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This article was downloaded by: [Erciyes University] On: 23 April 2014, At: 11:34 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Loisir et Société / Society and Leisure Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/rles20 Capital, méga-événement et droit à la ville : une triple dialectique vue à travers les expériences Olympiques de Montréal et Rio de Janeiro Pierre-Mathieu Le Bel a & Mathieu Labrie b a Département de géographie , Université du Québec à Montréal, Chercheur et coordonnateur au Centre d'études et de recherches sur le Brésil – CERB b Département d'études urbaines et touristiques , Université du Québec à Montréal Published online: 04 Jul 2013. To cite this article: Pierre-Mathieu Le Bel & Mathieu Labrie (2013) Capital, méga-événement et droit à la ville : une triple dialectique vue à travers les expériences Olympiques de Montréal et Rio de Janeiro, Loisir et Société / Society and Leisure, 36:1, 27-42, DOI: 10.1080/07053436.2013.805568 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/07053436.2013.805568 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms &

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Loisir et Société / Society and LeisurePublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/rles20

Capital, méga-événement et droit àla ville : une triple dialectique vue àtravers les expériences Olympiques deMontréal et Rio de JaneiroPierre-Mathieu Le Bel a & Mathieu Labrie ba Département de géographie , Université du Québec à Montréal,Chercheur et coordonnateur au Centre d'études et de recherchessur le Brésil – CERBb Département d'études urbaines et touristiques , Université duQuébec à MontréalPublished online: 04 Jul 2013.

To cite this article: Pierre-Mathieu Le Bel & Mathieu Labrie (2013) Capital, méga-événementet droit à la ville : une triple dialectique vue à travers les expériences Olympiques deMontréal et Rio de Janeiro, Loisir et Société / Society and Leisure, 36:1, 27-42, DOI:10.1080/07053436.2013.805568

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Capital, méga-événement et droit à la ville : une triple dialectique vueà travers les expériences Olympiques de Montréal et Rio de Janeiro

Pierre-Mathieu Le Bela* et Mathieu Labrieb

aDépartement de géographie, Université du Québec à Montréal, Chercheur et coordonnateur auCentre d’études et de recherches sur le Brésil – CERB; bDépartement d’études urbaines et

touristiques, Université du Québec à Montréal

(Received 18 October 2012)

By mobilizing simultaneously an impressive amount of resources, Olympic Gamescrystallize urban space as the object of expression and access to citizenship. Capitalexploits the tension between identity and otherness put forth by the Olympics. TheGames constitute a structure of opportunity for the expression of the right to the citybecause it serves as an impulsion to a process of negotiations between possible futures,and of comparison of the Olympic experiences. Our text discusses the way in whichstakeholders of the Olympic event implicitly proceed to a comparison process. Such acomparison is under the dynamic of a triple dialectic where uniformisation is in tensionwith differentiation. First, it is inscribed in the contemporary dynamic of the capital.Second, the Olympic event is pulled between the repetition of the same and theaffirmation of otherness. Finally, the comparison modulates the entire field of urbanpolitics as well as the exercise of citizenship. We concentrate on the cases of Montréaland Rio de Janeiro.

Keywords: Olympic Games; mega sporting events; Rio de Janeiro; Montreal;dialectic; right to the city

En mobilisant un nombre important de ressources, les Jeux olympiques cristallisentl’espace urbain comme objet de la citoyenneté. Le capital instrumentalise la tensionentre identité et altérité associée à l’événement olympique. Celui-ci constitue unestructure d’opportunité pour l’expression du droit à la ville, car il sert d’impulsion àun processus de négociation entre les avenirs possibles et de comparaison desexpériences olympiques. Le texte aborde la manière dont les acteurs évoluent autourde l’événement olympique en effectuant un exercice comparatif sous-tendu par unetriple dialectique où la tendance à l’uniformisation est en tension avec celle de ladifférenciation. D’abord, cela s’inscrit dans la dynamique du capital contemporain.Ensuite, l’événement olympique est tiraillé entre la répétition cyclique de l’identique etl’affirmation de l’altérité. Finalement, la comparaison vient moduler le champ de lapolitique urbaine et de l’exercice de la citoyenneté. Nous nous appuyons sur lesexemples de Montréal et Rio de Janeiro.

Mots clés: Jeux olympiques ; méga événements sportifs ; Rio de Janeiro ; Montréal ;dialectique ; droit à la ville

Introduction

L’accès à la pleine réalisation de la citoyenneté se pose comme la possibilité de participerà la détermination du futur urbain. C’est là la substance du droit à la ville souhaitée par

*Corresponding author. Email: [email protected]

Loisir et Société / Society and Leisure, 2013Vol. 36, No. 1, 27–42, http://dx.doi.org/10.1080/07053436.2013.805568

© 2013 Université du Québec à Trois-Rivières

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Henri Lefebvre (1968) et auquel font depuis appel à de nombreux chercheurs (Brenner,2000; Harvey, 1973, 2001, 2012) et militants (Right to the city alliance; MouvementOccupy; Comitês Populares da Copa; Forum social urbain). Cette participation impliquepour chacun le droit de se projeter dans le futur de la ville. Ce faisant, et concrètement,c’est à un processus de comparaison que s’adonnent les groupes en négociation impliciteou explicite. Autant les promoteurs que les groupes communautaires qui peuvent uninstant se poser comme forces antagonistes aux méga-événements olympiques, puisquec’est ce qui nous intéresse, s’affrontent en vertu de l’exercice de comparaison despossibles que chacun des groupes effectue pour soi puis diffuse par son discours et sesactions dans la sphère publique. Hargreaves (1982) a par exemple montré que le sportpeut être compris comme la scène des affrontements culturels où les groupes sociaux sedistinguent par leur capacité à imposer leur propre vision. Les études de cas sont multi-ples. On mentionnera particulièrement Sport et identités de Fauché, Callède, Gay-Lescot,Laplagne (2000), et sur le sport et la ville en général, Lefebvre et Roult (2008) et plusencore Roche (2000) ou Hayes et Karamichas (2011).

Davantage dans le cas des méga-événements sportifs comme les Jeux olympiques,s’ajoute à ce processus une large palette d’acteurs, des promoteurs et publicitaires inter-nationaux allant jusqu’aux chercheurs universitaires. Chacun entreprend un travail deréflexion sur la ville à la lumière de la comparaison des possibles et des expériencesolympiques passées. Il ne s’agit pas ici de procéder à une analyse quantitative d’indica-teurs variés sur les Jeux olympiques, mais bien de se questionner sur ce phénomène decomparaison entre ville à travers l’expérience olympique et, par ricochet, à travers ledéploiement de méga-événements urbains, parce que les Jeux nous semblent être l’expres-sion paroxysmique de ces derniers. Nous prétendons que l’événement olympique peut êtreconçu dans le cadre d’une triple dialectique d’homogénéisation et d’hétérogénéisation.

