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Caractérisation des chutes de litière et des apports au sol en nutriments dans une mangrove de Guyane française Jean Luc Betoulle, François Fromard, André Fabre et Henri Puig Résumé : Les auteurs ont mesuré les chutes de litière et les apports au sol en nutriments d’une mangrove de Guyane française dans laquelle cinq faciès sont distingués selon leur distance à la mer, leur composition floristique (Laguncula- ria racemosa (L.) Gaertner f., Avicennia germinans (L.) Stearn, Rhizophora spp.) et leurs caractéristiques structurales. Les résultats sont analysés en fonction des faciès et des espèces pour les litières, ainsi que des saisons pour les nutri- ments. La mangrove produit respectivement 8,8 et 8,7 t ha –1 a –1 de litière pour les stades pionnier et sénescent soumis à des contraintes écologiques fortes, et 12,5 et 12,6 t ha –1 a –1 pour les stades jeune et adulte où les conditions de déve- loppement sont optimales. Les apports en azote et carbone sont évalués respectivement à 1,3 × 10 –2 et 6,4 t ha –1 a –1 . La litière s’avère riche en phosphore, ce qui est en accord avec les fortes teneurs en cet élément caractérisant les sédi- ments. Pour une espèce donnée, les concentrations de magnésium et de calcium sont stables d’un faciès à l’autre, alors que celles du potassium et du sodium varient selon l’influence maritime. Des différences apparaissent entre espèces pour tous les éléments à l’exception du sodium. Les résultats sont discutés en fonction des caractéristiques écophysio- logiques des palétuviers et des particularités sédimentologiques de la côte guyanaise et sont replacés dans la perspec- tive d’une meilleure connaissance des bilans carbonés et minéraux des écosystèmes côtiers tropicaux. Mots clés : mangrove, Guyane française, litière, bilan carboné, éléments minéraux, variations spatiales. Abstract: Litter falls and their contributions to soil nutriments were measured in five distinct facies of a mangrove in French Guyana. These facies were characterized by their distance from the sea, their floral composition (Laguncularia racemosa (L.), Avicennia germinans (L.) Stearn, Rhizophora spp.), and their structural features. Data were analyzed ac- cording to facies and to species for litters, as well as to seasons for the nutriments. This mangrove produced respec- tively 8.8 and 8.7 t·ha –1 ·year –1 of litter at the pioneer and senescent stages submitted to strong environmental constraint and 12.5 and 12.6 t·ha –1 ·year –1 for young and mature stages where developmental conditions are optimum. Nitrogen and carbon inputs were estimated to 1.3 × 10 –2 and 6.4 t·ha –1 ·year –1 , respectively. Litter appeared rich in phosphorous, corresponding with the high concentrations characterizing the sediments. For a given species, magnesium and calcium concentrations were constant between facies, whereas potassium and sodium concentrations varied according to the dis- tance from the sea. Differences were perceived between species for all nutriments except sodium. Results are discussed in relation with the ecophysiological characteristics of the mangrove trees and the specific sedimentology of Guyana coast and are replaced in the perspective of an improved knowledge of the carbon and mineral balances in tropical coastal ecosystems. Key words: mangrove, French Guyana, litter, carbon balance, mineral nutriments, spatial variations. [Journal translation] Betoulle et al. 249 Introduction L’importance écologique de la mangrove dans les régions intertropicales est attestée par de nombreux travaux montrant la forte productivité de cet écosystème (Boto et Bunt 1981), sa place essentielle dans les chaînes trophiques côtières (Lugo et al. 1980; Lee 1995) et son rôle dans le métabolisme carboné des écosystèmes littoraux (Twilley et al. 1992; Gattuso et al. 1998). C’est par le suivi de la production de litière et des apports en éléments minéraux au milieu que cette question est le plus souvent abordée. Parmi les travaux récents dans ce do- maine, on peut citer, pour l’aire occidentale des mangroves, ceux de Medina et al. (1995) et Day et al. (1996) au Mexique, de Chale (1996) pour la Guyana, de Twilley et al. (1997) pour l’Équateur et d’Imbert et Ménard (1997) pour la Martinique. Au Brésil, outre les publications de Lacerda et al. (1985, 1986) sur la teneur en éléments minéraux des feuilles de palétuviers, il faut noter celles de Sessegolo et Lana (1991) sur la décomposition des litières et de Silva et al. (1998) sur la dynamique du phosphore dans ces proces- sus. Concernant l’aire orientale des mangroves, Slim et al. (1996) ont publié récemment des données pour le Kenya, et Wafar et al. (1997) pour la Malaisie. Can. J. Bot. 79: 238–249 (2001) © 2001 CNRC Canada 238 DOI: 10.1139/cjb-79-2-238 Reçu le 11 août 1999. Publié sur le site web des Presses scientifiques du CNRC le 19 février 2001. J.L. Betoulle. Institut de recherche pour le développement, B. P. 165, 97 323 Cayenne CEDEX, Guyane française. F. Fromard 1 , A. Fabre et H. Puig. Laboratoire d’écologie terrestre, Unité mixte de recherche, Centre national de la recherche scientifique – UPS, 13, avenue du Colonel Roche, B. P. 4072, 31 029 Toulouse CEDEX 4, France. 1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

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Page 1: Caractérisation des chutes de litière et des apports au sol en nutriments dans une mangrove de Guyane française

Caractérisation des chutes de litière et desapports au sol en nutriments dans une mangrovede Guyane française

Jean Luc Betoulle, François Fromard, André Fabre et Henri Puig

Résumé: Les auteurs ont mesuré les chutes de litière et les apports au sol en nutriments d’une mangrove de Guyanefrançaise dans laquelle cinq faciès sont distingués selon leur distance à la mer, leur composition floristique (Laguncula-ria racemosa(L.) Gaertner f.,Avicennia germinans(L.) Stearn,Rhizophoraspp.) et leurs caractéristiques structurales.Les résultats sont analysés en fonction des faciès et des espèces pour les litières, ainsi que des saisons pour les nutri-ments. La mangrove produit respectivement 8,8 et 8,7 t ha–1 a–1 de litière pour les stades pionnier et sénescent soumisà des contraintes écologiques fortes, et 12,5 et 12,6 t ha–1 a–1 pour les stades jeune et adulte où les conditions de déve-loppement sont optimales. Les apports en azote et carbone sont évalués respectivement à 1,3 × 10–2 et 6,4 t ha–1 a–1.La litière s’avère riche en phosphore, ce qui est en accord avec les fortes teneurs en cet élément caractérisant les sédi-ments. Pour une espèce donnée, les concentrations de magnésium et de calcium sont stables d’un faciès à l’autre, alorsque celles du potassium et du sodium varient selon l’influence maritime. Des différences apparaissent entre espècespour tous les éléments à l’exception du sodium. Les résultats sont discutés en fonction des caractéristiques écophysio-logiques des palétuviers et des particularités sédimentologiques de la côte guyanaise et sont replacés dans la perspec-tive d’une meilleure connaissance des bilans carbonés et minéraux des écosystèmes côtiers tropicaux.

Mots clés: mangrove, Guyane française, litière, bilan carboné, éléments minéraux, variations spatiales.

