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Carré de Soie - L’esprit des lieux Éléments de diagnostic territorial Brice Dury Octobre 2010

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Carré de Soie - L’esprit des lieuxÉléments de diagnostic territorial

Brice DuryOctobre 2010

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Situé à l’Est de l’agglomération lyonnaise, à cheval sur les communes de Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, le territoire du Carré de Soie fait aujourd’hui l’objet d’un vaste projet urbain initié par le Grand Lyon.

Ce carnet s’inscrit dans la démarche Carré de Soie - L’esprit des lieux, portée par deux ser-vices du Grand Lyon : la Direction de la Prospective et du Dialogue Public et la Mission Carré de Soie. Cette démarche a pour ambition d’enrichir et de singulariser le projet urbain du Carré de Soie en s’appuyant sur l’histoire du territoire et sur ce qui fait son identité.

La sociologue Catherine Foret a conçu pour point de départ de cette démarche un document intitulé Carré de Soie : l’esprit des lieux en 10 caractères qui propose, à partir d’un travail documentaire, dix traits forts de l’identité de ce territoire. Parallèlement à ce travail, ce car-net vient restituer une démarche d’observation et d’investigation de terrain sur le territoire du Carré de Soie. Cette démarche vise, sans prétention à l’exhaustivité, à appréhender cet esprit des lieux à partir du territoire et à voir comment les caractères décrits par Catherine Foret sont aujourd’hui appréhendables sur le territoire et dans les premières réalisations du projet du Carré de Soie. Ces éléments de diagnostic se veulent résolument tournés vers la projection, et le propos est ici d’ouvrir des champs et pistes de réflexion sur les façons dont ces caractères de l’esprit des lieux peuvent s’intégrer au projet de territoire et se réinventer dans le contexte local et sociétal actuel.

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SOMMAIRE

1 Vivre au milieu des grands équipements........7

2 Des porosités entre l’habitat et les entreprises......17

3 Vacuité, errance : penser les marges ?......25

4 Se loger ou habiter ?......31

5 Centre commercial : quand l’agglo rencontre le quartier......37

6 Articuler passé, histoire récente et devenirs......45

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Vivre au milieu des grands équipements

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Grands équipements, frontières : un territoire obstrué

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Le territoire du Carré de Soie est constitué artificiellement de deux mor-ceaux de communes : Vaulx-en-Velin, dont il est séparé par le canal de Jo-nage et Villeurbanne, qui s’étend de l’autre côté du périphérique. Avant que les lignes de transports en commun ne le « rapproche » du centre-ville, sa vaste superficie a suscité l’installation de grands équipements (hippodrome, installations sportives, infrastructures de transport, ateliers du métro, etc.) et d’entreprises. Les nouvelles construc-tions comme le parking relais ou le centre commercial s’inscrivent pleine-ment dans cette tendance.

Ces grands volumes, qui sont caractéristiques du lieu et contri-buent à sa singularité, créent dans le même temps des espaces diffi-ciles à comprendre et à pratiquer à l’échelle du piéton.

La perspective d’une nouvelle urba-nité du quartier doit être l’occasion d’inventer de nouveaux liens et de nouveaux passages, physiques et symboliques, pour permettre aux usagers du quartier de comprendre et s’approprier ce territoire.

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Traversées

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À la manière des traboules typiques des vieux quartiers de Lyon, certains passages permettent, à condition d’être connus et autorisés, des traversées du quartier. Pour que le Carré de Soie s’affirme comme un quartier piéton et cycliste, il faut permettre ces traversées car ces modes de déplacement ne se développent que dans des trajets « au plus court ». La place du vélo pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une réflexion spécifique car, s’il constitue un mode de déplacement particulièrement adapté à l’échelle du territoire, son fonction-nement n’y sera sans doute pas le même qu’en centre ville.

Cette question des traversées est également liée à des aspects abordés plus loin dans le document comme les formes d’habitat (résidences fermées vs passages entre les habitations), et la question des liens entre les fonctions du territoire (cloisonnement vs porosités). Sans opposer un modèle de développement à un autre, il faut noter que dans ses formes actuelles, le « tout-privatisé » laisse peu de place à ces circulations. Tant en terme d’espace public que sur les formes d’habitat, la collectivité a peut-être un rôle à jouer dans le développement et l’incitation à des aménagements « perméables ».

