montréal et au Regent Park Film Festival de Toronto. Les organisa-teurs du Regent Park Film Festival ont invité les jeunes à donner un spectacle lors de la soirée d’ouverture à Toronto et à participer à une table ronde pour parler de leurs expériences pendant la production du film. Ils ont égale-ment été invités à prendre la parole au Symposium hip-hop 2010 à l’Université McGill. Que ce soit sur le podium d’un amphithéâtre universitaire ou en spec-tacle sur une scène de Toronto devant des centaines de personnes, le groupe NoBadSound commençait à mesurer l’impact de sa musique auprès de dif-ferents publics.

Les projets «  Appartenance  » et «  Rapper ses racines  » ont donné aux jeunes l’occasion d’explorer leurs voix et leurs talents comme outils de découverte de soi et comme source d’inspiration pour les autres. En tant qu’animatrices, nous avons été encouragées par l’œuvre qu’ils ont produite et par la fierté et la convic-tion avec lesquelles ils l’ont présentée. Nous avons appris, comme Robints nous l’avait conseillé, à les écouter et à adapter notre programme pour tenir compte de leurs besoins et intérêts tout en les exposant à un monde qui leur était étranger.

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Depuis l’âge de cinq ans, Yassin traverse des frontières, change de citoyenneté et apprend à vivre dans une multitude d’endroits en tant que Canado-Irakien. Il est né aux Émirats arabes unis, a immigré à Montréal avec sa famille en 1987 et, vers l’âge de treize ans, est retourné à Dubaï pour étudier à l’école secondaire. Il est par la suite revenu à Montréal pour étudier en science politique et en communication à l’Université Concordia.

Il se produit sous le nom de « The Narcicyst » et écrit des chansons provocantes qui rendent le vécu des immigrants. Grâce à la musique, à l’art et à l’éducation, il a réussi à devenir un porte-parole influent dans la communauté montréalaise. Il est un mentor pour les jeunes qui souhaitent suivre ses traces.

www.iraqisthebomb.com

YASSIN ALSALMAN, ALIAS THE NARCICYST, IRAQ

J’ai trouvé ma propre façon de contester et c’est sur scène. Au départ, ma musique était fortement empreinte de politique, mais j’ai toujours écrit deux versions, l’une influencée par mon éducation orientale et l’autre par mon éducation occidentale [...]. J’ai essayé avec ma musique de réconcilier ces deux mondes dans lesquels j’ai grandi. À l’intérieur de moi, je crois que j’ai finalement trouvé une place qui les accepte tous les deux.

Yassin Alsalman

Entrevue vidéo avec Yassin

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Deeqa a montré des dispositions pour la musique à un très jeune âge et elle a même chanté pour le président de son pays, la Somalie. Accompagnée de son professeur de musique et de ses collègues choristes, Deeqa a quitté son foyer pour effectuer ce qu’elle croyait être une tournée musicale de seulement quelques jours. Alors qu’elle était en tournée, une guerre civile a éclaté en Somalie et Deeqa n’a pas pu retourner chez elle à Mogadiscio. Elle a été forcée, tout comme son profes-seur et ses collègues, de fuir au Kenya. Elle a vécu un certain temps dans un camp de réfugiés, puis on l’a envoyée à Saskatoon grâce au travail de bénévoles. Elle y a passé le reste de son adolescence à apprendre l’anglais et à obtenir un diplôme en enseignement. Deeqa a été séparée des membres de sa famille pendant vingt ans, et elle a finalement pu les retrouver grâce à son neveu qui a vu la vidéo d’une de ses prestations au Festival Nuits d’Afrique de Montréal sur YouTube. Deeqa vit actuellement à Montréal où elle se produit régulièrement comme musicienne reggae.

www.myspace.com/empressdeeqa

DEEQA IBRAHIM, ALIAS EMPRESS DEEQA, SOMALIE

C’est la musique qui m’a éloignée de ma famille et c’est la musique qui leur a permis de me retrouver. J’adore le reggae. Il donne de l’espoir aux gens comme moi. Chaque fois que j’éprouvais un sentiment de décou-ragement, j’écoutais le disque Night Nurse de Gregory Isaacs au com-plet et je me sentais mieux. Certaines personnes voient un thérapeute. Moi, ma thérapie consistait à écouter du reggae.

Deeqa Ibrahim

Entrevue vidéo avec Deeqa

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

ACTIVITÉS CONNEXES EXERCICE DE PERCEPTION

Cette activité incitera les participants à identifier et à affronter leurs propres préjugés. On demande aux participants de former des groupes de deux. On remet à chaque groupe une photo d’une personne ainsi qu’une liste de questions.

Cette liste peut contenir, par exemple, les questions suivantes :

» Quel est le nom de cette personne ?

» Quel âge a cette personne ?

» Quelles langues cette personne parle-t-elle ?

» Où cette personne est-elle née ?

» Quelle est sa musique favorite ?

» Quel est son plat préféré ?

» Quelle est sa matière préférée à l’école ?

Chaque groupe proposera des réponses, qu’il présentera ensuite à l’ensemble du groupe, après quoi l’animateur révélera l’identité réelle du sujet de la photo (incluse dans la présentation PowerPoint sur la perception). Si la majorité des participants ne se connaissent pas, ils peuvent se servir des mêmes questions pour deviner l’identité de chacun avant d’entreprendre l’exercice sur la perception.

COMPILATION MUSICALE

Vox Sambou se sert de la musique pour partager son expérience de vie. Si vous deviez raconter votre récit de vie en musique, quelles chansons choisiriez-vous  ? Sur une feuille de papier blanc, dressez la liste des chansons qui ont une signification pour vous ou qui marquent un tournant, un bouleversement dans votre vie. Énumérez-en au moins cinq à dix qui pourraient figurer sur la compilation musicale de votre récit de vie. Retournez la feuille de papier et répondez à deux des questions suivantes, ou illustrez votre réponse par un dessin. Partagez vos réflexions avec le groupe.

» Pourquoi cette chanson est-elle importante ?

» Où étais-je et quel âge avais-je lorsque j’ai entendu cette chanson pour la première fois ?

» Cette chanson ravive-t-elle un souvenir spécifique ?

Boîte à outils :Présentation PowerPoint sur la perception, pro-jecteur, ordinateur portable. Niveau de dif-ficulté : Débutant Temps requis : 20 à 60 minutes.

Présentation PowerPoint

sur la perception

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» Cette chanson me rappelle-t-elle quelqu’un d’important pour moi ?

» Qu’est-ce que cette chanson révèle sur moi en tant que personne ?

» Comment la chanson a-t-elle entraîné un changement sur le plan personnel ?

EXERCICE DE VIDÉO MUSICALE

Le collectif NoBadSound transmet les histoires de ses membres, ses idées et ses valeurs par la musique. Si vous deviez partager une histoire personnelle au moyen d’une vidéo musicale, de quoi traiterait-elle et à quel endroit la tourneriez-vous ? Examinez toutes les questions suivantes.

LIEUX :

» Quels sont cinq lieux significatifs pour moi ? Pourquoi ?

» Que révèlent ces endroits sur moi et sur ma vie ?

» Quels sont mes plus beaux souvenirs de ces endroits ?

VÊTEMENTS :

» Quels vêtements porterais-je dans la vidéo ?

» Que disent ces vêtements à propos de moi, de mon histoire personnelle et de mes origines ?

DISTRIBUTION :

» Qui devrait faire partie de ma vidéo ?

» Quelle relation est-ce que j’entretiens avec ces personnes et pourquoi sont-elles importantes pour moi ?

» Quel rôle ont-elles joué dans mon histoire personnelle ou qu’ont-elles apporté dans ma vie ? Quelles leçons m’ont-elles enseignées ?

Expliquez vos choix pour chaque catégorie. Qu’espérez-vous communiquer au public sur votre vie avec ces éléments visuels ? Après cet exercice, montez un scénarimage de votre vidéo musicale et faites-en part aux autres membres du groupe.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

Boîte à outils :Un enregistreur audio ou une caméra vidéo avec trépied, des bat-teries chargées, un casque d’écoute, un formulaire de consentement.

COMMENT MENER UNE ENTREVUEDE RÉCIT DE VIE Ces conseils ont été élaborés par le projet Histoires de vie Montréal et peuvent être adaptés aux

groupes d’âge et aux types de projets sur lesquels vous travaillez.

RECHERCHE ET PRÉPRODUCTION

Questions de recherche : pourquoi faites-vous cette entrevue  ? Quel type de recherche avancée ferez-vous  ? Y a-t-il des thèmes particuliers que vous souhaitez aborder pour orienter l’entrevue  ? Pourquoi croyez-vous que la personne a accepté de vous donner une entrevue ? Vos attentes respectives sont-elles claires ? Préparer une entrevue peut exiger une recherche préliminaire sur la personne avant la visite.

Public/diffusion : avant de mener une entrevue récit de vie, vous et la personne interviewée devez réfléchir aux publics auxquels vous désirez vous adresser. Qui souhaitez-vous atteindre avec votre travail et pourquoi  ? À qui votre histoire peut-elle profiter ?

Questions d’entrevue : dressez une courte liste de questions qui orienteront votre entrevue. Dix questions suffisent pour une entrevue d’une heure.

Endroit : de concert avec la personne interviewée, choisissez l’endroit où se tiendra l’entrevue. Que révèle l’endroit où se tiendra l’entrevue sur l’interviewé ?

Équipement d’enregistrement : choisissez un équipement d’enregistrement auquel vous êtes habitué. Pratiquez-vous avec l’équipement avant l’entrevue et assurez-vous que les batteries sont chargées. Si vous effectuez un enregistrement vidéo, confiez à quelqu’un d’autre la manipulation de la caméra afin de pouvoir vous concentrer sur l’entrevue. Avant l’entrevue, assurez-vous que la personne interviewée est à l’aise avec l’équipement dont vous avez l’intention de vous servir.

CONSENTEMENT

Après avoir préparé l’entrevue, révisez le formulaire de consentement avec la personne interviewée et parlez de toutes les préoccupations ou questions qu’elle pourrait avoir. Le formulaire de consentement est un pacte de confiance. Il esquisse la relation entre l’intervieweur et l’interviewé, les endroits et les événements où l’entrevue sera présentée et diffusée, l’usage qui sera fait de l’entrevue et les risques et bénéfices que son utilisation peut présenter pour l’interviewé.

Lorsque vous révisez le formulaire de consentement avec la personne interviewée, demandez-lui de tenir compte du public qui regardera l’entrevue.

Modèle de formulaire de consentement

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En quoi ce public peut-il avoir une incidence sur ce que l’interviewé décidera de partager ou de garder pour lui ? Après avoir examiné cette question, l’interviewé et l’intervieweur signent l’entente et gardent chacun une copie du formulaire. C’est un pacte de confiance et une façon pratique d’échanger ses coordonnées. Vous trouverez un modèle de formulaire de consentement sur notre site Internet.

PRODUCTION : L’ENTREVUE

Si vous êtes accompagné d’une équipe technique (par exemple un vidéographe ou un preneur de son), assurez-vous de prévoir suffisamment de temps pour vous installer. Ne précipitez pas l’entrevue et donnez du temps à l’interviewé pour répondre aux questions.

POSTPRODUCTION

Blogue : écrivez une courte réflexion 24 heures après l’entrevue afin de consigner vos impressions. Nous avons inséré un modèle de blogue dans le présent chapitre.

Transcription : transcrivez l’entrevue et révisez la transcription. Faites-en une copie. Vous pourrez en archiver une, et l’autre vous servira à faire un premier « montage papier ». Surlignez sur la copie les parties les plus intéressantes de l’entrevue en ayant en tête le public cible ou l’objectif final. Ce sera utile lors du montage.

Propriété partagée : faites parvenir une copie de l’entrevue et de la transcription à la personne interviewée. Lorsqu’elle aura examiné le matériel, donnez-lui l’occasion de formuler des commentaires et de supprimer ou d’ajouter du contenu.

Premier montage : en vous servant de votre «  montage papier  », créez un premier montage de l’entrevue. Demandez à la personne interviewée d’étudier le matériel révisé et permettez-lui de supprimer ou d’ajouter du contenu. Autant que possible, faites participer l’interviewé au processus de postproduction, mais souvenez-vous qu’il peut, de prime abord, se sentir mal à l’aise de se voir et de s’entendre. Il peut également avoir des contraintes de temps.

Montage final et diffusion : après le montage, préparez une version définitive de l’entrevue pour diffusion. Donnez à la personne interviewée des copies de son entrevue.

Exemples de blogues

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

FICHE D’INFORMATION TECHNIQUE POUR LES ENTREVUES VIDÉO PRÉPARER UNE ENTREVUE

» Vérifiez toujours l’équipement à l’avance et apportez des batteries et des cassettes (ou des cartes mémoire) supplémentaires.

» Trouvez un endroit bien éclairé et sans distractions sonores. La lumière naturelle est habituellement préférable, mais un endroit extérieur ou un café bondé sont souvent des environnements trop bruyants.

» Débranchez tous les appareils qui peuvent vibrer ou vrombir en fond sonore (réfrigérateurs, ordinateurs, climatisations). Fermez les fenêtres afin d’étouffer les bruits de voitures et les sirènes, éteignez les cellulaires et débranchez le téléphone.