Abstract: Litter falls and their contributions to soil nutriments were measured in five distinct facies of a mangrove inFrench Guyana. These facies were characterized by their distance from the sea, their floral composition (Lagunculariaracemosa(L.), Avicennia germinans(L.) Stearn,Rhizophoraspp.), and their structural features. Data were analyzed ac-cording to facies and to species for litters, as well as to seasons for the nutriments. This mangrove produced respec-tively 8.8 and 8.7 t·ha–1·year–1 of litter at the pioneer and senescent stages submitted to strong environmental constraintand 12.5 and 12.6 t·ha–1·year–1 for young and mature stages where developmental conditions are optimum. Nitrogenand carbon inputs were estimated to 1.3 × 10–2 and 6.4 t·ha–1·year–1, respectively. Litter appeared rich in phosphorous,corresponding with the high concentrations characterizing the sediments. For a given species, magnesium and calciumconcentrations were constant between facies, whereas potassium and sodium concentrations varied according to the dis-tance from the sea. Differences were perceived between species for all nutriments except sodium. Results are discussedin relation with the ecophysiological characteristics of the mangrove trees and the specific sedimentology of Guyanacoast and are replaced in the perspective of an improved knowledge of the carbon and mineral balances in tropicalcoastal ecosystems.

Key words: mangrove, French Guyana, litter, carbon balance, mineral nutriments, spatial variations.

[Journal translation] Betoulle et al. 249

Introduction

L’importance écologique de la mangrove dans les régionsintertropicales est attestée par de nombreux travaux montrantla forte productivité de cet écosystème (Boto et Bunt 1981),sa place essentielle dans les chaînes trophiques côtières(Lugo et al. 1980; Lee 1995) et son rôle dans le métabolisme

carboné des écosystèmes littoraux (Twilley et al. 1992;Gattuso et al. 1998).

C’est par le suivi de la production de litière et des apportsen éléments minéraux au milieu que cette question est leplus souvent abordée. Parmi les travaux récents dans ce do-maine, on peut citer, pour l’aire occidentale des mangroves,ceux de Medina et al. (1995) et Day et al. (1996) auMexique, de Chale (1996) pour la Guyana, de Twilley et al.(1997) pour l’Équateur et d’Imbert et Ménard (1997) pour laMartinique. Au Brésil, outre les publications de Lacerda etal. (1985, 1986) sur la teneur en éléments minéraux desfeuilles de palétuviers, il faut noter celles de Sessegolo etLana (1991) sur la décomposition des litières et de Silva etal. (1998) sur la dynamique du phosphore dans ces proces-sus. Concernant l’aire orientale des mangroves, Slim et al.(1996) ont publié récemment des données pour le Kenya, etWafar et al. (1997) pour la Malaisie.

Can. J. Bot.79: 238–249 (2001) © 2001 CNRC Canada

238

DOI: 10.1139/cjb-79-2-238

Reçu le 11 août 1999. Publié sur le site web des Pressesscientifiques du CNRC le 19 février 2001.

J.L. Betoulle. Institut de recherche pour le développement,B. P. 165, 97 323 Cayenne CEDEX, Guyane française.F. Fromard1, A. Fabre et H. Puig. Laboratoire d’écologieterrestre, Unité mixte de recherche, Centre national de larecherche scientifique – UPS, 13, avenue du Colonel Roche,B. P. 4072, 31 029 Toulouse CEDEX 4, France.

1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]).

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Page 2: Caractérisation des chutes de litière et des apports au sol en nutriments dans une mangrove de Guyane française

En Guyane française, l’étude de la mangrove a d’abordété descriptive (Lescure 1977; Lescure et Tostain 1989). Nospropres travaux ont concerné la structure et le fonctionne-ment de la mangrove (Fromard et al. 1996; Betoulle 1998) etle cycle du phosphore dans cet écosystème (Fabre et al.1998). Plusieurs scénarios d’évolution ont été proposés, pre-nant en compte les paramètres mesurés sur le terrain (Fro-mard et al. 1998) et les données de télédétection (Mougin etal. 1999; Proisy et al. 2000).

La dynamique particulière du littoral guyanais, soumis àun cycle d’érosion–accrétion lui-même lié au système dedispersion des alluvions amazoniennes (Prost 1990), confèreà la mangrove de cette région une grande instabilité. Lastructure et le fonctionnement de cet écosystème diffèrent enGuyane et dans les régions voisines, Antilles (Imbert et Mé-nard 1997) et nord du Brésil notamment (Schaeffer-Novelliet al. 1990), où il est constitué pourtant du même stock flo-ristique. Par exemple, la colonisation des bancs de vase enfront de mer est effectuée en Guyane par leLagunculariaracemosa(L.) Gaertner f. et l’Avicennia germinans(L.)Stearn, espèces rarement pionnières dans les mangroves dudomaine atlantique, où ce rôle est généralement tenu par lesRhizophoraspp.

L’étude présentée ici s’inscrit dans le prolongement de cestravaux. Elle vise à évaluer la production de litière d’unemangrove d’estuaire et sa composition en éléments minérauxen fonction des espèces de palétuviers présentes et des facièsqu’ils constituent. Il a été montré par ailleurs (Saenger etSnedaker 1993) que la production primaire diminuait le longd’un gradient hydrodynamique, depuis les mangroves soumi-ses à l’emprise quotidienne des marées jusqu’aux mangrovesintérieures moins fréquemment inondées. Il nous est doncapparu important de prendre en compte une succession defaciès de mangrove qui subissent de façon différente l’actiondes marées.

Les variations saisonnières des chutes de litière et leurscorrélations avec les paramètres climatiques sont étroitementliées à la phénologie et à la physiologie des espèces. Cettequestion ne sera pas abordée ici. De même, les variationssaisonnières des éléments minéraux ne seront analysées queglobalement (saison sèche, saison des pluies).

Matériel et méthodes

Contexte climatiqueDeux périodes climatiques principales se distinguent en

Guyane : une saison sèche de 3 à 4mois entre août et novembre,une saison des pluies de 8 à 9 mois dedécembre à juillet. Cettedernière est interrompue par une période moins pluvieuse ou « pe-tite saison sèche » (mars–avril). La pluviométrie annuelle moyenne(calculée sur 44 ans) est de 2933 mm, et les températures moyen-nes pour la même période sont de 32°C (maxima) et 21,6°C (mi-nima). Le climat guyanais est ainsi de type équatorial, caractérisépar de grandes irrégularités interannuelles dans la répartition etl’intensité des précipitations.

Caractérisation des maréesLa durée et la hauteur d’immersion par les eaux de mer sont des

paramètres essentiels pour le fonctionnement de la mangrove. En

Guyane celles-ci sont de type semi-diurne régulière, avec deuxpleines mers et deux basses mers sur 25 h. Le marnage moyenpour notre site d’étude est de 1,25 m pour les fortes marées (vives-eaux) et de 0,60 m pour les faibles marées (mortes-eaux) (Betoulle1998). Les hauteurs d’eau caractérisant chaque faciès sont indi-quées ci-après. La salinité des eaux marines côtières est inférieureà 35‰, sous l’influence des eaux douces apportées par les fleuvesguyanais et, surtout, par l’Amazone.

