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SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire DIRECTIVES ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE 2009

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SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES

17

Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire

DIRECTIVES

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE

2009

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Table des matières

Remerciements...........................................................................................vii

Collaborateurs .............................................................................................ix

Avant-propos ...............................................................................................xi

Sigles ..........................................................................................................xiii

1. Introduction...............................................................................................1

1.1 Série FAO/OMS de Directives sur l’évaluation des risques microbiologiques 1

1.2 Directives FAO/OMS sur la caractérisation des risques 2 1.2.1 Définition de la caractérisation des risques 2 1.2.2 Portée 2 1.2.3 Objet 2

1.3 La caractérisation des risques dans son contexte 3

1.4 Lecture de ces directives 4

2. OBJET D’UNE EVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES MENAÇANT LA SECURITE SANITAIRE DES ALIMENTS...............................7

2.1 Propriétés des évaluations des risques 9 2.1.1 Les quatre composantes d’une évaluation des risques 10 2.1.2 Différence entre l’évaluation et la caractérisation des risques 10

2.2 Les mesures de la caractérisation des risques 11

2.3 Buts des évaluations de risques spécifiques 12 2.3.1 Estimation du risque “non restreint” et du risque “de référence” 13 2.3.2 Comparaison des stratégies de gestion des risques 14

2.4 Choix du type d’évaluation des risques à effectuer 17

2.5 Variabilité, caractère aléatoire et incertitude 19 2.5.1 Variabilité 20 2.5.2 Caractère aléatoire 20 2.5.3 Incertitude 21

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2.6 Lacunes des données 22 2.6.1 Le recours à des opinions d’experts 23

2.7 Le rôle des scénarios optimiste et pessimiste 24

2.8 Degré de fiabilité des résultats de l’évaluation des risques 24

3. LA CARACTERISATION QUALITATIVE DES RISQUES, DANS UNE EVALUATION DES RISQUES .........................................................................27

3.1 Introduction 27 3.1.1 Valeur et utilisations d’une évaluation qualitative des risques 28 3.1.2 L’évaluation qualitative des risques dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments 29

3.2 Caractéristiques d’une évaluation qualitative des risques 30 3.2.1 Complémentarité des analyses qualitatives et quantitatives 30 3.2.2 Subjectivité des conclusions textuelles, dans les évaluations qualitatives des risques 31 3.2.3 Limites d’une caractérisation qualitative des risques 32

3.3 Réalisation d’une caractérisation qualitative des risques 33 3.3.1 Description de la (des) voie(s) de risque(s) 33 3.3.2 Besoins en données 33 3.3.3 Prise en compte de l’incertitude et de la variabilité 34 3.3.4 Transparence des conclusions 35

3.4 Exemples d’évaluation qualitative des risques 37 3.4.1 OMS – Pollution fécale et qualité de l’eau 37 3.4.3 EFSA - Évaluation des risques de ESB/EST par le lait de chèvre et ses produits dérivés 38 3.4.4 Évaluation du risque géographique d’ESB chez les bovins 40

4. CARACTERISATION SEMI-QUANTITATIVE DES RISQUES ................41

4.1 Introduction 41 4.1.1 Les applications d’une évaluation semi-quantitative des risques 41

4.2 Caractéristiques d’une évaluation semi-quantitative des risques 42

4.3 Exécution d’une évaluation semi-quantitative des risques 44 4.3.1 Risques avec plusieurs dimensions d’impact 46 4.3.2 Comparaisons des risques et des stratégies de gestion des risques 47 4.3.3 Limites d’une évaluation semi-quantitative des risques 48 4.3.4 L’incertitude et la variabilité 50 4.3.5 Besoins en données 51 4.3.6 Transparence des conclusions 52

4.4 Exemples d’évaluations semi-quantitatives des risques 52 4.4.1 Nouvelle-Zélande: Profil du risque lié à la présence de Mycobacterium bovis dans le lait 52 4.4.2 Salubrité des produits de la mer avec RiskRanger 54 4.4.3 Méthodologie d’évaluation des risques à l’importation d’animaux et de produits animaux en Australie 56

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5. CARACTERISATION QUANTITATIVE DES RISQUES ..........................58

5.1 Introduction 58

5.2 Mesures quantitatives 58 5.2.1 Mesure de probabilité 59 5.2.2 Mesure d’impact 59 5.2.3 Mesures du risque 59 5.2.4 Correspondance entre les points terminaux de la relation dose-réponse et la mesure du risque 63

5.2.5 Prise en compte des sous-populations 64

5.3 Propriétés souhaitables des évaluations quantitatives des risques 64

5.4 Variabilité, caractère aléatoire et incertitude 65 5.4.1 Modélisation de la variabilité, en tant que variable aléatoire 66 5.4.2 Séparation entre variabilité et caractère aléatoire, et incertitude 66

5.5 Intégration de la caractérisation des dangers et de l’évaluation de l’exposition 67 5.5.1 Les unités de dose dans l’évaluation de l’exposition 68 5.5.2 Unités de dose et de réponse dans une évaluation de la relation dose-réponse 69 5.5.3 Combinaison des évaluations de l’exposition et de la relation dose-réponse 70 5.5.4 Les hypothèses du modèle dose-réponse 71 5.5.5 Exposition exprimée en tant que prévalence 72 5.5.6 Relations dose-réponse établies d’après des données épidémiologiques 73 5.5.7 Intégration de la variabilité et de l’incertitude 74

5.6 Exemples d’analyses quantitatives des risques 81 5.6.1 FSIS E. coli comparative risk assessment for intact (non-tenderized) and non-intact (tenderized) beef (USDA FSIS, 2002) 81

5.6.2 FAO/OMS Listeria monocytogenes in ready-to-eat foods (FAO/OMS, 2004) 81 5.6.3 Shiga-toxin-producing E. coli O157 in steak tartare patties (Nauta et al., 2001) 82 5.6.4 FAO/OMS risk assessment of Vibrio vulnificus in raw oysters (FAO/OMS, 2005) 83

6. ASSURANCE DE LA QUALITÉ...............................................................86

6.1 Assurance de la qualité des données 86 6.1.1 Collecte des données 86 6.1.2 Tri et sélection des sources de données 89

6.2 Progression et poids de la preuve 90

6.3 Analyse de sensibilité 91 6.3.1 L’analyse de sensibilité dans l’évaluation qualitative des risques 92 6.3.2 L’analyse de sensibilité dans une évaluation quantitative des risques 92

6.4 Analyse de l’incertitude 94

6.5 Vérification des modèles 94

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6.6 Ancrage d’un modèle 95

6.7 Validation d’un modèle 95

6.8 Comparaison avec des données épidémiologiques 97

6.9 Extrapolation et robustesse 97

6.10 Crédibilité de l’évaluation des risques 99 6.10.1 Documentation de l’évaluation des risques 99 6.10.2 Examen des pairs 99

7. LIENS ENTRE L’EVALUATION DES RISQUES ET L’ANALYSE ECONOMIQUE...............................................................................................102

7.1 Introduction 102

7.2 L’évaluation économique 103 7.2.1 Évaluation des résultats pour la santé 103 7.2.2 Évaluation des résultats non sanitaires 105

7.3 Intégration de facteurs économiques dans les évaluations des risques pour faciliter la prise de décision 107

7.3.1 Analyse coûts-avantages 107 7.3.2 Analyse coût-efficacité 108 7.3.3 Courbes d’options risque/coût 109 7.3.4 L’incertitude dans l’analyse économique 109

8. LA COMMUNICATION SUR LES RISQUES DANS LA CARACTERISATION DES RISQUES............................................................112

8.1 Introduction 112 8.1.1 Informations à partager avec les parties prenantes 113 8.1.2 L’information scientifique dans la communication sur les risques 113

8.2 Interaction entre les gestionnaires et les évaluateurs des risques 114 8.2.1 Planification et mise en service d’une ERM 114 8.2.2 Déroulement de l’ERM 115

8.3 Une fois l’ERM achevée 115

8.4 Élaboration de stratégies de communication sur les risques 116

8.5 Examen par le public 119

9. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES..................................................122

ANNEXE 1..................................................................................................128

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Remerciements

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tiennent à exprimer leur gratitude à tous ceux qui ont contribué à la préparation des présentes directives en mettant à disposition leur temps, leurs compétences et leur expérience, et en fournissant des informations pertinentes. Elles remercient en particulier ceux qui ont participé aux ateliers tenus au Danemark et en Suisse, pour leur gracieuse contribution avant, pendant et après les ateliers. De nombreuses personnes, toutes citées dans les pages qui suivent, nous ont consacré du temps et fait profiter de leur expertise en révisant les directives et en nous faisant part de leurs observations. M. Tom Ross et M. Don Schaffner ont fourni une assistance supplémentaire précieuse en examinant les observations des experts qui avaient examiné ces directives et en les révisant, le cas échéant.

Les directives ont été élaborées par l’équipe du Secrétariat des Consultations mixtes FAO/OMS d’experts de l’évaluation des risques microbiologiques (JEMRA), qui comprenait : Sarah Cahill, Maria de Lourdes Costarrica et Jean Louis Jouve (jusqu’en 2004) à la FAO, et Peter Karim Ben Embarek, Hajime Toyofuku (jusqu’en 2004) et Jocelyne Rocourt (jusqu’en 2004) à l’OMS. La publication des directives a été coordonnée par Sarah Cahill. Thorgeir Lawrence s’est occupé de la correction des épreuves, de la mise en forme finale, et de la préparation de la publication.

Les travaux ont été soutenus et financés par la Division de la nutrition et de la protection des consommateurs de la FAO et le Département de la sécurité sanitaire des aliments et des zoonoses de l’OMS.

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Collaborateurs

PARTICIPANTS ATELIER DANOIS

John Bowers Food and Drug Administration, États-Unis d’Amérique

Aamir Fazil Agence de la santé publique du Canada, Canada

Bjarke Bak Christensen Danish Veterinary and Food Administration, Danemark

Christopher Frey North Carolina State University, États-Unis d’Amérique

Arie Havelaar National Institute of Public Health and the Environment, Pays-Bas

Louise Kelly University of Strathclyde, Royaume-Uni

George Nasinyama Makerere University, Ouganda

Maarten Nauta National Institute of Public Health and the Environment, Pays-Bas

Niels Ladefoged Nielson Danish Veterinary and Food Administration, Danemark

Birgit Norrung Danish Veterinary and Food Administration, Danemark

Greg Paoli Decisionalysis Risk Consultants Inc., Canada

Mark Powell United States Department of Agriculture, États-Unis d’Amérique

Tanya Roberts United States Department of Agriculture, États-Unis d’Amérique

Don Schaffner Rutgers University, États-Unis d’Amérique

Helle Sommer Danish Veterinary and Food Administration, Danemark

David Vose Vose Consulting, France

Danilo Lo Fo Wong Danish Veterinary Institute, Danemark

Marion Wooldridge Veterinary Laboratories Agency (Weybridge), Royaume-Uni

Charles Yoe College of Notre Dame of Maryland, États-Unis d’Amérique

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PARTICIPANTS ATELIER SUISSE Robert Buchanan Food and Drug Administration, États-Unis d’Amérique

Arie Havelaar National Institute of Public Health and the Environment, Pays-Bas

Greg Paoli Decisionalysis Risk Consultants Inc., Canada

Don Schaffner Rutgers University, États-Unis d’Amérique

David Vose Vose Consulting, France

Marion Wooldridge Veterinary Laboratories Agency (Weybridge), Royaume-Uni

RÉVISION PAR LES PAIRS Wayne Anderson Food Safety Authority of Ireland, Irlande

Linda Calvin United States Department of Agriculture, États-Unis d’Amérique

Sherrie Dennis Food and Drug Administration, États-Unis d’Amérique

Christopher Frey North Carolina State University, États-Unis d’Amérique

Charles Haas Drexel University, États-Unis d’Amérique

William Hallman Rutgers University, États-Unis d’Amérique

Linda Harris University of California Davis, États-Unis d’Amérique

LeeAnn Jaykus North Carolina State University, États-Unis d’Amérique

Fumiko Kasuga National Institute of Infectious Diseases, Japon

Rob Lake Environmental Science and Research, Nouvelle-Zélande

Anna Lammerding Public Health Agency of Canada, Canada

Régis Pouillot Institut Pasteur, Cameroun

Mark Powell United States Department of Agriculture, États-Unis d’Amérique

Moez Sanna National Veterinary School of Alfort, France

Richard Whiting Food and Drug Administration, États-Unis d’Amérique

Marion Wooldridge Veterinary Laboratories Agency (Weybridge), Royaume-Uni

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Avant-propos

Les membres de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont exprimé leur inquiétude au sujet de la sécurité sanitaire des aliments aux niveaux tant national qu'international. L'incidence croissante des maladies d'origine alimentaire au cours des dernières décennies semble être liée dans de nombreux pays à une augmentation des maladies dues à la présence de micro-organismes dans les aliments. Cette inquiétude a été exprimée au cours des réunions d'organes directeurs des deux Organisations et de la Commission du Codex Alimentarius. Il n'est pas facile de déterminer si cette augmentation présumée est réelle ou si elle reflète des changements survenus dans d'autres domaines comme, par exemple, une meilleure surveillance des maladies ou de meilleures méthodes de détection des micro-organismes dans les aliments. Toutefois, il importe surtout de savoir si de nouveaux outils ou encore, la révision ou l’amélioration des mesures d'intervention peuvent contribuer à notre capacité de réduire la pression de la maladie et de fournir des aliments plus sains. Heureusement, il semble que de nouveaux outils susceptibles de faciliter les interventions seront bientôt disponibles.

Au cours de la dernière décennie, l’analyse des risques – processus qui consiste en l'évaluation des risques, la gestion des risques et la communication sur les risques – est apparue comme un modèle structuré propre à améliorer nos systèmes de contrôle alimentaire dans le but de produire des aliments plus sains, de réduire le nombre de maladies d'origine alimentaire et de faciliter le commerce national et international des aliments. En outre, nous nous acheminons vers une approche plus globale de la sécurité sanitaire, dans laquelle toute la chaîne alimentaire doit être prise en compte pour produire des aliments plus sains.

Comme avec tout modèle, des outils sont nécessaires pour la mise en oeuvre du paradigme d'analyse des risques. L'évaluation des risques est la composante scientifique de l'analyse des risques. Aujourd'hui, la science nous fournit des informations approfondies sur la vie dans le monde où nous vivons. Elle nous a permis d'accumuler une mine de connaissances sur des organismes microscopiques, leur croissance, leur survie et leur mort, et même leur composition génétique. Grâce à elle, nous avons compris la production, la transformation et la conservation des aliments, le lien existant entre le monde microscopique et le monde macroscopique ainsi que les effets positifs et négatifs de ces micro-organismes sur l’homme. L'évaluation des risques constitue un cadre pour organiser toutes ces données et informations et pour mieux comprendre l'interaction entre micro-organismes, aliments et maladies humaines. Elle nous permet d'estimer les risques, pour la santé humaine, de certains micro-organismes présents dans les aliments et nous fournit un outil avec lequel nous pouvons comparer et évaluer différents scénarios et identifier les types de données nécessaires à l’estimation et à l’optimisation des mesures de prévention.

L'évaluation des risques microbiologiques peut être considérée comme un outil que l’on peut utiliser pour la gestion des risques présentés par des pathogènes d'origine alimentaire et pour l’élaboration de normes relatives aux aliments faisant l'objet d'un commerce international. Toutefois, il est reconnu qu’une évaluation des risques microbiologiques, en particulier une évaluation quantitative, est une tâche exigeant de nombreuses ressources et une approche multidisciplinaire. Les maladies d'origine alimentaire représentent néanmoins l’un des problèmes de santé publique les plus répandus; elles créent un fardeau social et économique ainsi que des souffrances humaines, et posent un problème auquel tous les pays sont confrontés. L'évaluation des risques peut également servir à justifier l'introduction de normes plus strictes

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pour les produits alimentaires importés; il est donc important de comprendre en quoi consiste l'évaluation des risques microbiologiques à des fins commerciales et de doter les pays d'outils pour comprendre et, si possible, mener à bien ce type d'évaluation. Cette nécessité, associée à celle du Codex Alimentarius de recevoir des avis scientifiques fondés sur les risques, a conduit la FAO et l'OMS à entreprendre un programme d'activités sur l'évaluation des risques microbiologiques au niveau international.

La Division de la nutrition et de la protection des consommateurs de la FAO et le Département de la sécurité sanitaire des aliments, des zoonoses et des maladies d’origine alimentaire de l'OMS sont les principales unités responsables de cette initiative. Les deux groupes ont travaillé ensemble pour développer le domaine de l'évaluation des risques microbiologiques au niveau international afin de l’appliquer aux niveaux national et international. Ce travail a été grandement facilité par la contribution d'experts du monde entier dans le domaine de la microbiologie, de la modélisation mathématique, de l'épidémiologie et des technologies alimentaires, pour n'en citer que quelques-uns.

La série d'évaluations des risques microbiologiques, dont fait partie le présent rapport, fournit une gamme de données et d'informations à ceux qui doivent comprendre ou entreprendre une évaluation des risques microbiologiques. Elle comporte des évaluations des risques pour des combinaisons particulières pathogène-aliment, de résumés explicatifs des évaluations des risques, des directives pour conduire et utiliser des évaluations des risques ainsi que des rapports concernant d'autres aspects pertinents de l'évaluation des risques microbiologiques.

Nous espérons que cette série permettra de mieux comprendre l'évaluation des risques microbiologiques, comment l'entreprendre et comment l’utiliser. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un domaine qui devrait être développé à l'échelon international. Les travaux accomplis jusqu’à ce jour indiquent clairement qu’une approche internationale et un accord rapide dans ce domaine renforceront le potentiel d’utilisation futur de cet outil dans le monde entier ainsi que l'établissement de normes internationales. Nous vous invitons à soumettre vos observations et vos impressions sur les documents faisant partie de cette série; nous pourrons ainsi faire tout notre possible pour fournir aux pays membres, au Codex Alimentarius et aux autres utilisateurs l'information dont ils ont besoin pour utiliser les outils fondés sur les risques, dont l’objectif final est de garantir, à tous les consommateurs, un accès à des aliments sûrs.

Ezzeddine Boutrif

Division de la nutrition et de la protection des consommateurs

FAO

Jørgen Schlundt

Département de la sécurité sanitaire des aliments, des zoonoses et des maladies d’origine alimentaire

OMS

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SIGLES

ANOVA Analysis de variance

ESB Encéphalopathie spongiforme bovine

CE Commission européenne

CAC Commission du Codex alimentarius

CCFH Comité du Codex sur l’hygiène alimentaire

UFC Unités formant colonies

COI Méthode du coût social, ou méthode COI

AVCI Années de vie corrigées du facteur incapacité

EFSA Autorité européenne de sécurité des aliments

FSIS [USDA] Food Safety and Inspection Service

GBR Geographical BSE-Risk

ERM Évaluation des risques microbiologiques

NACMCF [USDA/FSIS] National Advisory Committee on Microbiological Criteria for Foods

NHMRC National Health and Medical Research Council [Australie]

P-I Probabilité-impact

QALY Années de vie ajustées sur la qualité de vie

SPS [Accord de l’OMS sur l’application des] mesures sanitaires et phytosanitaires

STEC Escherichia coli producteurs de shiga-toxines

EST Encéphalopathie spongiforme transmissible

USDA Département de l’agriculture des États-Unis

VOI Valeur de l’information [analyse]

OMC Organisation mondiale du commerce

UFP Unités formant plage

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1. Introduction

1.1 Série FAO/OMS de Directives sur l’évaluation des risques microbiologiques

L’évaluation des risques liés à la présence de microbes dangereux dans les aliments (Évaluation des risques microbiologiques – ERM) a été désignée comme un domaine d’activité prioritaire par la Commission du Codex alimentarius. Suite aux travaux du Comité du Codex sur l’hygiène alimentaire (CCFH), la Commission a adopté les Principes et directives régissant la conduite de l’évaluation des risques microbiologiques (CAC/GL 30-1999) – CAC, 1999). Par la suite, à sa trente-deuxième session, le CCFH a identifié un certain nombre d’aspects pour lesquels il avait besoin d’un avis d’expert de l’évaluation des risques. Au niveau international, il convient de noter que l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (OMC, sans date) exige que les Membres fassent en sorte que leurs mesures soient établies sur la base d'une évaluation des risques, selon qu'il sera approprié en fonction des circonstances, compte tenu des techniques d'évaluation des risques élaborées par les organisations internationales compétentes.

Pour répondre aux besoins de leurs Membres et du Codex, la FAO et l’OMS ont donc lancé un programme de travail visant à fournir des avis d’experts sur l’évaluation des risques liés à la présence de microbes dangereux dans les aliments. Ce travail a pour objet de fournir une vue d’ensemble des informations pertinentes disponibles et des évaluations des risques qui ont déjà été entreprises et, à partir de là, de formuler des avis scientifiques fondés sur les risques pour répondre aux besoins du Codex et mettre au point des outils d’évaluation des risques à l’usage des pays membres.

La FAO et l’OMS ont aussi entrepris l’élaboration de directives sur diverses étapes de l’évaluation des risques, à savoir la caractérisation des dangers, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des risques, cette dernière faisant l’objet du présent volume. Une liste des autres documents de la série et des renseignements pour les obtenir figurent sur les pages de couverture intérieures de ce document. La nécessité de ces directives a été mise en relief dans les travaux de la FAO et de l’OMS sur l’évaluation des risques liés à des combinaisons produits-pathogènes spécifiques, et il est reconnu que, dans l’étape de caractérisation des risques, la fiabilité et la cohérence des estimations sont cruciales.

La série de directives FAO/OMS a pour objet de fournir des orientations pratiques et un cadre structuré pour mener à bien chacune des quatre grandes étapes d’une évaluation des risques microbiologiques (identification des dangers, caractérisation des dangers, évaluation de l’exposition, caractérisation des risques), aussi bien dans le contexte d’une évaluation des risques complète, qu’en accompagnement d’autres évaluations, ou de façon autonome.

Les présentes directives relatives à l’ERM sont principalement destinées à la communauté mondiale de scientifiques et d’évaluateurs des risques, quelque soit leur niveau d’expérience, ainsi qu’aux gestionnaires des risques qui s’adressent à eux.

Ces directives ne prétendent pas avoir une valeur normative, de même qu’elles n’identifient pas d’options incontournables, sélectionnées à l’avance. Pour certaines questions, une approche est préconisée sur la base de l’opinion générale des experts pour donner des orientations d’actualité sur la science de l’évaluation des risques. Pour d’autres questions, les options disponibles sont comparées et l’analyste décidera de l’approche à adopter compte tenu de la

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2 Introduction

situation. Dans ces deux cas, l’approche et sa justification doivent être documentées, pour des raisons de transparence.

1.2 Directives FAO/OMS sur la caractérisation des risques

1.2.1 Définition de la caractérisation des risques

La caractérisation des risques, en tant qu’élément d’une ERM, a été définie comme suit par la Commission du Codex alimentarius:

“l’estimation qualitative et/ou quantitative, compte tenu des incertitudes inhérentes à l'évaluation, de la probabilité de la fréquence et de la gravité des effets adverses connus ou potentiels sur la santé susceptibles de se produire dans une population donnée, sur la base de l'identification des dangers, de la caractérisation des dangers et de l'évaluation de l'exposition.”

L’étape de la caractérisation des risques est celle où sont présentés les résultats de l’évaluation des risques. Ces résultats sont donnés sous la forme d’estimations et de descriptions des risques qui fournissent des réponses aux questions que les gestionnaires des risques posent aux évaluateurs des risques. Ces réponses fournissent à leur tour aux gestionnaires des risques les meilleurs éléments de preuve scientifique disponibles pour les aider à gérer la sécurité sanitaire des aliments.

1.2.2 Portée

Ces directives portent sur la caractérisation des risques et les questions connexes dans une ERM. Elles fournissent des orientations détaillées sur la conduite des caractérisations des risques dans divers contextes, et l’utilisation des divers outils et techniques. L’élaboration de ces directives a été motivée par la prise de conscience de l’importance cruciale de la fiabilité de l’estimation du risque pour l’évaluation globale des risques.

1.2.3 Objet

Malgré leur caractère parfois prospectif, en ce sens qu’elles anticipent ce à quoi peuvent conduire les pratiques optimales, ces directives ne prétendent pas avoir une valeur normative. Le seul objet de ce document est de fournir des directives pratiques sur un cadre structuré pour mener à bien une caractérisation des risques liés à des dangers microbiologiques d’origine alimentaire. Comme dans le cas d’autres documents de la série ERM, ces directives sur la caractérisation des risques sont principalement destinées à la communauté mondiale de scientifiques et d’évaluateurs des risques, quel que soit leur niveau d’expérience, ainsi qu’aux gestionnaires des risques qui s’adressent à eux.

Les principaux objectifs de ces directives sont d’aider les lecteurs à:

• identifier les aspects et les caractéristiques clés d’une caractérisation des risques;

• reconnaître les propriétés d’une caractérisation des risques « optimale »;

• éviter quelques pièges courants de la caractérisation des risques;

• reconnaître et comprendre les hypothèses qui sous-tendent le choix de mesures spécifiques de caractérisation des risques ;

• préparer des caractérisations des risques qui répondent aux attentes des gestionnaires des risques.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 3

1.2.4 L’évolution de l’évaluation des risques microbiologiques

On effectue des évaluations des risques microbiologiques depuis le début des années 90 pour l’eau, et depuis le milieu de la même décennie pour les aliments, suite à la mise au point d’évaluations des risques nucléaires et toxicologiques pour la santé humaine. Les techniques utilisées pour évaluer les risques microbiologiques et aligner les disciplines scientifiques qui fournissent des données pour les évaluations des risques ont à peine dix ans. Les présentes directives représentent donc les meilleures pratiques au moment où nous les préparons. Nous espérons qu’elles contribueront, avec celles qui ont déjà été publiées dans cette série, à inciter à les améliorer encore et à diffuser les connaissances actuelles.

1.3 La caractérisation des risques dans son contexte

La caractérisation des risques est la dernière étape de la composante d’évaluation des risques d’une analyse des risques, qui en compte trois : la gestion des risques, l’évaluation des risques et la communication sur les risques. Une évaluation des risques est lancée à l’initiative des gestionnaires des risques qui élaborent une politique d’évaluation des risques et impriment à l’évaluation des risques son orientation en définissant ses objectifs spécifiques et les questions auxquelles elle doit répondre. Les questions posées par les gestionnaires sont généralement revues et peaufinées au cours d’un processus itératif de découverte, de discernement et de négociation avec les évaluateurs des risques. Une fois qu’ils ont obtenu ces réponses, les gestionnaires des risques disposent des informations scientifiquement fondées dont ils ont besoin pour soutenir leur processus de prise décision.

La caractérisation des risques est l’étape de l’évaluation des risques durant laquelle la plupart des questions posées par les gestionnaires des risques trouvent une réponse. La « caractérisation des risques » est le processus, alors que son résultat est « l’estimation des risques ». La caractérisation des risques inclut généralement une ou plusieurs estimation(s) des risques, description(s) des risques et évaluation(s) des options en matière de gestion des risques pouvant comprendre des évaluations économiques ou autres, s’ajoutant à des estimations des variations des risques imputables aux options de gestion. La caractérisation des risques devrait aussi porter sur l’assurance de la qualité de l’évaluation globale des risques, qui est traitée au chapitre 6.

Beaucoup de récentes évaluations quantitatives des risques microbiologiques utilisent le cadre de l’évaluation des risques du Codex (Figure 1.1). Ce cadre prévoit une caractérisation des risques intégrant les informations pertinentes provenant des trois autres étapes de l’évaluation des risques – à savoir, l’identification des dangers, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers - pour obtenir une estimation des risques.

Le contexte de la caractérisation des risques qui vient d’être décrit est le plus courant, mais ce n’est pas le seul. Dans la pratique, une évaluation des risques ne comprend pas nécessairement toutes ces étapes. Des analyses scientifiques qui n’en englobent qu’une peuvent être suffisantes en elles-mêmes pour éclairer la prise de décisions. Par exemple, au Danemark, le nombre de cas humains de salmonellose attribués à différentes sources animales est estimé sans évaluation précise de l’exposition et sans utiliser de modèle dose-réponse (Hald et al., 2004). En effet, dans ce cas, les sérotypes et les lysotypes sont dans une certaine mesure spécifiques à la source alimentaire, ce qui signifie que l’on peut se baser sur une information épidémiologique indiquant le type de salmonelle qui cause une infection humaine pour estimer le pourcentage de cas humains dû à chaque type d’aliment, ce qui permet en réalité d’établir un classement des risques posés par différentes sources alimentaires.

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4 Introduction

La caractérisation des risques, telle qu’elle est envisagée dans ces directives, ne saurait être représentée par un modèle ou une description unique, quels qu’ils soient. Les approches les plus classiques sont décrites dans les chapitres suivants.

1.4 Lecture de ces directives

La FAO et l’OMS ont produit une série de documents destinés à faciliter la conduite des évaluations des risques microbiologiques. Dans l’idéal, l’évaluateur devrait commencer par lire le Rapport d'une Consultation conjointe FAO/OMS intitulé Principes et lignes directrices en vue de l'incorporation de l'évaluation du risque microbiologique dans l'élaboration de normes, de lignes directrices et de textes connexes en matière de sécurité sanitaire des aliments (FAO/OMS, 2002). Ce rapport rappelle à juste titre que l’évaluation du risque a pour objet de répondre aux attentes des gestionnaires des risques. Nous conseillons donc au lecteur de se référer à ce rapport, lorsqu’il parcourra ces directives relatives à la caractérisation des risques.

Figure 1.1 Représentation schématique des composantes d’une analyse des risques telle que définie par la Commission du Codex alimentarius.

La caractérisation des risques présente les résultats de l’évaluation des risques et a pour objet de répondre aux attentes des gestionnaires des risques. Il est donc essentiel de comprendre ce que cette caractérisation devrait englober et d’anticiper quelques-uns des problèmes susceptibles de se poser pendant le déroulement de l’évaluation. Une fois que la caractérisation des risques

Évaluation des risques Identification des dangers Caractérisation des dangers

Caractérisation des risques

Évaluation de l’exposition

Gestion des risques

Communication sur les risques

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 5

est bien comprise, il peut être utile de lire d’autres directives : i) Caractérisation des dangers liés à la présence de pathogènes dans les aliments et dans l’eau (FAO/OMS, 2003); et (ii) Évaluation de l’exposition aux dangers microbiologiques dans les aliments (FAO/OMS, 2008).

Les présentes directives sur la caractérisation des risques sont articulées sur huit chapitres. Après cette introduction, nous nous pencherons dans le chapitre 2 sur les utilisations et les objectifs des évaluations des risques et les différents types de mesures de caractérisation des risques. La caractérisation qualitative des risques est étudiée dans le chapitre 3 alors que le chapitre 4 est consacré à la caractérisation semi-quantitative des risques ; les caractérisations quantitatives des risques, qui mettent l’accent sur l’estimation de la variabilité et de l’incertitude, sont abordées au chapitre 5. L’assurance de la qualité, y compris l’analyse de la sensibilité et les méthodes visant à vérifier, ancrer et valider les caractérisations des risques sont traitées au chapitre 6. Le chapitre 7 décrit des méthodes visant à intégrer une estimation des résultats en matière de santé publique et une analyse des coûts-avantages dans la caractérisation des risques microbiologiques pour la sécurité sanitaire des aliments. Enfin, au chapitre 8, ces Directives examinent quelques aspects de la communication sur les risques.

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2. Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

Dans le cadre du Codex, l’objet d’une ERM est au sens le plus strict, une approche analytique systématique destinée à faciliter la compréhension et la gestion des problèmes de risques microbiologiques (Fazil et al., 2005). Quand on évalue des problèmes microbiologiques de sécurité sanitaire des aliments, on recherche généralement des résultats tels que l’incidence d’un ou de plusieurs types d’effets sur la santé humaine imputables à un aliment, à un pathogène, à un processus, à une région, à une voie de distribution ou à une combinaison quelconque de ces éléments. Ces effets sur la santé comprennent les maladies diarrhéiques, les hospitalisations et les décès. Dans d’autres évaluations des risques microbiologiques, d’autres impacts, notamment sociaux, environnementaux et économiques, peuvent aussi être examinés.

Les gestionnaires des risques commencent par définir ce à quoi va leur servir l’évaluation des risques « dans leurs activités préliminaires de gestion des risques » (voir FAO/OMS 2002). En principe, ils interagissent avec les évaluateurs des risques pour mieux définir dans le cadre d’un processus itératif, si possible pendant toute la durée de l’évaluation, les questions spécifiques qu’ils se posent, ou la portée, l’objectif ou les résultats de l’évaluation des risques. Les gestionnaires des risques sont censés demander aux évaluateurs de répondre à une série de questions déterminées afin d’obtenir les renseignements et les analyses dont ils ont besoin pour pouvoir prendre leurs décisions touchant à la sécurité sanitaire des aliments.

L’énoncé de l’objet d’une évaluation des risques doit être clair et guider la forme de résultat que l’on souhaite obtenir, tel que nombre de cas de maladie par an imputables au produit ou au pathogène ; classement du risque provenant d’un aliment par rapport à d’autres ; ou réduction escomptée du risque si diverses interventions sont mises en œuvre. Si l’évaluation a pour but d’identifier la meilleure option pour réduire un risque, l’énoncé de l’objet devrait aussi désigner toute la gamme d’interventions potentielles de gestion des risques qui doivent être prises en considération dans l’évaluation. Les questions et l’énoncé de l’objet dicteront dans une large mesure le choix de l’approche à adopter pour caractériser le risque. Les données et informations recueillies dans le cadre d’une évaluation spécifique des risques peuvent être combinées et analysées de différentes manières pour répondre à un certain nombre de questions différentes. Toutefois, si le but de l’évaluation n’est pas clairement énoncé dès le départ, on risque de collecter des données et des informations inappropriées, ou de les combiner et de les analyser d’une façon qui, même si elles éclairent certains aspects du risque, ne permette pas de répondre clairement aux questions spécifiques posées par le gestionnaire des risques, pour l’aider à prendre ses décisions. En conséquence, l’objet d’une évaluation spécifique des risques doit être clairement défini et expliqué aux évaluateurs chargés de la caractérisation des risques, avant de commencer l’évaluation, de façon à ce que les données pertinentes soient rassemblées, synthétisées et analysées comme il convient pour répondre aux questions du gestionnaire des risques.

Il est impératif qu’un gestionnaire des risques puisse estimer la probabilité des différents résultats dans le cadre de divers scénarios, par exemple d’autres stratégies d’intervention possibles, pour pouvoir faire un choix rationnel entre celles-ci. À défaut d’analyser la composante de probabilité d’un risque, celui qui est chargé de le gérer ne pourra que comparer des résultats qui sont simplement « possibles ».

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8 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

L’évaluation des risques est un outil d’aide à la décision. Son but n’est pas nécessairement d’approfondir des connaissances scientifiques mais de donner aux gestionnaires des risques une représentation rationnelle et objective de la situation, telle qu’on la connaît ou croit la connaître, à un moment donné. Il est clair qu’une évaluation des risques ne comprendra pas toutes les informations possibles sur un problème de risque, en raison de l’accès limité aux données (par exemple, parce que l’on manque de temps pour les recueillir, ou parce que ceux qui détiennent les informations ne sont pas disposés à les partager), ou de leur indisponibilité ; pendant que l’on effectue une évaluation du risque, on apprend généralement à discerner les lacunes d’information les plus critiques et les moins importantes. La distribution générale d’un projet d’évaluation des risques, dans lequel les données manquantes et les hypothèses sont clairement indiquées peut cependant donner de nouvelles informations.

Ce que l’on sait à un moment donné n’est pas toujours suffisant pour qu’un gestionnaire des risques puisse choisir facilement une stratégie d’intervention. Si les éléments et les critères sur lesquels il se fonde pour prendre une décision particulière (la « règle de décision ») sont bien définis, une évaluation du risque conduite sur la base des connaissances actuelles, peut généralement aider à identifier les types et le nombre d’informations susceptibles d’éclairer la prise de décision. La méthode d’évaluation des risques sert aussi de point de départ pour un examen et une évaluation rationnels des données et des solutions potentielles à un problème. Elle sert donc à créer un consensus entre les parties prenantes autour des stratégies de gestion des risques ou aide à identifier les lacunes des données.

Toutes les évaluations des risques devraient être étudiées dans le contexte des questions à trancher: à savoir, quelles sont les stratégies entre lesquelles le gestionnaire des risques souhaite choisir, et quelles sont les données disponibles pour faciliter l’évaluation de ces stratégies? Par exemple, dans le cas de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), on dispose sans doute de données de surveillance de la santé animale suffisantes pour caractériser quantitativement la prévalence de la maladie dans une population de bovins, mais la relation dose-réponse pour la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (forme humaine de l’ESB) ne sera probablement pas connue avant longtemps. Il serait donc à l’évidence absurde de critiquer une évaluation du risque d’ESB parce qu’elle ne comprenait pas de composante dose réponse alors que les données disponibles ne sont pas suffisantes pour établir une relation dose-réponse. Une évaluation des risques a pour but d’aider le gestionnaire des risques à faire son choix en connaissance de cause et à en expliquer clairement les raisons à toutes les parties prenantes. Ainsi, dans certaines situations, une évaluation très rapide et simple peut être suffisante pour répondre aux attentes du gestionnaire des risques. Imaginons par exemple que ce dernier envisage un changement qui ne coûte rien, et qu’une analyse rudimentaire révèle que la mise en œuvre de ce changement réduirait de 10 à 90% les probabilités que le risque considéré survienne, sans qu’il y ait de risques secondaires. Le gestionnaire du risque pourrait alors estimer que cette information est suffisante pour l’autoriser à opérer ce changement, bien que le degré d’incertitude soit élevé et qu’il n’ait pas déterminé quel était au départ le risque de référence. Il est clair que la plupart des problèmes de risque sont beaucoup plus complexes et que la solution reposera sur un équilibre entre les avantages (généralement, en termes d’impact sur la santé humaine évité) et les coûts (généralement, en termes des ressources disponibles à engager pour mener à bien la stratégie, et effets sur la santé humaine découlant des éventuels risques secondaires) des différentes stratégies d’intervention.

La théorie de la probabilité repose sur deux concepts fondamentaux. Le premier est le caractère apparemment aléatoire du monde ; le deuxième est le degré d’incertitude quant au

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 9

fonctionnement du monde réel. Ces deux concepts limitent notre capacité à prévoir l’avenir et les conséquences de nos décisions susceptibles d’avoir une incidence sur le futur. L’évaluation des risques microbiologiques pour la sécurité sanitaire des aliments est particulièrement entachée d’incertitude : incertitude sur ce qui se passe réellement dans les voies d’exposition et qui fait que les hommes sont infectés ou ingèrent des toxines microbiologiques ; incertitude sur les processus qui conduisent de l’ingestion ou l’infection à la maladie et qui font que la gravité de la maladie varie selon les personnes, et incertitude sur les valeurs des paramètres relatifs à ces voies d’exposition et à ces processus. Toutes ces incertitudes sont examinées dans la section 2.5.3. Certaines peuvent être quantifiées facilement par des techniques statistiques dans la mesure où des données sont disponibles, et ce sont ces techniques qui donneront au gestionnaire des risques la description la plus objective de l’incertitude. Cependant, si une évaluation des risques prend pour hypothèse une série particulière de voies d’exposition et de relations causales qui sont incorrectes, l’évaluation sera faussée.

2.1 Propriétés des évaluations des risques

D’une manière générale, les évaluations des risques devraient être aussi simples que possible tout en répondant aux attentes du gestionnaire des risques et elles devraient s’efforcer de trouver un équilibre entre les avantages d’une analyse plus détaillée et plus complexe (traitant plus de questions ou de scénarios possibles), et l’inconvénient qui en découle, à savoir de devoir inclure un plus grand nombre d’hypothèses, car plus les hypothèses sont nombreuses, moins les conclusions sont fiables.

Les directives du Codex (CAC, 1999) relatives à l’évaluation des risques microbiologiques énoncent les principes généraux de l’évaluation des risques microbiologiques, notamment:

• l’évaluation des risques doit être objective, fondée sur les meilleures données scientifiques disponibles, et présentées de manière transparente;

• toute contrainte ayant un impact sur l’évaluation des risques, telle que le coût, les ressources ou la durée, devrait être identifiée et ses conséquences possibles décrites;

• l’évaluation des risques microbiologiques devrait clairement stipuler l’objectif de l’examen, y compris la forme donnée aux résultats de l’estimation des risques;

• une évaluation des risques microbiologiques devrait aborder de manière explicite la dynamique de la croissance, de la survie et de la mort des éléments microbiologiques dans les aliments, la complexité de l’interaction (y compris les séquelles) entre l’homme et l’agent, lorsqu’elle est postérieure à la consommation, ainsi que l’éventualité d’une propagation;

• les données devraient permettre de déterminer les incertitudes inhérentes à l’estimation du risque;

• les données et les systèmes de collecte devraient être, autant que possible, d’une qualité et d’une précision suffisantes pour réduire les éléments d’incertitude de l’évaluation des risques.

• l’ERM devrait être conduite menée conformément à une approche structurée comprenant l’identification des dangers, la caractérisation des dangers, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des risques.

Nous allons maintenant examiner plus en détail ce dernier principe.

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10 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

2.1.1 Les quatre composantes d’une évaluation des risques

Comme on l’a déjà fait observer, la Commission du Codex alimentarius (CAC, 1999) prévoit qu’une évaluation des risques microbiologiques doit avoir quatre composantes :

1. Identification des dangers;

2. Caractérisation des dangers;

3. Évaluation de l’exposition; et synthèse de ces trois éléments dans une

4. Caractérisation des risques.

L’approche, qui séduit par sa logique, est inspirée du système d’évaluation des risques chimiques de l’US National Academy of Science, qui est appliqué depuis les années 70 par l’Agence pour la protection de l'environnement (États-Unis d’Amérique). Cependant, une certaine souplesse est essentielle pour interpréter la nécessité de ces quatre composantes, vues comme des entités distinctes.

Ces composantes sont toutes nécessaires sous une forme quelconque, mais pour les évaluateurs des risques, le plus important est d’interpréter l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers. La Commission du Codex alimentarius a donné la définition suivante de la caractérisation des dangers

“évaluation qualitative et/ou quantitative de la nature des effets adverses pour la santé associés au danger. Aux fins de l’évaluation des risques microbiologiques, seuls les micro-organismes et/ou leurs toxines font l’objet de cette étude.”

La Commission précise ensuite

“Cette étape fournit une description qualitative ou quantitative de la gravité et de la durée des effets adverses pouvant résulter de l’ingestion d’un micro-organisme ou de ses toxines présents dans un aliment. Une évaluation de la relation dose-réponse devrait être effectuée si les données sont disponibles.”

et

“Dans une situation idéale, la caractérisation des dangers devrait pouvoir établir une relation entre la dose et la réponse.”

Cela a souvent, à tort, été interprété comme une nécessité de déterminer une relation dose-réponse. Il est clair que s’il est impossible de définir une relation dose-réponse crédible, ou de déterminer le niveau d’exposition qui est combiné à la relation dose-réponse pour estimer les effets sur la santé humaine, il convient de rechercher une autre approche. Les Sections 5.5.5 et 5.5.6 décrivent des méthodes permettant de mettre en corrélation l’exposition et le risque sans recourir à la fonction dose-réponse habituelle, et qui sont pourtant parfaitement valides pour décrire certains types de problèmes tels que l’estimation du risque relatif. On a fait observer (FAO/OMS 2002) que

“dans de nombreux cas, des décisions efficaces en matière de gestion du risque peuvent néanmoins être prises lorsque l’on ne dispose que de certains éléments de [l'évaluation quantitative des risques microbiologiques] et notamment de l'évaluation de l'exposition.”

2.1.2 Différence entre l’évaluation et la caractérisation des risques

Il arrive souvent qu’une évaluation des risques soit divisée en plusieurs étapes (CAC, 1999; OIE, 1999) mais, d’une manière générale, l’expression « évaluation des risques » est utilisée dans un sens générique pour décrire l’ensemble du processus. Dans le cadre du Codex,

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 11

l’évaluation des risques est le processus qui consiste à suivre les quatre étapes qui permettent d’évaluer un risque. De même, la caractérisation des risques est le processus consistant à combiner les informations obtenues lors de l’Identification des dangers, de l’Évaluation de l’exposition et de la Caractérisation des dangers, pour produire une « estimation des risques », expression finale du risque, qui est l’aboutissement ou le produit des deux processus de caractérisation des risques et d’évaluation des risques. Alors que les méthodes utilisées pour estimer les risques varient selon que l’on effectue une évaluation quantitative ou qualitative, la relation entre les processus d’évaluation et de caractérisation des risques ne change pas.

2.2 Les mesures de la caractérisation des risques

Lorsque l’on évalue les risques microbiologiques d’origine alimentaire, on s’intéresse en premier lieu à l’effet du danger identifié sur la santé humaine, parmi les nombreux résultats possibles d’une exposition à des pathogènes microbiens. Chez un individu donné, l’effet peut être nul ou non mesurable. Toutefois, un organisme n’est considéré comme pathogène ou toxique que si son ingestion peut se traduire par un effet adverse sur la santé chez au moins une partie de la population exposée.