Ces formes de traversées et leurs modalités sont à inventer. Dans ce registre des traversées et à moins d’être pensés comme des lieux « habités », la passerelle et le souterrain sont bien souvent les dernières options à envisager car c’est les pieds sur terre que le piéton marche... Une réflexion pourrait également être engagée sur la frontière, et notamment sur celle entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin, qui traverse le territoire du Carré de Soie du Nord au Sud en son milieu. Ces morceaux de villes isolés bénéficient-ils des mêmes services que leurs centres-villes ? Comment relier les deux villes sur le territoire ? Et pourquoi pas un équipement culturel « bi-municipal » à cheval sur la frontière ? Une médiathèque dotée d’espaces thématisés sur les caractères du quartier (industrie de la soie, grands ensembles industriels, formes d’habitats) ? Etc.

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Investir la grande échelle

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Vivre et « maîtriser » ce territoire fait d’équipements et d’infrastruc-tures de grande échelle suppose de le connaître et d’en comprendre la géographie. Quels outils (numériques, cartographiques, etc.) ima-giner pour se représenter le quartier, le pratiquer, le découvrir ? On pourrait également imaginer des dispositifs d’interprétation, d’ani-mation exploitant des points de vue en hauteur du territoire (étages supérieurs du parking relais et du centre commercial, installations créées pour l’occasion, etc.).

La connaissance et l’appropriation du territoire passent également par l’invention de formes d’urbanités s’appuyant sur ses caracté-ristiques. Face aux grands espaces et aux imposants bâtiments du quartier, ne pourrait-on pas imaginer des manifestations, des évé-nements de grande ampleur (festif, populaire, culturel ?), à l’échelle du territoire ? Cela pourrait constituer, après le centre commercial, un deuxième signal fort de l’émergence du Carré de Soie vers le reste de l’agglomération. L’événementiel peut également avoir un rôle en « local », à la fois pour développer le « vivre ensemble » et pour contribuer à « faire territoire ».

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Projet Ecobox

Friche la Belle de Mai © Le site du skateboard

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L’esprit des lieux ?

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Bien que peu mentionnés, le territoire du Carré de Soie compte trois cimetières : l’ancien et le nouveau cimetière de Villeurbanne, et le cimetière dit « Tase » de Vaulx-en-Velin. Bien loin du « site exceptionnel » que le Carré de Soie ambitionne de devenir, la présence de ces cime-tières témoigne de ce qui fut un territoire de reléga-tion, à la marge de Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. Par leurs importantes superficies, ils s’inscrivent également dans la lignée des grands équipements du quartier. Ces cimetières participent donc à l’identité de ce territoire, et l’on y retrouve d’ailleurs certains de ses traits de caractère comme par exemple la grande diversité des origines et les différentes confessions (carrés musul-mans, cimetière juif). En s’attardant dans le cimetière «Tase » (cf. photos), on peut même réécrire l’esprit des lieux à travers les plaques funéraires : militantismes, sports et loisirs, ensemble Tase, etc. !

Ces cimetières s’inscrivent donc dans l’identité du quartier, et pourraient à ce titre s’intégrer au projet du Carré de Soie. En s’appuyant sur le concept de « parc habité » porté par le projet et en tenant compte de leur potentielle valeur paysagère, on peut les imagi-ner comme des formes nouvelles de parc urbain, plus ouverts sur la ville, traversés, visités...

Certes, un cimetière n’est pas vraiment le symbole d’un « territoire idéal », mais après tout ces cimetières sont là. N’aurait-on pas meilleur compte à les assumer et à inventer pour eux une forme innovante d’intégration au projet ? Après tout, c’est peut-être un peu ennuyeux un « territoire idéal »...