Hayes et Karamichas (2011) ont suggéré de prendre en considération le caractèredialectique du méga-événement sportif. Ils ont souligné la force homogénéisatrice decelui-ci. Afin de comprendre le fonctionnement de cette triple dialectique, il importe deconcevoir la réalité comme un ensemble de processus plutôt que comme une sommede faits. Pris isolément, il est impossible d’avoir prise sur chacune des parties de la réalité.Les contradictions font partie intégrante des phénomènes décrits et servent d’impulsion àl’évolution historique (Mandel, 2011). Ainsi, nous espérons aller plus loin que Hayes etKaramichas en situant ces rapports dialectiques dans des lieux précis et en faisant ressortircomment la dynamique ne réduit pas nécessairement les mouvements urbains opposantsau rôle de victime.

La dialectique du capital, mise de l’avant par Smith (2009) et Harvey (2001), constitueune première dialectique. Si Edward Soja (1989) a bien fait ressortir que le rapport circulairede la dialectique socio-spatiale, Harvey a inscrit ce rapport sous le mode de régulationcapitaliste. Alors que le capital travaille à uniformiser l’espace par la diffusion d’un modèlede production et de financiarisation, il s’attèle également à le différencier afin d’assurer une« solution spatio-temporelle » (Harvey, 2001) au problème de la profitabilité décroissante.L’un et l’autre de ces mouvements sont jugés comme étant vitaux à la production d’unespace qui assure la reproduction du capitalisme et des inégalités de classe.

La seconde dialectique relève de la nature du méga-événement et de l’intérêt pour lespectacle inhérent à la ville postmoderne (Harvey, 1989), où chaque nouveau projet estassocié un travail de nature symbolique, à une association entre consommation, divertis-sement et usage des lieux publics aux frontières rendues floues par la présence accrue desintérêts privés. À cet égard, les JO ont peut-être été en avance sur leur temps. Ilsparticipent de cette logique. Par leur cyclicité, les intérêts financiers impliqués et les

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attentes des participants sont voués à la reproduction du même. Néanmoins, les jeux sontà la recherche d’une nouveauté tapie dans des lieux choisis. L’événement, pour être unsuccès, se doit en effet d’être exceptionnel. La fête est par définition moment d’exception.La fête olympique, en investissant de nouveaux lieux, pose la nation ou la ville-hôtecomme détentrice d’un savoir-faire qui donnera une forme de plus-value à l’événement.

On trouve une troisième dialectique dans la comparaison des projets des groupessociaux urbains. Elle est instiguée par une différence perçue. Sans différences, en effet,que pourrait-on comparer? Ceci implique de procéder à une classification entre objets, quiimplique à son tour une ressemblance puisqu’il s’agit de classer des sujets dans lecontinuum d’une catégorie (par exemple : « ville » ou « ville mondiale »). La candidature,la planification, la réalisation et l’évaluation d’un méga-événement sportif comme desJeux olympiques posent d’emblée l’agglomération comme appartenant à la communautédes villes olympiques, donnant du coup un cadre limité à la comparaison puisqueseulement 50 villes ont reçu ce titre à ce jour. En outre, le label festif vient ajouter sesimpératifs en matière d’aménagement aux contraintes avec lesquelles négocies les multi-ples acteurs urbains souvent en compétition.

À la lumière de cette triple dialectique, comment concevoir un méga-événementconcret? Nous nous livrerons à notre tour à une comparaison des villes olympiques deMontréal (1976) et de Rio (2016). Outre le fait que Montréal soit devenu un cas de figuresensé illustrer l’échec olympique par excellence (McKenna et Purcell, 1981), les jeux de1976 furent aussi, selon Latouche (2007) les premiers à être le cadre d’un « nouveau sportd’élite », « triathlon urbain » où marketing urbain, l’économie des méga-événements,gouvernance et planification locale ont été élevés au rang des « disciplines » associées à lamise en place de toutes les olympiades subséquentes. L’expérience olympique de Rio deJaneiro n’en est évidemment qu’à ses balbutiements, mais la dynamique comparative estd’ores et déjà bien engagée, plus encore peut-être que lors des jeux de Montréal. La suitereprend à tour de rôle chacun des éléments de cette triple dialectique.

La dialectique du capital

L’exercice de la comparaison olympique ressemble à une débauche de chiffres soitmonétaires, qu’on se voit obligé de ramener en dollars constants (comme si cela permet-tait de comparer des villes telles que Beijing en 2008, Tokyo en 1964 ou Paris en 1900),soit en terme de médailles, ce qui laisse encore moins transparaître l’objet urbain.L’impact économique des olympiades a aussi été abordé par de nombreux chercheurs(notamment Zarnowsky, 1993) et les conclusions ne vont pas toutes dans la mêmedirection.

Aussi incomplètes ou contradictoires qu’elles puissent être, les analyses dépenses/revenus illustrent à quel point la logique marchande est un élément fondamental del’expérience olympique (Lenskyj, 2008; Shaw, 2008). Dans la perspective d’un profittoujours plus difficile à dégager pour les grandes entreprises multinationales (Harvey,2010a) et d’une stratégie métropolitaine qui mise sur le spectacle (Andranovich, Burbank,et Heying, 2001; Bornstein, 2011; Hannigan, 2000; Lehrer et Laidley, 2008) les Jeuxolympiques constituent sans doute un exemple d’entreprise qui s’est adaptée auxpréceptes du néolibéralisme et de la postmodernité avancée. Suite à la crise du mode derégulation fordiste des années 1970 (Harvey, 1989; Jessop, 2000) les villes ont délaisséune grande partie de leurs prérogatives en matière d’offres de services auprès de leurscitoyens et de planification et d’aménagement de leur territoire. Elles se concentrentdésormais à la recherche d’investisseurs et de stratégies censées les attirer. De leur côté,

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les entreprises qui ont le plus de succès, dont le Comité international olympique faitpartie, misent davantage sur la marque et la fête que sur la production et la distribution demarchandises (Lenskyj, 2008; Shaw, 2008). À ce jeu, l'espace conceptuel qu'est la villedevient marque de commerce et son territoire (ou espace absolu) devient affaire d’images(Harvey, 2010b; Rosemberg, 2000), de fantaisie (Hannigan, 2000).

