capital corporel identitaire

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  • CAPITAL CORPOREL IDENTITAIRE ET INSTITUTIONPRSIDENTIELLE : RFLEXIONS SUR LES PROCESSUSD'INCARNATION DES RLES POLITIQUES

    Catherine Achin et al.

    Presses de Sciences Po | Raisons politiques

    2008/3 - n 31pages 5 17

    ISSN 1291-1941

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2008-3-page-5.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Achin Catherine et al., Capital corporel identitaire et institution prsidentielle : rflexions sur les processusd'incarnation des rles politiques , Raisons politiques, 2008/3 n 31, p. 5-17. DOI : 10.3917/rai.031.0005--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. Presses de Sciences Po. Tous droits rservs pour tous pays.

    La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quece soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

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  • Cet article est disponible en ligne ladresse :http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RAI&ID_NUMPUBLIE=RAI_031&ID_ARTICLE=RAI_031_0005

    Capital corporel identitaire et institution prsidentielle : rflexions sur les processus d'incarnation des rles politiquespar Catherine ACHIN, Elsa DORLIN et Juliette RENNES

    | Presses de Sciences Po | Raisons politiques2008/03 - n 31ISSN en cours | ISBN 9782724631227 | pages 5 17

    Pour citer cet article : Achin C., Dorlin E. et Rennes J., Capital corporel identitaire et institution prsidentielle : rflexions sur les processus d'incarnation des rles politiques, Raisons politiques 2008/03, n 31, p. 5-17.

    Distribution lectronique Cairn pour les Presses de Sciences Po. Presses de Sciences Po. Tous droits rservs pour tous pays.La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites des conditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votre tablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire que ce soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur en France. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

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  • dito

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    CATHERINE ACHIN, ELSA DORLIN,JULIETTE RENNES

    Capital corporel identitaireet institution prsidentielle :rflexions sur les processusdincarnation des rles politiques

    Qui prside ?

    Qui sont les chefs dtat 1 ? En 2008, la meilleure rponse cette question reste : des hommes... lchelle mondiale, surenviron 191 tats, on compte en juin 2008 6 femmes Prsidentes 2

    et 5 femmes Premires ministres 3 en exercice. La fminisation dela tte des tats reste donc pour le moins modre. On voudraitnanmoins relever deux modifications dimportance que pourraitmasquer au premier regard cette faiblesse numrique. Dune part,si les femmes restent rares aux positions de pouvoir politique domi-nantes, elles sont rgulirement plus nombreuses depuis les annes

    1. On entend ici par chef dtat la tte dun tat (Head of State) de manire extensive,Prsident ou Premier ministre, quel que soit son mode dlection et quels que soientses pouvoirs : relles prrogatives de gouvernement ou simple reprsentation.

    2. Il sagit de Ellen Johnson Sirleaf au Libria, Cristina Fernandez Kirchner en Argentine,Michelle Bachelet au Chili, Pratibha Patil en Inde, Tarja Halonen en Finlande et deMary McAleese en Irlande.

    3. Luisa Diogo au Mozambique, Angela Merkel en Allemagne, Zinaida Greceani enMoldavie, Ioulia Tymochenko en Ukraine et Helen Clark en Nouvelle-Zlande.

    Raisons politiques, no 31, aot 2008, p. 5-18. 2008 Presses de Sciences Po.

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  • 1990 4 et surtout, elles accdent de plus en plus au statut de pr-sidentiables . Dans de nombreux pays, la premire candidature defemmes au nom de partis majoritaires pour ce type dlection for-tement mdiatise fait cder un verrou et affaiblit lincongruit deleur prsence ce niveau, que lon pense Sgolne Royal candidatedu parti socialiste en France en 2007, ou Hillary Clinton candi-date pour les primaires dmocrates aux tats-Unis en 2008. Dautrepart, du fait de leur visibilit mdiatique et de leurs ressources, cesnouvelles prtendantes la position de chef dtat constituent unegnration de femmes politiques qui diffre de celle qui la prcde.