ORGANISER UNE ENTREVUE

» Il est préférable d’utiliser un trépied pour filmer une entrevue.

» Portez toujours un casque d’écoute pour vérifier les niveaux sonores et vous assurer que le son s’enregistre bien.

» Utilisez un microphone Lavalier (micro-cravate) afin d’obtenir ue meilleure qualité sonore. Assurez-vous que le micro est bien placé et qu’il ne sera pas accroché par des bijoux ou frappé par un geste de l’interviewé.

» Installez la caméra au niveau des yeux. Placez l’intervieweur de telle sorte que lorsque la personne interviewée regarde son interlocuteur, son regard soit proche de la caméra sans la fixer directement.

» Rappelez-vous des règles d’une bonne composition, dont la règle des tiers, la zone d’entretien et le dégagement de la tête (se référer à la présentation PowerPoint sur la composition). Autant que possible, ne placez pas quelqu’un contre un mur.

» Avant d’enregistrer, assurez-vous qu’il n’y a pas d’ombrages dérangeants et que l’image du visage est nette.

MENER UNE ENTREVUE

» Posez des questions ouvertes auxquelles on ne peut pas répondre que par « oui » ou par « non ». Par exemple : « Racontez-moi… ».

» Expliquez à la personne interviewée comment incorporer vos questions dans ses réponses, et dites-lui que c’est important pour le montage. Par exemple : Question— « Depuis combien de temps faites-vous partie du groupe ? ». Réponse — « Je fais partie du groupe depuis plus de cinq ans ».

Présentation PowerPoint

sur la composition

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» Prenez soin de ne pas poser de questions suggestives, telles que : « Ne croyez-vous pas que les médias ont joué un rôle dans la crise ? » Il est préférable de demander : « Que pensez-vous du rôle joué par les médias à cette époque ? »

» Restez silencieux pendant l’entrevue. Évitez de dire «  ah, ah  » ou «  je vois ». Réagissez plutôt visuellement par un signe de tête ou un sourire.

» Laissez s’installer le silence entre les questions et les réponses. Les pauses permettent aux personnes de réfléchir.

» Posez des questions complémentaires. Servez-vous de votre liste de questions comme guide, mais soyez disposé à explorer les nouveaux thèmes pertinents que la personne interviewée pourrait aborder.

» N’ayez pas peur d’arrêter l’entrevue si vous avez des problèmes techniques ou s’il y a un bruit gênant en fond sonore. Vous n’aurez peut-être qu’une seule occasion de filmer une entrevue, alors assurez-vous que tout ce dont vous avez besoin est correctement enregistré.

» À la fin de l’entrevue, demandez toujours à la personne interviewée si elle désire ajouter autre chose ou s’il y a un sujet que vous n’avez pas abordé.

Les conseils pour l’entrevue ont été adaptés de Witness resources (www.witness.org).

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

RÉDIGER DES QUESTIONS D’ENTREVUE Nous avons formulé nos questions d’après des questions rédigées par le projet Histoires de vie Montréal (www.histoiresdeviemontreal.ca) et nous les avons adaptées pour inclure le rôle de la musique dans les vies des jeunes musiciens. Nous étions également intéressées par le rôle de mentors que ces musiciens avaient assumé dans la vie des jeunes gens auprès desquels ils avaient travaillé. Voici des exemples de questions que nous avons posées lors de l’entrevue de Robints :

Courtes informations biographiques :

Présentez-vous : nom, discipline artistique, engagement social et pays d’origine.

Enfance – Influences/famille :

» Où avez-vous grandi ?

» À quoi ressemblait la vie à la maison avant d’immigrer à Montréal ?

» Que désiriez-vous devenir quand vous étiez enfant ?

» Comment êtes-vous arrivé à Montréal ?

» Quelles étaient vos premières impressions de Montréal ?

» Quels ont été certains des défis que vous avez surmontés à votre arrivée ?

Carrière personnelle :

» Parlez-vous de votre propre histoire et de vos expériences personnelles dans votre musique ?

» Racontez-nous la première fois où vous avez associé votre musique à des enjeux communautaires.

» En quoi votre musique a-t-elle changé après que vous ayez commencé à aborder des enjeux sociaux ?

» Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui voudrait faire la même chose ?

» Comment votre communauté a-t-elle réagi à votre musique ?

» Quels défis avez-vous eu à relever en tant qu’artiste ?

Travail auprès des jeunes :

» Comment en êtes-vous arrivé à travailler auprès des jeunes ?

» Que retirent les jeunes de votre programmation en art et en musique ?

Orientations futures :

» Que souhaitez-vous accomplir avec votre musique à l’avenir ?

» Souhaitez-vous ajouter autre chose avant que nous terminions l’entrevue ?

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EXEMPLE DE BLOGUE

De Mogadiscio à Montréal : comment la mu-sique a éloigné Empress Deeqa des mem-bres de sa famille et comment elle l’a aidée à les retrouver Gracia Dyer Jalea

Après plusieurs mois passés sans se voir, j’étais heureuse de croiser Deeqa, une con-naissance de longue date et une remarqua-ble chanteuse de reggae locale. Au cours de cette brève rencontre, elle m’a expliqué comment elle venait tout juste de retrou-ver sa famille, après en avoir été séparée d’elle pendant plus de vingt ans! Deeqa est Somalienne et je me suis demandé si elle avait été séparée de sa famille pendant la guerre civile des années 1990. Deux se-maines plus tard, nous avons pris le temps de parler de son récit de vie étonnant, de la belle ville maritime de Mogadiscio où elle a grandi jusqu’à son périple extrêmement pénible de mineure non accompagnée au Canada.

Deeqa, qui a montré des dispositions pour la musique à un très jeune âge, et qui a même eu l’occasion de chanter pour le président de son pays, avait été invitée par son profes-seur de musique à partir en tournée avec ses collègues choristes. Deeqa a quitté la mai-son pour effectuer un voyage qu’elle croyait n’être que de quelques jours. Alors qu’elle était à l’extérieur du pays, la guerre civile a éclaté en Somalie et elle n’a pas pu retourner chez elle à Mogadiscio parce qu’une bar-ricade avait été érigée sur la route. Elle a été forcée, tout comme son professeur et ses collègues, à fuir par bateau au Kenya où des membres de Médecins sans frontières les ont reçus. Après avoir vécu un certain temps dans un camp de réfugiés, Deeqa a été en-voyée à Saskatoon en Saskatchewan où elle a passé le reste de son adolescence à ap-prendre l’anglais et à obtenir un diplôme en enseignement. Depuis son départ de la Somalie, Deeqa a essayé désespérément de se créer un foyer au Canada.

Même si elle a maintenant vécu la majeure partie de sa vie au Canada, son cœur et son âme restent fortement attachés à son pays d’origine. Ce lien a été renforcé au cours des

derniers mois par les événements extraor-dinaires qui l’ont remise en contact avec sa famille à Mogadiscio. Depuis son départ de la Somalie au début des années 1990, elle ne savait pas où se trouvait sa famille, jusqu’à ce qu’elle reçoive, au début de 2010, un appel de son neveu en Angleterre qui avait vu sur YouTube une vidéo d’elle interprétant une chanson.

Grâce à cet étrange concours de circonstan-ces, Deeqa explique que : « c’est la musique qui m’a éloignée des membres de ma famille et c’est la musique qui les a aidés à me re-trouver ». La musique a joué un rôle impor-tant dans la vie de Deeqa. Au Canada, loin de sa famille, de ses amis et de sa patrie, la musique lui a donné de l’espoir lorsqu’elle se sentait découragée. Elle lui a permis de res-ter positive dans des périodes de solitude. Grâce à la musique, elle a trouvé une façon de rester attachée à ses racines culturelles tout en nouant de forts liens d’amitié ici au Canada.

Même s’il est évident que Deeqa a été pro-fondément et émotivement affectée par les épreuves qu’elle a affrontées en tant que jeune réfugiée, elle a travaillé fort pour tirer profit de toutes les occasions qui s’offraient à elle, et elle continue d’espérer un avenir meilleur pour elle et pour sa famille. C’est sa force et sa détermination à rester positive que je trouve franchement inspirantes. Dans les mois à venir, elle espère retourner pour la première fois en Afrique voir sa famille, après ce qui a vraiment été un long voyage loin de chez elle. 

Intervieweuse : Gracia Dyer Jalea Vidéographe : Liz Miller Mercredi 14 avril 2010

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

DES QUESTIONS À SE POSER

» Quels sont les intérêts et les passions du groupe avec lequel vous travaillez ?

» Comment tenir compte des intérêts des personnes interviewées et des participants dans l’élaboration de votre projet et de la méthode employée dans le cadre de celui-ci ?

» Quels rôles actifs les participants peuvent-ils jouer à chacune des étapes de la production ?

» Comment votre projet peut-il contribuer à la réalisation des objectifs permanents de votre organisme partenaire ?

» Quel est votre public idéal ? Pour qui créez-vous ces produits médiatiques, et pourquoi ?

RÉFÉRENCES

Blackman, Anna et Tiffany Fairey. The PhotoVoice Manual: a Guide to Designing and Running Participatory Photography Projects. Londres : PhotoVoice, 2008.

Gregory, Sam, Gillian Caldwell, Ronit Avni, Thomas Harding, Witness. Video for Change: A Guide for Advocacy and Activism. Londres : Pluto Press, 2005.

Scully, John. « Media Literacy and Youth Culture Workshop », présenté au Photo Educator’s Forum, Université Ryerson, Toronto, 2 mai 2008.

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Sans une prise de conscience de nos propres préjugés et de leur incidence sur nos comportements, aucun changement n’est possible. C’est en partageant nos histoires que nous apprendrons à nous connaître, à découvrir ce que nous avons en commun, à comprendre les réalités de chacun et à témoigner de l’empathie les uns envers les autres. Cynthia Beaudry, coordonnatrice jeunesse, Conseil canadien pour les réfugiés.

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05DE JEUNES RÉFUGIÉS LGBTQ EN PAYS D’ACCUEIL

APPARTENANCE

Avez-vous déjà eu l’impression qu’on vous avait jugé avant même de vous connaître ? Que vous deviez cacher une partie de vous-même de peur d’être ridiculisé, intimidé ou même attaqué ? Quels sont les stéréotypes ou les mythes véhiculés sur les réfugié(e)s lesbiennes, homosexuels, bisexuels, transgenres et queers (LGBTQ) ? Sur les jeunes LBGTQ ? Comment les médias contribuent-ils à entretenir ou à réfuter ces mythes ? Plusieurs d’entre nous pourraient raconter des moments où ils se sont sentis incompris, où ils ont dû jouer un rôle qui n’était pas le leur. Les projets multimédias participatifs offrent une occasion de combattre les stéréotypes en permettant aux gens de s’exprimer dans leurs propres mots.

IDENTITÉ, APPARTENANCE ET LIEU

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

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DE JEUNES RÉFUGIÉS LGBTQ EN PAYS D’ACCUEIL ATELIERS MULTIMÉDIAS AVEC SOY EXPRESS Liz Miller

APERÇU Pendant deux ans, l’équipe de Cartographie des souvenirs a collaboré avec SOY Express, un groupe de soutien de Toronto pour les jeunes lesbiennes, homosexuels, bisexuels, transgenres et queers (LGBTQ) ayant une expérience de réfugié. Deux projets médiatiques sont nés de notre collaboration. Ils traitent du processus difficile de quitter son chez-soi et des défis à relever pour s’établir dans un nouvel endroit.

Notre premier projet, Si seulement j’avais su, comportait deux ateliers de fin de semaine qui ont donné lieu à une série d’impressions numériques exposée à l’échelle nationale.

Le deuxième projet, une collabora-tion avec Express et Jane’s Walk Toronto, s’est traduit par une visite guidée piétonne et en ligne intitulée De jeunes réfugiés LGBTQ en pays d’accueil. Dans les deux cas, des récits personnels ont servi à briser les stéréotypes contre les jeunes ayant une expérience de réfugié et à créer un sentiment d’appartenance chez les participants.