Barcelone a servi de jalon dans le déploiement historique de cette dynamique. Lecontexte de démocratisation des années 1980 qui y a eu cours a coïncidé avec unedésindustrialisation et la mise en place de l’Union européenne. Misant sur une reconver-sion vers les services et le tourisme, la ville a intégré la tenue de Jeux olympiques à sonplan d’urbanisme et a inclus tant des acteurs politiques que communautaires et entrepre-neuriaux dans sa planification urbaine (Calavita et Ferrer, 2000; Marshall, 2000). On adonné le nom de la ville au modèle de gouvernance qui en est sorti, et celui-ci a été vu parplusieurs comme étant celui à adopter pour les villes qui souhaitaient entrer dans le 21e

siècle avec panache (Chalkley et Essex, 1998).Bien que la critique du modèle se soit faite de plus en plus explicite, voire féroce

(Coipel, 2009), Rio de Janeiro, Beijing ou Athènes avant elle, n’échappent pas à cettedynamique. Si l’importance des méga-événements sportifs n’a été qu’en s’affirmant aucours du 20e siècle, leur déploiement dans les pays émergents permet aux marques qu’ellereprésente d’être associées à cette émergence même. C’est là que se situe la tendancehomogénéisatrice de la première dialectique : le mouvement par lequel le capital crée unespace ouvert où les flux sont les plus libres possibles. Ainsi, tous les pays du BRICA1

ont tenu ou vont tenir des méga-événements sportifs dans un avenir rapproché.Pour devenir un candidat sérieux pour la tenue des jeux, les villes doivent d’emblée

tenir des activités qui nécessitent des investissements substantiels. On pense à l'organisa-tion d’autres événements sportifs (Gusmão de Oliveira, 2011) à la restauration ou laconstruction d’infrastructures (Broudehoux, 2007), de telle sorte qu'à titre de candidatMadrid, Chicago, Tokyo et Rio auraient ensemble dépensé environ 300 millions de dollarsUS. Cela a une série d’implications quant à l’environnement urbain que les autoritésdoivent « livrer » et à l’échéancier qu’on imposera à l’évolution de l’urbain entre lacandidature et la tenue des jeux. Le Comité international olympique (CIO) et la Fédérationinternationale de Football (FIFA), ont par exemple des demandes spécifiques quant à lamise en place d’aires réservées aux médias et aux « VIP », au nombre de placesdisponibles pour les spectateurs et à la qualité de l’aire sportive (Borius, 2010; Curi,Knijnik, et Mascarenhas, 2011; Roult, 2010). Les villes-hôtes sont toutes appelées à collerà ce modèle d’aménagement. Elles doivent construire un stade, mais les demandes du CIOconcernent également vélodrome, piscine, centre d’hébergement, centre des médias, placedes commanditaires . . . Chaque élément exige une surface minimum ainsi qu’un nombrede places de stationnement (Gaffney, 2010; Labrie et Le Bel, 2012). L’exemple des PAC(Programa de aceleraçao de crecimento) est également pertinent. Si ce programme mis enplace par le gouvernement Lula n’a pas de lien avoué avec la tenue des JO et de la Coupedu monde, la seule observation permet de constater que les projets de ce programmetouchent uniquement les villes-hôtes de la FIFA 2014 ou les infrastructures permettant deles relier (Fundaçao Getulio Vargas, 2012).

Si les jeux ont en conséquence un effet concret sur la planification urbaine, ils en ontégalement sur le paysage politique. Une politique de l’exception est mise en place(Agamben, 1997; Gusmão de Oliveira, 2011; Stavrides, 2010; Vainer, 2010) qui supposel’établissement d’un cadre juridique nouveau pensé spécifiquement en fonction del’expérience olympique. Pensons aux mesures d’expropriations rapides, à l’érection demurs autour de secteurs « sensibles » ou inesthétiques2 et surtout à l’Acte olympique (loi

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12.035), adopté par le gouvernement fédéral brésilien en 2009, qui octroie des pouvoirsunilatéraux et « extraordinaires » au gouvernement brésilien avant et durant lescompétitions. Celui-ci peut, entre autres, intervenir dans le cadre de tout contrat publicdans le but d’optimiser les performances des JO. Cette clause est utilisée afin de privatiserdes biens immobiliers publics en les transférant au Comité olympique brésilien (COB). Deplus, l’Acte olympique prohibe l’utilisation de symboles ou de slogans se rapprochant deceux proposés par le CIO, à des fins artistiques ou commerciales. La loi nº. 12.350/2010institue des tribunaux fédéraux spéciaux afin de faire respecter le droit sur les biens etservices liés aux JO. La loi nº. 12.462/2011 crée un Regime Diferenciado de Contratações(RDC ou régime différencié de mise sous contrat) pour les travaux de construction de laCoupe des confédérations, de la Coupe du monde et des JO.

Le rôle des acteurs économiques associés aux jeux à Rio est certainement central dansla planification urbaine qui y a cours. Par contre, le mode de gouvernance globale mis enplace par les organismes internationaux limite la participation des promoteurs locaux.Ceux-ci se voient alors obligés de participer aux concours internationaux, norme imposéepar le CIO. Cette ouverture au marché international jumelée aux critères rigides etspécifiques du CIO a favorisé l'émergence d'une filière de spécialisation monopolistiquedans le domaine de la réalisation des infrastructures olympique (Gusmão de Oliveira,2011). Ainsi, un groupe restreint de corporations se partage les contrats des principauxstades et parcs pour les JO. Par exemple, l'Anglaise AECOM gagnante du concoursinternational de planification pour le Parc olympique de Rio est également la conceptricedu Parc olympique de Londres et du stade Guangdong de Beijing. Ce mode de gouver-nance « par le haut » qui dirige les capitaux publics dans les coffres de corporations qui sespécialisent dans les normes des organisations internationales constitue le point de départmême de cette dynamique homogénéisatrice du capital et des technologies (voir à cet effetLevitt, 1983).