    La premire gnration de femmes cheffes dtat accdant aupouvoir entre les annes 1970 et 1990 a en effet t domine parles figures de veuves ou d hritires de grandes dynastiesnationales, essentiellement en Asie et en Amrique du Sud, accdantau pouvoir dans des conjonctures critiques et rarement lues ausuffrage universel. Outre la pionnire Suhbaataryn Yanjmaa, veuvedu hros Shbaatar, qui a t cheffe dtat en Mongolie entre 1953et 1954, il faudrait mentionner la premire femme Prsidente, IsabelMartinez de Peron, occupant le poste suprme en Argentine pourdeux ans la mort de son mari en 1974, Lydia Gueiler Tejada,Prsidente de Bolivie entre 1979 et 1980, Violeta Barrios de Cha-morro, Prsidente du Nicaragua de 1990 1997 et Lidia GuelierTejada Corazon Aquino, Prsidente des Philippines de 1986 1992, toutes ayant accd au pouvoir aprs lassassinat de leur mari ;ou encore les Premires ministres hritires : Indira Gandhi enInde (1966-77 puis 1980-84), Benazir Bhutto au Pakistan (1988-90et 1993-95) et Chadrika Kumaratunga au Sri Lanka (1994-2005).

    Au sein des dmocraties occidentales, les cheffes dtat appa-raissent un peu plus tard, essentiellement dans les pays nordiques :Vigdis Finnbogadottir est la premire femme Prsidente lue ausuffrage universel direct en Islande (de 1980 1996), suivie parMary Robinson, Prsidente dIrlande de 1990 1997. La figuremarquante de cette premire gnration est pour lEurope sans nuldoute celle de Margaret Thatcher, Premire ministre du RoyaumeUni de 1979 1990 et membre du parti conservateur ; citonsencore, sans tre exhaustives, Gro Harlem Brundtland en Norvge

    4. Dans la dcennie 1960-69, on dnombre 3 femmes cheffes dtat dans le monde, 4dans la dcennie 1970-79, 11 pour la dcennie 1980-89, 27 pour 1990-99, et enfin13 pour 2000-2007. Source : CAPWIP, Center for Asia Pacific Women in Politics, Women heads of state , http://www.capwip.org.

    6 Catherine Achin, Elsa Dorlin, Juliette Rennes

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  • en 1981 puis de 1986 1996, et Edith Cresson en France de 1991 1992.

    Les figures de veuve, dpouse ou dhritire nont videm-ment pas disparu au sein de la seconde gnration de femmescheffes dtat, mais elles se trouvent concurrences par des profilsde femmes politiques plus diversifis. En Inde, dmocratie gou-verne pendant 16 ans par une femme, les hritires ne sont ainsiplus les seules accder aux postes de responsabilit de lexcutif,mais cohabitent avec les princesses , les hrones , les starsde cinma ou les femmes hindoues modernes , qui disposentdautres sources de lgitimit, manifestant la dmocratisation dupays 5. Dans la mme logique, si quatre femmes avaient accd la prsidence dtats dAmrique Latine avant elle 6, MichelleBachelet est la premire au Chili en 2006 a avoir t lue au suf-frage universel, sur son capital politique propre. Dans ce numro,larticle dAntonieta Vera Gajardo nous montre nanmoins quecette victoire est possible condition dincarner une norme defminit largement imprgne des idologies nationales. De mme,aux tats-Unis, Joan Scott souligne, dans lentretien quelle nousa accord, les stratgies complexes et ambivalentes mises en placepar Hillary Clinton mais aussi par Barack Obama pourchapper aux strotypes qui handicapent les candidats issus desminorits lancs dans la campagne lectorale. Les filires daccsau sommet du pouvoir politique restent bien videmment le pro-duit dune histoire nationale spcifique et sont intimement sou-mises aux conjonctures politiques, mais il est possible de mettreau jour une relative progression de lintgration des femmes dansces chemins baliss, lchelle mondiale 7.

    5. Stphanie Tawa Lam-Rewal, Les femmes et le pouvoir excutif en Inde , His-toire@Politique, no 1, p. 5, http://www.histoire-politique.fr. Elle attribue la visibilitdes femmes dans la politique indienne limpact mobilisateur du mouvement natio-naliste, lengagement du Congrs en faveur de lactivisme des femmes, au poids dela parent dans les logiques de succession, mais aussi des facteurs culturels et sym-boliques comme la popularit de la Desse hindoue , le rle important des femmesrenonantes dans la religion hindoue et lextraordinaire popularit du cinma.

    6. Eva Peron (Argentine), Lidia Gueiler (Bolivie), Rosalia Arteaga (Equateur), Janet Jagan(Guyane anglophone). Voir Brengre Marques-Pereira, Femmes et politique enAmrique Latine. Au-del du nombre, quelle dmocratie de qualit ? , ProblmesdAmrique Latine, no 59, hiver 1005-06, p. 79-101.