Les effets adverses sur la santé de l’exposition à des pathogènes englobent des maladies de gravité (morbidité) et de durée variables, qu’il s’agisse de maladies résolutives légères, ou de maladies qui nécessitent une hospitalisation ou conduisent à des pathologies chroniques ou à la mort (mortalité). Jusqu’à présent, les évaluations des risques ont tendu à mesurer les risques microbiologiques d’intoxication ou d’infection d’origine alimentaire comme résultant directement d’une exposition à un aliment contaminé par des pathogènes ou par leurs toxines. À l’échelle d’une population, toutefois, l’apparition de porteurs asymptomatiques du pathogène peut aussi être classée comme un effet adverse sur la santé, car elle peut conduire à la multiplication, à l’excrétion et à la transmission de l’organisme à d’autres personnes qui pourront développer une maladie ou mourir (transmission secondaire). En outre, certains effets adverses sur la santé peuvent être notés plus spécifiquement à l’échelle d’une population (cas des épidémies ou des pandémies).

Les risques peuvent être estimés à l’échelle individuelle (ex: risque de maladie par portion [d’un aliment]) ou à l’échelle d’une population (ex: nombre de cas par an). Dans le cadre du Codex, l’évaluation des risques se concentre sur la gravité et la probabilité d’une maladie, mais des mesures sont nécessaires pour comparer la gravité d’une maladie. Le poids d’une maladie peut être mesuré en termes de perte économique à l’échelle individuelle ou nationale, selon que de besoin, par le nombre probable de jours ou d’années d’activité perdus, le coût du traitement, etc. comme on le verra au Chapitre 7 et à l’Annexe 1. En revanche, la perte de qualité de vie est plus difficile à quantifier, malgré plusieurs tentatives en ce sens, qui ont débouché sur le concept des “années équivalentes de vie perdues” imputables à certains types d’incapacité, à la souffrance physique ou à d’autres maux entraînant une baisse de la qualité de vie. Ce concept permet de comparer différents états de santé et les taux de mortalité. On peut donc quantifier l’effet adverse sur la santé de tout évènement, en termes d’années équivalentes de vie perdue, et estimer ce risque quelle que soit la source d’où il provient. Des mesures intégrées de la santé donnent des informations pour analyser différents risques dans ce contexte.

Un gestionnaire des risques peut souhaiter étudier de nombreux effets adverses potentiels sur la santé, en plus de ceux qui concernent directement la personne touchée. Il existe donc aussi de nombreuses méthodes possibles pour mesurer et exprimer la grandeur du risque (parfois désignées sous le nom de « métrique du risque »), entre lesquelles on peut choisir, selon le résultat que l’on cherche à obtenir avec une évaluation des risques. Le choix de la mesure

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12 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

spécifique du risque que l’on utilisera n’est donc pas nécessairement évident, et le gestionnaire des risques, l’évaluateur des risques et les autres parties prenantes intéressées doivent en discuter ensemble. En outre, pour la modélisation quantitative, la (les) unité(s) nécessaire(s) doi(ven)t être définie(s) en tenant compte des aspects pratiques de la modélisation de façon à pouvoir produire et signaler les résultats dans ces unités.

2.3 Buts des évaluations de risques spécifiques

Divers types de modèles de probabilités et d’études des problèmes de risque ont été appelées « évaluations des risques » (voir encadré 2.1). Les directives de la FAO/OMS, de l’OIE et d’autres organismes préconisent la prise de décision fondée sur une évaluation des risques. Les directives et les recommandations du Codex en matière d’évaluation des risques font référence sur le plan juridique quant aux critères qui font une évaluation des risques aux termes de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de l’OMC. Il est donc important, aussi bien d’un point de vue technique que légal, de pouvoir déterminer si un élément spécifique d’une étude peut être classé comme une évaluation des risques.

La présente section décrit trois catégories d’activités généralement cataloguées comme des « évaluations des risques », et cherche à déterminer si elles sont conformes aux exigences. Les trois approches sont présentées à titre d’exemple mais ce ne sont pas les seules possibles. Aucune “bonne” approche ne peut être recommandée ou spécifiée: le choix dépend des questions auxquelles doit répondre l’évaluation, des données et des ressources disponibles, etc. Les trois catégories étudiées sont les suivantes :

• Estimation d’un risque non restreint ou d’un risque de référence.

• Comparaison de stratégies d’intervention en matière de risque.

• Étude ou modèle axé sur la recherche.

Ces types d’évaluation des risques peuvent être utilisées à des fins qui peuvent être considérées comme “internes” ou “externes”, ce qui dépend en partie de la gamme de parties prenantes concernées. Les objectifs internes peuvent inclure des activités telles que la définition des priorités, l’allocation des ressources, etc. au sein d’une organisation, et l’évaluation des risques ne doit pas être rendue publique. Les utilisations externes des évaluations des risques peuvent être celles qui affectent un plus grand nombre de parties prenantes, comme celles qui débouchent sur une modification des règlements, ou qui sont entreprises dans le cadre de travaux universitaires ou pour démontrer de nouvelles ou meilleures approches de l’évaluation

Encadré 2.1 Exemples d’évaluations des risques conçues à diverses fins

• Une évaluation danoise du risque de Salmonella visant à imputer les cas humains à différents aliments d’origine animale.

• Santé Canada E. coli O157 dans le beefsteak haché, Dutch RIVM STEC O157 in steak tartare – évaluations des risques aux fins de la recherche et de la formation.

• US FDA Évaluation du risque de Listeria pour imputer le risque à des catégories d’aliments.

• FAO/OMS Enterobacter sakazakii dans les préparations en poudre pour nourrissons, pour évaluer les interventions

• USDA Évaluations des risques d’entérite à E. coli O157 et Salmonella , pour la définition de stratégies d’intervention.

• US FDA-CVM Évaluation du risque de Campylobacter résistant à la fluoroquinolone - pour une estimation de l’impact sur la santé humaine.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 13

des risques; Elles sont généralement rendues publiques et examinées par des pairs. Ces évaluations sont généralement publiées dans des revues professionnelles et/ou sur des sites Internet.

2.3.1 Estimation du risque “non restreint” et du risque “de référence”

Le « risque non restreint » est le niveau de risque qui serait présent s’il n’y avait pas de sauvegarde, alors que le « risque de référence » est celui qui correspond à la situation actuelle ou à la norme, c’est-à-dire le point par rapport auquel les coûts et avantages des diverses stratégies d’intervention peuvent être comparés. Le concept de risque non restreint a été très largement utilisé dans les analyses des risques à l’importation, où il est évidemment très utile.

Dans une évaluation des risques, on commence généralement par estimer le niveau de risque existant, c’est-à-dire le niveau de risque qui pèse sur la sécurité sanitaire des aliments en l’absence de tout changement dans le système actuel. Le risque ainsi estimé devient le “risque de référence” par rapport auquel les stratégies d’intervention pourront être évaluées, si on le souhaite. Ce risque de référence peut notamment être utile pour déterminer le Degré de protection approprié (DPA). Le fait de prendre comme référence le risque actuel présente un certain nombre d’avantages: c’est d’abord le moyen le plus simple pour estimer l’effet des changements, puisqu’il ne reste plus qu’à estimer la grandeur du risque une fois que les conditions ont changé par rapport au niveau de risque existant, au lieu de devoir quantifier explicitement le niveau de risque dans le cadre des deux scénarios. Cette approche pose implicitement comme point de départ de toute intervention de gestion des risques, l’introduction de changements par rapport au système actuel. Selon l’objectif que l’on poursuit, on peut choisir une autre référence que le niveau de risque existant, comme point de comparaison. Par exemple, on peut décréter que le risque de référence est celui qui existerait dans le cadre d’une approche de gestion des risques préférée (par exemple, parce que moins coûteuse), et comparer le risque dans le cadre d’autres approches possibles.

L’estimation d’un risque non restreint (parfois aussi appelé risque inhérent) - niveau de risque qui serait présent si aucune mesure n’était prise dans le but spécifique de le réduire - peut être utile pour comparer l’efficacité d’approches existantes de gestion des risques microbiologiques en matière de sécurité sanitaire des aliments, par rapport à celle de systèmes radicalement nouveaux. Au fil du temps, les causes des maladies infectieuses étant mieux connues, de nombreux contrôles ont été mis en place, aussi bien auprès des consommateurs que des industries, pour minimiser l’incidence des maladies d’origine alimentaire. Il est évident qu’on peut difficilement concevoir que l’on puisse faire une évaluation réaliste du niveau de risque dans un monde hypothétique où tous ces contrôles seraient supprimés, mais le principe est valable et prend comme point de départ un risque “brut” qui a été identifié, et à présent quantifié et pour lequel on peut choisir entre de nombreuses combinaisons d’options pour limiter le risque. Cette méthode devrait en principe permettre de procéder à une nouvelle évaluation pour identifier la combinaison de contrôles (contrôles déjà en place et nouvelles interventions possibles) qui déboucherait sur la protection la plus efficace. Dans la pratique, on peut tenter d’estimer un risque en supposant que certaines des interventions en place les plus évidentes et peut-être les plus coûteuses soient supprimées, puis procéder à une nouvelle évaluation pour décider de la manière de gérer le risque. Si l’on prend comme point de comparaison le niveau de risque actuel, on n’a guère de raisons d’examiner les nombreux types d’activités de réduction des risques qui sont déjà en place et qui ont évolué avec le temps alors qu’il n’y avait pas de système de suivi pour évaluer leur efficacité et la renforcer. Par exemple, les mesures de contrôle introduites avant que l’on soit bien informé sur un problème sont généralement très prudentes. Avec l’amélioration des connaissances, on pourrait concevoir des

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14 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

approches mieux ciblées pour assurer le même niveau de protection sanitaire avec moins d’inconvénients pour les consommateurs ou les producteurs.

Lorsque l’on estime un risque de référence ou un risque non restreint, l’objectif immédiat n’est pas toujours de gérer le risque, mais plutôt de mesurer ou de circonscrire la gravité d’un problème de sécurité sanitaire des aliments. En théorie, il n’est pas forcément nécessaire de déterminer un risque de référence pour évaluer des stratégies d’intervention, mais dans la pratique on le fait presque toujours.

Dans le même ordre d’idée, une autre activité, dite de l’attribution du risque, consiste à répartir un risque identifié entre des causes concurrentes. Il peut s’agir de répartir des risques alimentaires entre des pathogènes, de répartir le risque associé à un pathogène spécifique entre différentes catégories de produits alimentaires, ou entre différents types de comportements (ex : manger des denrées cuisinées au barbecue ou dans des restaurants). La méthode d’attribution du risque lié à un pathogène spécifique, provenant de différents aliments, peut être utilisée pour classer des sources alimentaires en fonction du risque qu’elles génèrent. Les gestionnaires pourront ainsi identifier l’aliment ou la source alimentaire à contrôler en priorité pour maîtriser la maladie de la manière la plus efficace et la plus rentable.

2.3.2 Comparaison des stratégies de gestion des risques

Les évaluations des risques sont généralement entreprises pour aider les gestionnaires des risques à comprendre quelles sont les stratégies d’intervention, si tant est qu’il y en ait, qui peuvent être le plus efficaces pour préserver la sécurité sanitaire des aliments, ou à déterminer si les mesures de gestion des risques actuellement en place sont adéquates. L’idéal serait que les institutions responsables de la sécurité sanitaire des aliments examinent toutes les interventions possibles pour gérer le risque tout au long de la chaîne alimentaire, quelle que soit l’autorité chargée de les mettre en œuvre, et c’est dans ce but qu’ont été créées des autorités intégrées responsables de la sécurité sanitaire des aliments dans de nombreux pays et régions. Un modèle « de la ferme à la table » serait donc particulièrement approprié. Cependant, dans la pratique, il arrive que la portée de l’évaluation soit limitée aux segments de la chaîne alimentaire qui relèvent de la compétence du gestionnaire des risques ; or une évaluation des risques plus globale pourrait identifier des relations dans d’autres domaines, ce qui inciterait le gestionnaire des risques à demander à la nouvelle autorité d’intervenir efficacement ou d’inviter d’autres personnes habilitées à prendre les mesures qui s’imposent. Pour certains problèmes de risques, une analyse des données épidémiologiques ou un modèle portant sur une partie de la chaîne alimentaire peut convenir. Comme on l’a déjà vu, certaines évaluations des risques peuvent avoir pour objet de vérifier si les règlementations existantes en matière de sécurité alimentaire et les stratégies d’intervention en place sont adéquates, ou sont les plus appropriées, ou si elles doivent être revues.

Les évaluations des mesures de gestion des risques envisagées reposent généralement sur des comparaisons entre un risque de référence estimé et un risque prévu qui pourrait résulter de l’adoption de diverses stratégies possibles. On dit parfois qu’elles se fondent sur des « scénarios simulés » (voir encadré 2.2). L’un prévoit un futur sans nouvelle intervention, l’autre un futur avec une nouvelle intervention. On commence par construire un modèle de référence (le scénario “sans intervention”) pour obtenir une estimation du risque de référence. Ensuite, on change les paramètres du modèle sélectionné pour déterminer l’effet probable de l’intervention envisagée (voir encadré 2.3 pour des exemples d’intervention). Les écarts entre les deux estimations des risques donnent de bonnes indications des avantages de l’intervention proposée en termes de santé publique et aussi, dans la mesure du possible, du coût qui leur est

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 15

associé. On peut aussi adopter une approche similaire pour analyser des combinaisons d’interventions et déterminer leur effet cumulé, pour tenter de trouver la stratégie optimale.

Dans certains cas, on peut estimer la variation du risque sans avoir évalué le risque de référence, mais le résultat devra être interprété avec prudence. Par exemple, une évaluation des risques pourrait montrer qu’il est techniquement faisable de diviser par cent un risque particulier, mais si ce risque était négligeable au départ, cette stratégie peut être dénuée d’intérêt.

La “proximité” d’un risque est couramment prise en considération dans les analyses des risques appliquées à la gestion de projets de construction de grande ampleur ; or elle peut aussi être un facteur important dans une évaluation des risques pour la sécurité sanitaire des aliments s’il y a des raisons de penser que des facteurs imprévus ou non maîtrisés sont susceptibles de modifier le risque au fil du temps (ex : on prévoit que l’augmentation de l’âge moyen des

Encadré 2.2 ‘Scénarios “avec” et “sans” intervention, et évolution des risques au fil du temps

Une évaluation des options de gestion des risques peut être abordée de diverses manières, notamment par une analyse d’écarts, une comparaison avant/après, une comparaison avec/sans (illustrée dans cet exemple). Les estimations des risques, les études spéciales, les analyses économiques et environnementales, les sondages d’opinion, les analyses des conséquences légales des actions proposées, et autres démarches similaires, varient d’un cas à l’autre. Tous ces éléments ne font pas partie du processus d’évaluation des risques, mais on peut identifier quelques étapes du processus qui se retrouvent dans toutes les évaluations, notamment :

• Description du risque de référence existant, à savoir l’état actuel du risque, compte tenu des stratégies d’intervention déjà en place.

• Description de la situation future la plus probable, en l’absence d’un changement dans l’intervention de gestion du risque (situation « sans »). Chaque option est évaluée par rapport à cette même situation « sans », appelée « Futur sans action » dans la figure ci-dessous. La tendance correspondant à ce futur peut être croissante, décroissante, plate ou mixte.

• Description de la situation future la plus probable prévue, avec une intervention de gestion des risques spécifique (situation “avec”). Chaque intervention a une situation « avec » qui lui est propre : dans l’exemple ci-dessous, elle est appelée “Futur avec intervention A”.

• Comparaison des situations “avec” et “sans” pour chaque intervention possible.

• Caractérisation des effets de cette comparaison: tous les effets n’ont pas la même ampleur, certains sont souhaitables, d’autres pas.

Human Health Effects

Existing Baseline

Existing

Future No

Action

Future with Intervention ABefore & AfterComparison

With & WithoutIntervention Comparison

Target Gap Analysis

Time

E

ffet

s su

r la

san

té h

umai

ne

Futur sans action Comparaison avec et sans intervention

Référence existante

Comparaison « avant » et « après » Futur avec interventio

Analyse d’écart

Temps

Situation existante

Objectif

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16 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

populations dans de nombreux pays accroîtra la sensibilité globale de la population à de nombreuses maladies, notamment d’origine alimentaire, dont l’incidence sera par conséquent accrue. Dans d’autres situations, le risque peut être saisonnier, ou se poser uniquement après des catastrophes naturelles, ou être lié à quelque événement spécifique impliquant un rassemblement de personnes très important, etc. La “proximité” décrit la période ou l’intervalle de temps durant lequel le risque peut affecter les personnes concernées. On tend naturellement à se concentrer sur les risques immédiats alors que l’on a souvent des moyens limités pour les gérer: or, si l’on évaluait les risques susceptibles de survenir dans le futur, les différentes étapes de la gestion du risque pourraient être menées à bien pour une fraction du coût d’une intervention d’urgence « à postériori ».

2.3.3 Étude ou modèle axé sur la recherche

On a déjà dit qu’une évaluation des risques était un outil d’aide à la décision et non un outil scientifique ou de recherche. Quelques évaluations des risques axées sur la recherche ont été produites dans le but de parfaire les connaissances et les outils que nous utilisons pour évaluer les risques. Ces études peuvent être fondées sur des questions relatives à des décisions hypothétiques ou réelles et évaluer les résultats des évaluations selon la manière dont ils répondent à ces questions. Toutefois, elles ne sont pas toujours dues à l’initiative d’un « gestionnaire des risques ».

Parmi les modèles microbiologiques de sécurité sanitaire des aliments existants, un certain nombre ont été construits dans le cadre de travaux universitaires. Ces modèles ont contribué à faire avancer la discipline de l’évaluation des risques microbiologiques en nous permettant d’identifier les techniques nécessaires, d’en mettre au point de nouvelles et de stimuler la recherche qui, on le sait aujourd’hui, peut avoir un rôle à jouer dans un contexte d’évaluation des risques. Dans certaines situations, les gestionnaires des risques se sont servis de ces modèles pour prendre leurs décisions. Ces modèles ont aussi mis en évidence les changements dans les méthodes de collecte et de notification des données relatives à des investigations microbiologiques, à des enquêtes épidémiologiques, à la production, aux régimes alimentaires et à d’autres aspects, qui renforcent l’utilité de ces informations dans le contexte d’une évaluation des risques.

Il arrive que les gestionnaires des risques ne connaissent pas la nature du risque qui menace la sécurité sanitaire des aliments. Dans ce cas, ils peuvent faire réaliser une évaluation des risques uniquement pour être mieux informés sur ce point.

Il faut certes faire des recherches pour faire une bonne évaluation des risques, mais une évaluation des risques est aussi un très bon instrument de recherche pour identifier les lacunes des connaissances et comprendre comment les combler. Elle peut être entreprise spécifiquement

Encadré 2.3 Exemples d’interventions de gestion des risques microbiologiques

• Vaccination des animaux d’élevage.

• Analyse des risques aux points critiques (HACCP) et approches analogues au stade de la transformation.

• Réfrigération et spécification des dates limites de consommation.

• Établissement de critères microbiologiques.

• Utilisation du “concept de barrières » pour limiter la croissance des pathogènes.

• Étiquetage du produit aux fins de la traçabilité.

• Éducation des consommateurs, notamment pour les consommateurs « à risque ».

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 17

ou accessoirement pour identifier les besoins de recherche, établir les priorités de recherche et concevoir les études à réaliser.

Les évaluations précédentes des risques microbiologiques se sont avérées précieuses pour nous aider à comprendre des systèmes complexes. Si nous sommes aujourd’hui capables d’apprécier et de comprendre la complexité des systèmes qui constituent la chaîne alimentaire, c’est en partie grâce au processus même d’analyse systématique d’une chaîne alimentaire.

2.4 Choix du type d’évaluation des risques à effectuer

Les méthodes d’évaluation des risques couvrent un ensemble, ou continuum, de techniques qualitatives, semi-quantitatives, ou pleinement quantitatives. Dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, elles sont toutes applicables, mais ce qui détermine si une méthode est appropriée, c’est la conformité de l’évaluation des risques avec les principes énoncés à la Section 2.1. Les Chapitres 3 à 5 décrivent ce continuum avec des exemples à l’appui. Au vu des titres des chapitres et des exemples fournis, on pourrait penser qu’il n’existe que trois catégories strictes de méthodes d’évaluation des risques, mais les trois termes n’ont qu’une valeur descriptive et ils ne sont utilisés que pour mieux structurer le document. N’importe quelle évaluation des risques pourrait comprendre des éléments d’une combinaison quelconque de ces approches. L’un des avantages d’une évaluation des risques est que les solutions permettant de minimiser le risque se dégagent souvent du processus officiel d’examen du risque, que l’on soit en présence d’une évaluation qualitative, semi-quantitative ou quantitative.

On a déjà insisté sur la nécessité de choisir un type d’évaluation des risques adapté à son objectif. L'U.S. National Advisory Committee on Microbiological Criteria for Foods (USNACMCF, 2004) a noté ce qui suit:

Les évaluations des risques peuvent être quantitatives ou qualitatives, mais elles doivent être adéquates pour faciliter la sélection des options en matière de gestion des risques. La décision d’entreprendre une évaluation quantitative ou qualitative dépend de multiples facteurs tels que la disponibilité et la qualité des données, le degré de consensus de l’opinion scientifique et les ressources disponibles.

Le National Health and Medical Research Council australien (NHMRC, 2004: 3–6) met en garde :

“Il est important que ce que l’on attend d’une identification des dangers et d’une évaluation des risques soit réaliste. On dispose rarement d’informations suffisantes pour mener à son terme une évaluation quantitative des risques détaillée… Un point de vue réaliste sur les limites de ces prévisions doit être compris par le personnel et communiqué au public.

Le choix d’un équilibre approprié, dans la série de méthodes allant du qualitatif au quantitatif, reposera sur un certain nombre de facteurs, recensés dans les passages qui suivent.

Cohérence

Le désir de cohérence peut inciter ou dissuader d’appliquer une évaluation qualitative des risques. D’un côté, on peut concevoir une évaluation qualitative et semi quantitative suffisamment simple pour qu’elle puisse être répliquée et appliquée à divers problèmes de risque, alors qu’une évaluation quantitative, qui est davantage dictée par la disponibilité des données, doit généralement employer toutes sortes de méthodes disparates pour modéliser des risques différents. Il peut y avoir une connotation subjective dans les évaluations quantitatives des risques, notamment au niveau de la sélection et de l’analyse des données, mais il est

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18 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

généralement possible de justifier ces opinions et de les documenter pour que d’autres puissent répliquer l’évaluation. Néanmoins, il peut être difficile de comparer les hypothèses et la qualité des données. D’un autre côté, une évaluation qualitative des risques est plus exposée à des jugements subjectifs, notamment pour la conversion des données ou des résultats dans des catégories de risque « élevé », « intermédiaire » et « faible ». Il peut être malaisé de définir clairement ces termes, ce qui compromet les possibilités de réplicabilité d’une analyse par d’autres.

Expertise

En principe, dans une évaluation quantitative des risques, au moins une partie de l’équipe chargée de la mener à bien doit avoir une formation mathématique rigoureuse. Si l’on n’a pas suffisamment de personnel qualifié, une évaluation qualitative peut être plus appropriée à condition que le risque considéré se prête à une telle approche. Les évaluations qualitatives ne demandent pas de qualifications importantes en termes de mathématique pure, mais l’analyste doit avoir de grandes capacités de jugement, pour combiner les éléments probants d’une manière appropriée et logique, et les capacités techniques requises pour compiler et interpréter les connaissances scientifiques actuelles sont à peu près équivalentes.

Limites de la théorie ou des données

Les évaluations quantitatives des risques tendent à être mieux adaptées si l’on dispose de modèles mathématiques pour décrire des phénomènes et de données pour estimer les paramètres des modèles. Si la théorie ou les données font défaut, il est préférable d’opter pour une évaluation plus qualitative.

Champ d’application

Lorsque l’on étudie des risques à travers toute une gamme de dangers et de voies, il peut être difficile d’appliquer de façon cohérente une évaluation quantitative des risques en se fondant sur des éléments théoriques et pragmatiques très divers, comme c’est le cas lorsque l’on compare des dangers microbiologiques et chimiques dans les aliments. Les méthodologies et les modes de mesure ne sont sans doute pas encore assez au point pour fournir des mesures des risques suffisantes pour éclairer la prise de décision si le champ d’application est large.

Rapidité

Les évaluations des risques qualitatives et semi-quantitatives prennent généralement beaucoup moins de temps que les évaluations quantitatives, surtout si les protocoles des premières ont été bien définis et si des orientations claires ont été données pour interpréter les éléments de preuve. Quelques exceptions sont toutefois possibles si l’évaluation qualitative repose sur un processus de consultation (ex : études dans lesquelles les hypothèses d’experts officielles tiennent une place importante) avec des besoins considérables en termes de planification, d’information et de programmation.

Transparence

Le désir de transparence peut favoriser toutes les méthodes et le choix dépendra du type de transparence recherché. Cependant, il ne faut pas confondre “transparence” et “accessibilité”. Si la transparence s’entend au sens que chaque élément de preuve est clairement défini, ainsi que

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 19

son impact précis sur le processus d’évaluation, elle est plus facilement assurée par une évaluation quantitative. En revanche l’accessibilité, au sens où un large public de parties prenantes peut comprendre le processus d’évaluation, est plus facilement garantie par une évaluation qualitative ou semi-quantitative. Une évaluation quantitative des risques microbiologiques exige généralement des connaissances spécialisées et un investissement en temps considérable, de sorte qu’elle peut n’être accessible qu’à des spécialistes ou à des personnes qui ont le temps et les moyens d’en engager. La transparence au sens strict ne présente guère d’intérêt si les parties prenantes ne sont pas capables de comprendre et d’examiner en détail l’analyse et son interprétation et d’y contribuer, ou si elles considèrent que cela leur demanderait trop de travail. Les approches qualitative ou semi-quantitative peuvent être plus facilement comprises par une plus large gamme de parties prenantes, qui seront ensuite mieux à même de contribuer au processus d’analyse des risques.

Stade de l’analyse

Les évaluations qualitative et quantitative des risques ne s’excluent pas nécessairement l’une l’autre. Une évaluation qualitative est très utile dans une phase initiale de la gestion des risques pour fournir en temps opportun des informations sur le niveau approximatif de risque, et décider de la portée de l’analyse quantitative du risque et du niveau des ressources à lui affecter. À titre d’exemple, on peut avoir recours à une analyse qualitative pour déterminer les voies d’exposition (ex : air, aliments, eau, ou aliments crus/prêts à consommer) qui feront l’objet d’une évaluation quantitative des risques.

Adaptabilité

Une préoccupation importante souvent exprimée dans les situations règlementaires est le manque d’adaptabilité des mesures de caractérisation des risques ou des conclusions en cas d’apparition d’un nouvel élément de preuve. Imaginons une situation où une évaluation des risques a été conduite avec des données anciennes indiquant que la prévalence d’un pathogène est de 10%. Une fois l’évaluation publiée, on constate que la prévalence est tombée à 1%. Dans la plupart des évaluations quantitatives, la baisse de la prévalence aurait un impact bien déterminé sur la caractérisation des risques alors que dans certaines évaluations qualitatives, cet impact pourrait ne pas être suffisamment clair. On peut considérer que les évaluations qualitatives des risques encouragent ou favorisent ce manque d’adaptabilité, surtout si le lien entre l’élément de preuve et la conclusion est mal défini. Ce manque d’adaptabilité peut engendrer la méfiance et des préoccupations pour l’intégrité du processus d’évaluation des risques.

2.5 Variabilité, caractère aléatoire et incertitude

On confond souvent la variabilité, le caractère aléatoire et l’incertitude car ces trois éléments peuvent être décrits par des distributions. Ils ont cependant des significations différentes et le processus d’évaluation des risques est grandement facilité si le gestionnaire et l’évaluateur des risques interprètent ces concepts de la même manière. Ces thèmes sont également étudiés dans la Section 5.4 mais dans le contexte d’une évaluation quantitative des risques et d’approches de modélisation mathématique.

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20 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

2.5.1 Variabilité

La variabilité, parfois aussi appelée variabilité interindividuelle, désigne les différences effectives des valeurs d’une propriété quelconque d’une “population” dans le temps et dans l’espace, entre les individus qui la composent, que cette population se réfère à des personnes, à un produit alimentaire ou à une espèce de pathogène d’origine alimentaire, etc. À titre d’exemples, citons parmi les facteurs variables d’une évaluation des risques microbiologiques, les températures de stockage des produits alimentaires, le caractère saisonnier de différents modes de préparation des denrées (ex : cuisson au barbecue), les pratiques culinaires, la sensibilité aux infections dans des sous-populations, les habitudes de consommation dans une région, les différences de virulence entre les souches, et les procédés de manutention des produits adoptés par les différents producteurs.

Dans certains cas, la variabilité d’une population s’explique en partie par des attributs individuels observables. Par exemple, alors que la population humaine est hétérogène, il peut y avoir des différences notables de risque entre des sous-populations identifiables car elles sont pour une raison quelconque moins fréquemment exposées ou moins vulnérables au danger considéré. Il peut aussi y avoir trois méthodes différentes d’entreposer une denrée alimentaire, (ex : trois températures différentes avec le degré d’humidité correspondant), conduisant à un potentiel de croissance microbiologique différent dans les fractions du produit alimentaire qui sont entreposées dans chacune de ces conditions.

Lorsqu’il y a des différences de risque observables imputables à des facteurs connus, le recours à un type quelconque de stratification peut être commode pour analyser la variabilité d’une population, en reconnaissant les sous-populations comme des entités distinctes dans l’évaluation des risques. Les propriétés de chaque sous-population peuvent encore être décrites comme une quantité variable, mais avec une valeur moyenne et une dispersion des valeurs différentes. Une population humaine peut être stratifiée de plusieurs manières, sur la base de critères démographiques, culturels, de l’âge et d’autres variables, mais la stratification des risques liés à un pathogène d’origine alimentaire se fait généralement soit sur la base des différences d’exposition, soit sur la base des différences de sensibilité. Ces strates peuvent aussi se chevaucher. Dans une population considérée, on doit rechercher des preuves de différences de sensibilité et d’une probabilité d’exposition différentielle à travers des aliments. Si les éventuelles différences décelées ont des probabilités d’altérer de façon significative les risques ou les mesures de protection potentielles, on doit envisager de stratifier la caractérisation des risques en fonction de ces différences.

La variabilité est en principe décrite par une liste de valeurs différentes que prend la variable. Toutefois, le nombre de valeurs est souvent si élevé (c’est par exemple le cas de certaines caractéristiques d’une population humaine qui compte des millions d’individus) qu’il est plus pratique de décrire la variation par une distribution de fréquence.

2.5.2 Caractère aléatoire

Le caractère aléatoire résulte de l’effet du hasard inhérent au monde réel, et il est synonyme d’incertitude aléatoire et de variabilité stochastique.

La question de savoir si le caractère aléatoire existe vraiment ou s’il reflète seulement notre connaissance imparfaite du monde réel reste à éclaircir, mais pour des raisons pratiques, la variation résiduelle non expliquée par un modèle est généralement traitée comme un caractère aléatoire inhérent (Morgan et Henrion, 1990). Un exemple du caractère aléatoire dans le

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 21

contexte d’une ERM est fourni à la Section 5.4.1., qui illustre aussi l’interaction entre la variabilité, le caractère aléatoire et le recours à la stratification, examiné plus haut.

2.5.3 Incertitude

L’incertitude - également appelée incertitude épistémique, incertitude par manque de connaissances, ou incertitude subjective – découle du fait que l’on ne connaît pas la valeur réelle d’une quantité. On dit souvent que la variabilité et le caractère aléatoire sont des propriétés du système étudié alors que l’incertitude est une propriété de l’analyste. Des analystes différents, qui n’ont pas les mêmes niveaux de connaissances ou qui ont accès à des ensembles de données ou à des techniques de mesure différents, n’ont pas les mêmes degrés d’incertitude en ce qui concerne les prévisions qu’ils font. Il est important de comprendre l’incertitude pour avoir une idée de l’incidence que peut avoir le manque d’informations sur la prise de décisions. Quand la fourchette d’incertitude est suffisamment large pour qu’il y ait ambiguïté sur le type de décision préféré, il peut être intéressant de recueillir des données supplémentaires ou d’effectuer d’autres recherches pour réduire l’incertitude.

L’incertitude concerne non seulement les paramètres d’entrée d’un modèle d’évaluation, mais aussi les scénarios hypothétiques sur lesquels se fondent l’évaluation et le modèle. L’incertitude concernant les scénarios peut provenir d’une mauvaise spécification des agents nuisibles considérés, des voies d’exposition et des vecteurs, des populations exposées et des dimensions spatiales et temporaires du problème. Les sources d’incertitude concernant le modèle sont liées à sa structure, à son niveau de détail, à sa résolution, à sa validation ou non-validation, à l’extrapolation et à ses limites (paramètres inclus/exclus). Morgan et Henrion (1990), et Cullen et Frey (1999) donnent des exemples de sources d’incertitude dans le domaine de l’évaluation des risques, notamment:

• Erreur aléatoire. Erreur associée à des imperfections des techniques de mesure ou à des processus qui sont aléatoires ou statistiquement indépendants les uns des autres. Une erreur aléatoire de mesure conduit à une incertitude qui peut être réduite par des mesures supplémentaires et son contraire est la précision. On entend par précision, la concordance entre des mesures répétées d’une même quantité.

• Erreur systématique. La valeur moyenne d’une quantité mesurée peut ne pas correspondre à la valeur moyenne “réelle”, en raison de biais dans les mesures et les procédures. Ces biais peuvent découler d’un étalonnage imprécis, d’une mauvaise lecture des mètres, et d’inexactitudes dans les hypothèses retenues pour inférer la quantité réelle, à partir de lectures observées d’autres quantités.

• Absence de fondement empirique. Une évaluation des risques comporte souvent des questions pour lesquelles il est impossible de procéder à des essais et à des observations directs, de sorte que l’on doit faire des hypothèses sur la base des éléments de preuve disponibles. La validité de ces hypothèses ne peut pas être évaluée empiriquement. Ce type d’incertitude ne peut pas être traité au moyen de techniques statistiques classiques, car il oblige à faire des prévisions sur un évènement qui doit encore se produire, ou sur un élément qui doit être mesuré, ou soumis à un test. On utilise par exemple des données de substitution pour pallier à un manque d’informations sur la population étudiée. L’incertitude quant à la fidélité avec laquelle les données de substitution représentent la population considérée peut être caractérisée grâce à des jugements d’experts.

• Dépendance et corrélation. Lorsque plusieurs quantités sont incertaines, il se peut que les incertitudes soient statistiquement ou fonctionnellement dépendantes. Une modélisation

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22 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

incorrecte de la dépendance entre les quantités peut aboutir à un résultat incertain, en termes de prévision inappropriée de la variance des variables de sortie.

• Désaccord. Lorsqu’il existe des données limitées ou d’autres fondements théoriques possibles pour modéliser un système, les experts peuvent ne pas être d’accord sur l’interprétation des données ou sur les estimations concernant la fourchette et la probabilité des résultats relatifs à des quantités empiriques. En cas de désaccord entre les experts, il est généralement préférable d’étudier séparément les conséquences des jugements de chaque expert pour déterminer s’ils débouchent sur des conclusions sensiblement différentes quant au problème étudié. Dans le cas où les conclusions ne sont pas altérées de façon significative, on dit que les résultats sont robustes puisqu’ils résistent aux désaccords entre experts. Dans le cas contraire, les sources de désaccord entre experts doivent être évaluées plus attentivement. Dans certains cas, les experts ne sont pas en désaccord sur l’ensemble des connaissances. Leurs divergences d’opinions peuvent alors se réduire à des différences clairement identifiées dans les inférences qu’ils font à partir des données.

2.6 Lacunes des données

Qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, toutes les évaluations des risques nécessitent des données et des connaissances (sur les processus, les interactions, etc.). Si ces dernières viennent à manquer, l’évaluateur a moins confiance dans la caractérisation des risques et l’estimation lui paraît moins fiable. La forme d’une évaluation des risques est principalement déterminée par le type de questions posées pour faciliter la prise de décision. On cherche ensuite à identifier les données et connaissances disponibles qui pourraient être utiles pour construire une argumentation logique basée sur le risque (l’évaluation des risques) qui réponde à ces questions. En général, on doit faire un compromis car il se peut qu’une approche spécifique d’évaluation des risques ne soit pas capable de répondre à toutes les questions, mais puisse fournir une réponse de meilleure qualité. Il se peut aussi que les données disponibles ne permettent de répondre à aucune question. D’où l’importance considérable que peut revêtir le dialogue entre l’évaluateur et le gestionnaire des risques pour définir la forme d’une évaluation des risques.

Ce processus aide souvent à mieux comprendre la valeur d’autres informations qui ne sont pas disponibles. On peut se demander quelle autre démarche on pourrait adopter si l’on arrivait à trouver des données particulières. Suivant le temps qu’il lui reste avant de prendre une décision, et les ressources disponibles, le gestionnaire des risques peut estimer que cela vaut la peine d’attendre, ou d’engager des dépenses pour acquérir ces données dans l’espoir de formuler une opinion en connaissance de cause.

Il est tentant de planifier la structure d’une évaluation susceptible de répondre à toutes les questions du gestionnaire des risques, pour ensuite tenter de trouver les données nécessaires pour “remplir” l’évaluation, mais dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, cette approche est vouée à l’échec car les données manquantes sont légion. L’établissement d’une liste de toutes les données que l’on souhaiterait obtenir donnerait donc forcément des résultats décevants. D’autres approches préliminaires ont été proposées pour tenter de déterminer la forme de l’évaluation des risques, notamment la construction d’un raisonnement simplifié, fondé sur un modèle, pour décrire le système ou le processus avant d’identifier les données disponibles. Les lacunes des données sont étudiées de façon plus approfondie dans d’autres ouvrages (Fazil et al., 2005; FAO/OMS, 2008), mais les raisons de ces lacunes peuvent être résumées de la façon suivante:

• On n’avait jusque là pas jugé important de recueillir ces données;

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 23

• La collecte de ces données coûte trop cher;

• Les données sont impossibles à obtenir, avec les technologies actuelles ;

• Les données passées sont obsolètes;

• Les données provenant d’autres régions ne sont pas considérées comme pertinentes ;

• Les données ont été collectées et/ou signalées d’une manière inappropriée par rapport aux besoins de l’évaluation des risques.

Le problème des données précédemment considérées comme peu importantes se pose souvent dans des études de contamination qui contiennent peu de données positives. En général, les revues scientifiques leur accordent peu de valeur, de sorte que les chercheurs n’ont guère intérêt à conduire des études de ce type. Toutefois, les données négatives ont leur importance dans les évaluations des risques, notamment pour estimer la prévalence.

En s’aidant du cadre d’évaluation des risques, on peut déterminer les lacunes les plus gênantes pour répondre aux questions du gestionnaire des risques. Ce processus d’identification peut être utilisé pour établir des priorités pour la collecte de données et les recherches expérimentales futures.

2.6.1 Le recours à des opinions d’experts

Il peut être nécessaire de chercher à obtenir des estimations d’experts concernant les valeurs des paramètres du modèle des voies lorsque des données critiques font défaut ou lorsque pour des raisons pragmatiques, il est indispensable d’évaluer le risque dans un avenir relativement proche. Ici, les problèmes qui se posent concernent par exemple les décisions concernant l’identification et la sélection des experts, le nombre d’experts requis, les techniques d’obtention des informations, la correction des biais, etc…. et des méthodes sont en cours d’élaboration dans ce domaine (voir, par exemple, Jenkinson, 2004).

Lorsque l’on a besoin d’opinions d’experts, les problèmes et les méthodes de sélection, de correction des biais, etc. sont jusqu’à présent généralement similaires qu’il s’agisse d’évaluations qualitatives ou quantitatives. Ces méthodes sont examinées en détail dans d’autres directives FAO/OMS (FAO/OMS 2003, 2008). En principe, il est admis que l’on devrait avoir recours à “un nombre suffisant” d’experts. Des techniques comme la méthode Delphi (Linstone et Turoff, 1975), qui vise à obtenir le consensus d’un groupe d’experts, permettent de produire des estimations plus fiables à partir des informations disponibles. Toutefois, il arrive qu’il y ait vraiment très peu d’experts de la question étudiée, qu’il n’y en ait qu’un seul dans le monde, ou même qu’il n’y en ait pas du tout. On est donc obligé d’utiliser des données très incertaines quelque soit le type d’évaluation des risques, une solution qui est loin d’être idéale mais qui est parfois la seule option possible, à court terme.

Dans une évaluation quantitative des risques, on doit convertir une opinion d’expert en une donnée chiffrée. Là encore, il existe diverses méthodes pour le faire et de nombreuses autres sont en voie d’élaboration (voir par exemple, Gallagher et al., 2002). Même dans une évaluation qualitative des risques, ces mêmes méthodes peuvent être utilisées pour convertir une opinion d’experts en valeurs numériques pour des étapes spécifiques du modèle et, si l’on a suffisamment de temps, c’est le procédé le plus recommandé. On a déjà fait observer que les termes « quantitatif » ou « qualitatif », appliqués à des approches d’évaluation des risques, ne désignent pas des catégories officiellement définies d’évaluation des risques. Pour obtenir des opinions d’experts dans ce domaine, on peut aussi procéder plus simplement, en demandant

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24 Objet d’une évaluation des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments

directement à un expert son opinion sur les probabilités d’une étape spécifique, qu’il exprimera en des termes tels que élevées, faibles, négligeables, etc. L’interprétation de ces termes est elle aussi subjective, comme on va le voir dans les évaluations qualitatives des risques en général (voir Chapitre 3) et la manière dont le lecteur évaluera les résultats devra être fondée sur l’évaluation des experts sélectionnés. En principe, cette méthode ne devrait être adoptée qu’à titre temporaire, jusqu’à ce que l’on dispose de données plus précises.

2.7 Le rôle des scénarios optimiste et pessimiste

Comme technique de filtrage dans le domaine de l’évaluation des risques, par exemple dans le cadre d’un profil de risque, il peut être utile d’analyser le scénario le plus favorable ou le plus défavorable pour avoir une idée de ce qui se pourrait se passer de mieux ou de pire. Le scénario le plus défavorable, ou pessimiste, est généralement utilisé pour déterminer s’il y a lieu de se préoccuper d’un risque ou d’une voie d’exposition. Aucune analyse supplémentaire n’est nécessaire si l’estimation la plus pessimiste montre que le niveau de risque est inférieur à un certain seuil (ex : niveau de risque négligeable).

Inversement, le scénario le plus favorable, ou optimiste, peut être utilisé pour filtrer les options possibles en matière de gestion des risques. Le gestionnaire des risques peut exclure certaines options si l’estimation la plus optimiste a établi que les avantages qui en découlent ne justifient pas leur coût.

Les scénarios optimiste et pessimiste fonctionnent un peu comme des scénarios de « simulation » extrêmes. Si un paramètre d’un modèle est entaché d’une incertitude très grande, mais quantifiée, on utilise une valeur qui donne l’extrême requis. Il s’agit généralement d’une valeur extrême issue de la distribution de l’incertitude du paramètre, comme son 1er ou son 99ème percentile. Cependant, quand il n’y a pas de relation monotone entre la valeur du paramètre et l’estimation du risque (ce qui signifie que la grandeur du risque estimé croît/décroît seulement si la valeur du paramètre croît/décroît ou, inversement, que la grandeur du risque estimé décroît/croît seulement quand la valeur du paramètre croît/décroît), l’estimation du risque extrême se trouve plus vers le centre de la distribution de l’incertitude du paramètre.

En cas d’incertitude sur les voies d’exposition et l’attribution du risque, l’estimation du risque extrême s’obtient en prenant la voie la plus pessimiste (ou optimiste): par exemple « supposons que toutes les salmonelles proviennent du poulet ».

Les analyses du cas le plus défavorable ont des inconvénients : elles sont généralement centrées sur les conséquences de l’hypothèse la pire, sans tenir compte des probabilités que ce scénario pessimiste se vérifie, et il est difficile de spécifier les conditions susceptibles de conduire au cas le plus défavorable (ou le plus favorable), car les extrêmes absolus ne sont limités que par notre imagination. Au contraire, dans tous les cas où les valeurs d’un paramètre ou les voies d’exposition sont connues avec une grande certitude, il convient de les utiliser pour éviter de concevoir un scénario extrême tellement pessimiste (ou optimiste) qu’il est irréaliste.

L’évaluation de scénarios optimistes et pessimistes peut être considérée comme une évaluation des risques si les informations sur la probabilité extrême sont crédibles et jugées suffisantes par le décideur.

2.8 Degré de fiabilité des résultats de l’évaluation des risques

Les résultats de toute évaluation des risques sont entachés d’une certaine incertitude. Même si toutes les règles sont respectées en matière de transparence, de description des incertitudes du

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modèle et des paramètres, et de toutes les hypothèses implicites ou explicites, les gestionnaires des risques ne sauront pas quel degré de confiance l’évaluateur des risques accorde aux résultats de l’évaluation, et ils ne connaîtront pas les limites de son application. Ainsi, les évaluateurs des risques doivent expliquer le niveau de confiance qu’ils accordent aux résultats de l’évaluation. Toutes les hypothèses devraient être reconnues et explicitées dans des termes compréhensibles pour des profanes (non mathématiciens). Par exemple, au lieu de dire « les maladies sont supposées suivre un processus de Poisson », il vaut mieux dire « les maladies ont été modélisées comme un processus de Poisson, ce qui signifie que toutes les maladies sont supposées survenir de façon aléatoire dans le temps, indépendamment les unes des autres, et que le risque d’une maladie est constant dans le temps ou se répète selon un schéma saisonnier quelconque ». Ce genre d’explication permettra au gestionnaire des risques de mieux comprendre les hypothèses, et peut-être de poser des questions plus pertinentes sur ce qui se passerait si elles n’étaient pas respectées.