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Des porosités entre l’habitat et les entreprises2

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Cohabitations de fonctions

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L’ensemble Tase affirme fortement, dès sa construction dans les années 1920/1930, l’idée de mixité des fonc-tions. La pénurie de main d’œuvre, notamment, conduit la direction à construire autour de l’usine un ensemble d’équipements incitant les travailleurs à s’établir dans le quartier : habitations, stade, église, école (voir à ce pro-pos le point 6 du document de Catherine Foret Carré de Soie : l’esprit des lieux en 10 caractères)...

Les intentions de la direction n’étaient sans doute pas simplement altruistes, mais cette cohabitation des fonc-tions a contribué à la création d’une identité spécifique du quartier, et à une identification et un certain attachement des travailleurs à l’entreprise.

S’il n’est ni souhaitable ni envisageable de retrouver telle quel ce type d’organisation paternaliste, il serait intéressant de voir comment ces liens particuliers entre l’entreprise et les habitants pourraient se renou-veler à travers une réinterprétation de la question du « vivre et travailler sur un même territoire ».

Les habitants du quartier travaillent aujourd’hui ail-leurs. Quels liens peuvent-ils tisser avec les entre-prises et industries présentes sur le territoire ? À l’inverse, les évolutions du monde du travail comme le télétravail ne peuvent-elle pas être une opportunité pour imaginer des transpositions contemporaines de cette notion de « vivre et travailler sur un même terri-toire » ?

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Quelles porosités ?

© http://billy69150.skyrock.com

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L’idée de mener une réflexion sur la cohabitation des fonctions du territoire dans le projet du Carré de Soie peut s’articuler autour de la notion de « porosités », dont on peut trouver quelques illustrations intéressantes sur le terrain. Ce peut être le bar/restaurant La Boule en Soie (ci-contre), ancienne cantine de l’usine Tase reprise par le fils de la patronne il y a trente-sept ans, devenu aujourd’hui un haut lieu de convivialité où se côtoient le midi anciens de la Tase, habitants, ouvriers de chantier et nouveaux employés du quartier en costume. Ces porosités existent également de manière temporaire dans les parcours des journées du patrimoine et notamment dans le succès des visites des Ateliers de la Poudrette (ateliers du métro).

Or le premier réflexe des aménageurs pourrait être de cloisonner. Il paraît donc néces-saire d’engager une réflexion en amont pour passer de cohabitations « forcées » à des coha-bitations « pensées ». Loin d’être des contraintes pour les uns ou les autres, les porosi-tés si elles sont originales et anticipées permettront au quartier de proposer des modes d’habiter innovants et d’affirmer sa singularité et son attractivité.

Alors, d’une manière plus large, quelles porosités imaginer entre habitat, entreprises, commerces et loisirs dans le projet du Carré de Soie ?

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Vivre avec le danger

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Un des aspects de la cohabitation des fonctions sur le territoire du Carré de Soie concerne les risques. Le canal et l’usine hydroélectrique, le périphérique, la voie ferrée tram/Rhônexpress, les pollutions et risques industriels sont autant de dan-gers dont la cohabitation avec l’habitat et le développement de la vie de quartier n’a rien d’évidente.

Les choix d’aménagement ne peuvent se faire sans prendre en compte cet aspect, et l’on ne peut évidemment pas faire tout et n’importe quoi. Mais là aussi, la tentation sera grande d’opter pour la facilité en cloi-sonnant les fonctions. Or il faut bien se poser la question de ce qu’on fait, et de ce qu’on pourrait perdre dans cette sépa-ration. Quel intérêt y aurait-il à trouver de multiples fonctions sur le territoire si elles ne sont pas reliées entre elles ? Si ces fonctions ne sont que des boîtes fermées, des obstacles, la cohabitation des fonctions ne sera vécue que comme une contrainte.

Il ne faudrait pas qu’au nom d’une volonté de tout sécuriser et parce que le quartier se développe et accueille plus d’usagers on se prive de frictions créatives et por-teuses de sens. Des compromis sont sans doute imaginables, et l’on pourrait faire de cette question du « vivre avec le risque » un sujet de réflexion. 23

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Vacuité, errance : penser les marges ?3

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De l’espacedisponible...