    7. Christine Bard, Femmes au pouvoir , Histoire@Politique, no 1, p. 4,http://www.histoire-politique.fr

    Capital corporel identitaire et institution prsidentielle 7

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  • Ce mouvement nous oblige penser la neutralit du pou-voir politique, redcouvrir que le masculin nest pas neutre 8

    et quil modifie en cela la figure de chef dtat.

    Lincarnation des rles politiques

    Pour penser les modifications rcentes de la figure de chefdtat , on dispose en premier lieu de paradigmes et doutils forgspar la sociologie des institutions politiques qui sest dveloppe enFrance depuis la fin des annes 1980, notamment autour des tra-vaux des politistes Jacques Lagroye, Bernard Lacroix et de la revuePolitix. Les institutions, quelles quelles soient (glise, arme,famille, Parlement...), sont apprhendes comme un ensemble depratiques, de tches particulires, de rites et de rgles, mais aussi,indissociablement, comme lensemble des croyances ou des repr-sentations qui concernent ces pratiques 9. Il sagit en somme dintro-duire dans lanalyse des institutions les acteurs et leurs pratiques,les conjonctures, les interactions, et les manires historiquementsitues de penser, de calculer et dagir 10. Un volet danalysecomplmentaire dvoile la manire dont les institutions deviennentdes objets cohrents, autonomes et extrieurs aux individus, chap-pant aux conditions qui les ont vu natre, aux figures qui les ontincarnes ainsi qu leurs usages, bref une approche qui sintresseaux processus dinstitutionnalisation ou dobjectivationsociale 11 . Lun des outils les plus heuristiques de cette approcherside dans la notion de rle , telle quelle a t envisage par lessociologues Peter Berger et Thomas Luckmann 12. Selon eux, si lesinstitutions sont objectives dans le langage, les symboles et lesobjets matriels, elles ne vivent qu travers la manire dont les rlesrattachs linstitution sont tenus. Le rle, cest donc lensemble

    8. Voir Le genre masculin nest pas neutre , Travail, genre et socits, no 3, mars 2000.9. Bastien Franois, Jacques Lagroye, Frdric Sawicki, Sociologie politique, Paris, Dalloz,

    2002, p. 140.10. Brigitte Gati, Entre les faits et les choses. La double face de la sociologie politique

    des institutions , in Antonin Cohen, Bernard Lacroix, Philippe Riutort (dir.), Lesformes de lactivit politique, Paris, PUF, 2006.

    11. Bernard Lacroix, Ordre politique et ordre social. Objectivisme, objectivation etanalyse politique , in Trait de science politique, t. 1, Paris, PUF, 1985, p. 469-565.

    12. Peter L. Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la ralit, trad. delangl. par Pierre Taminiaux, Paris, Mridiens, Klincksieck, 1986 (The Social Construc-tion of Reality, New York, Doubleday, 1966).

    8 Catherine Achin, Elsa Dorlin, Juliette Rennes

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  • des comportements qui sont lis la position quon occupe et quipermettent de faire exister cette position, de la consolider, et surtoutde la rendre sensible aux autres 13 . Cette perspective permetdchapper lopposition strile entre une approche en termesdapprentissage des rles qui fait prvaloir une certaine logiquedes institutions , et une analyse interactionniste qui tend linverse prsenter les rles comme des comportements rsultant des seulesattentes des partenaires.

    Ainsi, comme toute autre institution, une institution politiquene devient sensible aux profanes que par lincarnation de rles. Lerle dlu se trouve dtermin par des processus historiques gnraux(ltat particulier des rapports sociaux en un temps et un lieu donns,ltat des techniques et du champ politique) 14, mais galement parles reprsentations quont les lus de leur mtier. Les normes juridi-ques, les rites, les savoirs accumuls et les routines, les attentes quipsent sur les rles, constituent des contraintes pour les acteurs,qui sont autant des impositions de manires dagir que des ressourcespour laction. La prescription des rles politiques varie en cons-quence selon le type de capitaux dont dispose prioritairement llu-eet le cadre dinteraction dans lequel il ou elle se trouve. Laccentest alors mis sur les diffrentes prises de rles institutionnels, surla relation entre linsertion dun individu dans une classe particu-lire de conditions dexistence 15 et la matrise dont il fait preuvedans laccomplissement des rles prescrits. Au-del des diversesformes possibles de rapport une institution et un rle, il est doncncessaire de rflchir au processus de lgitimation, cest--dire lamanire dont se sont progressivement codifis et institus un type derle et un rapport au rle socialement lgitimes 16.