Description du site d’étudeDans la mangrove du marais Leblond (embouchure de la rivière

de Cayenne, 4° 55′ de latitude nord; 52° 21′ de longitude ouest,fig. 1), les différents faciès représentatifs de cet écosystème enGuyane se succèdent du front de mer vers l’intérieur des terres.Chacun se caractérise par une composition floristique, une struc-ture et une dynamique propres. Une étude préalable (Betoulle1998) sur ce site a porté sur l’analyse structurale de 16 placettes de20 m × 20 m,espacées de 100 m le long d’un transect perpendicu-laire au rivage. Les cinq faciès ainsi définis, et dont les caractéristi-ques structurales sont présentées au tableau 1, sont les suivants :1. Un faciès pionnier, dense et homogène, développé en front de

mer sur des vases marines peu consolidées. LeL. racemosadomine, associé à l’A. germinans.

2. Un faciès jeune, à 200 m du rivage. LesRhizophoraspp.2 ysont les espèces les plus abondantes, aux côtés duL. race-mosaet de l’A. germinans, cette dernière espèce dominant entermes de diamètre moyen et d’aire basale. Notons que ce fa-ciès est le seul dans lequel les trois espèces de palétuvierssont simultanément présentes et participent d’une façon signi-ficative à la structure du peuplement. C’est donc également leseul faciès dont la litière sera constituée par ces trois espèces.

3. Un faciès adulte, à 500 m du front de mer, dominé en densitépar lesRhizophoraspp., alors que les individus de l’A. germi-nansont un diamètre moyen beaucoup plus élevé. LeL. race-mosaest très rare dans ce peuplement et représenté par desindividus dispersés et dépérissants (Fromard et al. 1998).Cette espèce ne se retrouvera pas ainsi dans les litières collec-tées dans ce faciès.

4. Un faciès âgé àRhizophora spp. dominant, développé à1000 m du rivage et associé aux criques secondaires alimen-tées régulièrement en eau douce. LeL. racemosaa disparu.La hauteur de la canopée et la densité sont peu différentes decelles du faciès précédent.

5. Un faciès sénescent, situé à 1200 m de la mer. Plus de 30%des A. germinanssont morts sur pied et le peuplement, dedensité globale (individus vivants) très faible, est dominé pardesA. germinansde fort diamètre.

La submersion par les marées différencie aussi ces faciès situésà une distance croissante du front de mer : les faciès 1 et 2 sont at-teints par toutes les marées hautes, avec une hauteur d’eau maxi-male de 1 m et unedurée d’ennoiement de 6 à 9 h par jour; lesfaciès 3 et 4 ont une hauteur d’eau maximale de 0,30 cm pendant 2à 3 h par jour, le débordement fréquent des criques venant cepen-dant perturber ce rythme. Le faciès sénescent 5, hors d’atteinte desmarées quotidiennes, est affecté en saison des pluies par le débor-dement des marais d’eau douce d’arrière-mangrove.

Chute de litièreSaenger et Snedaker (1993) ont défini quatre critères indispensa-

bles à respecter pour l’étude des chutes de litière :1. Tous les constituants végétaux de la litière doivent être pris

en compte et non pas uniquement la fraction foliaire.2. La hauteur des peuplements et la latitude du site doivent être

indiquées.

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Betoulle et al. 239

2. Deux espèces sont présentes dans la mangrove étudiée : leRhizophora racemosaG.F.W. Meyer, dominant, et leRhizophora mangleL., plusrare. Dans l’analyse des litières, elles n’ont pas été distinguées l’une de l’autre; elles ont été regroupées sous la désignationRhizophoraspp.

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3. Seules les données collectées sur une période d’au moins uneannée peuvent être représentatives de la mangrove.

4. Le nombre de collecteurs doit être compatible avec la variabi-lité. D’une façon générale, il doit être plus élevé dans lesfaciès adultes caractérisés par une certaine hétérogénéitéstructurale que dans les faciès pionniers et jeunes plus homo-gènes. Ce nombre peut être calculé de la façon suivante (Onget al. 1984) :

N = 4S2/D2X2

avecS2 et X respectivement la variance et la moyenne de l’échan-tillon et D, l’erreur relative.

Cinquante-six collecteurs de litière ont ainsi été installés dansles placettes définies pour l’analyse structurale, à 10 m au moinsles uns des autres et selon la répartition suivante : 5 dans le faciès

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Fig. 1. Localisation de la zone d’étude : mangrove du marais Leblond, embouchure de la rivière de Cayenne, Guyane française (4° 55′de latitude nord; 52° 20′ de longitude ouest).

FacièsDistance àla mer (m)

Densité(ha–1)

Diamètremoyen (cm)

Aire basale(m2 ha–1)

Hauteur de lacanopée (m)

1. Faciès pionnier 0 9025 23,8 7,2Avicennia germinans 2725 5,3 7,8Laguncularia racemosa 6300 5,3 16,02. Faciès jeune 200 5055 24,5 16,1Avicennia germinans 217 28,5 16,5Laguncularia racemosa 658 4,2 2,9Rhizophoraspp. 4180 6,1 5,23. Faciès adulte 500 625 28,2 20,2Avicennia germinans 108 48,1 21,3Laguncularia racemosa 25 5,6 0,1Rhizophoraspp. 492 11,5 6,84. Faciès âgé 1000 592 25,0 19,0Avicennia germinans 67 43,0 11,6Rhizophoraspp. 525 17,4 13,45. Faciès sénescent 1200 270 53,8 29,6 19,4Avicennia germinans 100 21,4 23,1Rhizophoraspp. 170 6,5

Tableau 1. Caractéristiques structurales des cinq faciès de la mangrove du marais Leblond.

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1; 10 dans le faciès 2; 9 dans le faciès 3; 16 dans le faciès 4; 16dans le faciès 5.

Chaque collecteur est constitué d’un cadre métallique carré(100 cm × 100 cm) sur lequel est fixé un filet (maille : 1 mm), nontendu pour éviter que le matériel ne rebondisse vers l’extérieur aumoment de la chute. Selon Snedaker et Snedaker (1984), la formedes collecteurs n’influe pas sur les résultats, et leur dimension doitêtre supérieure au double de celle des plus grands éléments récol-tés, qui sont ici les feuilles deRhizophoraspp. (20 cm au plus) etleurs fruits (30 cm au développement maximum des hypocotyles).Chaque collecteur est fixé sur pieds ou suspendu de façon à êtrehors d’atteinte des marées. La collecte s’effectue tous les 15 jours,pendant 24 mois (août 1994 – juillet 1996). Les échantillons sontplacés en salle sèche (T = 34°C, hygrométrie = 40%) jusqu’àl’obtention d’une masse constante (durée minimale : 15 jours).Chacun est pesé globalement puis trié par espèce (A. germi-nans, L. racemosa, Rhizophora spp.) et par fraction (feuilles,fleurs, fruits, bois). À chacune de ces étapes, nous avons vérifiéqu’aucun élément extérieur ne venait contaminer nos échantillons.

Quantification des apports au sol en nutriments par lalitière

Seule la fraction feuille a été prise en compte pour ces analyses :elle représente la part la plus abondante de la litière et la plus rapi-dement décomposable. Pour chaque faciès et chaque date de col-lecte, un échantillon aliquote de feuilles a été constitué pourchaque espèce, sur lequel les éléments suivants sont analysés : car-bone (méthode Anne), azote (méthode Kjeldahl), cations majeurs(Na, K, Ca, Mg : calcination sèche à 450°C puis dosage en spec-trophotométrie d’absorption), phosphore (colorimétrie).