Express est l’un des nombreux projets de Supporting Our Youth (SOY), un programme mis sur pied en 1991 afin d’améliorer la vie des jeunes lesbiennes, homosexuels, bisexuels, trans-sexuels et transgenres de Toronto. Express offre un lieu de soutien pour les jeunes homo-sexuels et transgenres âgés de 16 à 29 ans, qu’ils soient immigrants, nouveaux arrivants au Canada, réfugiés, demandeurs d’asile ou sans statut. La plupart des participants viennent de pays ou de cultures où il n’est pas sécuritaire, légal ou facile d’être LGBTQ ou transgenre ; c’est ce qui a poussé certains d’entre eux à demander asile en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Express accompagne ces jeunes dans la présentation de leur demande et leur offre un soutien affectif par le biais de rencontres portes ouvertes hebdoma-daires. Pour de plus amples informations, visitez leur site à l’adresse www.soytoronto.org.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

EXPRESS

Nous étions huit autour de la table. Nous écoutions attentivement Aamail Esmer décrire son ambivalence quant à la façon dont il avait dû formuler son expérience de réfugié homo-sexuel à l’agent des services fron-taliers, à son avocat et à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada : « Tu dois faire en sorte que quiconque lit ton formu-laire de renseignements personnels (FRP) se dise : « Oui, cette personne devrait obtenir le statut de réfugié ». Tu dois évidemment dire la vérité, mais tu dois te présenter comme une victime ». Aamail poursuit : « Je ne suis pas qu’un homosexuel, je suis aussi un musulman, un homme, un Pakistanais, un jeune, un étudiant et un fils. Or, peu importe qui nous sommes, on nous colle des étiquettes : Vous êtes ceci, vous êtes cela, vous êtes quoi ? »

Par la suite, Samantha Colombon a relaté son arrivée au pays et son expéri-ence auprès d’un agent des services frontaliers canadiens musulman. Elle imaginait qu’il aurait pu exercer de la discrimination à son égard si elle avait révélé son identité lesbienne et les raisons de sa venue à Toronto. « À ce moment-là, ta vie est entre les mains de quelqu’un d’autre  », explique-t-elle. «  Ils veulent tout savoir sur toi, mais tu ignores qui ils sont ou ce qu’ils

pensent de toi, et cela suscite en toi un sentiment d’impuissance ». Même si le groupe a contesté la supposition de Samantha voulant que tous les musulmans soient homophobes, nous comprenions sa peur. Nous avons discuté du déséquilibre des pouvoirs entre un agent des services frontaliers et une personne demandant l’asile. Des membres du groupe ont confirmé que les agents des aéroports font fréquemment preuve de harcèle-ment basé sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Samantha a répété : « À ce moment-là, ta vie est entre les mains de quelqu’un d’autre ».

Les jeunes assis autour de la table étaient des membres actifs d’Express, un groupe de soutien pour les jeunes nouveaux arrivants LGBTQ qui se réunit hebdomadairement pour résoudre les problèmes les plus urgents, tels que trouver un travail, un logement ou un avocat. Ces jeunes revenaient chaque semaine, en raison surtout des amitiés nouées et des réseaux offerts par le groupe, mais également du milieu sécuritaire créé par le coordonnateur, Suhail AbualSameed. Ils partageaient tous l’expérience d’avoir été obligés de quitter leur famille, leur chez-soi et leur pays parce qu’ils avaient été persécutés à cause de leur orientation sexuelle.

OBJECTIFS DES ATELIERS

Les ateliers de fin de semaine étaient le fruit d’une collaboration entre Express et Cartographie des souvenirs qui consistait en un projet de recher-che multimédia participatif auprès de jeunes ayant une expérience de réfugié. En plus des cinq jeunes participants, les ateliers réunissaient le coordonnateur d’Express, Suhail AbualSameed, la documentariste Martha Stiegman, et moi-même, Liz

QU’EST-CE QU’UN STÉRÉOTYPE ?

Un stéréotype est une idée préconçue et généralisée sur une personne ou une communauté, fondée sur une vision réductrice et simpliste du comportement ou de l’apparence. Les stéréotypes, positifs ou néga-tifs, sont souvent basés sur des présomptions vou-lant que tous les membres d’une communauté soient pareils.

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Miller, également documentariste. Suhail avait recruté les participants et organisé la tenue des ateliers au Sherbourne Health Centre, à Toronto, où ont lieu les réunions d’Express. Il voulait que le groupe soit diversifié. C’est la raison pour laquelle il avait choisi de nouveaux arrivants, mais également des réfugiés qui résidaient à Toronto depuis un certain temps et qui pouvaient partager leurs connais-sances durement acquises avec les nouveaux arrivants.

L’atelier avait pour but de créer un environnement sécuritaire qui favoriserait le dialogue, la réflexion et le travail créatif à l’aide d’une variété de supports médiatiques. Nous voulions offrir aux participants comme Aamail une occasion d’user de créativité pour présenter leur histoire dans leurs propres mots, sous un éclairage autre que celui de « victimes » demandant asile. Nous espérions que les œuvres créées favoriseraient une meilleure compréhension par le grand public et les décideurs qui traitent les dossiers des demandeurs du statut de réfugié persécutés en raison de l’orientation sexuelle.

Plusieurs participants étaient encore en train de faire des démarches pour demander le statut de réfugié. Leur participation aux ateliers servait leur cause en ce sens qu’elle fournissait la «  preuve  » qu’ils étaient LGBTQ, ce qui peut parfois être déterminant dans les cas de demandes d’asile. En même temps, des facteurs importants devaient être pris en compte avant de divulguer leurs récits de vie à un public plus vaste : que voulaient-ils dévoiler ? Quelles répercussions négatives pourrait-il y avoir  ? Qui aurait besoin d’entendre ces récits ?

EXERCICES D’ÉCRITURE

Le premier atelier combinait la photog-raphie et l’écriture. Chaque participant devait produire un montage de textes et de photos en vue d’une exposition. La première journée, nous leur avons montré des exemples de projets de montage photo, de collage et de PhotoVoice (photo accompagnée d’un texte). Nous avons débuté par un exer-cice d’écriture rapide en demandant aux participants de rédiger un texte sur un objet qu’ils avaient emporté avec eux dans leur périple au Canada.

Au bout de quinze minutes, nous nous sommes réunis autour de la table et nous avons partagé des extraits de ces textes. L’exercice avait suscité une foule de récits sur les conditions qui avaient mené à leur départ rapide et au voyage difficile vers Toronto. Des décisions difficiles à prendre, une absence de choix, le fait d’être arrivé à un carrefour dans la vie et les rela-tions familiales sont quelques-uns des thèmes qui ont émergé de ces discussions.

Samantha et un autre participant ont fait remarquer qu’ils n’avaient emporté aucun objet avec eux. «  Lorsque tu arrives dans un nouveau pays, tu ne peux pas vraiment emporter beaucoup de choses. Tu n’as qu’un seul bagage pour transporter ta vie entière. Tu dois tout laisser derrière et simplement arriver avec tes émotions. Tu dois passer à autre chose », a expliqué Samantha. Pendant que les participants par-tageaient leurs extraits de textes et entraient dans les détails de leurs histoires, les animatrices et d’autres membres du groupe commentaient certaines parties de leurs récits qui touchaient des cordes sensibles et pouvaient être travaillées davantage pour faire avancer le projet.

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

PHOTOGRAPHIE

Nous avons par la suite animé un atelier sur les notions de base en photogra-phie et en composition, suivi d’un rallye photo dans lequel les étudiants disposaient de vingt minutes pour prendre dix photos spécifiques. Le rallye constituait un complément idéal aux exercices d’écriture intenses et a permis au groupe de pratiquer les tech-niques photographiques apprises dans l’atelier. À la fin de la première journée, chaque participant est retourné à la maison, avec un appareil photo, avec le mandat de prendre des photos qui pourraient illustrer les textes écrits en début d’atelier.

Le lendemain, les participants ont apporté leurs photos et nous les avons étudiées en groupe. Certains ont écrit de nouveaux textes à partir des photos qu’ils avaient prises, alors que d’autres ont utilisé les photos pour structurer et peaufiner les écrits entamés la veille. Nous avons passé la deuxième journée à écrire des ébauches, à partager des extraits et à échanger des idées, de sorte qu’à la fin de la première semaine, tous les participants avaient une idée du montage qu’ils allaient présenter lors de l’exposition finale. Les participants disposaient d’une semaine pour réviser leurs écrits et apporter les appareils photo à la maison pour parfaire leur travail.

Samantha a passé la semaine à travailler sur son collage intitulé Mon coffre du Cheshire, qui découlait de l’exercice d’écriture sur un objet. Sur l’une des photos, Samantha s’est représentée accroupie et vulnérable, tournant le dos à l’appareil photo. Sur une autre, elle tire de sous le lit une boîte de trésors personnels qui y étaient cachés. Sur la troisième photo de son collage, on voit un texte écrit à la main. Elle y

a intentionnellement laissé des mots rayés afin de communiquer le proces-sus chaotique de l’autoreprésentation.

Décrivant la vulnérabilité ressentie dans le cadre de ce processus, elle expli-que : « Tu découvres que tu ne veux pas parler de certaines facettes de ta personnalité parce qu’elles soulèvent un sentiment de honte. Tu ne sais pas si quelqu’un d’autre le comprendra ». (Luchs et Miller 2008).

CRÉER UN FORMULAIRE DE RENSEIGNEMENTS PERSONNELS QUI TIENNE COMPTE DE LA DIVERSITÉ SEXUELLE

Au cours de la deuxième fin de semaine, nous avons préparé un exercice inspiré des discussions anté-rieures sur les difficultés éprouvées

Un chat protège mon coffre du Cheshire. Il cache les émotions et les mensonges de ma vie là-bas. Ma grande parodie du chat du Cheshire.

Exercice de rallye photo

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par les demandeurs d’asile en tant que réfugiés LGBTQ. La plupart des participants s’étaient sentis incompris pendant le processus de demande. L’exercice consistait à modifier le formulaire de renseignements person-nels (FRP) que les participants avaient rempli à leur arrivée au pays. Nous avons demandé aux participants d’écrire une chose qu’ils auraient aimé déclarer dans leur FRP mais qu’ils pensaient ne pas pouvoir dévoiler au cours de leur processus de demande. Il pouvait s’agir de renseignements personnels non sollicités par leur avocat ou l’agent d’immigration, tels que des influences artistiques, des souvenirs personnels ou même des émotions conflictuelles.

Samantha a écrit sur la résilience, les contradictions personnelles et la signi-fication de son nom : « Samantha est un mot araméen, l’ancienne langue du Christ, qui signifie «  celui qui écoute ». C’est vrai que j’écoute tout le temps, même si parfois je ne veux pas. C’est le karma de mon nom  ». Suhail a conçu un modèle similaire au FRP original sur lequel les membres du groupe ont écrit leurs textes et inséré leurs autoportraits. L’exercice a été un franc succès et nous avons décidé d’incorporer les FRP remo-delés à l’exposition finale à titre de documents d’accompagnement des montages photo. La dernière journée de l’atelier, nous avons remis à chaque participant une feuille de papier vierge de 11 po x 17 po pour y agencer leurs photos et leurs textes. À l’aide de Photoshop, Suhail a créé une reproduction numérique de chaque montage pour permettre aux partici-pants d’y apporter des changements et de discuter avec lui de la version définitive.

QU’EST-CE QUE L’IDENTITÉ DE GENRE ?

L’identité de genre est la perception subjective d’un individu en tant qu’homme ou femme (cisgenre ou transgenre). L’orientation sexuelle fait référence à une attirance émotive, sentimentale ou sexuelle envers les hommes, les femmes ou les deux. Ces attirances forgent l’identité personnelle et sociale d’un indivi-du. Le terme « LGBTQ » est employé pour désigner les homosexuels, les lesbiennes, les bisexuels, les transgenres, les intersexués et les hétérosexuels hors normes. Le terme « queer » fait souvent référence à une ambiguïté tant de l’orientation sexuelle que de l’identité de genre  ; il est en fait la réappropriation d’une insulte et est fréquemment employé par les membres du groupe Express pour se désigner entre eux. Pour de plus amples informations, veuillez visiter « Positive Space Initiative » à l’adresse http://www.positivespaces.ca.

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LANCEMENT DE L’EXPOSITION SI SEULEMENT J’AVAIS SU

Une fois les panneaux imprimés, Suhail les a exposés à l’hôtel de ville de Toronto dans le cadre de la Journée mondiale des réfugiés. L’exposition, intitulée Si seulement j’avais su, était l’une des premières à mettre en lumière les questions d’orientation sexuelle dans le cadre d’un forum sur les réfugiés comme celui de Toronto. L’exposition a été couverte par les médias et vue par des employés d’organismes d’établissement, des membres de groupes confessionnels, des fonctionnaires et des employés

municipaux. Erasmo López V., un des jeunes exposants, a été stimulé par l’accueil favorable : « J’ai eu l’occasion de parler de l’exposition et de discuter avec plus de cent personnes à l’hôtel de ville. Ils ont pu voir ce qu’il y avait dans nos cœurs et dans nos vies  » (Stiegman 2008).

Leurs œuvres ont également été exposées un mois au Sherbourne Health Centre à Toronto, pour ensuite faire partie de différents événements parrainés par des organismes LGBTQ à Toronto et partout au Canada. L’accueil réservé à l’exposition a été extraordinaire et les jeunes ont reçu le prestigieux prix Youth Line Award pour «  leur contribution unique à la promotion de la communauté ».

RÉFLEXIONS

Le succès de l’atelier et de l’exposition Si seulement j’avais su est dû en grande partie à l’engagement de Suhail, le coordonnateur d’Express, dans le projet. Il a participé à la planification, à la conception, à la production et à

Erasmo López V. présente, hôtel de Ville, Toronto.

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Si seulement j’avais su, UQAM, Montreal

Si seulement j’avais su, montage par Erasmo López V.

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L’aspect le plus difficile de la démarche est d’apporter des preuves à l’appui de la demande, parce que les membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ne reçoivent que peu ou pas de formation et de sensibilisation pour inter-venir auprès des demandeurs d’asile LGBTQ. En plus de «  prouver  » qu’ils ont été victimes de violence, les demandeurs doivent également démontrer leur orientation sexuelle. On s’attend à ce qu’ils aient des comportements stéréotypés ou immédiatement as-similables aux « gais » par la personne qui évalue leur cas.