    Dans cette perspective, linstitution prsidentielle ou plus lar-gement de chef dtat, ne peut plus tre saisie uniquement souslangle des formes juridiquement codifies qui lencadrent et parais-sent en dfinir les usages lgitimes. Il convient linverse derenoncer lillusion de la permanence de linstitution en mettantlaccent sur la fabrique indissociablement juridique, thorique et

    13. Jacques Lagroye, On ne subit pas son rle , Politix, no 38, 1997, p. 7-17, p. 8.14. J. Lagroye, tre du mtier , Politix, no 28, 1994, p. 3.15. Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980, p. 88.16. J. Lagroye, On ne subit pas son rle , art. cit, p. 12.

    Capital corporel identitaire et institution prsidentielle 9

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  • pratique de celle-ci. La construction de linstitution prsidentielleapparat alors comme le rsultat dengagements et dactivits ht-rognes, jamais compltement voulu par quiconque non plus quejamais contrl par personne 17 . Linvention de linstitution pr-sidentielle est nanmoins continue : elle se trouve consolide parles luttes incessantes dont elle est lenjeu, mais surtout par lincor-poration des rgles et des comptences la faisant exister concrte-ment. Affranchie dune histoire indigne de linstitution qui secontente de dcrire les Prsidents successifs, de relayer leurs petitesphrases et leurs portraits, lanalyse peut se concentrer sur la maniredont les dtenteurs du rle prsidentiel habitent leurs fonc-tions 18. Les manires de prsider aux solennits nationales 19 parexemple participent directement de la consolidation de la fonction,en crant un rpertoire identifiant la fonction prsidentielle et ren-forant par l son charisme. Lincorporation se laisse donc appr-hender par lensemble des pratiques gestuelles et discursives de ceuxou celles qui incarnent linstitution, mais galement par les prati-ques de ceux ou celles qui tmoignent par leur distance ou leurdfrence de sa ralit sociale. Sans durcir ou surestimer les rup-tures produites par les changements de rgime, on sait par exemple quel point en France la figure tutlaire du gnral de Gaulle,premier Prsident de la Rpublique de la Ve Rpublique a pes surla dfinition contemporaine du rle prsidentiel et a rendu dlicatelmancipation de ce moule pour ses successeurs 20.

    On voudrait ici reprendre et prolonger ces approches. En effet,si les ressources sur lesquelles sappuient les prsidentiables ont ttudies pour comprendre la maturation de linstitution et la

    17. Jacques Lagroye et Bernard Lacroix (dir.), Le Prsident de la Rpublique. Usages etgenses dune institution, Paris, Presses de la FNSP, 1992, p. 10.

    18. Nicolas Mariot a ainsi dcrypt la formalisation du rle prsidentiel en France depuis1848 partir du continuum des apparitions publiques des Prsidents (voyages, cr-moniels, etc.) Cf. Nicolas Mariot, Cest en marchant quon devient Prsident. La Rpu-blique et ses chefs dtat 1848-2007, Montreuil, Aux lieux dtre, 2007.

    19. La mise en scne de la mort des Prsidents et les loges funbres participent in fine ce processus de dfinition et de lgitimation de linstitution, de mise en scne formesymbolique de la reprsentation. Voir Delphine Dulong, Mourir en politique :lobjectivation des rles politiques dans les loges funbres , Revue franaise de sciencepolitique, vol. 44, no 4, 1994 ; et Pierre-Yves Baudot, La fabrication dune crmoniefunbre : La mort dun prsident de la Rpublique en France (1877-1996) , Fron-tires, vol. 19, no 1, automne 2006, p. 43-48.

    20. D. Dulong, Moderniser la politique. Aux origines de la Ve Rpublique, Paris, LHar-mattan, 1997.

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  • manire daccomplir les rles prescrits, elles se dclinaient essentiel-lement en termes de capitaux politiques, sociaux, culturels ou co-nomiques. De nombreuses recherches ont ainsi bien montr la slec-tion sociale des dirigeants 21, et les divers types de capitaux politiquespossds par les Prsidents qui ont, aussi, contribu dfinir le charisme de linstitution 22. Cependant, le fait que tous ces Pr-sidents taient des hommes, blancs et htrosexuels, a t peu pensen tant que tel. Nous voudrions nous concentrer sur ce pointaveugle qui participe de lillusion de la neutralit sexuelle etraciale des institutions. Si les institutions pensent 23 grce leur esprit , elles ont aussi un corps , et pas nimporte quel corps.En dpit de son apparente naturalit, ce capital corporel identi-taire est tout aussi instable et contingent que les autres types decapitaux investis dans lexercice du mtier politique.