À Montréal, le capital s’est également déployé sur le continuum homogénéisation-hétérogénéisation. Si la littérature a fait ressortir le fait que les jeux de Montréal avaientengagé une grande portion d’argent publique (85 %)3, cela ne signifie pas que le capitaln’y a pas joué un rôle important. Les fonds publics peuvent tout à fait circuler en adoptantune logique capitaliste. Malgré que le CIO n’avait, en 1970, que peu d’exigences enmatière d’aménagement urbain, le même esprit d’exception eut cours à l’époque despréparatifs des jeux. Par exemple, la ligne de métro desservant le site olympique estdéviée vers un secteur pourtant moins central. Ou encore, les préparations des olympiadesont été utilisées par le gouvernement fédéral pour accélérer la destruction des dernières600 unités de logements dits insalubres du site où a été construite la tour de la télévisiond’État. La construction de l’aéroport de Mirabel, fermé en 2002 pour cause de sousutilisation, a également tiré une partie de sa légitimité du fait de l’éminence desOlympiques. Cela aussi a impliqué des expropriations. Les habitations olympiques enforme de pyramide ont finalement été totalement privatisées alors qu’un investissement dugouvernement fédéral devait garantir son usage sous forme de logement social (Auf DerMaur, 1976). Cette logique d’accumulation par dépossession (Harvey, 2010b) est con-forme aux stratégies des autorités mises à jour par Broudehoux (2007; 2011) dans le casdes aménagements relatifs aux Jeux de Beijing.

Pourtant, la stratégie montréalaise d’obtention des JO a entièrement tourné autour dela perspective d’offrir des jeux modestes, à l’échelle humaine, qui laisseraient toute laplace à l’esprit de l’olympisme. C’était oublier que l’administration municipale avaitl’ambition de « mettre Montréal sur la carte ». Elle s’adonnait à un exercice de compar-aison où les villes « sont comparables en vertu de leur valeur d’échange » (Blum, 2007, p.

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33, traduction libre). En somme, les jeux montréalais ont participé à l’application dumodèle néolibéral de développement urbain malgré le fait que les gouvernements muni-cipal et provincial y aient joué un rôle important. Le rejet total par l’administrationDrapeau d’une participation tant des grandes centrales syndicales que du gouvernementprovincial dans le processus d’organisation est également conforme à la tendance cariocade concentrer les décisions dans les mains du plus petit nombre d’acteurs (Whitaker,2012).

Si ce qui précède relève de la logique homogénéisatrice du capital, on trouveégalement une logique tablant sur la différenciation. David Harvey (1973) a fait ressortircomment le capital profitait des espaces les plus détériorés de l’urbain parce qu’ilsreprésentent un potentiel. Or, les espaces cariocas les plus ciblés par les grandes transfor-mations olympiques sont ceux les plus frappés par les disparités socio-économiques.Morro da Providencia, Morro da Conceção, Porto, Vilà Autodormo, sont tous des espacesmis à la marge du développement urbain et social. Il est d’autant plus facile pour le capitald’y pénétrer, pour la loi d’exception de s’y appliquer, que leurs populations compte parmiles plus démunies du pays.

L’extrême précarité des habitants de ces zones en fait un groupe facilement expropri-able. Lorsqu’on y possède des titres officiels de propriétés, les compensations financières,beaucoup plus basses que ce que dicte le marché, représentent des sommes difficiles àrefuser. Qui plus est, ces sites développés sont attractifs parce qu’ils laissent voir lepaysage spectaculaire de la ville et sont empreints d’une forte valeur historique etsymbolique. C’est pourquoi le Morro da Providencia, une des plus anciennes favelas duBrésil, s’est vu imposer la construction d’un téléphérique qui le rendra immédiatementaccessible depuis la gare Dom Pedro II. Barra da Tijuca, où se trouve le site olympiqueprincipal, est avant tout une plage de 20 km. Une autoroute est construite entre l’aéroportet ce site, mais ultimement, la plage également, cet élément ô combien attractif de la zonesud de Rio. Différences socio-économiques et différences topographiques constituent desfacteurs d’attraction à l’investissement.

À l’instar de Rio, Montréal a profité de la même logique de différenciation. L’est deMontréal était un site propice à la mise en place du Stade notamment parce que lui aussisitué dans un quartier pauvre et ouvrier. Les particularités topographiques de la ville,notamment son insularité qui avait été mise en valeur par le succès de l’Expositionuniverselle de 1967 ont pu influencer la perception que les votants avaient de la candidate.Mais la stricte logique de marché n’épuise pas entièrement le mouvement dedifférenciation. C’est en se tournant vers une seconde dialectique qu’on verra que latension entre homogénéisation et différenciation du capital n’est pas autonome, maisévolue de pair avec l’événementiel même.

La dialectique de l’événement ou la plus-value de la ville en fête

La fête olympique tire une partie de son caractère festif du sceau d’exception qui marquece type d’événement. Or, l’événement n’est jamais terminé. C’est un paradoxe qui mérited’être souligné davantage dans l’étude du méga-événement et a fortiori dans une perspec-tive comparative. Si, par définition, l’événement est constitué d’une série d’activités qui sedéploient sur une période limitée, les représentations qu’il lègue viendront teinter lesfuturs discours sur la ville, orienter les horizons d’attente, parfois même laissera-t-il unesérie d’institutions et de manières de faire. La comparaison de la ville olympique et de laville-hôte de la FIFA, sera alors possible non plus seulement avec d’autres villes, mais

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dans son épaisseur temporelle. Comment étaient Montréal et Rio avant les jeux? Que sont-elles devenues après?

Rio de Janeiro a tout à gagner de sortir d’une image qui la confine à la violence, lasamba, la plage et le sexe. Les groupes en faveur perçoivent entre autres, les Olympiquescomme une façon de marquer l’accès du Brésil au club des pays « avancés ». Se joindreaux 50 villes olympiques c’est accéder à un chapitre de l’histoire et être la première du «sud » à le faire.

Lors de la fête olympique, la ville et la nation hôte s’y affichent dans toute leursplendeur et, même s’il est tôt pour traiter du déroulement des jeux de 2016, certainséléments méritent d’être relevés dès maintenant. On notera que la construction de murspour cacher les communautés pauvres, la sécurisation des communautés les plus prochesdu centre-ville, le contrôle accru des marchés publics tout comme la participation descommanditaires habituels des jeux (Coca-Cola, Atos, Dow, GE, Omega, Panasonic, P&G,Samsung, Visa) et le design du site principal par AECOM pointent tous dans le sens d’unehomogénéisation de l’événement olympique.