Méthodes statistiquesTrois facteurs essentiellement interviennent sur les chutes de li-

tière et sur la teneur des feuilles en nutriments : l’espèce végétale,le faciès, l’époque de prélèvement (saison). Afin d’évaluer leur in-fluence respective sur la variabilité, leurs effets et celui de leurs in-teractions ont été testés par des analyses de variance. Certainesespèces végétales n’étant pas présentes dans certains faciès (Rhizo-phora spp. dans le faciès pionnier, par exemple), nous avonschoisi d’utiliser la procédure GLM (General linear model), laquellepermet de traiter des tableaux comportant des cellules vides (frac-tional factorial design, Systat 8.0 (1998)). L’homogénéité des va-riances a été vérifiée par le test de Levene, la normalité des résidusa été appréciée visuellement et évaluée à l’aide du test de Lilliefors(1967). Les comparaisons des moyennes deux à deux ont été faitespar le test de Bonferroni, lequel est donné comme étant plus effi-cace que le test de Tuckey lorsque le nombre de paires de moyen-nes à comparer est faible. Lorsque les conditions d’utilisation del’analyse des variances n’étaient pas réalisées, nous avons re-cherché une transformation appropriée en utilisant la méthode deHealy et Taylor (1962) ou celle de Box et Cox (1964). Lors-qu’aucune transformation ne parvenait à stabiliser les variances, lescomparaisons des moyennes par paires ont été faites avec le test deTamhane (Hochberg et Tamhane 1987). Dans certains cas, nousavons utilisé en complément des méthodes non paramétriques. Larecherche de données extrêmes a été effectuée de façon graphiquepar analyse des « boîtes à moustaches » et, statistiquement, parexamen des résidus « studentisés ». Lorsque les variances intra-groupes étaient statistiquement homogènes, le calcul des erreurstypes des moyennes a été fait en utilisant le carré moyen del’erreur des ANOVA comme estimation de la variance. Enfin, dansla majorité des cas, nous avons procédé à des estimations demoyennes en utilisant la méthode de l’amorce (bootstrap) et com-paré celles-ci aux moyennes arithmétiques.

Trois logiciels ont été utilisés de façon complémentaire :SYSTAT (1998), SPSS (1994) et SIGMASTAT (1997). Aucun

n’offrait à lui seul toutes les fonctionnalités dont nous avions be-soin.

Résultats

Production de litièreL’analyse de variance a mis en évidence l’existence d’un

effet significatif du faciès sur la litière totale et sur chacundes compartiments qui la compose, toutes espèces confon-dues et pour chacune d’entre elles considérée séparément (àl’exception des fruits de l’A. germinans). Le facteur saisonainsi que l’interaction faciès × saison, que nous ne prendronspas en considération, ne sont pas toujours significatifs (ta-bleau 2).

Les valeurs moyennes des masses de litière par espèce, fa-ciès et compartiment, exprimées en tonnes de matière sèchepar hectare et par an, sont reportées au tableau 3. Les résul-tats concernant les litières totales par espèce et par facièssont obtenus à partir des moyennes des pesées des litières to-tales (ensemble des compartiments) et du calcul des erreurstypes sur ces moyennes.

Variations stationnellesLes masses de litière totale apportées au sol augmentent

significativement le long du transect, du faciès pionnier(8,8 t ha–1 a–1) aux faciès jeune (12,5 t ha–1 a–1) et adulte(12,6 t ha–1 a–1), puis décroissent jusqu’aux faciès âgé(11,2 t ha–1 a–1) et sénescent (8,7 t ha–1 a–1). Cette tendanceglobale se retrouve pour la plupart des apports partiels de litière.

Ce sont ainsi dans les faciès jeune et adulte que les ap-ports en feuilles (respectivement 8,3 et 8,1 t ha–1 a–1) sontles plus importants et dans les mangroves pionnière et sénes-cente qu’ils sont les plus faibles. Les apports en fleurs sui-vent la même évolution, avec un maximum de 0,9 t ha–1 a–1

pour le faciès adulte. Le faciès âgé correspond par contreaux masses de fruits reçues les plus élevées (2,4 t ha–1 a–1) etles apports ligneux fluctuent entre les faciès, avec une valeurmaximum pour le stade adulte (1,5 t ha–1 a–1).

Variations par espèceL’ A. germinans, seule espèce présente dans les cinq faciès,

se retrouve dans toutes les litières, avec un apport maximumdans le faciès adulte, pour la litière totale (7,2 t ha–1 a–1) etpour chacune de ses fractions. C’est dans le faciès âgé queles apports foliaires sont les plus faibles, et dans le facièspionnier pour les fleurs et les fruits.

Les Rhizophoraspp. sont absentes des peuplements etdes litières du faciès pionnier. C’est dans le faciès âgé queles apports de ces espèces à la litière sont les plus élevés(8,0 t ha–1 a–1); ils diminuent de moitié pour le facièssénescent.

Le L. racemosane participe d’une façon importante qu’à lalitière du faciès pionnier (5,2 t ha–1 a–1), ses apports sont trèsfaibles dans le faciès jeune et nuls pour les autres faciès danslesquels cette espèce est très rare (faciès adulte) ou absente.L’apport en fleurs n’a pas été différencié pour cette espèce.

Toutes fractions confondues et sur l’ensemble du transect,on constate donc que l’A. germinansest dominant dans leslitières des faciès jeune, adulte et dépérissant (plus de 50%de la litière totale). LeL. racemosaconstitue près de 60% dela litière du faciès pionnier et lesRhizophoraspp. dominent

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242 Can. J. Bot. Vol. 79, 2001

Source de variation SC dl CM F P

Totalité des espècesFeuillesSaison 60,76 1 60,76 231,18 0,000Faciès 56,61 4 14,15 53,84 0,000Interaction 1,54 4 0,38 1,46 0,212Erreur 284,91 1084 0,26FleursSaison 263,49 1 263,49 304,95 0,000Faciès 114,30 4 28,58 33,07 0,000Interaction 7,61 4 1,90 2,20 0,067Erreur 894,26 1035 0,86FruitsSaison 23,03 1 23,03 121,50 0,000Faciès 5,57 4 1,39 7,35 0,000Interaction 5,60 4 1,40 7,39 0,000Erreur 205,42 1084 0,19BoisSaison 1,82 1 1,82 8,76 0,003Faciès 2,01 4 0,50 2,43 0,046Interaction 1,48 4 0,37 1,78 0,130Erreur 224,58 1084TotalSaison 16,09 1 16,09 61,43 0,000Faciès 38,10 4 9,52 36,35 0,000Interaction 2,34 4 0,58 2,23 0,064Erreur 283,99 1084 0,26

Avicennia germinansFeuillesSaison 135,80 1 135,80 148,13 0,000Faciès 152,98 4 38,25 41,72 0,000Interaction 3,64 4 0,91 0,99 0,410Erreur 981,84 1071 0,92FleursSaison 13,85 1 1,85 358,88 0,000Faciès 4,88 4 1,22 31,61 0,000Interaction 0,36 4 0,09 2,35 0,052Erreur 41,85 1084 0,04FruitsSaison 23,76 1 23,76 36,38 0,000Faciès 5,47 4 1,37 2,10 0,079Interaction 4,89 4 1,22 1,87 0,113Erreur 707,98 1084 0,65FruitsSaison 0,24 1 0,24 3,63 0,057Faciès 4,84 4 1,21 18,57 0,000Interaction 0,72 4 0,18 2,77 0,026Erreur 70,66 1084 0,07TotalSaison 29,35 1 29,35 21,02 0,000Faciès 182,83 4 45,71 32,74 0,000Interaction 0,52 4 0,13 0,09 0,985Erreur 1513,25 1084

Rhizophoraspp.FeuillesSaison 24,60 1 24,06 77,63 0,000Faciès 58,21 3 19,40 62,61 0,000Interaction 0,96 3 0,32 1,03 0,378

Tableau 2. Résultats détaillés des analyses de variance sur les masses des litières totales, parcompartiment et par espèce, en fonction des facteurs faciès et saison.