Pour illustrer ce fait, il suffit de mentionner que des avocats expérimentés spécialisés en droit de l’immigration vont aviser leurs clients de « s’habiller pour l’occasion », car les membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié sont reconnus pour lancer des affirmations telles que « Mais vous n’avez pas l’air d’une personne gaie, comment pou-vez-vous le prouver ? » Cette présomption repose sur des aprioris concernant la façon de s’habiller ou de se comporter des LGBTQ et ne tient pas compte des différences culturelles. En outre, il est difficile pour des personnes qui ont passé des années à cacher leur identité LGBTQ de peur d’être persécutées de se présenter devant un agent en arborant l’habillement ou l’attitude auxquels il s’attend.

Les barrières linguistiques et culturelles, ou un avo-cat ou un traducteur homophobes, peuvent ag-graver l’angoisse et l’incompréhension éprouvées par les demandeurs. Le coordonnateur d’Express, Suhail, a donné à son groupe de jeunes un conseil très pratique, soit de veiller à ne pas briser les ponts avec leurs anciens amoureux. La raison en est bien simple : les demandeurs doivent également fournir des preuves d’activités sexuelles constituées de pho-tos ou de lettres démontrant une relation intime avec quelqu’un du même sexe.

Les politiques identitaires restreintes aux seules pratiques sexuelles posent problème et sont humi-liantes pour beaucoup de personnes aux prises avec la honte et la peur liées à leur orientation sexuelle. Le groupe Express leur offre un milieu irrempla-çable pour partager leurs expériences et échanger des conseils en vue de préparer leurs audiences. En décernant à ces jeunes demandeurs d’asile un certi-ficat de participation aux ateliers multimédias, nous leur avons également donné un autre moyen de « prouver » leur identité LGBTQ.

Si seulement j’avais su, par Aamail Esmer

QU’Y A-T-IL DE SINGULIER DANS LE FAIT D’EFFECTUER UNE DEMANDE DE STATUT DE RÉFUGIÉ À TITRE DE « LGBTQ » ?

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l’étape critique de la diffusion de leurs œuvres (voir chapitre 6). La confiance qui régnait entre les participants était un prolongement des rapports chal-eureux que Suhail cultivait au sein de son groupe de soutien. Il était emballé par le processus. Il a expliqué que le petit nombre de participants aux ateliers de l’équipe de Cartographie des souvenirs avait permis à ces der-niers d’aborder des sujets plus intimes ensemble.

Les ateliers ont également donné l’occasion à Suhail et à son groupe de passer temporairement d’un service de première ligne à un groupe défendant une cause. La démarche des ateliers et les expositions ont permis aux participants de déterminer comment transposer ou adapter leurs expériences personnelles pour le grand public. Comme l’a mentionné Aamail, un des participants, « L’atelier m’a donné la possibilité de communi-quer mon vécu autrement que de la façon dont je l’ai fait au cours des cinq dernières années. Tu te rends à une conférence et tu parles de ce que tu vis « en tant que réfugié ».

C’est la même histoire qu’on répète aux gens : «  Je suis une victime  ». C’était différent dans ce cas-ci. Je disais : «  Voici ce que je suis et ce que je ressens par rapport à certaines choses. Je n’ai pas à justifier ce que je ressens et je parle de moi d’une manière plus créative… C’est comme un poème, et vous pouvez en tirer ce que vous voulez ». (Luchs et Miller 2008).

La réflexion d’Aamail faisait référence à une ambivalence que Samantha, lui et les autres participants avaient vécue. Ils voulaient pouvoir désamorcer des souvenirs pénibles et partager leurs histoires avec un public plus vaste, mais ils voulaient également aller au-delà du discours qui les dépeignait essentiellement comme des « réfugiés gais » ou des « victimes ». Samantha a revendiqué par écrit sur son FRP le souhait d’être considérée comme une personne résiliente : «  Je sais que je suis forte parce que je suis encore en vie. J’ai beaucoup lutté pour devenir qui je suis ».

Dans mon œuvre, je disais : « Voici ce que je suis et ce que je ressens par rapport à certaines choses. Je n’ai pas à justifier ce que je ressens et je parle de moi d’une manière plus créative… C’est comme un poème, et vous pouvez en tirer ce que vous voulez ».

Aamail Esmer

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

UNE VISITE GUIDÉE

Vu le succès du premier projet, les équi-pes de Cartographie des souvenirs et d’Express souhaitaient vivement colla-borer à nouveau. Nous voulions cette fois-ci incorporer certaines méthodes, comme la cartographie libre, que nous explorions dans d’autres projets de Cartographie des souvenirs.

Express avait entrepris une nouvelle collaboration avec Jane’s Walk Toronto, un groupe qui travaille avec des guides bénévoles pour organiser des visites de quartier. Les visites guidées sont un hommage et une poursuite du travail mené par la géographe urbaine Jane Jacobs pour rendre les villes plus piétonnières et s’assurer que les citoyens participaient à la planification urbaine. Jane’s Walk rassemble des gens passionnés par leur quartier pour discuter de culture,

d’histoire et de politique contempo-raine de quartier, et pour s’engager dans des initiatives locales.

En 2009, Jane’s Walk avait planifié 70 visites guidées à Toronto. L’organisme souhaitait pour la première fois s’assurer de la participation de jeunes comme guides. Une visite guidée de Jane’s Walk confère autant d’importance à un coin de rue ou à un café qu’à un monument officiel ou à un parc. La particularité de cette marche-ci serait la perception unique de notre groupe d’un endroit bien connu, le Church Wellesley Village. Cette marche différerait des autres «  visites guidées sur l’histoire des gais  » en insistant sur le fait que les réfugiés et les personnes de couleur perçoivent ce quartier différemment.

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LE RÉCIT MÉDIATIQUE LOCALISÉ

« L’humain ressent le besoin fondamen-tal de se rattacher à un lieu, à un chez-soi et à des «  racines  ». Ces éléments forgent notre identité culturelle » (Butler 2001, 366).

L’animateur Jeb Kilbourn a rencontré quatre participants d’Express à trois reprises sur une période d’un mois pour planifier la visite guidée intitulée De jeunes réfugiés LGBTQ en pays d’accueil. Jeb a commencé par leur poser des questions, entre autres : quels sont certains lieux de rencontre importants dans votre quartier  ? De quels lieux êtes-vous les plus fiers  ? Où vous sentez-vous le plus à l’aise ? Où vous sentez-vous en danger et pourquoi ? Les guides ont choisi cinq endroits importants à leurs yeux dans le quartier où se trouve Express.

Images de la visite guidée piétonnes « Queer is in the Eye of the Newcomer ».

Chacun des guides a écrit une histoire sur les lieux en question. Certains guides ont comparé ce quartier de Toronto aux endroits d’où ils venaient. Par exemple, un participant a mention-né l’absence d’espaces libres pour les jeunes gais en Azerbaïdjan, son pays d’origine : « Chez moi, nous n’avons pas de village ou même de bar gai, nous n’avons qu’un organisme LGBTQ pour lequel je faisais du bénévolat, mais nous devons le garder secret » (Miller 2008). L’habileté dont les jeunes ont fait preuve pour comparer les cultures qu’ils avaient quittées aux cultures qu’ils découvraient a suscité l’intérêt des participants à la visite guidée. C’était également un moyen pour les membres du groupe de réfléchir à leur propre parcours et leur établissement dans un nouveau pays.

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QUEER IS IN THE EYE OF THE NEWCOMER

Le groupe Express se rencontre chaque semaine au Sherbourne Health Centre. C’est ici que

les guides se sont présentés et ont partagé leurs premières impres-sions d’Express. Les guides ont souligné le contraste entre les inter-actions dynamiques qui y ont lieu et l’apparence plutôt terne du centre de santé. Un guide a fait rire tout le monde en disant qu’il s’attendait à trouver un travesti à l’entrée qui souhaitait la bienvenue aux nouveaux arrivants.

«  Le coin des au revoir  » est l’endroit où les membres d’Express se quittent chaque

semaine après la rencontre du groupe de soutien. Ils y ont partagé leurs histoires d’adieu personnelles – les circonstances qui les ont forcés à quit-ter leur pays d’origine, souvent sans pouvoir faire d’adieux appropriés.

L’aire de restauration est l’endroit où les participants se rencontrent après la réunion officielle du

groupe de soutien pour discuter de questions personnelles et pour échan-ger des conseils pratiques, par exemple comment obtenir une nouvelle carte d’identité afin d’éviter d’être identi-fié comme réfugié. Les réfugiés ne veulent pas utiliser la carte d’identité qu’ils reçoivent à leur entrée au pays pour entrer dans un bar. L’amour, le sexe et la possibilité de s’engager dans une relation avec d’autres membres du groupe de soutien sont les sujets les plus souvent abordés pendant les repas.

DE JEUNES RÉFUGIÉS LGBTQ EN PAYS D’ACCUEIL

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Buddies in Bad Times Theatre est un théâtre gai qui offre des soirées à micro ouvert pour les nouveaux talents. Ici, les participants à la visite guidée ont pu entendre chanter l’un des

guides. Ayant été chanteur profession-nel dans son pays d’origine, le guide a expliqué l’importance que le théâtre avait revêtue pour lui alors qu’il luttait pour trouver sa voie dans un nouvel environnement.

La visite guidée s’est terminée sur la rue Church, au centre d’un des plus grands quartiers LGBTQ de Toronto. Les guides y ont partagé leurs premières impressions de l’endroit, indi-

quant leurs bars favoris et décrivant candidement comment ils se sont vus réduits à l’état d’objets et ont subi de la discrimination à cause de leur race ou de leur ethnicité. Ils ont discuté des problèmes qu’ils avaient rencontrés en cherchant des endroits sécuritaires pour tenir des réunions de groupes gais dans leurs propres pays.

DE JEUNES RÉFUGIÉS LGBTQ EN PAYS D’ACCUEIL

QUI EST JANE JACOBS ET EN QUOI CONSISTE UNE VISITE JANE’S WALK ?

Jane Jacobs est née aux États-Unis en 1916. Elle était écrivaine et militante communautaire. Elle est surtout connue pour son œuvre The Death and Life of Great American Cities (1961). Après sa venue au Canada en 1968, la plupart de ses projets ont toutefois porté sur les villes canadiennes. Elle a critiqué plusieurs politiques et projets de rénovations urbaines en Amérique du Nord, dont la construction de grandes autoroutes, parce qu’elle estimait qu’ils brisaient la fluidité et l’esprit des quartiers. En plus d’écrire, elle militait au sein d’organisations populaires visant à faire échec aux projets qui ne correspondaient pas aux besoins des quartiers. Pour de plus amples informations, rendez-vous à l’adresse www.janeswalk.net.

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CARTOGRAPHIER LA VISITE EN LIGNE

L’équipe de Cartographie des souve-nirs a aidé les guides à créer une version en ligne de la visite dans l’intention d’élargir la portée du projet, de motiver d’autres personnes à s’engager dans des projets similaires et d’étudier ce que la cartographie de récits en ligne pouvait apporter à la visite guidée. Pour ce faire, nous avons filmé les récits la veille de la visite guidée et lors de la visite elle-même. Nous avons pu apporter notre contri-bution au projet grâce à la confiance et à la cohésion que Suhail et Jeb avaient instaurées au sein du groupe.

Nous avons utilisé deux plateformes en ligne pour cartographier les récits de la visite Jane’s Walk. Nous avons tout d’abord relié les vidéos aux coor-données géographiques des arrêts de la visite à l’aide de Google Maps. Nous avons créé notre site Internet grâce au logiciel Drupal, une plate-forme de gestion du contenu qui nous a permis d’enchâsser Google Maps dans chacun de nos projets. Nous avons compressé les 25 courtes

vidéos (cinq récits par lieu) et nous les avons téléchargées dans Blip, un lecteur vidéo en ligne gratuit, pour ensuite les incorporer aux cartes. En cartographiant les arrêts de la visite de cette façon, les internautes ont un aperçu panoramique des endroits visi-tés et du quartier dans son ensemble. Ils peuvent visiter les points d’arrêts quand bon leur semble sans néces-sairement suivre le même circuit que la visite guidée.

CARTOGRAPHIER À L’AIDE DE LA PLATEFORME KORSAKOW

Nous avons par la suite répertorié les récits par thème et par narrateur. Pour ce faire, nous nous sommes servis de la plateforme Korsakow, un logiciel libre gratuit servant à créer des récits sous forme de bases de données. Nous avons classé les vidéos selon les thèmes choisis et créé nos premiers récits sous forme de base de données. Le tutoriel en ligne et le manuel de Korsakow nous ont aidés dans le processus technique (korsakow.org).

La plateforme Korsakow a été inventée par Florian Thalhofer, un artiste et cinéaste de Berlin. Il a mis au point son logiciel libre, qui peut être téléchargé gratuitement, avec le soutien et l’aide de CINER-G, un groupe de re-cherche de l’Université Concordia sur les projets narratifs interactifs. Cette forme de récits permet à l’utilisateur ou au spectateur de choisir un chemin narratif selon certains personnages ou thèmes, tels que « conseil de rencontre » ou « deux vies ». Un visiteur du site peut dès lors décider de suivre le récit d’une personne ou de naviguer sur le site par thèmes déclencheurs. Lorsque vous visionnez une vidéo, des icônes d’autres vidéos sur le même thème ap-paraissent à l’écran et vous pouvez choisir votre prochaine étape en cliquant sur l’une d’elles. Ce type de « cartogra-phie » permet un certain degré d’interactivité et de prise de décisions de l’utilisateur.