La caractérisation des risques devrait inclure une description des atouts et des limites de l’évaluation ainsi que de ses effets sur l’ensemble de l’évaluation. La caractérisation des risques devrait aussi dire si l’évaluation répond bien aux questions formulées au départ. Il est important de bien expliquer l’effet des hypothèses sur la validité de l’évaluation. Des arguments peuvent être utiles pour la circonscrire, par exemple: “si l’hypothèse X s’avérait incorrecte, le risque ne pourrait pas logiquement être plus grand que Y, à condition que toutes les autres hypothèses soient vraies”.

Le chapitre 6 donne des avis détaillés sur l’assurance de la qualité des caractérisations des risques et sur l’évaluation de leur robustesse et leur crédibilité.

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3. La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

3.1 Introduction

Dans l’idéal, l’étape de caractérisation des risques d’une évaluation qualitative des risques devrait fondée sur des données numériques concernant l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers, mais elle se limite généralement à décrire un risque ou à le classer dans une catégorie qui n’est pas directement liée à une mesure du risque, quantifiée de façon plus précise. Les évaluations qualitatives servent généralement à passer les risques au crible pour déterminer s’ils méritent une étude plus poussée, et elles peuvent être utiles dans le cadre des « activités préliminaires de gestion des risques » décrites dans FAO/OMS (2002), et pour fournir les informations et les analyses requises pour répondre à des questions spécifiques du gestionnaire des risques. Parmi les évaluations qualitatives des risques déjà publiées on peut citer celles de Stephens (2002), EU-HCPDG (2003), Lake, Hudson et Cressey (2002a, b).

Soulignons que les propriétés d’une bonne évaluation des risques, décrites à la Section 2.1, s’appliquent aussi aux évaluations qualitatives. Des données appropriées doivent être recueillies, documentées et pleinement référencées et synthétisées d’une manière logique et transparente, quelle que soit la méthode employée. Les approches qualitatives et quantitatives de caractérisation des risques se différencient principalement par la manière dont l’information est synthétisée et par le mode de communication des conclusions.

Bien qu’un certain nombre de grands projets largement médiatisés d’évaluation quantitative des risques microbiologiques menaçant la sécurité sanitaire des aliments aient récemment été achevés, la majorité des évaluations des risques auxquelles ont recours les gestionnaires des risques et les décideurs dans les domaines de la sécurité sanitaire des aliments, de la santé et de la microbiologie ne sont probablement pas pleinement quantitatives, au sens où l’entend le Chapitre 5.

Cela peut s’expliquer par divers facteurs. Une évaluation quantitative des risques microbiologiques est une discipline nouvelle et spécialisée ; les méthodes permettant de les réaliser ne sont pas encore pleinement au point et l’expertise et les ressources nécessaires à cette fin sont peu répandues. En outre, comme on l’a fait observer au Chapitre 2, les résultats de ces évaluations ne sont pas toujours « accessibles » aux gestionnaires des risques et aux autres parties prenantes. Ainsi, si un évaluateur des risques fait réaliser une évaluation des risques officielle (travail spécialement conçu pour estimer la grandeur d’un risque, dont la présentation est conforme à une série de directives sur l’évaluation des risques) plusieurs raisons peuvent le pousser à demander spécifiquement une évaluation qualitative :

• Une évaluation qualitative est perçue comme beaucoup plus simple et plus rapide;

• Il estime qu’une évaluation qualitative sera plus accessible et plus facile à comprendre, et que le gestionnaire des risques ou le décideur pourra plus facilement l’expliquer à des tiers ;

• L’insuffisance, réelle ou perçue, des données, qui fait que le gestionnaire des risques considère qu’une évaluation quantitative sera impossible;

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28 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

• Le manque de compétences en mathématique ou informatique et d’installations pour l’évaluation des risques, conjugué à un manque de moyens ou de motivation pour faire appel à d’autres experts, dans ces domaines ou dans une autre discipline connexe.

Parmi ces raisons, beaucoup se réfèrent à des perceptions du processus d’évaluation qualitative des risques qui ne sont généralement pas valables, pour des motifs mentionnés plus haut. Toutes les évaluations des risques, qu’elles soient qualitatives, semi-quantitatives ou quantitatives, demandent des données. Les données numériques sont préférables, et si des données cruciales manquent, cela a une incidence négative sur toutes les approches. Étant donné que l’opération de collecte et de documentation des données est la partie qui prend le plus de temps dans n’importe quelle évaluation des risques, et qu’il faut des capacités de logique pour synthétiser les données dans une estimation ou une conclusion, rien ne dit qu’une évaluation qualitative soit plus rapide ou plus simple. Le plus souvent, les évaluations qualitatives et semi-quantitatives prennent moins de temps, elles exigent autant d’aptitudes logiques et de très grandes compétences de calcul, mais moins de compétences spécialisées en mathématique et en informatique. Une évaluation qualitative décrit les probabilités de survenue d’un résultat non souhaité, en des termes qui sont par nature, très subjectifs. Il n’est donc pas nécessairement plus facile pour le gestionnaire des risques de comprendre les conclusions qui se dégagent de l’évaluation du risque ou de les expliquer à des tiers. Toute évaluation officielle d’un risque doit absolument être transparente, et indiquer comment on est parvenu à une description du risque, qu’elle soit chiffrée ou qualitative, afin que les utilisateurs puissent comprendre le raisonnement sur lequel se fonde l’évaluation, ses points forts et ses limites, la contester ou la critiquer, ou communiquer des données ou des connaissances supplémentaires pour l’améliorer. En outre, comme toutes les approches demandent aussi des compétences spécialisées en médecine, microbiologie, biologie, médecine vétérinaire, épidémiologie, etc., l’inclusion d’informations et de concepts provenant de disciplines aussi diverses peut rendre l’évaluation moins accessible. Le Chapitre 8 étudie les méthodes les plus efficaces pour communiquer les résultats d’une évaluation des risques aux utilisateurs et aux intéressés.

3.1.1 Valeur et utilisations d’une évaluation qualitative des risques

Selon la définition la plus simple, une évaluation des risques est une méthode qui évalue ou tente d’évaluer un risque. Une évaluation qualitative des risques ne se réduit cependant pas à une étude documentaire ou à une description de l’ensemble des informations disponibles sur un problème de risque. Elle doit aussi arriver à une conclusion sur les probabilités de résultats concernant un risque de référence et/ou les éventuelles stratégies de réduction qui ont été proposées. La Commission du Codex alimentarius (1999) et l’OIE (1999) estiment que les évaluations qualitatives et quantitatives sont aussi valables les unes que les autres, mais elles ne se sont pas prononcées sur les évaluations semi-quantitatives (voir Chapitre 4). Toutefois, aucune de ces deux organisations n’explique les conditions dans lesquelles les deux types d’évaluation ont la même validité, et les avis des experts du risque divergent en ce qui concerne les méthodes et les approches à appliquer pour une évaluation qualitative des risques, ainsi que les critères de validité. Le Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires de l’Organisation mondiale du commerce note certains avantages des expressions quantitatives du risque :

« La quantification du niveau approprié de protection, lorsque cela est possible, peut faciliter la mise en évidence des distinctions arbitraires ou injustifiées dans les niveaux jugés appropriés dans des situations différentes … l’utilisation de termes quantitatifs et/ou d’unités communes peut faciliter les comparaisons. »

Toutefois, les évaluateurs ont reconnu la nécessité d’inclure dans une évaluation des risques des résultats chiffrés dans le contexte d’un examen circonstancié des limites des données et de

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l’analyse, des principales hypothèses ou variables, et des aspects qualitatifs du risque non éclairés par une analyse quantitative. Les mêmes principes logiques s’appliquent à toutes les évaluations, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives.

Il arrive que l’on commence par entreprendre une évaluation qualitative, dans l’intention de la compléter par une évaluation quantitative si l’on estime par la suite qu’elle sera nécessaire ou utile.

Il arrive qu’une évaluation qualitative fournisse au gestionnaire du risque ou au décideur toutes les informations dont il a besoin. C’est le cas si les informations recueillies comprennent quelque élément de preuve qui montre que le risque est effectivement négligeable et que les travaux effectués jusqu’à présent suffisent. Des éléments de preuve peuvent au contraire indiquer que le niveau de risque est trop élevé pour être acceptable, ou qu’une ou plusieurs conséquences sont tellement inacceptables que des mesures de sauvegarde doivent être adoptées, quelle que soit l’ampleur du risque. De la même manière, des évaluations qualitatives peuvent être effectuées dans un premier temps pour explorer ou mettre en œuvre rapidement des mesures de protection, si les experts concordent pour dire que ces mesures seront immédiatement efficaces et utiles. Ainsi, s’il existe des sources évidentes de risque qui peuvent être éliminées, il n’y a pas lieu d’attendre les résultats d’une évaluation quantitative complète pour mettre en place des interventions visant à réduire le risque. Une évaluation qualitative des risques peut aussi fournir les indications nécessaires sur une (des) voie(s) de risque jusque là non identifiées, ce qui permet au gestionnaire des risques de prendre des décisions ou d’appliquer des mesures de sauvegarde sans avoir à procéder à une quantification ultérieure.

La FAO et l’OMS (2004) ont noté ce qui suit:

Les évaluations qualitatives des risques peuvent être entreprises, par exemple, sur la base d’hypothèses d’experts. En synthétisant les connaissances des experts et en décrivant quelques incertitudes, on peut au moins établir un classement des risques relatifs, ou les diviser en catégories de risques… Quand les évaluateurs comprennent comment sont faites les évaluations qualitatives des risques, elles peuvent devenir des instruments efficaces entre les mains des gestionnaires des risques.

Conscientes du fait que, dans certaines circonstances, comme celles indiquées ci-dessus, les évaluations qualitatives peuvent être conduites rapidement, utilisées pour répondre à des questions spécifiques, et révéler qu’il n’est pas nécessaire d’entreprendre une importante évaluation pleinement quantitative de l’exposition et du risque pour donner des avis pertinents au gestionnaire du risque.

3.1.2 L’évaluation qualitative des risques dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments

Les évaluations qualitatives des risques ont été massivement utilisées pour évaluer les risques liés à l’importation d’animaux et de leurs produits. Sachant que bon nombre de ces produits sont destinés à l’alimentation humaine, les évaluations des risques à l’importation ont aussi porté sur des produits alimentaires destinés à la consommation humaine. Jusqu’ici, elles ont cependant toujours été centrées sur le risque qu’un pathogène exotique spécifique, présent dans un aliment, soit introduit dans une région ou un pays ou importateur potentiel. L’intention est généralement de déterminer si le risque d’importer le pathogène dans le produit est trop élevé pour être acceptable pour le pays importateur, et s’il convient par conséquent d’adopter des mesures de protection (du type cuisson, congélation, essais ou prohibition pure et simple). Les évaluations des risques ont rarement été centrées sur d’autres conséquences, telles que les effets potentiels sur la santé humaine, même si le pathogène pouvait être organisme zoonotique.

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30 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

D’une manière générale, les évaluations des risques à l’importation de produits alimentaires cherchent à déterminer la probabilité de la présence d’un pathogène dans ce produit, afin que des mesures protectionnistes puissent être adoptées, si cette probabilité est inacceptable. Les évaluations des risques liés aux produits alimentaires pour la sécurité sanitaire et la santé humaine, sont généralement conçues pour évaluer non seulement les probabilités de la présence d’un pathogène, mais aussi la quantité du pathogène présent, afin de pouvoir déterminer la réponse de l’organisme humain à la dose probable. C’est ce dernier aspect qui fait que les évaluations qualitatives des risques sont parfois perçues comme moins utiles dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, même si l’on sait que de nombreuses données quantitatives sur la relation dose-réponse reposent sur des méthodes d’estimation très subjectives. On a vu au Chapitre 2 que toutes les étapes du processus d’évaluation des risques (Identification des dangers, Caractérisation des dangers, Évaluation de l’exposition, Caractérisation des risques) étaient nécessaires dans tous les cas pour aider les gestionnaires des risques en matière de sécurité sanitaire des aliments, à choisir des interventions appropriées pour gérer le risque. Même si l’on ne possède pas de données sur la relation dose-réponse, les interventions visant à réduire l’exposition sont souvent des étapes appropriées pour limiter le risque, qui pourraient être déterminées à partir d’une évaluation qualitative ou quantitative « incomplète » (c’est-dire sans l’étape de caractérisation des dangers). Une évaluation des risques épidémiologiques peut aussi être faite sans données sur la relation dose-réponse.

3.2 Caractéristiques d’une évaluation qualitative des risques

3.2.1 Complémentarité des analyses qualitatives et quantitatives

Les principes fondamentaux d’une évaluation des risques s’appliquent de la même manière à tous les types d’évaluations, qualitatives, semi-quantitatives, ou quantitatives. En effet, toute évaluation doit identifier le danger, définir le problème de risque, décrire les étapes des voies de risque, recueillir des données et informations, notamment sur l’incertitude et la variabilité, combiner les informations d’une manière logique, et faire en sorte que le tout soit pleinement documenté et transparent. Il s’ensuit que la plupart des activités sont les mêmes, jusqu’à la collecte des données comprise. On commence donc souvent par établir un profil de risque, ou par entreprendre une évaluation qualitative ou semi-quantitative, dans l’intention de la compléter par une évaluation quantitative, si on juge par la suite qu’elle est nécessaire, utile et réalisable.

Les investigations faites lors d’une analyse qualitative des risques peuvent être suffisamment détaillées pour donner au gestionnaire des risques ou au décideur toutes les informations dont il a besoin. C’est par exemple le cas si les informations recueillies comprennent quelque élément de preuve qui montre que le risque est effectivement négligeable et que les travaux effectués jusqu’à présent suffisent. Des éléments de preuve peuvent au contraire indiquer que le niveau de risque est trop élevé pour être acceptable, ou qu’une ou plusieurs conséquences sont tellement inacceptables que des mesures de sauvegarde doivent être adoptées quelles que soient les probabilités de risque. Une évaluation qualitative des risques peut aussi fournir les indications nécessaires sur une (des) voie(s) de risque jusque là non identifiées, ce qui permet au gestionnaire des risques de prendre des décisions ou d’appliquer des mesures de sauvegarde sans avoir à procéder à une quantification ultérieure. Dans ces circonstances, le gestionnaire des risques ou le décideur estimera probablement qu’une évaluation quantitative supplémentaire serait superflue.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 31

Un profil de risque (ou une évaluation qualitative des risques) est recommandé si une évaluation quantitative est prévue. Ce profil peut être utile pour identifier les données actuellement disponibles, les incertitudes qui entourent ces données et les incertitudes concernant les voies d’exposition, afin de se prononcer sur la faisabilité et l’utilité d’une analyse quantitative. Il peut aussi servir à identifier les données manquantes pour cibler les études qu’il conviendra de faire avant de procéder à la quantification. Enfin, l’évaluation qualitative peut chercher à déterminer l’ampleur probable des risques associés à des voies de risque multiples, telles que les voies d’exposition, afin de désigner celles à quantifier en priorité.

Quelle que soit l’intention initiale, lorsqu’une évaluation qualitative des risques a déjà été effectuée, une bonne partie du travail sur lequel repose une analyse quantitative est déjà faite. Pour le même problème de risque, l’analyse quantitative pourra s’appuyer sur les voies de risque déjà identifiées et sur les données déjà collectées pour chiffrer le risque.

3.2.2 Subjectivité des conclusions textuelles, dans les évaluations qualitatives des risques

L’évaluation de la probabilité d’une étape quelconque de la voie de risque, ou du risque global, en termes de « élevé », « moyen », « faible », « négligeable », etc. a un caractère subjectif : en effet l’évaluateur interprète ces termes selon ses propres concepts, alors qu’ils peuvent avoir, et ont généralement, une signification différente selon les personnes. C’est là l’une des principales critiques adressées aux évaluations qualitatives des risques. Cependant, les estimations finales des évaluateurs ne devraient jamais être considérées isolément – et il en va de même pour les résultats chiffrés des évaluations quantitatives des risques - ce qui ne fait que confirmer la nécessité que les données et la logique sur lesquelles s’est fondé l’évaluateur pour estimer le risque soient bien documentées et transparentes.

N’importe quelle évaluation des risques fait appel au jugement. Il peut s’agir du jugement de l’évaluateur et/ou d’une opinion d’expert, et dans les deux cas, ces jugements sont subjectifs. Ce jugement intervient pour définir la portée du problème, sélectionner ou rejeter des données, identifier les voies de risque, appliquer des coefficients de pondération aux données ou aux voies modélisées, choisir les distributions dans un modèle stochastique, sélectionner une description des termes élevé, faible, etc. dans une évaluation qualitative. C’est pourquoi un gestionnaire des risques, un décideur ou un autre intéressé qui a besoin d’utiliser une évaluation des risques donnée, ou souhaite la comprendre, ne doit pas se contenter de regarder le résultat « final ». Il doit savoir comment on est arrivé à ce résultat.

Beaucoup de gens ne sont pas suffisamment qualifiés pour comprendre immédiatement les calculs effectués dans une évaluation quantitative des risques. Ils ont besoin des explications et des opinions de l’évaluateur qui doit dire comment le résultat a été atteint, et décrire les hypothèses, les jugements, les incertitudes, etc. pris en compte dans les calculs. Si l’évaluateur est aussi un bon pédagogue, ses explications peuvent suffire, mais si ce n’est pas le cas, le gestionnaire des risques a très peu de chances de pouvoir comprendre tout seul l’importance et la signification du résultat quantitatif.

Comme on l’a noté dans les Sections 2.4 et 3.1, l’expression mathématique du risque inhérent dans une analyse quantitative peut limiter l’accessibilité de l’évaluation, si elle ne contient pas d’explications textuelles. De la même manière, pratiquement tout le monde devrait être capable de comprendre et de suivre l’argumentation d’une évaluation qualitative si elle a été rédigée de manière transparente et logique. En examinant l’évaluation complète, le gestionnaire des risques peut donc voir immédiatement s’il est d’accord avec les conclusions de l’évaluateur.

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32 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

Bien que les mots soient interprétés de façon subjective, la manière dont les gens utilisent ces termes est liée, de sorte qu’ils donnent une idée de la grandeur du risque. Par exemple, si 99% de la population a des probabilités d’être infectée par un pathogène potentiel P, la plupart des gens considèreront que ce risque est très élevé (ou plus encore). À l’inverse, s’il n’a jamais été démontré qu’un pathogène potentiel P infectait l’homme, bien qu’il ait fortement contaminé l’environnement dans toutes les régions du monde et que la population ait été soumise à des tests très sensibles, la plupart des gens décriront probablement ce risque comme excessivement faible (ou nul). Si, en outre, il a été démontré que P était un organisme très stable avec des probabilités de mutation très faibles, beaucoup pourraient même qualifier ce risque de négligeable. Les risques classés comme intermédiaire dans les évaluations quantitatives sont ceux qui recueilleront le moins le consensus. Cette question est examinée de façon plus approfondie dans la section 3.2.4.

Le terme « négligeable », au sens où il est utilisé dans les évaluations qualitatives des risques, signifie que, pour toutes les applications pratiques, la grandeur d’un risque négligeable ne peut pas être différenciée de zéro, par des méthodes qualitatives (voir par exemple l’utilisation de ce terme dans Murray et al., 2004). Le terme « zéro » n’est pas employé car dans le domaine de la salubrité microbiologique des aliments, la notion de risque zéro n’existe pas. Notons au passage que, comme le terme « négligeable » peut être interprété au sens de « peut être négligé », il peut être considéré comme un terme de « gestion des risques » dans la mesure où il implique un jugement. Dans certaines situations, un gestionnaire des risques considèrera un risque déterminé comme négligeable, non pas parce qu’il ne peut pas être différencié de zéro, mais parce qu’il estime que les mesures visant à le réduire encore ne sont pas justifiées, pour des raisons économiques ou de faisabilité technique. En ce sens, « négligeable » peut aussi être interprété comme niveau « minimum raisonnablement réalisable ».

3.2.3 Limites d’une caractérisation qualitative des risques

Intuitivement, il est difficile de concevoir une évaluation des risques pleinement qualitative qui fournisse des avis utiles aux gestionnaires des risques, sauf dans quelques cas particuliers où le nombre de facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur le risque analysé est très faible (ex : moins de quatre) ou quand tous les facteurs qui ont une incidence changent le risque dans la même “direction”, ce qui veut dire que chaque étape du processus accroît le risque au plus haut niveau ou catégorie pour cette étape, ou inversement. Dans tous les autres cas, il est pratiquement impossible d’évaluer l’effet combiné de plusieurs stades, car les contributions relatives des facteurs, exprimées en termes qualitatifs, ne peuvent pas être combinées de manière logique pour déterminer leur effet global. Ainsi, si une évaluation pleinement qualitative des risques peut identifier des voies ou des scénarios qui conduisent à des niveaux de risque extrêmes, le risque relatif découlant de tous les autres scénarios ne peut pas être différencié sur une base logique. Un raisonnement logique de type qualitatif peut fournir des conclusions comme « le risque est logiquement inférieur à celui de X », où X est un autre risque, quantifié de façon plus précise, qui a précédemment été jugé acceptable, ou « le risque est logiquement supérieur à celui de Y » où Y est un autre risque, quantifié de façon plus précise, qui a antérieurement été jugé inacceptable. On peut toutefois faire valoir qu’il s’agit en fait d’évaluations quantitatives des risques, respectivement basées sur des scénarios optimiste et pessimiste. Cox, Babayev et Huber (2005) ont étudié de façon plus approfondie ces limites, avec des exemples à l’appui.

Le présent chapitre traite cependant de la caractérisation qualitative des risques, et il étudie les méthodes qui permettent de combiner les données qualitatives décrivant l’exposition et la

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 33

relation dose-réponse pour produire une estimation du risque. Les principaux problèmes et limites potentiels sont liés à la présentation appropriée des éléments de preuve et à la transparence de la synthèse logique.

La description qualitative d’un risque ne peut être utile à un gestionnaire des risques que si ce dernier interprète de la même manière que l’évaluateur des termes subjectifs comme « faible », « négligeable », etc. ou d’autres descripteurs (voir aussi Section 3.2.2). La conclusion d’une caractérisation des risques (indiquant par exemple un risque « faible ») n’a guère de signification pour un gestionnaire du risque si ce verdict n’est pas accompagné d’une indication quelconque de ce que l’auteur du rapport entend par « faible ». En outre, cette conclusion ne dit rien sur les éléments qui pourraient faire passer le risque étiqueté à un autre niveau que « faible ». Ainsi, si l’on présentait des preuves que 25% du produit n’était pas stocké congelé, le risque augmenterait-il pour devenir « modéré »?

Les analyses qualitatives pâtissent souvent de l’incapacité à identifier les éléments de preuve qui ont eu une influence, la manière dont ils ont été combinés, et à éliminer l’ambiguïté concernant la signification des catégories de risque attribuées par la caractérisation des risques. À défaut de critères explicites pour expliquer ce que l’on entend par risque élevé, modéré et faible, les conclusions pourraient ressembler à des jugements arbitraires et subjectifs sur le niveau de risque. Ces défaillances tendent à faire de la caractérisation qualitative des risques un instrument souvent inacceptable pour faciliter la prise de décision.

On peut présenter une analyse pour lui donner une apparence structurée alors qu’elle ne l’est pas, en insérant des titres standards, tels que évaluation de l’exposition, caractérisation des dangers et caractérisation des risques, mais il y a peu de chances pour qu’un tel document soit réellement considéré comme une caractérisation des risques. On trouvera à la section 3.4 des exemples d’approches qualitatives dans lesquelles la corrélation entre les éléments de preuve et la conclusion est expliquée.

Si l’évaluation des risques s’adresse à un public plus large, les auteurs doivent avoir présent à l’esprit que les mots ou les termes utilisés comme descripteurs peuvent être interprétés différemment suivant la langue ou les régions. Même s’il y a un consensus entre les évaluateurs et les gestionnaires des risques à ce sujet, certaines limites des évaluations qualitatives des risques peuvent être identifiées.

3.3 Réalisation d’une caractérisation qualitative des risques

3.3.1 Description de la (des) voie(s) de risque(s)

Les voies du risque sont les voies potentielles qui mènent du danger considéré au résultat considéré. Toute évaluation des risques se doit d’identifier et de décrire ces voies. On détermine les données qu’il convient de collecter et d’incorporer, sur la base des étapes définies dans la voie du risque. L’ordre dans lequel sont présentées les données et l’identification des probabilités à calculer et des conclusions, reposent sur la connaissance des étapes fondamentales de la voie du risque.

3.3.2 Besoins en données

Les données utilisées dans les évaluations qualitatives, semi-quantitatives et quantitatives des risques comprennent des informations numériques et textuelles. Les problèmes généraux concernant la qualité et la pertinence des données pour les évaluations des risques sont traitées dans d’autres directives FAO/OMS sur l’évaluation des risques (FAO/OMS, 2003, 2008). Deux

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34 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

grands types de données sont nécessaires pour une évaluation des risques, qu’elle soit qualitative ou quantitative, à savoir :

• les données utilisées pour décrire la voie du risque, puis construire le cadre du modèle;

• les données utilisées pour estimer les paramètres d’entrée du modèle.

Pour certaines questions intéressant la gestion des risques, il peut être nécessaire d’identifier toutes les voies d’exposition à un même pathogène, de manière à pouvoir attribuer l’effet sur la santé à la source étudiée. Ces informations peuvent être textuelles mais une évaluation des risques sera beaucoup plus solide si l’on dispose d’informations quantitatives, notamment issues d’analyses épidémiologiques statistiques. La description des voies qui relient un aliment ou un animal à une exposition humaine au pathogène est une information textuelle utile aussi bien pour les évaluations qualitatives que quantitatives. Des discussions avec des producteurs et/ou des transformateurs et des observations à la ferme ou dans des usines de transformation des aliments, par exemple, permettront de décrire les étapes dans la voie du risque étudiée. Cette description est ensuite convertie en un graphique, pour plus de clarté, et sert de base pour définir les étapes dans le cadre du modèle. À ce niveau, les besoins sont les mêmes pour les évaluations qualitatives et quantitatives.

Le deuxième type de données – celles qui sont utilisées pour estimer les paramètres d’entrée du modèle - doivent toutes être chiffrées pour une évaluation quantitative des risques. À défaut, les lacunes seront comblées par des opinions d’experts ou des données de substitution quantifiées. En outre, les éventuelles incertitudes ou variabilités doivent être incorporées sous une forme mathématique, généralement en tant que distributions. Lorsqu’il y a plusieurs sources de données pour un paramètre d’entrée, elles doivent être pondérées et/ou combinées dans des formules mathématiques appropriées reflétant leur importance dans l’estimation du paramètre étudié. Malgré son nom, une évaluation qualitative des risques doit avoir le plus de données chiffrées possible à insérer dans le modèle. La recherche d’informations, et donc de données chiffrées, devrait être aussi approfondie que pour une évaluation quantitative. En outre, si l’on manque de données numériques cruciales, on peut là encore avoir recours à des opinions d’expert. La principale différence entre les approches qualitatives et quantitatives tient à la manière dont sont traitées les données et les opinions d’experts une fois qu’elles ont été obtenues.

3.3.3 Prise en compte de l’incertitude et de la variabilité

Une évaluation qualitative des risques doit tenir compte de l’incertitude et de la variabilité. Par exemple, lorsque l’on dispose de données donnant une fourchette ou une distribution spécifique, celle-ci doit être décrite dans l’évaluation des risques. Toutefois, il n’existe pas de méthode particulière permettant d’inclure l’incertitude et la variabilité dans un paramètre d’entrée et de les refléter avec précision dans l’estimation finale du risque, même si l’on a des données chiffrées. Comme dans le cas de l’évaluation du risque, l’évaluation globale de l’incertitude et de la variabilité provenant de cette source sera faite dans des termes descriptifs tels que « beaucoup », « peu », etc.

L’une des possibilités, pour inclure la variabilité, consiste à élaborer plusieurs scénarios (ex: conditions quasi-optimales, situation normale, et une série de conditions adverses) reflétant la variabilité, à évaluer séparément chaque scénario de risque et à comparer les résultats. Cette approche mettra en évidence la variabilité s’il y a une large gamme de scénarios présentant des risques très variables. Toutefois, si les scénarios produisent des résultats très différents et que les probabilités relatives de chaque scénario ne sont pas décrites, cette analyse n’a pas

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 35

forcément une grande valeur pour éclairer la prise de décision. On notera que les risques pour une population peuvent être dominés, ou tout au moins fortement influencés, par les scénarios plus extrêmes (ex: conditions conduisant à un risque par portion relativement élevé) même si les probabilités qu’ils se concrétisent sont plus faibles. Il est important que l’évaluateur des risques détermine dans son analyse s’il y a des probabilités que ce soit le cas pour les risques sur lesquels porte l’évaluation.

D’une manière générale, l’influence des facteurs clés devrait être examinée de façon très approfondie si l’incertitude inhérente à ces facteurs (ex: prévalence, efficacité de traitement) est suffisante pour altérer la mesure de la caractérisation du risque. Ceci est particulièrement important si, dans la fourchette d’incertitude, la mesure de caractérisation des risques peut dépasser un seuil important pour la prise de décision.

Il existe cependant d’autres types d’incertitude. L’un d’eux est l’incertitude du modèle. Dans ce cas, l’incertitude concerne les voies réelles par lesquelles le résultat non souhaité peut se produire. Dans une évaluation qualitative des risques, les différentes voies seront décrites, de préférence avec des graphiques, l’incertitude du modèle sera reportée et les autres possibilités examinées.

Il peut y avoir un autre type d’incertitude quand des données sont disponibles, mais quand leur description n’est pas assez circonstanciée. Supposons par exemple que l’on entreprenne une évaluation des risques dans laquelle le danger est représenté par une sous-espèce S d’une espèce de microbe M. Supposons encore que partout dans le monde, les données sur ce microbe soient dispersées, mais que l’on ait quelques données sur une sous-espèce non spécifiée du microbe M. Dans une évaluation quantitative des risques, il faudrait décider si la gamme de sous-espèces connues de M est suffisamment similaire à S, pour que l’on puisse utiliser ces données non spécifiées. Si on les utilise, on peut obtenir une réponse précise, mais inexacte (si la sous-espèce est en réalité très différente) alors que si on ne les utilise pas, on risque de manquer d’information sans nécessité (s’il s’agissait en fait de la sous-espèce S). La décision serait subjective et fondée sur les opinions de l’évaluateur ou d’experts. En revanche, avec une évaluation qualitative, les données peuvent être décrites telles qu’elles sont signalées et le manque de précision de l’identification de la sous-espèce sera évident. En outre, des informations peuvent être données concernant la similitude probable ou non du comportement, des propriétés, etc., d’une sous-espèce connue de M. On peut donc utiliser toutes les données disponibles, à charge pour le lecteur d’en analyser la pertinence, au lieu de choisir entre deux extrêmes, en rejetant ou en donnant trop de poids à des données dont la description est imprécise. Cela devrait aussi renforcer la transparence. La nécessité d’analyser de façon transparente la pertinence et la fiabilité des données relatives à une sous-espèce non spécifiée de M, s’applique également aux évaluations quantitatives.

3.3.4 Transparence des conclusions

Une évaluation qualitative des risques devrait montrer clairement comme on est arrivé à chacune des estimations du risque. La manière précise de le faire dépend de la complexité de l’évaluation et des préférences de l’évaluateur. Les méthodes utilisées sont les suivantes:

• Présentation en tableau, avec les données dans la colonne de gauche, et les conclusions relatives au risque dans la colonne de droite;

• Présentation avec section pour la synthèse ou les conclusions à la fin de chaque section de données

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36 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

On trouvera aux Tableaux 3.1 et 3.2 des exemples de ces présentations illustrant « les bonnes pratiques » (documentation des preuves et raisonnement logique). Ces exemples se fondent sur des étapes particulières d’une évaluation globale des risques devant répondre à la question suivante : Quelle est la probabilité d’une maladie humaine due au microbe M dans un pays C, par suite de la consommation de viande d’une espèce de bétail S infectée par le microbe M. ?

Tableau 3.1 Format tabulaire type pour la présentation des données liées aux estimations et aux conclusions relatives à un risque.

Étape examinée:

« Quelle est la probabilité qu’un échantillon sélectionné de façon aléatoire d’une espèce S dans un pays C soit infecté par le microbe M? »

Données disponibles Estimation du risque et conclusions

D’après les rapports, la prévalence du microbe M dans l’espèce S dans le pays C, est de 35% (Smith & Jones, 1999*).

D’après les rapports, la prévalence du microbe M dans une région R du pays C est de 86% (Brown, 2001*).

Il n’y a pas de différences géographiques ou démographiques particulières (en ce qui concerne S) dans la région R, par rapport au reste du pays C (Atlas of World Geography, 1995*).

Le test de diagnostic du Microbe M, utilisé dans le programme de surveillance du bétail dans le pays C aurait une sensibilité de 92% et une spécificité de 99% (Potter & Porter, 1982*).

*Références fictives, uniquement à des fins illustratives

Les études indiquent que la probabilité qu’un échantillon sélectionné de façon aléatoire d’une espèce S dans un pays Y soit infecté par le microbe M est de moyenne à élevée. Cependant les deux études indiquent une très forte variabilité probable d’une région à l’autre.

Avec seulement deux études disponibles, il règne aussi une très grande incertitude concernant la fourchette de la prévalence par région, et la probabilité d’infection dans un échantillon sélectionné au hasard de S. En outre, compte tenu des dates de ces enquêtes on peut penser que la prévalence de M dans C est en augmentation.

Les paramètres indiqués pour le test de diagnostic utilisé n’altèrent pas ces conclusions.

Tableau 3.2 Format par sections type pour la présentation des données liées aux estimations et aux conclusions relatives au risque.

SECTION X. Quelle est la probabilité d’une maladie humaine, compte tenu d’une infection par le microbe M?

Données disponibles

• Aucune donnée spécifique sur la relation dose-réponse n’a été trouvée en ce qui concerne le microbe M.

• Les autorités sanitaires du pays C fournissent les données suivantes (National Health Reviews, 1999–2002*).

• L’incidence sur la période aurait été de 22 cas par an et par million d’habitants (22 pour un million = 0,000022% de la population par an).

• Les systèmes d’enregistrement et de déclaration de l’incidence clinique dans le pays C sont considérés comme d’excellente qualité (Bloggs, communication personnelle.*).

• D’après les opinions d’experts, une fois que les symptômes cliniques apparaissent, les personnes concernées vont généralement consulter un médecin (Journal of Microbial Medicine, 1992*).

• Les cas tendent à être observés chez les personnes très jeunes ou très âgées (Journal of Microbial Medicine, 1992*).

• Une étude de surveillance reposant sur des tests de dépistage sérologique a indiqué que 35% de la population de C avait été exposée au microbe M et était devenue séropositive (Hunt, Hunt et Seek, 2001*). Il s’agissait d’une étude statistiquement représentative à l’échelle du pays.

*Références fictives, données uniquement à des fins illustratives

Conclusions

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 37

Les données indiquent un niveau élevé d’exposition au microbe M dans le pays C, mais une très faible incidence de maladie clinique. Les experts estiment peu probable que cette faible incidence reflète une sous-déclaration de la maladie clinique faute d’intervention des médecins. Globalement, la probabilité de maladie humaine consécutive à une infection par le microbe M est donc vraisemblablement faible. Le niveau d’incertitude des données concernant spécifiquement le pays C semble faible, de sorte que cette conclusion peut être considérée comme raisonnablement certaine.

Les données indiquent cependant aussi que certains groupes ont un risque plus élevé de contracter une maladie clinique, en particulier les personnes très jeunes ou très âgées. Les données actuellement disponibles ne définir avec plus de précision ce risque « plus élevé ».

3.4 Exemples d’évaluation qualitative des risques

Un certain nombre de caractérisations qualitatives des risques existantes et publiées sont présentées dans les passages qui suivent.

3.4.1 OMS – Pollution fécale et qualité de l’eau

Le “Protocole d’Annapolis” (OMS, 1999) a été élaboré pour répondre aux préoccupations concernant le bien-fondé et l’efficacité des approches de surveillance et de gestion des eaux de baignade contaminées par des matières fécales. L’un des principaux changements recommandés par le protocole était d’abandonner l’approche basée uniquement sur les valeurs « guide » des bactéries fécales servant d’indicateurs au profit d’un classement qualitatif des eaux de baignade en fonction de leur teneur en matière fécales. Le protocole a été testé dans plusieurs pays et une consultation d’experts a été convoquée par l’OMS (OMS, 2001) pour mettre à jour la version provisoire des directives de l’OMS de 1998 « Guidelines for Safe Recreational-water Environments ». La consultation d’experts a débouché sur la révision du chapitre 4 du volume 1 des directives, décrivant une approche appropriée pour l’évaluation et la gestion des risques (OMS, 2003). Des tableaux ont été établis pour les plans d’eau affectés par trois différentes sources de pollution fécale, à savoir les égouts, les rejets dans les cours d’eau et la pollution par les baigneurs. Les tableaux reposaient sur une évaluation qualitative du risque d’exposition dans des conditions « normales » en termes d’eaux usées, de niveaux d’eau, etc., et classaient le risque humain potentiel. Le tableau 3.3 reproduit la classification pour les égouts.

Tableau 3.3 Risque relatif potentiel pour la santé humaine découlant d’une exposition à des eaux contaminées, par les égouts (d’après OMS, 2003).

Type de décharge Traitement

Directement sur la plage Courtea Effectiveb

Néantc Très élevé Élevé NAd

Préliminaire Très élevé Élevé Faible

Primaire (y.c. fosse septique) Très élevé Élevé Faible

Secondaire Élevé Élevé Faible

Secondaire plus désinfectione Modéré Modéré Très faible

Tertiaire Modéré Modéré Très faible

Tertiaire plus désinfection Très faible Très faible Très faible

Lagunes Élevé Élevé Faible

Notes: a) Le risque relatif est modifié par la taille de la population. Il est accru si les décharges proviennent de populations importantes et décru si les populations sont peu nombreuses. b) Cela suppose que la capacité nominale n’a pas été dépassée et que les conditions climatiques et océaniques extrêmes sont prises en compte dans l’objectif nominal (pas de rejets d’eaux usées dans la zone de la plage). c) Inclut les débordements d’égouts combinés. d) NA = non applicable. e) Investigations supplémentaires recommandées pour tenir compte de l’absence de prévision concernant les organismes fécaux indicateurs.

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38 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

3.4.2 Directives australiennes concernant l’eau potable

Dans le cadre de la Stratégie nationale de gestion de la qualité de l’eau, le National Health and Medical Research Council australien a publié des directives sur l’eau potable en Australie (NHMRC, 2004) destinées à servir de cadre pour une bonne gestion des ressources en eau potable. Les directives n’ont pas force obligatoire, leur but est plutôt de fournir un document de référence qui fasse autorité et serve de cadre pour bien gérer les ressources en eau potable et garantir leur salubrité aux points d’utilisation, dans toutes les régions du pays. Les directives considèrent que les plus grands risques pour les consommateurs d’eau potable sont les microorganismes pathogènes, aussi couvrent-elles les mêmes questions que l’évaluation des risques microbiologiques pour la sécurité sanitaire des aliments, mais pour la salubrité de l’eau, sachant toutefois que la croissance et l’inactivation microbiennes (à travers la transformation des aliments) ont beaucoup plus d’importance dans l’évaluation des risques microbiologiques pour la sécurité sanitaire des aliments. Ces directives approfondies incluent une méthode qualitative pour évaluer les risques pour la santé humaine et recommandent d’analyser les risques à deux niveaux :

• Risque maximal en l’absence de mesures préventives (concept équivalent à celui de “risque non restreint”, décrit dans la section 2.3.1);

• Risque résiduel après examen des mesures préventives en place.

Le niveau de risque associé à chaque danger (pathogène ou évènement dangereux) est évalué qualitativement en combinant une évaluation qualitative de la probabilité d’occurrence du danger et de la sévérité des conséquences au cas où il surviendrait, selon les Tableaux 3.4a–c (Tableaux 3.1, 3.2 et 3.3 dans le document original), qui ont été préparés à partir de la norme Australie/Nouvelle-Zélande sur l’analyse des risques « AS/NZS 4360:1999: Risk management », remplacée par la norme AS/NZS 4360:2004. Les Directives décrivent également une méthode essentiellement qualitative d’identification et de caractérisation des dangers pour une vaste gamme de dangers d’origine hydrique qui peuvent être utilisées pour faciliter l’application des matrices de risque. Le but déclaré de la méthodologie est « de différencier les risques très élevés et faibles » (NHMRC, 2004).

3.4.3 EFSA - Évaluation des risques de ESB/EST par le lait de chèvre et ses produits dérivés

En France, un groupe de recherche a détecté un cas suspect d’infection par l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) chez une chèvre abattue en 2002. La Commission européenne a donc demandé à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) son avis concernant l’innocuité du lait et de la viande eu égard à l’encéphalopathie spongiforme transmissible (EST) chez les caprins et les ovins. L’EFSA (2004a) a publié la déclaration préliminaire suivante:

“D’après les données limitées aujourd’hui disponibles, on peut conclure qu’à la lumière des connaissances scientifiques actuelles, et quelle que soit leur provenance géographique, le lait de petits ruminants et ses dérivés (ex: lactoferrine, lactose) ne présentent vraisemblablement aucun risque de contamination par l’EST à condition que le lait provienne d’animaux cliniquement sains. L’exclusion des animaux atteints de mastite devrait réduire le risque potentiel. Pour avoir une assurance supplémentaire de l’innocuité du lait, on pourrait le tester pour connaître la numération totale des cellules somatiques, qui est un indicateur d’inflammation.” [Caractères gras ajoutés].

L’EFSA a également fait observer (Communiqué de presse 713 de l’EFSA):

“Une évaluation quantitative complète des risques associés à l’ingestion de viande, de lait et de produits laitiers de chèvre ne sera possible que si l’on peut obtenir davantage de données

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 39

scientifiques sur l’occurrence de l’EST chez les petits ruminants. Dans la mesure où elle est réalisable, une telle évaluation prendra beaucoup plus de temps.”

Tableau 3.4a Mesures qualitatives des probabilités.

Niveau Descripteur Description type

A Presque certain On s’attend à ce que l’aléa se produise dans la plupart des circonstances

B Probable Surviendra probablement dans la plupart des circonstances

C Possible Pourrait ou devrait survenir à un moment donné

D Peu probable pourrait survenir à un moment donné

E Rare Peut survenir seulement dans des circonstances exceptionnelles

Tableau 3.4b Mesures qualitatives des conséquences ou de l’impact.

Niveau Descripteur Description type

1 Négligeable Impact négligeable; peu de perturbation du fonctionnement normal; faible augmentation des coûts de fonctionnement normaux

2 Mineur Impact mineur pour une petite population; perturbation limitée et gérable du fonctionnement normal; augmentation limitée des coûts de fonctionnement

3 Modéré Impact mineur pour une population nombreuse; modification significative, mais gérable du fonctionnement normal ; augmentation des coûts de fonctionnement ; renforcement de la surveillance

4 Majeur Impact majeur pour une petite population; systèmes compromis de façon significative et fonctionnement anormal ou arrêté; Niveau de surveillance élevé requis

5 Catastrophique Impact majeur pour une population nombreuse; arrêt complet des systèmes

Tableau 3.4c Analyse qualitative des risques: matrice de classification des niveaux de risque

Impact Probabilité

1 Négligeable 2 Mineur 3 Modéré 4 Majeur 5 Catastrophique

A (Presque certain) Modéré Élevé Très élevé Très élevé Très élevé

B (Probable) Modéré Élevé Élevé Très élevé Très élevé

C (Possible) Faible Modéré Élevé Très élevé Très élevé

D (Peu probable) Faible Faible Modéré Élevé Très élevé

E (Rare) Faible Faible Modéré Élevé, Élevé

Il est extrêmement difficile d’évaluer les risques liés à un produit contaminé par l’ESB étant donné qu’il n’existe aucun moyen de mesurer le nombre de prions présents dans un produit alimentaire, et que l’on ne dispose d’aucune relation dose-réponse humaine pour les niveaux de prions. L’EFSA devait cependant fournir des observations sur le niveau du risque ci-dessus et comptait sur un groupe d’experts pour examiner les données disponibles.

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40 La caractérisation qualitative des risques, dans une évaluation des risques

3.4.4 Évaluation du risque géographique d’ESB chez les bovins

En 2003, l’EFSA a réévalué le risque géographique d’ESB, à la demande de la Communauté européenne, et conclu ce qui suit (EFSA 2004b):

1. Le risque géographique d’ESB (GBR) est un indicateur qualitatif des probabilités de la présence d’au moins une tête de bétail infectée par l’ESB, aussi bien sous une forme pré-clinique que clinique, à un moment donné dans un pays. Si la présence est confirmée, le GBR donne une indication du niveau de contamination.

2. Les estimations du GBR se fondent sur les informations soumises par les pays concernés conformément à une recommandation de la Communauté européenne (1998). Ces informations concernent en particulier les importations de bovins et de farines de viande et d’os en provenance du Royaume-Uni et d’autres pays à risque d’ESB ; les normes d’équarissage pour les sous-produits animaux ; l’utilisation des « matériels à risques spécifiés » (MRS) ; l’emploi de farines de viande et d’os dans l’alimentation des ruminants, etc.