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largement dans le faciès âgé (plus de 70%). Ces résultats tra-duisent, logiquement, les structures des peuplements corres-pondants.

Apports au sol en nutrimentsLes teneurs en carbone, azote et éléments minéraux ma-

jeurs sont examinées en fonction des espèces, des faciès etdes saisons (tableaux 4 et 5). L’analyse de variance préalablea mis en évidence l’effet significatif de chacun de ces facteurspour tous les éléments (tableau 6), à l’exception du sodium(pas d’effet espèce), du carbone et du magnésium (pas d’effetfaciès). Des interactions significatives n’apparaissent cepen-dant qu’entre les facteurs espèces et faciès, et seulement pour

le carbone, l’azote, le phosphore et le calcium. Il n’y a aucuneinteraction pour l’ensemble des éléments entre espèces et sai-son (à l’exception du calcium) et entre faciès et saison.

CarboneLes teneurs moyennes en carbone sont les plus élevées

pour l’A. germinans(50,9%), moins importantes chez lesRhizophoraspp. (47,2%) et nettement plus faibles dans lesfeuilles deL. racemosa(42,9%). Si l’on ne prend en compteque le faciès dans lequel ces trois espèces sont simultané-ment présentes (faciès jeune), les résultats sont très proches(respectivement, 51,9, 47,1 et 40,9%). Les variations entrefaciès ne sont pas significatives pour cet élément.

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Betoulle et al. 243

Source de variation SC dl CM F P

Erreur 303,70 980 0,31FleursSaison 0,60 1 0,60 59,63 0,000Faciès 0,72 3 0,24 23,85 0,000Interaction 0,09 3 0,03 2,99 0,030Erreur 9,90 980 0,01FruitsSaison 7,31 1 7,31 24,55 0,000Faciès 6,60 3 2,20 7,39 0,000Interaction 2,79 3 0,93 3,12 0,025Erreur 291,78 980 0,30BoisSaison 0,30 1 0,30 12,07 0,000Faciès 1,10 3 0,37 14,80 0,000Interaction 0,26 3 0,09 3,44 0,017Erreur 23,89 970 0,03TotalSaison 6,16 1 6,16 6,274 0,010Faciès 127,38 3 42,46 43,21 0,000Interaction 10,42 3 3,47 3,54 0,011Erreur 962,92 980 0,98

Laguncularia racemosaFeuillesSaison 5,89 1 5,89 44,23 0,000Faciès 68,59 1 68,59 514,74 0,000Interaction 3,38 1 3,38 25,35 0,000Erreur 45,97 345 0,13FruitsSaison 1,65 1 1,65 20,46 0,000Faciès 3,13 1 3,13 38,92 0,000Interaction 1,40 1 1,40 17,38 0,000Erreur 27,79 345 0,08BoisSaison 0,008 1 0,008 11,10 0,000Faciès 0,430 1 0,429 591,39 0,000Interaction 0,009 1 0,009 12,41 0,000Erreur 0,234 322 0,0007TotalSaison 1,05 1 1,05 3,48 0,063Faciès 129,43 1 129,43 429,99 0,000Interaction 0,29 1 0,29 0,97 0,326Erreur 103,84 345 0,30

Nota : Chaque analyse de variance a été réalisée selon un plan factoriel fractionné. SC, somme des carrés;CM, carré moyen.

Tableau 2. (suite et fin).

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Faciès

Pionnier Jeune Adulte Âgé Sénescent

Totalité des espècesFeuilles 6,4±0,34 8,3±0,27 8,1±0,24 7,0±0,19 4,9±0,21Fleurs 0,2±0,03 0,8±0,08 0,9±0,06 0,7±0,05 0,7±0,05Fruits 1,0±0,20 2,2±0,26 2,0±0,28 2,4±0,22 2,0±0,23Bois 1,2±0,12 1,1±0,09 1,5±0,16 1,1±0,08 1,1±0,10Litière totale 8,8±0,43 12,5±0,37 12,6±0,38 11,2±0,31 8,7±0,35Avicennia germinansFeuilles 2,7±0,19 3,9±0,24 4,3±0,19 1,9±0,12 2,5±0,13Fleurs 0,2±0,02 0,6±0,05 0,7±0,05 0,3±0,03 0,5±0,04Fruits 0,1±0,07 1,1±0,22 1,1±0,24 0,6±0,18 0,9±0,18Bois 0,6±0,80 0,8±0,09 1,1±0,14 0,4±0,04 0,8±0,09Litière d’A. germinans 3,6±0,24 6,5±0,34 7,2±0,33 3,2±0,24 4,6±0,24Rhizophoraspp.Feuilles Absent 4,1±0,14 3,9±0,15 5,1±0,15 2,4±0,13Fleurs 0,2±0,07 0,2±0,18 0,4±0,03 0,2±0,03Fruits 1,1±0,13 0,9±0,12 1,8±0,14 1,2±0,12Bois 0,3±0,03 0,4±0,07 0,7±0,07 0,3±0,05Litière de Rhizophoraspp. 5,8±0,23 5,4±0,22 8,0±0,24 4,1±0,23Laguncularia racemosaFeuilles 3,7±0,22 0,3±0,05 Absent Absent AbsentFleurs — —Fruits 0,9±0,19 0,03±0,01Bois 0,6±0,07 0,01±0,00Litière de L. racemosa 5,2±0,33 0,3±0,06

Nota : Les données sont présentées sous forme de moyennes ± erreurs types.

Tableau 3. Masses des litières (t ha–1 a–1) par faciès, espèce et compartiment.

Faciès

Élément Pionnier Jeune Adulte Âgé Sénescent Moyenne

Avicennia germinansC 48,3±0,88 51,9±1,18 51,2±1,19 51,8±1,00 51,0±1,11 50,9±1,10N 1,4±0,06 1,1±0,05 1,0±0,06 1,0±0,00 1,1±0,05 1,1±0,06P 0,3±0,14 0,2±0,08 0,2±0,09 0,2±0,06 0,2±0,14 0,2±0,14Ca 0,6±0,02 0,4±0,02 0,4±0,01 0,5±0,01 0,5±0,10 0,5±0,05Mg 0,9±0,90 0,9±0,06 0,9±0,06 0,9±0,05 0,9±0,06 0,9±0,06K 0,5±0,04 0,5±0,05 0,4±0,04 0,5±0,05 0,6±0,05 0,5±0,05Na 2,1±0,29 1,6±0,24 1,7±0,26 1,4±0,21 1,3±0,22 1,6±0,25

Rhizophoraspp.C 47,1±1,00 47,5±1,00 47,5±0,86 46,9±0,83 47,2±0,89N 0,7±0,03 0,7±0,03 0,6±0,05 0,6±0,03 0,6±0,04P 0,1±0,03 0,1±0,03 0,1±0,02 0,1±0,03 0,1±0,03Ca 1,0±0,03 0,9±0,08 0,9±0,07 0,8±0,03 0,9±0,07Mg 0,5±0,02 0,5±0,05 0,5±0,04 0,5±0,09 0,5±0,04K 0,3±0,02 0,3±0,03 0,2±0,02 0,4±0,03 0,3±0,03Na 1,7±0,18 1,5±0,21 1,3±0,14 1,3±0,03 1,5±0,17

Laguncularia racemosaC 44,9±0,87 40,9±0,79N 0,9±0,04 0,8±0,07 0,8±0,06P 0,2±0,07 0,2±0,08 0,2±0,09Ca 1,6±0,05 1,8±0,24 1,7±0,17Mg 0,5±0,03 0,9±0,19 0,7±0,14K 0,4±0,02 0,6±0,06 0,5±0,05Na 1,6±0,21 1,4±0,22 1,5±0,21

Nota : Les données sont présentées sous forme de moyennes ± erreurs types. Les cellules vides indiquent les combinaisons pourlesquelles il n’y a pas de valeur : l’espèce considérée est absente de la litière correspondante.