    Prendre au srieux le processus d incorporation loriginede linvention continue de linstitution prsidentielle suppose ainside tenir compte de tous les attributs des dtenteurs de rles, ycompris des plus invisibiliss ou des plus naturaliss, comme liden-tit sexuelle ou la couleur 24. Dans le cadre denqutes en milieuouvrier et populaire, certains sociologues ont ainsi soulign la nces-sit de dpasser les catgories de classement dominantes, en termesde capitaux conomiques et culturels notamment, pour inclure laprise en compte des ressources physiques et des valeurs de viri-lit 25 . Mais tout se passe comme si lon avait jusqu prsent mieux

    21. Daniel Gaxie, La dmocratie reprsentative, Paris, Montchrestien, 2000.22. Bastien Franois, Le prsident, pontife constitutionnel. Charisme dinstitution et

    construction juridique du politique , in J. Lagroye et B. Lacroix (dir.), Le Prsidentde la Rpublique, op. cit., p. 303-332.

    23. Mary Douglas, Comment pensent les institutions ?, trad. de langl. par Philippe Steiner,Paris, La Dcouverte, 1999.

    24. On se rapproche ici de la dmarche des chercheurs travaillant sur les mutations dumilitantisme, qui ont ressenti le besoin de complexifier et de dpasser la notion de capital politique en dfinissant un capital militant autonome, dsignant lesapprentissages confrs par le militantisme, les comptences importes de lextrieuret celles qui sont apprises sur le tas. Voir Frdrique Matonti et Franck Poupeau, Le capital militant. Essai de dfinition , Actes de la recherche en sciences sociales,no 155, 2004/5, p. 5-11.

    25. Par exemple, Grard Mauger a mis en vidence limportance de telles ressources danslinteraction enquteur/enqut. Ces ressources fonctionneraient comme des valeursrefuges du patrimoine de tous, et elles seraient pour certains la seule espce decapital mobilisable, tandis que pour dautres elles ne constitueraient quune compo-sante parmi dautres de leur capital. Grard Mauger, Enquter en milieu populaire ,Genses, no 6/vol. 6, 1991, p. 125-143. Sur les ressources de la virilit en milieu popu-

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  • pens les ressources de la virilit en milieu populaire quau sein desgroupes dominants. En effet, depuis une vingtaine dannes, cestplutt sur la fminit comme ressource et/ou stigmate que sestconcentre lanalyse du genre dans le champ politique. Montrantles mcanismes dexclusion des femmes des hautes sphres de lapolitique dans des socits o les strotypes de la fminit et lesreprsentations du pouvoir se sont construits dans une relation anta-goniste 26, et, linverse, les usages stratgiques qui peuvent trefaits de cette mme fminit, prsente comme un gage de renou-veau des pratiques politiques dans des contextes de crise deconfiance dans les lites dirigeantes 27, ces recherches ont permis demettre en lumire limportance du corps sexu et de ses perceptionssociales dans le fonctionnement des carrires politiques 28. Or nousvoudrions largir ces perspectives dune part, en nous intressantau fonctionnement de la virilit/masculinit comme ressource poli-tique, dautre part, en articulant lanalyse de ces capitaux genrs celle dautres capitaux corporels identitaires. Certes, par dfinition,tous les capitaux sont plus ou moins incorpors. Toutefois, parlerde capitaux corporels identitaires permet de dsigner plus particu-lirement les attributs sociaux biologiss et essentialiss. Ainsi, legenre, la sexualit et la couleur en tant quils sont les effets, ouplutt la marque 29 de rapports sociaux historiquement dter-mins ont pour caractristique de renvoyer, encore aujourdhui, des antagonismes invisibiliss par l ide de nature 30. Le sexe dune personne, son orientation sexuelle , sa couleur ou sa

    laire voir galement les travaux dHugues Lagrange, par exemple Les rapports degenre dans les quartiers sensibles , Les cahiers du rseau public de linsertion des jeunesen le-de-France, 2004, no 12, p. 19-28.

    26. Par exemple : Jane Friedman, Femmes politiques, mythes et symboles, Paris, LHar-mattan, 1997. Odile Krakovitch, Genevive Sellier, liane Viennot (dir.), Femmes depouvoir : mythes et fantasmes, Paris, LHarmattan, 2001.