3. Le Tableau 3.5 montre les niveaux actuels du GBR dans les sept pays évalués par l’EFSA jusqu’à ce jour, ainsi que leur classification précédente, si disponible.

Tableau 3.5 Risque géographique d’ESB (GBR) en 2003 dans sept pays, évalué par l’EFSA (2004b). Les niveaux des évaluations antérieures sont également indiqués.

Catégorie GBR

Présence d’un ou plusieurs bovins présentant une infection clinique ou préclinique par l’agent de l’ESB dans un pays ou une région géographique donné(e)

Situation actuelle du GBR dans le pays ou la région (état antérieur)

I Hautement improbable Australie (I)

II Peu probable mais non exclu Norvège(I), Suède(II)

III Probable, mais non confirmé ou confirmé à un faible niveau Canada (II), Mexique (N/A), Afrique du Sud (N/A), États-Unis (II)

IV Confirmé à un niveau élevé Néant

NOTES: N/A = non applicable, c’est-à-dire non évalué auparavant

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4. Caractérisation semi-quantitative des risques

4.1 Introduction

L’évaluation semi-quantitative d’un risque attribue une note au risque, et elle se situe à un niveau intermédiaire entre l’évaluation textuelle d’une évaluation qualitative des risques et l’évaluation chiffrée d’une évaluation quantitative des risques. Cette approche est plus cohérente et plus rigoureuse qu’une évaluation qualitative pour évaluer et comparer les risques et les stratégies de gestion des risques et elle évite quelques-unes des principales ambiguïtés que peuvent générer les évaluations qualitatives. Moins exigeante qu’une évaluation quantitative, en termes de compétences mathématiques ou de quantité de données, elle peut être utilisée pour analyser les risques et les stratégies pour lesquelles on manque de données précises. Néanmoins, toutes les formes d’évaluation des risques exigent que l’on collecte et que l’on évalue le plus de données possible sur le problème de risque, et les évaluations des risques pour la sécurité sanitaire des aliments demandent une connaissance approfondie de diverses disciplines scientifiques. Une évaluation semi-quantitative des risques a besoin de toutes les activités de collecte et d’analyse des données effectuées pour une analyse qualitative, qui ont été décrites dans le chapitre précédent.

L’évaluation semi-quantitative des risques est apparue depuis relativement peu de temps dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments. La Commission du Codex alimentarius et les autres organismes ne prennent généralement en considération que deux types d’évaluations, qualitatives et quantitatives. L’évaluation semi-quantitative, telle qu’elle est décrite ici, a souvent été regroupée avec une évaluation qualitative, mais c’est faire abstraction des importantes différences qui les séparent, en termes de structure et de leurs niveaux relatifs d’objectivité, de transparence et de réplicabilité.

4.1.1 Les applications d’une évaluation semi-quantitative des risques

Le principal intérêt d’une évaluation semi-quantitative des risques est qu’elle permet de classer de façon structurée les risques en fonction de leur probabilité et/ ou de leur impact (gravité), et les mesures de réduction des risques en fonction de leur efficacité. On utilise à cette fin un système de notation préétabli qui permet de ranger un risque perçu dans une catégorie, lorsqu’une hiérarchie logique a été établie de manière explicite entre les catégories.

On a généralement recours à une évaluation semi-quantitative des risques lorsque l’on tente d’optimiser l’allocation des ressources disponibles pour minimiser l’impact d’un groupe de risques sous le contrôle d’une organisation. L’évaluation utilise deux procédés à cette fin: premièrement, les risques sont placés sur une sorte de carte, de façon à pouvoir séparer les plus importants des moins importants. Deuxièmement, on compare la note totale de tous les risques avant et après une stratégie (on une combinaison de stratégies) d’intervention proposée, pour avoir une idée de l’efficacité relative des stratégies et de la justification de leur coût. L’évaluation semi-quantitative a été utilisée pendant plus d’une décennie avec un grand succès dans divers secteurs de risque liés à des projets et à des opérations militaires, et elle commence à gagner du terrain dans le domaine des risques liés à des pathogènes d’origine alimentaire.

Avec une évaluation semi-quantitative des risques, on peut estimer un plus grand nombre de problèmes de risque qu’avec une évaluation quantitative, car il n’est pas nécessaire d’avoir un

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42 Caractérisation semi-quantitative des risques

modèle mathématique complet. Si des évaluations pleinement quantitatives des risques ont pu être effectuées, leurs résultats peuvent être inclus dans une justification semi-quantitative, même si cela se fait généralement au détriment de la précision quantitative, dans la mesure où les probabilités ou l’impact chiffrés de façon précise dans l’évaluation quantitative, se retrouvent dans des catégories couvrant de larges fourchettes de probabilité et d’impact. Du fait qu’il peut examiner un plus grand nombre de risques et de stratégies d’intervention possibles dans le cadre d’une seule analyse, le gestionnaire des risques a « une vue plus panoramique » du problème, ce qui lui permet de concevoir une stratégie plus globale.

4.2 Caractéristiques d’une évaluation semi-quantitative des risques

Une évaluation semi-quantitative des risques repose sur l’établissement de catégories, et sur des descriptions non techniques de la probabilité, de l’impact et de la gravité d’un risque (combinaison de la probabilité et de l’impact), telles que: “Très faible”, “Faible”, “Moyen”, « Élevé », et « Très élevé », ou sur une échelle de notation quelconque, par exemple de A à F. Afin que ce type de classement par catégories soit dépourvu d’ambiguïté et utile, la gestion doit fournir une liste exhaustive (sans doublons) des termes désignant les catégories à utiliser, ainsi que des définitions claires de chaque terme. Par exemple, un risque de probabilité « Faible » pourrait être défini comme un risque individuel ayant une probabilité comprise entre10-3 et 10-4 de survenir en un an, alors qu’un impact « Élevé » pourrait correspondre à un individu souffrant de séquelles à long terme altérant sa qualité de vie. Cette étape est cruciale, car un certain nombre d’études ont montré que même des professionnels qui connaissent bien la théorie des probabilités et qui prennent régulièrement des décisions sur la base d’évaluations des risques n’interprètent pas de façon constante les descriptions des probabilités (« probable » « presque certain », etc.), ce qui peut être une source d’incohérence et de manque de transparence. Si elles ne sont pas accompagnées de définitions numériques de la probabilité, des descriptions subjectives comme « faible » peuvent être avoir une connotation différente selon l’ampleur de l’impact du risque: par exemple, une probabilité de maladie diarrhéique de 5% découlant d’une exposition quelconque pourrait être considérée comme « faible », alors qu’une probabilité de décès de 10% résultant de la même exposition peut être considérée comme élevée. Le nombre de catégories exprimant la probabilité et l’impact devrait être choisi de façon à ce qu’elles soient suffisamment représentatives pour que l’on n’ait pas à perdre de temps à discuter de détails qui en fin de compte n’ont pas d’incidence sur la décision du gestionnaire des risques. Les évaluateurs des risques préfèrent souvent les échelles à cinq points, avec parfois une sixième catégorie représentant la probabilité et l’impact zéro, et une septième catégorie “certaine” représentant une probabilité de 1.

La caractérisation des risques sert à donner à la gestion une estimation non biaisée du niveau du risque considéré. Ainsi, si une évaluation des risques conclut que le niveau du risque étudié est « faible », elle peut être perçue comme reflétant l’opinion du gestionnaire des risques, de sorte qu’il y aurait confusion entre les rôles de l’évaluateur et du gestionnaire des risques, ce qui est l’une des principales faiblesses potentielles des évaluations qualitatives des risques. Une évaluation semi-quantitative évite ce problème en attachant une signification quantitative spécifique (plutôt qu’un jugement subjectif) à des termes comme « faible probabilité ». Les Tableaux 4.1 et 4.2 donnent quelques définitions-types des catégories de probabilité, de taux d’exposition et d’impact.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 43

Tableau 4.1 Définitions types des catégories de probabilité et de fréquence d’exposition

Catégorie Fourchette de probabilité (probabilité d’occurrence par an)

Catégorie Expositions par an

Négligeable Impossible à distinguer de 0 Negligeable Impossible à distinguer de 0

Très faible < 10-4, autre que 0 Très faible 1–2

Faible 10-3 à 10-4 Faible 3–10

Moyen 10-2 à 10-3 Moyen 10–20

Élevé 10-1 à 10-2 Élevé 20–50

Très élevé > 10-1, autre que 1 Très élevé >50

Certain 1

Tableau 4.2 Définitions types des catégories d’impact sur la santé

Catégorie Description d’impact

Néant Pas d’effet

Très faible Se sentir malade pendant quelques jours sans diarrhée

Faible Maladie diarrhéique

Moyen Hospitalisation

Élevé Séquelles chroniques

Très élevé Décès

Tableau 4.3 Combinaisons-types des catégories.

Composante Catégorie Fourchette

Probabilité qu’une portion soit contaminée Très élevé 10-1 – 1

Nombre de portions par an Moyen 10 – 20

Probabilité de maladie due à une portion contaminée Faible 10-4 – 10-3

Probabilité de maladie en un an Faible ou moyen 10-4 – 2,10-2

Pendant que l’on effectue une évaluation qualitative des risques, on peut généralement faire une estimation approximative de la probabilité d’exposition, etc., à partir d’une comparaison avec d’autres risques préalablement quantifiés ou de bonnes données relatives au problème considéré. Si l’on n’a pas suffisamment de temps ou d’informations à disposition pour effectuer une évaluation quantitative complète, on peut se référer à ces catégories pour exprimer le niveau de risque de façon plus structurée qu’avec une simple description de l’élément de preuve obtenu. Par exemple, si l’évaluation qualitative a déterminé que la probabilité qu’une portion soit contaminée est « très élevée », que le nombre de portions consommées par une personne choisie au hasard est “moyen” et que la probabilité de maladie due à l’ingestion du produit contaminé est “faible”, on peut conclure que la probabilité composée est de faible à moyenne, en examinant les fourchettes correspondantes, comme indiqué dans le Tableau 4.3, et en se référant aux définitions types des Tableaux 4.1 et 4.2.

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44 Caractérisation semi-quantitative des risques

Cette approche permet de tirer des conclusions plus cohérentes et logiques : une « faible » probabilité d’exposition par portion et une probabilité “élevée” de maladie découlant d’une exposition ne peuvent par exemple pas être classées dans la catégorie des probabilités « très élevées » de maladie par portion.

Il est possible d’utiliser des catégories pour effectuer une manipulation des probabilités de type rudimentaire. Par exemple, en définissant avec soin les fourchettes assignées à chaque catégorie, on peut combiner une « faible » exposition avec une probabilité « élevée » d’un effet ultérieur sur la santé (la caractérisation du danger, ou la composante dose-réponse) pour déterminer la catégorie appropriée du risque total. La cohérence et la transparence peuvent être maintenues en combinant les catégories assignées aux éléments d’une évaluation des risques si des fourchettes numériques ont été définies pour chaque catégorie, toutefois, la plus grande prudence est de rigueur (voir la Section 4.3.3).

4.3 Exécution d’une évaluation semi-quantitative des risques

Un tableau P-I (probabilité-impact) permet de visualiser rapidement la gravité relative (en analyse des risques, le terme « gravité » désigne habituellement la combinaison probabilité-impact) de tous les risques identifiés relativement au problème considéré. Le tableau 4.4 illustre un exemple. Tous les risques (c’est-à-dire la liste des pathogènes susceptibles d’apparaître dans un type d’aliment donné) sont reportés dans le tableau, ce qui permet à la fois de reconnaître aisément les risques les plus menaçants et de se représenter le risque global associé au type d’aliment. Les chiffres figurant dans le tableau sont les indices des risques identifiés. Les risques 2 et 13 par exemple, ont une gravité élevée, alors que les risques 3, 5 et 7 ont une gravité très faible. Les risques à zéro événement par an (probabilité zéro, qui sont les risques 11 et 14) ou à impact zéro (ex : les risques 8, 9 et 10) ne sont pas des risques à proprement parler, mais il peut être utile de les documenter dans un tableau P-I pour montrer qu’ils ont été identifiés, puis jugés négligeables.

Tableau 4.4 Exemple de Tableau P-I pour un risque individuel par an.

Des scores de gravité (parfois appelés scores de probabilité-impact) peuvent être utilisés pour classer les risques identifiés. Un facteur d’échelle, ou score, est assigné à chaque qualificatif utilisé pour décrire chaque type d’impact. Si on se sert d’une échelle logarithmique pour définir chaque échelle catégorielle, comme dans les exemples du Tableau 4.1 pour la probabilité et du Tableau 4.2 pour l’impact (vérifier s’il y a un logarithme de différence entre

I

M

P

A

C

T

TE 6 13,2

E 14 15 12

MOY 5 4 1

F

TF 11 7 3

NUL 8,9 10

NUL F MOY E TE

ÉVÉNEMENTS PAR AN

TF

Page 61: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 45

chaque catégorie d’impact, et ajuster s’il y a lieu), les scores de probabilité et d’impact peuvent être conçus de façon à ce que le score de gravité d’un risque soit égal à la somme des scores de probabilité et d’impact, ou à quelque autre équation mathématique simple. Le Tableau 4.5 fournit un exemple du type de facteurs d’échelle pouvant être associés à chaque combinaison de type d’impact et de terme.

Dans cet exemple (Tableau 4.5), un impact de 6 a été attribué à “Très élevé”, car ce qualificatif désigne la mort, qui marque une augmentation beaucoup plus grande par rapport aux séquelles chroniques, que séquelles chroniques par rapport à hospitalisation, ou que l’une quelconque des augmentations d’impact. On peut maintenant assigner un score de gravité aux risques du Tableau 4.4, comme indiqué dans le Tableau 4.6 (où probabilité et taux sont considérés comme équivalents).

Les scores de gravité permettent d’établir des catégories et un classement des risques selon la gravité. Dans le système de notation du Tableau 4.5 par exemple, un risque de gravité « élevée » a un score supérieur à 7, un risque de gravité « moyenne » a un score compris entre 4 et 6, et un score de gravité « faible » a un score inférieur à 4. L’un des principaux inconvénients de cette approche de classement des risques est que le processus est très sensible aux facteurs d’échelle assignés à chaque qualificatif décrivant les impacts du risque.

Page 62: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

46 Caractérisation semi-quantitative des risques

Tableau 4.5 Types de facteurs d’échelle pouvant être appliqués pour déterminer un score

gravité.

Tableau 4.6 Exemple de calculs des scores de gravité pour les risques du Tableau 4.4

Indice du risque

Probabilité Score de probabilité Impact Score d’Impact Score de gravité

13 TE 5 TE 6 5+6 = 11

1 E 4 MOY 3 4+3 = 7

5 TF 1 MOY 3 1+3 = 4

4.3.1 Risques avec plusieurs dimensions d’impact

Une évaluation des risques microbiologiques pour la sécurité sanitaire des aliments aboutit généralement à une mesure quelconque du risque pour la santé humaine. Toutefois, elle peut aussi prendre en considération d’autres types d’impact, tels que les pertes économiques ou l’érosion de la qualité de vie (ex : réduction dans le choix de produits alimentaires sains) qui sont parfois plus difficiles à chiffrer.

Les tableaux P-I peuvent être construits de diverses manières: par exemple, en affichant les divers types d’impact de chaque risque individuel (comme pour une bactérie ou une denrée particulière). Le Tableau 4.7 montre par exemple l’impact sur la santé humaine (H), le coût (£) et l’impact social (S) d’un risque spécifique. Chaque impact peut avoir une probabilité différente. Dans cet exemple, la probabilité d’occurrence d’un événement de risque est « élevée » et s’il se produit, il est certain qu’il y aura un impact en termes de coût. La probabilité d’un impact sur la santé humaine est moins grande et la probabilité que l’événement se produise et engendre un impact social est considérée comme faible. Le fait d’assigner des catégories à plusieurs types d’impact implique que les valeurs attribuées, par exemple, à l’impact sur la santé humaine et aux pertes économiques sont largement corrélées.

Nul

Catégorie

TF

NA

1

F 2

MOY

E

TE

NA

1

2

3 3

4 4

5 5

Score de probabilité Score d’impact

Page 63: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 47

Tableau 4.7 Tableau P-I relatif à un risque spécifique.

Quand on a plusieurs dimensions d’impact, il est plus difficile d’établir un score de gravité global du risque, car les impacts s’additionnent plutôt que de se multiplier. L’approche la plus courante consiste tout simplement à prendre le niveau maximum des scores de gravité attribués à chaque dimension de l’impact. Ce système fonctionne assez bien si les échelles de probabilité et d’impact sont de type logarithmique. Ainsi, par exemple, on peut évaluer le risque du Tableau 4.7 avec le système de notation du Tableau 4.5, comme indiqué au Tableau 4.8.

Tableau 4.8 Détermination d’un score de gravité global, par exemple pour le risque 15 du Tableau 4.7.

Type d’impact

Probabilité Score de probabilité Impact Score d’impact Score de gravité

Sanitaire (H) MOY 3 E 4 3+4 = 7

Économique (£) EI 4 MOY 3 4+3 = 7

Social (S) F 2 TF 1 1+2 = 3

Gravité globale MAX(7,7,3) = 7

Cet exemple (Tableau 4.8) montre que cette analyse est très grossière, puisque le score de gravité serait le même si, par exemple, il n’y avait pas de dimension économique de l’impact. On peut aussi obtenir un score de gravité global par une méthode un peu plus complexe consistant à extraire les scores de gravité de chaque impact des logarithmes, à les additionner puis à les reconvertir en logarithmes. Pour les risques du tableau Table 4.8 cela donnerait:

Score de gravité global = LOG10(10^7 + 10^7 + 10^3) = 7,3

4.3.2 Comparaisons des risques et des stratégies de gestion des risques

Le Tableau 4.9 montre on peut se servir d’un score de gravité pour séparer les risques figurant dans le Tableau P-I en trois zones, selon un système dit des « feux tricolores »: les risques de la zone verte sont largement acceptables (faible gravité) ; ceux qui sont dans la zone rouge sont inacceptables (gravité élevée) et les autres risques sont dans la zone intermédiaire orange, correspondant à une gravité moyenne. Compte tenu du caractère très grossier de cette notation

I

M

P

A

C

T

TE

E

S

H

MOY £

F

TF

NUL

NUL F MOY E TE

ÉVÉNEMENTS PAR AN

Impacts du risque numéro 15

TF

Page 64: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

48 Caractérisation semi-quantitative des risques

qui s’inscrit dans une approche d’évaluation semi-quantitative des risques, on a généralement intérêt à analyser de façon plus approfondie les “risques oranges”, éventuellement au moyen de méthodes plus quantitatives, pour déterminer s’ils se trouvent en réalité à proximité ou à l’intérieur des zones rouges ou vertes.

Tableau 4.9 Séparation des risques en trois zones, en fonction de leur score de gravité : zone verte = faible gravité, zone orange = gravité moyenne et zone rouge = gravité élevée.

Les scores de gravité peuvent fournir une mesure cohérente du risque qui peut être utilisée pour définir des paramètres et effectuer des analyses de tendances. Par exemple, le score de gravité maximal de tous les risques associés à un type d’aliment donne une indication de l’ampleur globale de l’exposition au risque par ce type d’aliment. Ces deux paramètres peuvent être mesurés pour les différentes dimensions de l’impact (santé, coût, etc.) ou pour différents types de risque ou zones d’impact, afin de déterminer comment est distribuée l’exposition au risque. Des paramètres plus complexes peuvent être dérivés au moyen des scores de gravité, ce qui permet de normaliser l’exposition au risque et de la comparer à un risque de référence. Les tendances en matière d’exposition au risque peuvent ainsi être identifiées et surveillées, ce qui donnera aux gestionnaires des risques des renseignements précieux sur l’amélioration globale de la sécurité sanitaire des aliments, l’importance des risques qui se profilent, etc.

4.3.3 Limites d’une évaluation semi-quantitative des risques

Une évaluation semi-quantitative des risques a ses limites. Les risques sont rangés dans des séries de catégories généralement assez larges. Il est courant que l’on en utilise à peu près 5 pour la probabilité ou pour l’impact, sans compter le niveau zéro, ce qui donne 25 combinaisons possibles. Il est donc indispensable de construire avec soin les catégories. Par exemple, on pourrait diviser la fourchette de probabilité en cinq catégories, comme dans le Tableau 4.10.

Toutefois, avec ce système, un risque de probabilité de 0,1 se trouverait dans la même catégorie qu’un risque de probabilité 0,000 001, bien qu’il soit 100 000 fois plus probable. C’est en partie pour cela que l’on choisit souvent une échelle

Tableau 4.10 Système de notation linéaire des probabilités

Score Fourchette de probabilité

1 0 – 0.2

2 0,2 – 0,4

3 0,4 – 0,6

4 0,6 – 0,8

5 0,8 – 1

I

M

P

A

C

T

TE

E 5

3

MOY

7 F

TF

NUL

NUL F MOY E TE

ÉVÉNEMENTS PAR AN

Scores de gravité unidimensionnels

TF

NA

NA

NA

NA

NA

NA

7

7

7

5

5

3

6

6

6

6

4

4

4

8

8

8

9

9

10 11

NA NA NA NA NA

2

5

Gravité élevée

Gravité moyenne

Gravité faible

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 49

logarithmique pour les probabilités. Quand on analyse un risque en matière de sécurité sanitaire des aliments, on gère souvent des probabilités qui s’étendent sur plusieurs ordres de grandeur, de sorte que le choix d’une échelle logarithmique est encore plus justifié.

Il est difficile de combiner les scores de probabilité des composantes d’une voie de risque pour obtenir un score de probabilité pour le risque global. Par exemple, l’estimation d’un risque en matière de salubrité des aliments se fait généralement en deux temps: estimation de la probabilité d’exposition et estimation de la probabilité de maladie résultant d’une exposition. Avec le système ci-dessus, supposons que l’exposition ait une probabilité de 0,3 (score = 2) de survenir pendant une certaine période chez un individu sélectionné au hasard, et que la probabilité de maladie résultant de cette exposition soit de 0,7 (score = 4), la probabilité combinée est de 0,21 (score 2). Il est difficile de créer une règle avec des scores qui reproduise les règles des probabilités. On peut résoudre en partie le problème en prenant le niveau minimum des deux scores (en Excel®, la syntaxe serait MIN(2,4) = 2) mais cette solution surestime généralement le risque. Par exemple, avec cette formule, si la probabilité de maladie résultant d’une exposition à un risque quelconque, n’était plus de 0,2 mais de 1,0 on obtiendrait le même score de probabilité combiné (score 2).

L’utilisation d’une échelle logarithmique des probabilités arrange un peu les choses si l’on inverse l’ordre des scores de probabilité décrits jusqu’à présent de sorte que la probabilité la plus élevée corresponde au score le plus faible, comme indiqué au Tableau 4.11.

Avec cette méthode, le système de notation équivalent à la multiplication des probabilités consiste à additionner les scores. Par exemple, supposons que l’exposition ait une probabilité de 0,2 (score = 1) de survenir durant une période déterminée chez un individu sélectionné au hasard, et que la probabilité de maladie résultant de cette exposition soit de 0,004 (score = 3), la probabilité combinée est de 0,0008 (score 4). Le résultat n’est pas toujours aussi net. Une exposition ayant une probabilité de 0,5 (score = 1) et une probabilité de maladie résultant de cette exposition de 0,003 (score = 3) donne une probabilité combinée de 0,0015 (score = 3), et pourtant la somme des scores individuels est de 4. L’addition des scores dans un système logarithmique comme celui du tableau 4.11 conduit généralement à surestimer d’une catégorie la probabilité. C’est en partie parce que l’on sait que les risques peuvent être surestimés que l’on a prévu une zone orange dans le système des feux tricolores : les risques qui se trouvent dans cette zone peuvent en réalité s’avérer acceptables.

Le calcul des scores de gravité doit être changé avec ce système des scores de probabilité inversés. Par exemple, en conservant le score d’impact du Tableau 4.2, on pourrait calculer un score de gravité (score d’impact moins score de probabilité). La fourchette des scores de gravité serait modifiée, mais on maintiendrait le même ordre que dans le Tableau 4.9. Le Tableau 4.12 montre les catégories de scores de gravité, établies avec les scores d’impact du Tableau 4.5 et les scores de probabilité du Tableau 4.11, à l’aide de la formule: (Score de gravité) = (Score d’impact) - (Score de probabilité).

Tableau 4.12 Séparation des risques en trois zones, en fonction de leur score de gravité : zone verte = faible gravité, zone orange = gravité moyenne et zone rouge = gravité élevée (avec les scores de probabilité inversés)

Tableau 4.11 Système de notation logarithmique des probabilités.

Catégories Fourchette de probabilité

Score

Impossible 0 NA

Très faible < 10-4, sauf 0 5

Faible 10-3 à 10-4 4

Moyenne 10-2 à 10-3 3

Élevé 10-1 à 10-2 2

Très élevé > 10-1, pas 1 1

Certain presque 1 0

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50 Caractérisation semi-quantitative des risques

La granularité de l’échelle est aussi un problème. Par exemple, un risque dont la probabilité d’occurrence se trouve juste au dessus de la limite entre deux catégories, pour lequel on a identifié une stratégie de gestion des risques qui réduit légèrement la probabilité, pourrait tomber dans la catégorie des probabilités inférieure, qui est la même que si la probabilité avait été réduite d’un facteur de 10. Toutefois, rien n’empêche l’évaluateur des risques de fractionner les scores s’il le juge utile. Le système est conçu avec des nombres entiers pour plus de simplicité et de commodité et on peut le modifier pour inclure des fractions si cela correspond mieux aux connaissances disponibles.

L’utilisation du système de notation d’une évaluation semi-quantitative des risques à la place des calculs des probabilités risque de produire des inexactitudes plus graves si l’on évalue une séquence d’événements plus longue.

4.3.4 L’incertitude et la variabilité

Dans un sens, les larges fourchettes de catégories assignées aux échelles de probabilité et d’impact évitent d’avoir à examiner autre chose que les incertitudes à grande échelle. Étant donné qu’une évaluation semi-quantitative des risques est une vue d’ensemble, il est plus facile de réfléchir à des aspects plus globaux de l’incertitude des modèles. Cela dit, si les résultats d’une évaluation quantitative des risques en matière de salubrité des aliments ne sont pas arrimés à des taux de maladie observés, ils couvrent souvent plusieurs ordres de grandeur de l’incertitude. Le niveau des informations disponibles fait qu’il est aussi difficile d’attribuer des catégories de probabilité et d’impact à un risque particulier. Il serait à la fois utile et plus objectif de pouvoir exprimer cette incertitude. Pour ce faire, on peut la décrire en montrant la zone du tableau P-I dans laquelle se trouve un risque, (voir Tableau 4.13).

Tableau 4.13 Expression graphique de l’incertitude concernant une catégorie de risque

I

M

P

A

C

T

TE

E -1

-3

MOY

1 F

TF

NUL

NUL F MOY E TE

ÉVÉNEMENTS PAR AN

Scores de gravité unidimensionnels

TF

NA

NA

NA

NA

NA

NA

1

1

1

-1

-1

-3

0

0

0

0

-2

-2

-2

2

2

2

3

3

4 5

NA NA NA NA NA

-4

-1

Gravité élevée

Gravité moyenne

Gravité faible

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 51

Ici, la case ombrée foncée (facultative) correspond à la zone dans laquelle l’équipe chargée de l’évaluation considère que le risque a le plus de probabilités de se trouver, alors que les cases ombrées plus claires représentent la fourchette d’incertitude qui entoure cette évaluation. Une autre méthode, consistant à dessiner des formes graphiques, comme des cercles, sur le tableau pour représenter l’incertitude, permet de calculer plus facilement plusieurs risques simultanément.

On peut aussi avoir recours à une simulation standard de Monte-Carlo pour exprimer l’incertitude par des scores et les manipuler dans des analyses plus mathématiques comme celles qui viennent d’être examinées.

La variabilité - par exemple la variabilité de la sensibilité selon les sous-populations – peut facilement être intégrée dans une analyse semi-quantitative des risques (si l’on dispose des données nécessaires), en estimant les risques que courent les sous-populations, et en les traçant séparément sur le même graphique. On obtient ainsi une excellente vue d’ensemble de la répartition du risque pour la sécurité sanitaire des aliments entre différentes sous-populations.

4.3.5 Besoins en données

Le principe de base d’une évaluation des risques est de recueillir le plus grand nombre de données possible, à condition qu’elles puissent avoir une influence sur la prise de décision. Les données recueillies pour une analyse qualitative des risques sont généralement suffisantes pour une analyse semi-quantitative. La différence entre les deux types d’évaluation est que l’évaluation semi-quantitative cherche plus à évaluer les composantes du risque dans la limite de données quantitatives définies. Ainsi, il arrive que l’on fasse une analyse statistique d’une série de données pour tenter d’estimer de façon plus précise une probabilité, ou l’impact escompté, pour que l’évaluateur puisse classer le risque sur une base plus fiable.

Une évaluation semi-quantitative des risques sert généralement à comparer plusieurs risques ou stratégies de gestion des risques. Il arrive que l’on ait suffisamment de données pour pouvoir effectuer une évaluation pleinement quantitative d’un nombre déterminé de risques (ex : combinaisons de pathogènes présents dans les aliments). Un modèle quantitatif donne plus de renseignements sur les stratégies spécifiques à adopter pour faire face au risque considéré, mais on peut aussi utiliser les résultats quantitatifs pour placer ces risques évalués avec plus de précision dans le contexte d’autres risques étudiés dans un environnement semi-quantitatif.

I

M

P

A

C

T

TE

E

4 MOY

F

TF

NUL

NUL F MOY E TE

ÉVÉNEMENTS PAR AN

Impacts du risque numéro 15

TF

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52 Caractérisation semi-quantitative des risques

4.3.6 Transparence des conclusions

Une évaluation semi-quantitative des risques offre de nombreux avantages du point de vue de la transparence. Par exemple, aucun modèle mathématique n’est nécessaire, ce qui la rend accessible au profane. Il serait cependant exagéré de penser que l’utilisation de modèles mathématiques est un obstacle à la transparence. La plupart des évaluations des risques pour la sécurité sanitaire des aliments exigent une bonne compréhension de mécanismes microbiologiques complexes, ainsi qu’un niveau de connaissances acceptable de la médecine humaine et des principes épidémiologiques qui sont généralement des thèmes d’études universitaires supérieures, alors que les évaluations quantitatives des risques font appel à des mathématiques généralement étudiées dans le premier cycle. Le manque de transparence des modèles quantitatifs est surtout dû au fait que peu de personnes sont spécialisées dans cette discipline.

Une évaluation semi-quantitative des risques favorise l’élaboration de règles de décision (ex: le « système des feux tricolores ») facilement applicables et vérifiables. Grâce à la méthode consistant à placer les risques dans un tableau de probabilité-impact, il est beaucoup plus facile de démontrer la cohérence de la gestion des risques car ils sont tous analysés ensemble.

Le principal problème de transparence avec les évaluations semi-quantitatives, vient de la granularité des échelles utilisées pour l’établissement des scores. Comme les catégories sont généralement assez larges, on ne peut plus distinguer des risques qui peuvent être très différents par la grandeur de leurs probabilités et/ou de leur impact, ce qui peut avoir plusieurs inconvénients : par exemple, une industrie alimentaire pourrait être injustement pénalisée parce que ses produits se trouvent juste au-dessus d’une catégorie, ou encore les industries ou les organismes de règlementation pourraient avoir seulement intérêt à faire passer un risque juste au-dessus de la limite de la catégorie.

Une évaluation semi-quantitative permet de faire un tri entre des risques, de se concentrer sur les grands problèmes et de mieux gérer l’ensemble du portefeuille de risques. Le système d’établissement des scores est en lui-même imparfait, mais on peut en dire autant de tout autre système d’évaluation des risques. S’il s’avère que le système utilisé pour l’établissement des scores produit d’importantes erreurs dans la logique de décision, on peut avoir recours à une évaluation quantitative plus précise ou changer le système d’établissement des scores pour adopter une méthode plus précise.

4.4 Exemples d’évaluations semi-quantitatives des risques

4.4.1 Nouvelle-Zélande: Profil du risque lié à la présence de Mycobacterium bovis dans le lait

La New Zealand Food Safety Authority a demandé au New Zealand Institute of Environmental Science & Research Ltd (ESR) d’établir un “profil du risque” lié à la présence de Mycobacterium bovis dans le lait (Lake, Hudson et Cressey, 2002b).

L’analyse a pris la forme d’un “Profil de risque” qui est utilisé dans le système néo-zélandais de sécurité sanitaire des aliments pour classer les risques pour la salubrité des aliments en vue de les réduire. Ce profil s’inscrit dans la partie initiale de leur processus d’évaluation des risques qui comprend:

• l’identification du problème menaçant la sécurité sanitaire des aliments ;

• l’établissement d’un profil de risque ;

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 53

• le classement du problème de sécurité sanitaire des aliments aux fins de la gestion des risques

• l’établissement d’une politique d’évaluation des risques;

• la commande d’une évaluation des risques; et

• l’examen des résultats de l’évaluation des risques.

Le choix du pathogène aux fins de l’évaluation est justifié comme suit

« Bien que ce pathogène ait probablement un impact minime sur la santé publique, la démonstration de l’innocuité des aliments produits en Nouvelle-Zélande par rapport à ce pathogène, peut avoir des implications commerciales. L’aliment le plus couramment associé à une transmission à l’homme est le lait de vache. »

Le système d’attribution d’une catégorie à une combinaison aliment/danger repose sur des catégories de l’incidence (taux) et de la gravité. Un système de notation en quatre catégories a été proposé pour le taux (incidence), sur la base des taux de maladies d’origine alimentaire constatés en Nouvelle-Zélande (Tableau 4.14).

Un système de notation en trois catégories a été proposé pour la gravité, sur la base d’une comparaison de la proportion de cas de maladies d’origine alimentaire en Nouvelle-Zélande, qui ont des conséquences graves (maladie à long terme ou mort) (Tableau 4.15).

Tableau 4.14 Les quatre catégories proposées en Nouvelle-Zélande pour l’incidence (taux)

Catégorie de taux

Fourchette de taux (pour 100 000 par jour) Exemples

1 >100 Contribue de façon significative à la campylobactériose transmise par les aliments

2 10–100 Facteur majeur contribuant à la salmonellose transmise par les aliments Facteur majeur contribuant aux norovirus transmis par les aliments

3 1–10 Facteur majeur contribuant à la yersiniose et à la shigellose d’origine alimentaire

4 <1 Facteur majeur contribuant à la listériose d’origine alimentaire

Tableau 4.15 Les trois catégories proposées en Nouvelle-Zélande pour la gravité.

Catégorie de gravité

Fraction de cas ayant des conséquences graves Exemples

1 5% listériose; STEC; hépatite A; typhoïde

2 0,.5-5% salmonellose; shigellose

3 <0,5% campylobactériose; yersiniose; norovirus; toxines

NOTES: STEC = Escherichia coli producteurs de shiga-toxines.

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54 Caractérisation semi-quantitative des risques

L’analyse relative à Mycobacterium bovis dans le lait a été entravée par l’absence totale d’informations sur la prévalence, qui a rendu impossible toute appréciation, ne serait-ce que qualitative, de l’exposition. Les seules données disponibles sur la relation dose-réponse provenaient d’expérimentations animales datant de 1934 ou même antérieures, de sorte que cela n’aurait eu aucun sens d’évaluer l’exposition et de caractériser le danger dans le cadre d’une évaluation classique des risques pour la sécurité sanitaire des aliments. La méthode du profil de risque utilise uniquement des données épidémiologiques, pour tenter d’informer les décideurs de l’importance relative du problème par rapport à d’autres problèmes de sécurité sanitaire des aliments; L’analyse a examiné les éléments de preuve disponibles et attribué les scores suivants :

• Gravité: 1 (> 5% Conséquences graves)

• Incidence: 4 (<1 pour 100 000 personnes par an)

• Importance commerciale: élevée

L’ESR produit un profil de risque lié à la présence de Salmonella dans la volaille (entière et en morceaux) à l’aide des mêmes méthodes, mais avec des données beaucoup plus nombreuses (Lake, Hudson et Cressey, 2002a). Notons que ces profils sont décrits comme des évaluations « qualitatives » des risques, alors que les définitions chiffrées des grands groupes de catégories font qu’ils s’apparentent plus à des évaluations semi-quantitatives des risques, comme celles examinées dans ce document.

4.4.2 Salubrité des produits de la mer avec RiskRanger

La FAO (2004) examine le continuum entre les évaluations qualitatives et quantitatives des risques liés aux produits de la mer et présente une méthode d’évaluation semi-quantitative qui a été codifiée dans un prototype de logiciel d’aide à la décision appelé RiskRanger, qui peut être téléchargé gratuitement (Ross et Sumner, 2002). Cet outil demande que l’on réponde à 11 questions décrivant les facteurs, qui tout au long de la chaîne alimentaire, peuvent constituer un risque pour la sécurité sanitaire des aliments marins. Les réponses aux questions peuvent être données en termes qualitatifs (avec des catégories prédéfinies) ou quantitatifs. Les réponses qualitatives sont converties en valeurs quantitatives conformément à une série de tables.

Le modèle est spécifique à une population, de sorte que des paramètres essentiels tels que la taille de la population totale ou régionale doivent être définis au préalable, mais des valeurs définies par les utilisateurs peuvent aussi être entrées dans le modèle. Un score est ensuite calculé à partir des paramètres d’entrée, ce qui permet de classer les diverses combinaisons aliment-pathogène. Le système prévoit une notation sur une échelle de zéro à 100, où 100 représente le scénario le plus défavorable que l’on puisse imaginer, à savoir que chaque membre de la population consomme chaque jour une dose létale. Il a été décidé arbitrairement qu’un score de 0 correspondait à un cas de diarrhée légère pour 100 milliards de personnes en cent ans, la logique étant que la population de la planète est très inférieure à 100 milliards d’habitants, si bien qu’aucune personne ne devrait jamais voir jamais voir cet événement se produire nulle part, au cours de sa vie. La fourchette choisie s’étend sur 17,6 ordres de grandeur, ce qui équivaut à 100/17,6 ≈ 6 unités de « classement du risque » par facteur de 10 entre les risques.

La méthode a pour objet de passer au crible les risques et les principales catégories d’options permettant de les gérer. L’interface tableur permet au gestionnaire des risques d’avoir une vision instantanée des scénarios simulés propres à stimuler une discussion des stratégies de

Page 71: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 55

gestion des risques possibles. La simplicité du modèle et son caractère générique font qu’il reste plutôt grossier et que les questions posées sont d’ordre très général. Les auteurs signalent avec beaucoup de détails ces limites aux lecteurs. Ainsi, le modèle ne prend pas en compte l’incertitude et la variabilité, qui pourraient pourtant facilement être ajoutées dans le modèle de tableur, à l’aide d’une simulation de Monte-Carlo.

Le logiciel a ensuite été utilisé pour évaluer 10 combinaisons danger+produit liées à des produits de la mer australiens et il a pris en considération différentes sous-populations d’Australie consommatrices de ces produits ; les résultats de cette évaluation sont récapitulés dans le Tableau 4.16 (d’après Sumner et Ross, 2002).

Les auteurs ont comparé les risques classés par rapport à des données observées en Australie. Il n’y a pas eu de cas documentés dans le pays pour les risques ayant un score inférieur à 32. Tous les risques ayant un score compris entre 32 et 48 (une fourchette de trois ordres de grandeur) avaient causé plusieurs foyers de maladies d’origine alimentaire en Australie, à l’exception de Vibrio cholera. Les risques ayant des scores supérieurs à 48 avaient tous causé des foyers touchant un grand nombre de personnes, certains dans des régions spécifiques.

Tableau 4.16 Résultat de l’évaluation par Risk Ranger des combinaisons danger + produit pour diverses sous-populations d’Australie.

Combinaison danger + produit Population sélectionnée Classement du risque

Ciguatera - poissons de récifs Ensemble population australienne 45

Ciguatera - poissons de récifs Pêcheurs amateurs, Queensland 60

Scombrotoxicose Ensemble population australienne 40

Biotoxines algales dans les coquillages – eaux traitées Ensemble population australienne 31

Biotoxines algales — durant une efflorescence algale Ramasseurs amateurs 72

Mercure dans poissons prédateurs Ensemble population australienne 24

Virus dans les huîtres — eaux contaminées Ensemble population australienne 67

Virus dans les huîtres — eaux non contaminées Ensemble population australienne 31

Vibrio parahaemolyticus dans crevettes cuites Ensemble population australienne 37

Vibrio cholerae dans les crevettes cuites Ensemble population australienne 37

Vibrio vulnificus dans les huîtres Ensemble population australienne 41

Listeria monocytogenes dans des produits de la mer fumés à froid

Ensemble population australienne 39

Listeria monocytogenes dans des produits de la mer fumés à froid

Sensible (pers. âgées, f. enceintes, etc.) 45

Listeria monocytogenes dans des produits de la mer fumés à froid

Extrêmement sensible (SIDA, cancer) 47

Clostridium botulinum dans du poisson en boîte Ensemble population australienne 25

Clostridium botulinum dans du poisson fumé sous-vide Ensemble population australienne 28

Parasites dans le sushi ou le sashimi Ensemble population australienne 31

Entérobactéries dans crevettes cuites importées Ensemble population australienne 31

Entérobactéries dans crevettes cuites importées Sensible (pers. âgées, f. enceintes, etc.) 48

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56 Caractérisation semi-quantitative des risques

Les principales mises en garde des auteurs concernent le fait qu’ils n’ont pas été en mesure d’évaluer de manière systématique et objective les performances du modèle car les séries de données décrivant l’exposition et l’incidence des maladies d’origine alimentaire étaient trop peu nombreuses. Cette mise en garde montre cependant aussi qu’il n’aurait pas été possible d’établir des modèles pleinement quantitatifs.

Les auteurs ont aussi constaté que le modèle était un outil précieux pour enseigner les principes de l’analyse des risques.

4.4.3 Méthodologie d’évaluation des risques à l’importation d’animaux et de produits animaux en Australie

En 1998, un différend commercial entre le Canada et l’Australie concernant l’embargo australien sur les importations de saumon non cuit a été porté devant le tribunal de l’OMC (OMC, 1998). Le service d’inspection et de quarantaine australien avait produit une première évaluation qualitative des risques de maladie en 1995, puis une autre en 1996: la première estimait que le risque était faible et acceptable, alors que la seconde arrivait à une conclusion opposée. Cette différence s’expliquait plus par un changement d’approche, que par l’apparition de nouvelles données. L’Organe d’appel de l’OMC a donné raison au Canada, notamment parce qu’il considérait que l’évaluation des risques effectuée par l’Australie n’était pas appropriée. Cette affaire a attiré l’attention de la communauté d’évaluateurs des risques sur les problèmes pouvant découler de l’utilisation d’une méthode purement qualitative d’analyse des risques, en particulier dans un contexte conflictuel.

L’organisme de réglementation australien chargé d’évaluer les risques à l’importation a été restructuré. Il relève à présent de Biosecurity Australia qui a mis au point une approche semi-quantitative pour évaluer les risques à l’importation (Biosecurity Australia, 2001). Cette méthode consiste à placer le risque estimé dans un tableau (Tableau 4.17). La bande des cases « très faible risque » représente le Degré de protection approprié (DPA) de l’Australie, ou la perte tolérée, une version en deux catégories du concept des « feux tricolores ».

Les directives décrivent une évaluation qualitative (ex: faible, moyen, élevé), semi-quantitative (ex: 0 → 0,0001; 0,0001 → 0,001; 0,001 → 0,01; 0,01 → 1) et quantitative (calcul des probabilités exactes) de la probabilité d’entrée d’une maladie exotique en Australie. L’avantage potentiel est de pouvoir intégrer dans un seul contexte des évaluations des risques aussi bien qualitatives, que semi-quantitatives ou quantitatives. Les étapes successives qui conduisent à l’entrée d’une maladie exotique peuvent être évaluées qualitativement grâce à l’utilisation d’une matrice pour combiner ces probabilités qualitatives.

La composante évaluation des conséquences de l’estimation du risque d’importation d’une maladie exotique est généralement considérée comme beaucoup plus complexe que l’évaluation de la probabilité d’entrée d’une maladie. En effet, les importations sont règlementées et relativement simples à modéliser et leurs probabilités sont bien comprises alors qu’on ne dispose d’aucune donnée sur la propagation d’une maladie dans son pays d’origine, et qu’il est toujours extrêmement difficile de modéliser la diffusion d’une maladie.

Désireuse d’évaluer les probabilités et l’ampleur de divers impacts, au cas où la maladie serait introduite dans le pays, Biosecurity Australia a conçu une série de règles qui ont permis d’intégrer l’étendue géographique des conséquences (locale, district, régionale, nationale), et le niveau auquel les conséquences seraient ressenties à cette échelle. D’autres règles combinaient les estimations (nécessairement qualitatives ou semi-quantitatives) de la probabilité de ces

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 57

conséquences (de l’entrée de la maladie en Australie) pour pouvoir placer l’estimation du risque non restreint dans le tableau (Tableau 4.17).

Si le risque non restreint estimé (risque existant en l’absence de mesure de protection spécifique contre le pathogène considéré) se trouve dans une zone acceptable, l’importation est autorisée sans restrictions. Si ce n’est pas le cas, on évalue des mesures de contrôle (essais, traitement thermique, éviscération, etc.) pour déterminer l’option la moins restrictive pour le commerce qui permettre de mettre le produit importé en conformité avec le DPA de l’Australie.