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VISITES GUIDÉES VIRTUELLES ET PIÉTONNES

La visite virtuelle offrait un complé-ment à la visite guidée, et vice-versa. Pendant la visite à pied, les histoires se sont fondues en un seul récit, et la dynamique de groupe s’est renforcée. Les guides y ont également reçu un assentiment immédiat de la foule, ce qui les a aidés à comprendre comment leurs récits pouvaient toucher les gens et faire une différence.

Le tournage des vidéos effectué la veille avait permis aux guides de se pratiquer. Tout comme pour une prestation théâtrale, les membres du groupe ont amélioré leurs récits au fur et à mesure des prises. La répétition des récits leur a donné la confiance nécessaire pour leur permettre d’être spontanés et d’interagir avec les gens. Une fois enregistrés, les récits pouvaient exister indépendamment des narrateurs, qui étaient alors libérés de l’obligation de répéter leurs histoires.

Lorsque je me suis vu en train de racon-ter mes histoires dans le quartier et que j’ai constaté que mes récits étaient liés au fait d’être gai à Toronto, j’ai réalisé que je m’incluais dans la communauté gaie de Toronto. Ma participation à ce projet a donc été pour moi une excellente façon de voir comment je pouvais m’intégrer à cette nou-velle société.

Felipe, participant à l’atelier

UN LANCEMENT PUBLIC

Une fois les récits cartographiés, nous avons invité les jeunes guides de Toronto à Montréal pour lancer la visite guidée en ligne et partager leur expérience dans le cadre d’un événe-ment organisé par Ethnoculture, un organisme qui rassemble les minorités gaies de Montréal (www.ethnoculture.org).

Cela nous a donné l’occasion de consulter les participants et de recon-firmer que nous avions le consentement de tous pour mettre l’œuvre en ligne. Nous voulions partager le projet avec des groupes de jeunes et de gais à Montréal dans l’espoir de les inciter à organiser leurs propres visites guidées.

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une différence de taille entre les deux types de visites guidées. Nous avons discuté des conséquences potentiel-lement néfastes avant de filmer et avant de télécharger le contenu en ligne. Dans son travail auprès des mili-tants pour les droits de la personne, le groupe de sensibilisation par la vidéo Witness insiste sur le fait que si du matériel médiatique est diffusé, particulièrement sur Internet, il faut présumer qu’un oppresseur ou un opposant peut le voir. Nous avons discuté de ce fait avec les participants et mis l’accent sur le fait qu’une telle diffusion est imprévisible et indépen-dante de notre volonté.

Un de nos guides touristiques voulait participer, mais craignait de montrer son identité sur Internet. Il ne voulait particulièrement pas que son père voit la vidéo et découvre où il se trou-vait  ; il ne voulait pas non plus que sa première présentation vidéo soit un enregistrement sous couvert de l’anonymat, puisqu’il avait déjà vécu entouré de beaucoup de secret. Nous avons donc filmé la vidéo sans utiliser de technique pour cacher son iden-tité. Par contre, nous avons trouvé une façon de protéger son identité lors du montage en voilant légèrement son visage. L’effet technique pourrait être enlevé plus tard. Cette expé-rience a illustré la nécessité de porter une attention particulière à chaque personne. Elle a également démontré la dichotomie entre un support média-tique qui capte un moment figé dans le temps et la formation de l’identité, qui est en constante évolution.

Un an plus tard, nous avons demandé à ce même guide s’il voulait devenir un employé de Jane’s Walk et animer une deuxième visite avec un nouveau groupe d’Express. Il est passé de participant à animateur, et le projet

L’événement a fourni une belle oc-casion de réfléchir sur l’expérience de la visite et du projet de cartogra-phie. Comme Gabe, un participant, l’a mentionné, « Prendre part à ce projet était électrisant. Je n’avais jamais révélé que j’étais gai et je l’ai fait pour ce projet. Je suis gêné, mais je me suis rendu compte que je pouvais agir en suivant ma voix intérieure. Je suis gai, mais je peux faire une différence. Je peux aider les gens qui sont sans recours. Nous voulons savoir si les gens de Montréal aimeraient bâtir quelque chose à partir de ce que nous faisons. Nous essayons de voir si nous pouvons faire participer les jeunes  » (Stiegman 2009).

L’expérience a permis à Gabe de se révéler non seulement en tant que gai, mais également en tant que leader prêt à s’impliquer et à engager les autres. La composante vidéo du projet de cartographie a servi de miroir aux participants et leur a donné la pos-sibilité de mieux envisager leur place au sein de la communauté. Felipe a également partagé ses impressions : «  Lorsque je me suis vu en train de raconter mes histoires dans le quartier et que j’ai constaté que mes récits étaient liés au fait d’être gai à Toronto, j’ai réalisé que je m’incluais dans la communauté gaie de Toronto. Ma participation au projet a donc été pour moi une excellente façon de voir comment je pouvais m’intégrer à cette nouvelle société » (Stiegman 2009).

PROTÉGER L’IDENTITÉ

Transposer De jeunes réfugiés LGTBQ en pays d’accueil pour Internet impli-quait des négociations difficiles. La visite en ligne ne se limitait pas à un public local, et les risques associés à une exposition à un public mondial inconnu et plus vaste représentaient

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vidéo l’a aidé à saisir comment son histoire pouvait inspirer d’autres personnes vivant dans des circons-tances similaires. Sa vidéo comporte toujours l’effet de flou, mais son rôle en tant que mentor et organisateur a néanmoins évolué. Il était essentiel qu’il comprenne les options qu’il avait pour révéler son identité en ligne, de telle sorte qu’il puisse soigneu-sement soupeser à la fois la source d’inspiration qu’il pouvait être pour les autres et son besoin de se protéger. Cette situation a également renforcé ma conviction que les personnes ont besoin de temps pour résoudre des questions complexes relatives au consentement et aux conséquences de rendre une histoire publique. Il est essentiel de prendre le temps de faire la part des choses, particulièrement lorsqu’on travaille auprès des jeunes.

LES RÉPERCUSSIONS

Lorsqu’il décrit l’activité collaborative, l’historien oral Michael Frisch soutient qu’un «  engagement à partager l’autorité est un début et non une fin. Il n’existe pas de réponses ou de formules faciles et pas de leçons simples  » (Frisch 2003, 111). Cela s’applique à la production et à la dif-fusion de projets participatifs.

La plupart des participants d’Express avaient la motivation de «  rendre la pareille ». Ils étaient reconnaissants du soutien qu’ils avaient reçu d’Express et ils espéraient qu’en partageant leurs histoires, ils pourraient aider les nouveaux arrivants à passer au tra-vers du difficile processus d’adaptation à un nouvel endroit. Les participants voulaient se servir de leurs œuvres pour que les nouveaux arrivants sachent qu’ils n’étaient pas seuls. Les participants d’Express vou-laient également que leurs histoires

parviennent aux membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui évaluent les demandes des réfugiés LGTBQ. Ils espéraient que la diversité de leurs histoires permettrait aux membres de la Commission de mieux comprendre la difficulté de prouver l’orientation sexuelle et les circonstances spéci-fiques de la persécution. En tant que groupe, nous nous sommes souvent demandé «  Qu’est-ce qu’un membre de la Commission doit comprendre avant de prendre des décisions sur les demandes de réfugiés LGTBQ ? » C’était d’autant plus important qu’il n’existait à ce moment-là aucune formation obligatoire sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre pour ces décideurs. Nous nous sommes également rendu compte de la néces-sité d’une formation plus poussée sur la sensibilisation dans les domaines de l’assistance juridique, des soins de santé et de counseling en matière de santé mentale.

Une autre répercussion importante de la collaboration avec Express est ap-parue un an après la tenue de l’atelier. Inspiré par le projet d’Express, AGIR (Action LGBT avec les immigrants et les réfugiés) a invité l’équipe de Cartographie des souvenirs à animer un atelier intensif de quatre semaines sur le récit numérisé, auquel ont participé treize personnes en pro-venance de l’Afrique, des Caraïbes, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. Les vidéos des histoires ainsi obtenues ont été présentées au festival du film des LGBTQ de Montréal Image+Nation et à différents événements aux quatre coins de la ville. Les jeunes de Toronto avaient espéré que leurs récits en inspireraient d’autres, et ce fut le cas. Les efforts qu’ils ont déployés pour les rendre publics représentaient un premier pas important et courageux.

AGIR (Action Lesbienne, Gai, Bisexuelle, Trans et Queer avec les immigrants et les réfugiés) est un réseau de réfugiés, d’immigrants, de militants et de prestataires de services qui offrent des ressources et des services de référence juridique aux LGBTQ et aux nouveaux arri-vants à Montréal. Quatre des films produits dans le cadre de cet atelier se trou-vent sur le DVD de Cartographie des souvenirs.

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Cynthia Beaudry, coordonnatrice jeunesse Conseil canadien pour les réfugiés

Les jeunes réfugiés et immigrants au Canada sont souvent confrontés aux stéréotypes, aux préjugés, aux idées fausses et au racisme, et cela peut les amener à se sentir isolés, mar-ginalisés et désespérés. À titre d’exemple, plusieurs jeunes nouveaux arrivants ont l’impression qu’on les prend pour des mem-bres d’un gang ou des criminels à cause de leur façon de s’habiller ou de la couleur de leur peau. Certains sentent qu’on les con-sidère comme des voleurs d’emplois, des fardeaux pour le système d’aide sociale, des immigrants illégaux ou des fraudeurs plutôt que des travailleurs contribuant à l’économie du Canada. Ils sentent souvent qu’on les perçoit comme étant stupides ou illettrés à cause des barrières linguistiques, ou qu’on les soupçonne d’être des terroristes à cause de leur religion. On présume parfois que cer-tains nouveaux arrivants LGBTQ sont hétéro-sexuels à cause du mythe selon lequel les personnes de couleur ne peuvent pas être LGBTQ.

Nous assimilons tous des préjugés et des stéréotypes implicites, et ceux-ci ont une incidence réelle sur la façon dont nous per-cevons les autres : ceux en qui nous pensons pouvoir avoir confiance, ceux que nous esti-mons avoir leur place dans la société, ceux que nous considérons comme normaux et ceux qui selon nous ne le sont pas. Mais cela ne représente qu’une partie de l’équation. Les mythes, les stéréotypes, les idées faus-ses, les préjugés, les partis pris implicites et le racisme ne constituent pas seulement une désinformation, mais font également partie

de problèmes de société plus vastes. Si nous voulons une société diversifiée, nous devons contrer le racisme sur le plan structurel et politique formel, mais également sur le plan implicite et émotionnel.

Si nous ne déployons pas d’efforts conscients pour démasquer nos préjugés implicites, ils peuvent influencer notre façon d’interagir avec les autres et motiver nos choix d’amis, mais également nos choix d’employés, de lo-cataires, de colocataires, de médecins et de politiciens. Nous sommes tous affectés par le racisme individuel et systémique, mais nous avons aussi et surtout le pouvoir de changer et de transformer les systèmes. Ce ne sont pas nécessairement des renseignements concrets qui amènent les gens à changer, mais l’interaction avec « l’autre ». C’est en se parlant que nous allons apprendre à nous connaître, à voir ce que nous avons en com-mun, à comprendre les réalités de chacun et à témoigner de l’empathie les uns pour les autres. Nous devons lancer des initiatives et créer des espaces d’interaction.

POUR EN SAVOIR DAVANTAGE

Défaire les mythes à propos des jeunes nou-veaux arrivantshttp://ccrweb.ca/fr/defaire-les-mythes/accueil

Prends parole! propage la voix des jeunes nouveaux arrivants au Canadahttp://ccrweb.ca/fr/jeunes/implique-toi

TOUT EST INTERRELIÉ

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PREMIÈRE FIN DE SEMAINE : ÉCRITURE ET PHOTOGRAPHIE

» Présentez l’atelier en montrant des projets PhotoVoice et des montages photo.

» Établissez un objectif commun, déterminez un public cible et passez en revue le consentement éclairé.

» Expliquez que chaque participant disposera de deux panneaux de 11 po x 17 po pour l’exposition finale.

» Animez des séances d’écriture rapide de quinze minutes :

» Décrivez un objet que vous avez amené avec vous ou laissé derrière.

» Si vous pouviez écrire une lettre à quelqu’un dans votre pays d’origine, comment décririez-vous votre plus grand défi depuis votre arrivée au pays ? Votre plus grande réussite ?

» Amenez les participants à partager des extraits de leurs écrits avec le groupe.

» Montrez aux participants la présentation PowerPoint sur la composition photographique. Initiez-les à la manipulation des appareils photo et engagez-les dans un rallye photo afin qu’ils puissent pratiquer les techniques apprises.

» Prêtez aux participants des appareils photo qu’ils pourront apporter chez eux jusqu’à l’atelier du lendemain, où ils étudieront ensemble les photos qu’ils auront prises la veille.

ATELIER MULTIMÉDIA DE FINS DE SEMAINE

DEUXIÈME FIN DE SEMAINE : MONTAGE

Les participants commencent par un exercice d’écriture sur ce qui les rend uniques. Ils écrivent quelque chose qu’ils ne pourraient pas incorporer au formulaire de renseignements personnels (FRP) que tous les réfugiés doivent remplir dans le cadre de leurs processus de demande d’asile afin de fournir leurs antécédents familiaux et leur historique d’emploi.