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Le Carré de Soie s’étend sur un vaste territoire, et ne fonctionne donc pas comme un seul et même quartier, mais comme un ensemble de petits quar-tiers, de lieux de vie et de « micro-centralités ». Ces différents lieux ne vivent donc pas tous au même rythme et il convient pour décrire ce territoire de bien en appréhender les nuances. On peut cependant relever des caractéristiques récurrentes sur le territoire, et le vide en est une. Il ne s’agit pas de dire que le quartier est vide, mais bien qu’il est « parcouru » de vides, que s’y alternent des pleins et des vides.

Historiquement, cette notion de vide vient des grands espaces inoccu-pés de ce territoire et de la place de la nature. S’y ajoutent aujourd’hui les friches, et l’abandon du territoire pendant les dernières décennies (un vide d’activité).

Le vide, les espaces libres ou à l’abandon jouent un rôle dans le fonc-tionnement du quartier et les modes de vie qui s’y développent. On y observe des pratiques d’« errance » en bord de canal, de longues marches à travers le quartier et des lieux où l’on vient se mettre au calme.

Il ne s’agit pas là de faire un « plaidoyer pour le vide », mais plutôt d’un appel à la vigilance sur le risque de surcharge. Comment s’appuyer sur ce que cette vacuité confère au quartier pour poser la question de la « place du vide » dans le projet ? Quelle alternance des pleins et des vides ? Si l’on pose la question « que faire du vide ? », la réponse des pro-moteurs sera de l’occuper et la tendance sera certainement de vouloir donner une fonction à chaque partie du territoire. Or le vide n’est pas tout à fait la même chose que l’« espace vert », et les pratiques autour de l’errance ne sont pas tout à fait des « loisirs ». Pourraient-on inventer des lieux « dis-ponibles », non pas dans une logique de « laisser faire » mais bien dans l’idée de « laisser la place à » (des possibles, des appropriations...) ?

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Les marges comme lieux de diversité et de créativité ?

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« Si l’on cesse de regarder le paysage comme l’objet d’une industrie on découvre subitement - est-ce un oubli du cartographe, une négligence du politique ? - une quantité d’espaces indécis, dépourvus de fonction sur lesquels il est difficile de porter un nom. Cet ensemble n’appartient ni au territoire de l’ombre ni à celui de la lumière. Il se situe aux marges. En lisière des bois, le long des routes et des rivières, dans les recoins oubliés de la culture, là où les machines ne passent pas. Il couvre des surfaces de dimensions modestes, dispersées comme les angles perdus d’un champ ; unitaires et vastes comme les tourbières, les landes et certaines friches issues d’une déprise récente.Entre ces fragments de paysage aucune similitude de forme. Un seul point commun : tous constituent un territoire de refuge à la diversité. Partout ailleurs celle-ci est chassée.Cela justifie de les rassembler sous un terme unique. Je propose Tiers paysage. »Gilles Clément, Manifeste du Tiers paysage.

Le propos de Gilles Clément s’intéresse bien sûr à la diversité végétale, mais on pourrait facilement le transposer de ma-nière plus large aux différentes formes de diversité, de créa-tivité qui s’expriment et se développent dans ces « marges ». Elles s’illustrent sur le territoire du Carré de Soie dans la qualité de certains tags, dans les pratiques de « bidouille » et de récupération dans les friches, ou dans ces déclarations enflammées inscrites... sur une porte condamnée de l’ex-Célibatorium(!).

Comment préserver des espaces (physiques et symboliques) d’expression et de créativité ? Comment réinterpréter la friche dans le projet urbain ? Ne pourrait-on pas proposer des lieux « sans fonction » mais conçus et proposés pour des appro-priations temporaires par des associations, des habi-tants, des entreprises ou la collectivité ? 29

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Se loger ou habiter ?4

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S’approprier c’est habiter

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Catherine Foret évoque dans Carré de Soie : l’esprit des lieux en 10 caractères un « laboratoire de l’habitat populaire », citant notam-ment les cités Tase et les maisons « castors », construite selon un système d’auto-construction. Elle précise - et c’est un point impor-tant - que ces ensembles d’habitat sont fortement appropriés par leurs occupants. Les habitants de la grande Cité Tase, et même les plus jeunes, ont conscience de la spécificité de leur habitat puisque lorsqu’on les interroge sur leur lieu de vie ils évoquent spontané-ment la qualité de vie associée aux jardins mis à leur disposition.