En effet, pour que la fête sportive en soit une pour le monde entier, elle se doit derépéter des éléments clés tout au long de sa programmation. Le tracé de la torcheolympique symbolise cette globalité. En 1976, le trajet de la flamme, électroniquementtransportée de la Grèce à Ottawa, n’a pas été la vitrine qu’elle représente de nos jours avecun trajet plutôt morne entrant au Québec au tout dernier moment avant de ne passer quepar la partie anglophone de la ville afin d’éviter d’éventuels débordementsindépendantistes. C’est que le parcours de la flamme se veut un « trait d’union », uneillustration de la similitude; pas de la différence. Le trajet ne passa pas non plus par lecentre-ville ni par la rue Sherbrooke où ce qui se voulait un musée à ciel ouvert,l’exposition Corrid-art venait d’être démontée en catastrophe par les autorités parcequ’elle était trop critique des politiques urbanistiques de l’administration municipale.

Si, à Montréal, on cherchait à rapprocher la ville des métropoles les plus «avancées », le maire Drapeau cherchait davantage à doter Montréal d’une image quede la changer. Inspirée par l’expérience de l’Exposition universelle de 1967, jugée unfranc succès avec 50 millions de visiteurs4, et des multiples grands projets urbainss’inscrivant dans la logique fonctionnaliste qui avait cours à l’époque, l’administrationmunicipale cherchait à donner une image à une ville qui, à son sens, n’en avait pas ouen manquait.

Ajoutons que, à sa manière, le Québec des décennies 1960-1970 était un paysémergeant. Il y avait encore peu de temps que la province s’était dissociée d’un gouverne-ment que plusieurs rapprochent encore aujourd’hui d’une dictature soft - le gouvernementDuplessis de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959. Le gouvernement suivant avait procédé à deprofondes réorganisations de l’organisation de l’éducation et de la santé publique. Unmouvement de laïcisation généralisée était également en cours. Mieux encore qu’un paysémergeant, et bien que ce vocabulaire n’ait pas été à la mode à cette époque, le Québec «avait émergé » et devait montrer sa pleine maturité au monde sous la forme d’unecontribution olympique novatrice, du moins sur le plan architectural.

Tout comme le parcours de la flamme olympique, la cérémonie d’ouverture est en soitun rituel, et donc une répétition du même. Mais c’est également le moment privilégié del’expression de la différence, ici nationale et urbaine. On pensera par exemple à lasurreprésentation des Premières Nations et des francophones dans la cérémonie d’ouver-ture de Vancouver 2010. Après tout, si l’expression de l’exception peut êtreinstrumentalisée par le capital c’est que l’événement, olympique ou autre, est une fêteet que par définition cela relève d’une autre temporalité (Crozat et Fournier, 2005). Les

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Olympiques de l’antiquité ne correspondaient-ils pas à un moment de suspension desconflits militaires?

Une partie de la marge, dans ce qu’elle a de plus folklorique, se trouve de la sorte miseau centre, soit par l’entremise du cérémonial d’ouverture, soit par l’événement dans sonensemble. À cette étape des préparatifs olympiques de Rio de Janeiro, il est intéressant deconstater que les groupes militants contre les manières de faire de la ville et du CIOcherchent à diffuser au maximum l’image pré-événementielle d’une ville livrée à l’exclu-sion organisée des classes les moins aisées. De la sorte, ils espèrent qu’en rendant visiblece que les murs tentent déjà de voiler, ils donneront voix aux citoyens moins favorisés etmettront l’accent sur un des aspects qui fait justement la particularité de Rio : ses trèsgrandes disparités.

Dans le cas de Montréal, c’était la première fois, pense Latouche, que le CIO choisissaitd’abord une ville plutôt qu’un pays. L’Association Olympique canadienne avait d’ailleursété froissée du fait que le maire Drapeau ait rendu publique son intention de tenir des jeuxavant même de les en informer. On considérait plutôt Toronto comme une candidatenaturelle. En outre, la candidature de Montréal ferait compétition à celle de Vancouverafin d’obtenir les jeux d’hiver de 19805. Ceci illustre une logique de différenciation queKidd (1992) place dans le contexte des tensions entre indépendantisme québécois etnationalisme canadien. Mais cette logique peut être poussée plus loin dans le sens où lesanglophones et les Québécois voyaient ces préparatifs comme une affaire strictementmontréalaise. La candidature de Montréal a d’ailleurs été réduite par le maire lui-même, àune question d’honneur entre la ville et le CIO. Si Moscou et Los Angeles avaient présentédes plans budgétaires dans leur dossier, Drapeau prétendait qu’il était insultant de ledemander, que cela allait contre l’idéal olympique et que de toute façon, l’intention étaitde tenir des jeux « simples ». Si la stratégie rhétorique a fonctionné, c’est qu’encore une foisla ville se posait en ce qu’elle avait de différent.

En ce qui a trait au déroulement et au legs des jeux, Latouche (2007) considère que,sous les angles du tourisme, de la multiplication des infrastructures de sports et loisir, de laqualité du design et de l’architecture et du logement, les jeux de Montréal furent un échecsur presque toute la ligne. Nous croyons cependant que le tableau n’est pas si noir. D’unpoint de vue fonctionnel, journalistes et athlètes avaient apprécié le Parc olympique etnotamment la proximité des résidences et du stade. La piscine a rapidement exigé desinvestissements massifs, mais est toujours utilisée pour des compétitions et le centre ClaudeRobillard sert toujours. La Tour olympique (pourtant incomplète lors des jeux de 1976) estune attraction touristique importante6 de la ville et le stade lui-même est certainementdevenu son édifice le plus reconnaissable et sans doute le plus (tristement?) célèbre. Avecses 32 poutres en cantilever de béton précontraint, il représente un véritable jalon del’architecture en Amérique et échappe à la « tyranny of the modular approach dominantsince the Renaissance » (Latouche, 2007, p. 206). C’est en somme, pour le meilleur et pourle pire, un élément différenciatif apporté aux jeux, à l’urbanisme et à la ville.

Entre la répétition d’un cérémonial et d’un espace adapté à celui-ci et la célébration del’identité, le déploiement olympique signifie davantage que la construction de monumentsemblématiques. L’œuvre olympique implique la construction d’un espace thématique (LeBel, 2011; Lukas, 2007). L’espace n’est pas limité à l’esthétique et au divertissement etl’espace festif, n’implique pas une improvisation de la trame narrative du paysage, loins’en faut. « La thématisation, en tant que pratique de divertissement, est une entrepriseidéologique qui met l’accent sur certaines valeurs et en voile d’autres » [traduction libre],écrit Lukas (2007, p. 198). Il ajoute :

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Par leur nature, les espaces thématiques sont des lieux qui jouent sur la dichotomie exclusion/inclusion. Puisque la thématisation est un stéréotype – une approximation d’un lieu, d’untemps, d’un événement, d’une culture ou d’une personne – il y a des limites quant à ce quipeut être inclus dans un espace afin de constituer un thème donné. Celle-ci est toujours uneinclusion limitée. De façon similaire, parce que la représentation thématique ne peut couvrirtous les aspects et toutes les nuances de l’original, des éléments doivent être exclus del’espace thématique. La thématisation est toujours une exclusion marquée. En tant queconstruction idéologique de l’espace, elle doit être conçue comme étant à l’intersection desdichotomies de l’inclusion et de l’exclusion et des notions publiques de respect et d’irrespect[traduction libre] (Lukas, 2007, p. 272).