Tableau 4. Teneurs en éléments dans les feuilles des litières par faciès et espèces, en pourcentage de masse sèche.

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L’analyse des variations saisonnières montre un pourcentagesignificativement plus élevé de carbone en saison des pluiesqu’en saison sèche, toutes espèces et tous faciès confondus.

AzoteLes teneurs sont significativement différentes pour chaque

espèce, chaque faciès et chaque saison. Les différentes mo-dalités des espèces et faciès ne peuvent cependant pas êtreanalysées indépendamment, du fait de la forte interactionentre ces facteurs. Les feuilles de l’A. germinanssont sensi-blement plus riches en azote (1,1%) que celles desRhizo-phora spp. (0,6%) et duL. racemosa(0,8%). Pour uneespèce donnée, peu de variations apparaissent entre les fa-ciès, à l’exception notable du faciès pionnier pour l’A. ger-minansqui présente la valeur la plus élevée (1,4%).

La comparaison entre les deux saisons peut être faite indé-pendamment du faciès ou de l’espèce : la concentration enazote des feuilles est significativement plus élevée en saisondes pluies (1,0%) qu’en saison sèche (0,8%).

PhosphoreL’ A. germinanset le L. racemosa(0,2%) se différencient

desRhizophoraspp. (0,1%) pour cet élément, quel que soitle faciès considéré. L’analyse par faciès montre que le stadepionnier correspond aux contenus les plus élevés enphosphore pour l’A. germinanset le L. racemosa, alors queles concentrations sont stables entre faciès pour lesRhizo-phora spp.

L’analyse globale par saison indique une faible variationdes teneurs entre saison des pluies et saison sèche.

CalciumL’analyse de variance montre que l’effet faciès est faible-

ment significatif pour cet élément. Les feuilles duL. racemosaapparaissent nettement plus riches en calcium (1,7%) que cel-les desRhizophoraspp. (0,9%) et de l’A. germinans(0,5%).

Les variations saisonnières peuvent être exprimées pourcet élément espèce par espèce (interaction entre espèces etsaisons très significative). Ainsi, si l’analyse globalen’indique qu’une faible variation d’une saison à l’autre (0,8–

0,9%), l’analyse par espèce a mis en évidence une augmen-tation plus nette de la saison des pluies à la saison sèchepour lesRhizophoraspp. (0,9–1,1%) et surtout pour leL. ra-cemosa(1,6–2,0%), alors que ces valeurs sont stables et sen-siblement plus faibles pour l’A. germinans(0,5%).

MagnésiumLes seules différences significatives sont entre les espèces

et entre les saisons, sans effet faciès ni interaction entre lesfacteurs. Les feuilles de l’A. germinans(0,9%) sont plus ri-ches en magnésium que celles duL. racemosa(0,7%) ousurtout desRhizophoraspp. (0,5%).

En saison sèche, les concentrations (0,8%) sont sensible-ment plus élevées qu’en saison des pluies (0,6%).

PotassiumLes effets espèce, faciès et saison pris un à un sont signifi-

catifs et il n’y a pas d’interaction entre ces facteurs. Lateneur en potassium varie irrégulièrement selon les faciès,avec des valeurs maximales pour les stades sénescents. Con-cernant les espèces, les feuilles d’A. germinanset deL. ra-cemosaont des teneurs équivalentes (0,5%), alors qu’ellessont plus faibles chez lesRhizophoraspp. (0,3%).

Les teneurs en potassium augmentent faiblement de la sai-son des pluies (0,4%) à la saison sèche (0,5%).

SodiumSeuls les effets faciès et saison sont significatifs et il n’y a

pas d’interaction entre les facteurs. On constate cependantque les valeurs ont tendance à diminuer du faciès pionnierde front de mer au faciès sénescent d’arrière-mangrove. Ladifférence entre saisons pour cet élément est importante,avec 1,2% en saison des pluies et 2,0% en saison sèche.

Discussion

Production de litièreLes valeurs maximales de production de litière obtenues

dans la mangrove du marais Leblond (12,6 t ha–1 a–1) cor-respondent aux valeurs publiées les plus élevées, qui se

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Betoulle et al. 245

C N P Ca Mg K Na

Saison des pluies 49,7±5,00 1,0±0,10 1,9±0,18 0,8±0,08 0,6±0,06 0,4±0,04 1,2±0,12Saison sèche 46,0±5,24 0,8±0,09 1,8±0,22 0,9±0,11 0,8±0,09 0,5±0,05 2,0±0,23

Nota : Les données sont présentées sous forme de moyennes et erreurs types, en pourcentage de masse sèche.

Tableau 5. Variations saisonnières des teneurs en éléments dans les feuilles, toutes espèces confondues.

Effet C N P Ca Mg K Na

Espèce *** *** *** *** *** *** nsFaciès ns *** *** * ns *** ***Saison *** *** *** *** *** *** ***Espèce × faciès *** *** *** *** ns ns nsEspèce × saison ns ns ns *** ns ns nsFaciès × saison ns ns ns ns ns ns ns

Nota : ns, non significatif.*Significatif (0,01 < P < 0,05).**Hautement significatif (0,001 <P < 0,01).***Très hautement significatif (P < 0,001).

Tableau 6. Résultats des analyses de variance sur les teneurs en éléments dans les feuilles, enfonction des facteurs espèce, faciès et saison.

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rapportent toutes à des mangroves proches de l’équateur :10,6 t ha–1 a–1 en Équateur (latitude nord, 6°) pour une man-grove àRhizophoraspp. (Twilley et al. 1997); 13,8 t ha–1 a–1

en Colombie (latitude nord, 3°; Hernandez et Mullen 1978)et 10,1 t ha–1 a–1 en Malaisie (latitude nord, 5°; Ong et al.1981) pour une mangrove mixte. Au Guyana (latitude nord,6°), pour une mangrove monospécifique àA. germinans,Chale (1996) obtient une valeur plus élevée (17,7 t ha–1 a–1).