Quelle que soit l’approche (ou la combinaison d’approches) choisie, les directives spécifient qu’elle devrait fournir:

• une évaluation scientifiquement fondée;

• une évaluation structurée et transparente;

• une évaluation cohérente au niveau interne et reproductible (avec un résultat identique ou similaire) par un autre opérateur, avec le même cadre et les mêmes données ;

• un résultat qui confirme l’estimation du « risque » (une combinaison de la probabilité et des conséquences);

• un résultat qui permette d’évaluer un risque par rapport au DPA, ou aux pertes tolérées, du pays importateur; et

• un cadre dans lequel puissent être évaluées l’efficacité de la gestion du risque et l’acceptabilité d’un risque atténué.

Tableau 4.17 Tabulation des risques, en tant que combinaison d’une probabilité et d’un impact

Probabilité élevée Risque négligeable

Risque très faible

Risque faible Risque modéré

Risque élevé Risque extrême

Probabilité modérée

Risque négligeable

Risque très faible

Risque faible Risque modéré

Risque élevé Risque extrême

Probabilité faible Risque négligeable

Risque négligeable

Risque très faible

Risque faible Risque modéré

Risque élevé

Probabilité très faible

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque très faible

Risque faible Risque modéré

Probabilité extrêmement faible

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque très faible

Risque faible

Pro

babi

lité

d’en

trée

et

expo

siti

on

Probabilité négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque négligeable

Risque très faible

Impact négligeable

Impact très faible

Impact faible Impact modéré

Impact élevé Impact extrême

Conséquences d’une entrée et d’une exposition

NOTES: 1) Lire “entrée, établissement et propagation” pour l’analyse des risques à l’importation de plantes ou de produits végétaux

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5. Caractérisation quantitative des risques

5.1 Introduction

Une évaluation quantitative des risques peut être soit déterministe (ce qui signifie que des valeurs uniques, comme des moyennes ou des percentiles, sont utilisées pour décrire les variables d’un modèle) soit probabiliste (ce qui signifie que les variables des modèles sont décrites par des distributions de probabilité). Les publications, les directives et les exemples les mieux connus dans le domaine de l’évaluation des risques microbiologiques sont pour l’essentiel des évaluations quantitatives probabilistes. Cette approche offre de multiples avantages spécifiques par rapport à une évaluation déterministe, et ils sont décrits en détail dans le Chapitre 3 et les suivants. La littérature sur l’évaluation de la sécurité sanitaire des additifs alimentaires (ou « évaluation des risques chimiques ») foisonne d’exemples d’évaluation quantitative des risques de type déterministe. La FAO et l’OMS ont produit de nombreux exemples d’évaluations probabilistes des risques, et c’est aussi le cas de nombreuses autorités de sécurité sanitaire des aliments, exerçant dans le monde entier.

Une échelle de mesure numérique donne généralement plus d’informations qu’une échelle qualitative. Il s’ensuit qu’une caractérisation quantitative des risques répondra aux questions identifiées par la gestion des risques de façon plus détaillée qu’une évaluation qualitative ou semi-quantitative et qu’elle permettra une comparaison plus précise entre les risques et entre les options offertes pour les gérer. Toutefois le niveau de détail accru peut avoir pour contreparties un temps de réalisation beaucoup plus long, une réduction du champ d’application et un modèle plus complexe et plus difficile à comprendre. Les techniques probabilistes sont plus compliquées et comportent donc un plus grand risque d’erreur ou d’être mal comprises par les parties prenantes. En outre, les évaluations quantitatives des risques peuvent reposer sur des hypothèses quantitatives subjectives (OMS/OCDE, 2003: 80), et la précision mathématique de ces résultats quantitatifs peut, sans le vouloir, accorder trop d’importance au niveau réel d’exactitude. Ce fait est admis depuis longtemps dans les milieux de l’analyse des risques. Selon Whittemore (1983), les analyses quantitatives des risques produisent des chiffres qui, sortis de leur contexte, se mettent à vivre leur vie, libérés des qualificatifs, des mises en garde ou des hypothèses qui les ont créés. Il faut avoir présentes à l’esprit ces mises en garde, mais toutes choses étant égales par ailleurs, une bonne analyse quantitative des risques doit être préférée à une évaluation qualitative ou semi-quantitative.

Plus loin dans ce chapitre, nous décrirons les propriétés que devraient avoir les caractérisations quantitatives, puis nous analyserons les questions de la variabilité inter-individuelle, du caractère aléatoire et de l’incertitude: trois aspects de la quantification des risques qui sont décrits par des distributions et sont donc souvent confondus. Pour finir, nous nous intéresserons à l’intégration des résultats de l’évaluation de l’exposition et de la caractérisation des dangers, notamment à l’inclusion de l’incertitude et de la variabilité.

5.2 Mesures quantitatives

Les mesures quantitatives d’un risque doivent combiner sous une forme quelconque une expression des deux composantes quantitatives du risque, à savoir une mesure de la probabilité

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 59

que le risque se produise et l’ampleur de l’impact, au cas où ce risque se produirait (Kaplan et Garrick, 1981). Dans cette section, différents moyens de combiner la probabilité et l’impact sont examinés, avec des représentations graphiques à l’appui, avec des graphiques pour les représenter, ainsi que l’effet de l’inclusion de l’incertitude.

5.2.1 Mesure de probabilité

Dans une analyse des risques microbiologiques en matière de sécurité sanitaire des aliments, les mesures de probabilité doivent être corrélées à un niveau d’exposition spécifique tel que la consommation d’une quantité déterminée d’une denrée alimentaire par individu et par an dans un pays donné, ou un événement d’exposition individuel (qui peut être différent de la consommation si l’exposition est indirecte) Les mesures de probabilité sont généralement exprimées sous une de ces deux formes :

• La probabilité qu’un événement porteur de risque se produise en corrélation avec un événement d’exposition déterminé (ex: probabilité de maladie résultant de l’ingestion d’un œuf sélectionné de façon aléatoire), ou au cours d’une période (ex : probabilité de tomber malade au moins une fois par an, pour un individu sélectionné de façon aléatoire qui consomme des œufs); ou

• Le nombre moyen d’événements porteurs de risque qui peuvent se produire au cours d’une période déterminée.

Chacune de ces options a des avantages et des inconvénients. La première souligne le contenu probabiliste de la mesure du risque, alors que la deuxième peut être mal interprétée et donner à penser que l’événement porteur de risque se produira de façon déterministe avec la fréquence spécifiée. Parallèlement, si l’on spécifie un risque en termes probabilistes, il est difficile d’exprimer la possibilité d’occurrences multiples de l’évènement porteur de risque qui s’accroît progressivement avec l’augmentation de la fréquence attendue estimée. Par exemple, si l’on considère qu’un foyer de maladie se déclare de façon aléatoire dans le temps à la cadence prévue d’un événement par an, la probabilité que cela se produise au moins une fois par an est de l’ordre de 63%. En revanche, un risque attendu deux fois par an a une probabilité de se produire au moins une fois par an d’environ 86%. Le deuxième risque a une fréquence deux fois plus élevée que le premier, mais cela n’est pas reflété dans la probabilité d’occurrence. Une mesure de probabilité doit être choisie avec une grande attention afin que les résultats de l’évaluation des risques soient expliqués de la façon la plus claire possible aux intéressés.

5.2.2 Mesure d’impact

Le choix de la ou des mesure(s) d’impact dépend du problème qui préoccupe le gestionnaire des risques. Il peut s’agir du nombre de cas de maladie ou de décès humains, mais les cas de maladie seront à nouveau stratifiés en divers degrés de maladie si le décideur le juge utile. Une maladie peut aussi être traduite en une mesure quelconque d’impact économique ou d’impact social, telle que l’espérance de vie corrigée en fonction du bien-être (QALY, un concept également appelé années de vie ajustées sur la qualité de vie), examinée plus en détail dans la Section 7.2.1.

5.2.3 Mesures du risque

La mesure du risque combine les composantes de probabilité et d’impact étudiées plus haut pour fournir une description du risque, avec les incertitudes inhérentes. On choisira l’option propre à faire comprendre plus facilement l’estimation du risque au public visé, d’où l’utilité de produire plusieurs expressions destinées à des publics différents. Le choix devra aussi se porter

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60 Caractérisation quantitative des risques

sur l’expression la plus utile au décideur (par exemple, si l’on fait des comparaisons avec d’autres risques, les mesures doivent être cohérentes). Lorsque l’on communique aux parties prenantes les estimations des risques, il faut être conscient de certains problèmes qui peuvent entraver un dialogue constructif, notamment de la manière dont les gens réagissent à différentes expressions d’un même risque. Par exemple, si le public d’un pays de 20 millions d’habitants est informé qu’il y a une probabilité sur un million qu’une personne meure chaque année, à cause d’un danger spécifique, il peut avoir une réaction radicalement différente de celle qu’il aurait eu si on lui avait exposé la même situation autrement, en disant que l’on estimait qu’en moyenne 20 personnes mourraient chaque année à cause du même danger. Il existe une littérature très abondante sur la perception et l’interprétation des risques, que les évaluateurs et les gestionnaires des risques devraient lire attentivement.

La mesure du risque peut être une mesure probabiliste à un point, telle que la probabilité d’au moins une maladie pendant une période déterminée ou le nombre de cas prévus l’année prochaine. Cela signifie que, si l’incertitude n’a été prise en compte dans le modèle d’évaluation des risques, ou si l’incertitude et le caractère aléatoire ont été combinés, ces résultats sont des valeurs fixes (Figure 5.1). Si l’incertitude a été incluse dans le modèle sans être combinée avec le caractère aléatoire, les résultats sont des distributions de l’incertitude (Figure 5.1a).

La mesure du risque peut aussi être une distribution de probabilité, portant par exemple sur le nombre d’événements néfastes pour la santé qu’une personne sélectionnée de façon aléatoire pourrait connaître l’année prochaine. Il s’agira d’une distribution de premier ordre si l’incertitude n’a pas été incluse dans le modèle (Figure 5.1b), ou si l’incertitude et le caractère aléatoire ont été combinés. Si l’incertitude a été prise en compte dans le modèle sans être combinée avec le caractère aléatoire, le résultat sera une distribution de probabilité du deuxième ordre (Figure 5.1c).

Troisièmement, la mesure du risque peut décrire la variation du risque dans une population. Ce risque peut par exemple être caractérisé comme la probabilité de maladie par portion. L’analyse peut déboucher sur une distribution de la variabilité de cette probabilité dans les sous-populations, soit parce que quelques sous-populations ont une source d’alimentation plus fortement contaminée, soit parce qu’elles ont l’habitude de préparer ou de manipuler les aliments d’une manière différente, soit parce que leur courbe dose-réponse est plus pentue que les autres en raison de leur plus grande sensibilité à une bactérie. On peut représenter graphiquement la variation de cette probabilité par portion d’une sous-population à l’autre, si la comparaison entre les sous-populations apporte des éclaircissements. Si l’évaluation des risques ne prend pas en compte l’incertitude, on peut utiliser une mesure de probabilité unique pour décrire le risque que court chaque sous-population (Figure 5.1d). Si l’évaluation des risques prend en considération l’incertitude sans la combiner dans la mesure de probabilité, nous pouvons nous interroger sur le degré de fiabilité de ces estimations de probabilité par portion (Figure 5.1e). Il est difficile de comparer graphiquement deux ou plusieurs distributions du deuxième ordre : il est théoriquement possible de produire, par exemple, des distributions de probabilité du nombre de maladies qu’une personne ou une sous-population peut endurer au cours d’une période, mais s’il s’agit de distributions du deuxième ordre, on obtiendra beaucoup des résultats beaucoup plus clairs en comparant une statistique appropriée (moyenne, 90ème percentile, etc.) avec les incertitudes inhérentes.

Risque par portion

Le risque par portion est difficile à cerner, vu l’ambiguïté de la définition de ce qui constitue une portion. Ainsi, on doit commencer par définir les quantités standards - une portion étant par

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 61

exemple 100 g de poulet cuit ou 150 ml de jus d’orange ou une distribution de probabilité du poids des portions. De surcroît, il est difficile de convertir le risque au niveau individuel, car il faut tenir compte de la quantité de l’aliment considéré qu’un individu peut ingérer au cours d’une période déterminée. Toutefois, si une quantité standard (ex : 100 g de poids cuit, ou une ration protéique de 30g, ou 1000 calories) est prédéfinie, la mesure du risque par portion permet de comparer facilement le risque résultant de la consommation directe de différentes denrées. Elle peut également être utile pour établir une argumentation fondée sur le rapport coûts-avantages, par exemple si on recherche le risque le plus faible pour un besoin nutritionnel déterminé.

Risque individuel

Un risque individuel peut être spécifié pour un individu choisi au hasard dans la population considérée ou pour un consommateur sélectionné de façon aléatoire du produit (on part du principe que, dans la population, tout le monde ne consomme pas le produit incriminé et que seuls ceux qui le consomment sont à risque, ce qui suppose qu’il n’y a pas d’infection secondaire ou de contamination croisée significative1). Le risque peut aussi être spécifié pour un individu choisi au hasard dans diverses sous-populations si l’on souhaite explorer le degré de variabilité entre les sous-populations face au risque. Voici quelques exemples d’estimations d’un risque individuel:

1 La question de la contamination croisée est examinée dans le document FAO/OMS : Guidelines on Exposure Assessment of Microbiological Hazards in Foods (FAO/OMS, 2008).

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62 Caractérisation quantitative des risques

Caractère aléatoire seulement Incertitude et caractère aléatoire

Mesure de probabilité à un point

Une valeur fixe

a) x = mesure de probabilité; y = confiance

Distribution de probabilité

b) x = nombre de personnes malades (par ex.); y = probabilité

c) x,y comme dans (b). Les courbes multiples montrent l’incertitude

Variabilité de la population

d) x = sous-groupe; y = mesure de probabilité

A B C D E F

e) x, y comme dans (d). Les bandes montrent l’incertitude

A B C D E F

Figure 5.1 Une matrice des divers types de résultats quantitatifs que l’on peut produire à partir d’une évaluation des risques décrivant la variabilité, le caractère aléatoire et l’incertitude.

• La probabilité par an qu’un individu sélectionné de façon aléatoire soit atteint d’une maladie X résultant d’une exposition à la bactérie Y dans l’aliment Z.

• La probabilité par an qu’un individu sélectionné de façon aléatoire souffre d’une dégradation de sa santé X résultant d’une exposition à la bactérie Y dans un type d’aliment Z.

• La probabilité qu’un individu souffre d’un effet néfaste pour la santé au cours de sa vie, résultant de l’exposition à la bactérie Y dans des aliments.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 63

• Le nombre prévu d’événements néfastes pour la santé d’origine alimentaire, résultant de la consommation d’un type d’aliment Z, chez un individu sélectionné de façon aléatoire, au cours d’une année.

• La distribution du nombre d’événements néfastes pour la santé d’origine alimentaire, résultant de la consommation d’un type d’aliment Z, chez un individu sélectionné de façon aléatoire, au cours d’une année.

• L’incidence prévue par habitant (ou par kg consommé, ou par kg produit, au niveau national) de l’effet sur la santé X résultant de l’ingestion d’un type d’aliment Z.

Le risque par personne est souvent un chiffre très faible (par exemple 0,000013 maladie prévues par personne et par an) et par conséquent difficile à visualiser et à comparer, mais on peut extrapoler le risque à un plus grand nombre de personnes de façon à obtenir des chiffres plus élevés et plus utilisables, par exemple en convertissant l’estimation qui précède à plus de 1,3 maladies prévues pour 100 000 personnes par an. Le coefficient multiplicateur peut être choisi de façon à rendre la mesure du risque plus accessible: par exemple, le nombre 100 000 peut être choisi parce qu’il représente la population d’une petite ville, et que le concept de « 1,3 maladie par an pour une petite ville » est plus parlant que l’expression « 0,000013 maladie prévue par personne et par an » .

Risque à l’échelle d’une population

L’estimation d’un risque à l’échelle d’une population porte sur la distribution du risque dans la population ou sous-population considérée, et éventuellement sur le poids du risque supporté par l’ensemble de la population. Aucune distinction n’est faite entre les sous-groupes qui composent cette population, en fonction de critères tels que la région, l’appartenance ethnique, l’âge ou l’état de santé. Les estimations du niveau de risque à l’échelle d’une population peuvent notamment être exprimées comme suit :

• Nombre total de cas de maladies d’origine alimentaire pouvant être attendus dans la population, en un an.

• Nombre prévu de jours-lits d’hôpital consommés par an du fait d’un pathogène d’origine alimentaire spécifique.

• Pertes annuelles, en termes de nombre d’années de vie corrigées en fonction du bien-être ou de coût économique, imputables à un pathogène présent dans un type d’aliment particulier.

• La probabilité d’occurrence d’au moins un foyer (ou un décès, une maladie, etc.) dans la population en un an.

• La probabilité d’occurrence de plus de 10 000 maladies dans la population en un an

Ces estimations peuvent être différenciées par sous-populations, le cas échéant, et regroupées dans une mesure unique pour l’ensemble de la population.

5.2.4 Correspondance entre les points terminaux de la relation dose-réponse et la mesure du risque

L’exposition à des agents microbiens peut engendrer toute une série de réactions, allant de l’infection asymptomatique à la mort. Pour caractériser les risques, il faut prendre en considération le point terminal de la mesure (résultat pour la santé déclaré) utilisé pour établir la relation dose-réponse, et il peut être nécessaire d’estimer un ou plusieurs point terminaux à

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64 Caractérisation quantitative des risques

partir d’un point terminal plus ou moins grave. Une fraction des individus exposés seront infectés. L’infection peut être mesurée par la multiplication d’organismes chez l’hôte, suivie d’excrétion, ou par l’augmentation des anticorps sériques. Une fraction des personnes infectées développeront une maladie symptomatique (ratio de morbidité), mesurée par une observation clinique, déclarée par des patients, ou révélée par les réponses des consommateurs. Une fraction de ceux qui contractent une maladie vont développer des symptômes graves (ex : diarrhée sanguinolente), avoir besoin d’un traitement médical ou d’une hospitalisation, ou mourir (ratio de mortalité). On fera en sorte que les implications de la définition des cas utilisée dans un essai clinique ou une enquête épidémiologique soient bien comprises. En ce qui concerne les essais cliniques, les points terminaux des mesures sont normalement l’infection (attestée par un test fécal positif) ou la maladie (indiquée par une diarrhée). Les enquêtes épidémiologiques peuvent fournir des informations sur les ratios de morbidité et de mortalité. En principe, ces ratios sont cependant fonction d’une dose, mais les enquêtes épidémiologiques ne donnent pas d’informations sur cette relation. Dans certains cas, des essais cliniques ont été effectués sur la base d’un point terminal d’une mesure continue de la relation dose-réponse (ex : volume de diarrhée excrété) susceptible de donner des éclaircissements sur la relation de dépendance entre la gravité du résultat et la dose.

5.2.5 Prise en compte des sous-populations

Les sous-populations de consommateurs peuvent avoir des conditions variables en termes de sensibilité et/ou d’exposition. Si la caractérisation des risques cherche à différencier le risque par sous-population (ex : par classe d’âge), il convient de désagréger le résultat de l’évaluation de l’exposition pour refléter la variation de l’exposition des différentes sous-populations (ex : la fréquence, le poids et la préparation des portions consommées par les membres de chaque classe d’âge). Comme on l’a déjà vu à propos de la variabilité et de l’incertitude, si l’on dispose d’informations suffisantes pour élaborer des relations dose-réponse spécifiques à des sous-populations (ex : sensibles/non sensibles), le résultat de l’évaluation de l’exposition concernant chaque sous-population peut être propagé grâce au modèle dose-réponse correspondant. Toutefois, même dans des cas où il est impossible de décrire des relations dose-réponse ainsi différenciées, la caractérisation des risques par sous-population peut donner des informations utiles. Par exemple, les données peuvent être suffisantes pour établir des ratios de morbidité ou de mortalité par sous-populations. On notera que les sous-populations les plus intéressantes (par exemple les consommateurs sensibles) ne peuvent pas forcément être directement rattachées à des catégories qui se définissent d’elles-mêmes (ex : classes d’âge). On doit donc s’assurer de la logique des critères de classification des consommateurs dans les différentes sous-populations et de la cohérence des définitions des sous-populations dans les analyses de l’exposition et de la relation dose-réponse. Un exemple d’évaluation prenant en compte les sous-populations est examiné plus loin (Section 5.5.7).

5.3 Propriétés souhaitables des évaluations quantitatives des risques

Une évaluation quantitative des risques comprend l’identification, la sélection et l’élaboration ou la modification d’un ou plusieurs modèles qui sont ensuite combinés dans un cadre. L’un des principaux éléments à prendre en considération pour le choix des modèles, est le niveau de détail requis pour l’évaluation, qui doit être cohérent par rapport aux objectifs fixés.

Pour choisir un modèle quantitatif, on doit déterminer dans quelle mesure le modèle est étayé par les données disponibles, si ses résultats donneront des informations satisfaisantes aux décideurs, le nombre d’hypothèses qui ont été formulées pour construire le modèle et la solidité

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 65

de ces hypothèses. Inévitablement, le processus du choix des modèles, de la sélection et de l’analyse des données et de l’application des données et des modèles pour répondre aux questions de l’évaluation, implique un jugement subjectif.

La Section 6.3 est consacrée à l’analyse de la sensibilité qui aide à identifier des variables clés sur lesquelles il est possible d’agir et qui peuvent être utilisées pour identifier les principales sources d’incertitude qui pourraient être atténuées par des recherches ou par la collecte de données supplémentaires, afin de réduire l’ambiguïté de la caractérisation des risques et de la comparaison des options de gestion des risques.

Sur la base de ce qui précède, les principales propriétés d’une évaluation quantitative des risques sont les suivantes:

• Définition claire des objectifs de l’évaluation.

• Scénarios bien décrits.

• Modèles sélectionnés de façon appropriée, étayés dans toute la mesure du possible par des données.

• Niveau de détail de l’analyse adapté au niveau de l’évaluation (ex : analyse préliminaire ou plus affinée).

• Évaluation de l’incertitude dans les scénarios.

• Évaluation de l’incertitude dans les modèles.

• Explication de toutes les hypothèses et du choix des données utilisées dans l’analyse.

• Quantification et évaluation du caractère aléatoire, de la variabilité et de l’incertitude dans les prédictions du modèle.

• Intégration appropriée de l’évaluation de l’exposition et de la caractérisation des dangers pour caractériser les risques.

• Identification des principales options pour atténuer les risques.

• Identification des principales options pour réduire l’incertitude.

• Identification de paramètres des risques appropriés.

5.4 Variabilité, caractère aléatoire et incertitude

Les évaluations quantitatives des risques visent à prédire ce qui se passera dans le futur ou l’impact qui pourrait résulter d’un changement de la situation. De nombreux processus aléatoires font qu’un pathogène qui se développe à l’intérieur de l’organisme d’un animal producteur de nourriture conduit à une exposition humaine et aux effets sur la santé qui en découlent. Un modèle quantitatif décrit ce caractère aléatoire en termes de probabilités. Le modèle aboutit à des résultats tels que la probabilité qu’un individu sélectionné de façon aléatoire soit infecté au cours d’une année donnée, ou une distribution de probabilité du nombre de maladies qui pourraient se déclarer au cours d’une période future. Il existe aussi une grande variabilité interindividuelle entre les animaux, les exploitations agricoles, les comportements humains, etc. Si cette variabilité a une incidence sur le risque, un modèle quantitatif la décrit au moyen de distributions de fréquence. En raison de la complexité du système et de nos méthodes de mesure imparfaites, les valeurs exactes des paramètres décrivant les voies de risque

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proposées sont incertaines. Un modèle quantitatif décrit cette incertitude avec des distributions de l’incertitude, déterminées par diverses méthodes statistiques. Il existe plusieurs ouvrages qui traitent de la modélisation de l’incertitude, de la variabilité et du caractère aléatoire. Nous allons présenter dans les passages qui suivent une vue d’ensemble des concepts clés, en nous appuyant sur des exemples, s’il y a lieu. Pour des informations plus détaillées sur la méthodologie, on peut se référer à des ouvrages comme ceux de Morgan et Henrion (1990), Vose (2000) et ModelAssist (2004).

5.4.1 Modélisation de la variabilité, en tant que variable aléatoire

On confond souvent variabilité et caractère aléatoire. Si l’on a assigné une distribution de fréquence quelconque pour décrire la variabilité interindividuelle de l’animal dont l’aliment est issu (masse d’une carcasse de poulet par exemple), une carcasse de poulet sélectionnée de manière aléatoire a une masse donnée par cette même distribution. La distribution de fréquence est ré-interprétée comme une distribution de probabilité à cause de l’action d’un échantillon aléatoire. Ainsi, dans des modèles quantitatifs, certaines sources de variabilité peuvent être traitées comme des variables aléatoires, ce qui permet d’effectuer un échantillonnage aléatoire à partir des distributions de probabilité associées. Selon une règle empirique grossière, on pourrait modéliser la variabilité en tant que variable aléatoire si le nombre d’individus choisis de manière aléatoire est beaucoup plus petit que la population. Par exemple, en une année un petit nombre de personnes sont exposées à E. coli O157:H7, de sorte que l’on pourrait considérer qu’une personne ainsi exposée a une sensibilité à la bactérie extraite de façon aléatoire de la distribution de la variabilité de la sensibilité, pour l’ensemble de la population. Toutefois, comme cette méthode n’est pas applicable à toutes les sources de variabilité on est parfois obligé de procéder à une stratification de la population, les strates devant être modélisées parallèlement pour obtenir des estimations de probabilité distinctes ou être pondérées pour obtenir une estimation de la probabilité. Voici des exemples de stratification : stratification de la population en fonction de la sensibilité, ou stratification du produit alimentaire par producteur.

La variabilité est importante car elle résulte par exemple du fait que des individus différents sont soumis à des expositions et à des risques différents, et que des méthodes de manutention des aliments différentes génèrent des niveaux de risque différents. Une compréhension de la variabilité interindividuelle fournira des éclaircissements sur les sous-groupes de population exposés qui sont les plus exposés ou prédisposés au risque, ainsi que sur les méthodes qui sont plus ou moins dangereuses que la moyenne. Si des interventions peuvent être mises en œuvre, il peut être utile de cibler des strates spécifiques (ex: enfants/adultes). En outre, la mise en œuvre de stratégies d’intervention (ex: pratiques, technologies) visant à modifier une variable sur laquelle il est possible d’agir (ex : réduire l’occurrence des valeurs élevées des temps et/ou températures de conservation, pour freiner la croissance des pathogènes durant l’entreposage), devrait permettre de réduire les expositions les plus élevées, et par conséquent d’atténuer le risque.

5.4.2 Séparation entre variabilité et caractère aléatoire, et incertitude

La variabilité et le caractère aléatoire sont des propriétés objectives. Le degré de variabilité entre des individus, des animaux, des bactéries, des installations de transformation, des réfrigérateurs, etc. existe que l’on en soit informé ou non. Il en va de même pour la probabilité. Ainsi, la croissance bactérienne, la quantité de nourriture ingérée à un repas, la probabilité qu’une denrée alimentaire vienne ou non d’un abattoir contaminé, le nombre de bactéries présentes au moment de l’ingestion, etc. sont autant de variables aléatoires (stochastiques), caractérisées par des distributions de probabilité, qui existent même si on ne le sait pas. En

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 67

revanche, l’incertitude est une qualité subjective, en ce sens qu’elle est fonction de la quantité d’information dont dispose l’évaluateur. Des évaluateurs différents qui ne disposent pas de la même quantité d’informations peuvent produire des distributions de l’incertitude différentes.

Le caractère aléatoire, la variabilité et l’incertitude peuvent être décrits par des distributions qui se ressemblent, à ceci près que les échelles verticales décrivent des quantités différentes: fréquence relative pour les distributions de la variabilité interindividuelle ; probabilité ou densité de probabilité pour les distributions de probabilité, et confiance relative pour les distributions de l’incertitude. Les trois utilisations distinctes des distributions peuvent être une source de confusion et conduire à les modéliser ensemble dans une simulation de Monte-Carlo. Or un tel modèle débouchera sur la description d’une combinaison qui peut être difficile à interpréter. En outre, le fait de ne pas maintenir la distinction entre la variabilité et le caractère aléatoire (liées au monde réel) et l’incertitude (liée à l’état de nos connaissances) peut dans certains cas avoir une incidence profonde sur la caractérisation des risques (Nauta, 2000). On doit donc s’efforcer de les séparer, ce qui peut être fait de plusieurs manières, notamment par une modélisation de second ordre (voir Encadré 5.1).

Des données sont nécessaires pour définir les distributions associées aux paramètres du modèle, mais si les données disponibles sont ambiguës, il est difficile de déterminer si la variabilité et/ou le caractère aléatoire sont décrits dans le modèle. Dans une estimation subjective des quantités aléatoires, il est aussi généralement très difficile de séparer les composantes du caractère aléatoire et de l’incertitude. Ainsi, il peut être difficile de distinguer l’incertitude des autres composantes du modèle et cela ne doit être fait que si la décision est affectée. On tend à faire abstraction de l’incertitude quand on construit un modèle de probabilité, surtout si l’on n’a pas l’intention de faire un modèle de second ordre, mais l’incertitude ne peut être exclue que s’il est démontré que cela aurait un impact minime, car son exclusion pourrait conduire à surestimer la fiabilité des résultats du modèle. Parmi les récentes évaluations des risques microbiologiques traitant de la séparation, on peut citer Nauta et al. (2001), Hartnett (2001) et US FDA-CVM (2000).

5.5 Intégration de la caractérisation des dangers et de l’évaluation de l’exposition

Les directives du Codex expliquent qu’il est nécessaire d’évaluer l’exposition à un pathogène et de déterminer le niveau de risque (relation dose-réponse) correspondant à cette exposition. La plupart des évaluations quantitatives des risques construisent des modèles séparés d’exposition et de dose-réponse, qui doivent ensuite être mis corrélation pour estimer le risque à caractériser. La cohérence entre les concepts de dose utilisés dans les deux modèles est cruciale, en particulier pour les unités de dose et les éventuelles hypothèses de probabilité et on doit dans la mesure du possible la garantir dès le stade de la planification des modèles pour éviter de devoir ajuster le résultat de l’exposition ou les paramètres d’entrée de la caractérisation des dangers, ce qui pourrait ne pas fonctionner.

Encadré 5.1 Modèles de second ordre

Les distributions de probabilité sont dérivées de données. Ces dernières sont généralement un échantillon d’un type quelconque, de sorte que si l’on dérive la distribution de probabilité qui leur est associée, elle est entachée d’un degré d’incertitude. En recouvrant cette incertitude, on obtient une distribution de second ordre. Visuellement, une distribution de second ordre est représentée par de multiples courbes de probabilité sur un même graphique. Chaque courbe représente une distribution de probabilité et la différence entre les courbes reflète l’incertitude associée à ce caractère aléatoire.

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68 Caractérisation quantitative des risques

Lorsqu’il y a une séparation logique entre la variabilité et l’incertitude, soit dans l’évaluation de l’exposition soit dans la caractérisation des dangers, cette distinction devrait être propagée par le processus d’intégration pour déterminer la variabilité et l’incertitude dans les mesures des risques pertinentes sur lesquelles est focalisée l’évaluation. Si l’on ne parvient pas à maintenir la séparation entre la variabilité et l’incertitude, la caractérisation des risques peut être profondément altérée (Nauta, 2000). En outre, les hypothèses qui sous-tendent des modèles dose-réponse spécifiques ou les biais potentiels associés à une estimation de la relation dose-réponse peuvent limiter les modalités de combinaison des modèles d’exposition et de dose-réponse. On doit tenir compte des hypothèses de modélisation et des biais potentiels de la relation dose-réponse pour garantir une intégration logique de l’exposition et de la caractérisation des dangers.

Dans cette section, les concepts de dose sont passés en revue, tels qu’ils sont formulés dans les lignes directrices FAO/OMS sur l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers (FAO/OMS, 2003, 2008) et des suggestions sont proposées pour préserver la cohérence des unités et les justifications du modèle dose-réponse et réduire les biais lors de l’intégration de caractérisations de l’exposition et des dangers potentiellement incohérentes.

5.5.1 Les unités de dose dans l’évaluation de l’exposition

Selon le Codex (CAC, 1999) le résultat de l’évaluation de l’exposition est une estimation, avec l’incertitude qui lui est associée, de la probabilité et de la concentration du pathogène dans une portion donnée d’un aliment au moment de la consommation. En ce qui concerne les pathogènes présents à des concentrations relativement faibles, cette estimation de l’exposition est généralement représentée par une prévalence indiquant la probabilité qu’une portion de l’aliment sélectionnée de manière aléatoire soit contaminée par le pathogène, combinée avec une distribution de probabilité représentant le nombre (ou la concentration) de pathogènes dans les portions d’aliment qui sont contaminées (c’est-à-dire qui contiennent une ou plusieurs cellules du pathogène). La prévalence et la distribution de probabilité conditionnelle de contamination devraient être présentées avec l’incertitude concomitante (FAO/OMS, 2008). Pour les pathogènes présents à des concentrations relativement élevées, la prévalence dans les portions consommées peut être voisine de 100%. Dans ce cas, l’aspect déterminant de l’exposition est seulement la distribution estimée des concentrations microbiologiques dans toutes les portions de l’aliment consommé.

Il est important de décider si le niveau de contamination sera exprimé en tant que concentration (UFC/g ou UFC/ml) ou en tant que nombre (UFC) quand on relie ce résultat de l’exposition à un modèle dose-réponse. Les nombres d’UFC potentiellement ingérés sont nécessairement des nombre entiers positifs. En conséquence, il est plus logique de décrire l’exposition estimée par une distribution discrète (discontinue). Une distribution continue serait plus appropriée pour modéliser des expositions individuelles si les concentrations sont relativement élevées, mais on peut toujours la reconvertir en une distribution discrète avec une fonction d’arrondissement quelconque. On utilise souvent des distributions continues pour les numérations bactériennes car elles sont beaucoup plus flexibles et faciles à manipuler que les distributions discrètes. Si le degré d’exposition est exprimé en termes de concentration, cette dernière doit être multipliée par la quantité de nourriture ingérée pour déterminer l’exposition individuelle. Si la concentration est modélisée sous la forme d’une moyenne probabiliste, ion doit préférer les fonctions dose-réponse dont les données initiales sont des doses moyennes probabilistes (ordinairement Poisson) aux fonctions doses-réponses ayant pour données d’entrée une dose effective.

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5.5.2 Unités de dose et de réponse dans une évaluation de la relation dose-réponse

En général, dans les évaluations des risques microbiologiques, les modèles dose-réponse reposent sur les concepts des mécanismes sans seuils, de l’action indépendante et de la nature particulaire de l’inoculum (FAO/OMS, 2003). Cela se traduit par l’application de modèles basés sur la théorie du « choc unique », comme le modèle exponentiel, le modèle Bêta-Poisson, le modèle Weibull-Gamma et le modèle hypergéométrique (Haas, 1983; Teunis et Havelaar, 2000). Ces modèles supposent que chaque cellule ingérée agit de manière indépendante, et que toutes les cellules ont la même probabilité de causer une infection. L’hypothèse de l’absence de seuil implique que toute dose supérieure à zéro comporte un certain degré de risque.

Les directives FAO/OMS sur la caractérisation des dangers (FAO/OMS, 2003) passent en revue les modèles dose-réponse actuels. Les deux principales sources de données nécessaires pour construire une évaluation dose-réponse sont les études alimentaires sur des volontaires humains, basées sur des tests cliniques, et les enquêtes épidémiologiques sur l’incidence d’une maladie associée à une exposition à un pathogène présent dans un aliment. Ces différents types de données humaines ont divers avantages et inconvénients.

Les études alimentaires basées sur des tests cliniques fournissent généralement des mesures du résultat maladie chez des échantillons de volontaires jeunes et en bonne santé, exposés à des niveaux divers d’un ou de plusieurs pathogènes de substitution. Dans ces études, on neutralise l’acidité gastrique en administrant de façon concomitante un antiacide (par exemple du bicarbonate) pour renforcer la survie du micro-organisme dans le tube digestif et minimiser la variation interindividuelle de l’exposition « effective ». Une relation dose-réponse estimée sur la base de ces données peut donc être faussée par rapport à celle qui résulterait de l’exposition d’une population comprenant aussi bien des personnes sensibles que des individus en bonne santé. Le nombre limité de participants aux essais alimentaires n’a pas permis d’observer de faibles taux d’infection correspondant à de faibles doses de sorte que ces probabilités doivent être extrapolées à partir de doses plus élevées. En ce qui concerne les bactéries pathogènes, les expositions individuelles au sein du même groupe de doses d’un essai sont variables en raison de la distribution aléatoire des inoculums, ce qui est pris en compte dans l’analyse mais accroît l’incertitude. Pour quelques autres types de pathogènes, tels que le protozoaire Cryptosporidium parvum, on peut compter directement le nombre d’organismes de sorte que les niveaux d’exposition individuels effectifs peuvent être déterminés de façon certaine. La forme fonctionnelle du modèle dose-réponse ajusté doit être alignée sur la forme de l’essai: par exemple, un modèle dose-réponse Beta-Poisson, qui suppose que la dose effective est une variable aléatoire de Poisson, de valeur prévue connue, est approprié pour les essais alimentaires liés à des bactéries ; et le modèle dose-réponse bêta-binomial suppose que l’on connaît le nombre exact de germes ingérés, ce qui convient pour un essai alimentaire dans lequel la dose a fait l’objet d’une numération.

Les données épidémiologiques sont généralement constituées d’une collection des maladies confirmées par culture ou identifiées d’une autre manière enregistrées au cours d’une période et dans une région géographique données par les autorités en matière de santé publique. Ces données peuvent être issues d’une surveillance continue active ou passive ou d’enquêtes sur des foyers spécifiques. Seule une fraction (plus ou moins élevée selon le pathogène) de l’incidence de la maladie identifiée est imputable à des expositions à des pathogènes présents dans des aliments. Des informations supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir caractériser les dangers et estimer le nombre d’expositions correspondant à un nombre donné de maladies confirmées, et les niveaux probables d’occurrence d’une exposition. En outre, compte tenu des degrés de gravité variables de la maladie qui peut se déclarer, le nombre de maladies identifiées

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70 Caractérisation quantitative des risques

n’est qu’un sous-ensemble de toutes les maladies. La proportion des maladies totales qui sont par la suite confirmées par culture ou identifiées d’une autre manière varie généralement sensiblement d’un pathogène à l’autre, par suite de différences dans la virulence et/ou dans la sensibilité de l’hôte (Mead et al. 1999). L’un des principaux avantages des enquêtes épidémiologiques est qu’elles couvrent l’exposition de personnes qui n’auraient jamais participé à des études alimentaires expérimentales, telles que les femmes enceintes, les personnes âgées et les infirmes, les jeunes enfants, etc.

Les données issues d’études sur animaux sont aussi intéressantes, mais il est plus difficile de déterminer une relation dose-réponse sur la base de ces données que sur la base de données expérimentales ou d’observation auprès de populations humaines. Toutefois, à défaut d’études alimentaires expérimentales sur des humains ou de données épidémiologiques suffisantes pour déterminer une relation dose-réponse, la caractérisation des dangers peut reposer dans une large mesure sur une extrapolation à partir d’études sur animaux. Dans ces cas-là, les incertitudes associées à l’évaluation dose-réponse sont considérablement accrues et il est important de les évaluer et de les propager comme il convient grâce à la caractérisation des risques. Cela dit, il est beaucoup plus difficile d’évaluer l’incertitude associée à une extrapolation d’espèce à espèce, que celle associée à l’extrapolation d’un petit échantillon de données humaines à une population.

5.5.3 Combinaison des évaluations de l’exposition et de la relation dose-réponse

Lorsque l’on combine ces deux évaluations, il est important de maintenir la cohérence. Avant tout, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers devraient porter sur le même danger, la ou les même(s) population ou sous-populations, et le même horizon temporel. Cela peut sembler évident, mais le manque de données pourrait inciter à choisir par exemple un micro-organisme de substitution pour évaluer la relation dose-réponse, ou à extrapoler une relation dose-réponse estimée sur la base des données obtenues auprès de volontaires jeunes et en bonne santé, à une population moins homogène incluant des individus sensibles. Dans la mesure du possible, il est préférable d’éviter ces types d’extrapolations et de se tourner vers d’autres approches de modélisation ; toutefois, si l’on n’a pas d’autre choix, cela doit être clairement indiqué et les éventuels biais et incertitudes liés à ces extrapolations devraient si possible être pris en compte dans l’évaluation.

La meilleure façon de combiner les deux évaluations diffère selon que la relation dose-réponse est inférée à partir de données à l’échelle individuelle (essais alimentaires) ou globale (enquêtes épidémiologiques). Le résultat de l’évaluation de l’exposition devrait être exprimé en unités d’organismes ingérés (UFC, cellules, UFP [unités formant plage, utilisées comme mesure des concentrations d’un virus]) par individu, et sur la base d’un événement par exposition en raison du caractère aigu des risques microbiologiques. En revanche, les paramètres d’entrée de la relation dose-réponse ne sont pas nécessairement au niveau individuel. L’exposition peut par exemple être exprimée en tant que moyenne, ou autre synthèse d’une distribution des expositions sur un groupe d’individus, même si cela devrait autant que possible être évité. Les différences entre les synthèses des expositions à l’échelle d’un individu et d’un groupe dans une caractérisation des dangers peuvent être à l’origine d’incohérences lorsque l’on combine les deux évaluations aux fins de la caractérisation des risques.

Sur le plan technique, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers peuvent être combinées dans une simulation de Monte Carlo, en calculant une probabilité d’infection (ou de maladie) associée à chaque échantillon k à partir de la distribution de l’exposition. Pour un échantillon donné de ni cellules provenant de la distribution de l’exposition, P (infection| ni), la

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 71

probabilité conditionnelle d’infection résultant de la dose spécifiée sera ensuite calculée sur la base de la relation dose-réponse estimée ou inférée. La probabilité inconditionnelle d’infection résultant d’une exposition donnée sera ensuite calculée en prenant la moyenne des valeurs k de P (infection|ni) échantillonnées dans la simulation de Monte-Carlo. Dans ces calculs, les prévisions relatives à l’exposition et au risque sont généralement incertaines en raison de l’incertitude épistémique associée aux modèles alternatifs de la distribution de l’exposition et du risque d’infection (ou de maladie) à une dose quelconque spécifiée. Ces incertitudes s’étendent aux prévisions du risque lorsque l’exposition et la dose-réponse sont combinées, et elles devraient être reflétées comme il convient dans le résultat de l’évaluation.

5.5.4 Les hypothèses du modèle dose-réponse

Beaucoup de modèles dose-réponse basés sur le “choc unique” les plus courants, (ex: modèle Béta-Poisson et modèle exponentiel) prennent pour hypothèse une dose suivant une distribution de Poisson pour dériver une relation entre une dose moyenne et la probabilité d’un effet néfaste pour la santé. Cette distribution de Poisson de la dose n’est généralement pas compatible avec la distribution de la dose résultant de l’évaluation de l’exposition, sauf dans quelques cas exceptionnels, le plus courant étant une dose d’un aliment homogène, tel que liquide ou viande hachée, dans lequel l’organisme pathogène peut être distribué de manière aléatoire sans s’agréger. Le modèle dose-réponse basé sur la distribution de Poisson convient bien pour l’analyse statistique des données provenant d’essais alimentaires dans lesquels la dose administrée est un échantillon d’une solution d’une concentration bactérienne donnée, et peut de ce fait être considérée comme suivant une distribution de Poisson. Les paramètres de la fonction dose-réponse estimée dans l’analyse statistique peuvent encore être utilisés dans un autre modèle dose-réponse (dit bêta-binomial) qui suppose que la dose exacte est connue.

L’équation sur laquelle se fondent tous les modèles basés sur le “choc unique“ est une expression de la probabilité qu’un ou plusieurs chocs se produisent, dans l’hypothèse d’une action indépendante. Selon cette hypothèse, la probabilité d’infection est exprimée par le modèle dose-réponse binomial:

Pinf = 1- (1-pm)n

où Pinf est la probabilité d’infection (ou d’un effet plus grave sur la santé), pm est la probabilité qu’une seule cellule cause l’infection, et n est le nombre de pathogènes ingérés (FAO/OMS, 2003. 2008).

Si la variabilité en fonction de l’hôte de la probabilité d’infection par une cellule unique est exprimée par une distribution de Bêta, pm peut être remplacé par une distribution de Bêta pour prendre en compte les effets de la variabilité interindividuelle. La relation dose-réponse qui en résulte est un modèle Bêta-binomial.

Si la dose n n’est pas connue mais supposée suivre une distribution de Poisson de moyenne connue, et si pm est censé avoir une valeur constante, le modèle dose-réponse est dit exponentiel.

Si la dose est connue mais supposée suivre une distribution de Poisson de moyenne connue, et si la valeur de pm est censée varier suivant une distribution Bêta, on a un modèle dose-réponse de Bêta-Poisson qui sera particulièrement approprié s’il est obtenu à partir d’un ajustement de la fonction hypergéométrique confluente aux données disponibles (Teunis et Havelaar, 2000).

Les effets de l’incertitude des paramètres ajustés de l’équation dose-réponse devraient être propagés à travers les calculs de la caractérisation des risques.

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72 Caractérisation quantitative des risques

Si l’exposition suit une distribution de Poisson, ou si le coefficient de variation (c’es-à-dire l’écart-type divisé par la moyenne) est petit, le niveau moyen d’exposition peut être un paramètre d’entrée suffisant pour la relation dose-réponse. Si le coefficient de variation est grand, il faut prendre en compte la totalité de la distribution de l’exposition et justifier les raisons qui ont incité à choisir le (s) modèle(s) dose-réponse, pour garantir la cohérence des données.