» Chaque étudiant prend sa photo pour accompagner sa recréation du FRP.

» Les participants disposent leur texte et leurs photos sur un papier vierge de 11 po x 17 po. S’ils veulent écrire leurs textes à la main, demandez-leur d’écrire à l’encre noire sur un carton blanc afin de pouvoir numériser leur texte.

» Révisez le formulaire de consentement et offrez la possibilité aux participants de faire une évaluation de l’atelier.

DOCUMENTER L’ATELIER

» Prenez des photos de chaque exposition. Menez des entrevues vidéo avec les participants relativement à leurs œuvres. Demandez aux visiteurs des expositions d’écrire leurs impressions.

Boîte à outils : Stylos, papier 11 po x 17 po, appareils photo numériques, ordinateur portable, projecteur, écran, clés USB, lecteur de carte. Niveau de difficulté : Débutant Temps : Atelier de deux fins de semaine

PowerPoint sur la composition

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ACTIVITÉS CONNEXES

Exercice de rallye photo

RALLYE PHOTO

Partez à la découverte de votre quartier d’une nouvelle façon. Travaillez en tandem, idéalement avec quelqu’un que vous ne connaissez pas très bien. Choisissez cinq idées de photographies à partir d’une liste qui vous est don-née. Si possible, cartographiez votre parcours et indiquez le lieu de chaque « découverte » sur la carte (vous pouvez dessiner vous-même la carte ou en imprimer une à partir du logiciel Google Maps). Au dos de la carte, créez une légende pour chaque photo. Ne vous préoccupez pas trop de l’apparence de la carte ; elle vous servira simplement d’outil pour vous rappeler certains élé-ments de votre aventure et les transmettre aux autres. Ne prenez pas de photos de personnes que vous ne connaissez pas, sauf si elles sont dans une foule ou si elles font partie d’une scène de rue.

EXÉCUTEZ VOTRE PROPRE COLLAGESamantha a réalisé un collage à l’aide de photos et de textes, une forme d’expression de soi. Choisissez votre propre matériel et effectuez un collage qui vous représente. Vous pouvez utiliser de vieilles photos, des photos que vous avez prises récemment, du texte ou des découpures de revues ou de journaux. Disposez tous les éléments sur du papier et collez-les ensemble, ou créez un collage numérique à l’aide de Photoshop. Pour vous inspirer, rendez-vous à l’adresse www.i-live-here.com ou www.sabrinawardharrison.com.

ORGANISEZ UNE VISITE DE VOTRE QUARTIER

» Établissez ce que vous souhaitez accomplir en organisant la visite.

» Proposez des histoires. Les souvenirs collectifs ou individuels sont un bon point de départ. Vous pouvez également chercher des histoires locales. Marchez dans le quartier pour vous inspirer.

» Planifiez votre trajet en photocopiant une carte de votre quartier. Servez-vous des histoires, des lieux et des gens dont vous voulez parler comme points de repère. Sélectionnez entre six et dix arrêts. La visite ne doit pas durer plus de deux heures.

» Faites participer plus d’un guide et pensez à intégrer une chanson ou une activité créative à la marche afin de l’agrémenter.

» Décidez de l’endroit où votre visite guidée prendra fin et limitez-la à une heure et demie afin que les participants puissent continuer à discuter par la suite.

» Répétez à l’avance et exercez-vous à parler fort. Vous pourriez songer à louer un petit microphone/amplificateur.

» S’il y a des marches ou des escaliers près des arrêts de votre visite guidée, utilisez-les pour créer une présentation de style « amphithéâtre ».

» Échangez avec votre public pendant la marche. Il est important d’équilibrer le discours, la marche et la conversation afin de ne pas lasser les participants.

Pour de plus amples informations, rendez-vous à l’adresse www.janeswalk.net.

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REVENDIQUER DES LIEUX

Prenez une photo d’un lieu qui pourrait représenter le plus haut niveau de pouvoir social au Canada. Vous pouvez prendre une photo d’une banque, d’un immeuble d’entreprise, d’un édifice du gouvernement, d’un établissement universitaire, d’un hôtel, d’une maison cossue – soyez créatif. Songez aux personnes qui y vivent ou qui y travaillent et identifiez leurs caractéristiques. Prenez ensuite une photo de vous à l’intérieur ou près de ce lieu. Comment vous situez-vous par rapport à cette représentation du pouvoir ? Êtes-vous à l’intérieur ou à l’extérieur ? Quelle ambiance allez-vous évoquer ? L’humour ? La colère  ? L’irrévérence  ? Nous avons tendance à être moins conscients du rôle que nous jouons au sein des structures du pouvoir que des oppressions ou des obstacles auxquels nous faisons face ou des choses que nous n’avons pas. En ayant cela en tête, écrivez une légende pour votre photo dans laquelle vous indiquez ce que vous avez en commun avec quelqu’un qui vit ou travaille à l’endroit photographié.

Pour élargir l’activité, prenez une photo qui représente chacune des formes de pouvoir :

» Pouvoir personnel – souvent dérivé du charisme, de la confiance en soi, du respect de soi, des réseaux de soutien et de caractéristiques individuelles que nous et d’autres valorisons.

» Pouvoir institutionnel/organisationnel – dérivé de notre poste, de notre mandat, de nos ressources, de notre longévité ou de notre ancienneté au sein d’un groupe.

» Pouvoir collectif – peut être utilisé pour lutter contre le pouvoir institutionnel ou organisationnel. Renforcer le pouvoir collectif signifie apprendre à être un allié. Un allié est quelqu’un qui défend et soutient les membres d’une communauté autre que la sienne, qui passe outre les différences pour atteindre des objectifs communs.

» Pouvoir social – pouvoir dérivé d’aspects de notre identité sociale, tels que le genre, la race, la classe sociale, l’orientation sexuelle, etc.

Exercice adapté de la formation contre l’oppression de Jeunesse Canada Monde, 2010.

PARTAGER VOS HISTOIRES

Plusieurs guides de la visite intitulée De jeunes réfugiés LGTBQ en pays d’accueil ont comparé les lieux de rencontre de Toronto aux lieux de rencontre LGBTQ dans leur pays d’origine. Où rencontrez-vous vos amis ? Écrivez sur des endroits où vous chercheriez des amis si vous deviez déménager dans un nouveau quartier, une nouvelle ville ou un nouveau pays. Certains guides ont mentionné que certains endroits dans le quartier étaient accueillants, mais également que d’autres les mettaient mal à l’aise. Décrivez les endroits dans votre quartier où vous vous sentez accepté. Qu’en est-il des endroits où vous vous sentez inquiet, réduit à l’état d’objet ou marginalisé ?

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EXERCICES D’ÉCRITURE

Faites une séance d’écriture rapide (dix minutes) sur deux circonstances parmi celles décrites ci-dessous ; choisissez-en une à laquelle vous vous identifiez et une à laquelle vous ne vous identifiez pas. Incluez des détails tels que l’endroit où vous étiez, avec qui vous étiez, ce que vous avez entendu et comment vous vous sentiez.

» Un moment où vous vous êtes senti mal à l’aise ou honteux à cause de vos vêtements, de votre maison ou de votre famille.

» Un moment où vous avez commencé à aller à l’école dans un endroit où on ne parlait pas votre langue maternelle.

» Un moment où on vous a raillé à cause de votre race, de vos origines ethniques ou sociales.

» Un moment où on vous a apporté moins de soutien que les autres au sein de votre famille à cause de votre identité de genre.

» Un moment où la police vous a embêté à cause de votre race ou de votre genre.

» Si vous voyez rarement des personnes de votre genre, race ou groupe ethnique dans des postes de pouvoir et de direction au sein du gouvernement, des principaux mouvements de justice sociale et des entreprises.

» Si vous voyez souvent des personnes de votre race ou groupe ethnique à la télévision ou dans les films dans des rôles que vous considérez comme dégradants.

» Un moment au cours des six derniers mois où on n’a pas tenu compte de votre opinion à cause de votre race ou de votre genre.

» Un moment où vous avez eu peur de présenter un ami ou un partenaire à votre famille ou à vos amis à cause de son orientation sexuelle.

Maintenant, effectuez une séance d’écriture rapide sur :

» Un moment où vous avez pris la parole pour défendre les droits de quelqu’un qui n’était pas de la même origine raciale ou ethnique que vous.

» Un moment où vous avez participé à un événement culturel qui n’était pas de votre culture.

» Un moment où vous avez écouté avec empathie une histoire d’immigration, d’homophobie ou de harcèlement sexiste ou racial, ou un moment où vous vous êtes enquis d’une telle histoire.

» Un héros qui n’est pas de votre origine ethnique ou raciale.

Exercice adapté de la formation contre l’oppression de Jeunesse Canada Monde, 2010.

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DES ÉLÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

» Comment allez-vous recruter vos participants ?

» Se connaissent-ils entre eux ? Si le groupe se rencontre pour la première fois, comment allez-vous instaurer la confiance au sein du groupe  ? Comment allez-vous créer un environnement sécuritaire ?

» Quel est le public cible de l’œuvre achevée ? Que voulez-vous apporter à ce public par le biais de votre travail ?

» Est-ce que votre travail implique de briser des stéréotypes ? Si tel est le cas, comment pouvez-vous éviter de renforcer les stéréotypes ou d’envoyer des messages négatifs dans des contextes où de tels mythes ne sont pas monnaie courante ?

» Pouvez-vous établir des liens entre les stéréotypes et des formes plus grandes d’oppression telles que le racisme, le sexisme, la xénophobie, l’exclusion ou la peur de l’autre ?

RÉFÉRENCES

Butler, Toby. « Memoryscape: How Audio Walks Can Deepen Our Sense of Place by Integrating Art, Oral History, and Cultural Geography ». Geography Compass 1.3 (2007), p. 360-372.

Jeunesse Canada Monde. Formation sur la lutte contre l’oppression, 2010. www.cwy-jcm.com

Frisch, Michael. « Sharing Authority: Oral History and the Collaborative Process ». Oral History Review 30.1 (2003), p. 111-112.

Luchs, Michele et Liz Miller. Entrevue vidéo. Montréal : septembre 2008.

Miller, Liz. Entrevue vidéo. Toronto: mai 2008.

Rodríguez, Clemencia. « Fissures in the Mediascape: An International Study of Citizens’ Media ». Cresskill NJ: Hampton Press, 2001.

Stiegman, Martha. Documents vidéo, Montréal : mai 2008.

Les avancées technologiques ont entraîné à la fois une démocratisation de la pratique car-tographique et ce qui pourrait être considéré comme une renaissance de la cartographie. Dans « Maps for Advocacy » (Cartes pour la promotion des droits), le Tactical Technology Collective explique comment les cartes aident à établir des liens entre les lieux, les événements et les faits, et permettent de visualiser des communautés. Pour de plus amples informations, rendez-vous à l’adresse www.tacticaltech.org/mapsforadvocacy.

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La réussite d’un projet, sur le plan de la sensibilisation et de la diffusion, ne repose pas tant sur l’ampleur de son rayonnement que sur les personnes touchées et inspirées à passer à l’action.Liz Miller

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06PRÉSENTER DES PROJETS PARTICIPATIFS À UN PUBLIC PLUS VASTE

APERÇU La valeur des médias participatifs (dont la photographie, la vidéo et la car-tographie numérique) réside souvent dans le processus même de création et dans le fait qu’ils aident les personnes à se faire entendre, à développer de nouvelles compétences, à devenir conteuses, cinéastes et photographes pour s’approprier leur représentation de façon percutante. Si les possibilités généra-trices de la création collaborative ne peuvent être sous-estimées, la production de médias suffit-elle ? Inviter les participants de projets collaboratifs à partager leurs œuvres et leurs expériences avec un public plus vaste peut non seule-ment renforcer leur autonomisation personnelle, mais également contribuer à provoquer des mutations profondes sur le plan social qui influencent l’opinion publique et touchent toute la communauté.

Liz Miller et Michelle Smith

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PRINCIPES DIRECTEURS

Dans tous les projets de Cartographie des souvenirs, la diffusion des œuvres qui en résultaient faisait partie inté-grante du processus. Chaque projet étant unique, le rayonnement dépen-dait des ressources disponibles, des objectifs partagés et du degré d’engagement du ou des partenaires associés aux projets. Peu importe l’ampleur du plan de sensibilisation, mener à bien la diffusion exige du temps, de l’énergie et des consulta-tions permanentes avec les parte-naires et les participants.

En fait, les possibilités de faire con-naître et de promouvoir une cause doivent être prises en compte au même titre que la planification d’un projet. La diffusion des œuvres soulève également de sérieuses questions de contrôle, de paternité et de protection de la vie privée. Les médias sociaux ont démontré un énorme potentiel de sensibilisation, tout en introduisant un nouvel ensemble de considérations éthiques. Pour les participants qui

La diffusion importe. Passez 10 % du temps à produire le documen-taire et 90 % à le diffuser de par le monde.