    27. Voir notamment : Marion Paoletti, Lusage stratgique du genre en campagne lec-torale , Travail, genre, socits, no 11, avril 2004 ; Simone Bonnafous, Femme poli-tique, une question de genre ? , Rseaux, vol. 4, no 120, 2003 ; La parit en prati-ques , Politix, vol. 15, no 60, 2002 ; Catherine Achin, Lucie Bargel, Delphine Dulonget alii, Sexes, genre et politique, Paris Economica, 2007.

    28. Notamment Delphine Dulong et Frdrique Matonti, Lindpassable fminit.La mise en rcit des femmes en campagne , in Jacques Lagroye et al. (dir.), Mobi-lisations lectorales, le cas des lections municipales de 2001, Paris, CURAPP/CRAPS,PUF, 2005, p. 281-303 ; et le dossier Usages politiques du genre , coordonn parDominique Desmarchelier et Juliette Rennes, Mots, no 78, juillet 2005.

    29. Colette Guillaumin, Sexe, race et rapport de pouvoir. Lide de nature, Paris, Ct-femmes, 1992.

    30. Ibid.

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  • race , napparaissent communment pas comme des catgoriespolitiques, mais bien comme des catgories naturelles : ils sont appr-hends comme des identits toujours dj l, dont on ne saisit paslinscription dans des rapports sociaux polariss. En dautres termes,ces capitaux renvoient une identit dont la spcificit est quellemasque sa propre historicit. En parlant de capitaux corporels iden-titaires nous voudrions ainsi tudier comment fonctionnent lesmcanismes didentification implicites qui les gnrent et quelssont les bnfices sociaux et symboliques de ces identifications lis aux rapports de pouvoir de genre, de sexualit et de couleur.

    Ainsi la sexualit ou lorientation sexuelle , bien qutantindissociablement lie au genre dans la construction sociale desidentits politiques nest que rarement apprhende en sciencessociales comme capital ou ressource. Almira Ousmanova montrepourtant dans ce numro que le pouvoir prsidentiel bilorusse seconstitue travers la reprsentation dune htrosexualit triom-phante, celle du petit pre de la nation qui a pour corollaire lastigmatisation de lopposition, travers les mdias dtat, commetant effmine et pdrastique . Quant la race, tout en pouvanttre apprhende sparment du genre, elle en modifie les effets etles usages. Larticle dEric Fassin souligne ainsi que dans la cam-pagne lectorale de 2007-2008 pour les primaires amricaines, lavirilit du candidat Obama na cess dtre politiquement probl-matique ds lors quelle tait travaille par lhistoire amricaine dela perception de la masculinit noire, toujours excessive ou insuf-fisante au regard de la norme de la virilit blanche incarne par lesdominants. Ce type de capitaux, nous souhaitons contribuer lintroduire au cur de lanalyse des institutions, en nous intres-sant aux modalits de leurs intersections et de leurs croisements.En la matire, les apports des approches croises des catgories desexe et de race savrent prcieux, mme si jusquici elles ont davan-tage t mobilises dans lapprhension des processus discrimina-toires que subissent les minorits que dans lanalyse des capitaux etdes ressources des acteurs politiques 31.

    31. Sur lanalyse croise des catgories de sexe et de race voir en particulier KimberlW. Crenshaw, Cartographie des marges : intersectionnalit, politique de lidentitet violence contre les femmes de couleur , in Les cahiers du genre, no 39, 2005 et lesdeux numros de Nouvelles questions fministes sur Sexe et Race, no 1 et 3, 2006.

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  • Au risque de la mixit

    Les outils et les paradigmes dvelopps en socio-histoire desprofessions pour examiner les effets de lentre des femmes et desminorits ethniques sur les identits et les rles professionnels peu-vent galement constituer un dtour opratoire pour notre pro-gramme de recherche. Les tudes relatives aux controverses surlaccs des femmes aux professions diplme historiquement mas-culines ont mis au jour un paradoxe : des professions dfiniescomme intellectuelles , notamment par opposition aux mtiersde force, se voyaient redfinies, dans les argumentaires des oppo-sants la mixit, comme requrant un capital corporel spcifique-ment viril 32. Pour tre un bon avocat, faisaient valoir les avocatshostiles la fminisation entre les annes 1880 et les annes 1930,il faut une rsistance physique et une voix qui porte. Or ces qualitsmanquent aux femmes, sauf celles qui ne sont pas fminines, etlon ne saurait exiger que les femmes soient des hommes 33. Lethoset lhexis professionnels se reconfiguraient ainsi lpreuve de lamixit, non pas en suivant un processus de neutralisation du genre,mais plutt selon une logique de mobilit de genre 34 : pourprserver un territoire de la virilit, des sous-secteurs, des domaines,des activits au sein de tel ou tel univers professionnel se voyaientalors rservs aux femmes (ainsi, sous la Troisime Rpublique fran-aise, au barreau, les affaires de divorce et de garde denfants rputsconvenir laltruisme fminin), tandis que dautres se voyaient red-finis comme exigeant des qualits spcifiquement viriles (telle laprofession davocat daffaire durant la mme priode).