Les habitants s’approprient non seulement leur forme d’habi-tat, mais également l’espace public. En ce sens, l’« habiter » ne s’arrête pas à la porte du foyer. C’est par exemple le cas lorsque les pêcheurs créent leurs installations en bord de canal.

L’habitat peut être une entrée intéressante pour réinterpréter les caractères de l’esprit des lieux dans le projet urbain. En s’appuyant sur cette question des appropriations, on voit que l’innovation en matière d’habitat doit se penser également dans le lien à l’environnement et à l’espace public.

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Comment innover aujourd’hui dans l’habitat pour ne pas se banaliser ?

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Si les constructions récentes du quartier ne sont pas encore des gated com-munities, elles ne brillent pas par leur originalité et seraient plutôt de fidèles re-productions de ce qui se fait partout ailleurs. L’ambition qui consiste à vouloir imaginer une transposition contemporaine des habitats innovants du quartier consiste justement à affirmer que ici, « on n’est pas comme partout »...

Dès lors, tout reste à inventer. On peut pour cela relever dans le quartier des éléments qui pourraient être exploités dans l’invention de formes d’habitat in-novantes. Ce peut être par exemple ces garages, omniprésents dans la petite et la grande cité Tase. S’ils sont loin de rentrer dans les canons de l’archi-tecture, ils possèdent en tant que lieu un potentiel intéressant. Il s’agit de morceaux d’habitat extraits des logements et regroupés sur l’espace public, et les multiples autres usages que d’y garer une voiture peuvent leur conférer un rôle intéressant. En s’inspirant de ces lieux intermédiaires, quels espaces de convivialité, de bricolage, d’échange de savoir-faire pourrait-on ima-giner ? Quelles solidarités ? Pourquoi-pas des liens entre le système des castors, l’appétence actuelle pour le bricolage et le magasin Castorama établi dans le centre commercial ? Etc. La présence sur le territoire de l’association des Castors Rhône-Alpes pourrait être une opportunité à saisir.

D’une manière plus générale, le regain d’intérêt que connaissent actuel-lement les différentes formes d’habitat coopératif peuvent être l’occa-sion d’en inventer des déclinaisons sur le territoire. Cette réflexion pour-ra évidemment associer les acteurs du pôle de la coopération et de la finance éthique.

On trouve également dans le périmètre du Carré de Soie de nombreux arti-sans et petites entreprises imbriqués dans les zones résidentielles, qui pour-raient être valorisés et mis en lien avec les nouveaux habitants du quartier.

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Centre commercial : quand l’agglo rencontre le quartier5

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Centre commercial ou haut lieu touristique ?

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Aux clients du centre commercial Carré de Soie s’ajoute un public de curieux qui par-fois ont traversé l’agglomération en voiture ou en transports en commun, et qui sont venus « pour voir », en famille ou par groupe d’amis. On observe, on déambule, on commente, et à l’étrangeté de ce centre commercial parachuté sur le territoire s’ajoute un tourisme non moins étonnant.

Dans le projet du Carré de Soie, le centre commercial est le premier signal envoyé à la métropole. Il présente à la fois l’intérêt de montrer que quelque chose se passe sur le territoire, et le risque de laisser à penser que le projet se limite à ça (l’un et l’autre portent d’ailleurs le même nom). On peut ici faire un parallèle avec la Part-Dieu qui, dans les repré-sentations de nombreux lyonnais, se limite à son centre commercial.

Dans ce fonctionnement se dessine le risque d’une rencontre ratée entre l’agglomé-ration et le Carré de Soie, où l’on verrait deux quartiers (le centre commercial d’une part et le quartier « hérité » d’autre part) cohabiter sans dialoguer. Il ne faut certes pas penser naïvement que les deux puissent complètement se mélanger (ce qui n’est sans doute pas souhaitable), mais l’un et l’autre auraient sans doute à y gagner si des connexions se développaient.