La thématisation a un rôle pédagogique auprès du citadin. Elle crée des comporte-ments pointés comme étant authentiques et acceptables. Comme le thème est omniprésent,les gens qui sont dans l’espace thématisé doivent devenir les « raconteurs » de l’histoirefavorisés par les choix commerciaux et d’aménagement. Pensons aux employés de parcthématique qui portent des costumes précis et dont on contrôle la coiffure ou encore lafaçon de parler (Lukas, 2007) ou, aux artistes de Corrid-art, ou encore aux plus pauvresdes favelas que l’on cache derrière des murs. Aujourd’hui, La Régie des installationsolympiques (RIO) et le Muséum nature de Montréal (qui relève de la Ville de Montréal etrassemble le Jardin botanique, l’Insectarium, le Biodôme et le nouveau Planétarium)travaillent de façon rapprochée afin de donner un nouveau souffle au site olympique etd'en coordonner l’aménagement et la programmation des activités. On a lancé, dans cetteveine, l’Espace pour la vie, en 2011. L’intention est plus que louable et les objectifsambitieux. Il s’agit de créer un espace « évolutif », d’ « expériences immersives », afin de« repenser le lien qui unit l’être humain à la nature »7. Aussi louable que nécessaire, lastratégie mise en place pour atteindre ces objectifs repose essentiellement sur l’organisa-tion d’événements, sur la recherche d’une programmation qui sache faire venir les foulescomme les commanditaires, bref, sur un rapport marchand centré autour de l’avantagecomparatif que constitue une concentration d’institutions à saveurs sportives etscientifiques.

En somme, l’événement festif olympique tout comme le capital sont inscrits entrel’identité et la différence. C’est justement cette différence qui fait que le capital peut ydébusquer une valeur à s’approprier, un urbanisme à construire et à mettre en marché.Identité et différence appellent une troisième dialectique, celle de l’acte même de compar-aison, où s’inscrit cette fois le champ du politique.

La dialectique des droits à la ville

Comparer la ville à d’autres villes révèle la teneur historiquement contingente de chacune,ainsi qu’un courant de fond où les deux se rencontrent. “In many cases, comparison entersinto the description of a place when what is happening here is made part of what ishappening everywhere in ways that make there relevant for here on the basis of such aninvolvement” (Blum, 2007, p. 30). Ainsi, l’acte de comparaison s’effectue à travers lapanoplie des possibles qui interpellent les acteurs de l’urbain. La mise en place, ici desolympiques, mais en fait de tout projet inscrit dans le politique et dans l’espace, s’effectuede façon co-occurrente à une négociation, implicite ou explicite entre les acteurs et lesvisions concurrentes. C’est, entre autres, par l’entremise de l’acte de comparaison que lesvisions de l’avenir entrent en contact et que les groupes sociaux se positionnent sur le plandu politique. L’acte de comparaison est un acte militant qui s'inscrit dans un espace-tempspolitique déterminé. En quelque sorte, il est rendu possible par la « fenêtre d’opportunité »

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(McAdam, McCarthy, et Zald, 1996) que constitue la tenue de l’événement. Au Brésil,cela s’illustre par les forces rassemblées au sein du Comitê social do Pan, mobiliséesautour de la planification des Jeux panaméricains de 2007 à Rio de Janeiro qui constituentaujourd'hui le noyau du Comitê Popular da Copa e Olimpiadas RJ, représentant importantdes mouvements urbains dans le contexte des préparatifs des JO et de la FIFA 2014.

Ces mouvements d’opposition ne sont pas sourds aux expériences olympiques passéeset leurs attentes, craintes et espoirs s’inscrivent dans un processus de comparaison àl’échelle mondiale. Ce phénomène de projection est canalisé par les relations qu'entre-tiennent les mouvements d’opposition actifs avec ceux des villes-hôtes passées. Il estintéressant de constater, comme dans les cas du Brésil et de l’Afrique du Sud, qu’un choixest fait quant aux groupes avec lesquels les coalitions actives entretiennent des relations.Même si un ensemble de facteurs régissent ces relations, nous sommes en mesure desupposer que le succès (ou l’insuccès) des groupes s’opposant aux méga-événementssportifs n’est pas déterminant dans le choix des groupes avec lequel les coalitions activesveulent échanger, mais que se sont plutôt des convergences politiques ou culturelles quisont priorisées. Sinon, pourquoi le seul mouvement citoyen à avoir fait annuler l’organi-sation de JO dans l’histoire, le Citizens for Colorado's future de Denver en 1976, n'est-ilpas devenu la référence pour les nouvelles coalitions actives (Essex et Chalkley, 2004) ?La décision du Comitê Popular da Copa e Olimpiadas RJ d’échanger plutôt avec desgroupes comme le Counter Olympic Network à Londres ou avec des activistes d’Afriquedu Sud, qu’elle soit rationnelle ou intuitive, jette la base des projets jugés comparables.

L’événement met en place des conditions qui tendent à homogénéiser l’espace con-ceptuel et concret. Cette tendance est observable dans les revendications de la coalition demouvements sociaux urbains. Celle-ci, formée de groupes et d’organismes suivant desobjectifs distincts se rejoignent pour poursuivre des objectifs communs le temps du« moment olympique » (Boykoff, 2011). Cette coalition rassemble des militants et desgroupes de natures diverses ; écologiste, féministe, syndicat, parti politique, ONG etcomités citoyens (Densero, Del Corpo, Mela, et Ropolo, 2011; Labrie et Le Bel, 2012;Shaw, 2008). Au-delà de la mise de côté temporaire et partielle de leurs activités propres,la coalition se voit dans l’obligation d’élaborer une vision commune de l’avenir urbain.Soumettant ainsi l'exercice de leur citoyenneté aux astreintes de l’événement. Nouspensons notamment à des mouvements comme le MTST-RJ et le MUCA8. Cela dit, lesgroupes ne vont pas totalement à l’encontre de leur mission, car leurs objectifs spécifiquessont cohérents avec l’agenda commun de la coalition dans la résistance populaire auxméga-événements sportifs. Pensons par exemple aux groupes écologistes qui mobilisentleurs ressources autour d’enjeux qui touchent directement la préservation des sitesévénementiels (Barros de Moura Benedicto, 2008). L’élaboration de cette vision com-mune ne se fait pas sans heurts et peut devenir une source de dissension et de tension ausein de la coalition. Nous avons observé, par exemple, une scission au sein du ComitêPopular da Copa RJ9 ayant mené à la formation de deux groupes distincts.