Katerina Cizek

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SÉCURITÉ EN LIGNE

Internet offre de nouvelles possibilités et de nouvelles plateformes pour présenter votre travail à un public plus vaste. Il importe toutefois de vous rappeler que tout ce que vous téléchargez sur la plateforme choisie devient partiellement la propriété de celle-ci. Prenez les précautions suivantes, particulièrement si les thèmes que vous abordez sont délicats :

» Assurez-vous de lire la politique de confidentialité ou le contrat d’utilisation de la plateforme choisie.

» Assurez-vous de comprendre les possibilités offertes en matière de protection de la vie privée. Le Tactical Technology Collective encourage les gens à ouvrir plus d’un compte afin de « s’espionner » et de mieux comprendre comment ils « s’exposent » en ligne.

Pour en apprendre davantage sur les outils de sensibilisation et la sécurité en ligne, rendez-vous à l’adresse www.tacticaltech.org (Informations à l’usage des militants 2009).

vivent des situations risquées ou qui racontent des histoires difficiles pour la première fois, les enjeux sont de taille. Il est dès lors essentiel que les partenaires communautaires définis-sent les modes les plus appropriés de diffusion de ces œuvres, qui trans-mettent un savoir personnel, culturel et même spirituel précieux.

Les principes directeurs qui gouver-nent la diffusion et les présentations publiques doivent être les mêmes que ceux servant à l’élaboration d’un projet participatif (voir chapitre 1). Il est également important de garder à l’esprit que ces principes seront mis à l’épreuve par des limites malheureuse-ment trop familières, dont le manque de temps, une dynamique de groupe compliquée, des attentes irréalistes, un accès difficile aux ressources, des injustices qui perdurent et une gamme de considérations imprévues. Peu im-porte les défis posés par la diffusion, les efforts supplémentaires en valent la peine lorsque les participants voient l’incidence de leurs œuvres sur des publics variés.

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INITIATIVES COMMUNAUTAIRES DE SENSIBILISATION

Les projets participatifs sont souvent le fruit de la volonté d’un enseignant ou d’un organisateur communau-taire d’offrir une nouvelle possibilité aux personnes auprès desquelles il travaille et qui cherche un moyen de sensibiliser les gens sur une question précise.

C’était le cas de Sylvain Thibault du Projet Refuge, qui nous a demandé de prendre part à une série d’ateliers existants (chapitre 2). Sylvain savait exactement de quelle façon nos ateliers viendraient appuyer le pro-gramme en place. Il est venu chercher notre expertise en médias et un accès à des ressources.

Quels sont les facteurs essentiels dont il faut tenir compte au moment de s’engager dans un projet participatif qui n’est pas l’initiative d’une com-munauté ? Lorsqu’un projet est lancé par un animateur (ou un chercheur, un pédagogue, un artiste, etc.), il im-porte de prendre le temps de tisser des liens et d’instaurer la confiance au sein du groupe communautaire ou de la classe. Par exemple, lorsque nous avons commencé à travailler avec la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges, nous avions un plan, mais devions être souples et tenir compte des besoins et des intérêts du groupe. Notre premier atelier à la Maison des jeunes n’accordait pas une grande importance à la diffusion d’un produit final. Au cours de nos trois années de collaboration avec la Maison des jeunes, nous avons développé une approche plus intégrée qui nous a permis de préciser les plans de dif-fusion. Par exemple, la vidéo musicale Rapper ses racines avait une portée

potentielle immédiate parce qu’elle émanait d’une demande spécifique et d’un objectif commun de faire con-naître la musique des jeunes à l’ensemble de la société par le biais d’un concours vidéo. AUTORITÉ PARTAGÉE

Il est essentiel d’établir des paramètres raisonnables de participation afin que tout effort de sensibilisation ou de diffusion porte ses fruits. La partici-pation égalitaire des membres de la communauté, un processus nommé «  autorité partagée  » par l’historien oral Michael Frisch (2003, 112), est un élément clé de la méthodologie participative. Dans les faits, toute-fois, l’autorité partagée ne signifie pas nécessairement un partage égal des rôles entre toutes les personnes impliquées dans un projet. Tous les animateurs et les chercheurs con-viennent que la collaboration est es-sentielle, mais le degré de partici-pation et d’autorité partagée varie grandement d’un projet à l’autre en fonction des contraintes de temps, des ressources, des aptitudes et de la technologie disponible. Les artistes, les enseignants et les animateurs en médias participatifs doivent veiller à ne pas présumer de la disponibil-ité des participants, de leur degré d’engagement ou de leurs compé-tences. Ces présomptions peuvent en-traver la réussite d’un projet. Plusieurs enseignants ou organisateurs commu-nautaires associés à des projets par-ticipatifs travaillent avec passion, mais avec un budget très restreint et une disponibilité limitée. Les participants doivent souvent concilier études, em-ploi et responsabilités familiales. Dans tous les cas, la disponibilité est une ressource prisée et les participants sont souvent enchantés de voir qu’un animateur multimédia peut effectuer

Travaillez en étroite collabora-tion avec les parte-naires com-munataires, mais re-spectez l’expertise et l’indépen-dance de chacun.

Katerina Cizek

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la majeure partie du travail de post-production : montage vidéo, présen-tation et diffusion.

Même si les participants décident de moins s’investir dans les travaux pratiques, ils devraient quand même avoir le dernier mot dans les déci-sions éditoriales et être régulièrement consultés en cours de processus. L’autorité partagée implique de définir des paramètres de participation en se basant sur l’expérience, les intérêts et les compétences des partenaires. Il est particulièrement important d’accepter que les points de vue peuvent di-verger et de prévoir des moments de négociation en cours de route lorsqu’il s’agit de la diffusion d’un produit fini.

L’autorité partagée signifie également le respect de l’expertise. Ce ne sont pas tous les participants qui souhai-tent apprendre tous les aspects de la production, mais la plupart veulent apporter leur contribution selon leurs compétences. Il peut s’agir d’une expérience vécue, d’une compréhen-sion profonde du ou des enjeux, ou d’un plan ou d’une vision de sensi-bilisation, pour n’en nommer que quelques-unes. L’animateur, à titre de pédagogue/praticien en médias expérimenté, apporte ce qu’il connaît et ce qu’il comprend de l’incidence potentielle des médias et des attentes du public. C’est cette expérience qui peut guider les participants lors de prises de décision difficiles entourant la diffusion de leurs œuvres auprès d’un public plus vaste. Par exemple, un animateur en médias peut aider les participants à surmonter leur malaise initial lorsqu’ils se voient sur vidéo et les aider à comprendre l’importance de partager leurs points de vue avec le public. C’était le cas de quelques jeunes artistes du projet Rapper ses racines. Initialement mal à l’aise, ils ont

vaincu ce sentiment lorsqu’ils ont pu constater l’incidence de leur œuvre sur des publics variés.

Lorsqu’on crée un média participatif destiné au public, on se soucie égale-ment de produire du matériel que les gens vont vouloir regarder. Est-ce que cela signifie de prendre des photos techniquement sophistiquées  ? Ou de filmer des vidéos avec un point de vue unique ? En tant qu’animateur en médias participatifs, il peut être déli-cat d’établir un équilibre entre deux objectifs, soit le respect du désir des participants de créer leurs propres œuvres et d’acquérir de l’expérience en production, et la création de photos bien cadrées, de vidéos dont les ima-ges sont stables ou d’enregistrements audios de qualité destinés à la dif-fusion. Il serait irréaliste de s’attendre à ce que des participants n’ayant aucune connaissance en production de vidéos, par exemple, créent et montent entièrement par eux-mêmes une vidéo de qualité. Le dilemme que pose l’équilibre entre le processus et le produit final peut être résolu en in-vitant un professionnel à participer à différentes étapes du projet – à docu-menter le processus, à partager ses compétences ou à préparer la version finale du produit.

Nous avons, par exemple, invité le photographe professionnel David Ward à plusieurs reprises afin de do-cumenter nos ateliers et partager son expérience avec nos groupes. Dans le cadre du projet En route, nous avons invité Anne-Renée Hotte et Deborah VanSlet, deux expertes en médias, pour documenter la générale de notre visite guidée en autobus et pour inter-viewer les participants. L’expérience nous a permis de réfléchir sur la visite guidée, et les séquences filmées nous ont permis d’augmenter sa visibilité

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auprès du public. Le partenaire qui a collaboré à notre projet Si seule-ment j’avais su, Suhail AbualSameed, avait une formation en conception graphique.

Les jeunes ont effectué le montage de leurs œuvres sur du papier et Suhail a ensuite transposé leurs mon-tages en format numérique prêt pour l’impression.

Obtenir la participation ou associer des professionnels au bon moment permet de s’assurer qu’un projet touchera un public plus large. De plus, les participants profitent de l’expérience inestimable de travailler avec un professionnel des médias. Dans toutes ces circonstances, le rôle du professionnel était de soutenir la vision des jeunes sans éclipser leur contribution unique.

OBJECTIFS COMMUNS

Le processus pour en arriver à un ac-cord sur les objectifs communs d’un projet et sur ses modes de diffusion peut s’avérer difficile, particulièrement si on travaille auprès de personnes qui ont été victimes de chosification ou qui ont vécu des expériences néga-tives avec les médias ou dans le cadre de projets de recherche. Le proces-sus menant à une vision commune se déroule entre l’animateur et les participants, mais il concerne souvent les institutions des communautés aux-quelles ces derniers appartiennent. Il importe de considérer quelles person-nes associer au processus participatif et à quelle étape.

Par exemple, les militants communau-taires peuvent s’investir davantage s’ils ont la possibilité de prendre part à la production. S’ils ne voient que les produits finaux du projet, sans

avoir été témoins de la fougue et de l’enthousiasme suscités par la créa-tion, ils peuvent être moins disposés à dédier du temps, de l’énergie et des ressources aux activités de dif-fusion. En même temps, même s’il peut être important que des alliés soient présents au cours du processus pour augmenter la capacité de rayon-nement de l’œuvre produite, il faut penser qu’ils peuvent intimider les participants et compromettre leur en-gagement. Ainsi, les jeunes pourraient se censurer lorsqu’ils parlent de sujets délicats si des membres de la famille ou des aînés de la communauté sont présents.

Sur le plan des objectifs communs, il faut également réfléchir sur le moment et la façon d’incorporer les objectifs

PRINCIPES DIRECTEURS

» Initiative communautaire de sensibilisation Les membres de la communauté participent dès le début à établir les objectifs de diffusion.

» Autorité partagée Les participants et l’animateur ont chacun leur mot à dire sur le déroulement et l’utilisation du projet et sur le public ciblé.

» Objectifs communs Les objectifs du projet devraient être établis dès le départ et révisés au cours du processus. Des objectifs réalistes permettent de définir le type et l’ampleur de la diffusion.

» Propriété et propriété intellectuelle partagées Les participants sont copropriétaires du produit final et partagent le contrôle sur la diffusion de leurs connaissances et de leurs représentations.

» Participation et incidence individuelles vs collectives De nouveaux partenaires, tels que des membres de la communauté, des réseaux, des militants et des prestataires de services, peuvent contribuer à l’étape de la diffusion.

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de sensibilisation. Pour des projets, tels que Si seulement j’avais su, où tous les membres se connaissaient et désiraient ardemment « donner en retour  », nous avons pu introduire la notion de sensibilisation dès le début. Pour d’autres projets, tels qu’En route, nous avons traités des motifs person-nels, mais n’avons abordé les objectifs de sensibilisation que lorsque la con-fiance régnait au sein du groupe. La création et le maintien d’un environ-nement rassurant étaient essentiels au processus et nous avons discuté de sensibilisation par la suite.

PROPRIÉTÉ ET PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE PARTAGÉES

Qu’il s’agisse de récits, de photogra-phies ou d’autres matériels, les œuvres des participants sont leurs propriétés intellectuelles. Il leur incombe de décider de quelle manière ils veulent les partager avec le public en dehors de la portée du projet participatif. Beaucoup de personnes ne réalisent pas que plusieurs de ces décisions sont évacuées du simple fait de télécharger leurs œuvres sur Internet. YouTube et d’autres sites en ligne hébergent des œuvres gratuitement, mais nous pou-vons y lire en petits caractères qu’en téléchargeant leurs œuvres sur le site, les utilisateurs cèdent certains de leurs droits de propriété sur leurs contenus. À mesure que les sites de diffusion continuent d’évoluer, les fusions, les acquisitions et les décisions d’affaires peuvent avoir une incidence sur la façon dont le contenu du site est par-tagé. Ces usages peuvent ne pas être conformes aux objectifs personnels et collectifs d’un projet participatif.

Certains lecteurs vidéo en ligne, tels que Blip (blip.tv), demandent aux utilisateurs de remplir une licence de

droits d’auteur secondaires en plus de la licence automatiquement «  ac-ceptée » en téléchargeant simplement du contenu. Cette licence de droits secondaires détermine la façon dont les tierces parties peuvent se servir du contenu. Les utilisateurs peuvent choisir entre une licence Creative Commons, une licence «  tout droit réservé  » ou l’option «  domaine pu-blic  » par laquelle ils renoncent aux droits d’auteur et offrent leurs œuvres au public en général.

Ces principes de gauche d’auteur constituent un guide utile en en-courageant les nouveaux créateurs à songer à ce qu’il advient de leurs œuvres personnelles sur les sites d’hébergement « gratuits » et ailleurs, ainsi qu’à l’importance de lire les pe-tits caractères. Ils aident également à comprendre ce que les participants gagnent à faire circuler leurs œuvres dans le domaine public.