    De la mme manire, comme lont montr des historiens oudes sociologues interactionnistes des professions dans la filiationdEverett Hugues 35, limplicite de lidentit blanche est explicite

    32. Margaret Maruani (dir.), Les nouvelles frontires de lingalit. Hommes et femmes surle march du travail, Paris, La dcouverte, 1998 ; Juliette Rennes, Le mrite et lanature. Une controverse rpublicaine : laccs des femmes aux professions de prestige, Paris,Fayard, 2007.

    33. Fernand Corcos, Les avocates, Paris, Montaigne, 1931. Ce recueil dentretiens avecdes avocats sur larrive des femmes au barreau est analys dans Juliette Rennes, Lemrite et la nature, op. cit.

    34. Concept introduit par Danile Kergoat. Voir notamment, Les cahiers du genre, 2007,no 42.

    35. Everett Hugues, Dilemmes et contradictions de statut , in Everett Hugues, Le

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  • lorsque des minorits tendent accder des professions rputesmarques par des critres de non-discrimination et de mritocratie.Le discours sur la non-conformit professionnelle des trangers, des naturaliss et, dans une certaine mesure, des juifs, et leur per-ception travers les catgories de l exotisme et du grotesque ont travers plusieurs professions librales et fonctions publiques delentre-deux-guerres. En ce qui concerne le barreau, Grard Noiriel,dans Les origines rpublicaines de Vichy, cite les souvenirs de lavocatJacques Charpentier : Nous avions t envahis par des naturalissde frache date, presque tous dorigine orientale dont le langage (...)nous couvrait de ridicule et qui apportaient dans la conduite deslitiges les procds de leurs bazars 36 . Dans le monde universitaire,Christophe Charle a constat, la lecture des commentaires relatifsaux lections des matres de confrence, que les trangers taientrcuss au nom de leur tradition universitaire inassimilable etde leur incapacit remplir le rle social attendu dun professeur la Sorbonne dans sa double dimension : tre un agent de repro-duction de la culture dominante et un reprsentant ltranger delexcellence de la civilisation franaise 37. Dans la haute administra-tion, comme la analys Pierre Birnbaum, cest galement en bonnepartie le strotype nationaliste de lisralite inassimilable quientrave les carrires des juifs dtat par exemple dans les prfec-tures et sous-prfectures de Bretagne, voire qui bloque complte-ment leur admission dans certains grands corps, notamment lIns-pection des Finances, la Cour des comptes et au Quai dOrsay 38.Ces dfinitions normatives de lethos professionnel partir des cri-tres identitaires des dominants sont lorigine pour les minori-taires dune difficult accomplir le processus de conversion iden-titaire qui permet dtre crdible dans lexercice dune profession.Ce processus gagne ainsi tre apprhend au sein dune approcheinstitutionnelle des rles politiques attentive la question du capitalcorporel.

    regard sociologique, textes prsents et rassembls par JM Chapoulie, Paris, d. delEHESS, 1996.

    36. Grard Noiriel, Les origines rpublicaines de Vichy, Paris, Hachette 1999, cit, p. 147.37. Christophe Charle, Les lites de la Rpublique, Paris Fayard, 2006.38. Pierre Birnbaum, Les fous de la Rpublique, Paris, Fayard, 1992, p. 434 et suiv. et

    p. 489 et suiv.