5.5.5 Exposition exprimée en tant que prévalence

Si les niveaux d’exposition quantitatifs ne sont pas connus et si l’exposition n’est exprimée qu’en tant que prévalence (par exemple, d’aliments testés positifs), les modèles dose-réponse reliant des niveaux quantitatifs d’exposition à la probabilité d’un effet ne s’appliquent pas. Il en va de même, si l’on ne dispose pas d’une relation dose-réponse, telle que celle décrite dans les directives FAO/OMS sur la caractérisation des dangers.

Dans ces situations, on peut se servir des données de suivi et/ou de surveillance sur la prévalence d’une exposition, et les mettre en corrélation avec l’incidence (taux) d’une maladie. La prévalence considérée sera de préférence celle un pathogène aussi proche que possible de celui qui est consommé, mais pour lequel les individus mesurés sont représentatifs de la source alimentaire dans son ensemble et l’aliment est le principal véhicule d’exposition humaine.

Dans certains cas, on peut supposer que la relation entre cette prévalence et le taux de maladies prévu associé à la source alimentaire est linéaire. Il est préférable que cette hypothèse soit étayée par les données et la logistique de la transformation et de la manutention des aliments : la contamination croisée et le mélange des unités d’aliment après le point de mesure de la prévalence, doivent être négligeables.

Sur la base de ces hypothèses, on peut établir une ou deux relations entre la prévalence et le taux de maladies (voir Figure 5.2). Si l’on effectue une caractérisation des risques liés à un pathogène et à une denrée alimentaire qui est considérée comme le seul véhicule dudit pathogène (cas qui pourrait par exemple s’appliquer à Salmonella Enteritidis dans les œufs), on peut s’attendre, en première approximation, à avoir une relation caractérisée par une courbe linéaire qui passe par l’origine, où une prévalence zéro correspond à un risque zéro de maladie. Si l’aliment considéré n’est qu’une voie d’exposition parmi tant d’autres, le taux de maladies ne sera pas nécessairement égal à zéro si la prévalence du pathogène dans l’aliment est égale à zéro, d’où la droite supérieure de la Figure 5.2.

Si ces hypothèses sont raisonnables, ce type de relation peut aider à prédire l’effet d’une baisse de la prévalence résultant d’une intervention dans la chaîne alimentaire, à un point antérieur à la mesure de la prévalence. Toutefois, une intervention qui abaisse la concentration de pathogènes dans l’aliment n’a pas nécessairement d’effet sur la prévalence, mais elle aura un effet sur la distribution de la dose dans les expositions, et donc sur la santé humaine. Une caractérisation des risques basée sur la relation dose-réponse en termes de prévalence doit donc être interprétée avec prudence.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 73

Figure 5.2 Relations dose-réponse / prévalence linéaires, où la droite inférieure représente une voie d’exposition unique, telle qu’une prévalence zéro correspond à un risque zéro, alors que la droite supérieure correspond à des voies d’exposition multiples, telles qu’une prévalence zéro dans un aliment ne se traduit pas nécessairement par l’absence de maladie dans la population.

La sensibilité et la spécificité du test employé pour mesurer la prévalence ont leur importance lorsque l’on utilise des données concernant la prévalence pour caractériser un aspect quelconque du risque et, en l’occurrence, pour évaluer les concentrations bactériennes dans un aliment. Pour comparer les prévalences, les méthodes employées devraient avoir la même sensibilité et, dans le cas contraire, leurs sensibilités devraient être connues afin de permettre un ajustement à la « prévalence réelle ». Cela nous amène à la question de la limite de détection du pathogène dans l’aliment. Si cette limite varie d’une méthode à l’autre, cette différence sera reflétée dans la prévalence mesurée. Il existe des méthodes statistiques qui permettent de corriger ces erreurs de mesure (Gibbons et Coleman, 2001).

S‘il ressort de l’évaluation que le niveau d’exposition est faible et que l’on ne dispose que d’une relation dose-réponse du type qui vient d’être décrit, on doit être particulièrement attentif à l’effet que peuvent avoir la limite de détection et la sensibilité du test sur la prévalence mesurée pour obtenir les données de la relation dose-réponse. Les faibles concentrations, allant de 1 à 10 UFC /100 g sont rarement mesurées, mais elles peuvent avoir un impact sur le taux de maladies résultant de l’exposition à des micro-organismes pathogènes. C’est pourquoi, il est généralement déconseillé de combiner des évaluations de l’exposition indiquant de faibles niveaux avec une relation dose-réponse du type de celles examinées ici, sauf si l’on peut supposer que la distribution du pathogène dans un événement d’exposition demeure constante quelle que soit la stratégie adoptée pour gérer les risques, ou que le niveau d’exposition restera à l’intérieur d’une section en ligne droite de la courbe dose-réponse.

5.5.6 Relations dose-réponse établies d’après des données épidémiologiques

Étant donné que les données agrégées (épidémiologiques) mettent généralement en corrélation un risque moyen observé ou inféré et une exposition moyenne ou inférée, il peut être difficile

Prévalence

Tau

x de

mal

adie

s

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74 Caractérisation quantitative des risques

d’estimer la relation entre l’exposition et le risque au niveau individuel, à partir de ces données. En effet, les unités de mesure (agrégats dans la population) ne sont pas les mêmes que les cibles des inférences (individus). Dans la littérature épidémiologique, ce problème des inférences est généralement appelé erreur écologique, biais d’agrégation ou biais transversal (Piantadosi, Byar et Green, 1988; Greenland et Morgenstern, 1989; Richardson, Stucker et Hemon, 1987). L’erreur écologique inclut l’effet potentiel de facteurs de confusion, mais il est reconnu que même sans facteur de confusion, l’agrégation elle-même peut engendrer un biais par rapport aux relations établies au niveau individuel. Ce phénomène est généralement appelé biais d’agrégation ou biais transversal.

Il n’y a pas de panacée pour résoudre ce problème du biais dans l’interprétation des données agrégées. Toutefois, en choisissant une définition appropriée de l’exposition et/ou du risque « moyen » (ex : moyenne géométrique/arithmétrique) pour les groupes de données utilisées dans la caractérisation des dangers, on peut réduire les effets du biais à un niveau acceptable, si la relation dérivée a pour objet de représenter le risque par rapport à la dose à l’échelle individuelle (Haas, 1996; Crump 1998; Guo et al., 1998). Il existe d’autres approches plus sophistiquées pour réduire les effets de l’erreur écologique (King, 1997), mais elles ne sont pas toujours applicables à une évaluation des risques microbiologiques compte tenu de la nature et de l’étendue des autres biais possibles.

Les effets du biais transversal peuvent poser un problème quelle que soit la forme du résultat de l’évaluation de l’exposition (exposition de faible niveau, de niveau élevé, ou basée sur la prévalence). Toutefois, compte tenu de la nature et de l’étendue d’autres incertitudes, l’effet du biais transversal peut être particulièrement pertinent si la relation dose-réponse est intégrée avec une évaluation de l’exposition dans laquelle les niveaux d’exposition sont quantitatifs et élevés.

5.5.7 Intégration de la variabilité et de l’incertitude

Les résultats de l’évaluation de l’exposition et de la caractérisation des dangers sont intégrés différemment selon l’approche adoptée pour prendre en compte la variabilité et l’incertitude. L’approche employée à chaque étape doit être cohérente de façon à ce que, par exemple, si l’exposition a été stratifiée en fonction de la sensibilité des différentes populations, il y ait un modèle dose-réponse pour chaque population. Il est important de relier correctement ces caractéristiques du modèle quand on combine les résultats. Par exemple, si la variabilité entre les sous-populations a été prise en compte, la distribution de probabilité relative à l’exposition dans chaque population, doit être propagée à travers le modèle dose-réponse pour cette population.

Ces idées sont illustrées à la Figure 5.3. Ici, on suppose que l’exposition dépend de la saison (A et B) et du producteur (1 et 2), ce qui conduit à 4 distributions différentes de l’exposition (A1, A2, B1, B2). On suppose en outre qu’il y a deux sous-populations, dont chacune a une courbe dose-réponse qui lui est propre. La figure montre bien qu’il est important de relier le bon modèle d’exposition au bon modèle dose-réponse si l’exposition et la relation dose-réponse sont stratifiées de cette manière.

Les idées de lien sont mieux illustrées aux Figures 5.4 à 5.7, en tenant compte de la variabilité et de l’incertitude. Ces figures montrent en particulier des résultats issus de modèles types dans lesquels la stratification de la population et l’incertitude ont été incorporées à des degrés divers. Dans chaque cas, l’évaluation de l’exposition donne la probabilité qu’une portion sélectionnée de façon aléatoire de l’aliment soit contaminée par le micro-organisme, ainsi qu’une distribution de probabilité relative au nombre logarithmique d’organismes présents dans cette portion. On a supposé que l’éventuelle variabilité de la contamination, par exemple selon

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 75

les saisons, les régions du pays ou les producteurs d’aliments avait été prise en compte, grâce à l’établissement de moyennes et qu’une stratification n’était donc pas nécessaire. La caractérisation des dangers débouche sur le modèle dose-réponse. On notera que les graphiques représentant les modèles dose-réponse ne sont pas des distributions de probabilité ou d’incertitude, mais des fonctions mathématiques. Enfin, la caractérisation des risques présente deux mesures du risque. La première est prise au niveau individuel et donnée par la probabilité qu’un individu sélectionné de manière aléatoire contracte une maladie résultant de l’ingestion d’une portion du produit alimentaire. La deuxième, définie à l’échelle de la population, est le nombre de cas l’année prochaine.

L’incertitude n’est pas incluse dans les modèles présentés aux Figures 5.4 et 5.5. On a donc des valeurs ponctuelles pour la probabilité de contamination et le risque individuel, des modèles de dose-réponse unique et des distributions de probabilités uniques pour le nombre log d’organismes et le risque à l’échelle de la population. Si l’on dispose de grands échantillons de sorte que le caractère aléatoire et les écarts entre les populations sont dominants, cette approche convient. Autrement, on obtiendra des résultats similaires en changeant les paramètres du modèle pour étudier l’effet de l’incertitude.

Les Figures 5.6 et 5.7 représentent des modèles du second ordre. Dans ce cas, il y a une distribution de l’incertitude aussi bien pour la probabilité qu’une portion soit contaminée que pour le risque individuel (noter l’axe des ordonnées sur chacun de ces graphiques - il montre la confiance plutôt que la probabilité). Il y a aussi une incertitude associée au modèle dose-réponse et aux distributions de probabilité concernant les nombres log par portion et le risque à l’échelle de la population. Cette incertitude est indiquée par les courbes multiples sur chaque graphique. Cette approche est appropriée si l’incertitude est grande et peut être explicitement distinguée de la variabilité à tous les stades.

La différence des résultats, selon que la stratification de la population est incluse ou non, est mise en relief par une comparaison entre les Figures 5.4 et 5.5 (sans incertitude) et les Figures 5.6 et 5.7 (avec incertitude). Pour les modèles des Figures 5.5 et 5.7, on a supposé que les réponses variaient entre deux sous-populations. Ceci ressort des différents modèles de dose-réponse: la sous-population 1 est moins sensible que la sous-population 2 (bien que les deux populations soient censées avoir le même niveau d’exposition). Les modèles dose-réponse différents débouchent sur des niveaux de risque individuel différents, un individu choisi au hasard dans la sous-population 1 ayant une probabilité de maladie plus élevée qu’un individu choisi de manière aléatoire dans la sous-population 2. Le risque à l’échelle de la population regroupe les résultats des deux sous-populations pour donner le nombre de cas dans la population totale. S’il y a des raisons de supposer que les réponses des deux sous-populations sont les mêmes, la stratification est sans objet (Figures 5.4 et 5.6).

Ces exemples peuvent facilement être étendus, par exemple, pour identifier la variabilité entre les producteurs, dans le temps ou dans l’espace (voir Figure 5.3). En outre, d’autres estimations du risque pourraient être dérivées.

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Figure 5.3 Liaison entre l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers

Caractérisation des risques liés aux dangers m

icrobiologiques d’origine alimentaire 77

Saison Producteur Population

Source de variabilité

A

B

1

2

1

2

x

y

x

y

x

y

x

y

Évaluation de l’exposition Caractérisation des dangers

A, 1

A, 1

A, 2

A, 2

B, 1

B, 1

B, 2

B, 2

x

y

x

y

x

y

x

y

Page 93: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

Figure 5.4. Caractérisation des risques sans stratification de la population, et incertitude non incluse

Évaluation de l’exposition Caractérisation des dangers

Caractérisation des risques

Population

Risque individuel

Risque pour la population

Population Population

0 0.2 0.4 0.6 0.8

1

Maladie résultant d’une portion Absence de maladie

résultant d’une portion

0 0.2 0.4 0.6 0.8

1

0 100 200 300 400 500 Nombre de cas l’année prochaine

0 0.2 0.4 0.6 0.8

1

0 2 4 6 8 10 Log N pour portion

0 0.2 0.4 0.6 0.8

1

Portion contaminée Portion non contaminée

Pro

babi

lité

C

umul

ativ

e pr

obab

ility

0 0.2 0.4 0.6 0.8

1 1.2

0 2 4 6 8 10 12 Dose log P

roba

bilit

é de

mal

adie

Pro

babi

lité

Pro

babi

lité

cum

ulée

78 Caractérisation quantitative des risques

Page 94: Caractérisation des risques liés aux dangers ... · SÉRIE ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES 17 Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine

78 Caractérisation quantitative des risques

Figure 5.5. Caractérisation des risques avec stratification de la population, incertitude non incluse

Évaluation de l’exposition Caractérisation des dangers

Sous-population 1 Sous-population 2

Caractérisation des risques

Sous-population 1

Sous-population 2

Risque individuel

Risque pour la population

Sous-population 1

Sous-population 2

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 N log par portion

Pro

bab

ilité

cu

mu

lée 0

0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 N log par portion

Pro

bab

ilité

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

0 2 4 6 8 10 12 Dose log

P

rob

abili

de

mal

adie 0

0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 12 Dose log

Pro

bab

ilité

d

e m

alad

ie

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

Portion contaminée Portion non contaminée

Pro

bab

ilité

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

Portion contaminée Portion non contaminée

Pro

bab

ilité

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

Maladie résultant d’une portion

Absence de maladie résultant d’une portion

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

Maladie résultant d’une portion Absence de maladie résultant d’une portion

Pro

bab

ilité

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 100 200 300 400 500 Nombre de cas l’année prochaine

Pro

bab

ilité

cu

mu

lée

Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 79

Pro

bab

ilité

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 79

Figure 5.6 Caractérisation des risques sans stratification de la population, incertitude incluse

Population Population

Évaluation de l’exposition Caractérisation des dangers

Caractérisation des risques Population

Risque individuel

Risque pour la population

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 0.1 0.2 0.3 Probabilité portion contaminée

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 N log par portion

Pro

bab

ilité

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1 1,2

0 2 4 6 8 10 12 Dose log

Pro

bab

ilité

de

mal

adie

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 Probabilité de maladie résultant d’une portion

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 100 200 300 400 500 Pro

bab

ilité

cu

mu

lée

Nombre de cas l’année prochaine

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80 Caractérisation quantitative des risques

Figure 5.7 Caractérisation des risques avec stratification de la population, incertitude incluse

Nombre de cas l’année prochaine

Sous-population 1 Sous-population 2 Sous-population 1 Sous-population 2

Évaluation de l’exposition Caractérisation des dangers

12

Caractérisation des risques

Sous-population 1 Sous-population 2

Risque individuel

Risque pour la population

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 0,1 0,2 0,3

Probabilité portion contaminée

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 0,1 0,2 0,3 Probabilité portion contaminée

C

on

fian

ce c

um

ulé

e

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 N log par portion

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 N log par portion

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1 1,2

0 2 4 6 8 10 12 Dose log

Pro

bab

ilité

de

mal

adie

0 0,2 0,4

0,6 0,8

1

0 2 4 6 8 10 Dose log

Pro

bab

ilité

de

mal

adie

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 Probabilité de maladie résultant d’une portion

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 Probabilité de maladie résultant d’une portion

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

0 0,2 0,4 0,6 0,8

1

0 100 200 300 400 500 Pro

bab

ilid

ad a

cum

ula

tiva

Nombre de cas l’année prochaine

Co

nfi

ance

cu

mu

lée

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 81

5.6 Exemples d’analyses quantitatives des risques

5.6.1 FSIS E. coli comparative risk assessment for intact (non-tenderized) and non-intact (tenderized) beef (USDA FSIS, 2002)

L’attendrissement mécanique avec des aiguilles ou des lames en inox déplace les pathogènes qui sont à la surface des tranches de bœuf intactes vers le bas, ce qui peut les protéger de l’effet létal de la chaleur durant la cuisson.

Le Food Safety and Inspection Service (FSIS) cherchait à déterminer si le steak attendri à la lame représentait un risque sanitaire sensiblement plus élevé que son équivalent non attendri. Le Service a construit un modèle de simulation quantitative pour analyser les concentrations de bactéries dans les steaks et les modifications de leur taux de survie après le processus d’attendrissement qui, en les incorporant dans la viande, leur fournissait une protection supplémentaire. Le service a ensuite estimé la charge bactériologique des steaks après la cuisson, et utilisé les concentrations ainsi obtenues comme paramètres d’un modèle dose-réponse pour estimer le risque. Le FSIS a conclu ce qui suit:

Les probabilités qu’ E. coli O157:H7 survive aux pratiques de cuisson classiques, dans les steaks tant attendris que non-attendris, sont infimes… … 0,000026 pour cent (soit 2,6 pour 10 millions de portions) des steaks non attendris contiennent une ou plusieurs bactéries… Les différences des concentrations de bactéries après la cuisson entre les steaks attendris et les steaks non-attendris sont minimes, voire nulles. [Le modèle] met en évidence un écart à peine décelable à des niveaux de dose supérieurs à 1. Les prévisions concernant les maladies par portion (IPSEV) sont de 1 maladie pour 14,2 millions de portions (7,0×10-8 ) de steak attendri, contre 1 maladie pour 15,9 millions de portions (6,3×10-8) de steak non attendri. Cela signifie qu’il y aura sept maladies de plus imputables à l’attendrissement, par milliard de portions de steak (7,0×10-8 – 6,3x10-8)

Comme il s‘agissait d’une évaluation comparative, le modèle ne prenait en compte que les éléments utiles à la comparaison. Il commençait donc par analyser la distribution des bactéries sur le steak avant l’attendrissement, puis examinait les variations du risque pour la santé humaine lié à l’ingestion du même steak, soumis à un traitement différent, et il n’avait besoin de prendre en considération aucun autre facteur intéressant l’élevage et l’abattage de l’animal.

5.6.2 FAO/OMS Listeria monocytogenes in ready-to-eat foods (FAO/OMS, 2004)

La FAO et l’OMS ont réuni un groupe de travail pour répondre à trois questions concernant Listeria monocytogenes, qui avaient été posées par le Comité du Codex sur l’hygiène alimentaire (CAC, 2000). Il s’agissait de:

• Estimer le risque de maladie grave imputable à L. monocytogenes dans les aliments lorsque le nombre d’organismes va de l’absence dans 25 grammes à 1 000 unités formant colonies (UFC) par gramme ou millilitre, ou ne dépasse pas des niveaux spécifiés au point de consommation.

• Estimer le risque de maladie grave pour les consommateurs dans différents groupes de population sensibles (personnes âgées, nourrissons, femmes enceintes et patients immunodéprimés) par rapport à la population générale.

• Estimer le risque de maladie grave imputable à L. monocytogenes dans les aliments qui favorisent sa croissance et les aliments qui ne favorisent pas sa croissance dans des conditions particulières de stockage et de durée de conservation.

L’évaluation des risques n’avait pas besoin d’un modèle complet couvrant toute la filière alimentaire (« de la ferme à la table ») pour répondre à ces questions. En outre, comme les

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82 Caractérisation quantitative des risques

questions ne concernaient pas un pays ou un produit spécifique, il n’était pas nécessaire de définir le champ d’application du modèle. L’équipe a décidé de focaliser l’étude sur les concentrations de Listeria monocytogenes dans les aliments vendus au détail; de modéliser la croissance ou la réduction de L. monocytogenes entre le moment de l’achat et celui de la consommation; et d’utiliser une fonction dose-réponse ajustée pour estimer le risque qui en découle.

L’équipe a sélectionné quatre aliments prêts à consommer raisonnablement représentatifs des nombreux aliments disponibles. L’analyse quantitative a produit les résultats indiqués au Tableau 5.1.

Tableau 5.1 Estimation des risques liés à Listeria monocytogenes, selon la méthode utilisée dans l’ERM de la FAO/OMS

Aliment Cas de listériose par 109 personnes par an Cas de listériose par 109 portions

Lait 910 0,5

Crèmes glacées 1,2 0,0014

Poisson fumé 46 2,1

Viandes fermentées 0,066 0,00025

SOURCE: Adapté du Tableau 1 de l’Évaluation des risques liés à Listeria monocytogenes dans les aliments prêts à consommer (FAO/OMS, 2004).

Le rapport d’évaluation des risques fournit une explication très détaillée des principales limites de l’analyse quantitative, qui doit notamment compter principalement sur des données quantitatives européennes sur la contamination, et sur des sources multiples pour les estimations de la prévalence. Les données sur la consommation provenaient principalement d’Amérique du Nord et la relation dose-réponse a été dérivée de données épidémiologiques provenant des États-Unis d’Amérique, où les niveaux d’exposition pourraient ne pas être les mêmes qu’en Europe. La réponse résumée aux trois questions du Codex reconnaît que les données quantitatives doivent être interprétées avec prudence, en fournissant des réponses qualitatives. Par exemple (FAO/OMS, 2004):

“L’évaluation des risques démontre que la plupart des cas de listériose sont attribuables à de grands nombres de Listeria et aux aliments dans lesquels la concentration du pathogène ne répond pas aux critères actuels, quels qu’ils soient (0,04 ou 100 UFC/g). Le modèle prévoit également que l’ingestion d’un petit nombre de L. monocytogenes ne risque guère de causer la maladie. Éliminer de grands nombres de L. monocytogenes au moment de la consommation a un impact non négligeable sur le nombre de cas de maladie prévu.”

5.6.3 Shiga-toxin-producing E. coli O157 in steak tartare patties (Nauta et al., 2001)

Dans une évaluation des risques liés à Escherichia coli producteurs de Shiga-toxines (STEC) dans des bouchées de steak tartare, Nauta et al. (2001) ont simulé l’exposition de la population aux Pays-Bas, en construisant un Modèle de Monte-Carlo « de la ferme à la table ». Cette évaluation des risques a fourni un exemple de l’intégration de l’évaluation de l’exposition et de la caractérisation des dangers avec une faible dose et une relation dose-réponse à l’échelle individuelle. La prévision de l’exposition du modèle de référence était caractérisée par une prévalence de 0,29% de bouchées de tartare contaminées et un nombre moyen de 190 UFC par bouchée contaminée. La distribution des UFC dans les bouchées contaminées est résumée au Tableau 5.2. En combinant cette distribution avec des données sur la probabilité de

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 83

consommation d’une bouchée de steak tartare par personne et par jour, on obtient une évaluation de l’exposition de la population, exprimée en unités d’UFC par personne et par jour.

Le modèle dose-réponse élaboré pour la caractérisation des dangers se fondait sur une épidémie bien documentée dans une école primaire au Japon (Shinagawa, 1997). Les données ont été ajustées à un modèle exponentiel distinct pour les enfants et les adultes, ce qui a donné des estimations ponctuelles de la probabilité d’infection par une seule cellule de r = 0,0093 pour les enfants et de r = 0,0051 pour les adultes.

Tableau 5.2 Distribution de l’exposition aux STEC O157 dans des bouchées de steak tartare.

UFC par exposition Probabilité

1 63,9%

2–10 28,8%

11–100 6,3%

101–1000 0,9%

>1000 0,11%

Comme les niveaux d’UFC par exposition étaient généralement faibles, la distribution de l’exposition a été combinée avec le modèle dose-réponse dans une simulation de Monte Carlo, en appliquant le modèle basé sur la théorie du choc unique, selon la formule 1-(1-r)n, n étant un échantillon aléatoire de la distribution de l’exposition. La caractérisation des risques, faite au moyen de cette approche, a permis de déterminer un taux d’attaque prévu de 0,0015% d’infections par personne et par an aux Pays-Bas, soit 2335 infections par 15,6 millions de personnes et par an.

Notons que, dans cet exemple, l’incertitude n’est pas quantifiée; seule la variabilité est prise en compte.

5.6.4 FAO/OMS risk assessment of Vibrio vulnificus in raw oysters (FAO/OMS, 2005)

La FAO et l’OMS ont entrepris d’évaluer le risque de maladie imputable à Vibrio vulnificus dans les huîtres crues, en adaptant la structure d’un modèle de risque qui avait été précédemment élaborée aux États-Unis pour V. parahaemolyticus (FAO/OMS, 2005). Cette évaluation des risques fournit un exemple de l’intégration d’une évaluation de l’exposition et d’une caractérisation des dangers, quand une relation dose-réponse estimée à partir de données agrégées présente un biais appréciable si elle est interprétée comme valable au niveau des expositions individuelles. Le modèle relatif à V. vulnificus avait pour principal objectif d’examiner l’efficacité potentielle des mesures de réduction après l’élaboration d’un modèle de référence.

Une relation dose-réponse relative à V. vulnificus a été obtenue en ajustant un modèle paramétrique (Bêta-Poisson) aux données estimées à l’échelle de la population ou à l’échelle globale sur la relation entre la moyenne arithmétique du risque et la moyenne arithmétique de la dose sur des groupes des données définies par saison et par an. Ces données estimées sur la relation dose-réponse se fondaient sur une surveillance épidémiologique des cas, des statistiques de consommation et des estimations de la densité de V. vulnificus basées sur un modèle. L’ajustement du modèle dose-réponse obtenu a été interprété comme un ajustement empirique.

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84 Caractérisation quantitative des risques

En théorie, le résultat de l’intégration ou de la recombinaison de la relation dose-réponse dérivée, avec les expositions de référence utilisées pour l’établir, devrait être égal en moyenne aux risques moyens à l’échelle de la population. Cela n’était cependant pas le cas lorsque la relation dose-réponse estimée était interprétée comme s’appliquant à l’échelle individuelle aussi bien qu’à l’échelle des groupes de données dont elle était dérivée, ce qui était apparemment dû à l’effet du biais transversal.

L’ampleur de la différence entre les prévisions de risque obtenues avec ces deux interprétations possibles de la dose-réponse est mise en évidence au Tableau 5.3. L’hypothèse est que la relation ajustée dose-risque à l’échelle de la population appliquée au niveau individuel ait débouché sur des prévisions de risque considérablement plus faibles (jusqu’à 75% plus faibles) que les estimations épidémiologiques des risques moyens. Les prévisions de risque résultant d’une interprétation à une échelle agrégée de la dose-réponse étaient nécessairement plus cohérentes, en moyenne, avec les estimations épidémiologiques des risques moyens qui ont servi de base pour obtenir l’ajustement dose-réponse. Cette interprétation a donc été retenue pour caractériser les risques.

Tableau 5.3 Risque moyen de maladie imputable à Vibrio vulnificus par portion ou exposition.

Saison

Données estimées sur la base des cas notifiés et des statistiques de consommation

Basé sur la relation dose-réponse ajustée, interprétée comme une relation dose-risque à l’échelle individuelle

Basé sur la relation dose-réponse ajustée, interprétée comme une relation dose moyenne- risque moyen

Hiver 1,4 × 10-6 5,1 × 10-7 1,1 × 10-6

Printemps 2,8 × 10-5 1,7 × 10-5 3,4 × 10-5

Été 4,9 × 10-5 2,8 × 10-5 3,9 × 10-5

Automne 1,9 × 10-5 5,1 × 10-6 2,3 × 10-5

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6. Assurance de la qualité

La caractérisation des risques n’est pas une simple synthèse des résultats des composantes précédentes de l’évaluation des risques, elle résume aussi l’ensemble des conclusions et présente les atouts et les limites de l’analyse aux gestionnaires des risques. La validité de l’évaluation dépend de la solidité de la structure, des paramètres et des hypothèses sous-jacentes des modèles et de l’interprétation de leurs résultats. L’assurance de la qualité est donc un élément crucial de la caractérisation des risques. La qualité peut être garantie par diverses méthodes. La question de l’assurance de la qualité des données est examinée à la Section 6.1, alors que la section 6.2 porte sur l’évaluation du poids de la preuve. L’analyse de la sensibilité et l’analyse de l’incertitude sont respectivement décrites aux Sections 6.3 et 6.4, alors que la vérification, l’ancrage et la validation des modèles sont abordés aux sections 6.5, 6.6 et 6.7. Une méthode spécifique de validation des modèles, impliquant une comparaison avec des données épidémiologiques, est présentée à la section 6.8. La solidité des modèles et les problèmes ayant trait à leur extrapolation sont traités à la Section 6.9. La crédibilité d’une évaluation des risques repose sur des critères, passés en revue à la Section 6.10, incluant une documentation appropriée de l’analyse et l’examen par des pairs. Le processus d’examen par le public est étudié à la Section 8.5.

6.1 Assurance de la qualité des données

Les résultats d’une analyse de la sensibilité ou de l’incertitude sont conditionnés par les données et autres informations utilisées pour élaborer le modèle d’évaluation des risques. Comme la caractérisation des risques sert de mécanisme principal pour communiquer les conclusions des évaluations aux gestionnaires des risques, elle devrait résumer brièvement les principaux atouts et limites des données, méthodes et analyses recensés durant l’identification des risques, l’évaluation de l’exposition et la caractérisation des dangers. Pour ces analyses, les évaluateurs des risques doivent généralement faire des synthèses et des inférences à partir de sources de données disparates qui n’étaient à l’origine pas spécifiquement destinées aux évaluations des risques. Dans certains cas, cela les oblige à employer des méthodes non classiques ou non usuelles qui doivent être passées au crible pour s’assurer qu’elles sont acceptables et appliquées comme il convient. Pour une étude plus approfondie, on peut se référer aux directives FAO/OMS relatives à la caractérisation des dangers et à l’évaluation de l’exposition (FAO/OMS, 2003, 2008).

6.1.1 Collecte des données

Habituellement les données utilisables pour une évaluation des risques microbiologiques sont dispersées. En principe, les évaluateurs devraient commencer par recueillir toutes les données pertinentes par rapport à l’objectif de l’évaluation qu’il est possible d’obtenir dans des conditions raisonnables, et dans un deuxième temps examiner la qualité des différentes sources de données. Lorsque l’on collecte des données relatives aux distributions des paramètres, plusieurs aspects doivent être pris en considération pour évaluer leur qualité. Les considérations ci-après s’appliquent aux données empiriques et aux informations obtenues auprès d’experts.

Dans l’idéal, les évaluateurs des risques devraient avoir accès à des données brutes non synthétisées. S’il s’agit de données d’observation suffisantes, certaines méthodes statistiques, comme les tests de la qualité de l’ajustement, permettent de définir une distribution

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 87

paramétrique appropriée pour décrire les données. À défaut, on peut avoir recours à des distributions paramétriques ou à des méthodes de simulation non paramétriques pour caractériser les distributions des données d’entrée. Cependant, les données brutes sont souvent inaccessibles. Les résultats sont généralement exprimés en tant que statistiques résumées agrégées, telles que moyenne estimée, écart-type ou erreur-type de la moyenne. Pour établir une distribution à partir de statistiques résumées, on doit obtenir des informations sur la distribution supposée des données sous-jacentes, ainsi que sur la taille de l’échantillon.

Il convient de recueillir le plus d’informations générales possible sur les sources des données (année d’achèvement, pays d’origine, type d’échantillon, transformation possible des données, méthode d’analyse, souche microbiologique et facteurs démographiques, etc.). Ces informations peuvent être importantes pour le traitement ou l’utilisation des données ou pour décider de l’opportunité de les inclure dans le modèle. Un exemple est fourni à l’Encadré 6.1.

Il arrive que les données concernant le micro-organisme considéré ne soient pas disponibles, qu’elles soient insuffisantes ou d’une qualité qui laisse à désirer (par exemple, en raison de leur rareté, ou de méthodes de collecte imprécises). Dans ce cas, on peut utiliser des données concernant un micro-organisme de substitution, à condition que ce dernier ait un comportement similaire dans le processus étudié (ex : E. coli générique pour estimer la contamination croisée durant les procédures d’abattage). En gros, on peut se servir de données provenant d’organismes de substitution pour modéliser différentes étapes d’un même modèle, à condition qu’elles soient disponibles et appropriées. Dans certains cas, des données échantillonnées exprimées dans des unités différentes (ex : concentration absolue ou variation de la concentration) peuvent être employées pour décrire le même processus, comme dans l’exemple illustré ci-après. Selon la manière dont les données sont utilisées dans le modèle (par exemple pour décrire une variation de la concentration au cours d’une étape ou pour décrire le niveau de concentration, Figure 6.2), différents paramètres peuvent être évalués dans une analyse de sensibilité pour s’assurer que les objectifs de qualité sont atteints.

Une analyse de la sensibilité est un instrument précieux pour garantir la qualité des données. Certaines sources de données et paramètres des modèles identifiés comme ayant une influence importante sur les résultats des modèles doivent être évalués avec prudence. Les données disponibles peuvent sous-estimer la fourchette de variabilité réelle d’un paramètre du modèle. Dans l’exemple décrit plus haut, les données disponibles ne couvrent que deux pays et la

Encadré 6.1 Exemple d’une évaluation des risques liés à Campylobacter jejuni dans les

poulets, au Danemark.

Pour évaluer les risques, des données quantitatives étaient nécessaires pour décrire les variations de la concentration du pathogène au cours d’une étape donnée dans un abattoir de volailles (par exemple au cours de l’étape de lavage et de réfrigération, Figure 6.1). Faute de données disponibles au Danemark, on a dû utiliser des données provenant d’études réalisées à l’étranger pour évaluer l’efficacité du processus de lavage et réfrigération, en termes de réduction des concentrations de pathogènes présents sur les carcasses de poulets. On avait des données concernant le microorganisme étudié, mais elles provenaient d’unités d’échantillons différentes (échantillons de peau du cou, carcasse entière lavée et échantillons sur applicateur). Tous ces types d’échantillons indiquaient que la surface des carcasses de poulet étaient contaminée. Pour synthétiser les données, on a supposé que la réduction relative de la concentration des pathogènes au cours du processus était indépendante du type de mesure de la surface. Sur la Figure 6.2, les pentes reflètent les variations de la concentration logarithmique au cours du processus. Étant donné que toutes les pentes semblent similaires, tous les ensembles de données ont été utilisés pour décrire la réduction au cours du processus de lavage et de réfrigération. (Christensen et al., 2001).

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88 Assurance de la qualité

variabilité peut être plus grande que ne le suggèrent les données empiriques à elles seules. De ce fait, on peut avoir recours à des techniques comme l’analyse de sensibilité de portée nominale pour évaluer la sensibilité du résultat du modèle aux variations d’un paramètre sur toute sa gamme de valeurs plausibles. Il se peut aussi que les données disponibles ne soient pas considérées comme représentatives de la population étudiée. Dans ce cas, elles peuvent être exclues de l’analyse ou incorporées avec un ajustement approprié. Les décisions relatives au traitement des données non représentatives dépendent du contexte et doivent être clairement expliquées. Par exemple, les données provenant d’une source spécifique peuvent être considérées comme non-représentatives pour fournir une estimation de la tendance centrale (par exemple la moyenne), mais utiles pour caractériser la dispersion de la distribution d’un paramètre (ex : plus ou moins un ordre de grandeur).

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 89

Figure 6.1 Illustration d’un sous-modèle de « boîte noire » mettant en corrélation deux ensembles de données observées (points d’ancrage) au cours d’un processus. On a supposé que la réduction relative de la charge de Campylobacter sur les carcasses de poulets était indépendante de la partie de la carcasse où l’échantillon a été prélevé. Si les données sont exprimées en valeurs logarithmiques d’UFC, on obtient la variation relative de la concentration au cours du processus (lavage + réfrigération) en soustrayant les concentrations avant et après le processus.

Figure 6.2 Influence d’un processus d’abattage sélectionné sur la concentration de Campylobacter sur des carcasses de poulet. La variation des concentrations de pathogènes avant et après le processus est représentée par une droite reliant des points de données provenant de la même étude.

6.1.2 Tri et sélection des sources de données

Après avoir recueilli des ensembles de données potentiellement appropriés, chacun d’eux doit être évalué attentivement pour sélectionner les données qui fourniront le meilleur paramètre possible pour le modèle compte tenu de son objectif (ex : décrire le niveau de contamination, la prévalence ou les variations au cours d’un processus). Le tracé du paramètre considéré avec les intervalles de confiance de 95% fournit un aperçu utile (voir Figure 6.3).

wash & chiller process

Processus de lavage et de réfrigération

Concentration (log 10 ufc/g de peau) Concentration (log 10 ufc/g de peau)

0

1

2

3

4

5

6

before

wash+chiller

after wash+chiller

Co

nce

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Mead et al (1995)

Oosterrom et al (1983) Izat et al (1988)

Cason et al (1997)

avant lavage + réfrigération

après lavage + réfrigération C

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90 Assurance de la qualité

St

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s1.

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95 % confidence interval

Figure 6.3 Exemple d’aperçu des données issues de différentes études, avec leurs intervalles de confiance de 95%.

Lors de la sélection des ensembles de données appropriés à inclure dans l’évaluation des risques, on peut aussi bien appliquer des critères subjectifs que des critères analytiques. Les critères d’évaluation subjectifs peuvent comprendre la représentativité des propriétés géographiques et temporelles de l’étude proposée. Par exemple, si l’étude N°. 1 de la Figure 6.3 est la seule étude étrangère, et si elle est sensiblement différente des autres (selon les critères analytiques) elle peut être exclue. En revanche, si les 10 études ont toutes été effectuées dans le même pays, la même année, etc., mais sont signalées par des laboratoires différents, les différences peuvent être dues à la variabilité entre les laboratoires et l’évaluateur peut décider d’incorporer toutes les études dans le modèle.

6.2 Progression et poids de la preuve

Qu’une évaluation soit quantitative ou qualitative, le risque de santé publique lié à un micro-organisme peut être conçu comme résultant d’un danger, d’une exposition et de consommateurs sensibles (Figure 6.4).

Si l’un quelconque des trois éléments du triangle épidémiologique est égal à zéro, le risque est nul. Une étape préliminaire de l’assurance de la qualité consiste donc à déterminer si une évaluation des risques reflète cette progression logique des questions-seuil, auxquelles l’évaluateur pourrait répondre par oui ou par non (éventuellement avec un niveau de confiance). Si la réponse à une question-seuil est “non”, l’analyse s’arrête là. À chaque seuil, le poids de la preuve devrait être évalué conformément à des critères scientifiques clairement déterminés. Au fur et à mesure que le nombre de critères satisfaits augmente, le poids de la preuve indique un risque plus crédible. Bien qu’il existe à première vue un risque pour la santé publique imputable à plusieurs pathogènes couramment associés à

RISQUE

DANGER

EXPOSITION HOTE

Figure 6.4 triangle épidémiologique.

Intervalle de confiance de 95%

Étu

des

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 91

des maladies aiguës d’origine alimentaire, à l’avenir les évaluateurs des risques devront vraisemblablement répondre à des questions de plus en plus sibyllines et complexes sur la gestion des risques, notamment à propos du risque associé aux micro-organismes antibio-résistants, du poids des séquelles chroniques, de certaines préparations alimentaires ayant un effet inhibiteur sur la croissance, et de la prédisposition des individus ayant des troubles de santé préexistants. Le présent chapitre donne donc quelques directives préliminaires sur l’assurance de la qualité car on prévoit que les déterminations du poids de la preuve prendre de plus en plus d’importance dans les évaluations des risques associés à la présence de pathogènes microbiens dans les aliments.

6.3 Analyse de sensibilité

Les évaluations des risques complexes peuvent avoir de nombreuses variables d’entrée (données initiales) et de sortie (résultats) reliées par un système d’équations ou d’autres structures de modèles. Une analyse de sensibilité est un vaste ensemble outils propres à renseigner les évaluateurs et les gestionnaires des risques sur l’importance relative des composantes d’une évaluation des risques par rapport à la question posée. La qualité globale de l’évaluation dépend essentiellement de la plausibilité des principales composantes, dont les variations peuvent aussi être exprimées en fonction de l’influence de ces paramètres d’entrée sur les réponses aux questions posées par les gestionnaires des risques.

La pertinence d’une analyse de la sensibilité par rapport à une décision est un critère essentiel. Une analyse de sensibilité évalue l’effet des changements des paramètres et des hypothèses du modèle sur son résultat et par conséquent sur les décisions en découlent. Elle peut être effectuée au stade de l’élaboration du modèle pour évaluer et affiner son efficacité et jouer un rôle important dans la vérification et la validation d’un modèle tout au long de son élaboration et de son perfectionnement. Une analyse de sensibilité peut aussi être réalisée au moment de la prise de décision pour obtenir des renseignements sur la robustesse d’un modèle.

Une analyse de sensibilité peut aussi être utile pour identifier d’importantes incertitudes en vue de déterminer les données supplémentaires à collecter ou les recherches à effectuer en priorité. Une analyse de la valeur de l’information peut compléter les méthodes d’analyse de sensibilité car l’efficacité des décisions prises par les gestionnaires des risques concernant les dépenses de recherche et de collecte de données dépend de diverses autres considérations (tels que le coût et le temps).

Les modèles d’évaluation des risques microbiologiques présentent généralement les caractéristiques suivantes, qui peuvent compliquer considérablement l’application des méthodes d’analyse de sensibilité:

• non-linéarités;

• seuils (ex : en-deçà desquels la croissance d’un pathogène microbien est nulle);

• paramètres discrets (ex: nombres entiers d’animaux ou de troupeaux; indicateurs oui/non de contamination);

• Inclusion d’erreurs de mesure;

• variation de l’échelle (unités et fourchette) et de la forme des distributions des paramètres des modèles; et

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92 Assurance de la qualité

• dimensions temporelles et spatiales, y compris dynamique, caractère saisonnier ou variabilité interannuelle.

Dans l’idéal, une méthode d’analyse de sensibilité devrait fournir non seulement un classement par ordre de grandeur des paramètres clés, mais aussi une mesure quantitative discriminatoire quelconque de la sensibilité, permettant de distinguer clairement l’importance relative des différents paramètres. Par exemple, y a-t-il des groupes de paramètres dans lesquels plusieurs éléments ont une importance comparable et y a-t-il une différence d’importance qui apparaît clairement entre ces groupes ? Certaines méthodes statistiques, telles que l’analyse de régression ou l’analyse de variance produisent des indicateurs quantitatifs de l’importance relative des divers paramètres. En outre, des techniques comme l’analyse de régression donnent aussi une indication de la signification statistique des différences de sensibilité entre les paramètres, sur la base des intervalles de confiance des coefficients de régression.

La présente section met au premier plan l’analyse de sensibilité dans les modèles d’évaluation quantitative des risques, bien que certaines techniques, telles que les méthodes exploratoires, puissent s’appliquer aussi bien aux évaluations quantitatives que qualitatives.

6.3.1 L’analyse de sensibilité dans l’évaluation qualitative des risques

Pour l’examen d’une association entre un agent et un effet néfaste putatif sur la santé, des critères largement admis (tels que les critères de Hill) ont été établis pour déterminer si l’élément de preuve est faible, modéré ou irréfutable (Tomatis, 1990). Les critères narratifs peuvent être par essence subjectifs et par conséquent difficilement reproductibles. En revanche, si des critères peuvent être évalués objectivement, des évaluateurs différents qui utiliseraient la même information devraient pouvoir reproduire de façon indépendante une détermination indiquant si les critères ont été remplis. Par exemple, le poids de la preuve d’une causalité est plus fort si la détection de l’association a été signalée de façon indépendante par des sources multiples, s’il y a une corrélation entre la force de l’association et le niveau d’exposition à l’agent, ou si les modifications de l’agent causal putatif précèdent les variations de l’effet observé. Pour déterminer si ces critères sont satisfaits, on se fonde sur des éléments de preuve. Si les résultats d’une analyse qualitative ne varient pas face à une accumulation de preuves d’une association ou, au contraire, face à une preuve contradictoire, l’évaluation est insensible aux critères établis pour évaluer une causalité. Dans une caractérisation qualitative des dangers, une évaluation qui ne se fonderait que sur les critères de résultats aigus pour la santé pourrait être insensible aux informations concernant les séquelles chroniques connues. Au contraire, une caractérisation qualitative des dangers pourrait être très sensible à une faible preuve concernant les séquelles chroniques associées à un pathogène opportuniste rarement responsable de maladies aiguës. Si une évaluation qualitative constate qu’un pathogène comporte un risque négligeable, en partant de l’hypothèse que le pathogène ne se développe pas dans certaines conditions environnementales, mais que cette hypothèse est contredite par de nouvelles informations, on peut déterminer la sensibilité des résultats de l’évaluation des risques à cette nouvelle information en fonction de critères préétablis, tels que « Les résultats ont-ils été reproduits de manière indépendante ? » « Les méthodes ont-elles été soumises à un examen des pairs ? » Les critères et les fondements scientifiques de la caractérisation d’une évaluation qualitative des risques doivent être suffisamment transparents pour que l’on puisse évaluer l’impact d’une nouvelle information ou d’autres hypothèses plausibles sur les résultats.