D’un autre côté, le rapport dialectique du droit à la ville nous apparaît, on l’a déjà vu,à travers la tension entre cette homogénéisation et une différenciation. Cette dernière est àtrouver dans l’opportunité que représentent l’événement et les dynamiques qui le sous-tendent pour l’affirmation d’un projet à teneur identitaire, projet ou vision de la ville quis’est avérée, depuis les années 1970, teintée des valeurs du mouvement altermondialiste(Lenskyj, 2008). L’expression de ce projet se cristallise dans la mise en place de stratégieset d’actions collectives culturellement et historiquement spécifiques qui s’inscrivent dansun « répertoire d’actions » (Tarrow, 1998; Tilly, 1995). Elles répondent à une structured’opportunité politique spécifique et évolutive caractérisée par la mise en place d'un

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régime de gouvernance global dominé par les grands organismes sportifs internationaux(Chappelet, 1991; Forster, 2006; Hayes et Kamarichas, 2011). Des luttes politiques etlégales spécifiques servent de base à la légitimation de nouveaux droits pour les mouve-ments urbains (Holston, 2009), tels les résidents informels du vieux port de Rio quicontestent la vente des terrains publics à des intérêts privés, ce qui met en danger lapossibilité pour eux de rester au centre-ville.

Le cas de Vilà Autodromo, une communauté, légale, sise sur le site du futur villageolympique, illustre bien la dynamique de la tension entre l’universel et le particulier.AECOM a bien conservé la communauté dans les plans du village olympique, misant ducoup sur l’attrait des particularismes locaux, mais les autorités brésiliennes préfèreraientexproprier ses habitants pour laisser davantage de place aux tendances homogénéisatricesde l’aménagement olympique. Les résidents, quant à eux, instrumentalisent la visibilitéinternationale de l’événement pour atteindre leurs objectifs de pérennité.

À Montréal, les mouvements urbains ont joué un rôle marginal lors des préparatifs de1976, mais les propos rapportés du maire Drapeau mettent en lumière la façon dontl’événement peut être conçu comme central dans une stratégie politique.

the only way we’re going to survive is to make our mark not only on this country, but on theentire continent. We must never be poor copies of others. We can only survive if we acceptthe challenge of quality. That’s why I chose Roger Taillibert to build these Olympics. He is thekind of man who once built the pyramids, who constructed the great cathedrals of Europe. Hedid not give me a building. He gave me a creation which will last long after we are gone. Itwill last for centuries (propos rapportés par McKenna, 1976 dans Kidd, 1992)

Cette citation souligne la portée temporelle de l’événement et son importance commeproductrice d’images de marque. À la remise en question des Jeux olympiques par le PartiQuébécois10 ou par des groupes francophones, le maire Drapeau répondait que critiquer latenue des jeux équivalait à nuire au Québec (on trouve le même argument au Brésilaujourd’hui). Du même coup, lorsque des reproches dénonçant une planification tropcentralisée venaient du Canada anglais, il affirmait plutôt que de critiquer les Olympiqueséquivalait à jouer le jeu des forces séparatistes. Kidd (1992) avait fait ressortir l’impor-tance du contexte culturel et politique où se sont joués les Jeux de 1976 où les discoursoscillent entre l’identique et l’altérité, mais c’est là une dynamique qui peut s’appliquer àd’autres sites et d’autres époques. Cela illustre surtout comment les acteurs politiques, touten alimentant des transformations, baignent dans un contexte où joue l’événement et où ilsne sont pas les seuls moteurs des transformations. Cela les oblige à modifier fréquemmentleurs stratégies.

Comme dans le cas des alliances ponctuelles entre mouvements populaires,l’échafaudage institutionnel mis en place par l’État est une structure ad hoc : un organismemunicipal ou national dont la tâche est de mener à bien, d’abord la candidature de la ville-hôte, ensuite la réalisation des jeux est mis en place et celui-ci doit en principe disparaîtrequelques mois après les jeux (Howell, 2009). La vie d’un comité organisateur olympiquea un début un milieu une fin et, idéalement, son capital passera de zéro à zéro ($) aumoment de fermer les livres. Cette structure institutionnelle porte le sceau de l’État ou dugouvernement municipal censé s’inscrire dans la pérennité, mais a pourtant une durée devie limitée d’emblée. Ainsi, non seulement les mouvements urbains, mais également lesstructures de gouverne sont modulés par la fête olympique qui est susceptible de leslégitimer ou des les fragiliser, selon, entre autres, son succès relatif. C’est d’ailleurs àpartir des cafouillages liés à l’organisation des jeux de 1976, aux élections municipales de1974, que l’opposition a commencé à avoir une vraie voix et critiquer l’absence de plan

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d’urbanisme à Montréal, alors que le régime du maire Drapeau n’avait jusque-là pratique-ment pas d’opposition (Latouche, 2007).

Latouche termine son texte avec une question : « so what? ». Car en fin de compte,malgré le déficit titanesque, la ville s’en est remis et peu a changé. Kidd ajoute : “Whilethe Montreal Games created a brief moment of festive intercultural celebration, they didnot unblock the dominant cultural rigidities of the host community” (Kidd, 1992, p. 151).Pourtant, on peut arguer que le climat critique, lui, a radicalement changé, et ce, en partides suites de la tenue de l’événement olympique. La ville et sa manière de mener desprojets d’urbanisme sont dorénavant vues à la lumière non seulement d’une comparaisonavec l’altérité, mais d’avec ce qu’elle aurait pu être si les jeux avaient été différents ous’ils n’avaient carrément pas eu lieu. De fait, la crainte de la répétition du fiasco financierqu’ont représenté les jeux de Montréal vient à servir d’argument pour les groupes quis’opposent aux nouveaux mégaprojets ayant des aspects festifs. Citons l’opposition,réussie, au projet de méga-casino, complexe hôtelier et salle de spectacles du bassinPeel, ou celle, un échec, à l’aménagement d’un Quartier des spectacles.