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  • La virilit htrosexuelle blanche du Prsident : un capital politique

    Enfin, notre problmatique est largement redevable des acquisthoriques issus des tudes fministes et de la thorie queer 39. Ensattachant au corps prsidentiable, nous entendons largir les pro-blmatiques relatives lidentit sexuelle et raciale, ordinairementmobilises pour apprhender les groupes historiquement sexualiss,genrs (par exemple, les femmes, les gays et les lesbiennes, les per-sonnes transexuelles, etc.), cest--dire aux minorits sexuelles, ceux qui circulent dans la majorit sexuelle et jouissent des privi-lges attenants cette position : les hommes htrosexuels et plusparticulirement encore, les hommes politiques. Lidentit racialeest inextricablement lie ce privilge sexuel. De la mme faon,nous ne travaillons pas sur les hommes htrosexuels racialiss (par exemple, les migrants, les jeunes des banlieues , les int-gristes ), mais bien sur les hommes dont nul ne sinterroge sur leur couleur . Cette majorit sexuelle peut donc tre qualifie de blanche , au sens prcis o elle est historiquement et socialementcompose dindividus qui ne font pas lexprience du racisme, cest--dire qui ne sont pas racialiss parce quils bnficient sociale-ment de leur blanchit. Pour sen convaincre, il suffit de constatercomment est publiquement peru un homme politique, qui est out parce quil est homosexuel, ou qui est issu des minoritsvisibles 40 ou encore descendant de limmigration post-coloniale.En dcentrant ainsi notre analyse de lintrication des rapports degenre, de sexualit, de couleur, vers les groupes sociaux qui ne sontpas minoriss dans et par ces rapports, nous entendons donc mon-trer comment leur sexe, leur sexualit, leur couleur constituent lamarque de leur position dominante. Nous verrons par exemple,dans larticle Nicolas Sarkozy, ou la masculinit mascarade duPrsident 41 , comment la virilit, si elle a fonctionn en politique et pour les professionnels de la politique comme un privilgehistorique dont il tait inutile de se prvaloir tant il tait effectif,sest transforme, au moins depuis une trentaine dannes, en

    39. Cf. tout particulirement Judith Butler, Bodies that Matter, New York, Routledge,1993 et Judith Halberstam, Female Masculinity, Durham, Duke University Press,1998.

    40. Voir par exemple lexprience de Azouz Begag au gouvernement relate dans Unmouton dans la baignoire, Paris, Fayard, 2007.

    41. Catherine Achin, Elsa Dorlin, Nicolas Sarkozy, ou la masculinit mascarade duPrsident , dans ce numro, p. 19-46.

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  • ressource qui doit tre (r)affirme. Ces ressources sexuelles etraciales ne sont donc pas simplement des positions ou des signesde statut dans le champ des rapports sociaux, mais bien des capitauxquil peut tre utile, voire indispensable, dexploiter politiquement.

    Enfin, le fait que les positions et les identits dominantes puis-sent tre saisies, la fois politiquement et thoriquement, commetant tout aussi historiquement et socialement situes que les posi-tions et les identits minorises , nous semble avoir deux impli-cations majeures. Dune part, lhistoricisation de ces positions etidentits dominantes met en cause leur qualit didentits univer-selles de rfrence, partir desquelles les minorits sont dfiniescomme une dtermination spcifique du Neutre, du Sujet, de lUni-versel. Dautre part, ce travail dhistoricisation, effectu ici partirde ce quil convient dapprhender comme un cas dcole le Pr-sident met au jour les rsistances multiples luvre pour main-tenir en tat la lgitimit des positions dominantes. Comme lcritStuart Hall : Dans les moments de crise, quand les formules adhoc qui servent toutes fins pratiques classer le monde politique(...) deviennent problmatiques, et que de nouveaux problmes etde nouveaux groupes mergent pour menacer et remettre en causeles positions dominantes du pouvoir et son hgmonie sociale, nousnous trouvons dans une situation privilgie pour observer le travailque doit accomplir, au cours de sa formation, une dfinitionconvaincante 42. Cest ce travail de dfinition convaincante ducorps prsidentiable, du corps mme de la Nation, qui est au centrede ce numro. Les articles qui suivent illustrent les diffrents trou-bles que connaissent les positions et les identits dominantes,contraintes de saffirmer en tant que telles dans leurs dterminationshistoriques. Ils montrent galement que ce processus de r-affirma-tion du pouvoir peut paradoxalement miner lhgmonie des iden-tits dominantes et constituer les minorits sexuelles et racialescomme un ple lgitime de contestation.

    42. Stuart Hall, Identits et cultures. Politiques des Cultural Studies, trad. de langl. parMaxime Cervulle et Christophe Jaquet, Paris, Amsterdam, 2007, chap. Dviance,politique et mdias , p. 160.

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