Twilley et al. (1992) ont établi d’une façon plus généraleque la production de litière des mangroves varie de 8 à16 t ha–1 a–1 pour les latitudes comprises entre 0 et 20°, etpeuvent baisser jusqu’à 2 t ha–1 a–1 aux latitudes supérieures.À partir d’un jeu de données représentatif de l’ensemble del’aire des mangroves (latitudes 3–38°;n = 91), Saenger etSnedaker (1993) ont précisé les relations entre production delitière et latitude (seule ou pondérée par la hauteur des peu-plements) avec les équations suivantes :

[1] Production de litière (t ha–1 a–1) = 11,786 –0,160(latitude)

[2] Production de litière (t ha–1 a–1) = 10,366 –1,669[log(latitude/hauteur)]

Si elles ne traduisent pas l’existence d’une corrélation trèsforte entre les paramètres, ces relations confirment néanmoinsque la production des mangroves est plus élevée aux abordsde l’équateur et qu’elle décroît vers les hautes latitudes.

L’application des équations 1 et 2 à nos données permetd’obtenir respectivement 11,0 et 11,4 t ha–1 a–1, résultatsplus faibles que la valeur mesurée correspondante, ce quitend à confirmer la bonne vitalité de la mangrove guyanaise.Par ailleurs, Pool et al. (1975) ont montré que les mangrovesles plus productives sont les mangroves d’estuaires, mieuxprotégées et plus régulièrement alimentées en eaux douces,ce qui est le cas ici, par opposition aux mangroves côtières,plus instables sous l’effet notamment de perturbations sédi-mentologiques.

L’analyse des résultats montre également que les produc-tions de litière les plus faibles correspondent aux stades ex-trêmes de l’évolution de la mangrove, qui sont aussi lessecteurs soumis aux conditions les plus contraignantes. Balt-zer et al. (1993) ont montré l’existence, sur ce même sited’étude, d’un gradient de salinité croissant de l’arrière-mangrove vers le front de mer, avec des variations saisonniè-res pouvant être importantes : 5–25‰ (saison des pluies –saison sèche) en arrière-mangrove, à 50‰ en front de mer(sans variation saisonnière). Ces facteurs influent sur la pro-ductivité des mangroves, les plus fortes salinités correspon-dant aux productivités les plus faibles (Day et al. 1996).D’une façon générale, les faibles productivités sont asso-ciées à l’existence de facteurs limitants ou de stress, alorsque les fortes valeurs de production de litière indiquent desconditions optimales de développement pour la mangrove(Saenger et Snedaker 1993). Dans le cas du marais Leblond,la faible productivité du faciès pionnier est en accord avecles caractéristiques structurales du peuplement (petits indivi-dus); elle peut être cependant aussi reliée à la salinité élevéepermanente du substrat. Pour le faciès d’arrière-mangrove, laproductivité minimum est à relier à la sénescence du peuple-ment (dépérissement des cimes d’A. germinans) ainsi qu’au

déficit hydrique qui affecte, plus que les autres, ce faciès demangrove en saison sèche (Betoulle 1998).

On ne constate donc pas une diminution régulière de pro-duction de litière du front de mer vers l’intérieur, comme ledécrivent Twilley et al. (1986) pour les mangroves nord-américaines. L’existence de faciès dépérissants d’arrière-mangrove et le développement de faciès pionniers àL. race-mosaen front de mer déterminent ici une zonation originalede la mangrove, liée au contexte sédimentologique guyanais,et qui influe sur le gradient de productivité.

Ces considérations permettent de caractériser l’apport po-tentiel de la mangrove au fonctionnement du système côtier.La zonation décrite ici, classique en Guyane, a été carto-graphiée par interprétation de photographies aériennes (Tri-chon et al. 1998). Des cartes de répartition de la densité etde la phytomasse aérienne des peuplements ont été établiespour cette même mangrove à l’aide de données de télédétec-tion radar aéroportées (Mougin et al. 1999; Proisy 1999). Laconfrontation de ces données doit nous permettre de mettreen place des cartes de répartition des litières et de préciserainsi, d’une façon plus significative, les apports à l’écosys-tème côtier.

Apports au sol en éléments organiques (C, P, N)Nos résultats sont comparés aux valeurs relevées dans la

littérature obtenues sur d’autres sites (tableau 7). Peu dedonnées existent concernant les teneurs en carbone pour legenreAvicenniaet aucune pour l’espèceA. germinans. Nosrésultats (50,9%) sont plus élevés que ceux obtenus pourl’ Avicennia marina(Forsk.) Vierh. et l’Avicennia officinalisL.,espèces de l’aire orientale des mangroves (Bunt 1982; Wafaret al. 1997). Les teneurs en azote pour l’A. germinans(1,1%) sont intermédiaires entre les valeurs trouvées pources mêmes espèces. En ce qui concerne le phosphore, les va-leurs obtenues ici (0,2%) sont supérieures à celles donnéespour l’A. germinansen Guadeloupe (Imbert et Portecop1986) et pour l’A. marinaet l’A. officinalis (Clough et Atti-will 1975; Wafar et al. 1997). Les teneurs en calcium, ma-gnésium et potassium sont relativement différentes selon lesespèces et les auteurs. Nos résultats sont proches de ceuxpubliés par Imbert et Portecop (1986) pour l’A. germinansen Guadeloupe. Concernant le sodium, les valeurs trouvéesen Guyane (1,6%) sont inférieures aux données équivalentesde Guadeloupe pour l’A. germinans, mais nettement supé-rieures aux résultats pour cette même espèce en Floride (La-cerda et al. 1986).

Pour le L. racemosales concentrations en azote (0,8%)sont inférieures à celles publiées par Medina et al. (1995) auMexique. Les teneurs en phosphore (0,2%) sont, commepour l’A. germinans, plus élevées que celles données pourles mangroves de Guadeloupe et du Mexique. Pour le cal-cium (1,7%), le potassium (0,5%) et le magnésium (0,57%),nos valeurs sont proches de celles rapportées pour le Brésilou la Guadeloupe.

Chez lesRhizophoraspp., les teneurs en azote (0,6%)sont également plus faibles que celles publiées pour leMexique, les teneurs en phosphore (0,1%) sont nettementsupérieures à celles obtenues pour les populations de la Gua-deloupe, et les résultats pour le calcium, le potassium et lemagnésium sont globalement comparables.

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Connaître la teneur en carbone de la litière de mangroveest important dans l’optique d’une évaluation de la produc-tion carbonée des écosystèmes côtiers tropicaux. Twilley etal. (1992) estiment à 4,03 × 106 t la quantité de carbonestockée par l’écosystème mangrove et à 0,18 × 106 t sa pro-duction nette annuelle. Gattuso et al. (1998) précisent que lalitière de mangrove est une source carbonée essentielle pourles organismes benthiques hétérotrophes. De meilleures esti-mations de la production des mangroves sont donc nécessai-res pour préciser les bilans carbonés et minéraux des éco-systèmes côtiers tropicaux, ainsi que la part de ces derniersdans les bilans globaux. Des études régionales complémen-taires sont à réaliser dans ces domaines pour réunir les jeuxde données aujourd’hui encore insuffisants.

On peut évaluer, selon nos résultats, à environ 6,4 t ha–1 a–1

la masse de carbone contenue dans la litière de la mangroveadulte du marais Leblond et à 1,3 × 10–2 t ha–1 a–1 la masse

d’azote correspondante. Comme indiqué précédemment, unespatialisation de ces données à l’aide des cartographies déjàréalisées, confrontée également aux valeurs de phytomassepubliées (Fromard et al. 1998) permettra d’établir des bilanscarbonés validés pour la mangrove guyanaise.