Si l’on veut assumer le choix d’avoir commencé le projet urbain par ce centre commer-cial, il faut aujourd’hui se tourner vers ses clients et profiter de leur curiosité pour créer des ouvertures et de l’intérêt vers le quartier et le reste du projet.

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Créer des liens, s’ouvrir aux lieux

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Ouvrir

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Le projet du Carré de Soie doit être l’occasion de détermi-ner et de développer les liens qui pourront se nouer entre le centre commercial et le quartier.

Le centre commercial Carré de Soie parvient à trou-ver son positionnement en cultivant ses différences avec celui de la Part-Dieu (plus d’espace, à ciel ouvert, au calme), auxquelles certains usagers sont effectivement sensibles. Mais les réactions des visiteurs montrent également qu’un certain nombre d’entre eux ont le sentiment d’en avoir rapidement « fait le tour » (ren-forcé par sa configuration en cul-de-sac). N’est-ce pas l’occasion de leur donner envie de revenir en leur montrant ce que le quartier recèle d’autre ? Com-ment ? Et les « touristes », que leur donne-t-on à voir et à faire ? Le centre commercial gagnerait sans doute à renforcer sa spécificité en tissant des liens avec le quartier.

À l’inverse, il est important de se questionner sur ce qu’apporte le centre commercial aux habitants du quartier. Il présente l’intérêt de créer une offre nouvelle, certes imparfaite mais qu’il ne faut pas négliger, d’autant que le quartier possède peu de commerces. Il crée éga-lement un lieu de vie le soir (cinéma, restaurants). Que pourrait-il apporter de plus aux habitants ? Il ne peut par exemple pas accueillir de commerces alimentaires pour des questions de concurrence. On pourrait néanmoins jouer sur les temporalités, en s’appuyant sur le fait que le centre commercial est bondé le week-end, mais vide la semaine. Et si le centre commercial se tournait plus vers le quartier la semaine ? Et pourquoi pas un marché sur l’esplanade ?...

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L’usine Tase comme passage entre le quartier « hérité » et le nouveau quartier ?

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Bâtiment emblématique du quartier, l’usine Tase marque également une séparation physique entre le quartier qui se construit (pôle multimodal, centre commercial, hippodrome) et le quartier existant (Cités Tase, place Cavellini...). Il paraîtrait particulièrement intéressant que cet objet symbolique s’ins-crive dans ce travail de lien entre les « deux quartiers », en fai-sant l’objet d’un traitement spécifique (architectural, mais aussi pourquoi pas social).

Actuellement, l’usine est orientée vers la Petite Cité Tase et « tourne le dos » au pôle multimodal, or ce qui était auparavant l’arrière de l’usine est ce que voient aujourd’hui les nombreux nouveaux usagers du quartier. En s’attachant à l’idée d’une « double ouverture » de l’usine, on imaginerait bien une « rue » (modes doux) qui traverserait l’usine pour rejoindre le pôle multimodal ! Même symboliquement, le fait que les nouveaux usagers du quartier comme les anciens de la Tase puissent « passer par l’usine » semble une perspective assez stimulante. Notons à ce propos que le projet proposé par l’association le Cercle de la Soie Rayonne avec les Robins des Villes (www.libelyon.fr/info/files/csr_presentation_250908_projet.pdf) va également dans ce sens en dédiant le rez-de-chaussée de l’usine à des traversées et des activités ouvertes au grand public. L’idée que les usagers du quartier et notamment les anciens puissent accéder, même temporairement, aux nouveaux espaces de la Tase est une forme d’implication qui pourrait s’avérer pertinente. Le projet architectural de la Cité du Design à Saint-Étienne, installée sur le site de Manufrance, utilise ce type de traversées pour des bâtiments de grande longeur (photo ci-contre).

Notons que cette idée de traversée de l’usine Tase n’est pas sans questionner la forme des programmes d’habitation prévus à l’arrière du bâtiment.Cité du Design

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Articuler passé, histoire récente et devenirs6

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Le poids de l’histoire récente

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Entre septembre 2006 et août 2007, plusieurs centaines de Roms ont vécu sur le terrain ci-contre (www.flickr.com/photos/vanderl ick/399894981) .Cet épisode est symbolique d’un moment de l’histoire du territoire finalement bien peu évoqué.