PARTICIPATION ET INCIDENCE INDIVIDUELLES VS COLLECTIVES

Il n’est pas nécessaire d’adopter une approche « tout ou rien » dans la dif-fusion d’œuvres de médias participa-tifs. Les degrés de diffusion peuvent varier en fonction des étapes.

La négociation des sphères person-nelles privée et publique est au cœur de beaucoup de projets en média participatif et la perception que les participants ont d’eux-mêmes par rapport au monde extérieur change au cours du processus de création médiatique. En début de projet, les participants peuvent se montrer réticents à partager leurs œuvres même avec d’autres participants. Dans ce contexte, il est possible d’établir des systèmes simples de respect

Les prin-cipes de gauche d’auteur constituent un guide utile en encoura-geant les nouveaux créateurs à songer à ce qu’il advient de leurs œuvres person-nelles sur les sites d’héberge-ment « gratuits » et ailleurs, ainsi qu’à l’impor-tance de lire les petits caractères.

Liz Miller

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de la vie privée. Par exemple, dans le cadre de projets en ligne, la créa-tion de comptes et de mots de passe personnels permet aux participants de partager graduellement leurs œuvres avec le reste du groupe.

Permettre aux participants d’établir une distinction entre le processus et le produit final constitue une façon de les aider à décider de ce qu’ils transmettront à un public plus vaste. Au cours des séances de l’atelier Si seulement j’avais su, les participants ont échangé plusieurs détails intimes sur leurs vies, mais ils ont pu choisir lesquels seraient incorporés à leurs œuvres finales. Le plus important dans un processus participatif est de s’assurer que les participants ont approuvé le produit final. Le consente-ment s’exerce le mieux en un processus graduel à mesure que les participants découvrent le potentiel de leurs récits et la façon dont les médias peuvent être intégrés à différentes voies de communication.

CONCLUSION

La négociation de la diffusion d’un projet en média participatif ajoute plusieurs difficultés à un processus qui comporte déjà des questions d’éthique entourant la paternité des œuvres, les besoins et les objectifs individuels vs collectifs et la trans-mission d’expériences et de récits bouleversants. Néanmoins, lorsque les possibilités de sensibilisation et de diffusion sont étudiées avec les parti-cipants et qu’elles sont soigneusement gérées, elles offrent des débouchés vraiment uniques pour prendre la parole et revendiquer un espace dans des voies de communication qui pou-vaient auparavant être inaccessibles. C’est souvent précisément à l’étape de la diffusion que les participants

prennent conscience de leurs propres identités et de leurs potentiels d’accès au pouvoir sur les plans personnel et collectif. De plus, les échanges avec différents publics les aident à établir un parallèle entre leurs histoires et un cadre politique et social plus vaste.

La réussite d’un projet, sur le plan de la sensibilisation et de la diffusion, ne repose pas tant sur son rayonnement que sur les personnes touchées et ins-pirées à passer à l’action. Un plan de sensibilisation réaliste comportant des objectifs précis et des publics cibles clairement déterminés contribue à la réussite d’un projet. Si les ressources et l’énergie le permettent, une stra-tégie de sensibilisation peut toujours être étoffée. Même si les outils et les moyens d’intervention novateurs des médias sociaux sont attrayants, il faut les utiliser avec prudence en veillant aux petits caractères et au consente-ment éclairé des participants par le biais, entre autres, de discussions et de sensibilisation à savoir entre quelles mains les œuvres pourraient échouer.

Les résultats de la diffusion peu-vent constituer un apport important pour les écoles et les groupes com-munautaires, de même que pour les campagnes de sensibilisation. Une intention juste est le point de départ essentiel d’un processus juste, mais elle doit reposer sur des objectifs à la fois réalistes et souples et sur un climat de respect mutuel. Cela implique de prendre le temps de créer des oc-casions de réflexion, de négociations et d’établissement de relations, de telle sorte que les participants sont fins prêts à se lancer dans l’arène pu-blique. C’est dans cette optique que des processus de transformation peu-vent devenir une expérience mutuelle pour les participants, les partenaires communautaires, les animateurs et les

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publics qu’ils atteignent.

QUE SONT LES CREATIVE COMMONS ?

Creative Commons est un groupe qui fait la promotion du partage de travaux créatifs en permettant de les copier, de les diffuser, de les produire et de les remixer dans les limites dictées par la législation sur les droits d’auteur. Le groupe a élaboré une série de licences, nommées Creative Commons, pour remplacer la clause « tous droits réservés » utilisée traditionnellement par les auteurs. Ces licences permettent aux gens de reproduire, d’adapter ou de distribuer des copies d’un travail créatif dans le cadre de limites établies par son auteur. Pour plus d’informations, visitez le site www.creativecommons.org.

QU’EST-CE QUE LE « GAUCHE D’AUTEUR » ? » Le « gauche d’auteur » est un jeu de mots sur l’expression « droit d’auteur » et décrit une

utilisation de la législation sur les droits d’auteur qui permet de rendre une œuvre gratuite au public (dont des logiciels, de la musique, des vidéos et des photos). Les licences « gauche d’auteur » se servent de la législation sur les droits d’auteur afin que les œuvres restent disponibles gratuitement. Pour plus d’informations, visitez le site www.gnu.org/home.fr.html.

DOMAINE PUBLIC » Le terme « domaine public » fait généralement référence à des idées, de

l’information et des œuvres non protégées par des droits de propriété intellectuelle, offertes gratuitement et publiquement.

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ORGANISER UN ÉVÉNEMENT CINÉMATOGRAPHIQUE OU UNE EXPOSITION DE PHOTOS : CIBLEZ VOTRE PUBLICDemandez-vous quelles sont les personnes qui verront l’œuvre et ce que vous souhaitez qu’elles en retirent. Tenez compte de ce que votre public connaît déjà et de ce que vous souhaitez qu’il apprenne. Si votre public est un groupe d’élèves, quelle sera la meilleure façon de les sensibiliser ?

DÉFINISSEZ UN OBJECTIFDonnez-vous un objectif réalisable lors de la projection, par exemple, sensibiliser, amasser des signatures ou offrir la possibilité à des groupes de se réunir.

FIXEZ UNE DATE Trouvez une date à laquelle votre public cible est susceptible d’assister à l’activité organisée.

CHOISISSEZ VOTRE PROGRAMME Choisissez le thème de votre activité et sélectionnez les films ou les photos à présenter. Déterminez comment les décisions relatives à la sélection seront prises.

CHOISISSEZ UN ENDROITTrouvez un lieu approprié à votre public et à votre activité. Combien de temps à l’avance devez-vous réserver la salle ? Y a-t-il des frais de location ? Pouvez-vous servir de la nourriture ? Vos partenaires communautaires peuvent-ils y participer en distribuant leur publicité pour augmenter leur visibilité ?

VEILLEZ AUX DÉTAILS DE L’EXPOSITION OU DE LA PRÉSENTATIONPour un film, vérifiez si la salle est équipée d’un projecteur et d’un système de sonorisation ou si vous devrez les louer. Pouvez-vous effectuer d’avance des essais avec l’équipement  ? Aurez-vous besoin d’une rallonge électrique  ? Combien de temps sera alloué à la projection, qui comprend la présentation du film, le mot de bienvenue et la période de questions ? Pour une exposition, sur quel support les photos seront-elles présentées ?

PASSEZ LE MOT Rédigez un communiqué de presse, contactez la radio locale et faites une affiche. Les invitations personnelles sont une excellente façon d’attirer des gens à votre activité. Commencez par des invitations par courriel ou sur Facebook. Faites le suivi en effectuant des appels téléphoniques personnels.

DEMANDEZ À D’AUTRES PERSONNES DE S’IMPLIQUERInvitez quelqu’un d’un groupe local, un professeur ou un organisateur local à présenter l’activité. Invitez d’autres groupes à installer des tables. Invitez la presse à couvrir l’événement.

RÉPERTORIEZ ET MESUREZ LES RÉPERCUSSIONS Prenez des photos ou réalisez une vidéo de votre activité. Rédigez un formulaire de rétroaction à remplir par le public, le cas échéant.

DÉFINISSEZ LA PROCHAINE ÉTAPE Communiquez à votre auditoire comment il peut s’impliquer davantage.

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DES ÉLÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

» Comment vous assurerez-vous que les participants contribuent à la diffusion ?

» Avez-vous le budget nécessaire à vos plans de diffusion ?

» Si vous faites un lancement ou une soirée d’ouverture, présenterez-vous toutes les œuvres produites ou effectuerez-vous une sélection ? À qui incombera la tâche de décider quelles œuvres seront présentées ? Le processus de sélection est-il clair pour les participants ?

» Y aura-t-il un seul événement ou une tournée ? Les participants seront-ils sur place pour présenter leurs œuvres ?

» Qui a-t-il de plus important dans le choix du ou des lieux de présentation : l’emplacement, les dimensions ou la possibilité de servir de la nourriture ?

» Est-ce que la date de l’activité coïncide avec une date importante correspondant au thème de l’activité (par exemple la Journée mondiale des réfugiés) ?

» Comment allez-vous évaluer l’impact de l’activité de sensibilisation ?

RÉFÉRENCES

Frisch, Michael. « Sharing Authority : Oral History and the Collaborative Process ». Oral History Review 30.1 (2003), p.111-112.

Information Activism. « Online and Mobile Security and Privacy ». Ten Tactics for Turning Information into Action (2009) : www.informationactivism.org/en/basic4.

Pensez multiplateforme et visitez notre site Internet, où vous trouverez d’excellents liens pour :

» Créer une base de données vidéo, cartographier vos œuvres ou monter un diaporama en ligne.

» Créer un « nuage » de mots clés, un site Internet, une galerie Internet ou un portfolio en ligne.

» Publier un livre, des cartes postales ou publier vos œuvres en ligne.

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Le présent glossaire est destiné à servir de guide de référence rapide afin de comprendre la différence entre un réfugié et un immigrant et de prévenir les connotations négatives et la discrimination. Les termes ci-dessous sont em-ployés dans le cadre de l’application de la législation canadienne.

Réfugié : Une personne qui a dû fuir la persécution dans son pays d’origine.

Réfugié au sens de la Convention : Une personne qui se trouve hors de son pays d’origine et qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un groupe social.

Demandeur du statut de réfugié ou demandeur d’asile : Une personne qui a fui son pays et qui demande la protection d’un autre pays en attendant d’obtenir son statut au sens de la Convention de Genève.

Réfugié réinstallé : Une personne qui a fui son pays pour vivre temporaire-ment dans un autre pays et qui se voit offrir la résidence permanente dans un tiers pays.

Apatride : Une personne qui n’est citoyenne d’aucun État. Il est important de noter que les apatrides ne sont pas forcément des réfugiés.

Personne protégée : Une personne reconnue comme réfugiée au sens de la Convention de Genève ou une personne à protéger si elle devait être déportée.

Personne déplacée à l’intérieur de son pays : Une personne contrainte à quitter son lieu de résidence, mais qui reste dans son pays d’origine.

Réfugié politique, économique ou environnemental : Il importe de savoir que ces statuts n’ont encore aucune signification juridique.

Immigrant : Une personne qui s’est établie en permanence dans un autre pays.

Résident permanent : Une personne à qui on a donné le droit de vivre en per-manence au Canada et qui peut éventuellement devenir citoyenne canadienne.

Résident temporaire : Une personne qui a reçu la permission de résider au pays pour une période déterminée (étudiants, etc.).

Migrant : Une personne qui se trouve hors de son pays d’origine. Ce terme est fréquemment employé pour désigner une personne qui a un statut temporaire ou qui n’a aucun statut dans le pays où elle vit.

Personne sans statut : Une personne qui n’a pas reçu la permission de rester dans le pays ou qui est restée au-delà de la période de validité de son visa. Ce terme peut également désigner une personne qui n’a pas de statut précis, telle qu’un demandeur d’asile dont la demande a été refusée, mais qui n’est pas déporté à cause d’une situation de risques dans son pays d’origine.

Migrant illégal ou immigrant illégal : Ces termes controversés sont bourrés de stéréotypes et suggèrent que la personne est une criminelle. Cette person-ne est entrée au pays sans documents officiels ou sans autorisation. Le droit international reconnaît toutefois qu’une personne se trouvant dans un pays de façon irrégulière peut avoir des raisons très légitimes ou peut avoir été victime de trafiquants.

RÉFUGIÉS ET IMMIGRANTS : GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX TERMES

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CARTOGRAPHIE DES SOUVENIRS

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES : Suhail AbualSameed : 121, 128

Cynthia D’Cruz : 50 (haut), 68

Anne-Renée Hotte : 34, 37, 50 (bas), 51, 54, 58, , 62, 63,70, 74, 78, 79, 85, 89, 140, 156

Liz Miller : 17, 29, 30, 31, 67, 91, 92 (bas), 93, 97, 98 (bas), 102, 100, 104, 105, 106, 107, 111, 129 (haut), 131, 134, 135, 147

Josée Pednault : 65, 69

Quentin Rameau : 31 (haut)

Martha Stiegman : 7, 132, 133, 136, 137, 149

Deborah VanSlet : 56, 60, 61, 73, 102, 104

David Ward / Lab six and a half : 8, 9, 11, 15, 16, 27, 47, 92 (haut), 98 (haut), 113, 117