Aujourd’hui, alors que le stade olympique a besoin d’une nouvelle toiture, les coûts eterrements du passé poussent certains à réclamer un toit fixe (ce qui aurait pourconséquence d’empêcher que Montréal ne reçoive d’autres événements sportifs amateurs,car plusieurs fédérations sportives exigent un espace ouvert). Presque ironiquement, lesgroupes communautaires ayant aujourd’hui des activités dans les deux quartiers quibordent le stade olympique de Montréal demandent qu’on préserve la vocation sportivedu stade et son accessibilité au grand public. Dans ces circonstances, les groupes se voientdans l’obligation de se projeter dans le futur urbain à travers le prisme de l’évènement. Lafête olympique se pose comme une condition à la projection du collectif dans le temps. Lerapport dialectique réside dans la tension entre l'homogénéisation du projet commun lié àl'aspect ponctuel de l’event coalition (Boycoff, 2011, p. 45) et l’opportunité que représentel’événement pour l'affirmation d’objectifs propres. Cette dynamique contradictoire met enévidence les contraintes imposées par les méga-événements sportifs sur l’exercice de lacitoyenneté et dans l’expression de l’action collective.

Conclusion

En mobilisant simultanément et d’une manière si intense des aspects nombreux de laréalité urbaine, les Jeux olympiques cristallisent l’espace urbain comme objet de l’expres-sion et de l’accession à la citoyenneté. Si l’on souhaite s’arrêter à ce phénomène, nouscroyons qu’il importe de jeter un regard qui tienne compte à la fois de l’importancesymbolique de l’événement ainsi que de l’omniprésence du capital globalisé dans lesluttes locales. Les JO nous apparaissent être un exemple particulièrement fort de la façon

Figure 1. L’expérience olympique et sa triple dialectique.

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dont toutes entreprises festives mises en scène dans l’espace urbain participent deplusieurs logiques et constituent des structures d’opportunités pour l’expression de lacitoyenneté. Nous proposons le schéma suivant pour illustrer comment ces mécanismessont imbriqués.

Il importe de comprendre ces trois dialectiques comme un mécanisme intriqué.Chacune des contradictions ne peut être comprise dans son entièreté sans avoir recoursaux deux autres. Toutes les parties transforment et sont transformées par l’événementolympique. La réalité urbaine carioca (ses mouvements urbains et son identité à l’instar deson cadre bâti) modifie le cours des événements tout comme elle se trouve modifiée deson côté par les impacts multiples des jeux. Après tout, “Capital, of course, is not a pureform of command but a social relation, and it depends for its survival and development onproductive subjectivities that are internal but antogonistic to it” (Negri et Hardt, 2009, ix).

La contribution d’une telle lecture se situe justement aux points d’intersection des troisdialectiques. Une analyse des impacts économiques des Jeux olympiques fondée sur unecritique du néolibéralisme aussi justifiée qu’elle soit apparaît exagérément structuraliste sielle ignore les rôles des groupes d’opposition et notamment leur capacité à modifier lecours des événements. Situer ces rapports dialectiques dans des lieux précis et en faisantressortir comment la dynamique ne réduit pas nécessairement les mouvements urbainsopposants au rôle de victime. C’est vrai en amont et en aval de l’événement festif qui peutvenir teinter la lecture de la réalité urbaine. On trouve par exemple sur la couverture dulivre de Auf Der Maur (1976) que « pour la même somme on aurait pu loger 40 000familles, offrir la gratuité des transports publics pendant 10 ans ou bâtir 400 arénas àtravers le Québec ». Une telle comparaison des avenirs possibles souligne les impacts dela perception du succès ou de l’insuccès de la fête olympique.

En outre et d’une certaine façon, le CIO et les promoteurs comptent sur l’inventivité etla rigueur des tissus sociaux inhérents aux mouvements critiques afin d’octroyer une plus-value de nature symbolique, mais non moins réelle, à l’événement. C’est d’autant plusimportant que les jeux de Beijing ont marqué un sommet budgétaire qu’on imagine malpouvoir égaler ou dépasser dans un futur proche. Londres semblait d’ailleurs miser moinssur le capital et davantage sur la singularité et l’inventivité que ne l’a fait Beijing.

L’expérience de Rio de Janeiro permettra peut-être de déterminer avec plus deprécision si les mouvements urbains, en regard à l’événement olympique, développentleur habileté à l’instrumentaliser afin d’atteindre leurs propres objectifs. S’il ne s’agit pas àproprement parler d’une résistance, l’expression du droit à la ville face à la dialectique ducapital et celle de l’événement peut-elle être le fruit d’un apprentissage, d’une constructionau fil des événements olympiques?

Notes1. Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.2. Curi et al. suggèrent que l’érection de murs serait une façon de tenir des mégas-événement

spécifique aux pays du BRICA, mais on peut prétendre que du moment que le terrain a étérendu accessible au regard de l’autre par les médias, la pratique a commencé à se développer.On retrouvait des murs à Montréal, Athènes, Beijing. . .

3. Pour Rio de Janeiro, on avance le chiffre de 90 %.4. Statistique de la Ville de Montréal : http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=4337,

5681774&_dad=portal&_schema=PORTAL.5. À l'époque les jeux étaient tenus au 4 ans. Les épreuves d'été et d'hiver avaient lieux la même

année mais dans des villes différentes. La formule 2 ans arrive en 1994 avec Lillehammer.Nous interprétons ce changement comme une innovation du CIO pour augmenter la reproduc-tion du capital, dans une économie où les échanges s'accélèrent.

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6. Site touristique coté 3 étoiles par le Guide Michelin (http://www.parcolympique.qc.ca/tour-de-montreal/).

7. Sur le site web de l’Espace pour la vie : http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5517,27301639&_dad=portal&_schema=PORTAL

8. Movimento dosTtrabalhadores e Trabalhadoras sem Teto Rio de Janeiro (Mouvement destravailleurs et travailleuses sans abri de Rio de Janeiro) et le Movimento Unido dos Camelôs(Mouvement uni des vendeurs de rue).

9. Ou encore une dissension dans les stratégies de lutte que certains désirent judiciariser alors qued’autres privilégient la voie des négociations.

10. Le Parti Québécois est un parti politique provincial souverainiste qualifié de social démocratequi composait l'opposition officielle entre 1973 et 1976.

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