Depuis la fermeture de l’usine Tase au début des années 80 et avant que le territoire ne soit désigné comme « site exceptionnel » par la collectivité, la grande histoire industrielle a laissé la place à une période d’abandon et de lente dégradation, de friche et de bâti-ments condamnés.

Les plus jeunes habitants n’ont connu que cette période, qui fait aujourd’hui partie de l’histoire du quartier. Il ne s’agit certes pas de l’épisode le plus glo-rieux, mais celui-ci ne doit pas être pour autant occulté car il a évidem-ment influé sur les représentations actuelles du quartier par les habitants et sur l’oubli de son passé industriel par l’agglomération.

Quel travail de mémoire envisager pour cette période ? Quels impacts sur le projet urbain et son lien avec les habitants ?

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Quelles utilisations des traces de l’histoire dans le projet urbain ?

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Les différents moments de l’histoire du territoire du Carré de Soie ont laissé des marques physiques, des codes es-thétiques que l’on pourrait réutiliser ou transposer dans le projet urbain. L’utilisation du verre dans l’enveloppe du pôle multimodal n’est par exemple pas sans rappeler sa forte présence dans le bâtiment de l’usine Tase voisine. Dans les années à venir, un nombre important de constructions va voir le jour sur le territoire, portées par différents promoteurs. Quelle cohérence architecturale développer à l’échelle du quar-tier ? Quelles utilisations des traces de l’histoire dans la conception urbaine ?

On peut imaginer qu’un travail de collecte sur le territoire donne lieu à une charte, à un cahier de préconisations ar-chitecturales, et plus largement à une démarche qui crée des liens et des interactions entre les concepteurs. Et si, pour tendre vers une haute exigence architecturale et pro-grammatique, on créait un centre de ressources collabora-tif ? Il pourrait autant s’agir d’un lieu physique, comme un atelier de travail in-situ pour les équipes d’architectes, que de ressources et d’espaces de travail « en ligne ». On peut également imaginer la mise en place d’une « banque de ma-tériaux » qui permettraient de proposer la réutilisation de matériaux et d’objets disponibles sur le territoire (comme ci-contre ces lourdes plaques métalliques taguées), mais aussi des données immatérielles (banque d’images, nuan-cier, mais aussi des ressources historiques, artistiques, sociologiques).

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Quels rôles des habitants dans la transmission ?

© archives municipales Vaulx-en-Velin

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Les grands projets urbains sont immanquablement une source de fantasme pour les élus, les urbanistes et les architectes. Mais même le projet le plus extraordinaire, le mieux pensé et porteur de réelles améliorations pour un quartier, engendrera une forme de violence pour les habitants et les modes de vie présents sur le territoire. Il faut sans doute considérer que le résultat final justifie ces difficultés, mais sans oublier de toujours repenser et réinventer la place donnée aux populations concernées, et de prendre en consi-dération le fait que ces habitants vont vivre pendant de nombreuses années dans une « ville-chantier » . On peut imaginer, et d’autant plus dans une démarche qui porte l’ambition de transmettre le vécu du territoire dans le projet urbain, qu’au-delà d’un simple rôle de commentateur du projet les habitants soient directement impliqués dans les processus de transformation et de transmission.

Comme évoqué précédemment, la période d’abandon des dernières décennies a commencé à effacer des mémoires et du territoire l’histoire de ce quartier. Ce risque d’oubli souligne l’importance de l’invention de formes de transmission intergénérationnelle. Avec l’arri-vée de nouvelles fonctions sur le territoire, et de nouveaux visiteurs, cette question de la transmission doit également se poser sous l’angle des liens avec le « nouveau quar-tier ». Les formes à imaginer peuvent aller du simple témoignage dans une école à des applications en réalité augmentée pour téléphone mobile. Elles doivent avant tout se positionner comme des moyens de mobiliser les vécus pour enrichir le territoire d’une « coloration » originale et distinguante.