6.3.2 L’analyse de sensibilité dans une évaluation quantitative des risques

Il existe plusieurs méthodes d’analyse de la sensibilité. Saltelli, Chan et Scott (2000) ont consacré à cette question une étude approfondie, synthétisée dans les passages qui suivent.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 93

Méthodes exploratoires

Dans le cadre d’une analyse de sensibilité, les méthodes exploratoires sont généralement appliquées de façon ponctuelle, mais elles peuvent être primordiales pour l’évaluation des principales sources d’incertitude dans une analyse. Certaines de ces sources d’incertitude comprennent des caractéristiques qualitatives, telles que la représentation conceptuelle du système considéré, la structure, le niveau de détail, la validation, l’extrapolation, la résolution, les limites et les scénarios du modèle. Il n’est pas rare, par exemple, que l’incertitude concernant la forme du vrai modèle soit beaucoup plus importante que celle associée à un paramètre quelconque d’un modèle statistique donné. Une évaluation de la sensibilité d’une analyse à des modifications des hypothèses ne serait pas complète si elle ne prenait pas en considération la qualité de la spécification du scénario qui sous-tend l’analyse. Les méthodes d’évaluation de l’incertitude concernant des caractéristiques qualitatives de l’analyse impliquent normalement une comparaison des résultats dans le cadre d’hypothèses structurelles différentes. Par exemple, pour déterminer l’importance de différentes voies d’exposition, on peut estimer l’exposition associée à chaque voie et déterminer si les expositions totales dépendent seulement d’un petit nombre de voies critiques. De même, en cas d’incertitude concernant la structure d’un modèle, on compare habituellement les prévisions basées sur différents modèles, chacun d’eux pouvant avoir une formulation théorique et mathématique qui lui est propre.

Méthodes statistiques

Parmi les méthodes d’analyse de la sensibilité statistique (ou méthodes basées sur l’étude de la variance), on peut citer l’analyse de régression, l’analyse de la variance, la méthode des surfaces de réponse, le test FAST (de l’anglais Fourier amplitude sensitivity test), l’indice d’information mutuelle (IIM) et les arbres de classification et de régression (CART) (Frey et Patil, 2002). La plupart de ces méthodes sont appliquées en même temps qu’une analyse de Monte-Carlo, ou après. L’analyse de régression, l’analyse de la variance, le test FAST et l’IIM fournissent des mesures quantitatives de la sensibilité de chaque paramètre. Une analyse de régression exige une hypothèse sur le modèle.

Méthodes graphiques

Les méthodes graphiques représentent généralement la sensibilité par des nuages de points et des diagrammes en araignée. Les résultats d’autres méthodes d’analyse de la sensibilité (ex : corrélation des ordres de grandeur) peuvent aussi être synthétisés par des graphiques (notamment diagrammes Tornado). Ces graphiques peuvent être utilisés pour un « visionnage » avant de passer à une analyse plus approfondie d’un modèle, ou pour représenter des dépendances complexes entre les variables d’entrée et de sortie du modèle (Par exemple, voir McCamly et Rudel, 1995). Ces dépendances complexes pourraient par exemple comprendre des seuils ou des non-linéarités qui ne seraient pas correctement captés par d’autres techniques.

Évaluation des méthodes d’analyse de la sensibilité

Chaque méthode d’analyse de la sensibilité fournit des informations différentes concernant les sensibilités des paramètres (ex : effet combiné/ effets individuels des paramètres d’un modèle, petites perturbations des paramètres/effet d’une fourchette de variation, ou affectation de la variance/information mutuelle). Comme les conclusions sont plus robustes quand plusieurs méthodes concordent, on a intérêt dans la mesure du possible à appliquer deux ou plusieurs types d’analyses de sensibilité différents pour comparer les résultats de chaque méthode et tirer

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94 Assurance de la qualité

des conclusions sur la robustesse du classement par ordre de grandeur des principaux paramètres. Les méthodes non-paramétriques (ex : corrélation des rangs de Spearman) sont applicables à des modèles monotones, non linéaires. Vose (2000) recommande l’utilisation de diagrammes en araignée pour illustrer l’effet de variables d’entrée individuelles sur l’incertitude du résultat du modèle.

6.4 Analyse de l’incertitude

L’analyse de l’incertitude évalue la gamme et la vraisemblance des prévisions d’un modèle. Dans le contexte de l’assurance de la qualité, l’analyse de l’incertitude est un instrument précieux pour caractériser la précision des prévisions d’un modèle.

Une analyse de l’incertitude peut aussi être utilisée, en combinaison avec une analyse de la sensibilité, pour évaluer l’importance des incertitudes liées aux paramètres d’un modèle, en fonction de leurs contributions relatives à l’incertitude des résultats du modèle (Morgan et Henrion, 1990). Diverses méthodes permettent d’estimer l’incertitude du résultat d’un modèle d’après l’incertitude de ses paramètres d’entrée et le choix de la méthode dépend du type d’information qui présente le plus d’intérêt, de la forme fonctionnelle du modèle et dans une certaine mesure du nombre de paramètres pour lesquels l’incertitude est caractérisée.

Les méthodes classiques comprennent la simulation de Monte Carlo pour générer des échantillons à partir des distributions assignées à chaque paramètre. Des méthodes d’analyse de la sensibilité, telles que l’analyse de régression et l’analyse de la variance, peuvent être employées, en combinaison avec une simulation de Monte Carlo, pour identifier les paramètres d’un modèle qui contribuent le plus à l’incertitude de ses prévisions. Helton et Davis (2002) fournissent un étude documentaire approfondie des méthodes d’analyse de la sensibilité utilisées en combinaison avec des méthodes d’échantillonnage.

6.5 Vérification des modèles

La vérification d’un modèle consiste à le passer au crible pour s’assurer qu’il fonctionne comme le prévoyaient ses concepteurs. La vérification est l’étape qui précède la validation d’un modèle. Le processus inclut la validation du code de logiciel utilisé pour mettre en œuvre le modèle. Un modèle n’est validé que si les données, méthodes, hypothèses et outils utilisés sont pleinement documentés et transparents, de façon à ce que le modèle puisse être reproduit de manière indépendante. Une structure de modèle bien organisée facilite le processus de vérification.

La vérification d’un modèle doit répondre à plusieurs grandes questions:

• La formulation du modèle est-elle correcte? Par exemple, les équations analytiques sont-elles dérivées correctement et exemptes d’erreur ?

• La version informatisée du modèle analytique est-elle correctement appliquée?

• Les paramètres sont-ils bien spécifiés?

• Les unités de mesure se propagent-elles correctement à travers le modèle?

• La cohérence interne du modèle est-elle respectée ? Par exemple, si une hypothèse est formulée dans une partie du modèle, est-elle appliquée de façon cohérente dans l’ensemble du modèle ? Dans le modèle, y a-t-il une cohérence entre les résultats intermédiaires et les paramètres d’entrée ?

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 95

Il est parfois difficile de vérifier un code informatique par des méthodes quantitatives, surtout s’il s’agit de grands modèles construits en peu de temps. Toutefois, la vérification du code informatique peut être facilitée par de bonnes pratiques de génie logiciel notamment par une spécification claire des bases de données, la conception de la structure du logiciel avant le codage, le contrôle de la version, la spécification claire des interfaces entre les composantes d’un modèle et une bonne communication entre les équipes de projet si des personnes différentes conçoivent les différentes composantes du modèle. La documentation du modèle et l’examen par des pairs sont des aspects critiques du processus de vérification.

6.6 Ancrage d’un modèle

L’ancrage est une technique visant à ajuster ou à calibrer un modèle pour le rendre plus compatible avec les données observées. Par exemple, les paramètres d’un modèle peuvent être ajustés pour assurer la concordance de ses prévisions avec les données observées. L’ancrage est une pratique généralement acceptée dans les évaluations des risques pour la santé et les exercices de modélisation environnementale, et elle a été employée sous une forme quelconque dans des évaluations des risques réalisées aux États-Unis d’Amérique sur Salmonella Enteritidis dans les oeufs, Listeria monocytogenes dans les aliments prêts à consommer, Escherichia coli O157:H7 dans le bœuf haché, ainsi que pour une évaluation internationale des risques associés à Vibrio vulnificus dans les huîtres (FAO/OMS, 2005). Les données provenant des foyers épidémiques représentent le point d’ancrage des modèles dose-réponse et elles sont importantes pour valider les évaluations des risques. Cependant, un compromis s’impose car l’ancrage compromet la capacité de valider le résultat d’un modèle à travers une comparaison avec les données observées dans les situations où l’on dispose d’éléments insuffisants pour les confirmer. En général, il est préférable de recourir aux méthodes d’ancrage qui pondèrent les paramètres d’un modèle proportionnellement à leur probabilité à la lumière des données observées, plutôt que d’utiliser des facteurs d’ajustement simples ou de censurer les valeurs des paramètres incompatibles avec les données observées (National Academy of Sciences, 2002).

Quelle que soit l’approche adoptée, toutes les précautions doivent être prises pour garantir la transparence et le bien-fondé de la procédure d’ajustement. Si l’on doit ancrer et valider le modèle (en utilisant une partie des données indépendantes que l’on aura conservées), l’ancrage doit précéder la validation.

6.7 Validation d’un modèle

Un jugement doit être formulé quant à l’acceptabilité de la réponse du modèle d’évaluation des risques. Plus simplement, les procédures de validation d’un modèle visent à répondre à trois types de questions : 1) Le modèle est-il censé? 2) Le modèle répond-il de manière appropriée aux modifications des hypothèses initiales ? et 3) Les prévisions répondent-elles de manière appropriée aux modifications de la structure de l’analyse ? Ce processus est parfois appelé “confrontation avec la réalité” ou « renforcement de la confiance ».

La validation d’un modèle dépend dans une très large mesure de la question posée par le gestionnaire des risques, et le degré de validation exigé devrait être proportionnel aux enjeux de la décision. L’étude FAO/OMS (2003) donne la définition suivante de la validation d’un modèle « démontrer son exactitude par rapport à une utilisation donnée » et identifie différents aspects de la validation : la validation conceptuelle, qui vise à déterminer si le modèle représente avec exactitude le système étudié ; la validation de l’algorithme, liée à la traduction des concepts d’un modèle en formules mathématiques ; la validation du code de logiciel, liée à l’application

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96 Assurance de la qualité

de formules mathématiques en langage informatique (voir la Section 6.5 sur la vérification d’un modèle) ; la validation fonctionnelle, qui a pour objet de vérifier le modèle par rapport à des observations obtenues de manière indépendante. Même si l’on ne dispose pas de données indépendantes, on peut mettre de côté une partie des données durant l’élaboration du modèle pour pouvoir ensuite l’évaluer, mais on aura moins d’informations pour construire le modèle, de sorte que cette solution perd de l’intérêt si les données disponibles sont peu nombreuses.

Une concordance étroite entre un effort initial de modélisation des risques et les données de validation indépendantes serait fortuite. Une concordance entre le résultat d’un modèle et les données de validation est cependant possible, mais elle résulterait du hasard et n’indiquerait pas nécessairement que toutes les composantes des modèles intermédiaires sont exactes. Un modèle est normalement élaboré et affiné par tâtonnements (processus itératif). Aussi bien pour l’ancrage que pour la validation d’un modèle, plus les points de comparaison avec les données observées sont nombreux, plus le modèle est crédible. En général, la crédibilité scientifique d’un modèle est renforcée si des résultats cohérents sont dérivés de différentes sources (laboratoires, régions) et / ou types de données pertinentes (données d’observation ou données expérimentales. Le jugement relatif au degré de pertinence et de cohérence requis dépend du contexte. Le degré de tolérance vis-à-vis des réponses incohérentes dépend de ce qui constitue une différence « importante », par rapport aux variations des résultats d’un modèle. Dans le contexte de l’évaluation des risques, cette différence est considérée comme « importante » si elle modifie de façon significative la décision de gestion des risques fondée sur des critères pertinents.

Il est parfois difficile, sinon impossible, de valider intégralement un modèle. Étant donné que les modèles d’évaluation des risques tentent souvent de prévoir des événements peu probables, il peut par exemple être difficile d’obtenir un ensemble de données indépendantes qui constitue un échantillon de taille suffisante pour faire des comparaisons statistiquement significatives entre les prévisions et les observations. Toutefois, même dans ces situations, les composantes du modèle peuvent être validées. Les parties du modèle qui analysent une voie d’exposition particulière peuvent par exemple être validées, en mesurant les concentrations de contaminants dans des aliments spécifiques.

Il arrive souvent que l’on ne dispose de pratiquement aucune donnée indépendante, avec lesquelles comparer les prévisions du modèle. Dans ce cas, on remplace la validation par :

• des procédures de sélection pour identifier les principaux paramètres et voies du modèle;

• une analyse de sensibilité pour identifier les principaux paramètres ou groupes de paramètres;

• une analyse de l’incertitude pour évaluer l’effet de l’incertitude des paramètres par rapport aux prévisions;

• une comparaison entre les prévisions de différents modèles ;

• une évaluation de la sensibilité des résultats aux différentes hypothèses concernant les scénarios, les limites, la résolution et le niveau de détail du modèle.

Aucune de ces techniques ne permet de valider directement le modèle, mais chacune donne des informations sur la sensibilité des prévisions du modèle aux principales hypothèses concernant l’analyse. La réponse des prévisions à ces procédures peut être évaluée par rapport aux attentes antérieures, à une comparaison avec des systèmes similaires et à des justifications théoriques.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 97

6.8 Comparaison avec des données épidémiologiques

Pour faire une comparaison valide avec l’estimation d’un risque lié à un pathogène présent dans un aliment, on doit prendre en considération au moins trois facteurs pour dériver une estimation épidémiologique de données de surveillance humaine (Powell, Ebel et Schlosser, 2001).

• Taux de maladie pondéré par groupe Si l’évaluation des risques estime l’incidence d’une maladie au niveau national, l’estimation épidémiologique devra extrapoler le taux de maladie au-delà du secteur de surveillance de façon à permettre une comparaison au niveau national. Dans ce cas, le taux brut signalé dans chaque secteur de surveillance peut être pondéré par la population de la région représentée par le secteur (ex: taille de la population d’un état), pour obtenir un taux moyen pondéré de maladie (ex: nombre de cas pour 100 000 dans la population nationale). Si l’on dispose de données de surveillance sur plusieurs années, on peut s’en servir pour caractériser la variabilité interannuelle du taux de maladie.

• Ajustement des données de surveillance pour tenir compte des cas non déclarés Pour estimer l’incidence réelle d’une maladie, il faut ajuster les données pour tenir compte des facteurs qui font que les données enregistrées par les systèmes de surveillance de la santé humaine sont inférieures à la réalité. Par exemple, on sait que certaines personnes malades ne consultent pas de médecins, que les physiciens n’obtiennent pas d’échantillons de selles de tous les patients, que les laboratoires n’analysent pas tous les échantillons de selles pour détecter le pathogène étudié et que certains résultats des examens de laboratoire sont de faux négatifs. Si l’on dispose d’estimations sur la proportion de cas à chaque étape du processus de notification, la distribution binomiale négative peut être utilisée en mode séquentiel pour estimer le nombre de cas omis à chaque étape. Dans certains cas, les proportions peuvent dépendre de la nature ou de la gravité des symptômes. Par exemple, une personne ira plus probablement consulter un médecin si elle souffre de diarrhée sanguinolente que non sanguinolente. La proportion de cas avec différents niveaux de symptômes doit être estimée avant de prendre en compte le nombre de cas omis à chaque étape et les estimations spécifiques aux symptômes ajustées sont additionnées pour estimer le nombre total de cas. En général, le degré de sous-déclaration est notable, et variable suivant les pays et les régions à l’intérieur d’un même pays.

• Fraction étiologique imputable à un (des) produit(s) alimentaire (s) La fraction étiologique est la proportion de cas imputables à une voie d’exposition ou à un produit alimentaire spécifique. Si la portée de l’évaluation des risques est limitée à un produit alimentaire spécifique, la proportion de cas due à d’autres voies d’exposition (ex : autres aliments, eau potable) doit être soustraite de l’estimation globale des maladies obtenue à partir des données de surveillance de la santé humaine. En général, les données empiriques sur la fraction étiologique sont rares, mais une fourchette d’incertitude peut être spécifiée sur la base d’un jugement d’expert.

Si l’on sert de données épidémiologiques observées pour construire le modèle dose-réponse ou ancrer le modèle, on ne peut plus les utiliser pour une validation indépendante du modèle. Toutefois, si l’on dispose de données épidémiologiques suffisantes, on peut en mettre de côté une partie pour valider le modèle.

6.9 Extrapolation et robustesse

La robustesse des résultats du modèle dépend du respect des hypothèses sur lesquelles il se fonde. Dans ce contexte, les hypothèses incluent la forme et les paramètres du modèle.

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98 Assurance de la qualité

L’extrapolation des résultats d’un modèle à d’autres situations peut prendre diverses formes : du présent au futur, d’une région géographique à une autre, d’un micro-organisme à un autre, de l’animal à l’homme, des sujets humains soumis à des essais cliniques à l’ensemble de la population, d’une population humaine à une autre, des données disponibles aux valeurs supérieures à la fourchette des données observées, de contextes expérimentaux contrôlés à des environnements opérationnels, etc. Certaines extrapolations peuvent être faites avec une confiance relative, alors que d’autres représentent un véritable saut dans l’inconnu. Un certain degré d’extrapolation est inévitable si l’évaluation des risques a pour but d’aider les gestionnaires des risques à prendre des décisions, car leurs demandes tendent à être toujours en avance sur les données fournies par la science pertinente. L’importance des diverses formes d’extrapolation faites dans une évaluation des risques doit être examinée et - dans la mesure où c’est possible et utile pour la décision considérée - caractérisée de façon claire, sur une base quantitative ou qualitative.

L’extrapolation est explicite quand les valeurs sélectionnées des paramètres sont en dehors de la gamme des valeurs utilisées pour calibrer et/ou valider le modèle. En revanche, on dit que l’extrapolation est occulte pour une combinaison de valeurs de chaque paramètre du modèle comprises dans les gammes de valeurs utilisées pour la calibration et la validation, mais pour lesquelles cette combinaison spécifique n’a pas été incluse ou approchée durant la calibration ou la validation. Ainsi de simples vérifications des intervalles de chaque paramètre ne garantissent pas qu’une extrapolation occulte ne puisse pas se produire. Le problème de l’extrapolation occulte se pose surtout pour un système dans lequel les interactions entre les paramètres sont très sensibles.

Un modèle calibré pour une gamme étroite de valeurs de chaque paramètre peut ne pas être robuste s’il est appliqué à une analyse de la sensibilité ou de l’incertitude. L’utilisation de fourchettes ou de distributions plutôt que d’estimations ponctuelles peut conduire à des extrapolations explicites ou implicites du modèle. En outre il peut arriver qu’un ensemble commun de paramètres d’un modèle soient échantillonnés dans une analyse de Monte Carlo pour les points de singularité d’un modèle, ce qui engendre des problèmes (division par zéro ou résultats non bornés). Ces problèmes sont souvent dus à une simplification des hypothèses lors de l’élaboration du modèle, à la spécification erronée des distributions des paramètres ou à des limites des logiciels. Concrètement, ce type de problème se pose surtout quand on travaille avec un code de logiciel ou un code informatique conçu par quelqu’un d’autre et mal documenté.

Un modèle est considéré comme robuste s’il réagit de manière raisonnable à une variation des valeurs des paramètres, tout en n’étant pas facilement sujet à des points de singularité ou à d’autres problèmes structurels conduisant à une amplification importante des erreurs dans les valeurs des paramètres, résultant de l’incertitude ou d’une erreur d’utilisation. En outre, un modèle fondé sur une théorie rationnelle peut être plus fiable qu’un modèle purement empirique qui est essentiellement un ajustement à des données de calibration. Il y a une différence entre la robustesse d’un modèle d’évaluation des risques et la robustesse d’une décision de gestion des risques. D’un point de vue analytique, une décision de gestion des risques est robuste si elle a des effets positifs sur une gamme raisonnablement large de résultats futurs possibles concernant les incertitudes associées aux nombreux facteurs qui influencent la décision. Une telle source d’incertitude inclut normalement le modèle d’évaluation des risques lui-même.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 99

6.10 Crédibilité de l’évaluation des risques

La crédibilité d’une évaluation des risques repose sur des critères tels que la documentation, la validation et l’examen. Aucun de ces critères ne suffit à lui seul, car les trois sont indispensables et doivent être satisfaits de manière proportionnelle aux enjeux de la décision.

6.10.1 Documentation de l’évaluation des risques

La documentation de l’évaluation des risques doit au moins permettre de reproduire l’analyse de façon indépendante. En vertu du principe de transparence, la source ou le fondement des paramètres ou des hypothèses d’un modèle doit être clairement énoncée (par exemple, en citant des ouvrages scientifiques, des critères d’évaluation ou un jugement d’expert). Dans ce domaine, les exigences doivent cependant être raisonnables car dans certains cas les hypothèses sont basées sur des faits notoirement connus ou des pratiques généralement admises. Par exemple, on se fonde souvent sur l’hypothèse d’une distribution logarithmique normale pour modéliser des variables qui sont le produit de plusieurs autres variables. Compte tenu de la difficulté de valider intégralement une évaluation des risques, et du fait qu’une telle évaluation sert à éclairer la prise de décisions à divers niveaux (local, national et international), en matière de santé publique, il est indispensable que les données utilisées pour l’évaluation, y compris le modèle, soient accessibles pour un examen par des pairs, et puissent être comprises par des non-initiés. Dans l’idéal, si les ressources disponibles le permettent, on devrait trouver dans la documentation d’une évaluation des risques des indications sur:

• les données ou les références aux sources de données;

• le scénario, incluant les aspects spatio-temporels des scénarios d’exposition, les dangers spécifiques traités, les pathogènes couverts, les populations exposées et les voies d’exposition;

• le modèle analytique utilisé, y compris le fondement théorique et empirique;

• l’examen et la comparaison des autres formulations possibles du modèle ainsi qu’une justification des choix concernant la structure du modèle ;

• les hypothèses concernant les valeurs assignées aux paramètres du modèle, y compris estimations ponctuelles, fourchettes et distributions;

• la vérification du modèle, notamment l’évaluation des résultats des analyses de la sensibilité et de l’incertitude;

• l’ancrage du modèle (calibration);

• la validation du modèle

• l’application informatique du modèle analytique, notamment la conception du logiciel.

6.10.2 Examen des pairs

L’étude FAO/OMS (2003) note que la crédibilité des résultats d’une évaluation des risques peut être renforcée par le procédé adopté pour développer les résultats. L’examen des résultats de l’évaluation par des pairs et par le public est un élément fondamental du processus, mais chaque type d’examen engendre des demandes différentes et parfois conflictuelles, de sorte que chacun d’eux doit être fait séparément. Il y a aussi une différence entre la crédibilité scientifique d’une évaluation des risques et la crédibilité des décisions en matière de gestion des risques. L’examen par le public est traité à la section 8.5.

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100 Assurance de la qualité

Pour Morgan et Henrion (1990), l’exposition à un examen par des pairs est un principe fondamental de toute bonne analyse des politiques. Un examen scientifique par des pairs est fortement conditionné par la question touchant à la gestion des risques à laquelle l’évaluation est censée répondre. À défaut d’une référence à une question spécifique bien définie, l’examen des pairs risque de ne pas être axé sur les incertitudes spécifiques qui ont le plus de probabilités d’influencer la décision. Par exemple, si la question posée par le gestionnaire des risques est « Quelle est la probabilité d’occurrence d’un pathogène spécifique dans un processus de production alimentaire particulier? », les lacunes des données et les autres incertitudes concernant les processus de post-production n’entrent pas en ligne de compte. Si les observations des pairs concernant le champ d’application de l’évaluation des risques peuvent être utiles pour des évaluations futures, elles ne permettent pas de juger si l’évaluation des risques considérée est adéquate pour faciliter la prise de décision concernant la question posée par le gestionnaire des risques, à laquelle elle est censée répondre. Si une évaluation des risques a plusieurs objectifs, un examen par les pairs peut aider à identifier ceux qui sont effectivement atteints avec l’évaluation, car cette dernière peut être adéquate par rapport à une décision mais insuffisante par rapport à une autre. S’il s’agit d’une évaluation complexe, un examen exhaustif peut être trop long et compliqué, même si la documentation est adéquate. Pour les évaluations des risques complexes et de grande envergure, un examen exhaustif peut nécessiter une équipe multidisciplinaire et un budget important. D’où la nécessité de redimensionner les avantages de fond et de procédure d’un examen des pairs compte tenu des contraintes de temps et de ressources. Le niveau et l’étendue de l’examen doivent être proportionnels aux enjeux de la décision, en tenant compte de la nécessité d’intervenir immédiatement quand surviennent des urgences avérées en matière de santé publique.

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7. Liens entre l’évaluation des risques et l’analyse économique

7.1 Introduction

L’analyse économique est un outil puissant d’aide à la prise de décision. Elle offre un dénominateur commun pour évaluer toute une gamme de résultats, en matière de santé publique ou de commerce. Le fait d’exprimer les avantages et les coûts dans la même unité (monétaire), permet de comparer les avantages nets des différentes stratégies envisagées pour la réduction des risques.

Un modèle d’évaluation des risques compare généralement des scénarios avec et sans les différentes interventions possibles pour un pathogène spécifique. Le gestionnaire du risque peut comparer le risque de référence pour la santé humaine avec les variations du risque pour chacune des interventions. Le problème est de savoir comment évaluer toute la gamme de résultats pour la santé humaine, allant de la maladie bénigne à la mort.

L’analyse économique permet d’évaluer l’incidence sur la santé humaine en termes monétaires ou en équivalents années de vie en bonne santé, souvent exprimés en QALY (années de vie ajustées sur la qualité de la vie) ou en AVCI (années de vie corrigées du facteur incapacité) (voir Section 7.2.1). Une fois que les gains en termes de protection de la santé publique ont été estimés, il est possible d’évaluer les variations des coûts pour le gouvernement et pour les industries, à court et à long terme, pour chaque intervention considérée. La même approche peut être utilisée pour classer par ordre de priorité les aliments associés à un pathogène unique ou les combinaisons pathogène-aliment sur lesquels on envisage d’intervenir. Cette analyse économique peut donner des informations au gestionnaire des risques sur l’ampleur des avantages et des pertes probables des différents groupes pour chaque intervention possible. La préférence ira aux options offrant les avantages nets les plus grands sauf si d’autres considérations importantes font que le gestionnaire des risques estime que ces options sont inacceptables ou qu’elles sont difficilement traduisibles en valeurs économiques, par exemple pour des raisons d’ordre éthique ou culturel.

La liaison entre l’évaluation du risque et l’analyse économique, comme outil d’appui à la prise de décision dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments est cependant une démarche très nouvelle qui est encore en pleine évolution. Prenons pour exemple une analyse économique de l’impact de l’étiquetage des œufs ayant pour objectif de changer le comportement des consommateurs, effectuée après que cette intervention ait été jugée positive dans une évaluation des risques liés à la présence de Salmonella Enteritidis dans les œufs (DHHS-FDA, 2000). Selon le droit américain, les réglementations nouvelles ou amendées « significatives » -- c’est-à-dire celles qui ont un impact annuel sur l’économie de 100 millions de dollars EU, des retombées négatives concrètes sur un secteur économique et des effets dommageables sur la concurrence ou l’emploi -- doivent faire l’objet d’une Étude préliminaire d'impact de la réglementation. Dans ce cas, l’étude préliminaire a révélé que l’analyse économique chiffrait les avantages pour la santé à 260 millions de dollars EU la première année suivant l’introduction des nouvelles règles, et à 260 millions de dollars EU par la suite, pour un coût de 56 millions de dollars EU la première année et une augmentation des coûts de 10 millions de dollars EU par la suite.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 103

Nous allons examiner dans la section qui suit les méthodes d’analyse économique qui peuvent être utilisées pour évaluer les coûts et les avantages de la sécurité sanitaire des aliments et de différents états de santé, avant d’étudier leur application dans le domaine de l’évaluation et de la gestion des risques en matière de sécurité sanitaire des aliments.

7.2 L’évaluation économique

La valeur économique de la plupart des produits et de leurs attributs peut être déterminée en examinant les prix du marché. Si l’apparition d’un marché pour la sécurité sanitaire des aliments n’est pas à exclure, celle-ci n’a pas encore de prix, ou tout au moins de mesure. Les produits alimentaires ne sont pas commercialisés, ni leurs prix différenciés, selon qu’ils sont ‘sûrs’, ‘moins sûrs’ ou ‘pas sûrs’. Faute de prix bien définis pour la sécurité sanitaire des aliments, les économistes et d’autres chercheurs dans le domaine de la santé ont élaboré un certain nombre de méthodes pour évaluer les avantages découlant de la réduction de la morbidité et des cas de mort prématurée associés aux pathogènes présents dans des aliments.

7.2.1 Évaluation des résultats pour la santé

Pour mesurer les avantages des différentes interventions de gestion des risques, l’évaluateur des risques doit estimer la réduction des cas de maladies (maladies aiguës et leurs complications). Même si c’est une éventualité rare, les maladies d’origine alimentaire peuvent aussi entraîner certains types de complications (voir Appendice 1; Foegeding et Roberts, 1994). Il est donc intéressant de regrouper les données médicales dans un arbre des conséquences d’une maladie (voir Annexe Figure A1) afin d’identifier et de documenter toute la gamme des maladies aiguës et des complications à long terme. La gamme de résultats pour la santé est si vaste, qu’il ne suffit pas d’établir un classement, par exemple des décès, car on laisserait de côté de nombreuses autres conséquences, d’où la difficulté de décrire et d’évaluer l’intégralité des coûts des stratégies de gestion des risques et de donner un ordre de priorité aux options de dépenses.

Pour déterminer un point de référence permettant de comparer les différents risques de santé et de classer les diverses options possibles, les analystes doivent traduire des résultats différents en une unité commune d’analyse. Les économistes ont joué un rôle fondamental en établissant une unité commune d’analyse pour le classement des risques et l’analyse coûts-avantages. Les méthodes du coût social (méthode COI) et de la propension à payer (WTP) convertissent les divers résultats en unités monétaires alors que l’approche QALY les convertit en équivalences de temps en bonne santé (Kuchler et Golan, 1999; Golan et al., 2003; Haddix et al., 1996; Tolley, Kenkel et Fabian, 1994).

L’enchaînement complexe des événements qui peuvent se produire pendant la vie d’une personne après une maladie d’origine alimentaire est illustré à la Figure 7.1, qui montre les liens entre l’arthrite et l’exposition à des pathogènes d’origine alimentaire (Raybourne et al., 2003). On trouve au premier nœud de l’arbre, l’estimation de la probabilité qu’une personne exposée à un pathogène d’origine alimentaire développe une arthrite réactive ; au deuxième nœud l’estimation de la probabilité de guérison complète ou de progression vers une arthrite chronique. Le dernier nœud caractérise les conséquences d’une arthrite chronique : en douleur articulaire légère ou intermittente; douleur articulaire forte/chronique; ou sacro-iliite/spondylite (inflammation vertébrale).

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104 Liens entre l’évaluation des risques et l’analyse économique

Figure 7.1 Arbre des conséquences des arthropathies (Raybourne et al., 2003). Les chiffres indiqués sont des estimations du pourcentage moyen de cas dans chaque catégorie. Les chiffres figurant entre parenthèses indiquent la fourchette de ces estimations.

Méthode du coût social

La méthode du coût social ou méthode COI estime le montant en dollars des dépenses médicales et la valeur de la perte de productivité des patients due aux maladies d’origine alimentaire, aux complications et aux décès. La valeur de productivité est une valeur théorique, fondée par exemple sur le salaire moyen des adultes. La force de l’approche COI réside dans l’utilisation de la monnaie comme unité commune de mesure pour fournir un classement complet des options stratégiques et un contexte pour déterminer la désirabilité sociale. La méthode COI traduit les résultats sanitaires en équivalents monétaires pouvant s’ajouter et permet aux analystes de classer ces résultats. Les avantages nets des différentes options peuvent être estimés en comparant les variations des avantages de la protection de la santé publique avec les variations des coûts pour le gouvernement, les industries et les consommateurs, pour chacune de ces options. Si les avantages nets d’un programme excèdent les coûts nets estimés, le programme est considéré comme économiquement rentable. L’application de la méthode COI dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments est traitée dans Roberts et Marks (1995) et Buzby et al. (1996).

Méthode de la propension à payer

La méthode de la propension à payer ou méthode WTP implique de s’enquérir auprès des parties prenantes du montant maximal qu’elles sont prêtes à payer pour un service ou un bien théorique spécifié, par exemple pour avoir la garantie qu’un aliment particulier ne les rendra pas malade. Il s’agit de l’approche la plus cohérente par rapport à la théorie économique. La méthode WTP d’estimation des avantages des programmes de santé publique repose sur l’observation des compromis que peuvent faire (et font) les individus entre la santé et d’autres

30% (5.9-48)

30% (14-32)

40% (20-46)

60% (18-80)

Arthrite réactive

8% (2.3-15)

40% (20-82)

92% (85-97.7)

* Après exposition à des bactéries pathogènes présentes dans des

Sacro-iliite/spondylite

Douleur articulaire forte/chronique

Arthrite progressive/récurrente

Arbre des conséquences des arthropathies*

Guérison complète

Guérison complète

ETA aguda Douleur articulaire légère ou intermittente

92%

100%

1.4%

1.9%

1.4%

3.2%

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 105

biens et services de consommation. Les individus acceptent chaque jour, volontairement, de nombreux petits risques en échange d’avantages finis. Certains risques sont considérés comme très faibles lorsque des préférences sont en jeu. Par exemple, le ski comporte un risque de blessure et de mort, mais très peu de skieurs seraient favorables à un programme public interdisant ce sport au nom du risque. De même, certains consommateurs préfèrent le goût et la texture des hamburgers saignants et acceptent de prendre un risque limité. La valeur que les individus attachent à la réduction des différents risques est très variable. La méthode WTP permet de classer les risques non seulement en fonction de leur ampleur mais aussi de l’inquiétude qu’ils suscitent chez les intéressés. La méthode WTP estime la valeur de la réduction du risque pour les individus dont la santé est concernée, à condition qu’ils comprennent parfaitement les conséquences de l’exposition au pathogène d’origine alimentaire qui est évaluée. Cette technique commence à être appliquée aux risques associés aux maladies transmises par les aliments (cf. Golan et Kuchler, 1999; Brown, Oranfield et Henson, 2005).

Années de vie corrigées du facteur incapacité (AVCI)

Certains analystes ou décideurs préfèrent ne pas attribuer de valeur monétaire à la maladie humaine ou à la mort (Haddix et al., 1996). Pour éviter d’utiliser la monnaie comme unité de compte, l’une des méthodes les plus appréciées consiste à construire un indice de santé représentant les changements de la durée et de la qualité de la vie. Ces changements peuvent remplacer les mesures économiques.

La méthode AVCI se fonde sur la quantité de « qualité de vie » perdue, multipliée par la durée de cette perte de qualité de vie. Par exemple, une AVCI associée à une diarrhée pourrait être estimée à une incapacité de 50 pour cent (ou à une perte de qualité de vie de 50%) pendant trois ou quatre jours (soit 1/100ème d’année), soit 0,5 fois 0,01 = 0,005. Pour une maladie d’origine alimentaire entraînant le décès prématuré (100 pour cent de perte de qualité de vie) d’un adulte de 35 ans, la durée peut être estimée comme étant le nombre d’années d’espérance de vie restant à cette personne (par exemple, 40 ans). Dans ce cas, l’AVCI est donc égale à 35. Une étude réalisée aux Pays Bas sur Escherichia coli O157 producteur de shiga-toxines a estimé que la gastro-entérite aiguë représentait 6% du poids de la morbidité, alors que l’essentiel de ce fardeau (94 pour cent) était associé aux décès dus au syndrome hémolytique et urémique, dont les cas étaient pourtant beaucoup moins nombreux, et aux rares cas évoluant vers une insuffisance rénale terminale (Havelaar et al., 2003), une maladie chronique et débilitante. Le concept QALY est analogue, mais mesure l’augmentation de la qualité de vie, et sa durée, résultant d’une intervention réelle ou hypothétique.

Comme les méthodes AVCI et QALY fournissent une unité commune de mesure pour divers résultats pour la santé, elles permettent de répartir et de hiérarchiser l’allocation des fonds entre divers types de programmes, par exemple de nutrition et de dialyse. Toutes choses étant égales par ailleurs, les programmes présentant le QALY le plus élevé par unité monétaire devraient être financés avant ceux ayant un AVCI plus faible par unité monétaire. Les AVCI ne produisent toutefois pas de mesure de l’avantage net. Ils ne fournissent pas de cadre pour déterminer la valeur d’un programme, c’est-dire la somme qui devrait être dépensée par QALY, et ils ne sont pas non plus censés être équivalents aux coûts des soins de santé.

7.2.2 Évaluation des résultats non sanitaires

Dans le contexte du commerce international des produits alimentaires, l’évaluation des risques microbiologiques est axée uniquement sur la sécurité sanitaire des aliments, car elle touche à la santé publique. En revanche, avant d’introduire une nouvelle réglementation dans un pays, il

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106 Liens entre l’évaluation des risques et l’analyse économique

faut en général démontrer qu’elle présente des avantages nets par rapport aux coûts de son application. Or dans certaines évaluations des risques, les avantages non sanitaires (comme le maintien d’un accès aux marchés d’exportation) dérivant de produits sûrs et d’un système de sécurité sanitaire des aliments rigoureux, peuvent également être importants (Golan et al., 2003; Buzby et Roberts, 1997), et les méthodes permettant de les estimer sont brièvement passées en revue ici. En principe, on peut se baser sur les prix du marché pour estimer tous les résultats qui ne sont pas liés à la santé, mais il peut être difficile de chiffrer à l’avance les liens avec les risques en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les conséquences économiques de l’ESB sur les ventes et les exportations de bœuf britannique, qui ont été catastrophiques sur le plan commercial, l’illustrent bien.

Valeur des réductions des risques de marché

Les inquiétudes en matière de sécurité sanitaire des aliments peuvent provoquer des fluctuations des marchés très disproportionnées par rapport à la valeur réelle des risques pour la santé. Des dangers classés très bas sur l’échelle des risques pour la santé peuvent déclencher des réactions sur les marchés ayant un impact économique très élevé. La dimension internationale du commerce des denrées alimentaires peut amplifier les craintes concernant la salubrité des aliments. La valeur d’un système de sécurité sanitaire des aliments devrait se mesurer aussi à sa capacité à réduire les perturbations des marchés intérieurs et internationaux ainsi que les pertes économiques qui en découlent.

Valeur de l’accès aux marchés étrangers

Un système de sécurité sanitaire des aliments rigoureux peut aussi être bénéfique sur le plan de l’accès aux marchés étrangers (Spriggs et Isaac, 2001; Roberts et al., 1997; Krissoff, Bohman et Caswell, 2002; Kaelin et Cowx, 2002). De nombreux pays limitent leurs importations aux produits provenant de pays dotés de systèmes de sécurité sanitaire des aliments au moins comparables au leur. Pour de nombreux producteurs alimentaires, l’accès aux marchés étrangers est essentiel pour la réussite de leur entreprise. Pour les producteurs des pays exportateurs, l’existence d’un système de sécurité sanitaire des aliments solide procure des avantages qui vont bien au-delà de la réduction des risques pour la santé publique, associés à des pathogènes présents dans les aliments.

Par exemple, une série d’embargos ont été imposés sur les exportations ougandaises de poissons, en raison de la contamination par Salmonella et Cholera et de concentrations toxiques de pesticides. De 1996 à 1999, environ 10 000 pêcheurs auraient perdu leur emploi (Nasinyama, communication personnelle, 2002). La perte économique pour l’Ouganda a été estimée à 100 millions de dollars EU. En 2000, l’Union européenne a levé l’embargo sur les importations de poissons, et en 2001, l’Ouganda a été inscrit sur la liste des pays autorisés à exporter sans restriction. Aujourd’hui, le poisson a pratiquement supplanté le café, comme premier produit d’exportation de l’Ouganda (Kaelin et Cowx, 2002)

Valeur de la perte de confiance des consommateurs et des pertes enregistrées dans le tourisme, à cause de produits alimentaires peu sûrs

Un système de sécurité sanitaire des aliments rigoureux renforce la confiance des consommateurs et la crédibilité des programmes gouvernementaux. Cette confiance réduit les risques de psychoses alimentaires et tempère la volatilité des marchés. Par exemple, après les crises de la salmonellose et de l’ESB au Royaume-Uni, les consommateurs ont commencé à se

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 107

préoccuper de leur système de réglementation alimentaire et un nouvel organisme de normalisation alimentaire a été créé. Par ailleurs, si l’approvisionnement alimentaire d’un pays n’est pas considéré comme sûr, des touristes éviteront de s’y rendre, ce qui aura un impact considérable sur différentes branches d’activité, telles que l’hôtellerie, la restauration, les transports, l’artisanat, et de nombreuses autres industries locales.

7.3 Intégration de facteurs économiques dans les évaluations des risques pour faciliter la prise de décision

Le résultat d’une évaluation quantitative des risques fournit en général une estimation des risques de référence pour la santé humaine. Les évaluations quantitatives donnent habituellement des distributions de probabilité complètes plutôt que des estimations ponctuelles du risque à l’échelle d’une population. La Figure 7.1, qui représente l’arbre des issues possibles de l’arthrite après une exposition à un pathogène présent dans un aliment, montre comment des moyennes et des fourchettes peuvent être incorporées dans les estimations des résultats pour la santé. La moyenne et la fourchette peuvent servir de référence pour élaborer une distribution de cette issue de santé. Les coûts économiques pour le risque de référence peuvent être calculés à l’aide de l’une des trois techniques examinées (COI, WTP, QALY).

Il existe deux méthodes principales pour évaluer les avantages et les coûts des changements des politiques ou des réglementations proposés:

• L’analyse coût-avantages est parfaitement adaptée pour les risques pour la santé humaine évalués à l’aide des méthodes COI ou WTP.

• L’analyse coût-efficacité est surtout appropriée pour les risques pour la santé humaine évalués à l’aide de la méthode QALY.

La nature de chaque décision doit être parfaitement comprise pour pouvoir identifier ceux que ces mesures avantageront et ceux qu’elles défavoriseront (voir Annexe 1, Tableau A2) (Buzby et Roberts, 1997). Il importe en particulier de garantir que les avantages et les inconvénients sont repartis de manière équitable, par exemple qu’un groupe ne bénéficie pas d’un avantage aux dépens d’un autre qui serait exposé à un risque accru. Les coûts économiques anticipés de l’intervention de santé publique (nécessitant par exemple un changement de comportement des industries, du gouvernement et éventuellement des consommateurs) peuvent alors être comparés à l’évaluation économique des améliorations en termes de résultats pour la santé.

7.3.1 Analyse coûts-avantages

L’analyse coûts-avantages est un instrument utile pour évaluer l’impact sur la société des différentes interventions possibles en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les avantages découlant de la réduction des risques sont avant tout l’amélioration de la santé publique, même si des effets notables sont également possibles dans d’autres domaines (comme le commerce et le tourisme). Tous les avantages sont estimés en unités monétaires. Les améliorations de la santé publique sont évaluées à l’aide des méthodes COI ou WTP qui viennent d’être examinées. Les avantages sont ensuite comparés aux coûts de l’intervention. Les coûts sont aussi estimés en unités monétaires et peuvent inclure des modifications du comportement des industries, du gouvernement et des consommateurs (voir Annexe 1, Tableau A2). Par exemple, si une intervention consiste à ajouter sur les étiquettes des denrées alimentaires des renseignements pour inviter les consommateurs à modifier leurs pratiques culinaires, la valeur du temps de

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108 Liens entre l’évaluation des risques et l’analyse économique

travail consacré à cette activité peut être estimée comme un coût. Les décisions concernant l’horizon temporel et le taux d’escompte sont des questions technico-financières qui font partie d’une analyse de coûts-avantages (Dinwiddy et Teal, 1996; Laylard et Glaister, 1996). Les avantages nets des différentes interventions possibles en matière de sécurité sanitaire des aliments peuvent ensuite être comparés. La préférence ira à celles dont les avantages nets sont les plus grands, sauf si le décideur souhaite mettre en avant d’autres considérations.

Une analyse de la norme Pathogen Reduction/Hazard Analysis at Critical Control Points (PR/HACCP) du Département de l’agriculture des États-Unis pour la viande crue et la volaille (Crutchfield et al., 1997), a fait une démonstration de l’utilisation de l’analyse coûts-avantages. Les avantages pour la santé publique étaient censés dériver de la prévention des maladies causées par quatre pathogènes présents dans les aliments. Selon les hypothèses les plus prudentes, les avantages nets fournis par le système PR/HACCP étaient estimés à au moins 7 milliards de dollars EU sur une période de 20 ans. Quand les hypothèses de l’analyse ont été modifiées, avec des taux de maîtrise du pathogène plus élevés et des taux d’intérêt plus faibles, la valeur actuelle des avantages nets fournis par le système PR/HACCP étaient estimés à 42 milliards de dollars EU (Tableau 7.1).

