cannes journal de bord jour 6 / toni erdmann

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69e Festival de Cannes COMPETITION JOURNAL DE BORD Retrouvez-nous chaque jour à Cannes avec un film à l’honneur dans notre journal de bord. JOUR 6 TONI ERDMANN / MAREN ADE Projeté samedi dernier au palais des festivals, nous avons souhaité revenir sur TONI ERDMANN, troisième long-métrage de la réalisatrice et productrice allemande Maren Ade. En lisse pour la palme d’or, cette oeuvre singulière a su conquérir le coeur des festivaliers…

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«Quand Ines, femme d’affaires d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son exaspération. Sa vie est parfaitement organisée mais lorsque son père lui pose la question « es-tu heureuse? », son incapacité à répondre est le début d'un bouleversement profond ».

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Page 1: Cannes Journal de bord JOUR 6 / Toni Erdmann

69e Festival de Cannes

COMPETITIONJOURNAL DE BORD Retrouvez-nous chaque jour à Cannes avec un film à l’honneur dans notre journal de bord.

JOUR 6

TONI ERDMANN / MAREN ADE Projeté samedi dernier au palais des festivals, nous avons souhaité revenir sur TONI ERDMANN, troisième long-métrage de la réalisatrice et productrice allemande Maren Ade. En lisse pour la palme d’or, cette oeuvre singulière a su conquérir le coeur des festivaliers…

Page 2: Cannes Journal de bord JOUR 6 / Toni Erdmann

MANAGEMENT «Quand Ines, femme d’affaires d’une grande société allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans préven i r, e l l e ne cache pas son exaspération. Sa vie est parfaitement organisée mais lorsque son père lui pose la question « es-tu heureuse? », son incapacité à répondre est le début d'un bouleversement profond ».

Alors qu’il est encore trop tôt pour spéculer sur la prochaine palme d’or, il semblerait que le film de Maren Ade fasse l’unanimité au sein de la presse qui appelle le jury de George Miller à le récompenser. Les désirs de la critique ne sont pas des ordres, mais il faut bien admettre que TONI ERDMANN est un film brillant à plus d’un titre, qui investit les structures froides et lugubres des grandes entreprises en intégrant une petite anomalie dans le décor…

Ines se persuade de mener la vie qu’elle aime en concentrant toute son énergie sur sa carrière. Son père au contraire est un incurable blagueur, pas toujours de bon goût, dont l’existence est une farce permanente. La présence incongrue de ce personnage antinomique, si elle apparaît au début comme un fardeau, va tout doucement déclencher une spirale burlesque et salvatrice, rattachant le décorum ronflant de

l’entreprise à ses contradictions et à son incompatibilité avec le bonheur.

Toni Erdmann a finalement la même fonction ambiguë que les fous au moyen-âge. En illuminant par ses bouffonneries l’austérité du sacro-saint management, il occupe une double fonction : redonner le sourire à sa fille, mais surtout agir en miroir grotesque, en révélateur pour mieux souligner à travers ses canulars, la vacuité et l’ineptie d’un monde peuplé de costumes trois-pièces, de jolies coi ffures, de conference cal l et de statistiques.

D’une infinie tendresse, TONI ERDMANN conte aussi la reconquête d’une fille par un père, s’entêtant avec une maladresse particulièrement touchante, à éveiller l’enfance moribonde qui se terre depuis des années dans cette femme devenue machine. Cette insistance si elle provoque l’hilarité du spectateur, est aussi une recherche d’identité, une course dramatique contre l’effrayante orthodoxie du modèle sociétal que l’on tente de nous vendre comme étant le secret de la réussite. Ce conformisme navrant, s’il s’est insinué dans notre quotidien (travail, politique, médias, grandes écoles…) est ici conspué et rappelle assez justement qu’il ne faut jamais rien prendre trop au sérieux, surtout lorsque l ’excel lence institutionnalisée est en fait un pastiche de la médiocrité…

Jordan More-Chevalier

Publié le 16/05/16