Concernant le phosphore, les teneurs élevées mesuréesdans la litière de la mangrove guyanaise sont liées à la forteconcentration de cet élément dans les sédiments que nousavons mise en évidence par ailleurs (Fabre et al. 1998) : lateneur en phosphore total y est particulièrement élevée (600–800µg g–1) et la fraction de phosphore inorganique est supé-rieure à la fraction phosphore organique dans l’ensemble desfaciès. Ces résultats suggèrent une minéralisation rapide duphosphore organique dans ce milieu ainsi qu’un rôle impor-tant de la végétation dans le cycle de cet élément. On cons-tate, d’autre part, que ce sont les sédiments de la mangrovepionnière qui sont les moins riches en phosphore total et

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Éléments

C N P Ca Mg K Na Localité Auteurs

Avicennia germinans50,9 1,1 0,2 0,5 0,9 0,5 1,6 Guyane Cette étude

1,24 0,36 2,10 0,46 Floride Lacerda et al. 19860,03–0,04 0,30–0,70 1,00–1,30 0,50–1,20 1,80–2,60 Guadeloupe Imbert et Portecop 1986

A. schauerianaStapf et Leechman ex Moldenke0,13 0,76 1,58 2,29 Brésil Lacerda et al. 19860,80 1,40 1,20 2,60 Brésil Lacerda et al. 1985

A. marina47,42 0,83 Australie Bunt 1982

2,11 0,12 0,38 0,94 1,09 2,82 Australie Clough et Attiwill 1975A. officinalis

44,30 0,81 0,06 India Wafar et al. 1997Laguncularia racemosa

42,8 0,8 0,2 1,7 0,7 0,5 1,5 Guyane Cette étude0,65 0,44 1,77 1,05 Floride Lacerda 1986

1,45 0,06 1,24 0,60 0,31 1,00 Mexique Medina et al. 19950,03 2,70 0,40 0,40 1,80 Guadeloupe Imbert et Portecop 1986

0,24 0,71 1,35 1,20 Brésil Lacerda et al.19861,60 0,40 0,40 2,10 Brésil Lacerda et al. 1985

Rhizophoraspp.47,2 0,6 0,1 0,9 0,5 0,3 1,5 Guyane Cette étude

R. mangle1,74 0,07 0,44 0,39 0,90 1,10 Mexique Medina et al. 19951,41 0,06 0,78 0,65 0,53 1,40 Mexique Medina et al. 1995

1,22 0,47 0,84 0,98 Panama Golley et al. 19750,01–0,02 1,30–1,90 0,60–0,80 0,30–0,40 1,40–1,70 Guadeloupe Imbert et Portecop 1986

0,34 0,85 1,38 1,45 Brésil Lacerda et al. 19861,30 0,70 0,40 2,30 Brésil Lacerda et al. 1985

R. apiculataBl.87,98 1,64 0,02 0,44 0,77 0,52 1,29 Malaisie Gong et Ong 199045,72 0,49 0,04 Australie Bunt 198244,00 0,68 0,06 Inde Wafar et al. 1997

R. mucronata. Lamk.46,00 0,65 Kenya Slim et al. 199645,20 0,62 0,12 Inde Wafar et al. 1997

R. stylosaGriff.45,72 0,34 0,05 Australie Bunt 1982

Tableau 7. Teneurs en éléments dans les feuilles des palétuviers de Guyane (cette étude) et données bibliographiques (enpourcentage de la masse sèche).

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ceux de la mangrove adulte les plus riches, alors que cesrésultats sont inversés pour la litière. La dynamique particu-lière du phosphore doit être reliée ici aux processus sédi-mentologique et hydrologique de la côte guyanaise et auxcaractéristiques physico-chimiques des sédiments véhiculéspar le système de dispersion amazonien.

Apports au sol en éléments minérauxPlusieurs auteurs ont mis en évidence, à partir de l’ana-

lyse des litières de palétuviers, deux groupes d’éléments mi-néraux : ceux dont la concentration dans le végétal varieselon la concentration dans le milieu (Na, K), qui sont leséléments intervenant essentiellement dans la régulation os-motique, et ceux qui présentent, pour une espèce donnée,une certaine stabilité (Ca, Mg) et participent aux structurescellulaires (Ball 1988). La distinction entre ces éléments estici bien mise en évidence, puisque l’analyse de variancenous montre que l’effet faciès est faible ou inexistant pour lecalcium et le magnésium, alors qu’il est important pour lepotassium et le sodium. La tendance à la décroissance desteneurs en sodium du faciès pionnier vers les faciès plusâgés paraît logiquement liée à la diminution de l’influencemarine. Enfin, l’absence d’effet espèce, pour ce dernier élé-ment, est à remarquer, puisqu’il n’apparaît pas de différenceentre les palétuviers qui limitent l’absorption du sel au ni-veau racinaire (Rhizophoraspp.) et ceux qui régulent uneabsorption excédentaire par des processus d’excrétion fo-liaire (A. germinans, L. racemosa).

Si la caractérisation des teneurs en éléments minéraux despalétuviers est importante pour évaluer les apports de lamangrove au milieu côtier, celle-ci est nécessaire aussi à unemeilleure compréhension de la structure et du fonctionne-ment de l’écosystème :(i) La répartition des espèces le long d’un gradient de sali-

nité, qui détermine l’organisation en faciès, repose es-sentiellement sur leurs caractéristiques adaptatives etleur degré d’halophytisme. Ainsi l’agencement originaldes palétuviers en Guyane peut trouver son origine dansles conditions de salinité locales, liées elles-mêmes aucontexte sédimentologique régional.

(ii ) On sait que l’efficacité photosynthétique des halophytes,et donc leur productivité, dépend des conditions de sali-nité par l’intermédiaire, notamment, de l’ajustement os-motique cellulaire et des concentrations en K et Na dansles chloroplastes (Ball 1988). La connaissance de cesparamètres est importante aussi pour analyser la produc-tivité d’une mangrove.

Enfin, la comparaison des teneurs des différents élémentsentre saisons a montré que le carbone, l’azote et le phos-phore étaient plus concentrés en saison des pluies dans la li-tière, alors que l’ensemble des éléments minéraux (Ca, Mg,K, Na) avait au contraire des valeurs plus élevées en saisonsèche. En première analyse, on peut dire que des conditionshydriques plus favorables en saison sèche (substrats non en-gorgés d’eau) permettent une meilleure assimilation miné-rale. De même l’augmentation des teneurs en carbone etazote, qui se produit plus précisément en début de saison despluies (Betoulle 1998), peut traduire un regain d’activitéphotosynthétique et une meilleure assimilation de l’azote ensaison sèche, le phénomène étant perceptible alors au niveaufoliaire avec un certain décalage dans le temps. Des études

phénologiques devraient permettre de préciser ces différentsaspects.

Remerciements

J.L. Betoulle a été hébergé au Centre IRD de Cayennetout au long de cette étude réalisée dans le cadre de sa thèse.Nous remercions les directeurs successifs du Centre, C. Co-lin et C. Moretti, ainsi que J.-J. de Granville et M.-F. Pré-vost. Les analyses chimiques ont été réalisées au Laboratoirede pédologie de l’IRD à Cayenne, dirigé par J.-M. Dhenin.

Nos remerciements au professeur J.R. Mathieu, du Labo-ratoire de statistiques et probabilités de l’Université PaulSabatier de Toulouse, pour ses remarques et conseils concer-nant le traitement statistique des données.

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