7.3.2 Analyse coût-efficacité

Les économistes de la santé ont souvent recours à une analyse coût-efficacité pour évaluer d’autres méthodes permettant d’atteindre un but spécifique de santé publique, par exemple de réduire le nombre des décès. On peut évaluer ce nombre directement ou se fonder sur les QALY pour évaluer l’amélioration nette par rapport à un niveau de référence des changements de la qualité de vie liés à la santé résultant d’une intervention de sécurité sanitaire. Le changement des QALY est alors comparé aux coûts nets. Les coûts évalués comprennent les coûts médicaux et la perte de productivité. Le critère de décision est le rapport coût-efficacité, où le gain en QALY (ou nombre de décès) figure au numérateur et les coûts nets au dénominateur. On donne la préférence aux méthodes dont le rapport est le plus élevé.

Tableau 7.1 Exemple d’analyses coûts-avantages du système Pathogen Reduction/ HACCP des États-Unis d’Amérique, fondées sur quatre séries d’hypothèses (d’après Crutchfield et al. (1997) et complété par une communication personnelle de T. Roberts, 2004).

Valeur actuelle1 évaluée sur 20 ans Maîtrise du pathogène

Taux d’intérêt Coûts pour

l’industrie Avantages de

santé publique Avantages

annuels nets Scénarios

% En milliards de dollars EU (2000)

Estimation avantages fourchette basse 20 7 1,3 à 1,5 8,5 6,8 à 7,2

Estimation avantages fourchette intermédiaire I 50 7 1,3 à 1,5 21,2 19,7 à 19,9

Estimation avantages fourchette intermédiaire II 50 3 1,7 à 2,1 24,3 22,2 à 22,6

Estimation avantages fourchette haute 90 3 1,7 à 2,1 43,8 41,7 à 42,1

Important: (1) La valeur actuelle est la valeur actualisée du flux des coûts du programme ou des avantages du programme sur une période de 20 ans. NOTES: Pour de plus amples détails, voir: www.ers.usda.gov/briefing/FoodSafetyPolicy/features.htm et ‘An Economic Assessment of Food Safety Regulations: The New Approach to Meat and Poultry Inspection’ qui décrit la méthodologie employée pour dériver l’analyse des coûts-avantages: www.ers.usda.gov/publications/aer755/

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 109

7.3.3 Courbes d’options risque/coût

Les économistes disposent d’un autre outil, la courbe d’options risque/coût, qui peut être combiné avec les données et les distributions de l’évaluation des risques. Les industries utilisent souvent cet outil de manière informelle. L’encadré (Figure 7.2) décrit un exemple plus formel, où la réduction du risque est portée sur un axe et l’augmentation du coût marginal sur l’autre, ce qui permet de comparer un certain nombre d’options pour réduire les concentrations du pathogène. Il est souvent difficile de quantifier le lien réel entre ces interventions et les pratiques industrielles existantes et la manière dont le système de gestion renforce ce lien. Les économistes supposent souvent que la réduction du risque se solde par un coût, mais ce n’est pas toujours le cas. Les coûts marginaux peuvent même baisser, par exemple, s’ils ont pour contrepartie des gains d’efficience - comme une diminution des retours de produits ou une durée de conservation plus longue, du fait que les traitements visant à réduire la prévalence du pathogène peuvent aussi réduire les teneurs en organismes putréfiants.

7.3.4 L’incertitude dans l’analyse économique

Les modèles des risques et les estimations des coûts comportent des incertitudes, de sorte que l’analyse économique en contient elle-aussi. Les principales sources d’incertitude associées aux résultats des analyses économiques devraient être identifiées, caractérisées, énoncées de manière explicite et communiquées clairement. Les résultats d’une analyse économique ne devraient donc pas être exprimés comme des mesures précises, mais la distribution complète des coûts et avantages potentiels devrait être prise en compte. Les méthodes relatives à l’incertitude et à la variabilité décrites à la Section 5.4 peuvent en principe être utilisées.

L’analyse de la valeur de l’information est, à l’instar de l’analyse de la sensibilité et de l’analyse de l’incertitude, une méthode formelle que l’on peut employer pour chiffrer l’impact relatif de diverses incertitudes. Cette analyse peut être qualitative ou quantitative, et dans ce dernier cas une approche de modélisation de la probabilité est appropriée (Hammitt et Cave, 1991). La principale caractéristique qui distingue une analyse de la valeur de l’information d’une analyse de la sensibilité ou de l’incertitude, est que, dans l’analyse de la valeur de l’information, on se sert d’un lien explicite avec une mesure quelconque de la valeur ou de l’utilité pour la société de la réduction des risques, pour remplacer le « risque » représenté par le résultat du modèle par « la valeur ou l’utilité des variations du risque ». Il est clair que ce lien implique le choix d’une méthode d’évaluation économique (ou sociale) de la réduction du risque, telle que WTP ou COI. En se fondant sur une mesure donnée de l’utilité sociale des réductions des risques, on peut avoir recours à une analyse de la valeur de l’information pour déterminer la valeur escomptée de l’information supplémentaire dans le cadre d’un ou de plusieurs scénarios modélisés.

Malcolm et al. (2004) ont pris l’exemple d’une entreprise privée, comparant la courbe d’options coûts/risques pour trois méthodes visant à renforcer la sécurité sanitaire dans un abattoir bovin (Figure 7.2). Les trois méthodes réduisent la concentration d’E. coli générique dans des portions de steak haché.

Une étude supplémentaire sur un sujet ou un domaine d’évaluation spécifique était jugée utile si « la valeur ou l’utilité des variations du risque » était sensible à la quantité d’informations que l’on comptait pouvoir obtenir grâce à des recherches supplémentaires. Jusqu’à présent, les techniques formelles d’analyse de la valeur de l’information n’ont pas été appliquées aux problèmes d’évaluation des risques microbiologiques. Toutefois, compte tenu du

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110 Liens entre l’évaluation des risques et l’analyse économique

grand nombre de risques microbiologiques identifiés et des ressources disponibles qui risquent d’être insuffisantes pour effectuer des contrôles des procédures réglementaires, l’analyse de la valeur de l’information peut être utile aux décideurs, lorsque les résultats d’une évaluation des risques et des analyses coûts-avantages s’avèrent trop incertains pour justifier des mesures plus spécifiques.

Figure 7.2 Exemple de courbe d’’options risque/coût, basée sur trois approches possibles, pour renforcer la sécurité sanitaire dans un grand abattoir de bouvillons et génisses, (d’après Malcolm et al., 2004). NOTES: D = dépeçage amélioré des carcasses; S = matériel de pasteurisation à la vapeur et utilisation; I = matériel d’irradiation et utilisation. Chaque amélioration réduisant le risque est associée à une distribution de la réduction du pathogène. Le modèle prend en compte les sept combinaisons possibles des améliorations envisagées (une à la fois, deux à la fois, ou les trois ensemble). Les données du coût économique sont ajoutées et la courbe d’options risque/coût est construite à l’aide d’une simulation de Monte-Carlo. Le coût par unité de poids (livre; lb) est porté sur l’axe horizontal. La réduction moyenne escomptée du risque par rapport à un seuil de contamination est portée sur l’axe vertical. Les points sur la courbe d’options risque-coût correspondent au meilleur rapport de coût/efficacité. Noter que les procédures de dépeçage améliorées sont les plus efficaces par rapport au coût, car le risque est considérablement réduit pour un coût relativement faible.

20%

40%

60%

80%

100%

0

0.005

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Coût/livre

I S + I D + I

D + S

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S + D + I

- Courbe d’options risque/coût

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8. La communication sur les risques dans la caractérisation des risques

8.1 Introduction

Les divers objectifs de la communication sur les risques sont exposés dans L'application de la communication des risques aux normes alimentaires et à la sécurité sanitaire des aliments (FAO/OMS, 1988).

La communication sur les risques est définie comme suit dans le Manuel de procédure du Codex (CAC, 2001):

« Échange interactif, tout au long du processus d’analyse des risques, d’informations et d’opinions sur les [dangers et les] risques, les facteurs liés aux risques et les perceptions des risques, entre les responsables de leur évaluation et de leur gestion, les consommateurs, l’industrie, les milieux universitaires et les autres parties intéressées, et notamment l’explication des résultats de l’évaluation des risques et des fondements des décisions prises en matière de gestion des risques. »

La communication sur les risques est un processus continu qui fait partie intégrante de l’analyse des risques, auquel tous les groupes de parties prenantes devraient dans l’idéal être associés dès le départ. Grâce à la communication sur les risques, les parties prenantes sont informées du processus à chaque étape de l’ERM, ce qui les aide à bien comprendre sa logique, ses résultats, sa signification et ses limites. Des informations peuvent aussi émaner des parties prenantes. Des industriels peuvent par exemple avoir des données non publiées d’une importance cruciale pour les évaluateurs des risques. Il y a aussi des informations qui sont normalement présentées aux parties prenantes (industriels et consommateurs) dans le cadre du processus d’analyse des risques.

L’identification de groupes d’intérêt spécifiques et de leurs représentants devrait s’inscrire dans une stratégie globale de communication sur les risques. Les responsables de l’évaluation et de la gestion des risques devraient examiner et arrêter ensemble cette stratégie au début du processus pour garantir une communication interactive. Cette stratégie devrait aussi indiquer qui devrait présenter les informations au public et de quelle manière.

• Les communicateurs des risques doivent identifier les besoins en matière de communication des risques et une stratégie adaptée à chaque type de public. Une analyse du niveau de prise de conscience et des connaissances de chaque public, ainsi que de la meilleure méthode permettant de leur transmettre l’information, est cruciale pour préparer les messages de communication des risques, ainsi que pour déterminer les canaux de communication appropriés. Une fois que les publics ont été identifiés, l’étape suivante consiste à concevoir des stratégies incluant à la fois des communications vers l’extérieur (messages, fourniture d’informations) et des communications internes (écoute des besoins du public, collecte d’informations). Il est important que les messages de communication répondent aux besoins spécifiques des différents publics.

• Certains groupes de parties prenantes sont relativement faciles à identifier. Dans les problèmes de risque d’origine alimentaire, ces groupes sont les gestionnaires des risques et les responsables de la règlementation sur les risques, le grand public, les détendeurs de données, les scientifiques, les médias, les représentants des consommateurs et des industries et les professionnels de santé publique. Les publics peuvent aussi comprendre des consommateurs, notamment ceux qui

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 113

risquent le plus de contracter des maladies d’origine alimentaire (personnes âgées, femmes enceintes, enfants en bas âge et sujets immuno-déprimés). Comme l’ensemble de la population est concernée par sécurité sanitaire des aliments, tout le monde devrait en théorie être associé à cet échange d’information. Toutefois, c’est très difficilement réalisable et de nombreuses personnes se désintéressent complètement du problème.

Les évaluateurs et les gestionnaires des risques devront informer dès le départ les parties prenantes de leur intention de procéder à une analyse des risques. À ce stade, la communication avec les parties prenantes peut être mise à profit pour instaurer un climat de confiance, mobiliser un appui politique et scientifique pour l’ERM et recueillir des données.

8.1.1 Informations à partager avec les parties prenantes

Dans les problèmes de sécurité sanitaire des aliments, il n’y a guère de raison valable d’empêcher le public d’accéder à toutes les informations utilisées dans une ERM, au rapport intégral de l’ERM, et à un rapport intégral sur les considérations et le raisonnement qui ont conduit les gestionnaires des risques à prendre leurs décisions (sous réserve de l’éventuelle obligation de confidentialité des données commerciales). Dans le cas où la confidentialité des données commerciales doit être préservée, les informations sensibles peuvent ordinairement être présentées dans le cadre d’une synthèse globale. Plusieurs types d’informations devraient être incluses dans les rapports destinés aux parties prenantes :

• Informations sur le risque lui-même, notamment : nature des dangers; grandeur et gravité estimées du risque; méthode utilisée pour estimer la grandeur et la gravité; informations sur les tendances au fil du temps ; et différences de sensibilité de la population ou strates d’exposition.

• Informations sur les incertitudes de l’évaluation, y compris incertitudes des paramètres (données); incertitudes des résultats (estimations) et hypothèses retenues.

• Considérations et options en matière de gestion des risques, telles que informations reçues, y compris préoccupations des parties prenantes; actions proposées ou choisies (en fonction du stade du processus de communication); raisons ou justification de ces actions; effets escomptés, et activités de suivi, de contrôle et d’examen envisagées.

Si des rapports techniques sont établis à l’intention des parties prenantes, il est essentiel que ces informations soient aussi rédigées sous une forme utile et compréhensible. On trouvera dans les passages qui suivent des suggestions concernant la manière de les présenter.

8.1.2 L’information scientifique dans la communication sur les risques

Communiquer des informations scientifiques est ardu surtout si les incertitudes sont nombreuses. De crainte d’être mal compris ou interprétés, les scientifiques et les gestionnaires des risques peuvent rechigner à communiquer des informations scientifiques techniques surtout si les incertitudes sont nombreuses et si les avis des experts divergent. Il en a par exemple probablement été ainsi pour les risques associés à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) au Royaume-Uni (Chartier et Gabler, 2001).

Dans le passé, le public pensait que les informations scientifiques faisaient autorité, mais cette attitude a changé pour ce qui concerne les risques associés aux aliments, et le public est de plus en plus critique vis-à-vis des estimations du risque. En outre, le côté hermétique des probabilités mathématiques et l’image croissante d’incertitude associée à l’ERM sont deux facteurs qui rendent la communication sur les risques particulièrement difficile. La formulation du message (c’est-à-dire la manière dont il est présenté) est cruciale dans ces circonstances.

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114 La communication sur les risques dans la caractérisation des risques

8.2 Interaction entre les gestionnaires et les évaluateurs des risques

L’évaluateur des risques considère le gestionnaire des risques comme une catégorie spéciale de partie prenante, qui a des exigences particulières supplémentaires en matière de communication. Comme l’indique le rapport FAO/OMS sur les Principes et lignes directrices en vue de l'incorporation de l'évaluation du risque microbiologique dans l'élaboration de normes, de lignes directrices et de textes connexes en matière de sécurité sanitaire des aliments (FAO/OMS, 2002), l’interaction entre les évaluateurs et les gestionnaires des risques devrait être constante tout au long de la procédure d’analyse des risques. Les aspects de la communication sur les risques intéressant les divers stades de la procédure d’analyse des risques sont mis en évidence ci-après.

8.2.1 Planification et mise en service d’une ERM

Une fois que le gestionnaire des risques a décidé de faire réaliser une ERM et choisi à qui la confier, il faut planifier et définir les conditions des travaux. L’étape de la planification et de la mise en service de la procédure d’ERM est probablement l’une des plus importantes pour garantir la qualité de l’ensemble du processus, de bonnes relations de travail et les résultats appropriés de l’ERM. Une communication étroite entre les évaluateurs et les gestionnaires des risques est cruciale à ce stade, et leurs discussions doivent porter sur les points suivants :

i) Aspects scientifiques concernant l’ERM.

• Informations générales, notamment fourniture d’un profil de risque.

• Questions initiales posées par la gestion des risques.

• Objet et champ d’application de l’ERM.

• Résultats escomptés de l’ERM.

• Forme requise de l’estimation des risques (mesures et unités de caractérisation des risques)

• Utilisation prévue du résultat de l’ERM dans le processus de gestion des risques.

• Critères de validation du modèle des risques et de ses résultats

• Critères de détermination de l’adéquation scientifique et technique de l’ERM

• Examen des besoins probables en données.

ii) Aspects pratiques

• Besoins probables en ressources essentielles et additionnelles.

• Calendriers et jalons.

• Fréquence et calendrier des interactions entre l’évaluateur et le gestionnaire des risques.

• Stratégie de communication.

Il est extrêmement utile de faire connaître le plus tôt possible à un large public la méthode d’évaluation envisagée (en donnant des informations sur la présentation et le type de modèle que l’on utilisera le plus vraisemblablement), en ayant soin de préciser que les choses pourraient changer au cas où de nouvelles informations ou idées apparaîtraient. Les conditions de l’exécution de l’ERM devraient si possible être définie dans un contrat écrit entre les

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 115

gestionnaires et les évaluateurs des risques, avec une clause indiquant que le contrat sera revu régulièrement au fur et à mesure que de nouvelles informations apparaissent, afin de s’assurer que les jalons et les résultats demeurent raisonnables et appropriés.

8.2.2 Déroulement de l’ERM

La connaissance des données disponibles et la compréhension du problème s’améliorent généralement considérablement durant l’exécution d’une ERM. Les questions initiales posées par les gestionnaires des risques doivent souvent être modifiées durant les premiers stades lorsque les limites des informations et des données apparaissent clairement. Ainsi, les décisions concernant le champ d’application final de l’évaluation et les questions à traiter se prennent généralement peu à peu dans le cadre d’un processus itératif. Tout au long de la procédure d’ERM, les évaluateurs et les gestionnaires des risques devraient se tenir mutuellement informés de l’impact qu’auront les hypothèses, les lacunes d’information, la sélection, l’interprétation et la modélisation des données sur la procédure, les méthodes et les résultats de l’ERM. Les gestionnaires et les évaluateurs des risques s’engagent à échanger des informations susceptibles d’influencer la conduite de l’ERM, ainsi que des données sur les options de gestion possibles. On constate parfois que la modélisation des données disponibles peut fournir plus de renseignements qu’on ne le pensait au moment de la mise en service de l’ERM. Les nouvelles possibilités qui sont alors offertes de répondre à de nouvelles questions devraient être examinées avec le gestionnaire des risques. Les nouvelles informations et les modifications des procédures qui auront un impact sur le résultat escompté, les calendriers, les coûts, etc ;, devraient être spécifiées dans un contrat révisé entre les gestionnaires et les évaluateurs des risques.

8.3 Une fois l’ERM achevée

Il est crucial d’identifier le point où l’ERM peut être considérée comme effectivement achevée et de se mettre d’accord à ce sujet. Lorsqu’une caractérisation des risques est envisagée, les résultats doivent être conformes au champ d’application et aux objectifs convenus dans le contrat relatif à sa mise en service.

Dans la présentation des résultats, les principales conclusions de l’identification des dangers, de l’évaluation de l’exposition et de la caractérisation des dangers devraient aussi être synthétisées. Les renseignements à inclure sont les suivants : informations succinctes sur le pathogène et les aliments considérés ; variations de la prévalence et de la concentration du pathogène tout au long d’une chaîne alimentaire ; fonctions dose-réponse chez des groupes d’hôtes ayant des sensibilités différentes ; estimations du risque dans les populations ciblées ; classement des risques associés aux aliments étudiés et effets des options de gestion possibles.

Présentation des résultats aux gestionnaires des risques

Les évaluateurs et les gestionnaires des risques devraient discuter et convenir ensemble de la présentation et du contenu du rapport final de l’ERM. Lors de la présentation des résultats de la caractérisation des risques, les points suivants devraient être pris en considération:

• Les résultats devraient être présentés de manière transparente et objective, sous une forme suffisamment accessible pour que les personnes ayant peu de connaissances en mathématique ou en statistique puissent comprendre les aspects essentiels de la caractérisation des risques. Par exemple, un « document technique » décrivant en détail la modélisation, pourrait être accompagné d’un « résumé interprétatif » moins technique. En outre, l’utilisation d’illustrations, de graphiques et de tableaux pour la présentation des données quantitatives du modèle permet de

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116 La communication sur les risques dans la caractérisation des risques

mieux se rendre compte de la situation que de simples estimations des paramètres ou d’autres statistiques, comme résultats chiffrés.

• Les estimations numériques devraient être étayées par des informations qualitatives concernant la nature des risques et le caractère probant des observations d'appui.

• Toutes les hypothèses et toutes les sources de variation et d’incertitude devraient être présentées de façon exhaustive, et reconnues.

• Toutes les données et informations utilisées dans l’ERM devraient être décrites en termes explicites dans le rapport.

• Dans un souci de transparence, les références de toutes les sources d’informations ou de données devraient être indiquées et citées comme il convient dans le rapport. Les éventuelles informations éphémères (ex: celles provenant d’un site Internet) devraient être imprimées et jointes pour référence.

• Les besoins en données complémentaires éventuellement identifiés devraient être communiqués de façon claire.

On notera qu’il est tout à fait nécessaire de décrire les aspects de la communication des risques qui s’inscrivent dans la stratégie de gestion des risques, mais que cette description déborde le cadre du présent document, et qu’elle en est donc exclue.

Dans toute ERM, l’approche adoptée comporte à la fois des avantages et des inconvénients qui doivent être portés à la connaissance des gestionnaires des risques. À cet égard, les points suivants doivent être pris en considération:

• Les scénarios envisagés dans un modèle de l’exposition ou une analyse de la relation dose-réponse peuvent dépendre des données disponibles ou d’opinions d’experts. Quelles que soient les raisons du choix des scénarios, elles doivent être passées au crible dans l’ERM et être clairement documentées dans le rapport.

• Les hypothèses formulées dans l’ERM devraient être clairement documentées et leurs effets sur les résultats devraient être évalués.

• Dans les évaluations quantitatives, une analyse de l’incertitude ou de la sensibilité pourrait servir à évaluer l’impact de l’incertitude des paramètres sur le résultat final, et dans le même temps à fournir des informations objectives concernant les lacunes des données et les besoins futurs en matière de recherche. Les gestionnaires des risques pourront ensuite utiliser ces informations pour l’allocation future des fonds de recherche, le cas échéant.

• Grâce à la documentation des points qui viennent d’être indiqués, les responsables de la gestion des risques connaîtront les limites de l’ERM et pourront interpréter ses résultats avec prudence.

8.4 Élaboration de stratégies de communication sur les risques

Comme on l’a déjà dit, les décisions en matière de communication sur les risques – (quoi, qui et comment, notamment) - devraient faire partie d’une stratégie globale de communication. La communication sur les risques est surtout efficace si elle s’inscrit dans une démarche systématique, et elle commence généralement par la collecte d’informations sur le problème de risque étudié. Le gestionnaire et l’évaluateur des risques doivent donc être en mesure de faire rapidement une synthèse claire et concise de ce que comporte ce problème, afin de susciter l’intérêt des parties prenantes et de les inciter à contribuer. La communication doit ensuite se

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 117

poursuivre tout au long du processus. Une fois que les informations disponibles ont été utilisées pour identifier pleinement les dangers et sélectionner et évaluer les risques appropriés, il faut préparer et diffuser ces informations. Ensuite, une nouvelle discussion avec les parties prenantes débouchera sur des corrections, des amendements et des ajouts selon le cas, et enfin sur la publication des rapports finals de l’ERM et de l’analyse des risques.

Si le gestionnaire ou l’évaluateur des risques n’est pas qualifié en communication, il est conseillé de prévoir dans l’équipe un professionnel de la communication sur les risques pour toutes les questions litigieuses. Ce dernier doit être préparé à traiter avec les médias, avoir des relations bien établies avec leurs représentants et avec des journalistes scientifiques, et avoir de bonnes aptitudes générales en matière de communication. Il va sans dire qu’il doit aussi travailler en liaison étroite avec le gestionnaire et l’évaluateur des risques pour maximiser l’efficacité de la communication. Dans ce domaine, trois aspects doivent être pris en considération : les voies de communication, le message et les supports.

Avant d’engager un dialogue, il faut identifier les voies de communication appropriées. Lorsque la sécurité sanitaire des aliments est en jeu, il arrive souvent que des documents scientifiques aient déjà été publiés ou que les médias aient déjà commencé à s’intéresser au problème avant la mise en route de l’analyse des risques. De fait, ils servent souvent de catalyseurs qui font pression pour que l’on étudie les options offertes pour gérer les risques et que l’on réalise une ERM. C’est pourquoi, en général, un dialogue a déjà commencé et des voies de communication sont déjà ouvertes. Les voies de communication potentielles avec le public sont les suivantes:

• Articles de journaux ou émissions destinées au grand public. Généralement écrits ou produits par des journalistes, ils peuvent être utiles pour signaler le problème, et le porter à l’attention du public. Toutefois, généralement ces articles ou émissions dramatisent à l’excès et ne reflètent pas la réalité.

• Communiqués de presse. Ils peuvent être largement relayés par les médias si le sujet a déjà fait la une des journaux. Ils peuvent être suivis d’interviews. Ce procédé peut être utile pour solliciter une participation à un dialogue futur ou promouvoir des réunions.

• Articles écrits ou émissions produites spécifiquement pour des publications ou des programmes sur la santé ou l’alimentation. Les articles peuvent être écrits par des journalistes scientifiques ou, moyennant une rémunération, par des experts de la communication sur les risques, membres de l’équipe d’analyse des risques. L’instauration de liens étroits entre les gestionnaires des risques et les journalistes scientifiques peut être utile pour renforcer l’efficacité de ces articles ou programmes. Dans ces circonstances, des citations ou des interviews peuvent être utiles.

• Communications écrites appropriées directement ciblées sur des représentants du public préalablement désignés (personnes qui ont de l’influence, représentants de groupes de consommateurs, de groupes de pression spécialisés, de catégories médicales, etc.). Une publicité préalable des médias peut avoir attiré l’attention des gestionnaires des risques sur d’autres groupes, et une liste annotée des personnes intéressées, avec leurs coordonnées, aura de préférence été établie. Cette liste permettra d’envoyer différents types de documents écrits, en fonction des besoins. Par exemple, on peut envoyer une synthèse des résultats à tous ceux qui figurent sur la liste, avec une invitation à demander, ou à acheter, un rapport technique intégral. Les intéressés peuvent donc choisir eux-mêmes le niveau de détail. Cette méthode de communication est probablement l’une des plus utiles pour l’équipe chargée de l’analyse des risques, car elle peut favoriser une intervention plus large des médias en portant un problème à l’attention de ceux qui jusque là l’ignoraient.

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118 La communication sur les risques dans la caractérisation des risques

• Sites Internet. On peut y trouver des synthèses, avec des liens vers des rapports plus détaillés; des adresses et des numéros de téléphone pour enregistrer d’autres informations; une option pour proposer une contribution à l’analyse; des informations détaillées sur d’éventuelles réunions de parties prenantes prévues; ou des groupes d’intérêt pertinents. Les sites internet n’ont d’utilité que s’ils sont mis à jour régulièrement et bien conçus. Là encore, une équipe d’analyse des risques a généralement besoin d’un spécialiste pour utiliser au mieux cette ressource.

• Réunions. Il s’agit à la fois des réunions ouvertes au public et de celles ciblées sur des groupes représentatifs spécifiques. Pour des raisons pratiques, les réunions réellement ouvertes au public sont plutôt utilisées pour des questions très litigieuses ou très médiatisées, et leur tenue doit être annoncée à l’avance par une ou plusieurs des voies de communication qui viennent d’être décrites. Aussi bien pour les réunions tous publics que pour les réunions ciblées, il est préférable de prévoir une introduction suffisamment pointue sur le plan technique pour brosser le contexte, et de s’assurer de la présence de bons communicateurs des risques, ainsi que d’évaluateurs techniques et de gestionnaires des risques. Même pour les réunions ouvertes au public, il est préférable, pour des raisons d’organisation pratique, d’être averti à l’avance de l’identité et du nombre de personnes qui comptent y assister, l’admission pouvant être conditionnée par l’inscription sur la liste, ou par la présentation d’un ticket, selon le cas. Une synthèse écrite de la question traitée sera distribuée à la réunion. Il est préférable de garder un rapport de ces réunions, pour l’utiliser par la suite, l’incorporer dans une étude, s’y référer ou y répondre. On réservera un moment pour les questions ouvertes afin que les parties prenantes puissent s’exprimer, avec toutefois un temps limité annoncé: les discussions qui s’éternisent clarifient rarement les problèmes. D’autres points pourront être traités au cours d’une réunion ultérieure, ou par écrit dans le cadre du suivi de la réunion.

Quelles que soient les voies choisies pour communiquer avec le public, la clarté et la pertinence sont essentielles. D’où la nécessité de vérifier tout le matériel écrit ou publié sur Internet pour en contrôler l’exactitude et la clarté et s’assurer que le contenu technique est adapté au public visé. Le matériel écrit ou présenté devrait avoir certaines caractéristiques utiles pour expliquer les résultats de la caractérisation des risques, notamment :

• Graphiques et figures des distributions de fréquence et de probabilité, etc. Dans la mesure où il y en a, ils doivent être très clairs, nets et avoir un titre approprié

• Choix attentif de la méthode de présentation des résultats chiffrés . Par exemple, l’estimation du risque doit être « un décès par million d’individus d’une population et par an », mais cela peut être difficile à conceptualiser. Dans une population de 60 millions d’individus, une estimation « de 60 décès par an » sera plus facilement comprise.

• Comparaison des risques. Elle peut être utile dans certaines circonstances, mais la méthode est très conversée car elle est souvent utilisée à mauvais escient. Seuls les risques qui ont des caractéristiques similaires devraient être comparés. Par exemple un risque involontaire imputable à un aliment ne devrait pas être comparé avec un risque volontaire (comme conduire une voiture ou fumer une cigarette). Il pourrait en revanche être comparé avec d’autres risques involontaires, comme la pollution environnementale, ou un traitement nécessitant une intervention chirurgicale.

Pour que la communication sur les risques soit efficace, il faut comprendre les principes sur lesquels elle repose et les raisons pour lesquelles elle pourrait échouer ; en outre ceux qui se chargent de communiquer les risques au public (et à d’autres) doivent être conscients de certains aspects, notamment :

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 119

• Les différences de perception. Le même risque, découlant du même danger, peut être perçu très différemment selon les personnes, ce qui peut les conduire soit à ne pas tenir compte des messages sur les risques, soit à les dramatiser. Par exemple, si une ERM est décrite en termes purement techniques, au lieu de résoudre les problèmes qui préoccupent une personne, le message peut être perçu comme peu pertinent et ignoré. Si le message contredit des convictions antérieures, celui qui l’envoie peut susciter la méfiance et ne pas être cru, et l’information peut être ignorée. Une personne adopte le “parti pris de l’optimisme” quand elle se croit moins vulnérable à un risque particulier qu’un membre moyen de la société, ce qui peut là encore la conduire à ignorer le message. Des études ont aussi identifié un phénomène du “white male effect”, à savoir que les hommes blancs sont souvent moins sensibles au risque que d’autres groupes, peut-être parce qu’ils ont l’impression de mieux maîtriser les techniques qui les entourent.

• L'incompréhension à l’égard du processus scientifique. La terminologie scientifique peut rendre le message incompréhensible. L’incertitude, expressément décrite et reconnue, et l’utilisation d’hypothèses et de jugements de valeur peuvent donner l’impression que les informations fournies dans une ERM ont peu de valeur. Tous ces facteurs font que les décisions du gestionnaire des risques risquent de ne pas être appréciées à leur juste valeur.

• Les priorités différentes. Le but des médias est de sélectionner des sujets qui pourront faire l’actualité ou de faire en sorte qu’ils attirent les lecteurs, et les journalistes qui ont une expérience des questions scientifiques complexes et des incertitudes sont relativement peu nombreux. D’où des inexactitudes dans les reportages des medias non spécialisés et dans les idées préconçues du public. Les gestionnaires et les évaluateurs des risques ne sont généralement pas suffisamment familiarisés avec les médias pour surmonter ces problèmes ou qualifiés en communication pour savoir comment opérer avec les journalistes de manière à améliorer la qualité et la précision de leurs reportages.

• L’importance de l’écoute . Sans être à l’écoute du public – et par conséquent aussi des membres individuels d’un public visé - aucun communicateur ne peut espérer comprendre comment donner aux gens les informations qu’ils veulent, au niveau qui convient, et qu’ils sont disposés à entendre.

• La confiance. La confiance est peut être une des questions les plus importantes. Des études ont montré que les informations provenant de sources dignes de confiance ont beaucoup plus de chances d’être crues que celles émanant de sources peu fiables. Malheureusement, les mêmes études indiquent généralement que les représentants des gouvernements et les experts désignés par les gouvernements sont parmi les sources qui suscitent le plus la méfiance. Or ce sont bien entendu ceux qui interviennent le plus souvent dans une ERM et dans la communication sur les risques. En revanche, les médias, ou tout au moins les quotidiens ou les émissions qui ont une image de qualité ont plus de probabilités d’être crus. Les communicateurs des risques gouvernementaux ont donc intérêt à faire passer leurs messages par des médias appropriés, mais cela suppose qu’ils aient au préalable développé des relations de travail étroites avec eux. Cela peut être facilité par des réunions et des discussions périodiques informelles, pour « apprendre à se connaître ».

8.5 Examen par le public

Pour établir la crédibilité et la légitimité d’une évaluation des risques, l’examen par des experts est important (voir la Section 6.10.2), mais il faut aussi donner au public de réelles possibilités de s’exprimer. L’opinion publique peut être sollicitée à divers stades d’une évaluation des

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120 La communication sur les risques dans la caractérisation des risques

risques, tels que la formulation initiale du problème, l’acquisition des données et l’examen. Les procédures classiques consistant à publier un avis public pour obtenir des commentaires, uniquement à la fin du processus, peuvent être inappropriées pour instaurer la confiance et mobiliser la coopération des parties prenantes. L’examen des résultats par le public permet à toutes les parties prenantes d’une évaluation des risques de faire un examen critique des hypothèses formulées et de leur impact sur les résultats de l’évaluation. Il leur permet en outre de déterminer dans quelle mesure les conclusions de l’évaluation des risques peuvent vraiment aider le gestionnaire des risques à prendre une décision spécifique, et d’évaluer l’incidence des options de gestion des risques sur les aspects sociaux, économiques, religieux, éthiques et autres (FAO/OMS, 1998).

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Annexe 1 La présente annexe vient à l’appui du Chapitre 7, « Liens entre l’évaluation des risques et l’analyse économique ». La Figure A1 est un arbre générique des conséquences des maladies que l’équipe d’évaluation des risques peut utiliser pour visualiser les différents résultats pour la santé humaine consécutifs à une exposition à un pathogène présent dans un aliment. Le Tableau A1 recense les pathogènes d’origine alimentaire et leurs complications possibles qui couvrent toute une gamme d’issues, tels que paralysie, insuffisance rénale, débilité mentale, septicémie et arthrite. De nombreux pathogènes d’origine alimentaire figurent sur cette liste, ce qui donne à penser que de nombreuses maladies transmises par les aliments sont susceptibles de complications.

Le Tableau A2 récapitule les différents coûts économiques qui peuvent être pris en compte dans une analyse coûts-avantages. Ceux que l’on choisit d’inclure sont fonction du type d’analyse coûts-avantages. Il est important de bien définir le type d’intervention et d’avoir une compréhension claire des coûts qui entrent dans les catégories de coûts-avantages. Par exemple, une entreprise qui met en place un programme de sécurité sanitaire des aliments amélioré et réduit la concentration de pathogènes dans des aliments, pourrait voir ses coûts compensés par des gains en termes : d’augmentation de la durée de conservation du produit ; de réduction des retours de produits, des primes d’assurance, du nombre de plaintes concernant les produits, du risque de rappels des produits en raison de maladies d’origine alimentaire ; voire d’augmentation de ses ventes au fil du temps. Ces avantages pourraient compenser les coûts de son nouveau programme de sécurité sanitaire des aliments. L’analyse économique cherche à identifier et à comparer la valeur actuelle des avantages nets et des coûts nets pour toutes les parties concernées par l’intervention publique ou privée.

Figure A1. Arbre générique des conséquences des maladies (adapté de Prüss et Havelaar, 2001).

Com plications

Expos ition

Pas d’infec tion

Infection

Porteur sain

Maladie

aiguë

Décèsth

Symptôm es

résiduels

Guérison com plète

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 129

Tableau A1 Complications chroniques associées à des pathogènes d’origine alimentaire.

Infections bactériennes et parasitaires transmises par les aliments

Complications/séquelles

Infections bactériennes

Entérite à Aeromonas hydrophila Bronchopneumonie, cholécystite

Brucellose Aortite, orchi-épididymite, méningite, péricardite, spondylite

Campylobactériose Arthrite, cardite, cholécystite, colite, endocardite, érythème noueux, syndrome de Guillain-Barré, syndrome hémolytique et urémique , méningite, pancréatite, septicémie

Entérite à Escherichia coli (types EHEC)

Érythème noueux, syndrome hémolytique et urémique, arthropathie séronégative, purpura thrombocytopénique

Fièvre Q Endocardite, hépatite granulomateuse

Salmonellose Aortite, cholécystite, colite, endocardite, orchi-épididymite, méningite, myocardite ostéomyélite, pancréatite, maladie de Reiter, syndromes rhumatoïdes, septicémie, abcès spléniques, thyroïdite, arthrite septique (personnes atteintes de drépanocytose)

Shigellose Érythème noueux, syndrome hémolytique et urémique, neuropathie périphérique, pneumonie, maladie de Reiter, septicémie, abcès spléniques, synovite

Entérite à Vibrio parahaemolyticus Septicémie

Yersiniose Arthrite, cholangite, érythème noueux, abcès du foie et abcès splénique, lymphadénite, pneumonie, pyomyosite, maladie de Reiter, septicémie, spondylite, maladie de Still

Infections parasitaires

Cryptosporidiosea Diarrhée grave, prolongée et parfois fatale

Giardiasea Cholangite, dystrophie, symptômes articulaires, hyperplasie lymphoïde

Téniasis Arthrite, cysticercose (T. solium)

Toxoplasmose Encéphalite et autres maladies du système nerveux central, pancardite, polymyosite

Trichinose Dysfonctionnement cardiaque, séquelles neurologiques

NOTES: a) D’origine hydrique. SOURCE: Foegeding et Roberts, 1994.

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130 Annexe 1

Tableau A2 Exemples de coûts pour la société de maladies d’origine alimentaire impliquant une zoonose.

Coûts pour les individus et les ménages1

Coûts médicaux Visites médicales

Dépenses de laboratoires

Hospitalisation ou maison de repos

Médicaments et autre traitements

Ambulance ou autres frais de déplacement

Perte de revenu ou de productivité pour les personnes malades ou décès

Dispensateur de soins pour les personnes malades

Frais de déplacement pour se rendre auprès des malades Autres coûts de la maladie

Modifications du logement

Rééducation physique ou professionnelle

Frais de garde des enfants

Programmes éducatifs spéciaux

Soins en établissement

Temps de loisir perdu

Souffrance et autres coûts psychologiques

Coûts des maladies humaines

Coûts psychologiques

Aversion pour le risque

Coûts du temps supplémentaire de nettoyage ou de cuisson

Coût supplémentaire de réfrigérateur, congélateur, etc.

Changements du goût par rapport aux recettes traditionnelles (en particulier, plats à base de viande, de lait, d’œufs)

Coûts du comportement préventif

Augmentation des coûts alimentaires, si l’on achète des produits plus chers mais plus sûrs

Coûts pour les industries2

Morbidité et mortalité des animaux dans les exploitations

Réduction du taux de croissance ou de l’efficience alimentaire et augmentation du temps de mise sur le marché

Coûts de l’élimination des animaux contaminés dans les exploitations ou dans les abattoirs

Augmentation du parage ou du retraitement à l’abattoir ou à l’usine de transformation

Maladie chez les travailleurs du fait de la manutention d’animaux ou de produits contaminés

Impact des pathogènes sur les coûts de production animale

Détérioration accrue de produits carnés du fait de la contamination par les pathogènes

Nouvelles pratiques agricoles (stabulation séparée en fonction de l’âge, produits d’alimentation animale stérilisés, etc.)

Modification des modes de transport et de commercialisation (systèmes d’identification des animaux, alimentation, abreuvement)

Nouvelles procédures d’abattage (lavage des peaux, stérilisation des couteaux et des carcasses)

Nouvelles procédures de transformation (tests pour la détection des pathogènes, exigences en matière d’achats à forfait)

Modification du transport des produits (utilisation accrue d’indicateurs temps et température)

Nouvelles pratiques de vente en gros et au détail (tests pour la détection des pathogènes, formation du personnel, et procédures)

Coûts de la maîtrise des pathogènes à tous les maillons de la chaîne alimentaire2:

Modélisation de l’évaluation des risques, par industrie, pour tous les maillons de la chaîne alimentaire

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 131

Incitation par les prix pour les produits à teneur réduite en pathogène à chaque maillon de la chaîne alimentaire

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132 Annexe 1

Coûts pour les industries2 (suite)

Abattage des troupeaux/rappel des produits

Fermeture et nettoyage des usines

Amendes réglementaires

Action en responsabilité du fait des produits intentées par des consommateurs et d’autres entreprises3

Produit animal générique – toutes les entreprises sont touchées Baisse de la demande des produits du fait de l’épidémie

Réduction pour des entreprises spécifiques au niveau de la vente en gros ou au détail

Publicité ou assurances aux consommateurs accrues après une épidémie

Coûts des épidémies

Impact des épidémies sur le tourisme

Coûts règlementaires et coûts pour le secteur de la santé publique

Contrôler l’incidence et la gravité des maladies humaines dues à des pathogènes présents dans les aliments

Contrôler l’incidence des pathogènes dans la chaîne alimentaire

Coûts de surveillance de la maladie pour

Élaborer une base de données intégrées « de la ferme à la table » pour les pathogènes d’origine alimentaire

Identifier de nouveaux pathogènes d’origine alimentaire responsables de maladies humaines aiguës et chroniques

Définir les produits et les pratiques de production et de consommation à haut risque

Identifier quels sont les consommateurs à haut risque pour quels pathogènes

Mettre au point des tests de dépistage des pathogènes moins chers et plus rapides

Recherche pour

Modéliser l’évaluation des risques pour tous les maillons de la chaîne alimentaire

Coûts des enquêtes épidémiologiques

Tests pour circonscrire une épidémie (par exemple, épreuve sérologique et administration d’anticorps aux personnes exposées à l’hépatite A)

Coûts de nettoyage

Coûts des épidémies

Actions légales pour faire respecter les réglementations qui auraient été enfreintes3

Effets distributifs dans les différentes régions, industries, etc. Autres considérations

Considérations d’équité, telles que inquiétude particulière pour les enfants

NOTES: 1) L’estimation de la propension à payer (WTP) pour réduire les risques de maladies d’origine alimentaire est une estimation complète de toutes ces catégories (en supposant que l’individu a inclus dans ses estimations un congé maladie financé par l’employeur et des programmes médicaux). L’estimation couvre la réduction des risques pour toutes les personnes exposées, qu’elles tombent malades ou non. 2) Certains coûts pour les industries peuvent diminuer avec l’amélioration de la maîtrise des pathogènes (par exemple, réduction de la détérioration des produits, augmentation possible de la durée de conservation des produits, et durée de conservation allongée permettant l’expédition vers des marchés plus éloignés, ou abaissement des coûts d’expédition vers des marchés de proximité. 3) En additionnant les coûts, il faut veiller à ce que les coûts de responsabilité du fait des produits pour les entreprises ne soient pas déjà inclus dans le Pretium Doloris estimé pour les individus. Toutefois, les frais juridiques et judiciaires encourus par toutes les parties sont des coûts sociaux. SOURCE: D’après Buzby et Roberts, 1997.

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Caractérisation des risques liés aux dangers microbiologiques d’origine alimentaire 133

Références

Buzby, J.C. & Roberts, T. 1997. Economic costs and trade impacts of food borne illness. World Health Statistics Quarterly, 50: 57–66.

Foegeding, P.M. & Roberts, T. 1994. Food borne Pathogens: Risks and Consequences. Prepared by the Co-chairs, Council for Agricultural Science and Technology Task Force. Ames, USA: Council for Agricultural Science and Technology. 87 p.

Prüss, A. & Havelaar, A.H. 2001. The global burden of disease: study and applications in water, sanitation and hygiene. pp. 43–60, in: L. Fewtrell and J. Bartram (editors). Water Quality: Guidelines, Standards & Health: Risk assessment and management for water-related infectious disease. Londres, RU: IWA Publishing.

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SÉRIE FAO/OMS SUR L’ÉVALUATION DES RISQUES MICROBIOLOGIQUES

1 Évaluation des risques liés à Salmonella dans les œufs et les poulets de chair : Résumé interprétatif, 2002

2 Évaluation des risques liés à Salmonella dans les œufs et les poulets de chair, 2002

3 Caractérisation des dangers liés à la présence de pathogènes dans les aliments et dans l’eau : Directives, 2003

4 Évaluation des risques liés à Listeria monocytogenes dans les aliments prêts à consommer : Résumé interprétatif, 2004

5 Évaluation des risques présentés par Listeria monocytogènes dans les aliments prêts à consommer: Synthèse, 2004

6 Enterobacter sakazakii et autres microorganismes présents dans les préparations en poudre pour nourrissons : Rapport de la réunion, 2004

7 Évaluation de l’exposition aux dangers microbiologiques dans les aliments : Lignes directrices, 2008

8 Évaluation du risque de Vibrio vulnificus dans les huîtres crues: Résumé interprétatif et rapport technique, 2005

9 Évaluation du risque de Vibrio cholerae O1 et O139 dans les crevettes tropicales faisant l’objet du commerce international est maintenant publiée: Résumé interprétatif et rapport technique, 2005

10 Enterobacter sakazakii et Salmonella dans les préparations en poudre pour nourrissons: Rapport de la réunion, 2006

11 Évaluation du risque de Campylobacter spp. dans les poulets de chair: Résumé interprétatif, 2008

12 Évaluation du risque de Campylobacter spp. dans les poulets de chair: Rapport technique, 2008

13 Virus dans l'alimentation: avis scientifiques pour soutenir la gestion des risques: Rapport de la réunion, 2008

14 Dangers microbiologiques dans les fruits et légumes frais: Rapport d'une réunion, 2008

15 Enterobacter sakazakii dans les préparations de suite: Rapport d'une réunion, 2008

16 L’évaluation du risque de Vibrio cholerae parahaemolyticus dans le produits de la mer: Résumé interprétatif et rapport technique, 2009

17 Directives sur la caractérisation des risques: Directives, 2009.